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N° 1669

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol,

(Procédure accélérée)

PAR M. Christopher WEISSBERG,
 

Député

——

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro : 1224.


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SOMMAIRE

introduction

I. Un cadre juridique INCOMPLET FACE À LA DIVERSITÉ DES MENACES PESANT SUR LE TRANSPORT AÉRIEN

A. La montée en puissance des préoccupations touchant à la sûreté en vol

1. Les relations aéronautiques entre la France et le Canada

2. La sûreté en vol : un sujet qui a progressivement pris de l’ampleur

B. L’intérêt de la conclusion d’une telle convention entre la France et le Canada

1. Une convergence de vues sur le rôle des agents de sûreté en vol

2. L’intérêt d’un cadre juridique robuste

II. Un accord qui STRUCTURE LA coopération franco-canadienne en matière de sûreté aérienne

A. Les dispositions de l’accord

B. Un accord contribuant à ancrer le concept d’agent de sûreté en vol dans la pratique juridique et internationale

1. Un accord qui tend au renforcement de la sûreté aérienne au moyen d’un cadre rénové

2. Un accord dont l’entrée en vigueur ne dépend plus que de la partie française et qui pourrait en inspirer d’autres

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE 1 : TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES auditionnÉes PAR Le RAPPORTEUR

 

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—  1  —

   introduction

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 1224 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol.

Plus de 2 millions de passagers relient la France au Canada par voie aérienne, chaque année. Dans un contexte où les menaces qui pèsent sur la sécurité aérienne demeurent élevées, la sécurité de ces passagers doit être garantie. Si les relations sécuritaires entre la France et le Canada sont denses et de qualité, la nécessité de recourir à des notes verbales à chaque déploiement d’agents de sûreté en vol – notion qui, si elle est fixée dans le paysage institutionnel, ne l’est pas au sein du droit positif – ne permet pas de donner un cadre juridique clair et stable à de tels déploiements.

Dans cette perspective, l’accord du 19 septembre 2022 définit de manière précise les missions et le statut des agents de sûreté en vol (articles 1 et 2), qui sont des agents gouvernementaux chargés de missions de contre-terrorisme aérien spécialement formés à cet effet. Il définit les conditions générales de déploiement de ces agents et les procédures bilatérales applicables à leur projection (articles 3 à 5 et 9). Il précise également différents aspects concernant le cadre d’exécution de leurs missions (articles 6 à 8). Il prévoit enfin un ensemble de dispositions relatives à la gestion des incidents survenant en vol et au cadre juridique et judiciaire à mettre en œuvre, le cas échéant (articles 10 à 13).

La signature de cet accord, dont l’approbation est soumise à l’autorisation du Parlement, contribue donc à ancrer dans la pratique juridique internationale le concept d’agent de sûreté en vol en tant que moyen particulier contribuant à la sûreté de l’aviation civile.

Le Canada ayant déjà accompli les procédures internes nécessaires à l’entrée en vigueur de ce texte, il revient au Parlement français d’y procéder à son tour dans les meilleurs délais.

 

 

 

 

 


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I.   Un cadre juridique INCOMPLET FACE À LA DIVERSITÉ DES MENACES PESANT SUR LE TRANSPORT AÉRIEN

A.   La montée en puissance des préoccupations touchant à la sûreté en vol

1.   Les relations aéronautiques entre la France et le Canada

Le trafic aérien entre la France et le Canada est dense. Il s’est établi, en 2022, à 87 % de son niveau de 2019, avec 2,42 millions de passagers transportés, soit 2,08 % du trafic international total français ([1]). L’essentiel de ce trafic se situe entre les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et de Montréal-Dorval – cette liaison concentrant environ la moitié des volumes de passagers transportés – puis entre Paris-Charles de Gaulle et Toronto, mais d’autres liaisons se sont développées avec l’aéroport de Montréal depuis les grands aéroports régionaux, qu’ils soient métropolitains – Lyon, Marseille, Nice, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Bâle-Mulhouse – ou ultramarins, avec Pointe-à-Pitre et Fort-de-France. 

La densité de ces liens a fait naître une coopération ancienne entre le Canada et la France en matière de sûreté de l’aviation civile, compte tenu de son caractère essentiellement transnational et des menaces qui pèsent sur elle depuis la fin des années 1960. L’expertise reconnue de la France, notamment au travers du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) – compétent en matière de déploiement d’agents de sûreté en vol – a conduit à l’établissement d’échanges réguliers avec la gendarmerie royale canadienne. Ces échanges se sont accrus à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

2.   La sûreté en vol : un sujet qui a progressivement pris de l’ampleur

Le Canada a fait le choix, dans les mois qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001, de se doter d’une unité permanente d’agents de sûreté en vol, spécifiquement chargés de prévenir et de lutter contre les actes illicites portant gravement atteinte à la sécurité de la navigation aérienne : prise d’otages, introduction de substances explosives, dommages causés aux équipements de navigation, agression du personnel navigant, etc.

La création de cette unité – le Programme de protection des transporteurs aériens canadiens ([2]) – a représenté un effort budgétaire et de formation important de la part des autorités canadiennes. Les échanges techniques et de bonnes pratiques ainsi que les formations et entraînements communs se sont donc poursuivis et intensifiés dans les années qui ont suivi, durant lesquelles les menaces pesant sur la sûreté de l’aviation civile sont demeurées à un niveau particulièrement élevé.

Dans ce contexte, la négociation d’un engagement bilatéral portant sur les questions liées au déploiement d’agents de sûreté en vol sur les liaisons aériennes entre la France et le Canada a commencé à être évoquée.

B.   L’intérêt de la conclusion d’une telle convention entre la France et le Canada

1.   Une convergence de vues sur le rôle des agents de sûreté en vol

Le Canada, comme la France, inscrit l’action des agents de sûreté en vol dans une logique générale de contre-terrorisme aérien aux fins de la prévention d’actes graves à la sûreté des aéronefs et des personnes à bord et de réponse à des actes terroristes. Comme une personne auditionnée a pu l’évoquer auprès du rapporteur, les agents de sûreté en vol ont vocation à agir sur le « haut du spectre » des menaces, ce qui justifie que les unités habilitées en France appartiennent au GIGN ou, à titre subsidiaire, au groupe de Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID).

Cette convergence de vues entre nos deux pays s’oppose, par exemple, à des pays comme les États-Unis qui confient à leurs agents de sûreté en vol – les « air marshalls » – un rôle de police générale au sein d’un aéronef.

Dans le contexte de la création du Programme de protection des transporteurs aériens canadiens, la négociation d’un engagement bilatéral portant sur les questions liées au déploiement d’agents de sûreté en vol a commencé à être évoquée, afin de donner un cadre juridique clair aux agents ayant vocation à être déployés entre les deux pays.

Les premiers contacts bilatéraux concernant la négociation d’un éventuel instrument franco-canadien ont été amorcés en mars 2009, sans toutefois s’inscrire dans le cadre d’une négociation.

Les travaux techniques menés ont néanmoins permis de nourrir les discussions bilatérales à venir, notamment celles portant sur les procédures applicables aux demandes de déploiement d’agents de sûreté en vol, le régime juridique applicable aux agents et les procédures liées à leur accueil sur le territoire de l’État d’atterrissage.

La négociation de l’accord a véritablement débuté en janvier 2013 ; elle a progressivement permis de figer la structure générale du texte et de définir le contenu des dispositions en tenant compte de l’évolution des pratiques des services opérationnels dans ce domaine.

Selon les termes de l’étude d’impact du projet de loi, le texte de l’accord « était pour l’essentiel stabilisé à la fin de l’année 2016 ». Un travail d’ajustement de certaines dispositions a été ensuite conduit jusqu’en novembre 2021, afin de prendre en compte l’évolution des usages juridiques ou administratifs des deux États.

L’accord a été signé le 19 janvier 2022, à Paris, par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères français, M. Jean-Yves Le Drian, et son homologue canadienne, Mme Mélanie Joly.

2.   L’intérêt d’un cadre juridique robuste

La multiplication des atteintes à la sûreté de l’aviation civile a conduit la communauté internationale à l’adoption de plusieurs conventions internationales qui forment le socle du cadre juridique actuel en matière de sûreté aérienne. On peut notamment, à cet égard, citer :

– la convention relative aux infractions et à certains actes survenant à bord des aéronefs, signée à Tokyo le 14 septembre 1963 ;

– la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée à La Haye le 16 décembre 1970 ;

– la convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971.

Dans ce contexte, la convention relative à l’aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944, a été complétée par une annexe 17, adoptée le 22 mars 1974 et relative aux mesures de « sûreté et de protection de l’aviation civile internationale contre les actes d’intervention illicite ».

Cette annexe 17, qui a été actualisée en décembre 2001, a esquissé le premier cadre en vue d’une formalisation, en droit international, du concept d’« agent de sûreté en vol ». Pour autant, il convient de noter que l’annexe à la Convention de Chicago n’a pas la même autorité normative qu’une mesure présente dans le corps même de la Convention.

Le protocole de Montréal du 4 avril 2014 portant amendement de la convention de Tokyo relative aux infractions et à certains actes survenant à bord des aéronefs précitée a introduit, pour la première fois dans l’ordre juridique multilatéral, des dispositions normatives consacrant l’action des agents de sûreté en vol. Entré en vigueur le 1er janvier 2020, ce protocole regroupe 38 États parties, dont, depuis le 1er mai 2021, la France ; en revanche, le Canada n’en est pas signataire.

Dès lors, en dépit de ce cadre juridique de référence en droit international, il demeure nécessaire d’organiser juridiquement les modalités de mise en œuvre des opérations des agents de sûreté en vol entre la France et le Canada.

S’il peut être recouru à des notes verbales en l’absence d’accord, seul un instrument bilatéral permet d’offrir des assurances quant à la possibilité de déployer de manière fluide et sécurisée des agents de sûreté en vol au sein des vols opérants entre la France et le Canada, qu’il s’agisse de limiter ou d’encadrer l’exercice d’une compétence juridictionnelle à leur égard, de définir les conditions de remise des personnes appréhendées par eux, ou encore de fixer les modalités de règlement des dommages, ces éléments excédant ce qui peut être fixé au sein d’une note verbale.

Telle est justement l’ambition de l’accord franco-canadien qui fait l’objet du projet de loi n° 1224 déposé le 10 mai 2023 sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

II.   Un accord qui STRUCTURE LA coopération franco-canadienne en matière de sûreté aérienne

A.   Les dispositions de l’accord

L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol est structuré en seize articles et une annexe.

Il est introduit, en préambule, par trois considérants qui rappellent, d’une part, la finalité générale de la coopération instituée – à savoir la lutte contre les menaces graves pour l’aviation civile – et, d’autre part, le cadre juridique de référence pour la mise en œuvre de cette coopération.

L’article 1er encadre le rôle des agents de sûreté en vol, en précisant qu’ils ont pour mission « d’empêcher la prise de contrôle d’un aéronef et tout acte d’intervention illicite de nature à compromettre gravement la sécurité d’un aéronef ou à causer des dommages menaçant la sécurité ou l’intégrité des passagers qui se trouvent à bord ».

Ces agents doivent respecter la législation de l’État sur le territoire duquel ils se trouvent, ce qui est également le cas dans les espaces aériens sur-adjacents de celui-ci. Cette mention permet d’éviter toute contrariété entre les exigences constitutionnelles françaises et les dispositions de l’article L. 6111-6 du code des transports, qui veut que « les rapports juridiques entre les personnes qui se trouvent à bord d’un aéronef en circulation sont régis par la loi de l’État d’immatriculation de l’aéronef ». Cette disposition est en effet de nature à créer une obligation particulière pour les agents de sûreté en vol canadiens : respecter le droit français lorsqu’ils se trouvent sur le territoire français, ainsi que dans les espaces aériens sur-adjacents. De surcroît, les agents de sûreté en vol ne peuvent être déployés que dans des aéronefs immatriculés dans leur pays de rattachement : ainsi, des agents de sûreté en vol français ne peuvent être déployés que dans un aéronef immatriculé en France, ce qui est de nature à éviter des conflits de compétence juridictionnelle.

Dès lors, si le dispositif prévoit l’exercice de prérogatives de puissance publique sur le territoire national par des agents étrangers, il demeure conforme aux critères définis par la jurisprudence constitutionnelle en ce que cet exercice est réalisé sous le contrôle des autorités françaises ([3]).

L’article 2 prévoit que les agents de sécurité en vol sont spécialement sélectionnés et formés aux différents aspects de la sûreté et de la sécurité aérienne, chaque partie informant l’autre des critères de sélection et de la formation reçue par les agents de sûreté en vol.

L’article 3 stipule qu’une partie peut déployer des agents de sûreté en vol à bord d’aéronefs immatriculés sur le territoire de son État qui effectuent des vols aériens réguliers ou non réguliers à destination ou en provenance du territoire de l’État de l’autre partie.

L’article 4 prévoit la désignation d’un point de contact national pour la notification mutuelle de déploiement d’agents de sûreté en vol.

L’article 5 traite du préavis de déploiement. Il distingue le cas ordinaire des situations de menaces graves et imminentes qui entraînent la possibilité de déployer des agents de sûreté en vol sans préavis.

L’article 6 établit les modalités de détention et de transport des armes des agents de sûreté en vol d’une partie sur le territoire de l’autre partie.

L’article 7 précise que des procédures opérationnelles sont établies conjointement par les deux Parties, notamment en matière d’armes et de munitions dont sont dotés les agents de sûreté en vol.

L’article 8 vise à encadrer la protection des données en prévoyant la confidentialité des informations échangées, tout comme le respect de la protection des données à caractère personnel.

Cet échange de données est appelé à s’inscrire dans le cadre des dispositions, d’une part, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ([4]), d’autre part de la directive « Police-Justice » du 27 avril 2016 ([5]) et, enfin, de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ([6]). Si le Canada a fait l’objet d’une reconnaissance de protection, en la matière, de niveau partiellement équivalent par la Commission européenne ([7]), les transferts de données au titre de l’accord du 19 janvier 2022 ne pourront intervenir que dans le strict respect des conditions prévues par le droit de l’Union européenne.

L’article 9 prévoit les situations de survol et de transit d’agents de sûreté en vol d’une Partie sur le territoire ou dans l’espace aérien de l’autre partie.

L’article 10 vise la gestion des incidents, en prévoyant des dispositions applicables en cas d’acte illicite survenant à bord d’un aéronef et ayant contraint l’intervention d’un agent de sûreté en vol.

L’article 11 dispose que la peine capitale ne peut être requise, prononcée ou mise à exécution dans le cadre de l’entraide judiciaire mise en œuvre à l’endroit d’une personne poursuivie en application de l’accord.

L’article 12 traite des procédures pénales relatives à l’action des agents de sûreté en vol.

L’article 13 prévoit le règlement des dommages par voie de consultation ou de négociations.

Les articles 14 à 16 traitent de différentes dispositions communes : dispositions finales, règlement des différends et respect des engagements internationaux préexistants.

Enfin, l’annexe unique précise les renseignements à inclure dans un avis écrit de déploiement d’agents de sûreté en vol.

B.   Un accord contribuant à ancrer le concept d’agent de sûreté en vol dans la pratique juridique et internationale

1.   Un accord qui tend au renforcement de la sûreté aérienne au moyen d’un cadre rénové

Cet accord ancre dans la pratique juridique et opérationnelle internationale le concept d’agent de sûreté en vol, défini comme un moyen particulier permettant de contribuer à la sûreté de l’aviation civile en prévenant et en répondant aux actes constituant des atteintes graves à l’intégrité de l’aéronef ou à la sécurité des personnes à bord.

Il répond également à la volonté des autorités françaises de déployer de tels agents en vol dans un cadre juridique précis et rigoureux, donc sécurisé.

2.   Un accord dont l’entrée en vigueur ne dépend plus que de la partie française et qui pourrait en inspirer d’autres

Conformément à la politique canadienne sur l’entrée en vigueur des traités, le texte de l’accord a été déposé, dans les deux langues officielles, à la Chambre des communes par le secrétaire parlementaire de la ministre des affaires étrangères, le 22 mars 2022.

La Chambre n’ayant pas présenté de motion relative à cet accord dans les 21 jours suivant son dépôt, le Gouvernement canadien a pu entamer les démarches juridiques en vue de son entrée en vigueur.

Selon les réponses apportées au rapporteur, la partie canadienne a informé la partie française de l’accomplissement des procédures internes du Canada pour l’entrée en vigueur de l’accord par note verbale de son ambassade en date du 28 juin 2022.

Conformément à l’article 16 (1) de l’accord, celui-ci entrera en vigueur le 1er jour du 2ème mois suivant la réception, par la partie canadienne, de la notification française d’accomplissement de ses procédures constitutionnelles.

Cet accord franco-canadien constitue le premier accord intergouvernemental conclu par la France – comme par le Canada – en matière de déploiement d’agents de sûreté en vol. Le fait qu’il constitue un instrument juridique « pionnier » est l’une des motivations ayant conduit à parachever sa négociation : le souhait des autorités françaises de privilégier une formalisation de ce type de dispositif de sûreté aérienne au travers d’un accord intergouvernemental.

Il a été répondu au rapporteur qu’à ce jour, hormis avec le Canada, la France n’a été engagée dans la négociation d’un accord intergouvernemental relatif aux agents de sûreté en vol qu’avec un seul autre pays : les États-Unis. Toutefois, cette négociation n’a pas pu prospérer, notamment du fait de l’impossibilité pour le partenaire américain d’accorder à la France les garanties attendues en matière de protection juridique des agents et de non-application de la peine de mort aux personnes remises par le commandant d’aéronef.

L’utilisation d’agents de sûreté en vol constituant une pratique en développement, des appréciations en opportunité permettront, sans doute, dans le futur, d’ouvrir d’autres négociations sur le présent modèle franco-canadien, si des besoins opérationnels le justifient.

 

 


 

EXAMEN EN COMMISSION

 

Le mercredi 20 septembre 2023, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, j’espère que vous avez passé une interruption estivale réparatrice car nous sommes confrontés, en cette rentrée parlementaire, à des situations très difficiles, voire dramatiques.

La semaine dernière, je me suis rendu en Arménie pendant trois jours. J’y ai rencontré tous les responsables de ce pays. Nous étions les uns et les autres extrêmement préoccupés ; mes interlocuteurs étaient notamment très soucieux.

L’image de la France est excellente en Arménie, comme l’est celle de l’Union européenne (UE). Nous avons suivi une patrouille des observateurs de la mission civile de l’UE. J’avais d’ailleurs demandé la mise en place de ce dispositif, en votre nom, à Mme Colonna au mois de décembre dernier et le président Macron avait su convaincre ses collègues au Conseil européen. Il était très frappant de voir comment nous étions parfaitement accueillis, ce qui témoigne aussi du fait que les Arméniens ne peuvent en réalité compter sur grand monde pour les défendre et se trouvent dans une situation extrêmement précaire. Bien des pays sont relativement indifférents au sort de l’Arménie, à commencer par les États-Unis, Israël et de nombreux États membres de UE.

Je suis revenu très inquiet, tant pour l’avenir de la population du Haut-Karabagh que pour l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, qui est très menacée à plus ou moins brève échéance. Le seul obstacle que rencontre M. Aliev dans son entreprise vient de l’Iran, qui n’est pas tout à fait l’interlocuteur que nous souhaiterions.

La situation est donc très difficile et je n’ai pas été surpris par l’attaque très grave qui a eu lieu hier. C’est à l’évidence une entreprise de nettoyage ethnique, qui se terminera de toute manière dans des conditions très pénibles avec le départ d’une grande partie de la population du Haut-Karabagh. Il faut souhaiter qu’il n’y ait pas de massacre et que l’on assure les besoins matériels de cette population. Elle se trouve dans une situation d’isolement très préoccupante, subit le manque de nourriture, de soins et d’électricité et ne bénéficie que de très peu de solidarité. La popularité de la France et de la mission civile de l’UE est d’une certaine manière le reflet de cette situation.

Ce qui se passe est très important. Nous, Français, devons assumer une responsabilité particulière dans cette affaire. Le président de la République a fait tout ce qu’il a pu et ses efforts sont reconnus par M. Pachinian, avec lequel j’ai eu une discussion extrêmement approfondie. La France a saisi le Conseil de sécurité des Nations Unies mais nous sommes un peu les seuls, au sein de la communauté internationale, à nous préoccuper du sort de cette population.

Il me semble que je devais ces quelques mots d’introduction en priorité à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Quel que soit votre groupe politique, je vous demande d’être particulièrement conscients de la gravité des enjeux et de faire le nécessaire pour que nous nous mobilisions, afin de trouver une solution conforme au droit international qui permette de protéger une population dont la survie est très gravement menacée.

J’en viens à présent à l’objet initial de la réunion de ce matin. Notre ordre du jour appelle l’examen du projet de loi n° 1224 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol, signé à Paris le 19 janvier 2022.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la communauté internationale a posé les bases juridiques permettant le déploiement d’agents de sûreté dans les vols commerciaux afin de prévenir les actes de terrorisme. Des dispositions conventionnelles ont été adoptés en ce sens en 2014 – cela va toujours très vite… – grâce au protocole de Montréal, qui complète l’annexe 17 à la convention de Chicago du 22 mars 1974 relative aux mesures de sûreté et de protection de l’aviation civile internationale contre les actes d’intervention illicite.

Les modalités de mise en œuvre des opérations des agents de sûreté en vol sont précisées soit par des notes verbales, qui présentent l’inconvénient de traiter les situations au cas par cas, soit par des accords bilatéraux définissant un régime juridique plus robuste, notamment s’agissant de la remise des personnes appréhendées ou des éventuels dommages causés ou subis.

Le Canada est un partenaire important de la France et il dispose d’une unité permanente d’agents de sûreté en vol, spécifiquement chargée de lutter contre les prises d’otages, les risques d’attentats ou les agressions des personnels navigants. Les négociations ont de ce fait abouti à la conclusion d’un accord bilatéral, qui a été signé le 19 janvier 2022 et dont il nous est demandé d’autoriser la ratification.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Plus de deux millions de passagers empruntent la voie aérienne entre la France et le Canada chaque année, et parmi eux nombre des 100 000 Français inscrits sur les registres consulaires que j’ai l’honneur de représenter.

Dans un contexte où les menaces demeurent élevées, la sécurité de ces passagers doit bien entendu être garantie. Si les relations entre la France et le Canada en matière de sécurité sont denses et de qualité, le fait de devoir recourir à des notes verbales à chaque déploiement d’agents de sûreté en vol ne permet pas de donner un cadre juridique clair et stable à de tels déploiements.

Dans cette perspective, l’accord du 19 septembre 2022 définit de manière précise les missions et le statut des agents de sûreté en vol, qui sont des personnels gouvernementaux chargés de missions de contre-terrorisme aérien et spécialement formés à cet effet. En France, ces agents appartiennent au groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et à l’unité de la police nationale plus particulièrement chargée des missions de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion (RAID). Les Canadiens disposent d’un corps spécifique, appelé « programme de protection des transporteurs aériens canadiens » – CACPP en anglais.

L’accord qui nous est soumis définit les conditions générales de déploiement de ces agents et les procédures bilatérales applicable à leur emploi. Il précise également différents aspects concernant le cadre d’exécution de leurs missions. Enfin, il prévoit un ensemble de stipulations relatives à la gestion des incidents survenant en vol et au cadre juridique et judiciaire à mettre en œuvre, le cas échéant.

Je tiens à souligner la finesse de l’articulation entre les stipulations de l’accord et les garanties offertes par les droits français et européen. Par exemple, les agents peuvent être déployés seulement sur des avions immatriculés dans leur pays. De plus, leur déploiement ne se fera jamais par surprise, grâce à un point de contact dans chaque État partie. Cela permet d’agir vite et de manière fluide mais jamais au détriment de la souveraineté.

Les déploiements s’effectuent d’ailleurs dans le respect de nos exigences constitutionnelles en matière de souveraineté, puisque les agents canadiens doivent respecter la loi française lorsqu’ils se trouvent sur le territoire français ou dans ses espaces aériens sur-adjacents. L’exercice de prérogatives de puissance publique sur le territoire national par des agents étrangers s’effectue ainsi sous le contrôle des autorités françaises, ce qui est conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1991.

Parmi les autres garanties offertes, on relèvera que l’accord encadre la protection des données en prévoyant la confidentialité des informations échangées. Cet échange de données s’inscrit dans le cadre des dispositions de la loi du 6 janvier 1978, dite « informatique et libertés », mais également du droit européen. Les transferts de données ne pourront donc intervenir que dans le strict respect de ce dernier, qui prévoit les plus hauts standards de protection en la matière au niveau mondial.

L’accord soumis à notre approbation contribue donc à ancrer dans la pratique juridique internationale le concept d’agents de sûreté en vol en tant que moyen particulier contribuant à la sûreté de l’aviation civile. Il constitue le premier accord intergouvernemental conclu en la matière par la France comme par le Canada. Le fait qu’il constitue d’un instrument juridique pionnier est l’une des motivations qui a conduit à parachever sa négociation. L’exécutif a souhaité formaliser ce type de dispositif de sûreté aérienne à travers un accord intergouvernemental.

Le Canada a déjà accompli les procédures nécessaires à l’entrée en vigueur de ce texte et il nous revient d’y procéder à notre tour. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de l’approbation de cet accord.

Mme Béatrice Piron (RE). Le travail du rapporteur souligne la nécessité d’établir un cadre juridique entre la France et le Canada en ce qui concerne la sécurité aérienne. Cet accord vient renforcer la coopération déjà très riche entre nos deux pays, qui partagent une langue et des valeurs communes. De plus, les liens humains sont particulièrement étroits, puisque plus de 108 000 ressortissants français vivent au Canada. Plus de deux millions de passagers circulent chaque année entre la France et le Canada par voie aérienne. La sécurité doit donc être assurée. Nous avons tous en tête la tragédie du 11 septembre 2001, avec ses 2 753 victimes. Cet événement constitue un véritable point de bascule en matière de sûreté aérienne.

L’accord qui nous est soumis s’ajoute à la signature, en 2016, d’un partenariat renforcé dans le domaine de la coopération de sécurité. Il vient donc encore enrichir les échanges entre nos forces de sécurité. Dans un monde où les menaces terroristes demeurent une préoccupation constante, il est impératif de garantir la protection des passagers. Bien que les relations entre la France et le Canada soient robustes et de haute qualité, il est crucial de prévoir un accord juridique cohérent et stable pour les futures opérations aériennes. Les agents de sûreté en vol sont un outil pour mieux protéger les passagers. Il demeure évident que l’usage de la force dans les milieux clos doit être encadré. Pour cela, cet accord ancre dans la pratique juridique et opérationnelle internationale le concept d’agent de sûreté en vol comme moyen particulier permettant de contribuer à la sécurité de l’aviation civile.

Avez-vous pu comparer ce modèle avec des pratiques similaires concernant d’autres pays ? La France a-t-elle pour ambition d’étendre cette politique ?

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Vous avez rappelé les liens d’amitiés très forts qui nous unissent au Canada. Nous avons beaucoup de similitudes et nos modèles en matière d’agents de sécurité sont également très comparables, comme l’ont souligné les responsables du ministère de l’Europe et des affaires étrangères que nous avons auditionnés.

Cet accord constitue en effet un cadre qui pourrait être utilisé avec d’autres États. Mais l’ensemble de mes interlocuteurs a indiqué que l’on n’en était pas encore là, car nous ne pourrons pas profiter d’une telle concordance de nos systèmes juridiques et de nos forces de sécurité. Aucun travail n’est actuellement engagé pour prévoir un tel accord de coopération sur un plan multilatéral et il n’est pas évident que l’on arrive à reproduire avec d’autres pays le modèle de notre coopération avec le Canada.

Depuis le 11-septembre 2001, les États-Unis ont recours aux agent du United States Marshals Service, dont la compétence est générale alors que nos agents de sûreté en vol n’interviennent qu’en matière de contre-terrorisme. Ce n’est donc pas du tout la même approche. Des agents américains opèrent aussi au départ des vols vers les États-Unis.

En d’autres termes, il me semble que l’on n’arrivera pas à conclure de sitôt un accord comparable à celui dont nous examinons ce matin l’autorisation de l’approbation.

M. Michel Guiniot (RN). L’accord qui nous est soumis est exhaustif et respecte la souveraineté de chaque État partie. Le groupe Rassemblement national ne peut être qu’en faveur de son approbation.

Cet accord est malheureusement rendu nécessaire par les risques d’attentat et de détournement d’avions. Depuis l’an 2000, sur les onze attentats officiellement reconnus qui ont eu lieu dans des aéronefs, dix ont été perpétrés par des personnes appartenant à la mouvance islamiste.

L’article 1er est clair : les agents de sûreté en vol sont des employés gouvernementaux qui doivent agir dans le respect de la législation du territoire dans lequel ils se trouvent. Cet article définit également leur cadre d’intervention : ils ne peuvent agir qu’en cas d’actes de nature à compromettre gravement la sécurité. Lorsque l’on est à 10 000 mètres au-dessus de l’Atlantique avec 300 personnes à bord, la nuance entre le grave est le bénin est ténue dès lors que la sécurité est compromise…

Ces agents sont formés et connus par les États partie. Ils peuvent au besoin être identifiés par le personnel navigant. Leur déploiement fait l’objet d’une information entre les États, laquelle précise les armes et munitions qu’ils porteront, et celle-ci est transmise aux services de sécurité des aéroports concernés.

L’article 10 mérite un éclaircissement. En effet, l’article L. 6522-3 du code des transports prévoit que le commandant de bord a autorité sur toutes les personnes embarquées. De plus, le 3° de l’article L. 6522-4 du même code prévoit que le commandant de bord a le droit, sans mandat spécial, « de prendre toutes dispositions […] pour assurer la sécurité des personnes embarquées et la sauvegarde du fret ». Or le deuxième alinéa de l’article 10 précise que le commandant d’aéronef peut, sans pouvoir l’exiger, demander ou autoriser l’assistance d’un agent de sûreté en vol en vue d’appliquer des mesures de contrainte à l’égard de personnes dangereuses. Pourquoi le commandant de bord ne pourrait-il pas exiger la présence d’agents de sûreté s’il l’estime nécessaire pour compléter l’intervention de son personnel de bord ?

L’article 12 prévoit que des procédures pénales pourront être engagées à l’encontre des agents de sûreté en vol. Malheureusement, nous avons la fâcheuse habitude en France de placer en garde à vue les membres des forces de l’ordre qui ont agi pour nous protéger. Faut-il en déduire que les agents canadiens qui auraient mis fin à une menace imminente n’oseront pas quitter l’avion de peur d’être arrêtés pour avoir sorti leurs armes ?

Enfin, les stipulations finales de l’accord concernent les procédures de règlement des dommages et des différends, lesquelles sont d’usage.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Lors des auditions, on m’a très clairement dit que le commandant reste maître à bord. Il peut décider que l’avion ne décollera pas, même si des agents de sûreté aérienne sont présents. Je ne vois pas en quoi l’accord porterait atteinte aux prérogatives essentielles du commandant de bord.

Le texte présente l’avantage essentiel de favoriser la coopération, et donc de mieux anticiper les risques.

M. Michel Guiniot (RN). Je pensais à ce qui pourrait se passer après le décollage.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Les responsables du ministère de l’intérieur et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères m’ont indiqué que, grâce à l’anticipation des risques, il était très peu probable que des personnes suspectes se trouvent dans un vol auquel participent des agents de sûreté aérienne.

M. Michel Guiniot (RN). Espérons-le…

M. Adrien Quatennens (LFI-NUPES). Le texte que nous examinons ce matin vise à autoriser l’approbation de l’accord entre les Gouvernements français et canadien, relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol.

Cet accord constitue la traduction juridique d’une pratique courante entre nos deux États. Il donne compétence aux membres des RAID et GIGN et de la gendarmerie royale du Canada – et uniquement à ceux-ci – pour embarquer et intervenir en cas de tentative de prise de contrôle d’un aéronef ou de tout acte illicite menaçant sa sécurité et celle des passagers. Les agents de sûreté en vol auraient un rôle défensif et restreint à la durée du voyage. Aucun agent ne disposera de compétences judiciaires sur le territoire ou dans l’espace aérien de l’autre État partie. L’accord prévoit par ailleurs l’installation de points de contact, chargés notamment d’assurer l’information de l’autre État lors du déploiement d’un agent à bord d’un aéronef.

Le texte semble présenter des garanties suffisantes en ce qui concerne le statut des agents de sûreté en vol, leurs compétences, leur cadre d’emploi et la gestion des incidents à bord. Il encadre une pratique existante et s’assure de sa conformité avec le droit international et le droit national de chaque État partie.

Deux points doivent attirer notre attention et susciter notre vigilance.

Si l’on peut comprendre que l’accord ne mentionne pas l’information des passagers sur la présence d’un agent de sûreté en vol, il n’est pas normal que l’étude d’impact n’aborde pas la question. La présence d’un agent armé n’est pas anodine et le manque d’information des passagers pose un problème.

Ensuite, de nombreuses fonctions de sécurité sont déjà déléguées à des compagnies privées, comme par exemple les contrôles aéroportuaires. Nous devons rester vigilants, afin que les accords en la matière n’ouvrent jamais la voie à la privatisation de la sécurité des passagers.

Cela dit, notre groupe votera pour l’approbation de cet accord entre la France et le Canada.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Je vous en remercie.

À mon sens, il faut être prudent s’agissant de l’information sur la présence d’un agent de sûreté à bord chargé de lutter contre le terrorisme car cela aurait davantage pour effet d’affoler les passagers que de les rassurer. Quand la présence de ces agents est nécessaire pour mieux surveiller un individu, il vaut mieux rester discret.

Mme Laurence Vichnievsky (Dem). Nous savons tous combien les mesures de sécurité et de prévention sont importantes. Vous avez souligné la similitude des modèles entre la France et le Canada ainsi que les liens d’amitié et les valeurs que nous partageons. Ces éléments ont facilité la conclusion de cet accord mais, comme vous l’avez indiqué, cela ne sera pas le cas avec d’autre pays.

Je souligne la qualité de cet accord, qui clarifie le cadre dans lequel les agents de sûreté en vol peuvent intervenir et la manière dont le commandant de bord peut solliciter leur aide. Les services concernés sont excellents : il s’agit du GIGN et du RAID en ce qui concerne la France.

Cet accord est une preuve de lucidité et il comprend tous les éléments pour mettre en place une coopération efficace et juridiquement peu contestable. Jusqu’à présent, l’emploi d’agents de sûreté en vol faisait l’objet de notes verbales, ce qui est un peu court du point de vue juridique.

Avec mon groupe, je me félicite des stipulations relatives aux données personnelles, car il s’agit d’un point qui mérite d’être souligné.

Nous allons évidemment voter en faveur de l’approbation.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Votre propos me donne l’occasion de rendre également hommage au RAID et au GIGN, qui sont mondialement reconnus comme le sont les forces spécialisées canadiennes. C’est aussi parce que nos deux pays disposent de tels experts qu’un accord de cette qualité a pu être conclu.

Je vous remercie d’avoir souligné le niveau de coopération atteint avec le Canada. Par-delà cet accord, je suis aussi un ardent défenseur de l’approfondissement de celle-ci de manière générale.

M. Alain David (SOC). Les relations entre la France et le Canada en matière de sécurité sont étroites et les ministres de l’intérieur des deux pays ont signé en 2016 une déclaration d’intention en la matière. Une coopération déjà ancienne nous lie en matière de sûreté de l’aviation civile, domaine où l’expertise de la France est reconnue notamment grâce au GIGN et au RAID.

Plusieurs conventions internationales ont été conclues entre le début des années 1960 et celui des années 1970 pour traiter des problèmes liés aux atteintes à la sûreté de l’aviation civile, dont la convention de Montréal signée le 23 septembre 1971.

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont conduit à franchir une nouvelle étape, avec le déploiement des agents de sûreté en vol – dont le concept a été défini par l’annexe 17 de la convention de Chicago. Ces personnels agissent dans le cadre du contre-terrorisme aérien. Ils peuvent intervenir en cas d’acte illicite grave et de risque d’atteinte grave à l’intégrité de l’aéronef ou à la sécurité des personnes. Cela les distingue des Marshals anglo-saxons, qui assurent des missions de police plus générales à bord des avions et peuvent intervenir pour faire cesser des infractions de moindre gravité.

Enfin, le protocole de Montréal, signé le 4 avril 2014 et entré en vigueur en 2020, a constitué le premier instrument juridique multilatéral comportant des stipulations relatives au rôle et aux prérogatives des agents de sûreté en vol.

Malgré ce protocole, un accord bilatéral reste nécessaire pour déterminer la responsabilité juridictionnelle des agents de sûreté en vol, définir les conditions de remise des personnes appréhendées et prévoir les modalités de règlement des dommages causés ou subis.

Ce projet d’accord constitue un progrès pour la sécurité de nos concitoyens et les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront en sa faveur.

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Je vous remercie pour cette position.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Dans votre rapport, vous évoquez les nombreuses étapes du processus qui a permis de parvenir à cet accord.

Les discussions ont démarré en mars 2009 et les négociations en janvier 2013. Le texte de l’accord était stabilisé à la fin de 2016 et un travail d’ajustement a été conduit jusqu’en novembre 2021, l’accord ayant été finalement signé à Paris le 19 janvier 2022.

Je ne nie pas la complexité du sujet, mais comment expliquez-vous qu’il ait fallu plus de dix ans pour aboutir ?

M. Christopher Weissberg, rapporteur. Je ne remettrai jamais en question les compétences de nos diplomates, qui ne me semblent pas en cause en l’espèce.

Je ne peux répondre à votre question car je n’ai pas participé au processus d’élaboration de cet accord. Douze ans, c’est en effet un peu long, mais je crois comprendre que cela correspond à la moyenne pour ce type de textes internationaux.

En outre, nous ne sommes pas particulièrement en retard car le processus de ratification de certains accords a pu être beaucoup plus long

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si la lenteur et la modération étaient la garantie d’une situation apaisée, il ne devrait plus y avoir de tensions ou de guerres dans le monde quand on voit la rapidité avec laquelle les diplomates agissent.

J’ai eu l’occasion de m’élever en séance publique contre la longueur des délais de ratification ou d’approbation des textes internationaux. On constate une incroyable dilatation du temps entre le moment où un problème se pose et celui où aboutit le mouvement engagé par les États pour le résoudre.

Ce n’est pas la faute des diplomates, c’est tout simplement celle des États. C’est un véritable scandale lorsque l’on considère l’urgence des problèmes auxquels nous devons faire face. Cette difficulté n’est pas propre à l’accord dont nous discutons mais je voulais faire cette petite remarque parce que, comme vous, je trouve que c’est très agaçant.

*

Article unique : approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol, signé à Paris le 19 janvier 2022

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.


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ANNEXE 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

Article unique

(Non modifié)

 

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol, signé à Paris le 19 septembre 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                        

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1224)


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ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES auditionnÉes PAR
Le RAPPORTEUR

 

 

Madame Sandrine Bourguignat, rédactrice, sous-direction d’Amérique du nord ;

 

Monsieur Pierre Dousset, conseiller juridique, direction des affaires juridiques ;

 

Monsieur Jean-Charles Gontier, conseiller sécurité, sous-direction de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

 

 

Monsieur Aymeric Pigot, chef de la mission juridique, direction des affaires européennes et internationales.

 

 

Monsieur Gwenaël Hubert, adjoint au chef du bureau du droit européen et international, sous-direction des affaires juridiques, direction générale de l’aviation scivile (DGAC).


([1]) DGAC, Indicateur mensuel du trafic aérien commercial, décembre 2022.

([2]) CACPP – Canadian Air Carrier Protective Program.

([3]) Conseil constitutionnel, n°91-294 DC du 25 juillet 1991 relative à la loi autorisant l’approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.  

([4]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([5]) Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, et à la libre circulation de ces données.

([6]) Convention (STE n°108) du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

([7]) Décision de la Commission européenne du 20 décembre 2001 constatant, conformément à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, le niveau de protection adéquat des données à caractère personnel assuré par la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.