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N° 1512

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juillet 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]) CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’industrie verte (n° 1443 rect.),

M. Guillaume KASBARIAN,

Rapporteur général,

 

et

 

M. Damien Adam, Mme Anne-Laure BABAULT,
Mme Christine DECODTS et Mme Marie-Agnès POUSSIER-Winsback

Rapporteurs thématiques

——

 

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 1443 rect.


La commission spéciale est composée de :

M. Bruno Millienne, président ;

M. Henri Alfandari, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Olga Givernet, M. Gérard Leseul, viceprésidents ;

M. Charles Fournier, Mme Florence Goulet, Mme Delphine Lingemann, M. Lionel Vuibert, secrétaires ;

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général ;

M. Damien Adam, Mme Anne-Laure Babault, Mme Christine Decodts, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteurs thématiques ;

M. Laurent Alexandre, M. Emmanuel Blairy, M. Philippe Bolo, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Boyer, Mme Maud Bregeon, M. Philippe Brun, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Sophia Chikirou, M. Charles de Courson, M. Hendrik Davi, M. Julien Dive, M. Nicolas Dragon, Mme Alma Dufour, M. Philippe Fait, Mme Sylvie Ferrer, M. Hadrien Ghomi, Mme Clémence Guetté, M. Victor Habert-Dassault, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Timothée Houssin, M. Alexis Izard, M. Sébastien Jumel, M. Mohamed Laqhila, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Mathieu Lefèvre, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, M. Sylvain Maillard, M. Olivier Marleix, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, M. Pierre Meurin, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Christelle Petex-Levet, Mme Michèle Peyron, Mme Anna Pic, M. Dominique Potier, Mme Véronique Riotton, M Xavier Roseren, M. Benjamin Saint-Huile, M. Aurélien Saintoul, M. Raphaël Schellenberger, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Matthias Tavel, M. Jean-Marc Tellier, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, Mme Huguette Tiegna, M. Antoine Villedieu, M. Hubert Wulfranc, M. Frédéric Zgainski.

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos DU RAPPORTEUR Général

Commentaires des articles

TITRE I  mesures destinées à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches

Chapitre I Planification industrielle

Article 1er Fixation d’objectifs de développement industriel dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Article 1er bis AA Création d’une commission régionale pour la gestion des friches

Article 1er bis A Création d’une stratégie nationale « Industrie verte » pour la période 20232030

Article 1er bis Rôle des établissements publics fonciers locaux dans le développement industriel des territoires

Article 1er ter Fixation de cibles indicatives de production pour les composants et matériels nécessaires au déploiement des énergies renouvelables dans la programmation pluriannuelle de l’énergie

Chapitre II Moderniser la procédure de consultation du public

Article 2 Accélération de la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale et modernisation de la consultation du public

Article 2 bis (supprimé) Durée maximale d’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour les projets d’énergies renouvelables situés en zone d’accélération

Article 3 Mutualisation des débats publics et des concertations préalables

Chapitre III Favoriser le développement de l’économie circulaire

Article 4 A Plans territoriaux de l’industrie circulaire

Article 4 Statut de déchet et transfert transfrontaliers de déchets

Article 4 bis (nouveau) Sanctions pénales en cas d’infraction à la législation sur les déchets

Chapitre IV Réhabiliter les friches pour un usage industriel

Article 5 Faciliter les procédures existantes de cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement

Article 5 bis AA Extension du dispositif Attes-Alur aux installations classées non régulièrement réhabilitées

Article 5 bis A (supprimé) Rapport sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans

Article 5 bis Visée industrielle de l’expropriation pour état d’abandon manifeste

Article 5 ter Prise en compte des friches dans les orientations du SCoT

Article 6 Sécuriser les financements relatifs à la mise en sécurité des sites en cas d’exploitation illégale ou de liquidation judiciaire

Article 7 Remplacement des sites naturels de compensation par des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation

Chapitre V Faciliter et accélérer l’implantation d’industries vertes

Article 8 Extension du bénéfice de la procédure de déclaration de projet aux implantations d’industries vertes

Article 9 Accélérer les procédures d’urbanisme applicables aux implantations d’industries vertes ou stratégiques reconnues d’intérêt national majeur

Article 9 bis A  Simplification des conditions de délivrance des autorisations administratives pour les installations de production d’énergie renouvelable en zones d’activités économiques

Article 9 bis  Exclusion de l’artificialisation liée aux implantations industrielles du décompte du « ZAN »

Article 10 Reconnaissance du caractère de RIIPM dans le cadre d’une opération ou de travaux faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique

Article 11 Favoriser la libération de foncier via le remembrement de surfaces commerciales

Article 11 bis Renvoi à un décret pour la mise en œuvre des dispositions du titre I

Article 11 ter  Bilan du dispositif « Territoires d’industrie »

titre ii enjeux environnementaux de la commande publique

Article 12 Création d’un motif d’exclusion en cas de non-respect des obligations de transparence extra-financière

Article 12 bis (nouveau) Dérogation au principe d’allotissement en cas de risque de procédure infructueuse

Article 12 ter (nouveau) Dérogation à la durée de droit commun des accords-cadres pour les activités d’opérateur de réseaux

Article 12 quater (nouveau) Autorisation de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus

Article 13 Mesures de verdissement de la commande publique

Article 13 bis (nouveau) Obligation d’acquisition ou d’utilisation de véhicules « retrofités »  par les acheteurs publics

Article 14 Application outre-mer des dispositions relatives au verdissement  de la commande publique

TITRE III  FINANCER l’industrie VERTE

Article 15 A Assouplissement des procédures de recours à des prestataires mandatés par Bpifrance Assurance Export pour les risques pris sur des acteurs étrangers

Article 15 Obligation générale de référencement des labels d’État dans les contrats d’assurance-vie

Article 16 Création d’un plan d’épargne avenir climat

Article 17 Instauration d’une contribution de l’assurance-vie et du plan d’épargne retraite au financement d’actifs réels et renforcement de la protection de l’épargnant

Article 17 bis Instauration de l’obligation d’une contribution minimale du capital-risque  au financement de la transition écologique

Article 18 Soutien au développement  des fonds européens d’investissement de long terme (Eltif 2.0)

Article 19 Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance afin de soutenir et accompagner le développement des fonds européens d’investissement de long terme

travaux de la COMMISSION SPÉCIALE

1. Réunion du mardi 4 juillet 2023 à 21 heures 30

2. Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 9 heures

3. Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 15 heures

4. Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 21 heures 30

5. Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 9 heures

6. Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 15 heures

7. Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 21 heures 30

LISTES DES AUDITIONNÉS

Liste des personnes auditionnées PAR M. GUILLAUME KASBARIAN, président de la commission des affaires économiques et rapporteur général sur l’ensemble du projet de loi

contributions écrites reçues PAR M. GUILLAUME KASBARIAN, président de la commission des affaires économiques et rapporteur général sur l’ensemble du projet de loi

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR Mme Christine Decodts, rapporteure sur le chapitre ii du titre i

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR Mme MARIE-AgnÈs Poussier- Winsback, rapporteure sur les chapitres iii et iv du titre I

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR Mme anne-laure babault, rapporteure sur le titre II

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M. Damien adam, rapporteur sur le titre III

 


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   Avant-propos DU RAPPORTEUR Général

La politique industrielle menée par le Gouvernement depuis 2017 porte ses fruits. Depuis 2017, après cinquante ans de recul destructeur, la France a créé plus de 90 000 emplois industriels et la France ouvre désormais plus d’usines qu’elle n’en ferme. Elle est aussi, pour la troisième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe en matière d’investissements directs étrangers.

Le pays a donc renforcé son attractivité et sa compétitivité. Il est essentiel de poursuivre cette dynamique, alors que la concurrence internationale est particulièrement forte et que les pays s’organisent pour conquérir leur place dans les révolutions industrielles et énergétiques en cours – à l’image de l’Inflation Reduction Act (IRA) américain.

Le présent projet de loi marque une nouvelle étape majeure dans la politique industrielle de la France : il doit permettre d’accélérer la relance de l’industrie française tout en contribuant à l’atteinte de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Il s’inscrit ainsi dans le droit fil des lois relatives à l’accélération de la production des énergies renouvelables et à l’accélération du nucléaire qui permettent la décarbonation de l’énergie, prérequis indispensable à une industrie plus verte.

Notre industrie est en effet à l’origine de 20 % de nos émissions-carbone. Mais si elle est l’un des problèmes, elle est aussi LA solution car si nous sommes assez efficaces et ambitieux, elle pourra nous fournir les matériaux, les produits et les équipements nécessaires aux énergies, mobilités et consommations décarbonés que nous voulons pour demain.

Je crois profondément que l’industrie permet de réconcilier économie et écologie : c’est par l’innovation, l’investissement, la relocalisation et le développement de la production industrielle dans notre pays, la croissance, qu’il sera possible de réussir le pari de la décarbonation de la France.

Notre modèle français ne doit pas consister à importer tout ce que nous consommons, en faisant marcher des usines à des milliers de kilomètres avec de l’énergie carbonée. Notre modèle français doit être celui de la décarbonation active, de l’indépendance et de la fierté industrielle.

Ce projet de loi représente donc un défi immense, mais également une formidable opportunité. En favorisant en particulier le développement des industries vertes, il facilitera le verdissement de l’ensemble de l’industrie française : aucune activité ne doit être laissée de côté. Ce faisant, il permettra d’accélérer la réindustrialisation de notre pays, de créer des milliers de nouveaux emplois et de reconquérir la maîtrise de nos approvisionnements essentiels tout en nous dotant d’outils de souveraineté dans les secteurs-clé pour l’avenir. Car notre but n’est pas seulement d’être, rapidement, en capacité de répondre avec nos propres usines à ses futurs besoins. Nous portons également l’ambition de faire de la France la première nation européenne de l’industrie verte.

Les dispositions du texte visent ainsi trois objectifs majeurs : d’abord accélérer l’installation et le développement de sites industriels, ensuite favoriser les entreprises vertueuses dans la commande publique et enfin financer la décarbonation de notre industrie et, plus largement, de notre économie.

Je rapporte moi-même deux chapitres du titre Ier : le chapitre I, sur la planification industrielle, et le chapitre V, qui doit permettre de faciliter l’implantation d’industries vertes ou particulièrement importantes pour notre souveraineté.

Ces dispositions sont le fruit d’un important travail préparatoire. Dès le mois de janvier 2023, les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure ont lancé des concertations pour élaborer ce projet de loi. Cinq binômes assurant la coordination des travaux ont été désignés. Ils ont mené plus de 300 auditions et analysé plus de 150 contributions écrites. Parlementaires, élus locaux, dirigeants d’entreprises et représentants de la société civile ont contribué à faire émerger 29 propositions, dont un certain nombre ont été reprises dans le présent projet de loi.

De plus, un groupe de travail préparatoire sur le projet de loi a été créé au sein de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dont les députés Virginie Duby-Muller et Philippe Bolo ont été rapporteurs, et qui réunissait des représentants des 10 groupes politiques de l’Assemblée nationale. Les travaux du groupe de suivi ont pu utilement nourrir les débats en commission.

Je remercie chaleureusement tous ces contributaires pour la qualité de leurs travaux et leur volonté de faire avancer notre politique industrielle. Je suis convaincu que nous pouvons rassembler sur ce texte l’ensemble des Français, au‑delà des clivages politiques traditionnels, et que nous pouvons arriver, ensemble, à faire de notre pays une grande nation industrielle décarbonée.

 

 

 

 


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   Commentaires des articles

TITRE I
mesures destinées à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches

Chapitre I
Planification industrielle

Article 1er
Fixation d’objectifs de développement industriel dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Adopté par la commission avec modifications

 

Afin de faciliter la planification industrielle dans les territoires, l’article 1er ajoute au contenu des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) des objectifs en matière de développement industriel.

La version initiale du projet de loi prévoyait l’intégration de ces objectifs au plus tard lors de la modification du Sraddet rendue  nécessaire par la mise en compatibilité de celui‑ci avec les nouveaux objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables. Le Sénat a préféré aligner l’échéance d’intégration des objectifs en matière de développement industriel avec celle prévue pour l’intégration des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, en repoussant celle-ci d’une année supplémentaire. En commission, l’Assemblée nationale a supprimé le report de cette échéance d’un an.

En séance publique, le Sénat a apporté des précisions sur le rôle du département dans l’élaboration du Sraddet concernant le développement industriel. Il a également institué un préfet coordonateur dans chaque région concernée par la réalisation d’un projet industriel d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique. Ces deux ajouts ont été supprimés en commission par l’Assemblée nationale.

La commission spéciale a également adopté un amendement visant à identifier les friches directement dans le Sraddet.


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I.   Le droit en vigueur

A.   Le Sraddet consacre le rôle de la région en matière de développement economique et d’aménagement des territoires

L’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le conseil régional est compétent en matière de promotion du développement économique et d’aménagement des territoires de la région. L’article L. 1111-9 du même code confie également à la région la qualité de chef de file pour organiser les modalités de l’action commune des collectivités et de leurs groupements s’agissant de l’exercice des compétences relatives à l’aménagement et au développement durable du territoire. Ainsi, le développement industriel, qui soulève tant des questions économiques que des problématiques d’aménagement, s’inscrit pleinement dans le cadre de la compétence des régions.

Pour mettre en œuvre ces compétences, la région dispose d’un outil de planification majeur : le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ([2]), créé par la loi « NOTRe » ([3]) en substitution d’autres outils de planification préexistants  Il est élaboré par les régions à l’exclusion de la région Île-de-France, des régions d’outre-mer et de la Corse, qui disposent de documents de planification spécifiques ([4]).

Les échéances applicables aux modifications du Sraddet prévues par la loi « Climat et résilience »

La loi « Climat et résilience » comporte des dispositions nécessitant la révision du Sraddet.

L’article 83 crée ainsi des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables (EnR), établis par un décret. Le IV de cet article prévoit que ce décret est pris à compter de la première révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui intervient après le 1er janvier 2023. Le  VI du même article prévoit que, dans un délai de 6 mois à compter de la publication de ce même décret, chaque région doit engager la procédure de modification de son Sraddet de sorte que celui-ci soit compatible avec ces objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables. Aucune échéance pour l’entrée en vigueur des Sraddet ainsi modifiés n’est prévue par la loi.

L’article 194 prévoit, par ailleurs, l’introduction dans les Sraddet d’objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, qui doivent se traduire par une trajectoire permettant l’atteinte de l’objectif national « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050, ainsi que par des objectifs intermédiaires de réduction de l’artificialisation, qui doivent être fixés par tranche de dix années. Pour la première tranche de dix années (2021-2031), ce rythme d’artificialisation ne peut dépasser 50 % de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers observée au cours des dix années précédentes (2011‑2021). Le 1° du IV de l’article 194 précise que, pour intégrer de tels objectifs :

l’évolution du Sraddet doit être engagée dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi (soit au plus tard en août 2022) ;

– l’entrée en vigueur du Sraddet ainsi modifié doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de cette promulgation (soit au plus tard en août 2023). Cette échéance a cependant été repoussée de 6 mois par la loi dite « 3DS » ([5]) (soit une nouvelle échéance fixée en février 2024). Une proposition de loi sénatoriale, en cours d’examen devant le Parlement ([6]), propose un nouveau report de cette échéance : le Sénat a adopté un report de douze mois supplémentaires (février 2025), contre six mois seulement à l’Assemblée nationale (août 2024).

Le Sraddet fixe des objectifs de moyen et de long terme dans un certain nombre de domaines énumérés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, parmi lesquels la lutte contre l’artificialisation des sols ([7]), la gestion économe de l’espace ou encore le développement et la localisation des constructions logistiques ([8]). De plus, il est précisé que ce schéma peut fixer des objectifs dans tout autre domaine qui contribue à l’aménagement du territoire, lorsque cela s’inscrit dans le cadre de l’exercice d’une compétence exclusive de planification, de programmation ou d’orientation de la région.

La Sraddet est adopté par le conseil régional puis approuvé par un arrêté du préfet de région. Son élaboration fait intervenir de nombreux acteurs, étatiques comme locaux, au premier rang desquels les collectivités territoriales concernées. Le Sraddet est également soumis pour avis à un certain nombre d’acteurs avant son adoption.

Le Sraddet se compose concrètement d’un rapport consacré aux objectifs du schéma, illustrés par une carte, d’un fascicule de règles générales et de documents annexes ([9]).

B.   L’articulation du Sraddet avec les autres documents de planification et les compétences des autres collectivités

1.   L’articulation du Sraddet avec les documents locaux de planification

L’article L. 4251-3 du CGCT indique la manière dont le Sraddet s’articule avec les autres documents de planification locaux, la libre administration des collectivités territoriales devant nécessairement être préservée. Ainsi, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et, à défaut, les plans locaux d’urbanisme (PLU), les cartes communales ou les documents en tenant lieu ([10]) doivent :

– prendre en compte les objectifs du Sraddet ;

– être compatibles avec les règles générales du fascicule du Sraddet.

Une modification du Sraddet entraîne donc mécaniquement la nécessité d’adapter « en cascade » les autres documents locaux de planification.

2.   La région élabore également un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

Outre le Sraddet, la région élabore un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) ([11]). Celui-ci définit notamment les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional. Ce schéma peut également comporter un volet consacré aux orientations en matières d’aides au développement des activités agricoles, artisanales, industrielles, pastorales et forestières.

3.   Les intercommunalités sont compétentes en ce qui concerne les zones d’activités économiques

Au niveau intercommunal, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont compétents pour créer, aménager, entretenir et gérer les zones d’activité économique, dont font partie les zones d’activité industrielle ([12]). Cette compétence doit donc s’articuler avec le rôle plus général d’aménagement du territoire et de développement économique confié à la région.

II.   le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   L’inclusion d’objectifs de développement industriel dans le Sraddet

L’article premier du présent projet de loi prévoit que le Sraddet fixe des objectifs de moyen et de long termes en matière de développement industriel, notamment pour la localisation des constructions correspondantes. Dans le même temps, afin de tenir compte d’une remarque du Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, la rédaction de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, qui décrit le contenu du Sraddet a été revue afin de clarifier les dispositions relatives aux objectifs de développement logistique ([13]). Le Gouvernement souligne d’ailleurs, dans l’étude d’impact, que la création d’un volet industriel dans le Sraddet est cohérente avec le volet logistique d’ores et déjà existant.

Cette mesure est justifiée par la nécessité d’assurer une meilleure planification des activités industrielles, dans un contexte de raréfaction du foncier illustrée par une récente enquête menée auprès des intercommunalités ([14]), ainsi que de lutter contre l’artificialisation des sols. La région, de par les compétences que la loi lui confère, est présentée comme l’échelon adapté. Cet échelon permet de disposer d’une vision territoriale suffisamment globale, ce qui s’avère particulièrement opportun pour favoriser l’implantation de projets de grande taille. L’enquête précitée souligne qu’actuellement, moins de 10 % des intercommunalités peuvent accueillir une activité nécessitant une surface supérieure à cent hectares (ha), et seules 27 % des intercommunalités peuvent accueillir une activité nécessitant une surface supérieure à cinquante hectares.

De manière plus générale, ces dispositions permettront de renforcer l’attractivité des régions et d’assurer une meilleure cohérence avec les orientations du SRDEII en matière de soutien aux entreprises.

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) regrette toutefois que la planification annoncée se limite à l’ajout du développement industriel au Sraddet et en appelle à une logique encore plus globale en la matière.

Les dispositions de l’article premier s’appliquent uniquement aux régions couvertes par un Sraddet et elles ne s’appliquent donc pas à la Corse, ni aux outre‑mer, ni à l’Île-de-France. L’étude d’impact du projet de loi souligne que le schéma directeur de la région d’Île‑de‑France (SDRIF) doit déjà déterminer la localisation préférentielle des activités industrielles ([15]). Par ailleurs, le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc) détermine la localisation préférentielle (ou les principes de localisation) des activités industrielles ([16]). Enfin, en outre-mer, le schéma d’aménagement régional (SAR) détermine la localisation préférentielle des activités économiques ([17]).

2.   La fixation d’un délai d’intégration de ces objectifs dans le Sraddet

Il est précisé que ces nouveaux objectifs de développement industriel devront être fixés au plus tard lors de la procédure de modification du Sraddet permettant de rendre ce schéma compatible avec les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables (voir encadré supra). L’étude d’impact souligne que le but est que les procédures de révision pour la totalité des Sraddet aient été engagées en vue d’une intégration des objectifs de développement industriel d’ici 2025. Le décret fixant les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables n’est toujours pas paru et est conditionné à l’adoption de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

La modification des Sraddet pour intégrer les objectifs de développement industriel nécessitera également de modifier « en cascade » les autres documents locaux d’urbanisme.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a rappelé la multiplication au cours des dernières années des objectifs que doit contenir le Sraddet, avec « des délais d’intégration différents et souvent très courts ». Il a recommandé au Gouvernement d’indiquer à quelle date l’obligation de fixer ces objectifs entrera en vigueur.

Le choix d’aligner la modification du Sraddet avec le calendrier prévu pour rendre ce schéma compatible avec les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables a été admis par le Conseil d’État. Celui-ci a cependant indiqué qu’il aurait été possible de s’aligner sur le calendrier de mise en œuvre du « ZAN », cette alternative contribuant, à son sens, à améliorer la cohérence du schéma et la visibilité de celui-ci pour les collectivités. Cette alternative aurait également permis de fixer une date précise, puisqu’il est prévu, pour le « ZAN », une date butoir d’entrée en vigueur du Sraddet modifié, contrairement aux objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables, pour lesquels seule une date butoir pour l’engagement de la procédure de modification du schéma est prévue.

B.   Les modifications apportées par le sénat

1.   L’examen en commission

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté l’article premier, en soulignant notamment que la mise en œuvre du « ZAN » implique « un meilleur pilotage, au niveau régional, des implantations industrielles ». Elle a cependant adopté deux séries d’amendements modifiant cet article :

– les amendements identiques COM-341 du rapporteur Laurent Somon (LR), COM-252 de M. Fabien Gay (CRC), COM-165 de Mme Françoise Gatel (UC) et COM-213 de M. Franck Montaugé (SER). Ces amendements disposent que les objectifs de localisation des constructions logistiques et industrielles sont en réalité des objectifs de « localisation préférentielle » : ceci permettrait de mieux préserver les compétences et les initiatives des différentes collectivités territoriales, en n’entrant pas dans un niveau de détail trop important au niveau du Sraddet ([18])  ;

– les amendements identiques COM-318 du rapporteur Laurent Somon et COM-211 de M. Franck Montaugé. Ces amendements prévoient que la modification du Sraddet coïncide, non pas avec la procédure de modification pour rendre ce schéma compatible avec les objectifs régionaux de développement des EnR, mais avec le calendrier d’intégration des objectifs liés au « ZAN ». Cela permettrait ainsi, selon les auteurs des amendements, une meilleure cohérence entre les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de développement industriel. Dans le même temps, ces amendements repoussent de douze mois l’échéance fixée pour l’entrée en vigueur des Sraddet incluant les objectifs liés au « ZAN ». Cette modification de la date d’entrée en vigueur est identique à celle proposée par les sénateurs à l’article 1er de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (voir supra), et que les députés viennent de ramener à 6 mois.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, les sénateurs ont adopté les amendements identiques n° 93 de M. Hervé Marseille (UC) et n° 131 de Mme Nathalie Delattre (RDSE), avec avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement. Les amendements précisent que les conseils départementaux sont associés à l’élaboration du Sraddet pour ce qui concerne le développement industriel. Aujourd’hui, les conseils départementaux sont associés à cette élaboration uniquement en ce qui concerne les problématiques liées à la voirie et à l’infrastructure numérique. Les auteurs des amendements soulignent que les départements doivent pouvoir participer à l’élaboration du Sraddet pour les sujets relatifs au développement industriel, car ils sont aussi impliqués dans celui-ci.

Par ailleurs, les sénateurs ont adopté l’amendement n° 2 de Mme Agnès Canayer (LR), avec avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement. Il prévoit la désignation, par décret, d’un préfet coordonnateur dans chaque région concernée par la réalisation d’un projet d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ([19]). Le préfet sera chargé de la mise en œuvre des projets de développement industriel. Cela doit permettre une meilleure coordination territoriale en la matière et faciliter les démarches d’implantation industrielle.

III.   Les travaux de la commission spéciale

Outre l’adoption de l’amendement de coordination CS1232 et l’amendement rédactionnel CS1233 du rapporteur général, adoptés avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté plusieurs séries d’amendements à l’article premier.

A.   L’idenTification des friches dans le sraddet

La commission a adopté l’amendement CS557 de M. Sébastien Jumel (GDR), avec un avis défavorable du rapporteur général. Cet amendement prévoit que le Sraddet identifie les friches telles que définies par le code de l’urbanisme ([20]), notamment celles dont les bâtiments et terrains revêtent un caractère industriel. Le Sraddet devra également attribuer une évaluation motivée de la mutabilité de chaque friche.

Pour justifier son avis défavorable, le rapporteur général a rappelé que le Sraddet n’est pas l’échelon pertinent pour effectuer un tel recensement : il s’agit d’un document de planification qui n’a pas vocation à préciser ce niveau de détails et la carte qui l’accompagne est réalisée à l’échelle du 1/150 000e ([21]), ce qui ne permettrait pas d’identifier précisément les friches.

De plus, il existe déjà des outils de recensement afin de faciliter la qualification et la réutilisation des friches, en particulier l’outil « Cartofriches » ([22]) développé par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Les observatoires de l’habitat et du foncier ont également une mission de recensement des friches constructibles dans le cadre de leur travail d’analyse des marchés fonciers et de l’offre foncière disponible ([23]).

Enfin, un décret d’avril 2022 prévoit que les objectifs du Sraddet liés à la gestion économe de l’espace et à la lutte contre l’artificialisation des sols sont définis et territorialement déclinés compte tenu du « potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà artificialisés, en particulier par l'optimisation de la densité, le renouvellement urbain et la réhabilitation des friches » ([24]).

B.   La suppression de l’association des conseils départementaux à l’élaboration du sraddet en ce qui concerne le développement industriel

La commission a adopté l’amendement CS1282 du rapporteur général qui supprime l’alinéa 5 de l’article premier. Celui-ci prévoit l’association des conseils départementaux à l’élaboration du Sraddet en ce qui concerne le développement industriel. Or les départements ne disposent pas de compétences propres en matière de promotion du développement économique ou d’aménagement du territoire, celles-ci étant du ressort régional. Ils ne sont d’ailleurs consultés pour l’élaboration du Sraddet que sur des points précis en lien avec leurs compétences (voirie, infrastructure numérique) ([25]).

C.   La suppression des dispositions relatives à l’entrée en vigueur du sraddet modifié

La commission spéciale a également adopté l’amendement CS1279 du rapporteur général et les amendements identiques CS258 de M. Bastien Marchive (RE), CS669 de Mme Lisa Belluco (Ecolo-Nupes), CS737 de M. Vincent Thiébaut (HOR), CS756 de M. Stéphane Delautrette (SOC), CS1168 de M. Frédéric Zgainski (Dem) et CS1269 de M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements suppriment l’alinéa 7 de l’article premier, qui prévoit de reporter de douze mois supplémentaires la date butoir pour l’entrée en vigueur des Sraddet incluant les objectifs liés à la mise en œuvre du « ZAN ».

La commission spéciale a choisi de conserver l’alignement des calendriers d’entrée en vigueur des objectifs liés au ZAN dans les Sraddet et des objectifs liés au développement industriel, voté par le Sénat. Un tel alignement semble cohérent et permet de disposer d’une échéance précise pour l’inclusion des objectifs de développement industriel. La commission a, en revanche, souhaité laisser à la proposition de loi « ZAN » le soin de définir le report éventuel de la date limite d’entrée en vigueur du Sraddet ainsi modifié. La commission mixte paritaire sur cette proposition de loi s’est réunie concomitamment à l’examen du présent projet de loi devant la commission spéciale et a finalement adopté un report de 9 mois pour l’entrée en vigueur des Sraddet incluant les objectifs du « ZAN » – soit une échéance fixée au mois de novembre 2024.

D.   La suppression du préfet coordonnateur

La commission a ensuite adopté l’amendement CS1280 du rapporteur général et les amendements identiques CS899 de M. Mathieu Lefèvre (RE) et CS929 de M. Charles Fournier (Ecolo-Nupes).

Ces amendements suppriment l’institution d’un préfet coordonnateur, introduite par le Sénat à l’alinéa 8 de l’article premier. Cette disposition est en effet redondante avec l’annonce, par le Gouvernement, de la création en début d’année 2023 d’un réseau départemental de sous-préfets chargés d’accompagner le déploiement du plan « France 2030 » et d’accélérer les implantations industrielles et logistiques.

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Article 1er bis AA
Création d’une commission régionale pour la gestion des friches

Introduit par la commission

 

L’article 1er bis AA a été créé en commission, à l’Assemblée nationale. Il instaure, dans chaque région, une commission régionale pour la gestion des friches, avec pour objectif de faciliter le dialogue entre les différentes parties prenantes et de créer un guichet unique régional pour soutenir leur réhabilitation.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’identification des friches

En 2020, la superficie occupée par les friches industrielles en France était estimée entre 90 000 et 150 000 hectares ([26]). La réhabilitation de ces friches participe pleinement au verdissement de l’industrie.

Un travail d’identification et de planification est nécessaire pour permettre d’optimiser cette réhabilitation. Plusieurs outils et moyens sont aujourd’hui mobilisés en ce sens ([27]) :

– l’outil « Cartofriches » du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) ;

– les observatoires de l’habitat et du foncier, qui ont notamment pour mission de recenser les friches constructibles ;

– les Sraddet, qui doivent contenir des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols. Leur déclinaison territoriale doit tenir compte de la réhabilitation des friches. De plus, l’article premier du présent projet de loi ajoute des objectifs de développement industriel au Sraddet, auxquels se rattache naturellement le sujet des friches ;

– en février 2023, le Gouvernement a confié au préfet Rollon Mouchel‑Blaisot une mission ayant comme objectif la mobilisation nationale pour le foncier industriel, dont les trois axes structurants sont le recensement de l’offre de foncier disponible et l’identification de nouveaux gisements (1), la qualification de la demande des entreprises (2) et la facilitation de l’accueil des projets et le développement d’outils de portage des projets de foncier (3). Les collectivités doivent être étroitement associées à cette mission, au premier rang desquelles les régions et les intercommunalités. Les conclusions de cette mission sont attendues à l’été 2023.

B.   la réhabilitation des friches

Outre l’identification des friches disponibles, des mesures de financement et d’accélération de leur réhabilitation sont déjà prévues.

Le chapitre IV du présent projet de loi est consacré à cet enjeu de réhabilitation des friches industrielles. En particulier, l’article 5 doit permettre d’encourager celle-ci en facilitant les procédures de cessation d’activité sur ces sites. L’article 6 améliore l’intervention de l’État concernant les entreprises défaillantes et la mise en sécurité des sites.

Certains outils existent déjà en droit afin de faciliter l’implantation de nouvelles activités : il en va ainsi du droit de préemption des établissements publics fonciers.

Pour la réhabilitation des friches industrielles, le Fonds friches, désormais intégré au Fonds vert, permet de financer de telles opérations. 350 millions d’euros (M€) sont prévus sur quatre ans. Sur les années 2021 et 2022, 750 M€ ont été engagés dans le cadre du fonds Friches ([28]).

La Banque des territoires a également annoncé qu’elle allait investir 1 milliard d’euros dans le cadre du programme « Territoires d’industrie » pour financer des opérations favorisant la réindustrialisation ([29]), parmi lesquelles figurent la réhabilitation de friches. Ce financement peut passer par de l’investissement en fonds propres, des prêts ou un accompagnement en ingénierie ([30]).

C.   La gouvernance régionale sur les sujets de lutte contre l’artificialisation des sols

La question des friches industrielles et de leur réhabilitation est l’une composantes de la problématique de l’artificialisation des sols.

La proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite proposition de loi « ZAN », transforme la conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT) créée par la loi « Climat et résilience » en conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols (article 3 de la proposition de loi).

Cette conférence réunira une cinquantaine de représentants, la très grande majorité de ceux-ci sont des élus locaux (communes, établissements publics de coopération intercommunale et région) ; des représentants de l’État y siégeront également. Un représentant de chaque département siégera à titre consultatif. Elle peut être réunie sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Elle est obligatoirement consultée sur un certain nombre de questions liées à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, parmi lesquels la qualification des projets d’envergure nationale ou européenne et des projets d’envergure régionale. Elle peut aussi formuler une proposition relative à l’établissement des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans le Sraddet.

II.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS558 de M. Sébastien Jumel (GDR), qui ajoute un article additionnel après l’article 1er bis A.

Cet article crée, dans chaque région, une commission régionale pour la gestion des friches, avec un double objectif :

– instaurer un dialogue entre les différentes parties prenantes autour de cet enjeu ;

– disposer d’un guichet unique régional pour la réhabilitation des friches.

La composition de la commission est renvoyée à une délibération du conseil régional, prise après avis conforme des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de PLU ou, à défaut, des communes lorsqu’elles n’ont pas transféré cette compétence. Cette composition devra cependant comprendre obligatoirement un représentant de l’ensemble des établissements publics fonciers et des sociétés d’économie mixte de la région.

Le rapporteur général a émis un avis défavorable à cet amendement, rappelant l’existence de l’ensemble des mécanismes décrits ci-dessus et relatifs à l’identification des friches, leur réhabilitation et la gouvernance autour de ces enjeux – notamment, la création de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols.

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Article 1er bis A
Création d’une stratégie nationale « Industrie verte » pour la période 20232030

Supprimé par la commission

 

L’article 1er bis A est issu de l’adoption d’un amendement en séance publique au Sénat. Il prévoit l’élaboration par l’État d’une stratégie nationale « Industrie verte » pour la période 2023-2030. La commission a rejeté cet article.

I.   Le droit en vigueur

Différents acteurs et outils concourent aujourd’hui à la stratégie française en matière industrielle et plus spécifiquement en matière d’industrie « verte ».

A.   Les acteurs concourant à la stratégie industrielle

En premier lieu, le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique peut s’appuyer sur un ministère délégué chargé de l’industrie, confié au ministre Roland Lescure, ce qui témoigne de l’importance stratégique que ce sujet revêt pour le Gouvernement.

Il existe également un Conseil national de l’industrie (CNI) ([31]), instance consultative placée auprès du Premier ministre. Il a un rôle de conseil des pouvoirs publics sur les questions industrielles. Il est présidé par le Premier ministre ou par le ministre chargé de l’industrie, qui peut le suppléer. Il comprend plusieurs ministres, des représentants des collectivités, de Business France et des chambres de commerce et d’industrie et des métiers de l’artisanat, mais aussi un député et un sénateur.

Des comités stratégiques de filière sont constitués au sein du CNI, afin de travailler sur les sujets propres à chaque filière industrielle. Il existe aujourd’hui 19 comités stratégiques de filière.

B.   Les outils de la stratégie industrielle « verte »

1.   Les plans spécifiques à l’industrie

Le Gouvernement a mis en place en novembre 2021 un plan d’investissement d’avenir baptisé « France 2030 », doté de 54 milliards d’euros (Md€) afin de transformer l’économie française, particulièrement au regard des enjeux écologiques. Parmi les 10 objectifs de ce plan, figure la décarbonation de l’industrie française et de la production d’intrants. Le Gouvernement a également lancé des stratégies plus ciblées, parmi lesquelles :

– « Territoires d’industrie », qui soutient le développement industriel dans les territoires. Ce programme a débuté en 2018 et a été renouvelé pour la période 2023-2027. Entre 2018 et 2022, l’État, les régions et les opérateurs concernés ont engagé 2 Md€ au titre de ce programme, afin de soutenir 149 territoires. Pour la période 2023‑2027, il est prévu une enveloppe annuelle de 100 millions d’euros (M€), ainsi qu’un renforcement « de l’animation et de l’ingénierie locale » ([32]) ;

– une planification écologique, confiée par le Président de la République au ministre délégué chargé de l’industrie, afin de décarboner les cinquante sites industriels les plus émetteurs de CO2.

2.   La planification énergétique et climatique

La planification énergétique se déploie aujourd’hui dans le cadre de la préparation de la future loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), la programmation pluriannuelle de l'énergie, la stratégie nationale bas-carbone et le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). En particulier :

– cinq des six volets de la programmation pluriannuelle de l'énergie doivent préciser les enjeux de développement et de diversification des filières industrielles sur le territoire associés à leur mise en œuvre ([33]). Les objectifs liés au développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération doivent être exprimés par filière industrielle. De manière plus générale, les objectifs quantitatifs de la programmation pluriannuelle et les ressources de l’État correspondantes peuvent être répartis par objectif et par filière industrielle ([34]) ;

– la stratégie nationale bas-carbone doit répartir le budget carbone de la France par grands secteurs d’activité ([35]).

Enfin, le présent projet de loi comporte également des dispositions permettant une meilleure planification en matière industrielle, notamment, à l’article 1er, l’intégration d’objectifs de développement industriel dans les Sraddet.

II.   le dispositif proposé

En séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement n° 149 de M. Franck Montaugé (SER), avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement.

Cet amendement propose que l’État élabore une stratégie nationale « Industrie verte » sur la période 2023-2030. Celle-ci devra :

– déterminer les filières stratégiques pour l’industrie et qui doivent faire l’objet d’un développement prioritaire ;

– favoriser la recherche et l’expérimentation qui participent à la transition écologique ;

– identifier les besoins nationaux en matériaux et produits ;

– tenir compte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols et de décarbonation ;

– définir les engagements attendus pour les acteurs concernés.

Les collectivités territoriales, ainsi que des représentants des acteurs publics et privés pertinents concourent à l’élaboration de cette stratégie. Le Haut-Conseil pour le climat et le CNTE sont également consultés.

La stratégie nationale « Industrie verte » devra s’appuyer sur les travaux du Conseil national de l’industrie et des comités stratégiques de filière.

Elle fera l’objet d’un débat annuel devant le Parlement.

Cet amendement traduit la volonté d’une planification industrielle globale, ce qui doit permettre, selon les auteurs de l’amendement, de mieux identifier les enjeux associés – tout en assurant la bonne association de l’ensemble des parties prenantes. Il fait notamment écho aux travaux d’une mission d’information de la commission des affaires économiques du Sénat sur la souveraineté économique ([36]).

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a rejeté l’article 1er bis A.

Favorable à la suppression de cet article, le rapporteur général a rappelé lors de la défense de son amendement de suppression CS1281, rejeté par la commission spéciale, que l’objet du projet de loi était d’accélérer les procédures liées à l’implantation d’industries grâce à des dispositifs opérationnels. Il a également rappelé les stratégies déjà déployées par le Gouvernement en matière de promotion de l’industrie verte détaillées ci-dessus, en particulier :

– le plan « France 2030 » ;

– les travaux de planification écologique menés par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) dans le cadre de « France Nation verte » ;

– les travaux du Conseil national de l’industrie et des comités stratégiques de filière.

 

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Article 1er bis
Rôle des établissements publics fonciers locaux dans le développement industriel des territoires

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 1er bis renforce le rôle des établissements publics fonciers locaux en matière de développement industriel des territoires, en précisant que les stratégies foncières qu’ils déploient contribuent non seulement à la réalisation de logements, mais aussi au développement industriel, en particulier grâce à l’acquisition et à la réhabilitation de friches.

La commission spéciale a clarifié la rédaction de l’article 1er bis, a supprimé la mention des friches et a étendu de son contenu aux établissements publics fonciers d’État.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les établissements publics fonciers contribuent à l’optimisation du foncier au niveau local

Les établissements publics fonciers sont des établissements publics industriels et commerciaux, qui ont pour mission d’acquérir des terrains. Ils agissent donc dans une logique d’optimisation du foncier au niveau local. Ils peuvent parfois procéder à des travaux préparatoires aux opérations d’aménagement proprement dites.

Il existe aujourd’hui 10 établissements publics fonciers d’État, 23 établissements publics fonciers locaux et 2 établissements publics fonciers et d’aménagement d’État – ce dernier type d’établissement ayant donc à la fois un rôle d’acquéreur et d’aménageur.

Les établissements publics fonciers (EPF) d’État ou locaux peuvent être créés dans les territoires afin de mettre en place « des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le développement durable, la lutte contre l’étalement urbain et la limitation de l’artificialisation des sols » ([37]). Ces stratégies foncières doivent contribuer à la réalisation de logements, notamment de logements sociaux. Ils peuvent aussi contribuer, dans le cadre de leurs compétences, au développement des activités économiques.

Les établissements publics fonciers doivent élaborer un programme pluriannuel d’intervention ([38]) permettant de préciser leurs actions, les moyens afférents, les conditions de cession du foncier, etc. Ce programme doit également tenir compte des priorités mentionnées dans les documents d’urbanisme et des objectifs de réalisation de logements mentionnés dans les programmes locaux de l’habitat.

Afin de mettre en œuvre leurs missions, ces établissements peuvent agir par voie d’expropriation et exercer les droits de préemption et de priorité prévus par le code de l’urbanisme.

Les établissements publics fonciers peuvent également disposer d’une mission d’observation foncière, dans le cadre des observatoires de l’habitat et du foncier.

B.   Les établissements publics fonciers d’État

Les établissements publics fonciers d’État sont placés sous la tutelle du ministre chargé de l’urbanisme. Ils sont créés par décret en Conseil d’État ([39]), dans les territoires où les enjeux d’intérêt général en matière d’aménagement et de développement durable le justifient (l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme). Le conseil d’administration d’un EPF d’État est composé à la fois de représentants de l’État et de représentants des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et, sans voix délibérative, du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et des chambres consulaires.

C.   Les Établissements publics fonciers locaux

Les établissements publics fonciers locaux sont créés par arrêté du préfet de région, après délibération des collectivités territoriales concernées. Les membres de l’EPF local sont représentés au sein d’une assemblée générale, qui élit en son sein un conseil d’administration.

L’une des ressources des EPF locaux est le produit de la taxe spéciale d’équipement.

II.   le dispositif proposé

A.   EN COMMISSION

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement COM319 du rapporteur Laurent Somon, créant l’article 1er bis.

Afin de répondre aux besoins en foncier pour les activités industrielles, cet article modifie l’article L. 324-1 du code de l’urbanisme, qui définit les missions des EPF locaux, afin de préciser :

– que les stratégies foncières mises en place par les EPF locaux peuvent comporter des opérations de renaturation, en lien avec la limitation de l’artificialisation des sols ;

– que ces stratégies contribuent à la réalisation de logements mais aussi au développement industriel, et qu’elles passent notamment par l’acquisition et la réhabilitation de friches ;

– que leur contribution au développement des activités économiques, dans le cadre de leurs compétences, comprend notamment les activités industrielles.

L’article 1er bis modifie uniquement les dispositions applicables aux EPF locaux. Il ne modifie pas les dispositions applicables aux EPF d’État.

Les établissements publics fonciers locaux seraient ainsi de plus en plus sollicités afin d’acquérir du foncier alors qu’une récente enquête menée par le Cerema, Intercommunalités de France et la délégation « Territoires d’industrie » de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) ([40]) a souligné le manque de foncier disponible pour les activités économiques. Le rapporteur du Sénat souligne que, d’après cette enquête, « l’un des freins à une augmentation de la disponibilité du foncier économique par les collectivités est le manque d’outils et d’accompagnement dans la gestion foncière ».

B.   EN SéANCE PUBLIQUE

Cet article a été adopté sans modification en séance publique.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission a adopté les amendements identiques de rédaction globale CS1420 du rapporteur général et CS645 du Gouvernement.

Ces amendements permettent d’appliquer les dispositions de l’article 1er bis à la fois aux établissements publics fonciers locaux et aux établissements publics fonciers d’État.

Ils clarifient la possibilité donnée aux établissements publics fonciers de faciliter les projets d’implantations industrielles dans le cadre de leurs compétences, celles-ci leur permettant déjà de contribuer au développement des activités économiques.

La mention de la mobilisation des friches dans les stratégies qui peuvent être mises en place par les établissements publics fonciers locaux, ajoutée par le Sénat, est supprimée : leur rôle de mobilisation du foncier recouvre déjà cette préoccupation, le détail des modalités d’action de ces établissements publics ayant plutôt vocation à être précisé dans le programme pluriannuel d’intervention qu’ils doivent établir.

La mention des opérations de renaturation que peuvent mettre en place les établissements publics fonciers a été conservée.

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Article 1er ter
Fixation de cibles indicatives de production pour les composants et matériels nécessaires au déploiement des énergies renouvelables dans la programmation pluriannuelle de l’énergie

Supprimé par la commission

 

L’article 1er ter prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe des objectifs indicatifs pour la production nationale de composants et de matériaux nécessaires au développement des énergies renouvelables, en tenant compte des objectifs de puissance installée pour celles-ci. La commission a supprimé cet article.

I.   Le droit en vigueur

La politique énergétique française est définie au niveau législatif ([41]) mais aussi au niveau réglementaire, au travers de documents programmatiques permettant de détailler les objectifs et les priorités de cette politique.

C’est en particulier le rôle de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ([42]), qui définit, pour deux périodes successives de cinq ans, « les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental » ([43]). Cette programmation doit être compatible avec les objectifs de la future loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) et publiée dans un délai de 12 mois suivant l’adoption de cette loi ([44]). Elle est révisée au moins tous les 5 ans.

La programmation pluriannuelle de l'énergie actuellement en vigueur couvre la période 2019-2028 (2019-2023 et 2024-2028) et a été publiée en avril 2020 ([45]). Elle doit donc faire l’objet d’une révision dans les tous prochains mois.

L’article L. 141-2 du code de l’énergie détaille les six volets thématiques de la programmation pluriannuelle. L’un d’entre eux a trait au développement de l’exploitation des énergies renouvelables (EnR) et de récupération. Cinq de ces six volets, dont celui‑ci, doivent par ailleurs préciser « les enjeux de développement et de diversification des filières industrielles sur le territoire, de mobilisation des ressources énergétiques nationales et de création d’emplois ».

L’article L. 141-3 du même code précise que la programmation pluriannuelle de l'énergie doit définir des objectifs quantitatifs ainsi qu’une enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État associées. Cette enveloppe peut être répartie par objectif et par filière industrielle.

Aux termes de ce même article L. 141-3, les objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l’exploitation des énergies renouvelables (EnR) et de récupération de la PPE doivent obligatoirement être exprimés par filière industrielle.

Enfin et pour permettre d’accélérer le développement des énergies renouvelables avant même l’adoption de la loi de programmation énergie-climat,  le Parlement a récemment voté une loi d’accélération de la production des énergies renouvelables, promulguée en mars 2023 ([46]).

II.   le dispositif proposé

A.   en commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement COM347 de M. Bernard Buis (RDPI), avec un avis favorable du rapporteur Laurent Somon. Il prévoit que le volet de la PPE consacré au développement des EnR précise les objectifs de production des principaux composants et matériels nécessaires pour le déploiement de ces énergies. Ces objectifs seront seulement indicatifs et seront fixés en tenant compte des objectifs de puissance installée en matière d’EnR.

Une telle disposition doit permettre de favoriser le développement des filières industrielles nécessaires au développement des EnR en France et de donner de la perspective aux industriels concernés, en fixant des objectifs industriels qui soient cohérents avec nos ambitions en matière de souveraineté énergétique.

B.   En séance publique

Cet article a été adopté sans modification par le Sénat en séance publique.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission a adopté les amendements identiques de suppression CS1306 du rapporteur général, CS740 de M. Henri Alfandari (HOR), CS812 de M. Alexandre Loubet (RN) et CS823 de Mme Nicole Le Peih (RE), avec un avis favorable du Gouvernement.

Le rapporteur général a défendu cette suppression en soulignant que le projet de loi relatif à l’industrie verte n’avait pas vocation à revenir sur les débats ayant déjà eu lieu dans le cadre de l’examen de deux lois relatives à l’énergie et qui viennent d’être promulguées – à savoir, la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables ([47]), d’une part, et la loi d’accélération du nucléaire ([48]), d’autre part. Les travaux en cours et à venir sur la future loi de programmation énergie-climat permettront également d’aborder les problématiques relatives à la structuration des filières industrielles qui concourent à l’atteinte de nos objectifs de politique énergétique.

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Chapitre II
Moderniser la procédure de consultation du public

 

Le titre du chapitre II du titre Ier, initialement intitulé « Moderniser la consultation du public » a été modifié par un amendement de précision rédactionnelle CS1250 de la rapporteure Christine Decodts.

Article 2
Accélération de la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale et modernisation de la consultation du public

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 modifie la procédure d’instruction des demandes d’autorisation environnementale. Il prévoit un déroulement simultané des phases d’examen du dossier de demande et de consultation du public, ces deux phases étant aujourd’hui distinctes et successives. Il crée en outre une nouvelle procédure de consultation du public.

I.   le droit en vigueur

A.   L’instruction des demandes d’autorisatioN environnementale

Depuis le 1er mars 2017 ([49]), le régime de l’autorisation environnementale est défini par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, composé des articles L. 181-1 à L. 181-32.

L’article L. 181-1 du code de l’environnement définit le champ d’application de ce régime, qui concerne les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter des dangers pour l’environnement et la santé. Les porteurs de projets industriels doivent ainsi effectuer une demande d’autorisation environnementale, instruite en parallèle de la demande de permis de construire.

Conformément à l’article L. 181-9 du code de l’environnement, l’instruction de la demande d’autorisation environnementale comporte trois phases distinctes et successives :

– une phase d’examen, au cours de laquelle les services de l’État et l’autorité environnementale examinent le dossier de demande d’autorisation environnementale ;

– une phase de consultation du public ;

– une phase de décision, où un arrêté préfectoral octroie ou non l’autorisation environnementale.

La demande d’autorisation environnementale peut toutefois être rejetée par l’autorité administrative compétente dès la phase d’examen, lorsque celle‑ci fait apparaître que l’autorisation ne peut être accordée en l’état du dossier ou du projet.

1.   La phase d’examen

Le dossier de demande d’autorisation environnementale est adressé au préfet de département, qui délivre un accusé de réception lorsque le dossier comprend toutes les pièces exigées pour l’autorisation. Lorsque l’instruction fait apparaître que celui-ci n’est pas complet ou régulier, ou qu’il ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l’examen, le préfet invite le demandeur à le compléter ou le régulariser dans un délai qu’il fixe, en application de l’article R. 181‑6 du code de l’environnement. Le délai d’examen du dossier peut être suspendu à compter de l’envoi de la demande de complément ou de régularisation, jusqu’à la réception de la totalité des éléments nécessaires.

a.   Les services instructeurs du dossier de demande d’autorisation

L’instruction de la demande d’autorisation est coordonnée par les services administratifs en charge des installations classées lorsque le projet relève principalement d’une ICPE et par les services en charge de la police de l’eau lorsque le projet relève principalement d’un IOTA.

Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine font l’objet d’une évaluation environnementale, prévue à l’article L. 122‑1 du code de l’environnement. Dans ce cas, le dossier présentant le projet comprend la demande d’autorisation déposée ainsi qu’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé « étude d’impact » ([50]). Ce dossier est transmis pour avis à l’autorité environnementale et aux collectivités territoriales intéressées par le projet, qui rendent un avis dans un délai de deux mois.

Selon l’importance du projet, l’autorité environnementale est le ministre chargé de l’environnement, l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) ou l’une de ses missions régionales. Son avis fait l’objet d’une réponse écrite de la part du maître d’ouvrage. Le délai d’examen peut être suspendu par le préfet dans l’attente de la réception de la réponse du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale.

Les avis des collectivités territoriales et de leurs groupements et l’avis de l’autorité environnementale, dès leur adoption, ou l’information relative à l’absence d’observations émises dans un délai de deux mois, ainsi que la réponse écrite du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale sont mis à la disposition du public sur le site internet de l’autorité compétente ou, à défaut, sur le site de la préfecture du département.

Le maître d’ouvrage met à disposition du public l’étude d’impact et sa réponse écrite à l’avis de l’autorité environnementale, par voie électronique au plus tard au moment de l’ouverture de l’enquête publique ou de la participation du public par voie électronique (PPVE).

En outre, différents acteurs peuvent donner un avis selon le type de projet (agence régionale de santé, Office français de la biodiversité, direction générale de l’aviation civile…), dans un délai de quarante-cinq jours. Afin d’assurer le respect des délais, ces avis sont réputés favorables au-delà du délai dans lequel ils auraient dû être rendus.

b.   La durée de la phase d’examen

● La durée de la phase d’examen de la demande d’autorisation environnementale, fixée à l’article R. 181-17 du code de l’environnement, est de quatre mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier, ce délai pouvant toutefois être prorogé. Il est ainsi :

– porté à cinq mois lorsqu’est requis l’avis du ministre chargé de l’environnement ou de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), celui du conseil national de la protection de la nature ou celui d’un autre ministre ([51]) ;

– porté à huit mois lorsque l’autorisation environnementale est demandée après une mise en demeure, en application de l’article L. 171-7 du code de l’environnement ;

– suspendu jusqu’à la réception de l’avis de la Commission européenne (lorsque cet avis est sollicité), des éléments complétant ou régularisant le dossier ou encore des résultats d’une tierce expertise ([52]) ;

– prolongé pour une durée de quatre mois maximum lorsque le préfet l’estime nécessaire, pour des motifs dont il informe le demandeur. Le préfet peut alors prolonger les délais des consultations réalisées lors de cette phase.

● L’article 7 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a mis en place des délais plus brefs dans les zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables. L’article L. 181-9 du code de l’environnement dispose ainsi que, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables et dans la stricte limite de ces zones d’accélération, la durée maximale de la phase d’examen est de trois mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier. Elle peut être portée à quatre mois sur décision motivée de l’autorité compétente. 

Lors de cette phase d’examen, l’instruction des services, l’avis porté par l’autorité environnementale et la réponse écrite du maître d’ouvrage précèdent et conditionnent le lancement de la consultation du public ([53]).

2.   La phase de consultation du public

La Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (dite Convention d’Aarhus) et, à sa suite, la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, prévoient que le public doit être mis en mesure de participer au processus décisionnel en matière d’environnement dès le début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et qu’il peut exercer une réelle influence. L’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, inscrite au préambule de la Constitution, garantit le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

La phase de consultation du public, qui constitue la deuxième phase de la demande d’autorisation environnementale, traduit ces principes conventionnels et constitutionnels.

La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi « Asap », a modifié l’article L. 181-10 du code de l’environnement relatif à la consultation du public. Celle-ci prend la forme d’une enquête publique dans deux cas :

– lorsqu’elle est requise en application du I de l’article L. 123-2 du même code, c’est-à-dire pour les projets devant comporter une évaluation environnementale ;

– lorsque le préfet qui organise la consultation estime, pour le projet concerné, qu’une enquête publique doit être organisée, en fonction de ses impacts sur l’environnement ainsi que des enjeux socio-économiques qui s’y attachent ou de ses impacts sur l’aménagement du territoire.

Dans les autres cas, la consultation du public est réalisée conformément aux dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, c’est-à-dire par une participation du public s’effectuant par voie électronique (PPVE).

a.   Les modalités de désignation et le rôle du commissaire enquêteur

Lorsque la consultation du public est réalisée sous la forme d’une enquête publique, le préfet saisit le président du tribunal administratif en vue de la désignation d’un commissaire enquêteur, conformément à l’article R. 123-5 du code de l’environnement. Pour les projets les plus complexes, le juge administratif peut désigner une commission d’enquête plutôt qu’un simple commissaire enquêteur, en application de l’article L. 123-4 du même code.

Cet article L. 123-4 prévoit que le commissaire enquêteur ou les membres de la commission d’enquête sont choisis par le juge administratif parmi les personnes figurant sur une liste d’aptitude des commissaires enquêteurs établie dans chaque département. Il précise par ailleurs que, dans le cas où une concertation préalable s’est tenue sous l’égide d’un garant conformément aux articles L. 121-16 à L. 121-21 du même code, le président du tribunal administratif peut désigner ce garant en qualité de commissaire enquêteur si ce dernier est inscrit sur l’une des listes d’aptitude de commissaire enquêteur.

L’article L. 123-5 du même code dispose, quant à lui, que ne peuvent être désignées commissaire enquêteur les personnes intéressées au projet à titre personnel, en raison de leurs fonctions électives exercées sur le territoire concerné par l’enquête publique, ou en raison de leurs fonctions, notamment au sein de la collectivité, de l’organisme ou du service qui assure la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre ou le contrôle de l’opération soumise à enquête.

Le commissaire enquêteur est le garant du bon déroulement de la procédure de consultation du public. Il dispose d’une grande liberté quant aux modalités d’organisation de cette procédure (fréquence des réunions d’information et d’échange avec le public, tenue de permanences, modalités de participation…).

Pendant la durée de l’enquête, le public peut consigner ses observations et propositions sur un registre d’enquête, ou faire part de ses observations et propositions par écrit ou par oral au commissaire enquêteur ou à un membre de la commission d’enquête.

Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête remet, à l’issue de la consultation, un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies. Il consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (article R. 123-19 du code de l’environnement). Les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête portent donc sur l’opportunité de l’autorisation environnementale.

Ces conclusions sont opposables juridiquement. Ainsi, l’article L. 123-16 du code de l’environnement dispose que le juge administratif des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête, fait droit à cette demande « si elle comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci ».

b.   La durée de la phase de consultation du public

● En cas d’enquête publique, le délai total de la phase de consultation du public est d’environ trois mois :

– le juge administratif dispose de quinze jours pour nommer le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête, en application de l’article R. 123-5 du code de l’environnement ;

– conformément à l’article L. 123-9 du même code, la durée de l’enquête publique, fixée par le préfet, ne peut être inférieure à trente jours pour les projets soumis à évaluation environnementale. Elle peut être réduite à quinze jours pour les projets ne faisant pas l’objet d’une telle évaluation. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête, chargé de conduire l’enquête publique, peut toutefois décider de prolonger l’enquête publique pour une durée maximale de quinze jours ;

– enfin, le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête dispose d’un délai de trente jours pour rédiger son rapport et ses conclusions motivées.

● En cas de participation du public par voie électronique (PPVE), les observations et propositions du public, déposées par voie électronique, doivent parvenir à l’autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à trente jours à compter de la date de début de la participation électronique du public.

3.   La phase de décision

La décision d’autorisation environnementale intervient dans un délai de deux mois et prend la forme d’un arrêté préfectoral qui fixe les dispositions techniques auxquelles l’installation doit satisfaire. Ces prescriptions portent notamment sur les mesures d’évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l’environnement et la santé, en application de l’article L. 181-12 du code de l’environnement.

B.   Des délais de procédure qui nuisent à l’attractivité économique de la France

Le rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », remis au Gouvernement par M. Laurent Guillot en janvier 2022 ([54]), souligne le retard de la France en ce qui concerne les délais réels des procédures d’implantation d’activités économiques par rapport à ses voisins.

La durée théorique de l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale est de neuf mois.

Délai théorique de la procédure de demande d’autorisation environnementale

Source : Étude d’impact du projet de loi relatif à l’industrie verte.

Après avoir examiné les pratiques de pays voisins de la France, en concentrant ses analyses sur l’Allemagne, la Pologne et la Suède et en veillant à garantir la comparabilité des procédures, le rapport « Guillot » note que la durée théorique des procédures d’implantation d’activités économiques en France est globalement comparable chez ses voisins.

En revanche, la France se distingue par l’écart entre les délais théoriques et les délais réels de ses procédures. Du point de vue du porteur de projet, en prenant en compte les demandes de complément formulées par l’administration, cet écart s’élève à huit mois pour une implantation d’activité industrielle soumise à autorisation environnementale, ce qui porte le délai réel à dixsept mois. Il ressort des entretiens réalisés en Allemagne, en Pologne et en Suède qu’aucun pays parangonné ne présente de tels écarts.

Comparaison des délais théoriques et réels de la procédure d’instruction d’une demande d’autorisation environnementale

Source : Rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », janvier 2022.

 

Selon la mission, en matière d’autorisation environnementale, le délai réel de dix-sept mois en moyenne sur la période 2017-2019 s’explique par :

– les suspensions pour demandes de compléments au pétitionnaire, pour 40 % de cet écart ;

– les délais intercalaires entre les différentes phases de la procédure d’autorisation, également responsables de 40 % de l’écart entre le délai théorique et le délai réel. Ces délais de coordination entre les acteurs de la procédure découlent du caractère séquentiel de cette dernière, en particulier pour l’organisation de l’enquête publique ;

– un dépassement moyen de 1,5 mois du délai réglementaire en phase de décision explique un peu moins de 20 % de l’écart global entre le délai réel et le délai théorique.

Dans ce contexte, le rapport « Guillot » préconise une réforme de la procédure d’autorisation environnementale qui permettrait de renforcer la participation du public et d’atteindre des délais théoriques de six mois et demi grâce à une anticipation de l’enquête publique (proposition n° 7 du rapport).

Le dispositif proposé par l’article du présent projet de loi s’inspire de cette recommandation.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   Le déroulement simultané des phases d’examen et de consultation du public

Le  du I modifie l’article L. 181-9 du code de l’environnement, relatif à l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, afin de prévoir un déroulement simultané des phases d’examen et de consultation du public.

L’instruction comporterait ainsi deux phases au lieu de trois, en application du a) du  du I :

– une phase d’examen et de consultation ;

– une phase de décision.

En conséquence, la limitation à trois mois de la phase d’examen pour les projets de production d’énergies renouvelables situés en zone d’accélération est supprimée par le c) du  du I. Cette disposition, qui avait été introduite à l’article L. 181-9 précité par l’article 7 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, apparaît caduque dès lors que la phase d’examen et la phase de consultation du public sont fusionnées.

Le b) du  du I procède à une modification de coordination.

2.   La création d’une nouvelle procédure de participation du public

● Le  du I crée, pour les demandes d’autorisation environnementale, une procédure spécifique de consultation du public, hybride entre l’enquête publique et la participation du public par voie électronique (PPVE).

Sont ainsi supprimées les dispositions qui figuraient au I de l’article L. 181-10 du code de l’environnement et qui prévoyaient :

– la réalisation d’une enquête publique pour les projets soumis à évaluation environnementale et pour les projets pour lesquels le préfet l’estime nécessaire en raison notamment de leurs impacts sur l’environnement ;

– une PPVE, dans les conditions fixées à l’article L. 123‑19 du même code, dans les autres cas.

Le I de l’article L. 181-10 est réécrit afin de prévoir que la consultation du public est désormais réalisée selon les modalités fixées par l’article L. 181-10-1, nouvel article créé par le  du I.

Il est précisé que lorsque l’instruction de l’autorisation d’urbanisme relative à un projet qui est également soumis à autorisation environnementale nécessite la mise en œuvre d’une enquête publique ou d’une PPVE et que celle-ci n’a pas encore été réalisée, alors la nouvelle procédure de consultation se substitue à cette enquête ou cette PPVE.

Cette nouvelle modalité de consultation du public fait néanmoins l’objet de deux exceptions :

– une PPVE reste organisée en cas d’actualisation de l’étude d’impact, comme cela est déjà prévu lorsqu’une enquête publique a déjà été réalisée, en application du III de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement ;

– une enquête publique unique est organisée si la réalisation du projet requiert une enquête publique dans le cadre d’une procédure autre que l’autorisation environnementale et l’autorisation d’urbanisme. Dans ce cas, l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale est chargée d’ouvrir et d’organiser cette enquête publique unique, dont la durée ne peut être inférieure à un mois.

● Le déroulement de la nouvelle procédure de consultation du public est détaillé dans un nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement, créé par le  du I.

a.   Un meilleur respect du principe constitutionnel de participation du public

Le public serait désormais consulté dès le début de la phase d’examen et pour une période de trois mois, contre un mois aujourd’hui.

En permettant au public de participer au processus décisionnel en matière d’environnement dès le début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles, cette nouvelle procédure de consultation du public permet d’assurer un meilleur respect de la Convention d’Aarhus, de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et de l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004.

b.   La désignation du commissaire enquêteur dès le début de la procédure

Les conditions de désignation du commissaire enquêteur sont précisées au I du nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement.

Dès réception du dossier de demande d’autorisation environnementale, donc avant même le début de l’examen de cette demande, l’autorité administrative saisit le président du tribunal administratif compétent en vue de la désignation d’un commissaire enquêteur chargé de la consultation du public et d’un suppléant en mesure de se substituer à lui sans délai en cas d’empêchement.

Ces désignations s’effectuent dans les conditions prévues aux articles L. 123-4 et L. 123-5 du code de l’environnement (voir supra).

Toutefois, le I du nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement prévoit que, dans le cas où une concertation préalable s’est tenue sous l’égide d’un garant conformément aux articles L. 121-16 à L. 121-21 du même code, le président du tribunal administratif désigne ce garant comme commissaire enquêteur et ce, même s’il ne figure pas sur la liste d’aptitude des commissaires enquêteurs. Il peut toutefois s’y opposer par une décision motivée.

Dans le cadre de l’enquête publique, le garant, pour être nommé commissaire enquêteur, devait obligatoirement figurer sur cette liste d’aptitude, conformément à l’article L. 123-4 précité.

La seule condition fixée par le I du nouvel article L. 181-10-1 est que le garant satisfasse aux conditions prévues par l’article L. 123-5, c’est-à-dire qu’il ne soit pas intéressé par le projet à titre personnel.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le fait qu’en cas de concertation préalable, le garant assure également la conduite de la nouvelle consultation du public permet de « favoriser un continuum dans la participation du public ».

c.   Une durée de consultation du public portée à trois mois

Le II du nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement allonge la durée de la consultation du public d’un mois à trois mois.

Cette amélioration des conditions de consultation du public ne se fait pas au prix d’un allongement des délais de demande d’autorisation environnementale, dans la mesure où la consultation débute dès le début de la procédure et non après la phase d’examen de la demande. Comme le note le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi, « la nouvelle forme de participation du public […] permet à celui-ci de faire valoir ses observations sur le projet à un stade plus précoce ».

Le public est ainsi mieux associé à la procédure : il est précisé que la consultation a pour objet « d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration de la décision. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de la consultation sont prises en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision. ». Cette nouvelle consultation permet ainsi d’assurer une grande interactivité et favorise la possibilité effective, pour le public, d’améliorer le projet.

La consultation du public se rapproche de la PPVE en ce qui concerne :

– les modalités d’information du public, qui sont les mêmes que pour la PPVE. Le public est ainsi avisé de l’ouverture de la consultation par un avis mis en ligne, ainsi que par un affichage en mairie ou sur les lieux concernés et, selon l’importance et la nature du projet, par voie de publication locale quinze jours avant l’ouverture de la consultation ;

– les modalités de consultation du dossier de demande d’autorisation, qui sont également identiques à celles prévues pour la PPVE. Le dossier est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures ainsi que dans les espaces France Services et dans la mairie de la commune d’implantation du projet.

L’étude d’impact, quand elle est requise, est mise à disposition du public au plus tard au moment de l’ouverture de la consultation.

Enfin, les avis recueillis par l’administration sur la demande d’autorisation, ou l’indication d’une absence d’avis résultant de l’expiration des délais impartis, sont mis à la disposition du public sans délai au fur et à mesure de leur émission. Cette diffusion des différents avis « en temps réel » améliore la transparence de l’information. Comme indiqué dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « elle permettra à chacun de connaître, au fur et à mesure de leur émission, les avis de tous, y compris ceux des administrations et de l’autorité environnementale, qui dispose de deux mois pour rendre le sien. Les délais sont donc organisés pour que cet avis soit visible un mois comme aujourd’hui ».

d.   Une consultation du public plus interactive et transparente

Le III du nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement précise les différentes étapes de la consultation.

Le commissaire enquêteur doit organiser deux réunions publiques au début et à la fin de la période de consultation, en présence du porteur de projet.

Plus précisément, le III dispose que la consultation est conduite par le commissaire enquêteur de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision, selon les modalités suivantes :

– dans les quinze jours suivant le début de la consultation, le commissaire enquêteur organise une réunion publique d’ouverture avec la participation du pétitionnaire (1° du III) ;

– le public peut faire parvenir ses observations et propositions, pendant la durée de la consultation, par courrier électronique ainsi que par toute autre modalité précisée dans l’avis d’ouverture de la consultation (2° du III) ;

– les observations et propositions transmises par voie électronique sont accessibles sur un site internet désigné dans des conditions fixées par voie réglementaire (3° du III) ;

– les réponses éventuelles du pétitionnaire aux avis mis en ligne et aux observations et propositions du public sont transmises et publiées dans les mêmes conditions, y compris lorsque ces réponses ont été formulées lors d’une réunion publique (4° du III). L’étude d’impact annexée au présent projet de loi précise que « les réponses du pétitionnaire, que ce soit aux observations du public ou aux avis rendus, seront communiquées en temps réel. ».

– dans les quinze derniers jours de la consultation du public, le commissaire enquêteur organise une réunion publique de clôture avec la participation du pétitionnaire. Il recueille les observations des parties prenantes jusqu’à la clôture de la consultation (5° du III).

Enfin, les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation sont réputées faire partie du dossier de demande d’autorisation, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu’elles n’en modifient pas l’économie générale. Cette disposition permet de s’assurer que les améliorations du projet qui résultent de la prise en compte des observations du public et des réponses du porteur de projet ne vicient pas la consultation réalisée et n’obligent pas à la refaire, sauf naturellement si elles remettaient en cause l’économie globale du projet.

e.   La remise du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur

Le IV du nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement prévoit que le commissaire enquêteur rend son rapport et ses conclusions motivées à l’autorité administrative, après échange avec le pétitionnaire et dans un délai de trois semaines après la clôture de la consultation du public (contre trente jours aujourd’hui).

Le rapport fait état des principaux éléments relatifs au projet recueillis lors de la consultation du public et comporte une synthèse des observations et propositions du public et des réponses du pétitionnaire.

Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics.

La réception de ce rapport et de ces conclusions motivées, ou l’expiration du délai de trois semaines, met fin à la phase d’examen et de consultation et ouvre la phase de décision. Ainsi, un retard dans la réception du rapport ne bloquera plus la poursuite de la procédure de demande d’autorisation environnementale.

Par ailleurs, les conclusions du commissaire enquêteur n’auraient plus la même portée juridique, dans la mesure où la suspension automatique de la décision d’autorisation environnementale par le juge des référés en cas d’avis défavorable du commissaire enquêteur, prévue dans le cadre de l’enquête publique par l’article L. 123-16 du code de l’environnement, ne s’appliquerait pas à la nouvelle procédure de consultation du public.

Il est enfin précisé que, dans tous les cas, le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions formulées pendant la consultation et des réponses du pétitionnaire.

● Le tableau suivant récapitule les différences entre l’enquête publique et la nouvelle procédure de consultation du public.

Comparaison de l’enquête publique
et de la procédure de consultation du public

 

Enquête publique

Consultation du public (projet de loi initial)

Consultation du public (modifications du Sénat)

Tiers de confiance

Commissaire enquêteur ou commission d’enquête

Commissaire enquêteur

Commissaire enquêteur ou commission d’enquête

Mode de désignation

Tribunal administratif

Tribunal administratif

Par défaut, le garant est désigné commissaire enquêteur, même s’il n’est pas inscrit sur la

liste d’aptitude

Tribunal administratif

Délai de désignation

15 jours après la demande d’organisation de l’enquête

Dès réception du dossier

-

Publicité

Mise en ligne, affichage sur site, insertion dans la publicité locale

Mise en ligne, affichage sur site, insertion dans la publicité locale

-

Durée

30 jours avec prolongation possible de 15 jours

3 mois

-

Démarrage

Après la remise de l’avis de l’autorité environnementale

Dès le début de la phase d’examen

-

Support

Dématérialisé et papier

Dématérialisé par défaut

-

Recueil des observations

Obligatoire : courriel, registre papier, permanences physiques

Facultatif : registre dématérialisé

Obligatoire : courriel

Facultatif : toute modalité prévue dans l’avis d’ouverture

Mise en ligne sur une plateforme unique

Obligatoire : courriel ou courrier postal

Facultatif : toute modalité prévue dans l’avis d’ouverture

Mise en ligne sur une plateforme unique

Réunions publiques

Facultatives

Obligatoires

-

Contradictoire

Établissement d’un procès-verbal de synthèse et réponse possible du pétitionnaire

Échanges en continu entre le pétitionnaire et le public

-

Livrables

Rapport et conclusions motivées sous 30 jours avec possibilité de report

Rapport et conclusions motivées sous 3 semaines sans possibilités de report

-

Reddition des comptes

Possibilité d’une réunion dans les 2 mois qui suivent la fin de l’enquête

Pas de reddition des comptes par le commissaire enquêteur

-

Clôture de l’enquête

Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics par voie dématérialisée et sur le lieu où ils peuvent être consultés sur support papier

Le rapport et les conclusions motivées sont

rendus publics

-

Source : Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE), tableau modifié par le Sénat.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le déroulement simultané des phases d’examen et de consultation du public et la nouvelle procédure de consultation du public permettront « de gagner trois mois une fois le dossier déposé, et même souvent davantage, en évitant les temps de passage de relais ou de blocage entre administrations ».

Délais de la nouvelle procédure de demande d’autorisation environnementale

Source : Etude d’impact annexée au projet de loi relatif à l’industrie verte.

Le Gouvernement a en outre précisé, dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, qu’un accompagnement renforcé du demandeur serait mis en place pour qu’il soit à même de bien identifier les enjeux, notamment environnementaux, et d’y apporter les réponses adaptées.

3.   Entrée en vigueur

Les dispositions de l’article 2 du présent projet de loi doivent s’appliquer aux demandes d’autorisation environnementale déposées à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard un an après la promulgation de la loi relative à l’industrie verte, conformément au II.

4.   Dispositions rédactionnelles de coordination

Plusieurs dispositions de coordination rédactionnelle tirent les consé­quences de la création de la nouvelle procédure de consultation du public mentionnée à l’article L. 181-10 et détaillée au nouvel article L. 181-10-1 du code de l’environnement, en ce qui concerne :

– les dérogations à la procédure de consultation du public pour les projets relevant du ministère de la défense ou soumis à des règles de protection du secret de la défense, prévues à l’article L. 181-31 du code de l’environnement modifié par le  du I ;

 la liste des différentes formes que prend la participation du public, qui figure à l’article L. 123-1-A du code de l’environnement modifié par le  du I ;

– la suspension, par le juge administratif des référés, d’une décision prise sans que la participation du public ait eu lieu, alors qu’elle était requise, prévue au deuxième alinéa de l’article L. 123-16 du code de l’environnement supprimé par le  du I. Cette disposition est déplacée dans un nouvel article L. 123-1-B du même code, créé par le  du I ;

– la liste des projets faisant l’objet ou non d’une enquête publique, définie au I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement modifié par le  du I ;

– la participation d’États frontaliers à la procédure de consultation du public lorsque le projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement de ces États, prévue à l’article L. 123-7 du code de l’environnement modifié par le  du I ;

– les projets concernés par la procédure de PPVE, prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement modifié par le 10° du I.

B.   Les modifications apportées par le sénat

1.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a modifié l’article 2 par l’adoption de quatre amendements.

Trois d’entre eux visent à ajuster la nouvelle procédure de consultation du public :

– L’amendement COM-270 du rapporteur pour avis Fabien Genet a supprimé la désignation par défaut du garant comme commissaire enquêteur. Cette disposition prévoyait que, lorsqu’une concertation préalable s’est tenue sous l’égide d’un garant, le juge administratif désigne le garant de la concertation comme commissaire enquêteur pour la consultation du public, même s’il ne figure pas sur la liste d’aptitude des commissaires enquêteurs.

Dans le droit en vigueur en matière d’enquête publique, le juge ne peut désigner le garant que si celui-ci est inscrit sur la liste d’aptitude des commissaires enquêteurs.

Alors que la disposition supprimée visait à favoriser un continuum dans la participation du public, la commission a estimé qu’elle créait de la confusion entre le rôle de garant et celui de commissaire enquêteur ;

– L’amendement COM-351 rect. bis de M. Michel Dagbert (Rassem­blement des démocrates, progressistes et indépendants) prévoit la possibilité de désigner une commission d’enquête à la place d’un commissaire enquêteur unique, comme c’est le cas dans le cadre de la procédure actuelle d’enquête publique pour les projets les plus complexes ;

– L’amendement COM-185 de Mme Angèle Préville (Socialiste, Écologiste et Républicain) permet au public de faire parvenir ses observations et propositions par courrier électronique ou par voie postale. La rédaction actuelle de l’article 2 ne prévoyait pas obligatoirement cette dernière possibilité, en renvoyant à l’avis d’ouverture de la consultation le soin de définir les modalités admises de transmission des observations et propositions.

Enfin, la commission a adopté un amendement COM-271 de coordination légistique à l’initiative du rapporteur pour avis Fabien Genet.

Il convient de noter que l’ordre de présentation des articles du code de l’environnement créés ou modifiés par le présent article 2 a été modifié lors du montage du texte par les services de la commission afin de privilégier une présentation de ces articles par ordre croissant de référence.

2.   L’examen en séance publique

Le Sénat n’a pas modifié l’article 2 en séance publique.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté dix-sept amendements à l’article 2.

● Treize d’entre eux sont rédactionnels :

– les amendements CS1251, CS1252, CS1253, CS1254, CS1255, CS1256, CS1257, CS1258, CS1259, CS1260 et CS1261 de la rapporteure Christine Decodts ;

– l’amendement CS639 de Mme Delphine Lingemann (Démocrate) ;

– l’amendement CS18 de M. Jérôme Nury (Les Républicains).

● La commission spéciale a, en outre adopté, quatre amendements identiques CS119 de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains), CS257 de Mme Marie Lebec (Renaissance), CS743 de M. Vincent Thiébaut (Horizons et apparentés) et CS1166 de Mme Delphine Lingemann (Démocrate), avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Afin de ne pas ralentir la procédure d’autorisation environnementale et donc la réalisation de projets bénéfiques pour les territoires, ces amendements visent à sanctionner les recours abusifs contre les décisions d’autorisation environnementale. Ils complètent ainsi l’article L. 181-17 du code de l’environ­nement pour prévoir que, lorsque le droit de former un recours contre une décision d’autorisation environnementale est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire de l’autorisation, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner son auteur à lui verser des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Élan », les recours abusifs contre les décisions d’attribution de permis de construire, de démolir ou d’aménager peuvent être sanctionnés, en application de l’article L. 600‑7 du code de l’urbanisme. Ces quatre amendements identiques étendent donc cette disposition au contentieux de l’autorisation environnementale.

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Article 2 bis (supprimé)
Durée maximale d’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour les projets d’énergies renouvelables situés en zone d’accélération

Supprimé par la commission

 

L’article 2 bis, introduit par le Sénat en commission, fixait une durée maximale de douze mois pour l’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables situés en zone d’accélération. Ce délai était fixé à six mois en cas de demande de rééquipement de ces installations ou « repowering ».

I.   le droit en vigueur

Le droit de l’Union européenne, en cours de révision, et le droit national prévoient la mise en place de zones d’accélération du déploiement des énergies renouvelables, dans lesquelles les demandes d’autorisation liées aux projets correspondants seraient octroyées plus rapidement.

A.   La proposition de révision de la directive sur les énergies renouvelables

Dans le cadre du paquet législatif « Fit for 55 », une proposition de directive sur les énergies renouvelables, dite « RED-III », modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, dite « RED-II », a été présentée par la Commission européenne le 14 juillet 2021 ([55]).

Le 30 mars 2023, les représentants du Conseil et du Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur un texte de compromis. Afin d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables dans le cadre du plan « REPowerEU » de l’Union européenne, il est prévu que les États membres mettent en place des zones d’accélération des énergies renouvelables, où les projets en faveur des énergies renouvelables doivent faire l’objet d’une procédure d’octroi de permis simplifiée et rapide.

Dans ces zones, cette procédure ne devrait pas excéder un an pour les projets de développement d’énergies renouvelables. Pour le rééquipement des installations existantes, la durée de la procédure devrait être limitée à six mois.

B.   La loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables

L’article 15 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a mis en place des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables, définies à l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie.

La cartographie de ces zones est identifiée par les communes puis arrêtée par le référent préfectoral à l’instruction des projets d’énergies renouvelables et des projets industriels nécessaires à la transition énergétique. Ces zones d’accélération permettent une véritable planification locale de la transition énergétique et contribuent à l’atteinte des objectifs prévus par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Afin de permettre un déploiement accéléré des projets d’installations de production d’énergies renouvelables dans ces zones, l’article 7 de la loi du 10 mars 2023 précitée a complété l’article L. 181-9 du code de l’environnement, relatif à la procédure de demande d’autorisation environnementale, pour raccourcir, pour ces projets, la phase d’examen de la demande de quatre mois à trois mois, dans la limite des zones d’accélération.

II.   Le dispositif proposé

● L’article 2 bis résulte de l’adoption, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, de cinq amendements portant article additionnel.

– Les amendements identiques COM-269 rect. du rapporteur pour avis Fabien Genet, COM-250 rect. de Mme Nathalie Delattre (Rassemblement Démocratique et Social Européen) et COM-65 rect. quater de M. Claude Kern (Union Centriste) prévoient une durée maximale d’instruction de la demande d’autorisation environnementale, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération.

Ils complètent ainsi l’article L. 181-9 du code de l’environnement pour préciser que, pour ces projets, la durée maximale d’instruction de la demande d’autorisation environnementale est de douze mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier.

Cette durée maximale de douze mois reste supérieure au délai théorique moyen de l’instruction, qui est de neuf mois en l’état du droit et pourrait être raccourci à cinq ou six mois grâce à l’article 2 du présent projet de loi. Toutefois, le délai réel de l’instruction est aujourd’hui de dix-sept mois. Il est donc possible qu’une différence entre délai théorique et délai réel persiste après la réforme prévue par l’article 2, cette différence étant aujourd’hui de près de huit mois ([56]). Dans ce contexte, le Sénat a estimé que la fixation d’un délai maximal de douze mois était pertinente. Ce délai correspond en outre au délai prévu par la proposition de directive sur les énergies renouvelables, dite « RED-III ».

Ce faisant, le Sénat est revenu sur la suppression du dernier alinéa de l’article L. 181-9 du code de l’environnement par l’article 2 du présent projet de loi. Cet alinéa prévoyait que, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables et dans la stricte limite des zones d’accélération, la durée maximale de la phase d’examen était de trois mois à compter de la date d’accusé de réception du dossier.

Si cette disposition devient caduque dès lors que la phase d’examen et la phase de consultation du public sont fusionnées, le Sénat a toutefois souhaité maintenir une procédure spécifique pour l’instruction des projets d’énergies renouvelables en zone d’accélération en remplaçant le délai maximal de trois mois pour la phase d’examen par un délai maximal de douze mois pour l’ensemble de la phase d’instruction.

– Les amendements identiques COM-44 rect. bis de M. Claude Kern (Union Centriste) et COM-251 de Mme Nathalie Delattre (Rassemblement Démocratique et Social Européen) prévoient une durée maximale de six mois pour l’instruction de la demande de renouvellement d’installations de production d’énergies renouvelables situées dans les zones d’accélération.

Cette nouvelle disposition est codifiée à l’article L. 181-14 du code de l’environnement, relatif aux modifications substantielles ou notables des installations qui relèvent de l’autorisation environnementale.

Considérant que le renouvellement du parc d’énergies renouvelables, ou « repowering » constitue un levier majeur de développement de ces énergies, le Sénat a donc souhaité transposer le délai maximal de six mois prévu par la proposition de directive « RED-III » dans les zones d’accélération.

● En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements à l’article 2 bis.

– L’amendement n° 305 rect. du Gouvernement précise que la durée maximale de douze mois d’instruction de la demande d’autorisation environnementale, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération, ne court qu’à compter du dépôt d’un dossier complet et régulier. Ce n’est en effet qu’à ce moment-là que l’examen du dossier par les services instructeurs peut débuter de manière efficace.

En outre, cet amendement prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles, la durée maximale peut être prorogée de six mois sur décision motivée de l’autorité compétente. Il est en effet souhaitable de conserver une certaine flexibilité concernant le délai d’instruction maximal. Il peut en effet exister des cas particuliers, par exemple une modification du plan local d’urbanisme en cours, qui pourraient contraindre l’administration à rejeter la demande pour respecter le délai d’instruction, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de déploiement des projets d’énergies renouvelables. La proposition de directive « RED-III » prévoit d’ailleurs une faculté de prolongation du délai d’instruction de six mois.

– L’amendement rédactionnel n° 202 du rapporteur pour avis Fabien Genet remplace le terme de « renouvellement » par celui de « rééquipement » afin d’aligner la terminologie employée pour désigner le « repowering » avec celles du Règlement (UE) 2022/2577 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables et de l’article 9 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a supprimé l’article 2 bis, à la suite de l’adoption de six amendements identiques CS1262 de la rapporteure Christine Decodts, CS1026 de M. Henri Alfandari (Horizons et apparentés), CS368 de M. Nicolas Meizonnet (Rassemblement national), CS817 de M. Alexandre Loubet (Rassemblement national), CS1053 de M. Antoine Villedieu (Rassemblement national) et CS1207 de M. Aurélien Lopez-Liguori (Rassemblement national).

La rapporteure a considéré que cet article additionnel, introduit par le Sénat, soulevait deux difficultés principales.

D’une part, la fixation de tels délais de procédure ne relève pas du niveau de la loi, mais du niveau réglementaire.

D’autre part, la directive RED-III que l’article 2 bis transposait partiellement n’est pas encore adoptée à ce jour, le vote en session plénière étant prévu en septembre 2023. Or il apparaît, à la lecture de la version actuelle du texte, que les « zones d’accélération » prévues par la directive ne sont pas assimilables aux zones d’accélération introduites par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables. En effet, la directive prévoit que la désignation des zones d’accélération fasse l’objet d’une évaluation environnementale, puis que les projets individuels situés au sein de ces zones soient exemptés d’évaluation environnementale ([57]). Cette articulation, qui justifie les délais réduits de la procédure d’instruction prévus par la directive, est absente de la définition des zones d’accélération prévue par la loi du 10 mars 2023 précitée. La transposition de la directive n’étant, à ce jour, même pas amorcée puisque la directive n’est pas en vigueur, il apparait prématuré d’inscrire des délais maximaux d’instruction dans la loi. En l’état du droit, la fixation de tels délais pourrait même s’avérer contreproductive en incitant les services à rejeter les demandes qui ne pourraient être examinées dans les délais fixés.

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Article 3
Mutualisation des débats publics et des concertations préalables

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 3 vise à permetttre l’organisation d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale pour plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement envisagés dans les huit ans à venir sur un même territoire délimité et homogène.

I.   le droIt en vigueur 

La Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (dite Convention d’Aarhus) et, à sa suite, la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, prévoient que le public doit être mis en mesure de participer au processus décisionnel en matière d’environnement. Aux termes du considérant 16 de cette directive, « la participation effective du public à la prise de décisions permet à ce dernier de formuler des avis et des préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations, ce qui favorise le respect de l’obligation de rendre des comptes et la transparence du processus décisionnel et contribue à sensibiliser le public aux problèmes de l’environnement et à obtenir qu’il apporte son soutien aux décisions prises ». L’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, inscrite au préambule de la Constitution, garantit le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Traduisant ces principes conventionnels et constitutionnels, le chapitre I du titre II du livre I du code de l’environnement organise la participation du public à l’élaboration des plans, programmes et principaux projets ayant une incidence sur l’environnement.

Cette participation du public concerne la phase amont des projets industriels ayant un impact sur l’environnement, c’est-à-dire la période précédant le dépôt de la demande de permis de construire et d’autorisation environnementale.

A.   La participation du public au stade de l’élaboration d’un projet ayant une incidence sur l’environnement

1.   Saisine et champ de compétence de la Commission nationale du débat public (CNDP)

Conformément à l’article L. 121-1 du code de l’environnement, la Commission nationale du débat public (CNDP), qui dispose du statut d’autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées, relevant de catégories de projets mentionnés à l’article L. 121-8 dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, « dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».

L’article L. 121-8 du code de l’environnement précise que :

– la Commission est saisie par le maître d’ouvrage de tous les projets d’aménagement ou d’équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu’il peut être évalué lors de la phase d’élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’État (I de l’article L. 121-8) ;

– les projets appartenant aux catégories définies en application du I, mais dont le coût prévisionnel est d’un montant inférieur au seuil fixé en application du même I et qui répondent à des critères techniques ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’État pour chaque nature de projet, sont rendus publics par le maître d’ouvrage, qui en publie les objectifs et caractéristiques essentielles et indique sa décision de saisir ou de ne pas saisir la CNDP. Il précise également les modalités de concertation qu’il s’engage à mener dans l’hypothèse où la com­mission ne serait pas saisie (II de l’article L. 121-8).

Pour ces projets définis au II de l’article L. 121-8, la CNDP peut également être saisie par dix parlementaires, une association agréée au niveau national, une collectivité territoriale intéressée ou une pétition de citoyens ;

– la Commission est également saisie des plans et programmes de niveau national faisant l’objet d’une évaluation environnementale, en application de l’article L. 122-4 du code de l’environnement.

L’article R. 121-2 du code de l’environnement dresse la liste des catégories de projets d’aménagement ou d’équipement pour lesquels la CNDP est saisie :

 soit de droit, en application du I de l’article L. 121-8 ;

 soit à l’initiative du maître d’ouvrage, d’un groupe de parlementaires, d’une association ou d’une collectivité territoriale ou à la suite d’une pétition de citoyens, en application du II de l’article L. 121-8.

Projets faisant l’objet d’une saisine de la CNDP

Catégories d’opérations mentionnées à l’article L. 121-8

Seuils et critères (montants financiers hors taxes) mentionnés au I de l’article L. 121-8

Seuils et critères (montants financiers hors taxes) mentionnés au II de l’article L. 121-8

1. a) Création ou élargissement d’autoroutes, de routes express ou de routes à 2 × 2 voies à chaussées séparées

Coût du projet supérieur à 455 M€ ou longueur du projet supérieur à 40 km

Coût du projet supérieur à 230 M€ ou longueur du projet supérieure à 20 km.

b) Élargissement d’une route existante à 2 voies ou 3 voies pour en faire une route à 2×2 voies ou plus à chaussées séparées 

c) Création de lignes ferroviaires

d) Création de voies navigables, ou mise à grand gabarit de canaux existants

2. Création ou extension d’infrastructures de pistes d’aérodromes

Aérodrome de catégorie A et coût du projet supérieur à 155 M€

Aérodrome de catégorie A et coût du projet supérieur à 55 M€

3. Création ou extension d’infrastructures portuaires

Coût du projet supérieur à 230 M€ ou superficie du projet supérieure à 200 ha

Coût du projet supérieur à 115 M€ ou superficie du projet supérieure à 100 ha

4. Création de lignes électriques

Lignes de tension supérieure ou égale à 400 kV et d’une longueur supérieure à 10 km

Lignes de tension supérieure ou égale à 200 kV et d’une longueur aérienne supérieure à 15 km

5. Création de canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d’hydrocarbures ou de produits chimiques

Canalisations de transport de diamètre supérieur ou égal à 600 mm et de longueur supérieure à 200 km

Canalisations de transport de diamètre supérieur ou égal à 600 mm et de longueur supérieure ou égale à 100 km

6. Création d’une installation nucléaire de base

Nouveau site de production nucléaire

Nouveau site hors production électro-nucléaire correspondant à un investissement d’un coût supérieur à 460 M€

Nouveau site de production nucléaire

Nouveau site hors production électro-nucléaire correspondant à un investissement d’un coût supérieur à 230 M€

7. Création de barrages hydroélectriques ou de barrages-réservoirs

Volume supérieur à 20 millions de mètres cubes

Volume supérieur à 10 millions de mètres cubes

8. Transfert d’eau de bassin fluvial (hors voies navigables).

Débit supérieur ou égal à un mètre cube par seconde

Débit supérieur ou égal à un demi-mètre cube par seconde

9. Équipements culturels, sportifs, scientifiques ou touristiques

Coût des projets (bâtiments, infrastructures, équipements) supérieur à 460 M€

Coût des projets (bâtiments, infrastructures, équipements) supérieur à 230 M€

10. Équipements industriels

Coût des projets (bâtiments, infrastructures, équipements) supérieur à 600 M€

Coût des projets (bâtiments, infrastructures, équipements) supérieur à 300 M€

2.   Objet et organisation du débat public et de la concertation préalable

a.   Objectifs

Les objectifs du débat public et de la concertation préalable sont similaires. Ils permettent de débattre de l’opportunité, des objectifs et des caractéristiques principales du projet ou des objectifs et des principales orientations du plan ou programme, des enjeux socio-économiques qui s’y attachent ainsi que de leurs impacts significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Ce débat ou cette concertation permettent, le cas échéant, de débattre de solutions alternatives, y compris, pour un projet, son absence de mise en œuvre.

b.   Appréciation de l’opportunité d’organiser un débat ou une concertation

Conformément à l’article L. 121-9 du code de l’environnement, c’est à la CNDP d’apprécier, pour chaque projet, plan ou programme, si un débat public doit être organisé en fonction de son incidence territoriale, des enjeux socioéconomiques qui s’y attachent et de ses impacts sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. Trois cas sont possibles :

 Si la Commission estime qu’un débat public est nécessaire, elle l’organise et en confie l’animation à une commission particulière qu’elle constitue.

La procédure de débat public n’est donc pas applicable de droit : elle est mise en œuvre sur décision de la CNDP, après une appréciation au cas par cas. Par conséquent, elle ne concerne que les catégories de projets, plans ou programmes qui relèvent du champ de compétence de la CNDP défini à l’article L. 121-8 du code de l’environnement, que ce soit dans le cadre d’une saisine obligatoire ou facultative ;

 Si la Commission estime qu’un débat public n’est pas nécessaire, elle peut décider de l’organisation d’une concertation préalable. Elle en définit les modalités, en confie l’organisation au maître d’ouvrage ou à la personne publique responsable et désigne un garant.

À la différence du débat public, l’organisation d’une concertation préalable ne requiert pas nécessairement une décision de la CNDP puisque le champ d’application de cette procédure dépasse le cadre des projets, plans et programmes relevant de la compétence de la Commission. En effet, les projets, plans et programmes non soumis à saisine de la CNDP mais qui sont soumis à une évaluation environnementale, en application de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, peuvent faire l’objet d’une telle concertation ;

3° La CNDP peut décider de ne recourir ni à l’une, ni à l’autre de ces procédures de participation du public, ce qui n’arrive jamais en pratique.

Dans tous les cas, sa décision doit être motivée.

c.   Durée

● La durée du débat public, fixée à l’article L. 121-11 du code de l’environnement, ne peut excéder quatre mois pour les projets et six mois pour les plans et programmes de niveau national faisant l’objet d’une évaluation environnementale. Dans les deux cas, la CNDP peut, par une décision motivée, prolonger de deux mois la durée du débat. Enfin, dans un délai de deux mois à compter de la date de clôture du débat public, le président de la CNDP publie un compte rendu du débat et en dresse le bilan.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, dans les faits, il est constaté que cette procédure peut durer au-delà de douze mois.

● Plus rapide, la concertation préalable est d’une durée minimale de quinze jours et d’une durée maximale de trois mois, conformément à l’article L. 121-16 du code de l’environnement.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la procédure complète de concertation préalable (depuis la saisine de la CNDP par le porteur de projet jusqu’à la remise du bilan de la concertation établi par les garants) s’étale sur une durée minimale théorique comprise entre six et huit mois.

B.   Le développement progressif des procédures mutualisées

Dans une logique de mutualisation des procédures de participation du public, l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 ([58]), qui réforme les procédures de participation, dispense certains projets de débat public ou de concertation préalable. Ainsi, lorsqu’un projet a déjà fait l’objet d’un débat public lors de l’élaboration d’un plan ou d’un programme approuvé depuis moins de cinq ans et définissant le cadre dans lequel ce projet pouvait être autorisé et mis en œuvre, ce dernier peut être dispensé de débat public ou de concertation préalable. La CNDP peut cependant décider, si elle l’estime nécessaire, d’organiser un tel débat ou une telle concertation et motive sa décision.

Toutefois, aucun porteur de projet n’a, à ce jour, demandé à recourir à cette possibilité, codifiée à l’alinéa 5 de l’article L. 121-9 du code de l’environnement.

Par ailleurs, la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi « Asap », a ouvert la possibilité de mutualiser les procédures de participation du public dans le cadre des projets d’implantation de parcs éoliens en mer sur une même façade maritime. Cette mutualisation, prévue à l’article L. 121-8-1 du code de l’environnement, est organisée à la demande du ministre chargé de l’énergie. Le regroupement de plusieurs projets d’installations au sein d’une même procédure de participation doit permettre au public de disposer d’une vision d’ensemble sur une échelle territoriale appropriée et cohérente.

L’article 56 la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a complété l’article L. 121-8-1 précité afin de permettre d’inclure également dans le débat public global ou la concertation préalable globale, organisés pour les projets de parcs éoliens en mer, la participation du public portant sur les documents stratégiques de façade.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

● Le  de l’article 3 présent projet de loi étend le principe de l’organisation d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale. À cette fin, il complète la section 3 du chapitre I du titre II du livre I du code de l’environnement, relative au débat public et à la concertation préalable relevant de la Commission nationale du débat public, par un nouvel article L. 121‑8‑2.

Cet article dispose que lorsque plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement, susceptibles de relever de l’obligation de saisine de la CNDP, compétente pour décider de les soumettre à un débat public ou à une concertation préalable, sont envisagés dans les dix ans à venir sur un même territoire délimité et homogène, il est possible d’organiser un débat public global ou une concertation préalable globale portant sur l’ensemble de ces projets.

Il est précisé que la CNDP est saisie par la personne publique qui en demande l’organisation. Celle-ci transmet alors à la Commission le dossier qu’elle a reçu du maître d’ouvrage pour chaque projet, ou qu’elle élabore elle-même pour les projets dont le maître d’ouvrage n’est pas encore connu. L’étude d’impact annexée au présent projet de loi indique que la personne publique aura la charge de préciser, lors de sa saisine, la délimitation exacte de la zone géographique concernée.

Les projets inclus dans le débat public global ou la concertation préalable globale, qui sont mis en œuvre dans les dix ans suivant ce débat ou cette concertation, sont dispensés de débat ou de concertation préalable propres, de même que tout projet mis en œuvre dans le même délai sur le même territoire, s’il est cohérent avec sa vocation.

L’organisation d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale prévue par le  du présent article 3 parait en effet pertinente pour les projets d’aménagement ou d’équipement envisagés au sein d’une même zone à fortes activités industrielles, comme, par exemple, les zones industrialo-portuaires. Comme indiqué dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, ces zones constituent « des lieux majeurs d’implantations industrielles décarbonées avec par exemple le développement d’un centre industriel autour de la batterie automobile dans le port de Dunkerque ou encore le développement de produits photovoltaïques à Marseille-Fos par la société Carbon ». La mutualisation des débats publics ou des concertations préalables permettrait, d’une part, de donner une plus grande visibilité au public grâce à une présentation de l’ensemble des projets en cours ou à venir dans la zone et, d’autre part, d’accélérer le développement de projets qui n’auraient pas à faire l’objet de procédures supplémentaires de participation du public.

Le caractère facultatif de cette mutualisation est toutefois conservé, son opportunité devant être évaluée au cas par cas en fonction des contraintes de calendrier et des spécificités locales pouvant justifier un débat public ou une concertation préalable spécifique pour certains projets. Ainsi, le nouvel article L. 121-8-2 du code de l’environnement précise que la CNDP peut décider, si elle l’estime nécessaire, que certains de ces projets restent soumis à débat public ou concertation préalable.

● Le  de l’article 3 modifie le cinquième alinéa de l’article L. 121-9 du code de l’environnement, qui dispense de débat public ou de concertation préalable les projets ayant fait l’objet d’un débat public lors de l’élaboration d’un plan ou programme et qui sont mis en œuvre dans les cinq ans suivant cette consultation, pour porter ce délai à dix ans.

B.   Les modifications apportées par le sénat

1.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté deux amendements du rapporteur pour avis Fabien Genet :

– L’amendement COM-273 supprime la disposition prévoyant que tout projet mis en œuvre sur un territoire est dispensé de débat public ou de concertation préalable dès lors qu’un débat public global ou une concertation préalable globale a déjà eu lieu sur le même territoire, si ce projet est cohérent avec la vocation de ce territoire.

Le Sénat propose de remplacer cette disposition par la nécessité d’organiser, dans ce cas, une concertation préalable.

Ainsi, l’amendement prévoit que, lorsqu’un débat public global ou une concertation préalable globale a eu lieu pour un ensemble de projets envisagés sur un territoire délimité et homogène, une concertation préalable propre se substitue au débat public propre pour les projets envisagés ultérieurement sur le même territoire et cohérents avec sa vocation, si leur mise en œuvre débute dans les dix ans suivant la fin de ce débat global ou de cette concertation globale ;

– L’amendement COM-272 renvoie à un décret en Conseil d’État la définition de la notion de « territoire délimité et homogène ».

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur pour avis Fabien Genet à l’article 3.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté six amendements à l’article 3.

● L’amendement CS1309 de la rapporteure Christine Decodts propose de réduire à huit ans le délai au cours duquel les projets envisagés sur un territoire délimité et homogène peuvent donner lieu à un débat public global ou à une concertation préalable globale. Alors que l’article 3 prévoyait initialement un délai de dix ans, ce délai de huit ans paraît plus adapté dans un contexte marqué par l’accélération des impacts liés au dérèglement climatique. Il est en outre cohérent avec le délai de huit ans figurant déjà à l’article L. 121‑12 du code de l’environnement. Cet article prévoit que, pour les projets dont la Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie et pour lesquels elle a décidé d’un débat public ou d’une concentration préalable, la CNDP puisse, dans certaines conditions, décider de relancer la participation du public si l’enquête publique n’a pas été ouverte dans les huit ans suivant la fin de la participation initiale. Dans ce contexte, inscrire le même délai à l’article 3 apparaît comme une mesure de cohérence et de simplification du droit.

Pour les mêmes raisons, l’amendement CS1310 de la rapporteure propose de réduire de dix à huit ans le délai au cours duquel les projets ayant déjà fait l’objet d’un débat public lors de l’élaboration d’un plan ou d’un programme sont dispensés d’un nouveau débat public ou d’une nouvelle concertation préalable.

● Trois amendements visent à revenir sur des modifications adoptées par le Sénat :

– Dans la rédaction adoptée par le Sénat, les projets apparaissant de façon ultérieure au débat public global ou à la concertation préalable globale faisaient l’objet d’une concertation préalable propre. Seuls ceux identifiés dès le début du débat global ou de la concertation globale pouvaient faire l’objet d’une dispense de débat ou de concertation. Or, la rapporteure et le Gouvernement considèrent que ces différents projets doivent être traités de façon homogène, dès lors que le débat public global ou la concertation préalable globale ont bien porté sur une vocation de la zone. Ainsi par exemple, si un porteur de projet abandonne finalement celui-ci mais que le projet est repris par quelqu’un d’autre, la rédaction du Sénat obligeait à refaire une concertation préalable. Les deux amendements identiques CS922 du Gouvernement et CS1421 de la rapporteure Christine Decodts rétablissent donc la dispense de concertation préalable pour ces projets, pour peu qu’ils soient cohérents avec la vocation du territoire ayant fait l’objet du débat public global ou de la concertation préalable globale. Au demeurant, l’alinéa 6 de l’article 3 laisse toute latitude à la CNDP pour organiser néanmoins un débat public ou une concertation préalable propres, si elle l’estime nécessaire.

– L’amendement CS1268 de la rapporteure Christine Decodts supprime le renvoi à un décret en Conseil d’État pour définir la notion de « territoire délimité et homogène », ajouté par le Sénat. Dans le cadre de la mise en œuvre d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale, la CNDP est saisie par la personne publique appropriée, qui peut être soit le représentant de l’État dans le département ou la région, soit une collectivité territoriale. La rapporteure considère que c’est à cette personne publique qu’il revient de préciser et de justifier, lors de sa saisine, la délimitation précise de la zone géographique concernée. Chaque territoire ayant ses spécificités propres, il ne parait pas opportun de fixer par décret des critères précis pour définir un territoire homogène et délimité, de manière à permettre à la personne publique de pouvoir arrêter ce périmètre au cas par cas.

● Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel CS1265 de la rapporteure.

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Chapitre III
Favoriser le développement de l’économie circulaire

Article 4 A
Plans territoriaux de l’industrie circulaire

Supprimé par la commission

 

L’article 4 A vise à instituer des projets territoriaux de l’industrie circulaire, établis à l’échelle d’un bassin économique pertinent, entre l’Etat, les collectivités locales, les associations et les acteurs économiques. Ces projets permettraient de mieux structurer l’ensemble du champ de l’économie circulaire et des entreprises acteurs de cette politique, dans une perspective de renforcement de la démarche d’économie circulaire dans l’industrie, à l’échelle d’un territoire.

I.   Le DROIT EN VIGUEUR

L’économie circulaire fait l’objet de plusieurs documents de planification. Au-delà de la feuille de route de l’économie circulaire publiée en 2018 qui a une dimension nationale et des missions confiées à l’Agence de la transition énergétique (Ademe), les collectivités locales jouent un rôle important dans le développement de l’économie circulaire. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a confié aux conseils régionaux une compétence élargie d’animation et de coordination de l’économie circulaire qui est synthétisée dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

Parallèlement, la politique économique et industrielle est également une compétence partagée entre l’État et les collectivités locales. En vertu de l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, le conseil régional est compétent en matière de promotion du développement économique et d’aménagement des territoires. Celui-ci élabore notamment un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).

 

II.   Les dispositions PROPOSÉES

Introduit par un amendement adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat saisie pour avis, l’article 4 A prévoit la création de projets territoriaux d'industrie circulaire, à l'image des projets alimentaires territoriaux (PAT).

La rédaction dispose que ces projets territoriaux d'industrie circulaire sont élaborés de manière concertée avec l'ensemble des acteurs d'un territoire. À l'initiative de l'État et de ses établissements publics, des collectivités territoriales, des associations, des microentreprises, des petites et moyennes entreprises définies à l'article 51 de de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et d'autres acteurs du territoire, ils sont formalisés sous la forme d'un contrat entre les partenaires engagés.

Ces projets doivent donner des orientations pour une meilleure structuration de l'économie circulaire sur le territoire concerné et pour le déploiement d'un écosystème industriel territorial.

Ces projets participent à la consolidation de filières territorialisées et des modèles économiques circulaires, à la durabilité des ressources, à l'allongement de l'usage des produits, au réemploi et à la régénération. Ils favorisent la résilience économique et environnementale des filières territorialisées pour une industrie durable et contribuent à la garantie de la souveraineté industrielle nationale.

Il est prévu qu’un réseau national des projets territoriaux d'industrie circulaire suive le déploiement de ces projets territoriaux d'industrie circulaire, mette en avant les bonnes pratiques et construise des outils méthodologiques au service des collectivités territoriales et des partenaires économiques et associatifs.

Les projets territoriaux d'industrie circulaire s'appuient sur un diagnostic partagé de l'industrie et de l'économie circulaire sur le territoire.

Il est prévu que ces projets permettent de mobiliser des fonds privés. Ils pourraient également générer leurs propres ressources. Aucune précision n’est apportée sur ces deux derniers éléments.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission a adopté les amendements identiques de suppression, CS225 de M. Jérôme Nury (LR) et plusieurs de ses collègues, CS665 du Gouvernement et CS741 de M. Henri Alfandari et de l’ensemble des députés du groupe Horizons, avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

La rapporteure a défendu cette suppression en soulignant que l’organisation de l’économie circulaire dans les territoires faisait déjà l’objet d’une planification au niveau régional à travers les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire. De plus, les filières impliquées dans l’économie circulaire ne sont pas nécessairement structurées au niveau local mais peuvent l’être aussi au niveau national de même que l’est la politique industrielle. La rapporteure a également rappelé l’existence d’un dispositif qui a fait ses preuves, celui de « Territoires d’industrie » mis en œuvre par l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

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Article 4
Statut de déchet et transfert transfrontaliers de déchets

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 4 vise, de manière générale, à faciliter dans les processus de fabrication et dans le but de renforcer l’économie circulaire l’usage de produits qui auraient pu être des déchets mais qui se voient privés de cette qualification.

Il introduit la possibilité, au sein des plateformes industrielles au sens de l’article L. 515‑48 du code de l’environnement, d’utiliser des résidus de production qui deviennent ainsi des sous‑produits et non des déchets.

Il clarifie également le régime de sortie du statut de déchet défini à l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement, en rendant explicite le régime actuellement implicite de sortie du statut de déchet pour des substances et objets qui auraient été fabriqués totalement ou partiellement avec des déchets.

Il ajoute à l’article L. 541‑4‑3 un nouveau régime de sortie du statut de déchet pour les résidus de production qui pourraient être réutilisés dans un processus de production sans être considérés comme un déchet, au-delà des seules plateformes industrielles.

Il prévoit enfin la création d'un régime de sanctions administratives applicable aux transferts transfrontaliers de déchets illégaux et précise le régime de la procédure contradictoire, lorsque des amendes administratives sont prononcées en cas de méconnaissance de la réglementation sur les transferts transfrontaliers de déchets.

I.   le DROIT EN VIGUEUR

A.   Des règles complexes de sortie du statut de déchet

1.   Le statut de déchet

Le code de l’environnement définit un déchet comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire » ([59]). Cette définition est aussi celle donnée par la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives.

Être producteur de ce que le droit définit comme un « déchet » entraine des obligations qui ont pour finalité la protection de l’environnement et de la santé. Comme le précise l’article L. 541‑2 du code de l’environnement, « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. »

Est un « producteur de déchets » toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets).

Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à laquelle il les remet est autorisée à les prendre en charge.

Le droit français a été mis en cohérence avec le droit européen, qui fixe les principes généraux de l’économie circulaire et du traitement des déchets et détermine les obligations des producteurs et détenteurs de déchets. La directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 précitée a été modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018.

Les déchets peuvent être décrits selon plusieurs classifications. Comme l’explique le ministère de la transition écologique, une première distinction est faite entre les déchets ménagers et les déchets issus des activités économiques. Les déchets ménagers sont produits par les ménages et leur traitement est pris en charge par la collectivité publique. Les déchets issus des activités économiques sont plus communément les déchets produits par les entreprises. Les entreprises productrices de déchets sont soumises à des obligations – qu’elles éliminent, recyclent ou valorisent elles‑mêmes leurs déchets ou bien qu’elles confient ces taches à d’autres entreprises.

Une autre classification repose sur la distinction entre déchets dangereux, déchets non dangereux et déchets non dangereux inertes. Un « déchet dangereux » est défini comme un déchet répondant à une des quinze caractéristiques fixées à l’annexe I de l’article R. 541-8 du code de l’environnement ([60]). D’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), avec environ 11 millions de tonnes, les déchets dangereux représentaient 3 % des déchets produits en France en 2018. A contrario, les « déchets non dangereux » sont tous ceux qui ne possèdent aucune de ces caractéristiques. Parmi les déchets non dangereux, on isole la sous‑catégorie des « déchets non dangereux inertes », qui sont essentiellement des déchets du secteur du bâtiment  ([61]).

Le catalogue européen des déchets (CED), publié par la Commission européenne, permet le classement détaillé des déchets issus de l’industrie par un code de nomenclature à six chiffres. Les déchets y sont identifiés par leur secteur d’activité de provenance (exploitation des mines, transformation du bois, industrie du cuir, etc.).

Le droit européen fait une distinction entre un « déchet » et un « sous‑produit ». Par définition, le sous-produit n’est pas un déchet. Le « sous-produit » est ce qui résulte, involontairement mais obligatoirement, d’un processus de fabrication dont le but premier n’est pas de produire cet objet ou substance. En classant des éléments comme sous‑produit, la directive précitée vise à ce qu’ils puissent être plus facilement utilisés eux-mêmes, en étant commercialisés ou en étant directement utilisés dans un processus de production au sein de l’entreprise qui a généré le sous‑produit.

Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives (extrait)

Article 5 - Sous-produits

1. Les États membres prennent les mesures appropriées pour veiller à ce qu’une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas de produire ladite substance ou ledit objet soit considéré non pas comme un déchet, mais comme un sous-produit, si les conditions suivantes sont réunies :

a) l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine;

b) la substance ou l’objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes;

c) la substance ou l’objet est produit en faisant partie intégrante d’un processus de production; et

d) l’utilisation ultérieure est légale, c’est-à-dire que la substance ou l’objet répond à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine.

[…]

2.   La sortie du statut de déchet

a.   La sortie explicite du statut de déchet

La sortie du statut de déchet est organisée par les directives européennes et par le droit national. Ne plus être considéré comme un déchet permet une nouvelle utilisation d’un objet ou d’une substance en tant que produit. La sortie du statut de déchet libère le producteur du déchet initial des obligations qu’il doit assumer en tant que producteur de déchets.

Le principe général est que le déchet traité dans une installation de traitement de déchets conserve son statut juridique de déchet après traitement.

Toutefois, certains déchets peuvent sortir de ce statut et redevenir juridiquement des produits après avoir été traités dans une installation de traitement et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation sous certaines conditions – sous réserve que cette possibilité ait été prévue dans un règlement européen ou un arrêté ministériel spécifique à ce type de déchets ([62]). Il existe neuf arrêtés de ce type en France qui portent sur : les broyats de bois d’emballage et les combustibles dans des installations de combustion de biomasse ; les déchets graisseux et huiles alimentaires usagées et les esters méthyliques d’acides gras fabriqués à partir de ces déchets destinés à être introduits dans un produit pétrolier ; les résidus de distillation des huiles usagées et les plastifiants de bitumes dans la fabrication de membranes d’étanchéité pour toiture ; les objets et produits chimiques ayant fait l'objet d'une préparation en vue de la réutilisation ; les produits chimiques ou objets ayant fait l'objet d'une régénération ; les chiffons d’essuyage coupés élaborés à partir de textiles usagés pour un usage comme chiffons ; les terres excavées et sédiments, en génie civil ou en aménagement ; les papiers cartons récupérés et triés ; les aménagements constitués de déblais de terres naturelles excavées et gérées au sein d'un grand projet d'aménagement ou d'infrastructure.

L’article L. 541‑4‑3 du code de l’environnement prévoit donc qu’un déchet cesse d’être un déchet après avoir été traité dans une installation de traitement et avoir été valorisé s’il répond à certaines conditions (notamment, si la substance ou l’objet respecte la législation et les normes applicables aux produits). Si les produits sortis du statut de déchet ne sont plus soumis à la législation sur les déchets, ils devront toutefois respecter les exigences fixées pour les produits, notamment les exigences fixées par le droit européen pour les produits et substances dangereuses et chimiques.

L’autorité compétente pour fixer les critères de sortie du statut de déchet est le ministre chargé de l’environnement. Le producteur doit constituer un dossier, qui indique que le déchet respecte bien les critères définis à l’article L. 541‑4‑3 du code de l’environnement et ceux fixés dans les règlements européens ou par arrêté et qu’il peut donc sortir de ce statut  ([63]). Le producteur peut également demander au ministre chargé de l’environnement de fixer des critères spécifiques à un type de déchets, s’il n’en existe pas encore.

Jusqu’en 2021, Il existe plusieurs règlements européens sur des types de déchets spécifiques qui peuvent cesser de l’être : règlement (UE) n° 333/2011 du 31 mars 2011 établissant les critères permettant de déterminer à quel moment certains types de débris métalliques cessent d’être des déchets ; règlement (UE) n° 1179/2012 du 10 décembre 2012 établissant les critères permettant de déterminer à quel moment le calcin de verre cesse d’être un déchet ; règlement (UE) n° 715/2013 du 25 juillet 2013 établissant les critères permettant de déterminer à quel moment les débris de cuivre cessent d’être des déchets ; règlement (UE) n° 2019/1009 du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE. le producteur ne pouvait être qu’une installation de traitement de déchets répondant à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). L’article 115 de la loi du 10 février 2020 ([64]), dite loi « Agec », et le décret du 1er avril 2021 relatif à la sortie du statut de déchet  ([65]) ont modifié les conditions de sortie explicite du statut de déchet, en autorisant la sortie de ce statut en dehors des installations classées pour la protection de l'environnement ou des installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) – tout en prévoyant la possibilité, dans certains types d’installations ou pour certains flux de déchets, d’un contrôle par un tiers, le cas échéant accrédité. Un tel contrôle est mis en œuvre pour les déchets dangereux, les terres excavées ou les sédiments qui cessent d’être des déchets ([66]).

Ainsi, le terme d’« exploitant » d’une ICPE ou IOTA est remplacé par la notion de « producteur ou détenteur des déchets ». Depuis le 4 avril 2021 et sous réserve de remplir les autres conditions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, c’est donc tout producteur ou détenteur de déchets qui peut demander au ministre chargé de l’environnement que soient fixés les critères permettant que les déchets qu’il produit ou détient cessent d’avoir le statut de déchets.

b.   La sortie implicite du statut de déchet

Sont ici concernés les procédés de production dans lesquels sont introduits, en tout ou partie, des déchets en substitution de matière première vierge. Il s’agit, de manière plus concrète, de produits qui ont été fabriquées totalement ou partiellement à partir de matière recyclée. La substance ou l’objet produit doit être similaire à la substance ou l’objet qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets dans le processus de production. Ainsi, la substance ou l’objet produit n’a pas le statut de déchet, même si certains éléments qui ont servi à sa fabrication avaient le statut de déchet.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a également reconnu la possibilité d’une sortie implicite du statut de déchet, ne nécessitant pas la fixation de critères réglementaires spécifiques ([67]). Plus précisément, elle a statué sur la nature de la matière fabriquée à partir de matière « dégradée », c’est-à-dire issue d’une opération de recyclage, et a conclu que la matière finalement obtenue n’était plus un déchet.

Cette jurisprudence a été retranscrite en droit interne dans un avis de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) destiné aux exploitants d’installations de traitement de déchets et aux exploitants d’installations de production utilisant des déchets en substitution de matières premières, publié au Journal officiel du 13 janvier 2016. Il y est précisé que la situation de sortie implicite du statut de déchet, lorsque des déchets entrent dans un processus de fabrication, ne peut s’appliquer qu’aux installations classées pour la protection de l'environnement, qu'elles soient soumises à un régime d'autorisation, d'enregistrement ou de déclaration dont l'intitulé de la rubrique comprend les termes exacts « production de… », « fabrication de… », « préparation de… », « élaboration de… » ou « transformation de… » », c'est-à-dire des installations amenées à traiter ou valoriser les déchets entrant dans un processus de production. En d’autres termes, seules des ICPE, à l’exclusion des ICPE de traitement de déchets, peuvent utiliser des déchets dans un nouveau processus de production d’une substance ou d’un objet.

Comme plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure l’ont souligné, une telle réglementation a l’avantage de garantir que l’incorporation de déchets est réalisée dans des installations contrôlées par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), selon les normes propres aux installations classées pour la protection de l'environnement et avec une garantie de traçabilité des déchets utilisés.

B.   Des transferts transfrontaliers de déchets illicites pouvant faire l’objet de sanctions administratives et pénales

Les transferts transfrontaliers de déchets sont régulés depuis les années 1990 par le droit international et par le droit européen.

Une convention internationale a ainsi été signée en 1989 à Bâle pour encadrer le transport et le transfert de déchets dangereux entre les États ([68]). Les 188 États parties à la Convention se sont engagés à limiter à la source la production de tels déchets et à privilégier l’élimination « aussi près que possible de leur lieu de production ». Au-delà de ces engagements, l’objectif est de fixer des règles pour contrôler les déchets qui seraient transférés de pays développés vers des pays en développement qui ne disposent pas nécessairement des infrastructures pour valoriser ou éliminer ces déchets et peuvent subir, de ce fait, une pollution environnementale.

Ainsi, tout transfert de déchets vers un pays tiers doit être réalisé dans des conditions ne présentant aucun danger pour la santé humaine et l’environnement.  Les États doivent prendre des mesures pour assurer un échange approprié d’informations et un contrôle effectif des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et d’autres déchets en provenance et à destination d’autres États. Le principe fondamental est celui d’un accord écrit du pays qui accepte le transfert de déchets sur son territoire.

En 2006, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un règlement qui transpose la Convention de Bâle. Le règlement (CE) n° 1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets instaure un système de surveillance et de contrôle des mouvements de déchets vers ou en provenance de pays tiers et entre les États membres, par dérogation au principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne ([69]). La règlementation définit deux types de régime en fonction du type de déchets et en fonction de la destination ou de la provenance.

La convention de Bâle et le règlement (CE) n° 1013/2006 précité ont également intégré les dispositions régissant le transfert de déchets entre pays de l’OCDE.

L’exportation, depuis l’Union européenne et vers des pays non membres de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre d’échange (AELE), de déchets devant être éliminés est interdite en vertu de l’article 34 du règlement.

Sont également interdits, conformément aux articles 36 à 38, les transferts de déchets destinés à être valorisés, de l’Union européenne vers des pays non membres de l’OCDE parties à la Convention de Bâle. En application de l’article 39, sont interdits l’importation ou l’exportation de tout déchet vers l’Antarctique. En application de l’article 40, le transfert de déchets vers les pays ou territoires d’outre-mer est interdit, sauf s’il s’agit de certains déchets non dangereux destinés à être valorisés.

Le règlement (CE) n° 1013/2006 précité soumet à une procédure de notification et de consentement écrit préalables les transferts à l’intérieur de l’Union européenne et de l’AELE, les exportations vers les pays tiers et les importations en provenance de pays tiers :

– de tous les déchets, qu’ils soient déchets dangereux ou non dangereux exportés vers d’autres États membres ou des pays de l’Association européenne de libre d’échange, dès lors qu’ils sont destinés à être éliminés ;

– des déchets dangereux au titre de la Convention de Bâle ou au titre du règlement lorsqu’ils sont destinés à être valorisés ;

– des déchets non dangereux dès lors qu’ils ne relèvent d’aucune classification au titre de la Convention de Bâle, y compris lorsqu’ils sont destinés à être valorisés.

Dans les autres cas, c’est-à-dire essentiellement pour les déchets non dangereux destinés à être valorisés, une simple procédure d’information est prévue. Le tableau ci-dessous, publié par le ministère de la transition écologique, expose les différents cas de figure prévus par le règlement (CE) n° 1013/2006 du 14 juin 2006.

 

Source : Ministère de la transition écologique

NB : L’annexe III du règlement (CE) n° 1013/2006 dresse la liste des déchets non dangereux (« liste verte ») et l’annexe IV celle des déchets dangereux (« liste orange »).

La section 4 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de l’environnement précise les modalités de mise en œuvre du règlement européen, notamment en ce qui concerne les sanctions et les pouvoirs de l’administration en cas de transfert transfrontalier.

En effet, la réglementation ne permet pas d’éradiquer tout transfert illicite de déchets vers certains pays. Pour des raisons de protection de l’environnement et de santé publique, il est donc essentiel de contrôler la circulation de ces déchets et leur devenir. C’est pourquoi tant le droit européen que le droit français déterminent des sanctions en cas de non‑respect des règles par les exportateurs de déchets, appelés « notifiants » par le droit européen.

L’article L. 541‑41 du code de l’environnement institue le droit, pour l’autorité compétente, d’ordonner la reprise des déchets et leur traitement par le notifiant qui a procédé au transfert si celui-ci ne peut mener à son terme le transfert ou met en œuvre un transfert illicite au sens du règlement (CE) n° 1013/2006 précité.

L’article L. 541‑42 prévoit, quant à lui, que l’autorité compétente peut activer la garantie financière que le notifiant responsable du transfert a dû constituer dans le cadre de la procédure de notification et conformément à l’article 6 du règlement européen, s’il ne s’est pas conformé à une mise en demeure prononcée sur le fondement du même article. Cet article instaure également un régime de sanction administrative pour les transferts non couverts par une garantie financière. L’amende est prononcée par le ministre chargé de l’environnement et son montant est au plus égal à trois fois la différence entre le montant de la garantie légalement prévue et le montant de la garantie réellement constituée. L’amende ne peut être prononcée que dans un délai d’un an au maximum suivant la réception, par l’autorité compétente, d’un certificat indiquant que l’opération de valorisation ou d’élimination a été menée à son terme.

L’article L. 541‑46 du même code prévoit une sanction pénale de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour un ensemble de délits liés à une méconnaissance de la réglementation sur les déchets. Le 11° de cet article L. 541‑46 détermine notamment tous les délits relatifs aux transferts transfrontaliers de déchets.

Par ailleurs, l’article L. 541‑3 prévoit qu’une amende administrative d’un montant au plus égal à 15 000 euros peut être prononcée, assortie d’une mise en demeure, à l’encontre de tout producteur ou détenteur de déchets qui ne respecterait pas l’ensemble des obligations prévues par le chapitre Ier du titre IV relatif aux déchets du livre V du code de l’environnement, qui traite de la prévention et de la gestion des déchets.

En France, l’autorité compétente pour contrôler la notification des transferts transfrontaliers et, en conséquence, pour autoriser ces transferts est, depuis 2015, le pôle national des transferts transfrontaliers de déchets (PNTTD). Ce pôle doit essentiellement s’assurer que la notification qui permet de demander le transfert contient toutes les informations nécessaires, en informer le pays de destination et traiter la réponse reçue de ce pays.

Avant la fin de chaque année civile, les États membres de l’Union européenne doivent transmettre à la Commission européenne les quantités de déchets ayant fait l’objet d’une notification à l’importation et à l’exportation l’année précédente. Sur la base de ces informations, le ministère en charge de la transition écologique dresse le bilan des échanges transfrontaliers de déchets ayant fait l’objet d’une notification préalable. Pour l’année 2020, le bilan des importations est ainsi le suivant ([70])  :

 

Importations en 2020

Exportations en 2020

6,4 milliers de tonnes

2,4 millions de tonnes

60,3% venant de l’Union européenne

39,1% venant de l’AELE

92% des déchets sont exportés vers des pays de l’Union européenne et de l’AELE

94% des déchets ont été valorisés. Il s’agit en majorité de déchets inertes.

Les déchets les plus exportés par la France en 2020 sont des déchets de bois (28%), suivis des pneus hors d’usage exportés en partie vers le Maroc (6%).

97% des déchets exportés sont destinés à être valorisés.

 

Source : Données relatives aux échanges transfrontaliers de déchets faisant l’objet d’une notification préalable en 2020. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-echanges-transfrontieres-de-dechets-faisant-lobjet-dune-notification-prealable-en-2020

II.   Les dispositions du projet de loi initial

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, l’article 4 vise, d’une part, à consacrer au niveau législatif le principe de la sortie implicite du statut de déchet et, d’autre part, à rendre facultative la sortie explicite de ce statut, en la réservant à certains cas. Dans une perspective plus large, l’article 4 participe à la réduction de l’usage de matières premières vierges, dans un contexte de raréfaction de certaines ressources, et favorise le recours à des matières recyclées.

L’article 4 du projet de loi initial se propose de modifier la fin du I de l’article L. 541‑4‑3 du code de l’environnement. L’avant dernier alinéa du I dans la version en vigueur précise que « l’autorité administrative compétente définit des critères permettant de répondre aux conditions mentionnées au présent I. Ils comprennent le cas échéant des teneurs limites en substances polluantes et sont fixés en prenant en compte les effets nocifs des substances ou de l’objet sur l’environnement ».

La version proposée rappelle dans un premier temps que l’exploitant de l’installation de production est responsable des produits qu’il aurait soustraits au statut de déchet et donc du respect des conditions définies au même I. Il est ensuite précisé dans un second alinéa que l’autorité administrative compétente peut fixer à son initiative ou à la demande d’un ou de plusieurs exploitants des critères permettant de répondre aux conditions de sortie du statut de déchet en tenant compte des effets nocifs de la substance ou de l’objet sur l’environnement.

Selon l’étude d’impact jointe, ces deux alinéas traduisent la volonté que « l’instruction par les services de l’État de la sortie de statut de déchet devienne facultative, s’appliquant seulement dans certains cas (à l’initiative des services de l’État ou à la demande des opérateurs concernés). Dans les autres cas, les opérateurs souhaitant réaliser une sortie de statut de déchet pourront le faire directement, à condition de s’assurer et de pouvoir démontrer que les conditions de la directive transposées à l’article L. 541-4-3 sont bien vérifiées. »

Comme on peut le constater, les alinéas venant modifier le I de l’article L. 541‑4‑3 ne mentionne pas explicitement l’instruction des demandes de sortie du statut de déchet mais font état d’une faculté dont disposerait l’administration pour fixer des critères.

L’article 4 du projet de loi initial se propose, par ailleurs, d’introduire un nouvel article L. 541‑4‑5 dans le code de l’environnement, concernant les résidus de production au sein des plateformes industrielles. Ces résidus de production ne seraient pas considérés comme des déchets et leur producteur ne serait donc pas considéré comme un détenteur de déchets. Ces résidus pourraient être utilisés dans un processus de production au sein de la même plateforme industrielle, éventuellement par d’autres entreprises que celles dont ils proviennent, dès lors qu’ils ne présentent pas d’incidence globale nocive pour l’environnement ou pour la santé humaine. Cette disposition, comme le souligne l’étude d’impact annexée au projet de loi, poursuit l’objectif de la réutilisation de substances ou de matériaux dans une démarche d’économie circulaire et de réduction du recours à des matières premières vierges.

Cet article L. 541‑4‑5 introduit donc un régime spécifique pour les plateformes industrielles qui permettrait d’inciter les entreprises de ces plateformes à l’utilisation de certains produits ou certaines substances dans un circuit fermé, dans un souci de renforcement de l’économie circulaire.

La notion de « plateforme industrielle »

Créée par l’article 144 de la loi dite « Pacte » (2019), la notion de « plateforme industrielle » est inscrite à l’article L. 515-48 du code de l’environnement.

Une plateforme industrielle y est définie comme le regroupement d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sur un territoire délimité et homogène, conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ces installations, à la mutualisation de la gestion de certains des biens et services qui leur sont nécessaires. Ces biens et services peuvent comprendre les études et les ouvrages liés aux installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, ainsi qu’à leurs raccordements ou à leurs réseaux. La liste des plateformes est fixée par un arrêté du ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement.

Seules quatre plateformes industrielles, qui regroupent 26 entreprises au total, sont aujourd’hui inscrites et reconnues au titre de l’article L. 515-48 du code de l’environnement.

Par ailleurs, plusieurs modifications sont apportées par le projet de loi au régime des sanctions administratives infligées en cas de transfert illégal de déchets entre États.

L’article 4 du projet de loi introduit ainsi un nouvel article L. 541‑42‑3 dans le code de l’environnement, prévoyant la possibilité, pour le ministre chargé de l’environnement, de prononcer une sanction administrative sous forme d’amende à l’encontre du notifiant de fait ou de droit si un transfert de déchets est effectué en méconnaissance des dispositions du règlement (CE) n° 013/2006 précité, indépendamment d’éventuelles sanctions pénales. Sept types de manquement sont distingués :

– le fait de procéder ou de faire procéder à un transfert de déchets s’il n’est pas accompagné des documents de notification ou de mouvement prévus à l’article 4 du règlement (CE) n° 1013/2006 précité ;

– le fait de procéder ou de faire procéder à un transfert de déchets d’un producteur vers un destinataire ou vers une installation de destination des déchets qui ne seraient pas ceux mentionnés dans les documents de notification ou de mouvement prévus à l’article 4 du règlement (CE) n° 1013/2006 précité ;

– le fait de procéder ou de faire procéder à un transfert de déchets d’une nature différente de celle mentionnée dans les documents ou dans des quantités significativement supérieures à celles indiquées ;

– le fait de procéder ou de faire procéder à un transfert de déchets dont la valorisation ou l’élimination seraient proscrits par la règlementation européenne ou internationale ;

– le fait d’exporter des déchets en méconnaissance des articles 34, 36, 39 et 40 du règlement (CE) n° 1013/2006 précité ;

– le fait d’importer des déchets en méconnaissance des articles 41 et 43 du même règlement ;

– le fait de procéder à un mélange de déchets au cours du transfert en méconnaissance de l’article 19 du règlement précité.

L’amende ne peut pas être infligée plus d’un an après le constat du manquement qui a rendu le transfert illicite. Son montant ne peut pas être plus de trois fois supérieur au coût du traitement des déchets transférés de manière illicite, le coût de référence correspondant à la valeur des tarifs forfaitaires de traitement des déchets servant au calcul des garanties financières des transferts transfrontaliers de déchets.

La création de ce régime d’amende administrative conduit à la modification de l’article L. 541‑3 du code de l’environnement, dont les dispositions n’ont plus vocation à s’appliquer au transfert transfrontalier illégal de déchets.

La création de ce régime de sanction conduit également à la modification de l’article L. 541‑42 du même code, qui n’a plus vocation à mentionner l’article L. 541‑3. Ce dernier article exclut donc des sanctions qu’il prévoit à la fois les cas prévus à l’article L. 541‑21‑2‑3 ([71]) et l’ensemble des cas prévus à la section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre V, c’est-à-dire au transfert transfrontalier de déchets.

Enfin, le texte du projet de loi vise à corriger une erreur de référence à l’article L. 541‑42‑1 du code de l’environnement. Cet article indique, dans sa rédaction actuelle, que les dispositions des articles L. 121‑1, L. 121‑2 et L. 122‑1 du code des relations entre le public et l’administration ne s’appliquent pas aux décisions prises en application des articles L. 54141 et L. 54142 du code de l’environnement, à savoir dans le cadre des procédures de mise en demeure en cas de transfert transfrontalier illicite et de recours à la garantie financière. Les articles L. 121‑2 et L. 121‑2 sont incompatibles l’un avec l’autre : en effet, le second article prévoit les situations dans lesquelles le principe du contradictoire ne s’applique pas concernant des décisions individuelles prises en considération de la personne, tandis que l’article L. 121‑2 pose le principe général d’une procédure contradictoire.

L’article L. 541‑42‑1 est donc réécrit par l’article 4 du projet de loi. Il introduit le respect d’une procédure écrite et orale contradictoire pour toutes les procédures et décisions mises en œuvre et prises sur le fondement des articles L. 541‑41 (prescription de la reprise ou du traitement des déchets), L. 541‑42 (mise en demeure, garantie financière ou assurance équivalente, consignation entre les mains d’un comptable public d’une somme répondant du montant des opérations à réaliser), L. 541-42-2 (sanctions administratives en cas de non-constitution d’une garantie financière) et L. 541-42-3 (nouveau régime de sanctions administratives en cas de transferts transfrontaliers illégaux). Les décisions ne peuvent intervenir qu’après que la personne concernée a été informée des faits qui lui sont reprochés et des sanctions encourues, ainsi que de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai qui lui est précisé, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.

L’article L. 541‑42‑1 ne fait donc plus référence, dans la version initiale du projet de loi, aux articles mentionnés ci-dessus du code des relations entre le public et l’administration.

III.   les modifications adoptées par le Sénat

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a apporté plusieurs modifications à l’article 4 dont elle était saisie pour avis, qui ont été adoptées par la commission des affaires économiques.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la sortie du statut de déchet, le Sénat a adopté plusieurs modifications qui ont eu pour effet de modifier la structure de l’article 4.

La première modification, dans l’ordre des alinéas, porte sur l’article L. 541‑4‑2. Comme mentionné ci-dessus, le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement comporte un article L. 541‑4‑2 qui définit ce qu’est un sous‑produit. Cet article transpose l’article 5 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets et abrogeant certaines directives. Les amendements identiques du rapporteur pour avis, de M. Cyril Pellevat et de Mme Marta de Cidrac, adoptés en commission, déplacent l’article L. 541‑4‑5 initialement créé à l’article L. 541‑4‑2 afin de rattacher les résidus de production des plateformes industrielles à la notion de sous-produit. Ainsi, les résidus de production des plateformes industrielles seraient présumés être des sous‑produits et non des déchets, dès lors qu’ils respectent les conditions posées au I du même article L. 541‑4‑2, ce qui permettrait leur utilisation au sein de la plateforme.

Les modifications apportées au I de l’article L. 541‑4-3 par le projet de loi initial ont été supprimées par un amendement du rapporteur pour avis et par deux amendements identiques de M. Cyril Pellevat et de Mme Marta de Cidrac, adoptés en commission. Les auteurs de ces amendements ont estimé que les modifications apportées n’étaient pas claires et ne permettaient pas nécessairement d’atteindre l’objectif que le Gouvernement indiquait vouloir poursuivre. Ainsi, dans le texte adopté par le Sénat, le I de l’article L. 541‑4-3 n’est pas modifié. Il revient à l’autorité administrative compétente de fixer, à son initiative ou sur demande du producteur, des critères permettant de répondre aux conditions de sortie du statut de déchet, si de tels critères n’ont pas été fixés par la règlementation européenne. Le I de l’article L 541‑4‑3 demeure donc relatif à la sortie explicite du statut de déchet.

L’adoption de ces mêmes amendements a conduit à un ajout à l’article L. 541‑4-3. Celui-ci est complété par une nouvelle subdivision permettant d’inscrire dans la loi le processus de sortie implicite du statut de déchet. Ainsi, une substance ou un objet fabriqué en tout ou partie à partir de déchets, utilisés en l’occurrence comme matière première dans un processus de production, peut sortir du statut de déchet dès lors que cette substance ou cet objet aurait été similaire à la substance ou à l’objet produit sans avoir recours à des déchets. Une telle disposition permet de fixer un cadre clair à tous les processus de production qui utilisent des déchets en substitution de matière première. Cette utilisation ne doit pas conduire à qualifier le produit fini de déchet, mais au contraire à le faire sortir de ce statut selon les règles de la sortie du statut de déchet. C’est pourquoi il est précisé que cette sortie a lieu dans les conditions fixées au I de l’article L. 541‑4‑3.

En séance publique, un amendement de M. Grémillet a été adopté. Celui-ci introduit un nouvel article L. 541‑4‑5 dans le code de l’environnement, qui crée un régime particulier pour les résidus de production qui ne seraient pas considérés comme des déchets sans toutefois être des sous-produits. Comme le précise cet article, ces résidus de production doivent être similaires à une « substance ou à un matériau qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets », ce qui est l’expression consacrée dans l’avis de la DGPR précité de 2016 et qui signifie similaire à la substance ou à un matériau vierge. L’article précise que l’exploitant de l’installation de production doit s’assurer du respect des conditions posées à l’article 6 de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 précitée, c’est-à-dire des conditions posées à l’article L. 541‑4‑3 sur la sortie du statut de déchet. La disposition permettrait de ne pas faire entrer dans le statut de déchet des substances, matériaux ou objets qui le seraient en application de la réglementation actuelle.

Au sein de la section relative aux transferts transfrontaliers de déchets et alors que le Gouvernement voulait corriger une erreur à l’article L. 541‑42‑1 du code de l’environnement, la modification proposée n’est pas apparue adaptée à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. En effet, la procédure contradictoire s’appliquerait à toutes les procédures de contrôle des règles du transfert transfrontalier de déchets. L’amendement du rapporteur pour avis adopté en commission permet de laisser quasiment inchangé l’article L. 541‑42‑1 en ne faisant référence qu’à l’article L. 121‑1 du code des relations entre le public et l’administration, qui ne s’applique pas aux articles L. 541‑41 et L. 541‑42 du code de l’environnement, c’est-à-dire aux procédures de reprise et de traitement des déchets et de constitution de garanties financières. Le principe du contradictoire s’appliquerait dans la procédure conduisant le ministre chargé de l’environnement à prononcer des amendes administratives sur le fondement des articles L. 541‑42‑2 et L. 541‑42‑3 nouvellement créé.

Deux modifications ont été introduites par le Sénat au nouveau régime de sanction administrative prévu à l’article L. 541‑42‑3. Ces modifications portent sur le montant de l’amende administrative qui peut être prononcée par le ministre chargé de l’environnement. Son montant pourra être égal au plus à cinq fois le montant correspondant au coût de traitement des déchets concernés par le transfert illicite. La période au cours de laquelle l’amende pourra être infligée est portée d’un an à trois ans après la constatation du transfert illicite.

IV.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel CS1308 de la rapporteure Marie-Agnès Poussier-Winsback.

Elle a également adopté l’amendement CS1353 de la rapporteure, modifiant la fin de l’alinéa 5 du présent article. Il est donc proposé d’indiquer que le producteur, au sein d’une plateforme industrielle, s’assure uniquement que le résidu de production présumé être un sous‑produit ne présente pas d’incidence globale nocive pour l’environnement et la santé humaine.

En effet, en amont du dépôt du projet de loi, le Conseil d’État a analysé les conditions devant être vérifiées dans le cas des résidus de production des plateformes industrielles qui ne seraient plus des déchets. Compte tenu de l’usage certain de ces résidus et du fait de l’encadrement des plateformes industrielles au titre de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, il a considéré que les quatre premières conditions relatives aux sous-produits déterminées par la directive-cadre sur les déchets de 2008 et mentionnées au I de l’article L. 541‑4‑2 du code de l’environnement étaient automatiquement remplies et qu’il n’était donc pas nécessaire que l’exploitant apporte une démonstration supplémentaire.

Ainsi, seule la dernière condition mentionnée au I de l’article L. 541‑4‑2, c'est-à-dire celle relative à l’absence d’incidence globale nocive pour l’environnement ou la santé humaine, doit impérativement être démontrée. C’est l’objectif poursuivi par cet amendement CS1353, qui ne vise pas à faire des sous-produits des plateformes industrielles une catégorie distincte de sous-produits.

Les amendements identiques CS271 de Mme Christelle Petex‑Levet (LR) et plusieurs de ses collègues, CS580 de M. Thibaut Bazin (LR), CS842 de M. Stéphane Delautrette et l’ensemble des membres du groupe Socialistes et apparentés et CS1101 de Mme Anne‑Laure Babault (MoDem) introduisent une obligation d’information pesant sur les plateformes industrielles qui utilisent des résidus de production dans les conditions définies au présent article. Ces plateformes devront informer annuellement l’autorité administrative des quantités de résidus de production produites et considérées comme des sous‑produits et échangées entre les entreprises de la plateforme. Une telle disposition permettra notamment de pouvoir évaluer plus facilement l’intérêt du nouveau régime proposé par le présent projet de loi pour les résidus de production utilisés dans ces plateformes au cours des prochaines années.

L’amendement CS1365 de la rapporteure modifie l’article L. 541‑4‑3 du code de l’environnement en introduisant une disposition qui définit de nouveaux critères pour sortir du statut de déchet. Les résidus de production qui, s’ils sont utilisés dans un processus de production, sont similaires à des substances ou objets qui auraient produits sans avoir recours à des déchets, sortent du statut de déchet sans que le producteur ait à effectuer de démarche particulière, mais si et seulement s’il peut assurer avoir respecté les conditions définies au I de l’article L. 541‑4‑3 définissant les critères et conditions de sortie du statut de déchet. Cet amendement permet de reprendre, sur le fond, la disposition proposée par M. Daniel Grémillet en séance publique au Sénat, sans que lui soit consacré un article distinct dans le code de l’environnement.

Les amendements identiques CS768 de M. Stéphane Delautrette et l’ensemble des membres du groupe Socialistes et apparentés et CS1174 de M.  Philippe Bolo (MoDem) et plusieurs de ses collègues, adoptés avec un avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, introduisent un nouvel article dans le code de l’environnement, visant à interdire l’exportation de produits textiles d’habillement contenant de la fibre plastique dans tout pays dans lequel ils pourraient devenir des déchets. La difficulté de cette disposition réside dans l’interdiction très large qu’elle introduit, dans la mesure où elle concerne tous les produits textiles d’habillement contenant de la fibre de plastique neuf et pouvant être exportés depuis la France.

Enfin, la commission spéciale a adopté quatre amendements rédactionnels de la rapporteure (CS1239, CS1236, CS1237 et CS1238).

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Article 4 bis (nouveau)
Sanctions pénales en cas d’infraction à la législation sur les déchets

Introduit par la commission

 

Adopté par la commission avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, cet article introduit une modification à l’article L. 541‑46 du code de l’environnement qui prévoit des sanctions pénales en cas d’infractions relatives au non respect de la réglementation sur les déchets et leurs transports. Les sanctions prévues au I de l’article L. 541‑46 sont portées à quatre ans d’emprissonement et à 150 000 euros d’amende, contre deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende actuellement.

 

I.   le droit en vigueur

Dans le chapitre Ier consacré à la prévention et à la gestion des déchets au sein du titre IV du livre V de la partie législative du code de l’environnement, l’article L. 541‑46 prévoit des sanctions pénales pour des infractions définies au même article. Des sanctions pour les infractions à la législation sur les déchets existent depuis 1975 et la loi n° 75‑633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Les dispositions ont été codifiées en 2000 dans le code de l’environnement et ont été complétées à plusieurs reprises.

Dans sa version actuellement en vigueur, l’article prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros pour un certain nombre d’infractions. On trouve parmi ces infractions tout transfert transfrontalier illégal de déchets, mais aussi le non‑respect des règles relatives à la déclaration et au transport de déchet déterminées par le code de l’environnement.

Ces sanctions sont alourdies si les infractions sont commises en bande organisée pour atteindre sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

II.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS820 de M. Vincent Thiébaut (HOR) avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement

Cet amendement modifie le I de l’article L. 541‑46 qui fixe actuellement la peine maximale et l’amende maximale pouvant être prononcées pour les différents types d’infraction prévus au 1° à 17° du I de l’article L 541‑46 précité. La peine maximale proposée par l’amendement est de quatre ans d’emprisonnement et le montant de l’amende est fixé à 150 000 euros. Il s’agit d’un doublement par rapport au droit existant. Comme l’ont signalé les différents députés et le Gouvernement qui se sont exprimés en faveur de cet amendement, il est important de prévoir des sanctions dissuasives pour les contrevenants afin de réduire le nombre d’infractions qui sont souvent commises dans le cadre de trafics illégaux de déchets sur le territoire national ou au niveau international et peuvent porter de graves préjudices à l’environnement.

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Chapitre IV
Réhabiliter les friches pour un usage industriel

Article 5
Faciliter les procédures existantes de cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement

Adopté par la commission avec des modifications

 

L’article 5 du projet de loi prévoit une modification des règles relatives à la réhabilitation des friches industrielles. Il permet, de manière facultative, l'intervention de bureaux d'études certifiés pour attester de la mise en sécurité et de la réhabilitation des sites classés « installations classées pour la protection de l'environnement » (ICPE), pour les cessations d'activité notifiées avant le 1er juin 2022. Il étend le champ des opérations pouvant être prises en charge par un tiers demandeur, tout en précisant les obligations du dernier exploitant. Il permet au préfet de mettre en demeure un exploitant d'ICPE de mettre à l'arrêt une partie de l'installation qui n'a pas été exploitée durant trois années consécutives et de fixer un délai contraignant pour la remise en état du site.

Il prévoit, en outre, qu’un tiers demandeur puisse intervenir au moment de la notification de la cessation d'activité afin de prévenir la constitution de friches.

I.   le droit en vigueur

A.   Les obligations de mise en sécuritÉ et de rÉhabilitation du site pesant sur les ICPE cessant leur activité

1.   Les installations classées pour la protection de l’environnement

Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont des exploitations industrielles ou agricoles susceptibles de créer des risques pour les tiers et de provoquer des pollutions ou des nuisances vis-à-vis de l’environnement.

La réglementation applicable à ces installations classées relève du titre Ier du livre V du code de l’environnement. Les règles visent à prévenir les risques accidentels (explosion, incendie…) ou chroniques (exposition prolongée à une quantité de polluant), ainsi qu’à protéger l’environnement et à préserver la biodiversité.

Les activités relevant de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement sont énumérées dans une nomenclature comportant trois régimes de classement, selon l’importance des risques susceptibles d’être induits par l’installation concernée :

– une déclaration pour les activités les moins polluantes et les moins dangereuses ;

– un enregistrement pour des installations standardisées (stations-services, entrepôts, etc.), dont les risques sont connus et peuvent être encadrés par des prescriptions génériques ;

– une autorisation pour les installations présentant les risques et les impacts les plus importants. La demande d’autorisation environnementale comporte des études approfondies.

2.   L’obligation de mise en sécurité et la réhabilitation lors de la cessation d’activité

Lors de la cessation d'activité d'un établissement relevant de la nomenclature des ICPE, l'exploitant est soumis à deux obligations : d’une part, la bonne mise en sécurité du site et, d’autre part, la réhabilitation du site pour permettre sa réutilisation.

La mise en sécurité vise à ce que le site ne porte pas atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511‑1 du code de l’environnement, c’est-à-dire la commodité du voisinage, la santé, la sécurité ou la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, l’utilisation rationnelle de l'énergie, ainsi que la conservation des sites et monuments et des éléments du patrimoine archéologique. Conformément aux articles R. 512‑39‑1, R. 512‑46‑25 et R. 512‑66‑1 du code de l'environnement, la mise en sécurité doit intervenir au moment de l’arrêt définitif des installations.

La réhabilitation du site doit, quant à elle, permettre sa réutilisation en vue d’un autre usage. Elle doit également intervenir immédiatement.

3.   Des obligations différenciées selon le régime de classement des ICPE

 

ICPE soumise à déclaration

ICPE soumise à enregistrement

ICPE soumise à autorisation

Mise en sécurité

Mise dans un état tel que le site ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511‑1.

Mise dans un état tel que le site ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511‑1 et, le cas échéant, à l'article L. 211‑1 relatif à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

Mise dans un état tel que le site ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511‑1 et, le cas échéant, à l'article L. 211‑1 relatif à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

Réhabilitation

Mise dans un état qui permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation

ICPE enregistrées avant 2009

ICPE autorisées avant le 1er février 2004

Remise en état qui permette un usage futur déterminé a posteriori conjointement avec l'autorité compétente en matière d'urbanisme et, le cas échéant, le propriétaire du terrain ou, à défaut, dans un état qui permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation

Possibilité pour le préfet, dans les cas où cet usage serait manifestement incompatible avec celui prévu dans les documents d'urbanisme en vigueur au moment de la réhabilitation, de fixer des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes.

ICPE enregistrées à compter de 2009 

ICPE autorisées à compter du 1er février 2004 : 

Remise en l'état déterminée a priori par l'arrêté d'autorisation, après avis de l'autorité compétente en matière d'urbanisme et, le cas échéant, du propriétaire du terrain.

B.   Des Évolutions législatives rÉcentes qui facilitent la réhabilitation des sites ICPE

1.   L’intervention de tiers certifiés doit permettre d’attester de la bonne réalisation des obligations de mise en sécurité et de réhabilitation

L’article 57 de la loi n° 2020‑1525 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi « Asap », avait introduit de nouvelles obligations pour les exploitants d'installation classée pour la protection de l'environnement en matière de mise en sécurité et réhabilitation du site, pour les cessations d’activités notifiées à compter du 1er juin 2022.

L'exploitant est désormais tenu de faire intervenir des sociétés tierces qualifiées (bureaux d'études) certifiées pour attester de la mise en sécurité du site pour les ICPE soumises à autorisation et à enregistrement, ainsi que pour certaines catégories d'ICPE soumises à déclaration. Les bureaux d’études doivent également intervenir pour attester de la réhabilitation des sites des installations soumises à enregistrement ou à autorisation.

L’étude d’impact annexée au présent projet de loi estime que l'intervention d'un bureau d'études certifié assure la compatibilité de la présence d'une éventuelle pollution résiduelle avec les usages envisagés. L’action de l’administration est ainsi recentrée sur les cas complexes comme ceux nécessitant des discussions avec les différents acteurs sur l'usage futur du site.

Les cessations d'activité notifiées jusqu'au 31 mai 2022 doivent être réalisées selon les anciennes modalités et les cessations d'activité notifiées à compter du 1er juin 2022 se font selon les nouvelles modalités introduites par la loi « Asap ». Les deux procédures vont coexister un certain temps.

2.   La procédure de tiers demandeur a favorisé la réhabilitation et la réutilisation des fonciers industriels

La loi n° 2014‑366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », précisée par le décret n° 2015‑1004 du 18 août 2015, a instauré des procédures de « tiers demandeur » et de changement d’usage.

Régie par l’article L. 512‑21 du code de l’environnement, la procédure de tiers demandeur permet de transférer tout ou partie de la remise en état d'un site à un tiers, qui prend alors en charge les coûts de réhabilitation.

 

La procédure de tiers demandeur

1. Le « tiers demandeur » doit d'abord obtenir l'accord de l'industriel dernier exploitant sur le transfert de l'obligation de dépollution et sur l'usage futur du site.

2. Il recueille ensuite les accords du propriétaire du terrain (si celui-ci n'est pas le dernier exploitant) et de l'autorité compétente en matière d'urbanisme (lorsque ces accords n'ont pas été déjà donnés dans le cadre de la procédure de cessation d'activité) sur l'usage du site. Ces accords doivent être rendus dans un délai de trois mois. À défaut, ils sont réputés favorables.

3. Le tiers demandeur soumet la proposition d'usage futur au préfet, accompagnée de l'accord du dernier exploitant et, le cas échéant, des avis émis par le propriétaire du terrain et par l'autorité compétente en matière d'urbanisme. Le préfet se prononce sur l'usage du site au vu des avis émis, des documents d'urbanisme et de l'utilisation des terrains situés au voisinage du site. Son accord sur l'usage futur doit être donné dans un délai de deux mois. À défaut, la proposition d'usage futur est considérée comme rejetée.

4. Le tiers demandeur soumet alors le dossier de demande de substitution au préfet. Ce dossier doit comprendre un mémoire de réhabilitation, une estimation du montant et de la durée des travaux et un document qui présente les capacités techniques et financières du tiers demandeur. Le préfet doit se prononcer dans un délai de quatre mois. À défaut, la demande de substitution est considérée comme rejetée.

5. Le préfet statue par un « arrêté de substitution » qui définit les travaux à réaliser ainsi que le montant, la durée et le délai pour l'envoi des garanties financières par le tiers demandeur. Le montant des garanties financières est celui des travaux prévus.

6. La réalisation des travaux de réhabilitation est constatée par un procès-verbal de l'inspecteur des installations classées. Ce procès-verbal permet la levée des garanties financières.

 

Source : étude d’impact annexée au projet de loi relatif à l’industrie verte, 15 mai 2023

La procédure de tiers demandeur a deux objectifs :

– d’une part, limiter la crainte des industriels de voir leur responsabilité engagée si une pollution est découverte sur un site après sa vente. En effet, l’exploitant étant responsable pendant 30 ans des pollutions des sols après la notification de cessation de l’activité, certains industriels peuvent être tentés de conserver des fonciers non utilisés pendant une longue période. Dans le cadre de la procédure du tiers demandeur, ce tiers devient responsable vis-à-vis de l'administration en lieu et place du dernier exploitant ;

– d’autre part, permettre une réhabilitation plus rapide des espaces, puisque le nouvel aménageur assure directement des travaux adaptés à l’usage futur du site.

L’étude d’impact annexée au présent projet de loi indique que cette procédure a été mobilisée pour environ 140 dossiers de cessation d'activités depuis son entrée en vigueur en 2015, c'est-à-dire que 140 demandes d'accord préalables ont été déposées.

En cas de défaillance du tiers demandeur, le dernier exploitant demeure responsable de la réhabilitation du site.

3.   Le préfet peut mettre en demeure un exploitant d’engager la procédure de l’arrêt définitif d’une ICPE

La loi n° 2003‑699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a prévu que, lorsqu'une installation classée pour la protection de l'environnement n'a pas été exploitée pendant trois années consécutives, le préfet peut mettre en demeure l'exploitant de procéder à sa mise à l'arrêt définitif (article L. 512‑19 du code de l'environnement).

L'article 20 de la loi « Asap » donne au préfet la possibilité de fixer un délai contraignant pour la réhabilitation d'un site après cessation d'activité d'une installation classée, après consultation de l'exploitant (art. L. 512‑22 du code de l'environnement).

En application de l’article R. 512‑75‑1 du même code, l'arrêt définitif qui marque l'obligation pour un exploitant de déclencher une notification de cessation d'activités est acquis soit en raison de l'arrêt total de l'activité classée concernée, soit du seul fait de la réduction de l'activité en-dessous du seuil d'entrée dans la nomenclature des installations classées.

La procédure de mise en demeure, qui ne peut concerner que l’ensemble d’un site industriel, est aujourd’hui peu utilisée. Il ressort des auditions menées que certaines entreprises tendent à maintenir une activité minimale sur une partie du terrain concerné afin d’éviter toute mise en demeure préfectorale.

II.   le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   L’extension optionnelle du recours aux bureaux d’études pour les cessations d’activité intervenues avant le 1er juin 2022

Aujourd’hui, le recours à un bureau d’études pour la certification de la bonne réalisation des opérations de mise en sécurité et de réhabilitation du site après cessation d’activité, n’est possible que pour les notifications intervenues après le 1er juin 2022.

L’article 5 du présent projet de loi prévoit que les exploitants d'installations classées soumises à autorisation ou à enregistrement et dont la cessation d'activité a été notifiée à l'administration avant le 1er juin 2022 pourront bénéficier, de manière optionnelle, des attestations des bureaux d’études. Ce recours ne concernerait que le volet « Réhabilitation » et ne serait accessible qu’après la mise en sécurité des sites. Cette dérogation serait ouverte jusqu’au 1er janvier 2026.

L’article 5 prévoit ainsi de compléter les articles L. 512‑6‑1 (régime d’autorisation) et L 512‑7‑6 (régime d’enregistrement) du code de l’environnement par un nouvel alinéa encadrant cette procédure.

2.   L’extension de la procédure du tiers demandeur à la mise en sécurité du site

Aujourd’hui, le tiers demandeur ne peut procéder qu’à la réhabilitation du site : la mise en sécurité du site incombe nécessairement au dernier exploitant de l’installation classée.

L’article 5 du projet de loi prévoit que le tiers demandeur puisse procéder à la mise en sécurité, en sus de la réhabilitation du site. Par cohérence, le présent article prévoit que le montant des garanties financières exigées du tiers demandeur doit couvrir à la fois les travaux de réhabilitation prévus, comme actuellement, et les travaux de mise en sécurité qui pourraient lui incomber, dans le cas où il en prend effectivement la charge.

Le présent article modifie par ailleurs le VII de l’article L. 512‑21 du code de l’environnement. Désormais, en cas de défaillance du tiers demandeur et d'impossibilité de mobiliser les garanties financières constituées par ce dernier, la responsabilité résiduelle du dernier exploitant concerne uniquement la mise en sécurité du site de l’installation concernée. Cette évolution doit faciliter le recours à la procédure du tiers demandeur. 

3.   La possibilité de déclencher la procédure de mise en arrêt pour une partie de site inutilisée

Aujourd’hui, le pouvoir du préfet de mettre en demeure un exploitant d'engager la procédure d'arrêt définitif d'une installation classée pour la protection de l'environnement ne répondant plus aux critères d'activité pertinents ne concerne que des sites dans leur intégralité.

L’article 5 du projet de loi élargit le cadre du déclenchement de la notification de la cessation d'activité en prévoyant que le préfet peut mettre en demeure l’exploitant pour une partie d’installation située sur un terrain.

Comme le préfet peut déjà le faire lorsque l'ensemble d'une installation est mis à l'arrêt, l’article 5 prévoit également que le préfet peut fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site pour une telle partie d'installation.

B.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

1.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a modifié l’article 5 en adoptant deux amendements favorisant la mobilisation rapide des friches industrielles.

● L’amendement COM‑323 du rapporteur Laurent Somon modifie les quatrièmes alinéas des articles L. 512‑6‑1 et L. 512‑7‑6 du code de l’environnement. La disposition introduite vise à ce que, en cas de désaccord entre l’exploitant et la personne publique compétente en matière d’urbanisme, le préfet ne puisse pas prescrire une remise en état « maximaliste » du site. Cette mesure vise à ne pas décourager les implantations industrielles sur des terrains déjà dévolus à l'industrie. Si un changement d'usage du terrain en question est prévu, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut prescrire des obligations de remise en état plus contraignantes, en fonction de cet usage prévu.

● L’amendement COM‑324 du rapporteur Laurent Somon complète la procédure de tiers demandeur via une modification de l’article L. 512‑21 du code de l’environnement. Le tiers demandeur peut obtenir l’autorisation préfectorale requise et intervenir sur le site avant même la cessation d’activité. Cette mesure vise à réduire le temps de latence entre la cessation d’activité et la reprise par le nouvel exploitant.

2.   L’examen en séance publique

Le Sénat a adopté l’amendement n° 407 du rapporteur Laurent Somon lors de l’examen en séance publique, avec un avis favorable du Gouvernement. Cet amendement de précision juridique apporte une meilleure qualification des prescriptions de remise en état des sites.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté plusieurs amendements :

– L’amendement CS567 de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaines – Nupes), qui supprime les alinéas 3 et 7 de l’article 5 introduits par le Sénat. Cet amendement avait reçu un avis favorable de la rapporteure Marie‑Agnès Poussier‑Winsback et du Gouvernement, qui ont estimé que le droit applicable était suffisant.

– Les amendements identiques CS1393 de la rapporteure Marie‑Agnès Poussier‑Winsback, CS724 de M. Hadrien Ghomi (Renaissance) et CS1171 de M. Frédéric Zgainski (Démocrate), qui avaient reçu un avis favorable du Gouvernement. Ces amendements modifient la procédure de tiers demandeur en permettant à ce tiers de demander au préfet la possibilité de se substituer à l’exploitant dès la notification de cessation d’activité réalisée. La nouvelle rédaction introduit ainsi une précision temporelle sur la procédure de tiers demandeur.

– Les amendements rédactionnels de la rapporteure Marie‑Agnès Poussier‑Winsback CS1349, CS1350 et CS1351.

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Article 5 bis AA
Extension du dispositif Attes-Alur aux installations classées non régulièrement réhabilitées

Introduit par la commission

 

Introduit par l’Assemblée nationale, l’article 5 bis AA rend obligatoire la délivrance d’attestations dans les demandes de permis de construire ou de permis d’aménager pour tous les projets se faisant sur des terrains ayant accueilli des installations classées pour la protection de l'environnement, que ces installations aient été régulièrement réhabilitées ou non.

La commission spéciale a adopté un amendement CS124 de Mme Pascale Boyer (Renaissance), modifié par l’adoption du sous-amendement CS1428 du Gouvernement. L’amendement CS124 avait reçu un avis favorable de la rapporteure Marie-Agnès Poussier‑Winsback et du Gouvernement.

I.   Le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2014‑366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », les articles L. 556‑1 et L. 556‑2 du code de l’environnement prévoient la délivrance d’une attestation dite « Attes-Alur » visant à se prémunir des pollutions des sols les plus anciennes. Lorsqu’un site est identifié comme ayant eu des usages à fort risque de pollution par le passé, le maître d’ouvrage doit joindre une attestation à la demande de permis de construire ou d’aménager. L’attestation garantit la compatibilité entre l’état des sols et l’usage futur du site. Pour obtenir l’attestation, le maitre d’ouvrage fait appel à un bureau d’étude certifié dans le domaine des sites et des sols pollués. Ce prestataire mène une étude des sols destinée à déceler les traces de pollution et établit les préconisations nécessaires à la validation du projet. Il s’assure ensuite que les recommandations de cette étude ont été suivies dans la conception du projet de construction ou d’aménagement.

Aujourd’hui, les attestations Attes-Alur ne concernent que les terrains en secteur d’information sur les sols ([72]) et les terrains ayant accueilli des installations classées régulièrement réhabilitées. Or, de nombreux projets se font aujourd’hui sur des terrains ayant accueilli des installations non régulièrement réhabilitées.

II.   les travaux de la commission spéciale

Estimant qu’il était préférable d’encadrer tous les projets de construction et d’aménagement sur les terrains ayant accueilli des installations classées, particulièrement si elles n’ont pas été régulièrement réhabilitées, la commission spéciale a jugé nécessaire l’élargissement du champ du dispositif « Attes-Alur ». Elle a donc adopté un amendement CS124 de Mme Pascale Boyer (Renaissance), modifié par l’adoption du sous-amendement CS1428 du Gouvernement. L’amendement CS124 avait reçu des avis favorables de la rapporteure Marie-Agnès Poussier‑Winsback et du Gouvernement.

Le nouvel article 5 bis AA du projet de loi modifie l’article L. 556‑1 du code de l’environnement en introduisant un nouvel alinéa précisant que le dispositif « Attes-Alur » s’applique dans le cas où le maître d’ouvrage à l’initiative d’un projet de construction ou d’aménagement sur un terrain ayant accueilli une installation classée, ne dispose pas d’élément montrant que l’installation classée a été régulièrement réhabilitée. Cette disposition, applicable pour tous les permis de construire et permis d’aménager dont la demande est déposée à compter du 1er juillet 2024, devrait faciliter, sécuriser et accélérer le travail d’instruction des autorisations d’urbanisme.

L’article 5 bis AA du projet de loi rend ainsi obligatoire la délivrance d’attestations dans les demandes de permis de construire ou de permis d’aménager pour tous les projets se faisant sur des terrains ayant accueilli des installations classées pour la protection de l'environnement, que ces installations aient été régulièrement réhabilitées ou non.

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Article 5 bis A (supprimé)
Rapport sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans

Supprimé par la commission

 

Introduit par le Sénat, l’article 5 bis A prévoyait la remise d’un rapport relatif aux moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans en vue de leur réindustrialisation.

I.   Le dispositif proposé

Introduit par le Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement n° 247 de Mme Cécile Cukierman (Communiste républicain citoyen et écologiste) lors de l’examen du texte en séance publique, l’article 5 bis A prévoit la rédaction d’un rapport relatif aux moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans.

La notion de friche a été précisée en droit par l’article 222 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ». L’article L. 111‑26 du code de l’urbanisme définit ainsi les friches comme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l'état, la configuration ou l'occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables ».

La requalification des friches doit permettre la réindustrialisation de ces espaces ainsi que le respect des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols inscrits dans la loi du 22 août 2021 précitée, à savoir l’absence de toute artificialisation nette en 2050.

Aujourd’hui, l’identification des friches peut se révéler complexe dans la mesure où il n’en existe pas d’inventaire pleinement exhaustif. L’outil « Cartofriches » du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) identifie près de 8 300 friches sur l’ensemble du territoire, à partir des appels à projets du fonds Friches, des remontées des utilisateurs et des bases de données nationales recensant les sites potentiellement pollués et les anciens sites industriels (Basias et Basols).

Cet amendement avait reçu un avis favorable du rapporteur Laurent Somon, qui a estimé que la gestion des anciennes friches pose de véritables problèmes aux communes dans la mesure où l’exploitant a souvent disparu et que les coûts de dépollution peuvent se révéler importants.

L’amendement avait néanmoins reçu un avis défavorable du Gouvernement, qui l’estimait déjà satisfait dans la mesure où une mission, attendue pour le mois de juillet, doit identifier les terrains disponibles pour les industriels.

II.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté les amendements de suppression CS675 du Gouvernement et CS742 de M. Henri Alfandari (Horizons et apparentés), qui avaient reçus un avis favorable de la rapporteure Marie‑Agnès Poussier‑Winsback.

Le Gouvernement et la rapporteure ont rappelé qu’ils partageaient la nécessité d’accélérer la réhabilitation des friches industrielles. Ils ont toutefois estimé que la rédaction d’un nouveau rapport n’était pas nécessaire, du fait de la remise du rapport Mouchel-Blaisot sur la mobilisation du foncier industriel au cours du mois de juillet 2023.

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Article 5 bis
Visée industrielle de l’expropriation pour état d’abandon manifeste

Adopté par la commission sans modification

 

Introduit par le Sénat, l’article 5 bis établit que la procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste peut être justifiée par le souhait d’une implantation industrielle.

I.   le droit en vigueur

A.   La procédure de déclaration d’abandon manifeste permet aux communes d’acquerir des biens qui ne sont manifestement plus entretenus

La procédure de « déclaration d’état d’abandon manifeste » est définie aux articles L. 2243‑1 à L. 2243‑4 du code général des collectivités territoriales. Elle permet à une commune d’acquérir des terrains ou immeubles via une procédure d'expropriation, lorsqu'ils ne sont « manifestement plus entretenus » (article L. 2243‑1 du même code).

À l’issue de l’annonce, par la commune, de son souhait de déclarer la parcelle en état d’abandon et d’une phase de recherche du propriétaire, le conseil municipal peut déclarer une parcelle en état d’abandon manifeste et ainsi engager une expropriation, conformément aux conditions prévues à l’article L. 2243‑4 du même code.

Le déroulé d’une procédure d’abandon manifeste

(articles L. 2243‑1 à L. 2243‑4 du code général des collectivités territoriales)

 

1. Le procès-verbal provisoire : le maire identifie la parcelle concernée et cherche les propriétaires. Il constate par procès-verbal provisoire l’abandon manifeste du bien et la nature des travaux nécessaires pour faire cesser l’abandon. Le procès-verbal est affiché pendant 3 mois en mairie, publié dans deux journaux régionaux ou locaux et notifié au propriétaire de la parcelle lorsqu’il est connu.

 

2. Le procès-verbal définitif : à l’issue de la période de publicité, le maire constate l’état d’abandon manifeste dans un procès-verbal définitif mis à disposition du public. Le conseil municipal, saisi par le maire, déclare l’état d’abandon manifeste et décide d’en poursuivre l’expropriation au profit de la commune, pour une destination d’intérêt général qui doit être déterminée.

 

3. L’expropriation : Le maire présente un dossier d’acquisition publique et le soumet au public pendant une durée minimum d’un mois. Ce dossier comprend la liste des biens à exproprier, l’identité des propriétaires éventuels, les plans des terrains visés par la procédure et l’évaluation sommaire du coût. Le maire soumet ensuite le dossier au préfet.

B.   Des conditions d’expropriation limitées

L’article L. 2243‑3 du code général des collectivités territoriales précise les conditions limitatives en vertu desquelles le conseil municipal peut mettre en œuvre la déclaration d’état d’abandon manifeste. Cette procédure ne peut avoir lieu qu’en vue « soit de la construction ou de la réhabilitation aux fins d'habitat, soit de tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement, soit de la création de réserves foncières permettant la réalisation de telles opérations ».

II.   Le dispositif proposé

Créé par l’adoption d’un amendement COM-320 du rapporteur Laurent Somon en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, l’article 5 bis donne la possibilité aux collectivités de mobiliser plus largement la procédure de déclaration d'état d'abandon. Il introduit ainsi une précision à l’article L. 2243‑3 du code général des collectivités territoriales, indiquant que les opérations d’aménagement justifiant la procédure d’expropriation pour abandon manifeste peuvent être mise en œuvre « y compris, le cas échéant, en vue de l’implantation d’installations industrielles ».

Cette précision devrait favoriser la réinstallation d’industries sur des friches industrielles constituées.

Le Sénat n’a pas modifié l’article 5 bis en séance publique.

III.   les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article 5 bis sans modification.

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Article 5 ter
Prise en compte des friches dans les orientations du SCoT

Adopté par la commission sans modification

 

Introduit par le Sénat, l’article 5 ter vise à garantir la prise en compte des friches dans les orientations du SCoT.

I.   le droit en vigueur

A.   L’absence de prise en compte obligatoire des friches dans les SCoT

1.   Les schémas de cohérence territoriale, instruments de planification

Les schémas de cohérence territoriale (SCoT), créés par la loi n° 2000‑1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi « SRU », et récemment modifiés par l’ordonnance n° 2020‑744 du 17 juin 2020 relative à la modernisation des SCoT, sont définis par les articles L. 141‑1 et suivants du code de l’urbanisme.

Ce document de planification urbaine détermine à l'échelle d’un bassin de vie, d’un bassin d’emploi ou d’une aire urbaine, un projet territorial à long terme (environ vingt ans). Il vise à mettre en cohérence l’ensemble des politiques publiques sur le territoire couvert en matière d’urbanisme, d’habitat, de mobilités, d'équipements commerciaux, d’agriculture et d’environnement.

Un SCoT comprend :

– un projet d’aménagement stratégique (PAS), qui définit les objectifs de développement et d’aménagement du territoire à un horizon de vingt ans sur la base d’un diagnostic territorial (article L. 141‑3) ;

– un document d'orientation et d’objectifs (DOO), qui fixe des orientations générales pour parvenir à un développement équilibré du territoire concernant trois volets thématiques : les activités économiques, agricoles, commerciales et logistiques ; l’offre de logement et d’habitat, de services et de mobilités ; la transition écologique et énergétique (articles L. 141‑4 à L. 141‑14) ;

– des annexes, qui comprennent notamment une évaluation environnementale (articles L. 141‑15 à L. 141‑19).

Le SCoT est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale ou par un syndicat mixte composé des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents compris dans le périmètre du schéma. L’établissement public ou le syndicat mixte est également chargé de l’approbation, du suivi et de la révision du SCoT. Les services de l’État, le département et la région sont associés à l’élaboration du SCoT.

2.   Les SCoT, outils de lutte contre l’artificialisation des sols

Les SCoT proposent plusieurs outils d’information, de diagnostic et d’action en faveur de la gestion économe de l’espace et de la lutte contre l’artificialisation des sols.

Le PAS fixe ainsi, par tranches de dix ans, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation des sols. Ces objectifs sont déclinés dans le DOO, qui établit des objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain par secteur géographique. Ce document détermine les conditions d’implantation des constructions commerciales et logistiques en fonction de leur surface et de leur impact sur l’artificialisation des sols via, notamment, l’utilisation prioritaire des surfaces vacantes.

Les SCoT n'ont toutefois, à ce jour, aucune obligation de prendre en compte spécifiquement les friches.

B.   D’autres documents d’urbanisme prennent en compte les friches

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit, dans les plans locaux d'urbanisme (PLU), la fixation d'objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. Elle prévoit également, à l’article L. 1515 du code de l'urbanisme, que le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du PLU doit tenir compte, s'il prévoit l'ouverture à l'urbanisation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, de la « capacité à mobiliser effectivement les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés existants ».

La loi du 22 août 2021 précitée a introduit des dispositions analogues pour les cartes communales à l’article L. 1613 du même code.

À l’échelon régional, le décret n° 2022‑762 du 29 avril 2022  ([73])  intègre dans les rapports d'objectifs des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), le potentiel de réhabilitation des friches, dans le cadre de la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation du territoire.

II.   le dispositif proposé

Le Sénat a adopté en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable un amendement COM-321 du rapporteur Laurent Somon, qui intègre les friches existantes dans le SCoT.

L’article 5 ter prévoit que les friches sont prises en compte à la fois dans le projet d’aménagement stratégique du SCoT, via un complément de l’article L. 141­3 du code de l’urbanisme, et dans le volet du document d’orientation et d’objectifs consacré au développement économique, via la modification de l’article L. 141‑6 du même code.

Le Sénat n’a pas modifié l’article 5 ter en séance publique.

III.   les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article 5 ter sans modification.

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Article 6
Sécuriser les financements relatifs à la mise en sécurité des sites en cas d’exploitation illégale ou de liquidation judiciaire

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 6 supprime le mécanisme des garanties financières obligatoires prévues à l'article L. 516-1 du code de l’environnement pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) les plus polluantes.

En parallèle, cet article vise à sécuriser le financement des opérations de mise en sécurité des sites industriels en situation d’exploitation illégale ou de liquidation judiciaire.

En cas d’exploitation sans titre d’un site industriel, cet article renforce les sanctions administratives prévues à l’article L. 171-7 du code de l’environnement en prévoyant la possibilité, d’une part, d’infliger une amende au plus égale à 45 000 euros sans mise en demeure préalable nécessaire, et, d’autre part, de consigner les sommes nécessaires pour réaliser les travaux prescrits auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

En cas de liquidation judiciaire de l’exploitant, cet article reclasse à l’article L. 641-13 du code de commerce les dépenses de mise en sécurité des installations classées parmi les créances à payer à échéance. Il relève également le niveau de privilège pour ce type de créances (article L. 643-8 du même code).

I.   le DROIT EN VIGUEUR

A.   Le dispositif de garanties financières obligatoires pour assurer la mise en sécurité de certaines installations classées est rarement mis en œuvre 

En application de l’article L. 516-1 et du 5° de l’article R. 516-1 du code de l’environnement, certains installations susceptibles, en raison de la nature et de la quantité des produits et déchets détenus, d’être à l’origine de pollutions importantes des sols ou des eaux et dont la liste a été fixée par arrêté ([74]), ont l’obligation de constituer des garanties financières préalablement à leur mise en activité.

Ces garanties financières sont destinées à assurer, lors de la cessation d’activité et en cas de défaillance de l’exploitant, la surveillance du site et le maintien en sécurité de l’installation, ainsi que les interventions éventuelles en cas d’accident avant ou après la fermeture (article L. 516-1). Ce champ d’application a été étendu aux opérations de réhabilitation après fermeture par l’article 223 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ».

Telle que définie au IV de l’article R. 512-75-1 du code de l’environnement, la mise en sécurité concerne :

- l'évacuation des produits dangereux et la gestion des déchets présents ;

- les interdictions ou limitations d’accès ;

- la suppression des risques d’incendie et d’explosion ;

- la surveillance des effets de l'installation sur son environnement.

Les garanties financières peuvent être constituées auprès d’un organisme privé, qui délivre alors un acte de cautionnement, ou par consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations (article R. 516-2).

La réglementation européenne n'impose pas la constitution de garanties financières pour d’autres installations que celles classées « Seveso ». Cependant, dans un rapport de juillet 2021 portant sur l’application du principe « pollueur-payeur », la Cour des comptes européenne recommandait à la Commission d’examiner, d’ici 2025, la possibilité de modifier la législation pour rendre obligatoire le recours, par les exploitants, à des garanties financières couvrant les risques environnementaux ([75]), comme le droit français en vigueur le prévoit.

L’étude d’impact du présent projet de loi souligne toutefois les faiblesses opérationnelles du dispositif.

À la fin de l’année 2022, 1 193 installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) étaient soumises à l'obligation de constituer des garanties financières au titre du 5° de l’article R. 516-2 pour un montant total, prescrit depuis 2012 par arrêtés préfectoraux, supérieur à 890 millions d’euros ([76]).

Toutefois, en dix ans, seules dix garanties financières obligatoires ont été effectivement appelées. Cinq ont été infructueuses et cinq auront permis de collecter un million d’euros. À titre de comparaison, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a réalisé 338 interventions pour un budget global de 136 millions d'euros au cours des dix dernières années, au titre de sa mission de mise en sécurité des sites d’exploitants défaillants. Il est toutefois à noter que le périmètre d’intervention de l’Ademe diffère de la liste des installations soumises à l’obligation de constitution de garanties financières.

Par ailleurs et d’après les services ministériels auditionnés, les exploitants rencontreraient des difficultés à constituer ces garanties financières en raison d’un coût important, estimé à 20 millions d’euros par an. De ce fait, en pratique, les autorités administratives parviennent rarement à mobiliser les fonds auprès des organismes de caution en cas de besoin ; et les fonds versés par les industriels bénéficient quasi-exclusivement au secteur des assurances.

B.   La mise en demeure et les sanctions administratives applicables en cas d’exploitation illégale d’un site

Les articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement prévoient une procédure de mise en demeure et les sanctions administratives applicables en cas d’exploitation illégale d’un site industriel. Plus précisément, l’article L. 171-7 vise les cas d’exploitation sans titre – c’est-à-dire le cas d’une installation qui n’aurait pas reçu l’autorisation, l’enregistrement, l’agrément, l’homologation ou la certification dans les conditions prévues par le code de l’environnement – et l’article L. 171-8 concerne les cas d’exploitation dont le fonctionnement n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. Ces dispositions ne concernent pas uniquement les installations classées pour la protection de l’environnement : elles s’appliquent plus généralement aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités soumis aux prescriptions du code de l’environnement.

L’article L. 171-7 du même code prévoit que le préfet met en demeure, par arrêté, l’exploitant fautif de régulariser sa situation dans un délai n’excédant pas un an. Il peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement de l’exploitation et édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne (alinéas 2 et 3).

Sans attendre l’aboutissement de la procédure de mise en demeure, à tout moment et afin de garantir la complète exécution des mesures prescrites, l’autorité administrative peut ordonner une astreinte journalière (au plus égale à 1 500 euros en application du 1° du I de l’article L. 171-1) et l'exécution d’office, aux frais de la personne mise en demeure, des mesures conservatoires ou de suspension prises (2° du II de l’article L. 171-2).

Enfin, le II du même article prévoit qu’en cas de non-respect de la mise en demeure à l’expiration du délai imparti, l’autorité administrative peut ordonner la cessation des activités.

Dans les cas de fonctionnement illégal d’un site, l’article L. 171-8 du code de l'environnement prévoit également une procédure de mise en demeure, suivie de sanctions administratives en cas de non-respect de la mise en demeure à l’expiration du délai imparti. Ces sanctions concernent : 

– l’obligation de consigner auprès d’un comptable public une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser ;

– l’exécution d’office des mesures prescrites, aux frais de la personne mise en demeure, les sommes consignées étant utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ;

– la suspension du fonctionnement du site ;

– le paiement d’une amende administrative au plus égale à 15 000 euros et d’une astreinte journalière au plus égale à 1 500 euros.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   La suppression des garanties financières obligatoires pour les installations les plus polluantes

L’étude d’impact du présent projet de loi souligne le faible recours aux garanties financières constituées par les installations présentant des risques importants de pollution ou d’accident, en application de l’article L. 516-1 du code de l’environnement.

En conséquence, l’article 6 du projet de loi initial supprime cette obligation pour ces installations et la restreint à deux catégories particulières :

– les installations dans lesquelles des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu’ils engendrent des dangers particulièrement pour la sécurité et la santé des populations voisines et pour l’environnement, mentionnés à l’article L. 515-36 et précisés aux articles R. 511-10 à R. 511-12 ;

– les sites de stockage géologique du dioxyde de carbone, mentionnés à l’article L. 229-32 du même code.

Le champ ainsi réduit satisfait les obligations de garanties financières fixées en droit européen.

En contrepartie, l’article 6 prévoit plusieurs dispositions visant à sécuriser le financement des opérations de mise en sécurité des sites en situation d’exploitation illégale ou de liquidation judiciaire de l’exploitant.

2.   Le renforcement des sanctions administratives applicables en cas d’exploitation illégale d’un site

Le 1° du I de l’article 6 renforce le régime des sanctions administratives prévues à l’article L. 171-7 du code de l’environnement en cas d’exploitation sans titre d’un site. Il prévoit que l’autorité administrative peut :

– ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 euros, sans mise en demeure préalable ;

– ordonner à tout momentc'est-à-dire sans attendre l’aboutissement de la procédure de mise en demeure – le paiement d’une amende également plafonnée à 15 000 euros, afin de garantir la complète exécution des mesures conservatoires prises. Au même titre que l’astreinte prévue au 1° du I, cette amende doit être proportionnée à la gravité des manquements constatés ;

– obliger l’intéressé à s’acquitter entre les mains d’un comptable public du paiement d’une somme correspondant au montant des travaux ou des opérations à réaliser. Les sommes consignées sont utilisées pour régler les dépenses engagées dans le cadre de l’exécution d'office des mesures conservatoires prescrites.

Le 2° du I de l’article 6 précise, à l’article L. 171-8, qu’en cas de non-respect de la mise en demeure et à l’expiration du délai imparti, la somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser est recouvrée par le comptable public.

3.   L’inscription des dépenses de mise en sécurité des installations classées parmi les créances à payer à échéance en cas de liquidation judiciaire

L’article L. 641-13 du code de commerce fixe la liste des créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire. Le 1° du II de l’article 6 du présent projet de loi introduit à cet article les « dépenses nées pour assurer la mise en sécurité » des installations classées parmi les créances à payer à échéance en cas de liquidation judiciaire.

L’article L. 643-8 du code de commerce fixe l’ordre de paiement des créances privilégiées, c’est-à-dire l’ordre dans lequel les créanciers sont payés en cas de liquidation judiciaire. Le 2° du II de l’article 6 codifie à cet article le privilège :

– des créances nées régulièrement après le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation pour assurer la mise en sécurité des installations classées pour la protection de l'environnement ;

– des créances résultant d’un arrêté de consignation des sommes correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser pour résorber une situation d’exploitation illégale, pris en application de l’article L. 171-8 du code de l’environnement tel que modifié par le présent article.

Le privilège de ces créances est inscrit au sixième rang et prime ainsi les créances situées aux 7° à 16 du même article – notamment, le régime de garantie des salaires (AGS), les hypothèques, gages et nantissements constitués au bénéfice des créanciers, ainsi que les créances soumises au privilège du Trésor établi à l’article 1920 du code général des impôts.

D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, l’article 6 vise ainsi à « sécuriser » les sommes destinées à la mise en sécurité de sites exploités à titre illégal ou dont l’exploitant est en situation de liquidation judiciaire. Les dispositions introduites par le présent projet de loi ont ainsi vocation à « limiter l’apparition de friches industrielles potentiellement polluées dans les territoires. » ([77])

B.   les modifications apportÉes par le Sénat

1.   L’examen en commission

La commission des affaires économiques du Sénat a supprimé l’alinéa 12 de l'article 6 du présent projet de loi et ainsi rétabli le dispositif de garanties financières obligatoires pour les installations classées les plus polluantes au motif que celui-ci, malgré ses faiblesses, permet une analyse des risques et une sécurisation minimale des coûts de mise en sécurité et de réhabilitation pour les pouvoirs publics.

Les nouvelles dispositions introduites à l’article 6 concernent par ailleurs uniquement les sites en situation d’exploitation illégale ou de liquidation judiciaire. À ce titre, elles ont été estimées insuffisantes pour remplacer le mécanisme des garanties financières obligatoires.

La commission des affaires économiques du Sénat a également adopté un amendement du rapporteur Laurent Somon, visant à préciser que la consignation des sommes correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser pour satisfaire la mise en demeure prévue aux articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement, se fait auprès de la Caisse des dépôts et consignations et selon des modalités d’utilisation fixées par décret en Conseil d’État.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement qui relève les plafonds de l’amende et de l’astreinte prévues aux articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement en cas d’exploitation illégale d’un site. Le plafond de l’amende a ainsi été porté à 45 000 euros et celui de l’astreinte journalière à 4 500 euros.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté les amendements identiques CS1307 de la rapporteure Marie-Agnès Poussier-Winsback, CS671 du Gouvernement, CS1196 de Mme Laurence Heydel Grillère (Renaissance) et CS322 de Mme Danielle Brulebois (Renaissance), qui rétablissent la suppression des garanties financières obligatoires pour les installations classées les plus polluantes à l’alinéa 19 de l’article 6, tel que rédigé dans le projet de loi initial.

La commission spéciale a également adopté plusieurs amendements rédactionnels de la rapporteure Marie-Agnès Poussier-Winsback, qui opèrent des coordinations juridiques aux articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement et à l’article L. 644-4 du code de commerce.

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Article 7
Remplacement des sites naturels de compensation par des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 7 vise à remplacer les sites naturels de compensation (SNC), introduits par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, par des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR). Il abroge l’article L. 163‑3 du code de l’environnement consacré aux SNC et introduit un nouvel article L. 163‑1A, inséré au sein d’une nouvelle section du chapitre III du titre VI du livre I du même code.

Sous réserve de leur agrément prenant notamment en compte le « gain écologique attendu », les SNCRR accueillent des « opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité » mises en place par des personnes publiques ou privées. Ces prestations peuvent être vendues, sous la forme d’unités de restauration ou de renaturation, de façon anticipée mais non nécessairement mutualisée, à toute personne soumise à une obligation de compensation des atteintes à la biodiversité.

À la différence des SNC, ces unités peuvent également être acquises par toute autre personne publique ou privée et donner lieu à l’attribution de crédits carbone dans le cadre du label « Bas-Carbone » défini par décret de novembre 2018 afin de valoriser les réductions d’émissions de gaz à effet de serre permises par les SNCRR.

Enfin, l’article révise les conditions de mise en œuvre des obligations légales de compensation prévues au quatrième alinéa du II de l’article L. 163-1. L’alinéa 14, introduit en commission spéciale, maintient un critère de proximité fonctionnelle non nécessairement géographique.

I.   le DROIT EN VIGUEUR

A.   L’obligation de mesures de compensation dans le cadre de la séquence « Éviter, rÉduire, compenser »

Introduite en droit français par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) est précisée et renforcée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi « Biodiversité », aux articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l’environnement.

Le 2° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement définit un principe d’action préventive et de correction impliquant d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Autrement dit, la compensation doit intervenir en dernier recours, lorsque les atteintes à la biodiversité ne peuvent être évitées ni réduites.

L’article L. 163-1 du code de l’environnement impose la mise en œuvre de mesures de compensation des atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet de travaux, d’ouvrage ou d’activités ou l’exécution d’un plan, d’un schéma, d’un programme ou d’un document de planification. Dans le respect du principe ERC, ces mesures « ne peuvent pas se substituer aux mesures d’évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci [ne peut être] autorisé en l’état ».

Ces mesures de compensation obligatoires doivent :

– respecter un principe d’équivalence écologique entre les gains écologiques générés par les mesures de compensation et les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité (alinéa 1) ;

– viser « un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité » (alinéa 2) ;

– se traduire par une obligation de résultat et être effectives pendant toute la durée des atteintes à la biodiversité (alinéa 2) ;

– être mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci de manière à compenser ses fonctionnalités propres (alinéa 6).

La mise en œuvre de la compensation suppose ainsi une identification précise de l'état initial des milieux (habitats naturels, espèces, etc.) et de son fonctionnement écologique, ainsi que la caractérisation fine des impacts prévisibles du projet durant toute sa durée de vie. Elle nécessite également la mise en place de techniques efficaces susceptibles d’apporter des gains écologiques certains.

Le II de l’article L. 163-1 du code de l’environnement prévoit trois modalités de mise en œuvre des mesures de compensation :

– directement par la personne soumise à l'obligation de compensation ;

– indirectement par un opérateur de compensation public ou privé défini au III de l’article L. 163-1 ;

– par l’acquisition d’« unités de compensation », dans le cadre d’un « site naturel de compensation ».

B.   Les sites naturels de compensation : un dispositif introduit en 2016 et faiblement développé

Introduits par la loi « Biodiversité », les sites naturels de compensation (SNC) sont définis à l’article L. 163-3 du code de l’environnement comme « des opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité » mises en place par des personnes publiques ou privées afin de mettre en œuvre des mesures de compensation.

Les sites naturels de compensation constituent ainsi l’une des modalités par lesquelles un porteur de projet occasionnant des dommages à la biodiversité peut satisfaire à son obligation de compensation, conformément à l’article L. 163-1 du code de l'environnement. Les mesures de compensation mises en œuvre sur un site naturel de compensation ont la spécificité d’être réalisées de manière à la fois anticipée et mutualisée, c’est-à-dire qu’elles sont conçues pour répondre aux besoins de compensation de plusieurs projets à la fois et de façon prévisionnelle par rapport aux dommages effectifs à venir. Elles se traduisent par l’acquisition d’unités de compensation (UC) auprès du SNC.

Préalablement à leur mise en place, les sites naturels de compensation doivent obtenir un agrément de l’État dans des conditions définies par décret ([78]) et aux articles D. 163‑3 à D. 163‑7 du code de l’environnement. La demande d'agrément doit notamment délimiter la zone dans laquelle les projets d’aménagement soumis à obligation de compensation doivent se trouver pour que leurs maîtres d'ouvrage puissent acquérir des UC. Elle identifie également précisément les atteintes à la biodiversité susceptibles d’être compensées par les opérations du SNC.

Ce dispositif s’est très faiblement développé à la suite de la loi « Biodiversité ». En 2023, seul un site naturel de compensation avait fait l’objet d’un agrément ministériel : le SNC Cossure dans les Bouches-du-Rhône, porté par la Caisse des dépôts et consignations Biodiversité et agréé en 2021. Deux autres projets ont été soumis à l'instruction mais n’ont pas obtenu l’agrément.

D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la démarche d’agrément préalable est jugée trop complexe par les acteurs. Elle nécessite en particulier d’anticiper précisément les gains écologiques théoriques qui seront obtenus à l’issue des opérations de restauration.

Un porteur de SNC est confronté à des incertitudes techniques, par rapport à la réussite des opérations de restauration écologique, et également économiques, liées à la future demande de compensation par les acteurs territoriaux.

Par ailleurs, l’outil répond uniquement aux obligations légales et réglementaires de compensation ; il n’est pas conçu pour s'articuler avec d’autres projets de restauration de la biodiversité dans les territoires, et notamment ceux procédant de l'engagement volontaire des acteurs territoriaux. Les opérateurs de sites naturels de compensation ne peuvent, par exemple, pas vendre d’unités de compensation à des personnes qui souhaiteraient s’engager de façon volontaire en faveur de la biodiversité.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

L’article 7 abroge l’article L. 163-3 du code de l’environnement définissant les SNC et crée, en remplacement, des sites naturels de restauration et de renaturation.

Le dispositif ainsi requalifié est codifié dans un nouvel article L. 1631A, inséré au chapitre III du titre VI du livre I renommé « Protection de la biodiversité : actions de compensation, restauration et renaturation » dans le projet de loi initial.

De la même manière que les sites naturels de compensation, les sites naturels de restauration et de renaturation (SNRR) ont vocation à accueillir des actions de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité pouvant être réalisées par des personnes publiques ou privées sur des terrains déterminés. Ils demeurent une modalité par laquelle les personnes peuvent satisfaire à une obligation de compensation telle que définie à l’article L. 163-1 via l’acquisition d’ « unités de restauration ou de renaturation ».

Toutefois et à la différence des sites naturels de compensation, la mise en œuvre de mesures de compensation dans le cadre d’un SNRR n’est pas nécessairement mutualisée entre plusieurs porteurs de projets : elle se fait « de manière anticipée, éventuellement mutualisée ». Il n’est donc pas nécessaire de réunir plusieurs porteurs de projet soumis à une obligation de compensation pour faire émerger un SNRR. Les unités de restauration ou de renaturation ne sont également pas réservées aux personnes soumises à une obligation légale de compensation : elles peuvent être vendues à toute autre personne publique ou privée.

Préalablement à leur mise en place, ces sites doivent faire l’objet d’une procédure d’agrément préalable, dont les modalités seront fixées par décret. L’agrément doit prendre en compte « le gain écologique attendu, l’intégration du site dans les continuités écologiques mentionnées au titre VII du livre III, sa superficie et les pressions anthropiques s’exerçant sur celui-ci. » À la différence du dispositif des sites naturels de compensation, l’agrément ne prendrait donc plus en compte « l’état écologique final visé » (article D. 163-4 du code de l’environnement) des opérations de restauration et de renaturation, mais seulement le gain escompté. Cette modification vise à assouplir les conditions de l'agrément d’un site et répondre aux difficultés rencontrées pour qualifier précisément des gains écologiques, par définition, incertains.

B.   les modifications apportées par le Sénat

1.   L’examen en commission

Le Sénat a adopté un amendement de réécriture globale du rapporteur Fabien Genet, qui opère plusieurs ajustements rédactionnels :

– Le nouvel article L. 163-1-A est inséré au sein d’une nouvelle section intitulée « Sites naturels de restauration et de renaturation » au chapitre III du titre VI du livre I du code de l’environnement. Cette section est ainsi distinguée d’une seconde section intitulée « Compensation des atteintes à la biodiversité » et comprenant les articles L. 163-1 à L. 163-5. En conséquence, le chapitre III a été renommé « Restauration, renaturation et compensation des atteintes à la biodiversité ». Cette réorganisation au sein du chapitre III visait à éviter des confusions entre les mesures de restauration et de renaturation, d’une part, et celles de compensation, d’autre part ;

– La nouvelle rédaction requalifie les actions de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité en « opérations » et précise que celles‑ci donnent lieu à la délivrance d’unités de restauration ou de renaturation. Il est également précisé que les unités acquises peuvent être revendues à toute autre personne publique ou privée ;

– Enfin, la nouvelle rédaction supprime la mention d’une éventuelle mutualisation des projets soumis à l’obligation de compensation et précise que les mesures de compensation doivent être réalisées dans le respect des principes définis au I de l’article L. 1631 du code de l’environnement (c'est-dire l’équivalence écologique, le principe ERC, l’objectif d’absence de perte nette, voire de gain, de biodiversité, l’obligation de résultats et une durée effective égale à la durée des atteintes).

2.   L’examen en séance publique

Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement visant à préciser que les unités de restauration ou de renaturation ne sont pas cessibles à d’autres personnes que leur premier acquéreur et qu’elles ne peuvent donc pas être revendues. En revanche, elles sont bien cessibles en première intention à toute personne publique ou privée autre qu’un maître d’ouvrage soumis à une obligation de compensation au titre de l’article L. 163-1.

Le Sénat a également adopté un amendement de Mme Anne-Catherine Loisier qui vise à rendre éligible les SNRR au label « Bas-Carbone ».

Créé par le décret n° 2018‑1043 du 28 novembre 2018 et un arrêté pris le même jour, et piloté par le ministère de la transition écologique, le label « Bas-Carbone » est un dispositif de certification de projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre réalisées sur le territoire français. La réduction comprend deux volets : l’évitement des émissions par des changements de pratiques sectorielles d’une part, et l’augmentation de la séquestration de carbone dans des puits naturels (forêt et sols), d’autre part. Les différents financeurs du projet labellisé « Bas-Carbone » (citoyens, entreprises, administrations, etc.) se voient attribuer des réductions d’émissions au titre de leurs financements.

Le financement de projets dans le cadre du label « Bas-Carbone » est reconnu comme une action de compensation des émissions de l’opérateur financeur ou, à défaut d’obligation, une contribution volontaire à la réduction des émissions carbone.

L’amendement adopté en séance publique au Sénat précise que les SNRR peuvent donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label « Bas-Carbone ». Cette opération est conditionnée au respect des principes fixés à l’article L. 229-55 du code de l’environnement, qui dispose que les réductions et séquestrations d’émissions de gaz à effet de serre escomptées dans le cadre de projets de compensation doivent être « mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles ». Ces principes ont été précisés par le décret n° 2022-667 du 26 avril 2022 relatif à la compensation des émissions de gaz à effet de serre :

- Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre doivent être quantifiées par rapport à un scénario de référence selon une méthodologie scientifique ;

- Elles sont contrôlées et validées par une personne dotée des compétences nécessaires et présentant des garanties d’indépendance suffisantes ;

- Elles sont additionnelles dès lors qu’elles ne pourraient intervenir dans le cadre du scénario de référence, en l’absence des opérations prévues par le projet.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS712 de M. Hadrien Ghomi (Renaissance), qui ajoute le terme de « compensation » à la dénomination des sites naturels. La nouvelle qualification de « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » vise à mieux traduire la double vocation du dispositif à répondre aux besoins de compensation tout en valorisant l’engagement volontaire des acteurs territoriaux en faveur d’opérations de restauration de la biodiversité et de renaturation.

La définition des unités de restauration ou de renaturation a été précisée à l’alinéa 7 par un amendement rédactionnel CS1341 de la rapporteure Marie‑Agnès Poussier-Winsback. Celles-ci sont équivalentes au « gain écologique » issu des opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité mises en œuvre au sein des sites.

La commission a adopté l’amendement CS1029 de M. Henri Alfandari (Horizons), tel que sous-amendé par le Gouvernement (CS1438), qui prévoit, dans un délai de deux ans, la mise en place d’une plateforme en ligne de référencement des unités de restauration ou de renaturation afin d’en améliorer la visibilité et l’attractivité auprès des acquéreurs potentiels.

La disposition introduite au Sénat relative à l’éligibilité des nouveaux sites naturels au label « Bas-Carbone » a été maintenue par la commission spéciale et précisée par l’amendement CS1328 de la rapporteure. Pour attribuer des crédits carbone, le site doit respecter l’une des méthodes du label approuvées par le ministère chargé de l’environnement, conformément au décret n° 2018-1043 du 28 novembre 2018.

La commission spéciale a également adopté l’amendement CS1317 de la rapporteure, qui introduit la possibilité de satisfaire à une obligation légale de compenser par « l’utilisation » d’unités de restauration ou de renaturation. Cette précision vise à couvrir les cas dans lesquels un porteur de projet crée un site naturel et détient ainsi pour son compte propre des unités sans avoir à les acquérir.

Enfin, la commission spéciale a adopté l’amendement CS1411 de la rapporteure qui révise l’obligation de mise en œuvre des mesures de compensation « à proximité » du site endommagé. Afin de faciliter la réalisation de la compensation et conformément au droit européen qui n’impose pas de proximité de nature géographique, le quatrième alinéa du II de l’article L. 163-1 est modifié de manière à maintenir uniquement un critère de « proximité fonctionnelle » entre le site endommagé et le lieu accueillant les mesures de compensation. La proximité fonctionnelle impose d'apprécier le fonctionnement précis des composantes des milieux naturels affectés (habitats, espèces) ; la proximité géographique en est une composante, mais ne constituerait plus en elle-même une obligation légale dans la nouvelle rédaction adoptée.

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Chapitre V
Faciliter et accélérer l’implantation d’industries vertes

Article 8
Extension du bénéfice de la procédure de déclaration de projet aux implantations d’industries vertes

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 8 étend le bénéfice de la procédure de déclaration de projet prévue à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme aux implantations industrielles relevant des chaînes de valeur des secteurs des technologies favorables au développement durable.

Le Sénat, puis la commission spéciale, ont élargi et précisé le champ de cette procédure qui permet, y compris à l’État et selon des modalités accélérées, de mettre en compatibilité les documents de planification territoriale ou d’urbanisme avec ces projets.

La commission spéciale a par ailleurs adopté un amendement du Gouvernement permettant de reconnaître la raison impérative d’intérêt général majeur des opérations et projets déclarés d’intérêt général.

Le chapitre V réunit une série d’articles visant à faciliter, mais aussi accélérer, les implantations industrielles, en complément des articles 2 à 3 du chapitre II, qui proposent d’optimiser les procédures de consultation du public préalables à la délivrance des autorisations environnementale et d’urbanisme.

Les dispositifs des articles 8 et 9 se situent plutôt en amont de l’instruction des demandes d’autorisation, s’attachant notamment à accélérer la mise en compatibilité des documents de planification territoriale ou d’urbanisme qui feraient obstacle à la réalisation d’un projet dont on a reconnu l’importance particulière.

I.   le droit en vigueur

A.   Les régimes existants de mise en compatibilité des documents de planification territoriale ou d’urbanisme avec un projet ou une opération

1.   Les différentes hypothèses autorisant une mise en compatibilité

La loi prévoit plusieurs hypothèses de mise en compatibilité quand un projet n’est pas cohérent avec tout ou partie du cadre défini par les documents locaux de planification et d’urbanisme dans lesquels il s’inscrit – notamment, parce que son envergure dépasse leurs périmètres – et que les adaptations requises par ces documents compromettraient son aboutissement. On citera, entre autres, les dispositifs de :

– la déclaration d’utilité publique (DUP) « travaux » (article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique), qui permet de réaliser une opération d’aménagement sur des terrains privés par le biais d’une expropriation pour cause d’utilité publique. Elle peut entraîner, si nécessaire, la mise en compatibilité du document d’urbanisme local ;

– l’opération d’intérêt national (OIN), qui permet de mobiliser tous les acteurs en faveur d’une opération d’aménagement présentant des enjeux majeurs à l’échelle nationale ;

– le projet d’intérêt général (PIG), mentionné à l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme et qui constitue un outil à la disposition de l’État pour réaliser des projets présentant un caractère d’utilité publique, dont l’intérêt dépasse le cadre communal voire intercommunal ;

– la procédure ad hoc créée par l’article 8 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes pour les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires qualifiés de PIG, qui emporte, si nécessaire, l’adaptation des schémas de cohérence territoriale (SCoT), des plans locaux d’urbanisme (PLU) ou des cartes communales impactés ;

– la déclaration de projet au titre du code de l’environnement (article L. 126‑1), qui permet d’affirmer l’intérêt général de projets publics soumis à enquête publique environnementale et peut s’accompagner de la mise en compatibilité de documents d’urbanisme locaux ;

– la déclaration de projet (DP) au titre de l’article L. 3006 du code de l’urbanisme, modifié par le présent article 8.

2.   Une procédure de déclaration de projet pour les projets, publics ou privés, d’intérêt général

Cette procédure permet, après enquête publique, de déclarer d’intérêt général une action ou opération d’aménagement, un programme de construction et, depuis la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (ENR), un projet d’implantation d’installation de production d’énergies renouvelables, de stockage d’électricité, de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, ainsi que leurs ouvrages de raccordement, ou un ouvrage des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité.

L’intérêt général du projet peut être déclaré par l’État et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements. La déclaration peut aussi être prise par décision conjointe d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales et de l’État. Cette reconnaissance fait l’objet d’un contrôle entier par le juge administratif.

Le but d’une déclaration de projet est de permettre, sans passer par une déclaration d’utilité publique, l’adaptation des documents d’urbanisme ou de planification qui empêcheraient la réalisation de projets ou programmes ne nécessitant pas d’expropriation.

La mise en compatibilité est réalisée par la personne publique qui a fait la déclaration de projet. S’agissant des SCoT et des PLU, outre la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent, ce peuvent donc être l’État, un de ses établissements publics, un département, une région voire un autre EPCI, « sauf si la déclaration de projet (…) a pour effet de porter atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développement durables, du schéma de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, du plan local d’urbanisme » – ce qui limite, dans les faits, la portée du dispositif.

Le champ des documents modifiables est cependant plus large lorsque cette déclaration de projet est adoptée par l’État, puisqu’il peut alors faire évoluer :

– le schéma directeur de la région d’Ile-de-France (SDRIF), le schéma d’aménagement régional (SAR), le plan d’aménagement et de développement durables de Corse (Padduc) ou le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) applicable ;

–  la charte de parc naturel régional (PNR) ou de parc national (PN) ;

– le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) ;

– la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP, devenue site patrimonial remarquable [SPR]) ;

– le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) ;

– ou le plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

B.   Des voies accélérées de modification des documents de planification territoriale ou d’urbanisme

En droit commun, une modification de ces documents relève de procédures de modification ou de révision – selon l’ampleur des évolutions envisagées – complexes et longues et à la seule initiative de la collectivité compétente (cf. notamment les articles L. 4251-9 pour les Sraddet, L. 143‑29 et suivants du code de l’urbanisme pour les SCoT et L.153-31 et suivants pour les PLU). Selon les services ministériels, une procédure de révision prendrait de 3 à 6 ans et une procédure de modification, même simplifiée, de 2 à 4 ans.

Dans le cadre d’une déclaration de projet et eu égard à l’intérêt général invoqué, l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme prévoit des voies simples et accélérées de mise en compatibilité, précisées aux articles L. 143‑44 et suivants pour les SCoT et L. 153-54 et suivants pour les PLU – elles permettent notamment de remplacer la consultation préalable du public et les saisines des diverses personnes publiques associées par un simple examen conjoint du projet de mise en compatibilité par l’État et l’établissement porteur de SCoT – ou par l’article L. 300‑6 lui-même, s’agissant des documents de planification. Pour ces derniers, les adaptations sont soumises pour avis, avant l'enquête publique, à l'assemblée délibérante de la collectivité concernée : son avis est réputé favorable s'il n'est pas émis dans un délai de trois mois ; sinon, il est joint au dossier soumis à enquête publique. Selon les services ministériels, une procédure de déclaration de projet peut aboutir en 9 mois lorsque le projet nécessite une évaluation environnementale et en 6 mois s’il n’y a pas d’évaluation environnementale.

Le code de l’urbanisme prévoit également des procédures simplifiées d’adaptation des documents d’urbanisme ou de planification dans le dispositif relatif aux projets d’intérêt général (articles L. 153-49 et suivants), ainsi que dans le cadre de diverses procédures intégrées, dont celle portant sur un projet immobilier de création ou d’extension de locaux d’activités économiques (article L. 300-6-1). Toutefois, l’exposé des motifs du présent projet de loi observe que ces procédures intégrées supposent une bonne coordination et une bonne anticipation de l’ensemble des acteurs.

Dans tous les cas, ces procédures accélérées comportent une enquête publique et ne dispensent pas des évaluations environnementales qui peuvent être nécessaires.

II.   le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   L’enjeu d’accélérer l’étape de la mise en compatibilité dans le traitement administratif des projets industriels

Des procédures accélérées de mise en compatibilité des documents de planification ou d’urbanisme existent donc pour les projets jugés d’importance. Mais elles ne sont pas toujours utilisables, par exemple si aucune expropriation n’est envisagée ou si l’importance du projet est insuffisante pour qualifier un intérêt national ou une utilité publique, et elles supposent une interprétation des règles qui peut être source de contentieux, donc d’insécurité juridique pour les porteurs de projet.

Par ailleurs, le processus d’ensemble demeure encore long, bien que simplifié : ainsi, dans la procédure applicable au PIG, les collectivités concernées disposent d’un délai de six mois pour adapter leur PLU et d’un an pour les SCoT. Si, à l’expiration de ce délai, le document n’a pas été modifié, il y est procédé par le préfet, après une enquête publique portant sur l’intérêt général de l’opération comme sur celui de la mise en compatibilité requise.

Or de tels délais, qui s’ajoutent à ceux propres à l’instruction des demandes d’autorisation environnementale, qui représentent en moyenne 17 mois selon l’étude du rapport Guillot  ([79]), et aux trois mois nécessaires à l’octroi des autorisations d’urbanisme, ne répondent toujours pas à l’enjeu d’avancer vite dans le développement des activités nécessaires à la transition industrielle.

2.   L’élargissement du champ de la déclaration de projet aux maillons industriels des chaînes de valeur des industries vertes

Dans le droit existant, la procédure de déclaration de projet apparaît comme la plus accessible aux projets industriels importants mais non majeurs.

Après un premier élargissement opéré par la loi du 10 mars 2023, dite loi « EnR »,  le présent article 8 propose d’étendre à nouveau le champ de l’article L. 300‑6 du code de l’urbanisme aux projets d’implantation d’une installation industrielle de fabrication ou d’assemblage de produits ou équipements qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable (catégorie mentionnée au 4°), ces secteurs, qui caractérisent les industries vertes par leur objet, étant définis par décret en Conseil d’État.

Pour le reste, l’article 8 se contente de réécrire le premier alinéa de l’article L. 300-6 pour rendre plus lisible la liste des cas déjà prévus par la loi, sans modifier leur périmètre (repris aux 1° à 3°).

Selon les informations données au Conseil d’État et confirmées au rapporteur général, la liste des secteurs visés pourrait être proche de la liste des technologies dites « zéro net » », figurant dans la proposition de règlement en cours de négociation au niveau européen ([80]). Cette liste était évoquée dans l’avant‑projet de loi présenté en avril et comprenait les secteurs du solaire photovoltaïque et thermique, des éoliennes à terre et en mer, des batteries et du stockage d’énergie, des pompes à chaleur et de la géothermie, de l’électrolyse, des piles à combustible, du biogaz et du biométhane renouvelables, de la capture, utilisation et stockage de gaz carbonique, des technologies de réseau électrique et du nucléaire.

Mais dans son avis sur le projet de loi relatif à l’industrie verte, publié le 11 mai 2023, le Conseil d’État a considéré que la définition générique des installations pouvant bénéficier de la dérogation offrait un cadre légal suffisant pour que son détail puisse être renvoyé à un acte réglementaire.

Le Conseil d’État estime, par ailleurs, que cette extension de la procédure ne contrarie pas en elle-même le principe de libre administration des collectivités territoriales, dans la mesure où elle ne peut être utilisée si elle risque porter atteinte au projet d’aménagement et de développement durables du document d’urbanisme. Il s’est néanmoins interrogé sur la multiplication des situations permettant à l’État d’imposer une modification des règles locales d’urbanisme.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

La commission des affaires économiques du Sénat n’est pas revenue sur le principe d’une définition réglementaire des secteurs concernés, qui offre davantage d’adaptabilité et évite d’omettre un secteur important.

Mais la commission a élargi le champ des installations autorisant la mise en œuvre de la déclaration de projet :

– l’amendement COM-325 du rapporteur Laurent Somon a ainsi ajouté les industries participant « indirectement » aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable. Il s’agirait de prendre en compte les cas de certains sous-traitants ou de certaines activités de services aux entreprises qui apparaissent nécessaires au bon fonctionnement des installations industrielles visées par le texte initial ;

– les amendements identiques COM-326 du rapporteur Laurent Somon, COM-71 rectifié quater de Mme Marie Mercier, COM-161 rectifié de M. Éric Gold et COM-166 rectifié ter de M. Patrick Chauvet ont étendu le périmètre à une cinquième catégorie d’installations (5°), à savoir les installations « de recherche et développement ou d’expérimentation » de nouveaux produits et procédés qui participent directement aux chaînes de valeurs des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable.

En séance publique, la liste a de nouveau été étendue, au bénéfice des entrepôts de logistique directement liés au processus de fabrication ou d’assemblage (amendement n° 61 rectifié bis du rapporteur Laurent Somon).

III.   Les travaux de la commission spéciale

A.   L’ajustement du champ de la dérogation au bénéfice des installations industrielles participant aux chaînes de valeur des industries vertes

Outre les amendements rédactionnels CS1288 et CS1290 du rapporteur général, la commission spéciale a adopté plusieurs séries d’amendements, avec des avis favorables du rapporteur général et du Gouvernement :

– les amendements identiques CS11 de Mme Émilie Bonnivard (Les Républicains), CS528 de M. Anthony Brosse (Renaissance), CS698 de M. Jean-Luc Fugit (Renaissance), CS744 de M. Vincent Thiébaut (Horizons et apparenté), CS747 de M. Victor Habert-Dassault (Les Républicains), CS835 de M. Gérard Leseul (Socialistes), CS977 de M. Lionel Vuibert (Renaissance), CS1180 de M. Rémy Rebeyrotte (Renaissance) et CS1196 de Mme Laurence Heydel Grillère (Renaissance) élargissent le champ de la quatrième catégorie aux installations industrielles de recyclage des produits ou équipements participant aux chaînes de valeur des industries vertes ;

– l’amendement CS539 de M. Olivier Marleix (Les Républicains) et le sous-amendement CS1427 de Mme Emilie Bonnivard (Les Républicains) précisent que les produits ou équipements des petites et moyennes entreprises sont également concernés par la procédure dérogatoire, dès lors qu’ils participent aux chaînes de valeur des industries vertes ;

– les amendements CS1289 du rapporteur général et CS895 de M. Mathieu Lefèvre (Renaissance) suppriment a contrario du champ de la déclaration de projet les entrepôts de logistique, même s’ils sont directement liés aux processus ciblés.

Ces derniers amendements ne visent pas à exclure les entrepôts intégrés à un projet industriel entrant dans la catégorie autorisée. Ceux-ci doivent bénéficier du même traitement administratif et, pour lever toute ambiguïté, les services ministériels ont indiqué au rapporteur général que le décret en Conseil d’État pourra le préciser. En revanche, on imagine mal que des projets d’entrepôts logistiques qui ne sont pas conçus pour répondre aux besoins exclusifs d’un projet industriel limitent leurs utilisateurs futurs : aussi, apparaît-il peu fondé de les inclure dans le champ de la dérogation, au seul prétexte qu’une partie de leurs capacités servira aux chaînes de valeur des industries vertes.

B.   La reconnaissance d’une raison impérative d’intérêt public majeur aux opérations et projets déclarés d’intérêt général

La commission spéciale a également adopté, avec l’avis favorable du rapporteur général, l’amendement CS636 du Gouvernement qui permet qu’une autorisation de projet prononcée par l’État reconnaisse au projet qui en est l’objet une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), première condition pour solliciter des dérogations à la protection stricte des espèces protégées. Il reprend exactement le dispositif prévu à l’article 10 (cf. commentaire de cet article).

Cette reconnaissance pourra naturellement se fonder sur la confirmation de l’intérêt général du projet qu’opère la déclaration de projet, sans être automatique pour autant.

Elle permettra en particulier de sécuriser les porteurs de projet en réglant les recours contentieux au stade de la déclaration de projet, puisque la RIIPM ne pourra plus être contestée à l’occasion d’un recours contre l’acte accordant des dérogations aux règles de protection stricte des espèces protégées.

*

*     *

Article 9
Accélérer les procédures d’urbanisme applicables aux implantations d’industries vertes ou stratégiques reconnues d’intérêt national majeur

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 9 met en place une procédure ad hoc de mise en compatibilité par l’État des documents de planification et d’urbanisme, pour certains projets industriels de très grande ampleur reconnus d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.

La commission spéciale est revenue sur une grande partie des modifications apportées par le Sénat afin de préserver les gains de temps visés pour le traitement administratif de ces projets cruciaux. Elle a néanmoins introduit la possibilité, pour les communes ou les intercommunalités où une implantation est envisagée, de refuser l’engagement de cette procédure et supprimé corrélativement la faculté que le Sénat leur avait accordée de s’opposer à l’adoption du projet de mise en compatibilité à la fin de la procédure.

I.   le droit en vigueur

L’impératif de réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre de l’économie française a conduit le législateur à mettre en place, ces derniers mois, plusieurs dispositifs dérogatoires visant à accélérer le traitement administratif des grands projets industriels de production énergétique ou de décarbonation (ainsi que de leurs ouvrages de raccordement au réseau public de transport d’électricité) devant contribuer à la transition énergétique de l’industrie nationale :

– en complément des procédures de mise en compatibilité existantes (voir le commentaire de l’article 8 du présent projet de loi), l’article 8 de la loi n° 2023‑491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a créé, dans un nouvel article L. 300‑6‑1 du code de l’urbanisme, une procédure ad hoc permettant d’adapter, si nécessaire, un schéma de cohérence territoriale (SCoT), un plan local d’urbanisme (PLU) ou une carte communale aux contraintes des projets de réalisation de réacteurs électronucléaires qualifiés de PIG. L’initiative en revient alors à l’État, qui informe la collectivité des modifications qu’il estime nécessaires ; la collectivité a un mois pour transmettre ses observations, mais l’État peut engager sans délai la procédure de mise en compatibilité ;

– l’article 19 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi « EnR », a introduit à l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement, au bénéfice des projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique (et de leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie), une présomption de « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) au sens du c) du 4° du I de l’article L. 411-2 du même code. Cette présomption leur ouvre alors la possibilité, prévue au même 4° du I, de déroger aux interdictions définies pour protéger strictement certaines espèces animales ou végétales ou des sites d’intérêt géologique ;

– l’article 27 de la même loi a instauré, pendant deux fois deux ans et sous certaines conditions, un régime procédural simplifié en matière d’autorisations administratives afin de permettre un raccordement plus rapide au réseau public de transport d’électricité des installations industrielles les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre. Il déroge ainsi au droit commun des procédures de participation du public (en prévoyant une concertation préalable simplifiée) et de l’évaluation environnementale (par la substitution d’une analyse des incidences environ­nementales du projet) ainsi qu’aux restrictions définies par la loi « Littoral » pour autoriser l’implantation, dans des sites identifiés comme remarquables, des postes électriques indispensables à l’électrification des grands sites industriels.

II.   le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   La distinction de projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique

L’article 9 s’inspire de ces dispositifs ou étend leur champ pour accélérer les procédures administratives applicables à une nouvelle catégorie de projets industriels d’envergure : les « projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ».

Il s’agit de projets industriels de très grande ampleur, définis comme tels au nouvel article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme « eu égard à [leur] objet et à [leur] importance en termes d'investissement et d'emploi » (cf. version initiale du texte) et dont la qualification relèvera d’un décret. Concrètement, celui-ci établira une liste de projets nommément identifiés.

Selon les indications données au Conseil d’État, il s’agirait de projets « qui réduisent la dépendance de la France dans les secteurs stratégiques » ou contribuent à la transition écologique et leur importance se chiffrerait « en milliards d’euros et en milliers d’emplois, sans que des seuils puissent d’emblée être fixés ». ([81])

En séance au Sénat, le ministre délégué à l’industrie Roland Lescure, a précisé que les projets d’intérêt national majeur seront très peu nombreux par nature : « il s'agit d'un ou deux, voire de trois projets par an qui engagent notre nation industrielle dans la compétition mondiale (…), [de projets] pour lesquels nous sommes en compétition avec le monde entier et pour lesquels chaque détail compte ». La réforme viserait à offrir une meilleure visibilité aux investisseurs internationaux, de la stabilité et de la prévisibilité, et à leur proposer « un interlocuteur unique ».

2.   La mise en place de procédures accélérées à l’initiative de l’État

Pour ces projets, le texte initial prévoyait :

– Au I, que l'État puisse mettre en compatibilité certains documents de planification territoriale (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires [Sraddet], schéma directeur de la région d’Ile-de-France [SDRIF], plan d’aménagement et de développement durable de Corse et schéma d’aménagement régional) et les documents locaux d'urbanisme (schéma de cohérence territoriale [SCoT], plan local d’urbanisme [PLU] ou carte communale) avec ces projets, lorsque leur modification ou leur révision est nécessaire pour « permettre la réalisation des travaux, installations, constructions et aménagements » des projets.

Le nouvel article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme définit une procédure spécifique, allégée, inspirée de celle créée pour les installations nucléaires, qui donnait l’initiative à l’État seul. Celui-ci informe la collectivité ou la personne publique compétente pour adopter le document à adapter, en lui transmettant un dossier expliquant la nécessité de la mise en compatibilité, ses motifs et les modifications envisagées, puis engage sans délai la procédure.

Le projet de mise en compatibilité peut faire l’objet d’une évaluation environnementale, selon l’avis de l’autorité environnementale, sur la base d’une analyse de ses incidences notables sur l’environnement et dans les conditions prévues par le code de l’urbanisme pour la mise en compatibilité d’un SCot ou d’un PLU avec un document supérieur.

Le projet de mise en compatibilité fait ensuite l’objet d’un examen conjoint par l’État, par la collectivité ou la personne publique compétente et par l’ensemble des personnes publiques ordinairement consultées, notamment celles concernées par l’élaboration des SCoT et PLU.

Le projet est également soumis à la consultation du public par voie électronique de droit commun, prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement.

À l’issue de ce processus, l’État en présente le bilan devant l’organe délibérant de la collectivité ou la personne publique compétente, qui rend un avis sur le projet de mise en compatibilité. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas émis dans un délai d’un mois. Le projet de mise en compatibilité est enfin adopté par décret ;

– Au II, que la qualification de projet d’intérêt national majeur pour la souveraineté ou la transition écologique donne compétence à l’État pour délivrer les autorisations d’urbanisme relatives aux travaux, installations constructions et aménagements liés à ce projet (article L. 422-2 du code de l’urbanisme) ;

– Au III, que le décret qualifiant un tel projet peut aussi lui reconnaître le caractère de « projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur » (RIIPM) au sens du c) du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, première condition pour obtenir une dérogation aux règles de protection stricte des espèces protégées (article L. 411-2-1 du même code).

En tout état de cause, ces dérogations ne peuvent être accordées qu’à un stade avancé de la mise en œuvre des projets. Or elles peuvent être refusées, bloquant alors cette mise en œuvre, s’il n’est pas solidement établi que le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur ;

– Au IV, que les dérogations procédurales accordées aux opérations de raccordement au réseau public de transport d'électricité des grandes opérations de décarbonation industrielle par l’article 27 de la loi « EnR » (mais aussi la possibilité de fixer un ordre de priorité entre les demandes de raccordement, s’il y a un risque d’allongement du délai de raccordement d’un projet industriel d’intérêt national majeur supérieur à cinq ans, prévue par l’article 28 de la même loi) soient étendues aux raccordements des projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique.

Dans son avis sur le projet de loi publié le 11 mai, le Conseil d’État a estimé que le dispositif de mise en compatibilité est justifié au regard de l’atteinte qu’il est susceptible de porter au principe de libre administration des collectivités territoriales « dès lors que de tels projets répondent aux exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation que sont son indépendance ainsi que des éléments essentiels de son potentiel économique ».

Il observe également que, du fait de la nécessité de coordonner et d’unifier leur instruction, la substitution de l’État aux collectivités pour les autorisations d’urbanisme ne porte pas non plus une atteinte certaine à la libre administration des collectivités.

Le Conseil d’État précise enfin que définir dans une loi ou un décret les critères permettant de considérer que certains projets répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ne contredit pas la directive « Habitats » ou la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière. Mais la reconnaissance d’une RIIPM ne peut être automatique et nécessite toujours un examen au cas par cas. Il pourra cependant revenir au décret dressant la liste des projets d’intérêt national majeur de justifier la RIIPM de chacun d’entre eux.

Suivant la recommandation du Conseil d’État et pour sécuriser ces projets, l’article 9 prévoit explicitement, à l’article L. 411-2-1, qu’une contestation de la reconnaissance d’une RIIPM ne pourra être introduite qu’au stade du décret qualifiant les projets, ce qui revient à exclure un recours ultérieur contre l’acte accordant individuellement la dérogation demandée par le porteur de projet.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

1.   La reprise en main des collectivités sur les procédures : droit d’initiative et avis conforme

Tout en se disant sensible à l’objectif d’accélération des implantations de projets industriels d’intérêt national majeur, la commission des affaires économiques du Sénat a exprimé de fortes réticences sur le principe d’une intervention unilatérale de l’État pour adapter, en lieu et place des collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme, les documents de planification et d’urbanisme afin de les rendre compatibles avec les nécessités de ces projets.

La commission a néanmoins conservé le dispositif d’accélération de la procédure de mise en compatibilité, notamment sa mise en œuvre par l’État, mais en associant plus étroitement les collectivités territoriales et, plus fondamentalement, en leur donnant la possibilité de prendre l’initiative de cette adaptation. Elle a adopté en ce sens plusieurs amendements de son rapporteur Laurent Somon :

– Au I de l’article 9, l’amendement COM-340 rectifié réécrit largement le dispositif identifiant les projets d’intérêt national majeur (PINM).

Il étend, en premier lieu, les critères pris en considération pour qualifier un projet de « projet d’intérêt national majeur » pour la transition écologique ou pour la souveraineté nationale à l’importance de sa superficie, et renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination du champ des projets industriels pouvant être ainsi qualifiés, « notamment le périmètre des industries concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale ».

Le même amendement crée une autre voie de reconnaissance des PINM, dont les régions seraient les instigatrices.

En lien avec les différents niveaux de collectivités, dont en particulier les communes et les établissements publics de coopération intercommunale concernés par la localisation (si elle est déjà connue) et après avis de la conférence des SCoT (chargée de proposer des objectifs de réduction de l’artificialisation nette des sols dans la région), chaque région pourra élaborer une liste de projets industriels susceptibles de s’implanter sur son territoire et qu’elle souhaiterait voir qualifiés de PINM. Le préfet de région aura un mois pour confirmer ces choix ou motiver ses refus.

Seraient automatiquement inscrits sur la liste régionale les projets dépassant certains critères et seuils définis par décret en Conseil d’État, notamment en matière d’investissement, d’emploi ou de superficie, ainsi que les opérations d’agrandissement des installations industrielles déjà qualifiées de PINM.

Les projets inscrits sur la liste régionale élaborée par le préfet de région seraient ensuite qualifiés de PINM par décret ;

– L’amendement COM-327 prévoit, eu égard à leurs compétences respectives en matière de planification industrielle et d’infrastructures routières, que la région et le département soient informés, même lorsque seule la mise en compatibilité d’un SCoT, d’un PLU ou d’une carte communale est en jeu.

Cet amendement permet, par ailleurs, à la collectivité compétente en matière d’urbanisme de formuler, dans un délai d’un mois, ses observations sur le projet de mise en compatibilité de son document et impose à l’autorité administrative compétente de l’État, c'est-à-dire le préfet concerné, de lui répondre en précisant comment il en tient compte.

Cet amendement prévoyait que le préfet avait 15 jours pour répondre. En séance publique, le Sénat a néanmoins adopté, avec le soutien de la commission mais contre l’avis du Gouvernement, les amendements identiques nos 67 rectifié bis de Mme Gatel, 224 rectifié de Mme Bellurot et 256 de Mme Cécile Cukierman qui étendent ce délai à un mois.

L’amendement COM-327 permettait également que l’autorité compétente de l’État engage sans délai la procédure de mise en compatibilité, dès réception des observations des collectivités ou, à défaut, à l’expiration du délai d’un mois qui leur est accordé. Toutefois, les mêmes amendements nos 67 rectifié bis, 224 rectifié et 256 ont durci cette exigence en imposant d’attendre la réception de sa réponse aux observations des collectivités ;

– L’amendement COM-329 rectifié, ainsi que les amendements identiques COM‑254 rectifié de M. Gay et COM-151 rectifié de M. Salmon, conditionnent l’adoption, en fin d’instruction, du projet de mise en compatibilité à l’absence d’avis défavorable de la collectivité concernée.

2.   Des ajustements procéduraux

La commission des affaires économiques du Sénat a également adopté cinq autres amendements de son rapporteur (outre l’amendement COM-331 qui procède à des coordinations juridiques) :

– Au I de l’article 9, l’amendement COM-328 rectifié impose que, dans le cas où le projet n’est pas soumis à évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité, ses motifs et, le cas échéant, les différents avis de la collectivité compétente et des autres instances consultées soient mis à la disposition du public pendant un mois ;

– Pour accélérer encore les délais, l’amendement COM-330 prévoit que, lorsqu’un PINM est suffisamment précis au moment où la procédure de mise en compatibilité est engagée, les autorisations d’urbanisme nécessaires à sa réalisation soient instruites en même temps que la procédure de mise en compatibilité, à l’instar des procédures intégrées prévues par le droit de l’urbanisme ;

– enfin, l’amendement COM-332 supprime le IV de l’article 9 qui autorisait les opérations de raccordement électrique des PINM à bénéficier des régimes dérogatoires prévus par les articles 27 et 28 de la loi dite « EnR ».

La commission avait également adopté l’amendement COM-333 de son rapporteur, qui présumait la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) de tout projet d’intérêt national majeur ; mais en séance publique, malgré l’avis défavorable de la commission, l’amendement n° 317 du Gouvernement est venu supprimer cette disposition dans la mesure où elle créait une reconnaissance automatique sans définir les critères pertinents qui l’aurait légitimée.

Au demeurant, le III de l’article 9 permet déjà cette reconnaissance au cas par cas.

III.   Les travaux de la commission spéciale

A.   Retrouver la simplicitÉ et la rapiditÉ du processus initial

Outre des amendements rédactionnels, de précision ou de correction du rapporteur général (CS1397, CS1292, CS1293, CS1294, CS1295 et CS1296), la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur général, plusieurs amendements visant à supprimer des étapes ajoutées par le Sénat qui rallongeraient de plusieurs mois le traitement administratif des projets d’intérêt national majeur, à savoir :

– le dispositif permettant aux régions d'identifier des projets qu'elles estiment devoir être qualifiés d’intérêt national majeur (CS1388 du Gouvernement et CS716 de M. Hadrien Ghomi [Renaissance]) – voire de les inscrire, de droit, dans la liste des projets d’intérêt national majeur, dans certains cas.

Ce dispositif était complexe et long et l'arbitrage sur le caractère d'intérêt national majeur doit rester une prérogative du Gouvernement. Mais la suppression de ce dispositif n'interdira pas aux collectivités territoriales de signaler à l’État les projets qu'elles voient émerger dans leurs territoires ;

– l’obligation d’informer systématiquement le département et la région de la nécessaire mise en compatibilité d’un document d’urbanisme au sein de leur territoire, même s’ils ne sont pas compétents pour adopter ce document (CS1391 du Gouvernement) ;

– la possibilité, pour la collectivité où est envisagée l’implantation d’un projet, de transmettre ses observations et l’obligation pour le préfet d’y répondre en un mois (CS190 du Gouvernement).

Cette étape est redondante avec l’étape ultérieure d’examen conjoint, par l’État et ladite collectivité, du projet de mise en compatibilité, sans même mentionner la dernière étape du processus, dans le cadre de laquelle l’organe délibérant de la collectivité rend un avis sur le projet finalisé et à l’occasion duquel des observations pourront évidemment être formulées. En outre, elle repousserait d’autant l’engagement de la procédure ;

– la mise à disposition du public des documents justifiant et explicitant la mise en compatibilité, en l’absence d’évaluation environnementale (CS1392 du Gouvernement) : cette mise à disposition est déjà assurée dans le cadre de la consultation électronique prévue par le dispositif de l’article 9.

Par ailleurs, la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, l’amendement CS1291 du rapporteur général qui supprime le critère de la superficie d’un projet pour apprécier son importance pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.

L’ampleur foncière d’un projet et son extension sur le territoire de plusieurs communes, voire de plusieurs intercommunalités, seront certes des éléments qui le distingueront et pourront justifier sa qualification de projet d’intérêt national majeur. Mais la superficie n’est pas, en soi, un critère de qualité ; elle ne reflète pas le bénéfice attendu pour la collectivité et ne doit pas donner un avantage injustifié aux projets peu économes en foncier.

La commission spéciale a également adopté, avec l’avis favorable du rapporteur général, l’amendement CS1386 du Gouvernement qui supprime l’exigence, introduite par le Sénat, qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions permettant d'identifier des projets d’intérêt général majeur et que ce décret précise, en particulier, le périmètre des industries concourant à la transition écologique et à la souveraineté nationale.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a considéré que les critères cités par l’article 9 suffisent à délimiter un périmètre explicite. Arrêter davantage de critères, même par décret en Conseil d’État, risquerait d’écarter des cas intéressants.

B.   Permettre aux Élus de s’opposer, dÈs le dÉbut, À ces projets industriels

Plus que n’importe quels autres projets industriels, les projets reconnus d’intérêt national majeur nécessitent rapidité mais aussi sécurité.

La commission spéciale a ainsi validé un retour au processus plus simple proposé par le projet de loi initial, qui doit permettre de réduire le délai de traitement administratif de ces dossiers de plusieurs mois. S’il est directement géré par l’État, ce processus n’écarte pas les collectivités concernées, qui sont consultées ou associées à chaque étape.

Le rapporteur général comprend néanmoins le besoin des élus locaux, qui auront ensuite à gérer les investissements dans les routes, les infrastructures ou les équipements publics que ces projets impliqueront, de pouvoir faire entendre leur éventuel refus d’un projet d’une telle envergure. C’est la raison pour laquelle il a soutenu l’introduction d’un droit des maires ou des présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concernés de s’opposer à l’engagement de la procédure de mise en compatibilité dans la mesure où ce refus intervient avant que toute procédure administrative soit formellement engagée.

Avec son avis favorable, la commission spéciale a donc adopté :

– les amendements CS1387 du Gouvernement et CS714 de M. Hadrien Ghomi (Renaissance), modifiés par le sous-amendement CS1416 du rapporteur général pour préciser la procédure dont il est question, qui créent le droit des maires ou présidents d’EPCI concernés de refuser l’engagement de la procédure de mise en compatibilité des documents qui seraient contraires à la réalisation de projets d’implantation industrielle d’intérêt national majeur sur leur territoire. Ce droit de refus interviendrait donc avant que la procédure ne soit engagée ;

– les amendements CS1389 du Gouvernement et CS1401 de M. Hadrien Ghomi qui suppriment, en cohérence, la faculté pour les organes délibérants des collectivités d’implantation de s’opposer, par un avis non conforme, au projet de mise en compatibilité à l’extrême fin de la procédure.

Cette inversion des étapes est essentielle pour ne pas perdre des mois de travail et décourager les porteurs de projet.

C.   Éviter un dÉcalage entre la rÉalisation des projets et leur raccordement aux rÉseaux d’ÉlectricitÉ

En adoptant les amendements identiques CS561 du Gouvernement et CS133 de Mme Véronique Louwagie (Les Républicains), la commission spéciale a rétabli l’extension aux opérations de raccordement aux réseaux publics d’électricité des projets industriels d’intérêt national majeur des dérogations prévues par les articles 27 et 28 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Cette disposition contribuera à accélérer l’aboutissement de ces projets industriels cruciaux pour notre souveraineté ou la transition écologique de notre pays, ou évitera, au moins, que leur mise en production ne soit retardée par des travaux de raccordement trop longs.

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Article 9 bis A
Simplification des conditions de délivrance des autorisations administratives pour les installations de production d’énergie renouvelable en zones d’activités économiques

Introduit par la commission

 

Introduit par la commission spéciale contre l’avis du rapporteur général, l’article 9 bis A prévoit que les zones d’activités économiques (ZAE) constituent des « zones prioritaires pour l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables » et que la création, au sein de ces zones, d’installations de production d’énergie renouvelable par une société d’économie mixte locale appartenant à l’établissement public de coopération intercommunale compétent sur cette ZAE bénéficie de « conditions particulières et simplifiées », définies par décret, de délivrance des autorisations administratives relevant du code de l’environnement et du code de l’urbanisme.

 

I.   le droit en vigueur

A.   La prise en compte des ZAE pour définir les zones d’accélération des énergies renouvelables

Lors des débats sur la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi « AER », les zones d’activités économiques (ZAE) définies à l’article L. 318-8-1 du code de l’urbanisme avaient été identifiées comme se prêtant bien à l’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable (EnR) en raison, notamment, de grandes surfaces de toiture disponibles, de parkings aménageables avec des ombrières et d’un foncier souvent largement artificialisé.

La loi a ainsi prévu que les inventaires de ZAE, créés par la loi n° 2021‑1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », mis à la charge des intercommunalités et mis à jour tous les six ans, sont pris en compte pour la délimitation des zones d’accélération d’EnR, également créées par la loi « AER » (article 15).

B.   Les ZAE, des zones propices au développement des énergies renouvelables

La combinaison de deux autres mesures de la loi « AER » devrait, par ailleurs, favoriser le développement des énergies renouvelables dans ces zones d’activités économiques :

– l’article 40 renforce les obligations d’équiper les parcs de stationnement extérieurs d’une superficie supérieure à 1 500 mètres carrés d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergie renouvelable ;

– l’article 18 dispose que lorsqu’une société d'économie mixte locale (SEML), dont est actionnaire l'autorité compétente pour créer, aménager et gérer la ZAE (c'est-à-dire un établissement public de coopération intercommunale), ou l'une de ses filiales implante et gère des installations de production d'électricité solaire au sein de cette ZAE, ces installations peuvent faire l'objet d'un certificat de projet délivré dans les conditions prévues à l'article 212 de la loi « Climat et résilience ».

 

Le certificat de projet, délivré par le préfet du département, précise le droit applicable au projet, notamment en matière d’autorisations environnementales, d’urbanisme ou relatives au patrimoine, indique les modalités de participation du public, rappelle les délais de procédure prévus par la réglementation et peut adapter ces délais.

Il permet la mutualisation des différentes demandes environnementales et d’urbanisme dans l’esprit d’un « guichet unique », et entraîne la cristallisation du droit applicable au moment de sa délivrance pendant une durée de cinq ans.

Le certificat de projet permet de simplifier et d’accélérer la conduite d’opérations d’aménagement, de construction et d’équipement sur des périmètres pré-identifiés. Il peut désormais être sollicité par les porteurs de projets de production d’énergie solaire concernés par l’article 18, et leur donne de la visibilité.

II.   le dispositif proposé

La commission spéciale a adopté un amendement CS787 de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés) qui propose de faire des zones d’activité économique des « zones prioritaires pour l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables ».

Il prévoit en outre que lorsqu’une SEML appartenant à la collectivité gestionnaire de la zone d’activité économique implante et gère, avec les propriétaires de la zone, des installations de production d’énergie renouvelable, non limitées aux installations solaires, ou de valorisation des énergies de récupération « aux fins notamment d’assurer un approvisionnement compétitif par autoconsommation des industriels implantés sur la zone d’activité économique considérée », les autorisations administratives requises en application du code de l’environnement et du code de l’urbanisme sont délivrées « dans des conditions particulières et simplifiées, sous condition de puissance installée, définies par décret ».

Quand ces installations d’énergie renouvelable permettent de couvrir substantiellement les besoins des usagers d’une ZAE, cette zone est alors dénommée « parc d’activités à énergies positives ».

Cet amendement a été introduit dans le projet de loi avec le soutien du Gouvernement, mais contre l’avis du rapporteur général.

Il présente en effet plusieurs risques juridiques :

– la difficulté d’articuler ces nouvelles « zones prioritaires », désignées comme telles par le simple fait d’avoir été créées comme une ZAE par un établissement public de coopération intercommunale, avec les « zones d’accélération », prévues à l’article 15 de la loi « AER », qui visent un objectif similaire mais dont l’identification est soumise à l’avis conforme des communes ;

– l’incompétence négative résultant du transfert au pouvoir réglementaire du soin de créer les régimes dérogatoires prévus par l’amendement.

De tels régimes ne peuvent être créés que directement par le législateur ou par une ordonnance, elle-même encadrée par l’habilitation demandée par le Gouvernement. Le Conseil constitutionnel a eu plusieurs occasions de censurer ce type de disposition sur le fondement de l’article 41 de la Constitution.

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Article 9 bis
Exclusion de l’artificialisation liée aux implantations industrielles du décompte du « ZAN »

Supprimé par la commission

 

Introduit par la commission des affaires économiques du Sénat, l’article 9 bis prévoit que l’artificialisation des sols liée aux installations industrielles concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale, aux équipements et logements y afférents et au pré-aménagement de très grands sites industriels, ne serait pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte, par les collectivités territoriales, des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation fixés par la loi « Climat et résilience ».

Cet article a été supprimé par la commission spéciale.

 

I.   Le droit en vigueur

A.   L’impÉratif de la rÉduction du rythme d’artificialisation des sols

La croissance démographique d’un territoire ou son développement économique amènent souvent à consommer des espaces naturels, agricoles et forestiers : on parle alors d’ « artificialisation des sols ».

Depuis cinquante ans, l’artificialisation des sols en France a augmenté quatre fois plus vite que la population, progressant de + 70 % depuis 1981 contre + 19 %, sur la même période, pour la population.

Quelle que soit la légitimité ou la pertinence des usages, une artificialisation de cette ampleur a des conséquences négatives qui vont s’aggravant : diminution des capacités de production alimentaire, recul des espaces naturels et des gisements de puits de carbone, érosion de la biodiversité, intensification des inondations, perturbation du cycle de l’eau du fait de l’imperméabilisation, extension des pollutions, etc.

Conscient qu’un tel rythme n’est plus soutenable, le législateur de 2021 a posé des principes forts pour préserver nos espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) et lutter contre l’artificialisation des sols : l’article 192 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », a défini juridiquement l’artificialisation (article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme) et son article 191 a donné le cap d’une diminution par deux du rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, tout en fixant l’ambition de parvenir, d’ici 2050, à l’absence de toute artificialisation nette des sols (c'est-à-dire une « zéro artificialisation nette » ou « ZAN »).

À cette fin, les régions, les communes et leurs groupements doivent adapter, suivant des procédures simplifiées, l’ensemble des documents régionaux et locaux de planification et d’urbanisme affectés.

B.   Une comptabilisation de la consommations des sols dÉclinÉe À chaque niveau territorial et modulÉe selon les usages

Si l’objectif de 50 % de réduction du rythme d’artificialisation s’impose à l’échelle régionale dès la première décennie, les collectivités ont pour mission de définir, en concertation, des cibles propres à chaque territoire, d’abord au sein du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), puis au sein des schémas de cohérence territoriale (SCoT), des plans locaux d’urbanisme (plan local d'urbanisme) et des cartes communales.

La loi a notamment prévu qu’une « conférence régionale des SCoT », réunie dans les six mois suivant la promulgation de la loi « Climat et résilience », fasse une proposition au conseil régional en ce qui concerne la répartition de l’effort de réduction de la consommation des espaces entre les différentes parties du territoire régional.

La déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation prend en considération les besoins et les profils des collectivités. Dans le cadre d’un SCoT, la déclinaison par secteur géographique peut tenir compte « 1° Des besoins en matière de logement (…) ; 2° Des besoins en matière d’implantation d’activités économiques (…) ; 3° Du potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà urbanisés et à urbaniser (…) ; 4° De la diversité des territoires urbains et ruraux, des stratégies et des besoins liés au développement rural (…) ; 5° Des efforts de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers déjà réalisés (…) ;  Des projets d'envergure nationale ou régionale  ([82]) dont l'impact en matière d'artificialisation peut ne pas être pris en compte pour l'évaluation de l'atteinte des objectifs mentionnés au second alinéa du même article L. 141-3 – dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT –, mais est pris en compte pour l'évaluation de l'atteinte des objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales ; 7° Des projets d’intérêt communal ou intercommunal » – à savoir le respect des plafonds régionaux de moyen et long termes (article L. 141-8 du code de l’urbanisme).

En effet, si la comptabilisation de l’artificialisation se fait essentiellement aux échelles communale, intercommunale et régionale, la loi de 2021 ouvre néanmoins la possibilité de mutualiser les projets d’envergure nationale ou régionale entre les différentes collectivités de la région.

L’article 194 de cette même loi décompte toute « création ou [extension] effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné » comme une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et, en l’état actuel du droit, n’exclut de cette comptabilisation que les espaces naturels ou agricoles occupés par une installation de production d'énergie photovoltaïque « dès lors que les modalités de cette installation permettent qu'elle n'affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, (…) ainsi que son potentiel agronomique et, le cas échéant, que l'installation n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée ».

II.   le dispositif proposé

A.   Des gisements de foncier artificialisÉ insuffisants pour les besoins de la rÉindustrialisation

L’implantation de nouveaux sites industriels nécessite des terrains adaptés. La disponibilité de foncier représente donc un enjeu stratégique et sa limitation un handicap, voire un obstacle, au développement industriel.

La contrainte est particulièrement forte pour les grands sites, car moins de 10 % des intercommunalités auraient la capacité d’accueillir des activités nécessitant plus de 100 ha de foncier, comme certains secteurs-clés de la transition écologique (les gigafactories de batteries, par exemple). Mais la question se pose aussi plus globalement, car nos ambitions de réindustrialisation nécessiteront plusieurs dizaines de milliers d’hectares.

Pour y répondre, les articles 5 et 6 du projet de loi (cf. commentaires correspondants) s’attachent à faciliter la mobilisation de terrains déjà artificialisés, à savoir les friches industrielles, et l’article 11 vise à favoriser la densification des zones d’activités économiques existantes.

Il reste que cela ne couvrira qu’une partie des besoins et qu’en divisant le rythme d’artificialisation par deux d’ici 2030 et en visant le « zéro artificialisation nette » en 2050, la législation « ZAN » va indéniablement accentuer la contrainte foncière et la concurrence entre les usages dépendants du foncier (habitat, activités économiques, équipements publics, etc.).

B.   Le choix d’exclure les industries vertes de la comptabilisation « ZAN »

Forte de ces constats largement partagés, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté l’amendement COM-334 de son rapporteur Laurent Somon, qui modifie l’article 194 de la loi « Climat et résilience » afin que l'artificialisation des sols liée aux installations industrielles « concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale, au sens du décret mentionné au I de l’article L. 300-6-2 du code de l’urbanisme » soit exclue du calcul du « zéro artificialisation nette » tant au niveau local que régional et même national.

On notera que cette formulation se réfère aux types d’industries dont peuvent relever les projets d’intérêt national majeurs visés à l’article 9 du projet de loi (cf. commentaire correspondant), mais ne se limite pas explicitement à ceux-ci.

L’amendement COM-334 substitue par ailleurs à la prise en compte, au 6° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, des projets d’envergure nationale ou régionale dans la déclinaison des objectifs d’un SCoT – et, par la même occasion, à la possibilité de faire remonter le décompte desdits projets (infrastructures nationales, par exemple) au niveau des Sraddet – la simple prise en compte des projets industriels concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale.

L’amendement COM-334 exclut également de toute comptabilisation au titre du « ZAN » :

– la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant du pré-aménagement de très grands sites d’accueil industriel en vue de l’implantation de projets pouvant être qualifiés de projets d’intérêt national majeur ;

– ainsi que les équipements et besoins en logement liés aux projets industriels concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale, mentionnés par la première exception.

Si le rapporteur souligne la faiblesse des surfaces qui seraient concernées par l’implantation d’industries concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale – selon ses calculs, l’enveloppe d’artificialisation nécessaire en sus des optimisations de terrains déjà urbanisés représenterait moins de 7 % de l’enveloppe nationale disponible pour la décennie 2021-2031 –, il n’évalue pas les consommations de ces opérations de pré-aménagement, ni celles des aménagements et constructions liés, qui seront beaucoup plus lourdes.

L’amendement COM-334 a, par ailleurs, prévu que le Gouvernement remette, au plus tard le 1er janvier 2024, un bilan de l’impact sur la trajectoire nationale de réduction de l’artificialisation des sols de la non-comptabilisation des consommations d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour l’implantation de ces mêmes projets industriels.

En séance publique, le Sénat a rejeté un amendement de suppression de l’article 9 bis, ainsi qu’une nouvelle rédaction globale proposée par le Gouvernement.

Le ministre délégué à l’industrie Roland Lescure a pourtant rappelé qu’une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, dite « proposition de loi ZAN », était en cours de discussion. Introduite par le Sénat, elle venait d’être modifiée et adoptée à une très large majorité par l’Assemblée nationale.

Il apparaissait donc plus cohérent de laisser à ce véhicule législatif le soin d’arrêter les modalités précises de comptabilisation, ainsi que les aménagements jugés opportuns – y compris pour les projets d’envergure.

Pour rappel, l’article 4 de cette proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale mettait en place une comptabilisation spécifique pour les projets dont les incidences, les externalités ou les retombées dépassent le périmètre de leur emprise spatiale. Les projets de très grande ampleur, comme de nouvelles infrastructures de transport, menacent en effet de priver certaines régions d’une partie conséquente de leur « enveloppe d’artificialisation », alors que le rayonnement de tels projets est beaucoup plus large.

L’Assemblée nationale avait considéré que l’on ne pouvait les exclure de toute comptabilisation, car leur empreinte sur l’environnement est significative (et le risque d’un appel à multiplier les exceptions, non négligeable)  ([83]). Mais leur envergure nationale, voire européenne, et l’« intérêt général majeur » susceptible de leur être attaché justifiaient que, pour la première tranche de dix ans, ils soient pris en compte à l’échelle nationale, plutôt que d’imputer leur empreinte foncière sur les enveloppes d’artificialisation des seuls territoires impactés.

L’idée était de permettre une forme de « mutualisation » à l’échelle nationale de l’artificialisation qu’ils induisent, sans aboutir à rehausser le volume national d’artificialisation au-delà de ce que permet l’objectif national fixé à l’article 191 de la loi « Climat et résilience », ce qui suppose de réduire les enveloppes régionales d’autant.

Selon le rapport de M. Bastien Marchive sur la proposition de loi « ZAN »  ([84]), les estimations produites par le Gouvernement ont permis de prévoir que la totalité des grands projets d’envergure nationale ou européenne représenterait environ 15 000 hectares pour la décennie 2021-2031. Il était donc prévu qu’un « forfait national » de 15 000 hectares soit retenu et soustrait des 125 000 hectares que vise l’objectif national de réduction de moitié de la consommation d’ENAF sur la première période décennale. Ensuite, un coefficient de péréquation de ce forfait était appliqué au plafond régional d’artificialisation, pour la part estimée des projets implantés dans une région couverte par un Sraddet – coefficient fixé par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme.

Afin d’encadrer le périmètre d’application de ce dispositif de comptabilisation spécifique, l’Assemblée nationale avait réécrit la liste des catégories d’opérations pouvant être, en raison de leur nature ou de leur importance, considérées comme des « projets d’envergure nationale ou européenne ». Il s’agissait, en particulier, de bien intégrer les opérations qui peuvent être déclarées d’utilité publique en application de l’article L. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les projets de réacteur électronucléaire et les projets industriels d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique mentionnés par l’article 9. L’Assemblée nationale avait également prévu le recensement, dans un arrêté ministériel, de ceux d’entre ces projets qui présentent un intérêt général majeur. Enfin, le texte adopté disposait que les aménagements, équipements et logements directement liés à la réalisation de ces projets pouvaient être considérés, en raison de leur importance, comme des projets d’envergure régionale, au sens du 6° de l’article L. 141‑8 du code de l’urbanisme, ou comme des projets d’intérêt intercommunal, au sens du 7° du même article L. 141‑8. L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qu’ils engendraient était alors prise en compte selon les modalités propres à ces projets.

III. Les travaux de la commission spéciale

Intervenue pendant les travaux de la commission spéciale, la conclusion positive des négociations en commission mixte paritaire sur la proposition de loi « ZAN » a confirmé l’inopportunité de l’article 9 bis.

Avec le soutien du rapporteur général et du Gouvernement, la commission spéciale a donc adopté six amendements de suppression de cet article, à savoir les amendements CS256 du rapporteur de la proposition de loi Bastien Marchive (Renaissance), CSCS453 de Mme Sophia Chikirou (la France insoumises-NUPES), CS739 de M. Vincent Thiébaut (Horizons et apparentés), CS788 de M. Stéphane Delautrette (Socialistes et apparentés), CS934 de M. Charles Fournier (Écologistes-NUPES) et CS1167 de M. Frédéric Zgainski (Démocrates).

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Article 10
Reconnaissance du caractère de RIIPM dans le cadre d’une opération ou de travaux faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 10 prévoit que la reconnaissance du caractère de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) d’une opération ou de travaux faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP) puisse intervenir dès cette dernière. La reconnaissance du caractère de RIIPM ne pourrait plus alors être attaquée en justice qu’à l’occasion d’un recours contre la DUP – et non au stade de l’obtention de la dérogation « espèces protégées », qui intervient généralement dans un deuxième temps.

Le Sénat avait limité le dispositif aux seuls projets industriels. La commission spéciale a rétabli le périmètre initial.

I.   Le droit en vigueur

Tout projet d’implantation industrielle fait l’objet d’une analyse de ses impacts sur la faune et la flore, à la suite de laquelle le porteur du projet peut devoir solliciter une dérogation aux obligations de protection stricte des espèces protégées définies aux articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement.  ([85])  

L’article L. 411-2 dresse la liste des différentes hypothèses justifiant de telles dérogations, dont celle énoncée au c) du 4° de son I et fondée sur des « raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature (…) économique ».

Ces dérogations ne sont accordées que si elles répondent également aux conditions cumulatives suivantes :

– qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, condition pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle et aux frais du pétitionnaire ;

– que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

La « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) que représenterait le projet constitue néanmoins la première condition examinée par le juge si la dérogation est contestée – et celle dont la remise en cause peut suffire à annuler cette dérogation, et par suite bloquer la réalisation du projet. Même si elle est ultérieurement mise en balance avec les inconvénients qu’elle peut générer, à ce stade, elle est appréciée dans l'absolu, au regard des bénéfices pour la collectivité.

Le fait que le projet fasse l’objet d’une déclaration d’utilité publique est un indice de RIIPM pour le juge, mais elle ne suffit pas par elle-même à l’établir. Au demeurant, le Conseil d’État a rappelé (cf. commentaire de l’article 9 du projet de loi) que la reconnaissance d’une RIIPM ne peut être automatique : même si la loi ou le décret peuvent définir des critères permettant de considérer que certains projets sont susceptibles de répondre à une RIIPM, ces projets doivent être examinés au cas par cas et chaque qualification doit pouvoir être justifiée.

Il n’en reste pas moins qu’une déclaration d’utilité publique (cf. articles L. 121-1 à L. 122-7 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) constitue une indication pertinente, car elle reconnaît une qualité très proche de la RIIPM, sans pour autant coïncider – à savoir, l’« utilité publique » de certains travaux ou aménagements, qui permet l’engagement d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique des terrains ou immeubles privés nécessaires à leur réalisation.

Le projet de déclaration d’utilité publique fait l’objet d’une enquête publique – voire d’une enquête sous le régime du droit de l’environnement, si le projet concerné peut avoir des incidences sur l’environnement. La déclaration est ensuite faite par l’autorité compétente de l’État, mais peut relever d’un décret en Conseil d’État selon la nature et l’importance du projet.

L'acte déclarant l'utilité publique précise également le délai accordé pour réaliser l'expropriation, délai qui ne peut excéder cinq ans si la déclaration n’est pas prononcée par décret en Conseil d'État. Toutefois, si les opérations déclarées d'utilité publique sont prévues par des plans d'occupation des sols, des plans locaux d'urbanisme ou des documents d'urbanisme en tenant lieu, cette durée maximale est portée à dix ans. Et les effets de la déclaration d’utilité publique peuvent aussi être prorogés une fois, pour une durée égale au délai initialement fixé et dans la limite de cinq ans.

II.   le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial du projet de loi

Le projet de loi a proposé que la déclaration d’utilité publique (DUP) d’une opération faite dans le cadre de l’article L. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ainsi que la DUP engagée pour permettre à des « travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité » de traverser des propriétés privées, prévue à l’article L. 323-3 du code de l’énergie, puissent à leur tour, si la réalisation de cette opération ou de ces travaux nécessite (ou est susceptible de nécessiter) une dérogation à la protection stricte des espèces protégées, leur reconnaître le caractère d’opération ou de travaux répondant à une RIIPM.

Cette reconnaissance vaut pour la durée de validité de la DUP et de son éventuelle prorogation, dans la limite de 10 ans.

Le principal intérêt de ce traitement simultané est de cristalliser la reconnaissance de la RIIPM. Les deux autres conditions ne peuvent, en tout état de cause, s’apprécier que lorsque l’on connaît l’emprise exacte du projet et sa forme, ce qui peut survenir plusieurs années après l’acte déclarant l’utilité publique.

En revanche, il peut être opportun de profiter de la procédure de reconnaissance de l’utilité publique pour démontrer en même temps sa RIIPM si le projet est suffisamment avancé.

La nouvelle procédure permet de gagner un peu de temps sur le traitement ultérieur d’une demande de dérogation à la protection stricte des espèces protégées, mais elle sécurise surtout la reconnaissance de la RIIPM d’une opération ou de travaux en prévoyant qu’elle ne pourra être contestée qu’à l’occasion d’un recours contre la DUP, dans les délais de recours de droit commun, et non plus à l’étape beaucoup plus tardive d’un recours contre l’acte accordant la dérogation demandée.

Une disposition similaire est proposée par le III de l’article 9 du projet de loi, codifiée à l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement, s’agissant des projets industriels qualifiés de projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement COM-335 de son rapporteur Laurent Somon, qui cantonne le décret en Conseil d'État prévu pour déterminer les modalités de la reconnaissance d'une RIIPM à de simples précisions procédurales, excluant la définition de critères génériques permettant de reconnaître une RIIPM automatiquement.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 69 rectifié de Mme de Cidrac, avec le soutien de la commission des affaires économiques mais contre l’avis du Gouvernement, qui restreint le bénéfice du dispositif aux seuls « projets industriels ». Les raccordements d’installations ne sont même plus concernés.

III. Les travaux de la commission spéciale

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur général (CS1297 et CS1298), la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur, l’amendement CS1413 qui rétablit le périmètre initialement proposé par le projet de loi, à savoir tous projets, opérations d’aménagement et travaux sur les réseaux publics d’électricité dont l’utilité publique a été reconnue par une DUP.

Cette possibilité de reconnaître qu’ils répondent aussi à une raison impérative d’intérêt public majeur n’est pas excessive au regard des exigences d’une DUP, elle est cohérente avec celle accordée à l’article 8 aux projets déclarés d’intérêt général et elle offrira plus de sécurité juridique aux porteurs de projets.

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Article 11
Favoriser la libération de foncier via le remembrement de surfaces commerciales

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article vise à exonérer d’autorisation d’exploitation commerciale, dans certaines conditions, les regroupements de surfaces de ventes situées dans le périmètre de « grandes opérations d’urbanisme » (GOU), en vue de favoriser la libération de foncier dans les zones d’activités économiques (ZAE).

La commission spéciale a supprimé l’expérimentation, introduite par le Sénat, qui étendait, sur trois ans, la mesure aux regroupements de surfaces de vente opérés, hors GOU, dans une même ZAE ou entre plusieurs ZAE situées dans le périmètre d’un même établissement public de coopération intercommunale.

Le Sénat avait, par ailleurs, adopté un amendement du Gouvernement réformant le régime des GOU. La commission spéciale a complété cette réforme en renforçant les missions économiques des EPF et EPA.

 

La meilleure façon de conjuguer notre ambition de réindustrialiser la France et l’impératif de réduire l’artificialisation des sols (cf. commentaire de l’article 9 bis) est de remobiliser les terrains déjà artificialisés, comme les friches industrielles (objectif des articles 5 et 6) et favoriser la densification des zones d’activités existantes. L’article 11 vise donc à encourager – ou, plus exactement, à ne pas décourager – l’optimisation de l’occupation des zones commerciales, en facilitant de manière encadrée la réorganisation des activités qui y sont installées.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les zones d’activité économique, un gisement foncier artificialisÉ À optimiser

Les zones commerciales sont une des catégories des « zones d’activité économique » (ZAE), qui peuvent aussi comporter des zones d'activité industrielle, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire (article L. 318-8-1 du code de l’urbanisme).

Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) dénombrerait jusqu'à 32 000 zones d’activité économique sur le territoire national, représentant environ 450 000 ha de foncier, dont 1 500 zones commerciales de périphérie.

Pour évaluer le gisement foncier qu’elles représentent, l’article 220 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, codifié à l’article L. 318-8-2 du code de l’urbanisme, a confié aux établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d’aménagement et de gestion des zones d’activité économique la mission d’inventorier ces zones. Cet inventaire doit notamment comporter un état parcellaire de leurs unités foncières et calculer leur taux de vacance. Le premier inventaire doit être finalisé avant le 22 août 2023.

Afin d’accélérer la transformation de ces zones, dont l’espace n’est pas toujours optimisé et les aménagements architecturaux et paysagers disparates, le même article 220 permet  ([86]) aux maires, présidents d’établissement public de coopération intercommunale et préfets de mettre en demeure les propriétaires de locaux dégradés ou non entretenus de les réhabiliter puis, si nécessaire, de procéder à une expropriation, dans les zones d’activité économique faisant l'objet d'un projet partenarial d'aménagement (PPA) ou situées dans le périmètre des secteurs d'intervention délimités par une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT).

B.   Les grandes opérations d’urbanisme, un cadre pour le rÉamÉnagement ambitieux des espaces urbains

Créé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, le mécanisme de la « grande opération d'urbanisme » (GOU), défini aux articles L. 312-3 et suivants du code de l’urbanisme, constitue une forme particulière de projet partenarial d'aménagement  ([87]) associant l’État à une ou plusieurs collectivités.

Si un PPA peut ne pas prévoir de GOU, une GOU ne peut être mise en œuvre que si un PPA l’a expressément prévu. Ensuite, ce sont des délibérations des organes des collectivités ou des établissements publics de coopération intercommunale cocontractants qui qualifient une opération d’aménagement de « grande opération d'urbanisme » et en fixent la durée et le périmètre. La décision suppose aussi l’accord des communes dont le territoire est inclus, en tout ou partie, dans son périmètre.

Les grandes opérations d'urbanisme visent les opérations d'aménagement de grande ampleur, ou complexes, et portées au niveau intercommunal et prévoient à ce titre le transfert, avec l’accord des collectivités, des compétences d’urbanisme – notamment, la délivrance des autorisations d’urbanisme – des collectivités participantes à l’intercommunalité à l’initiative de la GOU  ([88]) (et non à l’État, comme pour une opération d’intérêt national [OIN], et ce, même si l’État et ses établissements publics d’aménagement peuvent être amenés à intervenir au plan opérationnel de manière significative). L’établissement public de coopération intercommunale peut aussi réaliser, construire, adapter ou gérer des équipements publics relevant de la compétence de la commune d’implantation, mais nécessaires à la grande opération d'urbanisme et qui ont été précédemment identifiés et localisés par l’acte de qualification.

L’acte de qualification d’une opération d’aménagement en tant que GOU emporte par ailleurs d’importantes conséquences procédurales : il peut délimiter sur tout ou partie du territoire de la GOU une zone d’aménagement différé (ZAD) et désigner le titulaire du droit de préemption dans son périmètre, ouvert pour une période de 10 ans renouvelable une fois. Il permet aussi d’utiliser la procédure intégrée prévue à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme (cf. commentaire de l’article 8) pour mettre en compatibilité le document de planification locale qui pourrait faire obstacle à sa réalisation.

À ce jour toutefois, seules deux grandes opérations d'urbanisme ont été lancées : l’une dans le centre-ville de Marseille, visant principalement à y éradiquer l'habitat dégradé, l'autre à Paris (Bercy-Charenton). La réticence des maires et autres autorités compétentes en matière d’urbanisme à transférer leurs compétences en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme en serait une des causes fondamentales.

II.   le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

La création, l’extension ou la réouverture après cessation d'exploitation pendant trois ans, d'un magasin de commerce de détail ou d'un ensemble commercial d'une surface de vente supérieure à 1 000 m², tout changement de secteur d'activité d'un magasin de commerce existant d'une surface de vente supérieure à 2 000 m² (ou 1 000 m² lorsqu'il s'agit d'une surface de vente majoritairement alimentaire), ainsi que tout regroupement de surface de ventes de magasins voisins, sans création de surface supplémentaire, excédant 2 500 m² (ou 1 000 m² lorsque la nouvelle activité est à prédominance alimentaire) supposent l’obtention d’une autorisation d’exploitation commerciale (AEC).

Les délais d’instruction du dossier par la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC), ceux des éventuels contentieux se rajoutant à la durée des études préalables, puis, dans certains cas, aux délais d’obtention d’un permis de construire allongent considérablement la durée de cette procédure, dont la lourdeur peut dissuader d’agir les candidats à ces réorganisations – même s’il existe, depuis 2014, la procédure du « permis de construire valant AEC » (dans l’idée d’offrir un « guichet unique » aux demandeurs).

Afin de faciliter les regroupements de surfaces de ventes au sein des zones d’activité économique et de libérer ainsi du foncier déjà artificialisé pour de nouvelles activités, l'article 11 du présent projet de loi complète l’article L. 752-2 du code du commerce et prévoit que les surfaces de vente concernées ne seront pas soumises à une nouvelle autorisation d'exploitation commerciale.

Toutefois, cette exemption ne s'appliquerait qu’à la triple condition que le regroupement de surfaces de ventes concerné n'occasionne pas la création de surfaces de vente supplémentaires, n'engendre pas d'artificialisation des sols supplémentaire et, surtout, se situe dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme aux objectifs de laquelle il contribue.

En outre, les transferts devraient s'inscrire dans un projet visant à favoriser la mixité fonctionnelle au sein des zones d’activité économique concernées, notamment – mais pas uniquement – en vue de l'implantation d'activités industrielles. Enfin l'exemption vaudrait toute la durée d'existence de la grande opération d'urbanisme.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

1.   L’extension expérimentale de la dispense d’autorisation d’exploitation commerciale pour encourager les regroupements de magasins au sein d’une ZAE ou entre ZAE en l’absence de GOU

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté, sans modification, le dispositif proposé par le projet de loi (devenu le I de l’article 11), observant au demeurant que de telles opérations serviraient davantage à améliorer les entrées de ville qu’à soutenir l’industrialisation, la proximité d’une industrie n’étant pas toujours bienvenue en raison des nuisances qu’elle peut générer.

Mais la commission a considéré qu’un tel objectif méritait d’être soutenu. La commission a donc complété le dispositif initialement proposé par l’amendement COM-336 du rapporteur Laurent Somon, pour étendre, à titre expérimental, pour trois ans et aux mêmes conditions (hormis l’inscription dans une grande opération d'urbanisme), la dispense d'autorisation d'exploitation commerciale aux remembrements commerciaux à l'intérieur d'une même zone d'activité économique – voire entre des zones d’activité économique différentes mais situées dans le périmètre d'un même établissement public de coopération intercommunale (II de l’article 11).

Le rapporteur y voit l’opportunité de multiplier les cas concernés, sans contraindre les maires à se dessaisir de leur pouvoir en matière d’autorisations d’urbanisme.

L’article 97 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS », a déjà prévu une expérimentation de six ans confiant à l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme le soin de délivrer l’AEC (avec ou sans permis de construire) dans le cadre d’une procédure unique sans renvoi à l’examen préalable de la commission départementale d’aménagement commercial (contrairement à la procédure unique créée en 2014). Cette procédure est cependant réservée aux seuls établissements publics de coopération intercommunale signataires d’une convention d’opération de revitalisation des territoires (ORT), ainsi qu’aux communautés urbaines et aux métropoles et suppose une modification de leurs SCoT et PLUi pour qu’ils intègrent les critères définis par l’article L. 752-6 du code du commerce en matière d’aménagement durable (consommation économe de l’espace), de développement durable (qualité environnementale des projets, insertion paysagère et architecturale et nuisances) et de protection des consommateurs. Toutefois, la commission des affaires économiques a dit explicitement en séance souhaiter « lever la contrainte de la contractualisation avec l'État ».

Le Gouvernement n’a pas été suivi dans sa proposition de supprimer cette évolution en séance.

2.   La réforme du régime des grandes opérations d'urbanisme pour en favoriser la multiplication

Adopté en séance avec un avis de sagesse de la commission, l’amendement n° 410 du Gouvernement est venu réformer le régime des grandes opérations d'urbanisme pour lever les obstacles à leur généralisation (III de l’article 11).

Lors des débats, le ministre délégué à l’industrie Roland Lescure a précisé que cette réforme avait été construite par la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, en lien avec les parlementaires, les élus locaux et le Conseil national du commerce.

La principale évolution est l’introduction de la faculté de ne pas transférer, de la commune à l'établissement public de coopération intercommunale, la compétence de délivrance des autorisations d'urbanisme (permis de construire, d’aménager et de démolir). Elle se traduit dans un nouvel article L. 312-5-1 du code de l’urbanisme (au 4° du III), comme une dérogation au principe du transfert automatique posé par le 1° de l’article L. 312‑5. L’article L. 422-3-1 du code de l’urbanisme, qui rappelle ce même principe, est corrigé en conséquence par le 7° du III.

Si cette faculté est utilisée, les communes concernées peuvent aussi conclure des conventions de projet urbain partenarial pour la réalisation des équipements publics rendus nécessaires par un projet d’aménagement, en dérogation de l’exclusivité intercommunale prévue par le 5° de l’article L. 312-5. Le  du III corrige en conséquence l’article L. 332-11-3 du code de l’urbanisme, qui définit le régime de ces conventions de projet urbain partenarial.

La réforme renforce, par ailleurs, le recours au droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, fonds de commerce, etc. Dans un nouvel article L. 214-2-1 du code de l’urbanisme, le 3° du III permet ainsi d’instaurer, par délibération motivée, le droit de préemption que les communes peuvent exercer dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité (articles L. 214-1 et suivants), dans le périmètre d’une grande opération d'urbanisme engagée sur tout ou partie d’une zone d’activité économique en vue de favoriser sa mixité fonctionnelle. L’acte qualifiant la GOU peut délimiter les secteurs où s’exercera ce droit de préemption.

Le 3° aménage par ailleurs les règles actuelles de ce droit de préemption dans le cas d’une grande opération d'urbanisme engagée sur une zone d’activité économique, en allongeant le délai de rétrocession du fonds de six à sept ans et en étendant la capacité de préempter aux aliénations à titre onéreux de terrains destinés à des commerces d’une surface de vente comprise entre 1 000 et 4 000 m² (au lieu de 300 à 1 000 m²).

Le 5° du III exige que la délibération qualifiant la grande opération d'urbanisme précise explicitement qui exerce les compétences en matière d’autorisations d’urbanisme dans le périmètre de cette opération, de même pour le droit de préemption qui a pu être décidé (article L. 312-7 du code de l’urbanisme).

Il est également proposé, au 2° du III, d’aligner les dérogations au règlement d’un PLU (en termes de gabarit, de densité, de distance séparative, d’obligations de créer des aires de stationnement et des espaces extérieurs en continuité des habitations, etc.) permises pour une grande opération d'urbanisme sur celles accordées aux ORT (en complétant l’article L. 152-6-4 du code de l’urbanisme), au lieu de leur alignement actuel sur les dérogations accordées aux zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants et aux communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique par l’article L. 152‑6 (celui-ci est corrigé en conséquence par le 1° du III). Ces dérogations diffèrent essentiellement par les objectifs qu’elles se donnent.

Les objectifs fondant ces dérogations sont réécrits, l’expression « contribuer au développement ou à la revitalisation du territoire, faciliter le renouvellement urbain et la maîtrise de l’étalement urbain » remplaçant « contribuer à la revitalisation du territoire, faciliter le recyclage et la transformation des zones déjà urbanisées et lutter contre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers » et la « mixité sociale » devenant « mixité sociale et fonctionnelle », pour les ORT comme pour les GOU.

Par ailleurs, le IV étend aux grandes opérations d'urbanisme la procédure de déclaration de parcelle en état d’abandon, applicable dans le périmètre d’une ORT dès que l’on constate que des travaux ont condamné l'accès à une partie d’immeuble (article L. 2243-1-1 du code général des collectivités territoriales).

De même, le VI de l’article 11 étend aux grandes opérations d'urbanisme engagées sur une zone d’activité économique l’expérimentation de la procédure unique prévue à l’article 97 de la loi dite « 3DS », qui confie à l’autorité compétente en matière d’urbanisme le pouvoir d’accorder une AEC sans renvoi préalable à la CDAC (cf. supra).

Enfin le V propose une dernière évolution, non limitée aux GOU, qui allonge de sept à douze ans la durée de l’expérimentation permettant à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements et aux organismes d'habitations à loyer modéré, pour la réalisation d'équipements publics et de logements sociaux, de « déroger à certaines règles en vigueur en matière de construction dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles » (article 88 de la loi n° 2016‑925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine).

III. Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté cinq amendements rédactionnels du rapporteur général (CS1299, CS1300, CS1301, CS1302 et CS1304), ainsi que deux amendements du Gouvernement, avec l’avis favorable du rapporteur :

– l’amendement CS637 supprime l’expérimentation sur trois ans de la dispense d’autorisation d’exploitation commerciale à tous les regroupements ou transferts de surfaces commerciales au sein des zones d’activités économiques (ZAE), même en-dehors du cadre d’une grande opération d’urbanisme.

L’idée semblait intéressante au regard de toutes les zones commerciales qui mériteraient d’être réorganisées aux entrées de nos villes. Mais ces réorganisations doivent être suffisamment encadrées pour optimiser l'utilisation des zones d’activité économique, protéger leur environnement et s’assurer que ces réaménagements favorisent la mixité fonctionnelle.

Le dispositif du Sénat reprenait ces différentes exigences, mais ne définissait pas de cadre garantissant leur bonne mise en œuvre. Or l’autorisation d’exploitation commerciale permet au moins de s’assurer que l’implantation d’un commerce n’a pas d’impacts négatifs sur son environnement précis.

Par ailleurs, la réforme du régime des grandes opérations d'urbanisme proposée par l'article 11 facilitera leur mise en place, ce qui permettra d'encadrer davantage de zones d’activité économique ;

– L’amendement CS619 vise à consolider l’intervention des établissements publics fonciers, d’État et locaux, et des établissements publics d’aménagement dans ces opérations en étendant leurs missions économiques.

Aujourd’hui, en effet, ils ne peuvent participer qu’au « développement » des activités économiques et ne sont autorisés à acquérir que des terrains ou des immeubles. L’amendement CS619 leur permettra de « contribuer au maintien et à la transformation des activités économiques » et, pour ce faire, les autorise à acheter des baux commerciaux ou des fonds artisanaux.

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Article 11 bis
Renvoi à un décret pour la mise en œuvre des dispositions du titre I

Supprimé par la commission

 

L’article 11 bis, introduit à l’initiative du Sénat, prévoyait qu’un décret du ministre chargé de l’économie détermine les modalités de coordination, d’organisation et de suivi des mesures destinées à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches relevant du titre I du présent projet de loi. Il a été supprimé par la commission.

 

I.   le dispositif proposÉ par le SÉnat

Avec les avis favorables de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, le Sénat a adopté en séance publique l’amendement n° 160 de M. Franck Montaugé qui prévoit que les « modalités de coordination, d'organisation et de suivi des mesures destinées à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches relevant du titre I  font l'objet d'un décret du ministre de l'économie », lequel doit être pris dans les trois mois suivant la promulgation de la loi.

Les auteurs de l’amendement expliquent qu’il s’agit de garantir la délivrance des autorisations nécessaires à un porteur de projet « Industrie verte » dans le délai de neuf mois visé par le Gouvernement. « Par cet amendement, nous voulons nous assurer que les moyens effectivement déployés permettent d'atteindre les objectifs que le Gouvernement a fixés dans ce projet de loi et auxquels nous souscrivons. »

Cet article n’autorise pas le Gouvernement à modifier la loi ou définir des règles qui relèveraient de la compétence du législateur. Il n’empiète pas non plus sur les compétences du pouvoir réglementaire, qui reste maître de décider de l’organisation et des modalités précises qu’il faudra, en tout état de cause, mettre en œuvre pour appliquer les réformes du titre Ier du projet de loi. Il prévoit cependant qu’un dispositif de suivi soit expressément mis en place, pour plus de visibilité.

II.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur général, l’amendement CS620 du Gouvernement qui supprime cet article empiétant sur les prérogatives du pouvoir réglementaires.

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Article 11 ter
Bilan du dispositif « Territoires d’industrie »

Supprimé par la commission

 

L’article 11 ter, introduit à l’initiative du Sénat, prévoyait qu’un bilan du dispositif « Territoires d’industrie » soit remis par le Gouvernement dans les six mois de l’adoption du présent projet de loi. Ce rapport doit en outre étudier l’opportunité d’ouvrir ce dispositif à tous les « territoires volontaires et engagés localement dans la réindustrialisation ».

Il a été supprimé par la commission spéciale.

 

I.   Le droit en vigueur

Le programme des « Territoires d’industrie » a été lancé par le programme d’investissement d’avenir (PIA 3) avant d’être repris par le plan « France relance », puis « France 2030 ». Il réunit différents dispositifs : « Fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires », « Soutien à l’investissement industriel dans les territoires », « Pack rebond », notamment gérés par la Banque des territoires, Bpifrance et Pôle emploi, ainsi qu’un dispositif important pour attirer les investisseurs, les « sites clés en main » – on comptait 127 sites industriels ainsi labellisés en 2022.

Ce programme constitue le volet territorialisé de la politique industrielle du Gouvernement, favorisant la mise en place d’une stratégie de reconquête industrielle par les territoires eux-mêmes.

Un « territoire d’industrie » est animé par un binôme élu local-acteur industriel qui, en partenariat avec l’État, ses opérateurs et les régions, identifie les besoins, les atouts ou les potentiels de développement d’un territoire et soutient les projets apportant des réponses concrètes et sur-mesure. Le programme intervient, entre autres, sur la disponibilité du foncier et la revitalisation des friches industrielles. Plusieurs opérateurs nationaux viennent appuyer le portage des projets, tant d’un point de vue financier que technique.

On compte aujourd’hui 149 territoires d’industrie, regroupant plus de 542 intercommunalités, 30 millions d’habitants et situés majoritairement dans des villes petites et moyennes et en zone rurale. Deux milliards d’euros auront été engagés par l’État, les régions et les opérateurs entre fin 2018 et 2022.

Une nouvelle phase du programme sur 2023-2027 a été ouverte depuis le 23 juin 2023. Cette phase comprend l'ouverture officielle de la plateforme de candidatures pour les territoires souhaitant être labellisés pour la nouvelle période.

II.   le dispositif proposÉ par le SÉnat

Avec le soutien de la commission des affaires économiques, mais contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté en séance publique les amendements identiques nos 152 rectifié bis de M. Franck Montaugé, 191 rectifié de Mme Brigitte Micouleau, 257 de Mme Cécile Cukierman, 372 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre et 334 rectifié bis de M. Daniel Chasseing qui prévoient un rapport du Gouvernement sur le dispositif « Territoires d'industrie » dans les six mois suivant la promulgation de la loi relative à l’industrie verte.

Ce rapport doit en outre étudier l’opportunité d’ouvrir ce dispositif à tous les « territoires volontaires et engagés localement dans la réindustrialisation ».

Les auteurs des amendements soulignent l’efficacité du programme et les acquis méthodologiques de sa première phase. Les chefs d'entreprise industrielle apprécient le cadre de dialogue et de soutien qu’il propose et les acteurs locaux plébiscitent l’accompagnement ad hoc qu’il offre. Les amendements adoptés visent avant tout à appeler l’attention du Gouvernement sur l’importance de poursuivre ce dispositif.

Le ministre délégué Roland Lescure a rappelé que le programme a vocation à se focaliser sur les territoires éloignés, ruraux et périurbains, dans lesquels l'industrie a été importante et ne l'est plus, ou sur ceux où l'industrie commence à redevenir importante. Ainsi, certains territoires seront amenés naturellement à sortir du dispositif et d’autres à y rentrer.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté deux amendements de suppression de cet article, CS1305 du rapporteur général et CS893 de M. Mathieu Lefèvre (Renaissance), malgré un avis défavorable du Gouvernement.

Le rapporteur général a rappelé son opposition de principe aux demandes de rapport adressées au Gouvernement, qui mobilisent des personnels pour un résultat moins opérationnel que les travaux de contrôle menés par le Parlement.

Par ailleurs, les attendus de l’article 11 ter sont déjà satisfaits : non seulement des évaluations régulières sont réalisées par les services du ministère de l’économie et l’Agence nationale de la cohésion des territoires, mais le lancement de la deuxième phase (2023-2027) du programme « Territoires d’industrie » permettra d’accueillir de nouvelles candidatures territoriales.

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titre ii
enjeux environnementaux de la commande publique

 

Article 12
Création d’un motif d’exclusion en cas de non-respect des obligations de transparence extra-financière

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 12 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour introduire un nouveau motif d’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession en cas de non-respect des obligations de transparence extra-financière.

I.   Le droit en vigueur

1.   Les obligations en vigueur

La transparence extra-financière des entreprises s’est d’abord fondée sur l’obligation de publication (reporting) d’informations relatives à leurs performances autres que financières, notamment en ce qui concerne leur impact social, environnemental ou sociétal ou l’organisation de leur gouvernance.

Ce mouvement a été lancé, en France, par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi « NRE » ([89]), qui a introduit, à l’article L. 225-102-1 du code de commerce, l’obligation de publier, au sein du rapport annuel de gestion des entreprises cotées, des informations « sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ». Au niveau européen, il a été généralisé par la directive 2014/95/UE ([90]) du 22 octobre 2014 relative à la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes. Sur son fondement, une déclaration de performance extra-financière est annexée au rapport annuel de gestion en application de l’article L. 225-102-1 précité.

La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a complété le dispositif par l’obligation, prévue à l’article L. 225-102-4 du même code, pour les principales sociétés d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance permettant d’identifier et de prévenir les risques et les atteintes résultant des activités de la société, de ses filiales ou de ses sous-traitants.

2.   Un motif d’exclusion de la commande publique

L’article 35 de la loi du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience » ([91]), a prévu, pour les procédures de passation d’un marché ([92]) ou d’un contrat de concession ([93]) , que l’acheteur puisse exclure de ces procédures les sociétés qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance.

Il s’agit là d’un motif d’exclusion facultatif ([94]), à l’appréciation de l’acheteur, permis par le droit de l’Union européenne.

Le droit de l’Union européenne applicable en matière de commande publique

Le droit de la commande publique est encadré par les directives 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession et 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. Le code de la commande publique transpose ces deux directives en droit interne.

La Cour de justice de l’Union européenne est venue rappeler, dans un arrêt Telaustria Verlags GmbH du 7 décembre 2000 (aff. C-324/98), que toutes les procédures du droit de la commande publique, même lorsqu’elles sont en dehors du champ d’application de ces directives, sont soumises aux règles du traité ainsi qu’aux principes du droit de l’Union européenne qui concernent notamment la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de services. Les principes qui en découlent sont ceux de la transparence, de l’égalité de traitement et de la non-discrimination en droit ou en fait des opérateurs économiques, notamment eu égard à l’introduction de critères géographiques ou de nationalité (1).

Ce droit est également encadré par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Dans un arrêt de 2002, Concordia Bus Finland, celle-ci a par exemple précisé que la notion d’ « offre économiquement la plus avantageuse » autorise la prise en compte de critères écologiques, sous réserve que ces critères soient liés à l’objet du marché, qu’ils ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, qu’ils soient expressément mentionnés et qu’ils respectent les principes fondamentaux du droit de l’Union européenne – notamment, le principe de non‑discrimination.

(1)    Toutefois, des critères géographiques peuvent être mobilisés lorsqu’ils constituent des mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour remplir une exigence impérieuse d’intérêt général, notamment à caractère environnemental.

Ce type d’exclusion facultative peut, par exemple, s’appliquer, sur le fondement des articles L. 2141-10 et L. 3123-10 du code de la commande publique, à des personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d’intérêts.

3.   Une nouvelle étape avec la directive CSRD

La directive 2022/2464 ([95]) du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive « CSRD » ([96]), constitue l’une des composantes du « Pacte vert » européen. Elle introduit de nouvelles obligations déclaratives en matière environnementale, sociale et de gouvernance qui seront publiées au sein d’un nouveau rapport, le rapport de durabilité.

L’article 12 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a habilité le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, la directive CSRD et à effectuer les différentes adaptations et coordinations afférentes.

Le contenu et la portée de la directive ont été analysés par notre collègue Daniel Labaronne, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, dans son commentaire de l’article 8 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture ([97]).

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial du projet de loi

En parallèle de la transposition en droit interne des dispositions de la directive CSRD, l’article 12 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à introduire dans le code de la commande publique, par voie d’ordonnance, un dispositif d’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour les opérateurs économiques qui ne satisfont pas aux obligations de publication d’informations résultant des mesures de transposition de la directive.

Il s’agit là d’un dispositif analogue à celui introduit par la loi « Climat et résilience » pour le plan de vigilance.

L’ordonnance devra être prise dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, alors que la transposition de la directive est attendue avant le 9 décembre 2023, conformément au délai de neuf mois prévu par la loi du 9 mars 2023.

De manière subsidiaire, ce délai de quatre mois se substitue également au délai de neuf mois initialement applicable à l’habilitation prévue au 4° du I de l’article 12 de la loi du 9 mars 2023 ([98]).

B.   Les Modifications apportÉes par le sénat

En commission, deux amendements COM-306 et COM-307 du rapporteur pour avis de la commission des lois Jean‑Yves Roux ont été adoptés.

L’amendement COM-306 a réduit de quatre à trois mois le délai pour introduire, par voie d’ordonnance, le motif d’exclusion ([99]).

L’amendement COM-307 est venu préciser que le nouveau motif d’exclusion était de nature facultative, c’est-à-dire une exclusion dite « à l’appréciation de l’acheteur », et l’a rendu applicable aux marchés de défense et de sécurité.

L’article 12 a été adopté sans modification en séance publique.

III.   LES travaux de LA COMMISSION spéciale

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement rédactionnel CS1242 de la rapporteure.

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Article 12 bis (nouveau)
Dérogation au principe d’allotissement en cas de risque de procédure infructueuse

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 12 bis introduit une dérogation au principe d’allotissement des marchés, lorsque la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse.

I.   Le droit en vigueur

Le premier alinéa de l’article L. 2113-10 du code de la commande publique pose le principe de l’allotissement des marchés publics, à savoir qu’ils sont passés en lots séparés. Trois exceptions à ce principe sont néanmoins prévues par ce même code, lorsque :

– l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes (premier alinéa de l’article L. 2113-10) ;

– l’acheteur n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination (1° de l’article L. 2113-11) ;

– la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations (2° du même article).

Ce principe d’allotissement n’est toutefois pas une obligation découlant du droit de l’Union européenne, qui laisse la faculté aux États-membres de le prévoir ([100]).

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 12 bis a été introduit par l’adoption, en séance publique au Sénat, de l’amendement n° 331 du Gouvernement, qui a reçu un avis de sagesse de la commission. Il insère, à l’article L. 2113-11, une nouvelle exception au principe d’allotissement, lorsque la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse.

L’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement précise qu’« en raison de l’importance, à l’international comme en France, de la demande par rapport à la rareté de l’offre dans ces secteurs d’activité, les contraintes liées à l’allotissement peuvent dissuader les opérateurs économiques de présenter des offres et les détourner de la commande publique française, pour répondre en priorité aux besoins des opérateurs de réseau de nombreux autres pays qui programment aussi des investissements massifs en faveur du verdissement de leurs activités ». En séance publique, le ministre Bruno Le Maire a indiqué que cet amendement visait en particulier les marchés des lignes à haute tension et l’opérateur public Réseau de transport d’électricité (RTE).

III.   LES travaux de LA COMMISSION spéciale

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement rédactionnel CS1243 de la rapporteure.

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Article 12 ter (nouveau)
Dérogation à la durée de droit commun des accords-cadres pour les activités d’opérateur de réseaux

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 12 ter autorise à déroger à la durée de droit commun des accords-cadres pour les activités d’opérateur de réseaux, lorsque son respect présente un risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse.

I.   Le droit en vigueur

En application de l’article L. 2125-1 du code de la commande publique, l’acheteur peut recourir à des techniques d’achat pour procéder à la présélection d’opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection. Parmi ces techniques figure, au 1° de cet article ([101]), l’accord-cadre qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée.

La durée des accords-cadres des pouvoirs adjudicateurs ne peut dépasser quatre ans. Cette durée est portée à huit ans pour les activités d’opérateur de réseaux des entités adjudicatrices ([102]), notamment dans les domaines de l’énergie, de l’eau ou encore des transports. Ces durées ne sont pas applicables dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par leur l’objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 12 ter a été introduit par l’adoption, en séance publique au Sénat, de l’amendement n° 330 du Gouvernement qui a reçu un avis de sagesse de la commission. Il ajoute un nouveau cas dans lequel la durée maximale de huit ans n’est pas applicable aux entités adjudicatrices, à savoir lorsqu’il existe un risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse.

L’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement précise que la limite de huit ans pour les accords-cadres passés par les entités adjudicatrices « peut freiner le développement des réseaux d’énergies renouvelables dans la mesure où, en raison de l’importance de la demande par rapport à l’offre dans ces secteurs, les opérateurs économiques risquent de se détourner de la commande publique de ces entités adjudicatrices au profit de marchés privés ou étrangers de plus longue durée » et estime qu’« il en résulte un risque de marchés infructueux ou de restriction de concurrence dans ces secteurs essentiels pour le verdissement de notre économie ».

III.   LES travaux de LA COMMISSION spéciale

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 12 quater (nouveau)
Autorisation de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 12 quater permet aux entités adjudicatrices d’autoriser les opérateurs économiques à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus.

I.   Le droit en vigueur

L’article L. 2151-1 du code de la commande publique dispose qu’en cas d’allotissement, les opérateurs économiques ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus.

Une « offre variable » constitue ainsi une offre différenciée en fonction du nombre de lots susceptibles d’être obtenus dans le cadre d’une même procédure de mise en concurrence.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 12 quater a été introduit par l’adoption, en séance publique au Sénat, de l’amendement n° 329 du Gouvernement qui a reçu un avis de sagesse de la commission.

Le  prévoit que les entités adjudicatrices pourront autoriser les opérateurs économiques à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus pour les marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure à un seuil fixé par voie réglementaire.

Le  constitue une mesure de coordination au deuxième alinéa de l’article L. 2152-7, qui dispose que les offres sont appréciées lot par lot. Cette disposition ne sera pas applicable lorsque les entités adjudicatrices auront autorisé les opérateurs économiques à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus.

L’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement précise que « l’interdiction de recourir aux offres variables est […] susceptible de pénaliser fortement [les entités adjudicatrices] qui jouent un rôle moteur dans la transition énergétique nationale en entrainant des surcoûts ou une diminution des offres déposées dans le cadre des procédures d’adjudication, alors qu’ils sont soumis à la concurrence d’opérateurs privés et étrangers ».

III.   LES travaux de LA COMMISSION spéciale

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 13
Mesures de verdissement de la commande publique
  

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 13 comprend trois mesures principales :

– il poursuit le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) ;

– il crée un nouveau motif d’exclusion pour méconnaissance de l’obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges) ;

– il précise comment l’offre économiquement la plus avantageuse est déterminée dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi dite « Climat et résilience ».

Lors de l’examen en commission, l’adoption de trois amendements a permis de préciser le contenu de ces schémas. Quatre amendements de la rapporteure sont également venus renforcer l’obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre.

I.   le texte initial du projet de loi

1.   Le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables

a.   L’état du droit

Les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) ont été introduits par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, ne concernant initialement que les collectivités territoriales et « les acheteurs soumis au [code de la commande publique] dont le statut est fixé par la loi » ([103]) dont le montant total annuel des achats était supérieur à 100 millions d’euros. L’article 35 de la loi « Climat et résilience » a renvoyé la fixation de ce montant à un décret, qui l’a arrêté à 50 millions d’euros en 2022 ([104]). Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, les Spaser concernent désormais 300 collectivités territoriales.

En application de l’article L. 2111-3 du code de la commande publique, le Spaser, qui est rendu public, détermine les objectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Il contribue également à la promotion d’une économie circulaire.

b.   Le dispositif proposé

Le  du I de l’article 13 apporte deux évolutions pour poursuivre la montée en puissance de ces schémas de promotion d’achats publics responsables :

– il clarifie le fait que le schéma concerne l’ensemble des acheteurs soumis au code de la commande publique, dont l’État ;

– il prévoit que plusieurs acheteurs peuvent élaborer conjointement un même schéma, dans l’objectif notamment de créer des synergies et de faciliter cette élaboration.

2.   La création d’un nouveau motif d’exclusion pour méconnaissance de l’obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre

a.   L’état du droit

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II », a introduit l’obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre. En application de l’article L. 229-25 du code de l’environnement, cette obligation concerne notamment les personnes morales de droit privé employant plus de cinq cents personnes, l’État, les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants ainsi que les autres personnes morales de droit public employant plus de deux cent cinquante personnes.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, si cette obligation concerne environ 5 000 acteurs privés et publics, seules 35 % des personnes visées satisfaisaient à l’obligation de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre en 2021.

L’article L. 229-25 du code de l’environnement sanctionne le non-respect de cette obligation d’une amende administrative ne pouvant excéder 10 000 euros (ou 20 000 euros en cas de récidive).

b.   Le dispositif proposé

Les  et 4° du I et le III de l’article 13 introduisent un dispositif tendant à inciter les entreprises souhaitant accéder aux marchés publics à se doter d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges), analogue au dispositif prévu à l’article 12, qui prévoit un motif d’exclusion de la commande publique en cas de non-respect des obligations de transparence extra-financière.

Les acheteurs ou les autorités concédantes pourront exclure des procédures de passation d’un marché ou d’un contrat de concession les personnes qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un Beges pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation.

Cette disposition sera applicable aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

3.   L’entrée en vigueur de certaines dispositions de l’article 35 de la loi « Climat et résilience »

a.   L’état du droit

L’article L. 2152-7 du code de la commande publique dispose à ce jour que le marché public est attribué au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution.

L’article 35 de la loi « Climat et résilience » est venu introduire une disposition importante en faveur du verdissement de la commande publique. Il prévoit en effet qu’au moins un des critères précités devra prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.

Les principales évolutions apportées par l’article 35
de la loi « Climat et résilience »

– I : introduction du principe général selon lequel la commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale (nouvel article L. 3-1 du code de la commande publique) ;

– 1° des II et III : prise en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale dans les spécifications techniques servant de référence à la définition des travaux, fournitures ou services à réaliser (articles L. 2111-2 et L. 3111-2 du code de la commande publique) ;

–  du II : renforcement du contenu des schémas de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (article L. 2111-3 du code de la commande publique) ;

–  du II et 2° du III : obligation de prise en compte des considérations environnementales ou relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations dans les conditions d’exécution du marché ou du contrat (articles L. 2112-2 et L. 3114-2 du code de la commande publique);

–  du II et 3° du III : introduction de conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées, dans certains marchés ou contrats (nouveaux articles L. 2112‑2‑1 et L. 3114-2-1 du code de la commande publique) ;

–  du II et 4° du III : introduction d’un motif d’exclusion facultative de la procédure de passation des personnes qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance (nouveaux articles L. 2141-7-1 et L. 3123-7-1 du code de la commande publique) ;

–  des II et III : prise en compte obligatoire des caractéristiques environnementales de l’offre dans au moins un des critères d’attribution du marché ou du contrat (articles L. 2152‑7 et L. 3124-5 du code de la commande publique) ;

–  du III : le rapport d’information à l’autorité concédante décrit les mesures mises en oeuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique dans le cadre de l’exécution du contrat de concession (article L. 3131-5 du code de la commande publique).

L’entrée en vigueur de la disposition précitée de l’article 35 est néanmoins prévue par cet article au plus tard cinq ans après la promulgation de la loi ([105]). Elle a été fixée au 21 août 2026 ([106]). Il s’agit là d’une mesure transitoire nécessaire pour laisser le temps aux entreprises françaises de s’adapter et de se préparer à cette évolution importante et attendue du droit de la commande publique.

Dans l’attente de cette entrée en vigueur, les modalités selon lesquelles l’offre « économiquement la plus avantageuse » est déterminée sont précisées par voie réglementaire à l’article R. 2152-7 du code de la commande publique. Cet article dispose que, pour attribuer le marché au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur se fonde :

– soit sur un critère unique, qui peut être le prix ([107]) ou le coût ([108]) ;

– soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ([109]).

b.   Le dispositif proposé

Le  du I précise, à l’article L. 2152-7 du code de l’environnement, que l’offre économiquement la plus avantageuse est déterminée sur la base du prix ou du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût-efficacité, et qu’elle peut tenir compte du meilleur rapport qualité-prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Elle introduit donc dans la partie législative du code de la commande publique, avant même l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « Climat et résilience », le principe selon lequel l’offre économiquement la plus avantageuse peut reposer sur des critères qualitatifs, environnementaux ou sociaux.

Le  du II rend la nature de cette disposition transitoire, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « Climat et résilience », qui reste mieux-disant d’un point de vue environnemental.

Le  du II prévoit que la date d’entrée en vigueur de ce même article pourra être différenciée selon l’objet du marché. Cette disposition est d’ores et déjà prévue, au V du même article, pour les contrats de concessions.

II.   Les Modifications apportÉes par le sénat

 Les amendements identiques COM-278 du rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable Fabien Genet et COM-308 du rapporteur pour avis de la commission des lois Jean-Yves Roux permettent aux acheteurs publics volontaires qui ne sont pas concernés par l’obligation de réaliser un Spaser en raison d’un montant annuel total d’achats inférieur au seuil réglementaire de prendre part aux dispositifs de mutualisation des Spaser.

L’amendement précise également que les indicateurs de suivi du Spaser restent propres à chaque acheteur public, même lorsque les éléments du schéma sont mutualisés.

 Les amendements COM-283 du rapporteur Fabien Genet et COM-309 du rapporteur Jean-Yves Roux suppriment, sur le fondement de l’avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi ([110]), les secondes phrases des articles L. 2141-7-1 et L. 3123-7-1 du code de la commande publique ([111]), relatifs au motif facultatif d’exclusion de la commande publique pour non-respect de l’obligation d’établir un plan de vigilance, dans la mesure où leur portée exacte s’avère indécise dès lors que l’acheteur n’est pas tenu de mettre en œuvre la clause d’exclusion ( bis et 3° bis du I).

 L’amendement COM-284 du rapporteur Fabien Genet, en supprimant les alinéas 7, 8, 10 et 11 du texte initial, supprime également le motif facultatif d’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession en cas de non-respect de l’obligation de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre.

Si le Sénat a émis des réserves concernant l’effet de levier que représenterait l’introduction d’un tel motif d’exclusion facultative, il a privilégié un relèvement de 10 000 à 50 000 euros (et de 20 000 à 100 000 euros, en cas de récidive) du niveau maximal de sanctions encourues en cas de non-respect de l’obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (IV).

En séance publique, le Sénat a rejeté deux amendements du Gouvernement tendant à revenir sur cet amendement et à rétablir le texte initial du projet de loi.

 L’amendement COM-280 du rapporteur Fabien Genet apporte des aménagements rédactionnels au dispositif permettant de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse :

– Avant l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « Climat et résilience », le dispositif sera le suivant : « « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base du critère du prix ou du coût. L’offre économiquement la plus avantageuse peut également être déterminée sur le fondement d’une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. » ;

– Après l’entrée en vigueur de cet article 35, le dispositif sera le suivant : « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. ».

 L’amendement COM-281 du rapporteur Fabien Genet introduit un dispositif analogue pour les contrats de concession (5° du I et 1° bis du II([112]). En application de l’article L. 3124-5 du code de la commande publique, le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. Au nombre de ces critères, pourront figurer notamment des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l’innovation.

 La commission a également adopté deux amendements rédactionnels COM‑279 et COM-282 du rapporteur Fabien Genet.

 En séance publique, un amendement n° 204 de coordination du rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a également été adopté, contre l’avis du Gouvernement.

III.   LES travaux de LA COMMISSION spéciale

A.   Le contenu des Spaser

Outre deux amendements rédactionnels CS1245 et CS1246 de la rapporteure, la commission a adopté trois amendements visant à préciser que les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables :

– concernent les achats de biens et de services et qu’ils doivent permettre de réduire leur empreinte environnementale sur un périmètre spécifique (amendement CS74 de Mme Véronique Riotton) ;

– visent notamment à réduire les émissions et la consommation d’énergie, d’eau et de matériaux (amendement CS112 de Mme Olga Givernet) ;

–  participent à la promotion d’une durabilité des produits et d’une sobriété numérique (amendement CS467 de M. Laurent Alexandre).

B.   Le renforcement de l’obligation d’établir un Beges

La commission a adopté quatre amendements de la rapporteure visant à renforcer la sanction de l’inobservation de l’obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre :

– l’amendement CS1248 rétablit la rédaction initiale du projet de loi prévoyant un dispositif d’exclusion facultative des procédures de passation des marchés et des contrats de concession pour les entreprises n’ayant pas satisfait à leur obligation d’établir un tel bilan ;

– l’amendement CS1408 supprime la possibilité offerte au préfet de région, lorsqu’un manquement a été constaté, de mettre en demeure l’auteur du manquement de satisfaire à son obligation et de ne pas être sanctionné de l’amende prévue par le code de l’environnement ;

– l’amendement CS1249 réduit l’augmentation du montant maximal des sanctions financières encourues en cas de non-respect de l’obligation d’établir un Beges, souhaitée par le Sénat : elles seront ainsi triplées (30 000 euros et 60 000 euros en cas de récidive) et non quintuplées ;

– l’amendement CS1424 conditionne l’octroi de subventions publiques à la transition écologique et énergétique par l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou par Bpifrance à la transmission d’informations relatives à la mise en œuvre de l’obligation de réaliser un Beges pour les entreprises de plus de 500 salariés et à l’établissement d’un Beges simplifié pour les entreprises de 50 à 500 salariés.

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Article 13 bis (nouveau)
Obligation d’acquisition ou d’utilisation de véhicules « retrofités »
par les acheteurs publics

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 13 bis permet aux acheteurs publics d’acquérir ou d’utiliser, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules dont la motorisation thermique a fait l’objet d’une conversion en motorisation électrique.

I.   Le droit en vigueur

En application de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi « LOM », le I de l’article L. 224-7 du code de l’environnement dispose que l’État et ses établissements publics qui gèrent, pour des activités n’appartenant pas au secteur concurrentiel, un parc de plus de vingt véhicules de moins de 3,5 tonnes, acquièrent ou utilisent, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules à faibles émissions dans la proportion minimale de 50 % de ce renouvellement.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 13 bis a été introduit par l’adoption, en séance publique au Sénat, des amendements identiques n° 71 de M. Guillaume Chevrollier, n° 156 de Mme Angèle Préville et n° 156 de M. Jacques Fernique, qui ont reçu un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement.

Cet article précise que le renouvellement annuel des flottes des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices comprend, dans des proportions minimales définies par décret, des véhicules à faibles émissions et à très faibles émissions dont la motorisation thermique a fait l’objet d’une conversion en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible, au bioGNV ou à l’hydrogène, c’est-à-dire des véhicules dits « retrofités ».

Qu’est-ce que le retrofit ?

Source : Ademe.

 

Pour les auteurs de ces amendements, « le retrofit permet de donner une seconde vie plus vertueuse à des véhicules polluants sans les mettre au rebut, il abaisse le coût d’entrée vers l’électromobilité puisque seule la motorisation thermique est remplacée et il permet de proposer des véhicules durables, un enjeu important dans le cadre de la mise en place des ZFE-m » ([113]).

III.   LES travaux de LA COMMISSION spéciale

La commission a adopté l’amendement CS1274 de rédaction globale de la rapporteure.

Cet amendement permet de préciser que les véhicules retrofités sont bien inclus dans les véhicules à faibles et très faibles émissions, tout en laissant le choix à l’acheteur de décider de la proportion de véhicules retrofités qu’il souhaite inclure dans le renouvellement de sa flotte. Il est apparu que fixer des seuils minimaux par décret, ainsi que le souhaitait le Sénat, risquait de constituer une rigidité trop forte compte tenu du caractère émergent de la filière.

Par ailleurs, l’amendement exclut du dispositif les véhicules utilisant du bioGNV, cette disposition étant contraire au droit européen ([114]). Il en a été de même pour les véhicules à hydrogène.

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Article 14
Application outre-mer des dispositions relatives au verdissement
de la commande publique

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 14 étend les dispositions de l’article 13 du présent projet de loi et de l’article 35 de la loi « Climat et résilience » aux îles Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.

L’article 14 étend les dispositions de l’article 13 du présent projet de loi et de l’article 35 de la loi « Climat et résilience » aux îles Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.

Il a fait l’objet, lors de l’examen au Sénat, d’amendements rédactionnels et de coordination du rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en commission (amendements COM-285 et COM-286) et en séance publique (amendement n° 205).

La commission a adopté cet article sans modification.

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TITRE III
FINANCER l’industrie VERTE

Article 15 A
Assouplissement des procédures de recours à des prestataires mandatés par Bpifrance Assurance Export pour les risques pris sur des acteurs étrangers

Adopté par la commission sans modification

 

L’article article 15 A, introduit en séance publique par le Sénat, vise à dispenser Bpifrance Assurance Export de l’observation des règles de la commande publique dans les cas où elle intervient en coassurance ou en réassurance avec des homologues européens et où elle doit recouvrer des actifs à l’étranger pour certaines de ses activités.

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les activités de BPIfrance Assurance Export qui impliquent des prises de risque sur des acteurs à l’Étranger

Bpifrance Assurance Export (Bpifrance AE) est une filiale de Bpifrance qui a notamment pour mission d’assurer la gestion des garanties publiques à l’exportation au nom, pour le compte et sous le contrôle de l’État dans des conditions prévues à l’article L. 432-2 du code des assurances.

Parmi les activités de Bpifrance AE, certaines impliquent des prises de risque sur des acteurs étrangers.

C’est le cas pour son activité d’assurance-crédit mentionnée au a) du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances. Cette activité consiste à couvrir le non-paiement par des acheteurs étrangers des crédits qui leur sont octroyés par des établissements de crédit pour leur permettre d’acheter des biens et services ayant un contenu français. Elle concerne également la garantie de produits stratégiques. Les contrats ainsi assurés peuvent être assortis de sûretés portant parfois sur les actifs exportés (engins aéronautique et naval, machines-outils et autres biens d’équipements). Avec 66,5 milliards d’euros d’encours sur les 68 milliards d’euros gérés, il s’agit de la principale activité de Bpifrance AE ([115]).

Il en va également de la prise en garantie d’opérations de caution et de préfinancement prévue au a bis) du de l’article précité. Bpifrance AE couvre alors le risque de défaut d’une entreprise française au titre de ses obligations à l’égard de sa banque qui a émis pour son compte des cautions à l’export ou lui a octroyé un préfinancement à l’export.

Est également concernée la prise en garantie pure et inconditionnelle d’engins aéronautiques pour lesquels Bpifrance AE agit souvent avec d’autres assureurs-crédits européens. La structuration de cette offre repose sur la prise de sûreté d’actifs qui constituent la principale source de récupération de la dette en cas d’impayés (1° du I de l’article 84 de la loi de finances rectificative pour 2012 ([116])).

B.   des procédures de selection des mandataires qui entravent la coopération de BPIfrance avec ses homologues européens et Le recouvrement d’actifs à l’Etranger

1.   La coopération de Bpifrance AE avec ses homologues européens

Pour les trois activités précitées, Bpifrance AE est amené à collaborer avec d’autres assureurs-crédits européens (SACE en Italie, Euler Hermes en Allemagne, UKEF au Royaume-Uni, etc.) lorsque le contrat à couvrir contient une part française et une part étrangère. C’est régulièrement le cas lorsque l’actif exporté est fabriqué dans le cadre d’une chaîne de valeur européenne.

Bpifrance AE intervient alors selon deux modalités.

Elle peut être coassureur dans le cas où chaque assureur assure une part de l’actif exporté. Bpifrance AE doit alors se coordonner avec ses homologues européens pour optimiser les chances de récupération d’un bien en cas de défaillance de l’acheteur.

Dans le second cas, Bpifrance AE agit en réassurance. L’assureur-crédit principal dispose d’un recours sur le débiteur et agit pour le compte du ou des réassureurs. En cas de sinistre, Bpifrance AE doit aujourd’hui recourir aux marchés publics pour mandater des prestataires en tant que réassureur, qui peuvent être distincts de ceux de l’assureur principal. 

2.   Le recouvrement d’actifs à l’étranger

En cas de défaillance de l’acheteur, Bpifrance AE recouvre les actifs à l’étranger exportés en ayant recours à des prestataires mandatés qui sont principalement des cabinets d’avocat et experts techniques.

Une récupération d’actif se fait souvent dans l’urgence, avant que les autres créanciers ne viennent exercer leurs droits et potentiellement bloquer l’actif. La réactivité des parties prenantes pour être mises en relation et réaliser les premières actions est primordiale pour conserver un actif de qualité ayant une valeur marchande. Plus la récupération est longue, plus les actifs se déprécient.

Les enjeux financiers pour l’État sont très significatifs – de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros – puisqu’au moins 250 appareils (Airbus, ATR, Superjet, hélicoptères) ont fait l’objet de sinistres au cours de ces deux dernières années.

3.   Des procédures entravées par les règles de la commande publique

Bpifrance AE est un pouvoir adjudicateur qui doit obéir à l’ensemble des dispositions régissant la passation des contrats de la commande publique.

Dans le cas où Bpifrance AE intervient en coassurance ou en réassurance avec des homologues européens, elle ne peut sélectionner leurs mandataires mais doit recourir à des appels d’offre. Ce n’est pas le cas pour ses partenaires européens qui, dans le cas inverse, peuvent choisir les mandataires sélectionnés par Bpifrance AE. Cette dichotomie est à l’origine de difficultés de coordination pour les assureurs-crédits et de pertes de chance pour nos entreprises car cela implique des procédures plus lentes et plus complexes.

Par ailleurs, la procédure actuelle de recrutement de prestataires appliquée par Bpifrance AE en cas de sinistre doit répondre aux règles de la commande publique, qui peuvent être incompatibles avec les exigences de célérité et de coordination rencontrées dans la gestion des sinistres.

Pour citer quelques exemples de ces difficultés : les marchés doivent respecter le principe d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (article L. 3 du code de la commande publique). Aussi, les marchés doivent en principe être passés en lots séparés (article L. 113-10). Ainsi, dans le cas du recouvrement d’un avion à l’étranger, des lots différents doivent distinguer le pourvoyeur du convoyage, le prestataire en charge du stockage du véhicule, le pilote de l’appareil, etc. Si une prestation n’a pas été ou n’a pas pu être anticipée et nécessite de ce fait une nouvelle mise en concurrence, c’est toute la chaine des prestations à réaliser qui est retardée, avec des conséquences opérationnelles majeures et un surcoût très substantiel.

Au-delà des seuils européens de procédures (215 000 euros pour les marchés de prestations de services passés par les pouvoirs adjudicateurs, c’est-à-dire une grande majorité des marchés publics passés par Bpifrance AE), le délai minimum pour la remise des offres des candidats est fixé à trente jours (article R. 2161-3). De plus, un délai de onze jours doit être respecté entre la date d’envoi de la notification de rejet et la date de signature du marché (article R. 2182-1). Ces délais rendent difficile la récupération de l’actif : détérioration des conditions économiques du débiteur ou du pays, détérioration de la situation politique, etc.

II.   le dispositif proposÉ

Le présent article a été introduit par le Sénat qui, suivant un avis de sagesse de la commission et un avis favorable du Gouvernement, a adopté en séance publique un amendement n° 132 rect. quinquies de M. Michel Canévet (Union centriste).

Cet amendement crée un article L. 432-5-1 dans le code des assurances, qui modifie les règles applicables à Bpifrance AE pour le recours à des prestataires externes dans les deux situations précitées : coordination avec les partenaires européens et récupération d’actifs à l’étranger.

Les modifications se limitent aux activités de Bpifrance AE mentionnées aux a) et a bis) du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances et au 1° du I de l’article 84 de la LFR pour 2012.

Le premier cas couvert par le deuxième alinéa du présent article concerne les situations où Bpifrance AE est réassureur ou coassureur avec un autre organisme de crédit à l’exportation d’un État membre de l’UE. Lorsqu’un homologue européen est l’assureur principal d’une opération et qu’il a sélectionné des avocats et des experts, Bpifrance AE pourra retenir ces mêmes prestataires.

En second lieu, pour le recouvrement à l’étranger des actifs pour les opérations précitées, Bpifrance AE pourra avoir recours aux prestataires sélectionnés par la banque commerciale bénéficiaire de la garantie. En l’absence de contrainte de marché public – ce qui était le cas des garanties publiques lorsqu’elles étaient gérées par la Coface jusqu’en 2017 – Bpifrance AE privilégierait la position où la banque bénéficiaire de la garantie agit en première ligne et mandate elle-même les prestataires, sur instruction de l’assureur-crédit. C’est d’ailleurs toujours la pratique de SACE (Italie). Cette pratique permet de responsabiliser les assurés dans la gestion des sinistres. 

Plusieurs améliorations opérationnelles sont attendues du fait de l’adoption du présent article : faire participer les assurés au recouvrement des sinistres à l’étranger, réduire les délais de recouvrement des actifs, mutualiser les frais payés aux prestataires et mieux promouvoir les fournisseurs français dans les chaînes de valeurs européennes.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 15
Obligation générale de référencement des labels d’État dans les contrats d’assurance-vie

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 15 généralise le référencement des labels reconnus par l’État au titre du financement de la transition énergétique et écologique et de l’investisssement socialement responsable dans la présentation des contrats d’assurance-vie en unités de compte. Il renvoie à un décret le soin d’énumérer ces labels, ainsi que de fixer leurs critères et modalités de délivrance.

Outre des modifications rédactionnelles, le Sénat a adopté des amendements tendant, d’une part, à demander des avis confomes à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour la prise du décret prévu par le présent article et, d’autre part, à prévoir une prise en compte des préférences en matière de durabilité du souscripteur d’un plan épargne retraite (PER) en gestion pilotée.

Le premier ajout du Sénat a été supprimé lors de l’examen en commission par l’Assemblée nationale. La commission a également adopté un amendement pour élargir et anticiper, au stade du devoir de conseil, la prise en compte des objectifs d’investissement des souscripteurs de PER.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

1.   La loi « Pacte » a conduit à l’essor des labels existants en matière de finance solidaire, verte et socialement responsable

a.   Une obligation de référencement des investissements durables dans les contrats d’assurance-vie

● L’assurance-vie est le produit d’épargne non réglementée plébiscité par les Français et elle constitue 33 % de leur patrimoine financier ([117]). Les contrats proposés par des entreprises d’assurance, des organismes mutualistes ou des institutions de prévoyance permettent, en effet, une large palette d’options d’investissement, plus ou moins risquées, plus ou moins rémunératrices, avec un horizon de placement de moyen terme.

Les placements des Français en assurance-vie se dirigent aux trois quarts vers des fonds en euros qui permettent, sauf exceptions, la garantie du capital placé par les titulaires des contrats d’assurance et assurent la liquidité du bilan des assureurs. Il s’agit essentiellement de placements obligataires ([118]).

On les distingue de l’unité de compte (ou « UC »), support de placement qui correspond à des investissements dans des titres financiers plus risqués, essentiellement des actions ou des parts de fonds d’investissement, exprimées en valeur de marché et sans garantie du capital investi. Les caractéristiques de ces contrats sont prévues à l’article L. 131-1 du code des assurances.

● Désireux de répondre à l’appétence des épargnants pour des produits financiers poursuivant des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance dits « ESG », les députés ont, à l’occasion de l’examen de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi « Pacte » ([119]), rendu obligatoire la présentation de fonds répondants à ces critères dans les contrats d’assurance-vie ([120]).

L’article 72 de la loi « Pacte » a ainsi introduit un article L. 131-1-2 dans le code des assurances imposant, à compter du 1er janvier 2020, d’inclure dans la présentation des contrats d’assurance-vie en unités de compte au moins une unité de compte comportant l’un de ces trois fonds :

– un fonds solidaire, également appelé fonds « 90–10 », dont l’actif est composé de 5 % à 10 % de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus), des sociétés de capital-risque ([121]) ou des fonds de placement à risques ([122]) dont au moins 40 % de l’actif est composé de titres émis par des entreprises solidaires ([123]). Sans que la loi y fasse référence, ces fonds sont identifiables sur le marché grâce au label « Finansol » attribué par l’association Fair ([124]) ;

– un fonds ayant obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique, dit « TEEC » ou « Greenfin », couvert par un décret du 10 décembre 2015 ([125]) ;

– un fonds ayant obtenu un label créé par l’État et satisfaisant aux critères d’investissement socialement responsable, dit « ISR » et dont les caractéristiques sont déterminées par un décret du 8 janvier 2016 ([126]).

Depuis le 1er janvier 2022, les contrats d’assurance-vie proposés doivent faire référence à des unités de comptes respectant cumulativement ces trois critères.

L’obligation porte sur la présentation du contrat par l’assureur, mais l’épargnant conserve toute latitude pour composer son produit d’épargne. Le souscripteur du contrat peut donc ne retenir aucune des unités de compte précitées.

b.   Un engouement pour les produits financiers labellisés qui offrent certaines garanties par rapport aux autres fonds disponibles

● La France occupe la première place européenne en termes de pays où sont gérés des fonds répondant à des critères extra-financiers grâce à trois labels de premier plan : ISR, Greenfin et Finansol qui préexistaient à l’adoption de la loi « Pacte » ([127]).

L’adoption de la loi « Pacte » a constitué un accélérateur pour la commercialisation de ces produits labellisés. D’après les éléments chiffrés transmis au rapporteur par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’encours des actifs labellisés ISR, Greenfin et Finansol au sein des contrats d’assurance-vie en unités de compte atteignait 62,3 milliards d’euros au dernier trimestre 2022, contre 21,3 milliards d’euros au dernier trimestre 2018. L’étude d’impact fondée sur des données de France assureurs estime que l’encours labellisé, tous supports d’épargne confondus, s’élevait à 773 milliards d’euros pour le label ISR, premier label européen dans sa catégorie, et 35 milliards d’euros pour le label Greenfin.

L’intervention de l’État, qui a distingué les labels ISR et Greenfin, répondait au souhait de définir un standard de qualité dans un marché en forte croissance.

Ces labels fonctionnent de la même façon : un référentiel, également appelé cahier des charges, est proposé à un comité de suivi.

Les critères retenus pour le label Greenfin ont trait à la contribution, directe ou indirecte, au financement de la transition énergétique et écologique et à la qualité et à la transparence des caractéristiques environnementales des fonds. Pour obtenir le label ISR, un fonds d’investissement doit démontrer que la prise en compte des facteurs ESG affecte significativement sa gestion.

Une fois que le comité de suivi se prononce sur le référentiel, il est homologué par un arrêté ministériel qui définit également un plan de contrôle et de surveillance, fixant les principes applicables aux procédures de certification des plans d’investissement. La certification est assurée par des organismes désignés à cette fin.

c.   Des labels qui évoluent pour répondre à des exigences toujours plus importantes en matière environnementale

● Malgré des résultats supérieurs au reste des fonds, les exigences en termes d’ESG associées aux labels extra-financiers font l’objet de débats à l’échelle européenne ([128]). Les économistes s’interrogent, en particulier, sur l’impact dans l’économie réelle des décisions d’investissement liées à la labellisation qui est répandue dans de nombreux pays européens ([129]).

Les débats portent principalement sur les labels ESG, à l’image du label ISR dont la vocation initiale était de garantir une meilleure performance sur ces critères que les fonds de la place tout en conservant de bonnes performances financières et un caractère généraliste.

Les différentes études menées sur le label ISR démontrent effectivement une performance environnementale globalement meilleure en moyenne que le reste des fonds. Ainsi, dans une note récente ([130]), la Banque de France a montré que les portefeuilles composés de fonds ISR ont une politique d’investissement en moyenne plus durable que les fonds non labellisés. Toutefois, l’attribution du label n’est pas synonyme d’excellence sur tous les aspects extra-financiers. En effet, la stratégie d’investissement des fonds labellisés ISR consiste à éliminer les actifs ayant les moins bonnes notes en considérant les trois critères E, S et G : une note moyenne peut être obtenue en compensant les mauvaises notes sur l’un des trois piliers par de bonnes notes sur les autres. Pour qu’il demeure une référence dans la matière, un rapport de l’Inspection générale des finances a appelé, en 2020, à une « évolution radicale » ([131]) de ce label.

À la suite de ce rapport, le ministre de l’Économie, des finances et de la relance Bruno Le Maire a lancé un processus de rénovation du label en mars 2021. En octobre 2022, le comité du label a présenté des propositions sur les objectifs et les modalités de l’évolution du référentiel ([132]). Le comité propose de renforcer les exigences pour encourager les fonds déjà labellisés à s’engager vers des démarches encore plus ambitieuses – au risque, sinon, de perdre leur label.

Les labels Greenfin et Finansol, de taille plus modeste, offrent par construction à l’épargnant une meilleure traçabilité sur le bénéfice environnemental ou social que son placement a apporté. La dernière version du label Greenfin, datant de septembre 2022, impose aux fonds certifiés d’investir majoritairement dans des activités entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique. Les investissements dans l’ensemble de la chaîne de valeur des combustibles fossiles et l’ensemble de la filière nucléaire sont exclus. Par ailleurs, des exigences en termes de transparence sont requises, comme l’obligation de mise en place d’un mécanisme de contribution effective des investissements à la transition énergétique. Le label Finansol distingue, quant à lui, les investissements dans des activités choisies en fonction de leur utilité effective en matière de lutte contre l’exclusion, de cohésion sociale ou de développement durable.

d.   La communication autour des labels extra-financiers fait l’objet d’une attention croissante de la part des régulateurs

Face à l’abondance de la communication autour des labels extra-financiers, les régulateurs des secteurs assurantiel et bancaire, à savoir l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF), ont identifié un risque d’écoblanchiment ou « greenwashing » de la part d’assureurs s’adonnant à des pratiques commerciales trompeuses. L’ACPR relève désormais que les caractéristiques extra-financières occupent un rôle important dans la communication réalisée autour des contrats d’assurance-vie : entre 2019 et 2021, ses services ont relevé un quadruplement du nombre de publicités promouvant la prise en compte de critères extra-financiers dans la composition et la gestion des produits d’assurance-vie. Ce type d’argument a été relevé dans 25 % des communications captées en assurance-vie en 2021, et en tant qu’argument principal dans 55 % de ces publicités.

Ces deux régulateurs veillent donc à assurer une juste proportionnalité entre le recours à des arguments extra-financiers dans les communications des assureurs et les caractéristiques extra-financières attestées des produits promus. À cet effet et afin d’accompagner le marché dans la maîtrise de ce risque, l’AMF et l’ACPR ont récemment émis des recommandations spécifiques sur la promotion des caractéristiques extra-financières, toutes deux  entrées en vigueur en 2023 ([133]).

2.   Une rédaction restrictive de la loi qui se limite aux labels existants

La rédaction actuelle de l’article L. 131-1-2 définit limitativement les trois catégories de fonds et les deux labels que les assureurs sont tenus de présenter aux souscripteurs de contrats d’assurance-vie.

Or les labels ISR et Greenfin ne couvrent pas l’ensemble du marché de la finance dite « durable », puisqu’ils se concentrent sur des produits cotés. Aujourd’hui, des acteurs qui investissent principalement dans des activités non cotées et s’engagent dans des démarches durables, souhaitent disposer d’un label. De même, le label Greenfin se limite aux activités déjà vertueuses d’un point de vue environnemental et ne couvre pas les entreprises qui s’engagent sur la transition énergétique.

Ainsi, si l’État venait à reconnaître d’autres labels répondant à des critères durables, il serait nécessaire de modifier la loi pour imposer que ces labels fassent l’objet d’une présentation par les assureurs.

II.   le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial du projet de loi

L’article 15 vise à ouvrir le champ des fonds labellisés devant être présentés aux souscripteurs et adhérents d’un contrat d’assurance-vie à chaque nouveau label intervenant dans ces domaines et reconnu par l’État.

● Il réécrit ainsi l’article L. 131-1-2 du code des assurances (I) dont la nouvelle version entrera en vigueur au 1er janvier 2024 (II).

Ainsi, à compter de cette date, tout contrat d’assurance-vie en unités de comptes devra comporter deux catégories d’unités de compte.

D’une part, au moins une unité de compte devra correspondre à un fonds solidaire selon les mêmes critères que ceux retenus par la rédaction actuelle de l’article L. 131-1-2 du code des assurances.

D’autre part, pour chaque label reconnu par l’État au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable, au moins une unité de compte devra avoir été certifiée par ce label. La liste de ces labels ainsi que leurs critères et leurs modalités de délivrance sont précisés par décret.

● Le présent article reprend également deux dispositions actuelles de l’article L. 131-1-2 du code des assurances.

Il prévoit que la proportion d’unités de compte du contrat répondant aux deux catégories distinguées par le présent article est communiquée aux souscripteurs avant la conclusion du contrat ou l’adhésion à ce contrat.

Enfin, il exclut les contrats dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle du champ du présent article ([134]).

B.   L’EXAMEN EN COMMISSION

La commission des finances du Sénat a adopté deux amendements modifiant le présent article.

● À l’initiative de la rapporteure pour avis Christine Lavarde, la commission des finances a adopté un amendement COM-369 soumettant la prise du décret prévue par le présent article à un avis conforme de l’AMF. La rapporteure a justifié ce choix en rappelant que cette autorité s’était dotée, en juillet 2019, d’une commission « Climat et finance durable », et que, depuis l’adoption de la loi « Pacte », elle avait pour mission de veiller à la qualité de l’information fournie par les sociétés de gestion sur leur stratégie d’investissement et leur gestion des risques liés aux effets du changement climatique ([135]).

● La commission des finances a également corrigé une erreur rédactionnelle par la voie d’un amendement COM-370 de la rapporteure pour avis.

C.   L’Examen en SÉance publique

Outre la correction d’un oubli dans le texte initial ([136]), le Sénat, suivant les propositions de la rapporteure pour avis, a apporté deux modifications au présent article au cours de l’examen du texte en séance publique.

● En premier lieu, un amendement de la rapporteure Christine Lavarde ([137]), voté avec un avis de sagesse du Gouvernement, a introduit la nécessité d’obtenir un avis conforme de l’ACPR, en plus de celui rendu par l’AMF, pour autoriser la prise du décret prévue par le présent article. L’exposé des motifs de cet amendement rappelle que l’ACPR est le régulateur du secteur de l’assurance.

● Par ailleurs, le Sénat a adopté, également avec un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement qui a complété le présent article par une disposition nouvelle ([138]) modifiant l’article L. 224-3 du code monétaire et financier, relatif aux plans épargne retraite (PER).

Dans le cadre de la gestion pilotée du plan d'épargne retraite, le Sénat a souhaité que soient prises en compte, en plus des préférences en matière de sécurité de l’épargne investie, les préférences en matière de durabilité du souscripteur du contrat au stade de la définition des grilles d’investissement.

Les préférences en matière de durabilité sont définies par référence à deux règlements européens qui ont été adoptés dans le cadre du « paquet législatif » sur la finance durable publié par la commission européenne en 2021.

Le premier règlement ([139]) s’applique aux produits d’investissement fondés sur l’assurance. Les plans d'épargne retraite n’étant pas des produits d’assurance stricto sensu, il apparaissait nécessaire pour la sécurité juridique et la cohérence de l’application de ce règlement en France de les inclure spécifiquement. 

Le second règlement ([140]) porte notamment sur le test d’adéquation défini à l’article 25 de la directive dite « MiFID » et s’applique aux conseils d’investissement et à la gestion de portefeuille ([141]).

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté six amendements du rapporteur Damien Adam, tendant à modifier le présent article.

Outre quatre amendements rédactionnels CS1337, CS1338, CS1339 et CS1340, la commission a adopté un amendement CS1320 supprimant l’obligation d’obtenir l’avis de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en vue de la publication du décret prévu par le présent article.

La commission a ainsi suivi l’avis de son rapporteur, qui estimait que ces deux autorités seraient associées à l’élaboration de ce décret dans le cadre des échanges informels réguliers qu’elles ont avec les services du ministère de l’économie et des finances.

Par ailleurs et en application de l’article L. 614-2 du code monétaire et financier, le décret prévu par le présent article ne pourra être pris qu’après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières au sein duquel l’ACPR et l’AMF sont représentées (article D. 614-2 du code monétaire et financier).

Enfin, la commission a adopté un amendement CS1330 tendant à modifier la manière dont seront prises en compte les préférences en matière de durabilité des souscripteurs d’un plan d'épargne retraite.

Pour élargir cette prise en compte à tous les titulaires d’un PER (et non seulement à la moitié d’entre eux qui choisit la gestion pilotée), l’amendement prévoit de définir les objectifs d’investissement des souscripteurs lors du devoir de conseil, soit plus tôt que dans la définition des grilles de la gestion pilotée par horizon (GPH) tel que prévu initialement par le Sénat.

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Article 16
Création d’un plan d’épargne avenir climat

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 16 crée un nouveau produit d’épargne exclusivement réservé aux mineurs, le plan d’épargne avenir climat (PEAC). Les versements effectués sur ce plan seront principalement alloués au financement de l’économie productive et de la transition écologique.

Dans sa version issue du Sénat, la gestion du PEAC s’inspire fortement de celle du plan d’épargne retraite (PER) et prend la forme d’un contrat de capitalisation ou d’un compte-titres associé à un compte en espèces.  

Il pourra être distribué par des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, des entreprises d’assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance.

Les sommes versées sur le PEAC ne sont pas garanties par l’État, mais la stratégie d’investissement des fonds recueillis, reposant sur une gestion pilotée à horizon obligatoire avec un blocage des fonds jusqu’aux 18 ans du titulaire, doit offrir une sécurité suffisante pour l’épargne placée.

Plusieurs modifications ont été apportées à cet article lors de l’examen en commission.

Afin de lever toute ambiguïté sur les finalités du PEAC, la commission a adopté des amendements confirmant l’affectation des encours de ce produit au financement de la transition écologique en France ou au sein de l’Union européenne.

En conséquence, la commission a supprimé certains ajouts issus de l’examen du texte devant le Sénat, devenus moins pertinents du fait de la modification de l’univers d’investissement du PEAC.

Le plafonnement des frais et les dispositions fiscales introduites par le Sénat ont été supprimés.

Enfin, la transférabilité du PEAC entre établissements a été décidée.

I.   Le droit en vigueur

La gestion de l’épargne des mineurs, qui représentait environ 40 milliards d’euros en 2021([142]), est protégée par plusieurs dispositions de portée générale du code civil. Cette épargne se loge principalement dans des produits liquides et réglementés comme le livret A, le livret jeune, le plan épargne logement et le compte épargne logement, mais également dans des produits financiers accessibles aux mineurs (assurance-vie et PER).

A.   Des précautions particulières prévues par le code civil s’imposent à LA GESTION DE L’ÉPARGNE DES MINEURS

L’administration légale des biens de l’enfant est dévolue aux parents par la section 1 du chapitre II du titre IX du livre Ier du code civil et doit répondre à certaines exigences. Ainsi l’article 385 de ce code impose à l’administrateur légal « d’apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur ».

L’administrateur légal est donc par principe « responsable de tout dommage résultant d’une faute quelconque » commise dans la gestion des biens du mineur. Ce dernier peut engager la responsabilité de son représentant légal au titre de la gestion de son épargne dans les cinq ans qui suivent sa majorité (article 386 du même code).

Enfin, aux termes de l’article 1146 du même code, les mineurs non émancipés sont incapables de contracter. Il incombe alors au tuteur de représenter le mineur dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine (article 496). Lorsqu’il s’agit d’actes d’administration comme la création d’un livret ou l’ouverture d’un contrat d’assurance, la présence d’au moins un représentant légal est nécessaire ([143]).

B.   L’Épargne des mineurs peut être placée sur des livrets réglementés ou des produits financiers

Les 40 milliards d’euros d’épargne détenus par des mineurs en 2021 sont principalement placés sur des produits liquides et réglementés ([144]). Plus de la moitié des mineurs dispose d’un produit d’épargne, 40 % détient un livret A, 15 % un livret jeune, 5 % un PEL et 5 % une assurance-vie.

1.   Les produits d’épargne réglementée accessibles aux mineurs

Quatre des sept produits d’épargne réglementée sont accessibles aux mineurs : le livret A, le livret jeune, le plan épargne logement et le compte épargne logement ([145]). Sont qualifiés de produits d’épargne réglementée les produits qui présentent plusieurs des caractéristiques suivantes : un rendement déterminé par l’État et pouvant être garanti sur une période prédéfinie, des conditions minimales de dépôt et de retrait, des dispositions fiscales spécifiques, la garantie de l’État ([146]).

a.   Le livret A

Le livret A est un produit d’épargne réglementée, proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s’engage à cet effet par convention avec l’État (article L. 221-1 du code monétaire et financier [CMF]). Une personne physique ne peut être titulaire que d’un seul livret A.

Le taux d’intérêt du livret A est fixé par un arrêté du ministre chargé de l’économie (article R. 221-4 du code monétaire et financier) : il s’élève, depuis le 1er février 2023, à 3 % par an. Le plafond est fixé à 22 950 euros pour les personnes physiques (article R. 221-2 du même code). Les intérêts n’entrent pas dans le calcul du revenu net imposable de son titulaire (article 157 du code général des impôts) et ne sont soumis à aucun prélèvement social.

Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A est centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds d’épargne (articles L. 221-5 et L. 221-7 du code monétaire et financier). La Caisse des dépôts et consignations transforme cette épargne en prêts de long terme finançant le logement social et des projets d’intérêt général.

Les sommes non centralisées doivent être employées par les établissements pour financer, en priorité : 

– les petites et les moyennes entreprises (PME), à hauteur d’au moins 80 %;

– les projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique, à hauteur d’au moins 10 % ;

– les entreprises de l’économie sociale et solidaire, à hauteur d’au moins 5 % ([147]) .

Dès la naissance de l’enfant, un parent peut demander l’ouverture à son nom d’un compte bancaire et d’un livret A. Jusqu’à 16 ans, le mineur peut retirer à tout moment les fonds placés sur le livret A avec l’autorisation du représentant légal. À partir de 16 ans et sauf opposition de ses parents, le mineur peut ouvrir de lui-même un tel livret et disposer des fonds versés (article L. 221-3 du code monétaire et financier).

Selon les données de la Banque de France, les moins de 25 ans, qui représentent 30 % de la population, détiennent 27 % des livrets A pour 12 % des encours ([148]). D’après l’étude d’impact, l’encours du livret A détenu par les mineurs s’élève à 21,7 milliards d’euros.

b.   Le livret jeune

Créé par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ([149]), le livret jeune est réservé aux personnes physiques âgées de 12 ans à 25 ans et résidant à titre habituel en France (article L. 22124 du code monétaire et financier).

Une même personne ne peut être titulaire que d’un seul livret jeune, dont le plafond est fixé par décret à 1 600 euros (hors capitalisation des intérêts, article D. 221-85 du même code), mais ce livret peut être détenu simultanément avec un livret A. Le taux peut être fixé librement par les établissements bancaires, mais ne peut être inférieur à celui du livret A. Les intérêts n’entrent pas dans le calcul du revenu net imposable de son titulaire (article 157 du code général des impôts) et ne sont soumis à aucun prélèvement social.

L’ouverture de ce livret, ainsi que les opérations de dépôt et de retrait, sont exclusivement effectuées par le titulaire, sous deux réserves :

– si le mineur est âgé de moins de 16 ans, l’autorisation du représentant légal est requise pour toute opération de retrait ;

– si le mineur est âgé de 16 ans à 18 ans, l’opération de retrait est possible sauf opposition du représentant légal du mineur.

Aucune obligation réglementaire ne pèse sur les établissements de crédit dans l’emploi des fonds, qui représentaient 5,4 milliards d’euros en 2021 ([150]) .

Le titulaire du livret jeune doit demander la clôture du livret au plus tard le 31 décembre de l’année de son 25e anniversaire, les établissements pouvant sinon le solder d’office et transférer les sommes figurant au crédit de ce livret sur un autre compte désigné à cet effet par le titulaire du livret jeune (article R. 221-79 du code monétaire et financier).

c.   Le compte épargne logement et le plan épargne logement

Les représentants légaux du mineur peuvent lui ouvrir un compte épargne logement (CEL) ou un plan d’épargne logement (PEL) dont les plafonds sont respectivement fixés à 15 300 euros et 61 200 euros ([151]).

Les dépôts d’épargne-logement sont reçus par les caisses d’épargne ordinaires ainsi que dans les banques et organismes de crédit qui s’engagent par convention avec l’État à appliquer les règles fixées pour le fonctionnement de l’épargne-logement.

Selon les données de la Banque de France, les moins de 25 ans qui représentent 30 % de la population détiennent 9 % des PEL pour 4 % des encours ([152]), soit environ 11 milliards d’euros.

L’attractivité de ces produits s’est étiolée du fait d’une rémunération faible, soit 1,25 % pour le CEL et 1 % pour les PEL, couplée à une fiscalité moins favorable pour les livrets ouverts après 2018. Exonérés d’impôt sur le revenu jusqu’alors, les intérêts produits sont désormais soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 %.

Les fonds sont disponibles à tout moment, mais jusqu’aux 18 ans de l’enfant, c’est le représentant légal qui assure la gestion du compte. Les fonds accumulés en capital et intérêts par l’épargnant sont généralement utilisés comme apport personnel lors de l’achat d’un bien immobilier. Toutefois, l’épargnant a le droit de récupérer ses fonds sans pour autant effectuer l’acquisition d’un bien immobilier.

Les fonds doivent être employés au financement de l’habitat, cette clause figurant dans les conventions de distribution des établissements bancaires.

2.   Les produits financiers

a.   L’assurance-vie

Dès la naissance de l’enfant, ses parents peuvent souscrire en son nom à un ou plusieurs contrats d’assurance-vie. Aux termes de l’article L. 132-4 du code des assurances :

– si le mineur à moins de 12 ans, les documents doivent être signés par ses représentants légaux ;

– si le mineur a plus de 12 ans, son consentement est requis.

Les versements, appelés « primes », donnent lieu à des intérêts qui sont capitalisés. Arrivé au terme du contrat, l’assureur reverse à l’assuré soit son capital, soit une rente.

Les produits d’assurance-vie sont également soumis à une fiscalité avantageuse. En l’absence de rachat pendant la durée du contrat, les plus-values ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu. En cas de retrait, de rachat ou de clôture, les gains liés aux contrats sont soumis, sauf demande de l’assuré, à un taux plus favorable que celui du barème progressif après application d’un abattement de 4 600 euros. Puis les intérêts sont soumis à un taux de 7,5 % s’ils n’excèdent pas 150 000 euros et 12,8 % au-delà (article 125-0-A du code général des impôts). Enfin, un taux de 17,2 % est appliqué au titre des prélèvements sociaux. Par ailleurs, les primes perçues sur un contrat d’assurance-vie sont soumises à des droits de succession réduits. 

Le représentant légal assure, par ailleurs, la gestion du contrat jusqu’aux 18 ans de l’enfant. Il peut dès lors choisir la composition du contrat, entre fonds euros et unités de compte ([153]) .

b.   Le plan d’épargne retraite

Prévu par l’article L. 224-1 du code monétaire et financier, le plan d’épargne retraite (PER) peut être ouvert par toute personne physique, sous la forme d’un compte-titres ou d’une assurance. En particulier, les représentants légaux d’un mineur peuvent ouvrir un PER à son nom et y effectuer des versements.

Les sommes versées au sein du plan d'épargne retraite sont bloquées jusqu’à la date de la liquidation de la pension de retraite dans un régime obligatoire vieillesse (article L. 224-1), sauf certaines circonstances particulières ([154]).

Le plan d'épargne retraite fonctionne selon le principe de la gestion pilotée à horizon, dont les modalités sont prévues par l’article L. 224-3 du code monétaire et financier. Sauf décision contraire et expresse du titulaire, la gestion du PER est ainsi déléguée au gestionnaire du plan, qui alloue les fonds en fonction du profil du titulaire et de façon à réduire progressivement la prise de risque au fur et à mesure que le titulaire approche de l’âge de son départ en retraite (article L. 224-3 du même code).

L’horizon d’investissement du plan d'épargne retraite et ses modalités de gestion permettent, d’une part, de pouvoir investir sur le temps long et, d’autre part, de faire prendre un peu plus de risques à l’épargnant lorsqu’il est encore loin de l’échéance de son plan. Cette prise de risque permet le plus souvent d’obtenir des rendements plus élevés, avec une « désensibilisation » au risque au fur et à mesure de la vie du produit.

Le plan d'épargne retraite est également assorti d’un avantage fiscal : le titulaire imposable à l’impôt sur le revenu peut déduire de son revenu global les sommes versées sur son PER, dans la limite de 10 % de ses revenus professionnels ou de 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (article 163 quatervicies du code général des impôts). Cette disposition s’apprécie à l’échelle du foyer fiscal et pour chacun de ses membres : pour le mineur qui ne dispose pas de ressources, le plafond sera de 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 4 114 euros.

D’après l’étude d’impact du présent article, les encours des 4,1 millions de plans d'épargne retraite  individuels s’élèvent au premier trimestre 2023 à 52,5 milliards d’euros, dont 46 % sur des unités de compte. Aucune donnée ne permet de distinguer les PER détenus par des mineurs, l’étude d’impact précisant uniquement que 15,7 milliards d’euros ont été versés par 2 700 foyers fiscaux sur des PER ouverts au bénéfice de personnes à charge en 2020, le plus souvent avec l’objectif de contourner le plafond de déductibilité fiscale des versements des parents.

II.   le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial du projet de loi

Le I du présent article insère, au sein du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier, consacré aux produits d’épargne générale à régime fiscal spécifique, une section 7 ter intitulée « Plan d’épargne avenir climat ». Cette section est composée de trois articles, réglant respectivement les modalités d’ouverture, de fonctionnement et de clôture d’un nouveau produit d’épargne dénommé « plan d’épargne avenir climat » (PEAC).

Le II du présent article crée, quant à lui, une sous-section 1 bis au sein de la section 2 des chapitres II, III et IV du titre IV du livre VII du code monétaire et financier afin d’appliquer les dispositions de la nouvelle section 7 ter en Nouvelle-Calédonie (1° du II), en Polynésie française (2° du II) et dans les îles Wallis et Futuna (3° du II). Pour ce faire, sont créés respectivement les articles L. 742-12-1, L. 743-12-1 et L. 744-11-1 du code monétaire et financier.

Le III du présent article prévoit, quant à lui, son entrée en vigueur au 1er janvier 2024.

1.   Les modalités d’ouverture du plan d’épargne avenir climat

Les conditions d’ouverture du plan d’épargne avenir climat sont régies par le nouvel article L. 221-34-2 du code monétaire et financier.

Tout mineur résidant habituellement en France pourra demander l’ouverture d’un plan d'épargne avenir climat sans intervention de son représentant légal. Une même personne ne peut être titulaire que d’un seul plan et un plan ne peut avoir qu’un seul titulaire.

Les plans pourront être proposés par des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement après établissement d’une convention avec l’État. Au sens de la directive dite « MIF 2 » ([155]) , un « établissement de crédit » est une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte, tandis qu’une « entreprise d’investissement » désigne toute personne morale dont l’occupation ou l’activité habituelle consiste à fournir un ou plusieurs services d’investissement à des tiers ou à exercer une ou plusieurs activités d’investissement à titre professionnel.

Toute personne pourra effectuer des versements en numéraire sur le plan, dans la limite d’un plafond global fixé par un arrêté du ministre chargé de l’économie.

Le dispositif initial prévoit également un abondement initial par l’État dans le cas où le plan d'épargne avenir climat est ouvert l’année de naissance du titulaire. La détermination de son montant est renvoyée à l’arrêté précité.

L’article L. 221-34-2 renvoie enfin à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions d’ouverture et de prévoir les modalités de gestion du plan. Ce décret devra préciser les conditions selon lesquelles le titulaire du plan et son bénéficiaire légal bénéficient d’une information régulière et détaillée sur leurs droits et sur la performance du plan.

2.   Les modalités de fonctionnement du plan d'épargne avenir climat

Le nouvel article L. 221-34-3 du code monétaire et financier encadre la destination des versements effectués sur le plan d’épargne avenir climat.

Les fonds collectés devront ainsi être affectés à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de l’économie productive et à la transition écologique. Tout en garantissant sa disponibilité à la majorité du titulaire, le plan d'épargne avenir climat doit offrir une protection suffisante de l’épargne investie. Comme pour le PER, l’allocation de l’épargne doit permettre de réduire progressivement les risques financiers à mesure que l’horizon de déblocage du plan approche.

Un arrêté du ministre chargé de l’économie doit établir une liste des titres financiers dans lesquels le plan d'épargne avenir climat peut être investi, fixer les principes d’allocation de l’épargne auxquels il est soumis et définir les stratégies d’investissement qu’il peut proposer.

A l’instar du livret A, il est prévu que tout ou partie des versements pourront, en vue de leur placement, être centralisés auprès d’un établissement public, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Selon la présentation de ce dispositif par le Gouvernement, cet établissement devait être la Caisse des dépôts et consignations.

3.   Les modalités de clôture du plan d'épargne avenir climat

Les modalités de sortie du plan d'épargne avenir climat sont régies par le nouvel article L. 221-34-4 du code monétaire et financier.

Il prévoit que jusqu’aux 18 ans du titulaire du plan, les droits constitués sont bloqués et que leur liquidation, même partielle, n’est possible que dans deux situations : l’invalidité du titulaire ou le décès de l’un de ses parents. Dans les mêmes conditions que pour le livret A, la liquidation est soumise à autorisation du représentant légal lorsque le titulaire a moins de 16 ans, tandis que s’il est âgé de 16 à 18 ans, il peut y procéder sauf opposition de son représentant légal.

Une fois atteint l’âge de 18 ans, les retraits partiels de sommes ou de valeurs par le titulaire n’entrainent pas la clôture du plan.

Si le titulaire du plan décède avant ses 18 ans, le plan sera automatiquement clôturé et les sommes ou valeurs y figurant pourront être retirées par ses ayants droit.

B.   Les modifications apportées par le sénat

1.   Lors de l’examen en commission

La commission du Sénat a adopté, après des échanges avec le Gouvernement, un amendement proposé par la rapporteure pour avis Christine Lavarde, opérant une réécriture globale de l’article 16 du présent projet de loi ([156]).

Pour permettre aux acteurs de réaliser les développements nécessaires à la commercialisation du plan d'épargne avenir climat, cet amendement a repoussé la date d’entrée en vigueur du dispositif du 1er janvier au 1er juillet 2024.

Les changements apportés au dispositif initial sont présentés ci-après et visent à inscrire le plan d'épargne avenir climat dans le champ des produits d’épargne financiers, à l’instar du plan d'épargne retraite, plutôt que dans celui des livrets réglementés, comme le livret A.

a.   Les modalités d’ouverture du plan d'épargne avenir climat  

Le plan d'épargne avenir climat continuerait d’être réservé aux personnes physiques âgées de plus de 18 ans et résidant en France à titre habituel.

La disposition selon laquelle l’ouverture d’un PEAC ne requiert pas l’intervention du représentant légal du mineur a été supprimée.

A l’instar du PER, l’éventail d’acteurs pouvant proposer le plan d'épargne avenir climat a été élargi : en plus des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance pourront le distribuer.

Le plan pourra prendre deux formes :

– celle d’un contrat de capitalisation distribué par des assureurs qui devront se conformer aux exigences de la directive sur la distribution d’assurance (dite directive « DDA ») ([157]), sous la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ;

– celle d’un compte-titres associé à un compte en espèces. Les intermédiaires, principalement des établissements bancaires, devront respecter les exigences de la directive dite « MIF 2 » ([158]), sous la supervision de l’Autorité des marchés financiers.

Là où le texte initial renvoyait à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités selon lesquelles le titulaire du plan et son représentant légal bénéficient d’une information régulière et détaillée sur leurs droits et sur la performance du plan, la rédaction de la commission des finances précise davantage le contenu de ce décret.

Enfin, l’abondement par l’État des plans ouverts l’année de naissance du titulaire a été supprimé. Le Sénat a considéré que le rapport coût/bénéfice de cet abondement était défavorable : estimé entre 34 et 667 millions d’euros par l’étude d’impact, il ne contribuerait sans doute pas à avoir un effet incitatif important ; en outre, les représentants des secteurs bancaire et assurantiel rencontrés par le rapporteur ont souligné qu’un tel dispositif serait à l’origine de difficultés opérationnelles majeures.

b.   Les modalités de fonctionnement du plan d'épargne avenir climat

La commission des finances du Sénat s’est inspirée des modalités de fonctionnement du plan d’épargne retraite pour définir plus précisément celles du plan d'épargne avenir climat (nouvel article L. 221-34-3 du code monétaire et financier).

En plus d’être investis dans des titres financiers contribuant au financement de l’économie productive et de la transition écologique, les fonds collectés par le plan d'épargne avenir climat devront être placés dans « des instruments financiers bénéficiant de niveaux d’exposition aux risques faibles ».

Les fonds pourront ainsi être investis pour l’acquisition de droits exprimés en unités de compte ou dans des fonds euros.

Sauf décision contraire et expresse du titulaire, le plan d'épargne avenir climat fera l’objet d’une gestion pilotée avec une désensibilisation progressive aux risques, en fonction de l’horizon de déblocage des sommes. En l’absence de garantie de l’État, cette stratégie d’investissement inspirée de celle du PER permet d’offrir une protection au capital investi. Concrètement, des actifs plus risqués, mais généralement plus rémunérateurs, sont choisis en « début de vie » du produit, tandis que, au fur et à mesure que l’âge de la retraite (PER) ou celui du déblocage des fonds (PEAC) se rapproche, des actifs moins rémunérateurs mais plus sécurisés sont privilégiés.

En l’absence de garantie publique et d’abondement du plan d'épargne avenir climat par l’État, l’implication de la Caisse des dépôts et des consignations dans ce produit était devenue superfétatoire. Elle n’est donc plus mentionnée dans le texte issu du Sénat.

c.   Les modalités de clôture du plan d'épargne avenir climat

Contrairement au texte initial, le dispositif proposé par la commission des finances du Sénat est explicite sur le blocage des sommes versées dans le cadre du plan d'épargne avenir climat.

Tout en conservant des possibilités de déblocage exceptionnelles, les sommes seront conservées jusqu’aux 18 ans du titulaire, à la condition que l’ouverture du plan date de plus de cinq ans. Ainsi, si un mineur ouvre son PEAC pour son 17e anniversaire, les sommes ne seront pas débloquées pour ses 18 ans, mais à compter de son 22e anniversaire.

Contrairement au dispositif initial et à l’instar du livret jeune, le texte issu du Sénat prévoit une clôture du plan d'épargne avenir climat lorsque son titulaire atteint l’âge de 25 ans. Aucun versement ne sera possible à partir de 18 ans ou à compter de la fin de la période de blocage de cinq ans pour les plans ouverts à partir du 13e anniversaire du titulaire.

d.   La détermination d’un élément du régime fiscal applicable au plan d'épargne avenir climat

Le II de l’article réécrit par la commission des finances modifie l’article 157 du code général des impôts, qui énumère les sommes qui sont exclues de la détermination du revenu net global imposable des contribuables. La modification du Sénat permet de déduire intégralement du revenu net global les sommes versées sur un plan d'épargne avenir climat. Aucun plafonnement de déduction n’est prévu pour les sommes versées, contrairement au régime applicable au plan d'épargne retraite.

2.   Lors de l’examen en séance publique

Au cours de l’examen en séance publique, le Sénat a voté, avec des avis favorables de la commission et défavorables du Gouvernement, deux amendements de la rapporteure pour avis modifiant le présent article.

 L’amendement n° 399 ([159]) précise l’univers d’investissement du plan d'épargne avenir climat.

En premier lieu, cet amendement modifie le contenu du décret prévu par le IV du nouvel article L. 221-34-3, qui devait porter sur les principes d’allocation de l’épargne auxquels est soumis le plan d'épargne avenir climat et les stratégies d’investissement qu’il peut proposer. Le Sénat ajoute que ce décret doit prévoir des exclusions, c’est-à-dire des activités dans lequel le plan d'épargne avenir climat ne peut être investi.

Si le PEAC doit être investi dans des titres contribuant à la transition écologique et des titres contribuant à l’économie productive, la part des premiers doit excéder celle des seconds.

Par ailleurs, l’amendement prévoit que les titres contribuant à la transition écologique doivent être définis par référence aux labels mentionnés au cinquième alinéa de l’article L. 131-1-2 du code des assurances, à savoir les labels ISR et Greenfin ([160]). Ces titres incluent les obligations vertes.

Enfin, les titres contribuant à l’économie productive seront définis par référence à un cahier des charges, qui dressera notamment la liste des entreprises et des secteurs éligibles à un financement par les fonds du PEAC.

● L’amendement n° 400 ([161]) encadre les frais qui seront appliqués au plan d’épargne avenir climat, en renvoyant leur plafonnement à un décret.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission a modifié plusieurs dispositions du présent article.

Afin de lever toute ambiguïté sur les finalités du plan d'épargne avenir climat, la commission a adopté des amendements confirmant l’affectation des encours de ce produit au financement de la transition écologique en France ou au sein de l’Union européenne.

L’alinéa 12 de l’article 16, tel qu’issu des travaux du Sénat, prévoyait ainsi que les versements sur un plan d'épargne avenir climat étaient affectés « en partie » à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de « l’économie productive » et de la transition écologique. Par l’adoption d’amendements identiques du rapporteur Damien Adam, de Mme Eva Sas (Ecologiste-NUPES), de M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES), de Mme Alma Dufour (LFI-NUPES) et de M. Gérard Leseul (SOC-NUPES), les mentions « en partie » et « économie productive » ont été supprimées (amendements CS1343, CS341, CS912, CS1426, CS343, CS495 et CS1272).

Un amendement CS1400 du rapporteur a également complété l’alinéa 12 afin de préciser que les titres financiers dans lesquels le plan d'épargne avenir climat est investi doivent avoir été émis par des entreprises françaises ou européennes, à l’image de ce qui est prévu pour le plan d'épargne en actions (PEA).

● La commission a également supprimé certains ajouts issus de l’examen du texte devant le Sénat, devenus moins pertinents du fait de la modification de l’univers d’investissement du plan d'épargne avenir climat.

Les exigences sur la destination des encours du PEAC ayant été renforcées, les exclusions prévues par le Sénat ont été supprimées par un amendement du rapporteur (CS1348).

L’économie productive n’étant plus une cible des investissements du PEAC, la disposition opérant une partition entre celle-ci et la transition écologique a également été supprimée par des amendements identiques CS1347 et CS1273 du rapporteur et de Mme Eva Sas (Ecologiste-NUPES).

Un amendement du rapporteur a été adopté pour élargir la définition des titres financiers relatifs à la transition écologique qui devront faire référence aux fonds labellisés, sans se restreindre à eux comme proposé par le Sénat. En effet, les fonds labellisés ne couvrent qu’un champ restreint des activités contribuant à la transition écologique (CS1346).

● Enfin, plusieurs autres ajustements ont été décidés par la commission. 

Pour ne pas obérer les chances de diffusion du plan d'épargne avenir climat, le dispositif de plafonnement des frais introduit par le Sénat a été supprimé par un amendement du rapporteur (CS1352).

Un amendement du rapporteur a, de surcroît, ajouté la possibilité de transférer le plan d'épargne avenir climat d’un établissement à l’autre, avec un plafonnement des frais associés et comme c’est le cas actuellement pour le plan d'épargne retraite.

Des amendements de Mme Marie Lebec (RE) et du rapporteur ont supprimé les dispositions fiscales adoptées par le Sénat. Ces dispositions ne permettaient pas de définir un régime fiscal complet et cohérent pour ce nouveau produit et il est apparu que le projet de loi de finances pour 2024 constituerait un meilleur véhicule pour mettre en place un tel régime.

Enfin, de nombreux amendement rédactionnels du rapporteur ont été adoptés.

 

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Article 17
Instauration d’une contribution de l’assurance-vie et du plan d’épargne retraite au financement d’actifs réels et renforcement de la protection de l’épargnant

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 17 du projet de loi a pour objet de faciliter l’accès des épargnants aux actifs non cotés afin de contribuer au financement l’industrie verte.

En ce qui concerne le plan d’épargne retraite (PER), il prévoit ainsi :

– la possibilité de fixer par voie réglementaire un minimum d’actifs non cotés et d’actifs finançant les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les grilles de gestion pilotée par horizon ;

– l’éligibilité au PER des fonds professionnels ;

– l’assouplissement des conditions de souscription à certains fonds dans les cas où la protection de l’épargnant est suffisante.

En ce qui concerne l’assurance-vie, il prévoit :

– la présentation obligatoire d’un mode de gestion pilotée profilée, en prévoyant, pour certains profils, la possibilité de fixer par voie réglementaire un minimum d’actifs non cotés et d’actifs finançant les PME et ETI dans les grilles de gestion ;

– l’élargissement de la liste des actifs éligibles aux organismes de financement spécialisés ;

– la possibilité de conditions de souscription plus souples.

Complétant les dispositions destinées à permettre à l’épargnant d’investir dans des actifs offrant une espérance de rendement supérieure en contrepartie d’un risque plus élevé, cet article renforce le devoir de conseil afin de le rendre effectif tout au long de la vie du contrat.

À la suite des modifications apportées par le Sénat, l’article 17 comporte également une série de dispositions visant à renforcer la protection des épargnants.

I.   le droit en vigueur

Si l’assurance-vie reste, selon une formule souvent reprise, « le placement préféré des Français » tandis que le plan d’épargne retraite connaît un fort développement, ces produits restent peu investis dans des actifs non cotés.

A.   des placements répandus aux encours importants

Tandis que les contrats d’assurance-vie représentent une part importante du marché français de l’épargne et s’inscrivent dans un cadre juridique ancien (mais évolutif), les plans d’épargne retraite (PER) ont été créés par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi « Pacte » ([162]). Ces deux types de produits permettent, selon des modalités différentes, à l’épargnant d’accéder à une large gamme de véhicules d’épargne et d’investissement.

1.   L’assurance-vie

Défini principalement par le code des assurances, notamment son article L. 131-1, et le code de la mutualité, en particulier son article L. 223-2, le cadre juridique de l’assurance-vie a été harmonisé par la directive du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie ([163]).

Totalisant, à la fin du mois d’avril 2023, un encours de 1 893 milliards d’euros ([164]), les contrats d’assurance-vie, par lesquels l’assureur s’engage, en contrepartie du paiement de primes, à verser une rente ou un capital à l’assuré ou à ses bénéficiaires, peuvent être investis sur trois types de support :

– les fonds dits en euros, dont le capital et les intérêts déjà versés sont garantis, qui représentent 75 % de l’encours des contrats d’assurance-vie ;

– les unités de compte, « constituées de valeurs mobilières ou d’actifs offrant une protection suffisante de l’épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d’État » ([165]) et dont l’assureur ne garantit que le nombre et non la valeur, qui représentent 25 % de l’encours des contrats d’assurance-vie ;

– les fonds eurocroissance, qui offrent une garantie en capital au terme du contrat dont l’échéance est alors fixée à huit ans au moins, qui représentent moins de 1 % de l’encours des contrats d’assurance-vie.

Aux termes des articles L. 521-4 et L. 522-5 du code des assurances, l’assureur ou l’intermédiaire doit conseiller un contrat cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur et préciser les raisons qui motivent ce conseil. Cependant, hors le cas des plans d’épargne retraite reposant sur une gestion pilotée par horizon, les arbitrages effectués dans le cadre des produits d’épargne ouverts sous forme assurantielle ne sont encadrés que par les dispositions générales du code civil. Plusieurs situations peuvent être distinguées :

– la gestion libre : l’épargnant gère seul son contrat ;

– la gestion sous mandat : l’épargnant confie un mandat à un professionnel pour gérer son épargne et procéder aux arbitrages en fonction des termes de ce mandat ;

– la gestion pilotée : l’épargnant confie à l’assureur ou à un tiers le soin d’effectuer des arbitrages de manière automatique, le plus souvent en fonction d’un profil de risque.

2.   Les plans d’épargne retraite

Régis par le chapitre IV « Plans d’épargne retraite » du titre II du livre II du code monétaire et financier, les plans d’épargne retraite ont été créés par l’article 71 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises précitées et une ordonnance du 24 juillet 2019 ([166]) prise sur le fondement de cet article. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 224-1 du code monétaire et financier, les PER peuvent prendre la forme d’un compte-titres ou d’un contrat d’assurance de groupe.

Au 30 septembre 2022, près de 6,5 millions de personnes bénéficiaient de ces PER, soit plus du double de l’objectif de 3 millions de personnes initialement fixé pour la fin de l’année 2022, les encours constitués atteignant 73 milliards d’euros, alors que l’objectif initial était de 50 milliards d’euros pour la fin de cette même année ([167]).

Aux termes de l’article L. 224-3, le plan d’épargne retraite comporte, par défaut, une gestion pilotée par horizon prévoyant une désensibilisation progressive de l’épargne investie au risque en fonction du profil d’investissement du titulaire, la qualification des profils tenant compte du niveau d’exposition aux risques financiers et de l’espérance de rendement pour le titulaire. Aux termes de l’arrêté du 7 août 2019 pris pour l’application de ces dispositions, trois profils sont définis (prudent, équilibré et dynamique), auxquels sont associées des allocations distinctes de l’épargne entre actifs risqués et actifs non risqués, la part des actifs risqués décroissant à mesure que le titulaire s’approche de l’âge de la retraite.

B.   un investissement réduit dans les actifs non cotés

Selon France assureurs, l’assurance-vie, premier support d’épargne des Français, est majoritairement investie dans des obligations à travers les fonds en euros, liquides et garantis à tout moment : au 31 décembre 2022, les unités de compte, qui présentent un risque de perte, ne représentaient que 25 % des encours d’assurance-vie. La part du capital-investissement dans les actifs des assureurs-vie reste marginale : elle représentait ainsi 1,3 % des 30 milliards d’euros investis au premier trimestre 2022. La loi « Pacte » permettait pourtant une plus grande ouverture de l’assurance-vie aux fonds de capital-investissement, avec l’objectif de démocratiser cette classe d’actifs : l’article L. 131-1-1 du code des assurances, qu’elle a créé, dispose ainsi que les unités de compte peuvent, sous réserve du respect de conditions tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière du contractant, être constituées de parts de fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs professionnels – les fonds professionnels à vocation générale, les fonds professionnels de capital-investissement et les fonds professionnels spécialisés.

Quant au PER, l’étude d’impact du projet de loi relève que s’il « apparaît comme le support le plus adéquat pour renforcer la part d’épargne investie vers le non coté, en raison de son caractère intrinsèque de long terme et de sa gestion pilotée par horizon par défaut […], seuls 2,5 % de l’encours étaient investis dans des titres de PME ou d’ETI au 31 décembre 2021 » car « les actifs non cotés sont encore trop complexes à intégrer pour les assureurs et très rarement inclus dans les grilles de gestion pratiquées dans le cadre de la gestion pilotée par horizon prévue par défaut, du fait notamment d’un défaut de formation et de sensibilisation des distributeurs » ([168]).

Pourtant, selon les données de la Banque de France, les fonds de capital-investissement accompagnent 7 400 entreprises en France, dont 80 % de PME. Ils contribuent à la forte croissance de ces entreprises et au développement de leur emploi, à un rythme annuel moyen de + 4,2 %, très supérieur à celui de la croissance annuelle moyenne de l’emploi de l’ensemble du secteur marchand (+ 1,3 %).

Dans ces conditions, la mobilisation de l’épargne des particuliers offrirait un relais de croissance à des outils de financement qui reposent essentiellement, jusqu’à présent, sur des levées de fonds auprès d’investisseurs institutionnels.

II.   Le dispositif proposé

L’article 17 du texte initial prévoyait plusieurs mesures visant à faciliter l’investissement dans les actifs non cotés. Il a été complété par le Sénat d’une série de dispositions relatives à la protection des épargnants.

A.   Le texte initial du projet de loi

Le du I a pour objet de compléter le chapitre I du titre III du livre I du code des assurances par un article L. 132-5-4 aux termes duquel les contrats d’assurance-vie prévoiraient « la faculté de choisir une stratégie d’investissement selon des profils d’allocation de l’épargne », soit une gestion pilotée profilée. La modification du profil d’allocation serait possible sans frais. Les profils d’investissement seront définis par arrêté du ministre chargé de l’économie et tiendront compte du niveau d’exposition aux risques financiers, de l’horizon de détention et de l’espérance de rendement. L’étude d’impact du projet de loi indique que, « sur le modèle du PER et de l’arrêté du 7 août 2019, plusieurs profils pourraient être mis en place en fonction du profil de risque et de l’horizon de placement choisi par l’épargnant : une allocation par défaut des versements sur un profil “équilibré” et deux autres profils “prudent” et “dynamique” qui constitueraient des alternatives » ([169]). L’article L. 132-5-4 ainsi inséré précise que ces allocations pourraient « comprendre une part minimale d’unités de compte fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie constituée de catégories d’organismes de placement collectif investi en actifs non cotés ou en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 », lequel détermine les titres éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA PME). Il s’agit des titres non cotés ([170])  émis par des sociétés qui, d’une part, occupent moins de cinq mille personnes et, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1,5 milliard d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros, ainsi que des titres cotés émis par des sociétés qui remplissent les mêmes conditions et dont la capitalisation boursière est inférieure à 1 milliard d’euros.

Comme l’indique l’étude d’impact, il s’agit de parvenir à un « fléchage plus directif des investissements […] vers le non coté ou les actifs finançant les PME/ETI cotées » ([171]). Le choix d’une gestion profilée conserverait un caractère facultatif mais, selon une extrapolation à partir des cotisations versées entre le mois de décembre 2021 et le mois de décembre 2022, soit un montant de 158,4 milliards d’euros, d’un taux de recours de 20 % et d’une cible minimum comprise entre 5 % et 10 %, ce sont 1,5 milliard d’euros à 3 milliards d’euros qui pourraient être fléchés chaque année par ce nouveau mode de gestion ([172]).

Le du II, complétant pour sa part d’une phrase le quatrième alinéa de l’article L. 224-3 du code monétaire et financier, relatif aux allocations de la gestion profilée du PER, prévoit que celles-ci puissent comporter une proportion minimale de parts d’organismes de placement collectifs investis en actifs non cotés ou en titres mentionnés à l’article L. 221-32 du code monétaire et financier, soit les titres éligibles au PEA PME. Le Gouvernement estime qu’une telle mesure pourrait avoir un « effet significatif » ([173]) sur le financement des PME et des ETI, avec l’orientation, chaque année, de 1 à 2 milliards d’euros vers le non coté ou les PME et ETI cotées, selon une estimation limitée aux nouvelles souscriptions et adhésions à des PER. En outre, « cette modification inciterait les gestionnaires à faire évoluer les grilles de gestion de leur stock de PER afin de limiter les coûts de gestion engendrés par la coexistence de plusieurs grilles » ([174]).

Le du I modifie l’article L. 131-1-1 du code des assurances. D’une part, le a), par l’ajout d’une référence à la sous-section 5 de la section 2 du chapitre IV du titre I du livre II du code monétaire et financier, intègre les parts d’organismes de financement spécialisés (OFS) à la liste des parts de fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs professionnels dont peuvent être constituées les unités de compte, sous réserve du respect de conditions tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière du contractant, un décret en Conseil d’État fixant ces conditions et précisant les fonds concernés. Actuellement, les OFS sont éligibles au référencement en unités de compte sans conditions, sur le fondement de l’article L. 131-1 et du 2° du A de l’article R. 332-2 du code des assurances, mais, compte tenu de la nature professionnelle de ces fonds, ils ont, indique l’étude d’impact du projet de loi, « davantage vocation à être référencés sur le fondement de l’article L. 131-1-1, dans les conditions protectrices prévues par cet article » ([175]).

D’autre part, le b) lève ces conditions restrictives pour les fonds ayant reçu l’autorisation d’utiliser la dénomination « Eltif » conformément au règlement (UE) du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme ([176]) et pouvant être commercialisés auprès d’investisseurs de détail, c’est-à-dire d’investisseurs non professionnels. Ce faisant, il réplique ce qui, depuis la révision du règlement intervenue le 15 mars 2023 ([177]), est l’état du droit pour la souscription en compte titres ([178]), avec la suppression de la condition d’un ticket minimum d’investissement de 10 000 euros représentant au maximum 10 % du patrimoine financier de l’épargnant. Le Gouvernement indique que « cet assouplissement se justifie car le règlement prévoit déjà des conditions permettant d’offrir des garanties suffisantes à un investisseur particulier sans rendre nécessaire l’ajout de conditions supplémentaires : il prévoit notamment un encadrement strict des actifs éligibles, du recours à l’effet de levier et de la gestion de la liquidité du fonds » ([179]).

Le du II transpose dans le code monétaire et financier, sous la forme d’un nouvel article L. 224-3-1, les dispositions de l’article L. 131-1-1 modifié du code des assurances pour leur application aux titres financiers et unités de compte dans lesquels sont investis les plan d’épargne retraite. Il prévoit en outre que ne s’appliquent pas les conditions tenant aux connaissances ou à l’expérience financière du titulaire dans le cas d’une gestion pilotée par horizon. En effet, reposant par définition sur une sécurisation progressive de l’épargne investie, cette allocation permet un assouplissement des conditions de souscription aux fonds.

Le du I complète l’article L. 522-5 du code des assurances d’un III ayant pour objet d’instaurer un devoir de conseil au cours de la vie du contrat d’assurance-vie :

– lorsque le gestionnaire du contrat est informé d’un changement dans la situation personnelle et financière du contractant ou ses objectifs d’investissement, il s’assure que le contrat demeure approprié ou adéquat aux exigences et besoins exprimés, et informe l’épargnant si ce n’est plus le cas ;

– si le contrat n’a fait l’objet d’aucune opération – hors opérations programmées – au cours d’une durée précisée par arrêté du ministre chargé de l’économie, il procède, à moins d’un refus ou d’une absence de réponse de l’épargnant, à une actualisation des informations recueillies afin de s’assurer que le contrat demeure approprié ou adéquat aux exigences et besoins exprimés, et informe l’épargnant si ce n’est plus le cas ;

– à l’occasion de toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative, le gestionnaire doit conseiller à l’épargnant une opération cohérente avec ses exigences et besoins ([180]).

Le III modifie le code de la mutualité pour permettre l’application aux mutuelles des dispositions du code des assurances créées ou modifiées. Le substitue à la rédaction en vigueur de l’article L. 223-2-1, qui prévoit la possibilité que les unités de compte des contrats d’assurance-vie des mutuelles et des unions puissent être constituées de parts de fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs professionnels dans les mêmes conditions que les unités de compte des contrats conclus avec les entreprises d’assurance, une nouvelle rédaction aux termes de laquelle s’appliqueront aux opérations d’assurance-vie des mutuelles et unions les articles L. 132-5-4, L. 131-1-1, L. 131-1-2 et L. 131-4 du code des assurances. Cette nouvelle rédaction comporte en outre les précisions terminologiques nécessaires à cette application aux mutuelles et unions de dispositions du code des assurances.

Par coordination, le supprime les dispositions de l’article L. 223-2 du code de la mutualité qui prévoyaient déjà l’application des articles L. 131-4 et L. 134-1 du code des assurances à ces opérations.

Le IV dispose que l’article entrera en vigueur douze mois après la publication de la loi, en réservant l’application des dispositions relatives aux articles L. 132-5-4 du code des assurances et L. 224-3 du code monétaire et financier aux nouveaux contrats et aux nouvelles adhésions à des contrats de groupe déjà conclus à partir de l’entrée en vigueur de l’article.

B.   Les modifications apportées par le sénat

1.   L’examen en commission

De substantielles modifications ont été introduites par trois amendements lors de l’examen du texte en commission.

D’une part, l’amendement COM-372 rectifié de la rapporteure pour avis de la commission des finances Christine Lavarde a repris les articles 2 et 4 de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, déposée par  les sénateurs Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier et adoptée en première lecture par le Sénat le 31 janvier 2023.

L’amendement insère, après la section 1 du chapitre II du titre III du livre I du code des assurances une section 1 bis consacrée à la définition et à l’encadrement du mandat d’arbitrage de contrats d’assurance-vie et de capitalisation, composée de trois articles :

– un article L. 132-27-3, qui définit l’arbitrage comme l’opération consistant à modifier la répartition des droits exprimés en euros, des droits exprimés en unités de compte et des droits exprimés en parts de provision de diversification ([181])  et le mandat d’arbitrage comme la convention par laquelle le souscripteur ou l’adhérent à un contrat d’assurance sur la vie ou de capitalisation confie à une personne agissant dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles la faculté de décider des arbitrages, en précisant notamment que seuls peuvent exercer l’activité de mandataire les intermédiaires et les entreprises d’assurance ou de capitalisation et que l’exécution du mandat ne peut donner lieu à aucune commission ou à aucune rémunération versée à l’occasion d’opérations d’investissement ou de désinvestissement entre les supports proposés, cette interdiction entrant en vigueur – en application du VIII de l’amendement – le 1er janvier 2026 ;

– un article L. 132-27-4, qui détermine le contenu et la forme de la convention, ainsi que les modalités d’information de l’organisme d’assurance et du mandant par le mandataire ;

– un article L. 132-27-5, qui prévoit que le mandataire intermédiaire d’assurance souscrive un contrat d’assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle au titre de cette activité.

Tirant les conséquences de ces dispositions relatives au mandat d’arbitrage sur les autres dispositions de l’article 17 du présent projet de loi, l’amendement complète par ailleurs l’article L. 131-1-1 du code des assurances. Est ajouté un alinéa qui permet au mandataire de procéder aux investissements risqués énumérés par celui-ci sans que doivent être remplies les conditions, fixées par décret en Conseil d’État et tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière de l’épargnant. L’amendement précise aussi que la stratégie d’investissement en gestion pilotée en assurance-vie est mise en œuvre en vertu d’une convention de mandat d’arbitrage.

Par une série de modifications de l’article L. 132-22 du code des assurances, l’amendement vise à renforcer la transparence sur les frais des contrats d’assurance-vie. Comme le relevaient les rapporteurs de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, ledit article, dans sa rédaction actuelle, « prévoit que l’évolution de la valeur des unités de compte est présentée à l’épargnant sur une base annuelle à compter de la souscription du contrat, ce qui prive l’épargnant qui vient à peine de souscrire un contrat d’une information concernant la performance des unités de compte avant cette souscription. Par ailleurs, la rédaction de cet article limite l’information relative aux frais au “dernier exercice connu” alors qu’une information concernant les frais sur plusieurs années serait plus parlante » ([182]). L’amendement prévoit donc que ce soit un arrêté du ministre chargé de l’économie qui précise la période de référence pour chacune de ces informations. En outre, l’amendement ajoute à la liste des informations que l’assureur doit publier annuellement sur son site internet ([183]) le taux moyen de frais prélevé par l’entreprise, le rendement net moyen servi à l’assuré, le taux des taxes et des prélèvements sociaux et l’éligibilité de ces contrats aux affaires nouvelles. Participant du même esprit, l’insertion d’un nouvel alinéa à l’article L. 614-1 du code monétaire et financier permet d’ajouter aux attributions du comité consultatif du secteur financier, déjà chargé du suivi de l’évolution des tarifs bancaires, le suivi des frais et de la performance des contrats d’assurance sur la vie et des opérations de capitalisation, des compte-titres, des plans d’épargne retraite individuels, des plans d’épargne en actions destinés au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire et des plans d’épargne avenir climat.

Par une modification de l’article L. 224-29 du code monétaire et financier, l’amendement prévoit en outre que l’information détaillée qui doit être communiquée avant la souscription ou l’adhésion à un contrat ([184]) soit publiée annuellement sur le site internet du gestionnaire et y rester disponible au moins cinq ans.

L’amendement renforce encore le devoir de conseil. Par une modification de l’article L. 522-5 du code des assurances, il prévoit que l’exercice dudit devoir tienne compte des éventuelles préférences de l’épargnant en matière de durabilité et, par l’ajout d’un alinéa à l’article L. 132-22 précité du même code, il impose d’informer l’épargnant du fait qu’il bénéficie d’un devoir de conseil postérieur à l’adhésion ou à la souscription du contrat.

L’amendement adapte également les dispositions de l’article L. 223-21 du code de la mutualité afin d’aligner les exigences d’information des adhérents pesant sur les mutuelles et unions sur celles qui pèsent sur les entreprises régies par le code des assurances. Comme le relevaient les rapporteurs de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, « de nombreuses informations actuellement prévues pour les entreprises régies par le code des assurances (tableau d’information réglementaire, publication des taux de rémunération des fonds euro, information au cours du contrat sur l’évolution des valeurs des unités de compte et des frais prélevés) ne l’étaient pas pour les mutuelles et unions régies par le code de la mutualité » ([185]). Il s’agissait dès lors de remédier par une harmonisation à cette différence de traitement injustifiée.

Par l’ajout d’un III bis au texte initial, l’amendement prévoit enfin l’application aux institutions de prévoyance des dispositions du code des assurances créées ou modifiés par l’article 17 du projet de loi.

D’autre part, les amendements identiques COM-93 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants – République et Territoires) et COM-373 rectifié de la rapporteure pour avis Christine Lavarde ont pour objet de prévoir qu’au sein de la part minimale d’investissement dans des actifs non cotés et en titres éligibles au PEA PME, la proportion d’actifs non cotés ne puisse être inférieure à un seuil défini par arrêté. Si ces amendements visent à donner une plus grande effectivité à la volonté d’un fléchage d’une partie de l’épargne vers le non coté, et à éviter que cette part minimale ne soit composée que de titres cotés, il convient de noter qu’elle présenterait, comme l’a relevé le Gouvernement en séance publique, l’inconvénient de « contraindre de manière trop forte certaines compagnies d’assurances ou certaines institutions bancaires qui n’ont pas forcément du non coté dans leur offre » et le risque de favoriser ceux des établissements bancaires et des entreprises d’assurance qui ont déjà développé une offre cotée. La rédaction initiale du texte permettait d’éviter cet écueil, de même que le risque d’orienter trop de liquidités et d’investissements dans les actifs non cotés.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 297 de M. Bernard Buis (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) et les amendements nos 401 rectifié, 402 et 403 rectifié de la rapporteure pour avis Christine Lavarde.

Les amendements identiques n° 297 de M. Bernard Buis et n° 401 rectifié de la rapporteure pour avis Christine Lavarde, adoptés avec l’avis favorable du Gouvernement, visent à restaurer la prise en compte, dans le cadre de l’exercice d’un mandat d’arbitrage, des conditions liées à la situation financière de l’assuré pour la souscription de certaines unités de compte. En effet, dans sa rédaction issue des travaux en commission, l’article 17 prévoyait qu’il n’était pas nécessaire, dans le cadre d’un mandat d’arbitrage, de respecter les conditions tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière auxquelles est soumise la souscription, dans le cadre de l’assurance-vie, d’unités de compte composées de parts de certains fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs professionnels. Or, s’il paraît justifié que le mandataire professionnel ne prenne pas ses décisions d’investissement en fonction des connaissances ou de l’expérience en matière financière de son mandant, il serait inapproprié qu’il ne tienne pas compte de la situation financière de celui-ci, qui continue d’assumer les risques financiers des investissements.

L’amendement n° 402 de la rapporteure pour avis Christine Lavarde, dont le Gouvernement avait demandé le retrait au profit d’un amendement n° 292 de M. Bernard Buis dont le principe était analogue mais qui introduisait moins de complexité, vise, par l’insertion d’un article L. 131-5 dans le code des assurances, à permettre à l’assureur de recourir à des valeurs estimatives pour réaliser les opérations de versement, de prime, de rachat, de transfert, d’arbitrage de prestations en cas de vie ou de décès et de conversion en rente. Ainsi que l’a relevé la rapporteure Christine Lavarde, « les assureurs ont l’obligation, en cas de rachat d’assurance-vie, de restituer le capital en deux mois, alors même que la plupart des fonds investissent dans des actifs non cotés n’établissant pas de valeur liquidative de manière journalière ou hebdomadaire, mais plutôt trimestriellement, […] par conséquent, en cas de rachat à une date qui ne correspondrait pas à la date de liquidation, le gestionnaire ne peut pas liquider immédiatement les fonds et peut proposer une sorte de contre-valeur » ([186]). Toutefois, comme le relève l’exposé sommaire de l’amendement, « le principe de détermination d’une valeur estimative pose toutefois des difficultés en termes de transparence et de protection de la clientèle ». Il est donc prévu, dans un souci de plus grande fiabilité et de protection des intérêts des épargnants, de recourir à la valeur liquidative chaque fois que c’est possible. Le second alinéa de l’article L. 131-5 qu’il s’agit de créer dispose ainsi que « si la publication de la valeur liquidative intervient entre la demande du souscripteur ou de l’adhérent et l’opération qui lui correspond, la valeur estimative est égale à la valeur liquidative publiée » et que « lorsque cette publication intervient après l’opération et que la valeur liquidative est supérieure de plus de 5 % à la valeur estimative utilisée pour réaliser cette opération, l’entreprise d’assurance ou de capitalisation reverse à l’épargnant un pourcentage de la différence ».

L’amendement n° 403 rectifié de la rapporteure Christine Lavarde, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, vise à encadrer les frais de transfert des anciens contrats d’assurance retraite vers les nouveaux plans d’épargne retraite (PER). Afin d’encourager le transfert de l’épargne placée sur ces anciens produits vers les PER et, ainsi, d’encourager la réallocation des versements vers les actifs non cotés, est insérée à l’article L. 224-40 du code monétaire et financier une disposition prévoyant que les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert sont fixés par décret, le Gouvernement s’étant engagé à travailler à la détermination du bon niveau de leur plafonnement.

III.   Les travaux de la commission spéciale

Outre vingt amendements rédactionnels, de précision et de conséquence légistiques du rapporteur, la commission spéciale a adopté l’amendement CS1334 du rapporteur Damien Adam, l’amendement CS986 de M. Mathieu Lefèvre (Renaissance), les amendements identiques CS1164 de M. Mohamed Laqhila (MoDem et Indépendants) et CS1335 du rapporteur, les amendements CS1331 et CS1332 du rapporteur, les amendements identiques CS1336 du rapporteur et CS1399 de M. Mohamed Laqhila et l’amendement CS1333 du rapporteur.

L’amendement CS1334 du rapporteur vise, d’une part, à simplifier les modalités du recours à une valeur estimative, par la suppression du second alinéa de l’article L. 131-5 inséré dans le code des assurances par le Sénat. Se trouvent ainsi supprimées des conditions d’encadrement de l’utilisation des valeurs estimatives qui pouvaient sembler protectrices des assurés, mais dont le caractère opérationnel ne paraissait pas certain – notamment, en ce qu’elles impliquaient une restitution a posteriori de sommes versées. En cas de rachat total, l’entreprise d’assurance aurait ainsi pu être amenée à restituer des sommes alors qu’il n’existait plus de relation contractuelle entre elle et l’épargnant. Ces conditions d’encadrement risquaient, en outre, de nuire à la liquidité des titres indispensable à l’assuré, notamment lorsqu’il appartient aux classes moyennes. Ce même amendement vise, d’autre part, à prévoir une bonne information de l’épargnant sur les modalités d’exercice de la faculté de rachat dont il dispose et ses conséquences.

L’amendement CS986 de M. Mathieu Lefèvre apporte une précision bienvenue en prévoyant que les investissements réalisés par les organismes de placement collectifs éligibles à la possible part minimale d’unités de compte constituées de fonds investis en actifs non cotés ou en titres éligibles au PEA PME-ETI puissent être directs ou indirects, c’est-à-dire qu’ils puissent être réalisés via des fonds de fonds ou au sein d’une poche dédiée d’un fonds.

Les amendements identiques CS1164 de M. Mohamed Laqhila et CS1335 du rapporteur ont pour objet de supprimer la mention, introduite au cours de l’examen du texte par le Sénat, d’un seuil auquel la proportion d’actifs non cotés que comporterait, dans le cadre de la gestion pilotée par profil d’un contrat d’assurance-vie, la possible part minimale d’unités de compte fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie et constituée de catégories d’organismes de placement collectif investis en actifs non cotés ou en titres éligibles au PEA PME-ETI, ne pourrait être inférieur. En effet, si le Gouvernement vise l’objectif de développer la part des encours investis en actifs non cotés, il ne paraît pas nécessaire de prévoir un sous-quota spécifique pour les actifs non cotés. Cette mesure risquerait même de se révéler contreproductive : un tel sous-quota risquerait de complexifier la gestion de ce mode de gestion pour les entreprises d’assurance et les gestionnaires, les dissuadant de le promouvoir et risquant donc de réduire l’épargne orientée vers les PME et ETI et le non coté.

L’amendement CS1331 du rapporteur vise à exclure du champ d’application des obligations de formalisme et de conseil prévues dans le cadre d’un mandat d’arbitrage :

– d’une part et par parallélisme avec le plan d’épargne retraite en gestion pilotée par horizon, le plan d’épargne avenir climat en gestion pilotée par horizon, puisque la gestion pilotée par horizon prévoit déjà une sécurisation progressive de l’épargne investie ;

– d’autre part, les contrats dits « article 83 », anciens contrats d’épargne retraite collectifs d’entreprise à adhésion obligatoire, dans la mesure où il s’agit de contrats en extinction mais qui pourraient se trouver progressivement soumis à ces obligations en raison de leur renouvellement tacite annuel.

L’amendement CS1332 du rapporteur a pour objet de clarifier l’articulation entre le devoir de conseil général fixé à l’article L. 522-1 du code des assurances et les obligations de conseil du mandataire dans le cadre d’un mandat d’arbitrage en assurance-vie, en précisant les champs d’application respectifs des deux obligations.

De même que les amendements CS1164 de M. Mohamed Laqhila et CS1335 précités supprimaient la mention d’un sous-quota obligatoire de non coté dans le cadre de la gestion pilotée par profil d’un contrat d’assurance-vie, les amendements identiques CS1336 du rapporteur et CS1399 de M. Mohamed Laqhila ont pour objet de retirer cette mention des dispositions applicables au PER.

Quant à l’amendement CS1333 du rapporteur, il corrige la formulation de la disposition relative aux frais applicables en cas de transfert d’un ancien contrat d’épargne retraite vers un plan d’épargne retraite pour qu’elle soit plus conforme aux intentions mêmes dont elle procède, clairement établies par le compte rendu intégral des débats du Sénat : la rapporteure pour avis Christine Lavarde entendait bien, en effet, que le pouvoir réglementaire fixe non le montant précis de ces frais, mais leur montant maximal.

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Article 17 bis
Instauration de l’obligation d’une contribution minimale du capital-risque
au financement de la transition écologique

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 17 bis du projet de loi, introduit par le Sénat, vise à instaurer, à compter du 1er janvier 2024, une obligation, pour les sociétés de capital-risque, d’investir une part minimale de leur actif dans la transition écologique.

I.   le droit en vigueur 

Forme particulière de capital-investissement ([187]), le capital-risque consiste à financer de jeunes entreprises innovantes sous forme d’une participation à leur capital ([188]), à un stade où leur accès à un financement bancaire peut être limité.

Administrés par des sociétés de gestion qui doivent avoir obtenu un agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), les fonds de capital-risque peuvent prendre plusieurs formes :

– les fonds communs de placement à risque (FCPR), investis en titres d’entreprises non cotées en bourse à hauteur de 50 % au moins ;

– les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), investis en titres de sociétés innovantes non cotées en bourse à hauteur de 70 % ;

– les fonds d’investissement de proximité (FIP), investis à hauteur d’au moins 70 % dans des petites et moyennes entreprises régionales exerçant leur activité principalement dans une zone choisie par le fonds ;

– les sociétés de capital-risque, objets des articles 1er et 1-1 de la loi du 11 juillet 1985 portant diverses mesures d’ordre économique et financier ([189]).

Modifié en dernier lieu par l’article 59 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ([190]), l’article 1-1 de la loi du 11 juillet 1985 précitée fixe les conditions qu’une société française par actions doit remplir pour utiliser la dénomination de « société de capital-risque » :

– avoir pour objet social la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, une société de capital-risque dont le total de bilan n’a pas excédé 10 millions d’euros au cours de l’exercice précédent pouvant également effectuer, à titre accessoire, des prestations de services dans le prolongement de son objet social ;

– comprendre exclusivement, à son actif, des valeurs mobilières françaises ou étrangères, négociées ou non sur un marché d’instruments financiers français ou étranger, dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d’investissement ou tout autre organisme similaire étranger, des droits sociaux, des avances en compte courant, d’autres droits financiers et des liquidités ([191]) ;

– ne pas procéder à des emprunts d’espèces au-delà de la limite de 10 % de son actif net ;

– ne pas être détenue conjointement par une personne physique, son conjoint et leurs ascendants et descendants à hauteur de plus de 30 % des droits aux bénéfices.

L’article 1er de la même loi prévoit que les sociétés de capital-risque sont exonérées d’impôt sur les sociétés sur les produits et plus-values nets provenant de leur portefeuille si leur situation nette comptable est représentée, de façon constante, à concurrence de 50 % au moins de titres associatifs ou de parts, actions, obligations convertibles ou titres participatifs de sociétés :

– ayant leur siège dans un État de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;

– dont les actions ne sont pas admises à la négociation sur un marché réglementé français ou étranger ou dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros ;

– qui exercent une activité mentionnée à l’article 34 du code général des impôts, soit une activité commerciale, industrielle ou artisanale ;

– qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au taux normal ou qui y seraient soumises dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France.

La proportion de 50 % doit être atteinte dans un délai de trois ans à compter du début du premier exercice au titre duquel la société a demandé le bénéfice du régime fiscal de société de capital-risque.

II.   Le dispositif proposé

L’article 17 bis du projet de loi a été introduit par le Sénat lors de l’examen du texte en commission, avant d’être amendé en séance publique.

A.   La disposition introduite lors de l’examen en commission

L’amendement COM-97 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants – République et Territoires), adopté par la commission, a pour objet de prévoir, par l’ajout d’une phrase au deuxième alinéa du 1° de l’article 1-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, qu’une part minimale des montants investis par les sociétés de capital-risque « contribuent au financement de l’économie productive et de la transition écologique », selon la formule retenue pour le nouvel article L. 221-34-3 du code monétaire et financier prévu par l’article 16 du présent projet de loi. Cet amendement avait recueilli l’avis favorable de la rapporteure de la commission des finances, Mme Christine Lavarde, qui avait estimé qu’il « permet de compléter les outils proposés [par le projet de loi] » ([192]).

Outre le fait qu’il s’agirait d’ajouter une contrainte à celles, fortes, déjà prévues par les articles 1er et 1-1 de la loi du 11 juillet 1985 précitée, il convient toutefois de rappeler que la notion de « contribution au financement de l’économie productive et de la transition écologique » visait à la définition de l’univers d’investissement d’un produit d’épargne – le plan d’épargne avenir climat que l’article 17 a pour objet de créer –, ce à quoi une société de capital-risque ne peut être comparée. Il ne paraît en outre pas justifié d’imposer cette contrainte à un véhicule particulier de capital-risque plutôt qu’à un autre.

De plus, le capital-investissement contribue déjà massivement au financement de l’économie productive et de la transition écologique. Ainsi, les énergies renouvelables ont représenté près de 34 % du total des 11,6 milliards d’euros investis par le capital-investissement dans les infrastructures – et 61 % du nombre de projets ainsi soutenus ([193]).

Dès lors, il paraît plus pertinent d’orienter de manière générale l’épargne vers le capital-investissement, ce qui est précisément l’objet d’autres articles du présent projet de loi, que d’édicter une telle contrainte.

B.   L’examen en séance publique

Le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse du Sénat après que celui-ci avait rejeté l’amendement de suppression de l’article qu’il lui proposait, le Sénat a adopté deux amendements nos 404 de Mme Christine Lavarde (Les Républicains) et 360 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants – République et Territoires).

L’amendement n° 404, visant à préciser les dispositions de l’article, procède à quatre modifications :

– suppression de la mention de l’économie productive, jugée superflue compte tenu de la nature des sociétés de capital-risque, qui, par définition, soutiennent de jeunes entreprises ;

– introduction d’une précision aux termes de laquelle le décret prévu déterminera la liste des secteurs d’activité considérés comme contribuant à la transition écologique ;

– introduction de la possibilité de prévoir des critères selon lesquels une société de capital-risque serait dispensée de l’obligation édictée par l’article, afin de tenir compte de la spécialisation thématique de certaines sociétés de capital-risque ;

– substitution, afin de permettre plus de souplesse, de la mention d’un décret simple à celle d’un décret en Conseil d’État.

L’amendement n° 360, adopté avec l’avis favorable de la commission des finances, a pour objet de repousser au 1er janvier 2024 l’entrée en vigueur de l’article. À défaut, il serait entré en vigueur à la date de la promulgation de la loi, ce qui ne permettrait pas aux acteurs de s’organiser.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur Damien Adam (CS1394, CS1395 et CS1396).

 

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Article 18
Soutien au développement
des fonds européens d’investissement de long terme (Eltif 2.0)

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 18 vise à soutenir le développement d’un nouveau type de fonds d’investissement, dits Eltif 2.0, permettant de flécher l’épargne vers les PME, les ETI, l’immobilier et les projets d’infrastructure. Le label Eltif 2.0 sera accordé aux fonds fléchés vers certaines petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, les infrastructures et l’immobilier, de nature à favoriser la décarbonation de l’économie.

D’une part, afin d’inciter les fonds communs de placement à risques et les organismes de placement collectif immobilier à une labellisation Eltif 2.0, il prévoit qu’ils puissent, au cours d’une période de deux ans ouverte le 10 janvier 2024, choisir d’être régis par les règles plus souples des fonds professionnels spécialisés.

D’autre part, l’article modifie les conditions d’éligibilité des fonds au plan d’épargne en actions afin de faciliter l’accès des épargnants à ces produits.

I.   le droit en vigueur

Tandis que l’Union européenne s’est dotée d’un label visant à apporter des financements de longue durée à des projets d’infrastructure, des sociétés non cotées ou à des petites et moyennes entreprises (PME) cotées, qui émettent des instruments de capitaux propres ou de dette pour lesquels il n’y a pas d’acheteur aisément identifiable, le droit français reconnaît de multiples formes de fonds d’investissement alternatifs.

A.   un label europÉen de fonds alternatif crÉÉ en 2015 aux RÈgles assouplies À compter du 10 janvier 2024

Seuls les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) peuvent être commercialisés dans toute l’Union européenne aussi bien auprès des investisseurs non professionnels que des investisseurs professionnels. Les autres véhicules d’investissement, qualifiés de fonds d’investissement alternatifs (FIA), ne peuvent être commercialisés hors de leur pays de domiciliation qu’à destination des investisseurs professionnels ce qui fait obstacle à la constitution d’un marché unique de la gestion collective non cotée. Créé par le règlement 2015/760 du 29 avril 2015 ([194]) afin « de lever des capitaux et de les acheminer vers les investissements européens à long terme dans l’économie réelle » ([195]), le label Eltif est de nature à y remédier en donnant un passeport européen, y compris auprès des investisseurs non professionnels, à tout fonds d’investissement alternatif au sens de la directive 2011/61/UE sur les gestions de fonds d’investissement alternatifs ([196]), dite directive AIFM, qui en respecte les conditions ([197]).

Fermés aux rachats ([198]), les Eltif sont soumis à des règles d’investissement spécifiques : ils doivent investir au moins 70 % de leur capital en catégories d’actifs éligibles à l’investissement définies, comportant notamment des instruments de capitaux propres, de quasi-capitaux propres ou les instruments de dette émis par une entreprise éligible ([199]) ou des actifs physiques d’une valeur supérieure à 10 millions d’euros produisant des avantages économiques et sociaux et des propriétés immobilières à usage commercial ou résidentiel qui contribuent à une croissance intelligente, durable et inclusive ou aux politiques énergétique, régionale et de cohésion de l’Union européenne. Lorsque le portefeuille d’instruments financiers d’un investisseur de détail potentiel ne dépasse pas 500 000 euros, le gestionnaire doit s’assurer que ce dernier n’investit pas un montant total supérieur à 10 % de son portefeuille d’instruments financiers dans des Eltif et que le montant minimum initial investi dans un ou plusieurs Eltif est de 10 000 euros.

Avec un encours sous gestion limité à 2,4 milliards d’euros à la fin de l’année 2021 ([200]), le label Eltif n’a pas rencontré le succès espéré, ce qui a motivé une révision des conditions de labellisation. Assouplissant les règles en vigueur afin de renforcer l’attractivité des Eltif, le règlement modificatif 2023/606 du 15 mars 2023 ([201]) entrera en application le 10 janvier 2024.

Il permet notamment aux investisseurs de détail, soit les investisseurs non professionnels, d’investir sans ticket minimum de 10 000 euros et lève l’interdiction qui pesait sur eux d’investir dans des Eltif plus de 10 % d’un portefeuille d’investissement dont le montant serait inférieur à 500 000 euros. Par ailleurs, le seuil d’investissement en actifs éligibles est abaissé de 15 points, passant de 70 % à 55 %, tandis qu’est levée l’interdiction d’emprunter des liquidités et que le seuil de capitalisation boursière au-delà duquel une entreprise ne peut être éligible est relevé de 1 milliard d’euros, passant de 500 millions à 1,5 milliard d’euros.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, « Eltif 2.0 peut devenir un outil important pour financer les besoins de long terme de l’économie européenne et en particulier la transition de notre tissu productif vers la neutralité carbone » ([202]) . Une massification de ces fonds est attendue de l’assouplissement des règles, sans renoncer à un fléchage ambitieux vers les besoins de long terme de l’économie réelle. Ainsi contribueront-ils au financement de la décarbonation de l’économie : « En orientant l’épargne vers les PME, les ETI et les projets immobiliers et d’infrastructures, Eltif 2.0 accroîtra les financements à destination d’acteurs clés de la transition qui se caractérisent par des contraintes de financement particulières. Les fonds Eltif 2.0 seront en effet orientés vers un ensemble précis d’émetteurs, les plus petites entreprises et les actifs réels, dont les contraintes de financement obèrent la décarbonation. En fléchant une part plus importante de l’épargne vers ces acteurs, les fonds Eltif contribueront à lever l’un des obstacles à la décarbonation complète du tissu productif français. » ([203]). Sur le plan macroéconomique, « une multiplication par près de dix de la taille du marché des Eltif est attendue à horizon cinq ans, avec un volume total d’encours passant de 11,8 milliards d’euros fin 2022 à plus de 100 milliards d’euros en 2027 au niveau européen » ([204]) , dont « une part importante (mais non chiffrable en l’état des données disponibles) devrait venir financer les PME et ETI françaises » ([205]). : « Si l’on fait l’hypothèse d’un encours de 100 milliards d’euros en 2027 et que la France maintient sa part dans le marché des Eltif destinés aux épargnants particuliers (23 %), Eltif 2.0 pourrait contribuer à l’accès des particuliers aux actifs non cotés à hauteur d’une vingtaine de milliards d’euros » ([206]).

B.   une grande variÉtÉ de fonds d’investissement alternatifs en droit français

En droit français, les fonds d’investissement alternatifs sont régis par la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier. Figurent notamment parmi eux les fonds communs de placement à risque (FCPR), les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) et les fonds professionnels spécialisés (FPS). Les deux premiers se distinguent des autres fonds ouverts à des investisseurs non professionnels en ce qu’ils peuvent être ouverts aux souscriptions et aux rachats pendant plusieurs années et éventuellement sur demande des investisseurs. L’étude d’impact du projet de loi relève non seulement qu’ils sont susceptibles d’apparaître rapidement comme « moins attractifs que les Eltif 2.0 qui seront prochainement créés » mais que « cette situation pourrait alimenter une décollecte nette sur ces fonds, au détriment de leurs porteurs actuels » ([207]), par exemple dans des situations de vente forcée des actifs. Ce serait d’autant plus problématique que les encours de ces deux types de fonds ne sont pas négligeables. Au 31 décembre 2022, l’encours total des FCPR ouverts (evergreen) – ouverts aux souscriptions et aux rachats – était de 1,89 milliard d’euros, réparti entre 17 fonds, tandis que l’encours total des OPCI était de 20,19 milliards d’euros, répartis entre 24 fonds.

1.   Les fonds communs de placement à risques

Parmi les fonds ouverts à des investisseurs non professionnels, les FCPR sont une catégorie des fonds de capital investissement. Ils sont régis par les dispositions du sous-paragraphe 2 du paragraphe 2 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du code monétaire et financier.

Aux termes du I de l’article L. 214-28 de celui-ci, l’actif d’un FCPR doit être constitué au moins pour moitié de titres de sociétés non cotées.

Aux termes du VI du même article, les porteurs de parts ne peuvent demander le rachat de celles-ci avant l’expiration d’une période pouvant durer jusqu’à dix ans – après quoi ils peuvent exiger la liquidation du fonds si leurs demandes de remboursement n’ont pas été satisfaites dans le délai d’un an. Il est précisé par ailleurs que le règlement d’un FCPR peut prévoir une ou plusieurs périodes de souscription à durée déterminée.

Sur le plan fiscal, le porteur de part bénéficie, en application de l’article 163 quinquies B du code général des impôts, d’une exonération d’impôt sur le revenu des sommes ou valeurs distribuées et des gains de cession ou d’opérations assimilées se rapportant à ces parts, à condition :

– qu’il s’engage à conserver les parts souscrites pendant cinq ans et à réinvestir dans le fonds les sommes distribuées par ce dernier au cours de cette période ;

– qu’il ne détienne pas – ni n’ait détenu au cours des cinq années précédant la souscription des parts ou de l’apport de titres –, seul ou avec son conjoint et leurs ascendants et descendants directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent à l’actif du fonds.

2.   Les organismes de placement collectif immobilier

Parmi les fonds ouverts à des investisseurs non professionnels, les OPCI sont régis par les dispositions du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du code monétaire et financier.

Aux termes de l’article 214-33 dudit code, ils prennent la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable ou de fonds de placement immobilier. L’article 214-34 dispose qu’ils « ont pour objet l’investissement dans des immeubles destinés à la location ou qu’ils font construire exclusivement en vue de leur location, qu’ils détiennent directement ou indirectement, […] et accessoirement la gestion d’instruments financiers et de dépôts ».

Aux termes de l’article 214-36, leur actif est constitué :

– des immeubles construits ou acquis, en vue de la location, ainsi que des meubles meublants, biens d’équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires au fonctionnement, à l’usage ou à l’exploitation de ces derniers ;

– des parts de sociétés de personnes non cotées dont l’actif est principalement constitué d’immeubles acquis ou construits en vue de la location, ainsi que des meubles meublants, biens d’équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires au fonctionnement, à l’usage ou à l’exploitation de ces derniers.

Aux termes de l’article L. 214-48, « le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions d’émission, de souscription, de cession et de rachat des parts ou des actions émises par des organismes de placement collectif immobilier », tandis que les articles L. 214-49 et L. 214-50 prévoient respectivement qu’ils souscrivent un contrat d’assurance garantissant leur responsabilité civile du fait des immeubles détenus et que leurs comptes soient certifiés par un commissaire aux comptes.

Sur le plan fiscal, les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable sont, en application de l’article 208 du code général des impôts, exonérées sous certaines conditions d’impôt sur les sociétés, tandis que les porteurs de part sont, en application de l’article 239 nonies du même code, soumis au prélèvement forfaitaire unique sur les revenus et les gains distribués par le fonds, à moins que le contribuable n’opte pour l’intégration au barème de l’impôt sur le revenu.

3.   Les fonds professionnels spécialisés

Forme de fonds ouverts à des investisseurs professionnels, les FPS sont régis par les dispositions du sous-paragraphe 1 du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II.

Aux termes de l’article L. 214-154 du code monétaire et financier, les FPS, prenant la forme d’une SICAV ([208]), d’un fonds commun de placement ([209]) ou d’une société en commandite simple ([210]), peuvent investir dans des biens, accorder des prêts aux entreprises non financières et consentir des avances en compte courant aux sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation.

L’article L. 214-155 du code monétaire et financier réserve la souscription et l’acquisition de parts de FPS aux investisseurs professionnels ainsi qu’aux investisseurs dirigeants, salariés ou personnes physiques agissant pour le compte de la société de gestion du fonds ainsi que de la société de gestion elle-même.

À court terme, relève l’étude d’impact du projet de loi, les FPS fourniront, avec les organismes de financement spécialisés (OFS), « des véhicules suffisamment souples et attractifs pour le développement des nouveaux Eltif 2.0 » ([211]). Le principal attrait de ces véhicules procède de la simplicité des règles de composition de l’actif :

– le champ des actifs éligibles est très large, seules quatre conditions tenant à la propriété et la valorisation du bien devant être respectées – un FPS peut ainsi acquérir presque tous les types d’actifs couverts par Eltif 2.0 ;

– aucun ratio de diversification ou d’emprise n’est imposé, ce qui permet au FPS de se conformer directement aux ratios fixés par Eltif 2.0 ;

En outre, la forme de société en commandite que peut prendre le FPS se caractérise par de nombreuses similarités avec le limited partnership de droit anglo-saxon, particulièrement prisé des investisseurs internationaux, qui offre une grande flexibilité de gestion.

L’encours des FPS s’élevait à la fin de l’année 2021 à 219,8 milliards d’euros.

C.   le plan d’Épargne en actions, une enveloppe attractive modÉrÉment ouverte au non cotÉ

Le plan d’épargne en actions (PEA) bénéficie d’une fiscalité attractive. Il est à ce titre un produit d’épargne prisé par l’épargnant désireux de se constituer un portefeuille d’actions européennes.

En application de l’article 157 du code général des impôts, les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre d’un plan d’épargne en actions si aucun retrait n’intervient pendant cinq ans, exonération plafonnée à 10 % du montant de ces placements s’il s’agit de titres non cotés. Les prélèvements sociaux s’appliquent toutefois.

Aux termes de l’article L. 221-31 du code monétaire et financier sont éligibles au PEA :

– les actions cotées ou, sous certaines conditions, les actions non cotées, les certificats d’investissement, les certificats coopératifs d’investissement, les certificats mutualistes, les parts de sociétés à responsabilité limitée (SARL), les titres de capital de sociétés coopératives, les sociétés émettrices devant avoir leur siège dans l’Union européenne ou dans un État de l’Espace économique européen ;

– les parts de placements collectifs investis à au moins 75 % en actions et titres de sociétés ayant leur siège dans l’Union européenne ou un État de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et dont l’actif est investi à plus de 75 % en titres éligibles, ce qui permet l’investissement en fonds Eltif, la condition de souscription minimale de 10 000 euros restant valable.

II.   Le dispositif proposé

L’article 18 du texte initial comporte deux volets distincts, que le Sénat a modifiés par l’ajout de certaines précisions.

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   Des dispositions incitant FCPR et OPCI à devenir des fonds labellisés Eltif 2.0

Le I offre aux FCPR la possibilité de choisir d’être régis par les dispositions applicables aux FPS. Pour exercer cette option, il conviendra toutefois qu’ils respectent les conditions cumulatives suivantes :

– avoir été agréés au sens du règlement 2015/760 du 29 avril 2015 précité et pouvoir être commercialisés auprès d’investisseurs non professionnels ;

– avoir été constitués avant le 1er janvier 2024 ;

– avoir pour objet principal l’investissement dans des instruments de dette, de capitaux propres ou de quasi-capitaux propres d’entreprises éligibles au sens de l’article 11 du règlement du 29 avril 2015 précité.

– avoir notifié leur choix d’être régis par ces dispositions à l’Autorité des marchés financiers et en avoir informé individuellement les investisseurs selon des modalités précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Il prévoit en outre une neutralité fiscale de l’exercice de l’option pour le porteur de part dès lors que le fonds continue de respecter les autres conditions fixées à l’article 163 quinquies B du code général des impôts.

Le II offre la même possibilité aux OPCI qui remplissent les conditions suivantes :

– avoir été agréés au sens du règlement 2015/760 du 29 avril 2015 précité et pouvoir être commercialisés auprès d’investisseurs non professionnels ;

– avoir été constitués avant le 1er janvier 2024 ;

– avoir leur actif composé majoritairement d’actifs immobiliers ;

– avoir notifié leur choix d’être régis par les dispositions applicables aux FPS à l’Autorité des marchés financiers et en avoir informé individuellement les investisseurs selon des modalités précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable ayant exercé l’option bénéficieront de l’exonération prévue au 3° nonies de l’article 208 du code général des impôts sous réserve de remplir les conditions posées par l’article L. 214-69 du code monétaire et financier.

Les porteurs de parts de fonds ayant exercé l’option continueront de bénéficier des dispositions de l’article 239 nonies du même code, soumis au prélèvement forfaitaire unique sur les revenus et les gains distribués par le fonds, sous réserve de respecter les conditions fixées à l’article L. 214-81 du code monétaire et financier pour la distribution du résultat et des plus-values réalisées par le fonds.

Le III précise le caractère temporaire, tant pour les FCPR que pour les OPCI, de la possibilité de faire le choix d’être régis par les dispositions applicables aux FPS : cette option ne pourra être exercée que dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de l’article. Celle-ci est fixée par le V au 10 janvier 2024, soit la date d’entrée en application du règlement modificatif 2023/606 précité.

2.   Une extension de la liste des titres éligibles au plan d’épargne en actions

Le IV de l’article étend la liste des formes de fonds éligibles au PEA par une modification de l’article L. 221-31 du code monétaire et financier. En cohérence avec la rédaction actuelle, il procède à une double modification des dispositions précisant quels types de part d’organismes de placement collectif peuvent être souscrits dans le cadre d’un PEA :

– au a) du 2° du I dudit article L. 221-31, il substitue à la référence aux « actions de sociétés d’investissement à capital variable » dont les actifs sont investis à plus de 75 % en actions, certificats d’investissement de sociétés, certificats coopératifs d’investissement, certificats mutualistes, certificats paritaires, parts de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés dotées d’un statut équivalent et titres de sociétés coopératives une référence plus large aux « titres financiers émis par des sociétés d’investissement à capital variable, des sociétés de libre partenariat ou des sociétés de financement spécialisé » respectant la même exigence de composition de l’actif, ce qui revient à ouvrir l’accès aux Eltif structurés via une SLP ;

– au b) du même 2°, il substitue à la référence aux « parts de fonds communs de placement » respectant l’exigence de composition de l’actif précédemment évoquée une référence plus large aux « titres financiers émis par des fonds communs de placement ou des fonds de financement spécialisé », ce qui revient à ouvrir l’accès aux Eltif structurés via un FPS, l’exigence relative à la composition de l’actif demeurant valable.

B.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

1.   L’examen en commission

La commission a adopté trois amendements COM-374, COM-375 et COM-376 de la rapporteure pour avis Christine Lavarde.

Les amendements COM-374 et COM-375 ont pour objet, le premier, de préciser et, le second, de corriger des références légistiques.

L’amendement COM-376 procède à une triple modification :

– il apporte des clarifications techniques visant à sécuriser l’éligibilité des fonds de capital-investissement et des Eltif au PEA ;

– par une modification de l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier, il étend ces clarifications pour sécuriser l’éligibilité des mêmes fonds au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, évidemment sous réserve des conditions propres à ce produit d’épargne qui tiennent aux sociétés dans lesquelles sont investis les fonds ;

– il vise à laisser aux fonds communs de placement à risques, aux sociétés de libre partenariat, aux sociétés de financement spécialisé et de fonds de financement spécialisé éligibles au PEA jusqu’à leur troisième exercice pour se conformer à l’obligation de disposer d’un actif constitué à 75 % d’actions et de titres de sociétés ayant leur siège dans un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

2.   L’examen en séance

Le Sénat a adopté un amendement n° 405 de la rapporteure pour avis Christine Lavarde, dont l’objet était de corriger une erreur matérielle.

III.   Les travaux de la commission spéciale

Outre douze amendements rédactionnels de M. Damien Adam (Renaissance), rapporteur thématique, la commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement CS722 de M. Hadrien Ghomi (Renaissance) et trois amendements CS989, CS988 et CS987, tous trois déposés par M. Mathieu Lefèvre (Renaissance), l’amendement CS987 étant toutefois l’objet d’un sous-amendement CS1419 du rapporteur thématique.

L’amendement CS722 vise, par une substitution, à l’alinéa 20 du texte examiné, du mot « actifs » au mot « instruments », à expliciter le fait que sont prises en compte, pour apprécier le respect par les fonds communs de placements à risques de leur quota d’investissement, les avances en compte courant.

L’amendement CS989 a pour objet d’expliciter le fait que les investissements des fonds communs de placement à risques choisissant d’exercer l’option prévue par le texte peuvent être directs ou indirects.

L’amendement CS988, visant à rapprocher la date à laquelle le FCPR doit être investi à hauteur de 75 % de la fin de la période d’investissement généralement prévue pour ces fonds, a pour objet de repousser à la fin du quatrième exercice du fonds – et non à celle du troisième – l’expiration du délai fixé pour l’atteinte du quota d’investissement.

Sous-amendé à l’initiative du rapporteur thématique pour corriger une erreur de référence, l’amendement CS987 a pour objet, d’une part, d’aligner les conditions d’éligibilité des fonds professionnels de capital investissement et celles applicables aux fonds communs de placement à risques – les fonds professionnels de capital investissement ayant les mêmes contraintes de montée en charge que les fonds de capital investissement ouverts aux investisseurs non professionnels, il est légitime qu'ils bénéficient du même traitement – et, d’autre part, de rendre applicables au PEA-PME les conditions assouplies proposées pour le PEA.

Article 19
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance
afin de soutenir et accompagner le développement des fonds européens d’investissement de long terme

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 19 du projet de loi a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures d’adaptation des dispositions relatives aux placements collectifs pour faciliter l’obtention par ces derniers du label Eltif et des règles relatives à la composition et à la constitution des fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs non professionnels pour assurer leur complémentarité avec les fonds Eltif.

I.   le droit en vigueur

Si la question de l’adaptation du droit français au label dit « Eltif 2.0 » se pose, plusieurs pistes d’amélioration sont déjà identifiées, qui nécessitent encore une instruction et des consultations.

A.   la nécessité d’une modernisation de notre droit à l’heure du label Eltif 2.0

Le règlement (UE) 2023/606 ([212]) du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 procède à un assouplissement des exigences auxquelles sont soumis les fonds européens d’investissement à long terme, dits « Eltif » (European Long-Term Investment Funds), fixées par le règlement (UE) 2015/760 du 29 avril 2015 ([213]). Visant à mobiliser des financements à long terme en faveur de la croissance durable et de la compétitivité, à mobiliser une épargne paneuropéenne et à offrir une source de rendement aux investisseurs de détail, les Eltif n’ont pas atteint leurs objectifs, ce qui a justifié que la Commission propose une modification du règlement 2015/760 précité ([214]), adoptée le 15 février dernier par le Parlement européen.

Le règlement modificatif (UE) 2023/606 entrera en vigueur le 10 janvier 2024. Les principaux assouplissements des conditions régissant le label Eltif sont :

– l’abaissement de 15 points du ratio minimal d’actifs éligibles, qui passe de 70 % à 55 % ;

– le rehaussement du ratio de diversification de 10 % à 20 % par actif ;

– la suppression de l’exigence selon laquelle la valeur des actifs physiques doit être d’au moins 10 millions d’euros ;

– l’extension du champ des actifs éligibles, pour y inclure les parts de fonds d’investissement alternatifs (FIA) et d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ayant investi dans des actifs éligibles, les obligations émises conformément au futur règlement sur les obligations vertes européennes et certaines titrisations simples, transparentes et standardisées ;

– l’inclusion dans les entreprises éligibles des entreprises financières de moins de cinq ans ;

– le relèvement du seuil de capitalisation des sociétés cotées éligibles, qui passera de 500 millions d’euros à 1,5 milliard d’euros ;

– la suppression du ticket d’entrée de 10 000 euros pour les investisseurs de détail au patrimoine financier inférieur à 500 000 euros ainsi que du plafond de 10 % du patrimoine investi dans des Eltif ;

– une simplification des règles de commercialisation ;

– certaines possibilités de sortie, sous conditions.

Comme le relève l’étude d’impact du projet de loi, « en l’état actuel du droit national, la gamme de fonds français n’est pas suffisamment compétitive pour favoriser la domiciliation d’Eltif 2.0 en France » ([215]).  Il convient à cet égard de noter l’avance prise par le Luxembourg, déjà première place de domiciliation d’organismes de placement collectifs en valeurs mobilières et des Eltif 1.0, avec 44 FIA labellisés, soit 57 % de l’ensemble. Le gouvernement du Luxembourg a proposé récemment un ensemble de réformes pour accroître encore la compétitivité des fonds d’investissement alternatifs de droit luxembourgeois :

– un assouplissement des règles de fonctionnement des FIA ouverts aux investisseurs de détail pour leur permettre d’exploiter plus librement les possibilités ouvertes par le label Eltif 2.0 ;

– un allègement des conditions d’accès aux produits non ouverts aux investisseurs de détail, le montant minimum de souscription étant notamment abaissé de 125 000 euros à 100 000 euros ;

– un allongement du délai laissé aux FIA pour atteindre un volume minimum d’investissement, afin de faciliter la structuration et la montée en charge de ces fonds ;

– une exemption de taxe de souscription.

Dès lors, si, en droit français, fonds professionnels spécialisés et organismes de financement spécialisés constituent des véhicules suffisamment souples et attractifs pour structurer les nouveaux Eltif 2.0, les consultations des acteurs ont mis en lumière la nécessité d’accroître encore leur compétitivité. En outre, si le label Eltif 2.0 s’impose comme le produit standard pour l’accès des épargnants particuliers aux classes d’actifs non cotés, il sera également nécessaire de revoir la gamme de fonds nationaux servant le même objectif afin d’assurer sa complémentarité avec le label Eltif.

B.   de nombreuses pistes d’évolution en cours d’instruction

En cohérence avec une volonté d’aligner le droit français sur les meilleurs standards européens de structuration et de gestion de fonds d’investissement, il s’agit de fournir aux gérants des véhicules compétitifs. Plusieurs mesures, en cours d’instruction, sont d’ores et déjà envisagées par la direction générale du Trésor, mais elles nécessitent des consultations et des échanges techniques approfondis.

1.   Des mesures techniques de modernisation des fonds professionnels qui seront le support principal des Eltif 2.0

Organismes de financement spécialisés (OFS) et fonds professionnels spécialisés (FPS) seront les principaux supports des Eltif 2.0. Dans cette perspective, plusieurs mesures législatives de modernisation paraissent devoir être envisagées :

– l’adaptation du périmètre des biens dans lesquels les FPS et OFS peuvent investir, objet de l’article L. 214-154 du code monétaire et financier, le règlement modifié prévoyant en effet une définition large des actifs physiques éligibles ([216]), en comparaison de laquelle certains des quatre critères fixés à l’article L. 214-154 ([217]) du code monétaire et financier pourraient apparaître excessivement contraignants ;

– la possibilité, pour les OFS, d’émettre des parts, actions ou titres de créance supportant un risque de crédit différent, pratique qui n’est pas interdite par le règlement Eltif mais reste impossible en droit national ;

– la constitution de sociétés de libre partenariat (SLP) sans personnalité morale afin de créer un véhicule français capable de concurrencer les limited partnerships existant dans d’autres juridictions ;

– la possibilité d’une émission de titres de créance par les SLP, certains investisseurs institutionnels demandant à structurer leur investissement sous la forme de titres de créance plutôt que de parts, ce qui est possible avec les OFS mais non avec les SLP.

2.   Des mesures de modernisation et de rationalisation de la gamme des fonds ouverts aux investisseurs non-professionnels

Sont envisagées des mesures de modernisation et de rationalisation de la gamme des fonds ouverts aux investisseurs non-professionnels (fonds communs de placement à risques, organismes de placement collectif immobilier, sociétés civiles de placement immobilier) qui pourront fournir des supports pour la labellisation Eltif 2.0 ou, au contraire et selon les pratiques de marchés qui émergeront, apparaître, pour certains produits, redondants avec les fonds professionnels labellisés Eltif 2.0. Ces mesures nécessiteront davantage de recul sur l’évolution du marché, mais plusieurs pistes sont d’ores et déjà à l’étude :

– l’augmentation du seuil de capitalisation des sociétés dont les titres sont éligibles à l’actif des fonds communs de placement à risques (FCPR), actuellement fixé à 150 millions d’euros, pour le porter à 1,5 milliard d’euros lorsque le fonds est labellisé Eltif, en cohérence avec le seuil prévu par le règlement ;

– des modifications des délais, fixés à trois ans par l’article L. 214-43 du code monétaire et financier, d’atteinte des quotas et ratios applicables à l’actif d’un OPCI ;

– la suppression du quota de 5 % de dépôts, instruments financiers liquides et liquidités prévu au 2° de l’article L. 214-37 du même code ;

– le relèvement de la limite d’endettement des OPCI, actuellement fixée à 40 % de la valeur des actifs immobiliers non cotés, à 50 %, niveau fixé par le règlement révisé ;

– la réintroduction de certaines dispositions relatives à l’extension de l’objet social des sociétés civiles de placement immobilier adoptées dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ([218]), dite loi « Pacte », mais déclarées contraires à la Constitution en raison de leur caractère cavalier ;

– l’alignement de la définition nationale des fonds nourriciers avec la définition retenue par le règlement Eltif et la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs ([219]), dite directive « AIFM » ;

– l’ajout des parts d’Eltif parmi les actifs éligibles des fonds communs de placement d’entreprise afin de rendre les fonds Eltif accessibles via l’épargne salariale.

II.   Le dispositif proposé

L’article 19 du projet de loi prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance dont le champ a été précisé et la durée modifiée par les travaux du Sénat.

A.   Le texte initial du projet de loi

Le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, d’une durée de douze mois à compter de la promulgation de la loi, qui l’autoriserait à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant :

– à adapter les dispositions relatives aux placements collectifs et à leurs gestionnaires en vue, d’une part, de renforcer la capacité de ces derniers à proposer et à gérer des fonds d’investissement alternatifs Eltif et, d’autre part, d’assurer la complémentarité entre ces FIA et les catégories de FIA aux investisseurs non-professionnels ;

– étendre à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, ces dispositions, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et prévoir, le cas échéant, les adaptations nécessaires en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il est prévu qu’un projet de loi de ratification soit déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

B.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   L’examen en commission

La commission a adopté l’amendement COM-377 de la rapporteure pour avis Christine Lavarde, visant à réduire à six mois la durée de l’habilitation conférée au Gouvernement.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements nos 406 rectifié et 322.

L’amendement n° 406 rectifié de la rapporteure pour avis Christine Lavarde, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, a pour objet de préciser le champ de l’habilitation conférée :

– en premier lieu, sont précisés les fonds professionnels concernés (les fonds professionnels spécialisés, les fonds professionnels de capital-investissement et les organismes de financement spécialisé) et les règles qui pourront être assouplies pour favoriser leur labellisation en fonds européens d’investissement à long terme ;

– en deuxième lieu, il est précisé que les règles des fonds ouverts aux investisseurs non professionnels pourront être adaptées pour assurer leur complémentarité avec les modifications apportées aux fonds professionnels précités ;

– en dernier lieu, il est explicité que les modifications apportées pourront conduire à prévoir l’éligibilité des Eltif aux fonds communs de placement d’entreprise.

La rapporteure pour avis de la commission des finances du Sénat s’en étant remis à la sagesse de ses collègues, le Sénat a également adopté un amendement n° 322 du Gouvernement tendant à porter le délai d’habilitation à neuf mois. Cette solution de compromis se justifie par le risque que toutes les consultations nécessaires ne soient pas terminées au bout de six mois.

III.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté l’article 19 sans modification.


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   travaux de la COMMISSION SPÉCIALE

Au cours de ses réunions des 4, 5 et 6 juillet 2023, la commission spéciale a examiné le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’industrie verte (n° 1443 rect.) (M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général, et M. Damien Adam, Mme Anne-Laure Babault, Mme Christine Decodts et Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteurs thématiques).

1.   Réunion du mardi 4 juillet 2023 à 21 heures 30

M. le président Bruno Millienne. Mes chers collègues, la commission spéciale commence ce soir et poursuivra demain, jeudi et peut-être vendredi l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte. En votre nom à tous, je salue M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie, qui a présidé la commission des affaires économiques pendant la quinzième législature.

Je souhaite également la bienvenue à notre collègue, M. Charles Sitzenstuhl, membre de la commission des finances, qui a récemment présenté au nom de la commission des affaires européennes un rapport d’information portant observations sur le projet de loi relatif à l’industrie verte.

Le présent projet de loi, sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, a été déposé sur le bureau du Sénat le 16 mai. La commission des affaires économiques s’est saisie du texte au fond ; les commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire, des finances et des lois se sont également saisies de ce texte pour avis. Examiné par le Sénat les 20 et 21 juin, il a été adopté le 22 juin. À l’Assemblée nationale, en application de l’article 31, alinéa 1, de notre règlement, et à la demande du président de la commission des affaires économiques, M. Guillaume Kasbarian, le texte a été renvoyé à notre commission spéciale. Il sera examiné en séance publique à compter du 17 juillet, ce qui vous laissera un temps supplémentaire pour déposer vos amendements.

Ont été nommés rapporteurs M. Guillaume Kasbarian, pour les chapitres Ier et V du titre Ier et rapporteur général pour l’ensemble du texte ; Mme Christine Decodts, pour le chapitre II du titre Ier ; Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, pour les chapitres III et IV du titre Ier ; Mme Anne-Laure Babault, pour le titre II ; et M. Damien Adam, pour le titre III.

J’ai été conduit à déclarer 271 des 1 415 amendements déposés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Par ailleurs, 35 amendements ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, au titre de l’article 40. Il a aussi été considéré qu’un amendement était irrecevable car constitutif d’une injonction au Gouvernement et que cinq amendements ne respectaient pas le périmètre d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance. Compte tenu des amendements retirés ou scindés pour une meilleure lisibilité de nos débats, 1 044 amendements restent en discussion.

Je donnerai d’abord la parole au ministre délégué, puis, pour cinq minutes chacun, à nos rapporteurs ainsi qu’au rapporteur de la commission des affaires européennes. Les représentants des groupes politiques pourront ensuite s’exprimer durant trois minutes, avant que le ministre délégué n’apporte sa réponse. Il en ira de même pour les orateurs individuels, dont le temps de parole sera d’une minute. Compte tenu du nombre d’amendements à examiner, les signataires disposeront d’une minute trente pour défendre leur amendement, puis le rapporteur et le ministre délégué donneront leur avis. Un orateur pour et un contre seront ensuite entendus, à raison d’une minute chacun, sauf si l’importance du sujet justifie des échanges plus longs.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Ce n’est pas sans émotion que je retrouve cette place où j’ai siégé plusieurs années. Je souhaite tout d’abord excuser mon collègue Bruno Le Maire, qui n’a pu être parmi nous compte tenu des circonstances : il travaille en ce moment même avec Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants. La déclaration qu’il m’a chargé de prononcer vise à vous présenter les éléments principaux du projet de loi relatif à l’industrie verte.

Ce texte arrive en commission spéciale après des discussions instructives, constructives et apaisées au Sénat, où il a reçu un très large soutien. Véritable tournant pour notre économie, il poursuit une ambition stratégique, l’accélération de la réindustrialisation de la France grâce à une révolution verte. Il doit mettre définitivement fin à l’ère de désindustrialisation massive, qui a été une faute économique, sociale et écologique, et dont nous sortons à peine. Aucune autre nation occidentale ne s’est autant affaiblie. En France, la part de l’industrie est passée de 22 % à 11% du PIB entre 1973 et 2018, quand elle est restée stable en Allemagne et en Italie. Nous avons perdu 2,5 millions d’emplois industriels – une catastrophe. Si cette part s’est stabilisée depuis 2018, à 11 % environ du PIB, notre projet a vocation à l’accroître. C’est pour mettre fin à ce désastre qu’avec le Président de la République nous avons agi pour ouvrir une nouvelle ère de réindustrialisation nationale et européenne.

Depuis 2017, nous avons, avec vous, baissé les impôts sur les sociétés et les impôts de production, car il n’y a pas d’industrie sans capital. Nous avons misé sur la formation, en faisant de l’apprentissage la voie royale d’accès à l’emploi. Nous avons simplifié l’ouverture de sites industriels, avec la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur général. Nous avons enfin lancé le plan « France 2030 » et relancé la construction de réacteurs nucléaires.

Ces résultats sont sans appel : la France est désormais la nation la plus attractive d’Europe pour les investissements. Depuis 2017, elle a enregistré 300 créations nettes d’usines, dont 200 ces deux dernières années. Elle a également créé près de 100 000 emplois industriels et entamé la construction de nouvelles filières comme celle des batteries électriques.

Nous disposons aussi d’une base européenne. Avec le Président de la République, nous avons mené la révolution idéologique consistant à laisser les États membres apporter des soutiens financiers au développement de leur industrie, sous la forme de subventions ou de crédits d’impôt. Partant de cette base, trois choix politiques sont possibles. Le premier est le statu quo : on continue, comme avant, la croissance pour la croissance, l’ouverture de sites pour l’ouverture de sites, peu importe le climat. Ce choix est une impasse. Il n’est pas durable et synonyme de coûts vertigineux pour les finances publiques, les assureurs et les particuliers, puisqu’il contribue à construire aujourd’hui les sources des catastrophes de demain.

Le deuxième choix est celui de la décroissance, c’est-à-dire l’appauvrissement de nos compatriotes, la relégation du pays, un modèle social que l’on ne financerait plus, avec moins de soins, moins de technologies, moins de transports. C’est faire le choix de vivre moins bien et, probablement, replié sur soi. Surtout, ce choix n’est pas crédible, puisque nos compatriotes n’arrêteront pas d’acheter des voitures ou des vélos, que l’on espère électriques, ni des pompes à chaleur. Au lieu d’acheter des produits fabriqués dans notre territoire, ils importeront les mêmes produits conçus ailleurs, dans des conditions moins respectueuses de l’environnement. Nous serons perdants sur tous les tableaux : ni verts, ni prospères.

La troisième option, celle que nous vous proposons d’adopter, est la croissance verte, une croissance qui s’opère en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Elle est le cœur de ce projet de loi. Il s’agit, j’en suis convaincu, d’une chance, qui nous permettra d’ouvrir des usines, d’innover, de créer plus de richesses tout en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

L’industrie verte n’est pas un oxymore : l’industrie peut, et doit, être verte. Ce sont deux stratégies complémentaires.

La première stratégie vise à favoriser la décarbonation de l’industrie traditionnelle, qui représente environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Nous devons réduire ces émissions – nous nous sommes engagés à les diviser par deux d’ici à 2030 et à atteindre zéro émission nette d’ici à 2050.

La seconde stratégie est de produire massivement des technologies vertes, que l’on surnomme les Big Five – pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque, batteries et hydrogène vert. L’industrie verte n’est pas une contradiction : elle est une évidence, car c’est grâce à l’industrie que la France deviendra la première nation décarbonée en Europe.

Pour y parvenir, nous procéderons par étapes, après nous être interrogés sur ce dont nous avons besoin pour produire et faire tourner des usines vertes. Ce texte court, incisif, propose des instruments qui changeront la donne.

Premier élément : nos industriels ont besoin de foncier industriel, qui est rare en France. Nous prendrons donc, avec vous, deux mesures radicales : d’abord, grâce à la Banque des territoires, qui s’engage à y consacrer 1 milliard d’euros d’ici à 2027, nous mettrons à disposition de l’industrie cinquante sites intégralement dépollués représentant 2 000 hectares. La seconde mesure, qui vise à simplifier l’accès au foncier, est importante, originale et, d’une certaine manière, révolutionnaire. Elle consiste à rehausser la créance environnementale au rang des créances privilégiées. Le but est de récupérer 25 % des sommes nécessaires pour dépolluer les friches.

Le deuxième élément essentiel que les industriels mentionnent lorsqu’il s’agit de s’installer ou d’élargir leurs installations en France est la simplification et l’accélération des procédures.

Pour cela, nous diviserons par deux les délais d’ouverture ou d’agrandissement d’une usine en France, de dix-sept à neuf mois. Nous passerons d’une procédure dite « successive », où les étapes s’enchaînent, souvent avec des délais entre chacune d’entre elles, à une procédure « parallèle ». Le changement, radicalement efficace et nouveau, n’affectera ni les exigences environnementales ni la consultation publique, dont nous accroissons la durée – elle passera d’un à trois mois.

Une procédure d’exception sera lancée pour quelques projets d’intérêt national majeur, identifiés par décret : l’État prendra la main, de manière à accélérer les procédures de raccordement électrique, de permis de construire ou de modification du plan local d’urbanisme (PLU). La procédure est nécessaire pour attirer en France les plus grands investisseurs. Tout en conservant cette ambition, nous soutenons une meilleure prise en compte de l’avis des élus, en particulier des maires et des responsables d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) : on ne construit pas une usine contre un territoire ni contre ses représentants.

Troisième élément essentiel : nous avons besoin de construire une industrie plus économe en ressources. Notre projet de loi vise donc à développer l’usage de matières premières recyclées dans l’industrie, en facilitant la sortie du statut de déchet. Il sécurise le cadre légal de cette sortie dite « implicite », dans les cas où le déchet vient remplacer une matière première vierge, sans modification du produit final. Il ouvre ainsi la possibilité de recycler sans procédure particulière les résidus de production au sein des plateformes industrielles si ces résidus ne présentent pas d’incidence globale nocive pour l’environnement et la santé humaine. Cela va sans dire, mais cela va naturellement mieux en le disant. Ces dispositions favoriseront les pratiques d’écologie industrielle et territoriale au sein de ces plateformes.

Le texte instaure, par ailleurs, des amendes administratives contre le transfert illicite de déchets en dehors du territoire national, ce qui permettra d’éviter des dépôts sauvages dans des pays où les contrôles sont parfois insuffisants et d’apporter une valorisation et un traitement favorisé des déchets sur notre territoire.

Quatrième élément : dans une période contrainte sur le plan budgétaire, nous voulons mieux mobiliser l’épargne privée. C’est pourquoi nous créons un plan d’épargne avenir climat. Il sera disponible pour tous les mineurs, bloqué jusqu’à leur majorité, avec un taux de rémunération qui devra être à terme supérieur à celui du livret A et un régime fiscal incitatif, sans impôt ni cotisation. Nous attendons de ce nouveau produit 1 milliard d’euros de collecte, c’est-à-dire 1 milliard d’euros de financement pour l’industrie verte et, pourquoi pas, davantage. Grâce à ce produit d’épargne, les jeunes, sans doute avec l’argent de leurs parents ou grands-parents, contribueront au développement de l’industrie verte et développeront ainsi leur connaissance des produits d’épargne financière. Nous souhaitons aussi que le plan d’épargne retraite instauré par la loi « Pacte » et, plus généralement, l’assurance-vie aient au moins une unité de compte consacrée aux investissements verts. Au total, ce sont 5 milliards d’euros d’épargne privée supplémentaire que nous envisageons de rassembler pour financer l’industrie verte.

Enfin, comme vous en discuterez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, nous serons le premier pays d’Europe à instaurer un crédit d’impôt pour la production industrielle verte. L’intégralité de ce crédit d’impôt sera financée par la réduction de niches fiscales sur les énergies fossiles, conformément à notre stratégie de bascule d’une fiscalité « brune » vers une fiscalité « verte ».

Cinquième élément : la protection. Une fois que les usines vertes sont lancées, il est indispensable de protéger leur production. Nous créerons par décret un nouveau label « Excellence environnementale européenne », dit « triple E », qui valorisera les entreprises les plus vertueuses, avec notamment un accès privilégié à la commande publique, laquelle représente près de 150 milliards d’euros par an. Nous voulons transformer en profondeur la culture des acheteurs publics : vous le savez, ils éprouvent souvent un sentiment d’insécurité lorsqu’ils cherchent à réaliser des achats de qualité sur le plan environnemental, près de chez eux. C’est l’objet des mesures du projet de loi en faveur d’une commande publique plus responsable, qui favorise les entreprises plus vertueuses.

Nous modifierons en outre les critères du bonus électrique, pour exclure les véhicules électriques à faible performance environnementale, souvent venus d’Asie. Le bonus automobile que vous avez voté représente 1,2 milliard d’euros de subventions à l’achat de véhicules propres. Or un tiers de cette somme part au bout du monde pour financer la production de véhicules en Asie. Il est indispensable que nous puissions favoriser les productions européennes, comme le font les États-Unis ou la Chine.

Même si ce pilier de la réindustrialisation, dont les industriels de vos circonscriptions doivent vous entretenir fréquemment, ne figure pas de manière explicite dans le texte, nous voulons renforcer la formation et la qualification. Depuis 2017, le Président de la République, les gouvernements et la majorité sont pleinement mobilisés en matière de formation et d’égalité entre les hommes et les femmes. Nous défendrons plusieurs mesures sur ce sujet dans les mois qui viennent, au-delà de la réforme des lycées professionnels et de la poursuite de l’aide à l’apprentissage. Nous appliquerons l’augmentation de 22 % des places dans les écoles des mines et des télécommunications à l’horizon de 2027 ; la création de 100 écoles de production, qui permettent d’attirer des jeunes vers les métiers de l’industrie. Elles sont autant d’exemples à suivre.

Nous souhaitons agir avec l’appui des parlementaires. Ce projet de loi de loi est une méthode : il a été préparé avec un certain nombre d’entre vous, élus locaux, chefs d’entreprise, qui ont réalisé près de 300 consultations. Par ailleurs, avec mon collègue Bruno Le Maire, nous avons échangé avec la totalité des groupes parlementaires en amont, pour améliorer le texte. Nous sommes prêts à continuer à le faire dans le cadre de cet examen.

Je remercie les membres de la commission spéciale qui sont présents depuis le début de la rédaction de ce projet de loi, en particulier M. Bruno Millienne, son président, M. Guillaume Kasbarian, son rapporteur général et les rapporteurs Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback et M. Damien Adam ainsi que Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Mathieu Lefèvre, pilotes de la consultation, et tous ceux qui nous rejoignent aujourd’hui et dans les jours qui viennent, au service de notre économie et de l’écologie.

Le mois dernier, le Sénat a enrichi le texte. Je pense notamment aux modalités précises du plan d’épargne avenir climat. À l’Assemblée, deux débats importants sont en cours. Le premier concerne le fameux « zéro artificialisation nette » (ZAN). La proposition de loi, adoptée à l’unanimité par les deux chambres du Parlement, sera examinée en commission mixte paritaire dès le 6 juillet. Je ne doute pas qu’un accord sera trouvé et que nos débats sur le sujet s’en trouveront limités.

Concernant l’article 9 du projet de loi, qui porte sur l’association des élus locaux à l’implantation d’un projet d’intérêt national majeur, le Sénat a fait part au Gouvernement de sa volonté de mieux associer les élus locaux. Nous partageons cette ambition. Un amendement, qu’appuie l’Association des maires de France, a été déposé, notamment par le rapporteur général : le Gouvernement le soutiendra.

Le projet de loi présente un enjeu d’union nationale : je ne doute pas que nous dégagerons un consensus ; du moins nous ferons tout pour l’atteindre. Les postures n’ont pas leur place lorsqu’il s’agit de renforcer notre souveraineté, de réduire les émissions, à hauteur de plus de 40 millions de tonnes de gaz à effet de serre d’ici à 2030, de moderniser notre industrie, de créer des dizaines de milliers d’emplois, bien rémunérés, avec des effets qui vont au-delà, dans tous les territoires. Chaque emploi industriel crée deux ou trois emplois indirects supplémentaires : quand une usine s’implante quelque part, tout le territoire revit. Ce sont des écoles, des sous-traitants, des commerces, des services publics et, avec eux, du lien social. Le Mirail à Toulouse, Valenciennes, Montbéliard, Flins, Aulnay-sous-Bois, des pans entiers de nos villes se sont construits par et pour l’industrie.

Ces derniers jours, où les incidents n’ont pas épargné les villes, petites et moyennes, nous avons vu combien nous avons besoin de retrouver cette fierté, cette cohésion, ce sens de la contribution au bien commun. Je suis certain que l’industrialisation verte peut y apporter sa contribution. L’industrie doit et va jouer son rôle pour donner des perspectives à notre jeunesse, de l’emploi et de l’espoir. Produire en France est une évidence économique, sociale et écologique. Nous en ferons bientôt, ensemble, une option concrète, attractive, immédiate, c’est-à-dire incontournable.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte. Après avoir œuvré à accélérer la production d’énergie décarbonée par deux projets de loi, nous entamons une troisième étape cruciale pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et accélérer la décarbonation de notre industrie. Cet objectif est un immense défi et une formidable opportunité économique et stratégique pour accélérer le processus de réindustrialisation dans lequel la France est engagée depuis 2017.

Je crois profondément que l’industrie permet de réconcilier économie et écologie. Vous le dites souvent, monsieur le ministre délégué, l’industrie représente 20 % de nos émissions mais 100 % des solutions. Aux partisans de la décroissance, à ceux qui considèrent qu’il faudrait moins de production, donc moins d’usines et moins d’emplois industriels dans notre pays, je réponds que c’est au contraire par l’innovation, par l’investissement, par la production dans notre pays que nous parviendrons à répondre à l’urgence climatique. Le modèle français ne doit pas consister à importer tout ce que nous consommons, en faisant fonctionner des usines à des milliers de kilomètres avec de l’énergie carbonée. Notre modèle doit être celui de la décarbonation, de l’indépendance et de la fierté industrielle.

Le travail que nous menons aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des réformes d’attractivité et de compétitivité menées par le Président de la République et la majorité en faveur de la réindustrialisation du pays. Après des décennies de désindustrialisation, nous commençons à voir les premiers résultats de cette politique. Depuis 2017, notre pays a créé plus de 90 000 emplois industriels, et ouvert plus d’usines que déploré de fermetures. La France est désormais le pays le plus attractif d’Europe en matière d’investissements étrangers. Nous devrions tous nous en réjouir.

Face à la concurrence mondiale, nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin : il nous faut accélérer. C’est le sens du projet de loi relatif à l’industrie verte, qui vise trois objectifs : accélérer l’implantation et le développement de sites industriels ; favoriser les entreprises vertueuses dans la commande publique ; et financer la décarbonation de l’industrie.

Avant d’en venir au fond du texte, je souhaite rappeler la méthode qui a présidé à son élaboration. Dès janvier 2023, les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure ont lancé des concertations. Avec cinq binômes de coordinateurs, dont certains sont présents ce soir, nous avons mené plus de 300 auditions et analysé plus de 150 contributions écrites. Parlementaires, élus locaux, dirigeants d’entreprises et représentants de la société civile ont contribué à faire émerger vingt-neuf propositions, dont certaines ont été reprises dans le texte. Je tiens à rassurer les députés qui regrettent l’absence de mesures relatives à la fiscalité ou à la formation : ces questions ne sont nullement laissées de côté, mais elles seront abordées dans le cadre de dispositions législatives ou réglementaires à venir.

J’en profite pour remercier chaleureusement Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Bolo et les représentants des dix groupes de l’Assemblée nationale qui ont participé aux travaux du groupe de suivi relatif à la préparation du projet de loi, ainsi que chacun des rapporteurs de la commission spéciale et son président, pour l’excellent travail qu’ils ont mené ces derniers jours, dans des délais contraints. Nous pouvons nous réjouir d’avoir fait atterrir ce texte dans les meilleures conditions.

J’en viens aux deux chapitres que je rapporte, à savoir le chapitre Ier sur la planification industrielle et le chapitre V qui doit permettre de faciliter et d’accélérer l’implantation de l’industrie verte. Je laisserai le soin aux rapporteurs d’entrer dans le détail des autres dispositions du texte.

L’article 1er introduit des objectifs de développement industriel dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Cela permettra d’identifier plus facilement les zones propices à l’implantation de nouvelles industries, à une maille territoriale suffisamment importante, et favorisera la mise en œuvre de grands projets industriels.

Le chapitre V concerne les procédures applicables à ces projets industriels, qu’il propose d’optimiser pour les plus importants.

L’article 8 élargit ainsi aux implantations industrielles vertes reconnues d’intérêt général la procédure de déclaration de projet, qui permet à l’État d’adapter directement les documents de planification territoriale compliquant leur réalisation.

L’article 9 s’attache à accélérer plusieurs étapes du traitement administratif des projets reconnus d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale. L’État pourra, en particulier, mettre en compatibilité les documents de planification et d’urbanisme et délivrer les autorisations d’urbanisme nécessaires. Je défendrai des amendements visant à revenir sur des ajouts ou des suppressions du Sénat qui contreviennent à notre objectif d’accélération. Mais j’entends l’inquiétude des élus locaux : je serai donc favorable à l’introduction d’un droit, pour les maires, de refuser une implantation industrielle sur leur territoire, à condition qu’il en soit fait usage avant l’engagement de toute procédure.

L’article 10 permet de reconnaître la raison impérative d’intérêt public majeur des projets industriels faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP).

L’article 11 encourage les regroupements de surfaces commerciales au sein d’une grande opération d’urbanisme. Cela libérera du foncier déjà artificialisé, qui pourra être mobilisé pour de nouvelles implantations.

En revanche, je soutiendrai un amendement de suppression de l’article 9 bis, qui propose une comptabilisation de l’artificialisation des sols très différente de celle que nous venons d’adopter dans la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires. Nous avons voté ce texte à une très large majorité et nous espérons tous que la commission mixte paritaire convoquée jeudi matin sera conclusive.

Je suis convaincu que nous pouvons rassembler autour de ce projet de loi l’ensemble des Français, au-delà des clivages politiques traditionnels, et que nous arriverons ensemble à faire de notre pays une grande nation industrielle décarbonée.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour le chapitre II du titre Ier. Le chapitre II du titre Ier vise à réduire les délais de procédure tout en renforçant la participation du public.

En janvier 2022, M. Laurent Guillot remettait au Gouvernement un rapport intitulé « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France ». Ce rapport met en évidence le retard de la France, par rapport à ses voisins européens, en ce qui concerne la durée réelle des procédures d’implantation de ces activités. Si la durée théorique des procédures d’autorisation est globalement comparable – autour de neuf mois –, les écarts se creusent lorsque l’on s’intéresse à leur durée réelle, qui atteindrait dix-sept mois en moyenne en France, contre huit mois en Allemagne. Selon l’auteur du rapport, cette durée s’explique en grande partie par les délais intercalaires entre les différentes phases de la procédure d’autorisation environnementale. Ces délais de coordination entre les acteurs découlent du caractère séquentiel de la procédure, en particulier pour l’organisation de l’enquête publique.

Partant de ce constat, l’article 2 propose d’accélérer la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale et de moderniser la consultation du public.

Il prévoit un déroulement simultané des phases, aujourd’hui successives, d’examen du dossier de demande d’autorisation, d’une part, et de consultation du public, d’autre part. Cette mesure permettra de gagner près de trois mois après le dépôt du dossier, et même souvent davantage, en évitant les temps de passage de relais ou de blocage entre administrations.

L’article 2 crée surtout une nouvelle procédure de consultation du public. Celui-ci sera désormais consulté dès le début de la phase d’examen, pendant une période de trois mois, contre un mois aujourd’hui. En permettant au public de participer au processus décisionnel dès le début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles, nous assurerons un meilleur respect de la Charte de l’environnement de 2004, en particulier de son article 7. Cette nouvelle procédure de consultation permettra aussi une plus grande interactivité et une plus grande transparence entre le public et le porteur de projet ; elle rendra notamment plus effective la possibilité pour le public d’améliorer le projet. L’article 2 précise que le commissaire enquêteur doit organiser deux réunions publiques, au début et à la fin de la période de consultation, en présence du porteur de projet.

Je souhaite saluer ici les apports du Sénat, qui ont permis d’améliorer et de préciser cette nouvelle procédure de consultation du public. Le Sénat a ainsi prévu la possibilité de désigner une commission d’enquête à la place d’un commissaire enquêteur unique, comme c’est le cas aujourd’hui dans le cadre de la procédure d’enquête publique, pour les projets les plus complexes. Par ailleurs, et afin de ne laisser aucun citoyen de côté, le Sénat a précisé que le public pouvait faire parvenir ses observations et ses propositions par voie postale, et pas seulement par courrier électronique. Il a enfin souhaité maintenir l’obligation de nommer un commissaire enquêteur figurant sur une liste d’aptitude : c’est un gage de compétence et d’impartialité.

J’en viens maintenant à l’article 3, qui concerne la phase amont de la procédure d’autorisation environnementale. Cet article permet l’organisation d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale pour plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement envisagés dans les dix ans à venir sur un même territoire délimité et homogène. Cette possibilité, qui s’inscrit dans le prolongement de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, peut être mise en œuvre à la demande d’une personne publique, à savoir du préfet, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

L’organisation d’un débat global ou d’une concertation globale est pertinente pour les projets envisagés au sein d’une même zone à forte activité industrielle – une zone industrialo-portuaire, par exemple. Je pense en particulier au développement d’un centre industriel autour de la batterie automobile dans le port de Dunkerque, que je connais bien. La mutualisation des débats offre au public une meilleure visibilité sur l’ensemble des projets en cours dans la zone. Je précise néanmoins que le caractère facultatif de cette mutualisation est conservé. Cet article 3 pourra faire l’objet d’ajustements dont nous aurons l’occasion de débattre en commission.

Enfin, le chapitre II du titre Ier comporte un nouvel article 2 bis. Introduit à l’initiative du Sénat, il prévoit des délais maximaux pour l’instruction des projets de déploiement d’énergies renouvelables dans les zones d’accélération créées par la loi du 10 mars 2023. Je proposerai de supprimer cet article, dont les dispositions relèvent du niveau réglementaire et posent des problèmes d’articulation avec le droit de l’Union européenne en cours de modification sur ce sujet.

Je ne doute pas qu’ensemble, nous ferons mieux tout en faisant plus vite pour réindustrialiser et décarboner les beaux territoires de notre pays.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure pour les chapitres III et IV du titre Ier. Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi l’élue d’une cité maritime embarque, si vous me permettez l’expression, sur un texte relatif à l’industrie verte. Vivre et grandir dans une ville au passé industriel, puis administrer cette ville qui, comme de nombreuses villes de taille moyenne, se relève plus lentement qu’elle n’a chuté, est une motivation pour trouver des solutions. Ainsi, lorsque les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure m’ont demandé de copiloter un groupe de travail avec mes collègues Marie-Claude Jarrot, Ilham Kadri et François Pontais, j’ai accepté bien volontiers. Je les remercie de leur confiance.

Le chapitre III du titre Ier comprend des dispositions permettant d’encourager le développement de l’économie circulaire en diminuant le recours à de la matière première vierge et de réduire les émissions de gaz à effet de serre en renforçant le recyclage et la réutilisation.

L’article 4 prévoit plusieurs mesures, parmi lesquelles la possibilité d’utiliser, au sein des plateformes industrielles, des résidus de production qui sont présumés être des sous‑produits et non des déchets, la clarification du régime de sortie du statut de déchet, ainsi que la création d’un régime de sanctions administratives applicable aux transferts transfrontaliers de déchets illégaux.

L’article 4 A, introduit au Sénat, vise à instituer des projets territoriaux de l’industrie circulaire. Mon groupe, soutenu par le Gouvernement, proposera de le supprimer. De nombreux documents de planification sont déjà élaborés, tant en matière d’économie circulaire que de politique en faveur des entreprises, en particulier au niveau régional.

J’en viens maintenant au chapitre IV, avec cette question simple : quel est le point commun entre une usine désaffectée et une ancienne station-service ? Il s’agit bien de la réhabilitation des friches.

L’existence de friches peut représenter pour les collectivités une opportunité de construire sur un sol déjà artificialisé. Face à la raréfaction des réserves foncières disponibles et à l’impératif de limitation de l’artificialisation des sols, il est indispensable de faciliter la réhabilitation des friches. Le parcours pour remobiliser les sites en friche est actuellement trop complexe. Nous proposons plusieurs évolutions pour le simplifier.

Ainsi, à l’article 5, nous entendons faciliter les procédures existantes de cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Concrètement, l’article 5 permettra l’intervention facultative de bureaux d’études certifiés pour attester de la mise en sécurité et de la réhabilitation des ICPE, pour les cessations d’activité notifiées avant le 1er juin 2022. L’article prévoit également l’extension du champ des opérations pouvant être prises en charge par un tiers demandeur.

À l’article 5 bis, nous proposons que la procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste – une possibilité dont une commune peut faire usage lors de l’abandon d’un terrain ou d’un bien – puisse être justifiée par le souhait d’une implantation industrielle.

L’article 5 ter prévoit la prise en compte des friches dans les orientations du schéma de cohérence territoriale (Scot), comme c’est déjà le cas dans le Sraddet ou la carte communale.

L’article 6 vise à réformer le mécanisme des garanties financières obligatoires pour les ICPE les plus polluantes. Ce dispositif, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité en dix ans et qui ne permet pas aux pouvoirs publics de bénéficier des financements nécessaires à la mise en sécurité et à la réhabilitation des sites industriels concernés, a été rétabli par le Sénat. À l’instar du Gouvernement, j’ai déposé un amendement visant à le supprimer. En contrepartie, les plafonds des sanctions financières prévues en cas d’exploitation illégale sont renforcés et même triplés par rapport aux dispositions du texte initial. Il est également prévu que les sommes nécessaires à la réalisation des travaux prescrits par un arrêté de mise en demeure soient consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Enfin, le niveau de privilège des créances nées pour assurer la mise en sécurité des sites a été relevé au sixième rang en cas de liquidation judiciaire. Cet article permet donc de sécuriser le financement des opérations de mise en sécurité des sites industriels dans les cas qui le nécessitent tout particulièrement. L’apparition de friches industrielles polluées pourra ainsi être plus efficacement limitée.

L’article 7 réforme les sites naturels de compensation, qui avaient été créés par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Renommés « sites naturels de restauration et de renaturation », ils auront vocation à faciliter la mise en œuvre des obligations de compensation des porteurs de projet portant atteinte à la biodiversité. La mutualisation entre plusieurs projets ne sera notamment plus obligatoire. Les personnes publiques ou privées mettant en place ces sites pourront également vendre leurs unités de restauration et de renaturation à toute autre personne publique ou privée, en dehors de toute obligation de compensation. J’ai déposé plusieurs amendements visant à clarifier la rédaction de ce nouveau dispositif.

Je nous souhaite des débats riches et apaisés, qui nous permettent collectivement de faire de l’industrie française un levier de réduction de notre empreinte carbone.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure pour le titre II. Le projet de loi relatif à l’industrie verte poursuit l’œuvre résolue que nous avons engagée en faveur du verdissement de la commande publique. En effet, les marchés publics, qui représentent plus de 110 milliards d’euros annuels, constituent un levier massif et incontournable de la transition écologique.

L’action de notre majorité sur cette question est constante. La loi « Climat et résilience », adoptée à la fin de la précédente législature, a apporté des évolutions majeures dans le droit de la commande publique, dont la dimension écologique a été renforcée. Nous sommes aujourd’hui quasiment à mi-chemin de l’entrée en vigueur de sa disposition la plus ambitieuse : à l’été 2026 au plus tard, 100 % des marchés publics devront intégrer au moins un critère écologique. D’ici à cette échéance, il nous reste encore du travail à accomplir : c’est tout l’enjeu du titre II relatif aux enjeux environnementaux de la commande publique et de ses articles 12 à 14.

L’article 12 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour introduire un nouveau motif d’exclusion de la commande publique en cas de non-respect des obligations de transparence extrafinancière prévues par la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite « directive CSRD » – je veux parler de l’obligation d’établir un rapport de durabilité. Il s’agit là d’un dispositif analogue à celui qui avait été introduit par la loi « Climat et résilience » à propos du plan de vigilance des sociétés. Cet article jouera un rôle incitatif utile auprès des entreprises qui souhaitent accéder à la commande publique.

L’article 13, qui occupera – à juste titre – une place prédominante dans nos débats, comprend trois mesures principales. Tout d’abord, il poursuit le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), dont l’importance pour orienter l’évolution de la commande publique est primordiale. Ensuite, il crée un nouveau motif d’exclusion des marchés publics pour méconnaissance de l’obligation d’établir un bilan d’émission de gaz à effet de serre (Beges). Enfin, il précise la façon dont l’offre économiquement la plus avantageuse est déterminée, notamment par la prise en compte du critère environnemental et dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « Climat et résilience ».

L’article 14 étend les dispositions de ce même article et du présent projet de loi aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.

La discussion de ces articles au Sénat s’est avérée fructueuse. Je relève l’adoption de trois dispositions additionnelles, à l’initiative du Gouvernement, correspondant aux articles 12 bis, 12 ter et 12 quater. Ces derniers introduisent des exceptions au droit de la commande publique pour les activités d’opérateurs de réseaux, acteurs majeurs de la transition écologique, afin de prévenir les risques d’infructuosité des marchés dans un contexte économique marqué par la rareté de l’offre par rapport à des besoins croissants. Le Sénat a également introduit un article 13 bis visant à favoriser le retrofit dans le renouvellement annuel des flottes de véhicules des acheteurs publics.

Je défendrai une série d’amendements qui, sans revenir sur les apports du Sénat, proposeront différents compromis afin de rendre pleinement opérationnels les dispositifs que j’ai évoqués. Ils renforceront l’obligation d’établir un Beges, d’abord en rétablissant le motif d’exclusion facultative supprimé au Sénat, ensuite en conditionnant le bénéfice des aides de la Banque publique d’investissement et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) à l’établissement d’un Beges simplifié pour les PME ; enfin, en supprimant le délai de mise en conformité dont bénéficient actuellement les entreprises n’ayant pas respecté leur obligation d’établir ce bilan, ce qui permettra d’accroître la puissance dissuasive de l’amende.

Une partie importante de nos débats portera sur le renforcement de la prise en compte des critères environnementaux dans la commande publique ou sur une définition plus précise de ceux-ci, notamment pour favoriser les entreprises locales. Si les marges de manœuvre ne sont pas nulles, bien au contraire – j’en veux pour preuve la loi « Climat et résilience » et le présent projet de loi –, elles demeurent néanmoins limitées. En effet, le droit de l’Union européenne encadre le droit de la commande publique par deux directives et impose le respect d’un certain nombre de principes fondamentaux, dont celui de non-discrimination, notamment en matière d’origine géographique des produits ou des soumissionnaires. Il faut aussi garder en tête que l’acheteur reste libre de définir ses critères de choix et qu’une définition législative des critères utilisés pourrait s’avérer vaine, dans la mesure où ils doivent être en lien direct avec l’objet de chaque marché.

Malgré ces contraintes, je suis convaincue que le texte qui nous est soumis, modifié par les amendements que je défendrai, est ambitieux. Il correspond à un juste équilibre entre les avancées nécessaires à la transition écologique et la capacité des acheteurs publics et des entreprises à absorber de nouvelles contraintes. Je ne doute pas que nos discussions seront constructives et qu’elles permettront de tendre vers notre seul objectif : le verdissement de la commande publique.

M. Damien Adam, rapporteur pour le titre III. Face aux investissements importants que nécessite la transition écologique, la France dispose de deux atouts : une épargne privée considérable et un secteur financier solide.

Le rapport Pisani-Mahfouz estime que 66 milliards d’euros d’argent privé et public seront nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes fixés à l’échelle européenne pour 2030. Si ce chiffre peut donner le tournis, le montant de l’épargne des ménages donne le vertige. Entre les produits réglementés et les produits de fonds propres, le patrimoine financier des Français a atteint 5 600 milliards d’euros au dernier trimestre de l’année 2022. Malgré les avancées importantes permises par la loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », qui a accéléré le déploiement des labels et imposé la prise en compte des enjeux environnementaux dans la gestion des sociétés, l’épargne française pourrait être davantage fléchée vers la transition écologique.

Certains voudraient augmenter la fiscalité qui pèse sur les Français ou accentuer le recours à la dette pour répondre à l’enjeu du financement de la transition écologique. Nous pensons, dans la majorité présidentielle, que d’autres moyens existent et qu’il faut les mobiliser davantage. C’est fort de ces constats qu’avec Michel Paulin, directeur général d’OVHcloud, j’ai piloté le chantier « Financer l’industrie verte française » dans le cadre de la consultation entamée le 5 janvier dernier et qui a permis de coconstruire ce projet de loi. Le titre III est directement issu des concertations que j’ai conduites et auxquelles ont participé des représentants du monde associatif, du secteur bancaire et assurantiel, des experts environnementaux, ainsi que les services du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Les mesures que je vous propose d’adopter nous permettront de franchir de nouvelles étapes et d’atteindre deux objectifs : développer des champions français de l’industrie de la transition et accompagner toutes les entreprises françaises dans leur décarbonation.

Pour ce faire, nous continuons et accélérons la politique de labellisation, pour laquelle nous sommes déjà une référence en Europe. En effet, le label « Investissements socialement responsables » (ISR) est le label « Environnement, social et gouvernance » (ESG) le plus populaire d’Europe. Son encours est de 777 milliards d’euros, soit six fois plus que le deuxième label de sa catégorie.

Nous créons le plan d’épargne avenir climat, qui offrira aux jeunes de notre pays un produit en adéquation avec leur engagement en matière de transition écologique. Ce n’est pas une mince affaire, puisque l’épargne des mineurs s’élève aujourd’hui à 40 milliards d’euros.

Nous favorisons l’investissement dans les infrastructures, les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, ce tissu indispensable pour réussir la décarbonation de notre économie et la transition écologique.

En même temps, nous élargissons l’horizon d’investissement des épargnants français en adaptant les règles applicables aux contrats d’assurance-vie et aux plans d’épargne retraite. Les épargnants pourront, dans des conditions protectrices, accéder plus facilement à des placements au couple rendement-risque attractif.

Enfin, nous adaptons notre droit pour renforcer l’attractivité de la place de Paris tout en nous préparant au déploiement des fonds européens d’investissement de longue durée dits « Eltif 2.0 ». Ce véhicule souple doit nous permettre de lever, à l’horizon 2027, 100 milliards d’euros orientés vers un ensemble précis d’émetteurs : les plus petites entreprises et les actifs réels dont les contraintes de financement obèrent la décarbonation.

La transition écologique est une nécessité. Grâce à ce projet de loi, elle pourra aussi être, pour notre économie, un levier de croissance majeur. Je me réjouis donc que nous puissions avancer dans ce domaine, pour le bien de notre économie et de la transition écologique.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur d’information de la commission des affaires européennes. La commission des affaires européennes s’est saisie du projet de loi relatif à l’industrie verte, considérant que les intentions animant ce texte revêtaient une dimension européenne évidente. Ce projet de loi va dans le sens de ce que doit être l’Europe du XXIe siècle : un continent plus souverain sur le plan économique, moins dépendant des autres, innovant dans l’industrie et à l’avant-garde de la transition écologique.

Grâce à la reconquête industrielle entamée en 2017 sous l’impulsion du Président de la République, la France est en train de redevenir une grande nation industrielle, ce que de nombreux pays européens n’ont jamais cessé d’être – et ce que nous aurions toujours dû rester. L’ambition affichée par le Gouvernement de faire de la France le leader européen de l’industrie verte mérite d’être saluée. Nous démontrerons ainsi que nous pouvons allier développement économique, innovation et écologie.

Le Green Future Index, classement établi par le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), montre que l’Europe est aujourd’hui leader mondial de la transition écologique. Parmi les premiers États du classement, huit sont européens : citons la Finlande, qui est deuxième, le Danemark, quatrième, la Suède, cinquième, les Pays-Bas, sixièmes, la France, neuvième, et l’Espagne, dixième, tandis que les États-Unis ne sont que dix-neuvièmes et la Chine vingt-septième. Ce classement montre que l’ambition écologique européenne est réelle.

Dans ce projet de loi, il faut saluer l’objectif de raccourcir les délais d’installation et d’extension des sites industriels en France. En tant qu’élu alsacien, j’observe ce qui se passe de l’autre côté du Rhin : je vois que nous devons faire mieux, paralysés que nous sommes par la bureaucratie et les procédures trop longues.

L’objectif de verdissement de la commande publique va aussi dans le bon sens. Le droit européen permet l’introduction de critères environnementaux dans les procédures de passation des marchés publics. Assumons de vouloir énoncer une préférence européenne en la matière ! Il est déjà possible d’exclure des acteurs non communautaires dans le cadre des marchés de défense, de sécurité et d’opérateurs de réseau. Une mesure opérationnelle à court terme consisterait à étendre le droit de préférence européenne aux contrats publics relatifs à l’acquisition de technologies vertes, par exemple pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur des bâtiments publics. À long terme, pour protéger efficacement son tissu industriel, son marché unique et sa monnaie commune, l’Europe devra se doter d’un Buy European Act digne de ce nom.

Le Gouvernement a annoncé la création prochaine d’un crédit d’impôt « investissement industries vertes », une incitation fiscale simple qui s’appuie sur un dispositif encouragé par la Commission européenne. La France a joué un rôle moteur dans sa conception bruxelloise ; elle est le premier pays à notifier à la Commission un régime d’aide relevant de la nouvelle section II.8 de l’encadrement temporaire de crise et de transition adopté en mars 2022 pour aider les États membres à soutenir directement leur économie et pallier les conséquences économiques néfastes de la guerre en Ukraine. Si le ciblage des secteurs éligibles – les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes et les pompes à chaleur – paraît suffisant à ce stade, il faut laisser ouverte la possibilité d’une extension à de nouvelles technologies, à compter de 2025 par exemple. L’encadrement temporaire, censé s’achever le 31 décembre 2025, mériterait d’être pérennisé.

La véritable avancée que constituent les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) doit aussi être préservée. Ce dispositif permet un usage intelligent des aides d’État pour favoriser la structuration de filières industrielles compétitives à l’échelle mondiale, qu’il s’agisse de batteries, d’hydrogène ou de composants microélectroniques. La religion de la concurrence étant ce qu’elle est dans certains services de la Commission, il faut toujours rester prudent et veiller à ne pas complexifier davantage des procédures déjà lourdes pour les entreprises et les États qui y recourent.

S’agissant de la production d’énergie, indispensable à toute industrie, j’appelle le Gouvernement à continuer de relayer à Bruxelles la nécessité d’inclure le nucléaire dans la liste des financements pour les technologies propres.

Pour terminer, je souhaite saisir l’occasion qui m’est donnée de dire notre insatisfaction quant à la proposition de la Commission européenne de créer une plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe, dite « Step ». Ce n’est qu’une parodie de fonds de souveraineté, comme l’a d’ailleurs relevé le groupe Renew au Parlement européen. L’enveloppe de 10 milliards d’euros ne fait pas le poids face aux financements américains et chinois ; elle pourrait être doublée, pour s’établir à 20 milliards d’euros dans un premier temps. Un fonds de souveraineté à l’échelle de nos ambitions européennes devrait figurer dans le prochain cadre financier pluriannuel post-2027.

Vous l’avez compris, la commission des affaires européennes est plus que favorable à l’esprit de ce projet de loi. Je remercie le Gouvernement, le président de la commission spéciale et le rapporteur général de défendre vigoureusement ce texte.

M. le président Bruno Millienne. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie Lebec (RE). Nous entamons aujourd’hui les débats sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. Ce texte est la traduction concrète de notre engagement en faveur de la décarbonation de notre industrie.

Avant de partager avec vous quelques considérations sur les objectifs visés, je tiens à saluer la méthode proposée par les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure. En s’inspirant de la loi Pacte, ils ont fait le choix de coconstruire ce texte avec l’ensemble des parties prenantes : 300 auditions ont ainsi été conduites par des binômes composés d’un chef d’entreprise et d’un parlementaire, aboutissant à un texte équilibré et réaliste, qui répond aux légitimes attentes et exigences des industriels, des investisseurs, des élus locaux ainsi que des partenaires sociaux et associatifs. La réindustrialisation de notre pays est un défi collectif, qui nécessite l’engagement de tous les acteurs.

Depuis 2017, nous avons inversé la tendance de destruction d’emplois industriels grâce à une politique économique esquissée par le Président de la République et déployée par les gouvernements successifs, avec le soutien de la majorité. Avec un solde positif de 300 usines et 90 000 emplois industriels recréés depuis six ans, nous avons rempli la première partie du contrat. La France a retrouvé sa capacité à produire localement, quantitativement et qualitativement. J’en veux pour preuve les récentes décisions prises à Dunkerque, qui démontrent notre capacité à attirer, innover et produire en France.

Nous abordons désormais une nouvelle étape, qui consiste à doubler notre objectif économique d’une exigence climatique. Nous voulons produire davantage sur notre sol, car chaque relocalisation ou création de site industriel contribue à réduire notre impact climatique.

Pour réussir ce pari ambitieux, le présent projet de loi s’articule autour de trois exigences : faciliter, financer, favoriser.

Si nous voulons produire en France, nous devons impérativement nous doter des outils juridiques, techniques et financiers facilitant les créations de sites industriels, car nous souffrons encore d’un écart de compétitivité par rapport à nos partenaires européens. Nous devons donc accélérer les procédures, sans jamais renoncer à la protection de l’environnement ni à la consultation du public.

Nous devons investir dans les friches pour les reconvertir en lieux de production et améliorer le dispositif « Sites industriels clés en main », qui a connu un réel succès mais demande à être encore plus performant.

Nous devons par ailleurs soutenir les entreprises les plus vertueuses grâce à une commande publique plus responsable, car mue par de nouvelles exigences environnementales, climatiques et sociales. Nous modifierons donc le code de la commande publique afin d’accompagner les acheteurs dans l’intégration de critères environnementaux lors de l’attribution des marchés et des concessions.

En complément des actions visant une meilleure orientation des soutiens publics, le projet de loi entend mobiliser l’épargne privée en faveur du verdissement de notre économie, et singulièrement de nos industries. Les besoins de financement seront massifs et l’épargne doit être orientée vers des industries vertes.

Depuis six ans, nous avons posé les premiers jalons de cette politique : le plan « France relance », le plan « France 2030 » ainsi que les lois sur le nucléaire et les énergies renouvelables ont permis à notre industrie d’amorcer sa mue et de démontrer sa capacité à produire de manière décarbonée. Mais atteindre la neutralité carbone nécessitera un effort historique de modernisation et de transformation en profondeur de notre industrie. L’État y prendra toute sa part. Avec ce projet de loi, nous élaborons le cadre législatif propice à la réussite de ce nouveau cap de réindustrialisation. Nous renforcerons ainsi l’attractivité et la compétitivité de la France et nous répondrons à l’ambition du Gouvernement et de la majorité de placer les enjeux climatiques au cœur de leur action.

M. Alexandre Loubet (RN). En compagnie de M. Bruno Le Maire, vous avez présenté ce projet de loi en grande pompe. À vous entendre, il s’agit du bras armé de la « reconquête industrielle » de la France. Or la montagne a accouché d’une souris : au-delà des effets de communication, c’est en réalité un texte bureaucratique, sans vision, qui se limite à du saupoudrage et à des mesurettes. Si certains éléments vont dans le bon sens – par exemple, les dispositions visant à réhabiliter les friches et celles ayant pour objet d’alléger les normes environnementales, que nous saluons –, le projet de loi est insuffisant et rate sa cible.

Le texte aurait pu permettre de créer de l’emploi tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, mais vous avez préféré limiter l’industrie verte au développement d’une poignée de technologies comme les éoliennes, le photovoltaïque ou les pompes à chaleur. Vous ratez ainsi l’occasion de soutenir massivement la décarbonation de l’industrie française existante, tous secteurs confondus. Surtout, alors que la moitié de l’empreinte carbone de la France est liée aux importations, vous refusez de mener une politique de réindustrialisation globale ayant pour effet de relocaliser autant d’activités et d’emplois que possible sur le sol national.

En affirmant que le texte ne créerait que 40 000 emplois d’ici à 2030, vous reconnaissez vous-même qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. Cela traduit votre incapacité à rompre avec quarante années de désindustrialisation qui ont détruit 2,5 millions d’emplois, réduit la part de l’industrie dans le PIB – selon la Banque mondiale, elle ne représente plus que 9 % de celui-ci – et aggravé le déficit commercial, qui est désormais de l’ordre de 160 milliards d’euros.

Nous ne romprons pas avec quarante années de désindustrialisation sans arrêter de subventionner les délocalisations avec l’argent du contribuable ; sans mener une stratégie nationale visant à développer des filières de substitution aux importations pour réduire nos dépendances ; sans appliquer une politique fondée sur le patriotisme économique, notamment en matière de commande publique ; sans protéger nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME) de la concurrence déloyale ; sans améliorer la compétitivité de notre industrie, notamment en agissant sur le coût de l’énergie, ou encore sans développer des compétences sur notre sol. Nous avions formulé toutes ces propositions à travers 215 amendements, mais près d’un quart a été arbitrairement rejeté. À ce mépris du droit d’amendement, qui possède pourtant une valeur constitutionnelle, s’ajoute le fait que le texte est examiné en urgence, en plein mois de juillet, sans que ce choix trouve aucune justification valable.

Sur le fond comme sur la forme, vous démontrez donc que le projet de loi est bien éloigné des belles intentions que vous affichiez, à savoir s’enrichir des propositions des différents courants politiques et, surtout, réindustrialiser le pays.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). À la fin du premier confinement, alors que la France entière avait été privée pendant des semaines d’un bien aussi simple et essentiel qu’un masque, le Président de la République Emmanuel Macron avait affirmé qu’il fallait « interroger » notre « modèle de développement ». Il avait ajouté : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. ».

Depuis cette épiphanie vite oubliée, la reprise post-covid, la guerre en Ukraine et une inflation historique ont achevé de démontrer que la mondialisation triomphante des trente dernières années était derrière nous. Alors que les États-Unis ont adopté l’Inflation Reduction Act (IRA), que l’Allemagne a octroyé aux entreprises des subventions permettant de maintenir le prix de l’énergie en dessous du coût de production et que le marché européen de l’électricité nous a pénalisés l’hiver dernier – ce qui témoigne du fait que le mécanisme sur lequel il repose est entièrement déconnecté de la réalité –, il est temps que la France ait une réponse à la hauteur.

Notre pays est l’un de ceux, en Europe, dont le déficit commercial est le plus élevé et dont la part de l’industrie dans le PIB a le plus chuté. Puisqu’il est question d’industrie verte, il est bon de rappeler que la désindustrialisation a provoqué une explosion des émissions importées, ce qui annihile les efforts accomplis sur le territoire national pour réduire les gaz à effet de serre.

Par ailleurs, les émissions du secteur industriel, qui pèsent pour 20 % de l’ensemble, n’ont pas bougé. Les quotas carbone gratuits ont été un désastre européen et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières s’annonce comme une pantalonnade, aussi bien pour le climat – car il ne couvrira qu’une portion ridicule de ce que nous importons – qu’en matière de relocalisations – puisque les matières premières seront taxées, mais les produits finis ne le seront pas. Pour respecter les objectifs climatiques, il faut que le secteur industriel réduise ses émissions de 5 % par an.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, de nombreux sites industriels sont vulnérables au changement climatique, notamment à l’expansion des zones inondables – c’est le cas de l’usine de Borealis située dans ma circonscription, qui est la jumelle de celle d’AZF.

Il est d’autant plus difficile de relever ces défis que le nombre d’entreprises contrôlées par la puissance publique est passé de 2 600 en 1995 à 1 800 aujourd’hui. Les privatisations ont aggravé les délocalisations. Les effectifs de ces entreprises sont passés de 1,5 million à 560 000. Celles qui restent nous font du chantage aux subventions publiques, lesquelles sont pourtant déversées par dizaines de milliards à travers le plan de relance, sans contreparties sociales ou environnementales. L’entreprise parapétrolière Vallourec en est un brillant exemple : alors qu’elle a été sauvée par Bpifrance pendant la covid, elle a fermé aussitôt après le site de Déville-lès-Rouen, détruisant ainsi 380 emplois. Toutefois, ce n’est pas parce qu’on s’est trompé dix fois qu’on ne peut pas recommencer : ainsi, vous avez décidé de supprimer 16 milliards d’impôts de production par an, là encore sans aucune contrepartie.

Produire en France a beau être une évidence, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué, la crise de l’énergie a fait exploser le nombre de faillites de PME industrielles, ce qui menace 117 000 emplois. Au-delà des annonces, comme celle de la construction d’une « gigafactory » à Dunkerque, le secteur automobile continue lui aussi, en réalité, sa sortie de route : le nombre de personnes qu’il emploie est passé de 300 000 en l’an 2000 à 190 000 en 2020, et 70 000 autres emplois seront en danger au cours des six prochaines années. Les usines Renault de Cléon et de Flins sont régulièrement au chômage partiel payé par l’État, car les voitures électriques ne se vendent pas. Or les constructeurs ne prévoient aucun infléchissement de leur stratégie en vue de produire des véhicules plus légers, afin de relever le défi immense de la décarbonation, et plus abordables.

Émissions importées colossales, déficit commercial incontrôlable, pénurie de médicaments, secteur automobile en roue libre, menaces pesant sur 117 000 emplois, sites Seveso seuil haut situés en zone inondable : ce sont autant de sujets dont nous devrions discuter dès maintenant. Aussi, quelle ne fut pas notre surprise quand nous avons découvert l’étroitesse du projet de loi ! Le texte est à ce point vide que nous ne pouvons même pas l’amender avec des propositions émanant des travailleurs des industries ou des associations de riverains. Avec ce projet de loi, ce sont les salariés des industries que vous allez rendre verts, car ils n’ont toujours pas reçu de réponses quant à l’avenir de leurs emplois.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Je remercie les rapporteurs pour la présentation qu’ils ont réussi à nous proposer en dépit de délais très courts.

Je vous remercie également, monsieur le ministre délégué, pour votre présentation. Comme vous l’avez indiqué, ce texte constitue un tournant pour notre économie. Le secteur industriel a subi une érosion importante, qui s’est traduite, depuis plus de quarante ans, par la perte de 2,5 millions d’emplois, liée à des délocalisations et à la vente d’actifs à des groupes étrangers. Pendant des années, nous avons assisté à une tertiarisation de notre économie, justifiée par une mondialisation effrénée, au nom de la baisse des coûts de production. La part de l’industrie dans notre PIB est désormais de 11 %, contre quasiment le double en Allemagne et en Italie. Par ailleurs, l’industrie est responsable de 19 % des émissions de gaz à effet de serre.

Il aura fallu plusieurs crises successives pour en revenir à la notion de patriotisme industriel et désormais à celle de souveraineté, d’abord dans le domaine médical et dans celui de l’alimentation, puis s’agissant de l’industrie. Celle-ci est évidemment importante ; elle implique aussi d’autres enjeux, notamment la dépendance à l’égard des matières premières.

Le texte permet certaines avancées : il contient des dispositions visant à enrayer la désindustrialisation massive et se veut ambitieux, notamment en matière de verdissement. Les mesures ayant pour objectif de libérer du foncier vont, elles aussi, dans le bon sens, de même que le raccourcissement des délais d’installation pour les entreprises, l’instruction en parallèle des procédures et la réhabilitation des friches industrielles polluées, même s’il faudra veiller à articuler ces dispositions avec celles relatives à l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN).

La définition de l’industrie verte se limite à ce que vous avez appelé les « Big Five », dont les « gigafactories ». Dans le cadre du groupe de travail que nous avons piloté en amont de l’examen du texte, M. Philippe Bolo et moi-même nous sommes interrogés sur l’opportunité de l’élargir.

Le fait de privilégier une commande publique responsable, tenant compte des critères environnementaux lors du choix des fournisseurs, va également dans le bon sens.

Je salue la méthode que vous avez employée : vous avez associé des élus et des entreprises très en amont du texte, sur le modèle de ce qui avait été fait pour la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Néanmoins, certains manques subsistent. D’abord, la formation, l’innovation et le financement ne sont pas abordés. Même si vous avez justifié cette approche, nous regrettons qu’un débat d’ensemble sur ces enjeux ne puisse avoir lieu. Ensuite, l’estimation de la consommation énergétique future fait défaut. Cette question apparaît pourtant comme un préalable essentiel à la réindustrialisation. Le coût du travail n’est pas évoqué non plus, pas davantage que les importations, qui comptent pour 51 % de l’empreinte carbone de notre pays. Il aurait fallu aborder aussi la question des contrats à long terme pour l’énergie et celle des écarts de compétitivité. Nous serons vigilants à ces enjeux durant l’examen du texte.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Après plusieurs mois de concertation, nous voici réunis pour examiner le projet de loi qui actera et renforcera la trajectoire que notre industrie a amorcée depuis quelques années. En effet, si les chiffres de la désindustrialisation intervenue depuis le début des années 1970 sont éloquents, la situation se débloque, comme en témoignent l’ouverture de 300 usines et la création de 90 000 emplois industriels nets. Cette évolution est due à la baisse de l’impôt sur les sociétés et des autres impôts de production, aux investissements des plans « France relance » et « France 2030 », ainsi qu’à l’engagement des industriels. Les attentes de ces derniers à l’égard du projet de loi sont très fortes.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que les procédures pour l’implantation d’une nouvelle usine sont quasiment deux fois plus longues que chez nos voisins allemands ; que le foncier manque ; que les PME veulent prendre le virage de la transition écologique, mais que l’accompagnement n’est pas suffisant. Surtout, au-delà de son impact économique, la réindustrialisation de notre pays permettrait d’éviter l’émission de millions de tonnes de CO2 par rapport à un scénario sans changement majeur. Notre planète ne peut pas se passer de cette économie. Le texte porte donc cette double exigence : produire en France et produire propre.

Pour garantir la réussite du projet, l’ensemble des sites doit être pris en compte ; le groupe Démocrate y sera particulièrement attentif. Il faut se garder de se concentrer uniquement sur les futures installations : les enjeux liés à la transition des structures industrielles existantes doivent être abordés.

Nous serons également force de proposition pour ce qui concerne la simplification des procédures. Il convient, tout en préservant les exigences environnementales, de préciser les conditions de réutilisation d’un résidu de production, d’intégrer la gestion de la ressource en eau au sein des documents d’urbanisme, ou encore d’interdire l’organisation de consultations publiques au mois d’août. Ces dispositions, qui nous paraissent de bon sens, permettront d’engager l’ensemble des acteurs dans la transition.

Nous soutiendrons également la suppression des dispositions relatives au ZAN : notre assemblée vient de se prononcer sur la question à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi et la commission mixte paritaire (CMP) se réunira jeudi. Évitons-nous cette répétition et concentrons-nous sur les mesures qui sont au cœur du texte. Parmi celles-ci, je mentionnerai la création d’un plan d’épargne avenir climat pour les mineurs, ou encore les mesures rendant obligatoire le référencement des actifs non cotés et des fonds labellisés. Il y a 6 000 milliards d’euros d’épargne privée en France : mobilisons-la avec efficacité et pragmatisme.

Le groupe Démocrate se réjouit donc des débats à venir. Nous serons au rendez-vous des enjeux, pour notre planète, pour notre souveraineté, pour notre croissance, pour notre modèle social et pour nos emplois.

M. Gérard Leseul (SOC). Vous avez mené durant le premier trimestre, à grand renfort de communication, des consultations avec des députés de votre majorité et des chefs d’entreprise pour dessiner un renouveau industriel dans notre pays. Celui-ci souffre depuis quarante ans d’une grave désindustrialisation. Il ne s’agit pas uniquement de PIB et de balance commerciale : des milliers d’emplois ont disparu dans les territoires. Or, si le titre du projet de loi prétend remédier au problème, son contenu est en réalité très peu ambitieux.

Le renouveau industriel ne saurait se limiter à des slogans proclamant le verdissement de l’outil de production. Du reste, on peine à trouver dans le texte une définition claire de la notion d’industrie verte. L’ambition initiale du texte, tel qu’il avait été présenté en Conseil des ministres, a disparu. Je pense notamment aux dispositions relatives à la formation, au financement de la décarbonation des industries, aux aides en faveur des constructeurs automobiles nationaux, ou encore au standard triple E, dont la définition a été repoussée. Pourtant, vous avez vous-même répété que ces questions étaient importantes.

Votre vision libérale de l’industrie, conformément à la logique du « Choose France », consiste à encourager – voire à privilégier – des investissements étrangers sur le sol national, en contrepartie de cadeaux fiscaux, et même d’une baisse de la vigilance en matière d’environnement.

La principale ambition du texte est de diviser par deux le délai administratif pour l’implantation d’une usine. Certes, l’intention est louable, mais il conviendrait d’apprécier davantage les risques qui pourraient en découler, ainsi que de respecter les précautions environnementales et les concertations publiques. En outre, la disposition concernerait indifféremment une PME ou une usine chinoise de batteries – dont nous ne maîtrisons ni la chaîne de valeur, ni les brevets. Nous ne saurions traiter tous les projets de la même manière : il importe de fixer des priorités.

Nous devons privilégier les procédés de fabrication satisfaisant à nos objectifs en matière de réduction de la consommation énergétique, de décarbonation et de réduction de notre dépendance à l’égard des importations de matériaux stratégiques. Autrement dit, il faut privilégier notre souveraineté industrielle. Nous voulons des éoliennes françaises, des panneaux solaires et des vélos européens. Nous souhaitons renforcer nos fleurons industriels dans les domaines de l’énergie et de la mobilité, préserver les PME ayant développé des techniques spécifiques, relocaliser les médicaments essentiels. Il faut aborder de manière concrète les enjeux d’une réindustrialisation qui soit au service de nos besoins fondamentaux. Cela suppose de créer une véritable odyssée industrielle, inscrite dans une logique européenne, avec la création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières adopté à l’échelon européen mais décliné à l’échelon national.

L’examen au Sénat a permis d’ouvrir certaines portes. L’adoption d’un amendement du groupe socialiste, écologiste et républicain a ainsi permis d’inscrire dans le texte la définition de la stratégie industrielle. Si nous nous en félicitons, nous aurions souhaité renforcer encore cette ambition. Malheureusement, l’article 45 a frappé d’irrecevabilité nos propositions en la matière.

Nous nous opposerons à l’article 9 bis, qui exclut les implantations industrielles du décompte du ZAN.

Enfin, en matière de financement, l’ambition du texte est très limitée : vous entendez mobiliser l’épargne à hauteur de 5 milliards d’euros, alors que le surcroît d’épargne lié à la covid est estimé à 300 milliards d’euros.

Pour toutes ces raisons, nous abordons l’examen du texte avec circonspection et exigence.

M. Henri Alfandari (HOR). Nous devons produire plus de valeur. Hélas, la part de l’industrie dans le PIB a atteint la cote d’alerte – et ce, depuis longtemps. Toutefois, les efforts consentis depuis plusieurs années commencent à porter leurs fruits. Nous devons accélérer car, après l’industrie, c’est l’ensemble des secteurs d’activité qui sera entraîné dans une dynamique vertueuse.

L’industrie verte, c’est un impact maîtrisé et raisonné, mais c’est surtout une décarbonation de la société qui est vitale pour l’avenir. Grâce à la simplification des procédures, nous relocaliserons des activités dont les produits n’émettront pas de gaz à effet de serre, car il n’aura pas été nécessaire de les transporter. L’enjeu est avant tout de ne pas laisser à d’autres des responsabilités qui nous incombent. C’est pourquoi le groupe Horizons soutiendra ce projet de loi.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le sujet aura sans doute du mal à percer dans une actualité très chargée. Pourtant, les usines ont façonné nos territoires, notamment les banlieues, dont il est beaucoup question, et la désindustrialisation a sans doute contribué à créer la situation que nous connaissons.

L’industrie verte est un enjeu qui nous concerne tous, que ce soit comme chefs d’entreprise, salariés, consommateurs ou riverains. Il convient donc de s’en saisir pleinement.

Vous nous proposez de produire en France et de manière décarbonée. Le texte est très technique. Il vise à rapatrier des usines et à réduire l’empreinte carbone. Il s’agit, selon vous, d’une loi à zéro euro. Le concept est d’autant plus discutable que, par ailleurs, l’argent coule à flots sans contrepartie. J’ai visité récemment l’entreprise STMicroelectronics, à Grenoble. Elle s’est vu accorder une aide publique de 2,9 milliards d’euros. J’ai demandé quelles seraient les contreparties. On m’a répondu qu’il n’y en avait pas vraiment…

Selon vous, le texte contribuera à transformer l’industrie, mais quelles sont les mesures qui participeront à la transformation des sites existants ? En outre, produire sans limite, sans s’interroger sur la qualité et la quantité des produits que nous consommons, même s’ils sont décarbonés, ne permet pas de parler d’une industrie verte.

Une industrie qui néglige toutes les autres pressions exercées sur l’eau, les sols, l’air et les matières premières ne saurait être qualifiée de verte, pas davantage qu’une industrie qui vise seulement à nous situer dans la compétition internationale, sans se soucier des limites planétaires, et qui n’interroge pas les filières qu’il convient d’accélérer et celles qu’il faut transformer, voire arrêter.

Non, une industrie dessinée à Matignon ou à Bercy et dont le modèle est la « gigafactory » ne saurait être qualifiée de verte. Non, une industrie qui ne se soucie pas des hommes et des femmes, notamment de leur santé, ne saurait être qualifiée de verte – je pense, à cet égard, au fait que la présence de substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas) a été mise en évidence, en France, dans le corps humain, ce qui devrait nous alerter. Non, une industrie qui ne prend pas compte ce que signifie le travail à l’usine dans une France où la température atteint 50 degrés et qui n’associe pas les salariés au futur de leur usine ne saurait être qualifiée de verte.

C’est cet écart entre votre vision des choses et la nôtre qui a orienté la manière dont vous avez évalué la recevabilité des amendements. Ainsi, tous ceux qui portaient sur les Pfas, sur la participation des territoires et sur l’industrie circulaire ont été rejetés. Bien d’autres sujets ont été écartés de la sorte, ce qui témoigne d’un désaccord profond sur ce qu’est l’industrie verte. À nos yeux, celle-ci repose sur trois piliers.

D’abord, elle doit être décarbonée, certes, mais aussi préserver les ressources : c’est une industrie qui refuse l’« extractivisme » et fait un usage sobre des matières premières. Ensuite, elle doit réinterroger nos besoins au regard des limites planétaires. Enfin, elle doit correspondre à une planification décentralisée et démocratique. Tous les amendements que nous avions déposés répondaient à cette triple ambition. Nous espérons que le débat pourra vraiment s’engager sur ceux qui n’ont pas été déclarés irrecevables.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Vous faites comme si la casse industrielle avait été une opération du Saint-Esprit. Or il y a des renoncements politiques à l’origine de cette situation, avec la complicité de patrons dont la vision était court-termiste. Le résultat, ce sont les 2,2 millions d’emplois qui ont été laminés, avec les drames humains, l’humiliation des salariés, les déménagements du territoire – dont les friches sont les cicatrices – et les pertes de souveraineté que cela suppose. Tout cela n’est pas tombé du ciel : c’est le fruit de renoncements que, d’une certaine manière, vous incarnez, puisque vous vous situez dans la filiation des libéraux.

À cette situation, vous répondez également comme des libéraux, tout en ajoutant des « cocoricos », comme s’il suffisait, pour recouvrer la souveraineté industrielle, de dire que « les hauts taux tuent les totaux » et qu’il faut donc diminuer les impôts. Simplifier le discours ne rend pas les choses plus simples. Pour l’essentiel, votre texte se limite à ces antiennes libérales rabougries, tant utilisées dans d’autres pays – avec l’efficacité que l’on connaît.

Les réponses que vous proposez sont-elles efficaces ou bien gazeuses ? Je considère que vous n’avez aucune stratégie de planification. Le haut-commissaire au plan a pourtant produit des rapports intelligents. Le dispositif « France 2030 » est lui aussi intéressant, car il permet d’accompagner concrètement des entreprises, sans toutefois opérer un maillage, dans une logique de structuration des filières, en intégrant les sous-traitants, et d’aménagement du territoire.

Pour le reste, le Président de la République Emmanuel Macron se voulait le président de la start-up nation, mais son bilan s’apparente surtout à une protection des rentes.

Les défis à relever sont pourtant majeurs. Nous devons nous réapproprier notre souveraineté. La crise de la covid a démontré à quel point cet enjeu était vital, qu’il s’agisse des médicaments, des semi-conducteurs, de l’énergie, de l’agroalimentaire ou de nombreux autres secteurs stratégiques. Ainsi, 40 % des matières premières et des composants utilisés dans l’industrie sont importés.

Il faut également décarboner l’ensemble des filières, ce qui suppose d’élargir la responsabilité des grandes entreprises et d’intégrer leurs sous-traitants.

Il importe de lutter contre les émissions importées en assumant une forme de protectionnisme : il faut taxer. Les produits les plus verts et les plus propres sont ceux qui ne traversent pas le monde pour arriver chez nous.

Le projet de loi est-il utile et prometteur, ou bien n’est-ce qu’un texte à énigmes et à trous ? Il n’est pas prévu de conditionner les aides. Le texte ne comporte aucune mesure destinée à faire baisser le coût de l’accès à l’énergie, ce qui est pourtant essentiel pour garantir la compétitivité de l’industrie. Rien n’est prévu non plus en matière de formation. Sur ces questions et bien d’autres, vous dites que l’on verra plus tard, car vous avez choisi de saucissonner cette politique publique – comme si nous pouvions attendre pour recouvrer notre souveraineté.

Tel est l’état d’esprit avec lequel le groupe communiste aborde l’examen du texte. Hubert Wulfranc, Jean-Marc Tellier et moi-même serons force de proposition, non seulement pour verdir l’industrie, mais aussi pour recouvrer, dans une logique d’aménagement du territoire et de planification, une industrie qui prenne en compte l’intelligence et la vie des salariés, car ces derniers sont les grands oubliés du projet de loi.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Vous avez évoqué, à propos de ce texte, un « tournant » économique majeur, la « fin du désastre » de la désindustrialisation ou encore une démarche « révolutionnaire » par certains aspects. Il faut en finir avec de tels éléments de langage ! Le projet de loi peut être utile, voire nécessaire, mais il a pour seuls objectifs de pallier des besoins fonciers en fournissant des sites clés en main, de diviser par deux les délais pour les procédures d’urbanisme, de verdir la production, sur le fondement d’une définition contestable, et d’essayer de trouver un début de financement. Il s’agit de répondre à l’IRA, adopté par les États-Unis, à ceci près que celui-ci représente 370 milliards de dollars d’investissements. En tenant compte de la différence de population entre les deux pays, il faudrait que nous consacrions environ 70 milliards à ce plan. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas…

Depuis le début de la législature, je m’étonne que le vocabulaire utilisé ne corresponde pas à la réalité. Ainsi, vous avez parlé de « concertation ». Non ! Nous avons seulement été consultés – après que les groupes de la majorité avaient travaillé et une fois que le texte avait été présenté en Conseil des ministres ; à ce moment-là, vous nous avez demandé si le projet nous convenait…

Sur la méthode, vous avez décidé de saucissonner le sujet. Ainsi, il n’est pas question de formation, d’emploi et de financement. À cet égard, le plan d’épargne avenir climat ne répond en rien aux besoins et, si la contribution minimale sur l’assurance vie et le plan d’épargne retraite sont des pistes intéressantes, il est fatigant de constater qu’une fois encore, un enjeu majeur comme celui de l’industrie est abordé par le petit bout de la lorgnette. Le texte fera de nombreux déçus si vous n’allez pas au bout de la logique.

Enfin, nous nous interrogeons sur la place réservée aux collectivités dans le projet. Concevoir des procédures permettant aux préfets de court-circuiter l’échelon local, c’est se mettre en difficulté. En effet, en prétendant accélérer les décisions avec des dérogations s’agissant des consultations publiques et la mutualisation des concertations, vous prenez un risque majeur, car les contentieux vont se multiplier. Or, comme vous n’avez pas de prise sur le temps que prennent les recours, le texte pourrait produire des effets inverses par rapport à ceux qui sont visés.

Si le projet de loi va plutôt dans le bon sens, nous regrettons donc la méthode employée et déplorons les éléments de langage auxquels vous avez recours, qui sont en décalage avec la réalité.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je voudrais d’abord remercier les rapporteurs pour leurs interventions qui montrent leur parfaite maîtrise du texte. Leurs propositions permettront d’enrichir encore celui-ci, après les avancées enregistrées au Sénat.

Je remercie aussi le rapporteur d’information de la commission des affaires européennes pour son intervention extrêmement importante. Effectivement, nous ne réindustrialiserons la France qu’en travaillant dans un cadre européen ambitieux. De ce point de vue et contrairement à ce que certains ont déclaré, nous avons fait beaucoup pour que l’Europe bouge. En outre, la politique industrielle française est tout sauf libérale, et il en va de même de l’infléchissement qui s’amorce à l’échelon européen. Le dispositif des aides d’État a été renforcé et des pans entiers de l’économie ont été soutenus, pendant la covid et au sortir de la pandémie, dans une logique de relance keynésienne que la gauche ne devrait pas refuser. Nous nous engageons également dans le financement du verdissement de l’industrie, d’une manière somme toute assez conditionnelle.

Je vous rejoins, monsieur Sitzenstuhl : les démarches très ambitieuses effectuées par la France depuis six ans, dans la lignée du discours de la Sorbonne, ont permis d’obtenir des résultats concrets en matière d’endettement commun et d’aides d’État, et la notion de souveraineté a été intégrée dans la politique industrielle européenne.

Vous jugez insuffisants les montants affectés au fonds souverain. Retenons quand même que, sans le Président de la République Emmanuel Macron et le commissaire français Thierry Breton, il n’existerait sans doute même pas.

S’il faut continuer à faire progresser l’Europe dans la voie de la réindustrialisation, il convient donc de noter l’apport très important de la France depuis six ans au renforcement et à la transformation en profondeur de la politique européenne, notamment en matière industrielle.

À partir d’un constat que, me semble-t-il, nous partageons tous, je souhaite que nous nous engagions dans une démarche de construction. La désindustrialisation de la France a été un désastre. J’observe qu’en Allemagne, pays qui n’est pas moins libéral que le nôtre, l’industrie pèse pour 22 % du PIB, soit deux fois plus que chez nous. Il est donc un peu simpliste d’établir un lien entre libéralisme et degré d’industrialisation. Les impôts sont moins élevés en Allemagne et les aides d’État, rapportées au nombre d’habitants, y sont tout aussi importantes qu’en France, voire légèrement supérieures. Depuis six ans, nous avons stabilisé la part de l’industrie dans le PIB à un niveau de 11 %, selon les chiffres de l’Insee. Nous devons à présent nous donner les moyens d’aller plus haut.

Certes, des usines ont continué à fermer, ce qui engendre des difficultés pour les territoires. Face à cela, nous avons agi dans deux directions. Premièrement, nous avons rouvert des usines en France : depuis cinq ans, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme – citons, par exemple, ACC et STMicroelectronics. Deuxièmement, nous aidons au quotidien les industries qui souffrent. Nous avons trouvé un repreneur pour Carelide ; nous faisons tout pour en trouver un pour Tereos et Caudry ; nous travaillons sur la reprise potentielle de Valdunes. Nous avons, au minimum, une obligation de moyens pour aider les entreprises en difficulté à rester là où elles sont et à se développer. Nous n’avons pas lésiné sur les moyens ; nous commençons à obtenir des résultats. Je ne pense pas que l’on puisse nous reprocher un manque de volontarisme industriel au cours des six dernières années.

Monsieur Loubet, je vous invite à relire en détail le projet de loi. Toutes les dispositions que nous y avons insérées pour simplifier les procédures et développer les installations industrielles en France concernent l’ensemble de l’industrie. Nous avons deux convictions très fortes : premièrement, produire en France permet, dans la majorité des cas, de réduire les émissions de gaz carbonique ; deuxièmement, même l’industrie traditionnelle française est une source de décarbonation, comme l’attestent les chiffres. Les clients, les employés, les actionnaires, l’État le demandent. Le mécanisme très puissant d’accompagnement de la réindustrialisation va permettre de verdir l’industrie traditionnelle et de développer une industrie verte de qualité.

Notre déficit commercial est en effet beaucoup trop élevé. Il est le fruit de la désindustrialisation massive que l’on connaît depuis vingt-cinq ans. Si l’on veut renverser cette tendance, il va falloir produire une industrie compétitive et verte, capable de s’exporter, de se développer dans le cadre de frontières ouvertes.

Madame Dufour, Monsieur Saint-Huile, nous répondons à l’IRA. Nous n’avons pas à rougir des montants engagés : « France 2030 », c’est 54 milliards d’euros, après les 100 milliards d’euros de « France relance ». Nous sommes bien au-delà des montants de l’IRA. Les industriels et les élus locaux nous font part d’un besoin de terrains, de talents, de financement. Les salariés, chez Duralex et ailleurs, nous disent : vous nous avez bien aidés, continuez à le faire. Ce ne sont pas les montants qui nous posent problème mais les procédures, notre capacité à accélérer le mouvement sans baisser la garde sur l’environnement. Ce projet de loi n’entraîne aucune remise en cause des contraintes environnementales. Nous parallélisons des procédures déjà existantes, nous étendons la durée de l’enquête publique, nous renforçons un certain nombre de mécanismes. Nous souhaitons aller plus vite, être plus efficaces, mais sans aucunement réduire nos efforts en faveur de l’environnement, car nous sommes convaincus que la décarbonation est l’un des éléments essentiels de la compétitivité de demain. Cela étant, nous n’avons pas encore atteint le niveau de simplicité et d’efficacité des procédures américaines.

Il y a trois semaines, en Ardèche, le Président de la République a annoncé la relocalisation en France de la production de vingt-cinq médicaments essentiels.

Madame Dufour, vous avez affirmé que l’industrie n’avait pas baissé ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2021. Or, c’est le secteur qui les a le plus diminuées, à hauteur de 44 %. Il est très probable que ce soit encore le meilleur élève dans les vingt à trente ans qui viennent. À titre d’exemple, si l’on décarbone Borealis, on en retirera un triple gain. Le premier concernera l’entreprise elle-même, qui n’émettra plus que 50 % de gaz à effet de serre en 2030 et une quantité nulle en 2050. Deuxièmement, cette société produira des engrais moins carbonés que ceux que l’on importe, ce qui aura des effets bénéfiques pour une partie de notre agriculture sans faire peser le fardeau de cette évolution sur nos agriculteurs. Troisièmement, nous disposerons d’engrais compétitif, ce qui nous permettra d’exporter, de contribuer au développement de nos territoires et de réduire notre déficit commercial.

Ce texte participe d’un changement d’état d’esprit et reflète un consensus quasi-général des élus en faveur de l’industrie. Montrons que nous pouvons travailler ensemble pour faire avancer l’industrie verte.

Je travaille tous les jours avec les comités stratégiques de filière (CSF). Les plans de filière que nous sommes en train de signer pour les cinq ans qui viennent ont pour objet de nous permettre de décarboner ensemble. Monsieur Jumel, vous avez raison, la gestion des sous-traitants par certaines filières est perfectible – nous y travaillons avec elles. D’autres filières, en revanche, sont exemplaires.

Madame Duby-Muller, l’énergie constitue en effet le nerf de la guerre de la désindustrialisation. Je vous invite à attendre le projet de loi de programmation énergétique, qui sera présenté à l’automne et qui vous apportera toutes les réponses sur ce sujet.

Vous vous êtes également interrogés sur la définition de l’industrie verte. Aujourd’hui, à mes yeux, le vert doit être partout. À définir trop précisément la notion, on risque de s’empêcher de développer un certain nombre de technologies, existantes ou à venir. Cela nous priverait, par exemple, de la possibilité de verdir les aciéries, qui, à l’heure actuelle, sont tout sauf vertes : à titre d’exemple, Arcelor représente 7 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

M. le président Bruno Millienne. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Le projet de loi est réducteur et décevant. L’exclusion des projets industriels concourant à la transition écologique ou essentiels pour la souveraineté nationale du périmètre de la « zéro artificialisation nette » est une avancée, mais quels projets seront réellement concernés et comment fera-t-on pour tous les autres ? La réhabilitation des friches industrielles et la mise à disposition de terrains semble également une bonne idée, mais quelles solutions seront proposées pour les terrains et les territoires dépourvus de friches ? L’exclusion de la commande publique des entreprises ne respectant pas les obligations nourrit une véritable inquiétude. Toutes ont l’envie de se décarboner, mais elles ne pourront pas toutes aller à la même vitesse. Cette mesure va créer de profondes inégalités. On peut se demander si le projet de loi permettra réellement, en francisant autant que possible la commande publique, de réduire les émissions importées de la France, qui représentent la moitié de notre empreinte carbone.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Les industries électro-intensives, dans des secteurs tels que l’aluminium, l’acier, la chimie ou le silicium, sont essentielles à la production de biens stratégiques et à notre indépendance. Nous devons donc les conserver sur notre territoire. Elles font partie des industries les plus émettrices, sur lesquelles vous souhaitez agir. Toutefois, les plans de décarbonation sont très capitalistiques. Ils présentent des durées d’amortissement très longues et entraînent une perte de compétitivité au cours des dix années nécessaires à l’investissement. Que se passera-t-il après la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ? Si des entreprises électro-intensives n’ont pas de visibilité sur le coût de l’énergie, alors que celle-ci représente 30 % de leurs coûts de production, elles ne pourront pas investir massivement dans la décarbonation.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Il y a deux problèmes dans ce projet de loi : le premier est ce qu’il contient, le deuxième, ce qu’il y manque. Rien n’est prévu pour la formation des travailleurs et des travailleuses de l’industrie de demain, pour l’anticipation de nos besoins en matière de qualification. Vous avez jugé irrecevables beaucoup de nos amendements, dont certains avaient pour objet d’anticiper les métiers à venir, afin d’adapter l’offre de formation. Vous avez aussi rejeté la création d’un conseil national de la qualification professionnelle, qui pouvait permettre de quantifier ces besoins, métier par métier. L’augmentation de 22 % des places dans les écoles des mines et des télécoms coûterait environ 1 milliard d’euros selon « France 2030 ». Quelle évaluation faites-vous des moyens nécessaires à la formation ?

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous sommes visiblement nombreux à ne pas comprendre comment vous pouvez former le vœu d’une grande loi sur l’industrialisation sans traiter la question de la main-d’œuvre et de la formation. Nous ne nous expliquons pas non plus pourquoi la totalité de nos amendements sur cette question a été rejetée. On est pourtant au cœur du sujet. Une industrie, c’est, avant tout, des ressources humaines. On souffre d’un déficit immense en la matière, ce qui se traduit par un taux de vacance d’emploi élevé, un défaut de compétences, un recours accru aux heures supplémentaires, une baisse de la productivité, des délais de production et de livraison plus longs et, in fine, une augmentation des importations. Monsieur le ministre délégué, comment avez-vous pu passer à côté de ce volet majeur ?

M. Pierre Meurin (RN). L’article 45 de la Constitution dispose que « tout amendement est recevable […] dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Pourtant, vous avez déclaré irrecevables des amendements traitant de la responsabilité environnementale des filières industrielles, laquelle présente un lien avec l’industrie verte. Je m’offusque de cet arbitraire. Vous avez accepté un amendement sur les zones à faibles émissions (ZFE) qui me semble présenter un lien bien plus ténu avec le texte. Nous sommes nombreux à nous interroger sur ces décisions.

M. Nicolas Dragon (RN). Tous les pays qui s’en sortent disposent d’une industrie forte, comme l’illustrent le Japon, l’Allemagne, les États-Unis ou encore la Chine. La France doit revenir à ce niveau. Je citerai le projet d’implantation de l’usine Rockwool, près de Soissons, qui concernerait 130 emplois et implique un investissement de 130 millions d’euros. Cette usine a vocation à fabriquer des produits isolants en laine de roche, destinés principalement au marché français, grâce à une technologie de fusion électrique à faible émission de carbone. Que pensez-vous de ce projet, qui se heurte à de fortes contestations, même de la part d’élus locaux ?

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Votre projet de loi est un texte à trous. On cherche ce qu’il contient mais surtout ce qu’il y manque. À Saint-Nazaire, nous regrettons l’absence de mesures protectionnistes concernant, par exemple, les énergies marines renouvelables, que vous semblez ainsi prédestiner au même avenir que celui réservé, hier, au photovoltaïque. Il n’y a rien, non plus, sur les droits des salariés dans la perspective de la bifurcation écologique. Comment pensez-vous transformer les entreprises sans les salariés ? Nous avions déposé plusieurs amendements, qui ont été déclarés irrecevables, pour imposer la tenue de négociations sur cette bifurcation dans les entreprises et pour créer des droits nouveaux, par exemple sur les comités sociaux et économiques (CSE). Le texte ne prévoit rien, non plus, sur la protection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les sites Seveso, pas même la création, pourtant nécessaire, d’une autorité indépendante.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). On a un peu l’impression que ce texte instaure une planification par le haut : on implante des usines, mais on inventera plus tard la vie qui va avec. S’agissant des panneaux photovoltaïques, je voudrais tirer la sonnette d’alarme à propos de l’usine Photowatt. On entend parler d’une gigafactory, dont on ne sait pas grand-chose, qui sera créée au détriment d’entreprises existantes. On pourrait reconstituer une filière à partir de ces dernières sans suivre uniquement le modèle de la gigafactory. Comment allez-vous associer toutes les parties prenantes dans les territoires pour réussir la réindustrialisation ?

Pourquoi ne prévoyez-vous pas de contreparties au financement de certaines entreprises qui, telle STMicroelectronics, utilisent des métaux rares ou dont l’activité est polluante ?

M. Julien Dive (LR). Quelque 30 000 à 40 000 emplois sont supprimés, chaque année, du fait des délocalisations, en particulier de la part des multinationales. L’un des angles morts du texte est la lutte contre les délocalisations, qui est pourtant le meilleur moyen de décarboner notre industrie. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Vincent Thiébaut (HOR). Le projet de loi ne traite pas de la logistique, qui est pourtant essentielle à la maitrise des flux de transfert entre les industriels et entre les sites. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Le projet de loi aborde la transformation du système technique du capital, mais nous aurions aimé que la question du recours à l’argent public soit traitée d’emblée. Le texte comporte deux manques majeurs, qui s’ajoutent à d’autres lacunes déjà signalées : en amont du produit fini, le sujet des matières premières, des terres rares et la question des industries extractives dans notre pays ; en aval, la question des transports ferrés et fluviaux et celle de la logistique.

M. Charles de Courson (LIOT). L’article 17, qui vise à fixer un taux minimum d’utilisation des assurances vie et des plans d’épargne retraite (PER) vers les PME, est une bonne idée, que nous avions eue dès 1993. À l’époque, nous avions essayé de fixer les taux par voie d’amendement ; le ministre des finances nous avait dit que ce serait fait. Trente ans plus tard, nous en sommes à 1,3 % des 1 839 milliards d’assurance-vie et 2,5 % des PER. Le Sénat a souhaité que le ministre fixe un taux minimum, mais il faudrait en réalité un taux minimum progressif. Nous comptons sur vous pour appuyer nos amendements en ce sens.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Outre la formation, le texte ignore deux facteurs supplémentaires de production. En premier lieu, vous refusez d’envisager l’extraction, sur notre territoire, des matières premières, en particulier des métaux rares, laquelle pourrait se faire de manière durable et écologique, puisqu’on maîtriserait les modes de production. En deuxième lieu, en termes de production d’énergie et quel que soit le scénario de RTE (Réseau de transport d’électricité) que l’on retienne, nous n’avons pas les moyens d’alimenter les usines électrifiées et les productions décarbonées.

M. Emmanuel Blairy (RN). Comment comptez-vous maintenir les emplois chez Tereos ? La fermeture de l’usine d’Escaudœuvres, qui emploie 123 personnes, est liée à l’arrêt de l’utilisation des néonicotinoïdes (NNI). Allez‑vous revenir sur cette interdiction ? Ou ces 123 emplois seront-ils préservés au sein d’autres industries ?

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons été saisis par la faiblesse du volet financier du texte. Je ne comprends pas pourquoi vous avez choisi de créer un nouvel outil, ex nihilo, alors qu’il existe pléthore d’outils d’épargne, dont il aurait suffi de relever les plafonds au bénéfice du financement de l’industrie verte. Vous espérez mobiliser 5 milliards d’euros alors que 300 milliards de surépargne consécutive à la covid sont disponibles. Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir tenu une grande conférence nationale sur l’industrie ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Lors de l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables, on nous a dit que ce n’était pas le moment de parler de formation. Lors de la discussion du projet de loi d’accélération du nucléaire, on nous a dit que ce n’était pas le moment de parler des métiers du nucléaire. Aujourd’hui, ce n’est pas le moment de parler de la formation liée aux métiers de l’industrie verte. Quand le moment sera-t-il venu ? Ce n’est pas le ministre Pap Ndiaye qui va s’en occuper !

Si la réindustrialisation, la relocalisation, le verdissement de l’industrie nécessitent une formation à ces métiers, elles exigent aussi une politique énergétique, une visibilité sur les prix et la reprise en main du mix énergétique au service d’une industrie décarbonée. Le texte ne contient rien, non plus, à ce sujet.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Petex-Levet, les industries de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, territoire dont vous êtes l’élue et que j’ai eu l’occasion de visiter voilà quelques mois avec mon collègue Bruno Le Maire, seront au cœur de la transition. Elles sont aujourd’hui très orientées vers les véhicules thermiques et nous devons appuyer leur diversification et leur réorientation vers d’autres secteurs. De fait, si la vallée de l’Arve compte de très belles entreprises, d’autres, plus petites, auront sans doute du mal à faire cette transition et nous devons vraiment aider à la consolidation de ce secteur. Je pense en particulier à l’une de ces entreprises, qui fournit des pièces pour les véhicules thermiques et qui se diversifie désormais en fabricant des moteurs électriques pour les vélos. Cette entreprise très productive et inspirante organise aussi la transition de ses salariés vers de nouveaux métiers. Dans certaines régions, les entrepreneurs se prennent en main, et nous allons les accompagner.

Vous avez posé une bonne question à propos du bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges). Je précise toutefois que le texte ne prévoit pas de rendre ce bilan obligatoire en cas de candidature à la commande publique – pour les raisons mêmes que vous évoquez, nous n’avons pas voulu que ce soit le cas – et j’espère que cette mesure, proposée par des amendements déposés sur d’autres bancs, ne sera pas retenue. Un acheteur public qui souhaite que les entreprises candidates aient fait leur travail en matière d’émission de gaz à effet de serre pourra l’exiger grâce à ce projet de loi, mais il ne sera pas obligé de le faire, afin d’éviter que des entreprises qui, comme vous l’évoquiez, n’ont pas encore eu le temps de faire leur Beges soient exclues des marchés publics, tandis que ces obligations ne s’imposeraient aucunement aux entreprises étrangères, qui bénéficieraient ainsi d’un favoritisme de fait. Nous aurons ce débat lors de l’examen de l’article correspondant.

Madame Bonnivard, vous avez évoqué les industries électro-intensives et j’ai évidemment en mémoire la visite que nous avons faite ensemble voilà dix jours, à Saint-Jean-de-Maurienne, à l’entreprise Trimet, aluminerie décarbonée très performante. La question de la fixation des prix dans le secteur de l’énergie, évoquée par M. Jumel, est à cet égard très importante. En l’espèce, après un contrat signé voilà dix ans avec EDF lors de la reprise de Trimet par un actionnaire allemand de très grande qualité, les parties se sont engagées pour les dix prochaines années sur des volumes précis d’électricité à des prix défiant toute concurrence. C’est là un exemple que nous devons généraliser.

Après l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), il faudra pouvoir conclure des contrats de long terme, qui supposent un partage du risque entre le producteur et le consommateur. Il s’agit de montrer à la Commission européenne que nous ne sommes pas en train d’accorder des subventions indues à nos industriels, et cet exemple devra être suivi par toutes les entreprises électro‑intensives – petites, moyennes et grandes.

Madame Guetté, messieurs Meizonnet, Tanguy, Leseul et Jumel, nous ne parlons peut-être pas de formation dans ce projet de loi, mais nous en faisons. Depuis cinq ans, en effet, nous avons triplé le nombre d’apprentis en France, dont plus de 20 % dans les secteurs industriels. Près de 200 000 apprentis s’orientent vers l’industrie et nous allons poursuivre ce mouvement en formant davantage, ce qui ne nécessite pas de recourir à la loi. Je comprends votre frustration de ne pas pouvoir en débattre, mais n’hésitez pas à auditionner les ministres dans le cadre de vos opérations de contrôle.

Madame Guetté, l’augmentation de 20 % du nombre d’ingénieurs dans toutes les écoles des Mines sera loin de coûter 1 milliard, car le budget global de ces écoles est aujourd’hui de 300 millions d’euros : le coût sera donc, en ordre de grandeur, d’environ à 20 % de ce montant. Les 2,5 milliards d’euros que nous avons inscrits, dans le cadre de « France 2030 », au titre de l’appel à manifestations d’intérêt pour les compétences et les métiers d’avenir et dont nous avons déjà lancé une première vague pour 750 millions d’euros, existent déjà et accompagnent des entreprises, des écoles, des centres de formation d’apprentis (CFA) et des écoles de production qui forment nos jeunes et nos moins jeunes aux métiers d’avenir. N’hésitez donc pas à faire votre travail de contrôle en interrogeant les ministres compétents ou M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, sur la manière dont cet argent est dépensé.

Madame Guetté, monsieur Meizonnet, je vous invite à soutenir la superbe réforme des lycées professionnels à laquelle nous allons procéder. Nous voulons en effet que ces établissements forment davantage à des métiers techniques qui offrent de l’emploi et des perspectives de carrière qui paient mieux.

Monsieur Dragon, l’entreprise Rockwool bénéficie d’une autorisation environnementale délivrée en avril 2021, mais elle fait face à deux recours déposés respectivement par France Nature Environnement et par le collectif Sauvons Soissons, au motif de l’avis défavorable du commissaire enquêteur jugeant insuffisante la justification du choix du site. Le jugement au fond étant attendu le 22 juillet, je ne me prononcerai pas sur une procédure judiciaire en cours, mais cette affaire montre bien que nous devons aligner l’ensemble des élus nationaux, régionaux, départementaux et locaux autour de ces projets industriels. C’est ce que je fais chaque jour lorsque je me rends dans les Hauts-de-France ou en Occitanie, au fil des échanges réguliers que j’entretiens avec les présidents de région et de département ou dans les réunions rassemblant tous les élus locaux – certains d’entre vous ont probablement participé à celles qui ont eu lieu à l’usine Buitoni de Caudry ou au Havre. Le projet Rockwool se heurte à certaines résistances des élus locaux et peut-être l’entreprise n’a-t-elle pas assez partagé avec ces derniers : je l’engage donc à continuer à le faire. Toujours est-il que, jusqu’au 22 juillet, nous attendons le résultat de l’audience judiciaire.

Monsieur Tavel, pour ce qui est de la formation et des droits des salariés, je me rends jusqu’à trois fois par semaine dans des usines, où je rencontre les salariés et les représentants des organisations syndicales, qui adhèrent à notre projet et nous remercient de ce que nous avons fait depuis plusieurs années pour sauver l’industrie. Ça vous fait rire, mais je vois chaque jour des entreprises comme celles dont nous parlons. Je suis certain que votre question n’avait rien de provocateur, mais je tiens vous dire que les salariés et les organisations syndicales – y compris dans le cadre du Conseil national de l’industrie, que la Première ministre et moi-même avons réuni la semaine dernière – sont prêts à jouer le jeu de cette transition, à condition que nous les accompagnions en matière de formation, d’organisation et d’évolution des carrières. Je suis pleinement disposé à avoir ces conversations, qui ne sont cependant pas de nature législative. De fait, le dialogue social, auquel je crois comme vous, se fait dans les branches et dans les entreprises, mais pas à l’Assemblée nationale. Je comprends votre frustration, mais la loi n’est pas destinée à gérer les enjeux du dialogue social.

Quant aux sites Seveso, pour lesquels vous demandez la création d’une autorité indépendante telle qu’il en existe une pour le nucléaire, je rappelle que cette dernière a été créée parce que l’entreprise qui construit et opère les réacteurs nucléaires est publique, et que c’est aujourd’hui le ministère de l’environnement qui suit l’exécution et le respect des contraintes Seveso, ce qui me semble normal pour des entreprises privées opérant sur notre territoire. Il est inutile de déléguer tous les contrôles à des autorités indépendantes.

Monsieur Fournier, je ne défends pas un modèle unique. Je n’ai rien contre la gigafactory qui produira des centaines de milliers de batteries en France avec – j’y reviendrai en répondant à la question de M. Tanguy – des matières premières et des matériaux de base recyclés et du lithium sans doute produit en partie en France, mais il est bien évident que nous accompagnons aussi les PME et les entreprises de taille intermédiaire. J’ai inauguré, voilà un an, une usine flambant neuve, l’usine Lacroix, dans le Maine-et-Loire, qui fait de la micro-électronique : ST n’est pas la seule entreprise dans ce domaine ! N’opposons donc pas les entreprises et les territoires les uns aux autres. Nous allons développer et verdir l’ensemble de l’industrie et nous accompagnons, dans le cadre de « France 2030 », les gros sites et les plus petits. J’espère que nous aurons votre soutien pour le faire.

Pour ce qui est de la conditionnalité, que nous évoquerons lors de l’examen des articles, je rappelle que, pour ST comme pour de nombreuses autres entreprises, les aides sont conditionnées, avec notamment des conditions de récupération (clawback) qui imposeraient, par exemple, à ST de rembourser les aides reçues si cette entreprise se délocalisait – c’est là un point sur lequel M. Dive m’a interrogé. L’idée selon laquelle l’État français ferait depuis des années des chèques en blanc aux entreprises est fausse. Il est des points sur lesquels nous ne serons pas d’accord, comme les allégements, auxquels je sais que vous êtes opposé et que M. Jumel souhaiterait conditionner – comme du reste, j’en suis sûr, d’autres députés sur les bancs de la gauche et peut-être même à droite. Soyons donc d’accord sur le fait que nous ne sommes pas d’accord là-dessus, mais toujours est-il que les aides dont il est ici question sont toutes conditionnées. Les conditions dépendent évidemment des projets, que je n’énumérerai pas ici, mais l’aide publique n’est pas un chèque en blanc et elle est notamment liée au fait que le projet doit se faire en France.

Pour ce qui est de Photowatt, nous travaillons avec EDF sur plusieurs scénarios de restructuration et de croissance. J’ai eu des échanges à ce propos avec le président-directeur général d’EDF, qui l’a annoncé en comité social d’entreprise.

Monsieur Thiébaut, il est vrai que le texte ne traite pas de la logistique, qui est certes essentielle pour le développement industriel, mais ne fait pas partie pour nous des secteurs industriels proprement dits. Toutefois, le comité stratégique « Logistique » que je co-anime avec mon collègue Clément Beaune n’a pas attendu la loi sur l’industrie verte pour s’intéresser à ces enjeux importants. De fait, lorsqu’on donne une subvention pour zone industrielle bas carbone à Dunkerque, au Havre ou ailleurs, les sites concernés intègrent la logistique dans leur réflexion, mais il ne s’agit pas pour autant d’une activité industrielle à forte valeur ajoutée entrant dans le champ du projet de loi.

Je n’ai pas entendu de question très précise de la part de M. Wulfranc, sinon ses critiques sur la dépense de l’argent public, auxquelles j’espère avoir répondu en partie à propos de la conditionnalité des aides.

Monsieur de Courson, développer l’investissement dans les PME, en particulier pour les entreprises familiales non cotées qui ne souhaitent pas entrer sur les marchés financiers, est un enjeu majeur, sur lequel je travaille depuis des années. Comme vous l’avez dit, le PER, créé par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises voilà moins de cinq ans, a plutôt permis de progresser en la matière, car plusieurs amendements y incitaient les assureurs. Sa part est aujourd’hui de 2,5 % et nous devons continuer à développer ce mécanisme, mais je crains que le fait d’imposer un pourcentage minimum exclue certaines entreprises financières, et notamment les plus petites, qui ne disposent pas de toute la gamme de produits ou de la profondeur de marché nécessaires pour de tels investissements. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’y revenir en examinant l’article 17.

Monsieur Tanguy, je ne pense pas que vous ayez toujours raison et je pense même que vous avez souvent tort – mais vous avez au moins raison de souligner que les matières premières seront le nerf de la guerre. Votre question est, du reste, très largement inspirée du rapport Varin, que nous avions commandé. Les recommandations de ce rapport, rendu voilà deux ans, sont en train d’être mises en œuvre et n’appellent aucune disposition législative. J’ai nommé un délégué interministériel aux matériaux de base, conformément à ces recommandations, et nous avons créé un fonds de 500 millions d’euros d’argent public, qui sera complété dès cette année par 500 millions d’euros d’argent privé et 1 milliard d’euros l’année prochaine, qui sera géré par un gestionnaire de fonds, Infravia, et qui développera notre capacité à disposer des matériaux de base critiques qui nous permettront de décarboner l’industrie traditionnelle. Certains de ces matériaux viendront de l’étranger mais seront collectés dans une logique d’extraction responsable, tandis que d’autres seront sans doute extraits en France. Notre pays possède, en effet, beaucoup de lithium : exploitons-le de façon responsable et assurons-nous que les populations sont prêtes à jouer le jeu. Nous disposons de ressources exceptionnelles, que nous devons exploiter dans le cadre du verdissement de l’industrie.

Je vous engage d’ailleurs à suivre également mon collègue Bruno Le Maire, qui s’est rendu récemment en Allemagne, où il a été convenu avec son homologue allemand que, dans ce domaine aussi – je le dis en pensant à M. Sitzenstuhl –, nous devions avoir une stratégie européenne. L’Europe doit être indépendante pour son approvisionnement en matériaux de base et instaurer leur recyclage afin d’être à la fois exemplaire et plus présente. Onze projets liés au lithium sont actuellement soutenus par « France 2030 ».

Monsieur Blairy, nous travaillons beaucoup sur le dossier Tereos. J’ai rencontré les organisations syndicales et la direction de cette entreprise. Les choses seraient simples s’il ne s’agissait de néonicotinoïdes, mais il se trouve malheureusement – et je l’ai dit publiquement –que la direction a commis plusieurs erreurs stratégiques, qu’elle n’a pas assez investi dans l’outil de production et qu’elle a décidé de fermer un site qui n’est plus compétitif. Je travaille donc d’arrache-pied avec la direction et tous les élus du territoire à trouver une solution pour chacun des salariés concernés et pour le site.

Monsieur Leseul, je pense avoir répondu à votre question relative à la formation. Quant à une conférence nationale sur l’industrie, il me semble que ce projet de loi pouvoir nous permettre d’avoir des débats intéressants, fouillés et, je l’espère, consensuels sur notre objectif commun de réindustrialiser la France : faisons-le !

Monsieur Jumel, nous travaillons sur la formation et l’éducation et le ministre Pap Ndiaye le fait aussi : en novembre dernier, durant la semaine de l’industrie, nous avons organisé une rencontre au ministère des finances entre des industriels et 1 000 jeunes venus des quartiers, qui en sont sortis avec une envie d’industrie. Je suis prêt à renouveler ces rencontres dans toutes vos circonscriptions. Rapprochons l’école de l’industrie et l’industrie de l’école. Donnons à nos jeunes envie d’industrie. Nous y parviendrons ensemble ou nous n’y parviendrons pas.

M. le président Bruno Millienne. Je tiens à dire à M. Meurin et à tous ceux qui s’interrogent sur l’irrecevabilité de certains amendements au titre de l’article 45 que ce travail a été fait en toute honnêteté et impartialité, comme en témoigneraient, si elles n’étaient malheureusement parties, Mme Guetté et Mme Dufour, qui en ont eu l’illustration cet après-midi. Si donc vous souhaitez comprendre pourquoi certains amendements ont été jugés irrecevables, écrivez-nous : nous vous répondrons.

2.   Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 9 heures

M. le président Bruno Millienne. Notre commission spéciale a achevé, hier, la discussion générale sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. Nous commençons, ce matin, l’examen des 1 042 amendements déposés sur ce texte. Je vous rappelle les modalités d’organisation de nos débats : chaque orateur dispose d’une minute trente pour défendre son amendement, défense suivie des avis du rapporteur et du Gouvernement, puis d’une intervention pour et d’une autre contre, à raison d’une minute chacune sauf si l’importance particulière du sujet justifie des échanges plus longs. Je rappelle par ailleurs que les collègues qui ne sont pas membres de la commission spéciale ne peuvent pas prendre part aux votes.

TITRE Ier
Mesures destinées à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches

 

CHAPITRE Ier
Planification industrielle

 

Avant l’article 1er

Amendement CS191 de M. Jérôme Nury.

M. Vincent Rolland (LR). Cet amendement vise à substituer le mot « simplifier » au mot « accélérer » dans le titre Ier. Vous avez, Monsieur le ministre délégué chargé de l’industrie, visité l’usine Ugitech il y a quelques jours, et je vous en remercie : nous avons tous fait le constat des lourdeurs administratives qui pèsent sur nos entreprises et freinent l’industrialisation. Le fameux « choc de la simplification » annoncé par le président François Hollande n’ayant pas été suivi d’effet dans les entreprises, il nous semble indispensable de commencer par simplifier, d’autant que nous sommes à la traîne par comparaison avec de nombreux autres pays.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général et rapporteur pour les chapitres Ier et V du titre Ier. Je partage totalement votre ambition de simplification, raison pour laquelle une loi d’accélération et de simplification de l’action publique a été adoptée lors de la précédente législature. Selon moi, la simplification est incluse dans l’accélération : les dispositions du titre Ier visent à simplifier en vue d’accélérer, ce qui est l’objectif final. Dans la perspective de la discussion en séance, nous pouvons envisager d’adjoindre le mot « simplifier » au titre existant. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Même avis : si l’objectif est d’accélérer, la simplification fait partie des moyens. Je vous invite également à retirer votre amendement afin que nous puissions retravailler la formulation en vue de l’examen en séance.

M. Vincent Rolland (LR). Devant ces arguments presque persuasifs, je retire l’amendement, bien que je n’en sois pas le premier signataire. Je note votre engagement à y retravailler en vue de l’examen en séance, notamment avec M. Jérôme Nury.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous sommes toujours méfiants sur la simplification, l’exposé des motifs indiquant d’ailleurs qu’elle consisterait à supprimer les évaluations de l’impact sur la faune et la flore. La simplification ne saurait consister à détricoter des règles et des normes utiles, mais à améliorer la concertation et l’implication de toutes les parties prenantes dans les territoires. Je m’inscris en faux contre une simplification qui ne servirait qu’à cacher une déréglementation.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CS809 et CS363 de M. Nicolas Meizonnet et sous-amendement CS1404 de M. Dino Cinieri, amendement CS917 de M. Nicolas Pacquot et sous-amendement CS1405 de M. Dino Cinieri, amendements CS944 de M. Nicolas Dragon, CS1001 et CS1002 de M. Charles Fournier, amendement CS754 de M. Gérard Leseul et sous-amendement CS1417 de M. Antoine Villedieu (discussion commune).

M. Nicolas Meizonnet (RN). Hier, le projet de loi a été qualifié de manière peu flatteuse : flou, gazeux, fourre-tout, mal défini. Certes, il a trait à l’industrie verte, mais personne ne sait la définir. Puisque le texte ne le fait pas, l’amendement CS809 en propose une définition claire : l’industrie verte sait concilier les enjeux économiques et environnementaux – le nucléaire en fait donc partie – et est tournée vers les technologies écologiques d’avenir – le verdissement de l’industrie conventionnelle ; elle suppose la remise en cause du modèle économique éprouvé du libre-échange – 50 % des émissions de CO2 proviennent de nos importations – et participe d’une volonté plus souverainiste – au sens de la souveraineté nationale, et non européenne – pour plus de protectionnisme et de patriotisme économiques.

L’amendement CS363 vise également à définir l’industrie verte. L’industrie que nous voulons doit marquer une rupture nette avec le modèle mondialiste, ardemment défendu par les macronistes : il a conduit à la destruction de notre industrie et à des délocalisations massives. Vous l’avez dit hier, Monsieur le ministre délégué : si vous le pouviez, vous repeindriez tout en vert. Nous voulons justement éviter que ce texte sombre dans du greenwashing et de la communication ! Nous voulons une vraie réindustrialisation, ce qui suppose une définition claire de l’industrie verte. Puisque vous souhaitez, Monsieur le ministre délégué, que ce texte fasse l’objet d’un large consensus, vous pourriez donner un avis favorable à cet amendement.

M. Dino Cinieri (LR). Le sous-amendement CS1404 propose de mentionner spécifiquement la situation des territoires qui ont été sinistrés ces vingt dernières années et ont perdu parfois plus de 10 000 emplois industriels. La réindustrialisation promise dans le cadre de ce projet de loi doit en effet bénéficier aux habitants de ces territoires, qui connaissent un fort taux de chômage, notamment dans la vallée landaise et dans le département de la Loire.

M. Nicolas Pacquot (RE). Comme l’a souligné le Conseil national de la transition écologique (CNTE), le projet de loi ne donne pas de définition explicite de l’industrie verte, afin de laisser au pouvoir réglementaire une latitude suffisante pour adapter la classification des activités vertes. Néanmoins, la réindustrialisation et la production de technologies de décarbonation ne sauraient se faire au détriment d’autres aspects environnementaux. Souhaiterions-nous en effet favoriser des usines, qui, bien que produisant des technologies de décarbonation, polluent nos eaux ou nos sols, détruisent la biodiversité ?

L’amendement CS917 vise donc à définir de manière plus précise, mais souple, les activités éligibles aux dispositifs de ce texte, comprenant notamment les industries produisant des biens et services permettant la décarbonation, ainsi que toutes les industries existantes engagées dans une démarche de décarbonation et d’amélioration de leur impact environnemental. En outre, pour être qualifiée de « verte », une activité industrielle ne doit pas présenter d’incidence négative significative sur l’environnement.

M. Dino Cinieri (LR). Le sous-amendement CS1405 vise à compléter le deuxième alinéa par les mots « ou sur la qualité des paysages ». Il propose de préciser que pour bénéficier de la qualification d’industrie verte, les installations ne doivent pas dénaturer les paysages – à l’instar de certains projets éoliens –, notamment dans la forêt de Taillard dans le département de la Loire.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Même s’il vise la relocalisation et la décarbonation, ce texte a des relents productivistes et ne soutient pas réellement l’industrie verte, mais une industrie, même décarbonée, qui extrait des ressources et qui utilise des matières premières et des technologies génératrices de pressions sur l’environnement. Hier, j’ai pris l’exemple de ces éternels polluants que sont les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas) : issus de notre histoire industrielle, ils sont partout et ils posent des problèmes majeurs pour la santé ; ils ne sauraient appartenir à une industrie verte. L’amendement CS1001 propose une définition complète et systémique, intégrant toutes les dimensions : l’industrie verte que nous voulons est exigeante et prend en considération l’ensemble des limites planétaires.

L’amendement CS1002, de repli, fait référence à la taxonomie européenne, malgré ses limites – nous désapprouvons le fait que l’énergie nucléaire y soit considérée comme une énergie verte, tout comme la reconnaissance de la seule intensité carbone et non pas les émissions des différentes entités économiques. Nous proposons non seulement de faire référence à la taxonomie, mais aussi à toutes les normes existantes : la stratégie nationale bas carbone (SNBC), la programmation pluriannuelle de l’énergie, la hiérarchie du mode de traitement des déchets et la loi relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre.

M. Gérard Leseul (SOC). Hier, Monsieur le ministre délégué, vous avez dit que l’industrie verte n’était pas un oxymore, mais son ambition reste floue : vous ne définissez pas l’industrie verte, au risque de polluer le concept. J’ai donc cherché cette définition, allant même jusqu’à interroger la présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF), laquelle m’a indiqué s’être tournée vers l’Union européenne. Nous nous apprêtons donc à adopter un arsenal de mesures législatives reposant sur une notion floue : l’amendement CS754 vise donc à la clarifier, ce d’autant que le label « triple E », évoqué hier, n’est toujours pas défini.

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement CS754 propose une définition intéressante de l’industrie verte, en posant des conditions permettant à la fois la réindustrialisation du pays et, en même temps, sa décarbonation. Il ne précise pas si les quatre conditions pour qu’un projet puisse être considéré comme une industrie verte sont alternatives ou cumulatives. Le sous-amendement CS1417 vise donc à ajouter un alinéa précisant que ces conditions sont alternatives : il suffit de remplir l’une d’entre elles. Chacun des quatre points permettant d’aller dans le bon sens, il n’est pas souhaitable d’avoir des conditions trop restrictives venant limiter la portée du projet.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je comprends que vous souhaitiez clarifier la notion d’industrie verte. J’appelle néanmoins votre attention sur le risque qu’il y aurait, en la définissant ainsi, d’exclure du verdissement un certain nombre de secteurs industriels. Toutes les industries ont, selon moi, vocation à se décarboner, c’est-à-dire à investir dans des technologies leur permettant de consommer moins d’énergie pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et dans le verdissement de leur processus de production.

Vous avez évoqué le patriotisme, la souveraineté et l’indépendance – prenant le nucléaire pour exemple –, Monsieur Meizonnet, mais le dispositif que vous proposez peut être source de débats, voire de contentieux.

Aucune des dispositions du texte n’est réservée à certaines industries plutôt qu’à d’autres. Toutes les mesures de simplification et d’accélération sont ouvertes à l’ensemble de nos industries, sans exclusive : si des usines souhaitent produire de l’acier, des énergies renouvelables, de l’aluminium, de la cosmétique, de l’aéronautique ou de l’automobile, elles auront accès à ces dispositions ; il serait contre-productif de les en exclure au motif qu’elles ne correspondent pas à la définition.

Enfin, il faut laisser de la flexibilité sur la notion d’industrie verte, quitte à prendre des dispositions par décret : des technologies considérées comme vertes en 2023 ne le seront pas forcément dans cinq ans. Je vous invite donc, chers collègues, à retirer vos amendements ; sinon, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si l’objectif d’une définition est louable, c’est bien de l’industrie de demain dont nous parlons aujourd’hui : elle sera verte ou ne sera pas. La réforme consiste donc, d’une part, à accélérer la décarbonation de l’industrie traditionnelle, et, de l’autre, à développer l’industrie de la décarbonation : certaines parties du texte visent en particulier certains secteurs, qui seront définis – par exemple, le plan d’épargne avenir climat n’a pas vocation à flécher des investissements vers les aciéries ou les raffineries.

Les procédures de simplification concernent néanmoins toute l’industrie, comme l’a souligné le rapporteur général. Vouloir adopter une définition comporte, d’une part, le risque d’un désaccord, et, d’autre part, celui d’un oubli – par exemple, la taxonomie européenne pourrait conduite à omettre l’extraction de lithium, élément essentiel du développement de la filière des batteries. Je suggère donc de conserver un titre qui fait mention de l’industrie verte et de préciser les choses au gré des dispositions, comme sur le label « triple E » – M. Millienne participera d’ailleurs au comité de normalisation qui lancera le travail de labellisation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. le président Bruno Millienne. Une lettre de cadrage permettra de vous fournir, Monsieur Leseul, toutes les définitions de ce label.

M. Charles de Courson (LIOT). Il ne faut pas parler d’industrie verte, mais de verdissement de l’industrie. Par exemple, l’industrie betteravière n’est pas verte en tant que telle, mais d’énormes efforts ont été consentis pour un circuit fermé de l’eau. Ainsi, France Industrie nous invite à parler de verdissement de l’industrie et non d’industrie verte : certains processus de production d’une usine peuvent être verdis, quand cela est impossible pour d’autres. Monsieur le ministre délégué, le projet de loi de finances nous invitera à poser une définition, indispensable pour les crédits d’impôt. En ce sens, ne serait-il pas préférable de modifier le titre de ce texte en mentionnant le verdissement de l’industrie ? Un consensus serait alors possible.

M. Raphaël Schellenberger (LR). J’entends vos craintes quant au risque d’une définition incomplète, Monsieur le rapporteur général, mais il aurait fallu s’interroger avant le dépôt du texte, qui pose le principe d’une définition implicite de l’industrie verte : en faisant figurer ce terme dans son titre, vous induisez la nécessité d’une définition. L’optique retenue n’est pas efficace au regard de l’enjeu international de décarbonation de notre production industrielle. Dès lors que des productions industrielles sont rapatriées en France, elles sont de facto verdies puisque, au niveau mondial, notre mix énergétique est l’un des plus performants du point de vue de la carbonation, et nos règles environnementales figurent parmi les plus exigeantes. Réindustrialiser la France, c’est verdir l’industrie mondiale.

M. Julien Dive (LR). L’adoption de ce texte sera à l’origine d’une communication forte sur l’industrie verte : tous les industriels de France se demanderont s’ils sont considérés comme une industrie verte. Il est essentiel de pouvoir leur donner des repères. Ce ne serait pas la première fois que des textes de loi à l’initiative du Gouvernement comprendraient un article liminaire visant à définir une terminologie. Certes, je comprends que les définitions ici proposées soient imparfaites, mais donnez au moins la possibilité aux parlementaires de s’accorder sur une définition, que vous améliorerez ensuite en séance.

M. Gérard Leseul (SOC). Je vous rejoins, Monsieur le ministre délégué, Monsieur le rapporteur général, dans votre volonté de réindustrialiser la France. M. Kasbarian et moi-même avons commis un rapport sur la réindustrialisation de la France et je ne peux que partager ce point de vue. En revanche, la définition de ce qu’est le « vert », trop approximative, risque de polluer notre environnement législatif. Le label « Triple E » ne sera mis en avant que le 20 juillet, dans une lettre de cadrage. Comment se fait-il que nous ne disposions pas d’une définition plus claire de l’industrie verte, alors que ce texte va nous engager pour longtemps ? Le titre est abusif : la notion de verdissement de l’économie conviendrait mieux.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je rejoins mes collègues et soutiens les amendements de MM. Fournier et Leseul, qui proposent une définition, même imparfaite. Toute la discussion que nous allons avoir sera biaisée si nous ne savons pas de quoi nous parlons. Vous considérez également que la taxonomie européenne n’est pas assez contraignante, ce qui est le point de vue de toutes les associations environnementales. En réalité, ce texte est un projet de loi de réindustrialisation totale, puisque vous refusez de discuter des besoins : quelles usines doivent être réimplantées en France ? Sur quelles productions voulons-nous être souverains ? En l’absence d’une discussion sur ces questions, nous ne convergerons pas sur les objectifs à poser : si vous la refusez, c’est parce que vous ne voulez pas contraindre les entreprises.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le titre aurait pu être : « Une industrie qui, peut-être, demain, sera verte ou verdie ». D’ailleurs, le texte ne parle pas ou très peu du verdissement – à l’exception de la commande publique ; il est centré sur la création d’activités vertes – les Big Five. Par le passé, nous avons été habitués au greenwashing – l’ajout du mot « vert » partout : au final, le résultat n’est pas là. Je pourrais aussi évoquer le livret de développement durable, aussi nommé « livret vert », et ses conséquences. Si nous ne prenons pas en considération, d’urgence, les limites planétaires, nous reproduirons ce que nous avons déjà connu : notre industrie sera certes décarbonée, mais elle ne sera pas verte et aura encore des impacts sur notre environnement, sur notre santé et sur notre avenir.

M. Olivier Marleix (LR). Comme l’a rappelé Raphaël Schellenberger, nous associons décarbonation de l’économie française et relocalisation ; or le texte passe à côté de cette dimension. Par ailleurs, vous nous avez fait part hier, Monsieur le ministre délégué, de deux stratégies complémentaires, l’une consistant en la production de technologies vertes, les Big Five, les batteries, l’hydrogène, le photovoltaïque, la géothermie. Or le rapporteur général vient d’indiquer que toutes les procédures sont ouvertes à toutes les industries. Il est donc indispensable de redéfinir les termes.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous partageons vos craintes quant au caractère limitatif d’un projet de loi sur l’industrie verte. Nous voulions un projet de loi sur la réindustrialisation, sans distinction, mais tel n’a pas été votre choix : il vous faut donc désormais définir l’industrie verte. Nous en avons volontairement proposé une définition assez large. Si l’industrie verte a vocation à se tourner vers les technologies écologiques d’avenir, elle suppose aussi un ensemble d’aides conventionnelles et consiste, enfin, en une relocalisation. Je réponds ainsi à la gauche et à M. Fournier : oui, le nucléaire, c’est de l’industrie verte ; oui, la France a l’un des mix énergétiques les moins polluants au monde, grâce au nucléaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La malformation congénitale est dans le titre. Lorsqu’une entreprise est délocalisée, c’est pour ne pas respecter les normes sociales, environnementales et sanitaires, et tirer les coûts vers les bas. À cet égard, je serais curieux de connaître le bilan carbone du premier port chinois français (Le Havre), les produits manufacturés importés n’étant bons ni pour la planète, ni pour les hommes, ni pour les territoires. Je conçois que l’on embrasse l’ensemble du champ industriel, dès lors que l’on valorise le fait de recouvrer des éléments de souveraineté. Or le choix du titre est réducteur : entendez les groupes politiques, qui, dans leur diversité, considèrent que, ce faisant, vous ratez l’objectif du projet de loi, auquel nous aurions pu adhérer – comment retrouver de la souveraineté industrielle au service de l’aménagement du territoire et de l’emploi ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends ce que vous dites sur le titre, mais je trouverais extrêmement risqué de définir précisément, dans la loi, ce qu’est l’industrie verte. Cristal Union, qui produit du sucre, va recycler ses pulpes de betterave pour les transformer en source de chaleur, permettant ainsi d’économiser du gaz à effet de serre : l’industrie des betteraves est-elle verte ? Comme je le pensais, une personne parmi vous m’a répondu « non », et une autre « oui ». La réalité, c’est que dans dix, vingt ou trente ans, toute l’industrie sera verte, alors qu’elle ne l’est aujourd’hui que partiellement.

Quant à l’objectif du projet de loi, je répondrai à un certain nombre d’éléments factuels et extrêmement judicieux, comme celui évoqué par le président Marleix : si la souveraineté est un objectif en soi, rapatrier en France des industries stratégiques contribue aussi à améliorer le bilan carbone en réduisant notre empreinte carbone. Faut-il exclure d’une définition de l’industrie verte toutes les industries que l’on cherche à rapatrier – l’équivalent de la taxonomie européenne proposée par M. Fournier ? Ma réponse est non.

Le titre est large et c’est un choix assumé. M. Dive a évoqué l’impact sur le grand public : je trouve extrêmement porteur qu’ensemble, malgré nos différences, nous puissions affirmer que l’objectif de la politique industrielle française est celui d’une industrie verte, qu’il s’agisse de l’aciérie, de la métallerie, de la cimenterie ou des pompes à chaleur. La tradition voulant que le titre de l’ensemble du texte soit plutôt discuté à la fin, peut-être y reviendrons-nous. J’en suis convaincu, une définition trop précise nous limiterait. Certes, comme vous l’avez dit, monsieur de Courson, le crédit d’impôt recherche devra être cantonné à un certain nombre d’industries dans le cadre du projet de loi de finances, tout comme le sera le plan avenir climat. Si les dispositions du projet de loi de finances seront limitées à certains secteurs – il n’y aura pas de chèque en blanc pour tout le monde –, l’objectif stratégique est que toute l’industrie soit verte, demain et après-demain. C’est ce que vise le titre de ce texte, qui devrait parler au public, aux industriels, aux Françaises et aux Français.

La commission rejette successivement les amendements et les sous-amendements.

 

Amendements CS755 de M. Gérard Leseul et CS1083 de M. Matthias Tavel (discussion commune).

M. Gérard Leseul (SOC). Je regrette que nous n’ayons pas clarifié le débat immédiatement, car nous allons retrouver la même ambiguïté tout au long du texte. Nous avions proposé une définition claire qui n’excluait aucune industrie et prenait en compte les impacts des activités en matière de décarbonation, de réduction des consommations d’énergie et de matériaux stratégiques ou encore de production de déchets. Le titre que vous voulez maintenir est totalement trompeur, et cela n’augure pas, Monsieur le ministre délégué, d’un bon consensus.

Notre amendement vise à préciser, pour l’ensemble du projet de loi, la définition des activités et technologies favorables au développement durable afin d’assurer une harmonisation de l’ensemble des dispositions et la conformité à la taxonomie européenne. Seront notamment exclues les activités qui contribuent à l’exploration, à la production, à la transformation et au transport d’énergies fossiles – charbon, pétrole ou gaz –, que vous ne pouvez pas qualifier de vertes.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). En effet, si nous ne définissons pas au moins les critères selon lesquels une industrie est considérée comme verte, alors nous sommes condamnés à un texte fourre-tout, un texte qui ne distinguera pas entre le verdissement de l’activité existante et le développement d’une industrie spécifiquement verte : à force de vouloir traiter tous les sujets, on finira par n’en traiter correctement aucun. Le contexte étant marqué par des ressources limitées – nous parlerons notamment du foncier –, notre rôle est de dire quelles sont les priorités, les hiérarchies à établir en matière d’industrie verte.

Vous nous dites qu’il faut garder de la souplesse ; nous proposerons tout à l’heure une loi de programmation pluriannuelle pour l’industrie verte ; elle pourrait être l’occasion de redéfinir ou de corriger certains points à intervalles réguliers. En revanche, à vouloir tout faire, on ne fera rien.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable aux deux amendements. Nous avons déjà bien discuté de la définition. La référence à la taxonomie européenne restreindrait le champ, alors que notre logique est de verdir l’ensemble de l’industrie.

Par ailleurs, l’amendement de M. Tavel exclut explicitement le nucléaire du champ de ce qu’est une activité ou une technologie favorable au développement durable, ce à quoi je suis fermement opposé.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Je reviens sur un exemple qui illustre bien pourquoi il faut un débat sur ce qu’est une technologie verte et pourquoi il n’est pas si simple de décarboner l’économie. Vous vous souvenez que l’huile de palme a très longtemps été considérée comme un biocarburant et qu’elle a bénéficié d’avantages fiscaux, car on pensait qu’elle était moins émettrice de gaz à effet de serre que le pétrole. Des études ont démontré que le bilan carbone total de l’huile de palme, une fois prise en compte la déforestation dans les pays de production, était pire que celui du pétrole, mais il a fallu plusieurs années de débat scientifique et politique pour en arriver à cette conclusion et exclure ce produit des biocarburants. Voilà précisément pourquoi l’Union européenne s’est penchée sur une taxonomie verte. Celle-ci doit évidemment être révisée, puisque les technologies évoluent. On ne peut pas se passer de ce type de débats : sinon on ne décarbonera rien du tout, quoi que l’on en pense. La science avance et il nous faut en tenir compte.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement de M. Leseul est intéressant, mais il vise « les activités et technologies ». S’agissant des premières, c’est inutile : l’ensemble de l’industrie est concerné, vous l’avez dit vous-même. Nous voulons verdir en favorisant partout les technologies durables. Parlons donc du verdissement de toutes les industries : ce serait clair, même si vous aurez peut-être un petit problème en loi de finances, Monsieur le ministre délégué, compte tenu de la définition des industries qualifiées de vertes, qui serait plus restreinte.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Dufour, vos propos vont tout à fait dans notre sens. Il y a quelques années, on aurait mis l’huile de palme dans la loi. Notre objectif est plutôt de laisser la science et les technologies avancer et ensuite d’ajuster, sans avoir forcément à adopter un projet de loi à chaque fois.

Monsieur de Courson, le dispositif temporaire « Ukraine » définit les cinq industries éligibles au crédit d’impôt. Nous pourrons peut-être tenter un élargissement dans les mois ou les trimestres qui viennent, mais c’est extrêmement encadré par le dispositif temporaire de gestion de crise (TCTF).

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS348 de Mme Anaïs Sabatini.

M. Alexandre Loubet (RN). Je crois qu’il existe un consensus, en dehors des rangs de la majorité présidentielle, sur le fait qu’on navigue à vue. Vous nous présentez un projet de loi relatif à l’« industrie verte », mais vous refusez de la définir, alors que les acteurs économiques ont besoin de visibilité à court, moyen et long terme ; y compris sur le plan législatif. Si le législateur n’a lui-même pas de visibilité sur ce qu’il va voter, comment les acteurs économiques pourraient-ils en avoir ?

Le projet de loi concerne toute l’industrie, avez-vous affirmé, Monsieur le ministre délégué. Cela signifie non seulement que le titre retenu est un artifice de communication, mais aussi que vous n’avez en réalité aucune solution ni vision pour le pays, car les mesures prévues sont insuffisantes. Par cet amendement d’appel, nous demandons donc un rapport sur la définition de l’industrie verte.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je suis par principe défavorable aux demandes de rapport, car cela n’a aucune portée normative. Il faudrait d’ailleurs déposer, un jour, un amendement visant à connaître le nombre de rapports vraiment remis par le Gouvernement sur une telle base – on serait surpris… Les sénateurs ont exactement la même position et nous nous accordons généralement lors des commissions mixtes paritaires pour faire « sauter » toutes les demandes de rapport.

Sur le fond, les acteurs économiques ne me disent pas la même chose que vous. Ce qu’ils demandent, c’est de ne pas être exclus du champ ; ils n’affirment pas qu’ils ont absolument besoin qu’on mette dans la loi une définition de ce qu’est – et de ce que n’est pas – une industrie « verte ». Si on allait dans votre sens, un paquet d’acteurs économiques viendrait vous voir, dans votre territoire, pour vous dire que vous les avez exclus, que vous n’avez pas pensé à eux.

Pour ces deux raisons, je vous propose de retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même position.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Vous nous avez dit, Monsieur le rapporteur général, qu’en matière de simplification et d’accélération, le texte serait ouvert à toutes les industries, mais ce point majeur ne figure pas dans le projet de loi. Or, en l’absence de principes clairs, il est certain que des secteurs tels que l’acier ou l’aluminium seront exclus, dès lors que les services de l’État auront à instruire les dossiers. Il faut absolument apporter une clarification d’ici à la fin de l’examen du texte, sinon tout un pan de notre industrie traditionnelle, qu’il convient bien sûr de décarboner, sera laissé de côté.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les articles de simplification et d’accélération s’appliquent à tout le monde. Que vous fassiez de l’aluminium, des batteries, de la betterave, du sucre ou des petits biscuits, vous serez éligible. Par ailleurs, les procédures environnementales s’appliquent évidemment à tous et à toutes de la même manière – il y a un examen par l’autorité environnementale, au sein de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Je l’ai dit hier lors de la discussion générale : nous voulons simplifier et accélérer les choses, afin qu’il y ait du foncier, de la clarté et de la rapidité pour toutes les procédures relatives aux installations industrielles.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La plupart des articles du projet de loi concernent la totalité des industries. Seules deux phrases, au sein de deux articles, restreignent un peu le champ. À l’article 8, l’alinéa 7 porte ainsi sur des entreprises qui « participent directement ou indirectement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable », définis par décret en Conseil d’État. De même, à l’article 9, alinéa 2, il est question d’activités concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale, également définies par décret. Nous pourrons débattre, lorsque nous examinerons ces deux articles, de la nécessité ou non d’apporter des clarifications, mais voilà de quoi répondre aux industriels qui, en effet, nous demandent souvent s’ils sont concernés.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er : Fixation d’objectifs de développement industriel dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

 

Amendements CS960 de M. Jean-Philippe Tanguy et CS862 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune).

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). L’un des enjeux essentiels pour la réindustrialisation du pays est la simplification administrative : il faut supprimer toutes ces normes et surtout ces démarches bureaucratiques qui épuisent les acteurs économiques, désincitent tout le monde à faire des efforts et poussent les entrepreneurs à aller voir ailleurs, là où on accueillera avec bienveillance leurs idées et leur esprit entrepreneurial.

L’article de loi qui définit la manière dont est élaboré le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) est long de quatre-vingt-dix lignes. Notre amendement d’appel vise à les remplacer par seulement trois lignes. Faisons preuve de bon sens : les élus régionaux sont libres et c’est à eux d’apprécier ce que doivent être l’aménagement du territoire, le développement durable et l’organisation des infrastructures. Il faut arrêter de fixer, en quatre-vingt-dix lignes, ce que doivent décider souverainement les élus de la nation, encadrés par la bureaucratie et tutti quanti.

M. Stéphane Delautrette (SOC). À défaut de vous avoir convaincus de mieux définir l’industrie verte, nous souhaitons mettre la volonté de réindustrialisation au service de l’aménagement du territoire. Nous proposons ainsi d’introduire la notion de développement industriel au sein des Sraddet, en lien avec les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), les plans territoriaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) et d’autres schémas régionaux. Les Sraddet devront préciser les objectifs visés en la matière, tant à court terme qu’à moyen terme.

Il s’agit de permettre la réindustrialisation de nos territoires dans la durée, tout en assurant la décarbonation des process industriels, le maintien et le développement du tissu industriel existant et, pour ce qui concerne l’installation de nouveaux sites industriels, le suivi d’une logique de filière afin de reconstituer des chaînes de valeur dans l’ensemble du territoire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Monsieur Tanguy, je partage votre objectif de simplification, mais vous y allez quand même franco : vous voulez passer de quatre-vingt-dix lignes à une seule : il faudrait un Sraddet, et c’est tout, on ne dirait rien de ce qu’il doit inclure. Cela plongerait les élus locaux dans une grande perplexité. Votre proposition est peut-être un peu excessive. À l’inverse, l’amendement présenté par M. Delautrette y va un peu trop fort s’agissant de la fixation des objectifs.

Je suis plutôt d’avis de laisser les dispositions actuelles en l’état, mais je vous proposerai tout à l’heure, en matière de simplification, de supprimer l’association des départements à l’élaboration du Sraddet en ce qui concerne le volet industriel, ainsi que le préfet coordonnateur. Je vous propose de retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Je ne suis pas sûr que le projet de loi relatif à l’industrie verte, quelle que soit son ambition, soit le lieu pour rediscuter, dans leur ensemble, des Sraddet. En revanche, l’article 1er a pour objectif d’introduire l’industrie dans les stratégies industrielles qui doivent être discutées et décidées dans le cadre de ces schémas régionaux – on peut d’ailleurs s’étonner du fait que l’industrie n’y soit pas présente. Nous allons l’ajouter, ce qui entraînera peut-être une demi-ligne de plus, mais c’est extrêmement important. Quant au second amendement, il me semble effectivement beaucoup trop détaillé. Je suggère donc de les retirer tous les deux, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous sommes au cœur du problème : il s’agit toujours de demi-mesures. Vous dites que vous allez tout simplifier mais, sur quatre‑vingt‑dix lignes, vous allez seulement supprimer la consultation des départements – je ne savais même pas qu’ils étaient associés, d’ailleurs. C’est la difficulté dans notre pays : on consulte tout le monde, et tout le monde donne son avis. À la fin, tout est tellement réglementé, tellement sur des rails qu’on limite la souveraineté des élus, ce qui pose un grave problème. Surtout, qui décide au bout du compte ? C’est un cabinet de conseil, on le voit dans nos territoires pour ce qui est des plans locaux d’urbanisme intercommunaux. C’est tellement compliqué, tellement technocratique que les élus sont dépossédés de leur mandat, de leur liberté, tout comme les entrepreneurs le sont de leur liberté entrepreneuriale. Un cabinet de conseil ne fait que photocopier partout la même chose et imposer les mêmes vues. Plus personne ne comprend rien, il ne se passe rien, et je ne parle même pas du temps perdu !

Je vous prends au mot, Monsieur le ministre délégué : je vous propose de sous-amender mon amendement. S’il faut mettre de l’industrie dans les stratégies industrielles, on voit bien où on est tombé, et on comprend que l’industrie soit passée de 22 % à 9 % du PIB ! Ajoutons la stratégie industrielle dans cet amendement d’une seule ligne, qui nous permettra de faire un grand pas pour nous débarrasser de tous les parasites.

M. Stéphane Delautrette (SOC). J’ai un peu de mal à comprendre les débats que nous avons depuis ce matin. C’est vous qui introduisez la notion d’industrie verte, mais dès qu’il s’agit de mieux définir les termes, vous dites qu’il faut laisser le champ le plus ouvert possible ; c’est vous qui voulez faire un lien avec les Sraddet, pour coller à l’aménagement du territoire, mais, là aussi, vous refusez de définir les choses.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous souhaitons que les régions soient fortement impliquées dans la stratégie industrielle. La politique menée par l’Occitanie n’est pas celle des Hauts-de-France, du Grand Est ou encore du territoire portuaire cher à M. Jumel. Nous ne voulons pas trop lier les mains des régions par des définitions trop restrictives, mais leur donner quand même un cahier des charges, comme c’est le cas aujourd’hui. Par ailleurs, je trouve qu’il n’est pas très respectueux des élus régionaux de dire que l’élaboration des Sraddet consiste simplement à faire appel à des consultants.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement CS1232, de coordination, de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendement CS502 de M. Hervé de Lépinau.

M. Hervé de Lépinau (RN). « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » : l’esprit d’Albert Camus devrait planer au-dessus de nos travaux.

Vous voulez mentionner la logistique à l’article L. 4251‑1 du code général des collectivités territoriales. Or qui dit « logistique » dit « vastes hangars gros consommateurs de foncier, au détriment de l’industrie ». Tout commence donc mal dès l’article 1er du projet de loi : vous allez manger du foncier, parce que les logisticiens sont toujours à l’affût pour installer leurs hangars de plusieurs hectares.

Il est nécessaire d’écarter la mention du « développement logistique » dans le projet de loi. Sinon, les industriels vont nous dire – comme dans le cadre de la discussion au sujet de l’objectif « zéro artificialisation nette » –, qu’on n’y arrivera jamais si on veut mobiliser trois, quatre ou cinq hectares pour construire une usine de batteries et que les logisticiens viennent faire de la concurrence. Ce projet de loi est vraiment un oxymore : vous n’arriverez jamais à associer la chèvre et le chou.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Vous souhaitez supprimer l’alinéa 3, qui inclut des objectifs de développement industriel dans le Sraddet et qui est le cœur du dispositif : je n’y suis pas favorable.

Alors que vous tendez à interdire explicitement l’implantation d’entrepôts, nous essayons de planifier l’ensemble des activités industrielles, et pas seulement celle-là, pour arriver à un meilleur agencement dans les territoires.

Par ailleurs, je suis surpris par l’argumentation de votre exposé des motifs : vous y affirmez que je me serais étonné, ainsi que la direction générale des entreprises, lors des auditions, de la mention de cet élément dans le projet de loi, ce qui n’est pas exact. Vous confondez peut-être avec le rôle que les sénateurs ont souhaité confier aux conseils départementaux – je vous proposerai tout à l’heure de le supprimer.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. On ajoute le développement industriel dans le Sraddet, mais la logistique y figure déjà. Il n’y aura donc rien de nouveau à cet égard.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). La logistique est une vraie question en matière de réindustrialisation. C’est une des limites du projet de loi : on prévoit la réimplantation d’usines, mais sans penser à toute la vie qui l’accompagne. Il n’y a pas de stratégie nationale claire, et c’est France industrie qui le dit – je mène une mission d’information à ce sujet. Il existe des stratégies par acteurs, mais il n’y a pas de stratégie collective. Nous aurons donc un énorme problème.

Penser la réindustrialisation implique de penser toutes ses dimensions, y compris le transport des salariés, l’habitat et la manière dont le territoire peut accueillir des industries. On a l’impression, avec ce texte, qu’il faut aller tellement vite que vous passez à côté de tout cela. Qu’on ajoute l’industrie dans le Sraddet, j’y suis favorable, mais il faut développer une approche systémique qui lie toutes les questions. Les régions sont en train d’élaborer des stratégies logistiques, puis elles devront adopter des stratégies industrielles, alors qu’il faut faire les deux en même temps.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1233 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendement CS157 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet article confie aux régions le soin de fixer dans les Sraddet des objectifs de moyen terme en matière de développement industriel. En parallèle, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) exercent de plein droit des compétences en matière de développement et d’aménagement économique. Afin de mieux articuler les nouvelles missions de planification de l’échelon régional et les politiques menées au niveau communal et, surtout, intercommunal, je propose que les objectifs de développement logistique et industriel, notamment en matière de localisation préférentielle, soient déterminés après avis simple des communes et des EPCI concernés ; sinon il y aura des blocages au niveau communal, voire intercommunal.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Vous souhaitez un avis simple des communes ou des EPCI en ce qui concerne la localisation des projets industriels. Or il se trouve que les EPCI sont déjà consultés lors de l’élaboration des projets de Sraddet. Par ailleurs, il ne faut pas multiplier dans tous les sens les consultations obligatoires, afin de pas risquer de créer une complexification supplémentaire. Je proposerai pour ma part, je l’ai dit, la suppression de la consultation du conseil départemental, en vue de permettre une simplification. Avis défavorable à votre amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous propose de retirer cet amendement, qui est satisfait : le code général des collectivités territoriales prévoit déjà que les collectivités en question sont consultées.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je soutiens cet amendement. Eu égard aux compétences des intercommunalités, qui sont notamment chargées d’aménager les parcs d’activités économiques et de mobiliser des moyens et des financements croisés pour restructurer des friches industrielles, leur consultation est déterminante lors de l’élaboration des Sraddet. De surcroît, les intercommunalités ont des compétences en matière d’habitat, dans le cadre des programmes locaux de l’habitat et en matière de mobilité, notamment pour la constitution de pôles multimodaux à l’échelle des territoires.

Que cherche une boîte qui veut s’implanter ? Un terrain. Elle regarde aussi l’écosystème environnant. Les intercommunalités sont des acteurs majeurs à cet égard, et les communes aussi.

M. Charles de Courson (LIOT). J’aimerais, en tant qu’auteur de l’amendement, pouvoir répondre au ministre délégué.

M. le président Bruno Millienne. La règle que nous nous sommes fixée, et tout le monde était d’accord sur ce point, est de permettre de s’exprimer un orateur pour et un orateur contre. M. Jumel vient de prendre la parole en faveur de votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Monsieur le président, laissez au moins l’auteur de l’amendement s’exprimer.

M. le président Bruno Millienne. Ce n’est pas la règle fixée lors de la constitution du Bureau. Ne revenons pas dessus, même si je sais que vous n’êtes pas favorables aux règles.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Nous sommes pour les règles quand elles sont justes et coélaborées, mais nous sommes contre l’autoritarisme.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). La règle, c’est aussi que la présidence doit être impartiale.

M. le président Bruno Millienne. J’ai rappelé, dès le début de l’examen du texte, que nous avions plus de 1 040 amendements à étudier et que je laisserais longuement la parole pour les sujets importants. Pour le reste, les règles qui ont été édictées démocratiquement par le Bureau seront respectées.

 

Amendement CS925 de M. Charles Fournier.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Cet amendement tend à intégrer la lutte contre la pollution de l’eau et la protection de la santé humaine dans les objectifs fixés par les Sraddet.

Il est fondamental de protéger la santé humaine et la qualité de l’eau : l’utilisation de certains polluants dans l’industrie – comme les Pfas, qui sont des polluants éternels – provoque une contamination gigantesque à l’échelle de notre pays et de l’Union européenne.

Pour être à la hauteur de cet enjeu, nous proposons de donner des marges de manœuvre aux régions, par l’intermédiaire des Sraddet. Les régions pourront suivre la planification industrielle et les impacts sanitaires et écologiques au plus près des territoires en lançant, par exemple, des études épidémiologiques.

La pollution par les Pfas implique concrètement qu’il est interdit de consommer l’eau, la viande, le lait ou encore les œufs des territoires concernés… et ce n’est pas de la prospective : c’est déjà le cas à certains endroits dans notre pays.

Parler d’industrie verte en occultant de telles pollutions reviendrait à passer à côté de l’objectif.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je crois qu’on s’éloigne un peu du sujet, qui est le développement industriel, lequel entre totalement dans les compétences des régions. J’ajoute que le Sraddet doit déjà définir des objectifs multiples, en matière de biodiversité, de lutte contre le changement climatique, de lutte contre l’artificialisation des sols, etc. M. Tanguy a déploré tout à l’heure que l’article en vigueur fît quatre-vingt-dix lignes. Le Sraddet a vocation à fixer les grands objectifs et à les concilier. Je ne suis pas sûr que charger la barque en prévoyant de nouveaux objectifs soit de nature à simplifier et à accélérer le processus et à nous aider à avancer sur le plan industriel. C’est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement ; sinon, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, pour des raisons complémentaires. Les installations industrielles qui font l’objet d’autorisations sont évidemment étudiées à l’aune de leur impact sur la santé humaine. Le contraire serait particulièrement effrayant et effarant. Pour chaque autorisation industrielle, l’agence régionale de santé est consultée et la Dreal émet un avis sur la base du risque pour la santé humaine que pourrait éventuellement poser l’installation. Quant à la question de l’eau, vous savez qu’elle relève des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage).

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Vous ne pouvez pas nous répondre uniquement que c’est déjà traité ! Si c’est le cas, l’écrire noir sur blanc ne devrait pas poser de problème.

Le grand public a pris connaissance de la pollution par les Pfas il y a quelques mois, à la suite d’une enquête menée par des associations et des journalistes. La plupart de nos concitoyens et concitoyennes ignorent l’existence de cette pollution par des polluants éternels dans beaucoup de sites anciennement industriels et ils ne savent donc pas les conditions dans lesquelles ils vivent. Réaliser des études épidémiologiques me paraît être la base.

Dans ma circonscription, on ne peut pas manger les œufs de ses poules, mais les gens ne le savaient pas jusque très récemment. Il faut progresser en la matière : l’industrie verte concerne aussi, c’est une évidence, la question des pollutions et des conséquences sur la santé humaine.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS110 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet (RE). La sobriété et l’efficacité énergétiques sont traitées de manière hétérogène selon les régions, ce qui crée deux risques : d’une part, le développement industriel pourrait contrarier les efforts entrepris pour réduire la consommation d’énergie et, d’autre part, la non-prise en compte de ces enjeux dans l’industrie pourrait freiner l’atteinte des cibles retenues pour le secteur. Le présent amendement vise à intégrer clairement des objectifs de sobriété et d’efficacité énergétiques dans les Sraddet.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Même si je partage votre préoccupation, votre amendement s’éloigne un peu de l’objet du texte. Nous devrons probablement en débattre dans le cadre de la future loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC). Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La sobriété doit devenir un réflexe. Elle est déjà présente dans le Sraddet, bien que sous une forme un peu différente puisque la maîtrise et la valorisation de l’énergie constituent un des objectifs à moyen et long terme de ce document. Je suggère donc un retrait de cet amendement.

Mme Olga Givernet (RE). Je le retire, tout en soulignant qu’il est important de voir apparaître ces notions dans les textes législatifs.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS1175 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo (Dem). La réflexion à mener sur la planification industrielle dans le cadre des Sraddet prend actuellement en considération les plateformes logistiques, les infrastructures routières et les réseaux énergétiques. Nous proposons d’y ajouter le développement d’infrastructures de traitement des eaux, la réutilisation des eaux usées paraissant plus pertinente que le prélèvement dans le milieu naturel.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La préservation de la ressource en eau est un enjeu primordial, mais il s’éloigne un peu de l’objet de l’article, qui est d’intégrer un objectif de développement industriel. De plus, la compétence « Eau » relève des communes et des EPCI : sa place n’est pas dans cet article. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est un sujet de préoccupation pour les industriels eux-mêmes, qui souhaitent pouvoir réutiliser les eaux usées. Toutefois, le Sraddet n’est pas le bon véhicule pour traiter de la question de la ressource en eau, qui peut parfois concerner plusieurs régions ou, au contraire, se limiter au niveau communal. Demande de retrait. Je précise cependant que le décret sur la réutilisation des eaux usées est en consultation devant le Conseil d’État et devrait être publié dans les semaines qui viennent.

M. Philippe Bolo (Dem). Je retire l’amendement, mais je crois qu’il est très important que la sobriété devienne un réflexe : tout projet de développement industriel doit intégrer une réflexion sur les infrastructures permettant de réutiliser les eaux usées. Cela ira dans le sens d’une industrie verte.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CS386 de M. Jorys Bovet et CS516 de M. Emmanuel Blairy, faisant l’objet d’une discussion commune, ainsi que l’amendement CS507 de M. Alexandre Loubet.

 

Amendement CS557 de M. Sébastien Jumel et sous-amendement CS1406 de M. Dino Cinieri.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La question des friches industrielles est majeure pour la reconquête industrielle. Cet amendement vise à intégrer dans les Sraddet l’identification des friches et à leur attribuer une évaluation motivée de leur mutabilité. Il est inspiré d’un rapport parlementaire sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives ; il devrait donc emporter le consensus de notre commission.

M. Dino Cinieri (LR). Je souhaite inclure les friches commerciales dans cet amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. S’il est important de disposer d’une cartographie des friches – et même d’une superposition de cartes, incluant les dimensions archéologique et environnementale, avec des études de biodiversité – afin que les industriels sachent où ils mettent les pieds quand ils en achètent une, je ne suis pas sûr que le Sraddet soit le document le plus performant en matière de cartes. Le portail de l’artificialisation Cartofriches, développé par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, est assez prometteur et pourrait permettre d’établir d’autres cartographies. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Successivement, la commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CS860 de M. Gérard Leseul et CS1113 de M. Pierre Meurin.

M. Philippe Brun (SOC). De manière assez incompréhensible, le texte qui nous est soumis supprime l’alinéa 3 de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), lequel dispose que le Sraddet fixe des objectifs en matière de développement et de localisation des constructions logistiques. Pourquoi supprimer ces objectifs ? Ils sont essentiels pour éviter l’installation d’entrepôts sans aucune régulation, ce que permettra cette loi. Je ne crois pas que les entrepôts de logistique relèvent de l’industrie verte.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a souhaité la suppression de cet alinéa afin de respecter la répartition des compétences entre la loi et le règlement. Si la loi doit fixer les objectifs, c’est le règlement qui précise ensuite comment ils sont déterminés et ce dont ils doivent tenir compte. C’est pourquoi nous voulons supprimer cette mention. De plus, par souci de cohérence, nous souhaitons intégrer la fixation des objectifs de développement logistique au même endroit que ceux portant sur le développement industriel. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Le zonage pour les entrepôts logistiques avait été adopté dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite loi « Climat et résilience ». C’était une maigre consolation compte tenu de la distorsion de concurrence absolument inédite que vous aviez volontairement créée entre les zones commerciales, interdites au-delà de 10 000 mètres carrés sur des terres non artificialisées, et les entrepôts d’e-commerce. Vous nous aviez invités à faire confiance au Sraddet, qui devait réguler avec des zonages. Or vous revenez sur cette disposition. C’est absolument consternant sachant que l’e-commerce, en expansion extrêmement rapide en France depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, a détruit 85 000 emplois en solde net dans notre pays. Nous soutenons donc ces amendements.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS757 de M. Gérard Leseul et sous-amendement CS1418 de M. Antoine Villedieu.

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement vise à définir le périmètre des objectifs qui seront fixés dans le Sraddet en matière de développement industriel.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La loi doit fixer les objectifs du Sraddet et non leur détail. Quant au sous-amendement, il aurait pour conséquence de complexifier encore cette disposition. Avis défavorable.

M. Philippe Brun (SOC). La loi peut parfaitement entrer dans le champ du règlement, l’article 37 de la Constitution autorisant le Gouvernement à délégaliser par décret les dispositions dont il estime qu’elles relèvent du champ réglementaire. Il est juste que des dispositions encadrent et régulent l’installation d’entrepôts logistiques sur notre territoire. Nous avons tout intérêt à maintenir ces dispositions, alors que nous avons plus que jamais besoin de réduire le nombre d’entrepôts logistiques dans notre pays.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement CS1282 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer l’association des conseils départementaux à l’élaboration du Sraddet. Si la voirie et l’infrastructure numérique, pour lesquelles ils sont consultés, relèvent bien de leur compétence, ce n’est pas le cas du développement industriel. Je ne souhaite pas complexifier davantage la procédure d’élaboration de ce document.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Alors que la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe » a créé d’immenses régions, le département reste une collectivité de proximité, dont les compétences comprennent l’aménagement du territoire. Les projets de relocalisation industrielle sont complexes et nécessitent que les régions, les départements, les communautés de communes et les communes travaillent main dans la main. L’objectif des sénateurs, qui ont introduit cet alinéa dans le texte, était de parvenir à retisser le lien. Nous nous opposerons donc à cet amendement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’amendement traduit une méconnaissance de la réalité des compétences exercées par les départements, qui sont par exemple chargés des ports. Dans mon département de Seine-Maritime, les liaisons transmanche favorisent l’implantation d’industries. Exclure les départements de l’élaboration des Sraddet, c’est se priver de l’expertise du couple commune-département.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je soutiendrai cet amendement, par cohérence, car je souhaite la simplification de l’élaboration du Sraddet. Cela fait deux heures que nous discutons de détails complètement insignifiants ou, au contraire, étouffants. On peut toujours consulter les communes et les départements – tout le monde a un avis intéressant sur la question ! Mais, à la fin, rien n’avance et c’est ainsi que l’on fait des réacteurs nucléaires en quinze ans ; cela fait quarante ans que l’on attend le canal Seine-Nord et trente ans que l’on attend quelques pauvres kilomètres de TGV entre Amiens et Roissy. Les États occidentaux sont en train de crever de cette surconsultation. Ne peut-on libérer les énergies ?

M. Charles de Courson (LIOT). Puisque l’on consulte les EPCI, on peut bien consulter les départements, car ils sont bien moins nombreux : cela ne mange pas de pain. Dans mon département, la Marne, nous comptons quatorze EPCI ! Il faut rejeter cet amendement.

M. Dominique Potier (SOC). Pour le groupe Socialistes et apparentés, c’est une question de cohérence. La simplification vaut pour les grandes compétences. En matière d’aménagement et d’urbanisme comme en matière d’économie, c’est le couple région-intercommunalité qui est compétent, avec les outils de planification que sont le Sraddet et le Schéma de cohérence territoriale (SCoT). Il faut retrouver cette cohérence dans le texte, raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Le conseil départemental n’est pas compétent pour les questions industrielles. Le développement économique relève de la région et des EPCI. Le couple est donc avec les EPCI et non avec le conseil départemental ; ils sont d’ailleurs consultés lors de l’élaboration du Sraddet, tout comme le conseil départemental l’est pour les aspects relatifs à la voirie et à l’infrastructure numérique. Si vous estimez qu’il faut consulter ce dernier également sur la question portuaire, vous pouvez déposer un amendement pour apporter cette précision. Mais nous n’allons pas refaire le débat sur le millefeuille administratif ! Les compétences de chacune des collectivités sont ce qu’elles sont et il se trouve que le conseil départemental n’est pas compétent en matière de politique industrielle. Je maintiens donc mon amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS350 de Mme Anaïs Sabatini.

M. Alexandre Loubet (RN). Alors que cet article nous avait été vendu comme le retour d’une planification industrielle digne d’un interventionnisme d’État à la Colbert, on se retrouve avec des schémas d’aménagement et de développement au niveau régional particulièrement technocratiques. Plutôt que de faire une planification à l’échelon national, vous nous imposez une planification à l’échelon régional qui, non seulement, mettra les régions en concurrence entre elles, mais, en plus, empêchera toute stratégie nationale viable, avec une cohérence territoriale. Cet amendement vise à éviter de donner trop de pouvoir aux régions, qui sont déconnectées, et à consulter les collectivités territoriales concernées.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Votre amendement vise à prévoir la consultation de « l’ensemble des collectivités territoriales concernées », alors que M. Tanguy dénonçait un peu plus tôt la complexité de la procédure : cela pose un petit problème de cohérence. La répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités doit être préservée : le Sraddet fixe les grands objectifs, qui sont ensuite déclinés de manière opérationnelle dans les documents locaux d’urbanisme avec les collectivités concernées. Avis défavorable.

M. Alexandre Loubet (RN). Dans la mesure où le Gouvernement semble ne pas vouloir définir une planification industrielle en confiant ce rôle aux régions, qui sont déconnectées des réalités du terrain, je persiste : nous voulons consulter les collectivités. Cela contribuerait à alléger la procédure d’élaboration des Sraddet, comme l’a proposé mon collègue Jean-Philippe Tanguy : ne tentez donc pas de faire croire qu’il existe une dissonance dans nos prises de position.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS154 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). Mon amendement vise à intégrer dans la future modification du Sraddet les enjeux liés à l’artificialisation des sols ainsi que le développement industriel. Cela permettrait, d’une part, une plus grande efficacité dans la révision des documents d’urbanisme et, d’autre part, de préserver une vision globale des enjeux d’aménagement, qui sont intimement liés.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Certes, les deux sujets sont liés, mais je pense aussi qu’il faut faire confiance aux collectivités. Si certaines veulent intégrer ces objectifs plus tôt, il faut les laisser faire. Compte tenu des délais applicables à la révision des documents d’urbanisme, je ne doute pas qu’elles souhaiteront organiser les choses de la manière la plus rationnelle qui soit. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Si l’on vous suit, cela signifie qu’il y aura deux procédures à deux dates différentes, puisque le terme « au plus tard » implique que l’on peut le faire avant ou en même temps. Je propose donc, pour simplifier les procédures, de les mener simultanément.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je crois au contraire que cela apporterait de la complexité. Votre amendement enlèverait de la flexibilité et viendrait corseter les collectivités locales, alors qu’il faut leur faire confiance.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS1279 de M. Guillaume Kasbarian, CS258 de M. Bastien Marchive, CS669 de Mme Lisa Belluco, CS737 de M. Vincent Thiébaut, CS756 de M. Stéphane Delautrette, CS1168 de M. Frédéric Zgainski et CS1269 de M. Charles de Courson.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer le report de douze mois de la date-butoir pour l’inclusion dans le Sraddet des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Le Sénat a souhaité aligner l’inclusion des objectifs industriels sur le calendrier prévu pour l’intégration des objectifs liés au « zéro artificialisation nette » (ZAN), alors que le Gouvernement avait initialement proposé un alignement sur celui lié aux objectifs locaux de développement des énergies renouvelables, qui est plus incertain car lié à l’adoption de la LPEC, puis de la programmation pluriannuelle de l’énergie (dite PPE). Nous proposons donc de conserver l’évolution adoptée par le Sénat ; en revanche, je ne veux pas ouvrir le débat sur le ZAN dans le présent texte, car une proposition de loi sur ce sujet est en cours d’examen devant le Parlement.

M. Bastien Marchive (RE). Je partage cette position. Nous proposons de supprimer ce report non par principe, mais parce qu’il nous semble important que les deux textes ne se télescopent pas. Nous conservons la liberté de les adapter en fonction de la conclusion de la commission mixte paritaire de demain.

M. Stéphane Delautrette (SOC). C’est une question de cohérence : il ne nous semble pas opportun de maintenir dans le présent texte des dispositions qui pourraient être contraires à ce qui sera adopté dans le cadre du texte sur le ZAN.

M. Frédéric Zgainski (Dem). L’amendement que nous défendons vise également à supprimer les dispositions allongeant les délais de modification des Sraddet et à renvoyer cette question à la proposition de loi relative au ZAN. Celle-ci prévoit un report de ces échéances qui nous paraît suffisant pour intégrer à la fois l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols et celui de développement des activités industrielles. S’il nous semble opportun d’aligner ces différents délais afin d’éviter de multiplier les modifications successives des documents d’urbanisme, il serait en revanche regrettable de les allonger une nouvelle fois.

M. Charles de Courson (LIOT). Mes chers collègues, la messe est dite !

M. Raphaël Schellenberger (LR). Après cette charge en règle contre le travail du Sénat, permettez-moi de souligner que celui-ci a travaillé sur la question du ZAN avant nous. Il n’y a pas a priori d’incohérence. Le ZAN n’est pas un sujet en matière de réindustrialisation puisque, avec le ZAN, même corrigé par la proposition de loi sénatoriale, nous n’arriverons pas à réindustrialiser la France et à nous donner les moyens de verdir notre consommation manufacturière par le rapatriement des productions.

Par ailleurs, comment fait-on d’un point de vue légistique ? Nous pouvons tout à fait considérer que cela a sa place dans le présent texte. Nous n’en sommes qu’au début de la navette parlementaire : nous aurons donc tout le loisir de corriger le texte en fonction de ce qui sera voté à l’issue de la commission mixte paritaire. Si nous pensons que c’est important, alors laissons-le dans ce texte.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS156 de M. Benjamin Saint-Huile, CS670 de Mme Lisa Belluco et CS194 de M. Jérôme Nury tombent.

 

Amendements identiques CS1280 de M. Guillaume Kasbarian, CS899 de M. Mathieu Lefèvre et CS929 de M. Charles Fournier.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Les sénateurs souhaitent installer un préfet coordonnateur dans chaque région concernée par la réalisation d’un projet d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique.

Cette disposition ne semble pas opportune, dans la mesure où le Gouvernement a annoncé en mars la création d’un réseau départemental de sous-préfets référents chargés d’accompagner le déploiement du plan « France 2030 » et d’accélérer les implantations industrielles et logistiques dans tous les territoires. Les deux dispositifs risquent d’être redondants.

Par ailleurs, il arrive souvent que les préfets de département organisent des réunions lorsqu’un projet industriel est lancé, afin de coordonner les services, d’accélérer les choses et, le cas échéant, de les débloquer. Je l’avais d’ailleurs noté dans le rapport que j’avais remis sur ce sujet à Édouard Philippe, lorsqu’il était Premier ministre.

Dans ces conditions, je ne suis pas sûr que la création de nouveaux préfets soit de nature à simplifier et à accélérer les choses.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Comme le rapporteur général, je doute que la création d’un nouveau type d’emploi public soit de nature à simplifier les procédures : c’est, de mon point de vue, une fausse bonne idée. Le préfet est déjà, par définition, un coordonnateur.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous ne sommes pas favorables à la création d’un préfet coordonnateur, qui se substituerait aux collectivités. Pour que la réindustrialisation fonctionne, il faut une planification décentralisée, davantage de démocratie et plus de partage dans les territoires.

Je ne prendrai qu’un exemple. L’usine STMicroelectronics, à Crolles, travaille à réduire sa consommation en eau, mais elle n’est pas toute seule et personne, à l’échelle du territoire, ne gère la question de l’accès des industries à l’eau. Or cela doit être géré localement et, comme je suis décentralisateur, je m’oppose à l’idée qu’un préfet se substitue au territoire.

M. Charles de Courson (LIOT). Les préfets, normalement, sont là pour coordonner les services. Si on crée un préfet coordonnateur au-dessus d’eux, la question de l’articulation entre le préfet coordonnateur et le préfet territorial va se poser, et il faudra peut-être créer un préfet coordonnateur des coordonnateurs…

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Sur certains grands chantiers, il y a déjà un coordonnateur qui, généralement, a le rang de préfet ou de sous-préfet. La Première ministre vient, par exemple, de désigner un coordonnateur du grand chantier EPR – à Penly, qui a le rang de sous-préfet. Il est sous l’autorité du préfet, mais il a un rôle de préfet coordonnateur pour ce grand chantier d’intérêt national et européen.

Je suis très attaché à la libre administration des collectivités et il me semble important que l’intelligence du terrain soit prise en compte, mais je suis aussi attaché à un État qui assume ses missions d’aménageur du territoire, parce que c’est la garantie d’un aménagement et d’une planification industrielle équilibrés. Les sénateurs Les Républicains ne sont pas connus pour être des adeptes de la création d’emplois publics à outrance : s’ils ont introduit cette disposition, c’est par souci de coordination.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je crois que l’idée des sénateurs, en créant ce préfet dédié, était effectivement de faciliter et d’accélérer les projets de réindustrialisation en coordonnant les services concernés.

Je souscris aux propos de notre collègue Sébastien Jumel. Il existe aussi un préfet coordonnateur du plan national d’action sur le loup et les activités d’élevage. Sans lui, nous n’aurions pas de politique dédiée et coordonnée à l’échelle des massifs ou d’une région. Sur certains problèmes spécifiques ou certaines politiques très ciblées – comme la réindustrialisation et l’industrie verte –, le préfet coordonnateur peut aussi être un préfet simplificateur et accélérateur.

Je pense que c’était l’idée des sénateurs et elle ne me paraît pas ridicule, même si je veux bien admettre que la création de ces nouveaux préfets peut avoir quelque chose de redondant.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je crois que nous souhaitons tous – députés et sénateurs, tous groupes confondus – une meilleure coordination des services de l’État. Un défaut d’organisation peut ralentir les choses et nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut mieux coordonner les différentes administrations et fluidifier les choses.

Mais je ne crois pas que c’est en créant un nouveau préfet dans chaque région, de manière systématique, que l’on y parviendra. Des sous-préfets à la relance ont déjà été nommés par le Gouvernement ; certains grands projets d’envergure nationale sont également coordonnés par des préfets : les EPR, que M. Jumel a évoqués, mais aussi d’autres grandes installations industrielles – j’ai l’exemple d’une entreprise automobile à Valenciennes. Sur certains projets, on peut avoir besoin d’un coordonnateur additionnel, mais je ne crois pas qu’il faille systématiser dans la loi la création d’un préfet coordonnateur dans chaque région.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS503 de M. Alexandre Loubet, CS993 de M. Charles Fournier, CS1041 de M. Antoine Villedieu, CS533 de M. Laurent Alexandre et CS397 de M. Jorys Bovet tombent.

 

Amendements CS1213 et CS1215 de M. Benoit Mournet (discussion commune).

M. Benoit Mournet (RE). Ces amendements s’inspirent directement de l’une des recommandations du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », que M. Laurent Guillot a remis au Gouvernement début 2022.

En France, il faut compter dix-sept mois pour qu’une implantation industrielle obtienne toutes les autorisations, contre quatre en Allemagne et six en Suède. Pour un entrepôt logistique, il faut compter neuf mois en France, contre trois en Allemagne et deux en Pologne.

Pour réduire ces délais, il importe de mieux coordonner les différents acteurs : les services de l’État, les Dreal, les directions départementales des territoires (DDT), les réseaux consulaires, le conseil régional, les intercommunalités, etc. Il me semble que cette coordination doit être assurée par un préfet ou un sous-préfet : c’est le bon niveau pour garantir à la fois neutralité et efficacité.

Il me semblerait d’ailleurs préférable que cette mission soit exercée par un sous-préfet, lequel a un rôle plus opérationnel. J’ai eu l’honneur d’exercer les fonctions de sous-préfet à la relance pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pendant deux ans. Or ce que propose le rapport Guillot, c’est de transformer les sous-préfets à la relance en sous-préfets à l’investissement.

Certes, ils seraient placés au niveau régional, mais ils n’occuperaient pas pour autant une position de surplomb : ils seraient affectés dans les départements pour accompagner des projets précis et suivre les différentes étapes de leur mise en œuvre.

Ces amendements me paraissent d’autant plus utiles que la disposition introduite par les sénateurs vient d’être supprimée. Celle que je propose ne crée aucune charge publique, puisqu’il s’agit de redéployer ou de rebaptiser les sous-préfets à la relance, qui existent déjà. Tous les préfets ne sont pas également sensibles à la question du développement économique : c’est pourquoi il me paraîtrait utile de professionnaliser et de sanctuariser cette mission importante.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je connais votre engagement sur ces questions.

Vous proposez de créer un dispositif de suivi, dans chaque région, pour le pilotage des questions industrielles et logistiques. Même si vous précisez qu’il s’agit de redéployer des effectifs existants, j’y suis plutôt défavorable, pour les raisons que j’ai précédemment exposées : j’ai déjà évoqué la création des sous-préfets référents chargés d’accompagner le déploiement du plan France 2030 et d’accélérer les implantations industrielles et logistiques dans tous les territoires.

Je vous invite donc à retirer vos amendements, qui ne me paraissent pas utiles. Vous pourrez toutefois en discuter avec le ministre avant l’examen en séance : s’il trouve que c’est une bonne idée, vous pourrez voir avec lui comment améliorer ou clarifier le dispositif que vous proposez.

M. Benoit Mournet (RE). Je suis d’accord pour retravailler mes amendements, car je crois qu’il importe vraiment de sanctuariser ce point dans la loi. On a tendance à dire que l’intendance suivra, mais il se trouve que l’intendance ne suit plus. Une multitude de services, en France, s’occupent des questions économiques : ce n’est pas le cas en Allemagne et c’est ce qui nous affaiblit. Avoir un sous-préfet bien identifié sur ces sujets serait vraiment un atout. Le positionnement du corps préfectoral et l’autorité qu’il a sur les services en charge de l’environnement serait un gage d’efficacité. Je le répète, ce sous-préfet n’aurait pas un rôle de coordination ou de reporting régional, mais une vraie mission opérationnelle de terrain.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CS558 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il s’agit de créer une commission régionale pour la gestion des friches avec l’ensemble des acteurs locaux : les établissements publics fonciers (EPF), les sociétés d’économie mixte (SEM) et les représentants des collectivités locales. Cet amendement prolonge l’amendement CS557, que nous avons adopté tout à l’heure, sur l’intégration dans les Sraddet de la cartographie des friches.

On ne pourra pas lutter efficacement contre l’artificialisation abusive des terres et atteindre l’objectif « ZAN » si l’on ne donne pas aux collectivités les moyens de se réapproprier les friches présentes sur leur territoire. Or cela a un coût considérable : coût de portage, ingénierie, préemption, études de réindustrialisation... J’ajoute que tout le territoire national n’est pas couvert par des EPF – d’où l’intérêt de créer une commission régionale.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je partage votre préoccupation concernant les friches, mais nous commençons à disposer d’un certain nombre d’outils pour traiter cette question : la plateforme Cartofriches du Cerema permet de dresser un inventaire des friches ; nous avons ajouté des objectifs de développement industriel dans le Sraddet à l’article 1er et avons même voté l’un de vos amendements sur le sujet ; enfin, un important travail a été mené sur cette question dans la proposition sénatoriale sur l’objectif « ZAN », qui a créé une conférence régionale de gouvernance de l’artificialisation des sols.

Dans ces conditions, il ne me semble pas utile de créer, de surcroît, une conférence régionale pour la gestion des friches. Loin d’aller vers une simplification, on risque au contraire de s’éparpiller. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’entends votre argumentation, mais, avec cet amendement, je veux continuer à poser la question du fric. Le fonds Friches s’élève à 750 millions d’euros et il y a 175 000 hectares de friches à se réapproprier. Quand on est le maire d’une ville moyenne, ce n’est déjà pas simple de travailler sur une friche… alors imaginez ce que c’est pour le maire d’une petite commune comme Saint‑Nicolas‑d’Aliermont, Gaillefontaine ou Ponts-et-Marais ! Ces communes de ma circonscription ont des friches industrielles majeures et une personne à mi-temps pour les gérer, sans ingénierie et sans argent pour préempter ; les maires ne savent pas comment négocier un plan d’action foncier avec l’EPF pour gérer le dossier dans la durée avec l’intercommunalité. Dans de tels cas, la friche reste en l’état pendant quinze, vingt, voire vingt-cinq ans. Si l’on n’est pas au chevet des collectivités pour les aider à se réapproprier les friches, on aura toujours dans vingt ans ces cicatrices, qui sont le fruit des renoncements industriels qui ont fait mal aux territoires.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je veux apporter mon soutien à M. Jumel. Si l’on veut réindustrialiser, il faut du foncier. Or, avec l’objectif « ZAN », la question des friches va devenir cruciale. Si l’on veut disposer de grands ensembles fonciers, il faut aider les territoires qui ont été le plus durement touchés par les crises industrielles à se doter d’un outil de pilotage. Certes, il y a Cartofriches, mais la cartographie n’est que la première étape. Il faut organier tout ce qui suit, notamment la dépollution, depuis le moment où une collectivité devient propriétaire d’une friche jusqu’au moment où elle la transforme : pour cela, il faut que les acteurs se parlent.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Nous voterons également l’amendement de notre collègue Sébastien Jumel. Il a parfaitement décrit ce que vivent les élus lorsqu’ils ont à gérer une friche industrielle. Une friche, c’est effectivement du foncier qui reste immobilisé pendant trente ans. C’est moche, cela ne sert à rien, c’est pollué, et nous n’avons aucun moyen d’y remédier. Cela tient parfois à des difficultés juridiques : c’est le cas, dans ma circonscription, de la friche Daras à Chamousset, qui existe depuis trente ans et qu’il est impossible de préempter. La question cruciale, la voici : qui paie ? Il est essentiel que le texte réponde à cette question. Nous avons en France des sites qui ont beaucoup de potentiel – je pense à Métaltemple, à Saint-Michel-de-Maurienne – mais qui nécessitent un travail de dépollution dont le coût est considérable. Si nous ne savons pas qui va payer, nous ne réussirons pas à requalifier les friches.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je partage totalement votre préoccupation sur les friches. Les élus locaux se retrouvent avec des terrains qui, autrefois artificialisés, sont devenus des verrues sur leur territoire. Le coût de la dépollution est souvent monstrueux et ils n’ont pas les moyens d’y faire face. Pour remettre en valeur quelques hectares, on leur demande des millions d’euros, qu’ils ne pourront jamais récupérer, ni par la vente, ni par l’exploitation de leur terrain.

Cette question, du reste, concerne plutôt les zones rurales et périurbaines que les zones urbaines, où le prix du foncier n’est pas tout à fait le même. Je vous rejoins totalement sur le manque de moyens et sur le fait que les élus locaux n’ont souvent pas le budget nécessaire pour dépolluer une friche. À Nogent-le-Roi, dans ma circonscription, il faudrait 3 millions d’euros pour réhabiliter quelques hectares et la collectivité ne peut pas le faire. Et il est vrai que le fonds Friches et le fonds Vert sont insuffisants pour soutenir un modèle économique.

On pourrait imaginer un mécanisme assurantiel qui s’appliquerait aux industriels et qui permettrait de les responsabiliser : en cas de faillite, il couvrirait une partie du coût de la dépollution.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Cela ne figure ni dans la proposition de loi « zéro artificialisation nette », ni dans ce texte.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Certes… mais vous admettrez, Monsieur Jumel, que la création d’une commission régionale pour la gestion des friches n’apporterait aucun moyen supplémentaire. Elle ferait en outre doublon avec la conférence régionale de gouvernance de l’artificialisation des sols.

Je rappelle enfin que les articles 5 et 6 du projet de loi concernent spécifiquement les friches. Nous pourrons revenir sur ces questions avec la rapporteure thématique, Marie-Agnès Poussier-Winsback.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS926 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le mot de gigafactory est entré dans notre vocabulaire avec Elon Musk et ce modèle est en train de s’imposer. Même si ces très grandes usines peuvent être créatrices d’emplois, par exemple dans les anciens bassins miniers du Nord, elles ne tiennent pas toujours compte du tissu industriel environnant, notamment des PME et des PMI qui seraient capables de produire la même chose autrement et de façon plus équilibrée dans nos territoires.

Nous proposons qu’aucune nouvelle gigafactory ne puisse être installée sur le territoire si : le niveau des nappes phréatiques est insuffisant ; il existe un risque d’épuisement et de pénurie durable des stocks de matières premières ; les émissions de gaz à effet de serre sont supérieures à la moyenne nationale pour le secteur de l’industrie.

Les émissions de gaz à effet de serre de ces entreprises en Scope 3 sont considérables. Pour les territoires qui ont déjà un niveau d’émissions élevé, cela nous semble problématique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Les gigafactories, du fait de leur taille, font déjà l’objet de contrôles très rigoureux, notamment d’une évaluation environnementale avec une étude d’impact. Votre amendement étant satisfait, j’y suis défavorable.

Pour revenir sur le vote précédent, je rappelle que nous sommes en pleine négociation avec les sénateurs sur la proposition de loi relative à l’objectif « ZAN ». Je vais en parler avec le rapporteur, mais je ne vois pas comment je pourrais m’accorder avec les sénateurs sur la création d’une conférence régionale de gouvernance de l’artificialisation des sols si nous créons, en parallèle, une commission régionale pour la gestion des friches. En fonction de la discussion que nous aurons demain matin avec les sénateurs, au cours de la commission mixte paritaire, nous proposerons la suppression de l’une ou l’autre de ces instances.

M. Timothée Houssin (RN). Je suis assez surpris que cet amendement émane des écologistes, ces ayatollahs de la voiture électrique qui ne se soucient pas des conséquences environnementales du puits à la roue, c’est-à-dire de la construction à l’usage de ces véhicules. L’amendement précise qu’il ne faut pas construire de gigafactory en France si elle a des émissions de gaz à effet de serre supérieures, sur un territoire donné, à la moyenne nationale de l’industrie, ce qui est quand même le propre de tout territoire industriel. Vous ciblez l’installation en France d’usines de batteries pour véhicules électriques, mais vous devriez plutôt cibler les usines de batteries situées à l’étranger, qui sont très polluantes.

Ce que vous dites, concrètement, c’est que les émissions de CO2 excessives à l’étranger, ce n’est pas votre problème. Et vous considérez que réindustrialiser la France avec des usines moins polluantes serait néfaste, alors que ce serait bénéfique à tous points de vue : du point de vue de la souveraineté, de l’emploi, de la création de richesse et de l’environnement. Puisqu’il n’y a qu’une planète, comme vous aimez à le rappeler, cet amendement est aberrant, particulièrement le troisième critère que vous proposez.

M. le président Bruno Millienne. Monsieur le député, je vous rappelle, puisque vous n’étiez pas là au début de nos travaux, qu’il est préférable d’éviter les noms d’oiseaux. Je ne crois pas que cela ajoute quoi que ce soit de traiter M. Fournier « d’ayatollah de la voiture électrique ». Et c’est valable pour tout le monde.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je vous remercie, Monsieur le président, d’avoir rappelé les règles qui prévalent dans cette commission.

Ce n’est pas un nom d’oiseau, mais une expression qui vise à disqualifier politiquement la proposition des écologistes, comme la tirade assez hallucinante qui a suivi.

La position des écologistes est extrêmement claire : la réindustrialisation est un élément fondamental de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous devons arrêter d’exporter l’impact environnemental de nos modes de vie, que ce soit en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de pollution ou de consommation d’eau. Cela signifie que nous devons réellement prendre en compte l’impact de nos modes de vie sur nos territoires et c’est précisément l’objectif de cet amendement, qui concerne à la fois le niveau des nappes phréatiques, le stock des matières premières et les émissions de gaz à effet de serre. La course en avant, la course au « toujours plus grand » a des limites, parce que notre planète a des limites.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS811 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Vouloir une planification industrielle, c’est bien ! Mais encore faut-il se donner les moyens de la réussir. C’est pourquoi nous proposons de fixer des cibles de production dans les filières industrielles stratégiques, en prenant en compte les chaînes de valeur, les composants et les matériels nécessaires à leur développement. Des outils existent pour définir ces objectifs : je pense au haut-commissariat au plan ou au Conseil national de l’industrie (CNI), avec les comités stratégiques de filière (CSF). Nous avons besoin d’un État stratège, qui associe réellement tous les acteurs industriels de ce pays pour renforcer l’industrie existante et relocaliser davantage d’emplois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Comme le souligne votre exposé des motifs, le CNI est déjà pleinement mobilisé sur ces questions, avec tout le travail qui est fait dans le cadre des comités stratégiques de filière.

Par ailleurs, le Gouvernement a lancé en mai 2023 un fonds d’investissement pour les minerais et matériaux critiques, financé à hauteur de 500 millions d’euros par l’État et avec une levée de fonds espérée à 2 milliards d’euros par l’opérateur du fonds.

Je précise enfin que le Gouvernement a lancé un appel à projets « Métaux critiques » et qu’un Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi) a également été créé.

Compte tenu de la diversité des dispositifs à notre disposition, je vous inviterai à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er bis A : Création d’une stratégie nationale « Industrie verte » pour la période 2023-2030

 

Amendements de suppression CS1281 de M. Guillaume Kasbarian, CS214 de M. Jérôme Nury et CS894 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’objectif de ce projet de loi est de simplifier et d’accélérer les procédures : demander au Gouvernement de définir une nouvelle stratégie nationale ne va clairement pas dans ce sens. Du reste, il a déjà fait ce travail. Pour mémoire, il existe déjà « France 2030 », « Territoires d’industrie » et le travail de planification mené par le ministre délégué Roland Lescure pour décarboner les cinquante sites les plus émetteurs. Il y a aussi le Conseil national de l’industrie et les comités stratégiques de filière, qui participent pleinement à ce travail stratégique et, enfin, les travaux de planification écologique dans le cadre de la stratégie « France Nation verte », qui comportent aussi un volet industriel. Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer cet article.

M. Vincent Rolland (LR). Nous avons également déposé un amendement de suppression de cet article, car il ne nous paraît pas souhaitable de faire une distinction entre les industries vertes et celles qui ne le seraient pas, l’enjeu étant de toute façon de réindustrialiser notre pays, sachant que nos industries – vertes ou non – sont le plus souvent, voire systématiquement, plus vertueuses que des industries œuvrant dans les mêmes domaines dans des pays plus lointains.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Comme le rapporteur général l’a rappelé, la stratégie nationale est déjà à l’œuvre : c’est la planification écologique, au service de la désindustrialisation des groupes industriels français ou de ceux qui sont présents sur le territoire national. Et ce n’est qu’une brique parmi l’ensemble des textes adoptés par le Parlement.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Le projet de loi vise un double objectif : accélérer nos efforts, entamés depuis 2017, en faveur de la création d’emplois industriels et faire de l’industrie française un levier de réduction de notre empreinte carbone. Dans la continuité des plans « France relance » et « France 2030 », il s’inscrit dans une stratégie qui a déjà commencé à porter ses fruits, en permettant notamment de créer quatre-vingts usines. Nous devons accélérer, tout en tenant compte de la décarbonation de nos industries, nécessaire au respect de nos objectifs environnementaux.

L’article 1er bis A ajouté par le Sénat rejoint sans nul doute notre ambition de définir une trajectoire commune pour notre industrie et notre nation à l’horizon de 2030, en y associant nos objectifs en termes de priorisation des filières stratégiques, de lutte contre l’artificialisation des sols et d’association des acteurs concernés. Néanmoins, au nom du principe de clarté et de lisibilité de la loi, je vous propose de supprimer cet article qui me semble superfétatoire.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’article 1er bis A est utile en ce qu’il permet d’avoir la discussion que vous nous refusez. Vous nous demandez d’accorder une confiance aveugle aux choix des collectivités locales et des acteurs économiques. Vous refusez que nous discutions de stratégie industrielle au Parlement. Selon vous, le Gouvernement agirait merveilleusement bien grâce à ses différents plans, et cela suffirait. Or le début de la discussion montre qu’il y a plein de questions, que ce soit sur nos besoins, sur les définitions ou sur les moyens. Nous voudrions faire de cette loi une vraie loi de programmation, dotée d’une planification budgétaire. Un débat annuel au Parlement serait donc la moindre des choses.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Ce serait une très mauvaise idée de supprimer cet article. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement, mais votre stratégie nationale est illisible ! L’ajout du Sénat est salutaire, car il renforce notre exigence collective en matière de lisibilité et de visibilité. Son ambition nous oblige. Nos industriels ont besoin de connaître clairement la stratégie nationale pour orienter leurs investissements. Il est très important de définir les filières stratégiques à implanter et à développer prioritairement. Inscrire une vraie direction dans le texte produirait un effet moteur sur les industries.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je comprends que le rapporteur général veuille supprimer cet article, qui vient souligner l’incohérence et la dispersion de la stratégie du Gouvernement en matière de réindustrialisation. Vous légiférez au coup par coup : une loi sur l’accélération des EnR qui n’avait rien à voir avec l’industrie, mais n’était qu’un petit texte d’urbanisme ; une loi sur le nucléaire qui ne valait pas mieux ; et cette loi-ci, qui n’est qu’un copier-coller. Vous auriez fait une vraie grande loi de réorganisation de l’espace et de planification de sa gestion, on aurait pu discuter d’un gros texte d’urbanisme et des moyens en matière de foncier. Au lieu de cela, vous arrivez avec vos petites rustines. C’est pourquoi dès que nous parlons de cohérence et de dialogue, cela vous dérange !

M. Gérard Leseul (SOC). Si je comprends bien, l’objectif affiché par le rapporteur général est de supprimer non seulement l’article du Sénat, mais aussi tous les amendements visant à préciser la stratégie nationale. Les sénateurs ont voté cet amendement parce qu’il leur est apparu nécessaire de définir une stratégie nationale. Nous n’avons pas de définition claire de l’industrie verte, ni de coordination des actions, ni de planification, alors qu’il nous faut une stratégie pluriannuelle avec des engagements financiers, ainsi que des stratégies territoriales et sectorielles. Mais rien de tout cela ! Je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer tout ce qui vise à donner de l’ampleur et de l’ambition à votre texte, y compris sur la grande conférence nationale. Vous n’organisez pas la réconciliation des Français avec l’industrie. Prenez la mesure de l’urgence à planifier !

M. Alexandre Loubet (RN). Votre amendement de suppression est un aveu : votre gouvernement refuse de mener une stratégie nationale industrielle en général, verte en particulier. Vous supprimez le seul article du projet de loi qui prévoyait une cohérence nationale, en fixant des objectifs. Vous supprimez toute ambition de formation, de financement, de cohérence entre les filières et dans l’implantation territoriale. Vous confirmez que le Gouvernement navigue à vue, sans ambition ni vision industrielle.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons déposé à cet article des amendements visant à définir une hiérarchie des produits en fonction de leur impact carbone et de leur impact sur l’environnement, qui pouvait justifier qu’ils soient importés massivement en France. On aurait pu y ajouter des critères de souveraineté nationale ou stratégique ; bref, faire de la planification. Le Gouvernement tire à hue et à dia. Le secrétaire général à la planification écologique Antoine Pellion essaie de rendre cohérentes toutes les politiques publiques. En revanche, votre « industrie verte » est une sorte de chèque en blanc sans hiérarchie ; de ce point de vue, supprimer l’article serait très décevant. Nous n’aurions évidemment pas soutenu un projet de consultation des collectivités en vue d’une planification colbertiste, mais cet article témoigne d’une intuition importante : la hiérarchisation, le choix, la clarté.

M. Mathieu Lefèvre (RE). J’espère que nos débats ne sont pas retransmis au-delà de nos frontières. Nos amis américains verraient que nous allons adopter une loi qui va déterminer dans un an les filières devant être implantées sur le territoire national. Ces filières, on les connaît ! Nous n’avons pas besoin de réflexion mais d’action ! A-t-on besoin d’un débat annuel devant le Parlement pour connaître nos engagements en matière de décarbonation ? Vous essayez sans doute de perdre du temps pour repousser le vote des articles essentiels du projet de loi. Si Mme Guetté veut un débat devant le Parlement, libre à elle de le proposer au bureau de la commission des affaires économiques. Mais ne nous ridiculisons pas !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). On s’est d’abord réjoui que plus personne ne rêve d’une France sans usine. Mais, pour cela, il faut une planification qui identifie les secteurs stratégiques, les conditions, les moyens, les perspectives nécessaires à leur développement et à leur décarbonation. MM. Louis Gallois et François Bayrou ne disent pas autre chose, d’ailleurs ! L’épidémie de covid a également révélé qu’avoir renoncé à des pans entiers de notre industrie avait abîmé notre souveraineté. Il est essentiel de se doter d’outils de planification au service d’un objectif qui fait consensus.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Vous savez comme nous espérons voir agir enfin un État stratège. Or vous entretenez un flou autour des financements, avec ce principe des guichets ouverts, sans que le Parlement puisse piloter les moyens énormes qui doivent être mis à la disposition de la réindustrialisation. Vous ne prenez pas en compte, non plus, les écosystèmes en matière d’infrastructures, d’habitat et d’aménagement du territoire. Nous plaidons pour le maintien de cet article majeur, qui doit donner une visibilité et une opérationnalité à la démarche.

M. Damien Adam (RE). Je comprends que les députés de l’opposition souhaitent que l’État définisse une stratégie industrielle puisque, lorsque leurs partis ont été aux responsabilités, le pays s’est désindustrialisé. Nous, nous agissons depuis 2017 pour recréer de l’emploi et des usines en France. Aux termes de l’article 1er bis A, la stratégie « industrie verte » « détermine les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national ». Mais nous n’avons pas attendu cette loi pour réfléchir au sujet ! Dans « France 2030 », dans les annonces sur le « big five » – le photovoltaïque, l’éolien, les pompes à chaleur, les batteries électriques et l’hydrogène décarboné –, on a défini une stratégie et des priorités.

Selon cet article, cette stratégie doit également « définir les besoins nationaux en matériaux et en produits ». Dans quelques jours, M. Antoine Pellion révélera la stratégie de planification écologique. On n’a donc pas attendu la loi pour le faire ! Nous avons également identifié les cinquante sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre.

Enfin, s’agissant du débat annuel au Parlement, il existe des semaines de contrôle et nous n’avons pas besoin d’une loi pour poser des questions au Gouvernement.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). C’est l’un des rares articles qui permet d’anticiper. Il ne s’agit pas simplement de regarder les filières stratégiques à développer, mais aussi celles à accompagner dans leur transformation, voire à fermer – les pesticides de synthèse, par exemple. Si demain nous signons un accord international pour réduire la production de plastique de 80 %, qu’allons-nous faire ? Il faudra attendre d’être au pied du mur et que des entreprises se cassent la figure pour prendre ces décisions. La planification des moyens pour accompagner le verdissement et la transformation des filières est fondamentale. Sans elle, le texte n’aura vraiment rien de vert.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Si M. Lefèvre nous accuse de perdre du temps, depuis six ans, c’est plutôt la Macronie qui fait perdre du temps au pays en matière d’industrie et de transition écologique ! Vous avez clairement un problème avec les débats parlementaires. M. Adam nous dit que le Gouvernement va bientôt révéler la stratégie écologique. Mais ce n’est pas comme cela que fonctionne une démocratie ! C’est le Parlement qui doit fixer les objectifs et déterminer les stratégies, et le Gouvernement qui les met en œuvre.

Laissez faire le débat ! Cet article nous permet d’évoquer et de traiter dans ce projet de loi tout ce que vous n’avez pas voulu y mettre. Nous avons ainsi déposé plusieurs amendements pour créer une loi de programmation, une agence de la relocalisation ou des feuilles de route pour les filières et travailler à une répartition territoriale équilibrée. Si vous supprimez l’article, vous tuerez le débat sur ces questions et vous retrouverez avec votre texte rachitique d’origine.

Enfin, nous ne croyons pas que ce sera le marché qui fixera la stratégie. C’est aux parlementaires, à la politique et à la démocratie de le faire.

M. Hervé de Lépinau (RN). Supprimer l’article 1er bis A fait la démonstration du « en même temps » macroniste : alors que cette loi est censée relancer l’industrie, on nous dit aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire de fixer une stratégie nationale. Remettons le dossier dans son carton, cela nous fera gagner du temps ! Vous ne voulez pas définir les termes, vous ne voulez pas présenter un plan. Que faisons-nous là ? Les industries, notamment lourdes, sont très inquiètes de ce dont le texte pourrait accoucher. Les écolos sont bien évidemment à l’orée du bois, qui n’attendent que d’ajouter des contraintes et des normes. Et le risque est bien de perdre davantage d’emplois industriels que d’en créer.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Nous allons soutenir ces amendements. La logique du projet de loi est de simplifier et d’accélérer la réindustrialisation de notre pays. Les acteurs concernés sont des industries privées. J’entends parler de programmation et de planification, quand nous devons donner aux industriels le cadre nécessaire pour se saisir de ces sujets. Ce n’est pas à nous de programmer des investissements essentiellement privés. Alors que nous voulons suivre une logique de simplification, créer des commissions et des dispositifs me semble particulièrement inopportun.

M. Julien Dive (LR). On ne peut pas parler d’État stratège dans le cadre de l’agriculture ou de l’énergie et dire qu’il faut laisser la main aux entreprises quand on en vient à la décarbonation de notre industrie. Il faut un État stratège ! C’est grâce à lui que nous avons pu développer de grands projets industriels – le Concorde, le nucléaire ou le TGV. Donnez au moins une trajectoire à cette industrie verte que vous vous refusez à définir. Cette loi ne doit pas seulement être technique, ce doit être une loi d’orientation.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Que dit précisément l’article ? « Pour accélérer la transition écologique et la décarbonation de l’industrie, l’État élabore une stratégie nationale "industrie verte" pour la période 2023‑2030. Cette stratégie détermine les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national. Elle favorise la recherche et l’expérimentation de nouveaux produits et procédés contribuant à la transition écologique. Elle identifie les besoins nationaux en matériaux et en produits. »

Ces lignes n’ont aucune portée normative : il faudra avoir l’honnêteté intellectuelle de dire aux industriels qu’on n’a pas transformé la stratégie nationale industrielle dans cet article. Qu’il soit adopté ou non ne changera rien ! Pour faire écho à ce que disait M. Tanguy, ce sont dix-neuf lignes de plus dans le code sans aucune valeur, obligation ni sanction ou moyens financiers supplémentaires. À entendre certains, on a l’impression que l’article va changer la stratégie nationale industrielle et qu’il y aura un avant et un après. Il n’en est rien !

Je ne résisterai pas à la tentation de citer l’argumentaire de douze excellents députés LR, qui ont déposé l’amendement de suppression CS214 – M. Nury, M. Rolland, Mme Gruet, M. Descoeur, M. Vatin, M. Bazin, Mme Corneloup, M. Cinieri, M. Brun, M. Dubois, M. Minot et Mme Louwagie : « La réindustrialisation n’est donc pas une stratégie économique parmi d’autres, elle est une nécessité absolue. Ni l’État ni le législateur ne peuvent se permettre d’établir une séparation arbitraire entre les industries qui seraient « vertes » et celles qui ne le seraient pas. […] La seule stratégie qui vaille consiste à attirer de nouveau les industriels à revenir en France. […] Tel est le sens de cette demande de suppression. » J’entends la virulence des propos de M. Schellenberger et de Mme Bonnivard. (Exclamations.) Pardonnez-moi de souligner les contradictions au sein de votre groupe !

Cet article est bavard sans rien changer à la vie des industriels. Mais continuons à en parler pendant trois heures si vous le souhaitez ! Le sujet n’est pas le procès fait à la politique d’Emmanuel Macron. Je trouve seulement surprenant que douze députés LR aient déposé un amendement de suppression et que vous, Monsieur Schellenberger, défendiez la position contraire. (Exclamations.)

M. le président Bruno Millienne. Le débat a duré suffisamment longtemps et tout le monde a pu s’exprimer. Monsieur Schellenberger, le rapporteur général a le droit de dire ce qu’il veut, tout comme vous l’avez fait avant lui. Cela vous énerve peut-être qu’il soulève vos contradictions, mais il a le droit de le faire, sans que vous soyez obligé de réagir.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CS501 et CS500 de Mme Alma Dufour, amendement CS563 de M. Sébastien Jumel (discussion commune).

M. le président Bruno Millienne. Pour votre parfaite information, à la vitesse actuelle de vingt amendements à l’heure, dans la mesure où il nous en reste 984, il y a de grands risques que nous devions poursuivre nos travaux vendredi.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Mes deux amendements visent à renforcer ce qui a été adopté par le Sénat et à entrer dans le vif du sujet. À vous entendre, la situation de l’industrie française serait si exceptionnelle qu’on pourrait se passer d’objectifs d’évaluation. Et pourtant ! L’un des pires déficits commerciaux d’Europe, une part très faible de l’industrie dans le PIB et une pénurie de médicaments : voilà le tableau. Derrière les annonces de l’inauguration d’une gigafactory, il faut voir que le secteur automobile part complètement dans le décor : un tiers des emplois y ont disparu en vingt ans et nos usines tournent une semaine sur deux. Face à un tel constat, impossible de ne pas avoir d’objectifs ! C’est pourquoi nous vous proposons de faire définir par le Parlement des objectifs de relocalisation, retenus parmi plusieurs filières au regard de la consommation. Nous avons le sentiment que vous ne voulez pas d’objectifs pour continuer à faire des annonces à la télé tous les trois mois, sans évaluer la réalité de la réindustrialisation.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Notre amendement vise à élaborer un document dont l’objectif serait d’identifier les filières industrielles stratégiques et l’ensemble des conditions, moyens et perspectives nécessaires à leur développement et à leur décarbonation. Le rapport de la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie rappelait, en ce sens, que plusieurs acteurs déploraient la gouvernance trop fragmentée de la politique industrielle en France, en l’absence d’une phase d’intégration à plus haut niveau pour faire émerger de grands projets. Pour Louis Gallois, la réindustrialisation nécessite un engagement politique fort et un pilotage. Il évoque même un « conseil du plan ». Le haut-commissaire au plan François Bayrou, qui a produit un rapport sur ces questions, dit la même chose. L’amendement vise à doter l’État stratège des outils permettant ce pilotage au service du renouveau industriel et du recouvrement d’une souveraineté industrielle décarbonée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Les amendements de Mme Dufour restreignent le champ de l’industrie verte à certains secteurs. Vous avez exclu le nucléaire, par exemple, alors qu’il me semblerait intéressant de l’inclure. Le risque, en choisissant certains domaines, est d’en oublier d’autres et d’exclure des pans entiers du secteur industriel qui ont vocation à se décarboner.

Quant à l’amendement de M. Jumel, l’article n’ayant pas de valeur normative, il n’aura pas d’effet concret. Mais je vous remercie, Monsieur le député, d’avoir cité la commission d’enquête que j’avais l’honneur de présider et dont M. Gérard Leseul était le rapporteur.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur général, je vous sais très sensible à la question de l’évaluation des dispositions et des politiques publiques. Or c’est précisément ce que nous proposons ! Mais, pour évaluer, encore faut-il avoir défini des objectifs précis adossés à des stratégies de filières industrielles. Nous pensons, contrairement à vous, qu’il y a des priorités. Quand le foncier et les matières premières sont limités et qu’il importe de réduire l’impact sur la biodiversité, il faut fixer clairement les activités prioritaires.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS508 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Nous nous réjouissons de vous avoir empêchés de faire sauter l’élaboration d’une stratégie nationale en matière d’industrie. L’amendement vise à étendre la stratégie nationale pluriannuelle du projet de loi à toute l’industrie française, autour de plusieurs volets : « Industrie verte », « Formation » – l’élément qui manque le plus dans le projet de loi – ou « Projets industriels de coopération avec d’autres États ».

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1046 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). Nous discutons d’industrie verte, mais sans jamais évoquer la relance industrielle. Il est certes nécessaire de favoriser le verdissement de nos industries, mais il est tout aussi important de ne pas mettre en sommeil la question de la relance industrielle. C’est un enjeu majeur pour réduire les importations et, de fait, l’empreinte carbone liée au transport. En inscrivant l’objectif de relance industrielle dans la loi, nous favoriserons la relocalisation. Pour rappel, en 2020 et selon les chiffres du ministère de la transition écologique, 51 % de notre empreinte carbone était liée aux importations.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Il ne suffit pas d’inscrire dans la loi la relance industrielle pour qu’elle soit effective. Il faut la favoriser grâce à la politique de compétitivité et d’attractivité que nous essayons de développer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS104 de Mme Virginie Duby-Muller et CS855 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Raphaël Schellenberger (LR). L’amendement vise à souligner trois points : il n’y a pas d’industrie sans sécurité d’approvisionnement énergétique – un élément prioritaire dans notre stratégie « Industrie verte » ; une telle stratégie ne peut être pilotée que dans le temps long – une dizaine d’années avec des clauses de revoyure tous les cinq ans ; la stratégie « Industrie verte » ne peut que découler de la stratégie énergétique.

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement vise à renforcer les objectifs de la stratégie nationale d’industrie verte, en remplaçant la période 2023-2030 par une stratégie à dix ans, actualisée tous les cinq ans. Cela permettrait d’assurer la cohérence et la compatibilité avec nos objectifs de politique énergétique, notamment les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’ajout concernant la sécurité de l’approvisionnement permet de compléter les enjeux à prendre en compte dans le cadre de l’élaboration de la stratégie.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Bien sûr qu’il y a un lien entre industrie et énergie et qu’il n’y a pas de politique industrielle sans une politique énergétique forte, qui permette de garantir aux entreprises de l’énergie décarbonée en grande quantité et à des prix abordables. Néanmoins, vous adossez l’article à la publication de la LPEC. Que se passera-t-il si la LPEC n’est pas adoptée ? Cela signifie-t-il qu’on se prive de stratégie ou que l’on suit une stratégie qui n’est plus dans les clous de l’article ? Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Monsieur le rapporteur général, ce n’est pas parce que vous ne faites pas les choses dans le bon ordre que nous devons être condamnés à tout prendre par le mauvais bout. Avant la capacité à industrialiser, il y a la disponibilité énergétique. C’est ainsi que cela fonctionne. On peut imaginer des usines fonctionnant sans énergie, peut-être demain une révolution le permettra-t-elle ; aujourd’hui, nous avons besoin d’énergie pour faire fonctionner nos usines. Si nous n’avons pas d’énergie, il est vain de parler d’industrie verte. Vous avez tout pris dans le mauvais sens, depuis le début du quinquennat. Nous ne devons pas pour autant être condamnés à commencer par la fin.

M. Gérard Leseul (SOC). Je souscris à ces propos. Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas nous reprocher de préciser certains points, dès lors que vous ne précisez en rien la définition de l’industrie verte, que vous renvoyez à la lettre de cadrage sur l’écolabel européen. Nous avons besoin de renforcer les objectifs de la stratégie nationale dite « Industrie verte ».

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Monsieur Schellenberger, je me contente de vous indiquer factuellement la conséquence des amendements, qui visent à modifier la fin du premier alinéa en ajoutant, après le mot : « élabore », les mots : « tous les cinq ans à compter de la publication de la loi mentionnée à l’article L. 100‑1-A du code de l’énergie une stratégie nationale pluriannuelle "industrie verte" ».

Cela signifie – ceci n’est pas un jugement politique mais une observation factuelle – que vous faites dépendre la publication de la stratégie nationale « Industrie verte » de l’adoption d’un projet de loi. J’ai l’humilité de ne pas être certain de l’adoption d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat. Les amendements compliquent la mise en œuvre de la stratégie nationale « Industrie verte ». J’ignore si vous êtes convaincu, mais vous êtes éclairé. Si vous voulez faire dépendre la stratégie nationale « Industrie verte » d’une LPEC sans savoir si elle sera ou non adoptée, libre à vous.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS408 de Mme Alma Dufour.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Cet amendement vise à substituer aux mots « stratégie nationale » les mots « loi de programmation ». Une loi de programmation pluriannuelle donne lieu à un débat parlementaire. Si nous en avons sur les questions agricoles, énergétiques et de défense, c’est pour avoir la possibilité de discuter des besoins et de mettre en face d’eux des moyens. Débattre au Parlement offre de la visibilité.

Chers collègues de la majorité, vous faites de la politique par annonces télévisées de M. Macron qui, en l’espèce, surgirait tel un monarque présidentiel pour nous dire : « Voici ce que nous allons faire pour l’industrie. » Nous voulons avoir la possibilité d’en discuter. Il est indispensable que la définition des moyens des questions industrielles et leur évaluation budgétaire incombent au Parlement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1045 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). Les processus de verdissement de notre industrie sont d’ores et déjà multiples. L’industrie agroalimentaire, par exemple, est « verte » par nature. Les industries d’innovation technologique permettent de développer l’industrie et de produire, tout en s’adaptant aux nouvelles normes environnementales. Il y a tant d’exemples d’industries dites vertes à raison de leur nature ou de leur secteur d’activité ! Il est essentiel de ne pas faire du présent projet de loi un nouveau texte sur la transition écologique, au risque de manquer l’objectif de réindustrialisation qui, par la relocalisation de notre production, verdira de fait notre industrie.

C’est pourquoi je propose de substituer aux mots « la transition écologique » les mots « la diminution de l’empreinte carbone ».

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’amendement est satisfait par la rédaction de l’article. La notion de transition écologique recouvre la nécessité de diminuer l’empreinte écologique. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). J’ai du mal à croire que l’on puisse affirmer que l’industrie agroalimentaire est verte par définition. La notion d’empreinte écologique – et non carbone, d’après la lettre de l’amendement – revêt plusieurs dimensions, notamment la biodiversité. Nos pratiques agricoles sont l’une des principales causes de son effondrement. La modification proposée n’a pas de sens et ne correspond pas à la réalité.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CS858 et CS856 de M. Gérard Leseul, amendements CS1044 de M. Antoine Villedieu et CS1114 de M. Pierre Meurin (discussion commune).

M. Philippe Brun (SOC). La concertation des forces productives est nécessaire pour relever le défi auquel nous sommes confrontés. Une grande conférence industrielle nationale permettrait de réaffirmer, dans le cadre d’un pacte productif national, notre ambition industrielle pour la France.

L’amendement vise à en organiser une. Elle élaborerait un pacte contractualisé servant de document de consensus, dans le cadre d’une discussion réunissant forces politiques, acteurs économiques, syndicats et représentants de la société civile.

La politique industrielle du pays ne peut être laissée aux seules régions. La définir dans le cadre d’une conférence de consensus nous semble une bonne façon de mobiliser les forces productives autour de ce grand défi national qu’est la réindustrialisation verte.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons fort heureusement maintenu l’article 1er bis A, introduit par le Sénat à l’initiative des sénateurs socialistes, qui sont parvenus – comme nous pour son maintien – à réunir une majorité en sa faveur. La réindustrialisation doit recueillir l’adhésion des forces vives et des Français dans leur ensemble, ce à quoi ni une décision présidentielle, ni une décision ministérielle ne parviendront.

Vous-même, Monsieur le rapporteur général, avez organisé en février et en mars des réunions entre des membres de la majorité et des chefs d’entreprise. Il faut faire plus et organiser une grande conférence industrielle nationale, dont nous réclamions déjà la tenue dans le rapport d’information que nous avons rédigé et présenté ensemble à la fin de la précédente législature.

Il nous semble fondamental de réconcilier la France et son industrie, ce qui suppose la tenue d’une telle conférence. Nous avons organisé, à l’initiative du Président de la République, des conventions citoyennes sur le climat et sur la fin de vie. Nous devons organiser une grande conférence nationale pour définir les fondements de nos travaux, pour les prochaines années, sur l’industrie, afin de recréer de l’emploi dans nos territoires.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Monsieur Leseul, je connais, pour en avoir discuté avec vous dans le cadre de la commission d’enquête à laquelle vous avez fait allusion, votre engagement en faveur de la réunion d’une grande conférence industrielle nationale. Toutefois je doute qu’inscrire ce projet dans la loi le fasse prospérer, d’autant que l’article 1er bis A n’a aucun caractère normatif. De même, un rapport dont la remise est inscrite dans la loi n’est pas nécessairement remis.

Si nous voulons qu’une conférence industrielle nationale voie le jour, discutons de son format avec le ministre, qui siégera au banc lors de l’examen du présent texte dans l’hémicycle, la semaine prochaine, et prenons des engagements en vue de son organisation. L’inscrire dans la loi n’est pas un gage de sa réalisation.

Inscrire dans la loi « Nous allons organiser une grande conférence industrielle nationale » ne me semble pas être la voie à emprunter. Une réunion avec l’exécutif définissant une organisation très concrète et très opérationnelle me semble plus efficace. Pour moi, la disposition proposée ne relève pas de la loi.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Monsieur le rapporteur général, vous ne trouverez jamais sur ces bancs des députés qui s’accommodent du fait que, lorsque le Parlement exprime une volonté politique, fût-elle dépourvue de portée normative, le Gouvernement ne la respecte pas. Inscrire dans la loi la volonté politique d’organiser une grande conférence industrielle nationale oblige le Gouvernement, que vous le vouliez ou non.

Je soutiens les amendements de nos collègues socialistes, car ils permettent de combler un angle mort du projet de loi. Je crois en l’intelligence des salariés. Qui prend le soin d’écouter les salariés de l’automobile entend des préconisations intelligentes pour recouvrer des éléments de souveraineté d’une industrie décarbonée. Qui prend le soin d’écouter les salariés de la filière papetière de Seine-Maritime entend des propositions intelligentes pour recouvrer des éléments de souveraineté, fondées notamment sur l’économie circulaire. Qui prend le temps de discuter avec les verriers de la vallée de la Bresle entend des propositions intelligentes visant à poursuivre le développement de cette industrie lourde sur notre territoire tout en limitant ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

M. Gérard Leseul (SOC). Je remercie notre collègue Jumel de son soutien et maintiens les amendements.

Monsieur le rapporteur général, je prends note de votre bonne volonté, mais il ne vous aura pas échappé que, depuis la publication de notre rapport, rien n’a été fait pour réunir la conférence que nous appelions de nos vœux. Je retirerai les amendements en séance publique si les ministres au banc prennent l’engagement fort et clair d’ouvrir un tel débat public avant la fin de l’année.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Monsieur Jumel, il nous arrive régulièrement d’adopter des dispositions qui ne sont pas normatives. La séparation des pouvoirs vaut dans tous les sens. Il arrive au Conseil constitutionnel de censurer des dispositions assimilables à une injonction lancée à l’un des pouvoirs. Une disposition consistant à dire « Il faut que le Gouvernement organise une conférence industrielle nationale » serait sans doute censurée, soit dit à titre personnel et sans préjudice de la décision du juge constitutionnel.

Quoi qu’il en soit, il nous arrive d’adopter des dispositions non normatives, dépourvues de sanctions et d’obligations. Tel est notamment le cas des demandes de rapport, auxquelles je suis le plus souvent défavorable : nous accumulons des demandes de rapport dans nos textes de loi sans vérifier s’ils sont remis – en général, ils ne le sont pas – ni en assurer le suivi, ce qui ne me semble pas être une bonne façon de légiférer.

Il ne s’ensuit pas, Monsieur Leseul, que nous ne sommes pas d’accord sur l’objectif de tenir une grande conférence sur l’industrie. Il est possible, me semble-t-il, d’y parvenir autrement – et plus rapidement – qu’en l’inscrivant dans la loi. Toutefois, je comprends que la frustration suscitée par le fait qu’elle n’a pas été organisée au cours des derniers mois vous amène à déposer un amendement d’appel visant à nous sensibiliser à ce sujet et à rappeler que vous y tenez.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je souscris aux arguments de notre collègue Jumel. Les travailleurs et les travailleuses ont le sentiment très net que le Gouvernement, depuis six ans, traite les questions industrielles par le mépris. Organiser une conférence où l’on écouterait en premier lieu les salariés, c’est-à-dire celles et ceux qui ont les savoir-faire, est une excellente idée.

Les fonderies du Poitou ont fermé. J’ai rencontré les travailleurs, qui faisaient des carters de voiture et auxquels on a dit : « Cette filière, c’est fini. » Or ils sont capables de produire des pièces pour les trains, que le Gouvernement dit vouloir développer, notamment dans le domaine du fret.

Valoriser la connaissance qu’ont les gens de leurs savoir-faire, les écouter et les associer, ne serait-ce que dans le cadre d’une conférence, me semble une bonne idée. Nous, législateurs, avons le pouvoir de l’inscrire dans la loi. Le Conseil constitutionnel examinera le texte et fera son travail.

La commission rejette successivement les amendements.

 

3.   Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 15 heures

Article 1er bis A : Création d’une stratégie nationale « Industrie verte » pour la période 20232030 (suite)

 

Amendements CS1043 et CS1042 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). Depuis quarante ans, la France et les Français sont victimes de politiques de désindustrialisation croissantes qui ont délocalisé des pans entiers du tissu industriel et entraîné des pertes d’emplois massives, des inégalités territoriales et une perte de notre souveraineté. La réindustrialisation est aujourd’hui une nécessité absolue si nous voulons garantir la prospérité de notre modèle social et économique. Les Haut-Saônois, que je suis fier de représenter, ainsi que l’ensemble des habitants des territoires délaissés par vos politiques, attendent que le Gouvernement mette en application les promesses faites par le ministre Bruno Le Maire lors de la présentation de ce projet de loi, visiblement oubliées lors de la rédaction de ce texte – la Macronie nous a trop habitués aux annonces sans effets.

Ayez donc le courage d’inscrire dans la loi votre objectif de porter la part de l’industrie à 15 % du PIB d’ici à 2030 et à 20 % d’ici à 2040, afin que nous puissions nous engager sur une trajectoire claire et mesurable et orienter en conséquence nos politiques économiques.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur pour les chapitres Ier et du titre Ier et rapporteur général. Il ne suffit pas d’inscrire dans la loi un objectif en pourcentage pour que cet objectif soit tenu. Ce qui permet aux industries de revenir sur le territoire, ce sont des politiques d’attractivité et de compétitivité, une fiscalité attractive, revue à la baisse, qui permette de les accueillir avec moins d’impôts de production, des formations aux métiers industriels de demain, des mesures de simplification permettant d’accueillir des sites industriels sans qu’il faille des années de procédures administratives, ainsi qu’une politique de compétitivité par rapport à d’autres pays. Voilà ce qui permet d’augmenter la part de l’industrie dans le PIB – et c’est exactement ce que nous faisons.

S’il suffisait de fixer par amendement un objectif quantifié pour atteindre l’objectif, ce n’est pas une part de 15 % ou 20 % que je voudrais inscrire, mais de 25 % ou 30 %. Or il ne suffit pas de le dire pour que, par magie, cela se fasse : pour réindustrialiser le pays, il faut mener de front toute une politique et c’est la démarche dans laquelle nous sommes bien engagés. Je demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Même avis, pour les mêmes raisons. Nous avons vécu pendant des années avec des stratégies incantatoires, mais mieux vaut des politiques efficaces.

N’ayant malheureusement pu participer aux débats ce matin, je rappelle que le Gouvernement soutenait la suppression de cet article. Nous sommes prêts à discuter de notre stratégie industrielle devant le Parlement aussi souvent que vous le voudrez – j’ai déjà été auditionné par la commission des affaires économiques et je suis prêt à recommencer indéfiniment. La stratégie industrielle de la France est discutée dans le cadre du Conseil national de l’industrie, organisation très utile créée par le président Sarkozy et le Premier ministre François Fillon en 2010 et qui réunit des représentants du Gouvernement, de l’industrie, des partenaires sociaux et du Parlement, ainsi que des élus locaux. Je ne suis donc pas certain que cet article soit indispensable et je crains même qu’il alourdisse le processus. Il suffirait ainsi de demander au ministre de l’industrie de rendre compte devant les commissions parlementaires concernées ou dans l’hémicycle des décisions stratégiques prises dans le cadre du Conseil national de l’industrie. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Tout ce que vient de dire le rapporteur général sur notre capacité à recréer de l’industrie en France est vrai, mais la notion de planification industrielle n’en impose pas moins de définir des objectifs, comme le propose M. Villedieu, car il faut prévoir dans l’équation industrielle des matières premières, des formations, des sites et de l’énergie. C’est du reste la raison pour laquelle vous prévoyez une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et que vous planifiez des objectifs de production et de consommation énergétiques, en déterminant ce qui sera importé et ce qui sera produit sur notre territoire.

Il est indispensable de définir des objectifs en termes de part de l’industrie dans le PIB, car on ne peut atteindre des objectifs en termes de décarbonation de l’industrie et de respect du traité de Paris et des engagements européens, eux-mêmes très précisément chiffrés, sans quantifier précisément la part de l’industrie, sous peine de rester dans l’incantation. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un schéma ouvert et, les ressources étant limitées, tout doit être très précisément quantifié.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Monsieur le ministre, je souhaiterais des clarifications, car votre intervention a semé un doute. Nous avons bien compris que vous ne voulez pas de cet article 1er bis A, mais le principe de son examen a été validé ce matin, en votre absence, par une majorité des membres de notre commission. Vous pouvez certes, puisque vous ne voulez pas de cet article, décider que vous êtes fâché et vous opposer à tous les amendements, mais nous pouvons aussi avoir une discussion de fond pour voir comment l’améliorer et l’adapter aux objectifs.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne suis pas fâché et je n’ai pas l’habitude de faire mon travail en me laissant guider par mes émotions. Ayant été absent ce matin pour participer à un conseil de planification écologique – c’est-à-dire précisément, Monsieur Tanguy, à l’instance qui permet de planifier les ressources, notamment énergétiques, qui nous permettront de mettre en œuvre cette politique –, il m’a semblé utile que la commission soit éclairée sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement n’était pas favorable à cet article. Nous sommes évidemment à la disposition de l’Assemblée nationale pour rendre compte de ces travaux.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS613 de M. Pascal Lecamp.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Cet amendement vise à reporter à 2024 la date de mise en œuvre de la stratégie nationale « Industrie verte », afin de laisser le temps nécessaire pour mener à bien la concertation avec toutes les parties prenantes que vous avez précédemment citées.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet amendement a au moins le mérite de proposer des dates plus cohérentes avec le calendrier du projet de loi. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle rejette l’amendement CS942 de M. Nicolas Dragon.

 

Amendement CS1106 de M. Philippe Brun.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à ce que la définition de la notion d’« industrie verte » utilisée dans ce projet de loi s’inspire des travaux de l’ONU afin de mieux inclure les participations indirectes tout en écartant les plus polluantes. Il est donc proposé d’insérer, après le premier alinéa, un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Cette stratégie porte sur l’ensemble de la production et du développement industriels qui ne se font pas au détriment de la santé des écosystèmes naturels ou des êtres humains. »

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je ne vois pas bien ce que seraient de telles industries qui agiraient « au détriment de la santé des écosystèmes naturels et des êtres humains ». La définition pourrait donner lieu à de nombreuses discussions et cet amendement ne me semble pas contribuer à la clarté du texte. J’en demande donc le retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement. En effet, si une industrie s’exerce au détriment des écosystèmes et de la santé humaine, elle est évidemment déjà interdite. En France et en démocratie, il n’est pas autorisé de saccager l’environnement ni de porter atteinte à la santé de nos concitoyens. Tout cela nourrit un sentiment qui a joué un rôle dans la désindustrialisation et dont j’ai vu un exemple à Abbeville, où une sucrerie située en centre-ville a été fermée parce que certaines personnes se plaignaient de l’odeur. On fait croire qu’une usine pourrait faire du mal à la population, alors que l’industrialisation a évidemment été la plus grande conquête pour la santé humaine, qui a permis un doublement ou un triplement de l’espérance de vie. Dans les pays du tiers-monde, on veut des usines !

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Notre groupe est favorable à cet amendement, car l’un des grands défauts de ce projet de loi est qu’il ne parle que de décarbonation, sans considérer l’environnement dans sa globalité en prenant en compte la biodiversité et la pollution des sols, de l’eau et de l’air. Ainsi, nous avons appris tout récemment que les nappes phréatiques d’Île-de-France étaient contaminées et que l’eau du robinet était cancérigène. De très nombreuses industries polluent l’air, l’eau, les sols et les nappes phréatiques et provoquent à la fois des maladies qui affectent la santé humaine et des dégâts environnementaux considérables. L’amendement permettrait donc une définition plus large.

Pour avoir travaillé sur le devoir de vigilance des entreprises et sur la directive européenne qui aborde ce thème, je veux espérer que l’Union européenne franchira l’année prochaine un pas important en considérant que les entreprises sont responsables, tout au long de leur chaîne de valeur, de l’impact de leurs activités sur l’environnement et sur la santé humaine. L’amendement est une anticipation indispensable de cette position.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS854 de M. Gérard Leseul.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à décliner les objectifs d’une stratégie industrielle qui pourrait prendre la forme d’un pacte productif réunissant l’ensemble des parties prenantes afin de faciliter la réindustrialisation et l’implantation de filières d’avenir en associant l’État, les régions et les intercommunalités, ainsi que les entreprises, les fédérations professionnelles, les organisations syndicales et les représentants de la société civile et des milieux associatifs. Ce pacte aurait pour vocation de déterminer des besoins et des objectifs précis pour réussir la réindustrialisation de notre économie, qui doit être avant tout décarbonée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’amendement revient à intégrer dans l’alinéa tout le contenu du pacte productif. Or en voulant faire une liste trop précise, on risque d’en oublier certains éléments, comme ici l’énergie – décarbonée et notamment nucléaire –, vecteur fondamental de l’industrie. Si donc nous devons adopter cet article, mieux vaudrait conserver l’esprit plus général de l’alinéa. Retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Gérard Leseul (SOC). Il est certes difficile de faire une liste, mais il est peut-être possible de trouver un terrain d’entente avant l’examen du texte en séance publique. De fait, à force de ne pas vouloir donner de définitions, en creux ou en plein, on continue à nager dans l’état gazeux évoqué tout à l’heure par M. Jumel. Vous avez toute latitude pour sous-amender notre proposition afin de définir plus précisément les objectifs de cette industrie verte.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur général, vous pouvez en effet sous-amender l’amendement pour ajouter une mention de l’énergie, et si vous ne voulez pas le faire, c’est que vous ne comprenez pas ce qu’est la planification - et c’est un vrai problème. Un bon exemple à cet égard est celui de la filière cognac qui, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, s’est constituée grâce à l’État et avec lui. Pendant plus de quinze ans, c’est l’État qui est intervenu directement pour permettre le développement de cette filière, en programmant précisément ses besoins, année après année. Aujourd’hui, la filière cognac est prête : elle planifie sur vingt ans et est capable de s’organiser sur tous les plans, qu’il s’agisse de la cartographie, de la main-d’œuvre ou des lieux de développement.

Si donc vous voulez réellement planifier et mettre en œuvre une véritable stratégie, vous pouvez ajouter par sous-amendement tout ce qui peut manquer à la liste. Ne pas le faire signifie que vous n’avez pas de volonté de planifier et que vous faites le pari suivant : vous pariez qu’en mettant un peu d’argent dans le privé, les choses s’arrangeront. Or, ce qui se produira, c’est la captation de cet argent par quelques-uns, comme le montrent les chiffres des fortunes des 500 familles les plus riches de France.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Ces propos montrent précisément qu’il n’est pas besoin d’inscrire dans la loi l’obligation de mener une stratégie ou une planification pour qu’elle ait lieu. C’est une très bonne chose que les acteurs de la filière du cognac se soient organisés et aient planifié, mais ils n’ont pas eu besoin que ce soit codifié dans la loi. Je respecte votre position, Madame Chikirou, mais la mienne est constante : tout ne passe pas nécessairement par une codification dans la loi et le Gouvernement peut fort bien réaliser des planifications, mener des concertations et définir des objectifs stratégiques et des pactes productifs sans que le législateur le fige définitivement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous sommes d’accord sur l’objectif et vous avez raison de dire, madame Chikirou, que les filières industrielles doivent s’organiser. En revanche, la vraie question, que vient de poser le rapporteur général, est de savoir si tout cela doit figurer dans la loi et doit être discuté tous les ans au Parlement, à un degré de détail très fin. En outre, c’est déjà le cas dans le cadre des dix-neuf comités stratégiques de filière organisés dans le cadre du Conseil national de l’industrie, lequel se réunit une à deux fois par an et rassemble, je le répète, des membres du Gouvernement, des organisations syndicales, de l’industrie, du Parlement et des collectivités territoriales. Certaines filières sont très bien organisées – vous avez évoqué celle du cognac et je pourrais citer encore celles de l’aéronautique, du luxe et des nouvelles stratégies énergétiques. Nous pouvons être fiers de notre industrie, bien qu’elle soit insuffisamment présente en France. Elle s’est organisée et est désormais prête à réindustrialiser et à décarboner notre pays. Il n’est pas nécessaire d’inscrire tout cela dans la loi et je suis donc défavorable à la plupart des amendements de cette nature.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS953 de M. Lionel Vuibert.

M. Lionel Vuibert (RE). Cet amendement vise à inscrire dans le cadre général de la loi sur les industries vertes la nouvelle stratégie énergétique de la France annoncée par le Président de la République. Il s’agit de rappeler la nécessité de décliner cette stratégie afin de bénéficier d’une énergie abondante, bon marché et décarbonée pour l’avenir de notre industrie.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Malgré mes critiques relatives à l’article, cet amendement apporte une clarification qui permet de lier intelligemment l’énergie et la politique énergétique, sans les lier nécessairement à une loi qui n’est pas encore votée. Sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Notre groupe votera contre cet amendement, car nous sommes opposés au développement du nucléaire dans les prochaines années. En outre, la nouvelle politique énergétique de la France ne doit pas conduire à consommer et produire comme on le fait aujourd’hui. Nous devons penser la sobriété, et donc une nouvelle politique énergétique, qui considère la baisse de la consommation comme une nécessité tant pour le secteur industriel que pour le secteur public.

M. Raphaël Schellenberger (LR). L’intervention de madame Chikirou montre bien les contradictions profondes qui traversent son groupe. On ne peut pas vouloir une politique industrielle planifiée et, en même temps, ne pas vouloir de politique énergétique – ou en vouloir une qui conduit systématiquement à l’effondrement de notre système productif.

Par ailleurs, Monsieur le rapporteur, cet amendement comporte l’un de ces termes superfétatoires que vous pourchassez : il s’agit de la notion de « nouvelle politique énergétique » de la France. Je défendrai plus tard un amendement visant à intégrer l’énergie dans la planification industrielle, mais il s’agit ici de prendre en compte la politique énergétique, qu’elle change ou non. Quand on écrit la loi, on ne la fixe pas dans une évolution relative. Toutefois, si la nouvelle politique énergétique que vous évoquez est une remise en cause de la politique menée précédemment par le Président de la République Emmanuel Macron, peut-être pourriez-vous nous trouver à vos côtés !

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS931 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous avons la responsabilité de porter dans la loi une vision d’une stratégie de réindustrialisation. Du reste, ce n’est pas la première fois que nous inscrivons une stratégie dans la loi – je pense en particulier à la stratégie nationale bas carbone, à qui cette inscription donne une stratégie et des perspectives. Une stratégie permet d’associer tout le monde et les décisions ne se prennent pas seulement dans les comités de filière, car le processus concerne également les territoires, les salariés et les habitants.

Penser cette stratégie, c’est aussi en planifier les moyens, permettre aux territoires de penser la vie qui va avec cette réindustrialisation et donner de la visibilité aux entreprises concernées. Il est donc indispensable de disposer d’une vision planifiée et d’inscrire cette stratégie dans la loi. Elle doit en outre être compatible avec les scénarios climatiques, en particulier celui qui retient une élévation des températures de 1,5 degré – sinon, en quoi pourrait-on parler d’une loi verte ou décarbonée ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Il est très important de planifier et d’être en ligne avec les objectifs de décarbonation et de réduction des émissions et de la température, et c’est exactement à cela que s’emploie le secrétariat général à la planification écologique, qui y travaille secteur par secteur et prend en compte les scénarios du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). L’amendement est donc satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre groupe votera contre cet amendement, moins pour son libellé que pour l’exposé des motifs qui l’accompagne. Je me pince lorsque je lis qu’il existe des filières industrielles polluantes, comme la pétrochimie, et des filières non polluantes, comme le vélo ! Le vélo est un assemblage de composés pétrochimiques – comment produire des selles, des freins ou un guidon en plastique, sans pétrochimie ? Si vous voulez monter sur un vélo en bois, moi pas : bon courage et bonne chance !

Il faut être cohérent, car l’industrie est un tout. Il n’y a pas d’un côté le polluant et de l’autre le non polluant : il faut tout dépolluer ou ne rien dépolluer. Quant au médicament, dont j’imagine aussi que vous voulez relocaliser la production, c’est de la pétrochimie lourde. Si ces industries ont quitté la France, c’est pour aller polluer en Inde et en Chine, parce que vous ne vouliez pas qu’elles polluent en France.

Il faut en finir avec les incantations et les sorcières du nucléaire, et repenser la politique industrielle comme un tout. Il faut cesser de dire aux uns qu’ils sont gentils et aux autres qu’ils sont méchants : dans l’industrie, tout le monde est gentil !

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Ce qui est excessif n’est pas très sage, et vous en êtes un habitué, Monsieur Tanguy.

L’amendement ne dit pas qu’il faut arrêter la pétrochimie, mais que la stratégie doit prévoir ce qui, dans la pétrochimie, devra se transformer et se réduire. Demandez donc aux habitants de Pierre-Bénite s’ils ne considèrent pas que les industries polluantes posent problème ! Vous qui défendez les populations, allez voir tous les maires qui portent plainte contre Arkema sur ce territoire, dans la vallée de la chimie, où tout le monde est pollué aux substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas) ! Vous ne pouvez pas faire comme si tout cela n’existait pas – ce serait totalement irresponsable. Il y aura toujours de la pétrochimie, mais ce ne sera pas du tout la même, et il y en aura moins. Nous voulons aussi favoriser d’autres modes de déplacement, notamment le vélo. Il y aura un peu de pétrochimie pour en fabriquer, mais vous avez caricaturé ce qui figure dans l’exposé des motifs de notre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS971 de M. Lionel Vuibert.

M. Lionel Vuibert (RE). Dans un contexte de réindustrialisation de notre pays, cet amendement vise à intégrer pleinement les entreprises liées à la production ou à la transformation de matières premières, comme la métallurgie, la sidérurgie, la papeterie ou la chimie. Venant des Ardennes, pays des forges et des fonderies, je suis très sensible à la question des énergo-intensifs. Il faut rappeler toute la place qu’ont prise et que prennent encore ces industries dans le développement économique de notre pays et ne pas oublier que, dans un contexte où notre pays veut se réarmer, nous aurons besoin demain de ces entreprises pour disposer d’une production souveraine et leur décarbonation supposera un accompagnement adapté.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Monsieur Vuibert, je salue votre engagement sur cette question importante mais, comme je l’ai dit en répondant à MM. Leseul et Delautrette, il faut éviter de dresser une liste dans laquelle nous risquerions d’oublier certains éléments. Pour ne pas alourdir cette liste, je vous propose donc de retirer l’amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Lionel Vuibert (RE). Je retire donc l’amendement, mais je tenais à appeler votre attention sur la situation des forges et des fonderies.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS635 de Mme Delphine Lingemann.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Cet amendement rédactionnel a pour objet de substituer au mot : « prioritairement » les mots : « de manière prioritaire », afin d’apporter au texte une précision et une clarté supplémentaires. En effet, cette expression permet de souligner explicitement la façon dont les filières stratégiques doivent être implantées ou se développer sur le territoire national.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Pardonnez mon inculture, mais quelle est la différence entre « prioritairement » et « de manière prioritaire » ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je me pose la même question. Cet amendement est sans doute intéressant, mais le Gouvernement ne le comprend pas complètement. Sagesse.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Les mots : « de manière prioritaire » sont plus forts et plus explicites que le mot : « prioritairement ». Au demeurant, les deux expressions sont compréhensibles.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Même si l’article n’a pas de portée normative, il est important que la loi soit écrite régulièrement de la même façon. Or le terme « prioritairement » est plus régulièrement employé que l’expression « de manière prioritaire ».

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS897 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je ne crois pas plus que tout à l’heure à cette stratégie qui n’est pas normative et qui est quelque peu verbeuse, comme on vient de le voir avec ce débat sémantique. Il faut, en tout cas, lui ajouter l’objectif de décarbonation de l’existant, qui me semble être un jalon essentiel pour une industrie verte du futur.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Même si je ne suis pas favorable à l’article, cet amendement permettrait de le compléter pour nous assurer que nous n’oublions pas certaines industries. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je reste convaincu que l’industrie verte, c’est toute l’industrie – celle que nous allons décarboner et celle qui nous permettra de décarboner. Devant l’argument imparable du rapporteur général, sagesse.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Cet amendement vient précisément faire ce que nous craignions. Nous sommes favorables à ce que l’on traite de la nouvelle industrie et du verdissement de l’existant, mais pas dans le même cadre ni avec les mêmes outils, parce que les enjeux ne sont pas les mêmes. Ce n’est pas la même chose que d’implanter de nouveaux sites et de gérer la transformation de sites existants. Je note au passage que les salariés ne sont absolument pas associés à cette démarche.

Par ailleurs, il est insuffisant de limiter l’industrie verte à la seule décarbonation, comme nous l’avions dit à propos de la biodiversité, de l’eau, des pollutions, des autres émissions que le carbone et de la santé. Soit vous agissez vraiment, soit vous ne faites rien, mais nous sommes là dans un entre-deux, avec un texte où il y aura finalement à boire et à manger…, et pas grand-chose pour que les choses changent vraiment.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS77 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton (RE). Cet amendement vise à intégrer la notion d’économie circulaire dans la stratégie nationale. En effet, si nous nous intéressons à la réindustrialisation verte, l’éco-conception et l’allongement de la vie des produits grâce à l’économie circulaire sont à la fois un objectif et une méthode pour nos industries. L’industrie verte ne se limite pas à la décarbonation et l’économie circulaire a toute sa place dans une stratégie nationale.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Madame Riotton, je salue votre engagement en faveur de l’économie circulaire, sur laquelle je sais que vous avez beaucoup travaillé dès la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec). Je sais aussi que vous défendez tout au long du texte des amendements sur ce thème. La question du recyclage des déchets est fondamentale dans le monde industriel et il est important que nous en discutions.

En cohérence avec la réponse que j’ai faite tout à l’heure à M. Leseul, qui présentait une liste d’éléments à intégrer dans la stratégie, j’ai tendance à penser qu’à vouloir trop préciser les éléments de celle-ci, nous risquerions d’oublier certains d’entre eux. Je propose donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Je sais par ailleurs, pour en avoir discuté avec le président Zulesi, que le bureau de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire lancera à la rentrée une mission d’évaluation sur l’économie circulaire et la loi Agec, qui sera probablement l’occasion pour votre commission de travailler sur cette question et de formuler des propositions et des préconisations en la matière. Nous devrions donc avoir un débat à ce moment-là.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Riotton, comme le rapporteur général, je tiens à vous féliciter et à vous remercier pour votre engagement sur ce sujet. Comme je l’ai déjà dit dans la discussion générale, une industrie verte, c’est aussi une industrie économe en ressources, et la meilleure manière d’y parvenir consiste à recycler ces dernières et à les réutiliser. L’économie circulaire est donc essentielle dans l’industrie de demain et, en fait, de nombreux industriels la pratiquent déjà – ils attendent, par exemple, qu’un décret permette la réutilisation des eaux. Le projet de loi contient également un article visant à faciliter la réutilisation des déchets comme matières premières. Nous y croyons et les industriels aussi.

Comme le rapporteur général, je ne crois pas utile de le préciser dans cet article, qui a plutôt vocation à avoir une portée générale. Je suggère donc le retrait de l’amendement, tout en souscrivant à ses objectifs.

M. le président Bruno Millienne. Après avoir rencontré de très nombreux industriels durant les auditions auxquelles nous avons procédé, je peux vous garantir que les business models sont en train de changer. La plupart des industriels veulent récupérer leurs gisements pour pouvoir pratiquer l’économie circulaire et le réemploi, ce qui posera d’autres problèmes en termes d’organisation de l’économie sociale et solidaire ou des éco-organismes. Je ne pense pas que nous pourrons traiter l’ensemble de ces questions avec ce projet de loi et peut-être en faudra-t-il un autre. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire serait bien inspirée de se saisir de cette question.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CS810 de M. Dominique Potier et CS1011 de M. Charles Fournier.

M. Dominique Potier (SOC). En fait, ce texte vise avant tout à améliorer l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers. Après tout, pourquoi pas ? Mon amendement a pour objet de le rééquilibrer au profit d’une économie plus verte, en ne se contentant pas d’obéir à une logique d’offre et de demande du marché industriel international. Il est en effet urgent de relocaliser la fabrication d’un certain nombre de produits, dont l’impact environnemental est catastrophique lorsqu’elle a lieu dans d’autres régions du monde. Il est extrêmement important de combiner la logique de hiérarchisation des produits avec la définition des filières prioritaires. Cela a été montré par le réseau Action Climat, qui a inspiré cet amendement.

La démarche de planification proposée par l’amendement est parfaitement conforme à celle défendue par Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique. Il s’agit de remettre l’aménagement du territoire, les politiques publiques et notre économie en ligne avec l’objectif de décarbonation et d’atténuation du dérèglement climatique.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il faut aussi s’interroger sur l’enjeu du volume des produits mis sur le marché. Le projet s’inscrit encore dans une logique de production illimitée. Il est difficile de mettre en exergue la question des limites planétaires dans ce débat, alors même que nous avons déjà atteint nombre d’entre elles. Nous ne pourrons pas produire sans fin. Il s’agit donc aussi de réguler ce qui sera mis sur le marché.

Cet amendement est peut-être trop décroissant pour vous, mais nous allons nous heurter à un mur – c’est déjà le cas dans certains domaines – et on fait comme s’il n’existait pas.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Encore une fois, ces questions sont abordées dans le cadre des travaux de planification écologique. La nouvelle stratégie nationale bas-carbone, qui a vocation à être adoptée après la future loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), fixera des budgets carbone par secteur d’activité. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ces amendements sont en effet un peu trop décroissants.

Comme l’ont relevé plusieurs intervenants, le déficit extérieur est un véritable défi. Si je souhaite que l’on décarbone l’industrie française, je veux aussi que l’on produise en France pour exporter des produits compétitifs. C’est une bonne façon de créer de la prospérité tout en contribuant à la décarbonation du monde – puisque nous produisons de manière plus décarbonée que la moyenne.

Je suis donc circonspect sur la possibilité d’encadrer la fabrication d’un certain nombre de produits en France. Tout ce que nous ne produirons pas – a fortiori si nous sommes compétitifs – sera produit ailleurs. Avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Vous êtes sans doute au courant que le Haut-Conseil pour le climat a demandé à la France d’adopter un objectif de réduction de ses émissions importées. Ces dernières ont en effet explosé au cours des vingt dernières années, au point d’annihiler les efforts réalisés sur le territoire national en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans certains secteurs, il est absolument impossible de baisser nos émissions importées si nous ne réduisons pas les volumes. C’est le cas, par exemple, du textile. Décarboner les chaînes de production, installées notamment au Bangladesh, prend énormément de temps. Deux choix sont alors possibles : réduire les volumes ou laisser le climat s’emballer. Depuis vingt ans, les mises sur le marché ont débordé. Nous en sommes à dix-neuf vêtements par personne, sans bénéfice social, puisque la France a perdu 345 000 emplois dans la fabrication de textiles – et 64 000 dans leur commerce, en raison du développement des plateformes telles qu’Amazon et Shein.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS362 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Vous allez probablement encore estimer qu’il s’agit d’un amendement incantatoire, mais il n’y a pas de politique industrielle sans politique énergétique. Pour faire monter en puissance notre industrie, nous avons besoin d’une énergie sûre, disponible et à des prix soutenables. Cet amendement prévoit que la stratégie nationale « Industrie verte » évalue les besoins en énergie et fixe des objectifs en matière de production d’électricité – énergie potentiellement décarbonée la plus répandue.

Cela me permet d’ailleurs de rappeler que le Réseau de transport d’électricité (RTE) a revu ses prévisions à la hausse puisqu’en 2021, il tablait sur une consommation de 540 térawattheures (TWh) d’ici à 2035. Il s’est désormais aligné sur les prévisions du Rassemblement national et de Marine Le Pen – ce dont nous nous réjouissons évidemment.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Nous sommes d’accord sur le fait que l’industrie et l’énergie sont liées. Encore une fois, des travaux de planification écologique sont engagés et la ministre Agnès Pannier-Runacher travaille sur les modélisations du futur et la préparation de la LPEC. Notre collègue Xavier Albertini préside, par ailleurs, un groupe de travail sur la production d’électricité et les systèmes électriques. Nous aurons donc l’occasion d’en discuter lors de l’examen du projet de LPEC. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Ce n’est pas incantatoire, mais il faudra en parler au moment de la discussion du projet de LPEC.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je suis évidemment contre cet amendement, dont la philosophie semble mieux vous convenir que celle des précédents, jugés trop décroissants par le ministre. Il repose sur l’idée que ce sont les objectifs de production de l’industrie qui dictent le niveau de la production d’énergie. Nous ne partageons pas cette conception, car il y a des limites planétaires à toute production d’énergie – y compris décarbonée.

Votre réponse aux amendements précédents consistait à dire qu’il faut attendre une loi hypothétique, au sujet de laquelle les discussions en cours pataugent – alors que l’objectif est de réduire nos émissions en 2030 et que l’horloge tourne à une vitesse folle. Si l’on se réveille en 2026 ou en 2027, il sera trop tard pour baisser ces émissions. Ce projet relatif à l’industrie verte nous donne dès à présent l’occasion de légiférer. Vous auriez dû accepter les propositions de nos collègues Fournier et Potier. Cela aurait permis de nous opposer à une vision qui consiste à aller toujours plus vite, toujours plus loin.

M. le président Bruno Millienne. Comme je participe aux travaux sur la LPEC, je peux vous garantir qu’ils ne pataugent pas.

M. Pierre Meurin (RN). Je rappelle à Mme Chatelain que la quantité d’énergie est constante dans l’univers. C’est une loi physique que l’on apprend en classe de seconde.

Cet amendement est intéressant, car il vise à définir une vision d’ensemble du mix énergétique que ne fournissent pas les différentes lois sur les énergies renouvelables, sur le nucléaire et sur l’industrie verte. En réalité, nous sommes dans le flou complet.

Pourquoi n’a-t-on pas examiné la LPEC préalablement à tous ces textes partiels ? Je rejoins sur ce point M. Jumel, qui a posé la bonne question hier soir. Nous avons besoin d’un texte qui offre une vision de nos besoins énergétiques – sachant que la réindustrialisation et les besoins des ménages nécessitent 300 gigawattheures supplémentaires. Plutôt que de parler de sobriété, il est temps de se pencher sur la manière de développer le mix énergétique pour disposer d’une industrie souveraine.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous rassure, Madame Chatelain : le Conseil de planification écologique ne part pas d’un besoin de production industrielle pour s’assurer que l’intendance suivra.

Comme Emmanuel Macron l’avait annoncé, il y a un an, à Marseille lors de la campagne électorale, et comme il a souhaité que cela soit mis en œuvre par la Première ministre sous sa présidence, il s’agit de partir des objectifs de réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre en 2030 et de neutralité carbone en 2050. C’est ce qui nous guide. Nous ne serons peut-être pas d’accord sur les moyens d’y parvenir, car nous pouvons avoir des visions opposées : décroissance accélérée d’un côté, croissance de qualité de l’autre. En tout cas, les objectifs sont bien fixés par la stratégie nationale bas-carbone et ils correspondent à ceux déterminés par l’Union européenne, conformément aux engagements pris par la France.

Pour la première fois, on passe de l’incantation à la mise en œuvre concrète de ces objectifs dans une logique stratégique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS598 de M. Sébastien Jumel.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Cet amendement vise à tenir compte du surcroît de besoins énergétiques induit par le développement industriel supplémentaire. Vous allez probablement me répondre que nous verrons cela lors de l’examen du projet de LPEC, mais il est essentiel de planifier les besoins futurs. RTE estime que la consommation d’électricité sera supérieure de 100 TWh à la trajectoire de référence et qu’elle pourrait atteindre 750 TWh. Le système électrique doit pouvoir fournir un effort permettant de répondre à l’augmentation plus importante des besoins – laquelle serait de 60 %, contre 35 % dans la situation de référence.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Ce sujet relève de la LPEC. Des groupes de travail sont organisés, notamment sur la production d’électricité et les systèmes électriques. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Je suis favorable à cet amendement.

J’ai auditionné les responsables de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ils ont expliqué qu’avec la fermeture probable de réacteurs que l’on n’arrivera pas à prolonger au-delà de cinquante ans, le décalage entre l’offre et la demande électriques va être considérablement aggravé d’ici à 2035 par la décarbonation et la nécessité, pour certaines entreprises très consommatrices, de devoir se passer du gaz. Borealis aurait ainsi besoin du tiers de la puissance d’un réacteur nucléaire pour se passer d’énergie fossile. Vous n’allez donc pas pouvoir faire l’économie d’une réflexion sur la planification et la hiérarchisation des besoins. Ce n’est pas une affaire de croissance ou de décroissance, mais bien de coupures d’électricité à venir.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les implantations de Borealis en France font partie des cinquante sites industriels les plus émetteurs. Tous sont concernés par la planification écologique et leurs besoins liés à la décarbonation – plus d’électricité, d’hydrogène, de recyclage et davantage de captage de carbone – sont pris en compte dans ce cadre. Voilà exactement ce que nous faisons et, même si nous ne sommes pas d’accord sur la méthode, nous parlons de la même chose.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1210 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). En 2009, l’industrie représentait 14 % du PIB. Elle ne pèse plus désormais que 9 % de ce dernier. Telle est l’ampleur de la désindustrialisation que notre pays a connue ces vingt dernières années, rythmée par les délocalisations, les fermetures d’usines et les rachats par des entreprises étrangères. Les chaînes de valeur sont désormais dispersées aux quatre coins du monde. Les lieux de production et de commercialisation de certains produits sont éloignés de milliers de kilomètres. Un produit peut parcourir des distances absurdes avant d’arriver entre nos mains, avec une empreinte carbone désastreuse.

C’est pourquoi il est nécessaire d’établir une stratégie pour encourager les relocalisations. Tel est le but de cet amendement. Si nous voulons une industrie verte, il faut qu’elle soit décarbonée. Et si nous voulons décarboner, il faut relocaliser.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS601 de M. Jiovanny William.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Cet amendement prévoit que la stratégie nationale « Industrie verte » tient compte des contraintes et spécificités des collectivités d’outre-mer.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Même si je doute de l’utilité de l’article 1er bis A, il est important d’adapter les politiques publiques outre-mer. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1116 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement prévoit d’inscrire l’objectif de revitalisation industrielle des territoires désindustrialisés dans la stratégie nationale.

Très nombreux sont les élus qui représentent des territoires qui ont vécu une terrible désindustrialisation. Ainsi, ma circonscription, totalement enclavée, a subi la fermeture complète des industries minières et n’a bénéficié d’aucun fonds pour la réindustrialisation.

Il serait de bon aloi que la stratégie nationale « Industrie verte » prévoie une réparation morale et politique en faveur de ces territoires, qui souffrent du chômage et de la misère sociale du fait de la désindustrialisation.

Faites un geste pour eux en donnant un avis favorable à cet amendement, Monsieur le rapporteur !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Vous avez raison de souligner les difficultés que rencontrent les territoires désindustrialisés, mais la rédaction de l’amendement est trop restrictive. Elle réserve la stratégie de réindustrialisation aux seuls territoires désindustrialisés, alors que tous les territoires ont vocation à bénéficier de la revitalisation industrielle. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La rédaction de cet amendement risque en effet d’exclure les territoires qui ne sont pas désindustrialisés.

Surtout, nous n’avons attendu ni ce projet, ni cet article, ni cet amendement pour nous occuper des territoires en difficulté. Nous avons aidé plusieurs installations industrielles dans le Gard, dont la fameuse usine de bonbons Haribo à Uzès pendant la crise énergétique. Nous intervenons dans le Nord, dans le Pas-de-Calais et dans les territoires délaissés pour accompagner les entreprises en difficulté – soit pour les développer, soit pour trouver des repreneurs, soit éventuellement pour simplifier la reprise des terrains, comme le prévoit ce texte.

Bref, cet amendement n’est pas nécessaire et il est, de plus, extrêmement restrictif. Avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je rappelle à M. Meurin que la réindustrialisation implique souvent d’importants besoins de main-d’œuvre, alors que celle-ci manque dans notre pays pour les métiers de l’industrie. Il faudra donc faire appel à des immigrés et penser à les loger en construisant des logements sociaux.

On croit parfois être intelligent en déposant des amendements, mais on oublie de prendre en compte leurs conséquences, en l’occurrence attirer les talents étrangers et pouvoir les installer avec leurs familles, grâce au regroupement familial, pour pouvoir faire fonctionner l’industrie.

M. Pierre Meurin (RN). Madame Chikirou, de très nombreux Français sont au chômage et adoreraient travailler dans l’industrie. Vous êtes en fait le mouvement de la préférence étrangère en matière d’emploi.

Monsieur le ministre, vous avez estimé que cet amendement en faveur de la revitalisation industrielle des territoires désindustrialisés n’était pas nécessaire. Je vous remercie pour eux…

Vous avez jugé que mon amendement était trop restrictif, Monsieur le rapporteur. Je peux l’entendre. Mais engagez-vous à lui donner un avis favorable, si j’en modifie la rédaction dans la perspective de la séance.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1006 de M. Charles Fournier.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Il y a un accord extrêmement fort pour dire que la réindustrialisation est une nécessité – pour l’emploi, bien entendu, mais aussi pour réduire l’empreinte écologique.

On a déplacé, depuis trop longtemps, nos industries et la pollution qui les accompagne à l’étranger. La logique de réindustrialisation doit nous forcer à prendre en compte l’effet de nos modes de vie, de notre consommation et de notre production. Tel est l’objectif de cet amendement : la stratégie nationale « Industrie verte » doit prendre en compte les limites planétaires et accompagner les entreprises. Si nous relocalisons des industries sans les aider à modifier leur comportement, cela n’entraînera aucun changement en ce qui concerne notre impact global.

Cette démarche d’accompagnement est également nécessaire pour faire accepter socialement la réindustrialisation. Pour que les gens soient d’accord, il faut que les industries soient plus sobres en matière de consommation d’eau et d’espace et qu’elles émettent moins de gaz à effet de serre. La stratégie industrielle doit respecter les normes environnementales et s’inscrire dans une démarche de sobriété pour être efficace.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet amendement est intéressant, car il permet de mettre en évidence la différence fondamentale d’approche entre nos groupes politiques.

Je suis radicalement opposé à ce que vous proposez. Vous parlez de réduction d’activité et vous vous inscrivez bien dans une perspective de décroissance de la production. C’est ainsi que j’interprète vos propos. Du reste, l’exposé sommaire mentionne des industries qui ont, selon vous, vocation à décroître. Si l’on suit votre raisonnement, cela pourrait ainsi concerner les industries automobile et aéronautique.

Nous n’avons absolument pas la même conception. Nous considérons, pour notre part, que les industries doivent se développer et investir dans des technologies qui permettent à la fois de consommer moins d’énergie et de rejeter moins de CO2 – y compris dans le cas de filières stratégiques, comme l’aéronautique. C’est une divergence philosophique essentielle et nous pourrions discuter pendant des heures des différences entre la décroissance malheureuse et la croissance verte. Avis très défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cette discussion est effectivement intéressante. Le secteur français de l’aéronautique constitue le premier contributeur à la balance extérieure et il représente 320 000 emplois. Surtout, la moitié environ des avions qui volent dans le monde ont été fabriqués par l’aéronautique française.

Nous avons le choix entre deux options.

Soit on organise la décroissance du secteur aéronautique français. Cela tombe bien, les Chinois construisent des avions… Je ne suis pas certain que la planète sera très décarbonée quand nous aurons perdu 320 000 emplois et que la Chine en aura gagné 500 000.

Deuxième option : nous investissons dans ce secteur pour qu’il devienne un vecteur de décarbonation. Nous avons une occasion en or, car l’industrie française joue un rôle de leader. Si elle décarbone sa production d’avions, cela concernera la moitié de l’industrie aéronautique mondiale. Soyons-en fiers, investissons et accompagnons-la de manière à ce que la France soit un exemple et un moteur de la décarbonation de l’industrie aéronautique mondiale.

Deux conceptions s’opposent. Je ne suis pas sûr que le sort de cet amendement permettra de trancher ce débat, mais au moins avons-nous pu l’esquisser. Avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Vos propos sont hallucinants. Il n’est pas possible de découpler les émissions de gaz à effet de serre et la croissance économique. De nombreux travaux ont montré que cela n’existe pas. Vous vivez dans un univers chimérique où la technique va apporter des solutions pour continuer à produire toujours plus, baisser les émissions et sauver le monde ! Cela ne se passera pas ainsi.

La véritable question porte sur l’affectation de l’argent public. On peut l’utiliser pour accompagner la reconversion des filières, comme le propose l’amendement. J’ai évoqué ce matin le cas des Fonderies du Poitou pour montrer que leurs salariés savent faire autre chose que des carters de voitures. L’entreprise Verallia à Cognac et les Papeteries de Condat font l’objet d’un plan social. Les salariés ne sont pas consultés sur les plans de reconversion, alors que c’est urgent, et certains se sont suicidés. Ce que vous faites est dramatique !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS394 de M. Vincent Rolland et CS1048 de M. Antoine Villedieu.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je profite de cet amendement pour souligner le désaccord qui existe sur la question de l’artificialisation des sols et pour insister sur la nécessité d’avoir des objectifs cohérents en matière de réindustrialisation et de « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Un point de PIB représente 10 000 hectares artificialisés ; l’objectif qui consiste à atteindre une industrie pesant 16 points de PIB – soit la moyenne européenne – impliquerait 50 000 hectares. Hier, nous avons abordé la question de la cohérence entre la stratégie de production d’énergie et ce projet. On peut aussi poser la question de la cohérence de vos objectifs de réindustrialisation avec les besoins en matière de foncier.

M. Antoine Villedieu (RN). Nous demandons la suppression de l’alinéa 3. Nous avons à peine terminé de discuter la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols – qui n’a pas encore été examinée en commission mixte paritaire – qu’on en remet une couche avec ce projet relatif à l’industrie verte.

Soyez clairs : voulez-vous vraiment favoriser la réindustrialisation du pays ? Ou bien s’agira-t-il, encore une fois, d’un coup d’épée dans l’eau ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Vos arguments complètent de manière éclatante ceux que j’ai avancés précédemment en faveur de la suppression de l’article 1er bis A – qui ne figurait pas dans le projet initial.

Je suis favorable à la suppression de l’alinéa 3 pour trois raisons.

Il s’agit tout d’abord d’une question de méthode législative. L’exposé sommaire de l’amendement CS394 indique que le législateur doit veiller à ne pas alourdir inutilement la loi. Je suis d’accord avec cette affirmation.

Ensuite, des discussions sont en cours entre les rapporteurs de l’Assemblée et du Sénat pour préparer la commission mixte paritaire sur la proposition de loi du Sénat, qui se tiendra demain matin. Il convient donc de ne pas adopter des dispositions qui pourraient la perturber.

Enfin, j’ai toujours été dubitatif au sujet de cet article. Je suis donc cohérent en étant favorable à la suppression d’un de ses alinéas. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis défavorable à l’article et, par conséquent, très favorable à tous les amendements qui proposent d’en supprimer des alinéas.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Je suis opposée à cet amendement, qui me permet de réagir à son exposé sommaire et aux propos de M. Tanguy. On entend, depuis tout à l’heure, des arguments complètement faux qui font un lien entre les normes environnementales et la désindustrialisation de la France.

Prenons l’exemple des raffineries. Ce secteur a perdu 30 000 emplois durant les trente dernières années. On n’a pourtant pas cessé de consommer des carburants. TotalEnergies a ainsi fermé une dizaine de raffineries en arguant de contraintes environnementales et a ouvert des installations plus importantes au Moyen-Orient. Il en est de même dans l’industrie automobile, qui a perdu un tiers de ses emplois en vingt ans, alors que nous n’avons même pas entamé la transition écologique vers les véhicules électriques. Encore une fois, les grands groupes prennent prétexte de l’écologie pour justifier des délocalisations dont l’objectif est de faire davantage de profits.

Il est extrêmement délétère de relayer l’argument selon lequel les normes environnementales nuiraient à l’industrie. Vous faites le jeu des délocalisations. Les ouvriers savent bien que ce n’est pas à cause de l’écologie qu’ils ont perdu leur emploi. L’usine de recyclage de papier Chapelle-Darblay, la plus importante de France, a failli fermer et n’a toujours pas redémarré, alors qu’elle est on-ne-peut-plus écologique. Les délocalisations n’ont rien à voir avec l’écologie. Arrêtez avec les fake news, parce que vous faites du mal aux Français et aux travailleurs en les proférant !

La commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les amendements se rapportant à l’alinéa 3 tombent.

 

Amendement CS535 de M. Laurent Alexandre.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Cet amendement vise à préciser le contenu de la stratégie nationale « Industrie verte » en portant une attention particulière à l’équilibre entre les territoires. Il permet également d’identifier les sites pertinents pour la relocalisation des filières stratégiques, en tenant compte des savoir-faire existants.

De trop nombreux sites sont laissés à l’abandon. Je pense aux anciens bassins industriels dans le Nord et dans l’Est du pays, mais aussi à celui de Decazeville, dans ma circonscription. De nombreuses personnes y travaillaient ou travaillent toujours dans l’industrie. Ces territoires sont riches de gens compétents, qui connaissent le monde industriel. Beaucoup de jeunes veulent se former et vivre au pays, mais ils doivent partir faute de débouchés. Des salariés d’usines qui ont fermé – comme la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) – et qui sont actuellement laissés sur le carreau ne demandent qu’à retrouver un emploi qui corresponde à ce qu’ils savaient faire le mieux : fabriquer des biens manufacturés.

L’Aveyron est traversé par la Mecanic Vallée, avec de nombreuses entreprises expertes dans la mécanique de précision, la construction d’engins de chantier, l’aéronautique et bien d’autres secteurs. Des filières économiques cohérentes peuvent se reconstruire et se renforcer sur nos territoires. Saisissons l’opportunité de réindustrialiser le pays en s’appuyant sur la richesse des compétences des gens, en ne négligeant aucun site et en ne laissant personne sur le côté.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Votre amendement est satisfait par le travail de planification qui pourra être mené dans le cadre du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), notamment grâce à la prise en compte d’objectifs liés au développement industriel. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis un peu surpris par cet amendement, qui donne l’impression que nous ne faisons rien. Comme vous le savez, nous accompagnons depuis le début les salariés de la SAM. Nous avons travaillé avec un repreneur potentiel, qui a malheureusement retiré son offre. C’est le premier dossier sur lequel je me suis penché en arrivant au ministère. Je travaille avec tous les territoires qui souhaitent s’investir dans la réindustrialisation et la préservation de l’industrie. Je suis en contact régulier avec la présidente de région, le président du département de l’Aveyron et les députés – y compris vous-mêmes – pour travailler à la réindustrialisation de ce territoire. Nous accompagnons tous les salariés et œuvrons en faveur de la transition.

Ce sont des sujets difficiles, mais ne laissez pas croire que nous n’agissons pas. Le programme « Territoires d’industrie » a été développé au sein de la commission des affaires économiques lors de la précédente législature. Il permet d’accompagner ceux qui veulent poursuivre leur réindustrialisation, redynamiser des industries et aider à la transition de celles qui sont en déclin.

L’industrie automobile traditionnelle est en effet en déclin, Madame Chatelain. Mais plutôt que de la laisser s’étioler, il convient de la transformer en industrie d’avenir – comme c’est le cas pour l’aéronautique, j’y insiste.

Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur tout, monsieur Alexandre, mais ne nous reprochez pas de ne pas être présents dans ces territoires. Nous y sommes toutes les semaines.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Eh bien, vous ne servez à rien !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Et pas pour nous y montrer, mais parce que nous sommes convaincus qu’en la matière, la couleur du maillot ne compte pas. La présidente de région est socialiste, le président du département est républicain et le maire de Rodez est issu de la gauche. Mettons tout le monde autour de la table pour aider ce superbe département industriel qu’il faut redynamiser et accompagner.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Je ne parlais pas de la couleur politique des élus, mais des compétences des gens qui ont travaillé et qui sont sans emploi. Le Gouvernement n’a rien fait pour la SAM et on ne sait toujours pas pourquoi. J’entends le ministre dire qu’il est présent toutes les semaines sur notre territoire. Ce n’est pas le sentiment que j’avais.

Certaines personnes ont retrouvé du travail, mais cela implique d’accepter un salaire beaucoup moins important, des conditions de travail différentes et de faire de longs trajets quotidiens en voiture. Je ne suis donc pas du tout d’accord avec les propos du ministre.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le dossier de la SAM est difficile, mais depuis que nous nous en occupons, plus de la moitié des salariés a retrouvé un emploi. Et nous allons nous soucier de chaque salarié.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Ce n’est pas suffisant !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Que voulez-vous que je fasse ? Que j’aille moi-même creuser des trous pour installer des industries ?

Sans entrepreneurs, sans capital et sans industriels, on ne va pas y arriver. On peut décréter tout ce que l’on veut, monsieur Alexandre, mais j’ai passé la semaine dernière à m’entretenir avec tous les élus de l’Aveyron, parce qu’un grand industriel allemand a indiqué qu’il n’allait pas pouvoir diversifier le site de Rodez, comme il avait prévu de le faire. Hier, j’étais en ligne avec la direction de cette entreprise pour m’assurer qu’elle respectera le contrat signé avec les organisations syndicales, il y a dix-huit mois. C’est comme cela que l’on fait avancer l’industrie, y compris les territoires en difficulté. Ce n’est pas en votant des amendements incantatoires dans le cadre d’une planification hypothétique.

Tous les élus de l’Aveyron m’appellent régulièrement pour parler de ces dossiers, mais je n’ai jamais reçu un appel de votre part, Monsieur Alexandre ! Vous faites sans doute plein de choses merveilleuses pour votre territoire… Vous m’avez posé une question au Gouvernement ; c’était votre première, il y a un an !

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Nous nous sommes parlé au téléphone en juillet 2022 !

M. le président Bruno Millienne. Nous ne sommes pas dans l’hémicycle, mais en commission. Nous respectons la parole des uns et des autres.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Dans ce cas, que le ministre ne m’accuse pas !

M. le président Bruno Millienne. Le ministre s’exprime comme il l’entend, et vous avez raison de ne pas vous gêner pour en faire de même. Mais nous n’allons pas engager un débat sur la situation industrielle de votre département à l’occasion de cet amendement. Prenez rendez-vous avec le ministre pour cela.

M. Olivier Marleix (LR). Nous avons bien compris que M. le ministre délégué avait du mal à entrer dans la logique de l’article 1er bis A, qui traite de planification. Ce mot lui-même faisait rire tout le monde il y a six ans ; désormais, il est communément admis qu’une planification est nécessaire si l’on veut réussir la transition énergétique et rebâtir une politique industrielle, car cela suppose un peu de vision à long terme.

De nombreux bassins industriels ont été sinistrés, certains dans un passé pas si lointain. Les enjeux territoriaux sont donc très importants. L’arrêt de la production des moteurs thermiques d’ici à 2035 devrait entraîner la suppression de 100 000 emplois dans notre pays. Cette décision a été prise de manière précipitée et l’on n’a aucune idée de qui adviendra de ces emplois. Cela devrait d’ailleurs faire réfléchir certains collègues à l’autre bout de la salle, que j’appelle à faire preuve de davantage de cohérence. Quoi qu’il en soit, il me paraît très utile de prendre en compte la situation des territoires dans le cadre de la planification : je soutiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS411 de M. Laurent Alexandre.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). Cet amendement vise à réinscrire la stratégie industrielle dans la perspective d’une écologie sociale et d’une fiscalité juste. Il est nécessaire de penser conjointement l’urgence écologique et l’urgence sociale.

La bifurcation écologique implique d’échapper à la logique de la rentabilité. Or le Gouvernement fait le choix de la course à la compétitivité, à coups de milliards d’euros d’exonérations et de cadeaux fiscaux. En arrosant les grandes entreprises d’argent public, le Président de la République a fait de la France la championne du monde de la distribution de dividendes, mais aussi des délocalisations.

En proposant de créer un fonds souverain « Industrie verte », chargé d’investir dans la bifurcation écologique et dont le financement serait alimenté par une taxe sur les superprofits, nous vous suggérons d’envisager la possibilité d’un autre choix : celui d’une réindustrialisation soutenable et sociale. La création de ce fonds souverain public permettrait également d’envoyer un signal aux citoyens : ce n’est pas toujours sur les mêmes que doit peser le coût de la transition écologique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Sur le fond, je suis défavorable à la création d’un mécanisme fiscal supplémentaire qui pèserait sur la compétitivité de notre industrie.

Sur la forme, nous aurons l’occasion de débattre du financement de l’industrie verte quand nous en arriverons au titre III, dont Damien Adam est le rapporteur. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous rejoins sur un point, Monsieur Alexandre : il faudra financer la transition écologique. En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur les moyens d’y parvenir.

Par ailleurs, « France 2030 » est un véritable fonds global, qui permet d’affecter 54 milliards d'euros à la création et à la construction de la France de demain, y compris dans le domaine de la transition écologique. La Banque publique d’investissement est, elle aussi, un outil exceptionnel, qui finance l’industrie verte et prend des positions stratégiques dans certaines entreprises – je pense, par exemple, à la start-up Verkor, qui assumera bientôt plus de 25 % de la production de batteries en France. Le financement public de la transition écologique existe donc déjà. Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je suis très étonnée de l’agressivité de M. le ministre délégué lors de ses précédentes réponses.

Mes collègues ont mis le doigt sur une vraie difficulté, mais ce n’est pas une raison pour être agressif : vous devez respecter les députés. Il n’est pas acceptable de mettre en cause le travail de l’un d’entre nous dans sa circonscription.

L’amendement CS411 me semble excellent. J’ai rencontré moi aussi des industriels de ma circonscription. Ils attendent beaucoup de ce texte. Or, pour l’instant, son contenu n’est absolument pas à la hauteur, notamment en matière d’investissements publics. Les industriels ont conscience de l’ampleur des défis qui les attendent. Ils ont besoin d’argent public pour les aider à investir et de protection à l’égard de leurs compétiteurs qui produisent en Chine, à Taïwan ou en Amérique du Sud et ne sont pas soumis aux mêmes règles. Sur ces deux sujets, vos réponses sont extrêmement faibles.

En supprimant l’alinéa 3, vous avez renoncé à faire respecter les obligations en matière de « ZAN » et de décarbonation. Vous nous dites que les déclarations du président Macron sont votre boussole : les paroles s’envolent, les écrits restent... Vous pouvez compter sur les écologistes pour débattre de ces enjeux tout au long de l’examen du texte.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1135 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Cet amendement vise à garantir un déficit commercial nul pour les produits manufacturés. En 2022, le déficit de notre balance commerciale atteignait quasiment 80 milliards d’euros pour cette catégorie.

La marque chinoise Shein, par exemple, exporte des vêtements bas de gamme, produits à bas coût et les vend en France à des prix eux aussi très faibles. Le phénomène concerne aussi les produits de luxe : les marques françaises produisent à l’étranger puis importent en France, réalisant au passage des plus-values extraordinaires. Ces pratiques accentuent le déséquilibre de notre balance commerciale et vont à l’encontre d’une politique industrielle verte.

Nous proposons donc, dans le cadre d’une stratégie nationale de réindustrialisation, de viser la neutralité, c’est-à-dire de faire en sorte que le déficit soit nul. L’objectif de cette disposition est d’encourager la relocalisation de l’activité, dans la filière textile ou dans d’autres, par exemple l’électronique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Nous sommes engagés dans une stratégie de relocalisation : nous voulons recréer des usines en France et réduire notre déficit commercial. Cela dit, Madame Chikirou, j’ai du mal à comprendre comment vous comptez « garantir un déficit commercial nul pour les produits manufacturés »… Est-ce à dire que vous arrêterez les importations de téléphones, d’ordinateurs ou de voitures de marques étrangères fin janvier si les quotas ont été atteints, et qu’à partir du mois de mars les gens devront acheter exclusivement des produits français, voire ne rien acheter ?

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Vous avez tout compris !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. J’aime beaucoup la planification, mais avec une telle mesure, on s’engagerait dans une voie s’apparentant au soviétisme : à un moment, on décide de vendre seulement des Lada.

Au-delà de mon désaccord de fond avec cette mesure, sa mise en œuvre opérationnelle me paraît très difficile, car il faudrait procéder secteur par secteur, et elle poserait de gros problèmes aux consommateurs français.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même l’Union soviétique n’avait pas osé faire ce que vous proposez, Madame Chikirou : il y avait des échanges entre les pays membres du Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecon). Au-delà du fait que nous ne voyons pas de la même façon l’avenir du commerce extérieur, je ne sais vraiment pas comment une telle mesure pourrait être appliquée. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je remercie mes partenaires de la France insoumise d’avoir déposé cet amendement, car il nous permet d’avoir un débat crucial que vous avez voulu éviter : celui sur la surconsommation. Vous avez beau agiter des épouvantails comme le soviétisme, la question n’en est pas moins posée. Planifier, cela suppose de développer certaines filières, mais aussi de tenir compte du fait que la surconsommation est en train de nous tuer. Ainsi, la production du nombre de vêtements a doublé entre 2004 et 2014 : 130 milliards sont consommés chaque année dans le monde. Cela n’est pas soutenable. Il en va de même pour les voyages en avion, qu’il faudra diminuer : même en remplaçant le kérosène par des biocarburants ou des combustibles décarbonés, on ne s’en sortira pas si, dans le même temps, l’utilisation de l’avion continue à progresser. Chaque Français émet 10 tonnes de CO2 par an. Il faudra réduire ce nombre à 2 tonnes d’ici à 2030.

M. Olivier Marleix (LR). Nous sommes tous d’accord avec l’objectif consistant à réduire notre déficit commercial. Vu son niveau, d’ailleurs, on devrait y arriver un jour… Cela dit, la solution proposée à travers cet amendement n’est pas très convaincante. Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement devrait se garder d’être trop ironique : il a distribué une aide de 6 000 euros pour l’achat de véhicules électriques, alors que les 200 000 véhicules concernés ont été importés de Chine. Autrement dit, jusqu’à présent, vous n’avez fait que subventionner l’industrie chinoise… Cela n’est pas très glorieux.

Comment peut-on accompagner une entreprise qui était allée produire en Chine mais qui souhaite se réinstaller en France ? Aucun dispositif n’est prévu dans le texte. Or cela contribuerait à améliorer notre bilan carbone. Je souhaite que le Gouvernement nous fasse des propositions à cet égard d’ici à la séance. Pour notre part, nous avions déposé des amendements tendant à rendre ces entreprises éligibles aux certificats d’économie d’énergie.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Nous importons énormément de textiles, Madame Chatelain. Si nous instaurions un blocage strict pour arriver à l’équilibre par rapport à la production française, nous devrions sans doute mettre un terme aux importations dès le 10 janvier, sous peine de ne pas pouvoir répondre à la demande des consommateurs. À l’inverse, si l’objectif est de parvenir à un équilibre global, nous devrions produire et exporter beaucoup plus d’avions, de cosmétiques et de bouteilles de vin pour stabiliser la balance commerciale. Les exemples que vous citez peuvent aller à l’inverse de la logique de l’amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le déficit commercial est une question clé. Je suis prêt à en parler, même si nous ne sommes sans doute pas d’accord sur les moyens de le résorber.

Les mots comptent. Or voici le texte de l’amendement : « Elle vise à garantir un déficit commercial nul pour les produits manufacturés ». Ce dispositif est parfaitement inopérant, à moins de fixer des quotas et, au-delà d’une certaine quantité, d’interdire les importations en provenance de Chine, par exemple, mais cela supposera de fermer totalement les frontières à l’importation et à l’exportation à certains moments.

M. le président Marleix a soulevé une question importante : celle des relocalisations. Il faut y travailler, tout en sachant qu’il est très difficile d’en donner une définition – je sais que M. Marleix a déposé des amendements dont c’est précisément l’objet. Pour notre part, nous essayons de localiser davantage d’industries en France, qu’il s’agisse d’usines qui avaient quitté le territoire ou d’usines qui n’y avaient jamais été installées. Non seulement il est très difficile de faire la différence entre ces deux cas de figure, mais pourquoi faudrait-il favoriser la relocalisation d’une entreprise ayant quitté la France il y a trois ans plutôt que celle d’une entreprise partie il y a cinq ans, par exemple ?

Je comprends la préoccupation du président Marleix, mais il est très difficile de la transformer en un dispositif opérationnel. Cela dit, l’objectif du projet de loi est précisément d’accroître la production industrielle en France, car cela permettra effectivement de diminuer à la fois l’empreinte carbone et le déficit extérieur. Tel n’est pas l’objet de l’amendement : je réitère mon avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Tout à l’heure, je souhaitais intervenir, mais vous ne m’avez pas donné la parole, Monsieur le président. Or vous ne pouviez pas présupposer quelle serait ma position. Il se trouve que je considérais que l’amendement en question, s’il permettait de poser une bonne question, était très mal rédigé. Il y a donc un problème de méthode : vous devriez demander aux orateurs qui souhaitent s’exprimer s’ils sont pour ou contre, de manière à ce que nous puissions prendre la parole librement sur l’ensemble des amendements.

Par ailleurs, je regrette que nous n’ayons pas consacré davantage de temps à l’amendement visant à créer un fonds souverain : il méritait des discussions beaucoup plus longues.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). M. le rapporteur général et M. le ministre délégué auraient pu nous épargner quelques caricatures et quelques provocations. La guerre froide est finie depuis trente ans. Ce que nous avons sous les yeux, c’est le résultat de trente ans de néolibéralisme et non pas de l’écosocialisme que nous défendons. Par ailleurs, il est question dans l’amendement du déficit commercial pour l’ensemble des produits manufacturés, et non filière par filière. Vous pourriez au moins faire l’effort de lire nos amendements.

En outre, nous proposons plusieurs outils. Certains d’entre eux concernaient la planification. M.  Bruno Le Maire lui-même a dit qu’il avait du mal à répartir l’activité entre les régions et au sein d’une même région. Pour notre part, nous pensons qu’il faut instaurer une répartition nationale. Nous avons également proposé la création d’un fonds souverain destiné à procurer des capitaux publics. Vous avez rejeté tous ces amendements. Celui qui suit tend à créer une agence pour la relocalisation. Après ce que viennent de dire M. Marleix et M. le ministre délégué, j’espère que vous le voterez.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS410 de M. Laurent Alexandre.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Nous en venons à notre proposition de créer une agence pour la relocalisation.

Le pays a découvert pendant la covid que nous ne savions plus fabriquer certains produits essentiels : des masques, des blouses ou encore des vaccins. Outre les difficultés que cette situation a occasionnées, cela a coûté cher. Nous vous proposons donc d’essayer d’anticiper en créant une agence qui consulterait largement, élaborerait des plans de filière, établirait des critères généraux et viserait à relocaliser ces activités.

La filière textile est un très bon exemple de délocalisations dramatiques. En 2022, certains ministres se sont rendu compte que nous n’étions plus en mesure de fabriquer les peluches représentant la mascotte des Jeux Olympiques de 2024. Celles-ci viendront donc par millions de Chine. Cela avait posé un gros problème à M. Véran et à M. Béchu ; je suppose qu’il en est de même pour vous et que vous soutiendrez donc cet amendement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’agence que vous appelez de vos vœux existe déjà : elle s’appelle Business France, et de nombreux opérateurs de l’État contribuent, en aval de son action, à la localisation ou à la relocalisation de sites industriels, notamment Bpifrance et les services économiques des régions.

Durant la précédente législature, j’ai été rapporteur du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap), qui a supprimé une vingtaine de comités Théodule. Il ne faut pas créer de nouvelles structures de ce type sans en supprimer d’autres en contrepartie : non seulement on ne fait que superposer des niveaux différents de l’État, mais ce n’est pas bon non plus pour les finances publiques. Si vous considérez que certaines agences ne font pas leur travail, proposez leur suppression, et nous pourrons peut-être envisager, alors, de créer quelque chose de nouveau. Qui plus est, cela ne simplifierait pas les choses pour les industriels souhaitant relocaliser : entre Business France, Bpifrance, cette nouvelle agence pour la relocalisation et les services économiques des régions, ils ne sauraient pas à qui s’adresser. Il vaut mieux essayer d’optimiser l’existant, voire de supprimer certaines structures si besoin : je n’ai pas de tabou à cet égard.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Si vous voulez que cette agence pour la relocalisation soit le guichet unique où s’adressent toutes les entreprises qui souhaitent relocaliser, nous y sommes favorables et nous acceptons de travailler d’ici à la séance, après l’adoption de l’amendement, à la manière d’enrichir le dispositif.

En revanche, vous ne pouvez pas prétendre que vous avez de grands objectifs – que vous refusez d’ailleurs d’inscrire dans la loi – tout en récusant les outils que nous proposons de créer, et dire que le texte offre seulement un cadre laissant le soin au marché d’allouer les investissements destinés à opérer la bifurcation écologique. Cela reviendrait à expliquer qu’il faut plus de macronisme, mais en le peignant en vert. Or le problème, avec le macronisme, ce n’est pas sa couleur !

M. Alexandre Loubet (RN). Il apparaît inutile, en effet, de créer une agence supplémentaire, à moins de vouloir démembrer et affaiblir l’État encore un peu plus. Business France est censé soutenir les entreprises françaises à l’étranger et chercher des investissements pour le pays. J’apporterai toutefois une nuance à vos propos, Monsieur le rapporteur général : malheureusement, le gouvernement que vous soutenez fait reculer progressivement cet organisme. Celui-ci cède des parts de marché et accorde des délégations de service public à des entreprises privées dans de nombreux États. Ainsi, comme partout dans les territoires métropolitains, le service public recule – car Business France n’est rien d’autre que le service public de l’accompagnement des entreprises françaises à l’étranger. Une fois de plus, la Macronie est donc en train de supprimer ce qui contribue à la puissance industrielle de la France.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Évitons les polémiques sur la couleur de tel ou tel président et sur les errements de telle ou telle politique. Pour la première fois, la France est le pays le plus attractif d’Europe : le nombre d’investissements étrangers atteint un niveau historique. Par ailleurs, nous avons stabilisé la part de l’industrie dans le PIB et nous souhaitons aller beaucoup plus loin en la développant. Soyons donc fiers des résultats obtenus, dont une grande part est due à Business France. Je vous engage à auditionner son directeur général pour qu’il vous présente en détail sa stratégie, dont on peut raisonnablement dire qu’elle rencontre le succès depuis quelques années.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’une des premières auditions que nous avons menées, au début de la législature, en commission des affaires économiques était justement consacrée au directeur général de Business France. Cela dit, je serais tout à fait disposé à ce que nous organisions une rencontre avec le nouveau directeur général à la rentrée. Ce sera l’occasion d’aborder le sujet.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1205 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Cet amendement vise à insérer dans la nouvelle stratégie « industrie verte » un principe de faveur pour les acteurs nationaux, notamment dans la commande publique et les aides de l’État aux entreprises. C’est un amendement de patriotisme économique, de priorité nationale et de bon sens : plus l’État aura recours à des entreprises françaises et encouragera le « fabriqué en France » et le localisme, plus l’industrie sera décarbonée, car les trajets seront limités. L’empreinte environnementale sera donc moindre, pour un savoir-faire et des produits de qualité.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Le titre II concerne la commande publique et le titre III est consacré au financement : je vous propose que nous discutions de la question dans ce cadre, sur la base d’articles ayant une portée normative et permettant d’engager des actions. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS938 de M. Nicolas Dragon.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement est très proche de l’amendement CS1116. La priorité devrait être accordée aux bassins d’emploi ayant souffert de la désindustrialisation. La rédaction de cet amendement est moins contraignante que celle de l’amendement CS1116 : elle trouvera peut-être un peu plus grâce à vos yeux…

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La question n’est pas de savoir si l’amendement trouve grâce à mes yeux : ce qui compte, c’est ce qu’en pensent les membres de la commission, car c’est vous tous qui prenez la décision.

Pour ma part, j’estime, une fois encore, que la formulation est un peu restrictive : vous proposez de cibler « prioritairement les bassins d’emploi qui ont souffert de désindustrialisation », mais que se passera-t-il pour les autres ? Nous avons la chance d’avoir aussi des territoires où l’industrie est très développée, où sont installés des leaders industriels. Il ne faudrait pas que ces territoires se désindustrialisent au profit d’autres. Je ne suis pas favorable à ce que l’on oppose les bassins d’emploi les uns aux autres. Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Pierre Meurin (RN). C’est pourtant l’honneur de la politique d’agir pour ceux qui n’ont rien – ou plutôt pour ceux qui ont été abandonnés, qui ont souffert de cinquante ans de désindustrialisation. Les territoires désindustrialisés constituent justement une chance de regain industriel pour notre pays. Cela permettrait aussi de retisser du lien social, car l’industrie participe à la richesse des territoires de ce point de vue également.

Dans les territoires qui n’ont plus rien, tout est à construire. C’est particulièrement enthousiasmant. Le côté timoré du Gouvernement, qui nous présente un texte très « techno », me paraît gênant, alors qu’il y a là une occasion de réenchanter des territoires. Nous nous battrons pour cette idée jusqu’à la séance.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). On ne doit pas mettre en opposition les territoires industriels, qu’il convient de continuer à soutenir, et ceux qu’il faut réindustrialiser : en procédant ainsi, on risque de tout perdre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1107 de M. Philippe Brun.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). À défaut de retenir une définition plus précise de l’industrie verte, comme nous l’avions proposé, nous vous demandons de faire en sorte que la stratégie nationale, en plus de déterminer « les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national », identifie les moyens financiers nécessaires pour accélérer la transition écologique et la décarbonation de l’industrie. Un chiffrage permettra de rendre la stratégie plus opérationnelle et d’accélérer son déploiement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Même argumentation que tout à l’heure, Madame Battistel : je vous propose que nous discutions du financement quand nous en arriverons au titre III.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. J’ajoute que la planification écologique vise précisément à s’assurer que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont cohérents avec la politique industrielle, les stratégies énergétiques et les financements. Votre demande sera satisfaite dans ce cadre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS98 de M. Raphaël Schellenberger.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Il me semble important de préciser que nous soutenons l’installation et la réinstallation des entreprises : les relocalisations permettront, notamment, de créer de nouveaux emplois et de limiter l’empreinte carbone.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Encourager l’installation des entreprises en France est l’objet même du projet de loi : votre intention – que je partage, bien entendu – est donc pleinement satisfaite par le texte, lequel a déjà été complété par l’adoption de certains amendements. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Au risque de vous surprendre, je suis favorable à cet amendement, même si sa rédaction est beaucoup trop vague – l’amendement que nous défendions visait, quant à lui, à définir une stratégie bien plus claire.

M. le ministre délégué a déclaré qu’il ne savait pas comment définir la relocalisation. On peut commencer par définir notre résilience par rapport à la demande intérieure. Ainsi, nous proposions d’établir, secteur par secteur, le pourcentage de ce qui était produit en France par rapport à ce que l’on consommait.

Je voudrais en revenir une dernière fois aux quotas. Jusqu’en 2005, nous en avions s’agissant des importations de textiles, dans le cadre de l’accord multifibres. Lorsque celui-ci a été démantelé, bien après la fin de la guerre froide, les conséquences ont été directes et dramatiques : ce qu’il restait de production textile en France, en dehors du luxe et des textiles industriels, s’est effondré.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS672 de Mme Lisa Belluco.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement me semble d’autant plus pertinent que l’alinéa 3 a été supprimé. Celui-ci permettait de faire en sorte que la stratégie industrielle prenne en compte les trajectoires nationales en matière de réduction de l’artificialisation des sols et de décarbonation. L’amendement, pour sa part, vise à garantir que cette stratégie industrielle est cohérente avec les stratégies en matière de planification écologique, notamment la stratégie nationale bas-carbone.

Nous ne pouvons plus attendre : le lundi 3 juillet a été la journée la plus chaude jamais enregistrée sur Terre. Le précédent record avait été atteint le 24 juillet 2022. Nous subissons déjà les impacts du réchauffement climatique. La stratégie industrielle, si nécessaire soit-elle pour répondre aux enjeux environnementaux, doit être en parfaite cohérence avec notre ambition de baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, ainsi qu’avec nos objectifs en matière de préservation de la ressource en eau et des sols. Ne pas l’écrire dans le texte, ce serait se placer en contradiction avec l’objectif que vous avez affiché, à savoir être fidèle aux paroles prononcées par le Président de la République à Marseille durant la campagne. Pour éviter cette contradiction, je vous invite à adopter l’amendement, dont le seul objectif est de s’assurer que la stratégie industrielle est cohérente avec l’ensemble de celles que vous avez inscrites dans la loi.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La seule contradiction que je vois, Madame Chatelain, est dans vos propos : tout à l’heure, vous nous avez reproché de ne rien faire. Or, dans cet amendement, il est fait référence à tous les plans qui ont été élaborés… et ils sont nombreux : la programmation pluriannuelle de l’énergie, la stratégie nationale bas-carbone, les plans de protection de l’atmosphère, le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, le plan national de prévention des déchets et le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement. Vous voyez bien que le Gouvernement fait beaucoup et que la programmation suit son cours. Il n’est pas nécessaire d’introduire dans la loi des références à d’autres textes de loi, d’autant que les sujets en question sont parfaitement menés dans le cadre des plans auxquels vous vous référez.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Le projet de loi se veut opérationnel, il vise à faire. Quant à vous, Madame Chatelain, vous souhaitez organiser de nouveau une planification, à côté des stratégies qui existent déjà. Je suis défavorable à cet amendement.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Nous ne voulons pas ajouter une stratégie, Monsieur le ministre délégué : notre objectif est de garantir la cohérence entre les différentes stratégies et de nous assurer que celles en matière de transition écologique ne seront pas mises au second plan par rapport à la stratégie industrielle.

Oui, vous êtes très bons pour faire des plans et des annonces – pour le « blabla ». Pour notre part, nous attendons des actions. Au moment même où la Première ministre présentait sa planification écologique, le décret interdisant les vols intérieurs était publié. Or ce texte ne concerne que trois lignes, ce qui est absolument ridicule. Il y a à peine un mois, vous vous êtes montrés incapables de refuser la construction d’une toute petite autoroute de 16 kilomètres. Quand il s’agit du climat, vous vous payez de mots. Ce n’est pas là mon avis : c’est celui de la justice. En effet, le Conseil d’État a confirmé, le 10 mai, que les ministres chargés de la transition écologique n’avaient toujours pas pris les mesures nécessaires, ni avant ni depuis les échéances fixées au 31 mars 2022 afin de garantir l’atteinte des objectifs climatiques, à savoir une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Je vous le confirme : vous ne faites rien.

M. le président Bruno Millienne. Dans les aéroports qui accueillaient les trois lignes en question, les créneaux ont été occupés principalement par Transavia et Ryanair, qui y font du stop and go. L’arrêt des trois lignes s’est ainsi traduit par un doublement des émissions de CO2. Comme quoi, il arrive que des décisions qui nous paraissent bonnes – et que nous avons d’ailleurs été nombreux à approuver – aient des effets pervers que nous n’avions pas mesurés. Je ne dis pas qu’il faut revenir sur la décision en question, mais il faut être conscient de ses conséquences.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous ne sommes pas d’accord sur la manière d’atteindre les objectifs. Je considère que nous y parviendrons en accompagnant les industriels dans leur décarbonation et en en profitant pour relocaliser de l’industrie verte.

Je reconnais que je me suis un peu emporté tout à l’heure en répondant à M. Alexandre, mais quand on me dit que je ne fais rien, cela m’énerve un peu et j’ai envie de me justifier. Voilà un an que je travaille sur des plans de décarbonation très concrets avec les cinquante sites les plus émetteurs de l’industrie française, qui représentent 60 % des émissions. J’ai présenté ces plans à la Première ministre à l’occasion du Conseil national de l’industrie, au Bourget, il y a dix jours. Je suis désormais en train de les signer. Chacun compte des dizaines de pages. Ces plans visent à mettre en application de manière concrète les objectifs sur lesquels nous sommes d’accord, me semble-t-il, à savoir 50 % de réduction des émissions en 2030 et la neutralité carbone en 2050. Cessons donc de nous jeter à la figure des phrases désagréables. Dans l’industrie, les émissions ont diminué de 44 % depuis 1990.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Parce que ces industries ont délocalisé !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Non, pas seulement. La diminution est liée pour un tiers aux délocalisations – et nous allons lutter contre le phénomène – et pour les deux tiers aux efforts de l’industrie. Soyons-en fiers ! La France fait partie des pays dont les émissions par habitant sont les plus faibles au monde. Cela ne veut pas dire qu’il faut s’arrêter là, mais soyons-en fiers, rassemblons-nous autour de ces objectifs extrêmement ambitieux et mettons en œuvre les manières permettant de les atteindre – c’est précisément l’ambition du projet de loi.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Ce que dit le ministre délégué est vrai. Je regrette que nous ne disposions pas du montant des aides à la décarbonation de nos sites industriels, ce qui nous empêche d’avoir une vision globale des efforts effectués.

Nous ne pouvons pas à la fois soutenir notre industrie et taper sur les initiatives en faveur de la décarbonation de leurs sites de production. De vrais efforts sont accomplis dans ce domaine. Il faut être juste si l’on veut être crédible, et il est important de connaître les actions qui sont menées quand on veut les critiquer. Ce n’est pas comme ça que l’on avancera.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS158 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Charles de Courson (LIOT). Le ministre de l’économie Bruno Le Maire a présenté ce projet de loi comme une des réponses à l’Inflation Reduction Act of 2022 des États-Unis, un plan d’investissement de 370 milliards de dollars qui vise à accélérer la transition écologique. Il ne devrait toutefois pas prévoir de crédits supplémentaires, puisqu’il devrait être en grande partie autofinancé.

Outre la mobilisation de l’épargne privée, qui est prévue dans le texte, un volet financier devrait être examiné dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. La principale mesure consistera en un crédit d’impôt en faveur des entreprises investissant dans certains secteurs, comme la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes et de pompes à chaleur.

Il est nécessaire de donner de la visibilité aux acteurs de la transition écologique sur les financements mobilisables pour les filières stratégiques. Nous souhaitons donc qu’un volet financier soit ajouté à la stratégie nationale « Industrie verte » élaborée par l’État pour la période 2023-2030.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Le financement de l’industrie verte et la décarbonation du secteur industriel sont des sujets majeurs qui seront abordés à l’occasion du titre III, avec Damien Adam comme rapporteur. Je vous propose donc d’attendre ce moment-là pour en discuter plus en détail.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). L’intérêt de cet amendement, dont je ne partage pas entièrement la fine rédaction, est bien de poser la question du financement public. Nous sommes dans l’incertitude quant au montant des engagements financiers totaux qu’il s’agira de déployer dans les décennies à venir. Diverses projections sont faites, sans que la détermination du niveau d’engagement du financement public, a fortiori filière par filière, ne soit évoquée. On peut considérer que, sans en fixer a priori les objectifs, la question du financement public doive être posée dans le projet de loi.

M. Charles de Courson (LIOT). Vous proposez de déporter cet amendement dans la partie consacrée au financement, mais cette dernière ne traite que d’une partie du sujet, à savoir la création de cette sorte de « plan d’épargne retraite » pour les mineurs, financé par leurs parents !

Vous ne pouvez pas reporter le sujet le plus important, celui du crédit d’impôt, à la loi de finances : à force de sectionner les choses, on ne comprend plus rien. Pourriez-vous au moins expliquer à la commission où vous en êtes, notamment en ce qui concerne le crédit d’impôt ? Vous m’avez déjà répondu qu’un crédit d’impôt spécialisé, concernant cinq secteurs d’activité, serait créé, ce qui est très limité. Quel serait l’ordre de grandeur de son coût ? Il faut y voir un peu plus clair !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Au-delà des discussions relatives à la mobilisation de l’épargne privée, je rappelle que ce crédit d’impôt s’inscrit dans un cadre européen. La France a obtenu – ce qui est une espèce de « bond quantique » dans une nouvelle dimension – que la Commission européenne l’autorise, alors qu’elle refuse depuis des années des crédits d’impôt, ce qui met d’ailleurs parfois en danger certains dispositifs très efficaces en France.

L’objectif est donc de mettre en place, à l’occasion du projet de loi de finances, un crédit d’impôt pour les industries de quatre secteurs parmi les cinq aujourd’hui autorisés par la Commission européenne : les pompes à chaleur, l’éolien, le photovoltaïque et les batteries. Le cinquième domaine étant l’hydrogène, nous considérons que les subventions directes à la fabrication de matériaux produisant de l’hydrogène dans le cadre du plan « France 2030 » sont suffisamment importantes pour ne pas y ajouter un crédit d’impôt.

Enfin, les taux de crédit d’impôt seront de l’ordre de 20 % à 45 % selon le type d’investissement. Nous en discuterons en détail dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CS702 de M. Hadrien Ghomi est retiré.

 

La commission rejette l’article 1er bis A.

 

Après l’article 1er bis A

 

Amendement CS383 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). Cet amendement vise à ce que la voix des élus des communes rurales soit mieux entendue dans l’élaboration de la stratégie nationale « Industrie verte ». Trop souvent dans la planification et l’application des politiques publiques, ces communes sont celles à qui l’on impose toujours plus en donnant toujours moins. Au fur et à mesure des projets de loi, celui-ci ne faisant pas exception, les décisions se complexifient et ne prennent pas en compte l’expérience des élus locaux. Il est important de leur laisser une place prépondérante dans la discussion.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Il me semble qu’ils ont déjà cette place, dans la mesure où le moindre permis de construire implique nécessairement les élus locaux. Les diverses procédures existantes satisfont largement votre demande. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Votre demande est satisfaite, y compris dans les procédures exceptionnelles prévues à l’article 9 du texte : les élus locaux, les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) seront évidemment consultés. Je vous demande de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1118 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Nous demandons au Gouvernement un rapport sur la désindustrialisation de la France au cours des quinze dernières années. Le Gouvernement répète à cor et à cri que notre nation est la plus attractive pour les investissements étrangers. Ce n’est pas exactement vrai, dans la mesure où, en euros constants et en nombre d’emplois, nous nous situons derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni. Par ailleurs, le déficit de la balance commerciale a triplé depuis que la Macronie est au pouvoir.

Ce texte n’aborde pas les causes structurelles de la désindustrialisation. Nous avons longuement parlé de relocalisation, mais ce projet de loi très technique ne répond pas aux vrais enjeux de la réindustrialisation de la France, laquelle devrait être une grande cause nationale. Un rapport relatif à la désindustrialisation de notre pays permettrait d’identifier les causes historiques ayant joué à long terme et de trouver des remèdes à inscrire dans un texte de meilleure facture, moins technocratique et plus visionnaire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Vous connaissez ma position sur les demandes de rapport. En l’occurrence, il en existe déjà un excellent, celui que M. Leseul a publié en janvier 2022 pour le compte de la commission d’enquête sur la désindustrialisation que j’ai eu l’occasion de présider. Extrêmement fourni et fondé sur des dizaines d’auditions, il en analyse notamment les causes. Je vous invite à le lire.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Merci de rappeler l’existence de ce rapport auquel nous avons beaucoup travaillé et dont nous partageons les constats, si ce n’est les recommandations. J’invite nos collègues à le lire, ils y trouveront exposées avec beaucoup d’honnêteté les raisons de la désindustrialisation de notre pays depuis quarante ans.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Je vous recommande de surcroît le livre de Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), La Désindustrialisation de la France : 1995-2015, qui étudie les raisons profondes et structurelles à l’origine de ces choix.

Un rapport de plus n’est pas nécessaire : le temps est à l’action, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er bis : Rôle des établissements publics fonciers locaux dans le développement industriel des territoires

 

Amendement de suppression CS344 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois (RE). Nos entreprises attendent de la simplification et de la clarté : évitons les lois bavardes et ce qui ne sert à rien, comme cet article. En effet, les établissements publics fonciers locaux (EPFL), chargés du portage des terrains pour des opérations d’aménagement menées par les collectivités et les aménageurs, participent déjà au développement des activités économiques. En œuvrant à la démolition des bâtiments existants et à la dépollution, ils ne nous ont pas attendus pour mener à bien des actions qui favorisent l’optimisation et la requalification des friches. Je propose donc de supprimer cet article inutile.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’objectif de cet article est d’expliciter que les EPF peuvent contribuer au développement industriel par l’intermédiaire des stratégies de mobilisation du foncier qu’ils mettent en place, en particulier grâce à la mobilisation de friches.

Vous avez raison de souligner que la rédaction actuelle n’est pas satisfaisante, notamment parce qu’elle modifie uniquement les missions des EPFL et non celles des EPF d’État. Il peut donc être utile d’entendre les préoccupations de nos collègues sénateurs sur ce point. Je vous propose un retrait pour vous rallier à l’amendement de rédaction globale du Gouvernement, qui clarifie les missions confiées aux EPF en matière d’implantation industrielle.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous propose un retrait en faveur de l’amendement CS645 que je m’apprête effectivement à présenter.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CS1420 de M. Guillaume Kasbarian et CS645 du Gouvernement, et amendement CS850 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune).

M. Roland Lescure, ministre délégué. Voici cet amendement CS645 qui propose de clarifier les compétences des EPF, afin de préciser leurs missions en matière de développement industriel des territoires, de renaturation et de recyclage des friches.

M. Gérard Leseul (SOC). Merci au rapporteur général d’avoir refusé la suppression de cet article. L’amendement CS850 propose une rédaction alternative à la sienne et à celle du Gouvernement, mais il est en tout état de cause important de tenir compte de l’inquiétude légitimement exprimée par nos collègues sénateurs.

Nous proposons donc de préciser davantage, au sein de cet article, le champ d’action des EPF en matière de développement industriel.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Formellement, l’amendement de M. Delautrette ne permet pas d’appliquer les modifications d’une même manière aux EPF locaux et d’État, ce qui manque quelque peu de cohérence. Pour ce qui est du fond, il procède à une réécriture d’ensemble de l’article L. 324-1 du code de l’urbanisme, relatif aux EPFL, ce qui dépasse largement l’objet du projet de loi. Il n’est pas raisonnable de procéder à une telle modification des EPF sans consultation ni étude préalable.

C’est pourquoi je vous propose de vous rallier à la rédaction du Gouvernement, quitte à l’ajuster en séance si besoin est.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). La mobilisation des EPF est un enjeu majeur. L’amendement de M. Delautrette intègre au moins deux dimensions qui nous semblent mieux correspondre à l’objet de notre discussion et à d’autres textes, en particulier celui relatif à l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Tout d’abord, il mentionne explicitement les friches, qui sont absentes des amendements du Gouvernement et de M. Kasbarian. Ensuite, il précise qu’il s’agit d’implanter spécifiquement des sites industriels décarbonés. Il est préférable de mentionner ces deux éléments.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Cet article a été ajouté par le Sénat pour conforter et renforcer l’action des EPFL. Il est bon d’y ajouter les EPF. Ces établissements ont une véritable compétence en matière de requalification des friches industrielles. En revanche, la question du financement reste entière : il faudra évoquer le sujet d’ici à la fin de l’examen du texte.

Je suis défavorable à l’amendement de notre collègue Delautrette, car soumettre l’activité des EPF à des conditions tenant à ce qui serait bien ou mal en matière de décarbonation est beaucoup trop complexe. Il faut simplifier au maximum le dispositif pour faciliter la réindustrialisation et la requalification des friches industrielles : quel que soit leur objet, ce sera bon pour accélérer la décarbonation de notre économie. Simplifions ces requalifications, pour lesquelles les EPF jouent un rôle essentiel.

M. Gérard Leseul (SOC). Je retire notre amendement, en espérant que vous saurez entendre les propositions que nous ferons pour compléter votre rédaction en séance.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Si d’aventure les amendements identiques étaient adoptés, les suivants tomberaient. Or nous proposions plusieurs modifications. La première était d’inscrire en priorité la séquence « éviter, réduire et compenser » dans cet article : en effet, la renaturation n’empêche pas l’artificialisation, elle arrive ensuite. Nous proposions aussi de recentrer la mission des EPFL sur le déploiement des logements sociaux, et non de tout type. Enfin, il faudra préciser que, dans l’ensemble des friches qui seront réhabilitées, certaines pourront être réutilisées pour l’industrie et d’autres devront être renaturées afin de conserver leur fonction écosystémique.

Nous serons également amenés à proposer des amendements en séance.

L’amendement CS850 ayant été retiré, la commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article 1er bis est ainsi rédigé et les amendements CS674, CS691, CS673 et CS1230 de Mme Lisa Belluco tombent.

 

Article 1er ter : Fixation de cibles indicatives de production pour les composants et matériels nécessaires au déploiement des énergies renouvelables dans la programmation pluriannuelle de l’énergie

 

Amendements de suppression CS1306 de M. Guillaume Kasbarian, CS740 de M. Henri Alfandari, CS812 de M. Alexandre Loubet, CS823 de Mme Nicole Le Peih et CS1119 de M. Pierre Meurin.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je souhaite supprimer cet article, car je ne veux pas rouvrir les débats des deux lois relatives à l’énergie que nous venons d’adopter – l’une sur les énergies renouvelables, l’autre sur le nucléaire. En l’occurrence, cet article propose de fixer des cibles de production pour les composants et procédés intervenant dans la production des énergies renouvelables. Il n’est pas question de voter pour ou contre ces dernières, mais de considérer que nous sortons des négociations et d’un projet de loi relatif à ce sujet. Cet article touche, selon moi, au contenu de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ce qui excède l’objet du présent projet de loi. Enfin, au vu des amendements déposés, on voit bien qu’ils nous font retomber dans le débat relatif aux énergies renouvelables.

M. Henri Alfandari (HOR). Cet article rouvre effectivement le débat relatif à la PPE, lequel n’a pas sa place ici, et complexifie la question des énergies renouvelables.

M. Alexandre Loubet (RN). Ce projet de loi n’a pas vocation à être le cheval de Troie de la prolifération des éoliennes partout en France. Pour répondre à la réindustrialisation, n’en déplaise à nos amis de gauche, c’est plutôt de nucléaire que nous avons besoin. Nous demandons que l’énergie nucléaire soit incluse dans les cibles indicatives de production nationale des composants et matériels, puisqu’elle est la seule énergie qui permettra de répondre à une véritable augmentation de la production industrielle nationale.

Mme Nicole Le Peih (RE). Je souhaite aussi la suppression de cet article, puisque l’examen à l’automne du projet de loi de programmation énergie-climat nous donnera l’occasion de revenir sur ces sujets. Optimisons notre temps, pour une meilleure efficacité !

M. Pierre Meurin (RN). Nous poussons un « ouf » de soulagement. Nous ne voulons pas rouvrir le très pénible débat relatif aux énergies renouvelables qui a eu lieu cet hiver. Nous sommes donc d’accord avec le rapporteur général.

Il faut 1 432 éoliennes de 2,5 mégawattheures pour remplacer une centrale nucléaire faisant quelques kilomètres carrés. Or une éolienne nécessite 3 000 tonnes de béton : si vous défendez leur construction, vous êtes comptables d’une artificialisation complètement démesurée de nos sols agricoles. Nous sommes donc très heureux d’éviter que ce texte soit le cheval de Troie de la prolifération des éoliennes qui pourrissent nos paysages, en particulier dans les territoires ruraux.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne suis pas d’accord avec tous les arguments avancés mais, ni cheval de Troie ni Don Quichotte, je suis favorable à la suppression de cet article qui ouvre des débats n’ayant pas lieu d’être dans le présent projet de loi.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je crois au contraire que nous sommes au cœur du débat. La question n’est pas de savoir quelle doit être la part d’énergies renouvelables et de nucléaire : c’est à la loi de programmation et à la PPE de définir cela. Mais tout le monde sait que nous aurons besoin de beaucoup plus d’énergies renouvelables rien que pour garantir de l’électricité aux Français. Dès lors, développerons-nous les énergies renouvelables comme nous le faisons déjà pour le photovoltaïque, en important massivement des composants venant d’ailleurs et qui affichent un bilan carbone désastreux… ou bien profiterons-nous de ce besoin impératif pour notre souveraineté énergétique nationale pour structurer, reconstruire et renforcer les filières existantes grâce à du contenu local ?

Cette réflexion vaut pour l’éolien terrestre autant que maritime : voyez l’exemple aberrant de ce parc qui, bien qu’au large de la Vendée, ne fait pas appel à des fournisseurs vendéens ! Les masques tombent : derrière la question des énergies renouvelables, c’est bien son opposition à l’industrie en tant que telle qu’exprime le groupe Rassemblement national.

M. Thibault Bazin (LR). Monsieur le rapporteur général, les deux lois auxquelles vous avez fait référence ne valent pas quitus. Examiner la PPE est maintenant une urgente nécessité. Industrie et énergie sont en effet irréductiblement liées. Pour assurer notre souveraineté industrielle et énergétique, nous devons mobiliser tous les maillons de la chaîne. À cet égard, l’article 1er ter est important, car il rappelle la nécessité d’assurer l’approvisionnement en composants et en matériels pour développer les énergies renouvelables.

M. Gérard Leseul (SOC). Il nous faut rétablir l’équilibre de notre balance commerciale et assurer notre autonomie en termes de production de matières premières et de production industrielle, ce qui a des incidences sur nos besoins énergétiques. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait supprimer cet article, lequel indique que nous devons définir « les cibles indicatives de production nationale des principaux composants et matériels nécessaires au déploiement des énergies renouvelables ». La production de produits finis permettra d’assurer notre autonomie énergétique.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er ter est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 1er ter

 

Amendement CS1149 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). Nous souhaitons que le Gouvernement étudie la situation des territoires ultramarins avant d’envisager de leur appliquer les objectifs de l’industrie verte. Les outre-mer présentent des spécificités, comme nous l’avons vu récemment lors de l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables et de la proposition de loi sur la continuité territoriale. L’éloignement, l’insularité, leur grande diversité sont incompatibles avec l’uniformité des actions gouvernementales. Il faut éviter que, par une action précipitée, on n’accroisse leurs difficultés. Il faut s’assurer, au contraire, que ces territoires tirent le meilleur parti de la loi, si elle était adoptée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’adaptation aux territoires ultramarins des objectifs poursuivis en matière industrielle est un sujet important. Une délégation du bureau de la commission des affaires économiques s’est rendue outre-mer pour examiner cette question notamment. Nous avons d’ailleurs adopté un amendement présenté par M. Wulfranc visant à ce que l’on tienne compte des contraintes et spécificités de l’outre-mer. Plutôt que de demander un rapport, je vous propose que l’on soit très attentif à l’application qui pourra être faite de chaque disposition du texte outre-mer. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Un certain nombre d’outils applicables à l’industrie existent déjà pour les outre-mer. À titre d’exemple, les schémas d’aménagement régional sont l’équivalent des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) dans les outre-mer. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

CHAPITRE II

Moderniser la consultation du public

 

Avant l’article 2

 

Amendement CS217 de M. Jérôme Nury.

M. Thibault Bazin (LR). C’est un amendement rédactionnel.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour le chapitre II du titre Ier. Avis défavorable. Le mot « cadrer » ne correspond pas à l’objet du présent projet de loi, qui vise à moderniser la consultation du public et non à l’encadrer davantage ou à réduire sa place.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1250 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Article 2 : Accélération de la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale et modernisation de la consultation du public

 

Amendements de suppression CS434 de Mme Alma Dufour, CS583 de M. Hubert Wulfranc et CS623 de M. Nicolas Thierry.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Le dispositif de participation que vous entendez instituer entraînera un net recul de la participation. Vous ne cessez de modifier les dispositifs : on s’y perd ! Le Conseil d’État vous a demandé d’assurer une plus grande stabilité des procédures d’autorisation environnementale.

Permettre au public de participer ne fait pas perdre de temps. Cette « parallélisation des procédures » que vous invoquez, c’est de la foutaise ! Lorsque les gens peuvent manifester leur acceptation, les projets avancent beaucoup plus vite, et il y a nettement moins de recours. On a maintenant un recul sur ce sujet. Par ailleurs, ce dispositif qui limite la participation du public va s’étendre à des projets qui ne concernent pas l’industrie verte, tels que la construction de routes ou le stockage de produits dangereux.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Vous entretenez une forme de confusion entre les phases d’examen et de consultation. Tout le monde s’y perd. La consultation du public est un impératif si l’on veut recueillir l’acceptation sociale. Elle répond tant à l’intérêt des habitants qu’à celui des initiateurs de projets. Le Conseil d’État vous rappelle que le problème ne réside pas là, mais qu’il tient aux moyens engagés pour l’instruction des projets.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). La participation du public est essentielle pour permettre une décision éclairée. Or elle est remise en cause par les dérogations prévues à l’article 2 dans le but de réduire les délais administratifs d’implantation des projets. Vous proposez d’entamer la consultation du public dès le début de la procédure, avant la fin de l’examen, donc à partir de documents incomplets. Cette approche limitera la bonne information du public et sa participation. On ne peut pas accepter que la participation soit sacrifiée pour accélérer l’implantation d’un projet qui peut avoir un impact sur l’environnement. En outre, la rédaction est trop large et pourrait s’appliquer à des projets n’ayant rien à voir avec l’industrie verte. Notre groupe demande donc la suppression de l’article.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je ne partage pas votre point de vue. L’article 2 permettra une meilleure participation du public, puisque celui-ci sera consulté au cours d’une période de trois mois, contre un mois actuellement. Les observations seront prises en compte et le maître d’ouvrage pourra y répondre au fil de l’eau, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. La nouvelle procédure sera interactive. Elle comportera obligatoirement deux réunions physiques entre le public et le porteur de projet, ce qui constitue une autre innovation. Enfin, la procédure d’instruction des demandes d’autorisation environnementale sera plus rapide. En fusionnant les phases d’examen et de consultation du public, nous allons gagner un temps précieux au service de projets bénéfiques pour notre souveraineté et pour l’emploi. Cet article renforcera l’attractivité industrielle de notre pays.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous sommes au cœur de ce projet de loi. Un industriel qui envisage de s’installer en France a besoin non seulement de subventions, mais aussi et surtout de terrains, de visibilité et de rapidité dans la conduite des procédures. C’est le nerf de la guerre dans une compétition mondiale où la France est plutôt bien placée, mais où nous devons toutefois veiller à notre compétitivité.

Nous ne réduisons en rien la rigueur des procédures, qui sont toutes préservées – sauf une, la durée de la consultation du public, qui est étendue ! Le public, pendant le mois qui clôt la procédure, qui est celui de la consultation publique, pourra tenir compte de l’ensemble des avis donnés précédemment, et il aura un pouvoir d’influence bien plus important en amont. On introduit des consultations publiques obligatoires et des consultations en ligne, et le Sénat a prévu que le public pourra utiliser la voie postale.

Cet article améliore donc véritablement l’attractivité de la France, à l’heure où plusieurs industriels français installent des activités hors du pays pour échapper à des procédures trop lourdes. Sans remettre en rien en cause la rigueur nécessaire en matière environnementale, il mettra la France en phase avec ses principaux concurrents européens. Je vous conjure de le voter.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Nous sommes loin d’être convaincus. Vous ne pouvez pas toujours avoir raison seul contre tous ! Les associations environnementales ont développé des argumentaires très précis contre cet article. Le Conseil d’État a souligné le manque de lisibilité du texte. L’illectronisme freine considérablement la participation dans certains territoires. Les services instructeurs manquent de moyens : obligés d’avancer à marche forcée, ils auront les plus grandes difficultés pour mener à bien la participation. Enfin, le dispositif que vous proposez pourra s’appliquer à tout et à n’importe quoi.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Merci à nos collègues d’avoir indiqué dans leur exposé sommaire qu’il s’agit d’un amendement de France Nature environnement : les choses sont claires.

Cet article a pour objet de mettre fin aux écueils actuels, à savoir les recours abusifs, l’utilisation excessive des procédures par des associations pour empêcher les projets. Certains utilisent toutes les failles de notre système juridique non pas pour favoriser la transparence, mais pour faire de la politique. Par ailleurs, on peut se demander en quoi le public serait compétent pour se prononcer sur l’impact environnemental d’un projet. C’est le rôle des services de l’État – de la mission régionale d’autorité environnementale, de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) – que d’apprécier l’incidence environnementale des projets. Je crois, mes chers collègues, que vous mélangez les genres. En réalité, vous défendez votre cause.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Les Françaises et les Français, il faut le dire, ont été trop longtemps échaudés par la propagande anti-industrielle. Il s’agit à présent de restaurer la confiance afin de favoriser les relocalisations et la réindustrialisation. Il faut prendre le temps d’examiner les avis contradictoires qui s’expriment durant la phase d’enquête.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1251 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendements identiques CS433 de Mme Alma Dufour, CS760 de M. Gérard Leseul et CS1008 de M. Charles Fournier.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons de supprimer l’alinéa 11, car nous souhaitons maintenir le pouvoir du juge de suspendre une décision prise sans que l’enquête publique requise ou la participation du public prévue ait eu lieu. À défaut, les projets risquent d’être exécutés sans consultation du public, ce qui poserait un sérieux problème démocratique. La participation du public est capitale pour l’acceptation des projets et, partant, pour la réindustrialisation. En outre, la disposition en question concernerait tous les projets soumis à une autorisation environnementale – une route, par exemple. Enfin, on peut s’interroger sur la constitutionnalité de cet alinéa qui empêche le juge de faire respecter l’article 7 de la Charte de l’environnement, lequel consacre le droit constitutionnel de toute personne à « participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». La question n’est donc pas de savoir si la population est compétente pour s’exprimer sur ces enjeux : elle en a le droit constitutionnel.

M. Gérard Leseul (SOC). Vous disiez qu’aucune garantie n’était remise en cause, Monsieur le ministre délégué, mais l’alinéa 11 supprime le pouvoir du juge de suspendre une décision prise sans l’enquête publique requise ou la participation du public prévue. Nous considérons que cela va à l’encontre de la participation réelle du public. En outre, nous regrettons que la suppression du référé ne soit pas abordée dans l’étude d’impact. Aussi proposons-nous de supprimer cet alinéa.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous estimons que toutes les exceptions aux règles communes sont de nature à susciter l’incompréhension à l’égard des projets et à freiner leur mise en œuvre. Il paraît fou d’entendre que le public pourrait ne pas avoir d’avis sur ces sujets. D’ailleurs, dans la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, l’avis des gens opposés aux éoliennes devait à tout prix être préservé ! On assiste, au fil des textes, à une dérégulation du code de l’environnement. Ce projet de loi ôte au juge la faculté de suspendre une décision prise sans enquête publique ou participation du public, ce qui marque une régression importante. Tous ces reculs se feront au détriment des projets.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je reconnais que l’article 2, qui comporte plus de cinquante alinéas, est peu lisible, mais le référé-suspension en cas d’absence de participation du public est bien maintenu. Le dispositif est simplement transféré d’un article du code de l’environnement à un autre, par cohérence légistique. L’alinéa 11 supprime cette disposition à l’article L. 123-16 du code de l’environnement, mais l’alinéa 5 la réécrit dans un nouvel article L. 123-1-B, aux termes duquel « le juge administratif des référés fait droit à toute demande de suspension d’une décision prise sans que la participation du public […] ait eu lieu, alors qu’elle était requise ». Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Tous vos arguments sont justes. Je n’accepterai pas, moi non plus, la suppression de la procédure de référé. Mais nous avons simplement déplacé cette disposition, en l’élargissant à la nouvelle consultation publique de trois mois. Je vous invite à relire l’alinéa 5 : « le juge administratif des référés fait droit à toute demande de suspension d’une décision prise sans que la participation du public mentionnée à l’article L. 123-1 A » – laquelle recouvre l’enquête publique traditionnelle, la participation du public par voie électronique et notre nouvelle procédure de consultation du public – « ait eu lieu, alors qu’elle était requise. ». Nous n’allégeons rien. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous allons examiner attentivement la portée de l’alinéa 5. Si notre interprétation se révélait juste, je vous demanderais d’accepter un amendement en séance pour rétablir le référé. Je retire l’amendement.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous allons également prendre le temps d’examiner cette disposition, en considérant que vous êtes de bonne foi ! Le cas échéant, nous redéposerons l’amendement pour la séance.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous allons faire de même.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1252 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS220 de M. Jérôme Nury.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement vise à simplifier l’instruction des dossiers et s’assurer que l’on ne va pas rallonger les délais.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Avis défavorable. Pour être efficaces, les services administratifs chargés de l’instruction doivent disposer d’un dossier de demande complet et régulier. Or vous proposez que la date de début de l’instruction soit celle du dépôt initial du dossier. Je partage votre volonté d’accélérer la procédure, mais j’estime que votre amendement pourrait se révéler contre-productif : faute de temps pour examiner un dossier complet, les services pourraient rejeter la demande.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. En l’occurrence, le silence vaut refus. Si vous raccourcissez la procédure, vous risquez, paradoxalement, d’avoir plus de dossiers refusés. Le sujet central concerne les moyens conférés aux services pour examiner les dossiers. Nous sommes convenus avec le ministère de la transition écologique de la nécessité d’augmenter les recrutements dans les Dreal afin de respecter les délais.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Pour ma part, je ne suis pas si sûr que vous soyez de bonne foi. Tandis qu’un certain nombre de députés votaient en séance sur le projet de loi relatif aux douanes, vous venez d’adopter une nouvelle rédaction de l’article 1er bis, alors que nous vous avions mis en minorité ce matin sur la question des friches. Vous vous comportez en mauvais perdants. Vous aviez affirmé que l’industrie était un sujet fédérateur, sur lequel nous devions travailler ensemble : vous avez une drôle de manière de fédérer, en prenant vos décisions tout seuls. Nous reviendrons à la charge en séance.

M. Charles de Courson (LIOT). Chacun sait que lorsqu’elles sont débordées, certaines administrations demandent un document supplémentaire. En effet, les délais ne courent qu’à compter de la réception d’un dossier complet. L’amendement met en lumière ce problème central mais ne le résout pas.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1191 de M. Laurent Alexandre.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Cet amendement vise à préserver la durée de la consultation pour tous les projets et à préciser que celle-ci ne pourra commencer qu’une fois l’avis de l’autorité environnementale publié. Nous voulons éviter que la « simplification » se traduise par un allègement des contrôles ou de l’évaluation environnementale, ou que l’« accélération » soit synonyme d’autoritarisme et de démocratie bafouée, où la participation du public serait réduite ou contournée. La dématérialisation exclut beaucoup de monde de la participation. Nous ne voudrions pas que la modernisation implique, comme c’est trop souvent le cas, la suppression ou la réduction des moyens alloués aux services administratifs.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Vous entendez garantir la durée de la période de consultation du public. Or, le projet de loi prévoit qu’elle sera plus longue que dans le cas de l’enquête publique – trois mois au lieu d’un. En outre, vous souhaitez que la consultation commence une fois que l’autorité environnementale aura rendu son avis. L’alinéa 29 précise qu’à partir du moment où l’autorité rend son avis, soit dans un délai de deux mois, la consultation dure encore un mois. Les délais de consultation du public sont donc au moins aussi favorables que dans le droit actuel. Avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1253 et CS1254 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS1162 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo (Dem). La réussite des enquêtes publiques passe par la sincérité du processus, qui tient aux modalités de la consultation – aux délais, à la forme, à la lisibilité. Nous vous proposons d’interdire la tenue des enquêtes publiques au mois d’août car, à cette période, un certain nombre d’administrations sont fermées et de nombreuses personnes concernées peuvent être en vacances.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Sans même aborder la question de la continuité du service public, je rappelle que la durée de l’enquête publique ne peut être inférieure à trente jours pour les projets, plans et programmes faisant l’objet d’une évaluation environnementale. Il est vrai que si l’enquête a lieu intégralement en août, la participation risque d’être réduite : c’est pourquoi l’article L. 123-9 du code de l’environnement permet au commissaire enquêteur de la prolonger, pour une durée maximale de quinze jours. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. L’industrie ne s’arrête pas au mois d’août. Je suggère d’en rester au droit actuel.

M. Philippe Bolo (Dem). Ma conviction est nourrie par mon expérience d’élu local : j’ai souvenir d’une concertation tenue au mois d’août et qui s’était heurtée de ce fait à de nombreuses difficultés. Il faut offrir des espaces de respiration à l’ensemble des personnes concernées. Il faut certes accélérer, mais je ne pense pas qu’on en soit à un mois près.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Cette disposition me paraît de bon sens. L’industrie ne s’arrête peut-être pas en août, mais les personnes concernées, elles, ne sont pas forcément là. Je salue le travail transpartisan de préparation de l’examen du texte que M. Bolo a mené avec Mme Duby-Muller, dont les résultats méritent d’être intégrés au texte. Il faut préserver notre capacité à enrichir la loi, faute de quoi le Gouvernement décidera seul.

M. Charles de Courson (LIOT). Il me semblait qu’une circulaire prescrivait de ne pas tenir d’enquête publique en août. Dans les collectivités locales au sein desquelles j’ai exercé des responsabilités, on n’en a jamais organisé à cette période ; les commissaires enquêteurs s’y refusaient. Il suffirait, je pense, de rappeler la règle par une circulaire.

M. Thibault Bazin (LR). Votre amendement vise à ce que toute enquête en cours au 31 juillet voie sa durée prolongée de trente et un jours. Autrement dit, une enquête qui aurait commencé le 4 juillet et qui devrait se terminer le 5 août serait prolongée jusqu’au début du mois de septembre. Si on vise la réindustrialisation du pays, on ne peut pas considérer que tout s’arrête en août ! Il serait malvenu de tenir une enquête du 1er au 31 août, mais on peut accepter qu’elle déborde de quelques jours en août ou qu’elle commence fin août.

M. Gérard Leseul (SOC). Notre groupe soutient cet amendement de bon sens. Au mois d’août, les salariés, mais aussi les administrations, sont traditionnellement en congés. Un tel décalage ne changera en rien la face du monde, non plus que la phase d’installation des entreprises industrielles, qui savent très bien travailler en temps masqué. Cela ne fait pas du tout perdre un mois complet.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La durée de l’enquête publique va passer d’un à trois mois. Chacun aura donc deux mois entiers pour y participer en dehors du mois d’août. J’ajoute que ces procédures se déroulent d’ores et déjà en août, et que le commissaire enquêteur peut déjà les prolonger. Je me vois mal expliquer à des investisseurs internationaux que, désormais, tout ira plus vite, sauf au mois d’août, où il est écrit dans la loi que tout est fermé !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS761 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à renforcer les obligations déontologiques qui pèsent sur les commissaires enquêteurs en prévoyant une obligation déclarative visant à prévenir tout conflit d’intérêts au regard de fonctions antérieures ou en cours.

En effet, dès lors que l’article 2 place le commissaire enquêteur au cœur du contrôle du bon déroulement de la consultation, il est essentiel que son indépendance ne puisse être remise en question, ce qui permettra en outre d’accroître la sécurité juridique du texte. Une telle mesure est donc dans l’intérêt de toutes les parties.

Mme Christine Decodts, rapporteure. C’est essentiel effectivement, mais l’article L. 123-5 du code de l’environnement prévoit déjà que les personnes intéressées au projet à titre personnel ou qui ont exercé une fonction élective sur le territoire concerné par l’enquête publique ne peuvent être désignées commissaires enquêteurs.

Par ailleurs, l’article R. 123-4 du même code précise que chaque commissaire enquêteur, avant sa désignation, doit indiquer au président du tribunal administratif ses fonctions précédentes ou en cours qui pourraient être jugées incompatibles avec celle de commissaire enquêteur, et signe une déclaration sur l’honneur attestant qu’il n’a pas d’intérêt personnel au projet. Les représentants nationaux des commissaires enquêteurs, que nous avons auditionnés, y sont très attachés. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La loi est en effet d’ores et déjà très explicite.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Lors des consultations publiques, on observe de plus en plus de cas où un grand nombre d’avis en ligne sont formulés par le biais de réseaux numériques extérieurs au territoire, ce qui fait que l’avis des personnes qui y vivent devient largement minoritaire. Comment le commissaire enquêteur peut-il éviter un tel dévoiement à des fins politiques ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est une question importante. Le rôle du commissaire enquêteur consiste précisément à modérer ces consultations en ligne qui, en effet, génèrent parfois des spams. Il existe des outils informatiques pour gérer ce genre de situations, mais cela ne relève pas du domaine législatif.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS762 de M. Gérard Leseul.

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à prévoir que le commissaire enquêteur bénéficie d’une formation spécifique sur les procédures d’enquête publique et d’instruction des demandes d’autorisations environnementales. Les compétences générales ayant justifié son inscription sur la liste d’aptitude ne suffisent pas.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Les commissaires enquêteurs, pour exercer leurs fonctions, doivent être inscrits sur une liste d’aptitude, ce qui apporte des garanties en termes de compétences. Ainsi, les candidats doivent renseigner leurs titres ou diplômes, leurs éventuels travaux scientifiques et les différentes fonctions qu’ils ont occupées. De plus, ils sont déjà soumis à une obligation de formation – la profession y veille. Enfin, ils sont auditionnés par une commission départementale qui juge leur compétence et leur capacité à accomplir leur mission. Ce mode de désignation permet donc de contrôler leur compétence. Il n’est pas nécessaire de leur imposer une formation obligatoire supplémentaire.

Je vous propose que nous discutions ensemble de ces questions avant le débat en séance publique. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’article R. 123-41 du code de l’environnement dispose en effet que « dès son inscription sur une liste d’aptitude et pendant tout le temps de son maintien sur celle-ci, le commissaire enquêteur est tenu de suivre les formations organisées en vue de l’accomplissement de ses missions ».

Mme Anna Pic (SOC). Cette inscription garantit des compétences générales, mais l’instruction des demande d’autorisations environnementales est spécifique. Un juge administratif devenant commissaire enquêteur, par exemple, ne saurait être compétent sur toutes les questions susceptibles de se poser.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS222 de M. Jérôme Nury et CS395 de M. Vincent Rolland.

M. Thibault Bazin (LR). Amendements rédactionnels comparables à l’amendement CS220, qui recevront vraisemblablement un même avis défavorable.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1255 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

Amendements identiques CS22 de M. Dino Cinieri, CS58 de Mme Virginie Duby-Muller, CS213 de M. Pierre Vatin, CS246 de M. Vincent Rolland et CS574 de M. Thibault Bazin.

M. Victor Habert-Dassault (LR). Cet amendement s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de rationaliser les délais administratifs pour l’ouverture d’un site industriel et laisse au commissaire enquêteur le choix de la tenue et de la fréquence des réunions publiques, sans imposer systématiquement une réunion publique d’ouverture et de clôture.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Dès lors que ce texte vise à accélérer les délais administratifs, il importe en effet de faire preuve d’un peu plus de souplesse, le commissaire enquêteur disposant d’une expertise sur l’intérêt d’organiser les réunions publiques en fonction des situations et des projets.

M. Thibault Bazin (LR). Les consultations se font en lien avec les élus locaux, qui peuvent aussi considérer que les dates doivent être adaptées.

Mme Christine Decodts, rapporteure. La nouvelle procédure de consultation offre des garanties en matière de participation du public : le commissaire enquêteur doit organiser deux réunions publiques, une lors du débat global et l’autre à la fin de la période de consultation, en présence du porteur de projet et des élus locaux. Il s’agit d’une avancée importante qui permet de garantir une meilleure association du public et de mieux prendre en compte ses observations. Ces deux réunions ne ralentissent pas la procédure puisqu’elles sont comprises dans les délais de la consultation : quinze jours après le début et quinze jours avant la fin de la consultation. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Loin d’affaiblir la procédure, ce texte la renforce en imposant deux réunions publiques. Compte tenu de la durée de la procédure, il est certain qu’au moins l’une d’entre elles ne tombera pas au mois d’août et que la mobilisation sera assurée ! Je ne suis pas favorable à l’adoption de ces amendements, qui allègent des contraintes à nos yeux essentielles. Certes, la procédure s’en trouve un peu alourdie, mais au profit de la transparence.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne remettons pas en cause la nécessité d’organiser des réunions publiques, nous préconisons simplement un peu plus de souplesse et de liberté. Pourquoi la dernière réunion publique ne pourrait-elle pas se tenir un peu avant les quinze derniers jours, qui ne seront peut-être pas très opportuns en fonction des périodes de l’année ? Nos amendements disposent que « les modalités de tenue et de fréquence des réunions publiques sont laissées à l’appréciation du commissaire enquêteur ». J’espère que vous serez prêts à cette souplesse d’ici à la séance.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends vos propos sur la flexibilité des dates, l’essentiel étant la tenue de deux réunions publiques au minimum. Je vous propose de retirer ces amendements et de les retravailler en vue de la séance publique.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CS639 de Mme Delphine Lingemann.

 

Amendement CS763 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à favoriser la participation du public en permettant la remise des observations et propositions sous forme physique dans les maisons de services au public du ressort territorial concerné.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je suis très sensible à votre argument. Personne ne doit être écarté de la consultation publique. Sur ce point, le Sénat, à l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a déjà permis d’améliorer le texte : il est désormais prévu que le public peut faire parvenir ses observations et propositions par courrier postal et non plus seulement par courrier électronique.

En outre, l’avis d’ouverture de la consultation pourra prévoir d’autres modalités de transmission des observations et propositions du public. Le commissaire enquêteur pourra donc prévoir, le cas échéant, que cette transmission ait lieu dans les maisons France Services.

Enfin, la nouvelle procédure de consultation prévoit deux réunions publiques obligatoires, mais d’autres sont possibles, ce qui permet d’associer les personnes éloignées de l’outil informatique.

Je précise également que ce bel outil que sont les maisons France Services ne sont pas présentes partout sur le territoire national. Il faut peut-être que nous creusions un peu plus loin cet amendement. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nombre de possibilités ont en effet déjà été ouvertes, notamment grâce au Sénat. En l’occurrence, nous risquerions d’alourdir les missions des maisons France Services. Des problèmes d’effectifs et d’heures d’ouverture se poseraient immanquablement. Retrait ou avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je rappelle que 30 % à 35 % des Français ont des difficultés avec les outils électroniques et informatiques. Vous créez ainsi non seulement des inégalités dans l’accès à l’information, mais une forme de démocratie à la carte, où les modalités de participation dépendront du commissaire enquêteur ou du projet. Une uniformisation s’impose. Nous voterons en faveur de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS18 de M. Jérôme Nury.

M. Thibault Bazin (LR). Un nouvel amendement rédactionnel afin de rendre le texte plus lisible.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1256 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS764 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à clarifier la nature de l’avis du commissaire enquêteur, en précisant qu’il doit émettre une position soit favorable, soit favorable sous réserve, soit défavorable au projet.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Dans le cadre de l’enquête publique, l’article L. 123-15 du code de l’environnement prévoit déjà que le commissaire enquêteur remet des « conclusions motivées ». En pratique, cette disposition amène le commissaire à émettre un avis sur le projet.

Par parallélisme avec ce qui existe déjà pour l’enquête publique, l’alinéa 39 de l’article 2 dispose également que le commissaire enquêteur remet des « conclusions motivées » dans le cadre de la nouvelle procédure de participation du public.

En revanche, la précision sur des conclusions favorables, favorables sous réserve ou défavorables au projet relève du niveau réglementaire – je vous renvoie à l’article R. 123-19 du code de l’environnement pour l’enquête publique. La partie réglementaire du code de l’environnement devra être adaptée, mais cela appartient au Gouvernement. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le commissaire enquêteur doit être le garant du bon déroulement de la consultation du public. Il ne lui appartient pas formellement et légalement de donner un avis, même s’il doit évidemment formuler des « conclusions motivées » pour s’assurer que la procédure a été respectée. C’est à l’autorité environnementale qu’il revient de formuler son avis.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Le commissaire enquêteur peut constater que la procédure n’est pas correctement appliquée, mais il n’émet pas donc pas d’avis ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ses conclusions « motivées » concernent le déroulement de la procédure : le commissaire enquêteur doit s’assurer qu’elle a bien eu lieu, selon les formes que vous aurez votées. C’est à l’autorité environnementale et au maire, qui délivre le permis de construire, qu’il appartient de donner des avis.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Il importe d’adopter cet amendement, de manière à ce que l’avis du commissaire enquêteur sur la procédure soit formulé de la manière la plus précise possible.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1257 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS159 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement vise à s’assurer que les commissions d’enquête, dont la composition est diversifiée et les avis variés, rendent des conclusions claires sur les projets. Il prévoit ainsi que les conclusions soient votées à la majorité de leurs membres. Dans le respect de la pluralité des opinions, il ouvre la possibilité d’annexer des avis dissidents au rapport de la commission d’enquête. On y gagnerait en transparence.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Les conclusions de la commission d’enquête font nécessairement l’objet d’un consensus ou d’un vote entre ses membres. Il ne me paraît donc pas utile de préciser qu’elles sont votées à la majorité. Du reste, cela relève du règlement et non de la loi. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans le cadre de ce type de délibération, visant à éclairer l’avis des autorités qui devront se prononcer, un vote peut entraîner des crispations dans les débats et exacerber les oppositions au point de rendre délicate l’émergence d’un consensus. Le but est de parvenir à des conclusions consensuelles permettant aux autorités décisionnaires de se prononcer en toute connaissance de cause. Je suis donc réservé sur l’opportunité d’un vote.

M. Charles de Courson (LIOT). S’il y a consensus, il n’y a pas de problème. Dans le cas contraire, les citoyens et les responsables doivent savoir si des points de vue dissidents se sont fait jour. C’est la base, dans une démocratie.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Un vote présente le risque de modifier la nature des débats. Nous préférons favoriser la culture du consensus afin d’éviter la judiciarisation d’un processus d’enquête visant à éclairer et non à orienter une décision. Un vote risque, de surcroît, de déresponsabiliser les décisionnaires.

M. Thibault Bazin (LR). Lorsque des nuances ou des avis divergents se font jour, en est-il ou non fait état ? Normalement, oui, puisque le rapport doit mentionner toutes les observations qui ont été faites. Il me semble que cet amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1258 et CS1259 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendements identiques CS119 de Mme Virginie Duby-Muller, CS257 de Mme Marie Lebec, CS743 de M. Vincent Thiébau et CS1166 de Mme Delphine Lingemann, et amendement CS537 de M. Olivier Marleix (discussion commune).

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Les recours contentieux sont l’une des principales sources de retard dans le développement des projets industriels et d’énergies renouvelables. Si des mesures législatives et réglementaires peuvent permettre d’en réduire les délais de traitement, il est également nécessaire de limiter le nombre de ces recours à la source.

Le rapport Guillot, remis le 17 mars 2022, formule un certain nombre de propositions pour « simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France » et souligne le poids du risque de contentieux. Les délais moyens de jugement de recours contre un permis de construire, quelle que soit la destination de l’installation, s’élèvent à vingt-trois mois en première instance, seize à dix-huit mois en appel et quatorze mois en cassation.

Cette question de la durée du contentieux a été évoquée lors de la préparation de ce texte. Elle constitue un critère de choix déterminant pour ceux qui doivent décider d’un pays d’implantation. Nous proposons de nous inspirer de ce qui a été institué par l’article 80 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi Elan) concernant les recours en urbanisme : si les conditions traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui cause un préjudice au bénéficiaire du permis de construire, la loi Elan permet à ce dernier de demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts.

Cet amendement vise donc à limiter les recours contentieux à leur source en sanctionnant les recours abusifs non seulement contre l’autorisation environnementale, mais aussi contre les arrêtés préfectoraux ultérieurs.

M. Alexis Izard (RE). La reconnaissance et la sanction des recours abusifs sont d’ailleurs déjà reconnues par le code de l’urbanisme.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Ces amendements identiques visent en effet à lever certains freins à la réalisation de projets qui seraient déjà engagés, dès lors que les recours traduisent un comportement abusif de la part du requérant. La reconnaissance et la sanction des recours abusifs sont déjà prévues par l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme. Nous proposons de transposer cette procédure aux recours formulés pour des autorisations environnementales.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Nombreux sont les projets industriels stoppés ou abandonnés à la suite de recours abusifs. L’amendement CS537 propose de mieux protéger les porteurs de projets et de lever certains freins. Donnons-nous les moyens d’encourager et de soutenir la réindustrialisation de la France ! Au-delà des délais liés aux contentieux, il s’agit de limiter le risque de recours abusifs liés aux autorisations environnementales.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je suis favorable aux amendements identiques, car l’extension du dispositif de sanction aux recours abusifs dirigés contre les décisions d’autorisation environnementale enverra un signal fort aux investisseurs. Je demande le retrait de l’amendement CS537 au profit des amendements identiques, dont la rédaction est meilleure et qui insèrent la disposition au bon endroit, à savoir l’article L. 181‑17 du code de l’environnement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce sont de bons amendements, mais les identiques sont effectivement légèrement meilleurs. L’amendement CS537 ne concerne que les autorisations environnementales alors que les amendements identiques englobent également les arrêtés préfectoraux pris en application de ces décisions. Comme Mme la rapporteure, je suggère son retrait au profit des identiques.

M. Charles de Courson (LIOT). Je suis tout à fait favorable à ces amendements, mais j’ajouterais un élément. Le droit américain dispose que l’auteur d’un recours abusif doit s’acquitter d’indemnités équivalentes à trois fois le préjudice subi par l’investisseur. Cette disposition incite à bien réfléchir avant de déposer une requête. Dans de nombreux cas en effet, les requérants savent pertinemment que leur requête sera rejetée mais la déposent en espérant que la longueur de la procédure contentieuse découragera l’investisseur. Certains projets parfaitement respectueux de la réglementation sont bloqués pour cette raison.

Les auteurs des amendements identiques seraient-ils d’accord pour préciser que les dommages et intérêts se montent à trois fois les pertes subies par le bénéficiaire de l’autorisation ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je suis très attaché à l’industrie, qui représente 24 % du PIB de mon territoire. Après l’explosion qui s’est produite dans l’usine Saipol le 17 février 2018, le maire de Dieppe et moi avons fait en sorte que l’usine soit reconstruite en un an et demi. Néanmoins, en confondant vitesse et précipitation et en privant les citoyens du temps nécessaire à l’appropriation et à l’acceptation des projets – qui n’est pas du temps perdu – vous nuisez à l’industrie. Vous faites erreur : il ne s’agit pas de convaincre les gens à coups de massue, mais en leur expliquant qu’il est préférable de produire chez nous plutôt qu’en Chine, sans aucune norme sociale et environnementale.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je peux vous parler d’un industriel qui voulait s’implanter en Alsace et a finalement préféré l’Allemagne, non loin de la frontière : cela lui coûte un peu plus cher, mais le projet peut aboutir en un à deux ans, contre cinq à huit ans en France ! Et ne venez pas me dire que l’Allemagne est moins-disante que la France en matière environnementale…

Nos procédures sont trop longues, parfois inexplicables, et retardent excessivement les projets des investisseurs sans être une garantie de qualité. En l’occurrence, des centaines d’emplois sont partis en Allemagne plutôt qu’en France.

M. Damien Adam (RE). Je soutiens ces amendements, car tous les industriels que j’ai rencontrés pour préparer l’examen de ce texte, tout en se félicitant des simplifications administratives contenues dans l’article 2, nous ont demandé d’accorder une attention particulière aux recours. Le nombre de contentieux est beaucoup plus élevé en France que dans les autres pays européens. Il importe d’agir dans ce domaine.

Monsieur de Courson, il serait en effet opportun d’accroître les sanctions contre les recours abusifs. Nous parlons bien des recours abusifs, Monsieur Jumel : le texte ne revient absolument pas sur la possibilité de déposer des recours. Sanctionner des recours abusifs, c’est respecter le droit et éviter le sur-droit.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je demande la parole, Monsieur le président. Notre groupe n’a pas pu s’exprimer.

M. le président Bruno Millienne. Nous avons déjà entendu quatre orateurs sur ces amendements, Madame Guetté. La règle n’est pas une prise de parole par groupe, mais un orateur pour et un contre l’amendement, même si je me montre parfois un peu plus souple.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Vous êtes partial, Monsieur le président !

M. le président Bruno Millienne. Soyez respectueuse de la présidence. Je ne pense pas que vous ayez manqué de temps de parole, et je n’ai fait montre d’aucune partialité. D’autres pourraient se plaindre qu’ils ont beaucoup moins parlé que vous.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Ce n’est pas une faveur, c’est notre temps de parole !

M. le président Bruno Millienne. Pour clore le débat, je vais revenir à la stricte application de la règle « un pour, un contre », avec une minute maximum pour chacun. (Applaudissements.) Ce n’est pas vous qui faites la loi dans la commission !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Qui fait la loi, si ce n’est pas nous ?

M. le président Bruno Millienne. Vous la ferez dans l’hémicycle, là où vous faites votre cirque habituel. Le bureau de la commission a édicté des règles. J’avais cru pouvoir être un peu plus souple, mais puisque cela ne vous convient pas, nous y revenons.

L’amendement CS537 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1260 et CS1261 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS584 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). C’est un amendement de repli et d’appel ! Il vise à limiter le dispositif de l’article 2 aux projets d’implantation dans des friches industrielles.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je partage votre volonté de valoriser les friches. C’est d’ailleurs ce que fait le Gouvernement à travers le fonds pour le recyclage des friches. L’article 5 ter du projet de loi rend possible la prise en compte des friches dans les schémas de cohérence territoriale, ce qui constitue une belle avancée.

Il n’est toutefois pas opportun de limiter l’application de l’article 2 aux seuls projets implantés dans des friches, car l’objectif est d’accélérer la réindustrialisation de tous les territoires. L’ensemble des projets situés sur des terrains disponibles, et pas seulement ceux installés dans des friches, doivent bénéficier de la nouvelle procédure. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je prends la parole pour soutenir l’amendement, mais également pour que figure au compte rendu la phrase historique que vous avez prononcée, Monsieur le président : les membres d’une commission spéciale chargée de se prononcer sur un projet de loi ne font pas la loi ! Qui la fait alors ?

M. le président Bruno Millienne. C’est vous, Monsieur Jumel, mais je suis là pour faire appliquer les règles que vous avez pris la fâcheuse habitude de ne pas respecter.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

Après l’article 2

 

Amendement CS782 de M. Gérard Leseul.

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à attribuer à l’autorité environnementale la compétence de déterminer si une évaluation environnementale est nécessaire pour tous les projets soumis au cas par cas – c’est-à-dire ceux qui ne sont pas systématiquement soumis ni exonérés d’évaluation environnementale.

Les autorités à consulter sur un même projet sont multiples : une pour l’examen au cas par cas, une autre pour apprécier la qualité de l’évaluation environnementale, une troisième si le projet en modifie un déjà existant, voire une quatrième lorsque la réalisation du projet nécessite l’évolution d’un plan. Il nous semble opportun de désigner une autorité unique en la matière.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Vous souhaitez que l’autorité environnementale décide de recourir ou non à l’évaluation environnementale pour les projets examinés au cas par cas. Je n’y suis pas favorable, car l’examen au cas par cas doit être systématiquement confié à l’autorité administrative compétente, qui n’est pas toujours la même. Ensuite, l’évaluation environnementale relève bien de l’autorité environnementale. Enfin, l’adoption de votre amendement supprimerait la mention relative à l’absence de conflit d’intérêts, ce qui ne me semble pas opportun. L’avis est donc défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Votre disposition reviendrait sur la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, chère au rapporteur général, qui a confié aux préfets l’étude des modifications d’installation prévues dans les projets examinés au cas par cas.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CS849 et CS848 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Anna Pic (SOC). Le premier amendement vise à améliorer le dispositif de référé-suspension et à accélérer le rendu de la décision de justice. Comme cela a été souligné, les délais de justice peuvent constituer un obstacle à la réindustrialisation. Il faut les réduire, pour que les décisions judiciaires n’interviennent pas après que des dommages environnementaux, souvent irréversibles, ont été commis. Les différentes procédures de référé sont insuffisantes : la condition d’urgence étant difficile à étayer en matière environnementale, les recours sont rejetés, alors que l’illégalité des projets est souvent reconnue des mois plus tard par les tribunaux. Une suspension rapide de l’acte d’autorisation bénéficie à tous les acteurs concernés, notamment au porteur de projet qui évite de perdre trop d’argent, et améliore la sécurité juridique des droits d’exploiter.

Dans le second amendement, nous souhaitons que les décisions du juge administratif statuant au fond en matière environnementale fassent l’objet d’une instruction accélérée ne dépassant pas quelques mois, comme cela se fait pour certaines décisions d’urbanisme.

Mme Christine Decodts, rapporteure. L’amendement CS849 ne concerne que les recours formés contre une décision d’autorisation environnementale positive et exclut ceux formés contre une décision de rejet. Cette dissymétrie pose problème. Et n’est-ce pas au juge plutôt qu’au requérant de déterminer si la condition d’urgence est remplie – si elle l’est, il doit statuer dans un délai de cinq jours ? L’avis est défavorable.

L’avis est le même sur l’amendement suivant : je comprends votre intention, mais le dispositif relève du niveau règlementaire plutôt que de la loi. Et là encore, vous ne visez que les décisions positives et non les refus.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS172 de M. Pierre Cordier et amendements identiques CS10 de Mme Émilie Bonnivard, CS130 de Mme Virginie Duby-Muller, CS132 de Mme Véronique Louwagie, CS150 de Mme Christelle Petex-Levet, CS180 de Mme Pascale Boyer, CS289 de M. Julien Dive, CS403 de Mme Virginie Duby-Muller et CS975 de M. Lionel Vuibert (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement de Pierre Cordier vise à étendre le dispositif déployé contre les recours abusifs formés contre les permis de construire à ceux déposés contre les autorisations environnementales. Il est essentiel à nos yeux de lutter contre les recours abusifs.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Notre objectif est d’accélérer l’implantation et le déploiement de nouvelles activités industrielles en luttant contre les recours abusifs qui les entravent. Dans son rapport sur la simplification et l’accélération des implantations d’activités économiques en France, Laurent Guillot indique que le délai de jugement moyen d’un recours contre un permis de construire atteint vingt-trois mois en première instance, seize à dix-huit mois en appel, et quatorze mois en cassation. Du point de vue d’un investisseur industriel ou logistique, les risques d’exposition à de tels délais de procédure sont discriminants et le conduisent parfois à produire ou à stocker dans des pays limitrophes, y compris pour servir le marché français. Il faut lever cet obstacle en étendant le dispositif contre les recours abusifs aux projets industriels.

Mme Danielle Brulebois (RE). L’accélération de la réindustrialisation par l’implantation d’activités nouvelles est urgente ; or les entreprises affirment que de nombreux freins existent, au premier rang desquels figurent les recours formés contre les autorisations environnementales : nous souhaitons donc étendre le dispositif de la loi Elan aux projets industriels.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je demande le retrait de l’ensemble des amendements, qui sont satisfaits par l’adoption des amendements CS119 et identiques à l’article 2.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Le dispositif des amendements CS119 et identiques est plus complet.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CS829 de Mme Nicole Le Peih.

Mme Nicole Le Peih (RE). Plusieurs projets industriels d’installation ou d’extension font l’objet de recours. La multiplication des contentieux fragilise grandement le volet juridique des projets et remet parfois en cause les investissements, voire les travaux déjà réalisés.

Le présent amendement vise à limiter dans le temps la procédure de recours, afin d’assurer une visibilité à toutes les parties concernées. Le dépôt du recours devra intervenir dans les deux mois suivant l’autorisation : un délai trop long dilue l’information, modifie les résultats escomptés et le coût des investissements, entraîne une révision des appels à financement et finit par compromettre la vitalité du projet. L’amendement ne vise pas à empêcher le déclenchement d’un contentieux, mais plutôt à l’encadrer, afin de fournir une visibilité aux porteurs de projet ainsi qu’aux requérants.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je comprends votre intention, mais votre amendement concerne davantage le contentieux de l’urbanisme ; en outre, les délais de recours relèvent du domaine réglementaire. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les normes réglementaires satisfont déjà l’amendement : aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai de droit commun est déjà de deux mois. Je vous suggère également de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 bis : Durée maximale d’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour les projets d’énergies renouvelables situés en zone d’accélération

 

Amendements de suppression CS1262 de Mme Christine Decodts, CS368 de M. Nicolas Meizonnet, CS817 de M. Alexandre Loubet, CS1026 de M. Henri Alfandari, CS1053 de M. Antoine Villedieu et CS1207 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Nous souhaitons supprimer l’article 2 bis, introduit par le Sénat. Je comprends la logique, qui vise à faciliter le déploiement des énergies renouvelables dans les zones d’accélération, mais la fixation des délais de procédure relève du pouvoir réglementaire. En outre, la discussion de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) n’est pas encore terminée, le vote en session plénière étant prévu à la rentrée. Enfin, dans la version actuelle de la directive, les zones d’accélération ne sont pas assimilables aux zones d’accélération introduites par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

La directive n’étant pas encore adoptée, sa transposition dans le droit français n’a pas commencé. Il ne me paraît donc pas prudent de fixer dans la loi un délai maximal pour l’examen des projets d’installation de production d’énergies renouvelables en zone d’accélération : une telle disposition pourrait se révéler contre-productive, car son application pourrait aboutir au rejet de certains dossiers exigeant un temps d’examen plus long.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Quand on sort la loi sur les énergies renouvelables par la porte, elle rentre par la fenêtre ! La preuve avec cet article ajouté par le Sénat, qui vise à alléger la procédure d’autorisation pour les projets d’énergies renouvelables.

Nous, ce que nous voulons, c’est un projet de loi pour la réindustrialisation, un texte qui favorise l’implantation d’usines, pas d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. Cet article n’ayant rien à faire dans ce texte, nous vous en proposons la suppression. Contrairement à d’autres infrastructures industrielles, la plupart des énergies renouvelables consomment beaucoup de foncier et les éoliennes induisent des nuisances sonores. Les projets d’implantation d’énergies renouvelables nécessitent un dialogue construit et approfondi avec toutes les parties prenantes. Leur impact environnemental et visuel doit également faire l’objet d’études approfondies.

M. Henri Alfandari (HOR). Je suis totalement d’accord avec Mme la rapporteure. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de refaire la loi sur les énergies renouvelables. Les objectifs en la matière devront figurer dans la loi de programmation sur l’énergie et le climat.

M. Antoine Villedieu (RN). Cet article ne traite absolument pas d’industrie. À force de mélanger les textes, peut-être faudrait-il renommer celui-ci « projet de loi relatif à l’implantation d’énergies renouvelables dans des zones de zéro artificialisation nette, dans le cadre du déploiement des services express régionaux métropolitains pour l’industrie verte ».

Ce projet de loi censé défendre, protéger et renforcer notre industrie n’en fait malheureusement rien. Il serait bien plus judicieux de débattre de relocalisation, d’impact social, d’emploi, de formation et de développement des territoires ruraux. Cet article représente un frein à l’ambition, que Marine Le Pen et le groupe Rassemblement national défendent, de réindustrialiser la France. Je ne doute pas, Monsieur le ministre délégué, que vous soutiendrez l’amendement de suppression de Mme la rapporteure.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). L’article dont nous demandons la suppression a pour but d’accélérer le renouvellement des parcs éoliens. Est-il besoin de répéter que nous sommes fondamentalement opposés au développement de l’éolien, une énergie intermittente à l’impact écologique et économique déplorable, qui mine notre souveraineté énergétique ?

Si nous voulons que notre pays dispose d’une industrie puissante et décarbonée, nous devons nous appuyer sur le nucléaire, qui fournit une énergie pilotable et peu carbonée et qui doit constituer la base de notre mix énergétique. Il n’est pas d’industrie puissante sans énergie disponible, abondante et d’un coût soutenable ; pas d’industrie puissante sans souveraineté énergétique ; pas d’industrie puissante avec des énergies renouvelables, intermittentes et instables.

En outre, cet article a été présenté au Sénat comme une transposition de la directive RED III, laquelle n’a pourtant pas encore été adoptée et n’a donc aucune existence juridique.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Dans sa grande sagesse œcuménique, le Sénat s’est un peu emballé sur cet article et il comptait sur nous pour le corriger. Nous voterons l’amendement de suppression de Mme la rapporteure. Nous ne pouvons pas nous permettre de laver plus blanc que blanc et de transposer une directive encore en discussion.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 2 bis

 

Amendement CS1023 de M. Henri Alfandari.

M. Henri Alfandari (HOR). Cet amendement vise à ce que les services de l’État se rendent sur le terrain pour prendre des décisions. Mais je me rends compte que je me suis un peu emballé dans mon désir de réduire les délais, cet aspect polluant le reste de l’amendement. Je serais heureux que vous m’invitiez à le retirer pour le retravailler !

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je vous demande en effet de le retirer. Je fais confiance au dispositif que nous avons adopté à l’article 2.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Retirons et retravaillons !

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CS138 de Mme Virginie Duby-Muller et CS327 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Il s’agit d’instaurer un délai maximal pour l’instruction des projets de centrales solaires.

Mme Danielle Brulebois (RE). Le développement de nombreux projets d’énergies renouvelables nécessite de mener plusieurs procédures en parallèle et d’obtenir plusieurs autorisations : cette exigence est source de complexité, d’allongement des délais d’instruction et d’augmentation du risque de contentieux.

L’amendement vise à limiter dans le temps la procédure encadrant les projets d’énergie solaire soumis à un permis de construire : le délai sera raccourci à sept mois à compter de la date de dépôt du dossier complet pour les projets situés dans une zone d’accélération et à douze mois pour les autres.

Mme Christine Decodts, rapporteure. L’avis est défavorable. Contrairement aux champs éoliens, soumis à autorisatop, environnementale, les panneaux photovoltaïques relèvent du code de l’urbanisme. Les amendements nous éloignent du périmètre des articles 2 et 2 bis. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. La somme des délais d’instruction atteint sept mois au maximum, donc les amendements présentent le risque paradoxal d’allonger les délais. Je vous demande de retirer l’amendement.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je voudrais vous interpeller sur notre capacité à produire des panneaux photovoltaïques. Lors de l’examen du projet de loi « Énergies renouvelables », on nous a renvoyés à des réflexions, à des groupes de travail ultérieurs… Mais le temps presse ! L’entreprise Photowatt va peut-être devoir cesser son activité dans six mois. Elle n’a peut-être pas fait les meilleurs choix de technologies, mais elle possède un véritable savoir-faire. Surtout, EDF, qui en est le propriétaire, ne lui donne aucune perspective : elle ne produit plus aujourd’hui que des lingots de silicium qui sont envoyés en Chine pour revenir sous forme de panneaux photovoltaïques. Voilà un véritable sujet industriel ! Comment allons-nous produire des panneaux dans notre pays ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. La question de la production de panneaux photovoltaïques en France et en Europe est un sujet stratégique, surtout après les exportations massives de nos productions en Chine. Avec la ministre de la transition énergétique, nous avons lancé une consultation de l’ensemble des industriels : nous les avons déjà réunis deux fois et nous avons installé des groupes de travail, de manière à développer en France l’ensemble de la filière. Plusieurs projets d’avenir sont en cours, comme ceux de Carbon et d’Holosolis.

La situation de Photowatt est particulière du fait des enjeux technologiques que vous avez évoqués. Il y a quelques jours, EDF a présenté plusieurs options en Conseil supérieur de l’énergie : elle s’est saisie de ce dossier complexe, notamment grâce à vos alertes et aux nôtres, et va continuer à y travailler.

La commission rejette les amendements.

 

Article 3 : Mutualisation des débats publics et des concertations préalables

 

Amendement de suppression CS435 de M. Laurent Alexandre.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer cet article pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles nous souhaitions supprimer l’article 2 : ces deux articles détricotent à nos yeux les procédures de consultation et de participation du public.

Vous voulez tout d’abord étendre de cinq à dix ans le délai durant lequel une nouvelle consultation du public n’est pas nécessaire ; or la population des riverains peut beaucoup évoluer en dix ans, les gens peuvent changer, tout comme les projets – pensez à l’EPR de Flamanville ! Ce délai est excessif.

Ensuite, vous envisagez de grouper les débats publics et les concertations préalables lorsque plusieurs projets, même de nature différente, concernent le même territoire. Une telle disposition nuirait à la clarté du débat.

Mme Christine Decodts, rapporteure. J’ai lu avec attention l’exposé sommaire qui accompagne votre amendement. Nous sommes en désaccord. La mission principale de la Commission nationale du débat public (CNDP) est de défendre un droit très fragile, qui repose sur des conventions internationales et sur la Charte de l’environnement, inscrite dans notre Constitution. J’ai plus confiance que vous dans la CNDP.

J’émets un avis défavorable, car la mise en place de débats publics globaux et de concertations préalables globales permettra d’accélérer l’implantation de sites industriels et d’améliorer la participation du public. En outre, la CNDP pourra toujours, si elle le juge nécessaire, organiser un débat public ou une concertation préalable propres.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’article ne vise absolument pas à affaiblir la CNDP, mais à la renforcer et à lui donner davantage de cohérence. S’il est envisagé de créer dans le même secteur une gigafactory de batteries, une usine de recyclage de batteries et un entrepôt de batteries, voire une centrale biomasse destinée à alimenter la gigafactory, il faut que le public reçoive une information globale. Une consultation d’ensemble serait plus adaptée que des discussions et des avis circonscrits à chaque structure : l’objectif est la cohérence.

Contrairement à ce que vous dites, l’article ne crée pas de cas supplémentaires dans lesquels la CNDP interviendrait, il se contente d’ouvrir la possibilité de grouper plusieurs interventions en une seule lorsque cela est pertinent.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Vous venez de présenter un ensemble de projets cohérents, mais la rédaction de l’article permettra d’organiser des consultations globales sur des projets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. En outre, le débat par projet permet d’affronter la complexité de certains dossiers et de fixer des calendriers différents.

Par ailleurs, vous nous avez mal compris, Madame la rapporteure : jamais nous n’avons remis en cause le rôle de la CNDP, que nous défendons avec acharnement. Le nerf de la guerre, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, a trait aux moyens, notamment humains ; or les effectifs de la Commission sont nettement insuffisants pour travailler dans de bonnes conditions et organiser les débats publics auxquels ont droit nos concitoyens et nos concitoyennes. Nous voudrions que la CNDP dispose des moyens lui permettant de remplir les missions qui lui sont assignées et que son activité prenne de l’ampleur.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’exemple que je vous ai donné est réel et concerne des entreprises qui souhaitent s’installer à Dunkerque. La concertation groupée est adaptée à un tel ensemble de projets cohérents, mais elle n’est actuellement pas possible. En supprimant l’article, vous l’empêcheriez : on en resterait à la situation actuelle, qui exige, dans cet exemple précis, cinq enquêtes différentes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS302 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). La simplification est nécessaire, mais encore faut-il que les projets aient un lien entre eux ! L’amendement vise à ce que le dispositif de l’article ne concerne que les projets ayant le même objet – par exemple, une unité de production d’électricité verte et une usine qui produit de l’hydrogène à partir de l’électrolyse.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Définir le « même objet » est une affaire complexe. Dans l’exemple que j’avançais tout à l’heure, je ne suis pas sûr qu’une centrale biomasse destinée à alimenter une gigafactory de batteries entrerait dans cette catégorie.

À Fos-sur-Mer, il y a deux projets intéressants et importants : GravitHy va faire de l’acier vert et Carbon va produire des panneaux photovoltaïques. Face au défi d’aménagement de la zone, je juge qu’il est utile à la population d’être consultée dans le cadre d’un seul débat public sur l’ensemble des projets.

Dans le cadre des zones industrielles bas-carbone (Zibac), nous avons labellisé Le Havre, Dunkerque, Fos-sur-Mer – deux ou trois autres sites rejoindront peut-être cette liste. Nous déployons une approche globale et cohérente de la zone, pour des projets souvent en relation avec l’industrie verte, mais qui n’ont pas forcément le même objet. Voilà pourquoi nous avons retenu une approche géographique et une stratégie industrielle de zone, dans lesquelles tous les élus sont associés, car si ces projets n’ont pas toujours le même objet, ils participent à la cohérence du développement industriel de la région. Le débat public global éclaire alors plus efficacement la population et l’ensemble des acteurs du territoire, qui, à Dunkerque notamment, sont tous très intéressés. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Si l’amendement était adopté, le problème du délai resterait en suspens. Des amendements de repli ont été déposés, mais vous n’avez pas donné d’éléments sur cet aspect. Quelle est la marge accordée aux riverains et à la population pour changer d’avis ? Dire qu’il est impossible de rouvrir une concertation pendant neuf ans et demi n’est évidemment pas satisfaisant. Quels sont vos arguments ?

M. Charles de Courson (LIOT). Je suis prêt à retirer l’amendement, mais je le redéposerai en séance publique : j’espérais que vous le modifieriez pour préciser que les projets doivent avoir « un lien entre eux ». Une telle rédaction vous agréerait-elle ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Retravaillons la disposition d’ici à la séance, en effet. J’entends que vous avez l’impression que l’on ouvre la porte trop large, mais je ne suis pas sûr qu’un « même objet » ou un « lien » entre les projets suffisent. Je suis prêt à voir s’il est possible de préciser quelque peu le champ d’application de l’article, mais les Zibac sont des zones d’une grande cohérence, s’agissant tant de l’aménagement du territoire que des relations avec les industriels, et elles doivent pouvoir faire l’objet d’un débat public global et exhaustif.

Quant aux délais, nous en débattrons avec les amendements qui suivent.

M. Damien Adam (RE). Effectivement, Monsieur le ministre délégué, Rouen veut sa Zibac ! Les acteurs du territoire la réclament, et il faudrait que vous veniez nous annoncer une bonne nouvelle.

M. Charles de Courson (LIOT). Je retire mon amendement, mais il faut trouver le moyen d’éviter un débat unique pour un projet d’usine de casseroles et un autre de production d’hydrogène. Je déposerai une nouvelle rédaction en séance publique.

L’amendement est retiré.

4.   Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 21 heures 30

M. le président Bruno Millienne. Nous avons examiné 262 amendements et il nous en reste 784 à étudier – nous avons fait un quart du chemin. Dans le respect de la liberté de parole de chacun, je vous invite à faire le maximum pour vous exprimer de manière dense, concise et efficace, en évitant des discussions incidentes qui ne contribuent pas à la clarté et à l’intelligibilité du débat.

 

Article 3 (suite) : Mutualisation des débats publics et des concertations préalables

 

Amendements identiques CS587 de M. Hubert Wulfranc et CS624 de M. Nicolas Thierry, et amendement CS1309 de Mme Christine Decodts (discussion commune).

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Nous vous proposons, par notre amendement de repli, de réduire de dix à cinq ans la durée pendant laquelle un projet peut être dispensé de débat public propre ou de concertation préalable propre dès lors qu’un débat global ou qu’une consultation globale a déjà eu lieu.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Notre amendement vise aussi à réduire à cinq ans la durée de validité d’un débat public. La rédaction actuelle permettrait de lancer un projet industriel jusqu’à dix ans après la consultation du public, ce qui nous semble excessif, surtout si on veut assurer une prise en compte plus régulière des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et sanitaires cumulés.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour le chapitre II du titre Ier. Je suis très sensible à ces deux amendements. Néanmoins, un délai de cinq ans me paraît assez court. Je vous propose plutôt une durée de huit ans : cela me paraît plus adapté au contexte, qui est marqué par l’accélération des impacts du changement climatique, et cohérent avec le délai de huit ans déjà prévu à l’article L. 121‑12 du code de l’environnement. Cet article prévoit, pour les projets dont la Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie, qu’elle puisse décider de relancer la participation du public si l’enquête publique n’a pas été ouverte dans les huit ans suivant la fin de la participation initiale. Ce que je vous propose serait ainsi une mesure de simplification du droit.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. L’idée qui a conduit à proposer une période de dix ans était de donner deux ans de plus, par rapport aux projets individuels, pour des projets collectifs globaux qui sont très lourds en matière de capital. Un délai de cinq ans me paraît vraiment trop court : cela ne serait pas en phase avec les cycles industriels. Je me rallie, en revanche, à un délai de huit ans. Par conséquent, avis favorable à l’amendement de la rapporteure, en faveur duquel je propose de retirer les deux autres – sinon, avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). S’il est utile de prévoir un délai, ce dont nous sommes tous convaincus, pourquoi serait-il de huit ans ? La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », prévoit six ans pour les schémas d’aménagement. S’agissant de la gestion et de la programmation des fonds européens, le délai est de trois ou six ans. Il paraît raisonnable, si l’on veut s’aligner sur ce qui est en vigueur au niveau européen ou dans le cadre de la loi Notre, de retenir un délai de cinq ou six ans. Nous pourrions préparer un amendement en ce sens d’ici à la séance.

M. Gérard Leseul (SOC). Je remercie pour sa bonne volonté Mme la rapporteure, qui a proposé une position intermédiaire, et le Gouvernement pour sa sagesse à ce sujet. Néanmoins, la référence qui vient d’être faite aux pratiques au niveau européen doit aussi être entendue. Je suis favorable à la proposition orale de notre collègue : mettons-nous d’accord avant la séance sur une durée de cinq ans ou, si on veut se rapprocher de la position de notre rapporteure, de six ans.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il n’y a pas lieu de négocier de la sorte : la durée est de huit ans pour un projet industriel normal, notamment en raison des délais d’investissement et de construction des usines. Nous avons proposé de passer à dix ans pour les projets collectifs, parce qu’ils sont par nature plus gros, encore plus intenses en capital et plus complexes à piloter, mais nous nous rallions à l’amendement de la rapporteure, qui revient au droit commun pour les projets individuels. C’est un délai tout simplement raisonnable compte tenu de la durée des investissements des entreprises industrielles.

La commission rejette les amendements CS587 et CS624 et adopte l’amendement CS1309.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1265 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS586 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Nous proposons de supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 3. Si nous sommes favorables à la volonté de donner au public une vue d’ensemble des projets industriels dans un territoire donné, ces projets ne doivent pas être dispensés d’un débat public propre ou d’une concertation préalable propre. La consultation du public ne doit pas être appréhendée comme un frein au bon déroulement de l’instruction des projets, mais comme un moyen de se les approprier au sein des territoires dans des conditions adéquates.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Avis défavorable. Si l’on veut accélérer l’implantation de projets industriels, il ne faut pas ajouter systématiquement aux débats globaux des débats particuliers. L’alinéa 6 de l’article 3 prévoit que la CNDP, si elle le juge nécessaire, pourra toujours décider d’organiser un débat public propre ou une concertation préalable propre pour des projets ayant déjà fait l’objet d’un débat global ou d’une concertation globale, ce qui devrait vous rassurer.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Le ministre délégué nous a dit tout à l’heure, avec une forme de sincérité, que le temps industriel était parfois long et que la question était, du côté des investisseurs, la mobilisation des capitaux au service des projets, ce qui peut prendre des années. Cela contredit tout ce qui nous a été dit au sujet du rabougrissement des délais de consultation. Nous avons les mains dans le cambouis et les pieds sur le terrain : nous savons bien que ce qui détermine un investissement, ce ne sont pas deux mois grignotés sur un débat public, sur une enquête publique ou sur la manière dont le commissaire enquêteur se positionne. Tout cela peut faire l’objet d’un travail en temps masqué. Ce qui est déterminant pour un investisseur, c’est de savoir s’il y a des terrains disponibles, si on peut les viabiliser rapidement, s’il est possible, lorsqu’il s’agit de friches, de les dépolluer par des financements croisés et d’envisager leur réaffectation, et si on se trouve à proximité de services publics, d’infrastructures ferroviaires permettant au projet industriel de prospérer et d’acheminer les matières produites vers le client ; ce ne sont pas trois broutilles administratives qui, au bout du compte, ne pèsent pas sur les choix des investisseurs.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Ces deux alinéas prévoient un délai de dix ans. Ne faudrait-il pas le ramener à huit ans, compte tenu de l’amendement adopté précédemment ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur Jumel, vous avez presque raison sur tous les points, et je vous remercie d’avoir souligné ma sincérité. Néanmoins, il ne s’agit pas de broutilles.

Oui, il faut du foncier, des services publics, de l’électricité, des talents, de la formation, mais il faut aussi aller vite. Je parle toutes les semaines à des investisseurs industriels, de chez nous et d’ailleurs : c’est ce qu’ils veulent. Tous les mois en moins sont des mois gagnés. Pour l’usine Tesla de Berlin, il ne s’est écoulé que deux ans entre la demande d’autorisation et la première sortie d’une voiture de l’usine. Nous avons réussi à faire de même pour l’usine de batteries de Douvrin : la procédure d’autorisation a débuté en juin 2021 et la première batterie est sortie de l’usine en juin 2023, mais c’est une exception. Il faut que cela devienne la règle.

La moyenne actuelle est de dix-sept mois, mais il faut parfois deux ou trois ans pour avoir l’autorisation de construire une usine, ce qui prend ensuite deux ou trois ans de plus. Faire passer le délai de dix-sept à neuf mois, ce n’est pas une broutille. Je suis sûr que si vous en parlez aux industriels que vous connaissez bien, à Dieppe, ils vous diront que neuf mois, c’est déjà beaucoup. Nous avons besoin de célérité.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS922 du Gouvernement et CS1421 de Mme Christine Decodts, et amendement CS324 de Mme Danielle Brulebois (discussion commune).

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’objectif de l’amendement du Gouvernement est de rétablir un principe supprimé par le Sénat. Il s’agit, pour des projets ultérieurs cohérents avec la vocation d’une zone, de se contenter d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale, à condition que la CNDP soit d’accord et étant entendu que les projets resteront soumis aux autorisations environnementales et à la délivrance d’un permis de construire.

Je vais vous donner un exemple très récent. À Hambach, près de Sarreguemines, nous aurions pu avoir une concertation globale sur un terrain faisant, notamment, l’objet d’un projet de panneaux photovoltaïques. L’entreprise Rec Solar a décidé de se retirer, mais un autre investisseur, Holosolis, est prêt à prendre le même terrain dans les mêmes conditions pour faire la même chose. Sans les dispositions que nous vous proposons, il faudrait recommencer tout le processus ; grâce à elles, Holosolis devrait évidemment demander une autorisation environnementale et un permis de construire, mais pourrait s’inscrire dans le cadre d’une étude globale pour réaliser un investissement cohérent avec la politique menée par les élus locaux, qui souhaitent en l’espèce créer une espèce de hub pour les panneaux solaires. C’est un enjeu extrêmement important. Dans un délai qui sera désormais de huit ans, un projet pourrait être remplacé par un autre à condition que leur vocation soit commune.

Mme Danielle Brulebois (RE). Nous devons effectivement avancer et faire confiance à la Commission nationale du débat public. S’il y a un débat global sur la vocation d’une zone, cela doit valoir pour tous les cas de figure. La CNDP a fait ses preuves depuis 1995 en matière de démocratie environnementale. Elle veille au respect du droit et à la participation du public à l’élaboration des projets ayant un impact environnemental. Elle s’est récemment dotée, par ailleurs, de nouveaux outils très efficaces – la participation du public a largement augmenté.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement et du mien, qui sont plus complets.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous sommes opposés à cette modification de l’alinéa 4. Vous semblez dire que seront concernés non seulement les projets qui auront fait l’objet d’une concertation mais aussi tous ceux qui pourraient s’y rattacher, ce qui pose un sérieux problème.

Je réitère, par ailleurs, ma question : à partir du moment où nous avons adopté un amendement prévoyant une mise en œuvre dans un délai de huit ans, ne faut-il pas modifier cet alinéa dans le même sens ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Oui, nous avons assuré la coordination. Pour le reste, ce sont des dispositions extrêmement importantes.

La commission adopte les amendements CS922 et CS1421.

En conséquence, l’amendement CS324 tombe, ainsi que les amendements CS625 de M. Nicolas Thierry, CS1266 et CS1267 de Mme Christine Decodts et CS819 de M. Alexandre Loubet.

 

Amendement CS1228 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Afin de réindustrialiser le pays, les députés du Rassemblement national soutiendront toute mesure visant à accélérer les procédures d’installation ou d’extension de projets créateurs d’emploi et de richesse. En revanche, nous refusons d’accorder à la CNDP, qui est un organe non élu, le droit de déroger à la possibilité offerte par cet article du projet de loi de mutualiser des consultations du public pour des projets portant sur le même secteur.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je ne suis pas d’accord avec vous. Il me paraît très important de maintenir la possibilité de réaliser un débat public ou une concertation préalable sur un projet unique si la CNDP l’estime nécessaire. Cela peut être justifié, notamment, par des contraintes de calendrier et des spécificités locales. Dans certains cas, en outre, le fait de maintenir un débat propre peut favoriser une meilleure acceptabilité des projets auprès de la population. Il convient donc de maintenir la possibilité ouverte par le texte, celle-ci ne devant pas, bien sûr, être utilisée de manière systématique. J’ajoute que la CNDP devra motiver sa décision. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Pierre Meurin (RN). La Commission nationale du débat public porte particulièrement mal son nom : je ne vois pas ce qu’elle a de public ou en tout cas de citoyen en matière de consultation. C’est un organe qui débat avec des corporations – souvent des associations lobbyistes –, mais qui ne reflète absolument pas ce que peuvent penser les citoyens. Nous ne souhaitons donc pas que la CNDP puisse intervenir en matière de réindustrialisation : nous préférons les consultations publiques classiques. Il faudrait refondre la CNDP pour qu’elle puisse vraiment favoriser le débat citoyen – elle est si confidentielle que ce n’est pas du tout le cas à l’heure actuelle. Je vous invite à chercher, dans vos circonscriptions, des citoyens qui savent ce qu’est la CNDP et à quoi elle sert.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). J’ai été membre de la CNDP : elle ne ressemble en rien à ce que vous avez décrit. Son rôle est d’organiser des débats publics, des processus de participation des citoyens, et je peux vous dire qu’elle a été très utile pour de nombreux sujets : elle a amené beaucoup de monde dans des salles pour débattre. Vous dites, par ailleurs, que la CNDP n’a aucune légitimité démocratique. Or elle fait partie du processus démocratique, dans lequel elle joue un rôle essentiel. Je pense que nous devrions même étendre ses responsabilités et la décentraliser, pour qu’elle existe dans les territoires. Beaucoup de projets passent sous son radar, alors que les exercices qu’elle mène me paraissent absolument indispensables. Je m’oppose évidemment à votre amendement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je me distingue des collègues du RN sur beaucoup de points, notamment la démocratie. Je suis favorable au nucléaire, mais je pense qu’il faut mener un débat aussi large et aussi contradictoire que possible lorsqu’on prend des décisions en la matière. Je suis, par ailleurs, défavorable au projet éolien au large du Tréport, mais j’étais pour un débat à ce sujet. La CNDP a émis un avis défavorable au projet, mais les critiques ainsi formulées n’ont pas été prises en compte par l’État, ce qui pose, démocratiquement, une autre question. Quand la CNDP émet des réserves majeures, c’est comme si elle pissait dans un violon, comme disait ma grand-mère.

Il est faux de dire, en tout cas, que la CNDP n’est pas un lieu où s’expriment des débats d’une manière contradictoire, voire conflictuelle – ce qui s’appelle la démocratie. Je suis profondément attaché au développement industriel. Nous avons au sein de la gauche des désaccords, qui ne sont pas insurmontables, en ce qui concerne le mix énergétique, mais je souhaite que ceux qui ne pensent pas la même chose que moi aient le droit de s’exprimer, de même que je souhaite que ceux qui pensent comme moi puissent présenter leurs arguments. C’est ce qui fait la différence entre nous, Monsieur Meurin.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS765 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à supprimer l’obligation pour la CNDP de motiver sa décision de s’autosaisir en vue d’organiser un débat ou une concertation sur un projet. Une telle condition apparaît inutile et incohérente pour une autorité administrative indépendante, d’autant qu’aucun recours n’a vocation à être porté contre une telle décision d’autosaisine. Nous proposons donc de supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 6.

Mme Christine Decodts, rapporteure. N’oublions pas les porteurs de projet. La CNDP est attachée à la transparence des procédures et il importe qu’elle puisse motiver sa décision. En outre, connaître les raisons de la décision permet au porteur de projet de mieux la comprendre, ce qui peut contribuer à éviter d’éventuels conflits ou recours. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Raphaël Schellenberger (LR). L’autorité qui demande toujours des justifications supplémentaires aux porteurs de projet n’aurait donc pas à se justifier. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », voilà à quoi se résument tous les amendements que vous présentez depuis le début.

M. Pierre Meurin (RN). Je partage la vision de M. Schellenberger. Si cet amendement était adopté, la CNDP deviendrait toute-puissante : elle n’aurait même plus besoin de motiver ses décisions quand elle se saisit d’un projet industriel. Alors que le projet de loi vise à accélérer la réindustrialisation de la France, l’amendement y mettrait un coup de frein majeur en conférant un pouvoir presque discrétionnaire à la CNDP sur des projets industriels importants.

Sans parler de notre scepticisme quant à l’utilité, à l’intérêt et au coût financier de la CNDP, nous préconisons plutôt des instances administratives décentralisées au plus près des citoyens. Dans les circonscriptions, personne ne connaît la CNDP, ce qui est problématique pour un organisme chargé du débat public. Notre méfiance à son égard est réelle : la laisser faire ce qu’elle veut, sans motiver sa décision, et lui en donner quitus nous pose des difficultés.

M. Gérard Leseul (SOC). C’est sur l’autosaisine que porterait l’absence de justification, non sur la décision finale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS367 de M. Nicolas Meizonnet et CS1120 de M. Pierre Meurin (discussion commune).

M. Nicolas Meizonnet (RN). Le présent amendement a pour objet d’exclure l’éolien et le photovoltaïque des dispositions prévues par l’article 3.

La nécessité d’optimiser la participation du public en amont des projets ne doit pas s’appliquer à certaines infrastructures. Les installations éoliennes et photovoltaïques modifient la nature de l’environnement où elles sont installées et font parfois l’objet d’un rejet massif de la part des riverains. En les excluant, l’article se concentre sur l’industrie verte et ne devient pas une réplique de la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables.

M. Pierre Meurin (RN). Pour ma part, je ne propose d’exclure que l’éolien. Pour faire un peu de « marteau-thérapie », je rappelle qu’en matière d’artificialisation, les éoliennes représentent 3 000 tonnes de béton et utilisent, au regard de la puissance installée, une surface mille fois supérieure à celle d’une centrale nucléaire. Elles n’ont pas leur place dans ce projet de loi et nous souhaitons installer des garde-fous. Nous avons déjà eu un long débat sur la question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ; il faut que cela s’arrête.

Mme Christine Decodts, rapporteure. À Dunkerque, nous avons à la fois une installation nucléaire et un parc éolien en mer. Le développement des énergies renouvelables est indispensable pour lutter contre le dérèglement climatique et pour favoriser notre indépendance énergétique. La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, promulguée en mars, doit nous permettre de produire davantage d’énergie décarbonée. Cela inclut les éoliennes et les panneaux photovoltaïques.

L’alinéa 6 prévoit que la Commission nationale du débat public, si elle le juge nécessaire, pourra toujours décider d’organiser un débat public propre ou une concertation préalable propre pour les projets qui auront déjà fait l’objet d’un débat global ou d’une concertation globale. La disposition pourra donc s’appliquer aux projets d’éoliennes si la CNDP l’estime justifié.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La haine des Don Quichotte de l’éolien est à géométrie variable : vous proposez là de rouvrir des débats sur un sujet que vous refusiez absolument d’aborder tout à l’heure. En cohérence avec vos arguments précédents, je suis défavorable à ces deux amendements.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le combat contre l’éolien et les énergies renouvelables vire à l’obsession, avec des arguments à géométrie variable. Tout à l’heure, il ne fallait pas organiser trop de débats ni associer la population, car les consultations publiques ralentissaient les projets industriels ; maintenant, l’exposé sommaire du premier amendement invite à organiser un « dialogue le plus complet possible » avec les habitants. Votre conception du débat public est au service des causes que vous défendez ; la concertation ne doit exister que si elle y est favorable. Nous nous opposons à vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS1268 de Mme Christine Decodts.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Le Sénat a souhaité renvoyer la définition du « territoire délimité et homogène » à un décret en Conseil d’État. Or, dans le cadre de la mise en œuvre d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale, la CNDP est saisie par la personne publique appropriée – le préfet, la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale – et c’est à celle-ci qu’il revient de préciser et de justifier la délimitation précise de la zone géographique concernée. Il convient donc de supprimer cet ajout.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CS588 de M. Hubert Wulfranc et CS766 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de supprimer l’alinéa 8, qui porte à dix ans au lieu de cinq le délai durant lequel un projet peut être dispensé d’un nouveau débat public ou d’une nouvelle concertation préalable.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je vous invite à retirer votre amendement au profit de l’amendement de compromis à suivre, qui porte le délai à huit ans.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suggère aussi un retrait des amendements et donne un avis favorable à l’amendement suivant.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). En trois ans, il se passe beaucoup de choses dans un territoire en matière sociale, économique et écologique. C’est la raison pour laquelle nous soutenons un délai de cinq ans.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’amendement CS1310 de Mme Christine Decodts, rapporteure.

 

Amendement CS297 de M. Julien Dive.

M. Thibault Bazin (LR). Lorsque l’avis de la CNDP n’est pas pris en compte, la représentation nationale doit être éclairée par un rapport du Gouvernement justifiant le choix fait par le porteur de projet. Il est déjà arrivé que des projets ne voient pas le jour alors qu’ils avaient recueilli des avis favorables, et inversement – vous voyez certainement à quoi je fais référence.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Je suis d’accord avec vous, il est essentiel que le public comprenne pourquoi l’avis de la CNDP n’est pas suivi. Toutefois, le véhicule utilisé ne semble pas être le bon. C’est au porteur de projet qu’il revient de justifier son choix, pas au Gouvernement. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je souscris à l’amendement de M. Dive. Il arrive que la Commission nationale du débat public émette un avis favorable et que le projet soit enterré. Parfois aussi, elle émet un avis défavorable, de même que trois ministres successifs – M. de Rugy, Mme Pompili, M. Hulot – et l’ensemble des collectivités territoriales concernées, et pourtant, le projet se fait tout de même. Le projet éolien offshore au large du Tréport en est l’illustration. Si l’amendement était adopté, les pêcheurs du Tréport se porteraient mieux.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS351 de M. Jérôme Nury.

 

Amendement CS263 de M. Jérôme Nury.

M. Thibault Bazin (LR). Les grands projets d’aménagement et industriels nécessitent de nombreuses autorisations en vertu de codes différents, ce qui complexifie les procédures et occasionne parfois des doublons. Cet amendement d’appel tend à ce que soit étudiée la possibilité d’une concertation publique unique, permettant de réduire le poids de la concertation et les incertitudes qui en découlent dans le processus d’instruction des dossiers. Ce sont souvent les mêmes éléments qui sont portés à connaissance.

Mme Christine Decodts, rapporteure. Le chapitre II du titre Ier du projet de loi permet de raccourcir les délais, en amont et dans la phase d’instruction, grâce à deux mesures phares adoptées en commission, qui permettront de gagner plusieurs mois. Il convient d’abord de les appliquer. Nous avons aussi besoin de stabilité juridique. C’est pourquoi un rapport sur une nouvelle modification des consultations du public d’ici à six mois ne paraît pas opportun. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS541 de M. Olivier Marleix et sous-amendement CS1425 de M. Antoine Villedieu.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Cet amendement du groupe Les Républicains vise à protéger les demandes d’installations industrielles face à l’inflation normative qui retarde l’installation des projets et décourage les implantations industrielles en France. Cette stabilisation juridique est nécessaire pour favoriser la réindustrialisation de notre pays et limiter les émissions de carbone importées depuis des pays où les modes de production industrielle sont plus polluants.

M. Antoine Villedieu (RN). Pour continuer la « marteau-thérapie », les éoliennes utilisent des tonnes de béton, des terres rares, prennent de la place dans les champs, artificialisent les terres et polluent visuellement nos paysages. Elles ne concourent en rien à la transition écologique. C’est pourquoi elles doivent être exclues des dispositions de cet amendement.

Mme Christine Decodts, rapporteure. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique a renforcé la sécurité des porteurs de projet. En conséquence, je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Quant au sous-amendement, qui est plutôt d’appel, il reviendrait à mettre la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire au repos pendant trois ans. J’en comprends la logique, liée au besoin de stabilité normative et de visibilité des porteurs de projet et des services administratifs, mais sa radicalité et les problèmes de constitutionnalité qu’il présente me conduisent à émettre un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je serai défavorable à tous les amendements et sous-amendements de type « Don Quichotte », tel celui ici présenté.

Pour les mêmes raisons que la rapporteure, je suis également défavorable à l’amendement CS541.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Ce sous-amendement et les amendements obsessionnels du Front national sur les éoliennes me font penser à son obsession des immigrés. Comme ces derniers, les éoliennes sont laides et responsables de tous les malheurs de la France ; elles sont remises à toutes les sauces, même quand cela n’a rien à voir avec le sujet – c’est maladif. Pourtant, vous avez un point commun avec les éoliennes : vous brassez du vent.

M. Bruno Millienne, président. À chacun ses obsessions : pour les uns, les éoliennes ; pour les autres, le nucléaire.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis déçu par les réponses apportées à l’amendement, pourtant intéressant. Lorsque l’on a déposé un dossier sur le fondement d’une législation, l’arrivée d’une nouvelle législation qui modifie considérablement le projet est pénalisante. Cette instabilité normative nuit aux investissements industriels complexes, qui nécessitent des études approfondies, de la recherche et du développement. J’ai des exemples concrets de projets d’aménagement pour lesquels l’empilement des législations successives a conduit à l’annulation des dépôts initiaux. Si l’on veut industrialiser rapidement notre pays, il faut pouvoir s’appuyer sur une base légale stable, celle qui existe au moment où l’on dépose le dossier.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’excellente loi d’accélération et de simplification de l’action publique a permis de cristalliser le droit environnemental dès que le dossier complet est déposé et jugé recevable. L’amendement va trop loin en prévoyant cette cristallisation dès le dépôt du dossier.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement CS538 rectifié de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix (LR). Nous proposons une expérimentation de trois ans visant à garantir la stabilité des législations relatives à l’environnement. Un projet déposé est instruit sur le fondement du droit en vigueur au moment du dépôt du dossier complet, mais il n’est jamais à l’abri des effets d’une législation, nouvelle et non prévue au moment du dépôt initial, sur un autre sujet. Il s’agit d’assurer qu’aucun droit nouveau ne viendra percuter la législation.

La rectification tend à remplacer, au deuxième alinéa, le terme « adopté » par « opposé ».

Mme Christine Decodts, rapporteure. Les porteurs de projet, les services administratifs comme les élus locaux ont en effet besoin de stabilité normative et de visibilité. Sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’amendement, même rectifié, pose un problème constitutionnel : on ne peut pas voter une loi empêchant des lois futures de s’appliquer à des projets à venir, sous prétexte que la concordance des temps, qui restera à préciser, ne serait pas respectée.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Une fois n’est pas coutume, je souscris aux propos de M. le ministre délégué. Il est surprenant d’interdire à une législation à venir de s’appliquer à un projet qui n’existe pas encore. Si le législateur adopte une nouvelle règle, ce n’est pas sans raison – les exemples de la lutte contre les pollutions et des mesures en faveur de la sobriété dans l’usage de l’eau le démontrent.

L’avis de sagesse de la rapporteure ne me surprend pas, compte tenu de la cohérence idéologique du groupe Les Républicains et de cette majorité : Nicolas Sarkozy disait « L’environnement, ça commence à bien faire ! », Emmanuel Macron demande une « pause réglementaire européenne » sur les normes environnementales. Toujours, la défense de l’environnement passe au deuxième plan !

Monsieur le président, vous continuez à mettre un signe « égal » entre le Rassemblement national et ses obsessions complètement caricaturales et la NUPES, alors que pas une seule fois depuis le début de l’examen du projet de loi, nous n’avons évoqué le nucléaire. Nous avons parlé de sobriété énergétique, de stratégie industrielle, de disponibilité des minerais, d’usage de l’eau, de lutte contre la pollution. Votre stratégie consistant à nous renvoyer dos à dos est inefficace et dangereuse.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis tout à fait étonné de l’avis de sagesse de la rapporteure et soutiens le ministre délégué. L’amendement du groupe Les Républicains est non seulement anticonstitutionnel, mais contraire à toute éthique.

Cet amendement fait fi de la science qui, en trois ans, peut découvrir de nouveaux compartiments de l’impact de telle ou telle pollution négligés et inconnus auparavant. Il procède d’un mépris profond de la démocratie, empêchant une majorité nouvelle d’introduire des protections ignorées par la précédente. Au nom de la science et de la démocratie, notre groupe votera contre l’amendement.

M. Olivier Marleix (LR). Il faut baisser d’un cran dans les angoisses. Notre droit prévoit d’ores et déjà qu’un projet est instruit dans le cadre du droit en vigueur au moment de son dépôt. Il n’y a là rien que de très normal.

Certains grands projets industriels ou d’infrastructures, tels que – je vais dire un « gros mot » – la liaison ferroviaire Lyon-Turin, sont intégralement remis en cause au motif que la législation environnementale a évolué sur tel ou tel point et qu’il faudrait les reprendre de zéro. Nous proposons d’introduire un principe de non-rétroactivité. Il ne s’agit pas d’interdire au futur législateur de progresser ni d’introduire dans la loi de nouvelles précautions si cela lui fait plaisir, mais d’en préserver les projets déposés ou instruits deux ou trois ans plus tôt.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je suis très attaché à la stabilité normative. Lorsqu’Édouard Philippe était Premier ministre, nous lui avons recommandé de la renforcer, et la solution que nous avons trouvée dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique a consisté à lier celle-ci au projet.

Au demeurant, tel est le cas que vous décrivez : si un porteur de projet dépose un dossier irréprochable à l’aune du droit en vigueur, il n’a pas à subir les aléas de la réglementation, non seulement ceux de la loi – s’agissant, par exemple, du code de l’environnement et du code de l’urbanisme, notamment en matière d’archéologie préventive – mais aussi ceux des dispositions réglementaires et des procédures. Pour garantir la constitutionnalité de la loi, nous avons exclu de ces dispositions celles issues du droit européen, qui s’appliquent en tout état de cause.

Néanmoins, l’amendement risque d’avoir pour effet de figer le droit. Il ne stabilise pas le projet, mais interdit toute évolution du code de l’environnement, ce qui me semble à la fois contraignant et trop large. Il ne faudrait pas si, dans quelques semaines, un aléa ou un progrès scientifique survient, si, dans quelques années, une nouvelle majorité est élue, que le législateur soit empêché de légiférer. Je préfère que nous nous en tenions à la protection et à la sécurisation de l’industriel et du chef d’entreprise porteur de projet, à laquelle nous sommes tous favorables, plutôt qu’édifier des barrières susceptibles d’entraver à l’avenir une modification de la loi procédant de bonnes intentions.

Ainsi, nous envisageons de modifier la loi pour faciliter la reconstruction des mairies, des commerces et des écoles. Peut-être faudra-t-il modifier des dispositions du code de l’environnement et du code de l’urbanisme. Je ne souhaite pas que nous introduisions des contraintes législatives dont nous pourrions regretter l’existence dans quelques années. Je préfère que nous nous en tenions à la sécurisation du porteur de projet.

À titre personnel, je souscris à l’argumentation de M. le ministre délégué. Monsieur Marleix, je comprends votre démarche, mais je ne suis pas convaincu que la voie que vous empruntez soit la bonne.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est une idée sympathique qu’a eue notre collègue Marleix de dire : « Il y en a marre de ces changements permanents ! ». Mais son amendement ne colle pas avec cette idée.

La stabilité normative procède d’une volonté politique du Gouvernement et du Parlement. Dire qu’on ne bouge plus pendant deux ou trois ans et on verra après, c’est possible, mais c’est une volonté politique.

Un amendement prévoyant qu’un texte de loi créant de nouvelles obligations en matière d’environnement ne pourra être adopté signifie que la représentation nationale renonce à légiférer souverainement. Une telle disposition, prévoyant par exemple une stabilité normative en matière fiscale ou environnementale, ne peut figurer que dans un texte constitutionnel – je souhaite bien du plaisir à ses rédacteurs – et pas dans une loi ordinaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Chers collègues de la majorité, vous vous êtes habitués, en six ans, à vous asseoir sur l’État de droit. Je vous recommande de ne pas vous asseoir trop souvent dessus.

Notre collègue Charles de Courson a raison. Il existe deux principes irréfragables : la loi ne peut pas être rétroactive et le Parlement ne peut pas contraindre ceux qui lui succéderont à une législation constante. Ce sont des principes fondamentaux de la démocratie. De surcroît, nous ne pouvons pas reculer en matière de droit de l’environnement, dès lors que nous avons adopté des traités, figurant à ce titre dans le bloc de constitutionnalité, qui nous en empêchent.

Quant à l’hypothèse ouverte par Charles de Courson, elle me laisse sceptique. Comment un peuple souverain peut-il limiter la capacité de ses futurs représentants à modifier la Constitution ? Depuis 1789, la démocratie repose sur quelques principes fondamentaux sur lesquels on ne peut s’asseoir.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette les amendements identiques CS352 de M. Jérôme Nury et CS396 de M. Vincent Rolland.

 

CHAPITRE III
Favoriser le développement de l’économie circulaire

 

Avant l’article 4 A

 

Amendements identiques CS108 de M. Philippe Fait, CS589 de M. Hubert Wulfranc et CS846 de M. Gérard Leseul.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Le rapport demandé au Gouvernement permettra d’évaluer l’efficacité des mesures favorisant un changement du modèle de production des industriels. Si les entreprises ne sont pas encouragées à modifier leurs méthodes de production et à prendre les mesures appropriées, il est probable qu’elles continueront à utiliser une quantité excessive d’hydrocarbures.

Il est impératif de soutenir financièrement leur effort de recherche, notamment pour développer des techniques d’utilisation de matières premières plus économes. La surconsommation de ressources, qui a des répercussions évidentes sur l’environnement, les met en péril à long terme.

M. Gérard Leseul (SOC). Nonobstant les arguments opposés aux demandes de rapport, nous pensons que celui prévu par les amendements fait exception. Si le texte est assez clair sur la partie industrielle, sa partie « verte » est assez floue. La remise au Parlement d’un rapport sur les mesures prises relatives à l’accompagnement et à l’incitation des industriels vers un changement de modèle de production tenant compte de la raréfaction des ressources et du cycle de vie des produits nous semble utile.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure pour les chapitres III et IV du titre Ier. Je prends note de ces arguments, mais, s’agissant d’une demande de rapport, j’émets un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Notre groupe votera les amendements. Même s’il ne s’agit que d’un rapport, celui-ci est l’une des conditions sine qua non d’un soutien réel à l’industrie de la transition.

On ne peut pas faire l’économie d’une étude précise de la façon dont les industriels procèdent pour réduire leur consommation d’énergie et de matières premières rares ainsi que leur importation, et du travail et de l’investissement dans d’autres ressources qui s’imposent. Il s’agit d’un gros manque du projet de loi, que nous voulions amender en ce sens. La plupart de nos amendements ont été jugés irrecevables, ce qui est regrettable, car nous avons l’occasion d’agir de façon vraiment systémique pour changer les choses.

Un rapport, ce n’est pas grand-chose, mais cela permet de jeter les bases pour l’avenir, de préparer la suite. Nous souhaitons distinguer les industries polluantes des autres et les aider à se verdir, dans le cadre de la nouvelle industrie verte.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). D’emblée, l’examen de ce texte a offert à la majorité l’occasion d’introduire dans nos débats une nouvelle jurisprudence considérant que les rapports demandés au Gouvernement ne servent à rien, d’autant qu’ils ne sont jamais remis. Cela m’inspire deux observations.

D’abord, si vous concédez de temps en temps à vos oppositions quelques rapports, c’est pour tenter de montrer votre bonne volonté. Désormais, nous savons qu’il s’agit de promesses qui ne seront jamais tenues.

Ensuite, je constate que, lorsque le Parlement décide, même un président de commission renonce à faire appliquer sa décision. Cela me préoccupe compte tenu de la mission de contrôle qui est la nôtre, et de l’exigence que nous pouvons formuler d’obtenir des rapports présentant des études et des diagnostics permettant, s’agissant de sujets complexes, d’éclairer le Parlement avant qu’il prenne une décision. Je ne peux m’empêcher d’y voir une fragilisation supplémentaire de la démocratie et du rôle du Parlement.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Qui, parmi nous, est informé de la solution de décarbonation Cryocap mise en œuvre par Air Liquide, qui attend une aide de l’État et envisage un investissement initial de l’ordre de 8 milliards d’euros ? Qui mesure ce que signifie l’alimentation des fours du cimentier Vicat avec des déchets urbains et des terres polluées, ainsi que le retour sur investissement à l’export qu’il attend de la capture du carbone en Californie ? Qui connaît les efforts du groupe pharmaceutique Seqens pour produire la chaleur nécessaire à une unité de production de paracétamol à partir de déchets incinérés et de biomasse ? Personne !

Ce que nous demandons, c’est la possibilité de prendre la mesure de la progression de l’industrie verte, opérateurs privés compris, avant même l’adoption du présent projet de loi. Le rapport que nous demandons le permettrait, en montrant également le séquençage des aides publiques, qui demeure d’actualité.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Me sentant visé par les propos de M. Jumel, je rappelle que j’ai toujours tenu, sur les demandes de rapport, des propos identiques : j’ai toujours voté contre et fais preuve de constance à ce sujet.

Tel est aussi le cas des sénateurs. Ayant eu, depuis un an, l’occasion de siéger en commission mixte paritaire plus souvent qu’auparavant, je constate qu’ils suppriment quasi systématiquement les demandes de rapport.

Quant au rôle des présidents de commission, je veux bien veiller à l’application de la loi, mais celle-ci ne contraint pas le Gouvernement à rédiger les rapports demandés, ni à les remettre, et je n’ai aucun pouvoir de coercition pour ce faire. En revanche, nous disposons de moyens de contrôle bien plus puissants. En un an, nous avons mené trois fois plus de missions d’information qu’au cours de la première année de la précédente législature et auditionné le Gouvernement onze fois.

Les nombreux outils de contrôle dont nous disposons permettent de poser des questions au Gouvernement, d’auditionner des responsables et de mener des missions d’information. Tout cela me semble plus utile que les demandes de rapport.

Ces observations valent réponse à toute demande de rapport ultérieure.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS519 de M. Emmanuel Blairy.

 

Article 4 A : Plans territoriaux de l’industrie circulaire

 

Amendements identiques CS225 de M. Jérôme Nury, CS665 du Gouvernement et CS741 de M. Henri Alfandari.

M. Roland Lescure, ministre délégué. À l’article 4, dont l’examen suit, nous introduisons des dispositions essentielles visant à favoriser l’économie circulaire et à simplifier l’utilisation de matières considérées comme des déchets mais servant de plus en plus de matériaux dans les processus de production.

L’article 4 A, adopté au Sénat, soulève des problèmes parce qu’il territorialise les enjeux de l’économie circulaire, notamment celui de l’utilisation de déchets. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « Agec », prévoit que les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) sont nationales. Par ailleurs, de plus en plus de projets de recyclage chimique du plastique prennent forme, en France – au Havre notamment – et ailleurs. Ils permettront de réduire le plastique à sa plus simple expression pour le recycler à l’infini, ce qui permettra de l’utiliser comme matériau dans de nouvelles productions et de limiter la pollution qu’il induit.

Tous ces sujets importants sont nationaux. Il ne faut en aucun cas les réduire à des projets territoriaux, au risque de ne pas avoir assez de déchets pour alimenter les usines qui souhaitent en utiliser.

En cherchant à inscrire les enjeux de l’économie circulaire dans les territoires, l’article 4 A risque d’être contre-productif. Le Gouvernement propose de le supprimer. Le recyclage industriel doit être envisagé à l’échelon national.

M. Henri Alfandari (HOR). L’exigence de simplification justifie la suppression de l’article. Par ailleurs, il ne nous semble pas nécessaire d’introduire des concepts ou des mots nouveaux pour aider à la communication des projets de loi.

Les projets concernés sont pour l’essentiel d’ampleur nationale. De nombreux outils, au premier rang desquels les sociétés d’économie mixte (SEM), permettent le cas échéant de les territorialiser.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. L’article 4 A, adopté à l’initiative des sénateurs de gauche, risque d’ajouter un document de planification entre de nombreuses parties prenantes s’agissant d’activités faisant d’ores et déjà l’objet d’une planification au moins à l’échelon régional. De plus, l’écosystème de l’économie circulaire peut créer des liens entre des entreprises éloignées géographiquement.

Certes, il est nécessaire de favoriser les circuits de traitement, de recyclage et de réemploi des déchets à proximité des lieux de production et de consommation, mais élaborer des projets territoriaux tels que ceux prévus à l’article 4 A ne semble pas nécessaire pour ce faire, d’autant que la mise en œuvre de la première phase de « Territoires d’industrie » permet de soutenir, dans le cadre de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), 1 800 projets dans 146 territoires et 542 intercommunalités pour la première phase.

Avis favorable.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le ministre, je prends note de vos arguments.

Nous nous sommes rendus ensemble sur un site de Solvay qui s’apprête à remplacer le charbon par des combustibles solides de récupération (CSR) ; à cette occasion, nous avons soulevé la question de leur transport et du rayon d’approvisionnement. L’initiative des sénateurs socialistes procède sans doute de l’intuition qu’il faut éviter de mettre sur la route des déchets combustibles à l’échelle nationale.

L’idée d’une planification permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) en jouant sur le mode de transport et la limitation des kilomètres parcourus dans le cadre de la gestion des déchets n’est pas mauvaise. Nous pourrions élaborer une disposition en ce sens d’ici à l’examen du texte en séance publique. La régionalisation comme un dogme, non, mais la prise en compte de la dimension carbone des hubs et des circuits des déchets est un vrai sujet.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous nous opposons à cet amendement de suppression. Monsieur le ministre, votre argumentaire restreint le champ de l’économie circulaire à la gestion des déchets et à la matière. Or l’économie circulaire se structure autour de trois domaines : l’offre des acteurs économiques, l’action vers le consommateur et la gestion des déchets.

L’offre des acteurs économiques repose notamment sur l’écologie industrielle et territoriale (EIT) et sur l’écoconception, qui elle-même est inséparable de la question du cycle de vie des produits. L’EIT consiste à réunir autour d’une table les acteurs d’un territoire donné pour en mutualiser les ressources, qu’il s’agisse de l’ingénierie, des équipements, des services ou des ressources telles que les déchets, l’énergie et l’eau – bref, tout ce qui comporte une dimension environnementale, territoriale et en circuit court.

Les projets territoriaux d’industrie circulaire qui figurent dans le projet de loi relèvent de l’EIT. Il nous appartient d’en améliorer la définition pour qu’elle en tienne compte. Je rappelle que plusieurs textes de loi en vigueur font référence à l’EIT.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cette excellente disposition n’a pas été votée que par la gauche sénatoriale – cela n’aurait pas suffi. Elle est le fruit d’un accord plus large auquel, je l’espère, nous aboutirons également ici.

N’opposons pas approche nationale et approche territoriale. Il y a une feuille de route nationale de l’économie circulaire et il convient, à l’échelle territoriale, d’organiser les coopérations nécessaires à sa mise en œuvre. Elle ne peut pas être décrétée d’en haut : elle peut être planifiée au niveau national, mais elle doit être mise en œuvre dans les territoires.

Par ailleurs, l’économie circulaire ne se limite pas à la question des déchets : elle englobe aussi la manière de produire et de consommer. Les entrepreneurs sont très sensibles à la notion d’écologie industrielle et territoriale : c’est une question qui les concerne directement et qui n’est pas opposée à leur activité économique, bien au contraire. Je rappellerai enfin que le programme « Territoires d’industrie », c’est de l’ingénierie, et qu’il ne s’appelle pas Territoires d’industrie circulaire. Ce que nous vous proposons, c’est de revisiter le dispositif pour le rendre plus pertinent.

M. Thibault Bazin (LR). Je souscris aux propos du ministre délégué et du rapporteur général. Notre collègue Dominique Potier a pris l’exemple de Solvay, que je connais bien puisque j’habite à 3 kilomètres de l’usine. Je peux vous dire que ses dirigeants ne nous ont pas attendus pour faire de l’économie circulaire, heureusement !

Ce qui me gêne, dans cet article, c’est son caractère prescriptif : il est écrit que des projets territoriaux d’industrie circulaire « sont élaborés » et non qu’ils « peuvent l’être ». Par ailleurs, toutes les précisions qui sont données vont alourdir les procédures. Je crois qu’il faut faire confiance aux territoires et aux acteurs de terrain pour trouver des solutions. Ils ne nous ont pas attendus ; il faut maintenant que les collectivités les accompagnent.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 A est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 4 A

 

Amendements identiques CS61 de Mme Virginie Duby-Muller, CS190 de M. Pierre Vatin, CS333 de Mme Danielle Brulebois et CS577 de M. Thibault Bazin.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). L’industrie du recyclage privilégiant le transport fluvial et maritime pour le transport de ses matières recyclées, elle s’implante en priorité dans les zones portuaires, où elle bénéficie d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public.

Afin que les entreprises de recyclage puissent continuer à se développer pour répondre aux défis de l’économie circulaire et de la transition écologique, il est nécessaire de sécuriser leurs investissements dans les zones portuaires. L’amendement proposé permet de prolonger la durée de l’autorisation et de l’aligner sur la durée de l’amortissement en cas de nouvel investissement durant la période définie par l’autorisation. Par ailleurs, cette procédure permettrait d’éviter une remise en état du site pour les besoins d’un nouvel occupant, notamment de déconstruire les bâtiments existants : sur le plan écologique, cette démarche serait en effet contraire à l’utilisation efficiente des ressources.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). L’industrie du recyclage se modernise et investit pour s’adapter aux nouveaux gisements de déchets à recycler et améliorer ses technologies de recyclage. Ces investissements sont lourds, de l’ordre de plusieurs millions à plusieurs dizaines de millions pour chaque installation. Or, sur le terrain, on constate que la durée des autorisations d’occupation temporaire du domaine public excède rarement vingt ans. Ce manque de visibilité à très long terme risque de pénaliser les entreprises et de rendre problématique la réindustrialisation de la France. C’est pourquoi nous proposons de prolonger la durée de l’autorisation et de l’aligner sur la durée de l’amortissement.

Mme Danielle Brulebois (RE). L’industrie du recyclage s’installe dans les zones portuaires, où les terrains sont affectés aux entreprises pour une durée limitée. Nous proposons de prolonger la durée de l’autorisation et de l’aligner sur la durée de l’amortissement en cas de nouvel investissement, afin de favoriser l’installation des entreprises de recyclage et leur pérennité dans les zones portuaires.

M. Thibault Bazin (LR). Je précise que cette prorogation ne concernerait que les investissements s’inscrivant dans le cadre de la transition écologique et ayant été programmés durant la période d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public. L’idée est vraiment d’inciter ceux qui cherchent à développer le transport maritime et à limiter le nombre de camions sur nos routes, à le faire. Cela représente des investissements lourds, sur des périodes assez longues. Sans cette prorogation, on va se retrouver avec des équipements sur lesquels il faudra de nouveau investir, ce qui n’est pas forcément très heureux.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Une autorisation temporaire d’occupation du domaine public est, par nature, précaire et révocable. Le code général de la propriété des personnes publiques nous dit qu’elle ne doit pas limiter la libre concurrence « au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis ».

La notion d’amortissement est donc déjà prise en compte pour fixer la durée de l’autorisation, sachant que ces autorisations peuvent tout de même être délivrées pour plusieurs dizaines d’années. Et la prolongation stricte ne donne pas lieu à remise en concurrence. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends vos arguments et le législateur les a entendus avant moi, puisque la durée des concessions portuaires peut aller jusqu’à cinquante ans. Ce sont des infrastructures particulières, qui nécessitent des investissements importants, sur le temps long. Une mise en concurrence tous les cinquante ans, c’est une pratique qui me paraît tout de même assez saine. Je vous invite donc à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je n’ai pas pu m’exprimer sur l’article 4 A et je le regrette beaucoup, parce que je voulais souligner l’importance de la logistique verte, qui dépasse la question du transport et qui est absente de ce projet de loi.

Si nous sommes d’accord pour dire que le transport fluvial contribue à la décarbonation de notre économie et de notre industrie, nous ne sommes pas favorables à ces amendements, qui posent plusieurs problèmes. Tout d’abord, un occupant temporaire pourrait tout à fait décider, au bout de dix ou trente ans, de faire un investissement et de prolonger ainsi indéfiniment la durée d’amortissement de ses investissements. Au lieu d’une durée limitée, on se retrouverait avec une durée infinie, ce qui ne manquerait pas de créer un effet d’aubaine. Il faut être raisonnable quand on modifie la loi et ne pas céder à toutes les pressions lobbyistes.

M. Thibault Bazin (LR). Il n’y a pas de pression lobbyiste : nous décrivons seulement une réalité économique. Investir dans des infrastructures portuaires, c’est très lourd. Et nous ne remettons pas en cause la domanialité publique. Tout ce que nous demandons, c’est d’allonger un peu le délai de vingt ans qui tend à s’imposer dans la pratique et qui paraît trop court pour faire face aux grandes évolutions actuelles. Les conteneurs, les grands gabarits, les canaux, la domotique… tout est en train d’évoluer. Il faut donner de la visibilité aux entreprises si nous voulons encourager de tels investissements. Monsieur le ministre délégué, je vous invite vraiment à approfondir cette question d’ici à la séance.

M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements ne me paraissent pas logiques. Vous n’allez pas investir si vous avez une durée de concession trop courte. J’ajoute que cela pose un problème fiscal, car lorsque la durée d’amortissement est supérieure à la durée de concession résiduelle, on a le droit de passer des provisions déductibles fiscalement, pour que le bien soit amorti en fin de concession. Si vous faites cela, vous allez avoir un sacré rattrapage fiscal. Je pense que ce qu’il faut, c’est négocier une durée de concession cohérente avec la durée des amortissements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour compléter l’excellente argumentation de M. de Courson, j’ajoute que l’on peut toujours négocier la prolongation d’une concession. Mais je ne suis pas favorable à une prolongation systématique.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CS901 de M. Jimmy Pahun, amendements identiques CS918 de M. Stéphane Delautrette et CS1013 de M. Charles Fournier, amendement CS85 de Mme Véronique Riotton (discussion commune).

M. Jimmy Pahun (Dem). Je propose de créer un schéma directeur du réemploi et de la réutilisation pour construire des synergies entre les différentes parties prenantes du secteur du réemploi et de la réutilisation. Nous avons besoin d’une planification en matière d’économie circulaire pour développer notre écosystème. Cet amendement est soutenu par les acteurs du réemploi et de l’économie sociale et solidaire.

M. Stéphane Delautrette (SOC). En France, 40 millions de biens ménagers deviennent des déchets chaque année. Il est donc urgent de structurer et de soutenir le développement du réemploi, qui est l’un des piliers de l’économie circulaire. C’est le sens de cet amendement.

Mme Véronique Riotton (RE). Le réemploi est une composante importante de l’économie circulaire. Mon amendement est soutenu à la fois par Rcube, la Fédération du réemploi et de la réparation, et par le Conseil national de l’économie circulaire, que j’ai eu l’honneur de présider.

Les acteurs de l’économie circulaire et du réemploi sont nombreux et leurs initiatives peuvent parfois entrer en concurrence. L’objet de cet amendement est de proposer un schéma national du réemploi pour coordonner leurs actions.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Que l’Agence de la transition écologique (Ademe) définisse un schéma directeur national du réemploi et de la réutilisation ne me paraît pas utile. Tant l’Ademe que l’Observatoire national du réemploi et de la réutilisation sont à même d’avoir une vue d’ensemble de la politique liée au réemploi et à la réutilisation et peuvent communiquer auprès des acteurs concernés. Avis défavorable sur ces amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis du même avis. L’Observatoire national du réemploi et de la réutilisation a été créé à la fin de l’année dernière par l’Ademe. Il est déjà chargé de collecter les données sur le réemploi, d’évaluer la pertinence des solutions de réemploi, de mener des études, de soutenir des expérimentations et de proposer des trajectoires de réemploi. Il n’a que six mois : donnons-lui le temps de développer ses connaissances et de montrer ce qu’il sait faire avant d’imaginer un schéma directeur, qui ne sera pas forcément nécessaire. Nous pourrons faire un premier bilan à l’occasion d’un prochain débat sur l’économie circulaire.

Pour l’heure, je vous invite à retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Il est absolument nécessaire de construire la filière du réemploi, du recyclage et du reconditionnement. On ne peut pas se contenter de dire qu’il existe déjà des études et des lignes directrices. En 2009, l’Union européenne a adopté une directive sur l’écoconception, bientôt suivie d’une autre, en 2010. Cela fait quatorze ans et nous n’arrivons pas à construire cette filière, ni au niveau national, ni au niveau territorial. Or il s’agit de la grande filière industrielle verte du futur : c’est celle qu’il faut construire sans tarder. Le schéma directeur ne serait pas un dispositif supplémentaire ; il s’appuierait sur les travaux de l’Ademe et de l’Observatoire pour planifier la construction de cette filière. Les besoins en main-d’œuvre sont tels qu’il faut renforcer sans tarder les lycées professionnels.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je tiens à saluer l’excellent travail d’observation, de collecte de données et d’analyse conduit par l’Ademe. Tout ce que nous proposons, c’est de capitaliser sur ce travail pour adopter une démarche plus opérationnelle en faveur de la filière du réemploi en France.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article 4 : Statut de déchet et transfert transfrontalier de déchets

 

Amendement CS53 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Cet amendement de suppression ne vise pas le bon alinéa. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je profiterai de cet amendement pour dire quelques mots sur cet article important – et même révolutionnaire – qui a suscité de nombreux débats au Sénat. Je crois qu’il va plaire à celles et ceux qui pensent que la France a parfois tendance à surtransposer les directives européennes. J’espère surtout qu’il va plaire à celles et ceux qui pensent que l’économie circulaire est l’une des conditions de la décarbonation et de la mise en œuvre d’une industrie verte en France.

Je rappelle que l’on a adopté, au niveau européen, des objectifs chiffrés, en pourcentage, de matières recyclées dans les batteries, qui vont donner un avantage compétitif aux batteries faites en France et en Europe. C’est un enjeu important, sur le plan écologique et économique.

Que dit cet article ? Quand un déchet n’est pas un déchet, mais la matière première d’un processus de production qui permet de produire autre chose, il doit pouvoir sortir du statut de déchet de manière implicite. C’est ce que prévoit la directive européenne, mais la France avait fait le choix de la surtransposition, en introduisant une démarche explicite. Concrètement, à l’heure actuelle, pour recycler en chiffon un tee-shirt collecté dans une borne relais, il faut un an de procédure. Il faut accélérer les choses : c’est la philosophie générale de cet article.

Certaines dispositions particulières ont fait l’objet de discussions un peu complexes au Sénat. Il faut distinguer trois cas de figure.

Premièrement, lorsqu’au sein d’une même plateforme, une entreprise A produit un déchet qui sert de matériau à une entreprise B, la sortie du statut de déchet est implicite. C’est ce qui est décrit à l’alinéa 5.

Deuxième cas de figure, décrit à l’alinéa 11 : une usine fait entrer des déchets d’origines diverses et les utilise pour fabriquer un produit – par exemple, des bouteilles en plastique pour faire des tableaux de bord de voiture. La dispense de procédure est, elle aussi, implicite et c’est dans l’entreprise qui utilise le déchet comme matériau que cette procédure est appliquée.

Enfin, un amendement qui a fait l’objet de nombreuses discussions au Sénat a conduit à la rédaction de l’alinéa 16, qui n’est pas toujours très bien compris. Il prévoit le cas où une usine A veut envoyer ses résidus à une usine B bien identifiée en sortant dès le départ ces résidus du statut de déchet.

Ces trois cas de figure visent un seul objectif : avoir une industrie française plus économe en ressources et plus compétitive.

S’agissant de l’amendement, j’émettrai un avis défavorable.

M. Damien Adam (RE). Pour m’assurer d’avoir bien compris, l’ensemble de l’article constitue-t-il un retour à la directive non surtransposée, ou seulement certains alinéas ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. La directive européenne donnait le choix entre deux options, la sortie implicite et la sortie explicite, et nous avons choisi la sortie explicite. Nous prévoyons ici la possibilité d’une sortie implicite si les déchets sont utilisés, soit sur une plateforme, soit dans des entreprises bien identifiées, qui ne sont pas nécessairement sur la plateforme, mais qui vont les utiliser comme input.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous considérons, comme le ministre délégué, que l’article 4 constitue une avancée. Nous y sommes donc globalement favorables, même si nous proposerons d’y apporter quelques précisions.

Pour le coup, voilà un article qui a sa place dans un projet de loi sur l’industrie verte et qui se préoccupe vraiment de la question du traitement des déchets. Nous proposerons de préciser qu’il importe que nous n’exportions pas nos déchets. J’aurais aimé vous interroger sur le statut, les missions et l’équilibre financier des éco-organismes, mais vous me direz que ce n’est pas l’objet de ce projet de loi. Toutefois, la question des déchets et de leur traitement – leur recyclage, leur transformation, leur réemploi, voire leur reconditionnement – nécessite d’organiser territorialement la récupération et l’accès à ce que l’on appelle désormais le « gisement ». Le principal enjeu des années à venir, ce sera l’accès à ces gisements de déchets. Il vaut mieux l’anticiper dès à présent. Nous sommes favorables à cet article mais il faudra aller beaucoup plus loin.

M. Henri Alfandari (HOR). Que faut-il entendre par « similaire » ? Cela signifie-t-il, par exemple, que le produit retraité devra avoir la même capacité calorifique que le produit initial ? Ce pourrait être un problème.

Deuxièmement, cette rédaction ne poserait-elle pas un problème pour des CSR qui seraient utilisés pour décarboner un processus industriel à dix, vingt ou trente kilomètres de l’endroit où ils ont été produits ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je n’ai pas la réponse à votre deuxième question, mais je m’engage à vous répondre avant la séance ou au cours de l’examen du texte en séance.

S’agissant de la première question, je vais vous donner quelques exemples précis pour illustrer successivement les cas de figure envisagés aux alinéas 11 et 16.

L’entreprise Orrion Chemicals a développé un procédé de recyclage des mousses de matelas ; elle s’en procure un peu partout et il est hors de question que chacun de ses lieux d’approvisionnement déclare la sortie implicite du statut de déchet. Dans ce cas, c’est Orrion Chemicals qui, à leur arrivée, déclare la sortie implicite de leur statut de déchet. Tout cela suppose naturellement que l’on respecte la réglementation en matière de déchets dangereux.

Prenons maintenant l’exemple de l’usine Ugitech, que M. Rolland évoquait tout à l’heure et qui produit des chutes de production métallique dans la Nièvre. Une aciérie utilise ces chutes pour produire de l’acier et de l’alliage : dans ce cas, c’est Ugitech elle-même, parce que cela se fait de gré à gré et que cette grande entreprise est capable de le faire, qui va déclarer elle-même la sortie implicite. Cela va limiter les démarches administratives pour l’entreprise récipiendaire, simplifier la procédure et, en passant, valoriser un peu mieux les déchets qui seront vendus à cette occasion par Ugitech.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1308 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendements CS1353 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback et CS1176 de Mme Delphine Lingemann (discussion commune).

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Cette disposition adoptée au Sénat clarifie l’approche de l’article 4 en attribuant le statut de sous-produit aux résidus qui sont réutilisés au sein d’une plateforme industrielle. Cependant, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a considéré que les quatre premières conditions relatives aux sous‑produits définies à l’article 5 de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives étaient automatiquement remplies et que seule la dernière condition relative à l’absence d’incidence globale nocive pour l’environnement ou la santé humaine devrait impérativement être démontrée. C’est le sens de cet amendement, qui ne vise pas à faire des sous-produits des plateformes industrielles une catégorie distincte de sous‑produits.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Mon amendement vise à préciser qu’un résidu de production peut être réutilisé au sein d’une plateforme industrielle à condition qu’il n’ait pas d’incidence nocive sur l’environnement ou sur la santé humaine.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Demande de retrait, car la rédaction que vous proposez est un peu différente de la mienne.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Demande de retrait de l’amendement CS1176 au profit de celui de la rapporteure, dont la rédaction a notre préférence.

L’amendement CS1176 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS1353.

 

Amendements CS1010 de M. Charles Fournier, CS844 de M. Gérard Leseul, CS436 de M. Laurent Alexandre et CS692 de M. Jean-Luc Fugit, amendements identiques CS1102 de Mme Anne-Laure Babault, CS115 de Mme Pascale Boyer et CS898 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune).

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il s’agit d’exclure, à l’alinéa 5, les résidus de production qui contiennent des substances présentant des propriétés dangereuses et qui, s’ils avaient été des déchets, auraient été qualifiés de déchets dangereux.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous souhaitons éviter que les résidus de production produits ou utilisés au sein d’une plateforme n’échappent aux dispositions spécifiques relatives aux déchets dangereux. C’est un amendement de précaution.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’article 4 permet à l’industrie d’utiliser des résidus de production en les considérant comme des sous-produits et non comme des déchets. Nous sommes favorables à cette utilisation de matières recyclées dans l’industrie, à condition de l’assortir de garde-fou puisque les déchets ont normalement un traitement bien particulier, notamment ceux qui sont nuisibles pour l’être humain ou pour l’environnement. Nous proposons donc d’exclure explicitement du dispositif les résidus de production qui auraient été considérés comme dangereux en tant que déchets. C’est une mesure de précaution pour garantir la protection de l’environnement, de la biodiversité et de la santé humaine.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Une partie des résidus produits sur une plateforme industrielle peuvent contenir des substances particulièrement dangereuses. Il convient donc, par précaution, de les exclure du dispositif de l’article 4 permettant de les qualifier de sous-produits.

Mme Anne-Laure Babault (Dem). Il faut non seulement éviter que les résidus dangereux soient requalifiés en sous-produits mais également garantir qu’ils bénéficieront du même traitement de dépollution que les déchets dangereux.

Mme Pascale Boyer (RE). Je souhaite que les résidus produits par une plateforme industrielle soient triés pour être retirés des déchets dangereux ou qui pourraient contenir des substances dangereuses telles que les PFAS (substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées) ou les polluants organiques persistants (POP). Ces déchets nécessitent un traitement similaire à celui des déchets dangereux, notamment en cas de combustion. Mon amendement vise donc à exclure les résidus de production considérés comme des déchets dangereux ou des déchets POP du périmètre d’application des mesures proposées.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Une partie des résidus de production des plateformes industrielles sont des déchets dangereux ou contiennent des substances dangereuses, nécessitant des conditions de traitement appropriées. Il serait opportun d’exclure ces résidus de production des dispositions de cet article.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Pour que les résidus de production bénéficient de la présomption de sous-produits prévue à l’alinéa 5, la plateforme industrielle devra prouver que le résidu qu’elle considère être un sous-produit respecte des normes relatives aux produits, à l’environnement et à la protection de la santé afin de le rendre utilisable dans un processus de fabrication.

De fait, le sous-produit ainsi considéré pourra avoir les caractéristiques d’un produit dangereux, et notamment devoir respecter toutes les règles du règlement européen de 2008 sur les produits dangereux dit CLP (Classification, étiquetage et emballage des substances et des mélanges) et le règlement dit « Reach » sur l’enregistrement et l’autorisation des substances chimiques. De plus, le producteur devra s’assurer que le sous-produit ne présente aucun danger pour la santé et l’environnement.

En tout état de cause, ce sous-produit ne peut pas être assimilé à un déchet dangereux, puisqu’il est assimilable à un produit. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Personne ne veut que cette procédure se traduise par des effets nocifs sur la santé des employés des entreprises ou des citoyens vivant à proximité. Vous venez d’adopter un amendement tendant à vérifier l’absence d’incidence nocive pour l’environnement ou la santé humaine de l’utilisation de sous-produits et vous souhaitez aller plus loin en excluant tout déchet dit dangereux. Le problème, c’est que ceux-ci ne sont pas nécessairement dangereux quand ils sont utilisés comme inputs dans un processus de production.

Pour ne citer qu’un seul exemple, l’entreprise Eco-Tech Ceram fabrique des billes de céramique pour des systèmes de stockage de chaleur. Cette céramique pourrait être fabriquée avec des cendres provenant de centrales thermiques. Ce sont des déchets qui sont classés dangereux. Or, utilisés comme inputs, ils ne sont absolument pas nocifs et permettent donc de recycler des matières qui, si elles étaient déversées dans la nature, seraient dangereuses. Vos amendements me semblent trop restrictifs et, s’ils étaient adoptés, obligeraient cette entreprise à prouver la non-dangerosité de ce processus. Je vous engage à retirer vos amendements, afin que l’on en reparle d’ici à la séance, car ils contraignent beaucoup l’économie circulaire sans changer grand-chose à la santé et au risque de production, qui sont nos soucis les plus importants.

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne suis pas certain que cet exemple ne soit pas une exception. Il me semble préférable de définir une règle générale pour les déchets listés à l’annexe III de la directive de 2008. Nous verrons bien, ensuite, s’il y a plusieurs exceptions.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). J’étais sur le point de retirer notre amendement mais, après avoir écouté les arguments de mon collègue, je pense que nous allons le maintenir. Nous proposerons peut-être de le compléter en vue de la séance.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous proposez de revenir au droit actuel, à savoir la sortie explicite du statut de déchet. Vous contraignez ainsi les entreprises à repasser par la procédure actuelle, qui dure un an. La procédure que nous proposons est implicite mais elle suppose tout de même de prouver que cela n’a aucun impact sur la santé ni sur l’environnement en sortie. Pour votre part, vous souhaitez que cela soit prouvé en amont.

Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, tout en soulignant que le principe de précaution existe puisque, dans mon exemple de l’entreprise qui fait de la céramique, celle-ci va quand même devoir prouver que ce déchet dont elle a assumé la sortie implicite dans son processus de production n’a pas d’effet sur la santé et sur l’environnement. Le débat porte donc sur le moment où la preuve doit être apportée. Vous limitez beaucoup l’étendue de cet article pour les déchets dits dangereux alors que leur champ est en fait extrêmement vaste. Nous pourrons en rediscuter d’ici à la séance.

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’argumentation du ministre est éloquente : si cette rédaction empêche de procéder au réemploi parce que ces substances seraient dangereuses, alors elle me paraît contrevenir à l’objectif de simplicité et de lisibilité. C’est la raison pour laquelle je retire mon amendement.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il serait possible de sous-amender en précisant qu’un résidu qui aurait le statut de déchet dangereux ne peut pas devenir un sous-produit, sauf si, dans un procédé de fabrication, son utilisation ne présente pas de danger. Je pense que ça pourrait régler le problème.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suggère vraiment de ne pas voter ces amendements, qui me semblent trop contraignants. Je suis à votre disposition dans la semaine qui vient pour travailler à une nouvelle rédaction. Mon objectif n’est pas de vous contrarier, mais d’accélérer l’économie circulaire. Les entreprises qui manient des matières dangereuses sont très contrôlées ; elles ne font pas n’importe quoi. Mais si vous votez ces amendements, vous leur imposerez un an de procédure pour réutiliser ces sous-produits.

M. Dominique Potier (SOC). Nous sommes plutôt favorables à l’adoption des amendements, mais nous pouvons travailler sur une réécriture en parallèle. Elle pourrait d’ailleurs être la suivante : « Sauf s’il est démontré que l’utilisation du déchet est conforme à la législation et ne provoque pas de danger, son statut est celui d’un déchet dangereux. » Cela permettrait de valoriser l’utilisation industrielle du déchet en économie circulaire, et de faire une exception en l’absence de démonstration. Il s’agirait en quelque sorte de renverser la charge de la preuve. Cela permettrait de satisfaire à nos deux attentes, qui sont toutes deux légitimes.

M. Jean-Luc Fugit (RE). J’entends votre proposition de travailler à une nouvelle rédaction et je retire donc mon amendement. Mais le député du Rhône que je suis, qui connaît bien les problématiques posées par la présence importante d’industries chimiques, appelle votre attention sur la nécessité de sécuriser le dispositif en vue de la séance.

Mme Pascale Boyer (RE). Je retire également mon amendement, à condition que l’on travaille à une nouvelle version. Je souhaite que des garanties soient apportées lors de la destruction du déchet.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je suis d’accord pour retirer mon amendement dans la mesure où nous essayons de trouver une rédaction qui fasse consensus d’ici à la séance.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vais être très concret : je propose aux députés qui ont déposé ces amendements et, s’ils le souhaitent, à un représentant de chaque groupe de venir avec Mme la rapporteure à Bercy pour travailler avec nos services à la rédaction d’un amendement que vous pourrez ensuite déposer collectivement en séance.

M. Gérard Leseul (SOC). Dans ces conditions, nous retirons également notre amendement.

M. le président Bruno Millienne. J’ajoute qu’il est de notre intérêt et de l’intérêt du Gouvernement que vous trouviez un accord sur un amendement commun : ainsi, nous ferons gagner du temps aux filières de réemploi, et c’est tout ce que nous souhaitons.

Les amendements sont retirés.

5.   Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 9 heures

M. le président Bruno Millienne. Nous reprenons l’examen des amendements sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. Nous en sommes à l’article 4 et un débat important nous attend ce matin sur le chapitre IV du titre Ier, qui porte sur la réhabilitation des friches pour un usage industriel.

Je rappelle que j’ai décidé de réserver l’examen du chapitre V du même titre, dans l’hypothèse optimiste où nous atteindrions en fin de matinée les articles 8 et suivants. Notre collègue Guillaume Kasbarian, rapporteur général du texte et rapporteur de ce chapitre, est en effet retenu ce matin au Sénat par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols.

Nous avons examiné 362 amendements et il en reste 684. Il nous reste donc les deux tiers du chemin à parcourir.

 

Article 4 (suite) : Statut de déchet et transferts transfrontaliers de déchets

 

Amendements identiques CS83 de M. Vincent Descoeur et CS329 de Mme Danielle Brulebois.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement de précision porte sur les déchets dangereux et notamment sur leur traitement thermique. Il prévoit que « pour les résidus contenant des substances ou présentant des propriétés qui, si le résidu est qualifié de déchet, rendent celui-ci dangereux, leur usage combustible ne peut être autorisé que dans des installations respectant des valeurs limites d’émissions équivalentes à celles de l’incinération de déchets dangereux et mettant en œuvre les meilleures techniques disponibles associées. »

Mme Danielle Brulebois (RE). Je vais retirer cet amendement déposé un peu vite, car, après investigations, je constate que les plateformes industrielles équipées d’installations de combustion sont très surveillées par les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement. Ces installations sont régulièrement examinées par les conseils départementaux de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Celles que je connais sont obligées de s’équiper de filtres, en particulier sur les cheminées. Leur activité est suffisamment encadrée.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure sur les chapitres III et IV du titre Ier. La disposition proposée est contraire à la définition légale des déchets et des sous-produits.

Les résidus de production qu’une plateforme industrielle considère être des sous‑produits ne peuvent être qualifiés de déchets. Ils ne pourront donc pas être assimilés à des déchets dangereux.

Par ailleurs, les sous-produits qui présentent les caractéristiques d’un produit dangereux, notamment du fait de la présence de polluants organiques persistants, devront respecter toutes les règles prévues par les deux règlements européens applicables. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Votre amendement est satisfait par la nouvelle rédaction de l’alinéa 5 adoptée hier soir, laquelle prévoit que l’utilisation des résidus ne doit pas avoir d’effet sur la santé humaine et l’environnement. Demande de retrait.

Les amendements sont retirés.

 

Amendements identiques CS843 de M. Stéphane Delautrette et CS952 de M. Rémy Rebeyrotte.

Mme Anna Pic (SOC). Il s’agit de compléter l’alinéa 5 par un alinéa concernant les déchets qui nécessitent un prétraitement spécifique, qui vise à garantir que les opérations de traitement des déchets soient réalisées en respectant les principes applicables aux installations classées. Le code de l’environnement impose notamment que la substance ou l’objet soient utilisés directement, sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes. Il s’agit de garantir le respect des exigences environnementales ; la doctrine étant évolutive, il est essentiel de lui apporter une valeur législative forte.

Cet amendement a été travaillé avec la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec).

M. Rémy Rebeyrotte (RE). L’alinéa que nous proposons d’ajouter est le suivant : « Si un prétraitement spécifique aux déchets est nécessaire sur site pour entrer dans le processus de production, celui-ci doit être classé […] au titre des rubriques traitement de déchets […] adaptées. » Il s’agit de garantir que les opérations de traitement sur les déchets sont réalisées en respectant les prescriptions applicables à des installations classées, qui garantissent la préservation de la santé humaine et l’environnement.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Permettez-moi de rappeler de nouveau que les résidus de production dont il est question ne constitueront pas des déchets. Je ne comprends donc pas très bien votre proposition.

Par ailleurs, les précisions éventuelles relatives au type d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) et à la nomenclature relèvent du domaine réglementaire. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Un sous-produit n’est pas un déchet et il n’a pas à être traité comme tel. Demande de retrait.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Je retire mon amendement. Je suis sensible à votre argument sur le fait que cela relève du pouvoir réglementaire.

L’amendement CS952 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS843.

 

Amendement CS336 de Mme Danielle Brulebois, amendements identiques CS271 de Mme Christelle Petex-Levet, CS580 de M. Thibault Bazin, CS842 de M. Stéphane Delautrette et CS1101 de Mme Anne-Laure Babault, et amendement CS678 de M. Vincent Seitlinger (discussion commune).

Mme Danielle Brulebois (RE). Mon amendement prévoit que les quantités de résidus de production générées ainsi que les quantités échangées entre les entreprises au sein d’une même plateforme industrielle font l’objet d’une déclaration annuelle auprès de l’autorité administrative compétente.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Mon amendement de précision a pour objectif de lutter contre les transferts de résidus de production hors d’une plateforme industrielle, sans traçabilité ni respect de la réglementation applicable aux déchets. Il est vraiment nécessaire de garantir la bonne gestion des résidus de production en permettant le contrôle par l’administration.

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement a le même objet. La différence avec l’amendement CS336 est purement rédactionnelle.

M. Dominique Potier (SOC). Plus on organisera l’économie circulaire – notamment sur des plateformes industrielles au sein de la même entreprise ou entre diverses entreprises –, plus il faudra s’assurer de la traçabilité des quantités pour des raisons de sécurité.

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS678 poursuit le même but, avec une rédaction plus concise.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je comprends qu’il soit jugé important de mesurer l’utilisation du nouveau régime que nous instaurons pour renforcer l’économie circulaire au sein des plateformes industrielles. Mais, les entreprises concernées étant toutes des installations classées, elles sont déjà tenues de fournir un certain nombre d’informations à l’autorité administrative – en l’occurrence, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et le préfet. De plus, les inspecteurs chargés de ces installations peuvent demander des informations à tout moment. Il sera donc possible de connaître les quantités de résidus de production fabriquées et échangées. Avis de sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur Potier, la traçabilité existe déjà au niveau de chaque installation. Ces amendements légèrement différents prévoient un suivi complémentaire à l’échelle de la plateforme – et donc, il faut l’avouer, une charge administrative supplémentaire. Je comprends que l’Assemblée souhaite disposer de données agrégées sur les quantités de résidus utilisées comme matière première, pour pouvoir évaluer l’application de la loi dans deux ou trois ans.

J’étais un peu réservé, mais devant l’ampleur du soutien à ces amendements, je me rallie à l’avis de sagesse de la rapporteure – avec une petite préférence pour les amendements CS271 et identiques, largement soutenus, bien que le CS678 soit plus simple.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Notre groupe soutiendra ces amendements, car la traçabilité est essentielle pour l’avenir. Il est également nécessaire de disposer d’un registre national, qui nous sera vraiment utile lorsqu’arrivera le moment d’examiner la grande loi sur l’économie circulaire dont nous rêvons tous.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je profite de ces amendements pour interroger de manière solennelle le ministre au sujet des substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas).

À chaque amendement qui aborde la question des produits dangereux, on nous explique que tout est sous contrôle. Pourtant, des députés ont récemment fait analyser leurs cheveux : dans mon cas, les résultats montrent une concentration de Pfas dix fois supérieure à la normale, alors que je suis issu d’un territoire qui a été industriel dans le passé mais qui ne l’est plus guère. Ces contaminations extrêmement préjudiciables pour la santé trouvent probablement leur origine dans le passé industriel. Au moment où nous relançons l’activité industrielle, il est plus qu’important d’avoir des réponses précises sur ce sujet.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous supprimer ce risque dans notre industrie – sachant que les industriels ont en permanence transformé des molécules interdites ? Il existe plus de 12 000 types de Pfas. Les analyses en ont testé douze, et ont montré leur présence dans les cheveux de quatorze des députés testés.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Pour la population, le suivi et la traçabilité sont absolument nécessaires – on peut s’en rendre compte aussi en travaillant sur la question des déchets des centrales nucléaires. Je me réjouis donc de l’avis de la rapporteure et du ministre délégué sur ce sujet essentiel.

M. Thibault Bazin (LR). Si la rapporteure exprime la même préférence que le ministre délégué, dans un souci de clarté, je propose le retrait des amendements en discussion commune au profit des amendements CS271 et identiques.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je souhaite rassurer Mme Chikirou : que l’on adopte ou non ces amendements, les données sont disponibles au niveau de chaque installation industrielle. Les amendements proposent d’ajouter un étage – et donc une petite charge administrative supplémentaire –, ce qui se conçoit pour évaluer la loi.

Le débat public sur le Pfas a pris une importance politique depuis quelques mois. On connaît plus de 10 000 Pfas et un travail de fond a été engagé pour déterminer ceux qui sont dangereux. J’ai conscience que cela prend du temps, mais si vous interdisez tous les Pfas utilisés dans l’industrie européenne, des pans entiers de celle-ci vont sans doute disparaître. Il est donc nécessaire de poursuivre de manière urgente et rigoureuse les études menées en France et au sein de l’Union européenne (UE), puisque cinq États membres ont demandé l’interdiction d’un certain nombre de Pfas. Mais ce débat n’a rien à voir avec l’article dont nous discutons. D’autres amendements portent sur ce sujet et nous aurons l’occasion d’y revenir.

Les amendements CS336 et CS678 sont retirés.

La commission adopte les amendements CS271 et identiques.

 

Amendement CS1365 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Le Sénat a adopté un amendement qui opère une clarification quant au statut des résidus de production qui sont similaires à une substance ou à un matériau qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets. Toutefois, en créant un article spécifique pour traiter cette situation, il semble créer une « troisième voie ». C’est pourquoi il paraît nécessaire de rapprocher cette disposition de celle qui porte sur la sortie du statut de déchet, et donc de l’insérer à l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement afin que soient couvertes des situations non prévues par le droit en vigueur.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS14 et identiques et l’amendement CS896, portant sur les alinéas 15 et 16, tombent.

 

Amendements identiques CS39 de M. Xavier Roseren, CS767 de M. Gérard Leseul et CS973 de M. Lionel Vuibert.

M. Xavier Roseren (RE). Le droit français ne reconnaît pas un statut de produit aux objets, substances ou mélanges ayant fait l’objet d’une sortie de statut de déchet dans un autre État membre de l’UE. Cela pénalise notre tissu industriel et profite aux sites industriels d’autres pays, vers lesquels sont orientés de tels produits issus de déchets.

Mon amendement vise à permettre aux industries françaises d’incorporer dans leurs processus de production des matériaux secondaires élaborés dans un autre pays de l’Union, en garantissant bien évidemment le respect de nombreuses conditions.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement proposé par la société Michelin autorise les sites industriels à incorporer dans leurs processus de production des matériaux secondaires élaborés dans d’autres pays de l’UE, sous certaines conditions qui méritent d’être rappelées. Ces matériaux doivent notamment être conformes aux critères français de sortie du statut de déchet – lorsqu’ils existent – et respecter les dispositions de la directive-cadre européenne sur les déchets de 2008.

Incorporer des matériaux secondaires issus d’autres pays de l’Union peut être extrêmement intéressant et favoriserait des modes de production plus vertueux.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je comprends l’idée de renforcer l’économie circulaire au sein de l’Union européenne. Mais des règlements européens prévoient des procédures et des critères harmonisés pour que certains matériaux ou certaines substances ne soient pas considérés comme des déchets.

Pour les autres cas, votre proposition n’est pas sans risque, car il n’existe pas de procédure obligeant un producteur d’un État membre à prouver à l’échelle européenne qu’il a respecté les conditions pour la sortie de déchet sur le territoire de son État. Nous aurions du mal à le contrôler.

Enfin, il ne revient pas à la loi française de déterminer les règles de transfert de déchets entre États.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est une excellente idée, mais elle risque de favoriser une concurrence déloyale pour nos producteurs nationaux de déchets. Comme l’a très bien dit la rapporteure, les critères et les contraintes ne sont pas forcément les mêmes ailleurs et nous risquons d’importer des matières premières qui, en France, ne pourraient pas sortir du statut de déchet.

La Commission européenne a entamé un travail d’harmonisation des règles à l’échelle européenne, mais cela va être long. Cela a déjà été réalisé pour certains déchets métalliques, mais il faut le faire de manière systématique.

L’amendement que vous avez voté et cet article permettent déjà de simplifier les choses, puisque l’on instaure un régime de sortie implicite du statut de déchet. Importer des déchets et les utiliser comme matériau de base dans le processus de production sera donc déjà beaucoup plus simple qu’actuellement. Demande de retrait.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je soutiens ces amendements. L’idée sous-jacente est de lutter contre les filières illégales. On ne peut pas ignorer qu’il existe des trafics en la matière au sein même de l’UE. Il s’agit donc de s’en prendre à ces filières, qui constituent le principal danger de concurrence déloyale pour l’industrie française.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends vos arguments, mais cet amendement propose exactement l’inverse : il relâche, certes à la marge, les contraintes sur l’importation de déchets en France ; il augmente donc plutôt le risque que vous évoquez. Je comprends l’objectif de simplifier la circulation des bons déchets au sein de l’Union pour pouvoir les utiliser comme sous-produits, mais le dispositif proposé est contre-productif. Nous pourrons en reparler d’ici à la séance publique.

M. Xavier Roseren (RE). Je retire mon amendement, mais gardons à l’esprit qu’il ne faut pas pénaliser notre industrie. Elle doit bénéficier des mêmes conditions que ses concurrents en Europe.

M. Gérard Leseul (SOC). Je maintiens mon amendement, mais je suis disposé à discuter avec la rapporteure d’une amélioration rédactionnelle d’ici à la séance.

Cela étant, je ne comprends pas complètement votre argumentation sur le risque de baisse de qualité des produits importés, monsieur le ministre. Il doit être possible de vérifier leur conformité.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le risque est de ne pas pouvoir vérifier que les règles sont effectivement respectées. On déléguerait à d’autres pays le soin de réaliser des contrôles, en appliquant des règles qui ne sont pas tout à fait les nôtres.

Je le répète monsieur Roseren, la sortie implicite du statut de déchet facilitera beaucoup les choses, y compris pour les déchets importés.

M. Lionel Vuibert (RE). Je vais bien sûr faire confiance au ministre et retirer mon amendement. Mais il s’agit quand même d’un véritable sujet pour la compétitivité de certaines entreprises françaises, qui doit être regardé de très près.

Les amendements CS39 et CS973 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CS767.

 

Amendement CS117 de Mme Pascale Boyer, amendements identiques CS270 de Mme Christelle Petex-Levet et CS1016 de M. Rémy Rebeyrotte (discussion commune).

Mme Danielle Brulebois (RE). Une opération de sortie de statut de déchet effectuée par une installation de production peut être similaire à celle réalisée dans une installation de traitement de déchet. L’amendement CS117 vise à garantir le respect des mêmes exigences environnementales, quelle que soit l’installation concernée. Il propose pour cela de compléter l’article par souci de cohérence avec la nomenclature ICPE actuelle.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Les exploitants des installations de production ont désormais la possibilité de réaliser une sortie de statut de déchet, sous leur responsabilité et sans cadre fixé par l’administration. En l’absence de cadre réglementaire spécifique, la définition des installations de production proposée par mon amendement a pour objet de garantir des exigences minimales de traçabilité et de préservation de la santé humaine. Les entreprises voulant remettre sur le marché leurs déchets sous le statut de produit seraient obligées d’être classées ICPE et seraient ainsi contrôlées par les Dreal.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Il s’agit en effet de préciser la notion d’installation de production afin de garantir des contrôles par les Dreal.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Vous souhaitez revenir à l’état du droit antérieur. Or, nous souhaitons élargir à toutes les installations la possibilité de réaliser une sortie du statut de déchet, même s’il ne s’agit pas d’ICPE. C’est ce qui avait été prévu par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec) en matière de sortie explicite de statut de déchet, avec la modification du I de l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement. Par ailleurs, les installations qui ne sont pas des ICPE doivent respecter l’ensemble des réglementations sur les produits et peuvent faire l’objet de contrôles.

C’est en élargissant les possibilités que nous favoriserons l’économie circulaire.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La nouvelle rédaction de l’alinéa 5 qui résulte de l’adoption de l’amendement CS1353 de la rapporteure prévoit que l’utilisation des résidus ne doit pas avoir d’effet sur la santé humaine et l’environnement. Les amendements sont donc satisfaits. Leur rédaction est par ailleurs beaucoup trop restrictive et va à l’encontre de la loi Agec, car elle interdirait aux entreprises qui ne sont pas des ICPE d’utiliser des déchets.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CS517 de Mme Pascale Boyer, CS600 de Mme Huguette Tiegna et CS656 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, et amendement CS1137 de Mme Sophia Chikirou (discussion commune).

Mme Huguette Tiegna (RE). L’augmentation du coût des matières premières conduit à une augmentation des vols dans les déchetteries, notamment en vue de l’exportation. Ces pratiques sont de plus en plus le fait de filières organisées. En France, plus de 250 000 tonnes d’équipements électroniques usagés transitent par des filières illégales, soit un quart du gisement total. L’article 4 du projet permet au ministre chargé de l’environnement d’instaurer des sanctions administratives en cas de transfert illicite de déchets en dehors du territoire national.

Par esprit de cohérence, mon amendement vise à s’assurer que les sanctions puissent bien s’appliquer et que les équipements collectés soient considérés comme des produits usagés ou des déchets.

M. Gérard Leseul (SOC). En raison de l’exportation parfois sauvage de la matière première, les filières de recyclage voient se tarir complètement leurs ressources. C’est notamment le cas dans le domaine du recyclage de l’électroménager, qui est assuré la plupart du temps par des entreprises d’insertion.

L’amendement CS656 propose d’agir davantage contre les transferts illicites par le biais d’amendes administratives, afin de préserver un peu la matière première de nos filières nationales de recyclage. C’est une manière de moins polluer et de conserver une activité importante de recyclage en France.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Tout a été dit. Lorsque l’on auditionne les acteurs des filières de réemploi, de reconditionnement et de recyclage, ils soulignent les difficultés qu’ils rencontrent pour accéder aux gisements. C’est un immense enjeu, qui n’est pas bien pris en compte dans notre pays – même si nous n’en sommes peut-être qu’au début. Il faut élaborer des plans pour mieux s’organiser. Le gisement, c’est un vrai business : on pourra créer des centaines de milliers d’emplois si on arrive à récupérer les produits usagers qui ne sont pas des déchets.

Ajouter dans le texte la petite précision proposée par les amendements permet de préparer la suite et de mieux soutenir les éco-organismes et les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui se développent dans ce secteur. Tous les groupes insistent sur l’importance de cette modification.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Il est important que les sanctions restent réservées aux déchets. L’article est bien situé dans le chapitre du code de l’environnement consacré à la prévention et à la gestion des déchets. Mais, de fait, ces amendements sont satisfaits dans la mesure où des produits usagés abandonnés répondent à la définition de ce qu’est un déchet.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Tout ce que vous dites est vrai, madame Chikirou, mais votre amendement est satisfait – et heureusement. Si vous laissez sur la voie publique une machine à laver flambant neuve, elle devient un déchet !

On sait qu’en France nous recyclons moins qu’ailleurs et qu’il faut trier davantage pour développer les filières de réutilisation. Mais cet amendement ne permettra pas de le faire. Pour cela, il faut des campagnes de mobilisation et sans doute évaluer les outils qui figurent dans la loi Agec.

En outre, les rédactions proposées se substituent à l’alinéa 14 du texte. Ce n’est pas souhaitable, car cela conduit à supprimer la disposition qui permet d’articuler les sanctions relatives au trafic transfrontalier avec les autres amendes qui existent en matière de gestion des déchets.

Demande de retrait. Nous pouvons en reparler d’ici à la séance.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous sommes confrontés à la réalité des vols de matériaux – laissés sans surveillance parfois pendant des mois – commis sur les sites des éco-organismes. Il convient de renforcer les sanctions prévues pour ce type de trafic, en réprimant non seulement les vols de déchets mais aussi ceux de produits usagés.

Nous allons maintenir l’amendement mais nous sommes d’accord pour réfléchir à son amélioration d’ici à la séance.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les sanctions s’appliquent aux objets abandonnés sur la voie publique, comme la machine à laver dont je parlais, qui sont considérés comme des déchets. Sont-elles suffisantes ? C’est un autre débat que vous pourrez ouvrir en séance.

Les amendements sont satisfaits, et ne permettent de surcroît pas d’apporter une réponse au problème majeur qu’ils soulèvent.

M. Dominique Potier (SOC). Les amendements n’auront pas été inutiles si, d’ici à la séance, nous parvenons à nous accorder sur un outil pour améliorer l’effectivité des sanctions.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (CDDAT) doit se saisir de la question des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP). Le secteur de l’économie sociale et solidaire a le sentiment d’être dépossédé par les industriels qui obéissent à des logiques d’optimisation financière. Cette tendance pénalise le recyclage et nuit à sa qualité. Il convient à la fois de renforcer les contrôles et de moraliser le secteur des éco-organismes.

M. le président Bruno Millienne. Vous avez raison, monsieur Potier. La CDDAT doit s’emparer de ces sujets. Saisissons le président Jean-Marc Zulesi et travaillons de manière transpartisane. Ce travail sera aussi l’occasion de répondre au questionnement fort légitime de M. Fournier sur les Pfas.

Une réorganisation complète s’impose dès lors que le modèle économique des entreprises repose désormais sur la mainmise sur le gisement. Auparavant, les entreprises refusaient de prendre en charge leurs déchets, raison pour laquelle les filières REP ont été créées. Aujourd’hui, elles souhaitent se les réapproprier pour s’inscrire dans une démarche de développement durable. Tant mieux, mais nous devons tout repenser en protégeant l’économie sociale et solidaire, qui pourrait sinon être la grande perdante. Cela ne peut pas être traité dans le présent projet de loi.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’examen de l’amendement CS820 de Vincent Thiébaut sera l’occasion d’un débat sur les sanctions que demande Mme Chikirou. Je vous invite à retirer les amendements.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Dans mon territoire, une machine à laver neuve abandonnée sur le trottoir n’y reste jamais longtemps !

Les maires, ou les intercommunalités si la compétence en matière de déchets leur a été transférée, sont dotés d’un pouvoir de police. Mais ils sont confrontés à la difficulté à l’exercer et à faire appliquer les sanctions, notamment faute des moyens nécessaires. Il n’est pas facile d’identifier la personne qui a déposé l’objet sur la voie publique.

Mme Huguette Tiegna (RE). J’entends l’exemple de la machine à laver, mais la vraie question concerne les filières de vol organisé : comment les démanteler ?

L’économie circulaire est à la fois une composante de la décarbonation de l’industrie et un moyen d’économiser les matières premières.

Le groupe d’études « Gestion des déchets, économie circulaire, économie verte », que je préside, se tient à la disposition de la CDDAT pour travailler, avec le groupe d’étude « Économie sociale et solidaire et responsabilité sociétale des entreprises », à des solutions, ainsi que nous y a invités le président Millienne.

M. Gérard Leseul (SOC). Les deux groupes d’études qu’a cités Mme Tiegna organisent prochainement une réunion avec les principaux acteurs du recyclage et de l’économie circulaire.

Ce n’est pas la machine à laver abandonnée sur le bord de la route que visent ces amendements, mais les filières illégales vouées à l’exportation qui privent nos entreprises d’un gisement. Je maintiens donc le mien.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CS118 de Mme Pascale Boyer, CS183 de Mme Émilie Bonnivard, CS330 de Mme Danielle Brulebois et CS1103 de Mme Anne-Laure Babault.

Mme Danielle Brulebois (RE). Afin de développer l’économie circulaire, le nouvel article L. 541-4-5 du code de l’environnement ne confère pas le statut de déchet à un résidu de production lorsque celui-ci est similaire à une substance ou un matériau qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets.

Cette disposition va dans le bon sens. Toutefois, afin de garantir tant la protection de l’environnement que la conformité au droit européen, l’amendement vise à exclure les déchets dangereux du champ d’application du nouvel article.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. En vertu de votre amendement, les résidus de production, qui pourraient constituer des déchets dangereux, ne pourraient pas échapper au statut de déchet.

Or le résidu de production ne peut pas constituer un déchet dès lors qu’il doit respecter les conditions posées au I de l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement, aux termes duquel il « remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ». Les résidus de production pourraient être similaires à des produits dangereux mais pas à des déchets dangereux.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous avons évoqué ce point hier et nous avons convenu de retravailler l’alinéa 5 pour intégrer les déchets dangereux. Je vous invite donc à retirer les amendements.

Les amendements CS183, CS330 et CS1103 ayant été retirés, la commission rejette l’amendement CS118.

 

Amendements identiques CS768 de M. Gérard Leseul et CS1174 de M. Philippe Bolo.

M. Dominique Potier (SOC). Il s’agit d’assimiler au transfert illicite de déchets l’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques et devenant des déchets dans le pays destinataire. Autrement dit, ces exportations seraient interdites vers des pays qui ne disposent pas de filière de retraitement des plastiques. On sait que ces textiles sont l’une des sources de la pollution plastique. Le textile est la deuxième ou troisième industrie la plus polluante, d’abord en raison des pesticides – presque un quart des pesticides mondiaux sont utilisés pour le coton – mais aussi des fibres plastiques, qui se comptent en millions de tonnes. Ces amendements sont donc précieux.

M. Philippe Bolo (Dem). Un grand pays soucieux des droits humains et environnementaux doit en effet s’interroger, car ce qui peut sembler de prime abord une bonne idée – exporter nos vêtements pour une seconde vie – s’avère en être une mauvaise.

Les quantités exportées sont très importantes, faute d’un tri suffisant. Sur place, nombre de vêtements n’ont ni valeur, ni utilité : ils finissent dans la nature, par manque d’infrastructures locales pour les traiter, participant ainsi à la pollution de l’eau et des sols. Ces vêtements souvent issus de la fast fashion sont, du fait de la présence de fibres synthétiques, responsables de pollution plastique.

Cet amendement d’appel, qui avait également été déposé par la sénatrice Angèle Préville, souligne l’urgence de remédier au problème. Au lieu de les envoyer dans des pays qui n’ont pas les moyens de les gérer, soyons responsables des déchets que nous produisons.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. S’il est important de limiter l’exportation de produits textiles contenant du plastique, celle-ci ne peut constituer un transfert illicite de déchets puisque lesdits produits ne sont pas des déchets.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le sujet est essentiel et il ne sera pas traité par ces amendements. Aujourd’hui, une marque que je ne citerai pas change de collection tous les jours ! C’est un modèle auquel personne ici n’adhère. Il faut aussi prendre en considération la dimension sociale : d’une part, certaines personnes, notamment les jeunes, en profitent en termes de pouvoir d’achat ; d’autre part, on connaît les conditions dans lesquelles ces produits sont fabriqués.

Votre rédaction interdit les exportations de produits textiles neufs qui pourraient devenir des déchets ailleurs. En vertu de la loi Agec, il est interdit de jeter des collections non vendues. Or, on peut imaginer que celles-ci soient exportées et deviennent, dans certains cas, des déchets, et dans d’autres non. Je vous invite donc à retirer l’amendement.

S’agissant de la fast fashion, mon collègue Bruno Le Maire a annoncé avoir saisi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes aux fins d’enquête sur ces pratiques abusives. La réglementation de telles activités n’est pas simple – l’affichage environnemental peut être une piste intéressante, selon les acteurs de la « slow fashion » que j’ai consultés. Les commissions de l’Assemblée nationale ont un rôle à jouer dans l’indispensable travail au long cours qui doit être mené sur le sujet.

M. Jimmy Pahun (Dem). Je ne suis pas sûr de pouvoir défendre un amendement à venir sur l’exportation des déchets plastiques hors de l’Union européenne.

Le traitement de ces déchets constitue une ressource à terme pour les pays européens. En outre, certains armateurs tels que CMA-CGM refusent déjà de transporter ce genre de déchets hors de l’Union. Nous devons continuer dans la voie tracée par la loi Agec lorsque nous avons interdit la destruction des invendus de la fast fashion.

M. Gérard Leseul (SOC). Pour une fois, monsieur le ministre délégué, adoptons les amendements ! Je m’engage à accepter vos modifications en séance. Le sujet est suffisamment important pour que le Parlement marque sa volonté.

La commission adopte les amendements.

 

À la demande de la rapporteure, l’amendement rédactionnel CS652 de Mme Delphine Lingemann est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1239 et CS1236 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendement CS769 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement vise à supprimer le délai maximal de trois ans après le constat de l’infraction au-delà duquel le ministre chargé de l’environnement ne peut plus infliger d’amende en cas de transfert illicite transfrontalier de déchets.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Cela reviendrait à rendre le prononcé d’une sanction administrative imprescriptible. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Défavorable. La suppression du délai de prescription est contraire à un principe général du droit français.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1237 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendement CS770 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). J’entends l’argument sur l’imprescriptibilité : je vous propose donc de porter le délai de trois à cinq ans.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Un tel délai irait à l’encontre du règlement européen sur les douanes, lequel impose de conserver les documents de notification d’un transfert pendant trois ans.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS286 de Mme Géraldine Grangier.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit d’instaurer des peines plancher ! Elles sont inconstitutionnelles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS771 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Il est proposé de porter le plafond de l’amende encourue en cas de transfert illicite de cinq à dix fois le coût de traitement des déchets concernés.

Compte tenu de l’intensité capitalistique de l’industrie et du secteur des déchets, il n’est pas incohérent d’augmenter le montant de l’amende.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Le Sénat a déjà porté ce montant de trois fois, comme prévu initialement, à cinq fois le coût de traitement. Cela me semble raisonnable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il y a un risque de disproportion des amendes. Le Sénat a déjà augmenté le montant. C’est suffisant.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1238 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendement CS772 de Mme Anna Pic.

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement tend à porter, en cas de récidive, à 5 % du chiffre d’affaires mondial le montant de l’amende pour transfert illicite transfrontalier de déchets.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Il est préférable d’infliger dès la première infraction, et non en cas de récidive, une amende dissuasive, calculée selon le coût de traitement des déchets si ces derniers n’avaient pas été transférés.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous soutenons l’amendement. Le montant des amendes en cas de concurrence déloyale est de 5 % du chiffre d’affaires. S’agissant d’infractions dont l’impact économique, sur l’environnement, la santé et la compétitivité des entreprises est autrement plus fort, il serait souhaitable que des sanctions au moins identiques s’appliquent. Ce serait aussi le signe de notre cohérence et de l’importance que les Européens attachent à ce sujet.

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement concerne la seule récidive.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 4 modifié.

 

Après l’article 4

 

Amendement CS573 de M. Sébastien Jumel.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Il s’agit d’autoriser les chambres de commerce et d’industrie (CCI) à accompagner les entreprises industrielles dans la décarbonation de leur activité, en favorisant notamment le développement de l’économie circulaire.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Votre amendement me paraît satisfait, puisque la transition écologique et énergétique fait partie des domaines dans lesquels les CCI peuvent fournir des conseils et sur lesquels elles se sont engagées dans le contrat d’objectifs et de moyens.

M. Roland Lescure, ministre délégué. En effet, il est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS847 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS1157 de M. Philippe Bolo.

M. Gérard Leseul (SOC). Afin de favoriser le verdissement des travaux de voirie, l’amendement a pour objet d’inciter dans les règlements de voirie à favoriser le réemploi des terres excavées, et d’éviter ainsi des transports de terres inutiles.

M. Philippe Bolo (Dem). L’amendement a été travaillé avec Enedis. Il a pour but de changer de logique s’agissant de l’usage des terres excavées à l’occasion de travaux publics.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Vous rattachez votre amendement sur les règlements de voirie à la disposition du code de l’énergie qui autorise les concessionnaires du réseau d’électricité à procéder à tous les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des ouvrages sur la voie publique.

Il existe une réglementation spécifique sur les terres excavées lors de travaux publics qui peuvent être réutilisées par la personne en charge des travaux sur le même site dans un rayon de trente kilomètres sans devenir des déchets. La disposition s’applique pour tout type de travaux, donc également aux concessionnaires du réseau de transport et de distribution d’électricité. Si les terres excavées sont sorties du site, elles deviennent des déchets. Depuis avril 2021, il est possible de soustraire au statut de déchet ces terres si elles sont réutilisées pour des travaux d’aménagement et dans des opérations de génie civil.

Ainsi, il y aurait un risque qu’un règlement de voirie prévoie d’autres dispositions pour ces terres et entre en contradiction avec la réglementation actuelle.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les terres pour faire des terrassements sont très recherchées. Je ne sais pas ce que vous a dit Enedis, mais aucune entreprise n’a aujourd’hui intérêt à aller chercher des terres à l’autre bout de la France – le transport coûte très cher, le réemploi sur place est facile.

Le code de l’environnement intègre déjà le principe européen de gestion de proximité de déchets. Le réemploi local des terres excavées s’impose, sachant que dans certains cas, il peut s’avérer impossible. Les amendements risquent d’introduire de la confusion en instaurant dans les règlements de voirie des obligations légèrement différentes de la réglementation générale. Je vous incite donc à les retirer.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CS1156 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo (Dem). Cet amendement est retiré pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement CS980 de M. Lionel Vuibert est retiré.

 

Amendement CS125 de Mme Pascale Boyer.

Mme Danielle Brulebois. Il s’agit de soutenir les projets destinés à valoriser les combustibles solides de récupération (CSR) pour produire de l’électricité et de la chaleur. Les CSR, considérés comme des déchets, ne sont pas suffisamment exploités. On enfouit encore trop de déchets qui pourraient être transformés en énergie. C’est inacceptable.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Depuis un décret publié en mars 2023, ces déchets particuliers peuvent alimenter des installations classées pour la protection de l’environnement – des installations de production d’énergie telles que des centrales thermiques et de production d’électricité. Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Danielle Brulebois (RE). Je le retire, mais j’appelle votre attention sur la nécessité de soutenir la filière des CSR. L’accompagnement n’étant pas suffisant actuellement, les collectivités préfèrent continuer à enfouir.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS1173 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun (Dem). C’est l’amendement dont je parlais tout à l’heure, qui vise à interdire à partir de 2025 l’exportation des déchets plastiques hors de l’Union européenne.

Malgré le durcissement régulier de la réglementation, nous sommes incapables de garantir que nos déchets plastiques exportés sont traités par des filières de recyclage efficaces, sans risques pour la santé et l’environnement. Le choix de l’export nuit en outre au développement de filières nationales de recyclage et plus généralement à l’économie circulaire.

Par cet amendement, nous tenons un engagement fort de la majorité présidentielle : la réduction massive des exportations de déchets à l’étranger.

La mesure n’est évidemment pas d’application immédiate, afin de laisser le temps à l’écosystème de s’y préparer.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Nous partageons votre souhait de limiter la circulation de déchets plastiques à l’échelle mondiale et d’adopter des mesures contraignantes en ce sens. Toutefois, la loi française ne peut pas modifier un règlement européen, ni statuer pour les autres États membres en ce qui concerne leurs échanges avec les pays tiers. Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Votre amendement est satisfait puisque le règlement, à de très rares exceptions près que je vous communiquerai, interdit les exportations de déchets plastiques en dehors de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2021. Cela n’enlève rien aux interrogations sur l’effectivité des contrôles que plusieurs d’entre vous ont relayées. Je vous remercie d’avoir remis sur le devant de la scène le sujet majeur de la pollution plastique.

M. Philippe Bolo (Dem). Je peux témoigner de l’importance du sujet, après quatre ans de travaux à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et trois rapports coécrits avec la sénatrice Angèle Préville. Tous les scientifiques s’accordent sur le rôle des exportations de déchets dans la pollution mondiale.

Il y a un mois, la France accueillait à l’Unesco 165 pays pour lancer le deuxième cycle de négociations en vue d’un traité international sur la pollution plastique. La France doit être à l’avant-garde de ce combat.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous soutenons cet amendement de bon sens. Les quelques exceptions mentionnées par le ministre sont quelques exceptions de trop.

Pour alimenter le gisement de recyclage des plastiques et s’assurer du traitement approprié des déchets, en évitant qu’ils se répandent un peu partout, et dans la mer au premier chef, il est nécessaire de marquer un refus très ferme des exportations hors de l’Union européenne des déchets plastiques.

Mme Huguette Tiegna (RE). Il est important d’éviter le transport des déchets dans des pays extérieurs à l’Union européenne qui, bien souvent, ne disposent pas de structures permettant de les traiter. Le simple tri effectué en vue de leur transformation n’est pas optimal : c’est pourquoi l’on retrouve des déchets plastiques un peu partout, notamment dans des rivières.

Dans le cadre de notre coopération avec des pays amis, il conviendrait sans doute d’y favoriser la création de structures permettant la transformation sur place des déchets plastiques en matières premières.

M. Gérard Leseul (SOC). De nombreux travaux ont été réalisés dans le cadre de l’Opecst, qui est une structure bicamérale, par notre collègue Philippe Bolo et la sénatrice Angèle Préville. Je soutiens cet amendement qui, en dépit de quelques problèmes rédactionnels, pose une excellente question à laquelle nous devons tenter de répondre. Cela fait longtemps que nous travaillons sur ce sujet. Si nous voulons vraiment limiter le commerce international de déchets plastiques, alors nous devons prendre des mesures.

Par ailleurs, nous tournons depuis tout à l’heure autour du sujet du contrôle de l’efficacité des mesures adoptées. Il faudra aussi que la France prenne des initiatives en la matière.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Une très large majorité des parlementaires ici présents me semblent convaincus que ce genre de sujet doit être traité au niveau européen. Tel est bien le cas : c’est donc le règlement européen qu’il convient de modifier. Au pire, votre amendement introduira de la confusion ; au mieux, il sera inefficace car les opérateurs passeront dans le trou de souris des exemptions pour exporter leurs déchets en Italie et, à partir de là, en dehors de l’Union européenne.

Je comprends l’objectif et je conviens du besoin de renforcer les moyens de contrôle. Là encore, la question n’est pas simple du fait de la libre circulation des biens au niveau européen, à laquelle je suis favorable.

On me dit qu’une discussion est en cours, au niveau européen, pour définir des conditions plus restrictives. Je découvre cette information en même temps que vous : je serai peut-être en mesure de vous en dire davantage en séance publique. En attendant, je vous demande une nouvelle fois de bien vouloir retirer cet amendement inopérant, contraire au règlement européen, qui traite d’un bon sujet mais d’une mauvaise manière.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS820 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut (HOR). La délinquance autour de la gestion des déchets industriels implique à la fois de simples citoyens et des groupes très organisés désireux de réaliser un commerce très lucratif. Je propose donc le doublement des sanctions pénales encourues en cas de gestion illégale de déchets industriels. Ces peines concernent non seulement l’usage à l’étranger d’un déchet de façon non conforme, mais également la création de sites illégaux de gestion de déchets et l’exportation illégale et non déclarée de déchets. Le but est de décourager ces pratiques plus que nocives pour l’environnement et allant à l’encontre de nos valeurs.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Vous souhaitez porter les peines encourues à quatre ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Il me semble important que les sanctions soient dissuasives : je donne donc à votre amendement un avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme cela a été dit, le vrai sujet n’est pas le dépôt de machines à laver au bord des routes !

Dans la mesure où il ne modifie que le I de l’article L. 541-46 du code de l’environnement, votre amendement concerne les seules infractions commises par des individus. Afin de nous assurer que le durcissement des sanctions s’applique aussi aux infractions commises en bande organisée, il conviendra de modifier également le VII du même article. Plutôt que de proposer un sous-amendement un peu complexe, je vous suggère d’adopter l’amendement tel quel dès aujourd’hui : nous opérerons en séance les modifications nécessaires.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Le sujet est effectivement très important. La déchetterie de Saint-Chamas, dans ma région, est devenue illégale après avoir constitué un stock de déchets supérieur au volume autorisé ; comme par hasard, un grave incendie s’y est déclaré, qui a posé d’importants problèmes en termes de santé publique. La déchetterie a été en partie carbonisée, et il reste 14 000 tonnes de déchets que plus personne ne gère : l’État refuse de prendre la main, considérant qu’il s’agit de déchets industriels non dangereux, tandis que la commune n’a pas les moyens d’agir. Je vous invite donc à adopter cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS608 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre délégué, la France est l’un des pays qui recyclent le moins. Aussi demandons-nous au Gouvernement un rapport présentant une stratégie nationale dans ce domaine, à savoir « les voies et moyens afin de renforcer la filière française de gestion, notamment le ramassage, le traitement, le recyclage et la valorisation des déchets ».

Si près de 90 % des déchets des entreprises sont orientés vers des filières de valorisation, dont deux tiers vers le recyclage, seuls 47 % des déchets ménagers sont valorisés. Il existe un consensus pour améliorer cette filière dans notre pays. Malheureusement, elle relève essentiellement de la compétence des régions et manque donc cruellement d’organisation et de cohérence à l’échelle nationale.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je vous rassure, nous disposons déjà de nombreuses informations à ce sujet. En outre, diverses règles européennes s’opposent à ce que nous imposions une préférence nationale s’agissant du territoire sur lequel les déchets doivent être traités et valorisés. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Parlement est en train d’évaluer la loi « Agec », trois ans après sa promulgation. Par ailleurs, le présent projet de loi modifie des dispositions relatives à la gestion des déchets. De tels rapports ne me paraissent donc pas nécessaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

CHAPITRE IV
Réhabiliter les friches pour un usage industriel

 

Article 5 : Faciliter les procédures existantes de cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement

 

Amendement CS566 de M. Sébastien Jumel.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Nous souhaitons que soient préservées toutes les garanties relatives à la remise en état et à la remise en sécurité écologique des sites en cessation d’activité. Aussi notre amendement CS566 vise-t-il à supprimer la procédure « défaut d’accord », qui permettrait paradoxalement aux exploitants d’installations classées de surseoir partiellement à leurs obligations de mise en sécurité environnementale d’un site.

Je défends par la même occasion l’amendement CS567, lequel vise à supprimer les procédures alternatives qui, de la même manière, permettraient aux exploitants d’ignorer les prescriptions supplémentaires formulées par le préfet. Par l’amendement CS568, qui est un amendement de repli, nous proposons l’adoption de dispositions plus contraignantes en matière de remise en état des lieux. Quant à l’amendement CS565, il prévoit plus globalement un véritable plan de reconversion écologique, économique et industrielle des sites en cessation d’activité. Nous flirtons peut-être là avec la loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange ; il n’en reste pas moins que la reprise de friches dans d’excellentes conditions, fluides, est un enjeu majeur nécessitant de réunir des garanties à la fois écologiques, industrielles et, plus largement, économiques.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. L’objectif du projet de loi, qui me semble partagé, est de faciliter le développement de nos industries tout en assurant la réhabilitation des friches.

Du point de vue juridique, en supprimant le deuxième aliéna de l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement, votre amendement CS566 entraînerait une différence de traitement entre les ICPE autorisées avant et après le 1er février 2004 en cas de désaccord entre les acteurs. Il créerait un vide juridique s’agissant des obligations de l’exploitant d’une ICPE autorisée avant le 1er février 2004 en termes d’objectifs de réhabilitation. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La France compte aujourd’hui 170 000 hectares de friches disponibles, et nous aurons besoin, dans les années qui viennent, de quelque 15 000 hectares de sites industriels supplémentaires. Les friches ne sont évidemment pas toutes au bon endroit au bon moment. Cependant, si nous voulons concilier nos objectifs de limitation de l’artificialisation des sols – un sujet dont les députés et sénateurs sont en train de débattre dans une autre instance – et de réindustrialisation, la réhabilitation des friches doit être notre priorité. Aussi l’article 5 vise-t-il à privilégier l’installation de nouvelles activités sur les friches industrielles. Pour ce faire, nous accélérons les procédures de cessation d’activité, afin de libérer du foncier industriel, et nous enrichissons les acquis de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (loi « Asap »). Notre objectif est clair : nous souhaitons avoir très vite 2 000 hectares de friches disponibles pour des projets industriels.

L’article 5 prévoit d’étendre les dispositions de la loi Asap aux cessations d’activité notifiées avant juin 2022, afin de gérer le stock et non le seul flux. Il permet à un tiers demandeur de se substituer plus facilement à l’exploitant pour réaliser la mise en sécurité du site. Il étend les pouvoirs du préfet pour permettre des cessations partielles d’activité. En somme, nous enlevons des petits cailloux dans les chaussures pour fluidifier et faire circuler le foncier.

Je donne un avis défavorable à l’amendement CS566 mais serai favorable à l’amendement CS567.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte l’amendement CS567 de M. Sébastien Jumel.

En conséquence, les amendements CS568 de M. Sébastien Jumel et CS1095 de Mme Cyrielle Chatelain tombent.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1349 et CS1350 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS565 de M. Sébastien Jumel.

 

Amendement CS1096 de Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je rejoins totalement le ministre délégué s’agissant de l’importance du traitement de ces friches. Élue d’une circonscription qui a une plateforme chimique, je vois tout l’intérêt de ces industries pour la vie du territoire, mais aussi l’impact qu’elles peuvent avoir sur la pollution des sols et sur la santé des habitants. Avec notre collègue Charles Fournier, j’ai rencontré il y a quelques jours les représentants d’Arkema, qui nous ont décrit tout le travail réalisé par les industriels pour assurer la sécurité des sites. Il n’empêche que les pollutions passées se sont accumulées et qu’il continue d’y avoir des rejets.

Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement, l’exploitant est tenu de faire attester, par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués, de la qualité de ses propositions et de la manière dont elles sont mises en œuvre. C’est une bonne chose. Cependant, je constate que les collectivités n’ont pas forcément la capacité de faire de même et d’établir une relation équilibrée avec l’exploitant ; or la sécurité est garantie par les contre-expertises. Aussi proposons-nous de donner aux collectivités la possibilité de demander, elles aussi, à une entreprise certifiée, dans les trois ans suivant la publication des résultats des analyses réalisées par l’exploitant, de se prononcer sur le caractère adapté des mesures mises en œuvre. Cette contre-expertise serait à la charge de l’exploitant, en vertu du principe pollueur-payeur. Pour résumer, cet amendement vise à mieux armer nos collectivités pour qu’elles puissent s’assurer que les sites sont rendus dans un état conforme à leur future utilisation.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Cette mesure présente un risque d’insécurité juridique pratique pour les exploitants. Des outils existent déjà. Par ailleurs, c’est le préfet qui assure la police dans ce domaine. Les collectivités peuvent demander des expertises, mais en les finançant. Avis défavorable, donc, d’autant que cet amendement accentuerait les inquiétudes des industriels.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis circonspect. Une telle mesure risquerait paradoxalement de déresponsabiliser les industriels : « si c’est l’État qui paie, laissons-le agir ! » Du reste, ce contrôle est déjà prévu par la loi Asap. Avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). C’est consternant. Il existe des cas où la dépollution a été confiée à des opérateurs ayant pignon sur rue, qui ont fait n’importe quoi et ont tout de même été défendus, y compris par des députés de la majorité, au cours de la législature précédente. L’entreprise Valgo, qui a essayé de dépolluer une friche pétrolière dans ma circonscription, a même enterré de l’amiante et des flaques d’hydrocarbures remontent à la surface dès qu’il fait un peu chaud. Cela fait trois ans que nous sommes empêtrés dans cette histoire ! La dépollution est un travail très long et très complexe : une double expertise n’est donc vraiment pas de trop. Or les collectivités n’ont pas les moyens de l’assurer. Je vous invite à adopter cet amendement de bon sens.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). J’entends que vous vouliez sécuriser les industriels. Pour ma part, je souhaite sécuriser les citoyens – nous avons déjà eu le même débat hier. Il convient donc d’instaurer un droit de contre-expertise financé par les exploitants eux-mêmes, en vertu du principe pollueur payeur.

Je suis confrontée, dans ma circonscription, à une situation semblable à celle décrite hier par notre collègue Clémence Guetté : certaines analyses prouvent que les œufs et les légumes cultivés dans la terre ne doivent pas être consommés. Les personnes qui cultivent et mangent leurs légumes depuis des années sont inquiètes. Si nous voulons les rassurer et si nous voulons assurer l’acceptabilité des projets industriels, nous devons garantir à la collectivité qui représente les habitants une possibilité de contre-expertise. C’est ainsi que nous pourrons assurer la dépollution des sites et la sécurité sanitaire des habitants, en collaboration avec les industriels.

M. Gérard Leseul (SOC). De nombreuses petites collectivités locales accueillent des sites industriels, souvent pour leur plus grand bonheur, du fait des retombées en termes d’emploi local, mais aussi parfois avec un peu d’inquiétude, notamment lorsqu’est envisagée la fermeture de ces sites. Il nous semble donc indispensable d’aider ces collectivités à mener une contre-expertise relative à la dépollution des sols. Il ne serait pas logique qu’elles doivent en supporter le coût, d’autant que la plupart d’entre elles sont déjà étranglées et n’ont pas les moyens de financer ces dépenses. Nous soutenons donc cet amendement, en précisant bien que les analyses seront à la charge de l’exploitant, et non de l’État comme M. le ministre délégué a pu le penser tout à l’heure.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je m’oppose à cet amendement. En prévoyant des avis contradictoires, vous ne ferez qu’allonger les délais – les expertises de dépollution sont très longues – et alourdir les procédures. Les services de l’État, en particulier les Dreal, sont censés avoir des capacités d’analyse et d’expertise, d’autant que leurs moyens ont été considérablement renforcés dans mon territoire. Les contraintes supplémentaires que vous voulez instaurer ne garantiront pas nécessairement un avis éclairé.

J’ai bien entendu vos exemples spécifiques. Ne pourrait-on pas s’organiser pour porter une attention particulière à certaines situations particulières ? Je ne pense pas que tous les cas aient la même complexité et nécessitent un double avis ou une expertise contradictoire. Est-il envisageable de limiter cette procédure plus lourde aux situations qui en valent la peine ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne nie pas que certains opérateurs ont « fait n’importe quoi », pour reprendre l’expression de Mme Dufour. Je ne les citerai pas, puisque des procédures judiciaires sont en cours, mais il y a clairement eu des comportements inacceptables. C’est la raison pour laquelle la représentation nationale a voté, dans le cadre de la loi Asap – que vous êtes sans doute en train d’évaluer puisqu’elle a été promulguée il y a trois ans –, les dispositions dont nous parlons aujourd’hui, qui obligent l’entreprise à payer un bureau d’études pour montrer que le travail de dépollution a été fait. Les exemples cités datent d’avant le vote de ces dispositions ; de telles situations ne sont plus envisageables à l’avenir.

Je rejoins les arguments de Mme Bonnivard. Je vous invite à ne pas voter cet amendement et à vous contenter, si je puis dire, du droit existant, qui est déjà beaucoup plus contraignant qu’il ne l’était auparavant. Demande de retrait ; à défaut, je maintiendrai mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS151 de Mme Christelle Petex-Levet, CS181 de Mme Pascale Boyer et CS976 de M. Lionel Vuibert.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Le 3° de l’article 5 confie au préfet un pouvoir supplémentaire, dont l’impact sur les conditions d’exercice des missions des exploitants d’ICPE est tel qu’un décret en Conseil d’État devrait en préciser les modalités d’application. Il convient notamment de prévoir les conditions de la concertation préalable entre le préfet et l’exploitant s’agissant de la cessation d’activité partielle. La restriction du droit de propriété doit être limitée à ce seul objectif et encadrée par le Conseil d’État.

M. Lionel Vuibert (RE). Alors que nous avons souvent du mal à trouver des terrains industriels et que nous risquons de rencontrer bien des difficultés dans la mise en œuvre du principe de zéro artificialisation nette, une telle mesure permettrait effectivement d’accélérer un certain nombre de dossiers. Ces amendements apportent une vraie solution en matière de foncier et d’environnement ; ils éviteront que des sites industriels partent à la dérive.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Nous sommes tous motivés par la même volonté d’accélérer la réhabilitation des friches.

Ces amendements ont trois objets.

Le premier est de limiter la procédure proposée à l’implantation d’activités industrielles. A priori, cela semble une très bonne idée, car nous souhaitons tous favoriser l’industrie. Du point de vue juridique, cependant, ces amendements empêcheraient le préfet de faire usage de son pouvoir de mise en demeure dans un autre but que de faciliter l’implantation d’activités industrielles. Or il peut également être utile, notamment dans des zones d’activités mixtes, de libérer des terrains industriels pour étendre une surface commerciale ou des installations de services, par exemple.

Ces amendements prévoient en outre un encadrement accru de cette nouvelle possibilité via la concertation avec l’exploitant. Cette mesure pourrait aller à l’encontre de notre logique de réhabilitation des espaces artificialisés.

Enfin, le recours à un décret en Conseil d’État ne me semble pas nécessaire puisqu’il n’est pas porté atteinte au droit de propriété. Il s’agit non de saisir le terrain ou d’obliger le propriétaire à vendre, mais simplement de s’assurer qu’un industriel ne laisse pas dormir une partie d’un site dans le seul but d’échapper à ses obligations de remise en état. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le préfet n’impose pas la mise à l’arrêt d’un site : je ne souhaite pas qu’il prenne une telle responsabilité opérationnelle, qui relève de l’exploitant. Il ne fait que constater, en droit, la cessation d’activité lorsque le site est déjà fermé dans les faits, et il permet ainsi la réhabilitation de ce dernier. Vos amendements risquent de fragiliser ces procédures essentielles. Ils prévoient en outre un décret d’application qui n’est pas nécessaire.

Le ministre de l’industrie rêverait que chaque friche redevienne industrielle ou qu’elle le reste. Toutefois, en forçant les choses dans le droit, vous risquez de limiter très fortement les réhabilitations de sites. Vous empêcherez, par exemple, la transformation d’une partie de site en dépôt logistique ; or on sait bien que la logistique n’est jamais très loin de l’industrie.

Je demande donc le retrait de ces amendements. Nous sommes évidemment favorables à l’accélération des procédures – c’est d’ailleurs ce que fait le présent projet de loi, notamment son article 5 – mais vos propositions vont un peu trop loin.

Les amendements sont retirés.

 

Amendements identiques CS1393 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, CS724 de M. Hadrien Ghomi et CS1171 de M. Frédéric Zgainski.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Tels qu’ils sont rédigés, les alinéas 13, 14 et 15 relatifs au tiers demandeur introduisent une imprécision s’agissant tant de l’enchaînement des étapes que des responsabilités des acteurs.

Seul l’exploitant peut prendre l’initiative de la mise à l’arrêt de son installation, qui ne peut en aucun cas être anticipée de manière unilatérale par un tiers. Par ailleurs, le dépôt d’un dossier de demande de substitution avant même que la procédure de cessation ait été engagée par l’exploitant conduirait l’administration à instruire un dossier reposant sur une mise à l’arrêt hypothétique, avec un doute quant aux intentions réelles de l’exploitant.

Si rien n’empêche un exploitant et un tiers demandeur d’échanger de manière informelle avec l’administration dans le cadre de leurs réflexions sur un éventuel projet de fin de vie industrielle d’un site, il est préférable de faire coïncider l’engagement de la procédure officielle de demande de constitution en tant que tiers demandeur avec une étape bien identifiée de la vie du site, en cohérence avec les intentions exprimées par l’exploitant.

Afin d’accélérer la procédure de réhabilitation et de mettre le site en sécurité le plus rapidement possible après l’arrêt définitif de l’installation, le tiers demandeur devrait être impliqué dès la notification par l’exploitant de la cessation d’activité à venir, sans attendre la mise en œuvre concrète de cette cessation d’activité, comme le prévoit le droit actuel.

Il est donc proposé de modifier l’article L. 512-21 du code de l’environnement afin de permettre au tiers demandeur de solliciter auprès du préfet sa substitution à l’exploitant dès la notification de cessation d’activité. Cette notification intervient au moins trois mois avant la mise à l’arrêt définitive pour les installations soumises à autorisation ou à enregistrement, mais rien n’empêche un exploitant de procéder à cette démarche bien en amont s’il est contacté par un tiers demandeur souhaitant anticiper les travaux à réaliser.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CS121 de Mme Pascale Boyer.

Mme Danielle Brulebois (RE). Il convient de revenir sur la suppression de la responsabilité qui incombe au dernier exploitant d’une ICPE de réaliser les travaux de réhabilitation en cas de défaillance du tiers demandeur et d’impossibilité de mise en œuvre des garanties financières.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Votre amendement me paraît contraire à notre souhait d’accélération. J’y suis donc défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans l’esprit de l’article 5, le tiers demandeur, dès lors qu’il a pris la responsabilité du terrain, assume tout ce qui va avec. Or vous souhaitez qu’en cas de défaillance, la responsabilité revienne à l’exploitant initial. Autrement dit, vous voulez maintenir le droit actuel, qui empêche l’exploitant de tout remettre entre les mains d’un tiers demandeur volontaire. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1351 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 5 modifié.

 

Après l’article 5

 

Amendement CS124 de Mme Pascale Boyer et sous-amendement CS1428 du Gouvernement.

Mme Danielle Brulebois (RE). Afin de renforcer le suivi des travaux de réhabilitation des anciens sites d’ICPE, nous proposons d’élargir à l’ensemble de ces derniers le dispositif d’instruction des demandes de permis de construire et d’aménager prévu à l’article L. 556-1 du code de l’environnement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il convient de reporter à mi-2024 l’entrée en vigueur de cette extension du dispositif d’attestation d’ancienne ICPE insuffisamment réhabilitée. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, je donne un avis favorable à l’amendement présenté par Mme Brulebois.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

 

Amendement CS777 de Mme Anna Pic.

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à compléter l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme afin de favoriser la réhabilitation des friches, notamment pour un usage industriel. Nous proposons d’imposer aux collectivités territoriales compétentes en matière de documents d’urbanisme de répertorier, en annexe de ces derniers, les friches potentiellement mobilisables. Cette mesure s’ajoute au nécessaire inventaire des surfaces susceptibles d’être transformées sur les sols déjà artificialisés. Nous pourrons ainsi réduire le rythme d’artificialisation des sols et atteindre notre objectif de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Les évolutions législatives récentes ont permis une prise en compte accrue des friches dans les documents d’urbanisme. La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales la fixation d’objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain. J’ajoute que les observatoires locaux de l’habitat et du foncier doivent recenser les friches constructibles.

Par ailleurs, à l’échelon régional, un décret du 29 avril 2022 intègre dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires le potentiel de réhabilitation des friches, dans le cadre de la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation du territoire.

Avec l’article 5 ter adopté au Sénat, les friches vont désormais être prises en compte dans les schémas de cohérence territoriale.

Votre amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS778 de M. Dominique Potier. 

M. Dominique Potier (SOC). Nous reprenons une disposition de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, visant à ce que les entreprises publiques et les sociétés de plus de 250 salariés transmettent aux établissements publics compétents un état des lieux des réserves foncières dont elles disposent, notamment en termes de friches. Nombre de sociétés en possèdent, depuis la révolution industrielle, et cela représente un important potentiel de développement pour les énergies renouvelables mais aussi pour l’industrie verte, dans une logique d’optimisation du foncier et d’inventaire stratégique indispensable à la planification écologique.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. L’article 4 de la loi « énergies renouvelables » dispose que les entreprises publiques et les sociétés établissent un plan de valorisation de leur foncier en vue de produire des énergies renouvelables. L’amendement que vous proposez créerait un nouveau dispositif assez voisin, que je ne juge pas nécessaire. Surtout, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont déjà obligés de produire un inventaire des friches dans les observatoires locaux de l’habitat et du foncier adossés aux programmes locaux de l’habitat. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avec Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, nous avons confié une mission au préfet Rollon Mouchel-Blaisot visant à remettre un inventaire exhaustif de ces friches, dont les élus pourront disposer. Votre amendement crée une obligation administrative supplémentaire pour les entreprises et me semble superfétatoire.

M. Dominique Potier (SOC).  Nous sommes d’accord sur l’objectif, mais nous considérons qu’une telle charge s’impose tant à la puissance publique qu’au secteur privé. Il suffit d’étendre le dispositif prévu pour le déploiement des énergies renouvelables aux opérations de réindustrialisation. Nous sommes prêts, si besoin est, à travailler à une nouvelle rédaction en vue de la séance publique.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous sommes en effet tous d’accord sur l’objectif, mais l’amendement risque d’imposer ces inventaires y compris aux entreprises qui ne disposent pas de friches. Il favoriserait peut-être une plus grande exhaustivité mais au prix d’une charge administrative trop importante pour tous.

M. Gérard Leseul (SOC). Toutes les associations reçoivent des déclarations d’impôt et nombre d’entre elles signalent simplement qu’elles n’ont pas de chiffre d’affaires et qu’elles n’ont rien à déclarer. Il pourrait en être de même. Si on aide les entreprises à s’installer, on peut leur demander – sans amende et sans contrôle – de contribuer à l’information sur les sites de friches.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS382 de Mme Florence Goulet.

Mme Yaël Menache (RN). Bien souvent, les communes rurales n’ont pas les moyens financiers pour valoriser les friches industrielles que les grands groupes ont laissées derrière eux. Pourtant, de tels sites constituent un atout pour ces communes et pour la décarbonation de l’industrie, s’ils sont suffisamment bien réhabilités pour pouvoir accueillir un nouveau projet. Dans la perspective du prochain projet de loi de finances, il conviendrait donc d’étudier la possibilité d’aider ces communes ayant engagé une dynamique vertueuse de réhabilitation et d’attractivité pour de nouvelles installations.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Nous partageons votre volonté de réhabiliter les friches industrielles, notamment en milieu rural. Toutefois je suis défavorable à votre amendement, qui me semble satisfait par la composante « recyclage » du fonds vert – l’ancien fonds Friches, lequel avait vocation à financer des opérations de recyclage de friches ou de fonciers déjà artificialisés et devait permettre de construire de nouveaux logements et locaux d’activité, sans faire progresser l’artificialisation nette.

Doté de 300 millions d’euros en 2021, le fonds a vu son enveloppe abondée à deux reprises : une première fois de 350 millions d’euros, dans la loi de finances de 2022, et une seconde fois de 100 millions d’euros. En 2023, le fonds friches a été pérennisé avec le volet recyclage foncier du Fonds vert, qui est doté de 2 milliards d’euros, dont 300 millions d’euros pour les friches. Nos communes rurales sont éligibles à ce fonds et peuvent donc financer ainsi les opérations de réhabilitation.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Plutôt que de voter des demandes de rapport et des dispositions législatives qui accroissent la charge administrative, je vous invite à auditionner les ministres. La question que vous évoquez est essentielle mais nous avons une stratégie bien définie, que Mme la rapporteure vient de détailler. Auditionnez donc les ministres pour vous assurer que cette partie du fonds vert est bien destinée à la restauration des friches industrielles et, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, assurez-vous que les Dreal aient les moyens d’assurer leurs missions !

Je serai défavorable à toutes les demandes de rapport, tout comme je proposerai la suppression de l’article 5 bis A.

Mme Yaël Menache (RN). Le fonds friches est bien insuffisant face aux besoins. Parmi les communes éligibles, peu en bénéficient. Cet amendement d’appel vise à l’abonder.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ajoute que cet outil exceptionnel qu’est la Banque des territoires consacre 1 milliard d’euros aux friches. Elle connaît les élus, elle travaille avec eux et les élus savent qu’elle peut devenir propriétaire de terrains pour les réhabiliter et les louer à des industriels. N’hésitez pas à auditionner ses responsables pour qu’ils vous expliquent leurs actions !

Par ailleurs, la question que vous soulevez relève de la discussion du projet de loi de finances, où je vous invite à la poser à nouveau.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS443 de Mme Alma Dufour.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Vous savez que, les parlementaires étant malheureusement très contraints dans leurs amendements, ils en sont réduits à formuler des demandes de rapport.

Celui que nous vous proposons vise précisément à disposer d’informations avant la discussion du prochain projet de loi de finances sur l’adéquation entre les moyens du fonds et ses objectifs. L’abondement du fonds friches est certes important, mais il est insuffisant pour respecter l’objectif zéro artificialisation nette, sachant que, selon les acteurs industriels et commerciaux, l’installation sur une friche coûte 30 % de plus que sur un terrain vierge.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Même avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je comprends qu’une demande de rapport permet d’ouvrir le débat, mais encore une fois, je vous invite plutôt à auditionner les ministres concernés et à poursuivre votre travail de contrôle. De surcroît, le rapport en question serait remis après le projet de loi de finances.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Votre réponse n’est pas satisfaisante. Voulons-nous une vraie politique publique ambitieuse pour requalifier nos 150 000 hectares de friches et 8 300 sites ? Ce n’est pas en auditionnant les ministres que les collectivités disposeront d’une information claire, si grande soit la motivation du Gouvernement.

La vallée de la Maurienne, qui a connu la désindustrialisation, ne dispose pas de foncier. Si, depuis trente ans, nous avions pu requalifier les friches, nous l’aurions fait ; si nous pouvions le faire aujourd’hui avec le fonds friches, nous le ferions. Un seul site industriel de la vallée a pu en bénéficier, alors que dans ma circonscription, cinq communes disposent de friches importantes ! Bien sûr, il faudra toujours des arbitrages, mais quoi qu’il en soit, les aides de ce fonds sont insuffisantes dès lors que les communes doivent apporter le complément.

Pour les petites communes aux moyens modestes, la Banque des territoires propose des montages d’une complexité décourageante. Si le Gouvernement ne propose pas un dispositif opérationnel clé en main, cela ne marchera pas. L’établissement public foncier local de la Savoie est très efficace, mais les procédures sont si complexes et les coûts si élevés que, faute d’un tel outil, il ne sera pas possible d’avancer.

Je m’opposerai par conséquent à l’amendement de suppression de l’article 5 bis A déposé par le Gouvernement.

Mme Danielle Brulebois (RE). Les 2 milliards d’euros du Fonds vert bénéficient surtout aux petites collectivités locales et s’ajoutent au fonds friches. Ils représentent un effort important de la part de l’État.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le fonds Friches a été intégré dans le Fonds vert, mais la somme totale est bien de 2 milliards d’euros, en effet. La consommation industrielle de ces crédits est effectivement insuffisante, mais faute de demandes. Les procédures pour en bénéficier sont pourtant très simples, à la différence de celles de la Banque des territoires. Il y a des ingénieurs pour conseiller les petites communes dans le montage des dossiers de financement. La Banque des territoires, quant à elle, achète des terrains ou propose des solutions de financement structuré, et peut, elle aussi, aider les communes à monter les dossiers.

Nous disposons donc des outils adéquats, même s’ils restent peut-être méconnus et mal compris. D’où l’intérêt, je me répète, d’auditionner les ministres !

La commission rejette l’amendement.

 

Article 5 bis A : Rapport sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans

 

Amendements de suppression CS675 du Gouvernement et CS742 de M. Henri Alfandari.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai déjà dit pourquoi nous souhaitons supprimer cet article et Mme Bonnivard a déjà expliqué pourquoi elle y était défavorable…

M. Henri Alfandari (HOR). J’ajoute que l’article 5 bis précise que l’expropriation pour état d’abandon manifeste peut avoir une visée industrielle. Ne compliquons pas les choses en demandant des rapports ! Nous faciliterons la réalisation des projets en limitant l’immobilisation des capitaux : plus la visibilité est accrue, plus les coûts diminuent et plus la requalification des friches sera effective.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Avis favorable.

M. Dominique Potier (SOC). La suppression de cet article entraînera la chute de mon amendement CS779, qui aurait pu, me semble-t-il, susciter le consensus. Il vise à étendre la logique de l’inventaire et de la mobilisation des friches aux réserves foncières de Voies navigables de France (VNF). Cette mesure avait d’ailleurs été adoptée à l’unanimité dans le projet de loi relatif aux énergies renouvelables, mais le Conseil constitutionnel l’a censurée, considérant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Cela permettrait de mobiliser les 6 700 kilomètres de voies fluviales et les 40 000 hectares de domaine public de VNF pour réaliser un maximum d’énergies renouvelables « eau, air, soleil » dans une logique de réseau. Ce grand projet est inspiré de l’aventure de la Compagnie nationale du Rhône, qui a fait ses preuves en associant écologie et production agricole, industrielle et énergétique. Il s’agirait d’une formidable ressource pour notre industrie de l’éolien, du photovoltaïque et de l’hydraulique, où la France est pionnière et dispose d’actifs stratégiques importants. De plus, cette production d’énergie en réseau peut alimenter à moindre coût une industrie plus compétitive. Le groupe socialiste tient énormément à cette proposition.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Vous voulez supprimer un article prévoyant la remise d’un rapport du Gouvernement dans un délai de six mois concernant l’identification des moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans. Le Sénat l’a souhaité pour nous protéger et nous donner les moyens de nos ambitions. La gestion des friches est d’une grande complexité. Si nous voulons atteindre notre objectif commun, nous devons être certains du caractère opératoire de nos décisions. Car entre ce que nous arrêtons ici et le terrain, je vous assure qu’il y a un monde !

Ce rapport nous aurait obligés à être très exigeants dans les six mois à venir s’agissant des informations délivrées aux territoires, aux préfets et aux collectivités ainsi que de nos efforts de lisibilité et de simplification, afin de déclencher un sursaut au sein des territoires pour mener de véritables politiques départementales et régionales de requalification des friches. Il est vraiment dommage de se priver d’un tel vecteur alors que, collectivement, nous devons garantir l’atteinte de nos objectifs.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Notre objectif, très opérationnel, vise à ce que la Banque des territoires puisse libérer cinquante sites et 2 000 hectares dans les années à venir. Je préfère que nous agissions plutôt que de rédiger des rapports – ce sont les mêmes personnes qui font le boulot ! Je souhaite que, dans les mois à venir, nous nous concentrions sur l’identification et la libération de ces friches.

Les outils existent, même s’ils sont parfois complexes. Auditionnez les ministres et assurez-vous qu’ils répondent à toutes vos questions ! Cela sera plus efficace qu’un rapport.

Monsieur Potier, un travail s’impose en effet à propos de VNF. La disposition que vous aviez fait adopter dans le projet de loi « énergies renouvelables » a été censurée pour des raisons essentiellement légistiques. Je vous invite à réfléchir d’ici à la séance publique à la meilleure façon de l’intégrer au présent texte. Sur le principe, le Gouvernement y est favorable et je m’engage à ce que votre amendement soit examiné avec les yeux de Chimène.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Avec tout ce qui a été renvoyé à la séance, les prochains jours vont être chargés !

Le rapport permettrait d’avoir la visibilité qui s’impose sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans. Ce n’est pas un inventaire, c’est un travail complémentaire et nécessaire, qui sera aussi une forme d’évaluation de notre passé industriel, au moment où nous travaillons à la réindustrialisation. Nous avons besoin d’une nomenclature de ces friches identifiant leur nature et ce que nous pourrions en faire.

M. le président Bruno Millienne. Je vais mettre aux voix ces amendements, avec un double avis défavorable. Qui est pour ? Qui est contre ? … C’est l’inverse, je recommence !

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 bis A est supprimé et les autres amendements tombent.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le président, cette façon de faire n’est pas correcte ! Vous venez de procéder à un deuxième vote, ce qui n’est pas dans vos attributions, alors que les amendements avaient été d’abord rejetés. C’est irrégulier. Hier, plusieurs groupes ont demandé de revoter l’article 1er bis A, le vote ayant été organisé dans des conditions expéditives, et vous n’avez pas donné suite. Je constate qu’il y a deux poids, deux mesures !

M. le président Bruno Millienne. Cela n’a rien à voir ! Vous êtes de mauvaise foi. Pour le vote qui vient d’avoir lieu, je me suis trompé à propos des avis. Je m’en suis rendu compte avant de donner le résultat du vote et j’ai procédé à une nouvelle mise aux voix.

Hier, à tous ceux qui m’avaient demandé si je suspendrais pour que les députés puissent aller voter en séance, j’avais répondu que je suspendrais à la fin de la discussion de l’article 1er bis A. Tous ceux qui m’ont posé la question étaient au courant. Des députés sont allés voter en séance, ce qui est leur droit le plus strict, et un grand nombre, y compris de votre groupe, sont restés. Il n’y a eu aucune irrégularité.

 

Article 5 bis : Visée industrielle de l’expropriation pour état d’abandon manifeste

 

La commission adopte l’article 5 bis sans modification.

 

Article 5 ter : Prise en compte des friches dans les orientations du SCoT

 

La commission adopte l’article 5 ter sans modification.

Après l’article 5 ter

 

Amendement CS711 de Mme Lisa Belluco

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous considérons tous les friches comme une manne pour un ensemble de projets : renaturation, installation d’énergies vertes, recyclage urbain, industrie… Néanmoins, toutes ne sont pas identiques. Certaines d’entre elles, par exemple, ont un rôle écosystémique très important. Nous proposons donc qu’un décret en Conseil d’État fixe une nomenclature des friches, ce qui favorisera un aménagement plus rationnel et efficace de ces espaces.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Les friches sont en effet très diverses. Toutefois, l’établissement d’une nomenclature distinguant les friches pouvant faire l’objet d’un recyclage foncier et celles pouvant être renaturées n’est pas adéquate. Une telle qualification serait trop rigide, alors que les friches ne sont pas des espaces figés dans le temps. Enfin, les communes et les EPCI sont tenus d’évaluer tous les trois ans la trajectoire de sobriété foncière sur leur territoire. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). La nomenclature ne vise pas à déterminer la destination future mais à connaître l’état des différentes friches, justement afin de définir au mieux leur destination. Nous en faisons un paquet indifférencié pour l’instant. Des choix pertinents supposent qu’il soit possible d’y voir plus clair.

M. Lionel Vuibert (RE). Les friches sont répertoriées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), mais nous ne disposons pas d’un état exact de leur degré de pollution. Peut-être pourrait-on au moins agir dans ce sens-là.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS660 de Mme Huguette Tiegna

Mme Huguette Tiegna (RE). Il précise que les PLU peuvent prévoir que les terrains ayant accueilli une activité relevant de la législation des installations classées sont prioritairement réhabilités pour un usage futur compatible avec l’installation sur la zone d’une activité de gestion des déchets. L’objectif est double : encourager le maintien d’une activité industrielle sur ces terrains et développer en particulier l’activité de gestion de déchets.

Par ailleurs, il prévoit que cet usage des sites peut « prioritairement », et non exclusivement, être orienté vers les activités relevant de la gestion des déchets. Ainsi, en cas d’impossibilité d’installer une telle activité, ces sites pourraient être affectés à toute autre activité industrielle, voire à tout autre usage.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je partage votre souci de réinstaller prioritairement des industries dans les zones industrielles, en tirant parti des obligations de dépollution différenciée selon les usages. Néanmoins, quid du terrain si aucune usine de gestion de déchets ne vient s’installer ? Comme vous le savez, il faut du temps pour modifier un PLU. D’autres moyens existent pour soutenir les activités de gestion de déchets. Demande de retrait ou avis défavorable

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’objectif est louable mais en promouvant une « taille unique » pour l’ensemble des friches, le risque est grand de contraindre exagérément des projets qui pourraient être adaptés à d’autres activités.

Mme Huguette Tiegna (RE). J’ai bien précisé qu’en cas d’impossibilité d’installer une activité de gestion des déchets, il sera possible d’affecter le site à d’autres usages industriels.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1007 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le Cerema doit définir les typologies des friches et élaborer des recommandations. Elles seront utiles aux petites communes, qui n’ont pas accès à tout ce qui est nécessaire en termes d’ingénierie, contrairement à ce que vous avez dit.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Votre amendement propose la rédaction d’un rapport par le Cerema, non un accompagnement des collectivités.

Le rapport que s’apprête à remettre le préfet Rollon Mouchel-Blaisot nous donnera de nombreux éléments à ce propos. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le rapport que nous remettra le préfet éclairera beaucoup de choses. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 6 : Sécuriser les financements relatifs à la mise en sécurité des sites en cas d’exploitation illégale et de liquidation judiciaire

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1284 et CS1285 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendements identiques CS671 du Gouvernement, CS322 de Mme Danielle Brulebois, CS1196 de Mme Laurence Heydel Grillere et CS1307 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Depuis dix ans, les entreprises paient une prime d’assurance qui, en théorie, doit permettre de garantir la réhabilitation des terrains. Elles ont dépensé 20 millions d’euros chaque année, pour 400 000 euros recouvrés au total. La différence est dans les comptes de résultat des assurances.

Nous proposons de supprimer ce dispositif de garanties financières complètement inefficace et de le remplacer par une séniorisation de la créance environnementale. Pour simplifier, nous plaçons l’écologie avant les impôts : lorsqu’une entreprise quittera un site, les dépenses de réhabilitation viendront juste après les dépenses prioritaires telles que les salaires. Seraient concernés 1 193 sites, pour un montant total potentiel de recouvrement de près de 900 millions d’euros. Toutes les entreprises ne seront pas capables d’honorer cette créance, mais nous estimons qu’au moins 25 % des sommes devraient être recouvrées, donc un peu plus de 200 millions d’euros contre les 400 000 euros actuels.

Le Sénat a adopté le système de la créance environnementale, mais en préservant le dispositif de garanties financières. Je propose de supprimer ce dernier, qui ne sert à guère autre chose qu’à un transfert du secteur industriel au secteur assurantiel,

Mme Danielle Brulebois (RE). L’article 6 propose en effet des mesures plus efficaces pour sécuriser le financement de la remise en état du site. Les garanties financières des installations classées pour la protection de l’environnement paraissent insuffisantes pour assurer la dépollution des sols, parfois indispensable. Il s’agit là d’une préoccupation importante pour les petites collectivités.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements identiques CS152 de Mme Christelle Petex-Levet, CS189 de M. Pierre Cordier et CS402 de M. Xavier Roseren, portant article additionnel après l’article 6, tombent.

 

Amendement CS821 de Mme Yaël Menache.

Mme Yaël Menache (RN). Cet amendement vise à maintenir l’obligation de garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent. Lorsque l’industriel est propriétaire du terrain, il n’y a aucune difficulté puisqu’il est responsable, mais dans le cas des promoteurs éoliens, l’industriel n’est quasiment jamais propriétaire. Il loue les terrains afin d’y installer des aérogénérateurs industriels, et leur démontage, en l’absence de garanties financières, est à la charge du propriétaire du terrain – bien souvent, un agriculteur.

Il convient donc de ne pas exonérer les promoteurs éoliens de l’obligation du dépôt de garanties financières, quand bien même son montant est inférieur au coût réel du démontage, surtout lorsque l’on sait que les 1 000 mètres cubes de béton restent en place.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. L’amendement est satisfait par le droit existant : l’article L. 151-46 du code de l’environnement dispose que les promoteurs des parcs éoliens constituent des réserves financières en vue de leur démantèlement et de la remise en état des sites, dès le début de la production. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements de coordination juridique CS1286 et CS1287 et l’amendement rédactionnel CS1283 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

La commission adopte l’article 6 modifié.

 

Après l’article 6

 

Amendement CS729 de Mme Lisa Belluco.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à rendre publiques les données relatives aux sanctions en matière d’installations industrielles. L’objet de l’article 6 est de renforcer les sanctions en cas de non-respect du droit. Pour vérifier la bonne application de ces mesures, il est indispensable d’avoir des données.

Jusqu’en 2014, nous disposions d’informations sur le nombre de mises en demeure et de sanctions en matière de police de l’environnement. Les chiffres montraient que les autorités administratives indépendantes étaient bien plus sévères que les administrations classiques. Ces données ne sont plus publiées. Nous en avons besoin pour élaborer les dispositions les plus pertinentes pour faire respecter le droit de l’environnement.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Les informations relatives aux procédures de mise en demeure et aux sanctions des installations classées sont d’ores et déjà publiques : elles figurent sur le site des services préfectoraux, et des agrégats nationaux sont régulièrement communiqués. D’après le dernier bilan, publié en 2022, plus de 3 500 arrêtés préfectoraux ont été signés, dont environ 3 000 mises en demeure et 600 sanctions administratives à l’encontre d’ICPE ne respectant pas leurs obligations environnementales. L’avis est défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. L’amendement est plus que satisfait. Les inspections des ICPE débouchent sur de nombreuses mises en demeure – l’administration fait son travail, ce qui est très bien. Les mises en demeure sont systématiquement rendues publiques, et les sanctions peuvent l’être. Il y a une gradation : en plus de la sanction en elle-même, il est possible de la rendre publique, dans une optique de « name and shame » (nommer et couvrir de honte).

M. Gérard Leseul (SOC). Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur le pourcentage de sanctions rendues publiques ? Il me semblerait a priori utile qu’elles le soient toutes.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne connais pas les chiffres, mais la publication est une sanction en soi, qui participe de la gradation des peines. Dans le cas d’une erreur commise de bonne foi entraînant une sanction, je ne suis pas certain qu’il faille chercher à affecter la réputation de l’entreprise. La publicité est décidée par le juge lorsqu’il l’estime utile.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Je vais maintenir l’amendement mais retirer le suivant, le CS727, qui était de repli. Nous allons retravailler notre proposition pour la séance publique, à la lumière des éléments que vous nous avez donnés.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CS727 de Mme Lisa Belluco est retiré.

 

Amendement CS630 de M. Nicolas Thierry.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Il demande au Gouvernement un rapport proposant une trajectoire de dépollution des eaux et des sols contaminés par les substances perfluoroalkylées (Pfas), ces polluants persistants générés par l’activité industrielle. Le rapport devra également inclure une estimation des coûts de dépollution et proposer un système de contribution exceptionnelle des entreprises responsables, en application du principe du pollueur-payeur.

Aux États-Unis, le très grand groupe chimique 3M vient de faire un chèque de 12,5 milliards de dollars pour solder des litiges ; en juin, trois entreprises chimiques ont dû payer 1 milliard de dollars pour éviter des procès. La pollution des Pfas est d’une ampleur inédite. Elle est directement liée à l’activité industrielle, et elle touche également notre pays. La gravité de la contamination par les Pfas rend essentielle l’inclusion de la dépollution dans le projet de loi relatif à l’industrie verte.

Nous avons déposé de nombreux amendements sur les Pfas, qui ont presque tous été déclarés irrecevables. Cela est regrettable, et incompréhensible compte tenu de l’actualité. C’est à cause de cette irrecevabilité généralisée que nous avons dû recourir à un amendement de demande de rapport. Son adoption montrerait que le législateur ne passe pas à côté d’un sujet majeur pour l’industrie, aujourd’hui et dans les prochaines années.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je rejoins vos préoccupations concernant les risques écologiques et sanitaires des polluants dits éternels émis par les industries. Toutefois, je ne crois pas qu’un rapport supplémentaire apporte la moindre solution au problème, d’autant que des travaux sont déjà engagés sur la question.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le sujet a déjà été évoqué tout à l’heure. Des travaux européens ont été lancés suite à la demande de cinq États membres d’interdire définitivement les Pfas. Il y a lieu de se pencher sérieusement sur les 10 000 Pfas recensés, afin d’opérer un tri. Un plan d’action interministériel, piloté par mon collègue Christophe Béchu, a été élaboré.

Mais nous entendons vos arguments. Ainsi, la Première ministre a chargé hier le député Cyrille Isaac-Sibille d’une mission temporaire sur les Pfas. Un parlementaire en mission va donc bénéficier des moyens de toute l’administration pour élaborer un rapport, lequel sera rendu public. Les commissions parlementaires compétentes pourront auditionner ce député. Votre amendement est donc satisfait depuis hier.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Certes, il y a des milliers de Pfas – plutôt douze mille que dix mille, d’ailleurs. Mais certains pays européens, que la France a soutenus, défendent l’interdiction par famille, justement pour ne pas entrer dans l’examen substance par substance, option suivie par les États-Unis, voulue par les industriels et dont le résultat est l’enlisement du débat. Attention aussi à l’argument selon lequel nous ne pourrions rien faire car tout se jouerait à l’échelle européenne. Il existe des marges de manœuvre nationales : le Danemark a ainsi interdit dès 2020 les polluants éternels dans les emballages alimentaires.

Je regrette d’examiner un texte relatif à l’industrie verte qui n’aborde pas les Pfas, sujet industriel et sanitaire majeur. La demande de rapport n’est effectivement pas satisfaisante, mais c’est le seul moyen que nous ayons d’intégrer les Pfas dans notre discussion, à cause de l’irrecevabilité de tous les amendements portant sur cette question.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La position que défendra la France dans les instances européennes est en cours de finalisation. Il y a trois options : examen des dix mille Pfas pour déterminer lesquels doivent être interdits ; interdiction généralisée – idée qui peut se révéler dangereuse ; et interdiction des Pfas dangereux, qui restent à qualifier. Un travail doit être réalisé, et un parlementaire a été désigné pour le faire. J’imagine qu’il sera totalement disponible pour répondre aux questions de l’Assemblée. Votre amendement ne vous satisfait peut-être pas, mais il est satisfait, donc je vous engage à le retirer.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous reviendrons souvent sur ce sujet, d’autant que vos réponses ne sont pas suffisantes. Le député auquel a été confiée la mission a déjà dit qu’il fallait examiner les Pfas un par un pour évaluer leur dangerosité – et pourtant, il est médecin ! Quand obtiendrons-nous une réponse, s’il faut étudier douze mille substances ? Il y a urgence à appliquer le principe de précaution.

De nombreuses études ont établi la dangerosité de ces substances, et pendant que nous parlons, de nouvelles molécules sont peut-être en cours d’apparition. Penser le futur industriel sans intégrer ces éléments est une erreur profonde, pour laquelle nous porterons une responsabilité collective. Nous avons demandé un rapport parce que nos amendements ont été déclarés irrecevables. Pourtant, il s’agit d’un sujet industriel, et essentiel pour penser l’avenir.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je souscris totalement aux propos de mes collègues Fournier et Thierry, et je regrette que la pollution et les impacts de l’industrie carbonée ne trouvent aucune place dans un texte sur l’industrie verte. C’est incompréhensible.

On ne peut pas étudier tous les Pfas pour déterminer la dangerosité de chacun d’entre eux avant, éventuellement, d’en interdire. La moindre des choses serait de suspendre la possibilité d’y recourir tant que l’analyse n’est pas achevée. Le principe de précaution doit s’imposer.

D’autre part, la mission qui vient d’être confiée à l’un de nos collègues porte-t-elle bien sur l’ensemble des éléments devant figurer dans le rapport demandé par l’amendement, à savoir l’interdiction des Pfas, la dépollution des sites, les coûts de la dépollution et la désignation de ceux qui les assumeront ? Nous espérons qu’elle ne se limite pas à la question de savoir quels sont les Pfas dangereux.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si nous interdisions tous les Pfas, nous ne pourrions plus produire de batteries en France, nous ne ferions plus d’électro-hydrogène et nous devrions importer des véhicules électriques produits selon des standards moins exigeants. Bref, il faut y travailler. Nous vous transmettrons la lettre de mission de votre collègue, mais il faut débattre et prendre le temps nécessaire à l’élaboration de mesures raisonnables.

Un arrêté, publié le 27 juin, impose la réalisation d’une campagne d’analyse des Pfas au sein des rejets aqueux des secteurs industriels pouvant produire, utiliser ou traiter ces substances. Vous conviendrez que cette première étape sera extrêmement utile. Nous avançons et nous continuerons de le faire.

M. le président Bruno Millienne. C’est un sujet primordial, dont nous reparlerons. Je vous incite à vous rapprocher de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, qui travaille sur ces questions depuis longtemps, notamment avec notre collègue Jimmy Pahun. Ils seront ravis de bénéficier de vos connaissances et de vos contributions, et de collaborer avec vous.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS523 de M. Emmanuel Blairy.

Mme Yaël Menache (RN). L’objectif de cet amendement est de recenser le foncier disponible et d’évaluer les moyens à déployer pour le mobiliser – fermeture d’exploitation, dépollution, terrassement, désenclavement, etc. À l’aide de l’outil Cartofriches, du Cerema, les établissements publics de coopération intercommunale pourront répertorier les sites mobilisables situés dans leur territoire et mener une politique de revitalisation à l’échelle communale ou intercommunale.

Il s’agit de donner une deuxième vie à des espaces industriels délaissés en ancrant les projets d’industrie verte dans les territoires, afin de contribuer à un redéveloppement industriel responsable. Les EPCI pourront évaluer les potentiels d’implantation industrielle des friches disponibles.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Comme vous le soulignez, des outils comme Cartofriches, développé par le Cerema, existent déjà : plus de 8 000 sites y sont recensés et les données sont libres d’accès. Le préfet Mouchel-Blaisot doit remettre un rapport en juillet sur la mobilisation du foncier industriel, ce qui correspond précisément à votre demande. Il n’y a pas d’intérêt à demander un rapport de plus, donc je vous demande de retirer l’amendement – à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement nous paraît superfétatoire, mais le précédent ne l’était pas. Monsieur le ministre délégué, je ne remets absolument pas en cause votre bonne foi, que vous avez démontrée à plusieurs reprises au cours de ce débat, mais il ne faudrait pas mal interpréter l’amendement : il ne demandait pas un rapport sur l’interdiction des Pfas mais sur la définition d’une trajectoire de dépollution. Il faut prendre ce sujet à bras‑le-corps, au-delà d’une simple mission parlementaire.

M. le président Bruno Millienne. C’est exactement le sujet de la mission de M. Cyrille Isaac-Sibille – nous vous transmettrons la lettre de mission. Je vous engage à travailler avec lui, vous serez les bienvenus. Vous demandez un rapport, on vous donne une mission de six mois : c’est tout de même mieux ! Nous souhaitons tous avancer sur le sujet.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 6 bis

 

M. le président Bruno Millienne. Cet article a été ajouté par le Sénat en commission, puis supprimé en séance.

 

Amendement CS731 de Mme Lisa Belluco.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il s’agit de rétablir une disposition – proposée par la gauche et soutenue par la droite – votée en commission mais rejetée en séance publique au Sénat. L’idée est d’intégrer, dans l’étude d’impact réalisée à l’occasion de la demande d’autorisation environnementale, une analyse des solutions envisagées pour réduire la consommation d’espace au sol. Le Gouvernement l’a repoussée en affirmant que l’article L. 122-3 du code de l’environnement le prévoyait déjà. Or cet article dispose que l’étude d’impact comprend, entre autres, une « description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage », ce qui est très différent d’une réduction de la consommation d’espace au sol. Nous souhaitons rétablir la disposition adoptée fort opportunément en commission au Sénat.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je suis un peu ennuyée – et ce n’est pas une question de gauche ou de droite. L’article 6 bis a été introduit en commission au Sénat, mais supprimé en séance car il était satisfait. L’article L. 122-3 du code de l’environnement précise le contenu de l’étude d’impact.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai le même avis qu’en séance au Sénat. Nous pouvons comparer, d’ici à la séance publique, nos compréhensions respectives de cet article du code de l’environnement ; en attendant, je demande le retrait de l’amendement, qui est, de mon point de vue, satisfait.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il faut vérifier la partie ayant trait à l’analyse des solutions envisagées pour réduire la consommation d’espace au sol.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). C’est en effet cet aspect qu’il faut étudier. La rédaction actuelle du code de l’environnement ne satisfait pas notre demande, qui nous semble importante. Je maintiens donc l’amendement, mais je suis tout à fait disposé à confronter les interprétations de l’article L. 122-3 d’ici à la séance publique, afin d’aboutir à une réponse qui nous agrée.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous avez cité le d) de l’article, monsieur le député, mais le f) dispose bien que l’étude d’impact comprend « toute information supplémentaire, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et des éléments de l’environnement sur lesquels une incidence pourrait se produire, notamment sur l’artificialisation des sols et la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers résultant du projet lui-même et des mesures mentionnées au c) »

Comme vous le savez, nous ne sommes pas majoritaires au Sénat : la disposition, votée en commission, a été supprimée en séance publique, car la lecture du code de l’environnement a convaincu les sénateurs qu’elle était satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission maintient la suppression de l’article 6 bis.

 

Article 7 : Remplacement des sites naturels de compensation par des sites naturels de restauration et de renaturation

 

Amendements de suppression CS629 de M. Nicolas Thierry et CS841 de M. Gérard Leseul.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’article 7, qui prévoit la possibilité de réaliser des opérations de restauration et de développement de la biodiversité dans des zones appelées « sites naturels de restauration et de renaturation » (SNRR) et agréées par l’autorité administrative. Ces opérations donneraient lieu à l’attribution d’unités de restauration ou de renaturation, qui pourraient être vendues à des personnes soumises à une obligation de compensation.

Ce mécanisme pose plusieurs problèmes. Le principal est qu’il se fonde sur un gain écologique attendu, sans garantie de résultat équivalent à la perte compensée en termes d’habitats, d’espèces et de fonctionnalités écologiques. La vente anticipée d’unités de compensation, sans identification claire ni constatation effective du gain écologique, n’est pas satisfaisante. Faciliter le déploiement de projets ne doit pas se faire au mépris du vivant. Afin de préserver la biodiversité et d’éviter les potentielles conséquences néfastes de ce mécanisme, nous proposons la suppression de l’article.

M. Gérard Leseul (SOC). Pour les mêmes raisons, nous appelons à la plus grande vigilance sur cet article. Nous ne sommes pas opposés à rediscuter du sujet, mais nous avons besoin d’un cadre clair. Il faut appliquer la séquence « éviter, réduire et compenser (ERC) » : la compensation ne peut intervenir que lorsque toutes les solutions d’évitement et de réduction ont été épuisées. En matière de biodiversité, toute compensation doit être matériellement vérifiable par un gain écologique réalisé dans le cadre d’un site de compensation, de restauration ou de renaturation. La vente de titres de compensation ne doit intervenir que si ces deux conditions sont respectées.

Nous proposons de revoir la création de sites naturels de compensation (SNC) de haute qualité en lien avec les différents établissements publics fonciers. Dans un premier temps, nous souhaitons donc supprimer l’article 7 pour modifier le dispositif du Gouvernement.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je considère au contraire que cet article est tout à fait pertinent. Nos obligations légales de compensation d’atteinte à la biodiversité, fixées à l’article L. 163-1 du code de l’environnement, sont trop rarement remplies, faute notamment d’une offre constituée de compensation.

Le dispositif des SNC, introduit par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, n’a hélas pas fonctionné : seul un site a été agréé, dans les Bouches-du-Rhône, alors qu’il en faudrait des centaines dans l’ensemble du territoire pour répondre aux besoins de compensation.

L’article 7 vise à donner un nouvel élan à ce dispositif en facilitant son implantation et en l’ouvrant, au-delà des obligations de compensation, sur la base du volontariat.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Mme la rapporteure a très bien présenté la philosophie de cet article, qui vise à être plus efficace pour restaurer la biodiversité et préserver les espèces protégées, tout en permettant aux industriels de développer leurs activités. Certains d’entre eux souhaitent fortement s’inscrire dans cette démarche de compensation. L’article a pour but d’anticiper le déploiement de mesures de renaturation avant le début des travaux. La Dreal surveillera le projet, en assurant un suivi qualitatif de l’impact réel des mesures sur la biodiversité. Nous souhaitons conserver cet article, qui nous semble très important et qui remplacerait une procédure qui ne fonctionne pas.

Le site dont a parlé Mme la rapporteure, c’est 700 hectares dans les Bouches-du-Rhône, où a été réintroduite l’outarde canepetière – mais on la trouve également dans le centre-ouest du pays ; et encore a-t-il fallu suivre une procédure extrêmement lourde. Nous souhaitons la simplifier. L’objectif est d’être plus efficaces pour respecter la biodiversité tout en accompagnant les industriels qui souhaitent s’inscrire dans cette démarche.

Car les industriels d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier : ils sont pères et mères de famille, extrêmement sensibles aux enjeux environnementaux – et quand ils ne le sont pas, leurs actionnaires et leurs clients le sont. S’ils veulent recruter des jeunes, ce n’est pas en supprimant les espèces protégées qu’ils y parviendront ! La responsabilité sociale et environnementale des entreprises est vraiment en train de changer. Il faut donner aux industriels les moyens d’agir dans ce domaine. Je demande donc à la commission de ne pas supprimer cet article.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Cet article est excellent, car il ménage l’équilibre qui est nécessaire. Dans la vallée de la Maurienne, il n’y a quasiment plus de zones de compensation. Nous sommes en train de nous battre pour essayer d’en trouver pour aménager une véloroute, donc pour décarboner les déplacements !

Ces amendements de suppression mettent en relief nos différences de vision. L’objectif de l’article 7 est de restaurer et renaturer des espaces, sur une planète finie. Dans mon territoire de montagne par exemple, nous voulons démonter certaines remontées mécaniques pour développer différemment les stations de ski. Ces opérations de renaturation sont une obligation éminente pour nous, pour réaliser des aménagements plus vertueux, mais dans le cadre d’une stratégie de développement économique et non de décroissance. Cet article est salutaire et vertueux.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Les industriels d’autrefois étaient également pères de famille, monsieur le ministre délégué, cela ne change rien à l’affaire !

La loi sur la séquence ERC est très claire, mais dans les faits, on aboutit au CRE – compenser, réduire, éviter. Un projet est décidé sans être jamais débattu sous l’angle environnemental : ses promoteurs tentent d’abord de le compenser, s’ils n’y parviennent pas, ils tentent de le réduire, et c’est seulement en dernier recours qu’ils se résolvent à l’éviter. La loi a donc été complètement dévoyée.

Le mécanisme que vous proposez repose sur un gain écologique attendu. Mais pensez à la construction de l’autoroute A65 entre Bordeaux et Pau : elle a causé des dégâts considérables aux écosystèmes, et un rapport du Sénat a montré que la compensation avait échoué, tout simplement parce que l’on ne peut pas démonter des écosystèmes qui ont mis des milliers d’années à se former pour les reproduire un peu plus loin ! L’article ne cherche même pas à avoir une garantie de résultat en termes de fonctionnalités écologiques.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’autorisation environnementale continuera de privilégier l’ordre de la séquence ERC. Actuellement, la taille moyenne des zones de compensation n’est que de 0,4 hectare : elles sont nombreuses, petites et dispersées, donc elles ne sont pas contrôlées. Nous proposons d’agrandir les zones et de les aménager dans la montagne plutôt que le long de la véloroute, pour reprendre l’exemple de la députée Bonnivard, afin de faciliter les contrôles.

L’article ne vise en aucun cas à dégrader la biodiversité : il responsabilise les industriels dans ce domaine, tout en simplifiant les procédures afin de trouver des solutions pragmatiques et efficaces pour l’économie et l’écologie. C’est vraiment un article important.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1313 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendement CS712 de M. Hadrien Ghomi.

M. Hadrien Ghomi (RE). Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est un amendement important, qui vise à réintroduire la compensation dans le nom des SNRR : il est plus que rédactionnel, il est opportun. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS840 de M. Gérard Leseul.

Mme Anna Pic (SOC). Faute d’avoir pu supprimer l’article 7 pour le retravailler, nous vous proposons, dans une série d’amendements, d’améliorer son dispositif. Le premier d’entre eux vise à faire émerger des SNC de haute qualité, bénéficiant d’un label décerné par l’Office français de la biodiversité.

La création de SNC de haute qualité pourra se faire en lien avec les établissements publics fonciers, afin d’assurer le portage foncier dans un temps long. Les collectivités territoriales pourront également participer en intégrant les engagements volontaires des entreprises privées.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Votre amendement aurait pour effet de contraindre davantage le dispositif alors que la philosophie du texte est de l’assouplir. En outre, sa rédaction supprime, sans le mentionner, la nouvelle qualification des sites, ce qui rend caducs les éléments qui suivent. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Gérard Leseul (SOC). Je n’ai pas compris pourquoi l’adoption de l’amendement rendrait caduc quoi que ce soit, mais, je le répète, notre proposition vise à simplifier le dispositif. Comme l’a très bien dit M. Thierry, la décarbonation, ce n’est pas la même chose que la biodiversité. Nous voulons simplement améliorer la rédaction de l’article et je ne vois vraiment pas en quoi cet amendement n’est pas pertinent.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le texte prévoit que les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation fassent l’objet d’un agrément préalable de l’autorité administrative compétente, en prenant notamment en compte le gain écologique attendu et la capacité du porteur à atteindre les objectifs. Cet agrément témoigne de la reconnaissance de la pertinence et du sérieux du dispositif. Dans le cadre de la délivrance de l’agrément, plusieurs services et autorités sont sollicités, dont l’Office français de la biodiversité. Votre proposition n’apporte rien au texte. Surtout, elle pourrait faire doublon avec la procédure d’agrément, ce qui ajouterait de la confusion. Je vous invite à le retirer.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CS1429 de M. Hadrien Ghomi est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1341 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

En conséquence, les amendements CS839 de M. Gérard Leseul, CS668 de M. Nicolas Thierry et CS278 de Mme Christine Engrand tombent.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1407 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS838 de M. Gérard Leseul et CS390 et CS391 de M. Jorys Bovet.

 

L’amendement CS1430 de M. Hadrien Ghomi est retiré.

 

Amendement CS389 de M. Jorys Bovet.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement tend à ce que les terres agricoles ne puissent pas être considérées comme des sites naturels de restauration et de renaturation. L’enjeu est de taille. La biodiversité a des effets bénéfiques incontestables sur l’activité agricole grâce aux services écosystémiques rendus par la nature. Cependant, nous ne pouvons pas soumettre les terres agricoles à des obligations de compensation. Du reste, le texte ne prévoit pas de compensation financière pour les agriculteurs qui engageraient des opérations de compensation. La politique agricole commune accorde déjà des aides aux agriculteurs lorsqu’ils créent ou entretiennent des surfaces d’intérêt écologique. En sera-t-il de même lorsqu’il s’agira de sites de renaturation ? Nous sommes d’accord pour limiter les conséquences de la réindustrialisation sur la biodiversité, mais pas au détriment de ce qui fait la fierté de la France rurale : ses terres et son agriculture, qui ont suffisamment souffert.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je ne comprends pas pourquoi vous opposez l’agriculture et la biodiversité. Au contraire, la biodiversité est le support d’une agriculture respectueuse de son environnement. L’implantation de SNRR dans des zones agricoles offrirait de nombreux atouts à la production agricole. C’est aussi une opportunité économique pour les agriculteurs. Près de la moitié du territoire français est composé de surfaces agricoles. Les écarter limiterait excessivement le potentiel d’implantation des sites en question.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cette mesure est surtout très avantageuse pour les agriculteurs ! Nous évoquions précisément la zone de protection spéciale qui avait permis de réintroduire l’outarde canepetière en France. Le sud de la France compte plusieurs zones dédiées à l’agropastoralisme : les éleveurs associés à ce travail sont non seulement très heureux de voir revenir les outardes, mais ils ont été rémunérés pour cela ! Ce dispositif permet d’accroître la rémunération des agriculteurs sans mettre en danger leur production. Grâce à lui, nous parvenons à réconcilier l’industrie, l’écologie et l’agriculture. Je ne comprends vraiment pas le sens de l’amendement et je vous invite à le retirer. Sinon, avis extrêmement défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS311 et CS277 de Mme Christine Engrand

 

Amendement CS837 de M. Gérard Leseul.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement tend à supprimer l’attribution de crédits carbone dans le cadre des SNRR. Cette disposition rendait le texte confus, alors que vous vouliez au contraire des dispositions claires et bien délimitées. Notre groupe a récemment dénoncé dans la presse le mécanisme de la compensation carbone, qui pourrait s’apparenter à de nouvelles indulgences. Les ressources de notre planète sont finies et votre mesure risque d’entraîner une double comptabilisation, au titre de l’évitement d’émissions de carbone d’une part, de la restauration de la biodiversité d’autre part. Vous vouliez une loi claire ? Supprimez l’alinéa 10. Si vous ne le faites pas, c’est un discrédit carbone que nous aurons !

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez opposer bas-carbone et biodiversité. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cette disposition issue du Sénat est pleine d’intérêt. Il n’y aura pas de double compte, mais des « co-bénéfices » : cela servira à la fois à préserver la biodiversité et à réduire les émissions de carbone, puisqu’un terrain sera réservé aux activités qui n’émettent pas de carbone, voire en stockent. Nous n’y avions pas pensé initialement mais le Sénat a eu là une excellente idée. Surtout, je ne vois pas en quoi cet alinéa vous pose problème.

M. Henri Alfandari (HOR). Je ne suis pas convaincu, moi non plus, que cette disposition donne lieu à une double comptabilité. En revanche, le porteur d’un projet de SNRR doit avoir pour objectif de renaturer une zone en restaurant la biodiversité. Ce faisant, il évitera l’émission de carbone, ce qui lui permettra de recevoir une première compensation. Prévoir d’accorder, en plus, un crédit carbone, peut poser question.

M. Dominique Potier (SOC). Le risque d’une double comptabilisation est bien réel ! Tout le travail mené pour la directive européenne sur le reporting extra-financier, dite CSRD, ou pour la réforme des crédits carbone souverains ou volontaires, vise à éviter la double comptabilité. Par principe, il faut compenser toute atteinte portée à la biodiversité par des actions destinées à la restaurer. Or on compense toujours mal, et pas assez. Si en plus, on prévoit d’accorder des crédits carbone, la confusion sera complète. Le crédit carbone est un droit commun qui méritera d’être mieux régulé demain, mais il n’a rien à voir avec la compensation biodiversité. Si cette mesure n’ajoute rien parce qu’elle est déjà prévue dans le droit commun, abstenons-nous de la voter, et épargnons-nous une controverse inutile.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). N’oublions pas que si nous sommes conduits à prévoir des opérations de renaturation, c’est bien parce que la nature a été détruite. Ce serait le comble d’en être récompensé ! La compensation doit être une obligation. En accordant des crédits carbone, vous encourageriez presque les industriels à en émettre !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est obligatoire de compenser les atteintes portées à la biodiversité, pas les émissions de carbone. En revanche, si le terrain que vous acquérez pour préserver la biodiversité permet de capter du carbone, c’est un co-bénéfice qui ne doit être comptabilisé qu’une fois, mais qui doit l’être. Il n’y a pas de raison de ne pas le prendre en compte dans les émissions de l’entreprise, laquelle émettra peut-être du carbone par ailleurs, ou pas. Un amendement de la rapporteure, auquel je serai favorable, précise les modalités du dispositif. En attendant, je ne comprends pas que vous vous opposiez à cette mesure qui ne présente que des avantages.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1316 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendement CS1328 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. L’amendement tend à préciser que les crédits carbone au titre du Label bas-carbone ne peuvent être attribués que si le site naturel de restauration et de renaturation respecte l’une des méthodes sectorielles de ce label, approuvées par le ministre chargé de l’environnement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

M. Dominique Potier (SOC). À défaut de cohérence politique, je vous invite à faire preuve de cohérence intellectuelle, monsieur le ministre. Depuis le début de l’examen de ce texte, vous ne cessez de répéter que les dispositions de droit commun n’ont pas leur place dans ce projet de loi, que son périmètre est bien délimité, que nous devions être clairs, concis et efficaces. Or vous créez de la confusion en prévoyant l’octroi de crédits carbone dans le cadre d’un SNRR. Non seulement il y aura une double comptabilisation mais vous jetterez le discrédit sur ce qui aurait pu être un vrai marché du carbone et les mesures prises pour compenser les atteintes à la biodiversité. Vous ouvrez la porte à toutes les dérives. D’ailleurs, vous reconnaissez vous-même que vous n’aviez pas pensé à cette mesure : c’est bien le signe qu’elle n’est pas une évidence. En voulant recycler l’idée des sénateurs, vous allez droit dans le mur et vous nous perdez.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je peux vous assurer qu’il n’y aura pas de double comptabilisation, mais j’ai bien compris qu’il faudra vous le prouver. Lorsque vous en serez convaincu, vous n’aurez plus de raison de vous y opposer. Ou alors le carbone capté dans les Bouches-du-Rhône ne vaudrait pas celui émis en Isère ? Prenez deux usines dans deux départements différents. L’une émet du carbone, l’autre en capte : dans ce cas, vous acceptez que le bilan carbone soit neutralisé pour l’émetteur. En revanche, sous prétexte que le site sur lequel le carbone pourrait être capté est un champ dans lequel les outardes s’épanchent et les brebis broutent, vous n’êtes plus d’accord ? C’est à n’y rien comprendre.

C’est d’un projet de loi relatif à l’industrie verte que nous discutons. Pourquoi, parce qu’un porteur de projet parviendrait d’une part à favoriser la biodiversité et d’autre part à capter le carbone, n’aurait-il pas droit aux avantages de l’un et de l’autre ?

M. le président Bruno Millienne. Nous en débattrons à nouveau dans l’hémicycle. D’ici là, le ministre délégué devra vous convaincre qu’il n’y aura pas de double comptabilité.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS836 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous n’en sommes pas encore à l’industrie verte, malheureusement ! Pour l’heure, il ne s’agit que de revitaliser notre industrie, avec une touche de verdissement.

La possibilité prévue à l’article 7 d’acquérir par anticipation des unités de restauration ou de renaturation, n’apporte aucune garantie d’un gain écologique, ce qui contreviendrait au principe de compensation. Pour réussir la reconquête de la biodiversité, toute opération de compensation doit aboutir à un gain écologique, sinon les efforts sont vains. Nous vous proposons, par conséquent, de supprimer les termes « de manière anticipée ».

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je pense que votre amendement repose sur un malentendu juridique. D’une part, l’acquisition est anticipée par rapport aux atteintes à la biodiversité et non par rapport au gain écologique. D’autre part, le fait de pouvoir acquérir des unités par anticipation n’enlève rien à l’obligation de compenser selon les principes définis par le code de l’environnement, à savoir le respect d’une équivalence écologique entre les gains et les atteintes, et une obligation de résultat. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est très important, monsieur Leseul : non seulement nous conservons les mêmes procédures de contrôle, nous les suivons sur le temps long et nous nous assurons que la compensation est effective, mais nous permettons que cette dernière commence avant même la construction de l’usine ! Le gain est clair, et il se chiffre en années de compensation supplémentaires. Et si la compensation n’est pas exacte, ce qui sera facile à établir car les contrôles s’exerceront dans la durée, des mesures correctives seront prises.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1317 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure.

 

Amendement CS1411 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Il s’agit de faciliter l’application des obligations de compensation, prévues à l’article 163-1 du code de l’environnement, notamment dans les cas où celles-ci ne peuvent être engagées à proximité du site endommagé.

Conformément au droit européen, l’amendement remet au premier rang l’obligation de respecter un principe de proximité fonctionnelle entre le site endommagé et celui où la compensation est réalisée. La proximité fonctionnelle impose, en particulier, de tenir compte des capacités de déplacement des espèces touchées, et plus généralement des habitats et des fonctions écologiques, afin de les restaurer de façon équivalente et pérenne.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1029 de M. Henri Alfandari et sous-amendement CS1438 du Gouvernement.

M. Henri Alfandari (HOR). Je salue la création des unités de restauration et de renaturation – et de compensation. Ces surfaces, dont la plupart n’atteignent pas 0,4 hectare, sont cruciales. Outre les sites déjà artificialisés, qui n’auront pas vocation à accueillir de nouvelles activités et devront être renaturés, nous devrons en identifier au sein des villes, dont il convient de réduire l’artificialisation. Or nos communes n’ont pas les moyens de financer de tels projets. Il faudra pourtant les lancer, et à grande échelle. Nous vous proposons par conséquent de créer une plateforme en ligne qui permette de répertorier, par territoire, les unités de compensation, et de fournir une estimation de l’évitement carbone qu’elles représentent.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. C’est une bonne idée mais le délai d’un an que vous proposez pour créer la plateforme me semble très court. Sagesse ou retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’initiative est intéressante. En effet, très peu de sites sont identifiés. Je suis prêt à donner un avis favorable, à condition que soit adopté un sous-amendement qui porte à deux ans le délai de création de cette plateforme.

M. le président Bruno Millienne. Ce sera le sous-amendement CS1438.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

La commission adopte l’article 7 modifié.

 

Après l’article 7

 

Amendements CS783 de Mme Anna Pic et CS631 de M. Nicolas Thierry (discussion commune).

Mme Anna Pic (SOC). Mon amendement vise à inclure la prise en compte de la biodiversité comme critère d’éligibilité des industries françaises qui bénéficieront des dispositifs prévus dans la stratégie et la loi pour l’industrie verte. Notre groupe souhaite appliquer un principe général de conditionnalité des aides publiques, dans un contexte de raréfaction de l’argent public.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à instaurer le même critère d’éligibilité. La réduction des retombées environnementales de l’économie ne doit pas se limiter à la décarbonation : elle doit aussi intégrer les enjeux de biodiversité. Les entreprises sont profondément dépendantes des services écosystémiques. Nous devons les encourager à voir dans la préservation de la biodiversité un atout et non une contrainte. Les entreprises bénéficiant des dispositifs prévus par ce texte ou dans la stratégie de réindustrialisation verte du pays, doivent rendre publics leurs engagements et actions concourant à la réduction de l’impact de leur entreprise sur la biodiversité.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. C’est un dispositif intéressant : il est incitatif pour les entreprises concernées et permettra d’améliorer le suivi de la loi ainsi que son application. Sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je serai plus réservé. C’est une charge supplémentaire pour les entreprises. Or des obligations similaires sont en cours d’élaboration. La directive CSRD s’appliquera aux entreprises de plus de 250 salariés dès 2026. Les dispositifs de transparence relatifs à la biodiversité sont déjà applicables dans la déclaration de performance extra-financière pour les entreprises de plus de 500 salariés. Finalement, votre amendement ne concernerait que les PME et les entreprises de taille intermédiaire, qui n’ont pas besoin de contraintes supplémentaires. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). La lutte contre les atteintes à la biodiversité est essentielle et elle ne saurait être découplée de la lutte contre le changement climatique. En France, les principales atteintes portées à la biodiversité sont d’origine agricole : l’agriculture prend des terres sur les espaces naturels, et a recours aux pesticides – c’est le chercheur de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement qui vous parle. C’est l’ensemble de la société qui doit tenir compte des enjeux liés à la biodiversité à chaque fois qu’un nouveau procédé industriel est lancé.

Mme Anna Pic (SOC). Bien sûr, cette disposition aura des effets sur les entreprises, mais uniquement sur celles qui bénéficieront des aides publiques citées. Il ne me semble pas anormal que ces dernières fournissent quelques justifications.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre ces amendements. Ce projet de loi m’inspire le même sentiment que celui relatif à la relance « bidon » du nucléaire : nous revivons, article après article, amendement après amendement, le même enfer bureaucratique, nous entendons les mêmes gens qui n’ont jamais vu une entreprise de leur vie expliquer leurs intentions pour achever d’accabler les entreprises ! On est bien partis pour atteindre les 5 % d’industrie dans le PIB ! Entre l’absence totale de planification structurelle sur les matières premières, la formation, l’innovation, l’absence totale de protectionnisme et l’accumulation de normes bureaucratiques, nous n’aurons même pas fini de lire cette loi que les Chinois nous aurons encore piqué des marchés ! C’est insupportable. Tout pouvoir est donné à la bureaucratie, rien pour les entrepreneurs, aucune liberté d’initiative. Heureusement que nous sommes censés avoir élu des ultralibéraux !

M. le président Bruno Millienne. Quand M. Tanguy s’exprime, chers collègues, j’aimerais que vous essayiez de le calmer plutôt que de l’invectiver. Et, monsieur Tanguy, s’il vous plaît, les micros fonctionnent très bien, il n’y a aucun besoin de hurler dans notre cénacle.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je voterai contre ces amendements, qui sont inspirés par la Ligue pour la protection des oiseaux. Les associations devraient s’en tenir à leur mission et les législateurs, ne pas oublier qu’ils ont été élus pour ménager des équilibres. J’ai été très choquée que vous disiez que l’agriculture française prend des terrains à la biodiversité. Nous avons la chance d’avoir encore une agriculture familiale, non intensive, contrairement à ce que vous pensez, et respectueuse d’un modèle que nous souhaitons préserver. Or nous sommes désormais obligés d’importer plusieurs denrées agricoles, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Attention à ce que nous disons : nous avons tout de même un peu besoin des terres agricoles pour nourrir les Français à des prix corrects !

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Beaucoup d’amendements sont travaillés avec divers acteurs. Ce n’est pas la peine de recourir au name and shame dès qu’une ONG est citée.

D’autre part, beaucoup appellent au respect des règles du pacte républicain et à l’existence de contreparties à la moindre aide accordée. S’il est bien un sujet qui devrait échapper à toute controverse, c’est celui des contreparties aux aides publiques accordées aux entreprises. Si nous voulons que les règles soient respectées, elles doivent être parfaitement claires. L’enjeu de la biodiversité doit être inscrit dans les contreparties des aides attribuées aux entreprises. Ce n’est pas de la bureaucratie ! M. Tanguy repousse les limites du libéralisme beaucoup trop loin.

M. le président Bruno Millienne. Pour en finir avec le recours au name and shame dès que la source d’un amendement est indiquée, rappelons que M. Waserman, lorsqu’il était vice-président de l’Assemblée nationale, avait demandé que les amendements soient sourcés.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’invite M. Tanguy à dresser la liste de toutes les dispositions du texte susceptibles de contraindre davantage les entreprises. Je serai curieux de la lire car il me semble qu’au contraire, nous simplifions la vie des entrepreneurs – en créant des sites clé en main, en facilitant l’investissement dans les friches, en proposant des modalités de financement et j’en passe. Nous n’avons sans doute pas lu le même texte, mais cela ne m’étonnerait pas car nous ne vous avons pas beaucoup vu ce matin, monsieur Tanguy. Ne vous en déplaise, ce texte de simplification prouve que l’on peut réconcilier l’économie et l’écologie et faire de la préservation de l’environnement un outil de compétitivité pour les industries.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS1030 de M. Henri Alfandari.

M. Henri Alfandari (HOR). Il s’agit d’encourager les élus locaux à faire émerger des projets sur leur territoire. Le projet d’aménagement stratégique des schémas de cohérence territoriale pourrait être utilisé pour identifier les actions de compensation des atteintes à la biodiversité et les unités de restauration et de renaturation pouvant être créées dans le territoire.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je vous invite à retirer l’amendement. Ce n’est pas tout à fait le rôle des projets d’aménagement stratégique, qui définissent des objectifs à un horizon de vingt ans.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans les schémas de cohérence territoriale, il y a aussi un document d’orientation et d’objectifs, qui prévoit déjà cette possibilité. Je vous invite donc à retirer l’amendement car il est satisfait.

L’amendement est retiré.

6.   Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 15 heures

M. le président Bruno Millienne. Ce matin, nous nous sommes arrêtés au seuil de l’article 8, qui ouvre le chapitre V du titre Ier, dont le rapporteur est M. Guillaume Kasbarian. Celui-ci étant retenu en commission mixte paritaire, je vous propose de commencer dès maintenant l’examen du titre II et de reporter l’examen du chapitre V après l’article 14, avant le titre III.

Il nous reste 509 amendements à examiner. Je vous invite donc à faire preuve de concision, afin que nous puissions terminer dans la nuit à une heure acceptable.

 

titre ii 
Enjeux environnementaux de la commande publique

 

Article 12 : Création, par ordonnance, d’un motif d’exclusion en cas de non-respect des obligations de transparence extra-financière

 

Amendement CS1065 de M. Antoine Villedieu.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Cet amendement vise à inscrire dans le titre le véritable objectif de ce projet de loi : la réindustrialisation de la France. Depuis les années 1970, l’industrie française a presque disparu, du moins est très affaiblie.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure pour le titre II. Nous avons déjà largement débattu de cette question hier. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1121 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement vise à introduire la notion de souveraineté industrielle dans le titre. La Macronie, comme les majorités précédentes, c’est la vente de la France à la découpe. Il faut un garde-fou contre ce type de politique qui vous a conduits à abîmer notre souveraineté énergétique en fermant Fessenheim – les écologistes ayant obtenu la fermeture de Superphénix sous un autre gouvernement –, sans parler de la découpe d’Alstom à General Electric.

Vous réalisez aujourd’hui la nécessité de réindustrialiser la France et que l’industrie vaut mieux que la start-up nation d’Emmanuel Macron. Le groupe Rassemblement national et Marine Le Pen sont très attachés à la souveraineté, et nous défendons également notre industrie automobile qui est la proie des Chinois. C’est pourquoi le mot « souveraineté » doit être consacré dans la loi.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1067 de M. Antoine Villedieu.

 

Amendements CS1242 de Mme Anne-Laure Babault et CS454 de M. Matthias Tavel (discussion commune).

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. L’amendement CS1242 est rédactionnel.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Pour pouvoir, malgré l’étroitesse du texte, aborder un certain nombre de sujets, nous les avons rattachés à la commande publique, objet du titre II. Il s’agit souvent de conditionner la possibilité d’attribuer des marchés à certaines entreprises, mais il va de soi que nous souhaiterions voir ces principes étendus à l’ensemble des activités.

En l’espèce, l’amendement CS454 vise à exclure de la commande publique les entreprises qui ne respectent pas les obligations de publication de leurs données en matière de durabilité.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Il faut bien distinguer entre les motifs obligatoires et facultatifs d’exclusion de la commande publique. Les motifs d’exclusion obligatoires concernent les cas les plus graves : condamnations pénales, non-respect des obligations en matière fiscale ou sociale, méconnaissance d’obligations prévues par le code du travail ou le code pénal. La non-production d’un rapport de durabilité relève pleinement des motifs d’exclusion facultative, à l’appréciation de l’acheteur. C’est, par exemple, ce dispositif qui a été prévu par la loi « Climat et résilience », en ce qui concerne l’obligation d’établir un plan de vigilance. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable à l’amendement de Mme la rapporteure.

S’agissant de l’amendement CS454, le projet de loi prévoit de laisser la possibilité aux autorités contractantes d’exclure, de plein droit, des entreprises qui n’ont pas respecté certaines obligations. Or cet amendement vise à en faire une obligation. Ainsi, entre deux entreprises qui auront répondu à son appel d’offres, l’une, allemande, qui respecte la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), et l’autre, française, qui ne la respecte pas puisque cette directive n’est pas encore transposée dans le droit français, une commune sera obligée de choisir l’entreprise allemande. Cet amendement est trop restrictif et contraignant pour les autorités contractantes. Demande de retrait.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Si nous voulons relever le défi de l’urgence climatique, les exigences de transparence en matière de durabilité ne doivent pas demeurer facultatives, mais être traitées au même niveau que les obligations relevant du droit du travail ou du droit pénal. Monsieur le ministre délégué, je vous trouve timoré quant à la capacité des entreprises françaises à répondre à cette obligation : pourquoi ne pourraient-elles pas faire aussi bien, sinon mieux, que les entreprises allemandes ? Ne s’agit-il pas, au contraire, d’une opportunité à leur donner, si nous voulons faire de notre pays un exemple en matière écologique ?

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne peux que soutenir l’amendement de mon collègue Tavel. La France doit devenir exemplaire pour son industrie verte et pour l’ensemble de la dimension extra-financière. Au reste, les grandes entreprises ont aujourd’hui une obligation déclarative en matière de présentation de leurs informations extra-financières ; cela le sera encore plus demain, avec la transposition de la CSRD. Nous pourrions éventuellement sous-amender cet amendement, pour en retarder la date d’application.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous voulez introduire une obligation qui ne pèse pas encore sur les entreprises et par laquelle les collectivités territoriales seraient forcées de choisir des entreprises internationales plutôt que des entreprises françaises. Ce projet de loi vise à s’assurer que la commande publique soit durable, responsable et privilégie des bilans carbone réduits, donc plutôt des entreprises situées à proximité.

La commission adopte l’amendement CS1242.

En conséquence, l’amendement CS454 tombe.

 

Amendements CS825 et CS504 de M. Hervé de Lépinau, et CS1066 de M. Antoine Villedieu (discussion commune).

M. Nicolas Meizonnet (RN). Les marchés de la défense et de la sécurité publique font partie de la sphère régalienne. À ce titre, ils ne sauraient être soumis aux mêmes règles de commande publique que les autres secteurs, notamment en ce qui concerne les obligations de publication d’informations extra-financières. C’est un enjeu de souveraineté. Ces entreprises, parmi les plus contraintes en termes de droit, ne peuvent subir cette obligation supplémentaire pour répondre à des appels d’offres, sachant que les marchés de défense s’opèrent uniquement dans le cadre de la commande publique. C’est le sens des amendements CS825 et CS504.

M. Antoine Villedieu (RN). Les secteurs de la sécurité et de la défense sont au cœur de notre politique de souveraineté. Sans armée ni police, sans une gendarmerie correctement équipée, il n’y a plus de politique applicable dans notre pays. Ce projet de loi, qui a pour objectif de rendre sa souveraineté économique à la France, laisserait à l’appréciation des acheteurs la possibilité d’exclure ces secteurs des procédures de passation de marchés au motif qu’ils ne respecteraient pas les critères écologistes démagogiques. Comprenez que les casques de nos soldats ne peuvent pas être faits en bambou recyclé ! Les secteurs de la sécurité et de la défense sont trop importants pour être écartés. C’est pourquoi l’amendement CS1066 tend à les soustraire à de telles possibilités d’exclusion.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Les entreprises de défense et de sécurité ne sont pas exclues de la directive CSRD et de la future obligation d’établir un rapport de durabilité. Il n’y a donc aucune raison de les exclure du dispositif facultatif de l’article 12. Avis défavorable sur ces trois amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Ces amendements auraient eu un sens si celui de M. Tavel avait été adopté. Puisqu’il ne s’agit pas d’une contrainte mais d’une possibilité laissée à l’acheteur, on peut logiquement penser qu’il évitera de se tirer une balle dans le pied.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’article 12 modifié.

 

Après l’article 12

 

Amendement CS879 de M. Jean-Claude Raux.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous l’avions déjà déposé dans le cadre du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Il vise à intégrer, dans les marchés publics, un critère prenant en compte l’empreinte carbone et environnementale du transport tout au long de la vie du produit ou de l’ouvrage. Il entend encourager les filières françaises tout en respectant la philosophie des marchés publics.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. L’article L. 228‑4 du code de l’environnement dispose d’ores et déjà que « la commande publique tient compte de la performance environnementale des produits ». Il ne me semble pas pertinent d’entrer dans des critères trop précis, au risque qu’ils se retrouvent sans lien avec l’objet du marché. Par ailleurs, l’article 35 de la loi « Climat et résilience » prévoit déjà qu’à partir de 2026, au moins un critère environnemental sera pris en compte par l’acheteur, l’article 13 permettant d’anticiper sa mise en œuvre grâce à une disposition transitoire. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’environnement mérite de la précision. Vous le dites vous-même, un critère interviendra demain et sera précisé, ce qui rend votre argumentaire discutable. La question du transport tout au long de la vie de l’objet ou de l’ouvrage me semble être un critère utile et pertinent.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 12 bis (nouveau) : Dérogation au principe d’allotissement en cas de risque de procédure infructueuse

 

Amendement de suppression CS996 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). La dérogation aux règles de l’allotissement des marchés publics ne nous semble pas une bonne idée, d’autant que l’article 12 quater répond à la raison invoquée du risque de procédures infructueuses.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Comme vous, je suis très attachée au principe d’allotissement de la commande publique, fondamentale pour permettre l’accès des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés publics. Il existe d’ores et déjà trois exceptions à ce principe : l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes ; l’acheteur n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ; la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations.

L’article 12 bis introduit une nouvelle exception lorsque l’allotissement risque de conduire à une procédure infructueuse. Les marchés concernés – ceux des opérateurs de réseaux – ne sont pas ceux auxquels les PME et les TPE ont couramment accès ; l’offre y est particulièrement rare car ils nécessitent des investissements importants. Ce sont des marchés de niche, comme celui des lignes à haute tension. Le Gouvernement nous a rassurés sur l’absence de risque de dérive que l’on pouvait craindre.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable. L’allotissement permet à des petites entreprises de postuler à des gros marchés. Là, on parle d’opérateurs de réseau, comme RTE ou la SNCF. Pour un appel d’offres pour une ligne à haute tension, avec des pylônes et des transformateurs, le droit actuel oblige à allotir alors même qu’aucune PME ne postulera. Or, si, dans le même temps, un appel d’offres similaire, non alloti, est lancé en Allemagne, certaines entreprises pourront trouver plus simple d’y répondre en priorité. Le risque est donc de ne pas avoir de postulants sur des appels d’offres réservés par nature à des grandes entreprises, en raison de la trop grande complexité de l’allotissement. Nous avons restreint la mesure aux opérateurs nationaux.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’article 12 bis modifie le code de la commande publique d’une façon générale. Une fois que ces dispositions figureront dans le code, elles concerneront donc toute la commande publique. Non seulement les petites entreprises doivent toujours pouvoir répondre à des appels d’offres, mais je ne peux pas partager l’argument récurrent d’un risque d’affaiblissement de la France au sein de la concurrence internationale : c’est à nous de porter un certain niveau d’exigence plutôt que de l’abaisser.

M. Olivier Marleix (LR). Depuis des années, de grandes entreprises tentent de faire du lobbying dans le secteur du bâtiment pour exclure l’allotissement. J’ai également le sentiment que l’article L. 2113-11 du code de la commande publique concerne l’allotissement en général, et pas seulement les opérateurs de réseau. Les choses ne sont pas claires.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’article 12 bis mentionne les entités adjudicatrices, c’est-à-dire les entreprises que je viens d’évoquer – EDF, RTE, SNCF. Il ne vise pas des chantiers de travaux publics pour lesquels des collectivités seraient contractantes. Je vous apporterai des précisions d’ici à l’examen en séance.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1243 de Mme Anne-Laure Babault.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Pour rassurer M. Fournier, cet amendement tend à préciser que sont concernées les seules entités adjudicatrices, donc les activités des opérateurs de réseaux.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS997 de M. Charles Fournier tombe.

 

La commission adopte l’article 12 bis modifié.

 

Article 12 ter (nouveau) : Dérogation à la durée de droit commun des accords-cadres pour les activités d’opérateurs de réseaux

 

La commission adopte l’article 12 ter non modifié.

 

Article 12 quater (nouveau) : Autorisation de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement de suppression CS939 de M. Nicolas Dragon.

 

Elle adopte l’article 12 quater non modifié.

 

Article 13 : Mesures de verdissement de la commande publique

 

Amendement CS74 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton (RE). Il vise à renforcer la dimension environnementale de la commande publique en y incluant l’économie de la fonctionnalité – un pilier très important de l’économie circulaire, qui consiste à passer d’une logique de propriété à une logique d’usage. La commande publique concerne beaucoup de TPE et de PME ; y intégrer l’économie de la fonctionnalité contribuera à réduire l’empreinte environnementale.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Cet amendement apporte une précision utile, notamment le fait que les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) concernent aussi les marchés de service. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS112 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet (RE). Cet amendement vise à préciser les objectifs écologiques des Spaser : ils devront notamment contribuer à réduire les émissions, ainsi que la consommation d’énergie, d’eau et de matériaux liés aux achats publics. Il vise à systématiser la prise en compte de ces enjeux dans les politiques d’achat des plus grosses collectivités territoriales, avec deux objectifs principaux. Premièrement, les collectivités territoriales doivent montrer l’exemple, en termes de décarbonation et de sobriété de la commande publique, pour créer un effet d’enchaînement, notamment sur les politiques d’achat d’envergure. Deuxièmement, la commande publique est un levier essentiel pour inciter les entreprises à accélérer leur transition et proposer une offre moins carbonée et plus sobre. Cette proposition conforte le plan de sobriété énergétique du Gouvernement, qui appelle à systématiser, dans la commande publique, la prise en compte des enjeux de sobriété.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Préciser ainsi les objectifs écologiques des Spaser n’est pas inintéressant. Sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS467 de M. Laurent Alexandre.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Dans le même ordre d’idée, cet amendement vise plus précisément la question de la sobriété numérique dans la commande publique. On estime aujourd’hui à au moins 2 % les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité numérique. Sont concernés les contrats de maintenance : le matériel pourrait être conservé de cinq à sept ans, au lieu de trois ans en moyenne. En matière de durabilité, il s’agit de ne pas jeter et remplacer systématiquement, mais de faire durer le matériel. De même, les data center constituent un énorme enjeu pour récupérer la chaleur émise. La sobriété numérique doit être prise en compte dans la commande publique, afin de réduire notre empreinte, ce d’autant que les volumes de consommation sont exponentiels. Il faut, dès à présent, contribuer à réduire l’augmentation de la consommation.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Cette précision me paraît également utile. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable du Gouvernement sur cet excellent amendement.

M. le président Bruno Millienne. Je vous remercie pour cet amendement, qui vise à accompagner une transformation des technologies de l’information.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1245 de Mme Anne-Laure Babault, rapporteure.

 

Amendement CS1248 de Mme Anne-Laure Babault, amendements identiques CS109 de Mme Olga Givernet et CS465 de M. Matthias Tavel, amendements identiques CS793 de M. Gérard Leseul et CS936 de M. Charles Fournier, amendements CS464 de M. Matthias Tavel et CS466 de Mme Alma Dufour (discussion commune).

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. L’amendement CS1248 tend à rétablir le texte initial du projet de loi aux alinéas 8, 11 et 18. Le Sénat, doutant de l’effet de levier que pourrait provoquer le motif d’exclusion de la commande publique pour les entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges), a souhaité privilégier le renforcement des amendes pour le non-respect de cette obligation. Je vous propose d’être ambitieux et de jouer sur les deux tableaux en réintroduisant le motif d’exclusion de la commande publique et en élevant le niveau des sanctions – avec toutefois un triplement de celles-ci plutôt qu’un quintuplement.

Je proposerai également un amendement tendant à supprimer le délai de mise en conformité pour rendre effective la sanction.

Comme pour le motif d’exclusion que nous avons introduit à l’article 12 pour le rapport de durabilité, ce motif d’exclusion ne pourrait être que facultatif car il n’entre pas dans les cas prévus pour une exclusion automatique.

Je sollicite donc le retrait des autres amendements faisant l’objet de cette discussion commune.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous aurions souhaité que l’exclusion s’applique d’office lorsque les entreprises concernées ne satisfont pas à l’obligation d’établir le bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, mais cet amendement de repli permettrait au moins de les exclure. Cependant, une fois n’est pas coutume, la rédaction initiale nous semblait plus volontariste que celle adoptée par le Sénat, et avait donc notre préférence.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous comprenons mal pourquoi la possibilité de soumissionner ne serait pas conditionnée à la production d’un Beges, qui est un outil légal imposé aux entreprises et dont la non-réalisation est sanctionnée, la sanction pouvant même être doublée en cas de récidive. Nous sommes donc très favorables à l’ensemble des amendements visant à rétablir l’alinéa 8, le cas échéant dans une rédaction plus exigeante. À ce stade toutefois, je veux bien retirer l’amendement CS793 et me réserve la possibilité d’y revenir en séance si, après expertise, l’amendement adopté se trouvait être moins disant que celui que nous proposons.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous souhaitons également rétablir une disposition antérieure au texte proposé par le Sénat. En effet, 65 % des 5 000 organisations qui y sont assujetties ne respectent pas l’obligation de produire un Beges. Ce bilan devrait même relever du scope 3, car les scopes1 et 2 ne permettent pas une lecture précise du Beges de ces entreprises. Bien que je n’aie pas déposé d’amendement à ce propos, j’y reviendrai plus tard, car il importe de prendre en compte toutes les émissions indirectes, ce qui est précisément le champ du « Scope 3 ». Ce qui est communiqué ne dit pas tout – et parfois même pas grand-chose – de la réalité de l’impact carbone de ces entreprises. Je suis donc plutôt favorable au maintien de cet amendement, mais prêt à travailler à une rédaction plus ambitieuse.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Un amendement consacré au bilan d’émissions de gaz à effet de serre aurait eu toute sa place dans un projet de loi élaboré voilà dix ans, lorsque nous n’avions pas atteint le stade ultime de l’urgence climatique. Or, non seulement 65 % des entreprises assujetties à cette obligation ne la respectent pas, mais, même lorsqu’elles la respectent, elles ne réduisent pas leurs émissions de gaz à effet de serre selon une trajectoire compatible avec l’accord de Paris.

Nous devrons bien nous poser un jour la question de savoir si, avec 90 % des départements en situation d’urgence sécheresse cet été, des menaces imminentes n’obligent pas l’État et les collectivités, qui ont une compétence en matière de commande publique, à demander plus que le respect d’une obligation de déclaration et à exclure des marchés publics les entreprises qui ne respectent pas une trajectoire de réduction compatible avec un accord qui engage la France, les pays de l’Union européenne et le monde entier. Il est temps de changer de vitesse !

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Étant donné que 35 % seulement des entreprises et acteurs concernés établissent le Beges, nous proposerons prochainement un amendement visant à les conduire à réaliser ce bilan. Avis défavorable à ces amendements, au profit de mon amendement CS1248.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’amendement CS1248 de la rapporteure répond notamment à une objection soulevée hier par le président Marleix, qui observait que la modification de la loi s’appliquerait rétroactivement à des contrats en cours : la nouvelle disposition ne prendrait désormais effet qu’après la promulgation de la loi et pour les nouveaux contrats, ce qui est parfaitement raisonnable.

Les autres amendements visent à imposer l’obligation du Beges. Celle-ci existe en effet depuis 2010. Quant au Scope 3, monsieur Fournier, il s’applique depuis janvier 2023. Selon les statistiques dont je dispose, 53 % des entités soumises au Beges ne respectent pas leurs obligations et je crains que l’écart entre les chiffres de 65 % et de 53 % tienne à ce que l’un ne prenne en compte que les entreprises et l’autre l’ensemble des entités concernées : les administrations aussi doivent faire leur travail pour développer leur Beges, qu’elles soumissionnent ou non à des marchés publics.

Par ailleurs, les entreprises chinoises n’étant pas soumises à l’exigence du Beges, vous risquez, en rendant ce dernier obligatoire pour les entreprises françaises et européennes désireuses de soumissionner à la commande publique, d’exclure certaines de ces entreprises de marchés pour lesquels il faudra alors transiger avec des entreprises chinoises. Il importe donc de laisser à l’acteur public la faculté de rendre obligatoire ou non le Beges. Ce sera déjà une incitation forte pour toutes les entreprises françaises à réaliser ce bilan, jusqu’à ce que 100 % d’entre elles le fassent. Il y aura alors une véritable préférence pour les entreprises vertueuses, qui se révéleront être les entreprises françaises. En revanche, rendre obligatoire cette mesure risque de se révéler contre-productif.

Avis favorable, donc, à l’amendement CS1248 et défavorable à tous les autres, que j’invite leurs auteurs à retirer.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Ce risque, que vous avez déjà évoqué à plusieurs reprises, peut s’entendre, mais si vous aviez accepté tout à l’heure les amendements visant à imposer davantage de critères environnementaux, notamment dans le domaine du transport, les acteurs français seraient très compétitifs face aux Chinois. C’est l’affaiblissement de toutes les règles qui rend possible la concurrence excessive de ces derniers. Prendre en compte le transport durant toute la durée de vie des objets ou des ouvrages rééquilibrait les règles du jeu.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Monsieur le ministre délégué, vous raisonnez par l’absurde. Pourquoi nous amputer nous-mêmes ? Vous nous dites qu’il ne faut pas exiger trop pour ne pas nuire aux entreprises françaises, mais pourquoi ne pas retourner l’argument ? Même si les entreprises étrangères, notamment chinoises, ne sont pas tenues d’établir un Beges, nous pouvons leur demander, si elles soumissionnent à un marché public en France, de produire un bilan d’émissions de gaz à effet de serre certifié par un bureau d’étude international comme le font notamment les entreprises américaines, et de montrer qu’elles ont une trajectoire conforme à l’accord de Paris.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Beges n’est pas extraterritorial et je ne peux donc pas l’imposer. Nous pouvons, en revanche, depuis la loi « Climat et résilience », intégrer explicitement le critère environnemental et nous devons pousser les acheteurs publics à le faire et les sécuriser à cet égard avec les dispositions que nous adoptons. Nous pourrons ainsi, monsieur Fournier, faire exactement ce que vous dites.

Nous recourrons à la même approche pour la prime à l’achat des véhicules automobiles évoquée à juste titre par M. le président Marleix, et dont un tiers va en Chine. En effet, monsieur Potier, si vous spécifiez dans votre appel d’offres que le bilan carbone est un critère très important, le calcul de ce bilan pour les véhicules chinois, produits dans un pays dont le bilan carbone est désastreux, permettra de les exclure de fait de la prime à l’achat. Tous les acheteurs publics peuvent faire de même et nous allons les y aider avec des outils de calcul dont nous disposons, car il n’est pas toujours facile de calculer l’outil carbone. En revanche, les obliger à imposer le Beges, obligation européenne qui s’impose depuis le 1er janvier aux entreprises françaises, désavantagera ces dernières par rapport aux entreprises chinoises, qui n’y sont pas soumises.

M. Gérard Leseul (SOC). Si le Beges n’a pas d’extraterritorialité, il repose cependant sur un ensemble d’indicateurs liés notamment à la consommation et à la réduction des consommations, que nous vous avons déjà proposé – et que nous vous proposerons encore – d’inclure. Ce qui importe n’est pas tant le Beges lui-même que les informations communiquées à travers lui et les trajectoires de baisse qu’il prévoit. C’est de ces informations que nous avons besoin dans le cadre d’une compétition internationale pour donner force et vigueur à l’industrie française.

Les amendements CS109 et CS793 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS1248.

En conséquence, les autres amendements tombent ainsi que l’amendement CS795 de M. Dominique Potier et les amendements CS309, CS611 et CS612 de M. Charles de Courson.

 

Amendement CS113 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet (RE). Cet amendement propose un dispositif d’exclusion des procédures de passation des marchés et des contrats de concession pour les entreprises n’ayant pas satisfait à leur obligation d’effectuer un audit énergétique. Il s’inspire de dispositifs déjà existants, dont celui inscrit à l’article 35 de la loi « Climat et résilience », permettant d’exclure un candidat n’ayant pas réalisé de plan de vigilance.

Cette proposition part du constat qu’une proportion importante des entreprises soumises à l’obligation de réaliser un audit énergétique ne le font pas dans les délais prescrits. En 2017, 28 % des entreprises concernées n’étaient pas en conformité avec ces délais, selon le bilan de l’Agence de la transition écologique (Ademe). En attendant un nouveau bilan de l’Ademe, de premières estimations soulignent qu’une situation similaire est à attendre pour 2023, avec un peu plus d’un tiers des entreprises ne respectant pas leurs obligations.

Cet amendement, de portée incitative, vise donc à donner aux entreprises une raison supplémentaire de satisfaire à leurs obligations en temps opportun, sous peine d’être écartées des marchés publics. C’est pour ces entreprises un gage de sérieux que de pouvoir bénéficier de cet audit énergétique.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Nous venons de rétablir le motif d’exclusion pour non-respect de l’obligation de réaliser un Beges, qui me semble préférable à celui que vous voulez introduire en vous référant à l’audit énergétique. Il s’agit en effet de deux dispositifs différents, l’audit énergétique étant davantage un outil de travail interne permettant de réduire sa consommation d’énergie.

Les amendes jouent également un rôle dissuasif important, leur montant pouvant s’élever jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires hors taxes, et 4 % en cas de récidive.

En outre, le taux de respect de l’obligation de réaliser un audit énergétique, qui s’élevait à 72 % en 2017, est meilleur que celui qui prévaut pour le Beges. Je demande donc le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CS521 M. Emmanuel Blairy et CS547 de M. Olivier Marleix.

M. Emmanuel Blairy (RN). Au début du débat, il ne nous a pas été donné de précisions sur la notion d’industrie verte – sans doute parce qu’elle était verte, et donc pas mûre.

Mon amendement poursuit deux objectifs. Tout d’abord, il semble cohérent, dans un projet de loi consacré à l’industrie verte, de retenir des fournisseurs qui produisent à proximité du lieu de consommation. Par extension, il vise à contribuer à la décarbonation de la commande publique. L’argent public ne doit pas financer des industries situées hors du territoire de l’Union européenne et nous souhaitons favoriser le choix de productions locales.

M. Olivier Marleix (LR). L’amendement vise à introduire un critère d’origine géographique. C’est une façon polie de demander des nouvelles des discours du Président de la République sur le Buy European Act. On peut dire à sa décharge qu’il s’agit là de sujets dont on parle depuis dix ans environ – depuis une initiative de Nicolas Sarkozy en 2012, que son successeur n’a pas beaucoup poursuivie. Le Président de la République en a parlé récemment et j’ignore si les choses ont avancé depuis lors.

L’Union européenne, qui favorise la concurrence en son sein, est probablement le seul espace économique au monde à ouvrir ses marchés publics à tout le monde. Nous devons être les derniers les bons élèves de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui n’est pas le cas des Chinois, des Russes et des Américains, et peut-être même pas des Canadiens.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Ces amendements sont à ce jour contraires au principe de non-discrimination imposé par le droit de l’Union européenne, qui vaut non seulement pour les entreprises européennes, mais aussi extra-européennes, et ne permet donc pas d’imposer un quelconque Buy European Act.

Néanmoins, l’article L. 2112-4 du code de la commande publique prévoit déjà une exception à ce principe en autorisant une préférence européenne, en particulier dans des filières critiques, notamment pour les matériels de santé.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous progressons. La France porte depuis une quinzaine d’années ce projet de Buy European Act, que le président Sarkozy a été le premier à soutenir. Je vois que les députés du Rassemblement national vous rejoignent sur ce point. Vive l’Europe, donc ! Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord.

Les progrès ne sont pas faciles, car nous devons convaincre vingt-sept États membres. Nous avons néanmoins avancé sur quelques sujets, dont le premier est le principe de réciprocité : si un marché n’est pas ouvert aux entreprises européennes, nous pouvons refuser d’ouvrir le marché européen à ce pays. Ce n’est pas facile à faire, mais cela figure dans le droit européen, et grâce à la France.

En deuxième lieu, le Net Zero Industry Act (NZIA) permet, sur certains marchés relevant de notre souveraineté, et donc de notre capacité à assurer l’approvisionnement dans certains secteurs, de faire appel à de telles dispositions. Ce n’est certes qu’un pas dans une direction que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux – même si c’est pour des raisons différentes, qui tiennent à la souveraineté, à la qualité des processus environnementaux ou aux règles de l’OMC, que nous sommes, à quelques exceptions près, presque les seuls à respecter aujourd’hui. Nous avançons progressivement, et devons convaincre tous les autres États membres, comme nous l’avons déjà fait pour certaines dispositions.

Je remercie l’Assemblée de son soutien, que je crois unanime, dans ce combat, qui n’est pas facile mais que nous continuons à porter. Je suis défavorable à ces amendements, dont je demande donc le retrait, afin que nous puissions poursuivre le combat au niveau européen et éviter de prendre des dispositions contraires.

M. Pierre Meurin (RN). Vous constatez et confirmez ce que nous pensons et disons depuis toujours : que le droit européen de la concurrence est contraire à la souveraineté nationale et européenne. En disant que cet amendement est contraire au droit européen, vous assumez le fait que le droit européen de la concurrence est le cheval de Troie des États-Unis, et de la Chine. Instaurer un rapport de force avec nos partenaires européens n’est pas votre spécialité car vous avez perdu dans de très nombreux domaines, par exemple dans le domaine énergétique, où nous devons importer de l’électricité produite avec du charbon allemand.

Peut-être s’agit-il d’un amendement d’appel, mais ce doit être pour vous une invitation à vous battre pour notre souveraineté européenne, y compris dans le cadre de la commande publique. Les Chinois et les Américains instaurent ce protectionnisme, notamment pour la commande publique, afin de défendre leurs entreprises – qu’est-ce qu’un gouvernement qui ne défend pas ses entreprises ?

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il y a là un aveu d’impuissance organisée, qui crée nécessairement une défiance à l’égard d’une Union européenne qui ne protège pas ses États membres ni son économie. Monsieur le ministre délégué, vous nous avez dit qu’il fallait convaincre les vingt-sept membres de l’alliance. Quelle est la position de l’Allemagne sur le Buy European Act ? De fait, s’il est un partenaire qu’il faut convaincre et s’il faut actionner quelques leviers pour faire du lobbying dans un pays, c’est bien celui-là.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous nous rapprochons progressivement, mais nous sommes encore assez loin. Nos partenaires ont accepté que le NZIA s’applique à certains secteurs, ce qui est un pas de géant, mais nous ne sommes pas encore au bout. L’Allemagne est en effet opposée à un Buy European Act généralisé, car elle exporte beaucoup en Chine et craint que ce pays, en retour, lui ferme certains marchés.

Messieurs les députés du Rassemblement national, demandez à vos députés européens de voter le NZIA lorsqu’il arrivera. Ils ont en effet tendance à s’opposer assez systématiquement à toutes les dispositions proposées au niveau européen, surtout par la France, mais nous progressons. L’Europe, c’est long ! Toutefois, depuis cinq ans, nous avons présenté des plans de relance européens dont personne ne rêvait et qui ont été adoptés. Nous sommes également en train d’adopter des crédits d’impôt dont tout le monde rêvait mais que personne ne faisait. Nous avons aussi adopté plusieurs exemptions que je viens de mentionner sur ces sujets importants. L’Europe avance progressivement, mais elle avance quand même –  et ce n’est pas grâce à vous, messieurs, ni grâce à vos parlementaires européens.

M. Pierre Meurin (RN). C’est grâce à l’Europe que la France est désindustrialisée !

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est trop facile de dire cela ! L’Allemagne est dans l’Europe et n’est pas désindustrialisée. L’Europe doit nous permettre de développer l’industrie verte. Il y a plus de brevets liés à l’hydrogène en Europe que partout dans le monde et nous sommes en train d’adopter, notamment dans ce projet de loi, des dispositions qui nous permettront d’accélérer l’industrialisation. Votez donc ce projet de loi et faites voter vos parlementaires européens dans le bon sens, et nous avancerons !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je relève que le député du Rassemblement national évoquait « notre souveraineté européenne », ce qui marque une évolution très nette dans le discours et révèle peut-être aussi une partie de l’escroquerie de ce parti. Par ailleurs, M. Marleix est le continuateur d’un parti qui a fait voter, contre le vote du peuple français, le traité de Lisbonne, qui interdit précisément ce genre de dispositions. Il y a donc là aussi une incohérence dans l’amendement de nos collègues. Sans doute est-ce pour eux une étape nécessaire pour se remettre dans le droit chemin, racheter leurs turpitudes et venir enfin défendre, comme nous, le protectionnisme.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS456 de M. Matthias Tavel.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). En rupture avec l’organisation actuelle de la commande publique, qui privilégie par principe l’offre la plus avantageuse économiquement, cet amendement vise à placer le critère de la pertinence écologique au même niveau que le prix dans le traitement des appels d’offres, car la dette écologique est au moins aussi importante, sinon plus, que la dette financière. De fait, le Haut-Conseil pour le climat nous invite à prendre acte de l’urgence et à accélérer les transformations, considérant qu’elles n’avancent pas au rythme attendu et que des actions correctives rapides et en profondeur sont nécessaires. Alors que nous devons marquer une véritable rupture, le rapport de M. Philippe Bolo et Mme Virginie Duby-Muller montre que, dans l’état du droit, un quart seulement des marchés publics contiennent des clauses environnementales. Il faut que cela cesse et que l’exigence écologique soit traitée au même niveau que l’exigence économique.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Je partage vos inquiétudes quant à l’urgence climatique. Il faut néanmoins accompagner les entreprises pas à pas. En août 2026, en application de l’article 35 de la loi « Climat et résilience », l’article L. 2152-7 du code de la commande publique prévoira que l’offre économiquement la plus avantageuse se base sur un ou plusieurs critères objectifs et qu’au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Dès 2026 donc, et même potentiellement avant cela grâce à l’article 13, le critère écologique sera pris en compte au même niveau que le critère économique. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Nous proposons cette mesure et nous accélérons le calendrier de son application, mais nous ne l’imposons pas, car ce serait contraire au droit européen.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Ce dernier argument n’est pas aussi rédhibitoire pour nous que pour vous, car nous croyons que, pour faire évoluer le droit européen, il faut parfois être capable d’y déroger à titre transitoire – ou, selon les formulations que nous employons dans la NUPES, d’y désobéir, ce qui veut dire la même chose. Il ne suffit pas que l’un des critères soit lié à des enjeux écologiques : le critère écologique et le critère économique doivent avoir la même importance et l’un ne doit pas être seulement une composante de l’autre, comme le prévoit l’évolution de la loi. Nous devons envoyer un signal de rupture très clair pour dire que le monde d’avant est terminé et que nous devons désormais construire celui de la bifurcation écologique.

La commission rejette l’amendement

 

L’amendement CS299 de Mme Géraldine Grangier est retiré.

 

Amendement CS686 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Actuellement, nos impôts subventionnent les importations et les délocalisations. Alors que la France est le pays européen qui présente le plus fort taux de prélèvements obligatoires, la commande publique pourrait constituer un puissant levier de plusieurs dizaines de milliards d’euros au service de notre économie réelle. Avec cet amendement, les députés du groupe Rassemblement national proposent de donner la possibilité aux acheteurs publics, dans le cadre d’un marché public, de ne pas se limiter au critère du prix, mais de favoriser aussi l’emploi et la production sur le territoire national.

Il s’agit d’intégrer dans la commande publique une priorité nationale, qui ne constitue pas une obligation, mais bien une possibilité offerte à l’adjudicateur – une mesure de bon sens qui défendrait à la fois l’emploi et l’environnement puisqu’elle limiterait les importations, qui sont responsables, selon le Haut-Conseil pour le climat, de la moitié de l’empreinte carbone de la France.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. S’il est possible pour l’acheteur de définir habilement ses critères pour favoriser dans son marché public la production locale, comme nous le souhaitons tous, il n’est pas possible d’introduire dans la loi une telle discrimination géographique, contraire au droit européen de la commande publique.

Les critères retenus devant être en lien avec l’objet du marché, il n’est donc pas possible d’ériger des critères généraux et absolus : ces critères doivent être déterminés au cas par cas, en fonction du marché concerné. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable.

M. Alexandre Loubet (RN). Madame la rapporteure, il n’est pas question de critères généraux ni absolus, car l’amendement ne prévoit pas d’instaurer une obligation, mais de donner à un adjudicateur la possibilité de favoriser, dans le cadre d’un marché public, l’emploi français et la production sur le territoire national.

Monsieur le ministre délégué, si c’est le droit européen qui nous empêche de défendre nos intérêts, cela signifie qu’il contraint les collectivités et l’État à financer la concurrence déloyale d’Europe de l’Est aux frais du contribuable. La France étant le deuxième financeur au niveau européen et le deuxième pays de l’Union européenne en termes démographiques, le fait que le Président de la République et le Gouvernement ne soient pas capables d’infléchir le droit européen de la concurrence démontre bien que vous êtes les acteurs du déclin de notre pays.

M. Henri Alfandari (HOR). J’ai, moi aussi, rédigé un amendement relatif à la question de la production locale car, sans vouloir contrevenir au droit européen, il importe de mener une véritable réflexion sur le circuit court et sur la simplicité des relations que les petites communes peuvent avoir avec les entreprises et leurs fournisseurs de proximité. Je retirerai toutefois cet amendement.

Madame la rapporteure, l’article 13 est en effet très clair. Il faudra toutefois que nous soyons un jour en mesure de prendre en compte le carbone dans la valeur des produits qui passent les frontières européennes, car l’impossibilité actuelle de le faire est une limite absolue à l’efficacité de la taxation de ces produits en Europe.

Évitons toutefois les caricatures. On a évoqué les voitures chinoises, mais la France n’est pas seule au monde et les échanges internationaux font partie d’un équilibre mondial. Par ailleurs – et c’est là un débat ancien, que nous avons eu du temps d’Arnaud Montebourg – les marques étrangères de voitures, ce sont aussi des réseaux de vente et de maintenance, c’est-à-dire des emplois locaux.

Mme Émilie Bonnivard (LR). La proposition du Rassemblement national d’instaurer une préférence nationale dans les marchés publics est en apparence séduisante et nous avions, du reste, essayé avec le président Laurent Wauquiez, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, d’introduire une préférence régionale, ce qui est certes possible en tordant quelque peu certaines procédures, mais reste toutefois très limité.

Cet amendement a surtout l’inconvénient de détricoter le marché européen. Or la France est aussi exportatrice de certains produits sur ce marché, notamment d’aluminium, et la création de nouvelles contraintes pénalisera certaines entreprises françaises. La question fondamentale est celle du rapatriement sur le territoire national de chaînes de valeur que nous avons délocalisées en Europe de l’Est à des coûts défiant toute concurrence.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Mme Bonnivard parle d’or. Quand on ferme une porte, elle est fermée dans les deux sens : si nous empêchons les autres d’entrer, nous empêchons les entreprises françaises de sortir. Je souhaite une industrie française conquérante, avec plus d’industrie en France. Comme vous l’avez dit, madame la députée, la meilleure manière d’être compétitifs consiste à faire revenir les industries décarbonées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui en Europe de l’Est, et d’intégrer des critères environnementaux dans nos achats publics. Faisons-le pour de bonnes raisons et avec de bonnes dispositions qui nous permettront de gagner des marchés en France et ailleurs en Europe.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS690 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Puisque le Gouvernement, Renaissance, Les Républicains et l’ensemble de la gauche NUPES ont refusé notre proposition de favoriser l’emploi et la production en France dans le cadre de la commande publique, nous vous proposons un amendement de repli, proche de ce que défendait tout à l’heure le groupe Les Républicains, qui vise à permettre aux adjudicateurs publics de privilégier les offres en fonction de la proximité géographique des entreprises soumissionnaires. Il s’agit, là encore, d’une possibilité offerte, mais nullement d’une obligation.

La moitié de l’empreinte carbone de la France étant liée à nos importations, il faut développer les circuits courts. Or, avec l’État et les collectivités, ce sont plus de 100 milliards d’euros d’argent public qui pourraient contribuer à développer ces circuits courts, et donc l’emploi et les entreprises locaux.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Mêmes arguments que précédemment. L’ambition même de réindustrialiser notre pays, et donc le texte lui-même, répond à ces préoccupations.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Cet amendement est assez drôle, car il contredit exactement le précédent. Appliqué littéralement, il bénéficiera à l’ensemble des entreprises allemandes établies à quelques kilomètres de l’Alsace, qui jouent de toutes les zones frontalières : au lieu de l’excellence française proposée par des entreprises situées à Rennes ou à Toulouse, ce sont celles de Kehl, de Stuttgart ou de Karlsruhe qui seront choisies. Merci pour elles !

M. Alexandre Loubet (RN). Il y a là une certaine malhonnêteté intellectuelle. Le déficit commercial de la France avec l’Allemagne s’élève à plus de 15 milliards d’euros : nous perdons déjà assez d’argent au profit de l’Allemagne. La réalité est qu’avec l’argent du contribuable français, nous sommes en train de réindustrialiser l’Europe de l’Est. Nous avons perdu 2,5 millions d’emplois en trente ou quarante ans et ils n’ont pas disparu en un claquement de doigts, étant donné que la consommation des Français a augmenté : ces emplois industriels ont été délocalisés, en partie à l’autre bout du monde, mais aussi en Europe de l’Est. Compte tenu, en effet, du droit européen de la concurrence, les impôts des Français financent la construction d’usines en Europe de l’Est et en Allemagne. En tant qu’élu de la Moselle, je suis bien placé pour le dire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS78 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton (RE). Dans une commande publique, les soumissionnaires utilisent déjà des critères environnementaux et sociaux pour valoriser une offre. L’amendement vise à introduire l’économie circulaire parmi les critères.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. L’économie circulaire entre dans la catégorie des « aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux » qui peuvent servir de base aux critères alternatifs à ceux du prix et du coût. En outre, le coût peut être évalué selon une approche globale tenant compte du cycle de vie. J’ajoute que nous avons déjà adopté un amendement assez proche de celui-ci. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement CS834 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Il est prévu, à l’alinéa 9, qu’il peut être demandé aux soumissionnaires de présenter une offre comprenant des critères environnementaux et sociaux. Il nous paraît important de compléter cette disposition en ouvrant la possibilité de se référer à des labels concernant la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Toutefois, ces labels ne sauraient être autodécernés : ils doivent être vérifiés par un organisme tiers indépendant (OTI) et avoir obtenu la reconnaissance formelle de l’État.

Nous ne sommes pas opposés aux déclarations volontaires que vous appelez les entreprises à effectuer, notamment à propos des bilans d’émissions de gaz à effet de serre, mais les critères mis en avant doivent répondre aux exigences de labels reconnus et vérifiés, comme c’est déjà le cas pour l’ensemble des déclarations extrafinancières.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. La question de la labellisation RSE est primordiale. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement travaille avec l’Association française de normalisation (Afnor), que nous avons auditionnée, à l’élaboration d’un standard « Excellence environnementale européenne » (Triple E) permettant de valoriser, voire avantager, les entreprises ayant opté pour une production écologiquement exigeante.

J’observe, par ailleurs, que votre amendement porte sur la RSE des entreprises et leur politique en général, et non sur le produit qu’elles proposent. Cela conduirait à prendre en compte un critère qui n’est pas lié à l’objet du marché, ce qui n’est pas permis par le code de la commande publique. Pour cette raison, je sollicite le retrait de l’amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Il est très utile de prendre en compte la RSE dans les marchés publics, bien entendu, mais cela ne saurait passer par un label général : les exigences en la matière doivent être liées aux critères d’attribution et au marché en tant que tel. Une cantine responsable, par exemple, ce n’est pas la même chose qu’un char d’assaut responsable.

Le président Millienne va travailler avec l’Afnor sur le standard « Triple E » qui, pour le coup, permettra d’obtenir un label général centré sur les enjeux environnementaux.

M. Gérard Leseul (SOC). Quelle que soit mon estime pour les travaux qui seront menés dans quelques semaines, le président Millienne nous a indiqué hier que la lettre de cadrage ne serait publiée que le 20 juillet. Il a ajouté que je serais convié à travailler sur la question. Toutefois, pour l’instant, nous n’avons rien de précis.

J’entends bien votre remarque concernant l’objet du marché public, mais c’est toute une logique d’entreprise qu’il convient de certifier. Même avec le standard « Triple E », vous ne pourrez pas échapper à la certification par un voire deux tiers indépendants. Je ne vois pas pourquoi vous refusez cette logique que vous serez de toute façon amenés à mettre en œuvre, faute de quoi le standard « Triple E » ne vaudra pas tripette.

M. le président Bruno Millienne. Ayant travaillé sur la question depuis plusieurs mois, je me sens obligé de vous répondre.

Nous avons commencé à travailler au mois de janvier. Avec l’Afnor, nous avons auditionné tous les acteurs afin d’être sûrs de ne pas faire d’erreur et de trouver une solution commune. Au-delà des industriels et des banquiers – ce que vous appelleriez le côté « M. Macron, président des riches » –, nous avons associé les ONG. Vous m’accorderez que tout cela prend du temps.

Un cadre de travail très précis a été défini. Je pense sincèrement qu’il vous conviendra, d’ailleurs, car l’objectif est d’éviter le greenwashing. En effet, compte tenu du nombre de labels environnementaux sur le marché, il est relativement facile pour une entreprise de choisir les critères environnementaux qui lui conviennent pour prouver qu’elle est vertueuse. L’idée est donc de regrouper sous un seul label – dans un premier temps, il s’agira d’un standard ; le label est en quelque sorte le « timbre » prouvant le respect du standard – les principaux critères environnementaux, en s’assurant qu’ils soient incontestables. Il s’agit non seulement d’écarter le greenwashing, mais aussi de créer un système opérationnel et utilisable par tous : il y aura des facteurs de pondération tenant compte de la taille des entreprises, du secteur d’activité et du temps mis pour décarboner l’activité. Contrairement à d’autres, ce label ne sera pas « figé ». Quand on a obtenu certains labels, on est seulement soumis à un contrôle annuel. La délivrance de celui-là supposera l’accompagnement des entreprises vers la décarbonation et le verdissement.

La lettre de cadrage sera rendue publique et elle vous sera transmise. Son contenu, que je viens de vous résumer, devrait vous rassurer. Beaucoup de ceux d’entre vous à qui j’en ai parlé m’ont dit : « Bon courage, monsieur Millienne : vous cherchez la martingale. » Moi, j’y crois : ce label servira aux entreprises, non seulement en matière de commande publique, mais aussi pour attirer des fonds d’investissement verts, qui ne savent pas vers où se diriger, car il n’y a rien, sur le marché, qui soit garanti 100 % vert.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS96 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Victor Habert-Dassault (LR). L’amendement vise à inscrire dans le texte le principe selon lequel les produits ayant obtenu le label écologique de l’Union européenne sont présumés satisfaire aux critères comprenant des aspects environnementaux. Cet écolabel a pour objet de réduire l’impact négatif de la production et de la consommation sur l’environnement.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Il revient aux acheteurs publics d’arrêter librement les critères environnementaux permettant d’attribuer les marchés publics, en fonction de leur objet. Considérer qu’un label, quelle que soit sa qualité, est présumé satisfaire l’ensemble de ces critères n’est pas judicieux. Dans certains cas, du fait du souhait de l’acheteur ou de l’objet du marché public, cette disposition pourrait ne pas être pertinente. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CS462 de Mme Clémence Guetté et CS346 de Mme Anaïs Sabatini (discussion commune).

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’amendement CS462 vise à faire en sorte que la localisation de l’activité soit prise en compte dans le processus d’attribution des marchés publics, de façon à favoriser les entreprises locales. Dans les cantines, il est impossible de prioriser les produits locaux, ce qui est une aberration, car cela revient à ignorer les circuits courts. Il faut mettre un terme à la logique selon laquelle le coût des produits devrait l’emporter sur tous les autres critères.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS457 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Lorsque deux offres sont similaires sur le plan économique, il convient de retenir celle qui présente le plus d’avantages sur le plan environnemental. Tel est l’objet de cet amendement.

Deux études frappantes ont démontré l’intérêt pour les entreprises de s’engager dans une démarche d’écoconception et de durabilité. La première, résultant d’un partenariat entre un institut de Saint-Étienne et un organisme québécois, a été menée sur plus de 36 000 entreprises. Il en ressort que celles ayant adopté une démarche d’écoconception ont vu leur chiffre d’affaires bondir de 11 % en moyenne et qu’aucune n’a vu ses résultats dégradés par ce choix. L’Ademe va dans le même sens : elle a démontré que toutes les entreprises qui s’engagent dans cette direction voient leur chiffre d’affaires progresser de 7 % à 18 % et observent un effet sur le volume et sur le prix.

Faire ce choix procure donc un avantage compétitif aux entreprises. Il faut le reconnaître, le valoriser et l’encourager à travers la commande publique, et ce dès à présent : s’agissant d’un projet de loi visant à développer l’industrie verte, cela semble être une urgence absolue. C’est une manière d’envoyer un signal aux entreprises : si nous actionnons ce levier, c’est aussi parce que nous savons que c’est bon pour elles.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Dans son esprit, votre demande est satisfaite par l’article 35 de la loi « Climat et résilience ». Celui-ci dispose qu’un critère environnemental doit être pris en compte de manière systématique : l’offre n’est plus seulement déterminée en fonction du prix et du coût. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS57 de Mme Émilie Bonnivard et CS1110 de M. Philippe Brun.

Mme Émilie Bonnivard (LR). L’amendement vise à privilégier, dans les marchés publics en matière d’énergie, les offres ayant l’empreinte carbone la plus limitée. Il s’agit de valoriser et de favoriser la structuration de filières française de l’industrie verte, ce qui inclut le nucléaire, le solaire, l’hydraulique et le biogaz. Nous avons des champions de la recherche et développement (R&D) dans ces domaines – je pense notamment à l’Institut national de l’industrie solaire (Ines), installé en Savoie, ou encore au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il est essentiel de les utiliser pour recréer des filières de production. Les entreprises françaises qui produisent sur notre sol ces composants nécessaires à la création de dispositifs de production d’énergie doivent être les premières bénéficiaires de la commande publique. C’est ainsi que nous créerons les conditions permettant de recouvrer notre souveraineté énergétique.

M. Gérard Leseul (SOC). L’objectif est de valoriser l’ensemble de la structuration de filières françaises de l’industrie dite verte, notamment dans le domaine de la production d’énergies renouvelables – qu’il s’agisse de l’éolien, du solaire, du biogaz ou encore de l’hydraulique, lequel est trop souvent oublié lorsqu’il est question d’énergies renouvelables.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. J’ai déjà expliqué pourquoi je suis défavorable à une multiplication des critères. J’ajoute que votre souhait de prendre en compte le cycle de vie est satisfait par l’article L. 2112-3 du code de la commande publique.

Par ailleurs, une notion comme celle de préservation du « patrimoine commun de la nation » est trop imprécise, ce qui risquerait de fragiliser juridiquement les marchés en question. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1246 de Mme AnneLaure Babault, rapporteure.

 

Amendement CS813 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Nous proposons d’ajouter la sobriété énergétique parmi les critères. Cette précision n’est ni neutre ni superfétatoire : elle permet de poser la question des économies d’énergie, quelle que soit l’énergie utilisée. La démarche la plus commune est celle qui consiste à passer d’une énergie carbonée à une énergie décarbonée, qu’elle soit fissile ou renouvelable. Or les changements de process peuvent permettre de réaliser des économies considérables. Valoriser une entreprise dont les produits sont issus de process vertueux peut se révéler aussi important que l’origine des énergies.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Même avis que précédemment en ce qui concerne l’inscription de critères trop précis. La sobriété énergétique est une priorité, bien entendu, mais on pourrait aussi mentionner dans le texte la sobriété en eau, parmi d’autres critères prioritaires. Par ailleurs, il ne s’agit pas forcément d’un élément pertinent pour établir les critères d’un marché. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce que vous proposez est déjà possible, monsieur Potier. En outre, si l’on commence à énumérer les critères, on risque d’en oublier, ce qui pourrait conduire l’acheteur public à les exclure du processus de pondération, même s’ils sont pertinents. Je préfère donc que nous en restions à un critère général, que l’acheteur public pourra ensuite orienter vers la sobriété énergétique. Je demande le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CS1032 de M. Henri Alfandari est retiré.

 

Amendements CS458, CS459, CS460 de M. Matthias Tavel, et CS695 de M. Alexandre Loubet (discussion commune).

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Ces amendements de M. Tavel visent à permettre aux collectivités et à l’État de prendre en compte des critères de distance dans la commande publique.

Je voudrais revenir sur plusieurs de vos arguments, monsieur Lescure. Quand on ferme la porte, avez-vous dit, elle est fermée des deux côtés. C’est vrai si vous en êtes resté à la vision de l’industrie et de l’économie qui prévalait dans les années 1980, 1990 et 2000 : libre à vous de considérer que la mondialisation heureuse va continuer et que nous pourrons toujours acheter les produits dont nous aurons besoin, si tant est que nous ayons suffisamment d’argent.

Or ce n’est pas du tout ce qui s’est passé pendant la covid. Nous nous sommes retrouvés sans masques, non pas parce que nous n’avions pas d’argent, mais parce que la demande était très forte et qu’en temps de crise l’argent ne suffit plus : une compétition s’instaure entre les États qui veulent trouver les produits nécessaires à leur population. De la même manière, avec la guerre en Ukraine, nos anciens partenaires pour la fourniture d’énergie opèrent un repositionnement stratégique, notamment l’Arabie Saoudite. Il convient de le prendre en considération.

Il faut désormais viser la résilience. Or, au-delà de la question climatique et des exportations, l’enjeu est clair : si nous ne protégeons pas un tant soit peu la production nationale, nous ne serons pas en mesure d’être résilients en temps de crise. Tel est l’objet de ces amendements.

Quant au fait qu’ils pourraient être contraires au droit européen, je dirai que celui-ci s’interprète avec souplesse. L’Allemagne ne s’est pas privée de le faire lorsqu’elle a annoncé qu’elle subventionnerait l’énergie de façon à ce que son prix soit en dessous du coût de production pour ses entreprises exportatrices, et cela ne pose aucun problème. Ce débat est donc important et nous devons l’engager.

M. Alexandre Loubet (RN). L’amendement CS695 vise à ajouter des critères pour le choix d’une offre dans le cadre d’un contrat de concession. Il s’agit de permettre de favoriser une offre au motif qu’elle soutient l’emploi en France ou qu’elle participe à garantir notre souveraineté nationale.

Cette proposition permet, d’une part, de soutenir l’économie nationale et, d’autre part, dans le cadre de certaines concessions stratégiques – je pense, par exemple, aux barrages hydroélectriques ou aux télécommunications –, de choisir un soumissionnaire qui garantit la souveraineté nationale. Elle mérite donc que l’on s’y intéresse.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

L’Allemagne a effectivement annoncé la mesure dont vous vous faites l’écho, madame Dufour, mais ne l’a pas appliquée parce qu’elle n’en a pas reçu l’autorisation. Faites attention : beaucoup d’annonces ont été faites en Allemagne ces derniers mois, mais elles n’ont pas toutes été mises en œuvre. En l’occurrence, les Allemands ont entamé des négociations après cette annonce et se sont rendu compte que la mesure n’était pas conforme au droit européen. En ce qui me concerne, je souhaite que nous respections celui-ci. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point : vous préférez lui désobéir, vous le dites et vous l’assumez.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS1170 de M. Philippe Bolo.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Cet amendement d’appel vise à promouvoir l’édification d’indicateurs environnementaux à même d’objectiver les caractéristiques environnementales de l’offre soumise à une procédure de marché public. M. Bolo vous propose des critères fondés sur les douze indicateurs du dispositif d’affichage environnemental intitulé « l’eFFet Vert ». Il s’agit d’une initiative menée par l’Ademe, la chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire et l’entreprise MB Pack. Elle est défendue auprès de l’Afnor, en vue de l’ériger en référentiel.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Je comprends le sens de l’amendement de M. Bolo, mais il me paraît poser quelques difficultés.

Tout d’abord, les indicateurs de performance environnementale qu’il souhaite appliquer n’existent pas, et il entend fixer comme échéance le 31 décembre 2028, alors que l’entrée en vigueur des dispositions de la loi « Climat et résilience » est prévue au plus tard le 21 août 2026.

Ensuite, le dispositif se concentre sur les produits industriels, alors que la grande majorité des marchés publics concerne des services ou des travaux. Les critères qu’il propose d’introduire me paraissent inadaptés à ces catégories de marché.

Néanmoins, il est essentiel d’objectiver les indicateurs. Le standard « Triple E » me paraît répondre à cette exigence. Par ailleurs, l’État est mobilisé pour accompagner les acheteurs publics dans le choix et la définition des critères qu’ils utilisent. Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l’amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Je précise que des outils seront mis à la disposition des acheteurs. Nous sommes en train de les élaborer – ils ne relèvent pas du niveau législatif. Vous avez raison, si nous disons aux communes qu’elles doivent prendre en compte la dimension environnementale, nous devons leur donner les instruments leur permettant de le faire.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS659 de M. Daniel Grenon.

 

Amendement CS1068 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). Les marchés publics doivent prendre en compte les normes environnementales ainsi que des critères sociaux. Vous mentionnez l’importance de cette dimension aux alinéas 4 et 9, mais pas à l’alinéa 15. L’amendement vise donc à compléter l’alinéa dans ce sens.

Je ne doute pas, monsieur le ministre délégué, que vous soyez sensible aux conditions de travail des employés dans les entreprises européennes ou extra-européennes auxquelles seront confiés des marchés publics. Vous ne voudriez pas importer en France du cobalt provenant du travail d’enfants de 13 à 15 ans, dont certains meurent dans les mines.

L’amendement vise à préserver le droit social et à imposer les mêmes normes à toutes les entreprises qui voudraient exporter leurs produits vers la France, surtout dans le cadre de marchés publics.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. La prise en compte d’un critère social est d’ores et déjà possible et le sera toujours après l’entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience », à condition qu’il soit lié à l’objet du marché. Pour le reste, il n’est pas réaliste à ce stade d’envisager de cumuler la prise en compte systématique d’un critère social et celle d’un critère environnemental, compte tenu de l’important travail d’adaptation que nécessite déjà la systématisation du critère environnemental. Celle-ci s’avère pleinement justifiée compte tenu de l’urgence climatique à laquelle nous faisons face. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Antoine Villedieu (RN). C’est un sacré aveu que vous venez de nous faire, madame la rapporteure : vous privilégiez le critère environnemental par rapport au critère social. Pour vous, le droit de la nature est donc plus important que celui des êtres humains… Nous ne l’oublierons pas !

M. le président Bruno Millienne. Je ne crois pas que ce soit le sens de l’intervention de Mme la rapporteure.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS815 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Tout n’a pas été inventé au cours des dernières semaines, monsieur le ministre délégué. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi « Climat et résilience », le groupe socialiste avait été particulièrement actif : l’un de nos amendements, bâti avec la majorité, avait intégré au dispositif les délégations de service public (DSP), en plus des achats publics, ce qui avait élargi l’assiette de 80 milliards d’euros, doublé le volume concerné et permis d’atteindre 8 % du PIB. Or les décrets ont repoussé l’application des critères de sélection destinés à favoriser une économie vertueuse, ce qui manifeste une forme de désinvolture voire de mépris à l’égard du Parlement.

Au cours des débats, nous avions précisé que certaines filières seraient concernées en premier. Il y avait, d’une part, celles dans lesquelles les entreprises françaises étaient d’ores et déjà excellentes – je pense, par exemple, à l’électroménager – et pouvaient, même en prenant en compte les critères de RSE, gagner des marchés publics. Cela n’a pas été fait. D’autre part, les filières considérées comme stratégiques devaient, elles aussi, être concernées en priorité, notamment celle des énergies renouvelables (ENR). Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, un amendement a permis de ramener de cinq ans à trois le délai d’application des critères RSE pour favoriser le made in France et le made in Europe à haute valeur environnementale et sociale.

Nous demandons simplement, à travers l’amendement CS815, que l’application des critères ne soit pas repoussée ad vitam aeternam : à l’instar de ce qui a été fait pour les ENR, le processus doit être accéléré pour les filières considérées comme stratégiques que nous voulons développer dans le cadre de l’industrie verte.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. L’objet du projet de loi n’est pas de « refaire le match » de 2021 et de revenir sur la date d’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « Climat et résilience », laquelle avait fait l’objet d’un compromis. Ce délai est nécessaire pour permettre aux entreprises françaises de s’adapter à cette évolution importante et attendue du droit de la commande publique.

Aux termes de l’article 13, le critère environnemental peut être pris en compte de manière facultative. Si certains marchés sont prêts avant 2026, l’État pourra, par décret, le rendre obligatoire. À compter de 2026, tous les marchés y seront soumis.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous trouve un peu dur avec l’administration, monsieur Potier. La date de 2026 a été inscrite dans la loi. L’article 13 prévoit que, dans les secteurs où nous sommes prêts, l’application sera avancée à juillet 2024. Dans les autres, l’année 2026 sera conservée pour s’assurer que les secteurs concernés sont prêts à livrer. Les secteurs visés seront définis par décret. Introduire ces critères trop tôt serait dommageable pour certains secteurs dans lesquels la France n’est pas au niveau, surtout lorsqu’ils sont stratégiques : cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Ainsi, même si nous travaillons beaucoup pour organiser une filière française du photovoltaïque, je ne suis pas sûr que celle-ci sera prête en 2024. En revanche, s’agissant des pompes à chaleur, du bâtiment et des travaux publics, il sera sans doute possible d’appliquer les critères dès 2024, et nous le ferons. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Je soutiens les propos de M. Potier. Si nous proposons une accélération du calendrier, c’est aussi parce qu’elle est conforme à la proposition numéro 15 du chantier 3 du rapport de la consultation relative à l’industrie verte, qui prévoit d’accélérer « la mise en œuvre obligatoire de critères environnementaux dans les appels d’offres publics dans les secteurs clés (dès 2024) ». Ce n’est pas nous qui l’avons écrit.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est exactement ce que prévoit l’article 13, mais votre amendement vise à aller plus loin : tous les secteurs seraient concernés. L’article a été adopté par le Sénat, et j’espère que vous ferez de même.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1214 de M. Laurent Alexandre.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je vous l’ai dit, nous aurions souhaité généraliser certains amendements à l’ensemble des entreprises – en l’espèce, à l’ensemble des grandes entreprises –, mais nous avons préféré les rattacher à cette partie consacrée à la commande publique pour être sûrs qu’ils seront évoqués. Je veux parler, notamment, d’une série d’amendements portant sur les droits des salariés à participer à la bifurcation écologique de leur entreprise, à la contrôler, voire à la renforcer.

Plusieurs de ces amendements ont été déclarés irrecevables. Ils visaient, entre autres, à rendre obligatoire une négociation tous les quatre ans sur les objectifs de la bifurcation écologique ; à donner au comité social et économique (CSE) des droits nouveaux en matière de contrôle, de mise en œuvre et de définition des objectifs climatiques et de biodiversité des entreprises ; à créer au sein des CSE une mission spécifique, ou bien à rétablir les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en les dotant d’une compétence environnementale, pour suivre les engagements pris en la matière.

L’un de ces amendements a survécu : celui-ci. Il vise à imposer aux grandes entreprises la présence d’un tiers de salariés au minimum dans les conseils d’administration, si toutefois ces entreprises entendent solliciter des commandes publiques. C’est pour nous l’occasion de dire qu’il faut créer, à travers la bifurcation écologique, une économie sociale et citoyenne, et que la commande publique peut donner l’exemple. Ce n’est pas en préservant la toute-puissance des actionnaires que l’on opérera la bifurcation écologique.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Il n’est pas possible de prévoir un dispositif d’exclusion de la commande publique fondé sur des critères qui ne relèvent pas d’une obligation légale. En l’occurrence, rien n’oblige les entreprises à intégrer des associations environnementales et de défense des consommateurs dans leur conseil d’administration. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). J’entends l’argument, mais je vous ai expliqué que nous avions été contraints à cette acrobatie pour engager la discussion.

Je profite de l’examen de cet amendement pour dire qu’à nos yeux, le texte présente des manques. Il ne comprend aucune disposition concernant la manière dont les salariés et leurs représentants pourraient être associés à la définition, à la mise en œuvre et au contrôle des objectifs climatiques et écologiques de l’entreprise. Non seulement c’est un manque, mais c’est là quelque chose qui va nous empêcher d’atteindre les objectifs fixés.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous n’étiez pas là durant la précédente législature, mais certains de vos illustres anciens l’étaient : ils auraient dû voter la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », qui a augmenté la part des salariés dans les conseils d’administration – quoique pas assez à votre goût et au goût de certains autres. Elle a également créé le statut d’entreprise à mission, qui correspond exactement à ce que vous souhaitez : le comité de mission comprend les parties prenantes – ONG, associations environnementales, etc. Rien n’empêche un acheteur public qui souhaiterait privilégier les entreprises à mission de le faire.

Le problème avec votre amendement, c’est qu’il créerait une obligation. Cela dit, j’ai compris que vous vouliez surtout en profiter pour avoir un débat sur le sujet – c’est d’ailleurs pour cela que je vous réponds.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS461 de M. Matthias Tavel.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Cet amendement vise à créer un registre des personnes morales exclues de la possibilité de répondre aux appels d’offres parce qu’elles n’ont pas respecté les obligations légales. Des études montrent que certaines entreprises doivent être exclues mais que les pouvoirs publics adjudicateurs ne disposent pas d’une liste précise de celles qui sont concernées. Ce manque doit être comblé si l’on entend veiller à la bonne application de l’interdiction.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics organise d’ores et déjà la procédure visant à attester que le candidat ne se trouve pas dans un cas d’interdiction de soumissionner. Celle-ci se fonde notamment sur les certificats que délivrent les différentes administrations.

La procédure d’exclusion obligatoire fonctionne sans difficulté. La procédure facultative, quant à elle, est laissée à l’appréciation et à l’initiative de l’acheteur. Le registre que vous souhaitez introduire me semble être de nature à revenir sur cette distinction importante. Je n’y suis donc pas favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS373 de M. Nicolas Meizonnet, CS505 de M. Hervé de Lépinau, CS326 de Mme Danielle Brulebois et CS1069 de M. Antoine Villedieu.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous sommes assez favorables au principe du Beges, qui permet d’appliquer, dans certains cas, une forme de priorité nationale – timide, il est vrai. Par exemple, dans le cadre d’un marché public mettant en concurrence une entreprise française et une entreprise chinoise, ce document peut conduire à accorder une préférence à l’entreprise française, à la condition bien sûr que l’adjudicateur soit de bonne composition. Puisque, manifestement, le Gouvernement a le plus grand mal à défendre les intérêts de la France face à la concurrence déloyale, nous nous contenterons pour l’instant des quelques outils à notre disposition : faute de grives, on mange des merles.

En revanche, nous sommes très opposés à l’aggravation des sanctions prévue par l’article à l’égard des entreprises qui ne satisfont pas à cette obligation : la disposition nous paraît totalement disproportionnée. Plus les entreprises sont grandes, plus il est facile pour elles d’établir un Beges. Je vous invite d’ailleurs à consulter le document présentant la méthode pour réaliser ce bilan : il compte quatre-vingt-huit pages… Ce sont les entreprises les plus petites qui rencontreront des difficultés et seront les plus exposées à ces amendes.

Mme Danielle Brulebois (RE). Je m’interroge sur l’opportunité de quintupler l’amende encourue par les entreprises qui n’auraient pas rédigé de Beges. Il s’agit d’un document difficile à concevoir, en particulier pour les petites et les très petites entreprises – les plus grandes, quant à elles, auront toujours les moyens de payer des amendes élevées. Avant d’infliger une sanction aussi forte, ne serait-il pas possible de proposer un accompagnement ?

M. Antoine Villedieu (RN). Nous sommes contre l’augmentation du montant des amendes. Le principe du texte est de favoriser la réimplantation industrielle. Or l’écologie punitive est inefficace et contribue à délocaliser nos entreprises. Cela n’aurait donc aucun sens, d’autant que, je le répète, les importations représentent 51 % de notre empreinte carbone.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Je comprends vos arguments, mais je vous suggère de retirer vos amendements au profit du dispositif de compromis que je propose : le rétablissement du critère d’exclusion de la commande publique en cas de non-respect de l’obligation de se doter d’un Beges – à laquelle les TPE ne seront pas soumises, madame Brulebois ; le triplement au lieu du quintuplement de l’amende administrative ; la suppression du délai de mise en conformité. Monsieur Meizonnet, c’est un cabinet d’experts qui lira les quatre-vingt-huit pages. C’est une question d’argent, certes, mais cela ne complexifiera pas le travail des entreprises.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Danielle Brulebois (RE). Je retire mon amendement, non sans rappeler la nécessité d’accompagner avant de sanctionner.

L’amendement CS326 est retiré.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS1408 de Mme Anne-Laure Babault.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Il s’agit de supprimer le délai de mise en conformité après un contrôle. Actuellement, 35 % des entreprises font un Beges, qui coûte en moyenne 10 000 euros. Dans la mesure où, après ce contrôle, elles disposent d’un délai de mise en conformité sans être sanctionnées, de fait, certaines entreprises attendent d’être contrôlées pour faire leur Beges.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est un bon amendement, plutôt bien rédigé. Précisons tout de même qu’en aucun cas l’amende n’est automatique, la jurisprudence constitutionnelle exigeant individualisation et proportionnalité des peines.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1249 de Mme Anne-Laure Babault.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Nous proposons de tripler l’amende plutôt que de la quintupler.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1424 de Mme Anne-Laure Babault.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. L’amendement vise ici à insister sur le levier incitatif, dans la mesure où les aides de Bpifrance et de l’Ademe à la transition énergétique et écologique seront conditionnées à la réalisation d’un Beges classique pour les entreprises concernées par cette obligation, et simplifié pour les entreprises de 50 à 500 salariés.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS463 de M. Matthias Tavel.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Notre amendement pourrait servir de base légale aux travaux que vous allez engager dans la définition d’un label unifié. Il s’agit d’instaurer, à titre expérimental, pour trois ans, selon des modalités à préciser par décret, sur le modèle du nutriscore, un « éco-score » unifié intégrant plusieurs dimensions – émissions de gaz à effet de serre, atteintes à la biodiversité, préservation de l’environnement – de sorte que, sur les marchés publics, la comparaison soit possible sur des bases sûres et lisibles.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Je suis sensible à ce sujet pour avoir travaillé sur des systèmes de management de la qualité. Le standard « Triple E », qui a été privilégié, me semble être le bon vecteur. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Dominique Potier (SOC). Je vous le dis en toute amitié, j’ai le sentiment que vous inventez la roue en permanence. En octobre 2019, dans le cadre d’une niche socialiste, nous avions proposé d’expérimenter la certification environnementale et sociale des entreprises. Ce label, qui ressemble fort au vôtre, avait été bâti avec les mêmes partenaires que vous, qui nous avaient dit que c’était le bon moment pour en faire l’expérience et se préparer à la directive CSRD. La majorité et le Gouvernement nous avaient envoyés balader, alors que nous aurions pu prendre une longueur d’avance ! Et vous nous dites désormais que le 20 juillet nous allons entrer dans un processus destiné à aboutir un jour… Si nous nous écoutions un peu plus et que nous étions capables de mieux nous parler, peut-être serions-nous plus avancés sur les sujets qui nous rassemblent et pourrions-nous porter le même maillot. Nous soutenons l’amendement, qui a un ancêtre né en 2019.

M. le président Bruno Millienne. Le standard devrait aboutir à la fin de l’année. Et puis, vous savez ce que l’on dit dans notre beau pays : il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Peut-être avions-nous tort, mais nous avançons.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 13 modifié.

 

Après l’article 13

 

Amendement CS429 de Mme Alma Dufour.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). L’amendement vise à généraliser le bilan d’émissions de gaz à effet de serre aux entreprises de plus de 50 salariés, tout en permettant aux entreprises de 51 à 250 salariés de faire réaliser un Beges simplifié. Vous allez m’opposer qu’il ne faut pas contraindre plus les PME. En réalité, dans de nombreux secteurs industriels, les PME sont souvent celles qui innovent le plus, en essayant, par exemple, de mettre en œuvre des processus décarbonés. C’est le cas notamment de l’entreprise de tissus de M. Pierre Schmitt. Étendre le Beges – dans sa version simplifiée, bien sûr, étant donné qu’elles n’ont pas les moyens de se payer des bureaux d’études – leur permettrait de montrer qu’elles ont des atouts à faire valoir dans la décarbonation.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Nous venons de voter l’obligation de réaliser un Beges simplifié pour les PME, quand elles demandent des aides à Bpifrance et à l’Ademe. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS791 de M. Dominique Potier.

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement vise à faire évoluer le code de la commande publique vers une meilleure prise en considération des critères sociaux et environnementaux dans les entreprises, lorsqu’elles soumissionnent pour des marchés publics. Nous proposons d’insérer après l’article 13 : « À la fin du premier alinéa de l’article L. 2112‑2 du code de la commande publique, les mots : “, qui doivent être liées à son objet” sont supprimés. »

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Avis défavorable, dans la mesure où votre amendement est contraire au droit européen.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CS476 de M. Laurent Alexandre et CS794 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Il s’agit de profiter du poids de la commande publique dans notre économie pour favoriser l’achat de produits issus du réemploi, de même qu’il est possible de réserver un certain pourcentage de commandes à des structures de l’économie sociale et solidaire. Il faudrait, bien sûr, y aller progressivement, car je n’ignore pas les tensions sur le marché du reconditionnement. Ce serait l’occasion d’impulser un mouvement et d’accompagner des changements de consommation indispensables à l’évolution de notre appareil productif vers un modèle plus sobre.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons rédigé notre amendement avec le collectif Réemploi, pour renforcer le rôle de la commande publique comme levier de l’économie circulaire.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Les Spaser prennent déjà en compte ce critère, et nous avons adopté l’amendement CS74 de Mme Riotton qui allait dans le même sens que les vôtres. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS657 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Dans le cadre des marchés publics, la loi permet de favoriser l’emploi d’autres pays européens aux frais du contribuable français, mais interdit de le faire pour l’emploi français. Elle permet en effet à un acheteur public d’imposer que les moyens utilisés pour exécuter un marché public, intégralement ou partiellement, soient localisés sur le territoire de l’un des États membres de l’Union européenne. Nous proposons d’autoriser un acheteur public à imposer que les moyens pour exécuter le marché soient localisés en France ou subsidiairement sur un territoire européen. Monsieur le ministre délégué, au nom de quoi la loi française permettrait d’appliquer une priorité européenne tout en refusant d’appliquer une priorité nationale, alors même qu’il s’agit de l’impôt des Français ?

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Il n’y a ni priorité européenne ni priorité nationale. Cet amendement est contraire au principe de non-discrimination. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne pense pas qu’interdire aux entreprises françaises d’aller soumissionner sur les marchés allemands, italiens ou espagnols soit une bonne idée. Si vous prenez ce genre de dispositions en France, vous aurez les mêmes chez nos partenaires européennes.

On avance, en revanche, sur la préférence européenne, grâce au projet de règlement NZIA : possibilité, pour les technologies concernées, de pondérer les critères de passation de marchés publics de 15 % à 30 % de critères environnementaux, dont éventuellement celui du bilan carbone, qui privilégie des pays proches ; intégration de ces critères environnementaux dans le cadre d’enchères pour soutenir la production d’énergie à partir de renouvelables – vous n’en êtes pas fan, je le sais ; régime d’incitation à l’achat de ces technologies avec compensation financière ; obligation de soutenabilité et de souveraineté – si l’offre vient d’un pays qui domine plus de 65 % du marché au bout du monde, le critère peut la pénaliser. Pour le marché de défense et les marchés de réseau, il existe une mesure explicite de réciprocité. Un règlement sur les subventions étrangères a été adopté sous la présidence française de l’Union européenne, qui mettra notamment en œuvre un principe de réciprocité des subventions. Enfin, il y aura des critères explicites sur le recyclage des batteries, qui feront privilégier de fait les marchés européens, en avance sur le recyclage. Avis défavorable sur cet amendement et les suivants.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS1014 de M. Charles Fournier, CS1159 de Mme Delphine Lingemann et CS1188 de M. Philippe Brun.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’article L. 2112-4 du code de la commande publique dispose que « l’acheteur peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d’un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l’Union européenne afin, notamment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d’assurer la sécurité des informations et des approvisionnements. » Mais, à l’exception de quelques cas connus, cet article n’est quasiment jamais utilisé. Pour faciliter son application, nous proposons qu’un décret en Conseil d’État en précise les conditions et les modalités.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Préciser les conditions d’application de l’article L. 2112‑4 le clarifierait et permettrait notamment de déterminer si ses mesures pourraient s’appliquer à d’autres secteurs, notamment à la production d’énergies renouvelables.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Demande de retrait, pour les arguments donnés par M. le ministre.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Paradoxalement, si nous fixons ces modalités par décret, nous risquons de nous retrouver avec un décret qui interdira à peu près tout. Il faut que cette disposition législative soit conforme au droit européen. Il y a quelques trous de souris dans lesquels nous avons pu nous glisser pour ce qui est des secteurs de la défense ou de la santé ; mais si nous devons le préciser, nous risquons de devoir tout interdire. Je vous suggère de retirer votre amendement et de laisser les quelques exceptions autorisées subsister.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CS1208 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CS792 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Dominique Potier (SOC). Il y a trois échelles d’évaluation : le produit, son processus de fabrication et le bilan RSE de l’entreprise. La pire des multinationales est capable de fabriquer un produit répondant aux besoins du marché d’une bourgeoisie éclairée ou d’une commande publique très exigeante. Ce qui nous paraît important pour avoir un impact planétaire et social, c’est de faire en sorte que toute l’entreprise soit jugée : sur son process, sur le partage de sa valeur, sur son respect des normes environnementales. L’État doit pouvoir choisir une entreprise pour ses qualités intrinsèques et universelles et pas seulement pour celles qu’elle a mises en œuvre dans l’objet proposé sur le marché. Je précise qu’il s’agit d’une faculté.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Concernant le dispositif de votre amendement, le considérant 10 du règlement 2022/1031 dispose que pour tout marché public et tout contrat de concession, les acheteurs et les autorités concédantes peuvent prendre des mesures de restriction d’accès à la commande publique à l’égard des opérateurs économiques de pays tiers non-signataires d’un accord avec l’UE. Les textes ne prévoient donc pas d’obligation en la matière, contrairement à ce que propose votre amendement. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. On ne peut pas autoriser quelqu’un à ne pas respecter la loi. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). On peut respecter plus ou moins la loi. L’obligation, c’est un salaire minimum. Mais on peut décider que le partage de la valeur au sein de l’entreprise devienne un critère de sélection sur un marché public. Je n’ai pas compris votre réponse, madame la rapporteure. Nous disons que les critères valables pour l’ensemble de l’entreprise peuvent être un critère de discernement dans l’achat public. C’est une question très politique.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CS392 de M. Jorys Bovet, CS470 de M. Laurent Alexandre, CS1169 de M. Frédéric Zgainski et CS287 de Mme Géraldine Grangier (discussion commune).

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). J’ai bien compris que vous n’aviez aucune intention de tenir compte de nos amendements visant à réorienter la commande publique, afin de favoriser notamment les critères d’écoconstruction, et je vais réserver mes arguments pour la séance. Ils s’intègrent pourtant parfaitement à votre projet de loi relatif à l’industrie verte. Nous allons encore perdre des années, malheureusement. Je suis un peu déprimée par tous vos rejets !

M. Frédéric Zgainski (Dem). L’amendement vise à imposer une proportion minimale d’achats qualitatifs et responsables, afin d’orienter la commande publique vers des matériaux bénéficiant d’une indication géographique représentative du patrimoine français.

Certaines collectivités se fournissent en matériaux provenant d’autres continents et ne privilégient donc pas des matériaux français. En choisissant des partenaires lointains, ces collectivités provoquent l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, au détriment, qui plus est, du savoir-faire national qu’il convient de valoriser. Si nous voulons atteindre nos objectifs de décarbonation, la commande publique doit favoriser les circuits courts et l’aspect local.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. J’espère que Mme Chikirou n’en sera pas plus triste, mais nous avons déjà eu le débat sur les circuits courts et l’écolabel. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS1225 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). L’amendement vise à privilégier dans la commande publique les entreprises ayant recours à des sous-traitants français ou européens. Le localisme doit être le fer de lance de notre politique écologique. C’est aussi un amendement au service de notre souveraineté et du patriotisme économique, qui permettra à l’État et aux collectivités territoriales de soutenir nos TPE‑PME créatrices d’emplois et d’attractivité. Les impôts des Français ne doivent pas financer directement ou indirectement le recours à des sous‑traitants hors de l’Union européenne.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS418 de M. Matthias Tavel.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Cet amendement, relatif au droit des salariés, a été élaboré en collaboration avec la CFDT. Il vise à encadrer le contrôle, l’accompagnement et à renforcer les sanctions applicables en matière de Beges des entreprises, en dotant notamment les CSE d’un droit d’alerte lorsque la stratégie définie par la direction ne répond pas aux objectifs climatiques.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat concernant le Beges. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Ce n’est pas exactement la même chose, puisqu’il s’agit d’associer les salariés aux choix de l’entreprise. Votre texte ignore totalement le fait qu’une usine, ce sont aussi des salariés. Tous les amendements sur le sujet ont été rejetés. Or l’intelligence collective se vit aussi au sein de l’entreprise ! Il faut réfléchir à la manière d’impliquer les salariés dans l’entreprise, pas seulement financièrement. Ils devraient pouvoir participer à l’élaboration de la trajectoire de transition écologique ou donner leur avis sur les aides économiques attribuées à l’entreprise.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cette loi ne s’intéresse pas aux salariés, certes, mais pas plus aux actionnaires ni aux directions générales. Elle s’intéresse aux entreprises et aux industries comme un objet social, qui rassemble toutes les parties prenantes, y compris les salariés, qui sont d’ailleurs très attachés à leur outil de travail, et parfois aussi au capital auquel ils peuvent être intéressés. Je ne peux pas vous laisser dire que cette loi ne s’intéresse pas aux salariés ! Je passe d’ailleurs beaucoup de temps avec eux, et toujours avec bonheur.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, pourriez-vous prendre l’engagement, d’ici à la séance, que le Gouvernement va demander aux partenaires sociaux d’engager une négociation sur la manière dont les salariés et les instances représentatives du personnel sont associés à la définition et à la mise en œuvre des objectifs écologiques ?

M. le président Bruno Millienne. Je pense que c’est compliqué pour le ministre de prendre un tel engagement, mais c’est bien tenté !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS75 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton (RE). Le label « Relations fournisseurs et achats responsables » permet de distinguer les entreprises françaises qui font preuve de relations durables et équilibrées avec leurs fournisseurs. Afin d’intégrer l’économie circulaire dans ce label utile et vertueux, je propose au Gouvernement, puisque cela relève de la voie réglementaire, de créer un label « Achat public circulaire ».

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. J’espère que le label Triple E, dont nous avons discuté, tiendra compte de l’économie circulaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS833 de M. Gérard Leseul.

M. Anna Pic (SOC). L’amendement vise à faire élaborer par l’État une cartographie de l’achat public pour situer la chaîne de valeur et orienter les acteurs économiques dans l’élaboration de leurs offres, par le biais d’une plateforme numérique accessible. Les données relatives à l’achat public, recueillies par l’Observatoire économique de l’achat public, sont en effet largement incomplètes.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Votre amendement nous offre l’occasion de saluer le travail très utile et complet réalisé par l’Observatoire économique de l’achat public. Je comprends votre amendement, même si je crains qu’une telle cartographie soit irréalisable, au regard de la quantité d’informations à collecter et de leur degré de précision, mais aussi parce qu’elles peuvent relever du secret des affaires. Sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour les mêmes raisons, avis très défavorable. Ce serait extrêmement complexe à réaliser et cela risquerait de mettre sur la place publique des informations relevant du secret des affaires et d’obérer la compétitivité des entreprises françaises.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CS1145 et CS1179 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune).

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Il s’agirait que les entreprises de plus de 500 employés publient dans leur Beges leurs émissions indirectes, notamment celles liées au transport logistique, afin de favoriser la décarbonation des transports.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Cette question relève de la partie réglementaire du code de l’environnement, notamment de son article R. 229‑47. Son 2° dispose que le bilan distingue bien les émissions directes et indirectes. Peut-être un ajustement est-il à prévoir, même si un bilan totalement exhaustif me paraît difficile à établir. Quoi qu’il en soit, puisqu’il s’agit d’un dispositif réglementaire, je sollicite le retrait.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS1209 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Les acheteurs publics devront privilégier les offres françaises, puis européennes, puis extra‑européennes. L’État et les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans la décarbonation de notre économie. En choisissant des solutions de proximité, ils participent à la réduction des gaz à effet de serre. En outre, privilégier les entreprises locales et nationales, c’est aussi participer à leur croissance et leur envoyer un signal de confiance.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS473 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Vous faites sciemment le choix de ne pas jouer sur le levier de la commande publique, le premier pourtant pour transformer notre économie ! Vous proposez seulement du crédit d’impôt et une très faible mobilisation de l’épargne pour aller financer des entreprises qui auront le choix entre faire du vert, du carbone, du carbone un peu vert ou pas très vert. Je regrette vraiment que vous rejetiez nos amendements sur la commande publique, qui sont essentiels. C’est la seule occasion que nous avions en 2023 de changer les choses dans ce domaine, et nous passons à côté. La bataille sera rude en séance sur ce sujet. Je suis absolument déprimée ! Dans la vie, je suis heureuse, mais sur ce point, ça ne va pas !

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. La loi « Climat et résilience » a apporté des avancées significatives sur le sujet. Votre amendement part d’un principe évidemment louable mais il n’a pas d’effet normatif. Je ne peux donc y donner une suite favorable. Par ailleurs, les initiatives en la matière sont nombreuses : je vous renvoie notamment aux nouveaux cahiers des clauses administratives générales des marchés publics.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement a pris ce sujet à bras‑le‑corps. Elles ne sont sans doute pas suffisantes pour vous, mais il y a de réelles avancées. L’échéance de 2024 s’est substituée à celle de 2026 pour les secteurs stratégiques. On intègre les critères environnementaux au même niveau que les critères économiques. On donne plein de possibilités aux acheteurs publics de les utiliser. J’espère vous rendre heureuse, madame Chikirou, car nous faisons beaucoup sur la commande publique ! Avis défavorable néanmoins.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 13 bis (nouveau) : Obligation d’acquisition ou d’utilisation de véhicules « rétrofités » par les acheteurs publics

 

Amendements de suppression CS377 de M. Nicolas Meizonnet, CS1070 de M. Antoine Villedieu et CS1122 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Je suis très surpris de ne pas voir d’amendement de suppression du Gouvernement à cet article, car sa radicalité me heurte. Tous les pouvoirs adjudicateurs, notamment les collectivités territoriales et les petites communes, seront obligés de ne plus acheter de véhicules thermiques. Or les véhicules électriques coûtent plus cher. C’est aussi imposer une norme supplémentaire aux petites collectivités, qui ont autre chose à faire.

Cet article est issu d’un amendement présenté au Sénat par le groupe Écologiste et adopté avec les voix des Républicains. C’est un signal assez moyen pour les Républicains dans la perspective des sénatoriales et j’ai du mal à comprendre que la disposition ait pu être adoptée ! Il est excessif d’imposer une telle obligation ; aussi me semble-t-il préférable de supprimer l’article pour privilégier la voie de l’incitation.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Je vous invite à retirer les amendements car ils sont satisfaits par l’amendement de réécriture CS1247 que je vous présenterai dans un instant.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le retrofit procède d’une excellente idée. La filière française est en plein développement et de plus en plus performante. Elle permet de convertir les véhicules thermiques en véhicules hybrides, électriques, hydrogènes. Nous devons la soutenir. Si vous voulez, demain, conserver la Clio à laquelle vous êtes attaché et circuler dans une zone à faibles émissions, vous serez content de pouvoir recourir au retrofit. Ne supprimons surtout pas cet article. Cependant je suis d’accord avec vous, le Sénat a été radical. Une fois n’est pas coutume, il est sans doute allé trop loin en voulant imposer le retrofit dans la commande publique. Je vous invite à retirer l’amendement au profit de celui de Mme la rapporteure, auquel je suis favorable. Il vise à permettre aux collectivités locales d’intégrer le retrofit dans leurs offres de renouvellement de flotte.

M. le président Bruno Millienne. Monsieur Meurin, je regrette que vous n’ayez pas pu vous rendre aux rencontres internationales des véhicules écologiques d’Alès car vous auriez pu vous rendre compte par vous-même que le retrofit était une bonne solution.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je suis d’accord avec le ministre délégué : l’article va dans le bon sens mais il est trop radical. Ce serait méconnaître l’excellence et la durabilité de la filière du retrofit que de supprimer l’article. Je vous invite à venir en Savoie où le retrofit est souvent utilisé pour convertir les pick-up, ces véhicules tant décriés par les écologistes mais qui s’avèrent bien utiles pour circuler en montagne, dans les domaines skiables. Les résultats sont époustouflants. Nous avons la chance de pouvoir compter sur des entreprises d’excellente qualité. Nous aurions tout intérêt à encourager la filière du retrofit par la commande publique. Les Français eux-mêmes privilégient cette solution car elle leur permet de disposer d’un véhicule plus écologique, à un coût moindre que l’acquisition d’un nouveau véhicule. Dès lors que le ministre délégué et la rapporteure se sont engagés à mettre fin à l’obligation, vous devriez retirer les amendements pour ne pas desservir une filière française d’excellence.

M. Pierre Meurin (RN). Faisons un peu de mathématiques. Les communes de 1 000 ou 2 000 habitants disposent, en général, de véhicules qui coûtent en moyenne 2 000 ou 3 000 euros, contre 6 000 à 8 000 euros pour le retrofit. Quel serait l’intérêt économique d’une commune de convertir un véhicule qui lui a coûté 2 000 euros ? Votre raisonnement se tient s’agissant des pick-up, madame Bonnivard, mais vous avez vous-même reconnu que la mesure était excessive. Cela n’a pas empêché vos collègues Les Républicains du Sénat de la voter, ce que nous ne manquerons pas de rappeler à l’approche des sénatoriales.

D’autre part, nous ne retirerons pas nos amendements car nous voulons supprimer l’article mais nous prêterons une oreille attentive à la présentation de l’amendement de la rapporteure et nous déciderons, selon ce qu’elle nous aura dit, de le voter ou de nous abstenir.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Relisez l’article et vous constaterez que la mesure n’est pas aussi radicale que vous le dites. Le retrofit ne serait imposé qu’au moment du renouvellement de la flotte, et dans des proportions minimales définies par décret. On a vu pire ! Ce serait dommage de reculer en adoptant l’amendement de la rapporteure qui tend à fondre les véhicules « rétrofités » parmi les véhicules à faibles et très faibles émissions. Nous n’avancerons jamais si la moindre obligation minimale est jugée excessive. Je ne comprends pas votre réaction, d’autant que vos collègues Républicains du Sénat ont soutenu la disposition.

M. Henri Alfandari (HOR). N’aurait-il pas fallu inclure également les mobilités lourdes comme les bus et les trains ?

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CS1247 de Mme Anne-Laure Babault et CS753 de M. Victor Habert-Dassault (discussion commune).

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure. Par cet amendement je propose que les véhicules « rétrofités » puissent être considérés comme des véhicules à faibles et très faibles émissions, véhicules dont la loi d’orientation des mobilités a imposé qu’ils représentent la moitié du renouvellement annuel des flottes. Cette solution serait plus souple que le seuil minimal que souhaitait imposer le Sénat. Par conséquent je rendrai un avis défavorable à l’amendement CS753.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vous invite à retirer l’amendement CS753 au profit de celui de la rapporteure. Monsieur Alfandari, les transports en commun sont aussi concernés.

M. Pierre Meurin (RN). L’amendement de la rapporteure est satisfait. Un véhicule thermique transformé en véhicule électrique se rangera automatiquement dans la catégorie des véhicules à faibles émissions. Finalement, son adoption produirait le même effet que si nous avions adopté l’amendement de suppression : vous remplacez l’obligation par une formule incantatoire, sans prévoir la moindre sanction. Je me réjouis que vous vous soyez rangée à la raison face à cette dinguerie écolo-LR.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). En quoi l’amendement de la rapporteure atténuerait-il la prétendue radicalité de l’article ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce ne serait plus obligatoire.

L’amendement CS753 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS1247.

En conséquence, tous les autres amendements à l’article tombent.

 

La commission adopte l’article 13 bis modifié

 

Article 14 : Application outre-mer des dispositions relatives au verdissement de la commande publique

 

La commission adopte l’article 14 non modifié.

 

CHAPITRE V
Faciliter et accélérer l’implantation d’industries vertes

 

Avant l’article 8 (amendement précédemment réservé)

 

Amendement CS534 de Mme Alma Dufour.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Nous vous proposons de restreindre le bénéfice des procédures dérogatoires d’urbanisme pour l’implantation des sites industriels. Nous souhaitons ainsi exclure du dispositif les activités économiques qui causent un préjudice environnemental important, comme les activités d’exploration, de production ou de transport d’énergie fossile. Ce serait un minimum pour un projet de loi relatif à l’industrie verte. Nous voulons également en exclure les activités économiques qui ne respectent pas les garanties minimales en matière de droits humains, prévues par les huit conventions fondamentales citées par l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte internationale des droits de l’homme.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre V du titre Ier. Vous proposez d’interdire l’application des dérogations prévues par le chapitre V aux activités économiques qui causeraient un préjudice environnemental mais ce serait contre-productif en ce que cela pourrait pénaliser des activités en conversion, tout en ne faisant que ralentir les procédures. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je sais qu’il faut aller vite, mais avez-vous bien compris que nous ne visions que les entreprises dont les activités, comme l’exploration, la production ou le transport d’énergie fossile, porteraient préjudice à l’environnement ? Votre texte se rapporte à l’industrie verte : nous ne ciblons donc pas toutes les entreprises mais seulement les moins exemplaires au regard des obligations prévues par des règlements européens, l’OIT ou la Charte internationale des droits de l’homme. Il ne s’agit pas de tout interdire mais de limiter les dérogations que vous prévoyez.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 8 (précédemment réservé) : Extension du bénéfice de la procédure de déclaration de projet aux implantations d’industries vertes

 

Amendement de suppression CS632 de M. Nicolas Thierry.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’amendement tend à supprimer l’article qui prévoit de généraliser la procédure de déclaration d’utilité publique à une vaste catégorie d’installations industrielles. La déclaration d’utilité publique permet de mettre en conformité les documents d’urbanisme. Sa généralisation en tant que mode de planification industrielle n’est pas souhaitable. L’élargissement de cette procédure à l’ensemble des installations industrielles directement ou indirectement liées au développement durable pourrait s’étendre jusqu’à des projets qui ne sont pas nécessaires à la transition écologique. Il serait préférable que les projets industriels respectent les procédures normales d’autorisation pour garantir leur acceptabilité et permettre de mesurer les éventuelles nuisances.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je suis défavorable à un amendement qui souhaite supprimer une disposition de nature à accélérer les procédures administratives applicables aux projets industriels.

L’application de cette procédure n’est pas automatique puisqu’elle ne concerne que les projets dont l’intérêt général a été reconnu par l’État après une enquête publique. Contribuer à la transition écologique me semble suffisant pour justifier des dérogations ciblées.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis étonné que des députés écologistes souhaitent supprimer cet article. Les procédures qui encadrent la construction d’une usine sont extrêmement longues et les documents d’urbanisme qui n’incluent pas les projets industriels sont également très longs à mettre en conformité. C’est pourquoi nous prévoyons d’étendre la procédure de déclaration de projet aux implantations industrielles vertes, qui contribuent au développement durable – les panneaux photovoltaïques, les batteries, les pompes à chaleur. Les autres restent dans le droit commun.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Au début de l’examen de ce texte, monsieur le ministre délégué, vous avez cité deux alinéas très précis qui concernaient les Big Five. Ce n’est pas le cas de l’article 8 : vous nous mentez lorsque vous affirmez que ces dérogations ne s’appliqueraient pas à tout type d’industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je n’ai pas pour habitude de mentir, et encore moins à la représentation nationale ! Les Big Five sont concernés par les deux alinéas que j’ai cités. En l’espèce, le champ est plus large puisqu’il englobe toutes les industries qui contribuent au développement durable. Par exemple, les entreprises qui fabriquent des voitures électriques ne font pas partie des Big Five mais seront tout de même concernées par cette disposition.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS12 de Mme Émilie Bonnivard et CS24 de M. Dino Cinieri.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il s’agit de permettre au Gouvernement de déterminer, par l’intermédiaire d’un décret, les secteurs définis comme d’intérêt national majeur pour l’industrie française. Ce texte nous laisse sur notre faim car nous aurions souhaité que toutes les industries qui permettent d’assurer une souveraineté nationale soient inclues. Je pense à l’industrie du médicament, à la production primaire en matière industrielle, à l’industrie de défense, etc.

M. Victor Habert-Dassault (LR). Le Gouvernement pourrait prendre un décret pour préciser les modalités d’application de l’article.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. J’ai bien compris que vous souhaitiez étendre ce dispositif le plus largement possible pour éviter d’en exclure certaines industries. Or le texte n’a pas vocation à s’appliquer à toutes les industries. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Merci d’avoir ainsi démontré à Mme Guetté que rien ne justifiait de supprimer l’article 8. En adoptant votre amendement, nous lui donnerions raison car nous ouvririons la porte à de multiples secteurs. En revanche, en en restant à la rédaction de l’article telle qu’elle est prévue, seuls les secteurs qui contribuent au développement durable restent concernés. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS370 de M. Nicolas Meizonnet

M. Nicolas Meizonnet (RN). Toutes les énergies ne se valent pas, surtout dans le domaine des énergies renouvelables. L’amendement tend par conséquent à supprimer la mention de l’éolien et du photovoltaïque au profit du nucléaire, qui présente toutes les garanties d’une énergie fiable, stable et écologique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je me contenterai de rendre un avis défavorable, car nous avons déjà débattu du sujet.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis : on ne touche pas aux énergies renouvelables.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Les députés du Rassemblement national nous montrent depuis hier l’étendue de leur méconnaissance crasse des sujets écologiques. Ils ont même essayé de nous convaincre qu’en avalant un comprimé de Doliprane, on émettait du carbone ! Qu’il était aussi polluant de fabriquer un vélo que d’émettre du carbone, et j’en passe ! À présent, sous couvert de prendre la défense du nucléaire, ils critiquent une nouvelle fois les énergies renouvelables. Pourtant, ni le Réseau de transport d’électricité, ni l’Autorité de sûreté nucléaire ne prétendent que l’on peut atteindre la neutralité carbone sans les énergies renouvelables. Pire, au-delà de la neutralité carbone, d’ici à 2035, nous pourrions subir des coupures d’électricité si nous n’avons pas suffisamment développé les énergies renouvelables. Cela aussi, c’est l’Autorité de sûreté nucléaire qui l’affirme. Arrêtez de jouer aux apprentis sorciers, vous en devenez effrayants !

M. Alexandre Loubet (RN). Si nous avons failli subir des coupures d’électricité cet hiver, c’est précisément à cause d’une idéologie folle qui nous a conduits à réduire la part du nucléaire au profit d’énergies intermittentes comme l’éolien ou le photovoltaïque ! Notre proposition, du reste, ne signifie pas que nous sommes opposés aux énergies renouvelables puisque nous soutenons l’hydraulique.

Je regrette l’absence de M. Le Maire car, lors du rendez-vous qu’il nous a accordé à Bercy en amont de l’examen de ce texte, il nous avait assuré, à Mme Menache, M. Meizonnet et moi-même, que ce texte ne participerait pas au développement des éoliennes et se contenterait de soutenir la production d’énergie renouvelable.

M. le président Bruno Millienne. L’énergie éolienne est une énergie renouvelable, me semble-t-il.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce texte ne modifie pas les dispositions de la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables, laquelle prévoit d’accélérer la construction des installations de production. En l’espèce, nous souhaitons favoriser la fabrication d’éoliennes en France. Je serais étonné que les députés du Rassemblement national s’y opposent. Cela dit, si vous souhaitez continuer à importer des éoliennes de Chine, dites-le.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS283 de Mme Yaël Menache.

Mme Yaël Menache (RN). Nous ne sommes pas contre les énergies renouvelables mais contre les éoliennes. Nous approuvons les dispositions de l’article 8 mais nous voulons résolument exclure les éoliennes de ce texte car ce serait ouvrir la porte à toutes les dérives et les producteurs d’éolien ne manqueraient pas de nous en installer partout ! Personne n’en veut plus, en particulier dans la Somme !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Ce n’est pas ce texte qui permettra de d’installer davantage d’éoliennes : c’était l’objet de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. J’espère vous avoir rassurée.

M. Alexandre Loubet (RN).  Monsieur le président ?

M. le président Bruno Millienne. Monsieur Loubet, j’essaie de permettre à tous de s’exprimer dans les limites du raisonnable. Vous voulez rouvrir un débat que nous avons eu durant tout l’examen du texte relatif aux énergies renouvelables. Le rapporteur général vous l’a expliqué : ce texte ne changera rien au nombre d’éoliennes. J’aimerais à présent que l’on avance et que l’on ne rallonge pas les débats alors que les décisions ont déjà été prises dans la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables.

M. Alexandre Loubet (RN). Depuis le début, les députés du Rassemblement national s’attachent à limiter leur temps de parole pour accélérer l’examen de ce texte. M. Le Maire nous a assuré, droit dans les yeux, que le texte ne favoriserait pas l’implantation d’éoliennes terrestres. En revanche, il n’a pas exclu qu’il puisse favoriser la production d’éoliennes en France. Or la rédaction de ce texte est ambigüe, ce qui explique le dépôt de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1288 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendement CS1158 de M. Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo (Dem). L’amendement tend à ajouter le réseau de transport et de distribution de gaz à la liste des installations dont l’implantation est favorisée par le dispositif de déclaration de projet sur l’intérêt général.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Votre proposition ne va pas dans le sens de la décarbonation de notre pays, dans la mesure où la part de gaz vert dans les volumes distribués est encore très limitée. Je vous invite à la retirer ; sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

À la demande du rapporteur général, l’amendement CS699 de M. Jean-Luc Fugit est retiré.

 

Amendements CS746 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques CS11 de Mme Émilie Bonnivard, CS528 de M. Anthony Brosse, CS698 de M. Jean-Luc Fugit, CS744 de M. Vincent Thiébaut, CS747 de M. Victor Habert-Dassault, CS835 de M. Gérard Leseul, CS977 de M. Lionel Vuibert, CS1180 de M. Rémy Rebeyrotte, CS1198 de Mme Laurence Heydel Grillere, amendement CS1152 de Mme Mathilde Desjonquères (discussion commune).

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’amendement tend, à l’alinéa 7, à substituer aux mots : « de fabrication ou d’assemblage », les termes « de réemploi, de réparation, de recyclage, et le cas échéant, de fabrication ou d’assemblage ». L’objet de l’amendement est double : il vise à introduire d’autres types d’industries dans la liste de celles considérées comme concourant à la transition écologique et à établir une hiérarchie entre ces types d’industries dans une logique d’économie circulaire.

Mme Huguette Tiegna (RE). L’amendement tend à reconnaître l’intérêt économique et écologique des installations industrielles de recyclage. L’industrie du recyclage est un acteur incontournable de la transition écologique.

Omettre les installations de recyclage des chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ne permettrait pas de prendre en compte l’entièreté des « chaînes de valeur ». Dans le contexte d’épuisement des ressources, le recours aux matières premières du recyclage deviendra de plus en plus important. L’amendement, cosigné par M. Anthony Brosse, a été rédigé avec la Federec, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, et Derichebourg environnement.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Dans le contexte d’épuisement des ressources, le recours aux matières premières du recyclage est indispensable et jouera un rôle de plus en plus prépondérant, notamment pour fournir des matériaux recyclés moins émetteurs en CO2 que les matières premières extraites. L’article 8 omet les installations de recyclage des chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable, ce qui ne permettrait pas de prendre en compte l’entièreté des chaînes de valeur. L’industrie du recyclage est un acteur incontournable de la transition écologique de l’industrie française, aussi l’amendement tend-il à inclure le recyclage, au même titre que la fabrication ou l’assemblage qui participent directement ou indirectement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable.

M. Frédéric Zgainski (Dem). L’amendement vise à reconnaître l’intérêt économique et écologique des installations industrielles de recyclage mécanique.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Tous ces amendements visent à étendre le dispositif de la déclaration de projet aux installations industrielles de de recyclage des produits ou équipements participant aux chaînes de valeur qui favorisent le développement durable. Je serai favorable aux amendements identiques, qui s’insèrent mieux

En revanche, j’invite leurs auteurs à retirer les amendements CS746 et CS1152, dont la rédaction est légèrement différente.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’avais bien envie de vous demander de les retirer tous car ils sont satisfaits par la mention des « technologies favorables au développement durable ». D’autre part, la liste des secteurs concernés sera définie par décret. Le risque d’inscrire cette liste dans la loi est d’en oublier. On pourra toujours la compléter, bien entendu. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement CS1152 est retiré.

Successivement, la commission rejette l’amendement CS746 et adopte les amendements identiques.

 

Amendement CS539 de M. Olivier Marleix et sous-amendement CS1427 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Olivier Marleix (LR). L’amendement tend à étendre le processus accéléré d’implantations industrielles aux PME qui participent directement ou indirectement aux chaînes de valeurs des secteurs concernés, afin de ne pas le limiter aux gigafactories.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Le sous-amendement de précision tend à insérer les termes : « y compris ».

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. C’est une bonne idée, qui permettra de rassurer les PME sur le fait que les mesures dérogatoires prévues les concernent également. Mais le sous-amendement est bienvenu en ce qu’il permettra de n’exclure aucune entreprise, quelle que soit sa taille. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suis favorable à l’amendement à condition que le sous-amendement soit adopté, afin que les grandes entreprises ne soient pas écartées.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

 

Amendement CS285 de Mme Yaël Menache.

Mme Yaël Menache (RN). L’alinéa 7 vise seulement les technologies favorables au développement durable. Ainsi rédigé, il exclut des activités relevant de secteurs qui contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais qui ne sont pas considérées comme étant strictement classées développement durable. Sont notamment concernées les activités telles que la maintenance, la réparation, le réemploi, la rénovation, la transition et le remanufacturage de biens d’équipement.

L’amendement tend à intégrer ces secteurs dans la définition des technologies favorables au développement durable.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’expression que vous retenez, « qui contribuent à atteindre un objectif de neutralité carbone », est trop large et pourrait conduire à viser beaucoup d’activités au-delà de celles que vous citez. Du fait de son manque de précision, je vous invite à retirer l’amendement ; sinon, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il me semble, pour ma part, que l’amendement est satisfait par la notion de technologie favorable au développement durable. Je vous invite à le retirer et à voter l’article.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CS398 de M. Vincent Rolland.

 

Amendement CS82 de M. Dino Cinieri.

M. Victor Habert-Dassault (LR). L’amendement tend à étendre les mesures de simplification de procédures aux filières de production de matériaux renouvelables et biosourcés comme le bois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Une partie de votre cible est déjà incluse dans le champ des technologies favorables au développement durable. Quant aux autres, comme la fabrication de meubles en bois, ils ne me semblent pas justifier une procédure dérogatoire.

Je vous invite à le retirer ; sinon, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’amendement, comme les précédents, est bien satisfait par la notion de technologie favorable au développement durable. Cela étant, je comprends l’attachement du député à la filière du bois. Je m’étais engagé, au Sénat, à ce qu’elle soit inscrite dans le décret d’application. Je renouvelle ma promesse devant vous. En attendant, je vous invite à retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS667 de Mme Huguette Tiegna et CS784 de M. Gérard Leseul.

Mme Huguette Tiegna (RE). L’article 8 prévoit de compléter la liste des projets susceptibles de relever d’un intérêt général et qui peuvent faire l’objet, à ce titre, d’une déclaration de projet. Or le secteur de l’économie circulaire est à la fois une source d’emplois et d’innovation technologique. Il contribue en outre à prévenir la production de déchets et à utiliser de manière rationnelle les matières premières primaires. Dès lors, ce secteur relève incontestablement d’un intérêt général. Il semble donc nécessaire de faire figurer à l’article 8 les secteurs relevant de l’économie circulaire, en particulier les activités qui permettent de recycler les déchets et de réemployer les produits, équipements et matériaux usagés.

M. Gérard Leseul (SOC). Il n’est pas étonnant que la présidente du groupe d’études sur l’économie circulaire et le coprésident du groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire se retrouvent sur cet amendement de bon sens, travaillé avec Valdelia, qui vise à favoriser la réutilisation des déchets, ainsi que le réemploi des produits, équipements et matériaux usagés.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Madame Tiegna, monsieur Leseul, je connais votre engagement sur cette question, mais j’ai deux remarques à faire sur vos amendements.

D’abord, l’expression « technologies favorables au développement durable » englobe déjà le réemploi des déchets et des équipements usagés. Ensuite, votre rédaction reste limitée aux étapes de la fabrication et de l’assemblage, alors que nous avons adopté tout à l’heure un amendement sur le recyclage qui a une portée plus large. Il serait dommage de revenir ici à une définition plus restreinte. Pour ces deux raisons, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS736 de M. Victor Habert-Dassault.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne souhaite pas que l’article prenne la forme d’un inventaire.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Je confirme que le bois figurera dans le décret. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS1289 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je propose de supprimer la disposition introduite par le Sénat qui consiste à étendre la procédure de déclaration de projet aux entrepôts logistiques.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1290 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendements identiques CS97 de M. Raphaël Schellenberger et CS785 de M. Dominique Potier, amendement CS384 de M. Jorys Bovet (discussion commune).

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement, inspiré par Soren, vise à reconnaître l’intérêt écologique de l’implantation d’une installation de recyclage dont l’activité de production est nécessaire à l’approvisionnement des chaînes de valeur de l’industrie : je pense par exemple aux panneaux photovoltaïques qui, une fois recyclés, peuvent alimenter une nouvelle chaîne de production.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Vos amendements étant satisfaits, je vous invite à les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement CS785 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS97 et CS384.

 

Amendement CS647 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Il faut soutenir l’installation d’industries qui emploient et produisent en France. Or, en dehors des questions de compétitivité, c’est bien souvent la lourdeur des contraintes environnementales abusives qui freine l’installation ou l’extension de projets industriels.

Cet article permet à l’État d’identifier par décret des projets industriels d’intérêt général pour faciliter et accélérer leur implantation. Nous soutenons ce dispositif, qui peut être un levier formidable pour industrialiser le pays. Toutefois, dans la liste des types de projets concernés, vous ne retenez que le critère du développement durable, et pas celui de la création d’emplois, ce que nous déplorons. Nous proposons donc d’ajouter à cette liste les projets qui favorisent l’attractivité du territoire ou la création de nombreux emplois.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La notion d’attractivité du territoire est trop imprécise. Par ailleurs, il va de soi que les activités qui concourent au développement durable ont vocation à créer des emplois. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CS371 de M. Nicolas Meizonnet et CS65 de Mme Émilie Bonnivard.

 

Amendement CS385 de M. Jorys Bovet.

M. Pierre Meurin (RN). Le Président Emmanuel Macron s’était engagé à développer l’extraction minière du lithium. Où en est ce projet ? Le lithium étant utilisé dans la fabrication de batteries électriques, ce sujet pourrait-il être intégré dans ce texte, par exemple au moment de son examen en séance ?

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Le code minier a ses propres procédures administratives et je ne suis pas forcément favorable à ce qu’on modifie les règles applicables à l’occasion de l’examen de ce texte sur l’industrie verte. Sur la question précise de l’extraction de lithium, je vais laisser le Gouvernement vous répondre.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si l’aménagement constitue une opération au sens du code de l’urbanisme – non pas l’extraction, mais les opérations qui se font autour –, il est déjà possible de mobiliser la procédure de déclaration de projet. Si le projet présente un apport significatif pour la transition écologique et le développement de l’industrie verte au sens de l’article 8, celui-ci s’appliquera. J’ai déjà eu l’occasion de préciser hier que la stratégie préconisée dans le rapport Varin il y a un peu plus d’un an est en cours de mise en œuvre. On a recruté un délégué interministériel aux matériaux, lancé un fonds et sélectionné le gestionnaire de fonds qui va permettre de développer ces projets avec des fonds publics et des fonds privés. Un certain nombre de projets sont déjà en cours, notamment dans l’Allier et en Alsace, et nous allons évidemment les soutenir.

S’agissant de l’amendement, je suggère le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS636 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit d’anticiper la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), afin de donner de la visibilité aux porteurs de projet sur les règles applicables dès la déclaration de projet et, ainsi, d’empêcher un contentieux postérieur.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS748 de Mme Lisa Belluco.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Quand nous vous avons rencontré, monsieur le ministre délégué, vous nous avez invités à faire des propositions au sujet de l’eau. En voici une.

Nous proposons qu’il soit impossible de se prononcer sur l’intérêt général d’un projet si celui-ci accroît la demande en eau et est mené dans une zone présentant, ou susceptible de présenter sous l’effet du changement climatique, une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources par rapport aux besoins en eau et si le projet risque de porter atteinte à la gestion équilibrée de la ressource en eau.

Un projet qui déstabiliserait la ressource en eau ne peut pas être considéré comme étant d’intérêt général – même s’il est décarboné ou souverain.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Le problème de votre amendement, c’est qu’il interdit toute déclaration de projet si le projet ou l’aménagement est susceptible de créer des pénuries d’eau. Or ce type de risque n’est pas toujours mesurable au stade de la déclaration de projet, qui se situe au tout début de la procédure administrative. L’étape de l’évaluation environnementale est précisément faite pour identifier, évaluer et traiter ces questions. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. J’irai même plus loin : l’autorisation environnementale ne peut pas être accordée si les conditions relatives à la qualité et à la quantité d’eau ne permettent pas la réalisation du projet. Votre amendement est déjà satisfait et, je l’espère, déjà appliqué.

M. Pierre Meurin (RN). La question de l’eau est certes importante, mais vous proposez qu’un projet ne puisse pas être déclaré d’intérêt général s’il « accroît la demande en eau ». C’est le propre de tout projet industriel : quand on construit une usine, on a forcément besoin d’un peu d’eau... Par conséquent, ce que vous demandez, en réalité, c’est que l’on ne construise plus d’usine. Votre amendement annule totalement le texte de loi.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il faut lire la phrase jusqu’au bout : nous parlons d’un projet qui accroît la demande en eau et qui est mené « dans une zone présentant, ou susceptible de présenter sous l’effet du changement climatique, une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources par rapport aux besoins en eau ». Par ailleurs, il ne s’agit pas d’interdire ce type de projet, mais de ne pas le reconnaître comme étant d’intérêt général.

Pour revenir sur votre dernière remarque, monsieur le ministre délégué, on voit bien que le projet d’extension de l’usine STMicroelectronics, à Crolles, va nécessiter beaucoup d’eau. Or personne n’est capable d’organiser l’accès à l’eau industrielle localement, parce qu’il n’existe aucun moyen de mutualisation ; et ce genre de problème, on le découvre généralement après-coup, quand il est un peu tard pour trouver des solutions. Ce n’est pas acceptable, quand on sait que 20 % de l’eau potable sont utilisés par cette entreprise. On ne peut pas parler d’intérêt général lorsqu’il n’y a pas un partage de l’eau.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Toute la difficulté, c’est de savoir où on situe l’intérêt général. Les cartonneries, par exemple, consomment beaucoup d’eau et on en compte très peu en Europe. Or elles sont d’intérêt général, puisqu’elles servent à fabriquer les boîtes de médicaments. Ce seul exemple montre que certaines industries sont d’intérêt général, même si elles sont consommatrices d’eau. Évitons de nous tirer une balle dans le pied.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 8 modifié.

 

Après l’article 8 (amendement précédemment réservé)

 

Amendement CS650 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Pour rompre avec quarante ans de désindustrialisation, il faut arrêter de bloquer l’implantation d’industries susceptibles de créer des centaines d’emplois à cause d’un crapaud qui a décidé de s’installer sur le même terrain. Derrière les belles intentions de protéger notre environnement se cachent en réalité des normes aussi excessives qu’absurdes. Un retour au bon sens s’impose.

Dans mon département de la Moselle, comme partout en France, il existe beaucoup de friches. Je propose que tout projet industriel créateur de nombreux emplois qui veut s’installer sur une friche de moins de trente ans révolus puisse bénéficier de la qualification RIIPM, c’est-à-dire d’une dérogation en matière de normes environnementales, afin de hâter son implantation. Une telle disposition créerait de l’emploi, revitaliserait les territoires désindustrialisés et contribuerait, en outre, à limiter l’artificialisation des sols.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Encore une fois, la notion d’attractivité du territoire, retenue dans votre rédaction, me paraît trop imprécise. Je répète par ailleurs que les projets industriels qui visent le développement durable ont vocation à créer beaucoup d’emplois – c’est ce que nous souhaitons tous. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les critères que vous retenez seront évidemment pris en compte, mais l’automaticité que vous proposez d’introduire, entre des critères assez imprécis et une décision de classement de droit en RIIPM, me paraît assez dangereuse. Je vous suggère donc, moi aussi, de retirer cet amendement.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il est vrai que les analyses que l’autorité environnementale fait de l’impact de certains projets sur la faune et la flore sont parfois problématiques.

Cela fait un moment que je suis élue et j’ai constaté, au cours des dernières années, un dévoiement, et même une radicalisation, des avis de l’autorité environnementale. Je ne prendrai qu’un exemple : en Haute-Maurienne, dans le parc national, elle s’oppose au renouvellement d’une remontée mécanique parce qu’elle estime qu’il pourrait avoir un impact sur telle fleur d’alpage – à laquelle nous sommes évidemment très attachés.

Depuis que François Hollande a fait l’énorme erreur de décentraliser les autorités environnementales au niveau régional, elles sont devenues toutes-puissantes, ce qui crée de nombreux problèmes. Elles ne sont pas sous l’autorité du préfet de région et nous n’avons aucun moyen d’échanger avec elles. Les autorités environnementales se politisent et outrepassent le cadre de leurs compétences.

Je suis favorable à cet amendement qui me semble d’appel, et j’insiste sur la nécessité de repenser le fonctionnement des autorités environnementales.

M. Alexandre Loubet (RN). Monsieur le ministre délégué, il faut un dispositif permettant de soutenir automatiquement tous les projets industriels qui créent de l’emploi. Sinon, nous resterons dans la logique actuelle, qui freine l’implantation et l’extension des projets industriels.

Dans ma circonscription, Suez va créer une usine de recyclage de plastique dit « à l’infini », un projet plus que louable qui représente 400 millions d’euros d’investissements et qui va créer 200 emplois directs. Vous savez peut-être que l’alouette lulu a eu la très bonne idée de venir s’installer sur le terrain où l’usine doit voir le jour, ce qui a freiné, et presque menacé, l’installation du site industriel. Fort heureusement, elle s’est finalement déplacée à quelques dizaines de mètres du site : je crois que l’alouette lulu est une patriote favorable à l’industrie.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Combien de projets éoliens ont été contestés au nom de la protection des espèces ! Vous avez la protection de la biodiversité à géométrie variable... Nous l’avions déjà dit au moment des débats sur la loi « énergies renouvelables » : ouvrir la boîte de Pandore de la raison impérative d’intérêt public majeur représente un vrai risque. La protection des espèces est un enjeu aussi important que l’industrialisation : il s’agit de nos vies, de ce qui nous nourrit, de ce qui fait notre quotidien. Reléguer tout cela au second plan, comme on a l’habitude de le faire, est une grave erreur. Nous nous opposons donc à toute automaticité de la RIIPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 9 (précédemment réservé) : Accélérer les procédures d’urbanisme applicables aux implantations d’industries vertes ou stratégiques reconnues d’intérêt national majeur

 

Amendement de suppression CS633 de M. Nicolas Thierry.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le présent article crée une procédure spécifique pour les projets industriels majeurs et stratégiques, qui seront définis par un décret du Premier ministre et devront contribuer à la transition écologique et à la souveraineté. Il s’agit de simplifier la procédure de délivrance des permis de construire et de laisser le dernier mot à l’État. Cet article concernera quelques projets par an, dans des secteurs très importants en termes d’emplois, d’investissements, d’attractivité et de souveraineté, comme la fabrication de batteries ou de semi-conducteurs.

Avec mon amendement CS1387 je proposerai que l’avis du maire – essentiel sur ce type de projet – soit recueilli en amont du projet. Nous avons un petit désaccord sur ce point avec le Sénat mais je tiens à vous dire que cet amendement a été travaillé avec l’Association des maires de France, qui y est favorable.

J’émettrai évidemment un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1397 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendements CS786 de M. Stéphane Delautrette et CS1291 de M. Guillaume Kasbarian (discussion commune).

Mme Anna Pic (SOC). Il s’agit de supprimer le critère de la superficie comme permettant, notamment, de justifier du caractère d’intérêt national majeur d’un projet industriel.

L’emprise au sol d’un projet ne peut en elle-même être un élément déterminant. À titre d’illustration, quatre des dix usines les plus étendues au monde sont des sites de production de véhicules automobiles. Les deux plus petites, parmi ces très grandes usines, fabriquent des véhicules électriques, et les deux plus grandes, des véhicules à moteur thermique. Alors que les deux plus petites s’inscrivent pleinement dans la transition écologique et la souveraineté énergétique, ce n’est pas le cas des deux plus grandes, bien au contraire. Il y a donc lieu de supprimer ce critère.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Votre amendement supprime le critère de la superficie pour apprécier l’importance d’un projet industriel. C’est un objectif que je partage et c’est aussi le sens de mon amendement.

Je vous inviterai toutefois à retirer le vôtre au profit du mien. En effet, dans la mesure où l’adoption de votre amendement ne modifierait pas seulement l’alinéa 2, comme je le propose, mais aussi les alinéas 3 et 6, elle nous empêcherait d’examiner l’amendement CS1388 du Gouvernement, qui proposera la suppression des alinéas 3 à 7 – et auquel je suis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vais effectivement vous proposer de supprimer les alinéas 3 à 7, qui prévoient une procédure régionale pour les projets d’intérêt national, ce qui me paraît paradoxal, voire contradictoire. L’amendement du rapporteur général supprime, comme le vôtre, le critère de la superficie, mais seulement à l’alinéa 2. Je vous invite donc, comme lui, à retirer votre amendement au profit du sien.

M. Gérard Leseul (SOC). Notre amendement, qui se borne à une précision, ne ferait pas tomber celui du Gouvernement.

Successivement, la commission rejette l’amendement CS786 et adopte l’amendement CS1291.

 

Amendement CS994 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous proposons que des projets ne puissent être reconnus d’intérêt général que s’ils ont une importance particulière à la fois pour la transition écologique et la souveraineté nationale – alors que la rédaction actuelle a préféré « ou » à « et ». Il me semble qu’un projet favorable à la souveraineté nationale qui ne s’inscrirait pas dans la transition écologique ne relèverait pas de l’industrie verte. Remplacer le mot « ou » par le mot « et » garantirait que les deux ambitions soient toujours réunies.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Votre rédaction, qui impose que le projet cumule les deux critères, reviendrait en réalité à exclure les projets importants pour la seule transition écologique. Je ne pense pas que ce soit votre but.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Votre amendement, effectivement très restrictif, concerne des projets dont le nombre est lui-même restreint. Je souhaite préserver la rédaction initiale et vous invite à le retirer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS376 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet (RN). C’est le retour des Don Quichotte : cela va faire plaisir au ministre délégué. Nous souhaitons que les éoliennes et les centrales de panneaux photovoltaïques ne puissent pas être considérées comme des projets d’intérêt national majeur. De tels projets doivent présenter un caractère exceptionnel, notamment en termes de créations d’emplois. Or, il faut bien le reconnaître, les éoliennes et les centrales de panneaux photovoltaïques créent peu d’emplois. Il importe d’accélérer certaines procédures pour favoriser de grands projets industriels, mais pas pour ces technologies dont on connaît les nuisances et qui risqueraient de faire concurrence à d’autres projets plus intéressants.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable. Nous avons déjà longuement débattu de cette question.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous pourrons rouvrir ce débat en séance, mais réfléchissez bien à ce que vous êtes en train de proposer. Vous allez ralentir la production d’éoliennes faites en France et empêcher des fabricants d’éoliennes françaises de s’imposer face à leurs concurrents internationaux, mais vous ne ralentirez en rien le développement des énergies renouvelables, notamment des éoliennes – auxquelles je suis favorable. Votre défense du made in France s’arrête donc aux éoliennes ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1386 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je propose de supprimer le renvoi à un décret en Conseil d’État pour déterminer les conditions de mise en œuvre de l’identification des projets qualifiés d’intérêt général majeur. La définition prévue par la loi est suffisante et je propose de simplifier la procédure : le renvoi à un décret pourrait être contre-productif.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS452 de Mme Alma Dufour.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Nous proposons que, lorsqu’une usine ferme dans un secteur stratégique et qu’il n’y a pas de repreneur, l’État puisse reprendre la main.

Un malheur n’arrivant jamais seul, lorsqu’une usine ferme, non seulement les ouvriers se retrouvent au chômage mais, bien souvent, les machines sont reprises, voire détruites. C’est ce qui s’est passé lorsque notre dernière usine française de production de masques a fermé en septembre 2018, à Plaintel, pour être délocalisée à Nabeul, en Tunisie, par un actionnaire américain. Un mois après la fermeture, les chaînes de production ont été détruites. Imaginez ce que l’on aurait pu faire avec ces machines, au moment de la pandémie, si elles étaient restées sur notre sol et si le repreneur, qui avait bénéficié des largesses de l’État et de subventions publiques, ne les avait pas détruites !

C’est pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise que nous proposons cet amendement, qui doit s’appliquer dans les secteurs que nous jugeons stratégiques pour la sécurité de notre pays, pour l’environnement et pour les grands chantiers dont nous parlons depuis deux jours.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Votre amendement montre que je ne suis pas caricatural quand j’explique que vos propositions sont d’inspiration soviétique. Vous prônez la nationalisation sans indemnité : cela va à l’encontre du droit de propriété, qui a valeur constitutionnelle, et des droits des créanciers de l’entreprise. Je maintiens que ce que vous proposez, c’est le retour à de vieilles recettes soviétiques. Avis très défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’aimerais évoquer l’entreprise Carelide, qui a été soutenue sur tous nos bancs et que nous avons sauvée. Plusieurs députés, dont l’un appartenant à votre groupe, m’ont demandé de la nationaliser, mais je ne l’ai pas fait. Nous avons cherché un repreneur et nous en avons trouvé un.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). J’ai précisé que l’amendement s’appliquerait en l’absence de repreneur.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Mais on ne sait pas d’emblée s’il y aura ou non un repreneur ! C’est un travail ardu, dans lequel nous nous sommes impliqués et dans lequel nous continuons à nous impliquer. Avec ce que vous proposez, plus personne n’interviendra dans une entreprise en difficulté : si c’est pour qu’elle soit nationalisée, qui plus est sans indemnité...

Il y a là une différence fondamentale entre nos façons de voir l’économie. Vous avez le droit de défendre cette mesure, mais il faut avoir conscience ce qu’elle implique : il y a trente mille entreprises en liquidation judiciaire par an. Même si toutes ne sont pas dans l’industrie verte, cela va faire beaucoup de nationalisations et, surtout, le nombre de liquidations va augmenter, parce que les actionnaires feront demi-tour. Avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). En effet, c’est une différence fondamentale entre nous et c’est la preuve qu’on ne s’en sortira jamais. Notre amendement précise bien que la nationalisation aura lieu en l’absence de repreneur : il ne s’agit pas d’imposer la nationalisation dès qu’un exploitant s’en va.

Vous pensez vraiment que c’était une bonne chose de détruire les machines produisant des masques, juste avant la plus grande pandémie qu’on ait jamais connue ? Je vous rappelle que nous avons été confinés pendant des semaines parce que nous n’avions pas de masques ! Dans certains secteurs stratégiques, notre proposition se justifie. Vous trouvez normal que des exploitants détruisent des machines qu’ils se sont souvent procurées grâce aux aides de l’État ? On parle tout de même de crédits d’impôt très généreux, de 200 milliards d’aides sociales et fiscales accordées chaque année aux entreprises, sans compter les aides du plan de relance. Tout cela est financé par l’État, pas seulement par les actionnaires privés.

M. Damien Adam (RE). Madame Dufour, dans l’exemple que vous avez pris, je pense que l’entreprise n’avait pas la volonté de détruire ces machines. Il se trouve seulement qu’elle n’a trouvé personne à qui les revendre. Ce que vous proposez, en somme, c’est que l’État récupère, avec l’impôt des Français, des machines dont personne ne veut. C’est complètement contre-productif et, comme le disait le ministre délégué, cela va inciter les acteurs industriels à se mettre en situation de liquidation pour que l’État récupère leurs machines.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS1387 du Gouvernement et CS714 de M. Hadrien Ghomi, sous-amendement CS1416 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il convient de consulter le maire en amont, de manière à ne pas lancer un processus lourd et long s’il n’est pas d’accord. Une fois que le maire est d’accord, en revanche, on peut dérouler. Cet amendement a été travaillé, je l’ai dit en m’exprimant sur l’article, avec l’Association des maires de France.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je crois que nous avons vraiment trouvé un bon équilibre par rapport à la demande des sénateurs. Le maire aura un droit de refus au tout début de la procédure : on ne pourra donc pas lui forcer la main. Il est vraiment préférable que ce refus puisse s’exprimer au début, et non après des mois de procédures, comme le proposaient les sénateurs. Mon sous-amendement vise seulement à clarifier les procédures auxquelles vous vous référez, monsieur le ministre délégué. Je suis évidemment favorable à votre amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour ma part, je suis favorable au sous-amendement.

M. Henri Alfandari (HOR). Je souhaite intervenir, parce que l’adoption de ces amendements va faire tomber mon amendement CS1031, dans lequel je proposais d’introduire une logique ascendante, comparable à celle qui existe en matière de planification. Demander l’avis des maires, c’est bien, mais c’est en étant au plus près du terrain que l’on peut repérer les projets innovants. Il ne serait pas inintéressant que les présidents d’établissement public de coopération intercommunale, qui sont compétents en matière d’urbanisme, puissent faire une liste des projets qui, sur leur territoire, sont susceptibles d’être qualifiés d’intérêt national majeur ; cette liste serait intégrée au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements identiques sous-amendés.

 

Amendements identiques CS716 de M. Hadrien Ghomi et CS1388 du Gouvernement.

M. Hadrien Ghomi (RE). La procédure introduite par l’article 9 organise déjà un dialogue entre l’État et les collectivités sur l’identification de projets. Il est donc proposé de supprimer le dispositif de qualification de projet d’intérêt national majeur à l’initiative des régions. En effet, ce dispositif pourrait présenter de nombreuses difficultés.

Premièrement, les projets proposés par la région seraient inscrits de droit sur la liste élaborée par le préfet de région. Cette disposition donnant à la région le pouvoir de déterminer des projets d’intérêt national en imposant sa décision à l’État poserait un problème majeur concernant la répartition des compétences. Ensuite, la procédure proposée prendrait beaucoup de temps, ce qui est contraire à l’esprit général du texte. Enfin, l’identification par arrêté du représentant de l’État conduirait à créer un nouvel acte administratif attaquable devant les différentes juridictions, allongeant les délais contentieux et faisant perdre les bénéfices souhaités de la procédure accélérée.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 3 à 7 tombent.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CS607 de Mme Émilie Bonnivard.

 

Amendement CS1292 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer une mention ambiguë et inutile.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1293 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Il s’agit de corriger une erreur de renvoi.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1391 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement a pour objet la suppression de l’information obligatoire du département et de la région de la nécessaire mise en compatibilité d’un document d’urbanisme au sein de leur territoire.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1390 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à supprimer, selon la même logique, la transmission des observations de la collectivité concernée.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS891 de M. Mathieu Lefèvre tombe.

 

Amendement CS1392 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’amendement vise à supprimer la procédure, redondante, de mise à disposition du public des documents constituant le dossier d’instruction du projet de mise en compatibilité ne faisant pas l’objet d’une évaluation environnementale.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements CS1294, de précision juridique, et CS1295, rédactionnel, de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendements identiques CS1389 du Gouvernement et CS1401 de M. Hadrien Ghomi.

M. Hadrien Ghomi (RE). L’implantation d’un projet industriel d’intérêt national majeur a des répercussions immédiates dans les collectivités concernées – emploi, équipements publics, transports. Ces considérations, bien qu’elles soient globalement positives, expliquent la nécessité que l’accord de la commune et, le cas échéant, de l’EPCI soit obtenu avant l’engagement de la procédure de mise en compatibilité du document d’urbanisme. L’expression de cet accord permet de s’assurer de l’existence d’un consensus dans l’acceptation des projets d’intérêt national majeur. De la sorte, nous nous assurons que les acteurs locaux seront mobilisés pour aider à la réussite de cette implantation dans un cadre local plus large, créant ainsi des synergies.

Par cohérence, cet amendement supprime l’avis conforme à la fin de la procédure afin d’éviter d’instaurer un double verrou. Le délai dans lequel l’avis initial doit être exprimé est limité à un mois, afin de ne pas entrer en contradiction avec l’objectif d’accélérer l’accueil des projets industriels.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Nous donnons un droit de regard au maire au début de la procédure mais pas à la fin, quand toutes les évaluations environnementales ont été réalisées. Avis très favorable à la suppression de l’avis conforme.

La commission adopte les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CS750 de Mme Lisa Belluco.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1296 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CS1091 de Mme Cyrielle Chatelain.

 

Amendements identiques CS651 du Gouvernement et CS133 de Mme Véronique Louwagie.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir les possibilités de dérogation pour l’alimentation électrique des projets mentionnés à l’article 9.

Mme Émilie Bonnivard (LR). La décarbonation des industries passera par l’électrification. Il est très important que celle-ci fasse l’objet d’une simplification car elle représente un coût très important et nécessite des procédures assez lourdes.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 9 modifié.

 

Après l’article 9 (amendements précédemment réservés)

 

Amendement CS787 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement reprend une des dispositions de la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables en la renforçant. Celle-ci vise à faire des zones d’activité économique (ZAE) des lieux privilégiés d’accélération de la production d’énergie décarbonée, compétitive pour notre industrie et vertueuse. Il s’agit d’optimiser l’écosystème des zones industrielles.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je n’ai pas d’opposition sur le principe, mais ce projet de loi porte sur l’industrie verte et non sur les énergies renouvelables. J’émets un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable car les zones d’activité économique peuvent ainsi devenir des parcs à énergie positive, ce qui est très bien.

M. Dominique Potier (SOC). Je ne comprends pas l’argument du rapporteur général. Tous les industriels que j’ai rencontrés partagent mon avis : si, sur une zone d’activité, on peut optimiser tous les espaces disponibles – toitures, ombrières, espaces libres, voirie – pour produire de l’énergie, cela favorise la compétitivité grâce à une énergie décarbonée et moins chère ainsi que le verdissement de l’industrie. Nous sommes donc dans le cœur du sujet.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. La loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables a déjà prévu des aménagements. Les inventaires de ZAE sont pris en compte pour la délimitation des zones d’accélération des énergies renouvelables et les sociétés d’économie mixte (SEM) locales peuvent bénéficier d’un dispositif de certificat de projet en ce sens. La disposition que vous proposez est un peu floue, redondante avec la loi précitée et soulève des difficultés juridiques. Je maintiens donc mon avis.

M. Henri Alfandari (HOR). Je partage l’avis du rapporteur : dans la mesure où l’on veut éviter d’artificialiser, on est déjà incité à créer des zones d’accélération préférentiellement dans les zones d’activité économique.

M. Dominique Potier (SOC). Nous nous sommes engagés à créer des zones d’accélération qui protègent les terres agricoles et naturelles. Il faut donc cibler les zones artificialisées pour optimiser la production d’énergie décarbonée. Franchement, où est le problème ? Ces zones représentent 500 000 hectares : en mobilisant seulement 20 % de ce potentiel, on atteint quasiment l’objectif du mix énergétique, au bénéfice direct de nos industriels qui le consomment sur place. Je ne connais pas un interlocuteur qui considère que ce n’est pas un facteur de verdissement de l’économie. Les élus et les industriels concernés choisiront ce qu’ils veulent – éolien, photovoltaïque, géothermie –, dans un dialogue public-privé vertueux.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS928 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel concerne les gigafactories. Il est proposé de conditionner les projets de plus de 500 000 mètres carrés à l’étude de modes de production alternatifs. Selon certaines approches, il serait en effet préférable d’installer des micro-usines pour favoriser l’intégration dans des logiques de filières dans les territoires, plutôt que des usines géantes, qui présentent des externalités négatives. Par ailleurs, il serait intéressant de savoir quels sont tous ces projets, qui reçoivent beaucoup d’argent public. Existe-t-il une liste des projets de gigafactories ? Cela nous échappe totalement.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ces projets vous échappent parce qu’ils ne sont pas de nature législative mais ils n’échappent évidemment pas aux acteurs locaux, aux élus, aux présidents de région. Quand on fait une gigafactory, on parle à tout le monde et chacun cherche à convaincre les porteurs de projet de s’installer. Il n’existe pas de liste, il n’y a que des prospects. Tout cela est contraint par la taille du foncier, qui est très peu disponible. Des gigafactories, il n’y en aura pas des dizaines. Est-ce à l’État de décider si, dans tel ou tel secteur, il convient d’installer des micro-usines plutôt que de très grandes usines ? Cela va au-delà de nos compétences. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1028 de M. Henri Alfandari.

M. Henri Alfandari (HOR). Cet amendement vise à créer un régime de dérogation aux autorisations environnementales pour les porteurs de projet qui se donnent les moyens d’évaluer les incidences environnementales de leurs projets pendant toute leur durée de vie et de mettre en place un processus d’amélioration continue. Un tel dispositif présente néanmoins une faiblesse : il fait l’impasse sur la participation du public et la transparence de l’information. Il serait donc intéressant de prévoir une forme d’enquête permanente pour assurer une transparence de la donnée.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Si je partage votre ambition de simplification, la rédaction de votre amendement soulève quelques problèmes concernant notamment le principe d’évitement, qui découle de la Charte de l’environnement, et la participation du public à la prise de décision initiale. Si vous décidez de le maintenir, il faudrait impérativement le retravailler en vue de la séance. Avis de sagesse.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’idée est intéressante puisqu’elle consiste à accélérer la procédure en l’absence d’artificialisation et lorsque les études environnementales ont déjà été réalisées. Toutefois, la rédaction de cet amendement est contraire au droit européen et doit être retravaillée. Demande de retrait.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il faut préserver la philosophie de cet amendement afin de ne pas se retrouver avec un dispositif qui serait finalement peu opérant. L’objectif est de simplifier pour raccourcir les délais, en évitant que l’autorité environnementale prenne trop de temps pour rendre ses avis alors que l’artificialisation a déjà eu lieu et que les projets ne nécessitent pas la procédure complète. Nous soutiendrons cet excellent amendement.

M. Henri Alfandari (HOR). Si le principal défi que nous devons relever est celui de l’adaptation au changement climatique, le principe de précaution implique de maintenir l’effort financier dans le temps et de baisser significativement les émissions, notamment de carbone, dans un délai de trente ans. Dans cette optique, l’analyse permanente des impacts est importante. Je retire mon amendement pour le retravailler avec vous en séance.

L’amendement est retiré.

 

Article 9 bis (précédemment réservé) : Exclusion de l’artificialisation liée aux implantations industrielles du décompte du « ZAN »

 

Amendements de suppression CS256 de M. Bastien Marchive, CS453 de Mme Sophia Chikirou, CS739 de M. Vincent Thiébaut, CS788 de M. Stéphane Delautrette, CS934 de M. Charles Fournier et CS1167 de M. Frédéric Zgainski.

M. Alexis Izard (RE). Il s’agit de supprimer l’article 9 bis, ajouté par nos collègues sénateurs pour exclure l’implantation de sites industriels concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale de nos objectifs de préservation des sols, car il est contraire à la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, dite proposition de loi ZAN.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous voulons supprimer cet ajout du Sénat, dont on connaît l’obsession de réduire à néant les objectifs de zéro artificialisation nette. Il s’agit en l’occurrence d’une dérogation pour des projets industriels concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale, plus tous les équipements et les logements qui vont avec : c’est une définition très large, dans laquelle on pourrait faire entrer tout et n’importe quoi. Or nous vivons un effondrement vertigineux de la biodiversité, provoqué principalement par le changement d’affectation des milieux, autrement dit la destruction des habitats naturels. Il existe plus de 110 000 hectares de friches en France qui pourraient accueillir des projets d’industrie verte : les solutions ne manquent pas pour éviter d’artificialiser davantage.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Le présent article va à l’encontre des objectifs de la loi « Climat et résilience » et des dispositifs contenus dans la proposition de loi ZAN.

M. Dominique Potier (SOC). Je souhaite la suppression de ce très mauvais article venant du Sénat. Je ne me réjouis pas de l’accord qui a été trouvé en commission mixte paritaire (CMP) sur le texte relatif au ZAN : plus 15 000 hectares artificialisés, c’est un très mauvais compromis ! Il n’y a pas de quoi être fier. Limitons au moins les dégâts en supprimant cet article.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je partage totalement l’avis qui vient d’être exprimé.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Le groupe Démocrate est également favorable à la suppression du présent article.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je suis très favorable à ces amendements de suppression pour une raison simple : nous avons trouvé un point d’équilibre en CMP avec les sénateurs après six heures de négociation âpres, difficiles, rigoureuses, qui permet de développer des projets d’industrie verte et d’assurer notre souveraineté tout en restant fidèles aux objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols. Il apportera des solutions concrètes aux élus locaux qui en ont besoin pour la bonne application de la loi « Climat et résilience ». Je vous propose de ne pas refaire le débat du ZAN dans le présent texte.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Devant une telle quasi-unanimité, le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Le Gouvernement, soutenu par la gauche, a une absence totale de vision de l’aménagement du territoire. Le ZAN est l’illustration de cette conception théorique, descendante et complètement désincarnée de la réalité de nos territoires. Qu’il soit nécessaire de diminuer l’artificialisation dans les zones denses pour lutter contre l’étalement urbain, je le comprends, mais que l’on applique exactement la même règle en Savoie, où l’on a besoin de réindustrialiser des territoires et où l’on n’a plus la capacité de construire des logements, c’est débile ! C’est un manque d’intelligence politique majeur, qui créera des contraintes très fortes dans nos territoires, empêchant l’installation et la relocalisation industrielles, remettant en cause la diminution de nos émissions de gaz à effet de serre et la création d’emplois. Dans dix ans, vous pourrez mesurer les conséquences de la création du ZAN.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Je tiens à saluer le travail des rapporteurs de la proposition de loi ZAN, nos collègues Lionel Causse et Bastien Marchive, qui ont réalisé un formidable travail à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 9 bis est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 9 bis (amendements précédemment réservés)

 

Amendements CS544, CS542 et CS543 de M. Olivier Marleix (discussion commune).

Mme Émilie Bonnivard (LR). Ce sont d’excellents amendements : il faudrait les voter !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Ces trois amendements portent sur le ZAN. La CMP relative à la proposition de loi ZAN étant conclusive, je vous invite à prendre connaissance de ses conclusions. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement salue le travail de la commission mixte paritaire et émet un avis défavorable sur ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article 10 (précédemment réservé) : Possibilité pour la déclaration d’utilité publique de reconnaître en outre à l’opération ou aux travaux concernés le caractère de RIIPM

 

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement de suppression CS998 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendement CS1413 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à restaurer la rédaction initiale de l’article 10, dont l’objet est d’éviter qu’un projet bénéficiant d’une déclaration d’utilité publique (DUP) n’obtienne pas a posteriori le caractère de projet répondant à une RIIPM.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS789 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement vise à restreindre le bénéfice de la reconnaissance d’une RIIPM aux seuls projets industriels faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique et considérés d’intérêt national ou européen, conformément aux dispositions de la loi « Climat et résilience » dans leur rédaction issue de la proposition de loi ZAN. En effet, ces dispositions assurent une conciliation entre, d’une part, les enjeux de transition écologique et de souveraineté économique et industrielle et, d’autre part, ceux de réduction de l’artificialisation des sols et de préservation de la biodiversité. Même si la définition de ces projets nationaux ou européens demeure perfectible, elle permet de limiter le bénéfice de la RIIPM aux projets industriels qui s’inscrivent le mieux dans ces priorités.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis car cela rendrait le dispositif inopérant.

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne comprends pas en quoi le fait de fixer des priorités rendrait le dispositif inopérant.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Parce que cela crée une sous-catégorie, limitant ainsi la portée de l’article 10 aux seuls projets considérés d’intérêt national ou européen alors que, tel qu’il est rédigé, l’article permet d’anticiper la reconnaissance de la RIIPM au stade de la DUP, sans retirer la moindre garantie procédurale ni baisser le niveau d’exigence.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1297 et CS1298 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Après l’article 10 (amendement précédemment réservé)

 

Amendement CS640 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Comment voulez-vous réindustrialiser le pays si même sur des terrains déjà artificialisés comme les friches, votre politique de prétendue reconquête industrielle capitule parce qu’un crapaud s’est installé dans une flaque d’eau ? Voilà où on en arrive au nom de l’idéologie environnementaliste excessive : les crapauds font reculer les pelleteuses et, malheureusement, ce n’est pas une caricature. Je réitère donc notre proposition d’accorder des dérogations aux normes environnementales lorsqu’il s’agit d’implanter un projet industriel sur une friche de moins de trente ans. La réindustrialisation du pays relève de l’intérêt général : je ne comprends donc pas pourquoi vous refusez cette proposition. Pensez aux nombreuses créations d’emploi et aux innovations techniques auxquelles on renonce actuellement pour les beaux yeux d’un crapaud ou d’une alouette !

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Ce n’est pas parce que l’on souhaite accélérer et simplifier que l’on doit renoncer à nos exigences de protection de la biodiversité. Nous essayons d’accélérer les procédures pour pouvoir répondre le plus rapidement possible aux porteurs de projet, tout en respectant les espèces. Vous proposez de créer une présomption de RIIPM pour tout projet industriel s’installant sur une friche de moins de trente ans. Or cela doit s’apprécier au cas par cas.

M. Roland Lescure, ministre délégué. On ne peut pas rendre la reconnaissance de la RIIPM automatique. Avis défavorable.

M. Alexandre Loubet (RN). Vous venez malheureusement d’apporter la preuve qu’avec vous, rien ne changera : à cause de l’habitat naturel d’un crapaud, d’une alouette ou de je-ne-sais-quelle autre espèce, même sur un terrain déjà artificialisé, même s’il y a une usine à l’abandon, on se retrouve embourbé dans une inflation de normes environnementales excessives. Une fois de plus, vos prises de position démontrent que c’est le Rassemblement national qui défend la réindustrialisation du pays.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous caricaturez tellement l’écologie que vous me donnez envie de devenir écologiste ! Je suis pour l’environnement, je le démontre tous les jours en décarbonant l’industrie mais, si vous continuez, je vais prendre ma carte chez EELV !

M. Vincent Thiébaut (HOR). Cet amendement rendrait possible l’implantation de l’industrie la plus polluante, qui irait à l’encontre de toutes les normes environnementales. Ce serait une aberration.

M. le président Bruno Millienne. Il est possible de conjuguer aménagement du territoire et respect de la biodiversité. Protéger les espèces menacées est notre devoir ; les êtres humains peuvent vivre au côté des animaux. Votre proposition est inacceptable, car elle autoriserait l’implantation de n’importe quelle activité, sans tenir aucun compte de la biodiversité.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 11 (précédemment réservé) : Favoriser la libération de foncier via le remembrement de surfaces commerciales

 

Amendement de suppression CS1064 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). On nous avait dit que ce projet de loi serait l’un des plus importants de la législature. Nous devions entamer la réparation de quarante ans d’une désindustrialisation à laquelle vous avez vous-même contribué, au cours du précédent quinquennat, en doublant le déficit commercial de la France. Or ce texte illustre l’absence totale de volonté de réindustrialisation de notre pays. Il rassemble une série de mesures rejetées dans d’autres textes. L’article 11, qui a trait aux surfaces de vente, avantagera plus les centres commerciaux, qui s’étendront, que les industries.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet article vise à accélérer la transformation de zones commerciales vieillissantes pour y implanter des sites industriels. Avis défavorable également.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS381 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). Une surface de vente commerciale présente peu de rapport avec l’industrie verte. Aussi souhaitons-nous supprimer les facilités accordées aux centres commerciaux. Il est scandaleux d’utiliser le véhicule de l’industrie verte pour légiférer sur les surfaces commerciales, alors que le foncier va manquer, du fait de l’objectif ZAN, aux projets réellement utiles à la réindustrialisation.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS637 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’amendement vise à supprimer une expérimentation introduite par le Sénat pour ne pas trop étendre la dispense d’autorisation de l’exploitation commerciale.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements CS1299, rédactionnel, CS1300, de précision, CS1301, de correction d’une erreur de référence, et CS1302, rédactionnel, de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général.

 

Amendement CS619 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit de permettre aux établissements publics fonciers d‘acquérir des droits de nature commerciale pour les convertir en projets d’aménagement des zones d’activité économique.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS822 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). L’expérimentation instituée par l’article 88 de la loi sur le patrimoine de 2016 a de quoi surprendre, puisqu’elle permet aux collectivités de déroger à certaines règles de protection du patrimoine. Pourquoi vouloir la prolonger de cinq ans, alors qu’elle dure déjà depuis sept ans ? On peine à discerner ce qu’une telle disposition vient faire dans un texte sur la réindustrialisation de la France.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1304 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’amendement a pour objet de corriger une erreur d’insertion.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 11 modifié.

 

Article 11 bis (précédemment réservé) : Renvoi de la détermination des modalités de coordination, d’organisation et de suivi de la mise en œuvre du titre Ier à un décret

 

Amendement de suppression CS620 du Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’article prévoit que le Gouvernement prenne un décret dans un délai de trois mois pour préciser les mesures visant à accélérer les implantations. Or ce décret ne nous paraît pas nécessaire.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet article relève du champ réglementaire et les délais indiqués sont impossibles à respecter. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 bis est supprimé.

 

Article 11 ter (précédemment réservé) : Bilan du dispositif « Territoires d’industrie »

 

Amendement de suppression CS1305 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Cet article demande un rapport relatif au dispositif Territoires d’industrie, que nous pouvons évaluer par d’autres moyens. Je vous propose donc de supprimer l’article.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je souhaite le maintien de l’article, car il me paraît important d’opérer une évaluation globale du dispositif Territoires d’industrie. Nous venons de relancer ce programme. Avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). Le rapport doit notamment porter sur l’opportunité d’ouvrir le dispositif à tous les territoires volontaires. Si l’article était supprimé, à quel moment soulèverait-on à nouveau cette question ?

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 ter est supprimé.

 

Après l’article 11 ter (amendement précédemment réservé)

 

Amendement CS1197 de M. Matthias Tavel.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous souhaitons préciser que le dispositif des sites clés en main s’adressera uniquement aux projets industriels dits verts. Cette labellisation constitue un recul car elle peut permettre aux pouvoirs publics de préparer une zone à une implantation industrielle sans que l’on sache quels projets seront créés.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. Avis défavorable. Les sites industriels clés en main sont un dispositif que j’avais préconisé à Édouard Philippe dans un rapport sur la simplification et l’accélération des installations de sites industriels. Il avait été institué dans la foulée et a donné jusqu’à présent satisfaction. Les industriels peuvent s’installer sur des sites qui leur sont dédiés et pour lesquels les études archéologiques et environnementales ont déjà été effectuées. Cela offre aux investisseurs qui choisissent la France un large éventail de sites et une grande simplicité administrative. Restreindre le dispositif à certaines activités industrielles signerait sa fin.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce dispositif vise à remettre à niveau les sites mais ne dispense en rien les entreprises du respect des procédures d’autorisation et d’évaluation environnementale. Les autorités locales décideront des appels à projets. Je vous suggère de retirer l’amendement car il ne relève pas du domaine législatif. Ces sites n’existent pas dans la loi.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Lorsque ces sites ont été créés, la pression concernant le ZAN était moins forte qu’elle ne l’est aujourd’hui. Des entreprises ont demandé à bénéficier du dispositif alors qu’elles avaient un bilan carbone pour le moins médiocre : je pense à des entrepôts Amazon ou à une mégasucrerie se destinant à l’exportation. Si le foncier est si précieux, ces sites devraient être réservés à des industries jugées prioritaires, mais vous refusez de trier. Acceptez à tout le moins une logique pyramidale.

La commission rejette l’amendement.

 

7.   Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 21 heures 30

M. le président Bruno Millienne. Nous examinons ce soir le titre III du projet de loi, c’est-à-dire les articles 15 A à 19, qui comprennent plusieurs dispositions importantes destinées à faciliter l’orientation de l’épargne vers de l’investissement non coté, dont la création d’un plan d’épargne avenir climat. À ce stade, 192 amendements restent en discussion.

 

TITRE III
Financer l’industrie verte

 

Avant l’article 15 A

 

Amendements CS1203 de Mme Laurence Heydel Grillere et CS1128 de M. Pierre Meurin (discussion commune).

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Mon amendement vise à modifier l’intitulé du titre III, afin d’insister sur l’aspect inclusif des objectifs environnementaux qu’il fixe.

Le projet de loi s’articule autour de trois exigences : faciliter, favoriser et financer les industries vertes. Il ne s’agit pas de favoriser une industrie plus qu’une autre, voire d’en stigmatiser certaines. Toutes les industries ont un rôle à jouer pour réduire notre empreinte carbone et lutter contre le changement climatique.

Comme j’ai pu le constater en discutant avec les industriels de mon territoire, le terme d’« industrie verte » peut laisser penser que les industries dites « brunes » n’y ont pas leur place. Tout au contraire, il faut, par le fameux « en même temps », permettre à des industries bas-carbone de s’implanter dans nos territoires et donner l’opportunité aux industries présentes de décarboner leur activité, notamment au moyen de mécanismes financiers tels que l’épargne privée.

M. Damien Adam, rapporteur pour le titre III. Nous débattons de ces questions depuis deux jours. Ce qui compte, c’est de modifier non le titre des lois mais la loi elle-même, par des articles et des amendements permettant de changer véritablement les choses. J’émets donc un avis défavorable, afin que nous puissions entrer dans le débat sur le financement de l’industrie verte.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Dans mon propos liminaire, j’ai dit que nous cherchions à la fois à développer l’industrie verte et à verdir l’industrie traditionnelle. Il est à craindre que les modifications proposées empêchent d’atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs, qui sont importants et complémentaires.

Je rejoins donc le rapporteur : ce sont les articles plus que les titres qui feront la différence. Je vous suggère donc de retirer les amendements, même si j’entends leurs objectifs sous-jacents.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons effectivement eu cette discussion au début de l’examen du projet de loi. Il est salutaire de revenir régulièrement sur la portée réelle de ce texte. Nous partageons bien sûr votre objectif de réindustrialisation, même si nous ne partageons pas toutes les solutions de simplification proposées et constatons une absence de financement sérieux. Mais la vraie question est de déterminer si ce texte vise à favoriser une industrie verte ou à verdir l’industrie. Chers collègues, je vous remercie d’avoir posé une nouvelle fois la question.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS707 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Le présent amendement demande un rapport pour inciter le Gouvernement à créer un fonds souverain français. Dans ce projet de loi, on a du mal à comprendre comment vous financez la réindustrialisation verte du pays puisque vos mesures, notamment le plan d’épargne avenir climat pour les jeunes, visent à mobiliser 5 milliards d’euros, loin du montant nécessaire pour industrialiser tout le pays. Nous sommes également surpris de constater que nombre des instruments que vous proposez ne sont pas fléchés vers le financement de l’industrie française.

M. Damien Adam, rapporteur. Avec tous les outils créés pour réindustrialiser notre pays, nous n’avons pas besoin d’un fonds souverain. Nous avons lancé le fonds France 2030, dont les 54 milliards d’euros permettent d’investir dans l’industrie de demain et les entreprises nécessaires à notre réindustrialisation. Grâce à ce projet de loi, nous comptons instaurer des dispositifs visant à réindustrialiser, notamment au travers des Big Five dont nous avons débattu cet après-midi, et nous créons de nouveaux outils financiers, que nous préciserons à partir de l’article 15. Nous disposons aussi de la Banque publique d’investissement.

Pour toutes ces raisons, votre amendement ne semble ni opérationnel ni intéressant. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS709 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Par cet amendement d’appel, nous demandons un rapport pour inciter le Gouvernement à développer des « zones franches Industrie verte » partout en France, notamment dans les zones frontalières qui souffrent d’un différentiel de compétitivité, comme la Moselle-est, ou dans les territoires récemment désindustrialisés du fait de l’arrêt de l’exploitation des mines à charbon. Des avantages fiscaux et sociaux seraient accordés aux entreprises qui s’y implanteraient.

M. Damien Adam, rapporteur. En cinquante ans, la France a perdu 2,5 millions d’emplois industriels et près de 900 usines. Nous avons réussi à enrayer cette chute depuis 2017, par une politique et des choix économiques et fiscaux enfin réalistes et pertinents. Il faut réindustrialiser l’ensemble du territoire, non quelques zones. Pour cela, nous avons mené une politique économique et fiscale très intéressante, notamment en baissant les impôts de production ainsi que les cotisations pour les salaires jusqu’à 2,5 Smic. Cette politique a permis de rendre notre pays plus attractif et a fait de la France la première destination des investissements directs étrangers de l’Union européenne. Nous n’avons pas besoin d’un énième rapport ou de mesures sur les zones franches. Nous avons besoin de réindustrialiser tout le pays. Pour cela, il faut voter le projet de loi relatif à l’industrie verte.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Rien à ajouter.

M. Alexandre Loubet (RN). La baisse des impôts de production est une excellente mesure, même s’il faudrait aller plus loin. Mon objectif n’est pas de réindustrialiser seulement certains secteurs, mais la réalité industrielle est que des activités économiques se concentrent auprès de certaines infrastructures, de transport notamment – nous en avons discuté pour l’économie circulaire. Les zones franches peuvent contribuer au développement industriel de certains pôles d’attractivité.

J’ajoute que, malgré la baisse des impôts de production, la productivité en France n’a pas augmenté depuis 2017. Cela signifie que la plupart des emplois créés ne sont pas productifs.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne peux pas vous laisser dire cela. Nous avons créé davantage d’emplois par unité de production qu’on ne l’a fait pendant vingt-cinq ans, et c’est tant mieux. La France a l’un des meilleurs taux de croissance en Europe, et cette croissance est riche en emplois. Je rejoins donc le rapporteur : n’hésitez pas à voter le prochain projet de loi de finances (PLF) car nous continuerons les baisses les impôts de production !

Pour le reste, les mesures relatives aux projets d’intérêt national que nous avons votées à l’article 9 permettent de simplifier la vie des industriels dans des zones particulières. Aujourd’hui, ces derniers demandent non de nouvelles baisses d’impôts – ils seront contents une fois que la baisse des impôts de production aura été appliquée – mais de la simplification et une accélération.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 15 A : Assouplissement des procédures de recours à des prestataires mandatés par Bpifrance Assurance Export pour les risques pris sur des acteurs étrangers

 

La commission adopte l’article 15 A non modifié.

 

Après l’article 15 A

 

Amendements identiques CS489 de Mme Sophia Chikirou et CS721 de M. Hadrien Ghomi.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Jusqu’à présent, nous avons beaucoup de mal à envisager le déploiement d’une industrie verte dans notre pays. En refusant tous nos amendements, vous n’avez pas profité du levier de la commande publique pour réorienter l’industrie.

Concernant le financement de l’industrie verte, pour ne pas tomber dans le greenwashing, nous aurions dû distinguer ce qui relève du verdissement de l’industrie existante, donc de sa transformation, de ce qui relève du soutien à apporter au développement d’une industrie verte. Ce sont deux stratégies différentes, qui méritent deux financements distincts.

Mon amendement vise à attirer l’attention sur le rôle de Bpifrance, la Banque publique d’investissement, dont les missions actuelles ne permettent pas de bien orienter les financements vers l’industrie verte. La banque est très tournée vers l’économie de l’énergie. D’un côté, elle finance la décarbonation ; de l’autre, elle a une mission de réindustrialisation, dont les contours restent flous.

Cet amendement tend à lui ajouter une mission pour que nos investissements publics soient bien orientés vers de l’industrie verte, non des énergies de transformation, et au moyen de prises de capital, ce que l’institution ne fait pas assez puisqu’elle apporte surtout des garanties et des prêts.

Nous souhaitons aider à lever les freins que rencontrent les très petites entreprises (TPE), les petites et moyennes entreprises (PME) et, dans une moindre mesure, les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il leur est très difficile d’accéder aux financements pour se transformer ou développer l’industrie verte, lorsqu’elles souhaitent se convertir. Bpifrance pourrait les soutenir si elle remplissait des missions d’intérêt public.

M. Hadrien Ghomi (RE). Bpifrance finance et accompagne les entreprises à chaque étape de leur développement, apportant crédits, garanties, aides à l’innovation et en fonds propres. Elle les soutient dans leurs projets de développement de transition écologique et énergétique, d’innovation et d’internationalisation. Mon amendement vise à renforcer la mission de Bpifrance pour ce qui concerne l’accompagnement de la réindustrialisation verte de notre pays.

M. Damien Adam, rapporteur. Nommé en janvier avec Michel Paulin, le délégué général d’OVHcloud, pour réfléchir au financement de l’industrie verte, j’ai auditionné l’ensemble des acteurs, dont des représentants de Bpifrance. Il est ressorti que la Banque n’est pas dépourvue d’outils pour aider à la transition écologique et à la finance verte – la palette est même très large : fonds propres, garanties vertes, crédits… – mais qu’on ne communique pas assez pour les faire connaître.

Les objectifs de réindustrialisation verte et de verdissement de l’industrie sont inscrits dans ses missions. Avec la Banque des territoires, Bpifrance a lancé un plan climat commun de 40 milliards d’euros, déployé jusqu’en 2024, qui permet d’accélérer la transition des entreprises et des territoires, d’accompagner le développement des énergies renouvelables, et de financer l’innovation dans les technologies vertes. Je ne pense pas qu’il faille limiter le soutien de Bpifrance aux seules entreprises vertueuses : il faut accompagner l’ensemble de l’économie, qui doit se décarboner, pour que demain, tous les emplois industriels dans notre pays puissent continuer d’exister. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La Banque publique d’investissement a déjà pour mission, selon l’ordonnance qui l’a créée il y a dix ans, d’apporter son soutien à la mise en œuvre de la transition écologique et énergétique. À côté de garanties export ou de crédits, elle réalise bel et bien des investissements en fonds propres, à hauteur de 40 milliards d’euros. Il n’y a pas que le fonds « Lac d’argent », qui ne représente que quelques milliards d’euros.

Enfin, BPI ne veut pas dire « banque publique d’industrie » : autrement dit, Bpifrance investit dans d’autres secteurs que l’industrie. Elle a joué un rôle exceptionnel dans le développement des start-up. N’en déplaise aux pourfendeurs de la start-up nation, la France a offert davantage de financements dans la technologie que tout autre pays d’Europe. Soyons-en fiers. Bpifrance dépense beaucoup d’argent pour réindustrialiser la France ; son directeur général est très impliqué dans la réindustrialisation.

Vous avez en outre voté des dispositions qui vont dans ce sens, avec le conditionnement de certains de ses investissements. Les amendements sont donc satisfaits. C’est pourquoi je suggère de ne pas rétrécir les missions de Bpifrance. Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Bpifrance est un très bel outil mais il faudrait revoir son seuil d’intervention, qui est trop élevé, notamment pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Les PME et TPE de notre territoire ne peuvent pas profiter de ses financements.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS799 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Depuis un siècle et demi, Saint-Gobain Pont-à-Mousson garantit notre souveraineté dans la filière de l’eau, en France et à l’échelle européenne. Une part de son modèle économique passe par l’exportation et les marchés publics, où il lui est difficile de rivaliser avec ses concurrents asiatiques car le principe de réciprocité est peu activé. L’amendement que j’avais déposé pour rendre obligatoire ce principe étant passé inaperçu – j’y reviendrai en séance – il faut du moins que les collectivités territoriales soient bien informées, qu’elles prennent ce principe en compte et qu’elles mesurent l’effet de leurs choix par rapport à la concurrence asiatique.

Le bonus écologique a été créé pour favoriser les investissements dans les énergies renouvelables, y compris dans des secteurs où la France n’était pas performante – le photovoltaïque et l’éolien. Pour cela, on a baissé le taux requis de participation française dans l’aide publique au développement, ce qui a embarqué aussi toutes les activités d’énergie hydraulique, turbines et canalisations, secteurs dans lesquels la France dispose de leaders mondiaux.

La demande de rapport que je vous présente ne doit pas cacher qu’il s’agit d’un amendement d’appel sur cette question, que j’ai déjà soumise au Trésor, au ministère du commerce extérieur et à Bruno Le Maire. Ce dispositif du bonus écologique pose un vrai problème, il faut le réformer. La question est renvoyée en permanence, et j’attends une mobilisation de votre part.

M. Damien Adam, rapporteur. Je comprends votre volonté mais votre amendement reste une demande de rapport, et je ne suis pas certain qu’un rapport soit le bon véhicule pour avancer. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le bonus écologique est une disposition législative, votée dans la loi de finances de 2021 : évaluez-le ! C’est le travail de la commission des finances et la mission du Parlement que d’évaluer la politique du Gouvernement, il n’est pas besoin de rapport pour cela. Je suis certain que le ministre des finances se fera un plaisir de répondre à cette demande d’évaluation.

La commission rejette l’amendement.

 

Avant l’article 15

 

Amendement CS487 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). On ne peut pas dire que le crédit d’impôt recherche (CIR) a des effets bénéfiques sur la compétitivité des entreprises – la Cour des comptes et France Stratégie le soulignent aussi. Certes, il est plébiscité par des entreprises, qui l’utilisent peut-être pour améliorer leurs marges – on ne sait pas ce qu’elles font de l’argent, étant donné que l’on ne pose aucune condition !

L’amendement invite à conditionner l’obtention du CIR à une trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise, alors qu’il n’a aucune contrepartie aujourd’hui. En effet, si les entreprises de plus de 500 salariés doivent fournir un bilan sur ces émissions, elles ne sont pas contraintes à planifier leur baisse.

Il s’agit donc d’un amendement d’appel – les autres amendements que nous avions déposés pour poser enfin des conditions aux aides publiques aux entreprises ont été jugés irrecevables. On doit envisager une fois pour toutes que ces aides aient des contreparties, notamment pour toutes les entreprises qui bénéficieront de ce projet de loi.

M. Damien Adam, rapporteur. La question devra plutôt être traitée lors de l’examen du projet de loi de finances, mais puisque l’amendement a été jugé recevable, parlons-en.

Le sujet du CIR a été évidemment mis sur la table au moment de la réflexion sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. Nous avons écarté la proposition de réviser le dispositif, considérant qu’il est un outil d’attractivité très important, cité par l’ensemble des acteurs auditionnés. En n’y touchant pas et en votant un projet de loi ambitieux sur l’industrie verte, on envoie un message positif aux industriels ou aux acteurs qui pourraient éventuellement investir en France. Il faut de bonnes mesures pour créer de l’emploi supplémentaire, de la décarbonation et une économie française vertueuse. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Des conditionnalités relatives au besoin global de solvabilité ont été votées pour ce qui est de la commande publique. Le CIR sera discuté lors de l’examen du projet de loi de finances. Il est par ailleurs conditionné, même si vous n’êtes pas d’accord avec ces conditions : pour obtenir du crédit d’impôt recherche, il faut faire de la recherche !

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Le CIR coûte 8 milliards d’euros par an, et quel est son premier bénéficiaire ? Carrefour ! Quel est l’intérêt de la recherche et développement de Carrefour ? Au moins, on pourrait leur demander de développer la logistique verte en échange du CIR, mais même ça, vous ne le faites pas !

M. Philippe Brun (SOC). Le ministre délégué nous a invités à nous pencher sur les rapports spéciaux des commissaires aux finances qui évaluent les différents dispositifs fiscaux. Notre collègue Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale pour la mission Remboursements et dégrèvements, réalise depuis sept ans une évaluation fine du crédit d’impôt recherche. Nous disposons donc d’informations très précises, qui montrent que celui-ci n’atteint pas les entreprises visées, notamment celles de l’industrie, contrairement à ce que recherchait son auteur, Jean-Pierre Chevènement, puis Nicolas Sarkozy quand il a élargi le dispositif. Il apparaît clairement que le dispositif ne permet pas la transition écologique que nous appelons de nos vœux. C’est pourquoi il faut voter l’amendement de notre collègue.

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’argumentation de Mme Chikirou est offensante pour les salariés de Carrefour. Le CIR existe aussi pour soutenir l’emploi dans notre pays. Les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises sont plus élevés en France que dans les autres pays européens : même après la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les impôts de production sont cinq fois plus élevés en France qu’en Allemagne. Remettre en question le CIR menacerait sérieusement l’attractivité de notre pays. La dépense fiscale est en effet élevée : elle doit être évaluée, comme le dit Mme Chikirou ; en revanche, la conditionner, c’est revenir sur son principe même.

M. Damien Adam, rapporteur. Madame Chikirou, votre groupe est celui qui se plaint le plus qu’Amazon domine le commerce. Or une grande part du CIR de Carrefour est investie dans sa capacité à être compétitif en matière numérique. Peut-être son plan pourrait-il être plus ambitieux s’agissant de la logistique, mais ni vous ni moi ne le connaissons. Il faut se garder des idées bonnes sur le papier, mais qui sont des erreurs économiques majeures. Votre amendement entre dans ce cadre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD798 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Dans le cadre des marchés d’aide publique au développement, je propose de fixer le seuil minimal de part française à 70 % pour les prêts concessionnels et à 50 % pour les prêts directs. Cette part ne peut être abaissée que pour les projets relatifs à des secteurs ne présentant pas d’offre française significative.

L’argument du rapporteur contre ma précédente demande de rapport ne m’a pas convaincu et je propose à présent une réponse législative à un aspect réglementaire. Cet amendement vise à réparer l’énorme erreur du Trésor, qui pénalise notre industrie à l’export dans les domaines d’excellence où elle est leader mondial : c’est une aberration à laquelle nous pouvons apporter une réponse claire dès ce soir, sans renvoyer aux débats du PLF, dont l’issue est connue.

Je vous invite donc à soutenir notre industrie dans son adaptation au dérèglement climatique, et à forcer le Trésor à réviser sa doctrine.

M. Damien Adam, rapporteur. Le cadre de l’aide publique au développement interdit l’aide liée, c’est-à-dire d’accorder de l’aide à la condition qu’elle serve à acheter des biens ou des services d’un pays spécifique.

Par ailleurs, les prêts ne sont pas comptabilisés comme de l’aide au développement. Prévoir une part française minimale serait une entorse encore plus importante au principe de libre concurrence que nous entretenons avec les autres pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Je préfère que nous concentrions nos efforts pour renforcer l’attractivité de l’offre française et, surtout, que nous travaillions avec les pays aidés pour rédiger des appels d’offres exigeants et attentifs aux questions sociales et environnementales, qui peuvent permettre aux entreprises françaises de conforter leur place de manière vertueuse et respectueuse du droit international. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Le bonus climatique est un bon dispositif – qu’il faut évaluer, naturellement – et qui s’adapte. Si vous l’inscrivez dans la loi, il faudra la modifier à chaque fois ! Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 15 : Obligation générale de référencement des labels d’État dans les contrats d’assurance-vie

 

Amendements CS800 de M. Gérard Leseul et CS1165 de M. Mohamed Laqhila (discussion commune).

M. Gérard Leseul (SOC). Notre amendement vise à accroître la part des investissements destinés aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans les fonds solidaires au sein des contrats d’assurance-vie. Cette part serait fixée, à compter du 1er janvier 2024, à 10 et 15 %, contre 5 et 10 % actuellement, pour les fonds communs de placement d'entreprise solidaires (FCPES) et à 50 %, contre 40 % actuellement, pour les fonds communs de placement à risque (FCPR). À compter du 1er janvier 2025, les taux seraient portés à 15 et 20 % pour les premiers et 60 % pour les secondes.

M. Frédéric Zgainski (Dem). La part comprise entre 5 % et 10 % de titres issus des labels dans au moins une unité de compte devrait être évaluée en moyenne sur trois mois glissants afin de tenir compte des fluctuations économiques et d’éviter aux gestionnaires d’assurance-vie d’avoir à rendre de nombreux arbitrages à cause de chocs économiques de court terme.

M. Damien Adam, rapporteur. Compte tenu de la rédaction de l’article 15, l’amendement CS800 aurait pour effet de limiter le nombre de fonds éligibles, ce qui ne me semble pas être l’objectif recherché. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Porter la part au-delà de 10 % serait contraire à la réglementation européenne. Par ailleurs, les FCPR et les FCPE sont des fonds grand public. Leur attractivité pourrait être affectée si la prise de risque devenait trop forte. Je suis très favorable aux unités de compte solidaires, mais si elles représentent une part trop importante du fonds, les investisseurs risquent d’être déçus.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1337 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendements CS982 de M. Mathieu Lefèvre et CS1211 de Mme Laurence Heydel Grillere (discussion commune).

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit d’étendre la labellisation aux PME et aux ETI non cotées.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). L’article 15 prévoit une obligation de référence générale pour les unités de compte ayant obtenu les labels ISR (investissement socialement responsable) ou Greenfin dans les contrats d’assurance-vie. Or ces labels concernent un nombre restreint d’entreprises industrielles. Le premier est utilisé pour les entreprises cotées et l’immobilier, tandis que le second porte uniquement sur les actifs verts. Que fait-on des autres entreprises, notamment les PME et ETI, qui ont besoin de se verdir ? Elles doivent pouvoir bénéficier de ce type de fonds – les Français y sont très favorables.

Plutôt que de créer un label, ce qui prendrait deux ans, il est proposé d’établir, par décret, une liste de stratégies d’investissement et des critères associés afin de permettre le fléchage de l’épargne vers les entreprises non cotées.

M. Damien Adam, rapporteur. Je partage votre souhait de prendre en compte les actifs non cotés – c’est tout l’objet du titre III. Il me semble toutefois périlleux de s’affranchir du label, qui est une garantie pour l’épargnant. Il convient plutôt d’intégrer le private equity dans la labellisation. Des travaux en ce sens sont en cours. Je vous invite donc à retirer ces amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il ne faut pas négliger le risque de greenwashing, si les banques définissent elles-mêmes quels sont les investissements durables.

M. Gérard Leseul (SOC). Une fois n’est pas coutume, je soutiens la position du rapporteur et du ministre. Il faut conserver la logique vertueuse des labels.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Je retire mon amendement, même si mon idée n’était pas de laisser les banques choisir mais d’établir une liste par décret.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1338 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS1320 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Il a pour objet de supprimer l’avis de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur le décret d’application du présent article.

Ces deux autorités seront associées à l'élaboration du décret dans le cadre des échanges informels réguliers qu'elles ont avec les services du ministère de l’économie et des finances. Par ailleurs, le décret ne pourra être pris qu'après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) au sein duquel l'ACPR et l'AMF sont représentées.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

M. Gérard Leseul (SOC). La suppression de l’avis de l’AMF et de l’ACPR, qui exercent un contrôle précieux sur les marchés et les établissements financiers, ne me semble pas raisonnable quand bien même elles siégeraient au CCLRF. Conservons cette précaution !

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1339 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendements CS1330 de M. Damien Adam et CS1240 de Mme Laurence Heydel Grillere (discussion commune).

M. Damien Adam, rapporteur. Je partage la volonté du Sénat de prendre en compte les préférences en matière de durabilité des personnes qui investissent dans un plan d’épargne retraite (PER). Cependant, je propose d’interroger l'épargnant sur ses objectifs d'investissement dès la détermination de son profil, et non au stade de la gestion pilotée, comme le prévoit la disposition sénatoriale.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Il s’agit de préciser que les éventuelles préférences en matière de durabilité doivent être recueillies après avoir défini le profil d’investisseur.

M. Damien Adam, rapporteur. Votre amendement est satisfait par le mien, qui propose une réécriture plus large. Je vous invite donc à le retirer.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable à l’amendement du rapporteur.

L’amendement CS1240 ayant été retiré, la commission adopte l’amendement CS1330.

En conséquence, l’amendement CS1212 de Mme Laurence Heydel Grillere tombe.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1340 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 15 modifié.

 

Après l’article 15

 

Amendements CS546, CS553 et CS548 de M. Olivier Marleix.

Mme Émilie Bonnivard (LR). L’amendement CS546 vise à rendre les relocalisations éligibles aux certificats d’économie d’énergie (C2E).

Le système actuel des C2E ne tient pas compte des avantages environnementaux qui découlent des relocalisations. Pourtant, celles-ci contribuent à réduire les émissions de carbone importées, d’autant plus lorsqu’il s’agit de pays dans lesquels les modes de production industrielle sont bien plus polluants qu’en France.

Les deux autres amendements portent sur les relocalisations et sur les certificats d’économie d’énergie.

M. Damien Adam, rapporteur. Je partage la philosophie de ces amendements. En revanche, le dispositif manque à ce stade de maturité pour être opérationnel. Il mérite une réflexion plus approfondie. Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est tentant de rendre une entreprise qui relocalise sa production éligible aux C2E, mais ce n’est pas possible dans le cadre actuel. Je suggère de retirer les amendements et d’essayer de trouver une solution.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). La relocalisation ne garantit pas que l’entreprise s’inscrit dans la transition écologique : l’activité relocalisée peut être très polluante. Il faut donc des précisions à ce sujet.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Pouvez-vous préciser ce qui pose problème dans les amendements et quelles solutions peuvent être envisagées ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si vous relocalisez une activité, il y a mécaniquement une consommation d’énergie en France et non une économie. Il faut donc trouver une autre voie. L’élargissement des C2E à la décarbonation peut en être une, mais il faut y réfléchir.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article 16 : Création d’un plan d’épargne avenir climat

 

Amendement de suppression CS494 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Il s’agit de supprimer ce gadget de M. Bruno Le Maire, le plan d’épargne avenir climat (PEAC), qui est à la fois mal né et mal calibré. C’est vraiment la lutte des classes dès la naissance : ce plan d’épargne s’adresse aux enfants de riches !

Vous auriez pu repenser le livret de développement durable et solidaire (LDDS) en le dédiant exclusivement à la transition écologique, mais non : il fallait un joujou à Bruno Le Maire ! Selon l’étude d’impact, vous en espérez 1 milliard d’euros, sur plus de 5 000 milliards d’euros d’épargne. Vous voyez comme cette somme est ridicule pour financer l’industrie verte et la transition écologique !

La création de ce livret aurait aussi des visées en matière d’éducation financière. C’est n’importe quoi ! Vous voulez former les jeunes à boursicoter dès leur plus jeune âge ?

Enfin, l’épargne n’est même pas fléchée. Le décret n’est pas encore pris, mais on sait de quoi vous êtes capables dans ce domaine !

M. Damien Adam, rapporteur. Ce nouveau produit d’épargne est loin d’être un gadget. Il devrait mobiliser 1 milliard d’euros d’encours, sachant que l’épargne des mineurs représente un montant global de 40 milliards d’euros.

La liquidité qui caractérise le LDDS empêche d’investir l’épargne dans des actifs non cotés ou des produits à long terme. Il a donc fallu trouver un dispositif opérationnel.

J’en conviens, le PEAC ne va pas révolutionner l’épargne des Français – 5 600 milliards d’euros, dont un tiers allant à l’assurance-vie et 500 milliards d’euros aux livrets réglementés. Mais il présente l’intérêt de compléter la palette existante pour financer l’économie réelle et la décarbonation des entreprises, sans qu’elles aient besoin de s’endetter.

Même si vous contestez la philosophie de ce livret, laissez la liberté aux Français d’y recourir – mais je sais que la liberté n’est pas une valeur qui vous sied…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce livret n’est pas un gadget.

Lorsque le PER a été créé par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte, certains l’ont aussi qualifié de « gadget ». Résultat : pour 3 millions de bénéficiaires attendus, il y en a finalement 7, et le montant des encours s’élève à 70 milliards d’euros. Je comprends que vous y soyez opposés philosophiquement, puisqu’il s’agit d’épargne retraite. Mais c’est un succès indéniable, qui permet aux entreprises de disposer de davantage d’épargne disponible.

C’est votre droit de rejeter l’épargne financière individuelle. Le LDDS que vous mettez en avant n’est ni durable, ni solidaire et il ne rapporte pas grand-chose. Le PEAC va permettre à des parents et grands-parents de mettre un peu d’argent à fructifier pour un enfant. La France compte 15 millions de jeunes et 800 000 naissances par an. Laissons les Français décider ! Ne supprimons pas l’article.

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne sais pas si c’est un gadget, mais ce produit est superfétatoire. Vous n’y croyez d’ailleurs pas vous-mêmes, puisque vous n’espérez pas plus de 1 milliard d’encours, alors que le surcroît d’épargne lié à la crise du covid-19 est estimé à 300 milliards d’euros et l’épargne pour les mineurs à 40 milliards.

Vous avez raison de ne pas y croire, car ce n’est pas le bon produit. Mme Chikirou l’a très bien dit, il s’adresse exclusivement aux jeunes issus des milieux les plus favorisés – ce sont les parents cadres supérieurs qui y placeront leur propre épargne. Quels Français des classes populaires ou moyennes peuvent aujourd’hui souscrire à de l’épargne bloquée ? Ce n’est pas le bon outil pour convaincre les Français de participer à la réindustrialisation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1217 de Mme Laurence Heydel Grillere.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Il s’agit de préciser que ce sont bien les parents qui ouvrent le plan d’épargne.

M. Damien Adam, rapporteur. Le mineur n’ayant pas la capacité de contracter, c’est nécessairement son représentant légal qui effectue les démarches, donc votre amendement est satisfait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’autorisation parentale est évidemment requise pour ouvrir un plan d’épargne.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1344 et CS1343 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendements CS341 de Mme Eva Sas, CS801 de M. Gérard Leseul, CS490 de Mme Sophia Chikirou et CS342 de Mme Eva Sas (discussion commune).

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Cet amendement a pour but de s’assurer que l’investissement dans la transition écologique demeure bien la priorité du plan d’épargne avenir climat.

Il est ainsi proposé de supprimer l’expression « en partie », qui introduit une certaine ambiguïté quant à l’objectif recherché. Nous devons éviter tout détournement de ce nouveau produit, qui doit être clairement fléché vers l’accélération de la transition écologique et non servir de support à du greenwashing.

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement va dans le même sens.

Monsieur le ministre délégué, je vous ai plus tôt posé une question à laquelle vous n’avez pas répondu : pourquoi avoir choisi de créer un nouveau produit plutôt que de relever le plafond du LDDS ? Par ailleurs, quel sera le taux du PEAC ? En d’autres termes, quel sera le coût pour l’État ?

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). La modification rédactionnelle proposée permettra de garantir l’orientation du PEAC vers l’industrie verte, contrairement au LDDS.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement CS342 est un amendement de repli. Afin de garantir que la transition écologique est la priorité indiscutable du PEAC, il est précisé que 75 % des sommes épargnées sont fléchées dans cette direction. Avec la formulation actuelle, « Les versements dans un plan d’épargne avenir climat sont affectés en partie à l’acquisition de titres financiers qui contribuent au financement de l’économie productive et de la transition écologique », tout reste possible.

M. Damien Adam, rapporteur. Pour renforcer l’attractivité du nouveau produit, il importe d’adresser un message clair aux citoyens. Je suis favorable à l’amendement CS341.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Monsieur Leseul, il n’y a pas de taux garanti. L’épargne sera investie dans des actions, donc soumise à leur volatilité, avec un mécanisme de désinvestissement progressif pour qu’elle soit parfaitement liquide aux 18 ans du jeune. Le rendement sera équivalent à celui d’un portefeuille d’actions sur dix-huit ans.

La commission adopte l’amendement CS341.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Amendements identiques CS1426 de M. Damien Adam, CS343 de Mme Eva Sas, CS495 de Mme Alma Dufour et CS1272 de M. Gérard Leseul.

M. Damien Adam, rapporteur. Afin de renforcer l’attractivité du produit et de répondre aux critiques formulées par Mme Chikirou sur le LDDS, il est proposé de supprimer la mention de l’économie productive. Le livret sera ainsi entièrement dédié à la transition écologique.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Mon amendement a le même objet. L’expression « économie productive » fait référence au modèle économique dominant du productivisme qui, associé à l’exploitation intensive des ressources naturelles, exerce une pression considérable sur les écosystèmes naturels, tant à l’échelle locale que sur le plan climatique. L’économie productive est en contradiction avec l’objectif affiché du plan d’épargne avenir climat.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS1271 de M. Jérôme Nury, CS749 de M. Alexandre Loubet et CS831 de Mme Marie-Noëlle Battistel tombent.

 

Amendement CS282 de Mme Yaël Menache.

Mme Yaël Menache (RN). Le plan d’épargne avenir climat, destiné aux jeunes, a pour but de financer la transition écologique par des investissements dans des entreprises qui se consacrent au développement d’énergies renouvelables, dont les éoliennes. Cet amendement vise à exclure ces dernières en raison du désastre écologique qu’elles constituent, notamment parce que les matériaux utilisés ne sont pas recyclables et sont en réalité fort polluants. Compte tenu de notre objectif de zéro artificialisation nette, il est préférable d’utiliser les emprises foncières pour des projets industriels.

M. Damien Adam, rapporteur. Nous en avons déjà longuement débattu. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1400 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les titres financiers contribuant au financement de la transition écologique dans lesquels le PEAC est investi doivent avoir été émis par des entreprises françaises ou européennes, à l’image de ce qui est prévu pour le plan d’épargne en actions (PEA).

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS305 et CS304 de Mme Eva Sas (discussion commune).

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement CS305 propose qu’au moins une partie des sommes collectées dans le cadre du futur PEAC soient obligatoirement orientées vers des structures agréées Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale), qui œuvrent en faveur de la transition écologique mais également dans le champ de la solidarité et du lien social.

Il s’agit de rappeler une évidence : le combat social et le combat environnemental vont de pair.

Je retire l’amendement CS304, qui est presque identique.

M. Damien Adam, rapporteur. Les ESUS qui œuvrent pour la transition écologique sont déjà comprises dans le champ du PEAC. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. De deux choses l’une. Soit ces ESUS – qui sont de très belles entreprises – interviennent dans le domaine de la transition écologique, et elles sont alors parfaitement éligibles. Soit elles ne participent pas à cette transition, et elles ne peuvent bénéficier des sommes collectées dans le cadre du PEAC. Demande de retrait.

L’amendement CS304 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS305.

 

Amendement CS491 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Les versements dans un plan d’épargne avenir climat devaient initialement bénéficier d’une protection suffisante de l’épargne investie Le Sénat a adopté un amendement qui permet au titulaire d’un PEAC de s’affranchir de cette disposition. Notre amendement propose d’y revenir.

Il paraît déraisonnable de laisser un mineur investir son épargne dans des produits risqués – même si les stratégies financières seront en réalité plutôt déterminées par l’avocat d’affaire de la famille ! Une ministre a récemment été épinglée, car un de ses parents avait ouvert des comptes pour ses enfants : on a vraiment l’impression que ce nouveau plan d’épargne est créé pour ce genre de familles !

Il faut mettre les enfants à l’abri de ce type de stratégie financière. Cela revient à les amener au casino pour leur apprendre à jouer ! Voter pour cet amendement relève de la protection de l’enfance !

M. Damien Adam, rapporteur. Le PEAC pourra être proposé par n’importe quel acteur bancaire ou assurantiel, y compris l’agence bancaire locale dans laquelle vous avez votre compte courant. Tout le monde pourra en ouvrir un et y investir 50 ou 100 euros. Ce sera déjà quelque chose pour la transition écologique comme pour l’avenir de l’enfant. À 18 ans, il pourra s’en servir pour financer son permis de conduire, ses études ou tout ce qu’il voudra ; avant cet âge, il pourra choisir la manière dont il souhaite que son plan soit géré – soit une gestion à horizon, comme dans le cas de l’assurance-vie, soit une gestion libre. Je ne vois pas au nom de quel dogme on s’opposerait à cette liberté.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vive la gestion libre ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1216 de Mme Laurence Heydel Grillere.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Cet amendement rédactionnel propose que seul le représentant légal puisse choisir un niveau de risque plus élevé, le titulaire du contrat étant mineur. Ce n’est pas à un gamin de le faire.

M. Damien Adam, rapporteur. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Un mineur ne peut pas faire ce type d’opération, qui relève de son représentant légal. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS1153 de M. Mohamed Laqhila.

M. Frédéric Zgainski (Dem). L’amendement prévoit d’une part que, jusqu’à 16 ans, le titulaire du PEAC ne peut s’opposer à l’affectation de son épargne selon une allocation offrant une protection suffisante qu’avec l’accord de son représentant légal. De 16 à 18 ans, le titulaire pourra s’opposer à cette affectation à moins que son représentant légal ne s’y oppose.

M. Damien Adam, rapporteur. Demande de retrait, pour les raisons évoquées précédemment.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS999 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il précise que les principes d’allocation des encours du PEAC doivent effectivement satisfaire aux critères d’investissement dans la transition énergétique et écologique.

M. Damien Adam, rapporteur. Mon amendement CS1426 et les amendements identiques que nous venons d’adopter répondent très précisément à votre préoccupation. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CS802 de M. Gérard Leseul.

M. Philippe Brun (SOC). Nous pensons qu’il faut exclure du PEAC les investissements dans toutes les entreprises dont les activités économiques porteraient un préjudice important à l’environnement. Notre amendement est assez similaire à celui de M. Fournier, dont vous avez dit qu’il était satisfait : nous souhaiterions que vous développiez vos arguments.

M. Damien Adam, rapporteur. Les amendements identiques que j’ai évoqués ont supprimé la mention de l’économie productive à l’alinéa 12, ce qui restreint les investissements éligibles à la seule transition écologique. Votre amendement est donc également satisfait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le principe « Do No Significant Harm » auquel vous faites référence dans l’exposé sommaire n’est pas conçu pour définir une activité non durable – dont il n’existe d’ailleurs pas de définition au niveau européen. Les critères actuels ne couvrent qu’un nombre restreint d’activités.

C’est la raison pour laquelle je partage l’argumentation du rapporteur : nous avons prévu expressément que les investissements doivent être totalement consacrés à des activités durables, ce qui est beaucoup plus clair que la formulation ambiguë retenue dans votre amendement. Demande de retrait.

M. Dominique Potier (SOC). Il est effectivement difficile de vouloir qu’un produit financier investisse dans une industrie verte qui n’a pas été véritablement définie.

Afin d’éclairer nos travaux à venir en séance, pourriez-vous indiquer quel est le coût pour les finances publiques de ce PEAC consacré à un secteur d’activité mal défini, et qui est probablement réservé aux classes moyennes supérieures, voire très aisées ? Et peut-on savoir ce que la même somme aurait permis de faire en matière de déplafonnement du LDDS, pour le rendre plus populaire et lui permettre de mieux contribuer à l’économie verte ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne voudrais pas laisser croire que le PEAC est réservé aux petits-enfants de milliardaires. Ce livret a vocation à être populaire. Certes, il faut pouvoir y mettre un peu d’argent de côté pendant dix-huit ans et ne pas en disposer pendant cette période, sauf accident de la vie extrêmement grave.

Les instruments d’épargne destinés à la jeunesse représentent un encours de 40 milliards d’euros. Les jeunes Français ont de l’épargne ! Cela ne concerne donc pas que Crésus. Beaucoup de grands-parents sont prêts à verser de 50, 100 ou 500 euros sur un livret pour leurs petits-enfants, plutôt que d’acheter un cadeau de naissance. Plus ce livret sera populaire, mieux ce sera. Évitons de caricaturer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1348 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Le Sénat avait proposé d’exclure certaines activités du champ d’investissement du PEAC. Cet amendement revient sur cette disposition et précise que les stratégies d’investissement que le PEAC peut proposer sont définies par décret.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CS1347 de M. Damien Adam et CS1273 de Mme Eva Sas.

M. Damien Adam, rapporteur. L’objet de cet amendement est de supprimer une contrainte adoptée par le Sénat qui consiste à imposer que la part des titres dans lesquels le PEAC est investi et qui contribuent à la transition écologique ne peut être inférieure à celle des titres contribuant à l’économie productive. Puisque nous avons supprimé la référence à cette dernière, il convient d’en tirer les conséquences.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les amendements CS343 et identiques que nous avons adoptés, qui ont supprimé la mention relative à l’économie productive.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CS1346 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la rédaction du Sénat qui impose que les titres contribuant à la transition écologique soient définis exclusivement par référence aux labels ISR et Greenfin. Ces labels sont pertinents, mais ils restreignent trop le champ d’investissement du PEAC. Ainsi, le label Greenfin ne porte que sur les activités déjà vertes, ce qui exclut la transition écologique. Quant au label ISR, il n’est attribué qu’à des titres cotés et ignore donc beaucoup d’activités et d’entreprises. Je propose une rédaction un peu plus souple qui propose que ces titres soient définis par décret, notamment en faisant référence aux labels.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS493 de M. Matthias Tavel, CS610 de Mme Émilie Bonnivard, CS1274 de Mme Eva Sas et CS1270 de M. Jérôme Nury tombent.

 

Amendements CS803 et CS804 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement CS803, suggéré par France Active, impose d’orienter une partie des sommes collectées dans le cadre du futur PEAC vers des structures agréées ESUS, qui s’investissent dans la transition écologique mais également dans le champ de la solidarité et du lien social.

Il est en effet impératif de prévoir des financements consacrés à une transition écologique juste, répondant aux défis environnementaux et aux besoins sociaux. C’est notamment le cas des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, qui, en plus d’être très actives dans l’économie circulaire, ont le plus souvent une gouvernance démocratique et limitent les écarts de rémunération. Elles apportent ainsi une réponse aux attentes légitimes des citoyens en proposant des solutions solidaires aux problèmes environnementaux ; elles privilégient l’efficacité sur la rentabilité.

Afin d’encourager le développement de ces entreprises et de leur permettre de changer d’échelle pour construire une économie centrée sur l’humain, il nous semble pertinent d’orienter une partie des fonds collectés vers l’Esus.

M. Gérard Leseul (SOC). À l’occasion de la mise en place de ce nouveau plan d’épargne, il ne faut pas oublier la dimension de l’ESS. Elle représente environ 10 % du PIB et constitue un acteur très dynamique de la transition énergétique. Il faut donc prévoir qu’une partie des sommes investies dans le PEAC bénéficieront aux entreprises de l’ESS, quel que soit leur statut juridique. C’est l’objet de l’amendement CS804.

M. Damien Adam, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, les entreprises de l’ESS sont déjà prises en compte. Demande de retrait.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Financer des entreprises de l’ESS est déjà possible. Ce n’est pas obligatoire, mais il faut préserver la libre activité du gestionnaire. Demande de retrait.

M. Gérard Leseul (SOC). Les deux amendements ont pour objet de favoriser l’ESS. L’un permet d’y investir, l’autre oblige à le faire.

Chacun sait que l’ESS peut avoir recours à tous les instruments de financement, dont par exemple les prêts de Bpifrance – sans oublier, au passage, que l’économie sociale avait été oubliée pendant plusieurs mois lors de la mise en place des prêts garantis par l’État. Mais nos amendements permettent de marquer le coup à l’occasion de la création du PEAC, en soulignant que l’économie sociale peut et doit en bénéficier.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je soutiens ces amendements. Vous nous dites que les entreprises de l’ESS pourront bénéficier du PEAC. Encore heureux ! Nous souhaitons qu’une partie des sommes collectées soient spécifiquement orientées vers ces entreprises, qui allient combat social et environnemental.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CS345 de Mme Eva Sas et CS492 de M. Matthias Tavel.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit d’exclure du champ d’investissement du PEAC toutes les entreprises dont les activités économiques entraînent des dommages environnementaux ou sociaux importants, conformément au principe « Do No Significant Harm » de la taxonomie européenne.

Cela concerne spécifiquement les entreprises impliquées dans l’exploration, la production, la transformation et le transport d’énergies fossiles telles que le charbon, le pétrole ou le gaz. Il s’agit d’exclure ces activités polluantes, ce qui est la moindre des choses pour un plan d’épargne prénommé « avenir climat ».

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Ces amendements sont tout simplement une mesure de protection de l’enfance et des grands-parents, mais aussi des consommateurs ! On leur fait croire qu’ils vont placer leur argent dans l’écologie, et ils se rendront compte finalement qu’ils ont financé une mine de charbon. C’est de la publicité trompeuse. Imaginez le traumatisme du gamin qui récupère son argent à 18 ans : le plan lui a rapporté 6 à 7 % par an, il se dit qu’il est devenu très riche en protégeant la planète, et il s’aperçoit qu’il a investi dans le pétrole, le gaz de schiste et toutes sortes de choses horribles. Il tombe dans la drogue !

M. Damien Adam, rapporteur. Il est en effet important de lutter contre la pétrolophobie.

La nouvelle rédaction de l’alinéa 12 que nous avons adoptée, qui a supprimé la référence à l’économie productive, permet bien de concentrer les investissements du nouveau produit d’épargne dans la transition écologique. Cela exclut tous les secteurs que vous venez de citer, ce qui est rassurant pour la jeune génération !.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les jeunes bénéficiaires du PEAC ne tomberont pas dans la drogue, madame Chikirou , en tout cas pas à cause de ça.

Comme je l’ai déjà indiqué, le principe « Do No Significant Harm » ne permet pas de distinguer entre activités durables et non durables. Votre amendement est satisfait par la nouvelle rédaction de l’alinéa 12. Demande de retrait.

M. Gérard Leseul (SOC). Je reviens sur le vote des amendements CS803 et CS804, pour lequel le président a procédé un peu vite. Le premier proposait une obligation et le second une faculté. J’appelle mes collègues à être vigilants en séance afin de pouvoir voter en faveur de ce dernier.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme l’a dit votre excellente collègue Eva Sas, il est satisfait, et encore heureux.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Ce n’est pas en ce sens que je l’ai dit.

Mme Huguette Tiegna (RE). Madame Chikirou, si les jeunes ne sont pas choqués par le fait d’acheter un iPhone, dont la fabrication nécessite de l’énergie susceptible de provenir du charbon ou du gaz de schiste, ils ne seront certainement pas psychologiquement atteints par le fait d’investir dans un fonds qui participe à la transition écologique.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CS1352 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. L’amendement supprime le dispositif introduit par le Sénat pour plafonner les frais applicables au PEAC.

Tous les acteurs susceptibles de commercialiser ce produit nous disent qu’à ce stade, ils ne sont pas capables de définir quel sera le montant maximum de frais qu’il serait légitime de proposer, car ils ne connaissent ni l’encours du livret ni le nombre de clients. Je propose donc de supprimer la disposition votée un peu prématurément par le Sénat.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Vos propos ne sont pas rassurants, monsieur le rapporteur. On comprend bien que tout ne soit pas encore défini, mais en l’occurrence on ne connaît pas le niveau des frais qui seront supportés par les épargnants ni le taux de rémunération. On aurait pu imaginer que le produit comprenne des garanties pour limiter les risques à la baisse. Cela se fait, pour protéger le patrimoine des enfants, même ceux des riches ! Bref, nous sommes complètement dans le flou.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il n’y a pas de flou et pas de loup. Nous préférons faire la transparence sur les frais plutôt que de les plafonner. Lors de la mise en place du plan d’épargne retraite, un débat nourri avait eu lieu au sujet du plafonnement des frais, lequel n’avait finalement pas été retenu. Résultat : 70 milliards d’encours. En revanche, les frais ont été plafonnés à 1 % pour un produit européen d’épargne. Résultat : aucun encours.

La transparence des frais est en effet essentielle, pour éviter le flou. Mais si les banques font payer trop cher, les Français ne sont pas idiots : riches ou non, ils ne leur confieront pas leur épargne !

En France, on ne plafonne pas le prix des bonbons Haribo. Je sais que certains aimeraient bloquer les prix, mais ce n’est pas mon cas.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS967 et CS957 de M. Jean-Philippe Tanguy tombent.

 

Amendement CS1403 de M. Damien Adam.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). L’adoption de cet amendement du rapporteur ferait tomber mon amendement CS1219, qui vise à réécrire l’alinéa 18 afin de rendre plus souple la procédure de clôture d’un plan d’épargne avenir climat.

Dans la rédaction actuelle, ce plan peut n’être pas clôturé avant les 25 ans du titulaire, bien que des déblocages exceptionnels soient possibles avant cet âge. Avec mon amendement, le titulaire pourrait faire le choix de clôturer son PEAC, selon sa date d’ouverture, entre 18 et 25 ans – une tranche d’âge pendant laquelle les besoins de fonds sont différents d’un jeune à l’autre. La possibilité donnée au titulaire de clôturer son plan d’épargne quand il le souhaite, pour des raisons qui appartiennent à chacun, rendra le produit plus attractif et plus accessible.

M. Damien Adam, rapporteur. Mon amendement, qui a le même objet, fera effectivement tomber le CS1219.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Cela signifie-t-il que le PEAC ne sera plus réservé aux mineurs ? J’ai cru comprendre que son titulaire pourrait continuer d’y verser des fonds jusqu’à 25 ans.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Absolument pas. Jusqu’à l’âge de 18 ans, le plan d’épargne est investi en actions ; à partir de 18 ans, il devient monétaire et il n’est plus possible d’y déposer de l’argent. Le titulaire pourra choisir le moment auquel il retirera les fonds entre 18 et 25 ans – le moment où il passera son permis, pour reprendre mon exemple. Je le répète : le PEAC est un plan d’épargne destiné aux mineurs, auquel les majeurs n’ont pas droit. Après 18 ans, le PEAC ne sera plus investi en actions : il deviendra purement monétaire, au même titre qu’un livret ou un compte à vue.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS1219 de Mme Laurence Heydel Grillere et CS1182 de M. Timothée Houssin tombent.

 

Amendement CS1221 de Mme Laurence Heydel Grillere.

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). Aux termes de l’alinéa 19, les droits constitués ne peuvent être liquidés ou rachetés, même partiellement, avant l’âge de 18 ans qu’en cas d’invalidité du titulaire ou de décès de l’un de ses parents. Cependant, aucun pourcentage d’invalidité n’est mentionné : je propose donc que ce taux soit fixé par décret.

M. Damien Adam, rapporteur. Je ne pense pas qu’il faille déterminer un taux d’invalidité. Les conditions de blocage sont suffisamment importantes et, dans ce genre de situations, les familles doivent donc avoir accès aux fonds du PEAC. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1355 et CS1356 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

M. Gérard Leseul (SOC). Monsieur le ministre délégué, vous nous avez expliqué que, passé l’âge de 18 ans, les actifs contenus dans le PEAC deviendraient des valeurs monétaires. À quel moment précis cette transformation se fera-t-elle ? Sera-t-elle automatique, le jour de l’anniversaire du titulaire ? Lorsqu’un actionnaire fait un arbitrage, il choisit le meilleur moment : il n’échange pas ses actions contre des fonds monétaires ou des obligations n’importe quand ! Si la bascule se produit le jour des 18 ans du titulaire, certains auront peut-être plus de chance que d’autres.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Deux options sont possibles. En gestion libre, le titulaire du plan d’épargne choisit les investissements à sa guise mais, à partir de 18 ans, il ne peut plus y placer d’argent. En gestion programmée, le portefeuille est progressivement désensibilisé à l’approche des 18 ans du titulaire, de la même façon que les plans d’épargne retraite sont progressivement désensibilisés à l’approche de la retraite de leur détenteur pour être convertis en valeurs monétaires. Quoi qu’il en soit, après 18 ans, le titulaire d’un PEAC peut retirer son argent au moment de son choix.

Amendement CS1354 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement vise à assurer la transférabilité des PEAC, afin que leurs titulaires puissent passer d’un acteur bancaire à un autre.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1357, CS1358, CS1359, CS1363, CS1360 et CS1362 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS878 de Mme Marie Lebec.

Mme Marie Lebec (RE). Nous demandons la suppression des alinéas 47 et 48. Nous sommes favorables à une fiscalité avantageuse rendant ce nouveau plan d’épargne attractif, mais nous considérons que les dispositions fiscales ont davantage leur place en loi de finances.

M. Damien Adam, rapporteur. Avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Nous retrouverons donc ces dispositions dans le prochain projet de loi de finances ?

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1364 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Pour ma part, je demande la suppression des alinéas 47 à 49, qui permettent de déduire du revenu imposable de son titulaire les versements effectués sur un PEAC. Ces dispositions ne constituent qu’un élément du régime fiscal applicable aux PEAC ; elles n’apportent aucune précision quant au traitement des intérêts ou à l’assujettissement des gains aux prélèvements sociaux.

Les modalités d’imposition du PEAC devront être fixées de manière globale et cohérente, de sorte qu’elles soient suffisamment avantageuses pour contribuer à la popularité de ce produit. Cette discussion trouverait davantage sa place dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 16 modifié.

 

Après l’article 16

 

Amendement CS935 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). J’ai déjà soulevé la question de la place des salariés dans la stratégie de verdissement et de réindustrialisation de nos territoires. Beaucoup ont regretté que la formation occupe une place aussi réduite dans le présent projet de loi, alors que le sujet était attendu – mais je sais que d’autres textes viendront.

Nous proposons d’ajouter, parmi les questions sur lesquelles le comité social et économique (CSE) d’une entreprise est informé et consulté, « les stratégies de transition et les financements qui sont reçus ». Ces sujets affectent très directement les salariés, qui bénéficieraient donc, en quelque sorte, d’un nouveau droit en lien avec la réindustrialisation.

M. Damien Adam, rapporteur. Votre amendement est sur le point d’être satisfait par la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD, selon laquelle la direction des grandes entreprises doit fournir des informations aux représentants des travailleurs et négocier avec eux sur le thème de la durabilité. Des avis seront recueillis et communiqués aux organes exécutifs et aux actionnaires de l’entreprise. Je vous propose donc d’attendre la transposition de cette directive dans notre droit interne. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Mon amendement prévoit une information du CSE sur deux sujets : les stratégies de durabilité, d’une part, et les financements reçus par l’entreprise au titre de la transition écologique, d’autre part. Vous n’avez pas répondu sur le second sujet.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 17 : Instauration d’une contribution de l’assurance-vie et du plan d’épargne retraite au financement d’actifs réels et renforcement de la protection de l’épargnant

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1366, CS1367 et CS1368 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS1334 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement vise à simplifier le recours à une valeur estimative des actifs.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS808 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Quelles garanties avons-nous que le plan d’épargne destiné aux jeunes sera fléché vers l’économie française et que les fonds européens d’investissement de long terme (Eltif) contribueront à une stratégie d’investissement orientée prioritairement vers des projets français ?

M. Damien Adam, rapporteur. Votre amendement pose plusieurs problèmes. Je crains tout d’abord que la détermination, dès le moment de l’investissement, de la « part française » ne se heurte, dans une économie ouverte, à des difficultés méthodologiques, a fortiori pour les projets visant à l’export. Une telle disposition risque par ailleurs de créer une discrimination incompatible avec le droit européen et d’entraîner une restriction trop brutale de l’univers d’investissement accessible aux épargnants français. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ajoute que l’article 17 ne concerne pas les Eltif, mais la gestion pilotée et profilée de l’assurance-vie. Le débat pourra éventuellement avoir lieu ailleurs. Quoi qu’il en soit, votre amendement n’est pas conforme au droit européen. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1369, CS1370, CS1371 et CS1372 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendements CS984 et CS986 de M. Mathieu Lefèvre, amendements identiques CS1164 de M. Mohamed Laqhila et CS1335 de M. Damien Adam, amendements CS1163 de M. Mohamed Laqhila et CS985 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune).

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’amendement CS984 est presque rédactionnel : il vise à remplacer la notion d’« actifs non cotés », qui n’est définie nulle part dans le code monétaire et financier, par la notion d’« instruments financiers non admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger ».

Quant à l’amendement CS986, il vise à préciser, dans le sens d’une plus grande souplesse, la stratégie des organismes de placement collectif éligibles à la part minimale instaurée par le nouvel article L. 132-5-4 du code des assurances.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Les dispositifs prévus à l’article 17 ont pour objectif de développer la part des encours investis en actifs non cotés. Dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie, il est néanmoins plus délicat de proposer des investissements dans le non coté – les actifs doivent être liquides car l’assureur est tenu de verser les sommes correspondantes dans les deux mois suivant la demande de rachat. L’amendement CS1164 vise donc à rétablir la rédaction initiale de l’alinéa 13 en supprimant la disposition prévoyant que le sous-quota d’unités de compte investies en actifs non cotés ne peut être inférieur à un seuil fixé par arrêté. L’amendement CS1163, quant à lui, vise à rendre ce seuil facultatif.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Par notre amendement CS985, nous souhaitons que le sous-quota d’actifs non cotés fasse explicitement référence aux organismes de placement collectif.

M. Damien Adam, rapporteur. Tous ces amendements concernent le sous-quota d’actifs non cotés au sein de la possible part minimale d’actifs non cotés ou d’actifs finançant les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire. Je vous propose d’adopter l’amendement CS986 ainsi que les amendements identiques CS1164 et CS1335, qui sont les mieux rédigés ; je donne aux autres un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je demande le retrait de l’amendement CS984, qui empêcherait l’investissement dans ces actifs importants que sont les infrastructures. Comme le rapporteur, je suis favorable aux amendements CS986, CS1164 et CS1335, au profit desquels je demande le retrait des amendements CS1163 et CS985.

La commission adopte successivement l’amendement CS986 et les amendements identiques CS1164 et CS1335, les autres amendements ayant été retirés.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1373, CS1374, CS1375, CS1376, CS1377, CS1378, CS1379, CS1380, CS1381 et CS1382 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS1331 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement vise à exclure les contrats de retraite « article 83 » et les PEAC en gestion pilotée par horizon du champ d’application des obligations de formalisme et de conseil prévues dans le cadre d’un mandat d’arbitrage.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CS1161 de M. Mohamed Laqhila.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Cet amendement vise à instaurer un devoir de conseil dans le cas où l’intermédiaire ou l’entreprise d’assurance ou de capitalisation est informé d’un changement de la situation du bénéficiaire ou des bénéficiaires du contrat.

M. Damien Adam, rapporteur. Le bénéficiaire éventuel d’un contrat d’assurance-vie ne contribue en rien à l’effort d’épargne du souscripteur. C’est le souscripteur et lui seul qui place son argent et en assume les risques financiers. Il ne serait pas logique que le devoir de conseil de l’intermédiaire ou de l’entreprise d’assurance ou de capitalisation s’exerce en fonction de la situation financière du bénéficiaire. Peut-être même serait-ce un peu incongru… Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS1332 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Les acteurs commercialisant un produit d’épargne sont soumis à un devoir de conseil fixé à l’article L. 522-1 du code des assurances. Il convient de clarifier l’articulation entre ce devoir de conseil général et les obligations de conseil du mandataire dans le cadre d’un mandat d’arbitrage en assurance-vie. Pour ce faire, nous proposons d’ajouter la phrase suivante : « Lorsque le contrat fait l’objet d’un mandat d’arbitrage mentionné à l’article L. 132-27-3, les obligations de conseil relatives au mandat sont mises en œuvre dans les conditions prévues au I de l’article L. 132-27-4. »

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CS1336 de M. Damien Adam et CS1399 de M. Mohamed Laqhila.

M. Damien Adam, rapporteur. Nous nous opposons une nouvelle fois à l’instauration d’un sous-quota spécifique pour les actifs non cotés. Il convient donc de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 50.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS1422 de M. Mohamed Laqhila et CS1439 de M. Charles de Courson tombent.

 

Amendement CS1333 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam, rapporteur. Je propose de plafonner les frais applicables en cas de transfert d’un ancien contrat vers un plan d’épargne retraite.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Pourquoi est-il désormais possible de plafonner des frais alors que vous nous avez expliqué tout à l’heure que ce n’était pas une bonne idée ? Vous disiez que l’on ne connaissait pas l’encours des contrats ni le nombre de bénéficiaires…

M. Damien Adam, rapporteur. Nous parlions tout à l’heure du plan d’épargne avenir climat, qui n’existe pas encore : il est impossible de connaître les frais de ce produit, puisque nous n’avons aucune idée des encours ni du profil des clients. L’article 17 porte sur un tout autre sujet, celui des PER : ces contrats existent, nous pouvons évaluer le montant des frais de transfert et donc les plafonner.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1385, CS1383 et CS1384 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS983 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit d’étendre à l’ensemble des PER existants la possibilité d’inclure une part minimale de capital-investissement composée de « catégories d’organismes de placement collectif investis en actifs non cotés ou en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier ».

M. Damien Adam, rapporteur. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Votre amendement va à l’encontre du droit des contrats. Cependant, cette possibilité s’étendra de manière naturelle. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 17 modifié.

 

Article 17 bis : Instauration de l’obligation d’une contribution minimale du capital-risque au financement de la transition écologique

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1394, CS1395 et CS1396 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 17 bis modifié.

 

Après l’article 17 bis

 

Amendement CS496 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Cet amendement permettra de résoudre enfin les problèmes de financement du développement de l’industrie verte. Nous rêvions tous de cette solution, qui sera exactement à la hauteur des besoins ! Nous vous proposons en effet une contribution exceptionnelle sur les encours d’assurance-vie supérieurs à 50 000 euros. Ce ne sont donc pas les classes populaires ni les classes moyennes qui sont visées : il s’agit de faire financer la transition écologique et l’investissement dans l’industrie verte par les plus gros pollueurs.

Cette idée d’un impôt écologique exceptionnel sur la fortune financière est tirée du rapport Pisani. Nous en rediscuterons certainement en séance, puis lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Nous continuerons à défendre cette idée, qui fait son chemin et finira par être appliquée dans notre pays. Pour financer la transition écologique et investir dans l’industrie verte à la hauteur des besoins, il va falloir que ceux qui profitent le plus de l’industrie la plus carbonée, la plus polluante, contribuent à la hauteur de leur fortune.

M. Damien Adam, rapporteur. Vous souhaitez instaurer un impôt sur le patrimoine, notamment sur l’épargne accumulée, dont le taux serait de 0,5 %. C’est une très mauvaise idée, d’autant qu’en taxant les encours d’épargne supérieurs à 50 000 euros, vous frapperiez une grande partie de la classe moyenne, ce qui serait d’autant plus contre-productif. Il convient de réorienter l’épargne des Français vers la transition écologique plutôt que de permettre à l’État de la ponctionner pour financer de la dépense publique – nous avons déjà un budget de l’État rapporté au PIB beaucoup plus important que n’importe quel autre pays européen.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Ce n’est pas sérieux !

M. Damien Adam, rapporteur. Ce n’est pas une question de sérieux : nous avons une philosophie différente. Vous voulez taxer toujours plus les Français. Certes, vous dites que vous vous concentrerez sur les revenus les plus élevés, mais à chaque fois que vous prétendez agir de la sorte, ce sont finalement tous les Français des classes moyennes qui paient. Voilà ce que nous avons vu à chaque fois que la gauche est arrivée au pouvoir. Je désapprouve ce genre de solution et donne donc un avis défavorable à votre amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Il est tout de même un peu exagéré de dire que la fortune commence à 50 000 euros – ou de proposer un impôt sur la fortune à partir de ce seuil.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Donc vous pensez que nos compatriotes de la classe moyenne qui disposent d’une épargne de 50 000 euros sont de gros pollueurs riches qu’il faut taxer. Il y a un petit décalage avec la réalité… En France, il n’existe plus de dispositif de défiscalisation ou d’épargne intéressant pour les classes moyennes, qui travaillent toute leur vie et qui souhaitent constituer une petite épargne, hormis l’assurance-vie et le plan d’épargne retraite. Mettre à contribution les épargnants disposant de 50 000 euros d’encours n’est franchement pas sérieux – votre argumentaire divergeait d’ailleurs profondément du dispositif de votre amendement. Et même si le seuil était plus élevé, je m’y opposerais du fait de l’absence de produit d’épargne intéressant dans notre pays.

M. Philippe Brun (SOC). L’encours moyen des contrats d’assurance-vie en France s’élève à 30 000 euros. À 50 000 euros, on est donc largement au-dessus.

L’encours total de ces contrats dépassant les 1 880 milliards d’euros en 2022, l’adoption de l’amendement procurerait 9 milliards d’euros de recettes. Ce prélèvement serait utile, sur des contrats qui ont un fort rendement, bien supérieur à celui du Livret A ou du LDDS. En l’instaurant, nous accomplirions un vrai pas en avant pour la transition écologique. Et puis, cette proposition émane de Jean Pisani‑Ferry, le rédacteur du programme économique d’Emmanuel Macron.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu de voter en faveur de l’amendement.

M. le président Bruno Millienne. M. Pisani-Ferry n’a pas recommandé de taxer l’assurance-vie.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). La précision sur l’encours moyen des contrats d’assurance-vie est importante. N’oublions pas que les classes moyennes placent d’abord leur argent dans les plans d’épargne logement (PEL) et les livrets. L’assurance-vie, elle, est un produit à moyen terme, dans lequel l’épargne n’est pas liquide avant sept ou huit ans : elle est donc pour les ménages qui n’ont pas besoin de ces fonds immédiatement. Ce n’est pas le placement prioritaire des classes moyennes. Cet amendement vise bien à taxer les riches, autrement dit des personnes qui ont déjà profité du PEL, du livret A et d’autres produits plus sûrs.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 18 : Soutien au développement des fonds européens d'investissement de long terme (Eltif 2.0)

 

Amendement de suppression CS805 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous souhaitons supprimer l’article 18 : bien que nous soutenions la volonté du Gouvernement d’inciter à la décarbonation des entreprises non cotées, la démarche retenue suscite des questions. D’ailleurs, cet article ne figure pas dans le dossier de presse du Gouvernement sur le projet de loi, alors que les autres mesures relatives à la mobilisation de l’épargne des Français le sont. Pourquoi avez-vous introduit ce dispositif dans le texte ?

M. Damien Adam, rapporteur. Les articles 18 et 19 visent un même objectif : développer le label Eltif – fonds européens d’investissement à long terme. Comme leur nom l’indique, ces fonds sont constitués d’actifs de long terme et bénéficient d’un passeport qui les autorise à être commercialisés auprès des investisseurs de détail – les investisseurs non professionnels – dans toute l’Union européenne. Nous souhaitons figurer parmi les premiers pays européens à adapter notre droit au règlement européen du 15 mars 2023 les règles applicables aux fonds européens d’investissement à long terme – qui existent depuis plusieurs années mais dont les encours restent très faibles – et créé les Eltif 2.0 : c’est l’objet de l’article 18.

Il s’agit principalement d’un enjeu de concurrence : alors que plusieurs pays, notamment le Luxembourg, profitent de la révision du règlement relatif aux Eltif pour attirer des fonds et l’épargne européenne, la France doit bâtir un cadre à la fois attractif et protecteur pour financer son économie et la transition écologique. Plusieurs observateurs estiment que les encours des Eltif pourraient atteindre 100 milliards d’euros d’ici à 2030, contre 11,8 milliards d’euros actuellement. Si la France compte parmi les premiers pays à transposer la réglementation européenne, elle pourra en bénéficier pour accompagner les entreprises de notre pays.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La présentation de l’article n’était certes pas aussi développée que celle des autres dans le dossier de presse, mais elle y figurait bien.

L’article vise, comme l’a très bien dit M. le rapporteur, à inscrire dans le droit français une simplification de règles européennes qui vise à accélérer le développement des Eltif. Ceux-ci sont les premiers fonds européens permettant aux investisseurs privés d’investir là où ils le souhaitent. Si nous sommes parmi les premiers à adapter notre droit, nous pourrons attirer un grand volume d’encours, attirer les capitaux des épargnants européens et éviter que les épargnants français aillent investir au Luxembourg ou en Irlande. Voilà pourquoi nous avons intégré cet article dans ce texte, et qu’il ne faut surtout pas supprimer.

M. Gérard Leseul (SOC). Je maintiens l’amendement car vous privilégiez, là encore, un produit d’épargne destiné aux nantis.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1311 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS989 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Cet amendement vise à ce que tous les fonds communs de placement à risques puissent recevoir le label Eltif, qu’ils investissent directement ou à travers d’autres fonds ou des sociétés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte les amendements rédactionnels CS1312, CS1314, CS1321, CS1318, CS1319, CS1322, CS1323, CS1324, CS1325 et CS1326 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

Amendement CS987 de M. Mathieu Lefèvre et sous-amendement CS1419 de M. Damien Adam.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit d’aligner les conditions d’éligibilité des fonds professionnels de capital investissement sur celles des FCPR et de rendre applicables au PEA-PME les conditions assouplies par le présent article pour le PEA.

M. Damien Adam, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement de M. Lefèvre, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui corrige une référence erronée.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable à l’amendement sous-amendé.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

 

Amendements CS1160 de M. Mohamed Laqhila et CS988 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune).

M. Frédéric Zgainski (Dem). Alors que la rédaction actuelle de l’alinéa 20, introduit au Sénat, laisse un délai supplémentaire aux fonds communs de placement à risques (FCPR) – jusqu’au troisième exercice du fonds – pour se conformer à l’obligation d’investissement de leur actif à hauteur d’au moins 75 % en titres issus de sociétés ayant leur siège dans un État de l’Espace économique européen (EEE), il est proposé de mieux tenir compte des contraintes propres aux périodes d’investissement et de désinvestissement de ces fonds, dont les durées peuvent varier.

L’amendement vise à reprendre un mécanisme similaire à celui des fonds Eltif, qui consiste à aligner la temporalité du quota du PEA sur celle du quota de composition de l’actif du fonds.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Dans le même esprit, il s’agit de décaler l’obligation d’investissement de 75 % de la fin du troisième exercice à la fin du quatrième, afin de s’assurer que les décisions d’investissement sont justifiées.

M. Damien Adam, rapporteur. Je suis favorable à la rédaction de l’amendement CS988. Monsieur Zgainski, je vous demande de retirer le vôtre à son profit.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

L’amendement CS1160 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS988.

 

Amendement CS722 de M. Hadrien Ghomi.

M. Hadrien Ghomi (RE). Il vise à remplacer, à l’alinéa 20 de l’article, le mot « instruments » par le terme « actifs ». Cette modification technique est nécessaire pour que le quota de 75 % pesant sur les FCPR puisse être investi dans les mêmes actifs que ceux visés dans le code monétaire et financier. Le mot « instruments » exclut en effet les avances en comptes courants.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1327 de M. Damien Adam, rapporteur.

 

La commission adopte l’article 18 modifié.

 

Après l’article 18

 

Amendements identiques CS499 de Mme Sophia Chikirou, CS306 de Mme Eva Sas et CS806 de M. Dominique Potier, et amendement CS715 de M. Alexandre Holroyd (discussion commune).

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Nous souhaitons empêcher le greenwashing, ou écoblanchiment. Nous voulons que les grandes entreprises, celles qui sont concernées par la directive CSRD sur la publication d'informations en matière de durabilité, fournissent une stratégie complète, contenant une série d’indicateurs sur lesquels pourront s’appuyer les actionnaires pour juger de la crédibilité des mesures prises par l’entreprise pour respecter ses engagements climatiques ou ses obligations en la matière.

Cette mesure s’inscrit dans la logique des travaux actuels sur la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Nous anticipons et utilisons ce projet de loi, qui selon vous va apporter des milliards de l’épargne des Français aux entreprises, pour préparer celles-ci à se mettre en conformité à partir de 2024 avec les deux directives européennes, qui seront assez exigeantes, en tout cas si la seconde est adoptée dans sa version actuelle. Cet amendement reprend une proposition émise par plusieurs ONG.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement vise à rendre obligatoire, pour les sociétés cotées soumises à la directive CSRD, la publication d’une stratégie de transition complète contenant une série d’indicateurs clés sur lesquels pourront s’appuyer les actionnaires pour juger de la crédibilité des mesures prises par l’entreprise pour respecter ses engagements climatiques.

Cette stratégie devra être soumise aux actionnaires pour un vote annuel, et non triennal comme le proposent des collègues de la majorité dans l’amendement CS715. Le vote portera sur deux projets de résolution distincts, l’un sur la stratégie de transition et l’autre sur la mise en œuvre de cette stratégie. En cas de rejet d’au moins l’une des deux résolutions, les parts variable et exceptionnelle de la rémunération des dirigeants de l’entreprise seraient divisées par deux – cette disposition serait très incitative.

Notre proposition vise à combler les lacunes de la réglementation européenne sur la publication d’informations extrafinancières et à faire des résolutions « Say on climate » un outil précurseur.

M. Dominique Potier (SOC). Nous craignons que le projet de loi ne passe à côté du potentiel révolutionnaire d’une taxonomie européenne telle qu’elle apparaît dans la directive CSRD. Cette directive est en cours d’élaboration et elle reste lacunaire, mais l’autonomie et la force européennes reposent sur ce langage commun – ce point constitue peut-être une petite différence avec mes collègues qui viennent de s’exprimer.

Cette taxonomie obéit à une véritable audace, alors que la publication d’informations extrafinancières avait été largement dévoyée. Le projet de loi manque cet aspect des choses : il ne définit pas ce qu’est l’industrie verte, ne s’inscrit pas dans une taxonomie européenne, ne fait pas preuve de précision sur les instruments financiers et les outils de sélection des privilèges en matière d’accélération de l’urbanisme. Afin de se différencier, y compris dans le domaine des marchés publics, le texte aurait pu affirmer une ambition plus claire en la matière plutôt que de chercher à réinventer des critères spécifiques.

Nos amendements sont l’occasion d’ouvrir un immense travail, qui va des marchés publics à la finance en passant par une fiscalité différenciée : ce langage commun de la responsabilité sociale des entreprises nous permettrait d’orienter l’ensemble des forces financières vers une économie plus verte.

M. Hadrien Ghomi (RE). Pour entrer dans le cadre de l’accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, il est essentiel d’encourager les entreprises à poursuivre leurs actions pour diminuer leur empreinte carbone. Pour cela, la bonne méthode semble être celle du dialogue : c’est pourquoi l’amendement CS715 vise à associer un maximum de parties prenantes et à favoriser le dialogue entre les équipes de direction, d’une part, et les actionnaires et les investisseurs responsables des entreprises d’autre part.

L’amendement propose d’introduire un outil de dialogue novateur et non contraignant juridiquement, les « Say on climate » : ces derniers prendraient la forme d’un vote triennal obligatoire mais non contraignant, lequel se tiendrait lors des assemblées générales des entreprises et porterait sur les stratégies en matière de climat des sociétés cotées. Les « Say on climate » doivent flécher les financements privés des investisseurs responsables vers les entreprises qui s’engagent concrètement. Ces entreprises pourront ainsi piloter leur stratégie de décarbonation et de transformation, tout en répondant aux besoins d’information des investisseurs et à leurs propres obligations de transparence.

Travaillé avec le Forum pour l’investissement responsable, l’amendement recoupe les recommandations de la commission climat et finance durable de l’Autorité des marchés financiers. Il reprend donc des propositions validées par l’ensemble des parties prenantes, des investisseurs aux ONG.

M. Damien Adam, rapporteur. Le « Say on climate » est la stratégie climatique que les entreprises présentent à leurs actionnaires lors de leur assemblée générale. Certains veulent rendre cet instrument obligatoire. D’après les informations que j’ai recueillies, entre huit et onze entreprises ont récemment développé un « Say on climate ».

D’après l’Association française des entreprises privées, membre du Medef, la plupart des entreprises ont développé des stratégies climatiques qu’elles ont présentées à leurs actionnaires – ces derniers étant les propriétaires des entreprises, il est normal qu’ils s’intéressent à l’avenir de l’entreprise et donc de leur investissement.

Ces questions font actuellement l’objet de débats à l’échelle européenne pour transcrire dans le droit de l’Union, puis dans le droit interne des vingt-sept États membres, ce mécanisme du « Say on climate ». Je suis de façon générale opposé à la surtransposition du droit de l’Union, laquelle désavantage la France face à ses partenaires européens. Ce n’est d’ailleurs pas à l’État de rendre obligatoire le « Say on climate », c’est aux actionnaires de le prescrire. Aucun pays n’a d’ailleurs imposé cet instrument à ses entreprises. Il ne serait pas judicieux que le nôtre soit le seul à le faire, et j’émets donc un avis défavorable sur les quatre amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. M. Potier a bien résumé la question. Soit nous en restons à la transposition par ordonnance, comme le Parlement nous y a autorisés, de la directive CSRD au 1er janvier 2024, laquelle s’imposera à tous, en commençant par les entreprises de plus de 500 salariés dès l’année prochaine, puis celles de plus de 250. Dans cette hypothèse, le « Say on climate » sera inutile, puisqu’il sera entièrement couvert par une obligation légale : toutes les entreprises devront disposer d’un plan de 124 mesures détaillant leur route vers le développement durable et la lutte contre le changement climatique. Soit nous adoptons vos amendements, ce qui aboutira à donner la main à BlackRock. Car la plupart des actionnaires des entreprises françaises sont de grands fonds internationaux, certains d’entre vous s’en plaignent d’ailleurs régulièrement ! Voulez-vous que ce soit BlackRock qui élabore les plans de lutte contre le changement climatique ? Voulez-vous leur donner l’opportunité de faire, main dans la main avec quelques dirigeants que vous n’apprécieriez pas, du greenwashing ?

La directive sera bien plus efficace et contraignante : je vous engage à écarter ces amendements et à laisser la loi, issue de la directive, s’appliquer.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le rapporteur, l’argument de la surtransposition ne tient pas : tous les indicateurs que nous proposons sont directement inspirés des travaux en cours sur la directive CSRD. Notre amendement est non pas une surtransposition mais une anticipation. Nous avons entendu les mêmes arguments pendant des années sur le devoir de vigilance, sauf qu’au final, c’est la France qui a inspiré un projet de directive en cours de discussion au trilogue ! Il arrive que l’Europe avance par l’innovation et l’audace des nations, c’est même la voie la plus rapide et la plus porteuse. Nous aurions été fiers d’innover, inspirés par les travaux sur la directive CSRD. Et quand le président Millienne évoque le triple E, que fait-il d’autre que d’anticiper une norme qui se retrouvera un jour dans une directive ? Il y a deux poids et deux mesures, des initiatives géniales d’un côté et des propositions totalement décalées de l’autre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). L’amendement CS715 évoque un « Say on climate » non contraignant et triennal, quand le « Say on pay » – exception française dont nous devons être fiers et qui consiste en un vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants – est obligatoire et annuel. La directive CSRD prévoit la publication d’informations dans un rapport annuel, une méthode moins vertueuse qu’une discussion publique en assemblée générale.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je me permets de corriger M. le rapporteur : il n’y a pas de surtransposition, mais une simple transposition de la directive, qui est prête – ce sont les actes délégués qui sont au trilogue. La directive CSRD sera transposée dans le droit français en janvier, par une ordonnance dont le Gouvernement a reçu l’habilitation dans la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

Votre amendement est satisfait, monsieur Potier. Vous ajoutez une disposition sur le « Say on climate » : j’ai expliqué pourquoi le Gouvernement y était défavorable, mais l’Assemblée est évidemment souveraine.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CS937 de M. Charles Fournier et CS498 de Mme Alma Dufour (discussion commune).

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). La transparence est essentielle pour l’orientation de l’épargne vers l’industrie verte. L’amendement vise à créer un « nutri-score » des produits d’épargne pour éclairer les choix des investisseurs et favoriser des activités qui n’hypothèquent pas notre avenir. Ce nutri-score serait composé de trois niveaux représentés par trois couleurs.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). L’indicateur à trois niveaux regrouperait des informations assez simples, à savoir l’exposition des fonds aux énergies fossiles et à la déforestation. Ces deux critères sont incontournables pour évaluer l’impact sur le changement climatique.

Un reportage de l’émission « Cash investigation » sur les produits de taxonomie verte a montré que les actifs des fonds étaient tellement diversifiés qu’il était impossible de contrôler la véracité d’investissements prétendument verts et qui ne l’étaient probablement pas.

Avec cet amendement, nous proposons de la transparence : ce n’est pas grand-chose, mais c’est essentiel. Quand on n’a pas peur de la vérité, on n’a pas peur de la transparence. Je ne vois pas avec quelles raisons vous pourrez refuser d’informer les épargnants sur l’exposition des fonds notamment aux énergies fossiles.

M. Damien Adam, rapporteur. Avis défavorable. L’exposition des fonds aux activités nocives, pour être prise en compte de façon transversale, doit être traitée non par amendement, mais selon une logique de labellisation, telle que celle dont procède la directive CSRD.

M. Roland Lescure, ministre délégué. S’agissant du « nutri-score », la France a joué un rôle moteur. Elle l’a créé, puis a emporté petit à petit la conviction des Européens. Dans ce cas, au contraire, il existe déjà un règlement européen, nommé SFDR, qui classe les investissements en trois catégories – rouge, marron, vert. Introduire une classification spécifiquement française, ce n’est plus une usine à gaz, c’est un Rubik’s Cube ! Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je prends note des arguments du ministre délégué. En revanche, je ne souscris pas à l’argument du rapporteur : il ne s’agit pas de labelliser ce qui est positif, mais d’identifier ce qui ne l’est pas. Souvent, c’est là que le bât blesse. Il existe un label bio, mais il n’en existe aucun permettant d’identifier ce qui est mauvais pour notre santé !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CS303 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit d’instaurer une contribution à hauteur de 1 % des actifs des entreprises d’assurances pour financer les entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire engagées dans la transition écologique.

M. Damien Adam, rapporteur. Avis défavorable. Fixer à 1 % la contribution à l’ESS présente le risque d’en plafonner l’accompagnement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La disposition proposée est proscrite par la réglementation européenne, non parce que l’Europe en a décidé ainsi, mais parce que l’actif des assureurs est soumis à des contraintes de solvabilité. Les contraindre à en placer ne serait-ce que 1 % dans un actif risqué les met en danger. La directive « solvabilité II » vise, et l’on peut s’en réjouir, à préserver la solvabilité de l’actif général des compagnies d’assurances, donc à garantir les contrats d’assurance-vie. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Je prends note de cet argument, que je me permettrai de vérifier, non par défaut de confiance mais parce qu’il arrive que nos interprétations des textes divergent. Quant à celui de M. le rapporteur, je le trouve indécent. Dire que fixer à 1 % la contribution à l’ESS présente le risque d’en plafonner l’accompagnement, alors même qu’elle est sous-financée, ne me semble pas raisonnable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CS307 de Mme Eva Sas et CS497 de M. Laurent Alexandre.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit de prévoir la remise d’un rapport, dont je sais qu’elle est toujours accueillie avec scepticisme, sur l’investissement de l’épargne privée des Françaises et des Français dans les énergies fossiles. Les citoyens ont le droit de connaître l’impact environnemental de leurs investissements et de prendre des décisions éclairées concernant leur épargne. Pour nos concitoyens, savoir si leur épargne finance des activités polluantes est d’une importance capitale.

Une telle étude est d’autant plus nécessaire que l’État dépense plus de 5 milliards d’euros d’argent public pour encourager l’épargne des Français, comme en atteste le programme 145 du budget général. Que l’allocation de cette épargne ne soit pas évaluée s’agissant de sa contribution aux objectifs écologiques de la France est préoccupant.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Si vous devez soutenir une demande de rapport, c’est celle-ci !

Nous ne pouvons pas continuer de laisser les gens croire que tout se vaut en matière d’énergie, que les énergies responsables du changement climatique climatiques valent les autres. Un tel rapport est une façon de dire que nous prenons la mesure des choses et que nous allons agir concrètement pour changer de voie.

Ce gouvernement a la réputation de faire du greenwashing. Nous lui offrons l’occasion de démontrer sa bonne foi et sa volonté d’investir dans certains domaines et de désinvestir progressivement d’autres domaines, de façon intelligente et transparente.

M. Damien Adam, rapporteur. Les Français sont conscients que, s’ils investissent leur épargne dans des produits qui ne sont ni fléchés ni labellisés, elle est susceptible d’être en partie investie dans des produits classés « marron ».

La meilleure façon de résoudre le problème est de renforcer le poids des labels tels que ISR, Greenfin et ceux qui seront introduits demain. C’est le moyen d’éviter à coup sûr le greenwashing. Cela permet de s’assurer, de façon irréfutable et objective, que l’épargne qui sera investie dans un PEAC, dans une assurance-vie labellisée ou dans un PER en unités de compte labellisés aura une véritable utilité et participera à la transition écologique.

Cette logique de label, plus sûrement qu’un rapport du Gouvernement, rend l’investissement responsable plus fiable et réduit les possibilités de greenwashing. Les acteurs de la finance que j’ai auditionnés, qui sont conscients du manque de pertinence de certains produits, y sont attachés.

L’assurance-vie et le PER sont soumis à un régime de transparence européen sur la durabilité des produits financiers dont ils sont composés. Dès lors qu’ils affichent des caractéristiques en matière environnementale, sociale et de gouvernance, ils doivent être transparents sur leur exposition au secteur des énergies fossiles. Quant au livret A et au LDDS, ils ne peuvent pas financer l’expansion fossile : selon la réglementation, leurs ressources non centralisées vont aux PME, à la transition écologique et à l’ESS.

Nul besoin d’un rapport sur ce sujet. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous sommes d’autant plus favorables à un tel rapport qu’il existe d’ores et déjà ! Chaque année, l’AMF et l’ACPR publient conjointement un rapport sur les stratégies de décarbonation des institutions financières. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Article 19 : Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance
afin de soutenir et accompagner le développement des fonds européens d’investissement de long terme

 

Amendement de suppression CS807 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à supprimer l’article, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures financières prévues par le texte. Tout n’est pas clair sur la planète des placements financiers, qui mérite, plutôt que des ordonnances, une véritable discussion, sur la base d’une remise à plat des dispositifs de financement. Nous sommes aussi plusieurs, au sein du groupe Socialistes et apparentés, à douter que le PEAC destiné aux jeunes clarifie véritablement les placements disponibles. En tout état de cause, le recours aux ordonnances nous semble injustifié.

M. Damien Adam, rapporteur. L’article 19 est sans rapport avec le PEAC. Il prévoit notamment de prendre par voie d’ordonnance des mesures d’adaptation au règlement « Eltif 2.0 » que nous avons évoqué, laquelle adaptation est nécessaire. Il est légitime de souhaiter améliorer une telle disposition, mais pas de la supprimer. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. M. Leseul étant opposé au règlement sur les Eltif, il propose logiquement de supprimer l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance qui en résulte. Favorables à ce règlement, nous souhaitons la conserver. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 19 non modifié.

 

Après l’article 19 :

 

Amendement CS550 de M. Olivier Marleix.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Cet amendement du groupe Les Républicains vise à interdire les activités commerciales relatives aux certifications environnementales aux personnes physiques ou morales ayant fait l’objet de condamnations ou de sanctions en raison d’une activité à caractère frauduleux. Les certifications environnementales, qui sont un outil au service de la préservation de l’environnement, doivent être protégées de toute tentative de détournement ou d’escroquerie.

M. Damien Adam, rapporteur. Ce dispositif est encadré par des règles européennes, notamment la directive SEQE (Système d’échange de quotas d’émission) qui prévoit un système de suspension en cas de suspicion de fraude. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le champ de l’amendement, dont je comprends la visée, est beaucoup trop large. C’est un rouleau compresseur, voire une bombe atomique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS349 de Mme Anaïs Sabatini.

 

Amendement CS832 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Anna Pic (SOC). Il prévoit un rapport visant à évaluer la cohérence, l’adéquation et la lisibilité des dispositifs de soutien à la décarbonation de l’industrie. Chacun ayant son propre périmètre et ses propres modalités d’attribution, il convient d’évaluer leur cohérence d’ensemble pour mener une politique ambitieuse de décarbonation.

M. Damien Adam, rapporteur. Un tel rapport existe, c’est le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, dont s’inspire le projet de loi. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. Philippe Brun (SOC). Peut-être serait-il temps d’appliquer le rapport Pisani-Ferry…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS274 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Cet amendement prévoit un rapport sur le financement de la transition écologique des industries gazo-intensives, électro-intensives et hyper-électro-intensives, à l’aune notamment de l’évolution de leurs besoins en électricité bas-carbone, en biométhane et en hydrogène à l’horizon 2050.

L’industrie française est le secteur économique ayant le plus réduit ses émissions de gaz à effet de serre (GES) au cours des trente dernières années. Selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, atteindre les objectifs de l’Ambition 2030 leur impose de doubler le rythme annuel de réduction des émissions de GES par rapport à celui observé au cours de la dernière décennie.

Ce défi est spécialement difficile à relever pour ces industries, car il leur impose de réaliser des investissements massifs dans les appareils de production pour opérer rapidement les basculements technologiques nécessaires. Un accès durable et garanti des usines à de l’électricité bas-carbone compétitive et disponible en quantité suffisante est indispensable.

Ainsi, deux questions se posent : comment financeront-elles leur transition sachant qu’elles sont très capitalistiques et que la transition technologique, consistant à passer à l’électrification, demande de lourds investissements ? Comment leur assurer une visibilité sur le coût de l’énergie ?

M. Damien Adam, rapporteur. Vous avez raison : ces deux questions sont importantes. Il y a quelques jours, au salon du Bourget, le Gouvernement a eu l’occasion de récupérer la feuille de route de chacun des cinquante sites industriels les plus émetteurs de GES pour cerner leurs besoins en électricité et en énergie, ainsi que leurs besoins financiers pour mener à bien leur décarbonation. Nous disposons d’ores et déjà des éléments d’information que vous demandez. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous collectons ces informations dans le cadre du Conseil national de l’industrie (CNI). La meilleure façon de vous en rendre compte est, plutôt que remettre un rapport, d’être auditionné, ce pour quoi je suis tout à fait disponible. Nous avons tenu un CNI vendredi dernier, au cours duquel j’ai présenté la feuille de route des cinquante sites les plus émetteurs de GES et la stratégie de décarbonation des PME et ETI électro-intensives. Avis défavorable.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Monsieur le ministre délégué, cet amendement a été élaboré avec ces industries. Elles sont parfaitement au courant de ce que vous faites. Si elles demandent ce rapport, c’est bien que certaines questions restent en suspens, notamment celle de la stabilité du coût de l’énergie à l’avenir. Tout n’est pas si clair. Or cette visibilité leur est indispensable. Sans méconnaître la complexité du marché de l’énergie, dans le contexte de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, j’appelle votre attention sur ce point.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Certes, tout n’est pas clair et je ne voulais pas donner l’impression que tout avait été réglé la semaine dernière. Nous travaillons au développement du recours aux contrats de long terme – vous avez assisté à la signature du premier d’entre eux.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Madame Bonnivard, vous qui avez travaillé avec ces entreprises, transmettez-leur la carte de visite d’un conseiller de MacKinsey, vous aurez votre rapport !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CS992 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Il vise à demander un rapport. Peut-être sera-t-il le seul que nous obtiendrons, compte tenu du grand nombre d’europhiles parmi nous, tous convaincus qu’instaurer du protectionnisme pour notre industrie n’est possible qu’à l’échelon européen.

Nous appelons de nos vœux un « Buy European Act » pour imposer la localisation de la production en Europe, qui doit être un prérequis à l’obtention de subventions à l’achat et à la production ainsi qu’à l’accès aux marchés publics.

Un tel rapport présente une réelle utilité, y compris pour le Gouvernement.

M. Damien Adam, rapporteur. Nous sommes assez nombreux au sein de cette assemblée, me semble-t-il, à être favorables à un « Buy European Act ». Le problème n’est pas franco-français : il faut un consensus assez large pour réunir une majorité qualifiée d’États membres prêts à en adopter un.

Un rapport remis par le gouvernement français au Parlement français n’y changera rien, contrairement à un travail de lobbying des députés français du Parlement européen et des parlementaires français manifestant clairement notre volonté d’adopter une telle disposition à l’échelon européen. Cela serait bénéfique pour le continent dans son ensemble – mais certains États membres ne l’entendent pas manifestement de cette oreille.

J’émets un avis défavorable à l’amendement, dont l’objet, me semble-t-il, est surtout d’ouvrir le débat. Nous l’avons, ce qui est très sain.

M. Roland Lescure, ministre délégué. À cet amendement d’appel, je réponds en vous demandant de soutenir nos efforts pour obtenir un « Buy European Act » ! Nous progressons. La réglementation NZIA pour une industrie zéro émission nette, qui vise à privilégier les achats dans quelques secteurs souverains, n’est pas encore adoptée ; j’espère que les parlementaires européens de votre formation politique le voteront – je ne suis pas sûr qu’ils aient voté le règlement européen relatif aux subventions étrangères ni celui relatif aux marchés de souveraineté.

Ce n’est pas le Gouvernement qu’il faut convaincre, mais vos collègues du Parlement européen. Je suis défavorable à la remise d’un rapport, mais favorable à tout ce qui permettra d’obtenir l’accord des vingt-six autres États membres pour la promulgation d’un « Buy European Act ».

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Le rapport que nous demandons présente précisément l’intérêt de mettre en lumière les points de blocage à l’échelon européen. Il n’y a qu’à voir la réforme du marché européen de l’électricité : le Gouvernement nous dit que tout va bien se passer, mais, d’après les échos que nous avons sur la position des autres États membres, rien n’est certain concernant ce que la France et les industries françaises y gagneront !

Un rapport sur un « Buy European Act » permettrait de détailler les positions des autres États membres, sur lesquelles la représentation nationale est laissée dans l’ignorance. Nous avons besoin de plus d’informations : entre ce que vous nous dites et ce qui se passe réellement, il y a un monde !

La commission rejette l’amendement.

 

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général. L’examen du texte achevé, j’indique que nous avons examiné 1 024 amendements en vingt-cinq heures de débat. En tout, 256 amendements ont été adoptés, dont 152 des rapporteurs, 63 de la majorité et 41 de l’opposition.

Je remercie notre président pour la façon dont il a mené les débats, le ministre délégué d’avoir participé à nos travaux, nos rapporteurs pour la qualité de leur travail et je vous remercie tous, mes chers collègues, pour votre participation.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Mesdames et messieurs les députés, j’avais indiqué, à l’orée de nos débats, que l’examen du texte au Sénat avait été serein et constructif. J’en dirai autant de son examen au sein de votre commission spéciale. Je suis convaincu qu’il sort enrichi de vos travaux et je suis impatient de continuer dans l’hémicycle.

M. le président Bruno Millienne. J’ai eu un grand plaisir à présider nos débats, en dépit de quelques moments éruptifs, qui font partie du jeu… et même de quelques tentatives de déstabilisation, dont je m’entretiendrai avec qui de droit. Chers collègues, je vous remercie d’avoir participé à ces travaux.

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié

 

 


—  1  —

   LISTES DES AUDITIONNÉS


—  1  —

Liste des personnes auditionnées
PAR M. GUILLAUME KASBARIAN, président de la commission des affaires économiques et rapporteur général
sur l’ensemble du projet de loi

(Par ordre chronologique)

 

Audition commune :

 Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF)

M. Alain Chrétien, vice-président de l’AMF, maire de Vesoul et président de l’agglomération

 France urbaine

M. Lionel Delbos, conseiller Économie territoriale

M. Christophe Amoretti-Hannequin, conseiller finance responsable et achats

 

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires – Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

M. François Adam, directeur

M. Vincent Montrieux, sous-directeur de la qualité de cadre de vie

M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l'aménagement durable

M. Grégory Pierresteguy, chef du bureau des impacts sur l'environnement

 

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – Direction générale des entreprises (DGE)

M. Simon-Pierre Eury, chef de mission interministérielle pour l’accélération des implantations industrielles

Mme Marie-Laure Wolf, cheffe de projet simplification réglementaire et implantation industrielle

 

Audition commune :

 France Industrie *

M. Vincent Moulin Wright, directeur général

 

 Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) *

M. Alexandre Montay, délégué général

Mme Marie Perdoux, responsable des affaires publiques

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *

Mme Joëlle Prevot-Madère, présidente de la section industrie

Mme Jennifer Bastard, responsable fiscalité

 Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *

M. Christophe Beaux, directeur général

Mme Elizabeth Vital-Durand, directrice du pôle affaires publiques

M. Jean-Baptiste Léger, directeur du pôle transition écologique

 CCI France *

M. Jean-François Clédel, président de la CCI de Nouvelle-Aquitaine

Mme Joséphine Fossaert, directrice des affaires institutionnelles

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 

 


—  1  —

contributions écrites reçues
PAR M. GUILLAUME KASBARIAN, président de la commission des affaires économiques et rapporteur général
sur l’ensemble du projet de loi

 

Assemblée des départements de France

Association nationale des établissements publics fonciers locaux

Cerema

Chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France *

France Nature Environnement *

Intercommunalités de France

Ministère de la transition énergétique – Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Réseau Action Climat France *

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 

 

 


—  1  —

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
Mme Christine Decodts, rapporteure
sur le chapitre ii du titre i

(par ordre chronologique)

 

Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE)

Mme Marie-Céline Battesti, présidente

M. François Nau, membre du Bureau

 

Commission nationale du débat public (CNDP)

M. Marc Papinutti, président

M. Patrick Deronzier, directeur

 

Commissariat général au développement durable (CGDD)

M. David Catot, adjoint au sous-directeur

Mme Audrey Coreau, cheffe du service de l’économie verte et solidaire

Mme Isabelle Maupilier, cheffe de bureau au service de l’économie verte et solidaire

 

Ministère de l’Économie et des finances

M. Philippe Merle, Conseil général de l’économie

 

 


—  1  —

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
Mme MARIE-AgnÈs Poussier- Winsback, rapporteure
sur les chapitres iii et iv du titre I

(par ordre chronologique)

 

Fédération nationale des activités de dépollution et de l’environnement (FNADE)

Mme Muriel Olivier, déléguée générale

M. Thomas Sauvaget, responsable des relations institutionnelles

 

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Lucas Gravit, chef de projet « Réindustrialisation et foncier économique »

Mme Marie-Laure Wolf, cheffe de projet « Simplification réglementaire pour la compétitivité des entreprises »

 

Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec)

M. Manuel Burnand, directeur général

Mme Charlie Trisse, responsable des relations institutionnelles

 

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

 

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Mme Anne-Cécile Rigail, cheffe du service des risques technologiques

M. Vincent Coissard, sous-directeur des déchets et de l’économie circulaire

M. Jean-Luc Perrin, sous-directeur des risques chroniques et du pilotage

 

 


—  1  —

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
Mme anne-laure babault, rapporteure sur le titre II

(par ordre chronologique)

 

Union des groupements d’achats publics (UGAP)*

M. Lionel Ferraris, directeur des politiques publiques et de l’innovation

 

Agence de la transition écologique (Ademe)

M. Jean-Charles Caudron, directeur de la supervision des filières REP

 

Association française de normalisation (AFNOR)*

M. Thierry Geoffroy, directeur « Relations institutionnelles »

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 

 

 


—  1  —

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
M. Damien adam, rapporteur sur le titre III

(par ordre chronologique)

 

Table ronde « Représentants des secteurs de la banque,
de la gestion financière et de l’assurance »

 Fédération bancaire française* :

Mme Solenne Lepage, directrice générale adjointe ;

M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles ;

M. Nicolas Raoult, chargé de mission « Banque de détail et banque à distance ».

 France assureurs* :

M. Philippe Bernardi, directeur du pôle assurances de personnes ;

Mme Viviana Mitrache, directrice des affaires publiques pour la France ;

Mme Sylvie Gautherin, directrice adjointe du pôle assurance de personnes ;

Mme Constance Hélias, chargée de mission « Affaires parlementaires et gouvernementales ».

 Association française de la gestion financière* :

Mme Laure Delahouse, directrice générale adjointe.

 

Table ronde « Régulateurs »

 Autorité des marchés financiers (AMF) :

M. Philippe Sourlas, secrétaire général adjoint, chargé de la direction de la gestion d’actifs ;

Mme Laure Tertrais, Directrice de cabinet auprès du Président.

 Autorité de régulation prudentielle et de contrôle (ACPR) :

M. Jean-Paul Faugère, vice-président ;

Mme Véronique Bensaid-Cohen, Conseillère parlementaire auprès du Gouverneur.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2]) Articles L. 4251-1 à L. 4251-11 du code général des collectivités territoriales.

([3])  Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ».

([4])  Il s’agit, respectivement, du schéma directeur de la région d’Île-de-France (SDRIF), des schémas d’aménagement régional (SAR) et du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc).

([5]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

([6])  Proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, n° 205 (Sénat).

([7]) Objectif intégré par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ».

([8]) Objectif intégré par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités et complété par la loi « Climat et résilience ».

([9]) Article R. 4251-1  du code général des collectivités territoriales.

([10]) Sont aussi concernés le plans de mobilité, les plans climat-air énergie territoriaux et les chartes des parcs naturels régionaux.

([11]) Articles L. 4251-13 et suivants du code général des collectivités territoriales.

([12])  Article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.

([13]) Le Conseil d’État souligne ainsi qu’il est important de veiller à la bonne répartition des compétences entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire pour la fixation et la définition des objectifs du Sraddet. Le contenu précis des objectifs, ce dont ils doivent tenir compte et leurs modalités de détermination doivent être fixés réglementairement. Cela doit permettre, selon le Conseil d’État, le respect des domaines de la loi et du règlement ainsi que la lisibilité du régime des Sraddet. Il a donc proposé la suppression des dispositions législatives précisant ce dont doivent tenir compte les objectifs de développement et de localisation des constructions logistiques.

([14])  Cerema, Intercommunalités de France, et la délégation « Territoires d’industrie » de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, Le foncier économique à l’heure de la sobriété foncière – État des lieux et perspectives dans le cadre de l'objectif de zéro artificialisation nette, septembre 2022.

([15]) Article L. 123-1 du code de l’urbanisme.

([16]) Article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales.

([17])  Article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales.

([18]) Cette terminologie est d’ailleurs déjà employée dans les dispositions relatives au SDRIF et au Padduc concernant les objectifs de localisation des activités industrielles et dans celles relatives au SAR concernant la localisation des activités économiques.

([19]) Voir le commentaire de l’article 9 du présent projet de loi.

([20]) L’article L. 111-26 du code de l’urbanisme définit une fiche comme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l'état, la configuration ou l'occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables ».

([21]) Article R. 4251-2 du code général des collectivités territoriales.

([22]) https://cartofriches.cerema.fr/cartofriches/  

([23]) Cf. III de l’article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation.

([24])  Article 3 du décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.

([25]) Cf. 2° du I de l’article L. 4251-5 du code général des collectivités territoriales.

([26]) https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/cartofriches/enjeux-revitalisation-friches  

([27]) Voir, pour le détail de ces dispositifs, le commentaire de l’article premier du présent projet de loi.

([28])  Rapport sur le projet de loi de finances pour 2023 : Écologie, développement et mobilité durables, Sénat, n° 115 (2022-2023), novembre 2022.

([29]) https://www.banquedesterritoires.fr/relocalisation-industrielle  

([30]) https://www.banquedesterritoires.fr/offre-investissement-requalification-friche-industrielle  

([31]) Décret n° 2010-596 du 3 juin 2010 relatif au conseil national de l'industrie.

([32]) https://www.entreprises.gouv.fr/fr/industrie/politique-industrielle/territoires-d-industrie  

([33])  Ces six volets sont la sécurité d’approvisionnement (1), l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire (2), le développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération (3), le développement équilibré des réseaux, du stockage et de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie (4), la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et de la compétitivité des prix de l’énergie (5) et l’évaluation des besoins des compétences professionnelles dans le domaine de l’énergie ainsi que l’adaptation des formations à ces besoins (6). Les volets 2 à 6 sont ceux concernés par les précisions relatives aux enjeux des filières industrielles associées.

([34]) Articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’énergie.

([35]) Article L. 222-1 B du code de l’environnement.

([36])  Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique, rapport d’information n° 755 (2021-2022), déposé le 6 juillet 2022.

([37]) Article L. 321-1 du code de l’urbanisme pour les EPF d’État et L. 324-1 du même code pour les EPF locaux.

([38]) Articles L. 321-5 et L. 324-2-2 du code de l’urbanisme.

([39]) Article L. 321-2 du code de l’urbanisme.

([40]) Le foncier économique à l’heure de la sobriété foncière – État des lieux et perspectives dans le cadre de l'objectif de zéro artificialisation nette, septembre 2022.

([41]) Articles L. 100-1 A et suivants du code de l’énergie.

([42]) Articles L. 141-1 et suivants du code de l’énergie.

([43]) Article L. 141-1 du code de l’énergie.

([44]) Articles L. 100-1 A et L. 141-4 du code de l’énergie.

([45])  Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

([46])  Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

([47])  Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

([48])  Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

([49]) Ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, décret n° 2017‑81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale et décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale.

([50]) Article L. 181-8 du code de l’environnement.

([51]) En application respectivement des articles R. 122-6, R. 181-28 et R. 181-25, R. 181-26, R. 181-28 et R. 181‑32 du code de l’environnement.

([52]) En application respectivement des articles L. 414-4, R. 181-16 et L. 181-13 du code de l’environnement.

([53])  Article R. 123-8 du code de l’environnement.

([54]) https://www.economie.gouv.fr/files/files/2022/Rapport-Guillot.pdf?v=1647532576  

([55]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.

([56]) Selon le rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », remis au Gouvernement par M. Laurent Guillot en janvier 2022. Cf. le commentaire de l’article 2.

([57]) Articles 15c et 16a du projet de directive RED-III.

([58]) Ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

([59]) Article L. 541‑1‑1 du code de l’environnement. 

([60]) Sont considérés comme dangereux notamment  les déchets inflammables, irritants, explosifs, toxiques, cancérogènes, etc.  

([61]) Selon l’Ademe, les déchets inertes sont des déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune réaction physique ou chimique. Ils ne détériorent pas d’autres matières en contact de manière préjudiciable à l’environnement ou à la santé humaine.  

([62])  Il existe plusieurs règlements européens sur des types de déchets spécifiques qui peuvent cesser de l’être : règlement (UE) n° 333/2011 du 31 mars 2011 établissant les critères permettant de déterminer à quel moment certains types de débris métalliques cessent d’être des déchets ; règlement (UE) n° 1179/2012 du 10 décembre 2012 établissant les critères permettant de déterminer à quel moment le calcin de verre cesse d’être un déchet ; règlement (UE) n° 715/2013 du 25 juillet 2013 établissant les critères permettant de déterminer à quel moment les débris de cuivre cessent d’être des déchets ; règlement (UE) n° 2019/1009 du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE

([63] Articles D. 541‑12‑4 et suivants du code de l’environnement.

([64]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([65]) Décret n° 2021-380 du 1er avril 2021 relatif à la sortie du statut de déchet.

([66]) Arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement.

([67]) CJCE, Mayer Parry Recycling Ltd, 19 juin 2003, aff. C-444/00

([68]) Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 5 mai 1992.

([69]) Le règlement (CE) n° 1013/2006 a été modifié par les règlements suivants : règlement (CE) n° 1418/2007 de la Commission du 29 novembre 2007 concernant l’exportation de certains déchets destinés à être valorisés, énumérés à l’annexe III ou IIIA du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil vers certains pays auxquels la décision de l’OCDE sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets ne s’applique pas ; règlement (UE) n ° 733/2014 de la Commission du 24 juin 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1418/2007 concernant l'exportation de certains déchets destinés à être valorisés vers certains pays n'appartenant pas à l'OCDE.

([70]) Communiqué du ministère de la Transition écologique et solidaire, 31 janv. 2022

([71]) Cet article indique que  les devis relatifs aux travaux de construction, de rénovation et de démolition de bâtiments ainsi que les devis relatifs aux travaux de jardinage doivent préciser les modalités d’enlèvement des déchets résultants et que les entreprises à l’origine des travaux doivent pouvoir prouver la traçabilité des déchets de leurs chantiers. Tout manquement à ces obligations est passible d’une amende administrative.

([72]) L’article L. 125-6 du code de l’environnement prévoit que l’État élabore, au regard des informations dont il dispose, des « secteurs d’information sur les sols » (SIS). Ceux-ci comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et la mise en place de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publique et l’environnement.

([73]) Décret n° 2022‑762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.

([74])  Arrêté du 31 mai 2012 fixant la liste des installations classées soumises à l'obligation de constitution de garanties financières en application du 5° de l'article R. 516-1 du code de l'environnement

([75]) Cour des comptes européennes, rapport spécial 12/2021 « Principe du pollueur-payeur : une application incohérente dans les différentes politiques et actions environnementales de l’Union européenne », juillet 2021.

([76]) Étude d’impact du présent projet de loi.  

([77]) Étude d’impact annexée au présent projet de loi.  

([78]) Décret n° 2017-264 du 28 février 2017 relatif à l’agrément des sites naturels de compensation.  

([79]) Rapport de Laurent Guillot, de l’Inspection générale des finances et de la Direction interministérielle de la transformation publique, Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France, janvier 2022.

([80])  « Net zero industry act » ou « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 mars 2023 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net » (ou règlement pour une industrie « zéro net »).

([81]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi relatif à l’industrie verte, 11 mai 2023.

([82]) A savoir des projets d’aménagements, d’infrastructures ou d’équipements publics ou d’activités économiques d’intérêt général majeur et d’envergure nationale ou régionale selon le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022

([83]) La loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a certes défini un régime transitoire d’exclusion de l’artificialisation induite par une centrale nucléaire du décompte local et régional de l’artificialisation, mais en prévoyant la possibilité de prévoir un régime permettant ce décompte au niveau national dans une future loi. 

([84]) Rapport n° 1359 sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (n° 958), 14 juin 2023.

([85]) Conformément à la directive de l'Union européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats ».

([86]) Conformément à la directive de l'Union européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats ».

([87]) Article L. 312-1 à L. 312-2-1 du même code.

([88]) À l’exception de Paris.

([89]) Article 116 de la loi n° 2001‑420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

([90]) Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

([91]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([92]) Article L. 2141-7-1 du code de la commande publique.

([93]) Article L. 3123-7-1 du même code.

([94]) Ce type de motif se distingue des motifs obligatoires et généraux, s’appliquant de plein droit et de manière automatique dès lors qu’ils sont constatés, par exemple en cas de violation des obligations en matière fiscale ou sociale (articles L. 2141-2 et L. 3123-2 du même code).

([95]) Directive 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) nº 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

([96]) « Corporate Sustainability Reporting Directive ».

([97]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-soc/l16b0748_rapport-fond#_Toc256000015  

([98]) Étendre à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions prises sur le fondement de la transposition de la directive « CSRD » pour celles qui relèvent de la compétence de l'État, et prévoir, le cas échéant, les adaptations nécessaires de ces mêmes dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

([99]) Le délai de quatre mois concernant l’extension des dispositions aux collectivités d’outre-mer est en revanche maintenu.   

([100]) Article 46, paragraphe 4 de la directive 2014/24/UE.

([101]) Ce 1° propose une transposition exacte de l’article 51 de la directive 2014/25/UE.

([102]) Une « entité adjudicatrice » est une personne soumise au droit de la commande publique – pouvoir adjudicateur, entreprises publiques et organismes de droit privé – exerçant une activité d’opérateur de réseaux.

([103]) Cette mention particulièrement floue de l’article L. 2111-3 du code de la commande publique a eu pour effet d’exclure l’État du dispositif.

([104]) Décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique.

([105]) Un dispositif analogue, avec une même entrée en vigueur différée, est prévu en ce qui concerne les conditions d’exécution qui prendront elles aussi en compte des considérations relatives à l’environnement conformément à l’article L. 2112-2 du code de la commande publique.

([106]) Décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 précité.

([107]) À condition que le marché ait pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l'autre.

([108]) Déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le cycle de vie.

([109]) Il peut notamment s’agir de critères tels que la qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l’accessibilité, l’apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal.

([110]) Avis n° 407035, par. 39.

([111]) « Une telle prise en compte ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l'exécution de la prestation. »

([112]) L’article 35 de la loi « Climat et résilience » prévoit également pour ces contrats qu’au moins un des critères permettant de déterminer la meilleure offre au regard de l'avantage économique global devra prendre en compte ses caractéristiques environnementales.

([113]) Exposé sommaire de l’amendement n° 156.

([114]) Directive (UE) 2019/1161 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie.

([115]) Source : données fournies au rapporteur par Bpifrance AE.  

([116])  Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 (LFR pour 2012).

([117])  Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Le marché de l’assurance-vie en 2022, 20 mars 2023 (lien) .

([118]) ACPR, Présentation trimestrielle de l’épargne des ménages 2022 – T4 2022, 11 mai 2023 (lien).  

([119]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([120]) Amendements n° 1856 de M. Adrien Taquet (lien) et n° 1237 de MM. Jean-Noël Barrot et Roland Lescure (lien).

([121]) Définies par le I de l’article 1er de la loi n°85-695 du 11 juillet 195 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.

([122]) Mentionnés à l’article L. 214-28 du code monétaire et financier.

([123]) Les entreprises solidaires sont définies à l’article L. 3332-17-1 du code du travail. 

([124]) Voir le règlement du label « Finansol » applicable au 01/10/2023 (lien).  

([125]) Décret n° 2015-1615 du 10 décembre 2015 relatif au label « Transition énergétique et écologique pour le climat ».

([126]) Décret n° 2016-10 du 8 janvier 2016 relatif au label « Investissement socialement responsable ».

([127])  France stratégie, Évaluation du marché européen des labels de finance verte et solidaire, septembre 2022 (lien).

([128]) Caldecott, B.L., Clark, A., Harnett, E., Koskelo, K., Wilson, C., & Liu, F. (2022), Sustainable Finance and Transmission Mechanisms to the Real Economy, University of Oxford Smith School of Enterprise and the Environment Working Paper 22-04

([129])  France stratégie, Évaluation du marché européen des labels de finance verte et solidaire, septembre 2022 (lien).

([130]) Banque de France, Les fonds labellisés sont-ils plus verts ?, 23 mars 2023 (lien).  

([131]) Inspection générale des finances, Bilan et perspectives du label « Investissement socialement responsable », septembre 2020 (lien).

([132]) Comité du label ISR, Recommandations du 25 octobre 2022 (lien)  

([133]) ACPR - Recommandation 2022-R-02 du 14 décembre 2022 sur la promotion de caractéristiques extra-financières dans les communications à caractère publicitaire en assurance-vie.

AMF - Position-recommandation DOC-2020-03 du 11 mars 2020, modifiée le 16 février 2023, informations à fournir par les placements collectifs intégrant des approches extra-financières

([134]) Il s’agit de contrats d’assurance-vie ayant pour objet la fourniture de prestations servies en supplément des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires.

([135])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, article 77.

([136]) Opérée par les amendements identiques 296 de M. Buis et 396 de Mme Lavarde (lien) .

([137]) Amendement n° 397 (lien).  

([138])  Amendement n° 398 (lien).

([139]) Règlement délégué (UE) 2017/2359 de la Commission du 21 septembre 2017 complétant la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d’information et les règles de conduite applicables à la distribution de produits d’investissement fondés sur l’assurance.

([140]) Règlement délégué (UE) 2017/565 de la Commission du 25 avril 2016 complétant la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive.

([141]) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.

([142]) Selon l’étude d’impact du présent article.  

([143]) Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil.

([144]) Selon l’étude d’impact du présent article.  

([145]) Le livret de développement durable et solidaire (LDDS), le livret d’épargne populaire (LEP) et le livret d’épargne entreprise (LEE) sont réservés aux personnes majeures.

([146]) Banque de France, L’épargne réglementée 2021, 19 juillet 2022 (lien).  

([147]) Aux termes de l’arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d'emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'aux informations permettant le suivi de ces emplois

([148]) Banque de France, L’épargne réglementée 2021, 19 juillet 2022 (lien).  

([149]) Loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

([150]) Banque de France, L’épargne réglementée 2021, 19 juillet 2022 (lien).  

([151]) Les dispositions relatives à l’épargne logement figurent aux articles L. 315-1 à L. 315-6 du code de la construction et de l’habitation.

([152]) Banque de France, L’épargne réglementée 2021, 19 juillet 2022 (lien).  

([153]) Le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 15 du présent rapport pour plus de précisions sur le fonctionnement de l’assurance-vie.  

([154]) Énumérées à l’article L. 224-4 du code monétaire et financier, il s’agit du décès du conjoint du titulaire, de l’invalidité du titulaire, de ses enfants ou de son conjoint, du surendettement du titulaire, de l’expiration des droits à l’assurance chômage du titulaire, de la cessation d’activité non salariée du titulaire à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire et de l’acquisition de la résidence principale.

([155]) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/Union européenne.

([156]) COM 371 (lien).  

([157]) Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances (lien).

([158]) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/Union européenne.  

([159]) Amendement n° 399 (lien).  

([160]) Pour plus de précisions sur ces labels, le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 15 du présent rapport.  

([161]) Amendement n° 400 (lien).  

([162]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([163]) Directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie.

([164])  France assureurs, L’assurance-vie continue de se développer en avril avec une collecte nette atteignant 1,3 milliard d’euros.

([165]) Article L. 131-1 du code des assurances.

([166]) Ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite.

([167]) Étude d’impact du projet de loi, p. 218.

([168]) Étude d’impact du projet de loi, p. 225.

([169]) Étude d’impact du projet de loi, p. 230.

([170])  Par « titres », il convient d’entendre, au sens du 1 de l’article L. 221-32-2, les actions, certificats d’investissement de sociétés et certificats coopératifs d’investissement, parts de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés dotées d’un statut équivalent et titres de capital de sociétés coopératives, obligations convertibles ou remboursables en actions et titres participatifs et obligations à taux fixe faisant ou ayant fait l’objet d’une offre proposée par l’intermédiaire d’un prestataire de services de financement participatif.

([171]) Id.

([172]) Étude d’impact du projet de loi, p. 234.

([173]) Id.

([174]) Id.

([175])  Étude d’impact du projet de loi, p. 231.

([176])  Règlement (UE) n° 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme.

([177])  Règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d’investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d’investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l’investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l’emprunt de liquidités et d’autres dispositions des statuts des fonds.

([178]) Les modalités de celle-ci, prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, font directement référence au règlement européen du 29 avril 2015 précité et seront donc modifiées dès l’entrée en application, le 10 janvier 2024, de sa révision, au contraire des conditions définies par le code des assurances pour la souscription en unités de compte et par le code monétaire et financier pour le plan d’épargne retraite.

([179])  Étude d’impact du projet de loi, p. 232.

([180]) Comme le relève l’étude d’impact du projet de loi (p. 233), il s’agit là d’une disposition reprise de la proposition de loi n° 586 de MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, sénateurs, tendant à renforcer la protection des épargnants, adoptée en première lecture par le Sénat le 31 janvier 2023.

([181]) Il s’agit des fonds eurocroissance.

([182])  Rapport fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, sénateurs, enregistré à la présidence du Sénat le 25 janvier 2023, p. 42.

([183])  Actuellement, ne doivent ainsi être publiés par l’assureur que le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d’assurance-vie ou de capitalisation et le rendement garanti moyen.

([184])  En application de l’article L. 224-7 du code monétaire et financier, cette information doit préciser, pour chaque unité de compte, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés, avec mention des éventuelles rétrocessions de commission perçues par le gestionnaire du contrat.

([185]) Rapport fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, sénateurs, enregistré à la présidence du Sénat le 25 janvier 2023, p. 44.

([186]) Compte rendu intégral des débats, séance du 22 juin 2023.

([187]) Les autres formes de capital-investissement sont le capital-développement, qui vise à soutenir et accélérer la croissance d’une entreprise, le capital-transmission, ou leveraged buy-out, qui vise à financer l’acquisition d’une entreprise avec effet de levier, et le capital-retournement, qui vise à financer l’acquisition d’une entreprise en difficulté afin de lui fournir les ressources nécessaires pour mettre en place un plan de redressement.

([188]) Autorité des marchés financiers, Investir via un fonds de capital-investissement (FCPR, FCPI, FIP).

([189]) Loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses mesures d’ordre économique et financier.

([190]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([191])  L’actif peut également comprendre les biens meubles et immeubles nécessaires au fonctionnement de la société.

([192]) Avis présenté au nom de la commission des finances sur le projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée), par Mme Christine Lavarde, sénateur, enregistré à la présidence du Sénat le 13 juin 2023, p. 119.

([193]) France Invest, Activité du capital-investissement en 2022, 30 mars 2023.

([194]) Règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme.

([195]) Article 1er du règlement 2015/760 précité.

([196]) Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

([197]) Sont qualifiés de FIA des organismes de placement collectifs qui lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs, et qui, étant des organismes de placement fermé ou des organismes de placement collectif qui recueillent des capitaux sans promouvoir la vente de leurs parts auprès du public dans l’Union européenne ou dans quelque partie de celle-ci, ne sont pas soumis à l’obligation d’agrément des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

([198]) Les investisseurs d’un Eltif ne peuvent demander le remboursement de leurs parts ou actions avant la fin de la vie de celui-ci, hors certaines périodes précisées par une politique de remboursement définie par le gestionnaire et sous conditions.

([199]) Est éligible une entreprise non financière – ou financière investissant exclusivement dans des entreprises de portefeuille éligibles – et non cotée ou ayant une capitalisation boursière ne dépassant pas 500 millions d’euros.

([200]) Étude d’impact du projet de loi, p. 242.

([201]) Règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d’investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d’investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l’investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l’emprunt de liquidités et d’autres dispositions des statuts des fonds.

([202]) Étude d’impact du projet de loi, p. 242.

([203]) Ibid, p. 248.

([204]) Ibid, p. 250

([205]) Ibid, p. 251.

([206]) Ibid, p. 252.

([207]) Étude d’impact du projet de loi, p. 247.

([208]) Ils s’appellent alors « sociétés d’investissement professionnelles spécialisées ».

([209]) Ils s’appellent alors « fonds d’investissement professionnel spécialisés ».

([210]) Ils s’appellent alors « sociétés de libre partenariat ».

([211]) Étude d’impact du projet de loi, pp. 246-247.

([212]) Règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d’investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d’investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l’investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l’emprunt de liquidités et d’autres dispositions des statuts des fonds.

([213]) Règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme.

([214]) Pour une première présentation des Eltif, voir, supra, le commentaire de l’article 18 du projet de loi.

([215]) Étude d’impact du projet de loi, p. 260.

([216]) Un actif physique est « un actif qui possède une valeur liée à sa substance et à ses propriétés », sans autre condition spécifique que le considérant 8 du règlement 023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d’investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d’investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l’investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l’emprunt de liquidités et d’autres dispositions des statuts des fonds : « Les actifs éligibles à l’investissement devraient s’entendre comme excluant les œuvres d’art, les manuscrits, les stocks de vin, les bijoux ou autres actifs qui ne représentent pas en eux-mêmes des investissements à long terme dans l’économie réelle. ».

([217]) L’article L. 214-154 du code monétaire et financier dispose qu’un FPS « peut investir dans des biens s'ils satisfont aux règles suivantes :

« 1° La propriété du bien est fondée soit sur une inscription, soit sur un acte authentique, soit sur un acte sous seing privé dont la valeur probante est reconnue par la loi française. Cette condition est réputée satisfaite pour les biens qui font l'objet d'une inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé ;

« 2° Le bien ne fait l'objet d'aucune sûreté autre que celles éventuellement constituées pour la réalisation de l'objectif de gestion du fonds professionnel spécialisé ;

« 3° Le bien fait l'objet d'une valorisation fiable sous forme d'un prix calculé de façon précise et établi régulièrement, qui est soit un prix de marché, soit un prix fourni par un système de valorisation permettant de déterminer la valeur à laquelle l'actif pourrait être échangé entre des parties avisées et contractant en connaissance de cause dans le cadre d'une transaction effectuée dans des conditions normales de concurrence ;

« 4° La liquidité du bien permet au fonds professionnel spécialisé de respecter ses obligations en matière d'exécution des rachats vis-à-vis de ses porteurs et actionnaires définies par ses statuts ou son règlement. »

([218]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([219])  Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n ° 1060/2009 et (UE) n ° 1095/2010.