N° 1745

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 23
 

 

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Kévin MAUVIEUX

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES observations du RAPPORTEUR SPÉCIAL

DONNÉes ClÉs

Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État : Une stabilisation en trompe-l’œil et à un niveau exceptionnel de la charge de la dette de l’État

I. Les dépenses engendrées par la charge de la dette et la gestion de la trésorerie connaissent une relative stabilité en 2024 mais s’inscrivent à moyen terme dans une forte dynamique haussière

A. L’encours de la dette négociable de l’État continue de progresser à un rythme très soutenu

1. L’évolution de l’encours de la dette négociable et de ses caractéristiques

2. Le besoin de financement de l’État restera élevé en 2024

B. Une charge de la dette qui demeure exceptionnellement élevée

1. Une réévaluation à la hausse de la charge de la dette pour 2023

2. Un encours de dette indexée sur l’inflation porteur d’une charge de la dette toujours élevée en 2024, bien qu’en décrue

3. La poursuite de la hausse des taux d’intérêt dans le contexte de resserrement des politiques monétaires

C. La charge budgétaire liée à la gestion de la trésorerie de l’État se maintient à un niveau peu élevé

II. Le programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État

III. Le programme 369 Amortissement de la dette liée à la covid19

IV. La contribution du programme 114 Appels en garantie de l’État au soutien des entreprises face à la crise

A. Le dispositif des prÊts garantis par l’État porte les trois quarts de la dÉpense du programme prÉvue en 2024

1. Les caractéristiques des PGE accordés

2. Une prévision budgétaire des risques associés aux PGE qui s’affine mais demeure soumise à des aléas importants

B. Les autres dispositifs créés pendant la crise sanitaire et en réponse à l’inflation font l’objet d’appels en garantie limités

C. Les dépenses prévisionnelles liées aux appels en garantie des autres actions du programme

V. Les crédits du programme 145 Épargne

A. Les dépenses liées aux primes d’épargne logement

1. La diminution de l’encours des PEL et CEL en 2022

2. Une forte baisse des dépenses liées aux primes épargne logement depuis 2010

B. L’importance des dépenses fiscales associées au programme

VI. Le fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

VII. Analyse du verdissement de la mission

A. La progression de l’OAT verte

B. Un impact essentiellement neutre sur l’environnement des dépenses rattachées à la mission

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES  PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 

   PRINCIPALES observations du RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État se maintiennent à un niveau très élevé par rapport aux dépenses constatées avant l’exercice 2022 et s’établiraient à 60,8 milliards d’euros en 2024. Ils affichent une légère baisse de 371 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

● Cette stabilisation résulte principalement de deux mouvements inverses affectant la charge de la dette de l’État.

D’une part, sous l’effet du ralentissement anticipé de l’inflation, la charge d’indexation des titres de dette indexés connaîtrait en 2024 une diminution de plus de 5 milliards d’euros par rapport aux montants prévus par la LFI pour 2023 (et de plus de 7 milliards d’euros par rapport aux données révisées pour 2023 du projet de loi de finances pour 2024). Ce ralentissement de l’inflation est toutefois remis en cause par le rapporteur qui, en raison de la transition écologique et du contexte international, estime que l’inflation devrait rester sur un plateau élevé et restera quoiqu’il arrive très volatile et fluctuante au gré des crises qui se succèdent.

La provision pour charge d’indexation se maintiendrait néanmoins à un niveau élevé (8,7 milliards d’euros). À ce titre, le rapporteur spécial considère que le volume d’encours indexé, qui s’élève à 264 milliards d’euros, devrait être réduit afin de préserver les marges de manœuvre financières de l’État en période d’inflation soutenue. En effet, il est indéniable que les périodes de crise inflationniste sont celles nécessitant la plus grande mobilisation de l’État pour le soutien des ménages et des entreprises. Or, c’est précisément durant ces périodes que l’indexation de l’inflation vient grever les finances de l’État. Il estime que le choc d’inflation constaté depuis 2022 a montré les limites du caractère contracyclique de ces titres, indexés majoritairement sur l’inflation européenne alors que la dynamique des recettes fiscales répond à l’inflation domestique. La hausse des rentrées fiscales due à la hausse des prix engendrée par l’inflation purement française ne peut donc pas venir combler le coût exorbitant d’une dette indexée au trois-quarts sur une inflation européenne bien plus élevée que l’inflation domestique.

D’autre part, la persistance d’une inflation élevée depuis 2022 a conduit les banques centrales à normaliser leurs politiques monétaires et à rehausser leurs taux d’intérêt. Après plusieurs années de conditions extrêmement favorables pour le financement de la dette française, les taux d’intérêt ont augmenté significativement en 2023 et s’établiraient selon le Gouvernement autour de 3,5 % à la fin de l’année 2024. Le rapporteur spécial déplore par ailleurs que, durant ces années de conditions de financement extrêmement favorables, parfois à taux négatifs, la France ait poursuivi son programme d’émission d’obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation française (OATi) et européenne (OAT€i), prenant donc délibérément la décision de refuser un endettement gratuit pour un endettement dangereux, incertain et coûteux.

Cet effet « taux », conjugué à un accroissement du volume total de la dette, causerait à compter de 2024 un renchérissement, important à terme, de la charge de la dette et de la trésorerie par rapport à ce que prévoyait la LFI 2023, compte tenu en particulier du refinancement de la dette à court terme à des taux plus élevés. Il est important de rappeler que si l’effet de la hausse des taux d’intérêt sur la charge de la dette n’est pas immédiat du fait du refinancement progressif de la dette, il est en revanche extrêmement fort à moyen et long termes et invite donc à porter une attention particulière à notre déficit public. Le rapporteur tient à souligner ici que le taux d’intérêt ne joue plus son rôle originel de rémunérateur du risque mais vient compenser les défaillances des marchés, notamment financiers. Il rappelle que le taux d’intérêt tient son existence dans la nécessité de payer au prêteur le risque qu’il prend en octroyant des fonds à l’emprunteur. Suivant cette logique, le taux d’intérêt s’élève à mesure que le risque de solvabilité de l’emprunteur croît. Or, la signature française étant reconnue et appréciée par les investisseurs, les taux d’intérêt ne devraient pas augmenter pour le financement de sa dette qui reste sans risque.

La charge de la dette et de la trésorerie s’établirait ainsi à un niveau une nouvelle fois exceptionnel de 51,4 milliards d’euros en 2024 (après 54,7 milliards d’euros prévus pour 2023). On ne peut d’ailleurs pas exclure que cette charge pour 2024 dépasse in fine la prévision affichée dans le présent projet de façon significative, si l’on en juge par le dépassement qui caractérise l’année 2023 (avec un niveau excédant de près de 10 % celui annoncé en LFI 2023). La charge de la dette et de la trésorerie devrait encore progresser en 2025 et en 2026 sous l’effet de la diffusion progressive des taux d’intérêt élevés à l’ensemble de la structure de la dette. La charge de la dette deviendra, à terme, le premier poste de dépense de l’État. Le rapporteur déplore des dérapages multiples sur les différents aspects de la dette et ayant des impacts lourds pour l’avenir de nos finances : une charge de la dette en forte hausse et sous-estimée par le Gouvernement, un stock de dette record et une ventilation de la dette dangereuse.

● Le programme 369 relatif au remboursement des 165 milliards d’euros de dette issus de la crise sanitaire en 2020 et 2021 serait doté de 6,5 milliards d’euros en 2024. Le rapporteur spécial rappelle que l’isolement d’une partie de la dette française n’a aucun effet sur le stock total de dette ni sur les conditions de son financement, la création de ce programme ne poursuivant qu’un objectif d’affichage de sérieux budgétaire sans contribuer à la maîtrise du déficit public.

● La dotation demandée au titre du programme 114 Appels en garantie de l’État s’établit à 1,9 milliard d’euros en 2024. Les appels en garantie au titre des prêts garantis par l’État (PGE) représentent les trois quarts de la dépense anticipée (1,4 milliard d’euros). Le rapporteur spécial considère que le coût des PGE pour l’État en 2024 devra faire l’objet d’un suivi attentif et demeurera sensible à l’évolution des perspectives macroéconomiques, probablement détériorées en 2024 au regard des différents signaux et du contexte international.

● À compter de l’exercice 2024, le programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État, auparavant inclus dans le périmètre de la mission Écologie, développement et mobilité durables, relève de la mission Engagements financiers de l’État. Les crédits prévus en 2024 s’élèvent à 807 millions d’euros, en baisse de 10 % par rapport aux ouvertures au titre de 2023.

● Les crédits alloués en 2024 au programme 145 Épargne s’établiraient à 71 millions d’euros, en hausse de 20 % par rapport à 2023. Cette hausse, qui intervient dans un contexte plus général d’extinction progressive des primes d’épargne logement versées par l’État lors de la mobilisation de comptes épargne-logement (CEL) ou de la clôture de plans d’épargne‑logement (PEL), s’explique notamment par la remontée des taux d’intérêt de marché, à l’origine d’un écart de rémunération avec d’autres produits d’épargne. Les dépenses fiscales associées au programme, dont le niveau est toujours très élevé (6,6 milliards d’euros), seraient encore particulièrement dynamiques en 2024 en raison de la hausse du coût associé à l’exonération des intérêts de plusieurs produits d’épargne dans un contexte de remontée des taux d’intérêt.

● Enfin, une dotation de 187,7 millions d’euros est prévue en 2024 sur le programme 344 Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque, destiné à aider les collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts dits « toxiques ».


   DONNÉes ClÉs

Évolution des crÉdits de la mission
Engagements financiers de l’État

(en crédits de paiement, en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 

Répartition des crÉdits de la mission par programme

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 


   Les crédits de la mission
Engagements financiers de l’État :
Une stabilisation en trompe-l’œil et à un niveau exceptionnel de la charge de la dette de l’État

Après avoir atteint un niveau historiquement bas en 2020, puis connu une progression inédite entre 2021 et 2023, les crédits de paiement (CP) de la mission Engagements financiers de l’État s’inscriraient en 2024 en relative stabilité par rapport au niveau de la loi de finances pour 2023 ([1]). Leur montant s’élèverait en 2024 à un niveau record de 60,8 milliards d’euros, correspondant à une hausse de 529 millions d’euros à périmètre courant ou à une légère baisse de 371 millions d’euros à périmètre constant ([2]) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Évolution des crÉdits de la mission Engagements financiers de l’État
(à périmètre courant)

(en crédits de paiement, en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Cette relative stabilité des crédits proposés sur le périmètre de la mission résulte d’évolutions contrastées. Parmi les principaux mouvements :

– le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État, qui représente 84,5 % des CP de la mission, verrait sa dotation augmenter de 550 millions d’euros (+ 1,1 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, sous les effets contraires, à la baisse, d’une inflation moins soutenue et, à la hausse, de la croissance de l’encours total de dette et de la remontée des taux d’intérêt. Le présent projet de loi de finances présente par ailleurs une estimation révisée des dépenses de charge de la dette en 2023, qui s’élève à 54,7 milliards d’euros, en hausse de 3,8 milliards d’euros par rapport aux crédits ouverts en LFI (c’est-à-dire 9,5 % de hausse par rapport à la prévision), principalement sous l’effet d’une inflation plus soutenue qu’escompté et de taux d’intérêt de court terme plus élevés que prévu ;

– le programme 114 Appels en garantie de l’État (3,1 % des crédits) connaîtrait une baisse de 680 millions d’euros de sa dotation par rapport aux crédits initiaux pour 2023 en raison de la diminution du coût anticipé pour l’État des appels en garantie au titre des PGE ;

– les crédits alloués au programme 369 Amortissement de la dette liée à la covid19 s’établiraient à 6,5 milliards d’euros en 2024, en baisse de 112 millions d’euros par rapport à 2023.

Évolution des crédits de la mission par rapport à la LFI 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2023

(format 2024)

PLF 2024

Évolution LFI 2023 – PLF 2024

LFI 2023

(format 2024)

PLF 2024

Évolution LFI 2023 – PLF 2024

117 Charge de la dette et trésorerie de l’État

50 825,0

51 375,0

+ 550,0

(+ 1 %)

50 825,0

51 375,0

+ 550,0

(+ 1 %)

114 Appels en garantie de l’État

2 582,7

1 902,4

 680,3

(– 26 %)

2 582,7

1 902,4

 680,3

(– 26 %)

145 Épargne

59,2

71,1

+ 11,9

(+ 20 %)

59,2

71,1

+ 11,9

(+ 20 %)

355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État

900,0

807,0

 93,0

(– 10 %)

900,0

807,0

 93,0

(– 10 %)

366 Dotation du Mécanisme européen de stabilité

50,0

 50,0

(– 100 %)

50,0

 50,0

(– 100 %)

344 Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

185,9

187,7

+ 1,8

(+ 1 %)

369 Amortissement de la dette liée à la covid-19

6 586,5

6 475,0

 111,5

(– 2 %)

Total

54 416,9

54 155,5

 261,4

(– 0,5 %)

61 189,3

60 818,1

 371,2

(– 0,6 %)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

D’après les prévisions du Gouvernement, les crédits de la mission retrouveraient une dynamique de forte progression en 2025 (+ 5,1 milliards d’euros) et en 2026 (+ 5 milliards d’euros). Le détail de cette trajectoire n’est pas précisé à un niveau plus fin que le programme dans la documentation budgétaire.

Il est important de rappeler que les crédits relatifs à la charge de la dette et de la trésorerie de l’État (programme 117), à la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État (programme 355) ainsi que ceux alloués aux appels en garantie de l’État (programme 114) ne sont pas limitatifs, comme la plupart des autres crédits du budget général, mais évaluatifs. Le rapporteur estime d’ailleurs que les ouvertures de crédits sur ces programmes risquent d’être inférieures aux besoins réels qui seront constatés en cours d’année 2024 – comme cela est d’ores et déjà le cas en 2023 s’agissant du programme 117.

L’article 10 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]) prévoit que ces crédits, dont le champ est strictement limité ([4]), peuvent faire l’objet de dépassements sans autorisation budgétaire. Le Gouvernement doit cependant informer les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat des motifs du dépassement et des perspectives d’exécution jusqu’à la fin de l’année, et proposer des ouvertures de crédits dans le projet de loi de finances suivant afférent à l’année concernée.

Cette dérogation à l’autorisation parlementaire s’explique par la nécessité pour l’État de couvrir certaines charges obligatoires ou quasi obligatoires. Cette caractéristique se traduit par le fait que la quasi-totalité des crédits de la mission sont peu pilotables. Les modifications pouvant être proposées au cours de l’examen parlementaire ont donc une portée plus limitée que dans le cas des crédits limitatifs.

I.   Les dépenses engendrées par la charge de la dette et la gestion de la trésorerie connaissent une relative stabilité en 2024 mais s’inscrivent à moyen terme dans une forte dynamique haussière

Principaux éléments du programme 117

L’année 2024 serait caractérisée par une stabilisation en trompe-l’œil de la charge de la dette, qui se maintiendrait à un niveau élevé dans un contexte de ralentissement progressif de l’inflation et de remontée des taux d’intérêt. La charge de la dette serait par ailleurs portée par la dynamique de progression de l’encours de dette depuis 2020. Cet encours s’établirait à 2 561 milliards d’euros fin 2024.

La charge de la trésorerie diminuerait légèrement par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2023, pour s’établir à 512 millions d’euros en 2024.

Au total, 51,4 milliards d’euros sont demandés en AE et CP au titre du programme 117. Cette dotation augmenterait fortement en 2025 pour s’établir à 55,1 milliards d’euros (+ 3,68 milliards d’euros) et sa progression s’amplifierait en 2026 (60,3 milliards d’euros, soit + 5,27 milliards d’euros).

A.   L’encours de la dette négociable de l’État continue de progresser à un rythme très soutenu

1.   L’évolution de l’encours de la dette négociable et de ses caractéristiques

● À la fin de l’année 2024, l’encours total de la dette s’établirait à 2 561 milliards d’euros, en hausse de 138 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour le terme de l’année 2023. Depuis le choc de dette de 2020 (+ 178 milliards d’euros), le rythme de progression moyen de l’encours de dette (+ 148 milliards d’euros par an sur la période 2020-2024) est plus de 2,3 fois supérieur à celui observé entre 2012 et 2019 (+ 64 milliards d’euros par an).

Évolution de l’encours de la dette négociable de l’État

(en milliards d’euros)

À la fin de l’année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (p)

2024 (p)

Encours de la dette de l’État, valeur actualisée

1 313

1 386

1 457

1 528

1 576

1 621

1 686

1 756

1 823

2 001

2 145

2 278

2 424

2 561

Augmentation annuelle de l’encours

+ 84

+ 73

+ 70

+ 71

+ 49

+ 44

+ 66

+ 70

+ 67

+ 178

+ 144

+ 133

+ 146

+ 138

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 

● La part des bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) dans l’encours de la dette négociable de l’État serait de 6,9 % à la fin de l’année 2024, à un niveau stable par rapport à 2023, ce qui permet à l’Agence France Trésor (AFT) de conserver une bonne capacité d’absorption d’un nouveau choc ([5]).

● Après plusieurs années marquées par un allongement de la durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État, celle-ci s’établit à 8 ans et 169 jours fin août 2023, en léger recul par rapport à la fin de l’année 2022. L’allongement de cette durée de vie moyenne, mené par l’AFT à la faveur d’une période de taux d’intérêt historiquement bas, rend la charge de la dette plus résiliente à moyen terme face à la remontée des taux qui est désormais constatée.

Évolution de la durÉe de vie de la dette nÉgociable de l’État

Année

fin 2015

fin 2016

fin 2017

fin 2018

fin 2019

fin 2020

fin 2021

fin 2022

fin août 2023

Durée de vie moyenne de la dette négociable (après swaps)

7 ans et 47 jours

7 ans et 195 jours

7 ans et 296 jours

7 ans et 336 jours

8 ans et 63 jours

8 ans et 73 jours

8 ans et 153 jours

8 ans et 184 jours

8 ans et 169 jours

Source : rapports annuels de l’Agence France Trésor.

Cet allongement a découlé de la hausse de la maturité moyenne des émissions de l’AFT, qui est passée de 8,1 ans en 2012 à 12,4 ans en 2021, en réponse à la demande des investisseurs en recherche de rendement dans un environnement de taux bas. La remontée des taux d’intérêt conduit désormais à un retournement de cette tendance. Le rapporteur retient donc de ces différents éléments que les arbitrages de la France en matière de dette sont réalisés dans l’intérêt des investisseurs et de la finance plutôt que dans celui de la France et des Français, avec pour conséquence la dégradation des marges de manœuvre de l’État pour le financement des politiques publiques.

Le rapporteur relève que les taux d’intérêt demandés sont généralement plus élevés lorsque la maturité des titres est plus longue, la prime de risque étant logiquement d’autant plus importante que la durée de l’emprunt est longue, en dehors des épisodes exceptionnels dits « d’inversion de la courbe des taux ». La stratégie d’allongement de la durée de vie de la dette tend donc à augmenter mécaniquement la charge de la dette à terme, hors effets liés aux variations des taux dans la durée.

 La part de la dette négociable détenue par des non-résidents a diminué de près de 16 points entre 2014 et 2021, ce qui s’explique principalement par les achats de la Banque de France dans le cadre des programmes d’achats de titres de l’Eurosystème ([6]). Dans un contexte de normalisation des politiques monétaires, la réduction des volumes d’actifs achetés puis l’arrêt de ces programmes en cours d’année 2022 ont conduit à une inversion de cette tendance. À la fin du premier semestre 2023, la part de la dette négociable détenue par des non-résidents s’élevait ainsi à 52,4 % (+ 4,6 points par rapport à 2021), soit un niveau proche de celui de 2018.

Détention par les non-résidents de la dette négociable de l’État

(en pourcentage)

Date

Détention par des non-résidents

31 décembre 2010

67

31 décembre 2011

64

31 décembre 2012

61,9

31 décembre 2013

63,5

31 décembre 2014

63,6

31 décembre 2015

61,9

31 décembre 2016

58,3

31 décembre 2017

54,5

31 décembre 2018

52,3

31 décembre 2019

53,6

31 décembre 2020

50,1

31 décembre 2021

47,8

31 décembre 2022

50,1

30 juin 2023

52,4

Source : Banque de France.

2.   Le besoin de financement de l’État restera élevé en 2024

Les émissions de titres de dette constituent la principale modalité de couverture du besoin de financement de l’État. L’encours de la dette négociable est donc directement lié au niveau du besoin de financement. Il convient toutefois de distinguer, au sein de ce besoin de financement, la contribution des amortissements de dette (le fait de faire « rouler » la dette ne conduisant pas à une hausse de son encours total) et celle du déficit à financer (qui se traduit pour sa part essentiellement par une hausse de cet encours).

● En 2023, d’après les données révisées du projet de loi de finances pour 2024, le besoin de financement de l’État excéderait de 5,4 milliards d’euros les prévisions de la loi de finances initiale. Il s’établirait ainsi à 310,3 milliards d’euros. Cette hausse résulte d’un déficit de l’État supérieur à la prévision initiale (+ 7,2 milliards d’euros), en partie neutralisé pour sa part résultant de la hausse de la provision annuelle pour charge d’indexation du capital des titres indexés, qui ne génère pas de besoin en trésorerie (– 1,9 milliard d’euros). Les amortissements de titres à moyen et long termes sont pour leur part réévalués à la hausse de 100 millions d’euros.

● En 2024, le besoin de financement de l’État s’élèverait à 299,7 milliards d’euros et serait principalement constitué d’un déficit à financer de 144,5 milliards d’euros (– 27,6 milliards d’euros par rapport aux données révisées pour 2023) et d’amortissements de titres à moyen et long termes de 160,2 milliards d’euros (+ 10,6 milliards d’euros).

Ce besoin de financement serait essentiellement couvert par un volume d’émissions de dette à moyen et long termes de 285 milliards d’euros, en hausse de 15 milliards d’euros par rapport à 2023, et par la progression des émissions de titres de court terme (avec un effet de + 7,7 milliards d’euros par rapport à l’encours prévu à la fin de l’année 2023). En 2024, les disponibilités du Trésor à la Banque de France et les placements de trésorerie de l’État demeureraient stables, après plusieurs années successives marquées par la consommation progressive du surplus d’émissions constaté en fin d’année 2020 au regard du déficit à financer.

Enfin, les 6,5 milliards d’euros affectés à la Caisse de la dette publique (CDP) pour amortir la dette de l’État liée à la covid-19 contribuent également au financement des besoins de l’année.

Évolution du besoin de financement et de sa couverture

(en milliards d’euros)

 

Exécution

2019

Exécution

2020

Exécution

2021

Exécution

2022

LFI 2023

2023 (données révisées)

PLF 2024

Écart 2024 / 2023

Besoin de financement

220,5

309,5

285,2

280,0

304,9

310,3

299,7

 10,6

Amortissement de titres d’État à moyen et long termes

130,2

136,1

118,3

145,7

149,5

149,6

160,2

+ 10,6

Valeur nominale

128,9

130,5

117,5

140,8

144,5

144,5

155,5

+ 11,0

Suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

1,3

5,6

0,8

5,0

5,0

5,1

4,7

 0,4

Amortissement de dettes reprises par l’État hors SNCF Réseau

0,5

0

0,0

0,9

0,9

0,0

 0,9

Amortissement de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État

1,7

1,3

3,0

2,2

2,2

2,7

+ 0,5

Déficit à financer

92,7

178,1

170,7

151,4

164,9

172,1

144,5

 27,6

Autres besoins de financement (*)

– 2,4

– 6,9

– 5,1

– 20,2

– 12,6

– 14,5

– 7,7

+ 6,8

Ressources de financement

220,5

309,5

285,2

280,0

304,9

310,3

299,7

 10,6

Émissions à moyen et long termes nettes des rachats

200,0

260,0

260,0

260,0

270,0

270,0

285,0

+ 15,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement (amortissement de la dette liée à la covid-19)

1,9

6,6

6,6

6,5

 0,1

Variation des BTF (+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

– 6,0

+ 54,7

– 6,2

– 6,9

+ 3,3

+ 20,0

+ 7,7

 12,3

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

+ 11,5

+ 27,8

+ 18,7

+ 1,1

+ 0,0

+ 0,0

+ 0,0

+ 0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État (+ si diminution ; – sinon)

– 5,7

– 63,4

– 4,4

+ 35,2

+ 24,5

+ 27,6

+ 0,0

 27,6

Autres ressources de trésorerie (dont primes à l’émission)

+ 20,6

+ 30,4

+ 17,2

– 11,3

+ 0,5

– 13,9

+ 0,5

+ 14,4

(*) La ligne « autres besoins de financement » présente des montants négatifs car elle inclut la neutralisation de la provision annuelle pour charge d’indexation du capital des titres indexés. Cette provision est en effet inscrite en dépense dans le déficit budgétaire à financer alors qu’elle ne génère pas de besoin en trésorerie.

Source : projets annuels de performances.

Le rapporteur rappelle que le déficit présenté dans ce tableau de financement, qui contribue au niveau du besoin de financement annuel, constitue un meilleur indicateur de la situation de la dette publique que le ratio de dette rapportée au PIB. Le déficit est en effet le fait générateur principal de la progression de l’encours de dette, qui n’est qu’imparfaitement mesurée par le taux d’endettement rapporté au PIB.

● Après avoir atteint un niveau exceptionnellement élevé de 30,7 milliards d’euros en 2020, dans un contexte de taux négatifs, le montant des primes nettes des décotes est devenu négatif en 2022, pour atteindre un point historiquement bas (– 13,6 milliards d’euros). En 2023, si ce montant était anticipé à un niveau nul par la loi de finances initiale, le niveau des taux d’intérêt conduit désormais à anticiper un surplus de décotes par rapport aux primes, à hauteur de 16 milliards d’euros. Au 31 août 2023, les décotes nettes des primes à l’émission s’élevaient à 15,1 milliards d’euros.

En 2024, un montant prévisionnel de primes à l’émission égalant celui des décotes a de nouveau été retenu, compte tenu de l’incertitude sur l’évolution des taux d’intérêt en cours d’année. Cette prévision est toutefois fragile, compte tenu de la sensibilité du solde des primes et décotes aux variations des taux d’intérêt ainsi qu’aux caractéristiques des titres émis en cours d’année.

Les primes et décotes à l’émission

Les émissions de titres donnent lieu à des primes (ou décotes), lorsque le taux facial de l’obligation (ou taux de coupon) est différent du taux de marché. Ainsi, si le taux facial est supérieur au taux de marché à l’émission du titre, les souscripteurs paient à l’émission un prix d’achat supérieur à la somme qui sera remboursée à l’échéance : une prime à l’émission est alors enregistrée. Dans la situation contraire, une décote à l’émission est enregistrée.

Cette situation résulte en premier lieu de l’émission de titres sur des souches dites anciennes, porteuses de taux différents des taux de marché.

L’émission de titres à partir de souches anciennes résulte du recours, pour une partie des émissions, à la technique d’assimilation qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette à plusieurs reprises pour améliorer la liquidité de la dette en répondant aux attentes de taux et de maturité des investisseurs. D’un point de vue de coût actuariel, il est équivalent d’émettre un titre au taux du marché et d’émettre un titre à partir d’une souche ancienne à un taux différent de celui de marché avec une prime ou une décote à l’émission qui reflète le taux du marché.

En second lieu, l’existence de taux négatifs en 2020 et 2021 a conduit à l’enregistrement d’un volume élevé de primes à l’émission : l’AFT ne pouvant émettre des titres à taux négatif, il existait mécaniquement un écart entre le taux de l’émission de titres de référence (les nouvelles souches) et le taux de marché, ce qui générait des primes à l’émission.

En 2022, cette tendance s’est inversée sous l’effet de la remontée des taux d’intérêt, de sorte que les décotes à l’émission sont désormais prépondérantes par rapport aux primes.

 

Le traitement comptable des primes à l’émission

Les primes à l’émission représentent une ressource de trésorerie pour l’État, au sens de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finance. Ainsi, les primes d’émissions conduisent à des encaissements qui viennent réduire le besoin de financement de l’État et donc, toutes choses égales par ailleurs, le volume d’émission de dette publique de l’année. Ce gain initial se résorbe cependant progressivement, au fur et à mesure que les coupons versés à des taux supérieurs aux taux de marché accroissent le besoin de financement de l’État.

La charge financière en comptabilité budgétaire correspond donc aux décaissements liés aux intérêts servis, conformément au taux de coupon.

Au sens de la comptabilité générale et de la comptabilité nationale « maastrichtienne », les primes et décotes à l’émission sont en revanche amorties de façon étalée sur toute la durée de vie du titre ; la charge financière correspond dès lors au taux d’intérêt de marché issu de l’adjudication. Malgré la prépondérance des décotes à l’émission sur les primes en 2022 et en 2023, l’étalement de ces primes et décotes contribuerait encore à alléger la charge de la dette en 2023 (à hauteur de – 8,6 milliards d’euros au 25 octobre 2023) au sens de la comptabilité maastrichtienne, le stock de primes nettes à étaler demeurant positif. En 2022, cet effet de passage entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité maastrichtienne s’élevait à – 11,5 milliards d’euros.

D’après les données transmises par l’Agence France Trésor au rapporteur spécial, le stock de primes nettes des décotes restant à étaler s’établit en 2023 à environ 78 milliards d’euros, en baisse de plus de 25 milliards d’euros par rapport à 2022.

Volume et étalement des primes et décotes à l’émission

(en milliards d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (*)

Stock de primes à étaler en début de période

12,2

18,8

21,4

27,1

30,7

34,0

52,0

65,6

69,5

73,1

85,2

105,2

111,3

104,3

Primes à l’émission

9,0

5,7

9,5

8,0

8,0

24,2

21,2

12,1

12,2

21,4

30,9

18,8

6,3

0,7

Amortissement des primes

2,4

3,1

3,8

4,4

4,8

6,2

7,7

8,2

8,6

9,3

10,9

12,7

13,2

12,3 (**)

Stock de décotes à étaler en début de période

10,5

10,0

11,9

10,7

11,3

10,5

10,3

9,3

9,4

9,0

8,0

7,0

8,0

26,2

Décotes à l’émission

0,7

3,3

0,3

2,0

0,6

1,5

0,5

1,6

0,8

0,2

0,2

1,9

19,8

15,9

Amortissement des décotes

1,2

1,4

1,5

1,4

1,5

1,6

1,5

1,4

1,3

1,3

1,1

1,0

1,7

3,7 (**)

Primes nettes des décotes

8,2

2,5

9,2

6,0

7,4

22,7

20,8

10,5

11,3

21,2

30,7

16,8

 13,6

 15,1

Effet net sur la dépense annuelle mesurée en comptabilité générale

 1,2

 1,8

 2,3

 3,0

 3,2

 4,6

 6,2

 6,8

 7,3

 8,0

 9,8

 11,8

 11,5

 8,6 (**)

(*) au 31 août 2023.

(**) au 25 octobre 2023.

Source : commission des finances d’après les données de l’AFT.

B.   Une charge de la dette qui demeure exceptionnellement élevée

Le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État comporte deux actions : l’action 01 Dette qui porte les moyens alloués au remboursement de la dette négociable de l’État et l’action 03 Trésorerie qui centralise la quasi-totalité des trésoreries des entités publiques sur un compte unique du Trésor, géré par l’AFT de façon active.

1.   Une réévaluation à la hausse de la charge de la dette pour 2023

En 2024, la charge de la dette de l’État portée par le programme 117 s’élèverait à 50,9 milliards d’euros, en hausse de 906 millions d’euros par rapport à la prévision initiale de 2023 (+ 1,8 %). Par rapport à la prévision actualisée pour 2023, la charge de la dette connaîtrait cependant une baisse de 3,8 milliards d’euros (– 7 %).

En effet, le projet de loi de finances pour 2024 réévalue la charge de la dette au titre de 2023 à 54,71 milliards d’euros, contre 49,96 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale (soit + 4,75 milliards d’euros), pour tenir compte d’une hausse des taux de court terme et d’une inflation plus importante qu’anticipée en loi de finances initiale. Cette réévaluation, à hauteur de 9,5 %, devrait donner lieu à l’ouverture de crédits correspondants en loi de finances de fin de gestion.

Évolution de la charge de la dette de l’État

(en milliards d’euros, en crédits de paiement)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

La charge budgétaire de la dette augmenterait de 5,2 milliards d’euros entre 2022 et la prévision révisée de 2023. Cette hausse s’explique essentiellement par un effet taux (+ 3 milliards d’euros) dont l’impact, concentré sur la dette de court terme (+ 4,3 milliards d’euros), est partiellement compensé en ce qui concerne la dette de moyen et long termes (– 1,3 milliard d’euros), ainsi que par un effet volume lié à l’augmentation de l’encours de dette négociable (+ 2 milliards d’euros). La diminution de l’inflation en France et en zone euro ne contribuerait pour sa part à modérer la hausse de la charge de la dette qu’à hauteur de – 0,1 milliard d’euros. Le solde de la variation s’expliquerait par des effets calendaires (+0,3 milliard d’euros).

L’augmentation de la charge de la dette entre la prévision révisée pour 2023 et 2024 (– 3,8 milliards d’euros) s’expliquerait par les facteurs suivants :

– un effet volume de + 3,3 milliards d’euros ;

– un effet taux de – 0,2 milliard d’euros résultant de la hausse des taux de court terme (+ 0,5 milliard d’euros), compensée en ce qui concerne la dette de moyen et long termes (– 0,8 milliard d’euros) par l’écart entre le taux moyen des titres amortis en 2024 (2,7 %, contre 1,7 % en 2023) et celui des titres émis en 2023 et portant coupon plein à partir de 2024 (2,1 %, contre 0,7 % l’année précédente) ;

– un effet inflation de – 7,2 milliards d’euros en raison du reflux attendu de l’inflation, bien que le rapporteur spécial s’interroge sur la fiabilité de cette prévision. Ce reflux n’efface par ailleurs pas l’intégralité de l’effet positif de l’inflation constaté en 2022 (+ 11,9 milliards d’euros) ;

– et la variation de la charge de la dette due à des effets calendaires (+ 0,4 milliard d’euros) ([7]).

La part des dépenses de charge de la dette et de la trésorerie dans le budget de l’État progresserait en 2024 pour atteindre 11,7 %, soit un niveau proche de celui de 2019. Cette évolution doit être lue au regard du niveau de dépenses exceptionnel constaté depuis 2020 sur le périmètre du budget général pour faire face à la crise sanitaire puis à la crise énergétique et à l’inflation. Ces dépenses exceptionnelles sont désormais en décrue.

Part de la charge de la dette et de la trésorerie
dans le budget gÉnÉral de l’État

(en pourcentage des crédits de paiement, hors mission Remboursements et dégrèvements)

Source : commission des finances, d’après les lois de règlement et le présent projet de loi de finances.

Au total, les dépenses du programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État auraient un impact sur le solde public comparable aux crédits budgétaires alloués à la mission Défense (47,2 milliards d’euros hors contribution au compte d’affectation spéciale Pensions).

2.   Un encours de dette indexée sur l’inflation porteur d’une charge de la dette toujours élevée en 2024, bien qu’en décrue

L’inflation a un impact direct sur la charge de la dette française en raison de l’existence d’un encours de dette de moyen et long termes indexé sur l’inflation française et européenne. Depuis 1998, l’Agence France Trésor (AFT) émet en effet des obligations indexées sur l’inflation, c’est-à-dire des titres de dette dont le principal, qui doit être remboursé à l’échéance, augmente chaque année avec l’inflation constatée.

Ainsi, depuis 2009, la cible d’émission de titres de dette de moyen et long termes indexés sur l’inflation est d’environ 10 % du programme de financement annuel de l’AFT. La valeur des émissions effectivement réalisées varie cependant en fonction de la demande exprimée par les investisseurs.

En 2022, cette proportion s’élevait à près de 10 % après un point bas en 2020 (7,7 %) dû à l’augmentation des volumes émis en obligations assimilables du Trésor (OAT) nominales et à une demande moins dynamique dans un environnement de taux réels très faibles. La hausse significative des anticipations d’inflation en 2021 et 2022 a entraîné une augmentation de la demande sur ce marché qui a conduit à une hausse des émissions de titres indexés. Au 5 octobre 2023, selon l’AFT, les émissions de titres indexés de l’année comptaient pour 6,3 % du programme de financement total de 270 milliards d’euros, cette part devant continuer à progresser jusqu’à la fin de l’année sous l’effet des nouvelles émissions.

Conformément au programme de financement publié le 7 décembre 2022, deux nouvelles souches de dette indexée ont été créées en 2023 :

– une OAT indexée sur l’inflation française (OATi) de taux 0,55 % et de maturité 1er mars 2039 (3 milliards d’euros servis par syndication le 7 juin 2023) ;

– une OAT indexée sur l’inflation européenne (OAT€i) de taux 0,6 % et de maturité 25 juillet 2034 (2,8 milliards d’euros émis par adjudication le 20 juillet 2023).

Proportion des OAT indexées dans les émissions nettes
de moyen et long termes

(en pourcentage)

Note : Les données présentées pour 2023, arrêtées au 5 octobre, sont rapportées à l’ensemble du programme d’émissions de moyen et long termes de l’année, soit 270 milliards. La proportion d’OAT indexées dans les émissions de moyen et long termes devrait donc s’établir à un niveau plus élevé en fin d’année.

Source : AFT.

À la fin du mois d’août 2023, l’encours de dette indexé sur l’inflation représentait environ 264 milliards d’euros, soit près de 12 % de l’encours de dette de moyen et long termes de l’État. Les trois quarts de cette fraction d’encours sont composés d’OAT indexées sur l’inflation européenne (OAT€i) ; un quart est indexé sur l’inflation française (OATi) ([8]).

La diminution de la proportion des OATi dans l’encours indexé entre le 31 décembre 2022 et le 31 août 2023 (de 30 % à 24 % du total) s’explique principalement par l’arrivée à échéance de l’OATi de taux 2,10 % le 25 juillet 2023, qui a donné lieu au remboursement de 22,4 milliards d’euros aux investisseurs. Une OAT€i de taux 0,25 % arrivera à échéance le 25 juillet 2024, pour un montant de 21,9 milliards d’euros, ce qui permet d’anticiper une remontée du ratio entre les OATi et les OAT€i au second semestre 2024.

Encours de dette indexé sur l’inflation

 

Au 31 décembre 2022

Au 31 août 2023

 

En milliards d’euros

En % de la dette de moyen et long termes

En milliards d’euros

En % de la dette de moyen et long termes

Encours total de la dette négociable

2 278

 

2 410

 

Encours de dette de moyen et long termes

2 129

 

2 243

 

Dont titres indexés

262

12,3 %

264

11,7 %

sur l’inflation française

79

3,7 %

64

2,8 %

Sur l’inflation européenne

184

8,6 %

200

8,9 %

Note : montants arrondis à l’unité supérieure.

Source : AFT.

Les obligations indexées sur l’inflation répondent à une demande des investisseurs qui souhaitent se protéger contre le risque d’inflation et maintenir le pouvoir d’achat de leurs investissements ou diversifier la composition de leur portefeuille. Les OAT indexées sur l’inflation sont proportionnellement plus recherchées par les investisseurs nationaux, notamment celles qui sont indexées sur l’inflation française (détenues à 78 % par les investisseurs français). Cela s’explique notamment par le besoin de couverture des engagements d’épargne réglementée (livret A), dont le taux est lié à l’inflation, au moyen de produits indexés sur l’inflation française.

Le Royaume-Uni figure parmi les premiers pays à avoir émis des titres de dette indexée, en 1981. Le pays dispose aujourd’hui de la part la plus importante de dette indexée sur l’inflation (environ 25 %) en raison de la forte activité du secteur des fonds de pension, ceux-ci cherchant à protéger la valeur des pensions contre le risque d’inflation. Malgré une réduction des émissions de titres indexés menée dès 2018 au Royaume-Uni afin de réduire la sensibilité de la charge de la dette à l’inflation, la part de l’encours indexé s’est maintenue autour de 25 % sous l’effet de l’indexation du capital en période d’inflation soutenue et notamment en 2022.

La part de titres indexés dans la dette des autres pays voisins de la France s’explique par la date de démarrage des différents programmes, l’existence de programmes d’épargne indexés sur l’inflation à destination des particuliers et par le volume des dettes concernées (plus le volume de dette est important, plus le besoin de diversification des produits est fort).

Part de la dette indexée dans l’encours de dette de moyen et long termes

(en pourcentage)

Note : la part de la dette indexée inclut le supplément d’indexation. Données au 16 août 2023.

Source : AFT et Bloomberg.

Afin de retracer la charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l’indexation des obligations – le coût supplémentaire lié à l’inflation étant en réalité payé au moment du remboursement du titre –, il a été décidé qu’une provision pour inflation serait inscrite chaque année en loi de finances ([9]), par exception au principe de comptabilité de caisse de la comptabilité budgétaire.

Entre 1998 et 2021, la provision annuelle pour charge d’indexation des titres avait atteint au maximum 4,6 milliards d’euros, au cours de l’exercice 2008. Sous l’effet d’une inflation plus faible qu’anticipé, les gains cumulés pour le budget de l’État du programme de dette indexée s’élevaient selon le Gouvernement à près de 15 milliards d’euros à la fin de l’année 2021. Toutefois, les provisions très élevées enregistrées en 2022 (15,5 milliards d’euros) et prévue en 2023 (15,8 milliards d’euros selon les données révisées présentées en projet de loi de finances pour 2024), à la suite du choc d’inflation lié notamment à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont dégradé le bilan financier pour l’État de l’indexation d’une partie de sa dette. À la fin de l’année 2023, la dette indexée aurait engendré des pertes cumulées de près de 10 milliards d’euros pour le budget de l’État depuis 1998.

En 2024, ce bilan continuerait de se dégrader sous l’effet d’une provision en baisse (– 7,1 milliards d’euros par rapport à la provision 2023), mais toujours élevée (8,7 milliards d’euros). Selon les prévisions du Gouvernement, la provision pour charge d’indexation se stabiliserait à 6,1 milliards d’euros en 2025 et en 2026, à un niveau bien supérieur à celui constaté jusqu’en 2021.

Bilan budgétaire du programme d’émissions indexées depuis sa création

(en milliards d’euros)

Source : rapport sur la dette des administrations publiques 2024.

Avec cette provision, la charge de la dette indexée se comporte en principe de manière contracyclique : elle augmente quand l’inflation et les rentrées fiscales augmentent ; au contraire, elle diminue en période de ralentissement de l’inflation ou de récession, comme par exemple en 2020.

Le rapporteur spécial rappelle cependant que cette provision pour inflation pèse sur le déficit budgétaire en période de forte inflation et réduit d’autant les marges de manœuvre pour financer d’autres politiques publiques et notamment les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages – lesquelles ont représenté des montants de dépense très importants depuis 2020.

Son inquiétude est d’autant plus forte que les trois quarts des titres indexés le sont sur l’inflation européenne, dont le niveau s’est avéré bien supérieur à l’inflation française en 2022 et sur laquelle le Gouvernement n’a pas de moyen d’action. Les recettes engrangées par l’inflation française ne couvrent donc pas le dérapage de la charge de la dette qui augmente majoritairement en lien avec l’inflation européenne, bien supérieure.

évolution du glissement annuel de l’inflation
en France et en zone euro (janvier 2007 – août 2023)

(données mensuelles en pourcentage d’évolution)

Source : commission des finances d’après Insee, Eurostat et AFT.

Les modalités de calcul de la provision pour charge d’indexation

Contrairement à la comptabilité générale, pour laquelle la charge de la dette indexée est appréciée au regard du niveau d’inflation en fin d’exercice, c’est le glissement annuel d’inflation de la période précédant la date de paiement des coupons – soit le 1er mars ou, plus fréquemment, le 25 juillet – qui est retenu comme référence en comptabilité budgétaire. Ces modalités de calcul résultent de l’article 125 de la loi n° 99‑1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

Dans le cas des OAT indexées ayant une échéance au 1er mars, la référence d’inflation prise en compte correspond au glissement annuel au 31 décembre précédent. Dans le cas d’une OAT indexée d’échéance 25 juillet, il s’agit du glissement annuel constaté à la fin du mois de mai précédent.

Le budget pour 2024 présenté par le Gouvernement repose, selon le rapporteur spécial, sur des hypothèses macroéconomiques optimistes : un ralentissement de l’inflation (2,5 % en 2024 puis 2 % en 2025 en France pour l’indice des prix à la consommation hors tabac) permettrait une stabilisation des taux d’intérêt à 3,5 % à la fin de 2024 ; la croissance atteindrait 1,4 % en 2024 (le Haut Conseil des finances publiques ayant relevé que cette prévision est supérieure au consensus des économistes qui s’élève à 0,8 % ([10])). Alors que le Gouvernement reconnaît lui-même le caractère incertain de la réalisation de ces hypothèses, le rapporteur spécial considère qu’il serait intéressant que soient présentés dans les documents annexés au budget de chaque année plusieurs scenarii alternatifs à celui retenu, et les ajustements budgétaires et fiscaux opérés en cours d’année en cas de réalisation de ces scenarii alternatifs.

3.   La poursuite de la hausse des taux d’intérêt dans le contexte de resserrement des politiques monétaires

En plus de son impact immédiat sur la provision pour indexation, l’inflation a également un effet indirect sur la charge de la dette en entraînant une hausse des taux d’intérêt de marché. En effet, si les taux d’intérêt se sont établis à des niveaux historiquement bas en 2020 et 2021, le retour de l’inflation à partir du second semestre 2021 et son accélération en 2022 ont conduit la Banque centrale européenne (BCE) à normaliser sa politique monétaire.

La BCE a ainsi mis fin à son programme d’achats d’actifs à compter du 1er juillet 2022. Elle a également procédé au relèvement de ses taux directeurs en 2022 (+ 250 points de base au total) et en 2023 (+ 200 points de base entre le début de l’année la fin du mois de septembre). À la fin du mois de septembre 2023, ses taux de dépôt, de refinancement et celui de la facilité de prêt marginal s’élevaient à 4 %, 4,5 % et 4,75 %, soit des niveaux inédits depuis la création de l’euro.

Dans un contexte d’inflation anticipée en décrue en 2024, le Gouvernement prévoit, dans le cadre de son scénario macroéconomique, que les politiques monétaires et les taux d’intérêt retrouveraient une certaine stabilité. Le taux des obligations souveraines à 10 ans est attendu à 3,4 % à la fin de l’année 2023 et à 3,5 % à la fin de l’année 2024. S’agissant des taux d’intérêt à court terme, celui des BTF à 3 mois atteindrait un pic à la fin de l’année 2023 (3,9 %) avant de retomber à 3,5 % en 2024.

Le rapporteur spécial rappelle que cette prévision demeure soumise à d’importants aléas. Si le pic d’inflation de 2022 semble avoir pris fin au printemps 2023, le glissement annuel de la hausse du niveau des prix se maintient depuis à un niveau élevé. L’issue de ce choc demeure donc incertaine, d’autant plus que les périodes de crise peuvent conduire à une modification rapide des comportements et réduire la qualité des méthodes statistiques de prévision. À moyen terme, la stabilisation de l’inflation autour de 2 % pourrait aussi être remise en cause par une plus forte volatilité due aux conséquences de la transition écologique, mais également par un contexte international qui se tend.

Le rapporteur spécial estime qu’une inflation élevée persistante remettrait en cause le scénario de taux du Gouvernement, ce qui aurait un impact négatif sur la demande et la croissance et conduirait à un alourdissement de la charge de la dette en cours d’année.

Évolution d e la moyenne annuelle des taux à l’émission des titres de dette

(en pourcentage)

Note : les données pour 2023 et 2024 constituent des prévisions de niveau en fin d’année et non en moyenne annuelle.

Source : commission des finances d’après le projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

En tout état de cause, l’attrait pour la dette française se maintient du fait de la liquidité de ses souches et de la qualité de sa signature.

Contrairement à la provision pour inflation des titres indexés, qui réagit immédiatement au niveau de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt a un effet graduel sur la charge de la dette en raison du refinancement progressif de la dette, dont la maturité moyenne est proche de 8 ans et demi. Cet effet « taux » est cependant beaucoup plus fort que celui de l’inflation en raison de l’importance du stock concerné. Ainsi, une augmentation durable de 1 % des taux d’intérêt sur toutes les maturités aurait un impact de 2,6 milliards d’euros la première année, de 6,6 milliards d’euros la deuxième année, de 17,2 milliards d’euros la cinquième année et de 32,6 milliards d’euros la dixième année tandis qu’une accélération de l’inflation à hauteur de 1 % induit une variation fixe de la charge de la dette d’environ 2,6 milliards d’euros chaque année.

Le graphique ci-dessous présente l’effet d’une telle augmentation durable de 1 % des taux d’intérêt, conjugué à celui d’une hausse de 0,5 % de l’inflation.

Impact d’un choc de taux de 1 % simultané à un choc d’inflation de 0,5 %
sur la charge de la dette négociable de l’État

(en milliards d’euros)

Note : le graphique présente l’impact sur la charge de la dette de l’État en comptabilité nationale. Cette charge tient donc compte de l’ensemble des flux de paiements associés aux émissions de dette, en répartissant uniformément la dépense d’intérêt sur la durée de vie d’un titre. Elle agrège ainsi les intérêts courus et l’étalement des primes et décotes à l’émission.

Source : documents budgétaires.

C.   La charge budgétaire liée à la gestion de la trésorerie de l’État se maintient à un niveau peu élevé

Aux termes de l’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la Banque de France a l’interdiction d’accorder des avances à l’État. L’AFT s’assure donc que le compte unique du Trésor à la Banque de France présente chaque soir un solde créditeur. Elle mène par ailleurs une politique active de gestion de la trésorerie, en plaçant les excédents journaliers auprès de contreparties bancaires. Ces opérations sont réalisées sous forme de dépôts ou de prises en pension de titres d’État.

Le solde de la trésorerie correspond à la différence entre la rémunération reçue au titre des placements et celle versée pour certains fonds déposés au Trésor. En raison de la rémunération des fonds non consommables destinés au financement des investissements d’avenir, la trésorerie est porteuse depuis plusieurs années d’une charge budgétaire structurelle.

Le projet de loi de finances pour 2024 présente une révision technique du solde de la trésorerie pour 2023. Anticipé comme déficitaire à hauteur de 868 millions d’euros par la loi de finances initiale, ce solde serait finalement excédentaire de 57 millions d’euros en raison d’une évolution de la politique de rémunération des disponibilités ([11]) en cours d’année.

En 2024, la rémunération au titre des fonds non consommables s’élèverait à 752 millions d’euros, ce qui représente environ 147 % du coût budgétaire prévisionnel de la trésorerie de l’État, évalué à 512 millions d’euros. Le solde de la trésorerie se dégraderait donc par rapport aux prévisions révisées pour 2023 sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt.

Impact budgétaire de la gestion de la trésorerie de l’État

(en millions d’euros)

Exercices

2017

2018

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

2023 révisé

PLF 2024

Trésorerie (charge nette)

1 046

1 068

1 161

1 460

1 481

1 227

868

 57

512

Rémunération des fonds non consommables déposés au Trésor (*)

750

752

752

754

751

752

751

752

752

Dépôts des correspondants (rémunérations versées)

126

128

177

183

163

180

187

374

471

Pensions, placements et trésorerie (dépenses – recettes)

171

188

232

523

568

295

– 70

– 1 183

– 711

(*) fonds destinés au financement des investissements d’avenir.

Source : projets annuels de performances.

II.   Le programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État

Principaux éléments du programme 355

La charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État s’élèverait à 807 millions d’euros en 2024, en baisse de 93 millions d’euros par rapport à la prévision pour 2023.

Au total, 26,9 milliards d’euros resteraient à amortir au début de l’année 2024, sur un encours initial repris de 35 milliards d’euros.

Afin d’accompagner la réforme du système ferroviaire ([12]), l’État s’était engagé en 2018 à reprendre 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau, sur un encours total de 48,2 milliards d’euros à la fin de cette même année. Un montant de 25 milliards d’euros a ainsi été repris en 2020 ([13]), complété en loi de finances initiale pour 2022 par la reprise de 10 milliards d’euros supplémentaires ([14]).

Cette reprise par l’État de la plus grande part de l’encours de dette de SNCF Réseau visait à redonner des marges de manœuvre financières au gestionnaire d’infrastructure, chargé d’assurer la maintenance du réseau ferroviaire. En contrepartie, SNCF Réseau s’est engagée, dans le cadre de son contrat de performance avec l’État pour la période 2021‑2030, à dégager un flux de trésorerie à l’équilibre ou positif à partir de 2024 et la « règle d’or » applicable à ses investissements a été renforcée ([15]).

Le programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État assure le paiement de la charge de cette dette. Le remboursement du principal est quant à lui considéré, d’un point de vue budgétaire, comme une opération de trésorerie ([16]) qui ne requiert pas d’ouverture de crédits.

En 2024, le coût pour l’État de la dette reprise à SNCF Réseau est estimé à 807 millions d’euros, en baisse de 93 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 (– 10 %). Il comprend 777 millions d’euros correspondant à des intérêts servis au titre d’emprunts à taux fixes, 21 millions d’euros au titre des emprunts à taux variable et 9 millions d’euros d’intérêt servis pour des emprunts indexés sur l’inflation.

Ces deux dernières catégories d’emprunts constituent une part relativement faible du montant total de la dette reprise (5,2 % du capital restant à amortir au début de l’année 2024), de sorte que l’évolution de leur coût est susceptible de varier fortement en fonction des caractéristiques des titres arrivant à échéance en cours d’année. Toutefois, le rapporteur général note que l’évolution de ce coût suit les tendances constatées pour l’ensemble de la dette de l’État. D’une part, le coût des emprunts indexés, estimé à 31 millions d’euros en 2023, diminuerait sensiblement en 2024 sous l’effet de l’amortissement en 2023 d’un titre arrivé à échéance et dans un contexte de ralentissement de l’inflation. D’autre part, celui des emprunts à taux variable connaîtrait en 2024 une hausse de près d’un quart par rapport à l’estimation initiale pour 2023, consécutivement à la hausse des taux d’intérêt.

Les taux d’intérêt moyens des titres repris par l’État anticipés pour le début de l’année 2024 s’élèvent selon le projet annuel de performances à 3,1 % pour les emprunts à taux fixe, 1,9 % pour les emprunts indexés sur l’inflation et 2,7 % pour les emprunts à taux variables.

Évolution de la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État

(en milliards d’euros et en AE = CP)

Source : commission des finances d’après la documentation budgétaire.

Un peu plus de 8 milliards d’euros auront été amortis à la fin de l’année 2023. Les remboursements de principal prévus pour 2024 s’élèvent à 2,7 milliards d’euros. À la fin de l’année 2024, il resterait donc environ 24 milliards d’euros de dette de SNCF réseau reprise par l’État à amortir.

Évolution de l’encours de dette de SNCF Réseau
reprise par l’État restant à amortir

(en milliards d’euros)

Encours en début d’année

2020

2021

2022

2023

2024

Dette de SNCF Réseau reprise par l’État

25,0

23,3

22,0

29,1

26,9

Emprunts à taux fixes

22,8

21,1

20,4

26,9

25,6

Emprunts à taux variables

1,2

1,2

0,7

0,8

0,8

Emprunts indexés sur l’inflation

1,0

1,0

1,0

1,4

0,6

Amortissement du capital en cours d’année

1,7

1,3

2,9

2,2

2,7

Amortissement cumulé en fin d’année

1,7

3,0

5,9

8,1

10,8

Note : effets d’arrondis à la centaine de million d’euros la plus proche.

Source : commission des finances d’après la documentation budgétaire.

III.   Le programme 369 Amortissement de la dette liée à la covid19

Principaux éléments du programme 369

Créé par la loi de finances pour 2022, le programme 369 a été doté dès l’origine d’un montant d’autorisations d’engagement correspondant à la totalité des 165 milliards d’euros de dette liée à la covid-19 qu’il doit amortir.

Ce programme est doté en 2024 de 6,5 milliards d’euros de crédits destinés à rembourser une partie de cette dette.

Cette dotation s’établirait à 8,7 milliards d’euros en 2025 et 9 milliards d’euros en 2026.

Le programme 369, consacré à l’amortissement de la dette liée à la covid‑19, est doté en 2024 de 6,5 milliards d’euros de crédits de paiement, soit 112 millions d’euros de moins qu’en 2023.

Pour rappel, les 165 milliards d’euros de dette considérés comme directement liés à la crise sanitaire de 2020 et 2021 ont été entièrement inscrits en autorisations d’engagement en 2022 tandis que le décaissement des crédits de paiement se fait chaque année selon une trajectoire qui permettrait d’amortir l’ensemble de cette dette entre 2022 et 2042.

Ainsi, une part de 5,9 % du surcroît de recettes fiscales nettes dégagées chaque année au-delà de leur niveau de 2020 est consacrée à l’amortissement de cette dette. Cette fraction est ajustée annuellement, à la hausse ou à la baisse, selon que la croissance du PIB est plus ou moins élevée par rapport aux prévisions, afin de respecter l’horizon de remboursement.

Le Gouvernement prévoit de consacrer 8,7 milliards d’euros en 2025 et 9 milliards d’euros en 2026 à ce désendettement. À la fin de l’exercice 2026, il resterait donc plus de 132 milliards d’euros à amortir, ce qui implique des décaissements élevés sur la période 20272042, supérieurs en moyenne à 8 milliards d’euros par an.

Trajectoire d’amortissement de la dette liée à la covid-19

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

Source : commission des finances d’après la documentation budgétaire.

Ces crédits de paiement sont attribués, sous forme de dotation en fonds propres, à la Caisse de la dette publique (CDP), qui est chargée du rachat de la dette « covid » lors d’échéances significatives de remboursement de dette par l’AFT. Concrètement, le programme budgétaire abonde le compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État, à partir duquel est réalisé le versement à la Caisse de la dette publique (programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État). Ainsi, sont inscrits sur le CAS Participations financières de l’État une recette et un montant de crédits égaux au montant des crédits ouverts sur le programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19.

Le rapporteur spécial rappelle, d’une part, que l’isolement d’une partie de la dette française pour l’amortir n’a d’effet ni sur l’ensemble du stock de dette ni sur les conditions de son financement. En effet, l’amortissement de cette dette, réalisé pour partie sur les titres de dette arrivant à échéance au cours de l’année, est financé par l’émission de dette nouvelle. Ce programme ne répond donc qu’à un objectif d’affichage de sérieux budgétaire du Gouvernement sans garantir l’absence de dérapage du déficit public.

D’autre part, le rapporteur spécial regrette le manque de lisibilité des flux financiers liés à l’amortissement de la dette liée à la covid19 entre la mission Engagements financiers de l’État et le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.


IV.   La contribution du programme 114 Appels en garantie de l’État au soutien des entreprises face à la crise

Principaux éléments du programme 114

En 2024, les crédits du programme connaîtraient une baisse de 26 % par rapport à la loi de finances pour 2023 et s’élèveraient à 1,9 milliard d’euros. La dotation allouée au programme diminuerait de nouveau les années suivantes pour s’établir à 1,3 milliard d’euros en 2025 et 0,8 milliard d’euros en 2026.

Pour mémoire, en 2022, le programme avait fait l’objet d’ouvertures à hauteur de 3,5 milliards d’euros en loi de finances initiale, mais seul 1,5 milliard d’euros avait effectivement été consommé.

Les variations des crédits du programme sont principalement liées à la dotation allouée aux appels en garantie au titre des prêts garantis par l’État (PGE).

Le programme 114 Appels en garantie de l’État porte les crédits budgétaires évaluatifs qui découlent de la mise en jeu de garanties octroyées par l’État. Les garanties sont des dispositifs d’engagements hors bilan, qui exposent l’État à un risque financier à plus ou moins long terme. Celles-ci prennent plusieurs formes, telles que les garanties de passifs, les opérations d’assurance, ou les garanties d’achèvement.

Les crédits alloués au programme 114 diminueraient de 26 % par rapport à la loi de finances pour 2023, pour s’établir à 1,9 milliard d’euros en 2024, principalement sous l’effet de moindres décaissements au titre des appels en garantie sur les prêts garantis par l’État (PGE).

Répartition des crédits du programme 114 Appels en garantie de l’État

(en millions d’euros et en AE = CP)

Intitulé de l’action

LFI 2023

PLF 2024

Écart 2024 / 2023

Action 01 Agriculture et environnement

0,1

0,1

0,0

Action 02 Soutien au domaine social, logement, santé

39,7

34,5

– 5,2

Action 03 Financement des entreprises et industrie

2 006,2

1 563,1

– 443,1

Action 04 Développement international de l’économie française

121,5

111,5

– 10,0

Action 05 Autres garanties

415,2

193,2

– 222,0

Total

2 582,7

1 902,4

 680,3

Source : projet annuel de performances.

A.   Le dispositif des prÊts garantis par l’État porte les trois quarts de la dÉpense du programme prÉvue en 2024

Mis en place par l’article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, les PGE sont des prêts de trésorerie octroyés par les établissements de crédit qui bénéficient d’une garantie de l’État jusqu’à 90 % du montant du prêt. Le dispositif a été ouvert à toutes les entreprises jusqu’au 30 juin 2022. Le prêt peut représenter jusqu’à trois mois du chiffre d’affaires de 2019, ou deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019.

Aucun remboursement n’était exigé la première année et, dans le cas où l’entreprise en fait la demande à sa banque, seuls les intérêts sont payés la deuxième année. L’entreprise pouvait choisir d’amortir le prêt sur une durée maximale de cinq ans à l’issue de la première année, pour une durée totale du prêt de six ans maximum, hors les cas de restructurations de PGE décidées dans le cadre de procédures judiciaires.

Les appels en garantie au titre des PGE comptent pour un peu plus des trois quarts de la dépense anticipée du programme pour l’année 2024 et s’élèveraient ainsi à 1,44 milliard d’euros.

Une nouvelle forme de PGE, dite « PGE Résilience », a été mise en place en avril 2022 afin de soutenir les entreprises ayant un besoin significatif de trésorerie en raison des conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ce dispositif s’applique jusqu’au 31 décembre 2023 ([17]). Le prêt peut représenter jusqu’à 15 % du chiffre d’affaires annuel moyen au cours des trois dernières années.

1.   Les caractéristiques des PGE accordés

D’après les données présentées par le projet annuel de performances, au 30 avril 2023, l’encours des PGE accordés était de 144,3 milliards d’euros et le nombre d’entreprises bénéficiaires s’établissait à 685 881.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, plus de 84 % des prêts et près de 86 % de leur montant ont été accordés dès l’année 2020. Ces parts s’élevaient à 97 % et 96 % environ en 2021. Seuls 3 % des PGE ont été accordés en 2022 et environ 0,1 % l’ont été entre le début de l’année et le mois de juin 2023.

Les PGE « Résilience » représentent une part très minoritaire du total des prêts accordés. Fin juin 2023, leur nombre s’élevait à 3 137, pour un montant de 1,35 milliard d’euros.

Les entreprises bénéficiaires des PGE sont majoritairement des très petites entreprises : celles-ci représentent 80,4 % des bénéficiaires et 27,3 % de l’encours total des PGE au 30 avril 2023.

Répartition des souscriptions de PGE
par taille d’entreprises au 30 avril 2023

 

Nombre de bénéficiaires

Montants accordés
(en milliards d’euros)

Nombre

Part dans le total (%)

Encours

Part dans le total (%)

Grandes entreprises

59

0,0

16,2

11,2

Entreprises de taille intermédiaire

1 574

0,2

19,4

13,5

Petites et moyennes entreprises

102 122

14,9

68,0

47,1

Très petites entreprises

551 622

80,4

39,5

27,3

Autres

30 504

4,4

1,2

0,9

Total

685 881

 

144,3

 

Source : projet annuel de performances.

Les secteurs les plus concernés en nombre de bénéficiaires sont les suivants : commerce de réparation d’automobiles et de motocycles (22 %), hébergement et restauration (14 %) et construction (13 %).

Le classement est différent lorsque l’on compare l’encours de PGE : le secteur du commerce de réparation d’automobiles et de motocycles (23 %) est toujours le plus concerné mais il est ensuite suivi du secteur des activités financières et d’assurance (18 %) et de l’industrie manufacturière (13 %).

Répartition des souscriptions de PGE par secteur d’activité au 30 avril 2023

 

Nombre de bénéficiaires

Montants accordés
(en milliards d’euros)

Nombre

Part dans le total (%)

Encours

Part dans le total (%)

Agriculture, sylviculture et pêche

24 557

3,6

1,9

1,3

Industries extractives

266

0,0

0,2

0,1

Industrie manufacturière

48 867

7,1

18,6

12,9

Production et distribution d’électricité, gaz vapeur, air conditionné

231

0,0

0,2

0,1

Production et distribution d’eau, assainissement, gestions des déchets, dépollution

1 414

0,2

0,5

0,4

Construction

89 586

13,1

12,2

8,4

Commerce de réparation d’automobiles et de motocycles

150 902

22,0

32,8

22,8

Transports et entreposage

22 687

3,3

5,4

3,7

Hébergement et restauration

98 383

14,3

10,5

7,3

Information et communication

17 519

2,6

4,8

3,4

Activités financières et d’assurance

11 236

1,6

25,9

18,0

Activités immobilières

16 285

2,4

1,8

1,2

Activités spécialisées scientifiques et techniques

65 365

9,5

15,8

11,0

Activités de services administratifs et de soutien

24 895

3,6

5,3

3,7

Administration publique

29

0,0

0,0

0,0

Enseignement

12 949

1,9

1,2

0,8

Santé humaine et action sociale

47 606

6,9

3,3

2,3

Arts, spectacles et activités récréatives

14 145

2,1

2,5

1,7

Activités des ménages en tant qu’employeurs

38 836

5,7

1,5

1,0

Autres activités de services

4

0,0

0,0

0,0

Activités extraterritoriales

2

0,0

0,0

0,0

APE non renseigné

117

0,0

0,0

0,0

Total

685 881

 

144,3

 

Source : projet annuel de performances.

Le rapport du comité Cœuré de juillet 2021 ([18]) et le rapport de la Cour des comptes sur les prêts garantis par l’État ([19]), publié en juillet 2022, ont dressé le bilan de l’utilisation de ces prêts à partir des enquêtes réalisées par la Banque de France :

– les caractéristiques du PGE français ont été plus favorables que les dispositifs équivalents proposés par nos voisins européens, grâce à un taux d’intérêt particulièrement bas ;

– le dispositif a été déployé de façon efficace et particulièrement rapide sur l’ensemble du territoire, grâce à sa distribution par un réseau bancaire solide et la mise en place d’un processus fluide de demande en ligne d’attestation de garantie auprès de Bpifrance ;

– le PGE a permis aux entreprises de faire face à leurs besoins de liquidité immédiats et de sécuriser leur niveau de trésorerie dans un contexte macroéconomique incertain. Certaines entreprises ont utilisé le PGE pour réaliser des investissements lorsque les perspectives se sont améliorées ;

– le taux de refus des PGE s’est avéré très faible (environ 3 %) alors que le taux de refus habituel du crédit bancaire se situe plutôt autour de 7 %.

2.   Une prévision budgétaire des risques associés aux PGE qui s’affine mais demeure soumise à des aléas importants

Dans son rapport précité, la Cour des comptes considère que le coût net des PGE pour l’État devrait rester contenu, à hauteur de 3 milliards d’euros. Elle relève notamment que la part des entreprises « zombies » ([20]) parmi les bénéficiaires serait limitée à moins de 2,5 %.

Le taux de perte brute ([21]) pour l’État par rapport aux montants octroyés et sur l’ensemble de la durée de vie des PGE, d’abord évalué à 5,3 % en 2020 et 2021, s’établirait finalement à 4,44 % d’après les dernières prévisions disponibles.

Entre 2020 et 2022, les décaissements constatés sur le programme 114 se sont en effet avérés plutôt rassurants, s’élevant au total à 1,57 milliard d’euros, dont 1,37 milliard d’euros pour la seule année 2022. Au 31 août 2023, le montant des appels en garantie observé depuis le début de l’année s’élevait à 1,1 milliard d’euros, de sorte qu’il pourrait atteindre en fin d’année un niveau proche de la prévision de la loi de finances initiale (1,9 milliard d’euros). Le programme romprait ainsi avec deux années de sous-consommation importante, liée à une difficulté à anticiper le montant effectif des appels en garantie.

Compte tenu de la trajectoire de remboursement des PGE, d’ici 2028, le Gouvernement prévoit que le pic des appels en garantie aura été atteint en 2023. Il anticipe donc une diminution des appels en garantie dès 2024, qui se poursuivrait les années suivantes. Les crédits du programme 114 passeraient ainsi de 2,6 milliards d’euros en 2023 à 1,9 milliard d’euros en 2024, 1,3 milliard d’euros en 2025 et 0,8 milliard d’euros en 2026.

Au regard de la convergence observée en 2023 entre la prévision de la loi de finances initiale et le niveau effectif des dépenses au titre des appels en garantie, le rapporteur spécial considère que le coût des PGE pour l’État en 2024 devra faire l’objet d’un suivi particulièrement attentif, d’autant plus qu’il demeurera sensible à l’évolution des perspectives macroéconomiques.

B.   Les autres dispositifs créés pendant la crise sanitaire et en réponse à l’inflation font l’objet d’appels en garantie limités

● Une dotation de 160,8 millions d’euros est prévue en 2024 pour les appels en garantie émis par le fonds de garantie paneuropéen porté par la Banque européenne d’investissement. Ce fonds de garantie de 25 milliards d’euros, abondé par les États membres de l’Union européenne (dont un plafond de 4,7 milliards d’euros pour la France) permet le déploiement de 200 milliards d’euros de financements sous la forme d’instruments de partage des risques, principalement à destination des petites et moyennes entreprises (PME) européennes.

● Un montant de 87,9 millions d’euros serait ouvert en 2024 au titre de la garantie de l’État sur des fonds investis dans des prêts participatifs Relance et des obligations Relance, octroyés à des PME et à des entreprises de taille intermédiaire afin de soutenir leur capacité d’investissement dans le cadre de la relance.

● La garantie de l’État au titre des contrats de fourniture d’énergie, instaurée par l’article 148 de la loi de finances initiale pour 2023 et autorisée par la Commission européenne le 1er mars 2023, permet aux entreprises fortement consommatrices de gaz ou d’électricité de bénéficier de cautionnements partiellement garantis par l’État pour leurs contrats de fourniture d’énergie. Un montant de 30 millions d’euros est prévu à ce titre en 2024.

● Une dotation de 6,8 millions d’euros est prévue pour 2024 au titre des appels en garantie sur les prêts et garanties consentis par l’Agence française de développement (AFD) et sa filiale de promotion et de participation pour la coopération économique aux entreprises et institutions financières du secteur privé africain. L’État garantit à 80 % les prêts consentis jusqu’au 31 décembre 2022 par les banques locales en faveur des TPE ou PME affectées par la crise sanitaire.

● Le fonds public de garantie des opérateurs de voyages et de séjours, instauré par l’article 163 de la loi de finances initiale pour 2022 et autorisé par la Commission européenne le 6 février 2023, apportera sa garantie jusqu’à la fin de l’année 2023. Pour faire face aux montants appelés dans ce cadre, il serait doté de 1 million d’euros en 2024.

● Les dispositifs de soutien public à l’assurance-crédit CAP Francexport et CAP Francexport + et à l’assurance export créés pendant la crise sanitaire ne font l’objet d’aucune ouverture de crédits en 2024, ces deux dispositifs présentant des excédents en 2023.

C.   Les dépenses prévisionnelles liées aux appels en garantie des autres actions du programme

● Une dotation de 34,5 millions d’euros est prévue pour les appels en garantie au titre des sinistres sur les prêts à l’accession sociale, les prêts à taux zéro et les éco-prêts à taux zéro (action 02 Soutien au domaine social, logement et santé).

● Deux dispositifs bénéficient des crédits ouverts sur l’action 04 Développement international de l’économie française : le dispositif d’assurance prospection (89,5 millions d’euros) qui permet de couvrir les entreprises contre le risque d’échec des prospections à l’étranger et la garantie du risque exportateur (22 millions d’euros).

● Sur l’action 05 Autres garanties, 25,1 millions d’euros sont prévus en 2024, comme en 2023 et en 2022, au titre de l’appel en garantie de l’État par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). En 2011, l’État a apporté sa garantie à une avance remboursable de la CDC d’un montant de 417 millions d’euros pour financer un programme industriel. En raison de commandes insuffisantes ne permettant pas à l’industriel de faire face à ses échéances de remboursement, la Caisse a appelé la garantie de l’État pour la première fois en 2022, pour une échéance payée le 1er mars 2023. Elle devrait à nouveau appeler la garantie de l’État en 2023, pour un montant de 25,1 millions d’euros payable en 2024.


V.   Les crédits du programme 145 Épargne

Principaux éléments du programme 145

Pour l’année 2024, le niveau prévisionnel des dépenses budgétaires du programme 145 est fixé à 71,1 millions d’euros. Ce programme finance essentiellement les primes d’épargne logement versées par l’État lors de la mobilisation de comptes épargne‑logement (CEL) ou de la clôture de plans d’épargne-logement (PEL).

Compte tenu de la suppression de la prime d’État associée aux PEL et CEL ouverts à compter du 1er janvier 2018, le niveau des primes d’État a considérablement baissé, entraînant une diminution significative de la dépense budgétaire. Celle-ci est passée de 1,3 milliard d’euros en 2010 à 56 millions d’euros en 2022.

Les dépenses fiscales associées au programme Épargne atteindraient 6,6 milliards d’euros au titre de l’année 2024. L’exécution de 2022 s’élève à 5,4 milliards d’euros et la prévision actualisée pour 2023 à 5,7 milliards d’euros.

A.   Les dépenses liées aux primes d’épargne logement

1.   La diminution de l’encours des PEL et CEL en 2022

Les produits d’épargne‑logement recouvrent le compte épargne‑logement (CEL) et le plan d’épargne-logement (PEL), qui donnent à leur détenteur le droit à l’octroi d’un prêt épargne-logement, selon des taux d’intérêt définis par arrêté ministériel.

Tous les contrats souscrits avant le 12 décembre 2002 donnent lieu au versement d’une prime d’État au moment de la clôture du compte. Pour les contrats souscrits à compter de cette date, le versement de la prime d’État est soumis à deux conditions : la souscription du contrat avant le 1er janvier 2018 et la souscription d’un prêt épargne‑logement.

Le montant maximal de la prime est de 1 144 euros pour les CEL et de 1 000 euros pour les PEL, ce plafond pouvant être porté à 1 525 euros lorsque le PEL contribue à la construction ou à l’acquisition d’un logement performant énergétiquement.

Cette prime a été supprimée pour les PEL ou les CEL souscrits à compter du 1er janvier 2018, dans un contexte de perte d’attractivité de ces produits sous les effets conjugués de la baisse de leur taux de rémunération et de taux de prêts épargne-logement supérieurs aux taux de marché.

En outre, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par la loi de finances pour 2018 avait pour objet de progresser vers la neutralité fiscale et budgétaire entre les différents produits d’épargne. Les intérêts des nouveaux PEL et CEL ouverts à compter du 1er janvier 2018, de même que ceux des PEL ouverts depuis plus de douze ans, sont donc imposés dans les conditions de droit commun.

L’encours des PEL et des CEL s’élevait à 320 milliards d’euros à la fin de l’année 2022, en baisse de 8 milliards d’euros par rapport à 2021.

Encours des comptes et plans d’épargne logement

(en milliards d’euros)

Encours à la fin de l’année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Comptes épargne-logement (CEL)

33,7

31,5

30,3

29,4

29,7

29,3

29,6

31,5

31,9

33,4

Plans d’épargne-logement (PEL)

201,5

220,2

245,0

262,3

275,1

276,4

282,5

294,5

296,1

286,6

Total

235,3

251,6

275,3

291,7

304,8

305,7

312,1

326,0

328,0

320,0

Source : projets annuels de performances.

Dans son rapport annuel sur l’épargne réglementée ([22]), la Banque de France montre que le nombre de PEL s’établit à 11,3 millions fin 2022, en baisse de 8 % par rapport à 2021. Pour la première fois depuis 2008, leur encours a diminué en 2022 (– 2,8 %) sous l’effet d’une décollecte nette supérieure à la capitalisation des intérêts versés. Cette évolution peut notamment s’expliquer par l’accroissement de l’écart de rémunération avec d’autres produits d’épargne réglementée plus liquides, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.

2.   Une forte baisse des dépenses liées aux primes épargne logement depuis 2010

La dépense budgétaire du programme Épargne associée aux PEL et CEL est liée au versement de la prime d’État. Compte tenu de la désaffection des épargnants pour les prêts épargne‑logement et de la suppression des primes d’État pour les produits souscrits à compter du 1er janvier 2018, le niveau des primes d’État a considérablement baissé, entraînant une diminution significative de la dépense budgétaire. Celle-ci est passée de 1,3 milliard d’euros en 2010 à 55,9 millions d’euros en 2021.

Pour l’année 2024, le niveau prévisionnel des dépenses budgétaires au titre des primes PEL et CEL est fixé à 70,8 millions d’euros, dont 0,9 million d’euros de frais de gestion. Cette dotation est en progression de près de 20 % par rapport à celle prévue pour 2023, sous l’effet principalement d’une hausse attendue du nombre de primes versées du fait de la remontée des taux de marché qui favorise la clôture des PEL et l’utilisation de leurs droits à prêt par les détenteurs de CEL.

Dépense budgétaire afférente aux primes d’épargne logement

(en millions d’euros)

Source : rapports annuels de performances, projet annuel de performances.

Le montant de cette dépense devrait toutefois continuer à diminuer tendanciellement compte tenu de la suppression des primes pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 2018. Selon le projet annuel de performances (PAP), « la gestion extinctive des primes d’épargnelogement prendra encore plusieurs années », dans la mesure où l’encours des PEL et des CEL éligibles à la prime d’État s’élevait à environ 300 milliards d’euros à la fin de l’année 2022. Le PAP précise que le montant de la provision inscrite dans le compte général de l’État au titre du stock des primes sur les PEL souscrits avant 2002 était de 1,14 milliard d’euros à la même date.

Ainsi, les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que la dotation allouée au programme s’établisse à 68,8 millions d’euros en 2025 et 66,3 millions d’euros en 2026.

B.   L’importance des dépenses fiscales associées au programme

Les dépenses fiscales associées au programme Épargne s’élèveraient à 6,6 milliards d’euros au titre de l’année 2024, en hausse de 1,2 milliard d’euros par rapport à l’exécution de 2022 (5,4 milliards d’euros).

Cette augmentation s’explique par la hausse du coût associé à l’exonération des intérêts de plusieurs produits d’épargne dont la rémunération a progressé dans un contexte d’inflation élevée, notamment celui du livret A (+ 775 millions d’euros par rapport à l’exécution 2022) ou des livrets de développement durable et solidaire (+ 319 millions d’euros). Il est important de souligner que la progression du coût de l’ensemble de ces dépenses fiscales sera in fine plus élevée que l’estimation associée au présent projet de loi de finances puisque le montant de trois dépenses fiscales évaluées à 306 millions d’euros en 2022 n’est pas quantifié pour 2024.

Les dépenses fiscales associées au programme, d’un niveau élevé, ont pour objet d’orienter l’épargne des ménages. Elles résultent pour plus de la moitié :

– de l’exonération relative aux sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement aux plans d’épargne salariale, représentant 2,6 milliards d’euros ;

– et de l’exonération des intérêts des livrets A, représentant 906 millions d’euros.

Évolution du niveau de dépenses fiscales associées au programme

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

3 474

3 501

5 011

5 420

5 825

5 714

5 663

5 619

6 116

5 634

5 935

5 147

5 364

5 698

6 589

Source : rapports annuels de performances et projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

Le rapporteur spécial constate que 11 dépenses fiscales sur 30 ne sont pas évaluées dans les documents budgétaires ou présentent une incidence nulle, au moins depuis 2022.

VI.   Le fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

Principaux éléments du programme 344

Les crédits de paiement demandés pour l’exercice 2024 au titre du programme 344 Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque s’élèvent à 187,7 millions d’euros, complétés par 11,5 millions d’euros au titre des fonds de concours associés au programme.

Le fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales a été créé par la loi de finances pour 2014 ([23]) pour aider les collectivités territoriales ayant souscrit, avant l’entrée en vigueur de la loi, des emprunts dits « toxiques ». Il est aujourd’hui en voie d’extinction puisque la très grande majorité des dossiers ont été traités (environ 90 %). Sa fin est programmée au 31 décembre 2028.

Ce fonds a été doté d’une capacité financière de 3 milliards d’euros et l’ensemble des autorisations d’engagement nécessaires ont été inscrites sur le programme en 2015. Il est important de souligner que le niveau initial de ces autorisations d’engagement a été revu à la baisse à trois reprises pour tenir compte de l’évolution des besoins des collectivités territoriales (cf. infra).

Les crédits de paiement sont décaissés progressivement : après 185,9 millions d’euros en 2023, 187,7 millions d’euros sont demandés sur ce programme pour 2024. En 2025 et en 2026, les crédits de paiement devraient également s’élever à 187,7 millions d’euros.

Cet échéancier est cependant une estimation maximale qui repose sur l’hypothèse d’une couverture totale des autorisations d’engagement ouvertes. Or, le montant initial de 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement a déjà fait l’objet de plusieurs annulations partielles (93,5 millions d’euros en 2016-2017, 250 millions d’euros en 2018 et 120 millions d’euros en 2021), de sorte que les autorisations d’engagement du programme s’élèvent désormais à 2,5 milliards d’euros.

Le fonds est financé par l’État (environ 88 millions d’euros en 2024) et par le secteur bancaire par le biais d’une taxe additionnelle à la taxe systémique (environ 100 millions d’euros en 2024). Il bénéficie également de fonds de concours dont le montant est fixe (11,5 millions d’euros), provenant de la société de financement local et de sa filiale, la Caisse française de financement local (10 millions d’euros), ainsi que de Dexia (1,5 million d’euros).

Au 31 décembre 2023, le niveau des engagements à honorer devrait s’élever à 1,01 milliard d’euros, compte tenu des versements déjà réalisés depuis la création du fonds.

VII.   Analyse du verdissement de la mission

Principaux éléments

Le succès de l’OAT verte se confirme avec un encours qui atteint 58,3 milliards d’euros, moins de sept ans après la première émission.

Dans le cadre du budget vert de l’État, l’essentiel des crédits de la mission sont considérés comme ayant un impact neutre sur l’environnement.

A.   La progression de l’OAT verte

● Le 24 janvier 2017, la France a lancé sa première obligation souveraine « verte », l’OAT verte de taux 1,75 % et de maturité 25 juin 2039, pour un montant initial de 7 milliards d’euros. Cette obligation doit permettre de dégager des ressources qui permettront de financer des dépenses s’inscrivant dans la continuité des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat.

Afin d’assurer sa liquidité, cette OAT verte a, depuis, fait l’objet de treize réémissions postérieures à l’émission inaugurale, portant son encours total à 32,9 milliards d’euros.

En mars 2021, l’AFT a émis une deuxième OAT verte de taux 0,5 % et de maturité 25 juin 2044, pour un montant initial de 7 milliards d’euros. Ce titre a depuis fait l’objet de cinq nouvelles émissions, portant son encours total à 19,3 milliards d’euros.

Le lancement de la deuxième OAT verte s’est appuyé sur la rebudgétisation du CAS Transition énergétique, qui a permis la réintégration des dépenses de soutien aux énergies renouvelables dans le budget général et dans le périmètre des dépenses éligibles à l’OAT verte. L’enveloppe est ainsi passée de 8 milliards d’euros à 15 milliards en 2021.

Enfin, l’AFT a émis pour la première fois en mai 2022 une obligation souveraine verte indexée sur l’inflation européenne, pour un montant initial de 4 milliards d’euros. Ayant fait l’objet d’une réémission en septembre 2022 et de trois réémissions en 2023, son encours a été porté à 6,2 milliards d’euros. Le rapporteur spécial relève que ces émissions ont eu lieu dans un contexte d’inflation particulièrement élevée.

L’encours cumulé de ces trois obligations vertes s’établit à 58,3 milliards d’euros.

Le rapporteur ne peut se réjouir de cet aspect de la dette. En effet, l’OAT verte demeure le support d’une dette, au demeurant croissante, et l’on ne saurait se féliciter de l’augmentation de la dette française sous prétexte qu’elle se verdit.

Au demeurant, le rapporteur spécial relève que la logique même des OAT vertes, dont le montant des émissions est adossé à une enveloppe de dépenses « vertes » déterminées comme éligibles par un comité interministériel, est directement contraire aux principes budgétaires issus de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([24]). La dette « verte » contrevient ainsi au principe d’universalité budgétaire, qui a pour corollaire la règle de non-affectation énoncée par l’article 6 de la LOLF, selon laquelle l’ensemble des recettes assure l’exécution de l’ensemble des dépenses du budget général. Le rapporteur souligne que l’esprit de cette règle répond à une exigence d’unité d’action de l’État et d’égalité devant les services publics et qu’il se doit en conséquence d’être strictement respecté.

● La création de la première OAT verte s’est accompagnée de l’engagement de la France à fournir un rapport annuel d’allocation et de performance des dépenses.

L’AFT a publié en septembre 2023 le sixième rapport d’allocation et de performance, rendant compte de l’utilisation des fonds levés en 2022 ([25]). Sur les 10 milliards d’euros d’OAT verte émis l’an dernier, 72 % ont été alloués à des projets visant à atténuer le changement climatique, 15 % ont été consacrés à l’adaptation au changement climatique, 8 % ont servi à financer la préservation de la biodiversité et 5 % ont permis de soutenir les efforts de réduction de la pollution, de l’eau, de l’air et du sol.

B.   Un impact essentiellement neutre sur l’environnement des dépenses rattachées à la mission

Dans la continuité des éditions précédentes, le quatrième exercice du budget vert de l’État ([26]) évalue comme neutre l’impact sur l’environnement de 97 % des dépenses rattachées à la mission et relevant du périmètre étudié. Seuls 230 millions d’euros sont cotés favorables à l’environnement en 2024 ; 70 millions d’euros sont par ailleurs classés comme défavorables.

Les montants non neutres relèvent exclusivement de la catégorie des dépenses fiscales. Ils résultent :

– de quotes-parts favorables de 10 % pour l’exonération des intérêts des livrets A (soit 90,6 millions d’euros) et des livrets bleus (7,8 millions d’euros) et de 35 % pour l’exonération des intérêts des livrets de développement durable et solidaire (131,3 millions d’euros), au titre des axes « atténuation » et « adaptation climat » ;

– d’une quote-part défavorable de 5 % pour ces mêmes exonérations relatives aux livrets A (45,3 millions d’euros), aux livrets bleus (3,9 millions d’euros) et aux livrets de développement durable et solidaire (18,8 millions d’euros), au titre des axes « atténuation climat » et « biodiversité ».

Ces cotations résultent d’une analyse détaillée de l’emploi des fonds associés au stock d’épargne de ces trois livrets d’épargne réglementée, dont la gestion relève des banques pour 40,5 % et de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 59,5 %.

Les dépenses liées à l’épargne-logement relevant du programme 145 Épargne, cotées comme favorables sur l’axe « atténuation climat » dans les éditions précédentes, sont désormais cotées neutres car elles soutiennent majoritairement l’acquisition de logements anciens, les travaux de rénovation et d’amélioration demeurant à ce jour marginaux dans l’utilisation de ces fonds.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Engagements financiers de l’État.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible en ligne sur le site de l’Assemblée nationale.

La commission a, contrairement à l’avis défavorable du rapporteur spécial, adopté les crédits de la mission Engagements financiers de l’État non modifiés.

La commission a ensuite adopté l’amendement n° IICF1851 portant article additionnel avant l’article 53 et visant à inclure un député et un sénateur au sein du comité stratégique de l’Agence France Trésor.

 

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État inscrits dans ce PLF pour 2024 s’élèvent à 60,8 milliards d’euros. C’est un nouveau record, et ce ne sera malheureusement pas le dernier. Ces crédits, qui recoupent principalement la charge de la dette de l’État, constituent le deuxième poste de dépenses de l’État, après l’enseignement scolaire. Nous dépensons 4 milliards d’euros de plus pour payer les intérêts de la dette que pour assurer notre défense.

Cette mission n’a pas toujours connu un tel niveau de dépense. En 2020, ses crédits avaient atteint un point historiquement bas – 36 milliards d’euros, soit la moitié des dépenses prévues en 2026 – sous l’effet d’une inflation proche de zéro et de taux d’intérêt négatifs. Ces conditions de financement favorables ont encouragé l’État, ou plutôt le Gouvernement, à accroître considérablement sa dette, dont l’encours a doublé en valeur entre 2010 et 2023. Nous en payons aujourd’hui le prix, d’autant qu’au lieu de bénéficier de ces taux négatifs, l’État a choisi d’émettre des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l’inflation, dites OATi. Dans le rayon de la dette, le président Macron a préféré la dette payante et incertaine à la dette gratuite.

Dans le détail, les crédits du programme 117, Charge de la dette et trésorerie de l’État, qui comptent pour environ 85 % du total, connaissent une légère hausse de 550 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Cette relative stabilité, en trompe-l’œil, cache en fait une dynamique plus inquiétante pour les années à venir.

D’une part, même si nous n’en avons pas fini avec la crise d’inflation, le coût de l’indexation des OATi devrait diminuer en 2024 – il s’élèverait tout de même encore à près de 9 milliards d’euros. Au total, en 2023, le programme d’OATi aura coûté, en cumulé et net de ses gains, près de 10 milliards d’euros à l’État depuis son lancement en 1999. Ce coût s’alourdira donc encore en 2024. Je réitère ici ma proposition raisonnable consistant à réduire puis à mettre un terme aux émissions de titres indexés afin de préserver les marges de manœuvre financières de l’État en cas de crise. L’excellent taux de couverture des émissions d’OAT nominales – 229 % au 31 août 2023 – rend cette proposition tout à fait réaliste.

D’autre part, nous faisons désormais face à une remontée des taux d’intérêt, qui résulte du resserrement des politiques monétaires à la suite de l’inflation galopante et persistante. Cumulée à un effet volume important en 2024, la remontée des taux explique la progression des crédits du programme 117 par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. En 2024, les taux élevés affectent de manière immédiate la charge de la dette à court terme, dont le refinancement est très rapide. Rappelons en outre que le rôle originel du taux d’intérêt est dévoyé : il n’est plus la prime de risque du prêteur, calculée en fonction du risque de solvabilité de l’emprunteur. La signature de la France étant bonne, les taux d’intérêt auxquels notre pays est soumis devraient être plus faibles. Dans les années à venir, leur impact se renforcera sur la dette de moyen et long terme, d’où une augmentation de plus en plus rapide du coût de la dette. Les crédits de la mission atteindraient ainsi 71 milliards d’euros en 2026.

Il nous faut prendre la mesure de ce risque, d’autant que le scénario de finances publiques du Gouvernement repose sur des hypothèses pour 2024 optimistes en matière de croissance, qui s’élèvent à 1,4 %, bien au-dessus du consensus des économistes, ainsi que sur le pari d’une inflation contenue à 2,5 % et de taux d’intérêt stabilisés autour de 3,5 %. Force est de constater qu’en 2023, les prévisions ont été trop optimistes, puisque le présent projet de loi de finances révise la charge de la dette à la hausse de 4,75 milliards d’euros – ce qui n’est pas rien – sous l’effet conjugué d’une inflation et de taux d’intérêt de court terme plus élevés que prévu.

Les autres programmes de la mission contribuent à l’affichage d’une relative stabilité des crédits en 2024.

Le programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19, relatif au remboursement des 165 milliards d’euros de dette issus de la crise sanitaire, est doté de 6,5 milliards en 2024. Cependant, l’isolement d’une dette « covid » n’a aucun effet sur le stock total de dette ni sur les conditions de son financement. Il ne contribue donc pas à la maîtrise du déficit public.

La dotation du programme 114 Appels en garantie de l’État diminue d’un quart pour s’établir à 1,9 milliard d’euros en 2024, sous l’effet du remboursement progressif des prêts garantis par l’État (PGE). En 2023, contrairement aux années précédentes, la dotation budgétaire initiale devrait correspondre à peu près aux dépenses constatées en fin d’année. Dans ce contexte, alors que la dotation pour 2024 est en baisse, le coût des PGE pour l’État continuera de nécessiter un suivi attentif, car il demeure sensible à l’évolution des perspectives macroéconomiques.

Les autres programmes de la mission comptent pour moins de 2 % des crédits totaux. Leur évolution est décrite dans la note dont vous avez été destinataires.

Face à une charge de la dette qui ne fera qu’augmenter au cours des prochaines années, compte tenu d’une certaine légèreté dans le rapport de l’État à l’emprunt, en dehors même du contexte particulier de la crise sanitaire, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission Engagements financiers de l’État qui nous sont proposés pour 2024.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1841 de M. Manuel Bompard

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Cet amendement de l’extrême gauche, plus précisément du groupe LFI-NUPES, est assez sympathique. Ses auteurs ont raison sur le principe, puisqu’ils veulent revenir sur l’indexation de la dette sur l’inflation. Ils souhaitent que les citoyens s’emparent du problème et qu’ils puissent réfléchir à cette question ; or c’est précisément la gauche qui a lancé les OATi. Toutefois, je ne suis pas certain que cet amendement apporte la bonne solution. J’ai moi-même déposé une proposition de loi visant à réduire et, à terme, à éteindre les émissions d’OATi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je réitère mon avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (RE). Dans le cadre de cette mission, l’État s’engage à assurer son financement en toutes circonstances, garantit ses positions liées au développement international de l’économie française et favorise les politiques de l’épargne. Sont également inscrits dans cette mission les moyens consacrés par l’État à l’accompagnement des collectivités territoriales dans la recherche d’une solution pérenne et globale au problème des emprunts dits à risque contractés par certaines d’entre elles. Nous saluons les moyens alloués à cette mission, qui permettront de couvrir le programme d’émissions dans les meilleures conditions d’efficience et de sécurité.

Le niveau exceptionnel des crédits du programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État est dû à la hausse de la charge de la dette. Évaluée à 49,96 milliards d’euros en loi de finances initiale, elle s’établit en fin d’année à 54,71 milliards : ces chiffres parlent d’eux-mêmes et doivent nous convaincre de la nécessité de maîtriser sérieusement l’évolution de la dépense publique pour contenir la croissance de la charge de la dette.

Contrairement à la plupart des crédits du budget général, ceux de cette mission ne sont pas limitatifs mais évaluatifs, ce qui signifie qu’ils peuvent faire l’objet d’un dépassement sans autorisation budgétaire. Cette dérogation s’explique par le caractère obligatoire des dépenses concernées. Aussi ne comprenons-nous pas bien l’avis défavorable exprimé par le rapporteur spécial, qui le justifie, si j’ai bien compris, par son opposition à l’indexation des OAT et à l’indépendance de la Banque centrale européenne. Cette position relève d’une posture idéologique, puisque presque tous les pays développés ont une banque centrale indépendante.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je remercie le rapporteur spécial de sa sobriété dans le dépôt d’amendements. Le groupe Les Républicains a toujours exprimé son inquiétude au sujet de la progression des taux d’intérêt, qui risque d’obérer fortement nos marges de manœuvre financières et budgétaires dans les années à venir. Nous devons donc rester vigilants quant à la maîtrise de la dette, qui est un impératif. Nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’analyse des crédits de la mission Engagements financiers de l’État nous permet de relever un certain nombre de points encourageants.

La nature évaluative des crédits relatifs à la dette et à la trésorerie de l’État offre une certaine souplesse budgétaire. Elle permet au Gouvernement de faire face à des besoins imprévus sans avoir besoin d’autorisation budgétaire spécifique. La flexibilité dans la gestion des finances publiques est un atout essentiel, surtout en période d’incertitude économique.

Je tiens à saluer le niveau de détail des prévisions budgétaires présentées au sujet de la charge de la dette. Cette transparence est cruciale pour une saine gestion financière et permet de mieux planifier l’allocation des ressources.

Cependant, comme nous l’avons rappelé dans l’hémicycle la semaine dernière, le niveau des crédits inscrits dans cette mission nous alerte sur la croissance très préoccupante de la charge de la dette. Cette augmentation est due notamment à l’inflation et à des taux d’intérêt très élevés, passés de près de 0 % en 2021 à plus de 3 % en 2023 pour un crédit de dix ans. Cette situation est très préoccupante pour la stabilité financière de notre pays dans les années à venir. La charge croissante de la dette peut en effet compromettre la stabilité financière à long terme, limiter les ressources disponibles pour d’autres besoins publics et grever dès aujourd’hui l’avenir des générations futures.

La flexibilité et la transparence budgétaires sont cruciales. Néanmoins, pour garantir la stabilité financière et assurer l’avenir des générations futures, il est tout aussi nécessaire d’aborder le sujet de la dette et de sa charge de façon sérieuse. Nous voterons pour les crédits de cette mission.

Mme Félicie Gérard (HOR). La nécessité d’une baisse de la dette et de sa charge est un sujet cher aux députés du groupe Horizons et apparentés, attachés au rétablissement des finances publiques. Dans le contexte actuel, la dette revêt évidemment un enjeu de souveraineté.

Grâce à cette mission budgétaire, l’État assure son propre financement, finance les situations pour lesquelles il s’est porté garant avant ou depuis la crise sanitaire et favorise les politiques de l’épargne. Depuis 2015, cette mission permet également d’aider les collectivités territoriales à se défaire des emprunts dits à risque que certaines d’entre elles ont contractés. Enfin, en 2022, un nouveau programme dédié à l’amortissement de la dette liée à la crise du covid-19 a été créé.

Le contexte économique et la hausse des taux d’emprunt ne peuvent qu’affecter la trajectoire budgétaire de cette mission et les conditions de financement de l’État. Ils rendront plus complexe la réduction de la dette. Nous voterons en faveur de ces crédits mais resterons particulièrement vigilants sur ce sujet, compte tenu des évolutions du contexte économique susceptibles d’intervenir dans les années à venir.

M. Charles de Courson (LIOT). Il nous paraît difficile de voter contre les crédits de cette mission : cela voudrait dire que l’on refuserait de payer les intérêts de la dette, à moins de faire une révolution bolchevique… Souvenez-vous : le nouveau pouvoir avait déclaré qu’il n’était pas responsable de la dette tsariste, ce qui ne l’a pas empêché de revenir sur les marchés quelques années plus tard et d’accepter de la rembourser. Nous voterons donc, hélas, pour ces crédits.

Je voudrais cependant dire quelques mots sur le fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque. Avec Gilles Carrez, à l’époque, j’avais voté contre la création de ce fonds visant à aider ceux de nos collègues qui s’étaient empêtrés dans de tels contrats en expliquant à leurs petits camarades qu’ils étaient nuls et qu’eux avaient trouvé le bon filon. Devant l’explosion des taux, ils sont ensuite venus demander à l’État de compenser leurs erreurs de gestion. Ce n’est pas ma conception du principe de responsabilité en matière publique. Cela nous coûte encore 187 millions, un montant qui continue d’ailleurs d’augmenter. Pour ma part, j’aimerais que nous réduisions cette aide et que nous la supprimions progressivement.

Par ailleurs, je suis un peu étonné de la quasi-stabilité de la charge de la dette et de la trésorerie de l’État. En effet, la dette augmente à peu près du montant du déficit, soit 150 milliards environ par an, et les taux d’intérêt sont à la hausse, même si l’hypothèse d’une quasi-stabilisation en 2024 – on passerait de 3,4 % fin 2023 à 3,5 % fin 2024 – réduit nécessairement l’incidence de l’augmentation des taux dans les estimations budgétaires. Cependant, il faut aussi prendre en compte le renouvellement de la dette. Or il est prévu, en 2024, de rembourser quelque 130 milliards et d’emprunter 285 milliards. Dans ce contexte, comment peut-on expliquer la quasi-stabilité de la charge de la dette et de la trésorerie de l’État ?

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Monsieur de Courson, la charge de la dette n’est pas stable : elle a été réévaluée à la hausse pour 2023 et pour 2025 par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2023. Quant au fonds de soutien dont vous parliez, il s’éteindra progressivement d’ici la fin de l’année 2028, conformément aux autorisations d’engagement votées au cours de l’exercice 2015.

Monsieur Labaronne, notre avis défavorable ne relève pas d’une posture : nous contestons la structure de la dette, composée à 10 % ou 12 % d’OATi que nous jugeons toxiques mais qui continuent d’être émises. Nous voulons également vous alerter sur le calcul du taux d’intérêt appliqué à notre dette, décidé par la Banque centrale européenne de façon totalement décorrélée des politiques menées par les différents États membres de l’Union. Il n’est pas calculé comme il l’était à l’origine, en fonction du risque de solvabilité de l’emprunteur.

Madame Dalloz, vous vous inquiétez de la hausse des taux d’intérêt, qui va effectivement peser très lourd sur la charge de la dette dans les années à venir, d’autant que l’estimation de 3,5 % retenue par le Gouvernement pour l’année prochaine est peut-être sous-évaluée. Cependant, ces taux ne nous coûteraient pas si cher si le stock de dette n’était pas aussi important. Tant que nous continuerons d’accumuler de la dette, ils continueront de poser problème. Aussi le stock de dette devrait-il être un peu mieux maîtrisé.

La commission adopte les crédits de la mission Engagements financiers de l’État non modifiés.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1739 de M. Kévin Mauvieux

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Cet amendement devrait faire consensus, puisqu’il ne coûte rien : il vise à ajouter un objectif de transparence de la dette publique assorti de deux indicateurs, le montant des primes à l’émission et le montant des décotes à l’émission. Il y a là un vrai sujet, dont M. de Courson, entre autres, a parlé à plusieurs reprises. Il convient de faire apparaître clairement les primes et les décotes dans nos documents budgétaires car elles peuvent constituer une dette cachée, parfois à hauteur de plusieurs dizaines voire centaines de milliards d’euros.

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai effectivement déjà soulevé ce problème et demandé au Gouvernement que le montant des primes et des décotes soit précisé en stock et en flux. Il y a deux ans, le stock s’élevait, de mémoire, à une quarantaine de milliards d’euros. On m’a répondu que cette précision n’était pas utile dans la mesure où les chiffres figuraient dans le rapport de l’Agence France Trésor (AFT). Il faut vraiment les trouver !

Ce système consiste à émettre de la dette à des taux d’intérêt plus élevés mais à rembourser moins de capital – autrement dit, à transformer des intérêts en capital. Lors d’une audition, alors que j’exprimais quelques doutes, l’AFT a fait valoir qu’il y avait une demande sur le marché. Mais comment font les Allemands, qui ne recourent quasiment pas à cette pratique alors qu’ils ne sont pas plus bêtes que nous ? Je ne trouve pas cela très sain. J’aurais voulu interdire à l’AFT de faire appel à ce dispositif, mais je n’ai pas été suivi. Il faudrait au moins que nous ayons une information claire sur les surcotes et les décotes, car le système fonctionne dans les deux sens.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous avions effectivement abordé ce sujet il y a environ deux ans, lorsque les montants des primes à l’émission étaient assez importants. Au-delà de l’éventuelle interdiction des dispositifs de cette nature se pose la question de la transparence et de l’accessibilité de l’information.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Le stock de primes s’élève actuellement à 104 milliards d’euros, tandis que le stock de décotes est de 26 milliards.

M. Daniel Labaronne (RE). Vous venez de donner les chiffres : c’est que l’information est accessible. Ces données figurent effectivement dans le rapport d’activité de l’AFT. Votre amendement me semble donc satisfait. Le caractère opportun des primes d’émission est un autre sujet.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Si j’ai obtenu ces informations, c’est parce que j’ai posé des questions, en tant que rapporteur spécial, et que l’on m’a répondu. Sinon, je ne suis pas sûr que ces données puissent être trouvées aussi facilement.

Je le répète, mon amendement ne coûte rien mais permettra d’accroître la transparence sur notre dette publique. Je ne vois vraiment pas de raison de s’y opposer.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 53

Amendement II-CF1740 de M. Kévin Mauvieux

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Il s’agit d’une demande de rapport concernant les primes et décotes à l’émission. Ce rapport devra aborder les enjeux liés à la sincérité comptable et présenter les solutions envisageables pour remédier aux problèmes posés – ce pourrait être un accroissement de la transparence dans le cadre des documents budgétaires, mais vous venez de le refuser, ou alors l’interdiction de cette pratique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1691 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). Il est malsain que la dette publique constitue un fonds de commerce, une source majeure de revenus pour un certain nombre d’institutions financières à travers le monde. Par cet amendement nous souhaitons, une fois de plus, mettre l’accent sur le fait que la majorité de la dette publique est détenue par des non-résidents, ce qui se traduit, en particulier avec l’augmentation des taux, par une hémorragie financière lors du remboursement du capital et du paiement des intérêts. Nous demandons donc que soient envisagés des dispositifs permettant de relocaliser la dette et de la rendre moins nocive.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. La part de la dette négociable détenue par les non-résidents a diminué de près de 16 points entre 2014 et 2021, ce qui s’explique principalement par les achats de la Banque de France dans le cadre des programmes d’achat de titres de l’Eurosystème. Dans un contexte de normalisation des politiques monétaires, la réduction des volumes d’actifs achetés puis l’arrêt de ces programmes au cours de l’année 2022 ont conduit à l’inversion de cette tendance. À la fin du premier semestre 2023, la part de la dette négociable détenue par des non-résidents s’élevait ainsi à 52,4 %, en augmentation de 4,6 points par rapport à 2021, soit un niveau proche de celui de 2018.

Votre demande de rapport est bienvenue car la détention de la dette par des résidents, c’est-à-dire par des Français, particuliers ou institutionnels, permet de conserver une forme de contrôle sur celle-ci. Avis favorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1851 de M. Michel Castellani

M. Charles de Courson (LIOT). Le comité stratégique de l’AFT conseille cette institution sur le type de produits qu’il faut émettre pour financer les déficits publics. Il serait normal qu’un député et un sénateur y participent car on ne sait pas trop ce qu’il s’y passe.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Le Parlement n’exerce qu’un contrôle limité sur la gestion de la dette. L’AFT exerce sa mission selon un programme indicatif de financement fixé par le ministre chargé des finances. Elle le fait en toute transparence mais sans aucun contrôle. J’émets donc un avis favorable à votre amendement car il permettra d’exercer un meilleur contrôle sur les émissions de dette.

M. Alexandre Holroyd (RE). Je m’opposerai à cet amendement car il ne me paraît pas utile qu’un parlementaire siège au comité stratégique de l’AFT. Je remarque toutefois que nous n’avons pas auditionné l’AFT depuis le début de cette législature, alors que nous le faisions chaque année lors de la précédente. Je demande donc au président de la commission que l’on auditionne cette agence : ce serait un pas dans la bonne direction.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je partage cet avis.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je soutiens tout à la fois l’amendement et la demande d’audition de l’AFT par la commission des finances.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 

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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Agence France Trésor, ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

– M. Antoine Deruennes, directeur général

– M. Mathieu Marceau, chef du bureau de la trésorerie

– M. Antoine Dufour, responsable de la cellule stratégie

Direction générale du Trésor, ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

– M. Jean Dalbard, chef de bureau, pôle Analyse économique du secteur financier – stabilité financière

– M. Clément Robert, chef de bureau, bureau Financement et développement des entreprises

– M. Rémi Sappia, chef de bureau adjoint, bureau Affaires budgétaires et comptables

Société générale :

– Mme Michala Marcussen, cheffe économiste

– M. Eric Litvack, directeur des affaires publiques

– M. Stanislas Dont, directeur, originateur marché de capitaux

S&P Global Ratings :

– M. Patrice Cochelin, responsable mondial Gouvernance analytique – finance durable

– M. Rémy Carasse, directeur Notations souveraines

– M. Gerben de Noord, chargé d’affaires


([1]) Loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([2]) C’est-à-dire en ajoutant aux crédits de la mission prévus par la LFI 2023 ceux du programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État, qui relève de la mission Engagements financiers de l’État à compter de l’exercice 2024, mais était auparavant inclus dans le périmètre de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

([3]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([4]) Sont concernés uniquement les crédits relatifs aux charges de la dette de l’État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l’État.

([5]) Les BTF, titres de court terme, constituent traditionnellement l’outil privilégié pour faire face à un besoin soudain de financement.

([6]) Le programme d’achats lancé en 2015 (« Public Sector Purchase Programme », PSPP) et le programme d’achats d’urgence face à la pandémie lancé au printemps 2020 (« Pandemic Emergency Purchase Programme », PEPP) ont pris fin au cours de l’année 2022.

([7]) L’ensemble de ces données est arrondi à la centaine de million d’euros la plus proche.

([8]) Les OAT€i ont pour référence d’indexation l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) hors tabac de la zone euro publié par Eurostat. Les OATi sont indexées sur l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac de la France publié par l’Insee.

([9]) Article 125 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

([10]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° 2023‑7 relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 22 septembre 2023.

([11]) En application de la décision du 7 février 2023 du Conseil des gouverneurs de la BCE, la trésorerie laissée sur le compte du Trésor est rémunérée depuis mai 2023 et à titre temporaire au taux des opérations à un jour du marché interbancaire moins 20 points de base (« €STR – 20 bp »).

([12]) Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([13]) Article 229 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([14]) Article 167 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([15]) L’article L. 2111-10-1 du code des transports prévoit que le ratio entre la dette financière nette de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle ne peut dépasser un plafond fixé par les statuts de la société, qui devra être inférieur à 6 à compter de 2026 en application du contrat de performance 20212030.

([16]) Au sens de l’article 25 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([17]) Initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2022, la garantie de l’État a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023 par l’article 147 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([18]) Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19, rapport final, 27 juillet 2021.

([19]) Cour des comptes, Les prêts garantis par l’État, 25 juillet 2022.

([20]) Une entreprise « zombie » est une entreprise d’au moins dix ans d’âge, non rentable et fortement endettée, dont le résultat opérationnel est insuffisant pour couvrir sa charge d’intérêt pendant au moins trois ans.

([21]) Le coût net des PGE pour l’État résulte des pertes brutes résultant des appels en garantie constatés et des gains enregistrés au titre des commissions de garantie. La garantie de l’État est en effet rémunérée par des commissions de garantie selon un barème qui dépend de la taille de l’entreprise et de la maturité du prêt qu’elle couvre, en application de l’article 7 de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État au titre des PGE.

([22]) Banque de France, « L’épargne réglementée », rapport annuel 2022, juillet 2023.

([23]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 92.

([24]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([25]) AFT, OAT vertes, rapport d’allocation et de performance 2022, septembre 2023.

([26]) Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État annexé au PLF 2024, octobre 2023.