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N° 1698

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 octobre 2023.

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d’enfants criminels ou délinquants,

 

 

 

 

Par M. Bryan MASSON,

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro : 1612.

 

 


 1

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Introduction

I. Jeunes délinquants, parents démissionnaires et justice laxiste, une équation explosive

A. La délinquance de plus en plus VIOLENTE DES MINEURS DANS NOTRE PAYS, UNE MENACE POUR L’ORDRE PUBLIC MAIS AUSSI POUR NOTRE PACTE RÉPUBLICAIN

1. L’évolution de la délinquance des mineurs au cours des dernières années

2. Les récentes émeutes urbaines, une illustration de l’explosion de la violence des jeunes dans notre société

3. Le sentiment d’impunité des mineurs, caractéristique de l’impuissance partielle de notre justice face à ces violences

B. L’insuffisante prise en compte de l’exercice de l’autorité parentale dans le traitement de la délinquance des jeunes

1. Malgré une responsabilité de fait et de droit, posée notamment par notre code civil et notre code pénal…

2. … les parents sont aujourd’hui déresponsabilisés par un État infantilisant et une justice frileuse

II. La responsabilisation des parents, un facteur clef de la lutte contre la délinquance des jeunes

A. La modulation des aides accordées aux familles, un levier pertinent déjà utilisé dans plusieurs situations

1. La suspension des allocations pour lutter contre l’absentéisme scolaire

2. Des exemples locaux de suspension des aides aux familles de délinquants

3. Le cas des expulsions de logements sociaux des familles de délinquants

B. La suspension ou la suppression des allocations familiales en fonction des condamnations judiciaires, un outil indispensable pour responsabiliser les parents

1. Une proposition aujourd’hui largement soutenue

2. Un dispositif précis et équilibré

Commentaire des articles

Article 1er Suppression ou suspension des allocations familiales en cas de condamnation définitive pour un crime ou à un délit d’une particulière gravité

Article 2 Coordination dans le code de la justice pénale des mineurs en cas de mesure de placement

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE n 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

Annexe n°2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


 1

Avant-propos

Quand la Nation offre un soutien financier aux familles pour l’éducation des enfants, ce soutien ne peut qu’être conditionné au respect par les parents bénéficiaires de leurs devoirs parentaux.

C’est pour répondre à ce vide juridique et politique que la présente proposition de loi prévoit un dispositif innovant, utilisant les allocations familiales comme levier de responsabilisation des parents d’enfants délinquants.

Ce mécanisme n’a bien sûr pas la prétention de résoudre à lui seul la délinquance des jeunes en France. Mais face à cette violence croissante, il propose une première pierre pour restaurer l’autorité de l’État.

Cette proposition de loi a, à la fois, le mérite de la simplicité avec un dispositif lisible, le mérite de la précision avec des étapes bien définies et le mérite de l’efficacité. En effet, elle joint enfin le geste à la parole après des mois d’interventions publiques en faveur d’un tel dispositif, au premier rang desquelles celle du Président de la République qui considère qu’il « faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles » ([1]).

Voilà exactement ce que permet le présent texte : dès la première infraction, sanctionner financièrement et facilement les familles.

 

 


 1

Introduction

I.   Jeunes délinquants, parents démissionnaires et justice laxiste, une équation explosive

Tandis que notre pays est confronté à une délinquance des mineurs plus juvénile et plus violente, la réponse judiciaire peine à se faire entendre. La responsabilité des parents semble être un levier trop peu utilisé pour répondre à ces situations, laissant des familles à la dérive et amenuisant l’autorité de l’État.

A.   La délinquance de plus en plus VIOLENTE DES MINEURS DANS NOTRE PAYS, UNE MENACE POUR L’ORDRE PUBLIC MAIS AUSSI POUR NOTRE PACTE RÉPUBLICAIN

Les élus de terrain sont nombreux, depuis plusieurs années, à constater la violence de plus en plus grande des mineurs délinquants. Selon les inspections générales de la justice et de l’administration, les émeutes urbaines de l’été 2023, qui ont impliqué des émeutiers particulièrement jeunes, se sont même apparentées à de véritables « guérillas urbaines » lorsqu’elles visaient les forces de l’ordre ([2]).

1.   L’évolution de la délinquance des mineurs au cours des dernières années

● Alors que, sur le terrain, le constat est celui d’une augmentation de la délinquance des mineurs, dont les médias se font également l’écho, le nombre de condamnations de mineurs diminue pourtant depuis plusieurs années.

En écartant les années 2020, 2021 et 2022 pour lesquelles les données ne sont pas encore définitives ou demeurent biaisées par la crise sanitaire, on constate une diminution du nombre de condamnations. Elles passent de près de 53 000 en 2005 à environ 42 000 en 2019, soit une baisse d’environ 20 %.

Toutefois, cette diminution des condamnations n’est pas révélatrice d’un recul de la délinquance de mineurs. En effet, en parallèle, le nombre d’affaires concernant des mineurs délinquants traitées par les parquets est demeuré relativement stable, passant de 168 174 en 2005 à 166 589 en 2019 ([3]). Le recours aux procédures alternatives aux poursuites a, quant à lui, considérablement augmenté, passant de 44,4 % à 54 % des affaires poursuivables.

Nombre de condamnations de personnes mineures
selon le type d’infraction et le quantum encouru

Année

Crimes

Délits punis d’un emprisonnement inférieur à 2 ans

Délits punis d’un emprisonnement de 2 ans ou plus

Ensemble des infractions (délits et crimes)

Part des crimes

Part des délits punis d’un emprisonnement inférieur à 2 ans

Part des délits punis d’un emprisonnement de 2 ans ou plus

2005

356

4 326

48 312

52 994

0,7 %

8,2 %

91,2 %

2006

406

4 558

50 092

55 056

0,7 %

8,3 %

91,0 %

2007

373

4 358

50 825

55 556

0,7 %

7,8 %

91,5 %

2008

335

4 663

50 813

55 811

0,6 %

8,4 %

91,0 %

2009

331

4 696

49 341

54 368

0,6 %

8,6 %

90,8 %

2010

315

4 578

47 258

52 151

0,6 %

8,8 %

90,6 %

2011

286

4 509

45 586

50 381

0,6 %

8,9 %

90,5 %

2012

283

4 790

45 571

50 644

0,6 %

9,5 %

90,0 %

2013

267

4 790

43 247

48 304

0,6 %

9,9 %

89,5 %

2014

257

4 722

41 035

46 014

0,6 %

10,3 %

89,2 %

2015

252

4 707

40 389

45 348

0,6 %

10,4 %

89,1 %

2016

233

5 232

41 947

47 412

0,5 %

11,0 %

88,5 %

2017

213

5 085

41 649

46 947

0,5 %

10,8 %

88,7 %

2018

222

4 629

37 163

42 014

0,5 %

11,0 %

88,5 %

2019

226

4 637

37 223

42 086

0,5 %

11,0 %

88,4 %

2020

191

3 234

28 020

31 445

0,6 %

10,3 %

89,1 %

2021

310

4 288

42 518

47 116

0,7 %

9,1 %

90,2 %

2022

164

2 832

29 244

32 240

0,5 %

8,8 %

90,7 %

Source : ministère de la justice, tables statistiques du casier judiciaire national, données semi-définitives pour 2021 et provisoires pour 2022.

C’est donc plutôt cette tendance accrue aux alternatives aux poursuites qui explique la réduction du nombre de condamnation. Ce constat est d’ailleurs explicite sur le site du ministère de la justice : « L’une des évolutions les plus marquantes dans le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs de ces vingt dernières années est l’accroissement du recours aux alternatives aux poursuites. Elles constituent la réponse pénale majoritaire depuis 2004 à l’encontre des auteurs mineurs : 63 % en 2020 contre 46 % pour les auteurs majeurs » ([4]).

● Dès 1996, le rapport de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à l’enfance délinquante, faisait état d’une délinquance de plus en plus juvénile et de plus en plus marquée par la violence ([5]).

Près de vingt-cinq ans plus tard, le rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi projet de loi ratifiant l’ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs dressait le même constat : « Il existe, en effet, une tendance à l’aggravation des infractions commises et au rajeunissement de leurs auteurs. Certaines bandes organisées n’hésitent pas à utiliser des mineurs de moins de treize ans – qui ne peuvent pas être mis en garde à vue – pour des infractions d’atteinte aux biens (cambriolages, vols à l’étalage…) et de trafic de stupéfiants (guetteurs, livreurs…). Ce constat résulte également du développement des actes de délinquance commis par des mineurs non accompagnés, souvent soumis à des addictions multiples, dans certaines grandes villes françaises » ([6]).

La violence des jeunes s’accentue donc. Ce constat ne peut qu’inquiéter, d’autant plus que cette dérive semble s’accélérer avec le développement des phénomènes de bande et l’usage des réseaux sociaux. Un récent rapport du Sénat souligne ainsi que « ces nouveaux outils numériques [peuvent] amplifier la violence, favoriser le passage à l’acte, voire conduire à l’augmentation de certains faits (violence scolaire, infractions à la législation sur les stupéfiants, ou extorsions par exemple) » ([7]).

2.   Les récentes émeutes urbaines, une illustration de l’explosion de la violence des jeunes dans notre société

● Comme l’a souligné le préfet des Alpes-Maritimes Hugues Moutouh auprès de votre rapporteur, les émeutes urbaines de juin et juillet derniers se sont caractérisées par le jeune âge des émeutiers ([8]).

Lors de son audition par la commission des Lois, le ministre de l’intérieur avait en effet indiqué que l’âge moyen des auteurs se situait entre 17 et 18 ans ([9]). D’après les données transmises par le ministère de la justice, 4 481 personnes ont été placées en garde à vue à l’occasion de ces émeutes. Parmi elles, environ un tiers de moins de dix-huit ans, soit 1 319 mineurs. Cette même proportion se retrouve parmi les défèrements : 317 mineurs ont été déférés suite à ces émeutes.

La justice pénale des mineurs distingue dans un premier temps l’audience de culpabilité puis, six à neuf mois plus tard, l’audience de sanction. Compte tenu de cette césure du procès pénal, les données concernant les condamnations de mineurs impliqués dans les émeutes ne sont pas encore connues.

S’agissant des majeurs, sur les 2 519 personnes poursuivies devant une juridiction de jugement au 31 juillet 2023, 1 249 ont été jugées et condamnées à cette date. Parmi elles, un peu plus de 60 % ont été condamnées à une peine d’emprisonnement ferme pour une durée moyenne de 8,9 mois. Des mandats de dépôt ou des maintiens en détention ont été prononcés dans 53 % des cas ([10]).

● Le bilan de ces émeutes est lourd : parmi plus de 2 500 bâtiments incendiés ou dégradés, on compte 90 établissements scolaires, 103 mairies, 180 commissariats, casernes de gendarmerie, brigades de sapeurs-pompiers ou bureaux de police municipale ([11]). Ces attaques ont volontairement visé des symboles de notre République, non seulement des locaux des forces de l’ordre, mais aussi des établissements de l’éducation nationale.

Pour votre rapporteur, le choix de ces cibles n’est en rien anodin, mais témoigne d’un manque d’ancrage citoyen ([12]), voire d’une réelle hostilité aux valeurs fondamentales de notre pacte républicain.

D’ailleurs, si l’analyse formulée par les inspections générales varie selon les infractions et s’appuie sur un panel composé uniquement de majeurs, il demeure intéressant de relever le constat selon lequel « les violences exercées à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique étaient organisées, certaines actions hostiles s’apparentant à une guérilla urbaine avec pratiques de guet-apens, usages intenses de mortiers d’artifices ou d’armes par destination et messages de mobilisation sur les réseaux sociaux » ([13]).

Que nos forces de sécurité intérieure soient visées par des actes s’apparentant à une « guérilla urbaine » ne peut qu’interpeller le législateur et la société entière sur les raisons d’une telle violence parmi nos jeunes gens.

3.   Le sentiment d’impunité des mineurs, caractéristique de l’impuissance partielle de notre justice face à ces violences

Tout comme l’accroissement de la violence, le développement du sentiment d’impunité n’est pas un phénomène nouveau. Dès 1996, le rapporteur du Sénat estimait certaine l’augmentation de ce sentiment, qui constituait bien l’un des facteurs essentiels de la délinquance juvénile ([14]). Cité par le rapporteur du Sénat, le Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN) expliquait, dans un rapport publié en octobre 1995, que « cette impunité judiciaire conforte le jeune dans l’idée que tout est permis, favorise sa persistance dans un comportement délinquant, accroît son arrogance à l’égard des adultes en général et de tout [détenteur] d’une parcelle de l’autorité en particulier ».

S’il est cohérent d’estimer que l’enfant a une responsabilité moindre que l’adulte ([15]), cela ne doit pas signifier pour autant l’absence de toute responsabilité qui ne peut que susciter un sentiment d’impunité.

Il faut sans doute voir dans cette insuffisance de la réponse à ces violences une des raisons de leur accroissement, insuffisance qui se caractérise sans doute dans les sanctions prises envers les jeunes eux-mêmes mais également dans l’absence de sanction visant leurs parents.

B.   L’insuffisante prise en compte de l’exercice de l’autorité parentale dans le traitement de la délinquance des jeunes

La circulaire du garde des Sceaux sur la réponse pénale à apporter aux émeutes de cet été ([16]) rappelle, d’une part, que les infractions commises par les mineurs engagent la responsabilité civile de leurs parents et, d’autre part, qu’il est possible de les poursuivre sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal si de graves manquements aux obligations parentales légales sont constatés. Ce rappel démontre bien que ces leviers de responsabilisation des parents sont en réalité très peu utilisés par les juridictions.

1.   Malgré une responsabilité de fait et de droit, posée notamment par notre code civil et notre code pénal…

● La responsabilité civile des parents du fait des dommages causés par leurs enfants est inscrite dans le code civil depuis 1804. L’article 1242 dispose aujourd’hui que « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

Trois conditions sont ainsi posées à la responsabilité : la minorité de l’enfant, le caractère dommageable du fait commis et la cohabitation. Cette responsabilité est de plein droit. Seule la force majeure ou la faute de la victime peut exonérer les parents de cette responsabilité du fait des dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux ([17]).

La responsabilité financière des parents est donc un principe de notre droit civil qu’il semble cohérent de mobiliser pour garantir une réponse judiciaire et sociale plus pertinente face à la délinquance des jeunes.

● Cette responsabilité découle de l’autorité parentale, définie comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». À ce titre, il appartient aux parents de protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, d’assurer son éducation et de permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Cette autorité doit s’exercer sans violences physiques ou psychologiques ([18]).

Depuis la fin du XIXe siècle, l’idéal républicain et le développement de l’éducation comme mission de l’État ont ainsi conduit à sanctionner les parents ne s’occupant pas correctement de leur progéniture.

La sanction est d’abord civile avec la possibilité, dès 1889, de prononcer la déchéance de la « puissance paternelle », ancêtre de l’autorité parentale ensuite partagée entre les deux parents ([19]). Progressivement, sont ainsi sanctionnés par un retrait total ou partiel de l’autorité parentale, non seulement les délits ou crimes commis directement sur les enfants par leurs parents, mais également les comportements mettant l’enfant en danger – consommation d’alcool ou usage de stupéfiants notamment – et les carences conduisant à mettre en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant.

Aujourd’hui les articles 378 à 381 du code civil prévoient les cas dans lesquels les parents peuvent se voir retirer, entièrement ou partiellement, cette autorité parentale.

● Des infractions sont ensuite spécifiquement conçues pour réprimer les atteintes et mises en danger de mineurs. Dès 1898 ([20]), un délit sanctionne d’une peine de cinq ans d’emprisonnement les parents ayant « volontairement fait des blessures ou porté des coups à un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, ou [l’ayant] volontairement privé d’aliments ou de soins au point de compromettre sa santé » ([21]).

Les parents peuvent aujourd’hui se rendre coupables de l’infraction prévue à l’article 227-17 du code pénal, selon lequel « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». L’infraction doit être intentionnelle, c’est-à-dire que les parents doivent avoir eu conscience de se soustraire à leurs obligations parentales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant.

En matière pénale, les parents peuvent donc être condamnés en raison du non-respect de leurs obligations vis-à-vis des enfants. Le principe de la responsabilité personnelle exclut toutefois la responsabilité des parents du fait des actes commis par leurs enfants.

2.    … les parents sont aujourd’hui déresponsabilisés par un État infantilisant et une justice frileuse

Force est toutefois de constater que la mise en cause pénale des carences éducatives est aujourd’hui particulièrement faible. En effet, les condamnations prononcées à titre principal sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal sont peu nombreuses, autour de quelques centaines par an.

Nombre de condamnations prononcées
au titre de l’article 227-17 du code pénal

Année

Condamnations (au moins une infraction)

2017

226

2018

247

2019

302

2020

236

2021

330

2022

333

   Source : ministère de la justice.

En lieu et place de sanctions pénales sévères se développent des mesures d’accompagnement comme le stage de responsabilité parentale ([22]) qui, si elles ont leur intérêt, ne sauraient remplacer une réponse répressive pour les faits les plus graves. Cet accompagnement s’appuie en outre sur un présupposé naïf selon lequel les parents agissent mal uniquement par manque de connaissances ou de compétences en matière d’éducation. Hormis dans de rares applications de l’article 227-17, la justice méconnaît ainsi totalement les cas où les parents sont en réalité coupables de carences ou de négligences éducatives de façon volontaire.

Pourtant, cette insuffisance judiciaire a déjà été soulignée par les responsables politiques : en 2002 avec la proposition de loi d’Yves Nicolin qui présumait le manquement prévu à l’article 227-17 lorsque le mineur commettait un crime ou un délit ([23]), ou encore en 2010 lorsque le Président de la République Nicolas Sarkozy déclarait à l’occasion de son discours de Grenoble :

« La question de la responsabilité des parents est clairement posée. Je souhaite que la responsabilité des parents soit mise en cause lorsque des mineurs commettent des infractions. Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal. Quand je regarde les rapports de police, et je vois qu’un mineur de 12 ans ou de 13 ans, à une heure du matin, dans le quartier d’une ville lance des cocktails Molotov sur un bus qui passe, n’y a-t-il pas un problème de responsabilités des parents ? Il ne s’agit pas de sanctionner. Il s’agit de faire réagir. ([24]) »

Malgré ces tentatives et déclarations politiques, la situation est aujourd’hui toujours la même : les parents qui ont laissé de jeunes enfants errer dans la rue pour commettre des exactions lors des émeutes de cet été ne sont pas inquiétés par la justice. Ils sont ainsi complètement déresponsabilisés, comme s’il ne leur incombait aucun devoir parental.

II.   La responsabilisation des parents, un facteur clef de la lutte contre la délinquance des jeunes

Face à cette situation, une évolution législative s’impose afin d’enrayer la violence, de restaurer l’ordre public et de mieux responsabiliser les parents. Il semble en effet logique de considérer que certains faits commis par les enfants sont révélateurs de carences éducatives au titre desquelles les parents doivent être sanctionnés, d’une manière ou d’une autre. S’inscrivant dans la continuité de précédents dispositifs, c’est ce qu’entend faire la présente proposition de loi.

A.   La modulation des aides accordées aux familles, un levier pertinent déjà utilisé dans plusieurs situations

La sanction des parents d’enfants délinquants à travers le retrait de certaines aides sociales ou familiales n’est pas une idée nouvelle. Elle a en réalité été appliquée à plusieurs reprises, prouvant ainsi sa cohérence morale et sa validité juridique.

1.   La suspension des allocations pour lutter contre l’absentéisme scolaire

En 2010, l’adoption de la loi dite « Ciotti » visant à lutter contre l’absentéisme scolaire adoptait cette logique en sanctionnant les familles des enfants absentéistes par la suspension du versement des allocations familiales ([25]).

Au-delà de quatre demi-journées d’absence non justifiées sur une période d’un mois, le chef d’établissement fait parvenir un signalement à l’inspecteur d’académie qui, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales. Celui‑ci suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause. C’est également l’inspecteur d’académie qui lui ordonne par la suite, le cas échéant, le rétablissement du versement de la part d’allocations concernée.

À l’occasion d’un recours contre le décret relatif aux modalités de calcul de la part des allocations suspendues ou supprimées en cas d’absentéisme scolaire, le Conseil d’État s’est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire. Il a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question soulevée, considérant que « les dispositions litigieuses de la loi du 28 septembre 2010 ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » ([26]).

Considéré alors comme inefficace, notamment en raison de l’absence de baisse de l’absentéisme, cette loi a néanmoins été abrogée en 2013. D’après les services du ministère des solidarités et des familles interrogés par votre rapporteur, la suspension des allocations familiales avait été décidée pour 949 familles et de fortes disparités territoriales avaient été observées.

Votre rapporteur considère toutefois que le court délai d’application de cette loi et l’absence d’analyse qualitative dossier par dossier empêchent toute appréciation précise de l’efficacité de ce dispositif.

2.   Des exemples locaux de suspension des aides aux familles de délinquants

Plusieurs collectivités ont, elles aussi, décidé d’utiliser le levier des aides accordées aux familles pour mieux responsabiliser les parents d’enfants délinquants. Le dispositif est toujours plus ou moins le même : les aides facultatives municipales ou accordées par le centre communal d’action sociale (CCAS) peuvent être suspendues lorsqu’un enfant fait l’objet d’un jugement définitif à la suite d’une infraction, le plus souvent lorsqu’elle constitue un trouble à l’ordre public. Les procédures varient ensuite à la marge, permettant d’inclure d’autres situations et prévoyant parfois un accompagnement parental dont le refus ou le non-respect conditionne la suspension des aides.

Dès 1997, un dispositif de la sorte avait été mis en œuvre à Étampes. En 2018, à Rillieux-la-Pape le maire Alexandre Vincendet (LR) avait permis l’adoption par le conseil municipal d’une délibération prévoyant la possibilité de suspendre certaines aides facultatives pour les familles des mineurs délinquants récidivistes.

À Valence, le conseil municipal a lui aussi décidé en décembre 2020 de rendre possible la suppression de certaines aides municipales non obligatoires (contrat municipal étudiant, chèque sport et culture) et certaines aides facultatives du CCAS lorsqu’un enfant a fait l’objet d’un jugement définitif suite à une infraction troublant l’ordre public. Selon le maire de la ville, Nicolas Daragon (LR), ce dispositif se montre efficace en raison de son pouvoir de dissuasion. Il affirme ainsi qu’une « vingtaine de familles ont été convoquées. La dissuasion fonctionne parfaitement […]. Les familles ont toutes accepté le dispositif éducatif. Parallèlement, les dégradations ont diminué. […] Je pense surtout que cette démarche a une valeur pédagogique : ceux qui bénéficient des aides comprennent qu’ils ont aussi des devoirs » ([27]). Il convient de signaler que, dans une décision de février 2022, la Défenseure des droits estimait ce dispositif de nature à porter atteinte aux droits des usagers de l’administration et à l’intérêt supérieur de l’enfant ([28]).

À Poissy, en février 2021, le conseil municipal, alors présidé par le maire Karl Olive (RE), a adopté une délibération autorisant le maire ou son représentant à suspendre l’accès aux aides facultatives municipales ([29]) pour les familles dont un des membres mineurs aurait fait l’objet d’un rappel à l’ordre ou d’un jugement définitif à la suite d’une infraction troublant l’ordre public et qui auraient refusé l’accompagnement parental proposé par les services sociaux de la ville ou du département. En mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a toutefois annulé cette délibération qui institue une sanction administrative, considérant notamment les conditions fixées trop imprécises ([30]).

À Caudry, le conseil d’administration du CCAS, présidé par le maire Frédéric Bricout (UDI), a adopté une délibération en avril 2021 autorisant son président à « suspendre l’accès aux aides facultatives » aux mineurs ayant, entre autres, fait l’objet d’un jugement définitif suite à une infraction troublant l’ordre public. Cette délibération a toutefois été suspendue par le Conseil d’État. Celui-ci, considérant les circonstances pouvant conduire à la suspension des aides trop imprécises et la faculté reconnue au président insuffisamment encadrée, a jugé que « la délibération contestée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité » ([31]). Il convient toutefois de signaler qu’à cette occasion, le Conseil d’État a été saisi d’un recours en annulation d’une ordonnance du juge des référés et ne s’est donc pas prononcé sur le fond du dossier.

Sans prétendre à l’exhaustivité, la liste de ces différents exemples illustre l’intérêt de ces mécanismes qui ont été jugés par plusieurs élus, issus de différents groupes politiques, comme un moyen d’action efficace pour lutter contre la délinquance des mineurs en responsabilisant les parents.

Votre rapporteur note également que, si certaines de ces délibérations ont été suspendues ou annulées par la justice administrative, celle-ci n’a jamais fondé son appréciation que sur des imprécisions de la procédure, ne s’opposant pas au principe d’une telle suspension des aides familiales en réponse à un acte de délinquance.

3.   Le cas des expulsions de logements sociaux des familles de délinquants

Dans plusieurs communes comme Nice, Valence ou encore Montpellier, des conventions entre le parquet, la préfecture et les bailleurs sociaux ont été signées pour faciliter l’expulsion de leurs logements sociaux de certaines familles de délinquants.

Tout récemment, à la fin du mois d’août, le ministre de l’intérieur et la secrétaire d’État chargée de la ville auraient transmis aux préfets une note leur demandant une fermeté systématique dans l’expulsion de leurs logements sociaux des délinquants auteurs de violences urbaines.

Outre des mesures visant à renforcer la coopération et le partage d’informations, la convention signée entre le préfet de l’Hérault, le procureur de la République de Montpellier et les bailleurs sociaux de Montpellier prévoit par exemple qu’« à la demande d’un bailleur, le Procureur de la République de Montpellier peut transmettre les éléments d’une décision pénale définitive concernant un résident du parc immobilier et caractérisant un comportement fautif susceptible d’entraîner la résiliation du bail ».

L’expulsion locative est ainsi envisagée en lien avec une condamnation pénale. Comme l’a expliqué le préfet Hugues Moutouh lors de son audition, cette démarche traduit une forme de responsabilisation des parents à travers la prise de sanction matérielle ou financière.

B.   La suspension ou la suppression des allocations familiales en fonction des condamnations judiciaires, un outil indispensable pour responsabiliser les parents

Les familles ont un rôle social structurant, notamment dans l’éducation des enfants et la construction des futurs citoyens. L’État leur apporte à cette fin un soutien important sur lequel il n’est pas question de revenir. Mais tout droit accordé doit logiquement impliquer des devoirs. Les prestations familiales sont versées par la société aux familles pour qu’elles remplissent leurs obligations dans les meilleures conditions possibles. En toute logique, si elles ne s’acquittent pas correctement de ces devoirs, la société est en droit de limiter l’aide qu’elle leur octroie.

1.   Une proposition aujourd’hui largement soutenue

La suspension des allocations familiales a un temps été envisagée par l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, pour sanctionner les parents d’élèves commettant des violences au sein des établissements scolaires ([32]).

S’agissant plus spécifiquement des mineurs délinquants et des violences commises par les jeunes émeutiers à l’été dernier, de nombreux responsables politiques ont émis l’idée d’une sanction financière, voire se sont explicitement déclarés favorables à un mécanisme de suspension des allocations familiales.

À ce sujet, au début du mois de juillet dernier, le Président de la République a lui‑même déclaré, lors d’une visite auprès de policiers à Paris : « Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles ».

Les membres du parti Les Républicains ont eux aussi multiplié les prises de parole sur ce sujet. Bruno Retailleau, affirmait par exemple à la radio que « L’allocation familiale, c’est pour s’occuper de la famille. […] Quand les parents sont incapables d’exercer leur autorité parentale, je ne vois pas pourquoi la société leur verserait des allocations familiales » ([33]).

Publié au début du mois de juillet, le « Plan des Républicains pour restaurer l’ordre public » propose d’ailleurs clairement de suspendre les allocations familiales pour les actes de délinquance des mineurs ([34]).

En conséquence, Éric Ciotti et le groupe Les Républicains ont déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à responsabiliser les parents des enfants délinquants et absentéistes qui prévoit plusieurs modalités de suspension des allocations familiales ([35]).

2.   Un dispositif précis et équilibré

S’inspirant des précédents dispositifs mis en œuvre au niveau local ou national et s’appuyant sur une large aspiration politique partagée depuis le Président de la République jusqu’au groupe du Rassemblement national, la présente proposition de loi conçoit un dispositif innovant et efficace pour responsabiliser rapidement les parents d’enfants délinquants.

La logique de cette proposition de loi repose sur le bon sens. La condamnation d’un mineur pour un crime ou un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement – soit des infractions d’une gravité avérée – sous-entend que celui-ci est probablement exposé à des carences éducatives. En effet, de tels comportements peuvent être la conséquence d’une éducation défaillante et c’est pour cette raison que la responsabilité des parents doit être invoquée.

Il est pour votre rapporteur évident que des parents qui laissent leurs enfants errer dans les rues, parfois jusqu’au petit matin, ne remplissent pas leurs devoirs parentaux. Les émeutes urbaines de juin et juillet 2023 ont été une illustration claire des manquements de certains parents qui doivent enfin être sanctionnés.

Le soutien financier apporté par la Nation aux familles pour l’éducation des enfants ne peut qu’être conditionné au respect par les parents bénéficiaires de leurs obligations parentales. Pour cette raison, la présente proposition de loi prévoit le retrait des allocations familiales lorsqu’un enfant fait l’objet de certaines condamnations pénales définitives.

Attentif à la proportionnalité des sanctions, votre rapporteur souligne que ce retrait verra sa durée modulée selon la gravité de l’infraction commise. En outre, il ne sera prononcé qu’après une procédure contradictoire devant l’autorité administrative en charge de la décision. Ce retrait ne pourra ainsi être prononcé que si les parents n’ont pu démontrer avoir tenté d’empêcher la commission de l’infraction.

 


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   Commentaire des articles

Article 1er
Suppression ou suspension des allocations familiales en cas de condamnation définitive pour un crime ou à un délit d’une particulière gravité

Supprimé par la commission

L’article 1er prévoit le principe et le mécanisme de suppression ou de suspension des allocations familiales lorsqu’un enfant ouvrant droit à de telles allocations fait l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement.

I.   L’état du droit

Suspendre ou supprimer les allocations familiales en raison du comportement d’un enfant à charge ou d’une infraction commise par lui ne fait aujourd’hui plus partie du droit en vigueur. En effet, depuis 2013 et l’abrogation de la loi dite « Ciotti » visant à lutter contre l’absentéisme scolaire ([36]), notre paysage juridique ferme presque totalement les yeux sur la responsabilité des parents quant aux actes commis par leurs enfants.

● En l’état du droit, les allocations familiales sont versées à un allocataire unique – en général l’un des deux parents, et le plus souvent la mère, selon les services du ministère des solidarités et des familles. Lors d’une séparation, les parents peuvent décider de s’en tenir à cette situation ou demander à partager les allocations en cas de garde alternée. En dehors de ce cas lié à l’évolution de la situation familiale, le versement des allocations ne peut être modifié que dans de rares situations :

– si le parent qui en est allocataire est déchu totalement ou partiellement de l’autorité parentale, ou s’il est condamné pour ivresse ou en application de la loi sur les enfants maltraités ou moralement abandonnés, ou lorsque le versement des prestations familiales entre ses mains risque de priver l’enfant du bénéfice de ces prestations. Les allocations sont alors attribuées à l’autre parent ([37]) ;

– si, dans le cadre d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ([38]), le juge décide qu’une personne qualifiée, dite « délégué aux prestations familiales », perçoit tout ou partie des prestations familiales ;

– lorsque, en matière civile, le juge des enfants décide d’une mesure de placement pour protéger un mineur en danger ([39]), la part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à l’aide sociale à l’enfance ([40]). Toutefois, il peut être décidé, à la demande du président du conseil départemental ou de la juridiction, de maintenir le versement à la famille, « lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer » ([41]) ;

– lorsqu’en matière pénale le juge des enfants décide d’une mesure de placement au titre d’une mesure éducative judiciaire ([42]) ou dans le cadre d’un sursis probatoire ([43]), les allocations auxquelles l’enfant ouvre droit sont versées à la personne ou à l’établissement qui accueille le mineur le temps du placement. Toutefois, là encore, le juge des enfants peut maintenir le versement à la famille « lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant, ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer » ([44]).

● Au cours de ses auditions, votre rapporteur s’est plus spécifiquement intéressé au régime d’incarcération des mineurs et au versement des allocations familiales durant cette période. Il a été particulièrement étonné par l’inexactitude et le caractère contradictoire des informations qui lui ont été transmises par les services de l’État à ce sujet.

Le ministère des solidarités et des familles, ainsi que le directeur général de la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ont affirmé que les allocations familiales étaient automatiquement suspendues lorsqu’un enfant est incarcéré. Cette automaticité est d’ailleurs toute relative puisqu’en réalité, selon leurs propres explications, cette suspension n’intervient que si les parents déclarent spontanément un changement de situation familiale tenant au fait que l’enfant incarcéré n’est plus à leur charge pendant cette période.

Or, le ministère de la justice, représenté par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), a quant à lui expliqué à votre rapporteur qu’en cas d’incarcération, le principe était le maintien des allocations aux familles afin de favoriser la préservation des liens familiaux et l’entretien de l’enfant en détention, soit l’exact inverse.

Il apparaît particulièrement préoccupant à votre rapporteur que les services en charge de la gestion des prestations familiales soient aussi mal informés et finalement incapables d’être précis sur la gestion réelle des deniers publics. À l’heure où la maîtrise des dépenses publiques est affichée comme un objectif prioritaire du Gouvernement, un tel flou dans la gestion des allocations familiales – qui représentent plus de 12 milliards d’euros – est plus que surprenant.

II.   Le dispositif proposé

1.   Le principe proposé, une logique cohérente mais actuellement absente de notre droit

● L’article 1er de la présente proposition de loi introduit dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 521-4 qui prévoit la suppression ou la suspension d’une partie des allocations familiales lorsqu’un enfant fait l’objet de certaines décisions judiciaires.

Le montant des allocations familiales

En application de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont versées aux familles résidant en France et ayant au moins deux enfants à charge de moins de vingt ans. Dans les départements et régions d’outre-mer, elles sont versées dès le premier enfant à charge.

Le montant mensuel des allocations familiales varie selon le nombre d’enfants à charge et le niveau de ressources de la famille. En outre, le montant est majoré quand les enfants avancent en âge.

Sont fixées trois tranches en fonction de deux plafonds de ressources, dont le montant varie selon le nombre d’enfants à charge. Pour les familles de deux enfants par exemple, la première tranche concerne les familles dont les ressources sont inférieures ou égales à 71 194 euros (77 125 euros si elles ont trois enfants, 83 058 euros si elles en ont quatre, etc.). La seconde tranche regroupe les familles dont les ressources sont supérieures à ce premier plafond mais inférieures ou égales à 94 893 euros (100 825 euros avec trois enfants, 106 757 euros avec quatre enfants, etc.). La troisième et dernière tranche s’applique aux familles dont les ressources sont supérieures à ce deuxième plafond.

Le montant des allocations versées varie ainsi selon les tranches et le nombre d’enfants à charge : il est de 141,99 euros pour les familles de la première tranche avec deux enfants à charge et de 80,98 euros pour celles de la troisième tranche avec trois enfants à charge.

En décembre 2022, 4,8 millions de familles étaient bénéficiaires des allocations familiales, soit 35 % des familles, au titre de l’entretien de 11,4 millions d’enfants. Le montant moyen des allocations versées était de 222 euros par famille et le montant médian de 140 euros.

Source : Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

Les allocations familiales ne seraient pas intégralement suspendues ou supprimées ; seule la part à laquelle ouvre droit l’enfant faisant l’objet de la condamnation serait concernée.

Peuvent ainsi être concernés par la procédure prévue par la présente proposition des lois des mineurs comme de jeunes majeurs, puisque les allocations familiales sont versées pour les enfants à charge jusqu’à leurs 20 ans. Elle peut donc s’appliquer aux jeunes gens âgés de 18 ou 19 ans ([45]).

● Ces suspensions ou suppressions sont appliquées lorsque l’enfant – mineur ou jeune majeur de moins de 20 ans – fait l’objet d’une décision judiciaire définitive le condamnant à une peine – en application du code pénal ou du code de la justice pénale des mineurs – ou, s’agissant des mineurs, à une mesure éducative judiciaire lorsqu’elle est prononcée à titre de sanction ([46]).

Le placement, qui peut être ordonné comme mesure éducative judiciaire ou dans le cadre des obligations imposées au titre d’un sursis probatoire, fait l’objet de dispositions spécifiques, prévues à l’article 2 et précisées ci-après. Ces spécificités se justifient par le fait que la mesure de placement implique d’elle-même une gestion particulière du versement des allocations familiales.

● Sont visées par cette procédure les infractions d’une certaine gravité, c’est-à-dire les condamnations prononcées, à titre définitif, pour un crime ou pour un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement.

Les trois premiers alinéas de ce nouvel article L. 521-4 appliquent le retrait de la part correspondante des allocations familiales de façon proportionnée à la gravité de cette condamnation :

– d’une part, en fonction de la gravité du type d’infraction commise : le retrait est définitif lorsqu’il s’agit d’un crime ; il est en revanche temporaire lorsqu’il s’agit d’un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement ;

– d’autre part, en fonction de la sévérité de la peine prononcée, ce qui permet de tenir compte de la grande variété de délits susceptibles de la fonder. De manière générale, une condamnation au titre d’un délit implique une suspension de la part d’allocation familiale pour une durée de deux ans. Mais si la peine prononcée par le juge conduit à une incarcération d’une durée supérieure à deux années, la suspension est d’une durée égale à la peine d’emprisonnement.

2.   La procédure proposée, une décision administrative ouverte au contradictoire

Les trois derniers alinéas du nouvel article L. 521-4 du code de la sécurité sociale précisent la procédure permettant de mettre en œuvre ce retrait, temporaire ou définitif, des allocations familiales en cas de condamnation définitive.

● Tout d’abord, le ministère public est chargé de transmettre au préfet l’ensemble des décisions définitives qui concernent les mineurs et majeurs de moins de 20 ans.

Le dispositif fait ainsi du préfet le pivot de la procédure de retrait des allocations, ce qui semble cohérent au regard de ses missions en matière d’ordre public, de sécurité et de protection des populations. La logique retenue fait écho à celle adoptée en 2010 par la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, qui confiait ce rôle à l’inspecteur d’académie ([47]).

Comme l’ont rappelé les représentants du ministère de la justice lors de leur audition par votre rapporteur, ce type de transmission du parquet vers le préfet est extrêmement courant, par exemple pour la majorité des condamnations en matière de délinquance routière. Elle ne semble donc soulever aucun problème opérationnel.

● Le rôle du représentant de l’État est ensuite triple :

– premièrement, il trie l’ensemble de ces condamnations en fonction des cas où l’enfant ouvre droit à des allocations familiales afin d’identifier quelles familles sont susceptibles de voir la suspension ou la suppression d’une part de leurs allocations ;

– deuxièmement, il est chargé de permettre à « la personne qui assume la charge effective et permanente de l’enfant » de présenter ses observations. Celles-ci peuvent se faire par écrit et, le cas échéant, oralement, sur demande de la personne concernée qui peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ([48]). L’avant-dernier alinéa précise que, si ces observations permettent à la personne de démontrer qu’elle a tenté d’empêcher son enfant de commettre l’infraction pour laquelle il a été condamné, elle ne peut alors faire l’objet d’un retrait de la part d’allocation visée ;

– troisièmement, le préfet est l’autorité qui prend la décision de suppression ou de suspension au regard des observations formulées par la personne. Cette décision peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif qui statue en premier et dernier ressort, comme il le fait par exemple sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale ([49]).

● Enfin, cet arrêté préfectoral est notifié à la Cnaf et aux caisses d’allocations familiales qui l’exécutent sans délai.

Procédure prévue par la proposition de loi

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Article 2
Coordination dans le code de la justice pénale des mineurs
en cas de mesure de placement

Supprimé par la commission

L’article 2 prévoit que la suspension ou la suppression des allocations familiales ne débute qu’à la fin du placement de l’enfant lorsque la condamnaton définitive comprend une telle mesure.

I.   Le droit en vigueur

La justice pénale des mineurs permet au juge des enfants de décider d’une mesure de placement au titre d’une mesure éducative judiciaire ([50]) ou dans le cadre d’un sursis probatoire ([51]). En outre, un placement en centre éducatif fermé (CEF) peut également être décidé dans le cadre pré-sententiel d’un contrôle judicaire, dans le cas d’une peine de sursis probatoire, en exécution d’une peine d’emprisonnement aménagée sous forme de placement extérieur ou à la suite d’une libération conditionnelle ([52]).

Les allocations auxquelles l’enfant ouvre droit sont versées à la personne ou à l’établissement qui accueille le mineur le temps du placement. Toutefois, le juge des enfants peut maintenir le versement des allocations familiales à la famille « lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant, ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer » ([53]).

Par ailleurs, lorsque le mineur est confié à l’aide sociale à l’enfance, la part des frais d’entretien et de placement qui n’incombe pas à la famille est mise à la charge du Trésor public ([54]).

II.   Le dispositif proposé

Afin de ne pas limiter l’efficacité de la mesure de placement et de ne pas porter préjudice à la personne ou à l’établissement qui accueille le mineur placé, l’article 2 prévoit d’articuler le retrait des allocations avec la fin du placement.

Ainsi, la suppression de la part d’allocations, applicable en cas de condamnation pour un crime, ou la suspension de 24 mois, applicable en cas de condamnation pour un délit puni d’au moins deux ans d’emprisonnement, débute lorsque le placement prend fin.

Le dernier alinéa renvoie à la procédure prévue par le nouvel article L. 521‑4 du code de la sécurité sociale créé par l’article 1er de la présente proposition de loi.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 4 octobre 2023, la commission examine la proposition de loi visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d’enfants criminels ou délinquants (n° 1612) (M. Bryan Masson, rapporteur) ([55]).

M. Bryan Masson, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir au sein de la commission des affaires sociales afin de vous présenter ma proposition de loi, coécrite avec Mme Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National, visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d’enfants criminels ou délinquants.

En préambule, je souhaite remettre l’église au milieu du village et rappeler un certain nombre de principes partagés par l’écrasante majorité des Français.

Quand la nation offre aux familles un soutien financier pour l’éducation des enfants, ce soutien ne peut qu’être conditionné au respect, par les parents bénéficiaires, de leurs devoirs parentaux. C’est cette logique qui se situe au cœur même de ma proposition de loi. Pourtant, sur ce point, il existe un véritable vide juridique. Notre ordre juridique interne prévoit bien la responsabilité civile des parents pour les faits commis par leurs enfants. Il prévoit également que, lorsque les parents s’occupent mal de leurs enfants, ils peuvent être pénalement sanctionnés. Très concrètement, toutefois, ces sanctions, qui figurent à l’article 227-17 du code pénal, sont très peu appliquées par les magistrats. Les parents qui laissent leurs jeunes enfants errer dans la rue et commettre des exactions ne sont pas inquiétés par la justice : ils sont ainsi complètement déresponsabilisés, comme si aucun devoir parental ne leur incombait.

La mesure que je vous propose fait suite aux émeutes destructrices de cet été, qui ont mis en lumière l’ampleur de la délinquance des mineurs dans notre pays. Nous l’avons constaté et les chiffres du Gouvernement nous l’ont confirmé, les émeutiers étaient particulièrement jeunes – leur moyenne d’âge se situait entre 17 et 18 ans, et on a même souvent observé des enfants de 11 ou 12 ans participer aux infractions.

Que font ces enfants dans les rues en pleine nuit ? Trouvez-vous normal que des parents soient négligents au point de ne même pas empêcher leurs enfants de sortir, en particulier en période d’émeutes, où le danger est bien réel pour eux ? Pensez-vous que ces parents remplissent alors leur devoir envers leurs enfants ? Clairement non, ce n’est pas normal ; oui, ces parents ont une responsabilité que nous devons invoquer. J’irai même plus loin : cette responsabilité n’est pas que ponctuelle ; elle a en réalité des conséquences plus larges pour notre ordre public et pour l’ensemble de notre société.

Quand on voit les dégâts énormes des nuits d’émeutes de juin et juillet derniers, quand on pense aux quartiers qui ont été ravagés par une minorité, quand on sait ce que les réparations vont coûter et coûtent déjà au contribuable français, comment peut-on rester sans agir ?

Le coût des dégâts des récentes émeutes est estimé à 730 millions d’euros, sans compter les conséquences touristiques évidentes. Les textes votés avant l’été pour accélérer la reconstruction des infrastructures sont clairs : les Français vont payer pour réparer les dégâts. Or ma position, qui rejoint celle de mon groupe, présidé par Marine Le Pen, est que le contribuable n’a pas à payer pour les casseurs. Il faut appliquer le principe casseur-payeur. Les Français qui travaillent et élèvent leurs enfants dans des conditions parfois très difficiles n’ont pas à payer pour les exactions de délinquants.

Au sortir des émeutes, ce constat de bon sens était partagé par la quasi-intégralité de la classe politique, jusqu’au Président de la République lui-même. Je ne citerai pas tous les membres du groupe Les Républicains, parmi les plus haut placés de ce parti, qui se sont engagés à faire des propositions en ce sens – la liste serait trop longue. Mais je peux citer le garde des Sceaux, qui a déclaré : « Lorsque votre enfant vole, abîme ou détruit quelque chose [...], c’est vous, parents, qui serez condamnés à payer les réparations. » Il a également évoqué la responsabilité pénale des parents en cas de manquement à leurs obligations parentales. Quant au ministre de l’intérieur, il s’est exprimé ainsi : « Il faut qu’on se pose tous cette question de la responsabilité des familles, des parents. Ce n’est pas à la police nationale, à la gendarmerie, à la mairie ou même à l’État de régler le problème quand un enfant de 12 ans met le feu à une école. C’est une question qui relève de l’autorité parentale. » Pour finir avec les citations, le Président de la République a lui-même déclaré : « Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles. »

Compte tenu de ces déclarations et ayant à cœur mon rôle de législateur, il était de ma responsabilité de proposer une évolution législative qui permette d’enrayer la violence, de restaurer l’ordre public et de mieux responsabiliser les parents. Chers collègues de la majorité, je ne fais que donner une suite législative aux propos du Président de la République. Voyez cela comme l’opportunité de respecter enfin vos engagements !

S’agissant du dispositif lui-même, contrairement à ce qu’il propose sur d’autres sujets, le groupe Rassemblement National n’entend pas engager avec ce texte une révolution normative, puisqu’il existe plusieurs précédents dans ce domaine.

D’abord, la loi dite « Ciotti », visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, a été adoptée en 2010 et appliquée jusqu’à son abrogation précipitée en 2013, à la suite d’un changement de majorité. Cette loi suivait la même logique que la proposition que je vous fais aujourd’hui.

Ensuite, plusieurs exemples locaux ont souvent été bien relayés par la presse. À Poissy, Valence ou encore Caudry, dans plusieurs communes, les élus ont fait le choix de moduler les aides accordées aux familles lorsque les enfants commettent des infractions. Les conseils municipaux ont ainsi adopté des délibérations qui varient selon les cas, incluant d’autres situations que les infractions pénales ou prévoyant parfois un accompagnement parental. Ces exemples me semblent particulièrement intéressants dans la mesure où ils soulignent que le levier des aides familiales a été considéré par plusieurs élus, issus de différentes formations politiques – l’Union des démocrates et indépendants (UDI), Les Républicains et Renaissance, pour les communes que je citais –, comme un moyen d’action efficace pour lutter contre la délinquance des mineurs en responsabilisant enfin les parents. J’entends déjà certains d’entre vous me dire que ces dispositifs n’ont pas démontré leur efficacité. Ce n’est pas l’avis de la plupart des élus qui ont pris ces décisions : le maire de Valence considère ainsi que ce dispositif permet une vraie dissuasion et qu’il a une valeur pédagogique pertinente.

Un dernier exemple, qui relève lui aussi de la politique de terrain, parlera notamment à mes collègues de la majorité, puisque le ministre de l’intérieur semble souhaiter sa généralisation. Je veux parler des conventions passées par plusieurs communes avec les bailleurs sociaux afin de pouvoir expulser certaines familles de délinquants des logements sociaux qu’elles occupent. Je ne m’attarderai pas plus longtemps sur cet exemple, qui est sans doute mieux connu mais que je trouve, là encore, assez parlant : une aide sociale ou familiale accordée par l’État ou les collectivités va de pair avec des devoirs. Nous sommes donc plusieurs à trouver cela logique.

La proposition de loi que je vous présente n’est pas une solution absolue, mais elle a le mérite de constituer un premier élément de réponse à ces problèmes.

Elle a également le mérite de la simplicité, car son dispositif est très lisible : lorsqu’un enfant à charge est définitivement condamné par la justice pour un crime ou un délit puni de plus de deux ans d’emprisonnement, alors on peut prononcer un retrait de la part d’allocations familiales qui concerne cet enfant. Ce retrait n’est bien sûr pas le même dans toutes les situations. Il varie, de façon proportionnée, selon la gravité de la condamnation : il est de vingt-quatre mois lorsque l’enfant est condamné pour un délit grave, puni d’au moins deux ans d’emprisonnement, de la durée de la peine d’emprisonnement lorsque l’enfant est condamné pour un délit grave et qu’il est incarcéré pour plus de vingt-quatre mois, et définitif lorsque l’enfant est condamné pour un crime.

Cette proposition de loi a aussi le mérite de la précision, car elle ne laisse pas la procédure au hasard mais en détermine bien les différentes étapes. D’abord, le parquet transmet au préfet l’ensemble des décisions définitives qui concernent les mineurs et majeurs de moins de 20 ans. Ensuite, la préfecture trie ces décisions pour déterminer lesquelles sont susceptibles de conduire à une suppression ou à une suspension des allocations familiales. Les parents concernés sont alors contactés et peuvent présenter des observations, par écrit ou, sur demande de leur part, oralement. Ils peuvent bien sûr se faire assister par un conseil ou se faire représenter par un mandataire de leur choix. À la lumière de ces observations, le préfet détermine s’il y a lieu ou non de retirer les allocations familiales pour la part qui concerne l’enfant condamné. Là encore, les choses sont simples : soit les parents ont pu démontrer qu’ils ont agi comme des parents responsables et tenté d’empêcher leur enfant de commettre l’infraction pour laquelle il a été condamné, soit ils n’ont pas tenté de l’en empêcher, se rendant ainsi coupables de carences parentales. Dans le second cas, le préfet prend la décision de suspendre ou de supprimer les allocations familiales ; il transmet alors sa décision à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et aux caisses d’allocations familiales, qui doivent l’exécuter sans délai.

Cette proposition de loi a enfin le mérite de l’efficacité : elle joint le geste à la parole. Depuis cet été, nous avons entendu beaucoup de responsables politiques se prononcer en faveur du retrait des allocations familiales pour les parents de délinquants. C’est exactement l’objet du texte que je vous présente aujourd’hui : il permet, dès la première infraction, de sanctionner financièrement et facilement les familles.

Face à ce constat incontestable et grâce à cet alignement des volontés politiques, depuis la majorité présidentielle jusqu’au groupe Rassemblement National, il serait logique que notre commission adopte la présente proposition de loi. J’espère que nos discussions aboutiront à ce résultat.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Caroline Abadie (RE). Le Rassemblement National nous propose ici de supprimer automatiquement les allocations familiales pour les enfants déclarés coupables d’infractions pénales. Cette mesure serait contraire à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, mais je crois qu’il s’agit d’un détail pour le Rassemblement National.

Je voudrais rappeler tout ce que nous avons fait depuis 2017 pour rétablir partout l’ordre républicain. Nous avons voté des budgets records et procédé à des recrutements massifs dans la justice et les forces de l’ordre. Cette année a encore été marquée par le déploiement historique de 238 brigades de gendarmerie.

Le bilan judiciaire des émeutes est positif puisque la justice a été rapide et ferme. Les tribunaux ont prononcé 2 000 condamnations, dont 90 % à des peines de prison ferme. On a pu relever que 30 % des personnes impliquées étaient des mineurs.

Nous avons mis fin au sentiment d’impunité des mineurs en réformant le code de la justice pénale des mineurs, ce qui a permis de ramener les délais de jugement de dix-huit à huit mois. Marine Le Pen avait donc voté contre la meilleure réforme de la justice des mineurs depuis les ordonnances de 1945.

Oui, il existe une délinquance juvénile, mais c’est une tentative grossière de manipulation que de laisser croire que les mineurs bénéficient d’une impunité. La responsabilité des casseurs a aussi pu être engagée – je rappelle que les casseurs sont civilement responsables de leurs faits. Les parents sont solidairement responsables des dommages causés par leurs enfants s’agissant d’indemnisations civiles ; ils sont aussi responsables pénalement s’ils se soustraient à leurs obligations légales au point de compromettre l’éducation de leurs enfants.

La suppression des allocations familiales pourrait-elle influer sur le comportement d’un jeune délinquant, par définition en rupture avec nos institutions, en premier lieu avec les institutions familiales ? Une expérience comparable conduite par le passé n’a pas permis de mettre un frein au décrochage scolaire – au contraire, il a augmenté. En plus d’être démagogique, cette proposition de loi serait donc inefficace.

M. Romain Baubry (RN). Cette proposition de loi répond au besoin crucial de rétablissement de l’autorité de l’État afin de remettre notre pays en ordre. Cette autorité, bafouée par des délinquants et criminels toujours plus jeunes, n’hésitant pas à agresser les forces de l’ordre, à brûler des écoles et à piller des commerces, est mise à mal par un système judiciaire laxiste où la culture de l’excuse est prégnante. Les Français se demandent ce que font et où sont les parents de ces mineurs délinquants, que l’on retrouve au cœur d’émeutes nocturnes ou au volant d’un véhicule de plusieurs centaines de chevaux à l’heure de l’école.

Ceux qui prétendent que cette proposition de loi stigmatise les quartiers populaires insultent les familles de ces quartiers dont les enfants n’enfreignent pas les lois. Ils insultent les jeunes qui réussissent et sont victimes de l’amalgame que vous laissez s’installer par votre faculté à excuser tous les agissements de ces jeunes délinquants.

Lors des récentes émeutes, dont le coût avoisine le milliard d’euros, un tiers des interpellés étaient mineurs et certains n’avaient même que 13 ou 14 ans. Les Français n’en peuvent plus d’être condamnés à la double peine, car ils subissent et ils paient.

La solidarité nationale, qui passe par le versement de prestations sociales, est un droit consenti aux familles, mais l’éducation des enfants par ces mêmes familles est un devoir que nous devons leur rappeler. Leur responsabilité doit être pleinement engagée. Aujourd’hui, vous engagez la vôtre, car sept Français sur dix soutiennent cette mesure.

Il est temps de siffler la fin de la récréation pour ces mineurs délinquants. Le groupe Rassemblement National soutient ce texte.

M. François Piquemal (LFI - NUPES). Et voilà ! Par cette proposition de loi, le RN veut supprimer les allocations familiales aux parents qui verraient un de leurs enfants commettre un délit, fût-il mineur comme un vol de paquet de spaghettis. Vous dites, pour justifier votre texte, viser particulièrement les parents dont les enfants ont participé aux révoltes ayant suivi l’assassinat du jeune Nahel.

Je vous donne donc le témoignage de Marine, infirmière aux urgences, mère célibataire de trois enfants dont l’un des fils, Jordan, 16 ans, a participé aux révoltes urbaines de juin dernier. Il s’est fait arrêter et condamner. « Ce soir-là, je n’étais pas à la maison. Je n’ai pas pu empêcher Jordan de sortir par solidarité avec ses amis. Il a été pris par l’ambiance du groupe. Vous savez, on travaille dur et tout augmente. La moitié de ce que je gagne part dans mon loyer. Alors parfois, en plus de mes gardes, je travaille en libéral et je ne rentre que tard le soir. »

Marine et ses voisins vivent dans un quartier difficile. Ils se couchent tard et se lèvent tôt, travaillent dans les hôpitaux, font le ménage ou se cassent le dos sur les chantiers. Ils font partie des essentiels de notre pays, qui élèvent leurs enfants du mieux qu’ils peuvent quand leur travail précaire à bas salaire leur laisse une seconde pour souffler. Voilà donc que, comme seul geste d’empathie à leur égard, vous proposez, non pas de réinjecter massivement des moyens dans les services publics et l’éducation, mais de leur donner des leçons de parentalité punitive, à rebours des principes de liberté publique et de solidarité nationale.

Cette proposition de loi se caractérise aussi par l’injustice sociale. Si l’on suit votre raisonnement absurde, pourquoi les parents allocataires seraient-ils les seuls concernés par ces sanctions ? Que faites-vous des ultrariches ? Rien ! Vous dites aimer les familles, mais visiblement pas celles des classes populaires.

Ce texte illustre donc votre mépris tant pour les droits de l’enfant que pour tous les essentiels de notre pays.

Mme Josiane Corneloup (LR). Cette proposition de loi déposée par le groupe Rassemblement National vise à créer un mécanisme permettant de suspendre ou de supprimer les allocations familiales pour les parents de mineurs délinquants, à établir un barème de réduction croissant en fonction du délit commis par lesdits mineurs et à assurer une coordination étroite, au niveau territorial, entre le ministère public et le préfet de département.

Après les émeutes que la France a connues fin juin 2023, qui ont été, à la différence de celles de 2005, en grande partie le fait de jeunes adolescents âgés de 16, 14 voire 12 ans, il convient d’adapter le dispositif actuel pour le rendre plus dissuasif. Notre groupe a eu l’occasion de se positionner à de multiples reprises sur le sujet. Il a toujours cherché à responsabiliser les parents, par tout moyen. À titre d’exemple, la « loi Ciotti » appliquée entre 2010 et 2013 a déjà permis, par le passé, de refuser le versement d’allocations en cas d’absentéisme scolaire. Une proposition de loi de même nature visant à suspendre les allocations familiales et prestations sociales aux parents des enfants délinquants a également été déposée par notre collègue Jean‑Louis Thiériot le 20 juillet 2023.

Si les attaques intolérables menées à travers tout le pays ont été le fait de leurs auteurs directs et si certains parents ont eu le courage d’empêcher leurs enfants de commettre des dégradations, le jeune âge des émeutiers force à constater que certains autres ont totalement démissionné de leur rôle pourtant essentiel d’autorité et d’éducation à l’égard de leurs enfants. Le nombre total de mises en cause de mineurs en France est passé de 80 000 en 1977 à 200 000 en 2018, soit une augmentation de plus de 150 % en quarante ans. Il est inacceptable que des enfants puissent aller et venir librement, de nuit, en se livrant à toutes sortes de violences et de pillages.

La mesure proposée présente plusieurs avantages. Elle dissuade les délinquants mineurs en les responsabilisant. Elle a également une valeur pédagogique de responsabilisation des parents bénéficiant des prestations familiales. Notre groupe votera donc en faveur de ce texte.

Mme Maud Petit (Dem). Notre commission examine ce matin la proposition de loi visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d’enfants criminels ou délinquants. Cette solution est défendue par nos collègues du Rassemblement National, qui considèrent notre justice des mineurs comme trop laxiste ainsi que le montre l’exposé des motifs : « L’impunité des mineurs est une hormone de croissance de la délinquance. » Déposée dans le contexte récent des émeutes de juin 2023, cette proposition de loi en appelle à l’application du principe casseur-payeur. Sa principale mesure consiste ainsi à suspendre le versement des allocations familiales aux parents dont les enfants ont été reconnus coupables ou complices d’un crime ou d’un délit.

Si le groupe Démocrate considère le respect de l’ordre républicain comme un impératif de notre société, en ce qu’il permet le vivre-ensemble, le présent texte ne propose pas, à notre sens, les bonnes solutions. D’un point de vue philosophique, cette proposition de loi semble considérer le mineur délinquant comme une sorte d’enfant roi, presque maléfique et intouchable. Le code de la justice pénale des mineurs rappelle pourtant l’importance de l’accompagnement de ces jeunes, consacrant la primauté de l’éducatif sur le répressif. Certes, de telles mesures peuvent mettre du temps à produire leurs effets, mais sanctionner à travers un outil de politique familiale ne résoudra pas, à long terme, les problèmes de délinquance juvénile. Il existe par ailleurs des peines d’amende voire d’emprisonnement applicables aux parents défaillants dans leur devoir d’éducation.

Je le répète, sanctionner les familles par le biais de la réduction ou de la suppression d’une aide familiale ou sociale n’est pas une solution adéquate. La « loi Ciotti » adoptée en 2010 pour lutter contre l’absentéisme scolaire illustre bien l’inefficacité de ce genre de mesures. « Rien dans les statistiques disponibles ne suggère donc que le dispositif de suspension des allocations familiales ait été efficace », concluait un rapport sénatorial de 2013 appelant à l’abrogation de cette loi.

Nous ne voterons donc pas le texte qui nous est proposé.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ce jour n’est pas celui d’Halloween et pourtant vous nous présentez l’ensemble des monstres que vous avez dans vos tiroirs. Après avoir essayé de faire du combat féministe l’un des marqueurs de votre programme alors que vous avez pris position contre les femmes depuis tant d’années, vous essayez désormais de faire oublier votre passif. Jean-Marie Le Pen, qui a dirigé votre parti, est un multirécidiviste condamné plus de vingt-cinq fois par la justice. Vous avez bon dos ! Nous ne sommes pas le parti de l’excuse : nous ne vous excuserons donc jamais. Or vous souhaiteriez – vous, les membres du parti des multirécidivistes – que l’on vous oublie.

Non, nous n’oublierons pas le grand écart que vous êtes en train d’exécuter. Pendant deux semaines, vous avez tenté de faire oublier vos positions passées consistant à faire payer toujours plus à ceux qui n’ont rien : alors que nous parlions du RSA, vous nous appeliez à protéger les femmes au foyer isolées. Aujourd’hui, pourtant, vous voulez faire payer à ces familles monoparentales le prix de ce que la société n’a pas réussi à empêcher, comme l’a très bien expliqué M. Piquemal.

Oui, votre proposition de loi est démagogique. Nous espérons qu’aucun militant ni aucun électeur du Rassemblement National n’aura jamais de difficulté de parentalité, d’accident de la vie, de parcours trébuchant. Nous espérons aussi qu’aucune personne vulnérable ne sera tentée d’adhérer à votre parti dont les idées nauséabondes pullulent derrière les cravates. C’est la période des punaises : on essaie de s’en débarrasser !

M. Paul Christophe (HOR). Vous souhaitez agir en réaction aux émeutes qui ont embrasé nos villes et nos quartiers à la fin du mois de juin. Nous avions vu des jeunes pillant magasins et supermarchés, saccageant écoles et mairies, avec l’excuse inaudible d’une justice illégitime.

Sur le plan judiciaire, la réaction fut prompte : le garde des Sceaux a rappelé à chacun la responsabilité pénale qui incombe aux parents et demandé aux procureurs de faire preuve de fermeté, ce qui s’est traduit par un nombre élevé de comparutions immédiates et de condamnations des délinquants interpellés.

Sur le plan sécuritaire, rappelons qu’à rebours des politiques de restriction budgétaire menées depuis plus de quinze ans, le Parlement a adopté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoyant une hausse du budget de l’intérieur de 15 milliards d’euros qui se traduira, sur le terrain, par l’implantation de 238 nouvelles brigades de gendarmerie d’ici à la fin de l’année 2027.

Nous devons aussi tenir compte des défaillances dans l’éducation de ces enfants qui en privèrent d’autres du droit de se rendre à l’école.

Si nous entendons l’inquiétude de nos concitoyens face à l’augmentation de la délinquance des mineurs et la nécessité d’une plus grande responsabilisation des parents, nous n’approuvons pas la solution que vous proposez. Celle-ci consisterait à interrompre, de façon temporaire ou définitive, le versement des allocations familiales aux parents d’enfants délinquants ou criminels.

Par ailleurs, la rédaction de votre proposition de loi soulève des questions quant à son applicabilité. Elle comporte un risque majeur d’inconstitutionnalité, dans la mesure où la limitation de la sanction aux allocations familiales entraînerait une rupture du principe d’égalité. On peut aussi déplorer la lourdeur de la procédure et son manque d’efficience. La moyenne d’âge des émeutiers était de 17 ans : certains seront donc devenus majeurs le temps que la décision de justice soit rendue définitive. Nous nous interrogeons également sur la clause consistant à demander aux parents de prouver – et comment ? – qu’ils ont tenté d’empêcher la commission de l’infraction.

Rappelons enfin que le montant des allocations familiales est progressif et dépend du nombre d’enfants du foyer : la sanction pourrait ainsi pénaliser les autres enfants de la famille. Ces allocations sont versées aux personnes ayant deux enfants de moins de 20 ans à charge : faire disparaître un enfant du bénéfice, c’est également en priver l’autre. Cette mesure est donc loin d’être un gage de réussite et de justice pour ce dernier.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi, que nous jugeons inapplicable en l’état et inefficace.

M. Benjamin Lucas (Ecolo - NUPES). À chaque occasion, collègues du Rassemblement National, vous attaquez, stigmatisez ou injuriez les quartiers populaires et leurs habitants. Votre proposition de loi, d’une débilité profonde, est assez répugnante. Elle montre que vous n’aimez pas la République, ses principes et sa devise. Vous n’aimez pas la liberté, puisque vous ressuscitez la sanction collective qui pénaliserait toute une famille, un ensemble d’individus, y compris ceux qui n’auraient commis aucun délit particulier. Vous n’aimez pas l’égalité, puisque vous voulez aggraver les difficultés rencontrées par un certain nombre de familles qui souffrent déjà beaucoup d’une politique brutale et socialement injuste que vous combattez en réalité assez peu – nous l’avons vu lors du débat sur la réforme des retraites. Vous maltraitez enfin le principe de fraternité, puisque vous essayez d’engager une partition de la société entre gentils et méchants, qui pourrait apparaître enfantine, mignonne presque, si vous n’étiez pas des parlementaires, des représentants de la nation chargés de voter la loi. Nous nous opposerons évidemment avec la plus grande détermination à cette proposition de loi répugnante, absurde, qui ne manifeste aucune espèce d’intérêt pour la justice de notre pays, le droit et les principes républicains.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cette proposition de loi est effectivement révélatrice d’un projet politique discriminatoire, qui charrie le culte ou le fantasme d’une autorité impitoyable qui s’imposerait et réglerait les problèmes. En réalité, la République est bien plus grande que tout cela. Vous développez une conception bien triste des relations sociales et démocratiques.

Ce texte, le deuxième de votre journée d’initiative parlementaire, s’avère particulièrement dur avec les enfants. Le maintien du versement des allocations familiales aux parents vise à asseoir, à conforter le rôle éducatif de ces derniers lorsque l’enfant mineur revient au foyer. Cette prestation sociale doit permettre aux parents de subvenir à l’entretien et à l’éducation des enfants, une fonction qui n’est pas suspendue par une peine prononcée par la justice à l’encontre du mineur, bien au contraire. Supprimer le versement des allocations familiales pour punir les parents, ce serait sous-entendre que cette prestation sociale est une sorte de bonus, ce serait méconnaître son rôle de soutien à l’éducation, notamment dans les familles les plus modestes. Le mineur demeure un enfant à accompagner et à protéger : tel était le sens de l’ordonnance de 1945, tel est aussi le sens de la convention internationale des droits de l’enfant et de l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Alors que la peine est individuelle, vous instaurez ici une punition collective. Vous essayez de jouer sur de bien mauvais ressorts, en méconnaissant les processus éducatifs nécessaires pour permettre à chaque enfant de grandir et de suivre sa voie.

Nous nous opposerons donc fermement à cette proposition de loi.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cette proposition de loi se veut être une réponse du législateur aux émeutes de juillet dernier qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre. Disons-le clairement, les images de ces émeutes, les incivilités qu’elles ont engendrées comme les pillages et les destructions – je pense notamment à l’incendie d’une école maternelle qui a particulièrement ému nos concitoyens – nous ont légitimement choqués. Face à ce constat, il semble normal de chercher à remédier à la délinquance des mineurs. Pour autant, le groupe LIOT n’adhère en rien à la solution démagogique proposée par le Rassemblement National, qui est à la fois injuste, inefficace et inapplicable.

Injuste, d’abord, parce qu’elle prévoit une double voire une triple peine pour les familles. Si l’objectif est de s’assurer de la responsabilité des parents, celle-ci existe déjà, sur le plan tant pénal que civil. Au titre de leur autorité parentale, ils peuvent en effet être condamnés à une amende voire à une peine d’emprisonnement ; ils doivent aussi s’acquitter de dommages et intérêts lorsque des infractions ont été commises par leurs enfants. Ajouter à cela une sanction financière en leur suspendant ou supprimant les allocations familiales paraît donc totalement disproportionné et injuste : cela revient à condamner financièrement toute une famille, y compris les autres enfants du foyer, qui ne sont pourtant pas coupables.

Inefficace, ensuite, car l’expérience de la « loi Ciotti » n’a pas empêché la progression de l’absentéisme scolaire.

Inapplicable, enfin, car les parents devront prouver avoir tenté d’empêcher leur enfant de commettre l’infraction. Comment le feront-ils ? Quelle preuve sera recevable ? Une telle mesure n’est absolument pas sérieuse.

Notre groupe ne partage pas cette vision réductrice et déformée, particulièrement lorsqu’il s’agit de mineurs. Il s’opposera donc à ce texte.

M. le rapporteur. Commençons par le pire : l’extrême gauche. Votre trait d’humour n’a fait rire que vous. Halloween n’est pas aujourd’hui, c’était en juin et juillet dernier, au moment des émeutes. Halloween, c’est malheureusement ce que vivent des millions de nos compatriotes : l’insécurité, le laxisme judiciaire, les agressions. Vous avez tenté de légitimer un peu la brutalité. Vous êtes les amis du laxisme judiciaire. Vous pouvez continuer à réciter vos éléments de langage, mais vous ne proposez rien pour sortir notre pays et ces jeunes de la délinquance.

Vous avez dit que vous n’excuseriez jamais le Rassemblement National en faisant référence à des faits datant de quelques décennies. Vous êtes très mal placés pour parler d’excuses. Pour ma part, je ne vous excuserai jamais d’avoir toléré dans vos rangs quelqu’un qui cogne sa femme. Vous êtes très mal placés pour défendre les Françaises et les Français en faisant un trait d’humour sur une proposition de loi que 70 % d’entre eux cautionnent.

Vous nous accusez de malmener la liberté. En réalité, c’est vous qui ne l’aimez pas ! Quand vous appelez à l’insurrection ou à la désobéissance civile, quand vous encouragez les jeunes des quartiers à aller manifester, piller ou brûler des écoles, quand vous tenez un discours d’un laxisme tranchant, c’est vous qui mettez le feu dans ces quartiers. Aujourd’hui, alors qu’en tant que législateurs nous voulons réagir à ces émeutes et restaurer un peu partout l’autorité de l’État, vous venez nous faire des leçons de morale. Ces leçons de morale, vous pouvez vous les garder ! Quant à nous, nous continuerons de défendre et de chercher à améliorer notre proposition de loi.

J’ai entendu les propos de la majorité. Ma proposition ne consiste pas en une suppression automatique des allocations familiales : le dispositif que j’entends mettre en place prévoit une phase contradictoire, durant laquelle le préfet peut juger de l’opportunité de suspendre ou supprimer les allocations. Nous avons essayé d’être à l’écoute des hommes et des femmes qui représentent l’État sur le territoire. En audition, M. Hugues Moutouh, ancien préfet de l’Hérault désormais préfet des Alpes-Maritimes, m’a confirmé la faisabilité de cette proposition de loi.

La manipulation dont vous nous accusez vient plutôt de votre côté. Vous prétendez avoir fait baisser la délinquance, mais la seule chose qui a véritablement baissé est malheureusement la condamnation des mineurs, du fait de votre laxisme en matière de justice. La majorité des peines prononcées contre les mineurs sont de simples rappels à la loi ; or ce n’est pas avec des rappels à la loi qu’on impose l’autorité de l’État.

Monsieur Christophe, vous avez eu raison de rappeler les propos du garde des Sceaux concernant la responsabilité pénale des parents. Le problème, c’est qu’elle n’a pas été invoquée par les juges. La plupart des parents sont déresponsabilisés bien que le droit en vigueur prévoie leur responsabilité civile et pénale : il est temps de faire appliquer ce principe. Je souhaite accélérer les choses et contribuer à éclairer nos esprits en vue d’améliorer la législation dans les prochains mois. Tel est le sens de ma proposition de loi.

Madame Abadie, vous avez affirmé que cette mesure pourrait porter atteinte aux droits de l’homme. Saisi de la « loi Ciotti », le Conseil d’État avait pourtant considéré que les dispositions contestées « ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ». Cette conclusion me semble assez claire ; j’espère qu’elle vous rassure quant à la constitutionnalité de ma proposition de loi.

Depuis tout à l’heure, vous ne cessez d’invoquer des droits mais vous parlez très peu des devoirs. C’est peut-être cela qui manque. Les Français ont le sentiment que les devoirs sont devenus des gros mots, que les allocations familiales et les prestations servies par l’État aux enfants de la République sont aujourd’hui un totem. Je veux bien considérer cela comme un totem et je vous rejoins quant à la nécessité de continuer de mener toutes les politiques préventives et éducatives visant à empêcher les mineurs de commettre des délits. Cependant, l’agression d’une femme de 80 ans par un mineur de 15 ans à Cannes, dans mon département des Alpes-Maritimes, m’a profondément choqué – comme vous, je pense. Ce laxisme doit cesser. Il faut donc rappeler le devoir des parents de prendre en charge leurs enfants. S’agissant des mesures éducatives, l’État et les associations ont évidemment un rôle à jouer, mais pour en revenir à ma proposition de loi, je fais parfaitement confiance au préfet de la République, qui connaît le territoire placé sous son autorité – ou qui apprend à le connaître quand il y est nommé –, pour porter un regard humain, social, sur la situation et prendre la bonne décision concernant ces mineurs délinquants.

Je suis assez surpris que ma proposition de loi ne fasse malheureusement pas l’unanimité de notre commission. C’est bien dommage, parce qu’il est temps de faire le bilan des vingt, trente ou quarante dernières années. J’appartiens à une génération qui en a marre du laxisme. Moi aussi, j’ai connu les familles monoparentales et les logements sociaux. Pourtant, comme nombre de collègues de ma génération, il ne m’est jamais venu à l’idée d’attaquer les forces de l’ordre ou de jeter des cocktails Molotov sur qui que ce soit. Il me semble nécessaire d’invoquer la responsabilité des parents et de ramener ce sujet dans le débat public. C’est notre rôle que d’en parler.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Mon Dieu que ce débat est rance ! Mon Dieu que vous avez confiance dans vos qualités de parents ! Quelle chance vous avez de n’avoir jamais cherché vos enfants la nuit lors de leur crise d’adolescence ! Quelle chance vous avez de ne jamais vous être inquiétés parce que vous n’aviez pas de nouvelles de vos enfants de 16, 17 ou 18 ans et que vous ne saviez pas où ils étaient ! Quelle chance vous avez de ne pas les avoir récupérés à des endroits incongrus de la ville ! Quelle chance vous avez d’être sûrs que vos enfants n’aient jamais enfreint la loi ! Moi, je n’en suis pas sûre.

Le véritable objet de votre texte n’est pas de dénoncer le comportement des parents ni celui des enfants. Ceux qui risquent le plus de se faire prendre quand ils sont en crise d’adolescence, quand ils testent les limites et enfreignent la loi, ce sont les enfants des quartiers populaires. C’est dégueulasse ! Votre proposition de loi est immonde.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Voilà donc un texte visant à criminaliser les défaillances parentales, mais pas celles de tout le monde – uniquement celles des pauvres, des allocataires des prestations sociales. Les autres ne seront pas affectés par votre proposition de loi : le multimillionnaire Éric Zemmour, par exemple, ne sera pas concerné.

Reprenons l’exemple du petit Jordan évoqué tout à l’heure. Imaginons qu’il ait été, à 20 ans, assistant parlementaire au Parlement européen, de manière très discrète. S’il avait été mis en cause dans ce type d’affaires, ce sont ses parents qui auraient subi la sanction que vous voulez instaurer. Il y a bien deux poids, deux mesures. Vous voulez sanctionner l’ensemble de la famille, les parents, plutôt que d’aider ces derniers à assumer leur rôle.

Fort heureusement, il n’a pas fallu attendre votre arrivée à l’Assemblée nationale pour qu’une réflexion sur ces questions soit engagée. Depuis les années 1990, les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents aident ces derniers à reprendre en main l’éducation de leurs enfants et à améliorer l’organisation familiale. Des professionnels de l’éducation et du social accueillent les parents concernés. Or, avec votre texte, tout parent venant admettre ses difficultés et solliciter l’aide d’un professionnel saura qu’il risquera d’être privé de revenus. Non seulement votre proposition de loi ne sert à rien d’autre qu’à mettre en œuvre une politique de classe consistant à taper uniquement sur les plus pauvres et à exonérer les riches, mais en plus, elle ne marche pas : elle détournera les parents de tout l’accompagnement public dont ils peuvent aujourd’hui bénéficier.

Tout ce que vous allez faire, c’est retirer 200 ou 300 balles à des familles en difficulté. Vous voulez économiser des millions d’euros sur le dos de familles qui ne s’en sortent pas. Lors de la discussion du projet de loi relatif à France Travail, il y a quelques jours, nous avons bien compris que la plupart d’entre vous n’aimiez pas les bénéficiaires du RSA et les demandeurs d’emploi. Vous n’aimez pas non plus ceux qui perçoivent des prestations familiales.

J’ajoute que 60 % des mineurs concernés bénéficient de dispenses de peine ou font l’objet de mesures éducatives. Vous voulez donc imposer des peines que les juges eux-mêmes ne demandent pas.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Supprimer les allocations aux parents d’enfants délinquants, comme le veut l’extrême droite, est une proposition totalement idéologique qui pénaliserait les plus précaires. C’est une mesure injuste et inefficace. Injuste, parce qu’aucune sanction digne de ce nom ne sera prévue pour ceux qui ne touchent pas d’allocations, les plus riches. Éric Zemmour, dont le fils a conduit en état d’ivresse et grillé la priorité à un scooter, ou Valérie Pécresse, dont le fils a été arrêté en possession de cannabis, ne seront pas sanctionnés. C’est une stigmatisation des plus pauvres que vous proposez d’organiser, puisque seulement 35 % des familles touchent des allocations familiales. Injuste encore, parce que vous limitez les raisons de la délinquance à un enjeu d’autorité et de contrôle familial, révélant par là une totale méconnaissance des mécanismes à l’œuvre, à la fois psychologiques et sociaux. Vous oubliez complètement la responsabilité collective de notre société.

Inefficace enfin, comme l’attestent des rapports, votre mesure est même de nature à accroître le mal. S’il y va en partie de la capacité des parents à s’occuper de leurs enfants pour qu’ils ne sombrent pas dans la délinquance, encore faut-il que ces parents en aient les moyens, l’énergie et le temps. Or, quand vous avez du mal à joindre les deux bouts, c’est plus difficile d’être un parent présent, qui peut intervenir correctement. L’urgence devrait être mise sur l’aide à la parentalité, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, l’accès à des soins psychologiques et psychiatriques de qualité et sur des moyens pour l’école. Mais vous ne parlez pas de tout cela. Votre réponse est répressive, stigmatisante et à mille lieues de ce dont nous avons besoin. C’est la chasse aux pauvres, on vous connaît.

Mme Laure Lavalette (RN). Monsieur Delaporte, héritier de la SFIO qui a donné les pleins pouvoirs à Pétain, merci de balayer devant votre porte et d’arrêter les insultes ! Si vous voulez vraiment nous en parler, que ce soit à l’extérieur de l’hémicycle, que l’on puisse vous poursuivre en justice. Mais je doute que vous soyez assez courageux !

Je voulais vous faire part d’un autre témoignage : celui de Jean-Luc, dont on a cassé le bus. L’école de sa fille Mathilde a été incendiée, ses fils Hadrien et Louis ne peuvent plus aller au judo, leur gymnase ayant également brûlé. Thomas ne peut plus s’entraîner au foot, il a été obligé de prendre la porte. Sa nièce Clémentine ne peut pas aller au Planning familial honorer son rendez-vous, le local ayant été saccagé. Sandrine ne peut pas aller à sa réunion non mixte racisée parce que le local est squatté. Jean-Luc, victime de ces émeutes, ne veut pas payer pour les casseurs, alors qu’il est déjà étranglé parce qu’il appartient à cette classe sociale à laquelle on demande toujours plus. Il fait partie de ces 65 % de Français qui veulent que les casseurs soient les payeurs. Jean-Luc est révolté à l’idée que des parlementaires d’extrême gauche n’aient jamais appelé au calme pendant les émeutes, mettant même de l’huile sur le feu. Une chose est sûre : Jean-Luc ne comprend pas, il votera Marine Le Pen en 2027.

M. Victor Catteau (RN). « Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles. » Cette phrase a été prononcée le 4 juillet 2023 par Emmanuel Macron. Notre proposition de loi va dans le même sens que celle qui avait été déposée par des collègues de l’UMP, désormais LR, qui visait à supprimer les allocations des parents d’élèves absents à l’école et qui a été abrogée à l’arrivée de la gauche au pouvoir. Il s’avère, chers collègues de la majorité, que cette proposition de loi avait été votée par Franck Riester et par Renaud Muselier. Étant donné que le Président de la République appelait à la responsabilité des parents après les émeutes de juillet dernier, nous vous proposons un texte qui va dans ce sens et que je vous invite à voter, pour suivre ceux qui sont aujourd’hui à la tête de votre parti.

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). En tant que mère de cinq enfants, je suis choquée ! Supprimer les allocations serait la solution ? Plus d’allocations, plus de délinquance ? Non ! Que fait-on pour les parents qui n’ont pas d’allocations ? Vous pouvez supprimer toutes les allocations que vous voulez mais cela ne changera pas le problème. Les enfants se sont révoltés parce qu’un policier a tiré sur Nahel. Après 2005, 2023 ! Et si on ne résout pas le problème, il y aura 2026, 2027, 2028...

Que fait-on de ces enfants ? Les associations n’ont plus d’aides pour les encadrer. Quand je travaillais, on m’appelait pour me dire que mon enfant avait été exclu de l’école et qu’il était seul dehors. Mais j’étais au travail ! Que devais-je faire ? Demander à ma patronne l’autorisation de partir pour aller chercher mon enfant ? Imaginez !

Je parle avec mes tripes. Avoir des enfants, ce n’est pas facile. L’éducation d’un enfant, ce n’est pas facile. Tu donnes tout ce que tu peux, tu donnes ton cœur : c’est impossible de mal éduquer ton enfant. Quand vous punissez les parents parce que leur enfant a un problème, la maman ne dort pas, elle ne mange pas, elle souffre et, en plus, vous venez lui taper dessus. C’est la double peine, et ce n’est pas juste !

M. Jérôme Guedj (SOC). Au-delà de son injustice, je veux m’arrêter sur l’inefficacité de votre proposition. Votre dispositif juridique est totalement farfelu. Il va à l’encontre des principes fondateurs de la sécurité sociale. Votre discours est d’ailleurs contradictoire et révélateur du double langage du Rassemblement National, qui voudrait à la fois s’inscrire dans la tradition de la sécurité sociale, à l’origine de laquelle, je le rappelle, vos pères fondateurs n’ont pas du tout participé – le Conseil national de la résistance, c’était tout le monde sauf l’extrême droite –, et en changer le modèle.

C’est dur d’être parent, comme chacun d’entre vous peut l’expérimenter. Introduire une logique de sanction au prétexte de l’efficacité, c’est totalement aberrant et à l’encontre même de votre objectif. À chaque fois que des maires ont essayé de mettre en œuvre des dispositifs semblables au vôtre, portant sur les aides municipales puisqu’ils ne peuvent pas toucher aux allocations familiales, que ce soit chez LR à Valence ou à Cannes ou chez La République en Marche avec Karl Olive à Poissy, le juge administratif les a sanctionnés, pour leur caractère stigmatisant et inefficace. Si l’on veut aller au bout de la logique, peut-être faut‑il suspendre les subventions publiques des partis délinquants ?

M. Alexandre Vincendet (LR). Je vais essayer d’apporter un peu de sérénité dans ce débat où extrême gauche et extrême droite s’envoient des invectives à la figure. Pendant huit ans, j’ai été maire de Rillieux-la-Pape, cette belle commune du Rhône, où j’ai mis en place un dispositif qui n’a pas été retoqué, parce que nous nous sommes attachés à remettre le parent au centre du jeu. Le parent est le premier éducateur de son enfant. Dans une commune avec plus de 55 % de logements sociaux, il y a peut-être une petite minorité de parents démissionnaires, mais beaucoup aussi qui ont besoin d’être accompagnés. D’un côté, l’extrême gauche dit qu’il ne faut rien faire, en essayant de faire croire que des personnes, parce qu’elles sont en état de pauvreté, ne sont pas capables de s’occuper de leurs enfants et qu’il faut les en excuser ; de l’autre, l’extrême droite dit qu’il faut taper de façon aveugle.

Il existe dans le code de l’action sociale et des familles la possibilité pour chaque conseil municipal de créer un conseil pour les droits et les devoirs des familles, ce que j’ai été sans doute l’un des seuls à faire en France. Le but est de recevoir la famille et l’enfant dès le premier fait de délinquance, de créer un dialogue et d’essayer de leur tendre la main, en mettant en œuvre des mesures d’accompagnement, pour le jeune et pour ses parents. Si jamais ceux-ci ne souhaitent pas se saisir de l’aide, parce qu’on ne peut pas faire le bonheur des gens contre leur gré, et qu’ils ne veulent pas remplir leurs devoirs de parents à l’égard de leur enfant, on peut aller vers des sanctions. En cinq ans, plus de cinquante familles ont été reçues et moins de 10 % ont été sanctionnées avec une suspension temporaire des aides. Nous obtenons de vrais résultats. Certains parents de mineurs qui commencent à glisser vers la délinquance viennent même saisir le conseil pour être accompagnés. Arrêtons les invectives, faisons preuve de responsabilité et d’équilibre, parce que vous ne rendez pas service au débat.

Mme Monique Iborra (RE). Monsieur le rapporteur, pour juger de l’éventuelle efficacité de votre proposition, avez-vous pris en compte les situations de rupture des jeunes délinquants avec leur milieu familial ?

M. Marc Ferracci (RE). Pour défendre votre proposition de loi parfaitement démagogique, vous nous avez fait de grandes envolées lyriques sur la nécessité d’un équilibre entre devoirs et droits. De qui vous moquez-vous ? En commission et dans l’hémicycle, le Front national a voté contre toutes les dispositions du projet de loi pour le plein emploi visant à mettre en œuvre ce principe de réciprocité des droits et des devoirs, contre toutes les dispositions qui faisaient obligation au bénéficiaire du RSA d’effectuer des heures d’activité en contrepartie du droit légitime à recevoir une allocation. Votre incohérence, votre tartufferie ne trompent plus personne. Mais désormais nous sommes parfaitement convaincus, si nous pouvions encore en douter, que ce que vous cherchez à faire avec vos initiatives législatives ce sont des coups politiques au détriment de l’intérêt général, celui des Français et celui du pays.

M. Jean Terlier (RE). Votre proposition de loi est d’une grande défiance à l’égard de notre État de droit et se fonde sur des postulats mensongers : la suspension des allocations familiales permettrait de résoudre la question de la délinquance des mineurs, et notre justice serait laxiste. Elle ne l’est pas. Nous avons voté un code de la justice pénale des mineurs qui permet d’établir très clairement que l’on peut juger un mineur en moins de huit mois, soit un délai deux fois plus court que celui prévu par l’ordonnance de 1945. Actuellement, 800 mineurs sont incarcérés, dont 80 % en détention provisoire. Nous avons du mal à vous entendre quand on voit qu’une majorité d’entre vous a voté le texte défendu par Éric Dupond-Moretti, qui faisait la part belle à la construction de prisons et au recrutement de magistrats.

Du point de vue du droit, votre proposition est inaudible. On n’est responsable pénalement que de son propre chef. Ne laissez pas entendre que des parents pourraient être pénalement responsables des infractions commises par leurs enfants. Ne laissez pas entendre non plus que le code civil ne prévoit pas d’engager la responsabilité des parents du fait des actions d’enfants mineurs – je vous renvoie à l’alinéa 4 de l’article 1242 du code civil. Votre proposition est stigmatisante. C’est une proposition d’affichage qui se méprend gravement sur notre état du droit.

M. Yannick Neuder (LR). Quelques chiffres doivent nous imposer de réfléchir. En 1977, il y avait 80 000 mineurs délinquants ; ils sont estimés à 200 000 en 2018. On ne peut pas rester muets face à un tel constat. Le ministre de l’intérieur a révélé que l’âge moyen des émeutiers était de 17 ans, et que des jeunes de 13 et 14 ans avaient été interpellés. En 2010, Éric Ciotti avait fait voter une loi, abrogée en 2013 par François Hollande. Une absence de quatre demi-journées à l’école donnait lieu à un rappel à l’ordre. La récidive pouvait conduire à une suspension des allocations familiales. Quelques mois après l’application de cette loi, 7 000 élèves absentéistes chroniques avaient repris le chemin des salles de cours. La suspension des allocations familiales n’avait finalement été prononcée que pour trente et un dossiers. La menace de la sanction est en réalité plus efficace que la sanction même, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’ajouter une difficulté financière et sociale. Mais ne rien dire et penser que la seule solution passera par la suppression des aides sociales n’est pas équilibré non plus. Il faut un équilibre entre la nécessité de renouer le contrat avec les parents et de les stimuler, et les mesures financières.

M. le rapporteur. Madame Rousseau, c’est votre démonstration qui est assez immonde, à vouloir faire croire que la délinquance c’est un truc de pauvres !

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). J’ai dit exactement le contraire !

M. le rapporteur. C’est faux de dire qu’il n’y a que les pauvres qui commettent des actes délictuels ou criminels ! Cela peut toucher tout le monde. Votre philosophie marxiste n’a rien à voir avec le débat. Vos propositions sont assez idéologiques. C’est vraiment indigne d’accoler l’étiquette de la délinquance aux classes populaires. Je suis issu des classes populaires, d’une famille monoparentale. Il n’y a pas que les classes populaires qui commettent des délits. Il n’y a pas qu’elles qui seront sanctionnées. Tout le monde le sera.

Je ne peux qu’être d’accord avec Laure Lavalette. Ce n’est pas aux Français qui travaillent de payer les pots cassés par les délinquants de notre pays, d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur origine sociale.

Oui, c’est dur d’être parent. Quand on est jeune, on passe par des crises existentielles, le rôle de l’entourage est important. Mais c’est aussi très difficile d’être parent dans des départements très pauvres comme la Creuse. Pourtant, là-bas, ce n’est pas comme dans certains quartiers de France. La pauvreté n’est pas la clef de tout.

Je me suis entretenu avec des préfets de la République, les services de l’État, le directeur général de la Cnaf. La condition d’attribution des allocations familiales est bien que l’enfant est à la charge du parent allocataire. Ma proposition de loi prévoit une phase contradictoire, essentielle, qui permet au préfet ou à son représentant d’être à l’écoute des parents qui pourraient à juste titre être incapables de gérer leurs enfants. Dans ce cas, il n’y aura pas de sanction bête et méchante. Je fais confiance aux services de l’État et aux préfets de la République pour faire la part des choses.

La justice pénale des mineurs est bien laxiste. Après les émeutes, une circulaire du garde des Sceaux précisait qu’il allait falloir être particulièrement sévère et rapide. Sans les émeutes, personne n’aurait demandé cela. Il faut aussi prendre en considération le sentiment des Français. Nous devons travailler sur cette question : les allocations familiales ne sont pas un totem absolu. Il faut réfléchir à la sanction, au retour de l’autorité de l’État. Il faut responsabiliser les parents et certains adolescents qui se sentent parfois tellement au‑dessus de la loi et de l’ordre républicain qu’ils se permettent de commettre tout et n’importe quoi, parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas inquiétés et qu’ils auront les associations d’extrême gauche pour les défendre en toutes circonstances, en accusant l’État ou pire, nos forces de l’ordre de tous les maux de la terre.

Notre dispositif juridique n’est pas farfelu : il est inédit. C’est notre rôle de proposer des choses nouvelles. Si vous n’êtes pas d’accord, amendez-le au lieu de déposer des amendements de suppression bêtes et méchants pour mettre la poussière sous le tapis. Améliorez plutôt cette proposition de loi ! Discutons-en, travaillons ensemble ! Sept Français sur dix sont d’accord avec ce que nous proposons. Qu’allez-vous répondre à ceux qui vous diront que ces mineurs sont toujours aidés alors qu’ils commettent toujours plus de délits, à ceux qui vous demandent comment faire revenir la justice et l’autorité de l’État ? La sanction, cela marche partout.

Concernant la loi dite « Ciotti », en deux ans, on n’a pas vraiment pu juger de son efficacité, d’autant qu’elle a été abrogée par la gauche, qui l’a accusée de tous les maux de la terre. 949 cas ont été traités. Ce n’est peut-être pas assez pour certains ou trop pour l’extrême gauche, mais elle a eu le mérite de traiter ces 949 cas. Ce n’est pas le nombre qui doit compter dans la proposition de loi, c’est la dissuasion. Il faut dissuader nos jeunes de commettre des délits, dissuader une génération de se croire au-dessus de la loi, et mettre un peu de plomb dans la tête à une génération qui se croit tout permis.

Article 1er : Suppression ou suspension des allocations familiales en cas de condamnation définitive pour un crime ou un délit d’une particulière gravité

Amendements de suppression AS1 de M. Arthur Delaporte, AS3 de M. François Piquemal, AS6 de M. Benjamin Lucas et AS11 de Mme Caroline Abadie

Mme Ersilia Soudais (LFI - NUPES). Par l’amendement AS3, nous entendons rappeler que le choix d’une politique répressive plutôt que préventive remet en question les valeurs sur lesquelles repose tout notre système de solidarité sociale. À des familles déjà en difficulté et abandonnées par l’action publique, le Rassemblement National n’a que davantage de précarité à offrir. Le RN s’obstine à vouloir séparer au sein d’une même fratrie le bon grain de la supposée mauvaise graine, en faisant peser la responsabilité du désengagement des pouvoirs publics sur les parents. Retirer sa part à un enfant en conflit avec la loi, par conséquent à un enfant en danger, ne produit que davantage de précarité.

Vous vous complaisez à parler de la réciprocité des droits et des devoirs, mais certains droits sont inaliénables. La convention internationale des droits de l’enfant rappelle ainsi que les enfants ont un droit inaliénable à un niveau de vie suffisant. Une société qui produit du rejet et de la discrimination par ses institutions, sa police, sa justice ne peut récolter que davantage de rejet et renforcer ce que vous dites combattre. C’est ainsi que l’on met le feu dans les quartiers ; après, ça vient chouiner en nous reprochant de ne pas avoir appelé au calme. Il serait temps de tirer les conséquences des événements récents sans démagogie et de façonner une politique de protection de l’enfance cohérente avec de réels moyens.

Les mesures de sanction appliquées aux prestations familiales sont au mieux inefficaces pour ne pas dire inhumaines. Vous vous dites dans votre rôle en proposant des choses nouvelles, mais votre rengaine est poussiéreuse. Déjà en 2010, la droite imposait un dispositif de suspension du versement des allocations familiales dans la loi sur l’absentéisme scolaire, sans étude d’impact ni réflexion prospective préalable. Un rapport du Sénat sur son abrogation en 2013 estime que « rien dans les statistiques disponibles ne suggère donc que le dispositif de suspension des allocations familiales ait été efficace » Votre article 1er, qui s’obstine dans une démarche répressive quand il faut s’inscrire dans une démarche éducative, devrait obtenir pour seule réponse le mépris.

M. Arthur Delaporte (SOC). Notre collègue avait commencé en disant vouloir remettre l’église au milieu du village. Il s’agit plutôt, dirait-on, de remettre le préfet au milieu de tout. Je ne suis pas sûr que ce soit une meilleure idée. L’État n’intervient pas dans la sécurité sociale, qui est un système paritaire qui n’a pas besoin d’un préfet. Ce que nous dénonçons dans la nouvelle version du RSA, c’est l’étatisation sans précédent du système de sécurité sociale.

Par ailleurs, vous essayez de nous faire croire que votre proposition est la martingale, la recette pour réprimer la délinquance, alors que toutes les études prouvent le contraire. Le rapport du Sénat de 2013 montre que ces sanctions ont eu pour seul effet de faire augmenter la pauvreté. M. Ferracci a également souligné l’incohérence de votre position : ce matin, vous voulez sanctionner, alors que la semaine dernière, vous disiez que la sanction n’avait pas d’effet.

M. Benjamin Lucas (Ecolo - NUPES). Cela a été dit, c’est dur d’être parent. Ça l’est encore plus quand on n’arrive pas à nourrir ses gamins, quand on n’a pas les moyens de les faire soigner, quand on vit entassés dans des logements insalubres. Oui, votre proposition est pauvrophobe. Nous l’avons dit et le redirons ! Elle porte en elle la haine des plus pauvres. Parce que celles et ceux dont la survie dépend de ces allocations seront en réalité ceux que vous visez et que vous allez taper avec votre proposition. Le terme « dégueulasse » employé par Sandrine Rousseau tout à l’heure était particulièrement justifié. J’ai lu votre képi introductif. Vous avez beau vous défendre de stigmatiser les quartiers populaires, il suffit de lire votre analyse de ce qui s’y est passé au mois de juillet dernier pour voir la haine profonde que vous avez à l’égard de leurs habitants, sans doute parce qu’il y a dans ces quartiers l’image d’une France que vous exécrez, en absolue contradiction avec tous les fantasmes et l’idéologie que vous essayez de diffuser.

Les relations familiales sont parfois dures. Voyez comme c’est compliqué entre le vieux Jean-Marie, Marine et Marion ! Un coup on est fâché, un coup on se prête de l’argent, un coup on se nomme président d’honneur de son parti, un coup on soutient les dérapages et les condamnations, un autre on se brouille.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Restez-en à la défense de votre amendement !

M. Benjamin Lucas (Ecolo - NUPES). La prochaine fois, vous m’écrirez mon intervention, madame la présidente, comme ça, je dirai exactement ce que vous voulez que je dise ! Je constate que je suis le premier à être rappelé de cette façon, alors que d’autres ont pris le même type d’exemples...

Cette proposition viole des principes éducatifs et des principes juridiques. Tous ceux qui connaissent ces situations disent que sanctionner collectivement une famille pour le fait de l’un de ses membres est d’une inefficacité absolue. Vous allez fabriquer de la récidive là où il faut trouver des solutions.

Mme Caroline Abadie (RE). Nous avons déposé un amendement de suppression parce que cette proposition de loi crée une présomption de culpabilité. Il va falloir faire la preuve de son innocence. On inverse la charge de la preuve. On revient aux lettres de cachet d’avant 1789. Entendre dire que la justice est laxiste m’arrache les oreilles. Les émeutes en sont la preuve. On a pu réprimer de façon ferme et rapide les émeutiers parce qu’on avait adopté juste avant un code de la justice des mineurs qui a été admirablement bien appliqué. Le délai de jugement est passé de dix-huit à huit mois. La culpabilité est déclarée au bout de deux mois, ce qui permet d’indemniser rapidement les victimes.

Concernant l’expérimentation sur la suspension des allocations en cas d’absentéisme scolaire, je dispose de chiffres inverses, qui montrent une augmentation des cas, notamment au lycée, où l’on est passé de 4,9 % à 6,9 % d’absentéisme pendant cette période. Je ne pense pas que votre dispositif permette d’avancer sur la question de la délinquance, même s’il faudra toujours réfléchir à restaurer l’autorité parentale.

Enfin, les allocations familiales dépendant de la tranche de revenus des parents, je ne pense pas que les gosses des beaux quartiers iront pleurer pour 30 euros. Votre proposition de loi leur garantit donc l’impunité.

M. le rapporteur. Je suis rassuré, la Nupes s’est élargie jusqu’à la majorité ! C’est main dans la main que vous allez voter contre une évolution de notre droit, contre une réponse aux Français qui s’inquiètent de la dérive de l’autorité de l’État et du laxisme judiciaire. C’est main dans la main que vous allez voter contre le Rassemblement National et contre une proposition de bon sens. Vous aimez bien jouer à qui vote avec qui ; pour le coup, c’est vous qui empêchez le débat, c’est vous qui voulez le supprimer, c’est vous qui, encore une fois, voulez mettre la poussière sous le tapis. C’est Un jour sans fin : on répète sans cesse les mêmes arguments. Vous inventez même des mots ! La pauvrophobie, c’est joliment dit.

Mais, encore une fois, c’est très loin de notre proposition de loi. L’objectif est de dissuader. J’ai entendu que notre dispositif manquait d’écoute à l’égard des familles, notamment monoparentales, que c’était donner tout pouvoir au préfet. Mais quand le préfet prend rendez-vous avec la famille pour l’écouter, c’est aussi une forme de dissuasion. Quand des parents sont convoqués en préfecture pour aller parler de leurs enfants, cela aide aussi à remettre les idées en place, en se disant que leur enfant a peut-être franchi la ligne rouge. Ce qui compte pour moi, c’est l’intérêt de l’enfant. Les sanctions, c’est dans l’intérêt de l’enfant et dans celui des familles qui peuvent être perdues et qu’il faut responsabiliser. Cette loi n’est pas là pour crier de manière bête et méchante sur les familles. Bien au contraire, elle est là aussi pour accompagner, pour être à l’écoute. Mais c’est vrai que, comme dans toute société, il faut des règles et un cadre. Si ni les règles ni le cadre ne sont respectés, on sanctionne. C’est comme tout.

En vérité, je suis assez étonné que la majorité ait déposé un amendement de suppression. Je vous ai cité deux ministres et votre Président de la République disant qu’il fallait sanctionner à la première infraction les familles irresponsables vis-à-vis de leurs enfants. Écoutez le Président ! Écoutez le garde des Sceaux ! Écoutez le ministre de l’intérieur ! Et faites évoluer la loi.

M. François Piquemal (LFI - NUPES). Au RN, avez-vous un problème avec la convention internationale des droits de l’enfant ? Elle dispose en effet que les droits de l’enfant s’appliquent « sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ». Or, que vous le vouliez ou non, monsieur le rapporteur, vous mentez quand vous dites que vous allez sanctionner tout le monde. Cela ne sanctionnera, le cas échéant, que les 4 800 000 familles qui touchent les allocations familiales.

À Albi, un gang sème le chaos dans la vie nocturne. Ses membres ont tabassé un militant syndical, un étudiant qui avait eu le malheur de porter un drapeau rouge, un jeune parce qu’il enlevait un autocollant homophobe. Ils s’introduisent dans les collèges pour faire de la propagande d’extrême droite. L’un des membres de ce gang, qui s’appelle Patria Albiges, est le fils de l’un de vos collègues, M. Cabrolier, et il a été mis en examen pour provocation publique à la haine. Je doute que votre collègue touche les allocations familiales. Allez-vous proposer de suspendre son indemnité, étant donné que vous considérez que les parents sont responsables des actes de leur enfant ? Allez jusqu’au bout de votre logique et vous verrez que votre proposition de loi est d’abord faite pour préserver les familles riches de Saint-Cloud et de vos collègues, en stigmatisant celles qui touchent les allocations familiales.

M. Fabien Di Filippo (LR). On peut débattre de l’application du dispositif, des commissions à créer en amont, de leur efficacité, mais j’ai du mal à entendre certains arguments et qu’une collègue de gauche utilise le terme « chouiner », alors que près de 1 000 policiers et gendarmes ont été blessés lors des émeutes. Quand on bafoue la sécurité ou les repères de sécurité dans ces quartiers, ce sont avant tout les plus faibles qu’on stigmatise.

Vous citez toujours l’excuse sociale de l’effacement du rôle de la famille : c’est elle qui nous a mis dans la situation que nous connaissons.

Sur le plan géographique, vous pensez que les mesures stigmatisent les quartiers, mais une forte population vit des minima sociaux dans des communes moyennes ou petites de la ruralité. Celles-ci présentent les mêmes difficultés, sociales et sécuritaires, que les grandes villes. Là aussi, les parents démissionnent.

La sanction a au moins l’avantage de rendre la menace visible, dissuasive, et elle permet de remettre les parents sur le chemin de la responsabilisation. Il ne s’agit pas de savoir si les parents ont empêché leur enfant de commettre une bêtise – c’est la hantise de chacun et on ne peut pas forcément l’éviter –, il s’agit de savoir s’ils font le maximum pour prendre leurs responsabilités, s’interposer et essayer de remettre leur enfant dans le droit chemin. Ces repères sont en train de se perdre. La sanction doit exister au moins montrer qu’il peut y avoir des conséquences.

M. Romain Baubry (RN). Nous ne sommes pas étonnés des prises de position de l’extrême gauche, qui surfe sur un électorat en soutenant les délinquants, dont certains sont dans leurs rangs, tout en stigmatisant les familles pauvres, comme Mme Rousseau l’a fait.

La position des députés de la majorité serait comique si elle n’était pas cynique. Le Président de la République et des ministres ont appelé à sanctionner financièrement les familles. Sur les plateaux de télévision, certains d’entre vous appuyaient ces sanctions.

Nous avons déjà aperçu ce double visage lors de l’examen du projet de loi visant à mieux lutter contre la récidive, qui avait pour objet de sanctionner les atteintes aux forces de l’ordre. Vous avez rejeté ce texte en bloc, tout en versant votre larme sur les plateaux de télévision sur les membres des forces de l’ordre tués ou blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Vous n’en êtes pas à une hypocrisie près !

M. Victor Catteau (RN). Nos collègues de la NUPES ont expliqué que la proposition de loi visait à stigmatiser les classes populaires et à faire de la pauvrophobie. Né en 1995, à Roubaix, de parents ouvriers dans la métallurgie et la logistique, j’ai grandi dans des tours HLM, en face d’un commissariat célèbre parce que trois policiers y étaient décédés dans le cadre de leur mission. Ce n’est pas du fait de ma catégorie sociale ou des faibles moyens de mes parents que je n’ai pas reçu d’éducation ou que j’ai brûlé des commissariats, des voitures de police ou des mairies. C’est une question d’éducation, non de catégorie sociale. Vous, vous ciblez les classes populaires et vous les stigmatisez. Ce n’est pas l’objet de la proposition de loi : vous êtes à côté de la plaque.

Mme Maud Petit (Dem). Je veux dire avec beaucoup de sérénité, sans aucune agressivité, que cette solution n’est pas la bonne et qu’elle passe à côté du problème.

Au Royaume‑Uni, depuis plusieurs années, l’absentéisme scolaire est puni d’une amende allant jusqu’à 70 euros. Cette sanction financière ne fonctionne pas : le nombre d’élèves sanctionnés augmente, de même que le montant des amendes, qui peut aller jusqu’à 200 euros, mais l’absentéisme n’est pas réduit. Il ne faut pas compter sur de telles sanctions financières ni sur un outil de justice familiale. Mieux vaut travailler sur la prévention et l’accompagnement, par exemple en organisant des stages pour les parents et les enfants.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Dans le monde des faits alternatifs, vous semblez avoir compris mes propos à l’envers. En disant que vous aviez de la chance d’être des parents exemplaires et d’avoir été des enfants exemplaires, je me moquais de vous et de votre faculté de ne pas regarder la délinquance des familles les plus riches de la même manière que celle des familles pauvres. La jeunesse des quartiers que vous ciblez, parce qu’elle est discriminée, a plus de risques de se faire prendre par la police que celle des beaux quartiers. C’est aussi cela qui est au cœur de votre loi.

La délinquance est dans tous les milieux sociaux. En revanche, les délinquants n’ont pas le même risque d’être pris.

Mme Michèle Peyron (RE). Parlons un peu de l’intérêt de l’enfant. Vous l’avez mentionné, monsieur le rapporteur, mais où est-il lorsque cette double ou triple peine tombe sur la famille de l’enfant ou de l’adolescent qui a dépassé les bornes, donc sur les autres enfants ? Où avez-vous vu une société qui punit ses enfants ? Ces familles, il ne faut pas punir, il faut les accompagner.

M. le rapporteur. L’intérêt de l’enfant, c’est de l’encadrer par la sanction lorsqu’il commet des faits délictuels ou criminels. S’il commet une infraction routière, par exemple, ce n’est pas parce qu’il est enfant qu’il ne sera pas sanctionné. Peut-être qu’il y a une défaillance dans la responsabilité des parents. Peut-être faut-il que nous travaillions ensemble, de manière transpartisane, à améliorer le retour de l’autorité de l’État et la responsabilité des parents. Nous tendons la main à chaque fois, mais vous ne la saisissez pas.

Les émeutes que les Français ont subies, ce sont 730 millions d’euros de dégâts, 2 500 bâtiments dégradés ou incendiés, 90 établissements scolaires, 103 mairies, 180 commissariats, casernes de gendarmerie ou bâtiments de police municipale attaqués ; 23 800 feux de rue, 12 000 véhicules incendiés, 4 480 personnes interpellées dont 1 319 mineurs, 2 519 personnes poursuivies en justice et 1 249 jugées, dont 60 % ont été condamnées à de la prison ferme ; plus de 700 policiers blessés, un pompier mort en luttant contre un incendie, une église détruite par les flammes. L’âge moyen des émeutiers interpellés était de 17 ans. Les Français en ont ras le bol de la déresponsabilisation, de la culture de l’excuse, de payer pour ceux qui ne respectent pas la loi.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS13, AS14, AS15 et AS16 de M. Bryan Masson tombent.

Article 2 : Coordination dans le code de la justice pénale des mineurs en cas de mesure de placement

Amendements de suppression AS2 de M. Arthur Delaporte, AS4 de M. François Piquemal, AS7 de M. Benjamin Lucas et AS10 de Mme Caroline Abadie

M. Arthur Delaporte (SOC). Je note l’absence des députés LR, pourtant si engagés aujourd’hui à bâtir des ponts au-dessus des digues, avec le Rassemblement National.

L’article 2 prévoit la suspension ou la suppression du versement des allocations familiales à la famille dont l’enfant termine une mesure de placement. La suppression n’intervient pas si le parent prouve qu’il a essayé d’empêcher l’enfant de commettre l’infraction à l’origine de la peine. Ainsi, si j’ai envoyé un SMS à mon fils ou à ma fille au moment où il ou elle partait brûler une poubelle dans la rue, je suis protégé. Vous rendez-vous compte de l’absurdité de la proposition ? Faut-il prouver que l’on file deux ou trois claques pour rétablir l’ordre à la maison ?

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). C’est interdit !

M. Arthur Delaporte (SOC). J’ai dû mal comprendre, alors... Vous avez raison, les violences faites aux enfants sont interdites par la loi, mais elles sont aussi contraires aux conventions internationales sur les droits de l’enfant. Finalement, vous voulez priver les enfants de leurs droits quels qu’ils soient, puisque votre proposition de loi punirait les enfants en même temps que les parents. Elle n’améliorerait en rien la sécurité – tout montre même qu’elle ne ferait que la dégrader –, et n’aurait aucun effet en matière de lutte contre la pauvreté.

L’article n’a donc pas besoin d’exister : il est inapplicable, inconventionnel, inconstitutionnel. C’est pourquoi nous sommes déterminés à lutter contre votre violence, qui incite à la barbarie.

M. François Piquemal (LFI - NUPES). Je regrette que le rapporteur ne réponde pas aux questions que nous lui posons. J’ai cité le cas d’un de vos collègues dont l’enfant va être mis en examen pour provocation à la haine.

M. le rapporteur. Il a plus de 20 ans !

M. François Piquemal (LFI - NUPES). Je déroule votre principe selon lequel un parent est responsable de ses enfants jusqu’à 18 ou 19 ans. Quelle sanction prévoyez-vous pour les familles qui ont des enfants délinquants mais ne perçoivent pas d’allocations sociales ?

Il faut voir, dites-vous, si le parent a essayé d’empêcher son enfant de commettre le délit ou le crime. D’après la presse quotidienne régionale, ce n’est pas le cas de votre collègue, qui, au contraire, défend son enfant. Que prévoyez-vous dans ce cas ? Sur quels faits démontrerez-vous que le parent a essayé d’empêcher son enfant de commettre un délit ? Celles et ceux qui travaillent la nuit, hors du temps scolaire des enfants, seront pénalisés puisqu’ils ne sont pas en contact permanent avec leurs enfants. Le dispositif est absurde.

Quant à l’éducation par la sanction, laissez-moi vous dire que depuis l’époque où se déroule le film Les Choristes, on a heureusement avancé.

M. le rapporteur. Les propos de M. Piquemal sont hors sujet. La proposition de loi concerne les majeurs et les mineurs jusqu’à 20 ans. Vous me parlez d’un jeune adulte, qui a 25 ans et dont le parent ne perçoit pas d’allocations familiales. Si vous avez un problème à régler avec lui, vous le trouverez dans la salle voisine.

On ne parle pas d’un chewing-gum collé sous la table mais de délits graves, punis d’au moins deux ans d’emprisonnement. Il faut y répondre par la sanction : c’est le retour de l’autorité de l’État.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé, les amendements AS12 et AS17 de M. Bryan Masson tombent et les amendements AS5 de Mme Ersilia Soudais ainsi qu’AS8 et AS9 de M. Benjamin Lucas, sur le titre, n’ont plus d’objet.

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

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L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimé, le texte est considéré comme rejeté par la commission. En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 


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ANNEXE n 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

  M. Hugues Moutouh, préfet des Alpes-Maritimes, ancien préfet de l’Hérault

  Ministère des solidarités et des familles, sous-direction de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail – Mme Marion Muscat, adjointe à la sous-directrice

  Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) – M. Nicolas Grivel, directeur général

       Ministère de la justice :

– direction des affaires criminelles et des grâces : Mme Sophie Macquart-Moulin, adjointe au directeur, et Mme Élise Barbe, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales

– direction de la protection judiciaire et de la jeunesse : Mme Caroline Nisand, directrice, et Mme Anne Coquet, sous-directrice des missions de protection judiciaire et d’éducation


 1

Annexe n°2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la sécurité sociale

L. 521-4 [nouveau]

2

Code de la justice pénale des mineurs

L. 113-2

 

 


([1]) Les Échos, Émeutes urbaines : Emmanuel Macron réfléchit à de nouvelles sanctions contre les parents, 4 juillet 2023.

([2]) Inspections générales de la justice et de l’administration, rapport de la mission d’analyse des profils et motivations des délinquants interpellés à l’occasion de l’épisode de violences urbaines (27 juin – 7 juillet 2023), août 2023.

([3]) Ministère de la justice, Chiffres clefs de la justice, années 2006 et 2020.

([4]) « 2000 – 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice n° 186, juin 2022.

([5]) Rapport n° 341 de Michel Rufin au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant modification de l’ordonnance n° 45‑174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, 2 mai 1996.

([6]) Rapport n° 3637 de Jean Terlier au nom de la commission des Lois sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2019‑950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, 2 décembre 2020.

([7]) Rapport d’information n° 885 de Céline Boulay-Espéronnier, Bernard Fialaire, Laurence Harribey et Muriel Jourda au nom de la commission de la Culture, « Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive », 21 septembre 2022.

([8]) Hugues Moutouh était alors préfet de l’Hérault. Il fondait donc ses appréciations sur les émeutes observées dans ce département.

([9]) Assemblée nationale, audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, sur les violences urbaines, 19 juillet 2023, compte-rendu de réunion n° 74.

([10]) Inspections générales de la justice et de l’administration, op. cit.

([11]) Assemblée nationale, audition de M. Gérald Darmanin du 19 juillet 2023, op. cit.

([12]) La formule est d’ailleurs retenue par l’analyse que font les inspections générales des profils des délinquants majeurs interpellés à l’occasion des émeutes.

([13]) Inspections générales de la justice et de l’administration, op.cit.

([14]) Rapport précité sur le projet de loi portant modification de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, 2 mai 1996.

([15]) L’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge est en effet un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs (Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice).

([16]) Circulaire JUSD2318216 du garde des Sceaux, 30 juin 2023.

([17]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, pourvoi n° 94-21.111, 19 février 1997.

([18]) Article 371-1 du code civil.

([19]) Loi dite « Roussel » du 24 juillet 1889 sur les enfants maltraités ou moralement abandonnés, le placement des mineurs, l’action éducative en milieu ouvert.

([20]) Loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants.

([21]) La peine est de trois ans d’emprisonnement quand l’infraction est commise par un adulte autre que le parent.

([22]) Créé par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([23]) Assemblée nationale, proposition de loi n° 2314 tendant à permettre la mise en cause de la responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants.

([24]) Nicolas Sarkozy, discours prononcé à Grenoble le 30 juillet 2010.

([25]) Loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire.

([26]) Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 347581, 15 juin 2011 : « Considérant, en troisième lieu, qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction, dès lors, d’une part, que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d’autre part, que l’exercice de ce pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu’en particulier doivent être respectés les principes de la nécessité et de la légalité des peines, ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que, si la suspension ou la suppression des allocations familiales constitue une sanction, la décision de l’inspecteur d’académie de saisir le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales, qui fait suite à un premier avertissement, intervient après que les personnes responsables de l’enfant auront été mises à même de présenter leurs observations et, en vertu des dispositions combinées de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de leur choix ; qu’ainsi, les dispositions litigieuses de la loi du 28 septembre 2010 ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; ».

([27]) Les Républicains, communiqué, 14 juillet 2023.

([28]) Défenseur des droits, décision n° 2022-016, 11 février 2022.

([29]) Pass Sport, le Pass Culture, les aides financières du programme de réussite éducative pour l’accès aux loisirs ou encore le Pass’loisirs.

([30]) Jugement du tribunal administratif de Versailles du 9 mars 2023, n°s 2102944 et 2102985.

([31]) Conseil d’État, 3e et 8e chambres réunies, 454799, 24 juin 2022.

([32]) Entretien à France Inter, 14 janvier 2019.

([33]) Entretien à France info, 5 juillet 2023.

([34]) Plan des Républicains pour restaurer l’ordre public, 6 juillet 2023.

([35]) Assemblée nationale, proposition de loi n° 1550 visant à responsabiliser les parents des enfants délinquants et absentéistes, déposée le 20 juillet 2023.

([36]) Loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire.

([37]) Article R. 513-2 du code de la sécurité sociale.

([38]) Article 375-9-1 du code civil : cette décision peut être prise par le juge des enfants lorsque ces prestations ne sont pas employées pour les besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants, et qu’une prestation d’aide à domicile n’apparaît pas suffisante pour corriger cette situation.

([39]) Article 375-3 du code civil.

([40]) Article L. 521-2 du code de la sécurité sociale.

([41]) Idem.

([42]) Articles L. 112-14 et L. 112-15 du code de la justice pénale des mineurs.

([43]) Article L. 122-2 du même code.

([44]) Article L. 113-2 du même code.

([45]) Aujourd’hui, 826 000 enfants majeurs ouvrent droit à des allocations familiales, soit 7 % des enfants concernés.

([46]) Article L. 11-3 du code de la justice pénale des mineurs. Ainsi, la mesure éducative judiciaire peut remplacer la peine. En application de l’article L. 323-1 du même code, elle peut aussi être prononcée à titre provisoire, à tous les stades de la procédure avant le prononcé de la sanction : s’agissant alors par définition d’une mesure provisoire, elle n’entre pas dans le champ de la présente proposition de loi.

([47]) Article 1er de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire : « Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, une nouvelle absence de l’enfant mineur d’au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l’avertissement adressé par l’inspecteur d’académie, ce dernier, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause […] ».

([48]) Conditions prévues à l’article L. 122‑1 du code des relations entre le public et l’administration. En outre, l’administration n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.

([49]) Article R. 811-1 du code de justice administrative.

([50]) Articles L. 112-14 et L. 112-15 du code de la justice pénale des mineurs.

([51]) Article L. 122-2 du même code.

([52]) Article L. 113-7 du même code.

([53]) Article L. 113-2 du même code.

([54]) Idem.

([55])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13935942_651d1225e64b1.commission-des-affaires-sociales--examens-des-propositions-de-loi--soutien-des-femmes-qui-souffren-4-octobre-2023