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N° 1697

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT,
 

visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes
et covictimes de violences intrafamiliales (n° 1001)

 

PAR Mme Isabelle SANTIAGO

Députée

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 658 2e rect., 800 et T.A. n° 79 

2e lecture : 1001

Sénat : 344, 400, 401 et T.A. n° 82 (2022-2023)

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

examen des articles de la proposition de loi

Article 1er (art. 378-2 du code civil) Suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites pour crime commis sur l’autre parent, crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant et en cas de condamnation pour violences conjugales

Article 2 (art 378 du code civil) Établissement d’un principe de retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l’enfant

Article 2 bis  (art. 377 du code civil) Création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale en cas de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant par un parent seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale

Article 2 ter A (art. 380 du code civil) Suppression de la référence au « droit de garde »

Article 2 ter (art. 381 du code civil) Condition de recevabilité de la saisine du JAF en cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement

Article 2 quater (art. 373-2 du code civil) Exonération de toute obligation d’informer préalablement l’autre parent d’un changement de résidence en cas d’ordonnance de protection

Article 3 (art. 221-5-5, 222-31-2 [abrogé] et 222-48-2 du code pénal) Mise en cohérence du code pénal avec les dispositions de l’article 378 du code civil prévoyant le retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité par les juridictions pénales

Article 3 bis (art. 138 du code de procédure pénale) Principe de suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact ou obligation de résider séparément

Article 4 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le repérage et la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales, ainsi que sur l’accompagnement parental

Compte rendu des débats

 


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Mesdames, Messieurs,

400 000 enfants vivent dans un foyer dans lequel s’exercent des violences conjugales et 160 000 enfants subissent, chaque année, des violences sexuelles en France.

La protection des enfants victimes de violences intrafamiliales, notamment sexuelles, est absolument prioritaire. Cet impératif, à la fois moral et de santé publique, se traduit dans la présente proposition de loi par deux dispositions principales qui s’inspirent des recommandations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) :

– la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement dès le stade des poursuites lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves, c’est-à-dire un crime commis sur la personne de l’autre parent, une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant, ou en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours lorsque l’enfant a assisté aux faits (article 1er) ;

– le retrait obligatoire de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un crime sur l’autre parent, une agression sexuelle incestueuse ou un crime sur l’enfant, sauf décision contraire spécialement motivée du juge (article 2).

La nécessité d’agir vite pour mettre à l’abri les enfants victimes de violences intrafamiliales est une conviction partagée sur tous les bancs de l’Assemblée nationale. La présente proposition de loi, présentée par la rapporteure dans le cadre de la journée réservée au groupe Socialistes du 7 février 2023, a fait l’objet d’un travail transpartisan approfondi et rigoureux.

Ce texte a été adopté à l’unanimité en séance publique à l’Assemblée nationale. Il a ensuite été examiné par le Sénat le 21 mars 2023 et substantiellement modifié. La rapporteure ne peut que constater et regretter le désaccord de fond qui existe entre les deux chambres, particulièrement sur l’article 1er qui traite des modalités de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.

Les amendements proposés par la rapporteure ont pour objectif de revenir à la version du texte adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.


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   examen des articles de la proposition de loi

Article 1er
(art. 378-2 du code civil)
Suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites pour crime commis sur l’autre parent, crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant et en cas de condamnation pour violences conjugales

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er réécrit entièrement l’article 378-2 du code civil pour prévoir, d’une part les cas dans lesquels l’exercice de l’autorité parentale est suspendu provisoirement de plein droit dès le stade des poursuites –  crime commis sur l’autre parent, crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant. D’autre part, il prévoit que cette suspension provisoire de plein droit s’applique en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits. L’article prévoit également les modalités d’application de ces suspensions provisoires de plein droit.

     Modifications apportées par l’Assemblée nationale

Sur le fondement de trois amendements identiques illustrant le caractère transpartisan du travail mené, dont l’un de la rapporteure, l’article 378-2 du code civil, créé par la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille dite loi « Pradié », a été entièrement réécrit en commission pour prévoir deux régimes distincts de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement :

– la suspension s’applique dès le stade des poursuites pour les agressions sexuelles incestueuses et les crimes commis contre l’enfant ou pour les crimes commis contre l’autre parent et jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales (JAF) saisi par le parent poursuivi, la décision de non-lieu du juge d’instruction ou la décision de la juridiction de jugement ;

– la suspension s’applique après la condamnation pour des faits de violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits, jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, saisi par l’un des parents dans un délai de six mois.

  Modifications apportées par le Sénat

Par un amendement de sa rapporteure, Mme Marie Mercier, la commission des Lois du Sénat a réécrit l’article 1er de la PPL en supprimant, d’une part, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences conjugales et, d’autre part, en modifiant le régime de la suspension provisoire dans les cas de crime sur l’autre parent ou de crime ou agression sexuelle sur l’enfant. Elle a ainsi maintenu le caractère provisoire de cette suspension dans les conditions prévues actuellement par l’article 378-2 du code civil, c’est-à-dire jusqu’à la décision JAF saisi par le procureur de la République dans un délai de 8 jours et pour une durée maximale de six mois.

  Modifications apportées par la commission

À l’initiative de la rapporteure et du groupe Renaissance, la commission a rétabli cet article dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

1.   La disposition initiale

Le présent article prévoyait initialement l’élargissement du mécanisme de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement, créé uniquement pour les cas de crime sur l’autre parent par la loi « Pradié » du 28 décembre 2019 à l’article 378-2 du code civil, aux cas de poursuites ou de condamnation pour violences provoquant une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours sur l’autre parent et de viol ou d’agression sexuelle incestueux sur l’enfant.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale

La commission a adopté trois amendements identiques de rédaction globale de l’article premier, un de la rapporteure et deux autres défendus par des députés des groupes Renaissance et Horizons, qui réécrivent entièrement l’article 378-2 du code civil afin de prévoir deux régimes distincts de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.

Ainsi, l’article 378-2 du code civil prévoirait, d’une part, que l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant, sont suspendus de plein droit.

Face aux limites de la procédure actuelle, la suspension courant jusqu’à la décision du JAF saisi par le procureur de la République dans un délai de 8 jours et pour une durée maximale de 6 mois, la commission a choisi de modifier les modalités d’application de cette suspension. Elle s’appliquerait jusqu’à la décision du JAF, qui doit être saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision de la juridiction de jugement ou de l’arrêt pénal.

La rapporteure rappelle que le cadre actuel permet au parent poursuivi de récupérer l’exercice de l’autorité parentale au bout de six mois, même sans décision du JAF ou évolution de la procédure judiciaire, ce qui a des conséquences terribles pour les enfants victimes. La disposition prévue par l’Assemblée nationale garantit ainsi qu’un juge se prononce sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale d’un parent poursuivi pour les infractions les plus graves, soit pendant la procédure judiciaire si le parent poursuivi saisit le JAF, soit à son issue (par la décision de non-lieu ou le jugement de fond). En ce sens, elle assure un équilibre entre l’objectif de protection de l’enfant victime et le droit de chacun à mener une vie normale.

D’autre part, l’article 1er prévoit la mise en place d’une suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent condamné, même non définitivement, pour des faits de violences sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits. La suspension s’applique jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de 6 mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.

La rapporteure rappelle que la mention de la présence de l’enfant lors des violences conjugales est cohérente avec la législation actuelle qui prévoit, depuis la loi du 3 août 2018, que la présence des enfants lors des violences conjugales constitue une circonstance aggravante de l’infraction et, depuis le décret du 23 novembre 2021, que le mineur peut se constituer partie civile lorsque cette circonstance aggravante est caractérisée, lui donnant ainsi un véritable statut de co-victime.

À l’image du cadre légal actuel, elle insiste sur la nécessité d’adopter une acceptation large de la notion de présence de l’enfant lors des violences : assister aux faits comprend l’ensemble des situations dans lesquelles l’enfant est témoin des violences, qu’il soit témoin auditif ou oculaire, présent ou non dans la pièce au moment des faits. Le fait pour un enfant d’être témoin direct des conséquences de ces violences même après qu'elles aient été commises doit également être pris en compte.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois, à l’initiative de sa rapporteure, a entièrement réécrit l’article 1er.

Elle a ainsi limité l’extension de la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement aux cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de l’enfant, supprimant le dispositif de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences conjugales prévu par l’Assemblée nationale.

Elle a également maintenu le régime actuel d’application de la suspension de plein droit, c’est-à-dire jusqu’à la décision du JAF saisi par le procureur de la République dans un délai de 8 jours et pour une durée maximale de six mois.

4.   Les modifications apportées par la commission

En adoptant deux amendements identiques défendus par la rapporteure et le groupe Renaissance, la commission des Lois a rétabli l’article 1er dans sa version votée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Il lui est en effet apparu indispensable de conserver un dispositif de protection des enfants co-victimes de violences conjugales et d’assurer qu’un juge se prononce sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale d’un parent dont les droits seraient suspendus en cas de poursuite pour les infractions les plus graves, avant que les droits soient, le cas échéant, restitués.

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Article 2
(art 378 du code civil)
Établissement d’un principe de retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l’enfant

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article pose le principe d’un retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant ou pour un crime commis sur la personne de l’autre parent. Le retrait total de l’autorité parentale ou, à défaut, de l’exercice de l’autorité parentale, interviendrait sauf décision contraire du juge, spécialement motivée.

       Modifications apportées par l’Assemblée nationale

L’article 2 de la proposition de loi a été entièrement réécrit en commission, à l’initiative de la rapporteure et de plusieurs députés, pour remplacer le caractère « automatique » du retrait de l’autorité parentale par l’obligation pour le juge de motiver spécialement la décision de ne pas retirer totalement cette autorité ou, à défaut, l’exercice de cette autorité, en cas de crime commis sur l’autre parent, d’agression sexuelle incestueuse ou de crime commis sur l’enfant.

       Modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de sa rapporteure, le Sénat a revu la rédaction de l’article 2 afin de clarifier les cas dans lesquels le juge a l’obligation de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale et ceux dans lesquels il doit motiver la décision de ne pas prononcer ce retrait. Il a aussi supprimé l’obligation pour le juge de se prononcer sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant ou pour un crime commis sur la personne de l’autre parent.

  Modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements identiques de la rapporteure et du groupe Renaissance qui modifient l’article 2 afin de clarifier l’objectif principal de l’article – rendre plus systématique le retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour les infractions les plus graves – et prévoir l’obligation pour le juge de se prononcer sur tous les aspects de l’autorité parentale s’il refuse de prononcer le retrait total de celle-ci.

1.   La disposition initiale

L’article 2 dans sa version initiale modifiait l’article 378 du code civil pour prévoir un retrait « automatique » de l’autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation d’un parent pour viol ou agression sexuelle sur son enfant ou pour un crime ou des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours sur l’autre parent.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale

Le présent article a été entièrement réécrit en commission afin de prendre en compte les exigences constitutionnelles et conventionnelles, notamment le droit à mener une vie familiale normale et la nécessité d’apprécier in concreto l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, le retrait « automatique » de l’autorité parentale, imposé au juge, a été remplacé par une obligation de motiver spécialement la décision de ne pas retirer l’autorité parentale en cas de crime commis sur l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou de crime commis sur l’enfant. Ce principe de retrait de l’autorité parentale a été circonscrit aux infractions les plus graves, considérant que le cas des condamnations pour violences conjugales était traité par l’article 1er de la présente proposition de loi.

Enfin, en séance, la rapporteure a introduit une gradation entre le retrait total de l’autorité parentale, qui serait prioritaire, et le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, qui interviendrait « par défaut ».

3.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de sa rapporteure, la commission du Sénat a entièrement réécrit l’article 378 du code civil afin de distinguer trois situations :

–  les cas dans lesquels les juridictions pénales auraient une obligation de se prononcer sur le retrait total de l’autorité parentale ou, à défaut, de l’exercice de cette autorité et des droits de visite et d’hébergement et de motiver spécialement les décisions qui n’ordonnent pas un retrait total de l’autorité parentale (crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant ou crime commis sur l’autre parent) ;

–  les cas dans lesquels elles auraient l’obligation de se prononcer dans leur décision sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité (délit commis sur la personne de l’enfant, autre qu’une agression sexuelle incestueuse) ;

– et enfin les cas dans lesquels elles auraient la possibilité d’ordonner un retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité (délit sur l’autre parent ou crime et délit commis par l’enfant).

Un amendement de Mme Laurence Rossignol (Socialiste, Écologiste et Républicain), adopté en séance, a supprimé l’obligation pour le juge de se prononcer, dans la première situation et, à défaut d’avoir prononcé le retrait total de l’autorité parentale, sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale.

4.   Les modifications apportées par la commission

En adoptant deux amendements, l’un de la rapporteure et l’autre du groupe Renaissance, la commission a réécrit, en partie, l’article 2, afin de lever toute ambiguïté sur l’intention du législateur et pour prévoir l’obligation pour le juge pénal de se prononcer sur tous les aspects de l’autorité parentale s’il refuse, en premier lieu, de retirer totalement l'autorité parentale.

Ainsi, l’article 2 prévoit désormais, dans la première situation, que le juge pénal ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée, du parent condamné pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime commis sur l’autre parent. Lorsque, sur décision spécialement motivée, le juge pénal ne prononce pas le retrait total de l’autorité parentale, il ordonne le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.

Cette nouvelle rédaction insiste sur l’objectif principal de l’article 2 qui est de rendre plus systématique le retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour les infractions les plus graves. Dans un second temps, si le juge décide de ne pas retirer totalement cette autorité, il doit se prononcer sur les autres aspects de l’autorité parentale (retrait partiel ou retrait de l’exercice de l’autorité parentale).

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Article 2 bis
(art. 377 du code civil)
Création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale en cas de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant par un parent seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale

Adopté par la commission sans modifications

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a été introduit en séance publique à l’Assemblée nationale par trois amendements identiques, à l’initiative notamment de la délégation aux droits des enfants. Il réécrit en partie l’article 377 du code civil pour prévoir un nouveau cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers lorsque le parent, seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, est poursuivi, mis en examen ou condamné pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a ajouté à l’article 377 du code civil un nouveau cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers en cas de poursuite ou de condamnation du parent pour un crime sur l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci. 

  Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement de coordination, précisant que la condamnation du parent dans les cas susmentionnés pouvait ne pas être définitive, reprenant ainsi les termes de l’article 1er de la présente proposition de loi.

  Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   La disposition initiale

Introduit en séance à l’Assemblée nationale par l’adoption de trois amendements identiques des groupes Démocrate, Renaissance et Horizons et reprenant une recommandation de la délégation aux droits des enfants ([1]), l’article 2 bis réécrit en partie l’article 377 du code civil pour prévoir un nouveau cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers, c’est-à-dire à la demande d’un tiers ou du ministère public, et non de l’un des parents.

L’article 377 du code civil prévoit actuellement trois cas de délégation forcée : le désintérêt manifeste des parents, l’impossibilité pour les parents d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale et la poursuite ou la condamnation d’un parent pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci.

Le présent article ajoute le cas dans lequel le parent est poursuivi par le parquet, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant.

Il réécrit de façon plus lisible l’article 377 du code civil en énumérant clairement les quatre cas de délégation forcée et procède à une coordination pour remplacer les termes « poursuivi ou condamné » par ceux de « poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné ».

2.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement de coordination précisant que la délégation forcée pourrait s’appliquer même en cas de condamnation non définitive.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 2 ter A
(art. 380 du code civil)
Suppression de la référence au « droit de garde »

Adopté par la commission sans modification

1.   L’état du droit

La loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale a rendu possible l’exercice en commun de l’autorité parentale dans les couples divorcés, sur décision du juge et, dans les couples non mariés, sur déclaration conjointe devant le juge des tutelles. Elle a également remplacé la notion de « garde de l’enfant » par celle d’« autorité parentale ».

L’article 8 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a remplacé la mention du « droit de garde » à l’article 1384 du code civil par celle d’« autorité parentale ».

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit en séance publique au Sénat par sa rapporteure. Il vise à mettre à jour l’article 380 du code civil en supprimant la référence au « droit de garde » qui n’existe plus depuis 1987.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 2 ter
(art. 381 du code civil)
Condition de recevabilité de la saisine du JAF en cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 ter a été introduit en commission au Sénat à l’initiative de sa rapporteure. Il prévoit qu’un parent privé de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement par le juge ne peut en demander la restitution avant l’expiration d’un délai de 6 mois après que la décision de retrait soit devenue irrévocable.

  Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’état du droit

L’article 381 du code civil prévoit les modalités de restitution de l’autorité parentale au parent qui en a été privé totalement ou qui a fait l’objet d’un retrait de droits, par une décision judiciaire, pour l’une des causes prévues aux articles 378 (en cas de crime ou délit commis sur l’enfant, l’autre parent ou commis par l’enfant) ([2]) et 378-1 (en cas de mise en danger manifeste de la sécurité, de la santé ou de la moralité de l’enfant ou en cas de délaissement parental) du code civil.

Ainsi, le parent ne peut effectuer une demande en restitution auprès du tribunal judiciaire, en justifiant de circonstances nouvelles, qu’à l’issue d’un délai d’au moins un an après que le jugement de retrait soit devenu irrévocable.

Cette demande n’est pas recevable si l’enfant a été placé en vue de l’adoption.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

À l’initiative de sa rapporteure, le Sénat a introduit en commission un article additionnel qui clarifie l’article 381 du code civil en distinguant les modalités de restitution des droits attachés à l’autorité parentale selon que le retrait porte sur l’autorité parentale ou sur son exercice.

Ainsi, si la demande de restitution ne peut être formée qu’à l’issue d’un délai d’un an après que la décision de retrait soit devenue irrévocable en cas de retrait total de l’autorité parentale, ce délai n’est que de six mois lorsque le retrait porte sur l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement pour l’une des causes prévues aux articles 378 et 378-1 du code civil.

Cette rédaction introduit une gradation entre les deux sanctions.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 2 quater
(art. 373-2 du code civil)
Exonération de toute obligation d’informer préalablement l’autre parent d’un changement de résidence en cas d’ordonnance de protection

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a été introduit en séance publique au Sénat à l’initiative de Mme Laurence Rossignol (Socialiste, Écologiste et Républicain). Il prévoit que le parent bénéficiaire d’une autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence dans le cadre d’une ordonnance de protection requise à l’encontre de l’autre parent n’est pas soumis à l’obligation d’informer l’autre parent de son changement de résidence.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a créé l’ordonnance protection à l’article 515-11 du code civil. Ce dispositif, délivré par le juge aux affaires familiales, permet à la victime vraisemblable de violences conjugales d’obtenir par une même décision une mesure de protection judiciaire pour elle et ses enfants et des mesures relatives à l’exercice de l’autorité parentale et à l’attribution du logement du couple.

Depuis la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le juge peut autoriser, dans le cadre de l’ordonnance de protection, la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée.

  Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

● L’article 515-11 du code civil prévoit les modalités d’exécution de l’ordonnance de protection, procédure d’urgence qui vise à organiser la protection d’une personne victime de violences conjugales. Le juge aux affaires familiales délivre l’ordonnance s’il considère comme vraisemblables les faits de violence allégués et le danger auquel la partie demanderesse ou ses enfants sont exposés.

L’ordonnance de protection est délivrée par le JAF dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience. À l’occasion de sa délivrance, le JAF peut prendre les mesures suivantes :

– interdiction de contact (1°) ;

– interdiction de paraître (1° bis) ;

– interdiction de détention ou de port d’arme (2°) ;

– remise des armes dont la partie défenderesse est détentrice (2° bis) ;

– prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique proposée à la partie défenderesse (2° ter) ;

– éviction du domicile du conjoint violent (3° et 4°) ;

– décision sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale (5°) ;

– dissimulation de la domiciliation de la partie demanderesse (6° et 6° bis) ;

– admission provisoire à l’aide juridictionnelle (7°).

● L’article 373-2 du code civil dispose que la séparation des parents est, en principe, sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale, chacun des parents devant maintenir des relations avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. Il précise que tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le JAF, saisi par l’un des parents, statue en fonction de l’intérêt de l’enfant.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

À l’initiative de Mme Laurence Rossignol (Socialiste, Écologiste et Républicain), le Sénat a complété l’article 373-2 du code civil en instituant l’exonération, pour le parent bénéficiaire d’une autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence dans le cadre d’une ordonnance protection, de toute obligation d’informer préalablement l’autre parent d’un changement de résidence.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

Article 3
(art. 221-5-5, 222-31-2 [abrogé] et 222-48-2 du code pénal)
Mise en cohérence du code pénal avec les dispositions de l’article 378 du code civil prévoyant le retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité par les juridictions pénales

Adopté par la commission avec modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3, introduit en commission à l’Assemblée nationale à l’initiative de la rapporteure, procède à diverses mesures de coordination dans le code pénal rendues nécessaires par l’article 2 de la présente proposition de loi. Ainsi, il inscrit le principe du retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commis sur l’enfant ou pour un crime commis sur l’autre parent aux articles 221-5-5 et 222-48-2 du code pénal.

       Modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de sa rapporteure, le Sénat a entièrement réécrit l’article 3 en créant, dans le code pénal, une disposition générale permettant d’obliger les juridictions à se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice lorsqu’un parent est condamné pour un crime ou un délit commis sur son enfant ou pour un crime commis sur l’autre parent.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements identiques de rédaction globale de l’article 3, à l’initiative de sa rapporteure et du groupe Renaissance. S’ils ne retiennent pas la proposition du Sénat de créer une disposition générale sur le retrait de l’autorité parentale dans le code pénal, ces amendements améliorent la rédaction adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale pour une coordination plus effective entre l’article 2 et l’article 3.

1.   La disposition initiale

L’article 3, introduit à l’initiative de la rapporteure en commission à l’Assemblée nationale, procède à diverses mesures de coordination dans le code pénal rendues nécessaires par l’article 2 de la présente proposition de loi, qui pose le principe du retrait de l’autorité parentale en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant ou de crime sur l’autre parent.

Ainsi, il modifie les articles 221-5-5 et 222-48-2 du code pénal pour prévoir que la juridiction de jugement, si elle ne décide pas du retrait total ou partiel de l’autorité parentale, ordonne le retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement, sauf décision spécialement motivée dans les deux cas suivants :

– en cas de condamnation pour un crime relatif à des atteintes à la vie de son enfant ou de l’autre parent (article 221-5-5 du code pénal) ;

– en cas de condamnation pour agression sexuelle incestueuse commise sur son enfant ou pour un crime relatif à des atteintes volontaires à l’intégrité physique ou au viol de son enfant ou de l’autre parent (article 222-48-2 du code pénal).

L’article ajoute que la décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire et peut statuer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice sur les frères et sœurs de la victime.

Enfin, il abroge l’article 222-31-2 du code pénal, qui prévoit l’obligation de statuer sur l’autorité parentale en cas de viol incestueux ou d’agression sexuelle incestueuse commise contre un mineur, cette obligation étant déjà prévue à l’article 222-48-2 du code pénal.

2.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de sa rapporteure, le Sénat a entièrement réécrit l’article 3 en commission pour prévoir une disposition générale dans le code pénal consacrée au retrait total ou partiel de l’autorité parentale et au retrait de l’exercice de l’autorité parentale.

Cette disposition prévoit que la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité, dans les conditions prévues aux articles 378, 379 et 379-1 du code civil.

Elle prévoit aussi que la décision est assortie de plein droit de l’exécution du jugement et peut aussi porter sur le retrait de l’autorité parentale ou son exercice sur les frères et sœurs mineurs de la victime.

Par ailleurs, la disposition prévoit que les juridictions pénales peuvent renvoyer l’affaire à une date ultérieure si elles ne disposent pas d’éléments suffisants pour se prononcer sur un retrait de l’autorité parentale.

En conséquence, elle abroge les articles 221‑5‑5, 222‑31‑2, 222‑48‑2 et 227‑27‑3 du code pénal qui prévoient l’obligation pour le juge pénal de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation pour certaines infractions.

3.   Les modifications apportées par la commission

Pour mémoire, le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice est une mesure de nature civile, et non une peine complémentaire. À partir du moment où le juge pénal a l’obligation de la prononcer, il est nécessaire de prévoir, dans le code pénal, des dispositions similaires à celles inscrites à l’article 378 du code civil.

À l’initiative de la rapporteure et du groupe Renaissance, la commission a réécrit l’article 3 pour inscrire aux articles 221-5-5 et 222-48-2 du code pénal, modifiés en première lecture, l’obligation pour le juge de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale en cas de crime sur l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime contre l’enfant. Elle a revu la rédaction retenue en première lecture pour que l’articulation entre l’obligation de prononcer le retrait de l’autorité parentale et l’obligation de motiver spécialement une décision contraire soit conforme à la rédaction retenue à l’article 2.

Ainsi, l’article 3 pose, dans le code pénal, le principe du retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour les infractions les plus graves, et l’obligation, pour le juge pénal, de se prononcer sur les autres aspects de l’autorité parentale s’il ne retire pas totalement l’autorité parentale. En effet, il prévoit que si, sur décision spécialement motivée, la juridiction de jugement ne décide pas le retrait total de l’autorité parentale en application des articles 378 et 379-1 du code civil, elle ordonne le retrait partiel de cette autorité ou le retrait de l’exercice de cette autorité ainsi que des droits de visite et d’hébergement, sauf décision spécialement motivée.

Si la commission n’a pas jugé opportun de prévoir une disposition générale dans le code pénal consacrée au retrait de l’autorité parentale, elle note que sa nouvelle rédaction ne couvre pas tous les cas de crimes commis sur l’autre parent ou sur l’enfant, les articles modifiés ne renvoyant qu’à certaines sections du code pénal. Votre rapporteure proposera donc un amendement en séance pour que le champ couvert soit exactement celui prévu dans le code civil par l’article 2 de la présente proposition de loi.

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Article 3 bis
(art. 138 du code de procédure pénale)
Principe de suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact ou obligation de résider séparément

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit en commission au Sénat à l’initiative de Mme Dominique Vérien (Union centriste), pose le principe de la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire comprenant une interdiction d’entrer en contact ou une obligation de résider hors du domicile du couple, le juge devant justifier spécialement la décision de ne pas ordonner cette suspension.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a prévu que le juge doit se prononcer, par une décision motivée, sur la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dont la personne mise en examen est titulaire, lorsque certaines mesures prévues à l’article 138 du code de procédure pénale sont prononcées dans le cadre d’un contrôle judiciaire (interdiction d’entrer en contact, assortie le cas échéant de l’obligation de porter un bracelet anti-rapprochement ou obligation de résider hors du domicile du couple).

  Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’article 138 du code de procédure pénale prévoit que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention doit se prononcer, par une décision motivée, sur la suspension du droit de visite et d’hébergement d’un parent mis en examen et faisant l’objet d’un contrôle judiciaire lorsque les obligations prévues suivantes sont prononcées dans le cadre de ce contrôle judiciaire : l’interdiction d’entrer en contact avec certaines personnes, assortie, le cas échéant de l’obligation de porter un dispositif anti-rapprochement, l’obligation de résider hors du domicile du couple, l’interdiction de paraître dans ce domicile ou à son abord, et l’obligation de faire l’objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

À l’initiative de Dominique Vérien (Union centriste), le Sénat a souhaité inverser la logique actuelle de l’article 138 du code de procédure pénale en établissant un principe de suspension du droit de visite et d’hébergement. Ainsi, dans l’esprit de ce que prévoit l’article 2, le présent article crée une obligation spéciale de motivation pour le juge qui décide de ne pas ordonner la suspension de ce droit.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

Article 4
Rapport du Gouvernement au Parlement sur le repérage et la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales, ainsi que sur l’accompagnement parental

Rétabli par la commission

1.   La disposition initiale

L’article 4 a été introduit en séance publique à l’Assemblée nationale à l’initiative de Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure de la délégation aux droits des enfants. Il prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d’accompagnement parental.

2.   Une disposition supprimée par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de sa rapporteure supprimant le présent article, en raison de sa position constante en matière de demande de rapport et de l’absence supposée de lien, au sens de l’article 45 de la Constitution, entre le sujet du rapport et les dispositions de la présente proposition de loi.

3.   Une disposition rétablie par la commission

La commission a adopté un amendement de M. William Martinet et de plusieurs de ses collègues (La France Insoumise) rétablissant cette demande de rapport et ajoutant au champ d’analyse le cas des enfants exposés aux violences intrafamiliales.

 


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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 4 octobre 2023, la Commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales (n° 1001) (Mme Isabelle Santiago, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dhVE6T

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Je suis ravie de vous retrouver pour l’examen en deuxième lecture de cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales. Ce texte a été adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 février, lors de la niche du groupe Socialistes. J’ai d’emblée souhaité qu’il fasse l’objet d’un travail transpartisan.

Protéger les enfants des violences intrafamiliales est un enjeu majeur, qui nécessite un changement de paradigme. Désormais, nul ne peut ignorer l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants, dont l’inceste. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a montré que 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Il est donc urgent de légiférer pour mieux les protéger.

Cette proposition de loi doit permettre d’agir vite, lorsque l’enfant est en danger, pour limiter les relations, voire, dans les cas les plus graves, rompre le lien entre l’enfant et le parent violent ou agresseur.

Elle prévoit deux dispositifs principaux.

Le premier, c’est la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement dès le stade des poursuites, lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves, c’est-à-dire un crime sur la personne de l’autre parent, une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant, ou en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits.

Je souhaite apporter une précision sur ce dernier point. La législation prévoit, depuis la loi du 3 août 2018, que la présence des enfants lors des violences conjugales constitue une circonstance aggravante de l’infraction. Assister aux faits ne se limite pas à être un témoin oculaire des violences mais comprend l’ensemble des situations dans lesquelles l’enfant est témoin des violences, qu’il soit témoin auditif ou oculaire, présent ou non dans la pièce au moment des faits. Le fait pour un enfant d’avoir été le témoin direct des conséquences de ces violences, même après qu’elles ont été commises, est également pris en compte.

L’autre dispositif majeur, c’est le retrait obligatoire de l’autorité parentale en cas de condamnation pour des faits de crime contre l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime contre l’enfant, sauf décision contraire spécialement motivée du juge.

Nous avons ajouté trois articles au texte initial lors de son examen en première lecture. L’article 2 bis crée un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse pour un parent seul titulaire de l’autorité parentale ; l’article 3 procède à diverses coordinations dans le code pénal ; l’article 4, enfin, à l’initiative de la délégation aux droits des enfants, demande la remise d’un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d’accompagnement parental.

Notre travail collectif a été modifié par le Sénat, qui a d’abord réécrit l’article 1er en supprimant tout dispositif de protection des enfants co-victimes de violences conjugales et en revenant sur la durée de la suspension de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites pour les infractions les plus graves. Je ne souhaite pas que cette suspension soit limitée à six mois maximum, sans garantie qu’un juge se soit prononcé sur le fond du dossier dans cet intervalle. Je vous présenterai donc un amendement visant à rétablir l’article 1er, tel qu’il a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Cet amendement prévoit d’une part que la suspension de plein droit en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse court jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du juge pénal. D’autre part, il rétablit l’alinéa prévoyant la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent condamné pour des faits de violences.

L’article 2 a également été réécrit par le Sénat, qui a amélioré la rédaction de l’article 378 du code civil. Nous vous proposerons donc de repartir de cette version et de la modifier pour revenir strictement à l’esprit du texte que nous avions adopté en première lecture. Notre amendement prévoit ainsi que le juge pénal ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée, du parent condamné pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime commis sur l’autre parent. L’objectif est de rendre plus automatique le retrait total de l’autorité parentale lors des condamnations les plus graves, afin de protéger les enfants victimes ou co-victimes. L’amendement prévoit aussi l’obligation pour le juge pénal de se prononcer sur tous les aspects de l’autorité parentale s’il refuse en premier lieu de retirer totalement l’autorité parentale.

Le Sénat a aussi réécrit entièrement l’article 3 et procédé à une refonte d’une partie du code pénal qui ne correspond pas tout à fait à l’esprit initial de la proposition de loi. Nous proposerons donc de rétablir l’article 3 dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale, en procédant à quelques coordinations nécessaires.

De plus, le Sénat a ajouté quatre nouveaux articles. L’article 2 ter A procède à une coordination rédactionnelle et ne pose pas de problème. L’article 2 ter prévoit qu’un parent ayant fait l’objet d’un retrait de l’exercice de l’autorité parentale ne peut pas en demander la restitution avant l’expiration d’un délai de six mois. Aux termes du droit actuel ce délai est d’un an en cas de retrait de l’autorité parentale et il semble pertinent de dissocier ces deux délais pour graduer la sanction. L’article 2 quater prévoit l’exonération, pour le parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection et d’une autorisation de dissimuler son domicile, de toute obligation d’informer préalablement l’autre parent d’un changement de résidence. Cette disposition est tout à fait logique et je vous propose de la conserver dans la version adoptée par le Sénat. L’article 3 bis dispose que le juge doit motiver spécialement sa décision de ne pas suspendre les droits de visite et d’hébergement dans le cadre d’un contrôle judiciaire comprenant une interdiction d’entrer en contact ou une obligation de résider hors du domicile du couple. La suspension de ces droits devient donc le principe, ce qui est une mesure utile de protection des enfants.

Enfin, le Sénat a supprimé l’article 4, qui prévoyait la remise, par le Gouvernement, d’un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d’accompagnement parental. Je donnerai un avis favorable aux amendements qui proposent de rétablir cet article.

Pour conclure, je tiens à rappeler que cette proposition de loi se concentre sur les modifications à apporter au traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont sont victimes les enfants, notamment l’inceste. Il importait de légiférer rapidement, mais ce texte devra être suivi d’un plan global de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. Je sais pouvoir compter sur vous tous pour travailler sur la question de l’enfance en danger.

M. Éric Poulliat (RE). Cette proposition de loi vise à renforcer la protection et l’accompagnement des enfants exposés aux violences intrafamiliales dont, chaque année, des centaines de milliers d’enfants sont victimes. Face à cette sombre réalité, nous devons continuer d’agir. À la suite du Grenelle des violences conjugales, qui s’est tenu en 2019, deux lois ont été adoptées : celle du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et celle du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales – dont l’initiative revient notamment à notre collègue Guillaume Gouffier Valente et à Bérangère Couillard, devenue ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Avec la création en mars 2021 de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), nous avons également agi pour faire connaître l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants et pour formuler des recommandations destinées à renforcer la culture de la prévention et de la protection dans les politiques publiques. Un an après la création de cette commission et à la suite de la publication de ses conclusions intermédiaires, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti et la secrétaire d’État chargée de l’enfance Charlotte Caubel ont effectué plusieurs annonces. Ils ont notamment fait part de leur souhait de modifier la loi pour permettre le retrait par principe de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violence sexuelle incestueuse sur son enfant.

La proposition de loi d’Isabelle Santiago s’inscrit dans la continuité de ces annonces. Je la remercie pour son travail, ainsi que notre ancienne collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe – qui avait déposé une proposition sur le sujet lors de la précédente législature.

Adoptée par notre assemblée à l’unanimité en commission puis en séance, la proposition de la rapporteure a été réécrite au Sénat, ce qui nous conduit à l’examiner en deuxième lecture.

Le groupe Renaissance propose plusieurs amendements identiques à ceux de la rapporteure.

L’amendement CL15 vise à rétablir l’article 1er dans la version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Cet article permettra de suspendre de plein droit l’exercice de l’autorité parentale ainsi que les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi soit pour un crime sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime sur la personne de son enfant. L’amendement permettra en outre d’appliquer ce même régime pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits. Ce régime est proportionné et vise à protéger l’intérêt de l’enfant, notamment en matière de droit de visite et d’hébergement.

Je tiens à rappeler que la présence de l’enfant constitue une circonstance aggravante de l’infraction, conformément à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et au décret du 23 novembre 2021. Assister aux faits ne se limite pas à être témoin oculaire des violences. Cela comprend l’ensemble des situations – dont l’appréciation revient au juge – dans lesquelles l’enfant est témoin des violences, que ce soit de manière oculaire ou auditive et qu’il soit ou non présent dans la pièce au moment de celles-ci. Le fait pour un enfant d’être témoin direct des conséquences de ces violences, même après leur commission, doit également être pris en compte.

L’amendement CL13 à l’article 2 vise à faire prononcer de manière plus systématique le retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour les faits les plus graves.

L’amendement CL14 vise à revenir à la rédaction de l’article 3 adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, avec quelques adaptations rédactionnelles rendues nécessaires par la modification de l’article 2.

Enfin, l’amendement CL9 de Nicole Dubré-Chirat et des députés de la délégation aux droits des enfants propose de rétablir l’article 4, afin de permettre la remise d’un rapport faisant notamment l’état des lieux de la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales. Je remercie la rapporteure pour son avis favorable à cet amendement.

Cette proposition fait avancer concrètement la protection des enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales. Le groupe Renaissance apporte sa contribution pour que ces travaux puissent aboutir, comme en première lecture, dans l’intérêt de l’enfant et avec le soutien de tous.

Mme Marie-France Lorho (RN). Nous saluons le retour de ce sujet, car nous faisons face à l’urgence en matière de violences intrafamiliales. Les violences à l’encontre des mineurs ont augmenté de 90 % depuis 2016. C’est un drame dont nous devons nous emparer. La lutte contre ce phénomène en constante croissance doit compter parmi nos priorités. C’est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national ne s’oppose pas sur le fond à ce texte tissé de bonnes intentions.

Mais celles-ci ne suffisent pas lorsque l’on écrit la loi. Vous affichez votre fermeté en ne laissant pas au juge d’alternative au retrait total de l’autorité parentale. Cela soulève des questions de notre part. Même si cette disposition semble répondre à l’intérêt de l’enfant, elle méconnaît la complexité de certaines situations et empêche d’utiliser un éventail plus large de mesures. C’est pourquoi notre amendement CL4 à l’article 2 propose que le juge puisse aussi se prononcer sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale.

Nous nous interrogeons aussi sur la suppression par le Sénat de l’article 4, qui prévoyait la remise au Parlement d’un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d’accompagnement parental. La rapporteure du Sénat, Mme Marie Mercier, a encouragé cette suppression au motif que l’article serait sans lien avec les dispositions initiales de la proposition. Si l’on peut entendre cet argument du point de vue strictement juridique, le lien direct de ce rapport avec l’objet de la proposition ne nous semble pas à démontrer. L’objectif de ce texte est de rendre plus systématique le retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales en cas de condamnation pour crimes commis sur son enfant ou sur l’autre parent, ou en cas d’agression sexuelle incestueuse sur son enfant. Pourquoi donc s’opposer à la création d’un rapport qui dresserait un état des lieux des conséquences psychologiques de ces agissements sur les enfants et qui permettrait à terme de proposer des mesures pour permettre leur guérison ?

L’élargissement du mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale dans le cadre des procédures pénales et la systématisation du retrait de l’autorité parentale – notamment en cas d’agression sexuelle incestueuse sur son enfant – nous paraissent être des mesures de bon sens. Le groupe Rassemblement national souscrira donc à ce texte dans sa globalité, mais il appelle à laisser davantage de souplesse d’appréciation au juge et dans les dispositions subsidiaires qui ont été introduites. La protection des mineurs est un sujet éminemment délicat qui doit nous inviter à la prudence. Le législateur ne doit en aucun cas se laisser guider par ses sentiments, si mauvais conseillers pour élaborer le droit. C’est la raison pour laquelle il importe de laisser au juge une marge de manœuvre afin de pouvoir remplir sa mission, qui consiste à se prononcer de manière équitable face aux situations qui lui sont soumises.

Notre rôle est bien entendu de remédier par tous les moyens à un phénomène alarmant et croissant. Mais nous devons aussi garder à l’esprit que notre mission est par nature de légiférer de manière strictement proportionnée, pour assurer le bien commun.

M. Erwan Balanant (Dem). En France, 400 000 enfants vivent dans un climat de violences intrafamiliales. Pas moins de 160 000 d’entre eux sont chaque année victimes de violences sexuelles – soit un enfant toutes les quatre minutes. Ces chiffres sont terrifiants. Mais plus terrifiante encore est notre difficulté à endiguer ce phénomène et à protéger correctement les enfants, malgré de nombreuses évolutions législatives.

Depuis la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, les juridictions sont tenues de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour certains délits. La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille prévoit que l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour un crime commis contre l’autre parent sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge. Et depuis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, le parent condamné pour un délit commis sur son enfant ou sur l’autre parent peut se voir retirer l’autorité parentale ou son exercice.

Pour le bien-être des enfants victimes de violences intrafamiliales, il peut s’avérer nécessaire de couper tout ou partie des liens avec le parent ou les parents auteurs de violence. Cela leur permettra de grandir dans un environnement sain et épanouissant, et de devenir les adultes de demain.

Le groupe Démocrate salue donc la volonté de la rapporteure de définir un nouveau cadre pour l’autorité parentale et son exercice. Nous sommes conscients des difficultés soulevées par un tel sujet et de l’absolue nécessité d’avoir pour guide l’intérêt supérieur des enfants. C’est ce dernier qui doit déterminer nos choix.

Nous ne pouvons néanmoins ignorer les principes fondamentaux du droit. À ce titre, nous avions émis quelques réserves lors de la première lecture de ce texte par notre assemblée – notamment au regard de l’automaticité du retrait de l’autorité parentale et de son exercice. Ces réserves ont pu être levées grâce au travail transpartisan mené à vos côtés, madame la rapporteure, ainsi qu’avec le Gouvernement.

Dans l’hémicycle, nous avions atteint une ligne de crête permettant de transmettre au Sénat un texte équilibré tenant compte de la protection de l’enfant, de la préservation des relations familiales et des liens d’attachement, ainsi que de la proportionnalité des peines et de la protection des droits de la défense.

Les sénateurs nous ont rejoints en ce qui concerne le retrait de l’autorité parentale et de son exercice en cas de crime incestueux. Mais certaines modifications ont restreint les conditions de retrait de l’autorité parentale dans les autres cas, ce qui risque de réduire la protection accordée à l’enfant victime de violences. Le groupe Démocrate considère donc qu’il serait préférable de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Soyez assurée, madame la rapporteure, que notre groupe votera évidemment en faveur de la proposition de loi si cet équilibre est restauré.

M. Hervé Saulignac (SOC). Nous avons évoqué à plusieurs reprises les chiffres tragiques des violences faites aux enfants : 400 000 vivent dans un foyer où ont lieu des violences intrafamiliales et 160 000 subissent chaque année des violences sexuelles. Dans ces affaires, il est nécessaire de mettre l’enfant en sécurité le plus rapidement possible, tout en tenant compte des droits des parents. Il faut également prévoir un accompagnement médico-social adapté.

La proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago s’attache donc à agir vite. Il faut conserver l’essence même de ce texte, qui consiste à introduire dans la loi une réactivité salvatrice, comme le réclament de nombreuses associations.

Le texte prévoit, d’une part, de suspendre de plein droit l’exercice de l’autorité parentale lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves et, d’autre part, de retirer obligatoirement l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime contre l’autre parent, d’agression sexuelle incestueuse ou de crime contre l’enfant lui-même.

La proposition de loi a été substantiellement modifiée par le Sénat, qui a d’abord réécrit l’article 1er en supprimant tout dispositif de protection des enfants co-victimes de violences conjugales et en revenant sur la durée de suspension de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuite pour les infractions les plus graves. On peut discuter de tout, mais nous regrettons qu’aient été adoptées des modifications qui affaiblissent la portée du texte de manière générale. Vivre dans un milieu familial où sévit la violence conjugale est un traumatisme pour les enfants, qu’ils en soient ou non les témoins directs.

L’article 2 a également été réécrit par le Sénat et la rapporteure proposera de revenir strictement à l’esprit du texte adopté en première lecture, dont l’objectif est de rendre plus systématique le retrait total de l’autorité parentale à l’occasion des condamnations les plus graves.

S’agissant d’un sujet aussi difficile, nous avons la responsabilité morale de tout faire pour trouver de nouveau l’unanimité qui avait prévalu en première lecture. Je ne doute pas que nous y arriverons.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Ce sont 160 000 enfants qui sont victimes d’inceste chaque année, et 400 000 vivent dans un foyer où des violences conjugales ont lieu. C’est glaçant. Je sais que le Gouvernement – et tout particulièrement Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance – est pleinement engagé dans la lutte contre les violences faites aux enfants, qu’ils en soient les victimes directes ou indirectes.

Depuis 2005, de nombreuses lois sont intervenues en faveur des victimes et elles ont permis de créer de nouveaux outils juridiques et pratiques, à la disposition des associations et des personnels judiciaires afin de protéger les enfants et souvent, il faut bien le dire, les femmes. Notre arsenal législatif s’est considérablement renforcé. Il permet notamment que l’exercice de l’autorité parentale soit suspendu de plein droit lorsque l’un des parents est poursuivi pour un crime commis sur l’autre parent. En outre, le juge pénal peut prononcer le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de l’exercice de celle-ci en cas de condamnation pénale pour un crime ou un délit commis sur l’enfant ou sur l’autre parent. En cas d’inceste ou d’atteinte volontaire à la vie de l’autre parent, le juge est obligé de se prononcer sur cette question.

Hélas, force est de constater que ces dispositions sont insuffisantes. Nous devons aujourd’hui faire un pas de plus et je tiens à saluer votre implication sans faille pour cette cause, madame la rapporteure. Le travail transpartisan réalisé à l’Assemblée a été enrichi par nos collègues sénateurs, notamment grâce à l’ajout d’une disposition permettant d’exonérer le parent qui bénéficie d’une ordonnance de protection de l’obligation de communiquer à l’autre parent tout changement de résidence. Trop de femmes sont aujourd’hui contraintes d’informer leur ex-conjoint violent de ce changement, alors même que celui-ci ne doit pas se rendre dans cette résidence ni entrer en contact avec elle.

Le groupe Horizons et apparentés soutiendra le nouvel article 3 bis, qui prévoit que la décision de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur est spécialement motivée.

Cependant le Sénat a souhaité réécrire un certain nombre d’articles qui avaient fait l’objet d’un consensus au sein de notre assemblée. Ces dispositions étaient pertinentes, équilibrées et correspondaient à l’intérêt de l’enfant.

Il faut élargir les motifs de suspension de plein droit de l’autorité parentale lorsqu’il s’agit de poursuites pour agression sexuelle incestueuse, crime commis contre l’enfant ou encore pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours avec la circonstance aggravante que l’enfant a assisté aux faits. Tel était l’objet de l’article 1er et nous soutiendrons le retour à la rédaction adoptée par l’Assemblée, car nul ne peut ignorer que les violences subies durant l’enfance créent des souffrances physiques et psychologiques durables.

Ces violences marquent à jamais celui qui est devenu adulte. Il est nécessaire d’aller plus loin, car nous savons que dans 98 % des cas les enfants sont témoins des violences, et que 36 % d’entre eux sont eux-mêmes maltraités.

Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de ce texte, qui va dans le bon sens.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi, le groupe Écologiste avait rappelé qu’il était de notre devoir de protéger l’intérêt supérieur des enfants. Cela doit toujours être notre boussole. Avant que notre commission n’entame l’examen en nouvelle lecture de cette proposition, il est important de réaffirmer que la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant est une exigence constitutionnelle.

L’esprit de cette proposition de loi est sans aucun doute de mieux protéger les enfants, et c’est la raison pour laquelle nous la soutenons.

Néanmoins nous regrettons que le Sénat soit revenu sur l’une des principales dispositions, qui tendait à protéger l’intérêt de l’enfant lorsqu’il est co-victime de violences intrafamiliales. En effet, la version transmise par le Sénat limite la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale aux cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de l’enfant. Or notre assemblée avait adopté à l’unanimité une rédaction plus ambitieuse, qui prenait également en compte les violences volontaires commises sur l’autre parent et ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, à condition que l’enfant ait assisté aux faits. Nous aurons certainement un débat et serons amenés à voter sur ce point ce matin. Imaginez le traumatisme que cela représente pour un enfant d’être témoin de scènes de violence au sein de la cellule familiale et d’être sous la garde d’un agresseur. Il faut aussi se figurer le traumatisme du parent qui voit son enfant remis à son bourreau.

Contrairement au Sénat, nous pensons que la disposition votée par notre assemblée est opportune. Elle ne constitue toutefois qu’un premier pas et nous estimons qu’il est de notre devoir d’aller beaucoup plus loin pour protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.

Pour accompagner ce pas nécessaire, le groupe Écologiste soutiendra le retour à la rédaction de l’article 1er votée en première lecture par l’Assemblée. Nous avons à cet effet déposé un amendement identique à celui de la rapporteure.

En ce qui concerne les autres dispositions du texte, nous sommes en faveur du retour à la rédaction initiale de l’Assemblée en première lecture car il est impératif de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous voterons donc pour les amendements déposés par la rapporteure.

Vous l’aurez compris, nous soutenons entièrement cette proposition de loi et partageons pleinement son objectif. Il incombe toutefois à notre commission de procéder à de nouvelles améliorations du texte pour qu’il retrouve sa pleine efficacité et sa portée. Face aux violences ignobles, nous l’avions voté à l’unanimité en première lecture. J’espère que nous parviendrons au même résultat au terme du présent examen. Nous le devons aux millions de victimes. Elles nous regardent et attendent que nous soyons à la hauteur

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). On a coutume de dire que la loi est le reflet des valeurs de la société. Il fut une époque où l’exercice de l’autorité parentale était empreint d’une certaine violence, qu’on disait éducative sans que personne ne s’en offusque. Il fut une époque où l’on disait également d’un homme violent envers la mère de ses enfants qu’il pouvait être un mauvais mari mais un bon père. Cette époque est révolue.

La communauté scientifique et juridique s’accorde désormais à dire que la violence, de quelque nature qu’elle soit, n’a pas sa place au sein de la famille. L’éducation forme les enfants. La violence déforme les corps et les esprits. Il faut combattre avec force l’idée selon laquelle notre société serait de plus en plus violente parce que la violence sur les enfants ne serait plus tolérée. On ne peut pas construire une société non violente en fondant l’éducation sur la violence.

Or, malgré les évolutions législatives destinées à protéger les enfants, les violences intrafamiliales ne cessent d’augmenter. Comme plusieurs collègues l’ont rappelé, en 2019 l’Insee faisait état de 119 000 victimes majeures et de 41 000 victimes mineures – et ce seulement sur la base des plaintes enregistrées. Pour 60 % d’entre eux, les enfants victimes de violences intrafamiliales ont moins de 15 ans. En 2019, ces violences ont augmenté de 14 %. En 2020, la hausse s’est poursuivie, avec 10 %.

Et cette augmentation touche particulièrement certains territoires. À La Réunion les violences intrafamiliales (VIF) ont augmenté de 41 % entre 2015 et 2021. Cela résulte certainement pour partie d’une meilleure écoute et d’une meilleure prise en charge. Mais, malheureusement, celles-ci n’expliquent pas toute l’augmentation. On compte vingt et une interventions des forces de l’ordre pour des VIF en moyenne chaque jour. En février 2023, le collectif « STOP VIF Protégeons nos enfants » faisait état d’une augmentation de 30 % des violences intrafamiliales et des violences sur enfants à La Réunion. Ces chiffres nous imposent d’agir.

C’est pourquoi je salue votre proposition de loi, madame Santiago. Elle vient combler un vide juridique sur la question de l’autorité parentale. L’autorité parentale, c’est le droit des parents de prendre les décisions qui concernent leurs enfants. Quoi de plus banal que de discuter ensemble de l’inscription à l’école du petit dernier qui a 3 ans ou de l’opération des amygdales de la plus grande ? Mais quoi de plus terrible quand vous devez avoir cette discussion avec celui qui vous a violentée, agressée ou tenté de vous tuer ? Quoi de plus insupportable, quand celui qui décide de votre inscription à l’école est aussi celui qui vous a volé votre enfance ? Tel est l’état actuel de notre droit : les auteurs, ou auteurs présumés, restent investis de l’exercice de l’autorité parentale et n’en sont privés qu’en de très rares occasions. Votre proposition de loi vient corriger cette anomalie et accorder aux victimes une protection supplémentaire.

Je tiens à saluer votre travail, ainsi que notre travail collectif transpartisan. Notre commission a su trouver une position équilibrée pour concilier, d’une part, la nécessaire protection des victimes de violences intrafamiliales et la protection des enfants et, d’autre part, la présomption d’innocence et le droit au juge.

Le Sénat a quelque peu détricoté ce que nous avions mis beaucoup de temps à construire. Je suis certaine que notre assemblée arrivera à rétablir la version initiale. Nous voterons donc ce texte.

M. Paul Molac (LIOT). Faire un pas de plus vers la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales : tel est l’objectif très louable que notre commission s’est fixé avec cette proposition de loi. Notre groupe la soutiendra de manière indéfectible, comme en première lecture.

Lorsque la Ciivise a débuté ses travaux, elle a voulu dire aux 400 000 enfants victimes : « Je te crois. » Désormais, notre rôle de législateur est de dire à chacun d’eux : « Je te protège. »

En 2019 et en 2020, grâce à deux lois, notre assemblée avait permis d’accroître l’arsenal législatif contre les violences intrafamiliales, notamment en facilitant la suspension de l’autorité parentale en cas de poursuite. Comme la lenteur du système judiciaire ne doit pas pénaliser les victimes, il était nécessaire de pouvoir soustraire les enfants à l’emprise d’un parent violent en cas de poursuite pour crime contre l’autre parent, même avant toute condamnation pénale. Si notre groupe comprend la nécessité de limiter cette mesure aux cas les plus graves, il estime indispensable d’accroître son champ d’application.

Nous soutenons donc le choix de cette proposition consistant à suspendre l’autorité parentale en cas de crime ou violence sexuelle incestueuse contre l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer dans un tel cas.

Nous avons cependant un regret. Si la rédaction issue du Sénat a le mérite d’être équilibrée, elle est aussi plus modeste. Ce dernier a choisi de supprimer la suspension de l’autorité parentale en cas de violences conjugales entraînant plus de huit jours d’ITT. Je salue donc l’amendement de la rapporteure qui la prévoit de nouveau. Les violences conjugales sont aussi des violences familiales qui touchent l’enfant.

Notre groupe a tout de même souhaité déposer un sous-amendement pour accroître la protection des enfants en cas de violences conjugales. En effet, l’amendement correspondant ne prévoit la suspension de l’autorité parentale lors d’une condamnation pour des violences entraînant une ITT de plus de huit jours que si elles ont eu lieu en présence de l’enfant, même si vous avez précisé cette notion. Rien ne justifie cette restriction, qui pourrait conduire à traiter différemment des dossiers similaires. Un enfant pourrait être tout aussi choqué de voir sa mère marquée par des blessures, même s’il n’a pas assisté directement aux faits. Nous parlons de violences conduisant à plus de huit jours d’ITT. Ce n’est pas rien. La gravité de ces violences devrait suffire pour les retenir dans le dispositif. En outre, c’est le flou juridique autour de la notion de présence de l’enfant qui a conduit la rapporteure du Sénat à proposer de supprimer purement et simplement ce cas de figure.

Enfin, s’agissant des cas plus graves conduisant au retrait de l’autorité parentale, notre groupe approuve le choix d’un dispositif qui devrait conduire le juge pénal à le prononcer de manière plus systématique. Nous saluons également le travail de coordination entre le code civil et le code pénal réalisé sur ce point au Sénat.

En première lecture, notre collègue Béatrice Descamps avait présenté un amendement pour mettre en garde sur certaines lacunes du volet pénal. En effet, de manière surprenante, il existe encore quelques infractions graves – comme la séquestration – pour lesquelles le juge n’a pas l’obligation de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale. Le garde des Sceaux s’était engagé en séance à travailler sur ce point. Cela a été fait au Sénat et nous saluons cette avancée, qui devrait répondre aux recommandations de la Ciivise et aux attentes du milieu associatif.

Notre groupe votera de nouveau pour ce texte et appelle de ses vœux une entrée en vigueur rapide.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Certains chiffres sont tristement éclairants. Comme cela a été rappelé, en France près de 400 000 enfants vivent au sein d’une famille où sévissent des violences intrafamiliales. Ils en sont les victimes directes dans 21,5 % des cas. Mais ils en sont toujours les témoins traumatisés.

Depuis l’adoption de cette proposition de loi en première lecture par notre assemblée, en février dernier, certaines mesures concrètes ont été prises et sont venues renforcer les mécanismes de protection des victimes de violences intrafamiliales. Il faut s’en féliciter. Je pense notamment à l’amélioration de l’information des victimes et à la mise en place de l’ordonnance de protection provisoire immédiate – avec l’éviction du conjoint violent du domicile, décidée dans les vingt-quatre heures par le juge aux affaires familiales sans audience contradictoire en cas d’urgence et de danger.

J’avais cependant eu l’occasion de faire part d’un regret durant la discussion générale dans l’hémicycle, il y a quelques mois. Si ce texte adopté à l’unanimité par notre assemblée va dans le bon sens, il aurait pu être encore amélioré en prévoyant par exemple que le parent dont le conjoint est poursuivi ou condamné pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur un enfant mineur puisse refuser de présenter ce dernier sans se rendre coupable d’un quelconque délit. Nous sommes nombreux à recevoir des parents mortifiés à l’idée de devoir, en cas de garde alternée, confier leur enfant à un conjoint suspecté de violence. Nous ne pouvons ni les ignorer, ni les laisser avec leurs craintes. Je répète qu’il aurait été important d’ajouter cette mesure dans le texte, même si elle nécessite d’être encadrée – il n’est évidemment pas question d’une interdiction à vie.

Article 1er (art. 378-2 du code civil) : Suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites pour crime commis sur l’autre parent, crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant et en cas de condamnation pour violences conjugales

Amendements identiques CL12 de Mme Isabelle Santiago et CL15 de M. Éric Poulliat, sous-amendement CL19 de M. Jean-Félix Acquaviva, amendement CL16 de Mme Sandra Regol (discussion commune)

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Je vous remercie pour vos propos lors de la discussion générale.

Comme je l’ai indiqué dans mon exposé liminaire, je propose de revenir à la rédaction de cet article adoptée par notre assemblée en première lecture.

M. Paul Molac (LIOT). Le sous-amendement vise à supprimer la condition liée à la présence de l’enfant au moment des violences conjugales. La condamnation pour violences conjugales ayant entraîné plus de huit jours d’ITT devrait suffire pour procéder à la suspension de l’autorité parentale.

L’enfant peut être tout aussi traumatisé, par exemple, de voir le visage tuméfié de sa mère le lendemain des faits.

M. Éric Poulliat (RE). Notre groupe propose aussi de rétablir le texte dans la version adoptée par l’Assemblée en première lecture.

Monsieur Molac, dans le cas où les violences ont entraîné une ITT de plus de huit jours, le texte proposé pour l’article 1er indique que l’enfant doit avoir assisté aux faits. Cela constitue d’ailleurs une circonstance aggravante. Cette condition doit être entendue de manière large, de telle sorte que, dans l’exemple que vous avez cité, la vision par l’enfant du visage tuméfié de sa mère le lendemain sera bien prise en compte par le juge.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Comme nombre de nos collègues, nous regrettons le recul entraîné par la réécriture du Sénat. Cette dernière ne retient que les crimes ou agressions sexuelles, ce qui laisse de côté tous les autres types de violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques. La rédaction initialement retenue par l’Assemblée était beaucoup plus ambitieuse, puisque nous avions pour objectif de prévoir les outils pour protéger au mieux les enfants. Je ne reviens pas sur les chiffres et sur l’augmentation des violences intrafamiliales.

Avec l’amendement que nous proposons, il s’agit de rompre le cycle des violences – car les violentés d’hier peuvent devenir ceux qui violenteront demain. Nous devons agir avec des outils juridiques adaptés pour enrayer cela.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Madame Regol, votre amendement est presque identique aux amendements CL12 et CL15. Mais ces derniers sont plus précis car ils mentionnent la « condamnation » et non plus la « décision pénale ». Demande de retrait.

J’entends vos arguments, monsieur Molac. Le point que vous évoquez a fait l’objet de nombreux débats. Depuis la loi du 3 août 2018, le code pénal considère comme une circonstance aggravante le fait qu’un mineur assiste à des violences commises par le conjoint qui entraînent une ITT de plus de huit jours. Comme je l’ai dit lors de mon propos liminaire, il est nécessaire d’avoir une acception large de la condition qui prévoit que l’enfant assiste aux faits. Cela ne se limite pas à être un témoin direct des violences mais comprend l’ensemble des situations dans lesquelles l’enfant est témoin auditif ou oculaire de violences, présent ou non dans la pièce au moment des faits. Le fait pour un enfant d’être témoin direct des conséquences de ces violences, même après qu’elles ont été commises, doit également être pris en compte.

Soyez assuré que nous recherchons la meilleure solution juridique, et celle que nous vous proposons semble être la plus adaptée pour ce texte.

M. Paul Molac (LIOT). Compte tenu de vos assurances sur ce qui figure dans le code pénal, je retire le sous-amendement.

Le sous-amendement CL19 est retiré.

La commission adopte les amendements CL12 et CL15.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé et les amendements CL16 de Mme Sandra Regol et CL5 de Mme Béatrice Roullaud tombent.

Article 2 (art. 378 du code civil) : Établissement d’un principe de retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l’autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l’enfant

Amendements identiques CL10 de Mme Isabelle Santiago et CL13 de M. Éric Poulliat

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. L’amendement CL10 tend à réécrire l’article 2 dans le sens du texte que notre assemblée avait adopté en première lecture.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et les amendements CL1 de M. Dino Cinieri, CL2 de M. Pierre Cordier et CL4 de Mme Marie-France Lorho tombent.

Article 2 bis (art. 377 du code civil) : Création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale en cas de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant par un parent seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale

La commission adopte l’article 2 bis non modifié.

Article 2 ter A (art. 380 du code civil) : Suppression de la référence au « droit de garde »

La commission adopte l’article 2 ter A non modifié.

Article 2 ter (art. 381 du code civil) : Condition de recevabilité de la saisine du JAF en cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement

Amendement CL8 de Mme Marianne Maximi.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement tend à porter de six mois à un an le délai minimal, après une décision définitive, pour formuler une demande auprès du juge des affaires familiales en matière de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Il semble judicieux de prévoir une graduation dans la sanction lorsque seul l’exercice de l’autorité parentale est retiré. Le délai de six mois me semble raisonnable. Je demande donc le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 ter non modifié.

Article 2 quater (art. 373-2 du code civil) : Exonération de toute obligation d’informer préalablement l’autre parent d’un changement de résidence en cas d’ordonnance de protection

La commission adopte l’article 2 quater non modifié.

Article 3 : Mise en cohérence du code pénal avec les dispositions de l’article 378 du code civil prévoyant le retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité par les juridictions pénales

Amendements identiques CL11 de Mme Isabelle Santiago et CL14 de M. Éric Poulliat.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. L’amendement CL11 tend à rétablir la version adoptée en première lecture par notre assemblée et apporte quelques coordinations rédactionnelles.

La commission adopte les amendements et l’article 3 est ainsi rédigé.

Article 3 bis (art. 138 du code de procédure pénale) : Principe de suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact ou obligation de résider séparément

La commission adopte l’article 3 bis non modifié.

Article 4 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur le repérage et la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales, ainsi que sur l’accompagnement parental

Amendement CL7 de M. William Martinet, amendements identiques CL3 de Mme Marie-France Lorho et CL9 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune)

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’amendement CL3 tend à réintégrer dans le texte la demande d’un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et intrafamiliales et sur les modalités d’accompagnement parental. Un état des lieux complet est en effet nécessaire pour concevoir des politiques publiques efficaces.

Mme Marie-France Lorho (RN). L’amendement CL3 tend également à réintroduire la demande de rapport supprimée par le Sénat.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Un tel rapport serait très important pour dresser un état des lieux de la situation physique et psychologique des enfants exposés à ces violences et des modalités de l’accompagnement parental. Un diagnostic plus précis permettra en effet une plus grande efficacité de la politique publique.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CL7 qui élargit le champ du rapport et demande de retrait des amendements identiques CL3 et CL9.

La commission adopte l’amendement CL7.

En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé et les amendements CL3 et CL9 tombent.

Titre

Amendement CL18 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir le titre dans la rédaction initiale de l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales (n° 1001) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


([1])  Rapport d'information n° 806 de Mme Nicole Dubré-Chirat sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales (n° 658 2e rectifié).

([2]) Cet article est substantiellement modifié par l’article 2 de la présente proposition de loi.