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N° 1745
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),
PAR M. Jean-René CAZENEUVE,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 27
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Rapporteur spécial : M. Mohamed LAQHILA
Député
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
2. Le nombre et le montant des cessions enregistrent une baisse en 2024
B. les redevances domaniales et loyers
1. Les produits des redevances et loyers sont stables par rapport à 2023
B. Le CAS finance deux grands projets structurants en 2024
III. Perspectives et ÉlÉments de vigilance
A. Le CAS n’occupe qu’une part minime des investissements immobiliers de l’État
B. L’Agence de gestion de L’immobilier de l’État poursuit son développement
1. Le parc immobilier de l’État doit s’adapter aux nouvelles formes d’organisation du travail
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.
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PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL – Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État permet de mutualiser les recettes issues de la cession de biens immobiliers et des produits de redevances domaniales et de loyers, afin de financer des opérations immobilières structurantes et des dépenses d’entretien à la charge du propriétaire, réalisées au profit des services de l’État et de ses opérateurs. Il comporte deux programmes, dont un seul – le 723 – est abondé. – Avec 340 millions d’euros de recettes et 340 millions d’euros de dépenses, le solde du CAS est nul selon les prévisions pour 2024. Cette situation ne doit pas occulter le fragile équilibre du CAS, tributaire de plusieurs incertitudes quant aux prévisions et au recouvrement de ses recettes. – S’agissant des recettes, celles-ci se composent de 230 millions d’euros de produits des 523 cessions prévues, et de 110 millions d’euros de redevances et loyers. L’année 2024 marque un retour à la normale des produits de cession après deux ventes exceptionnelles en 2023 et se caractérise par une stabilité des redevances et loyers, fruit d’une politique de dynamisation de ces recettes engagées ces dernières années afin d’assurer la pérennité du financement du CAS. – S’agissant des dépenses, celles-ci témoignent de la priorité donnée par l’État aux « dépenses du propriétaire », et notamment du gros entretien, en hausse de 33 % en AE et de 30 % en CP par rapport à 2023. Le CAS finance également deux opérations structurantes d’ampleur, le projet Quai d’Orsay XXI ainsi que le site de Saint-Mandé, respectivement à hauteur de 80 et 40 millions d’euros. – Si la structure du CAS ainsi que les règles budgétaires limitent ce dernier à un rôle marginal au sein de politique immobilière de l’État, le rapporteur souhaite souligner plusieurs avancées, comme le déploiement de l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État après une expérimentation concluante, l’adaptation de l’immobilier aux nouveaux modes de travail, ainsi que la montée en puissance des enjeux de transition énergétique et environnementale du parc.
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ÉVOLUTION DES RECETTES DU CAS (en millions d’euros)
Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2024.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DU CAS
Source : annexe au projet de loi de finances pour 2024.
ÉVOLUTION DU SOLDE DU CAS depus 2015
Source : questionnaire budgétaire.
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La mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État est constituée par le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État.
Créé par l’article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, ce CAS permet de mutualiser les recettes issues de la cession de biens immobiliers et des produits de redevances domaniales et de loyers, afin de financer des opérations immobilières structurantes et des dépenses d’entretien à la charge du propriétaire, réalisées au profit des services de l’État et de ses opérateurs.
Ce CAS comprend deux programmes, sous la responsabilité du directeur de l’immobilier de l’État (DIE) :
– le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État, qui n’est plus abondé depuis 2018 ([1]) ;
– le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État.
Le projet de loi de finances pour 2024 évalue les recettes du CAS à 340 millions d’euros, dont 230 millions d’euros de produit de cession et 110 millions d’euros de redevances et loyers. Ce montant, en baisse de près de 30 %, s’explique principalement par un retour à la normale des produits de cessions après un pic en 2023 en raison de la cession exceptionnelle de deux immeubles parisiens. Le montant des redevances et loyers, quant à lui, reste stable.
De leur côté, les dépenses s’établiraient à 340 millions d’euros en 2024, en baisse de plus de 29 % par rapport à 2023, afin de tenir compte des moindres recettes. Elles priorisent largement les « travaux du propriétaire », et notamment le gros entretien des immeubles existants, par rapport aux opérations structurantes. Le CAS continue également de financer deux projets structurants d’ampleur, le projet Quai d’Orsay XXI (ministère de l’Europe et des affaires étrangères) et la transformation du site de Saint-Mandé (ministère de la transition écologique), pour un total de 120 millions d’euros.
Le rapporteur présente certains éléments de perspective et de vigilance dont il faudra tenir compte lors des prochains exercices. Il salue notamment le déploiement de l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE) après une première phase d’expérimentation lancée en 2021. Il appelle également à poursuivre la transformation du parc immobilier de l’État pour tenir compte des nouveaux modes d’organisation du travail, en particulier le développement du travail à distance. Il souhaite également que l’État continue l’adaptation de son parc aux enjeux de la transition énergétique et environnementale, en soulignant par exemple l’importance de la dépollution des sols d’immeubles lui appartenant ou lui ayant appartenu.
I. Les recettes prévues pour 2024 : des cessions en baisse et des redevances et loyers stableS, dans un souci d’assurer la pérENnité dU Financement du CAS
L’annexe au projet de loi de finances pour 2024 fait état des recettes prévisionnelles suivantes :
(en millions d’euros)
|
LFI |
PLF |
Variation |
Produits des cessions immobilières |
370 |
230* |
– 37,8 % |
Produits des redevances domaniales |
110 |
110 |
0 % |
Total des recettes |
480 |
340 |
– 29,2 % |
* Le produit des cessions de biens immobiliers de l’État ainsi que les droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l’État est évalué à 210 millions d’euros. Les fonds de concours et les versements du budget général, également positionnés sur cette première ligne, sont, quant à eux, évalués à 20 millions d’euros.
Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2024.
L’annexe au projet de loi de finances pour 2024 fait état de prévisions similaires pour 2025 et 2026, à savoir un produit de cessions évalué à 230 millions d’euros et un produit des redevances et loyers évalués à 110 millions d’euros.
En 2024, les produits de cessions représenteraient 61,8 % des recettes.
1. Les cessions attendues pour 2024 concernent 523 biens pour une valorisation totale de près de 252 millions d’euros
La cession de 523 biens, situés en métropole, dans les départements et collectivités d’outre-mer et à l’étranger, est prévue en 2024, pour un montant estimé à 252 millions d’euros ([2]). L’écart avec les 230 millions d’euros inscrits dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2024 s’explique par plusieurs incertitudes quant aux dates d’enregistrement des cessions et d’encaissement des paiements qui peuvent être différés. Ce montant de 230 millions d’euros est ainsi obtenu sur la base de la moyenne des encaissements pour la période de 2023 à 2027.
La cession de 31 % de ces biens était initialement attendue en 2022 ou 2023. Les opérations ont été reportées du fait des arbitrages retenus, des projets immobiliers et des circonstances locales. Cet écart illustre la complexité de la prévision en matière immobilière.
Les biens dont la cession est prévue en 2024 sont principalement des terrains (207), des logements (107) et des immeubles de bureaux (93). Ces derniers représentent toutefois la plus forte valorisation (184 millions d’euros, soit 73 % du montant total des recettes).
Répartition des cessions attendues en 2024, par catégorie de biens
Catégorie de bien |
Nombre de biens à vendre |
Valorisation (en euros) |
Bureau |
93 |
184 090 140 |
Logement |
107 |
24 365 764 |
Bâtiment d’enseignement ou de sport |
13 |
21 811 709 |
Terrains |
207 |
8 009 879 |
Bâtiment technique |
32 |
5 139 478 |
Bâtiment sanitaire ou social |
8 |
4 367 779 |
Infrastructures |
55 |
3 717 714 |
Monument et mémorial |
1 |
70 600 |
Ouvrage d’art des réseaux et voiries |
4 |
6 645 |
Bâtiment agricole ou d’élevage |
2 |
1 016 |
Bâtiment culturel |
1 |
84 |
Total |
523 |
251 580 808 |
Source : questionnaire budgétaire.
S’agissant de la répartition des cessions par ministère occupant, 216 biens à vendre relèvent du ministère de la transition écologique, devant les ministères économiques et financiers (55 biens, pour la plus forte valorisation, estimée à 98 millions d’euros) et le ministère des armées (45 biens).
Répartition des cessions attendues en 2024, par ministère occupant
Ministère |
Nombre total de biens |
Valorisation (en euros) |
Économie, budget |
55 |
98 230 077 |
Culture |
5 |
29 244 893 |
Transition écologique, logement |
216 |
24 702 554 |
Services du Premier ministre |
5 |
20 964 304 |
Éducation nationale |
11 |
18 158 632 |
Armées |
45 |
15 579 061 |
Enseignement supérieur |
9 |
15 512 534 |
Intérieur |
37 |
10 107 743 |
Travail |
4 |
9 130 743 |
Justice |
19 |
3 460 980 |
Agriculture |
35 |
2 478 252 |
Europe et affaires étrangères |
1 |
2 016 000 |
Biens non affectés |
80 |
1 995 034 |
Santé |
1 |
- |
Total général |
523 |
251 580 808 |
Source : questionnaire budgétaire.
Les cessions se répartissent, selon leur montant, entre les cessions « socles », c’est-à-dire dont la valorisation est inférieure ou égale à 2 millions d’euros, et les cessions « exceptionnelles », supérieures à 2 millions d’euros.
En 2024, les cessions socles comprennent 499 biens (soit 95 % du total des biens à vendre) pour une valorisation de 56,5 millions d’euros (soit 22 % du total des valorisations). Les cessions exceptionnelles, quant à elles, ne représentent que 24 biens (soit 5 % du total des biens à vendre) mais pour un montant de 195,1 millions d’euros (soit 78 % du total des valorisations).
Répartition des cessions attendues en 2024 par type
Type de cession |
Nombre de biens à vendre à vendre |
Pourcentage du nombre de biens à vendre |
Valorisation (en millions d’euros) |
Pourcentage de la valorisation |
Cessions « socle » |
499 |
95 % |
56,5 |
22 % |
Cessions « exceptionnelles » |
24 |
5 % |
195,1 |
78 % |
Source : questionnaire budgétaire.
2. Le nombre et le montant des cessions enregistrent une baisse en 2024
Les prévisions pour 2024 font état d’une double diminution, en nombre et en montant, des cessions immobilières.
nombre et montant des cessions immobilières depuis 2018
Année |
2018 |
2019 |
2020* |
2021 |
2022 |
2023 (p) |
2024 (p) |
Nombre de cessions |
661 |
704 |
567 |
687 |
661 |
556 |
523 |
Montant des cessions (en millions d’euros) |
240 |
625 |
97 |
194 |
203 |
370 |
230 |
* Les résultats de l’année 2020 doivent s’apprécier au regard des difficultés liées à l’épidémie de Covid-19.
Source : questionnaire budgétaire.
Cette diminution ne menace pas la pérennité de financement du CAS selon la DIE, et s’explique par des raisons principalement conjoncturelles.
En effet, la baisse de près de 38 % des produits de cession par rapport à la loi de finances pour 2023 témoigne d’un retour à la normale en 2024 après un pic cette année en raison de l’encaissement de cessions exceptionnelles de deux immeubles parisiens, évalués à 140 millions d’euros.
Le rapporteur souligne toutefois que les produits de cession sont en grande partie liés à la cession de ces biens exceptionnels. Or, ces biens se raréfient d’une année sur l’autre à l’issue des ventes successives. Il est impératif de pérenniser d’autres sources de financement, notamment les redevances et loyers.
Par ailleurs, cette diminution est également la conséquence du contexte international (guerre en Ukraine, marché de l’énergie, etc.). La hausse tendancielle des coûts et la tension croissante sur le marché du bâtiment et de l’immobilier de bureaux ont un fort impact sur le pilotage des opérations immobilières. La progression constante des taux d’intérêt depuis un an et demi contribue également au ralentissement du marché.
B. les redevances domaniales et loyers
Les redevances domaniales correspondent à une indemnisation versée en contrepartie d’une occupation privative du domaine de l’État, public comme privé. Leur montant doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation. Les loyers, quant à eux, correspondent principalement aux sommes versées par les agents des services de l’État, ou à titre exceptionnel par des tiers, en contrepartie de l’occupation d’un logement appartenant à ce dernier.
1. Les produits des redevances et loyers sont stables par rapport à 2023
En 2024, les redevances et loyers représenteraient 32,4 % des recettes, pour un total de 110 millions d’euros. Ce dernier chiffre est stable par rapport à 2023 et s’inscrit dans une tendance haussière observée ces dernières années.
Produits des redevances domaniales et des loyers depuis 2018
Année |
Montant des redevances domaniales (en millions d’euros) |
Pourcentage des recettes |
2018 |
89,2 |
24,1 % |
2019 |
107,1 |
14,7 % |
2020 |
94,3 |
36,1 % |
2021 |
103,3 |
31,0 % |
2022 |
98,4 |
33,0 % |
2023 (p) |
110 |
32,4 % |
2024 (p) |
110 |
32,4 % |
Source : questionnaire budgétaire.
Cette tendance s’explique également par le nombre de redevances domaniales supérieures à 500 000 euros, passant de 8 en 2021 à 13 en 2022.
Redevances domaniales supérieures à 500 000 euros en 2022
Montant annuel de la redevance (en million d’euros) |
Lieu |
Nature du bien occupé |
Titre d’occupation |
Occupant |
2,10 |
Toulon, Var |
Terrain |
Convention d’occupation temporaire |
Naval Group |
1,43 |
Cannes, Alpes-Maritimes |
Plage concédée |
Concession de plage |
Commune de Cannes |
1,15 |
Chatou, Yvelines |
Terrain |
Autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels |
EDF |
1,11 |
Paris XVI |
Bâtiment Technique |
Bail civil |
Chambre de commerce internationale |
1,00 |
Saint-Denis, Seine Saint-Denis |
Terrain |
Convention d’occupation temporaire |
Fédération française de football |
0,95 |
Ramatuelle, Var |
Plage concédée |
Autorisation d’occupation temporaire non constitutive de droits réels |
Commune de Ramatuelle |
0.83 |
Brest, Finistère |
Bâtiment Technique |
Autorisation d’occupation temporaire non constitutive de droits réels |
Naval Group |
0,82 |
Le Touquet-Paris-Plage, Pas-de-Calais |
Terrain |
Bail emphytéotique |
Thalamer |
0,76 |
Creil, Oise |
Installations photovoltaïques |
Autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels |
Photosol SPV 31 |
0,65 |
Istres, Bouches-du-Rhône |
Terrain |
Autorisation d’occupation temporaire non constitutive de droits réels |
Dassault Aviation |
0,64 |
Dieppe, Seine-Maritime |
Terrain |
Autorisation d’occupation temporaire non constitutive de droits réels |
EDF |
0,60 |
Noirmoutier-en-l’Île, Vendée |
Extractions |
Autorisation d’occupation temporaire non constitutive de droits réels |
Drapage Transports et travaux maritimes |
0,53 |
Noirmoutier-en-l’Île, Vendée |
Extractions |
Autorisation d’occupation temporaire non constitutive de droits réels |
Les Sablières de l’Atlantique |
Source : questionnaire budgétaire.
2. L’État s’est engagé dans une politique de dynamisation des recettes tirées des redevances et loyers
La hausse du produit des redevances et loyers est le fruit de la politique de dynamisation de ces recettes, engagée par la DIE afin d’assurer la préservation du patrimoine immobilier de l’État ainsi que la pérennité du financement du CAS face à la diminution des produits de cession, conséquence de la raréfaction des biens facilement cessibles.
Ainsi, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années, conformément à la feuille de route du comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre 2018 :
– Une revue des actifs permet de réaliser au minimum deux fois par an une analyse du patrimoine immobilier par les responsables régionaux de la politique immobilière de l’État. Tous les actifs remis au Domaine font ainsi l’objet d’une réflexion sur leur devenir, en envisageant le cas échéant une cession, une mise en location ou un changement de gestionnaire. La cession n’est donc plus systématiquement envisagée pour les biens de l’État devenus inutiles à ses missions ;
– Les services locaux du Domaine font l’objet d’une professionnalisation accrue, passant par la formation professionnelle, l’enrichissement de la documentation ainsi que le renforcement de la collaboration entre les différents services gestionnaires ;
– En 2018, la DIE a mis en place une nomenclature-barème dénommée « AMBRE » (Aide à la modernisation des barèmes portant sur les redevances de l’État), permettant la fixation de montants de redevances domaniales qui prennent en compte les avantages de toutes natures que procure le bien ;
– En lien avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, selon laquelle l’occupation du domaine de l’État en vue d’y exercer une activité économique nécessite la réalisation de mesures de publicité et de sélection préalables, la DIE a, avec le ministère des armées, conçu et ouvert au public un site internet des locations immobilières de l’État (https://locations.immobilier-etat.gouv.fr). En facilitant la consultation des annonces par le public, ce site permet aux services de l’État et aux établissements publics nationaux de mettre en œuvre les mesures de publicité et de sélection préalables à la délivrance des titres d’occupation du domaine public, de manière alternative ou complémentaire aux autres mesures de publicité. La troisième version du site, déployée en mars 2023, permet désormais aux candidats à l’occupation du domaine public de déposer leur candidature directement en ligne et aux gestionnaires d’effectuer le suivi de celles-ci de manière dématérialisée ;
– Enfin, la DIE a déployé en juin 2022 l’application informatique FIGARO, qui sécurise le processus de recouvrement des redevances grâce à son intégration au système d’information financière de l’État. Cet outil permet également un meilleur suivi des titres d’occupation, par exemple en signalant les occupations sans titre ainsi que les titres d’occupation arrivant à échéance.
II. lEs crédits demandÉs en 2024 accordent la priorité aux « travaux du propriétaire » tout en continuant de financer des projets immobiliers d’envergure
Les recettes du CAS permettent de financer deux grands types de dépenses :
– Les opérations structurantes et de cessions (action 11 du programme 723), qui regroupent les acquisitions et les constructions, ainsi que les dépenses diverses liées aux cessions (prestations intellectuelles, travaux structurants, dépenses accessoires, etc.) ;
– Les « travaux du propriétaire », c’est-à-dire les opérations qui seraient à la charge du bailleur dans le cadre d’une location de droit commun. Cette catégorie se divise en trois sous-ensembles : les contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics (action 12), la maintenance à la charge du propriétaire, qu’elle soit préventive ou corrective (action 13) et les dépenses de gros entretien, de réhabilitation, de mise en conformité et de remise en état (action 14).
En 2024, les AE seraient en baisse de 29,2 % afin de tenir compte des moindres recettes, alors que les CP resteraient stables par rapport à 2023.
Crédits du cas Gestion du patrimoine immobilier de l’état
(en millions d’euros)
|
AE |
CP |
||||
|
LFI 2023 |
PLF |
Variation |
LFI |
PLF |
Variation |
11 – Opérations structurantes et cessions |
310 |
140 |
– 54,8 % |
170 |
140 |
– 17,7 % |
12 – Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics |
16 |
15 |
– 6,3 % |
19 |
17 |
– 10,5 % |
13 – Maintenance |
51 |
48 |
– 5,9 % |
45 |
45 |
0 % |
14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état |
103 |
137 |
33,0 % |
106 |
138 |
30,1 % |
Total |
480 |
340 |
– 29,2 % |
340 |
340 |
0 % |
Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2024.
A. Les crédits demandés pour 2024 s’inscrivent dans la démarche de priorisation des « travaux du propriétaire » engagée lors des années précédentes
Selon l’annexe au projet de loi de finances pour 2024, « les prévisions de dépenses sur les actions 12, 13 et 14 reposent sur une priorisation de l’entretien du propriétaire des immeubles de bureaux », par rapport au financement des projets structurants.
Ainsi, alors que les crédits demandés au titre des opérations structurantes et de cessions représentent 41,2 % de l’enveloppe totale en AE et en CP du programme 723 en 2024, soit 140 millions d’euros, ceux consacrés aux « travaux du propriétaire » représentent 58,8 % de l’enveloppe, pour un total de 200 millions d’euros. Cette répartition est conforme à l’objectif de la DIE de développer le financement des « travaux du propriétaire » et de le porter de 160 millions d’euros en moyenne ces dernières années à 200 millions d’euros dès 2024.
Évolution des crédits votés en loi de finances destinés
aux « travaux du propriétaire »
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après le questionnaire budgétaire.
En 2024, les « dépenses du propriétaire » se répartissent comme suit :
Répartition des dépenses liées aux « travaux du propriétaire » en 2024,
en crédits de paiement
Source : commission des finances.
Ces dépenses sont principalement constituées par celles de gros entretien, de réhabilitation, de mise en conformité et de remise en l’état. Celles-ci correspondent aux travaux significatifs réalisés sur le bâti et les équipements qui visent à restaurer le potentiel de service de ces derniers, sans pour autant augmenter le potentiel initial contrairement aux opérations structurantes. Ces travaux se répartissent entre les travaux lourds de mise aux normes suite à des réglementations nouvelles (hygiène, sécurité des biens et des personnes, économies d’énergie, accessibilité, etc.) et les travaux de remise en état suite à la dégradation continue du bien.
Estimées à 138 millions d’euros en CP en 2024, ces dépenses de gros entretien représentent 69 % du montant des dépenses du propriétaire, et un peu plus de 40 % de l’enveloppe totale des dépenses. Elles enregistrent une hausse importante de 33 % par rapport à 2023, dans le cadre de la transition énergétique et environnementale.
B. Le CAS finance deux grands projets structurants en 2024
Les deux principales opérations à financer au titre des opérations immobilières en 2024 sont le projet Quai d’Orsay XXI du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le projet de Saint-Mandé mené par le ministère de la transition écologique. Ces deux opérations, qui s’inscrivent dans une perspective pluriannuelle, représentent un montant total estimé à 120 millions d’euros.
● Le projet Quai d’Orsay XXI, financé à hauteur de 80 millions d’euros en 2024, a pour principal objectif de moderniser le site du ministère en améliorant les conditions de travail de ses agents et en renvoyant une image contemporaine de la diplomatie française et des services de l’État, tout en intégrant la dimension environnementale. Ce projet, modifiant les sites des archives à Paris et à Nantes, comprend 21 opérations concourant à l’adaptation du parc, aux regroupements fonctionnels ainsi qu’à la modernisation des emprises.
Le projet Quai d’Orsay XXI
« Le programme Quai d’Orsay XXI vise à rénover, moderniser et rationaliser les sites. Ce projet est financé sur les programmes 105 et 723. Deux opérations majeures sont à souligner :
« – À Paris, le projet d’extension-réhabilitation de l’aile des archives du Quai d’Orsay (ERA), financé sur le programme 723. Son coût total est actuellement évalué à 83 millions d’euros. Les travaux devraient commencer après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. À terme, cette opération permettra au ministère de disposer d’espaces de travail modulables pour près de six cents postes de travail, afin de répondre aux créations de postes annoncées et à la nécessité de mettre sur pied très rapidement des cellules de crises et autres task forces. Le bâtiment sera doublement certifié « haute qualité environnementale » (HQE) ;
« – À Nantes, le ministère investit aussi lourdement avec un programme d’opérations pour un montant de 55 millions d’euros, dont 1,4 million d’euros en 2024, afin de sécuriser les installations techniques et lancer les études prospectives des opérations prévues dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Le volet nantais comporte huit projets qui offriront aux agents des conditions de travail nettement améliorées par des rénovations et la construction de bâtiments, ainsi que des accès rénovés, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Cela permettra de répondre à l’augmentation des effectifs du ministère dans le cadre d’un programme gouvernemental de renforcement de la présence de l’État dans les territoires. L’objectif est d’accueillir 1 400 agents (contre 1 150 aujourd’hui) sur un pôle cohérent regroupant les services de développement numérique et plusieurs services du ministère. »
Source : questionnaire budgétaire.
● Le site de Saint-Mandé fait l’objet depuis plusieurs années d’une démarche de rationalisation, de densification et de valorisation menées par étapes successives afin d’y regrouper des opérateurs du ministère de la transition écologique. La phase trois, actuellement financée par le programme 723 à hauteur de 40 millions d’euros, consiste en la réhabilitation complète et une extension de deux bâtiments pour y accueillir le siège de l’Office français de la biodiversité (OFB) et des équipes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Le site accueille également Météo France ainsi que le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM).
III. Perspectives et ÉlÉments de vigilance
A. Le CAS n’occupe qu’une part minime des investissements immobiliers de l’État
Comme l’a souligné le rapporteur dans son précédent rapport, le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne contribue que de manière minime à la politique immobilière de ce dernier. Si la part du CAS dans les dépenses immobilières varie d’un ministère à l’autre (de 56 % pour le ministère de l’agriculture à 0 % s’agissant des ministères sociaux en 2022), cette part reste minoritaire dans l’effort immobilier global de l’État et tend à diminuer ces dernières années.
Évolution de la part du CAS IMMOBILIER dans l’effort immobilier global
de l’ÉtAT
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après le questionnaire budgétaire.
Cette part minime s’explique par le fait que les dépenses immobilières sont principalement portées par les programmes supports de chaque ministère. Le recours à deux autres programmes, les programmes 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs et 362 Écologie du Plan de relance, portant des dépenses d’investissement immobilier de l’État, a également contribué à cette marginalisation du CAS. Au total, ce sont 62 programmes budgétaires qui financent la politique immobilière de l’État en 2024.
Pour autant, malgré la diversification et la pérennisation de ses ressources, il n’est pas envisageable, selon la DIE, de faire du CAS l’unique support budgétaire de la politique immobilière de l’État. Une telle solution impliquerait de modifier la LOLF, et n’apparaît pas opportune dans la mesure où il n’est pas dans la vocation d’un compte d’affectation spéciale de réunir d’autres crédits que ceux des recettes dédiées.
La solution optimale selon la DIE serait la création d’une mission budgétaire unique dédiée à la politique immobilière de l’État, regroupant l’ensemble des crédits actuellement dispersés entre plusieurs programmes. Cette solution garantirait que les moyens engagés le soient en adéquation avec les principes structurants et les objectifs de la politique de l’immobilier de l’État.
La DIE souligne toutefois que le CAS, à vocation interministérielle, « demeure un vecteur non négligeable à disposition de la direction de l’immobilier de l’État et des préfets de région pour orienter et impulser l’action des acteurs conformément à la politique immobilière de l’État » ([3]). Par son architecture, le CAS permet aux ministères occupants de se voir rétrocéder une partie des cessions en contrepartie de la restructuration de leur parc immobilier.
B. L’Agence de gestion de L’immobilier de l’État poursuit son développement
1. Issue d’une expérimentation menée en 2021 et 2022, l’AGILE a pour objectif initial de pallier les carences de l’État en matière d’exploitation et de maintenance
Les lacunes observées en matière d’exploitation et de maintenance de l’immobilier de l’État, notamment s’agissant des immeubles de bureaux, ont conduit à une réflexion sur la création d’une structure dédiée, chargée de couvrir les risques financiers liés à ces risques et de faire de l’immobilier de l’État un levier de transformation de l’action publique.
À l’issue d’une expérimentation menée dans quatre régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Nouvelle Aquitaine et Normandie) ([4]) du printemps 2021 à la fin de l’année 2022, l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE) a ainsi été créée, par transformation de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), mise en place en 2006 pour mettre en œuvre le déclassement des biens de Réseau Ferré de France inutiles à ses missions de service public ferroviaire, et dont la mission a ensuite été élargie à la valorisation des biens inutiles de l’État et de ses établissements publics par la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.
Cette agence prend la forme d’une société anonyme dont le capital est intégralement détenu par l’État. Elle est donc principalement soumise au droit privé. Son conseil d’administration est composé d’une présidente, du directeur de l’immobilier de l’État, représentant ce dernier, d’un membre de la direction du budget du ministère de l’économie et des finances, d’un membre de la direction de la modernisation et de l’administration territoriale du ministère de l’intérieur et d’une personnalité qualifiée.
Lors de son expérimentation, l’AGILE a fait face à certains obstacles, notamment une communication insuffisante au niveau national, ce qui a pu rendre compliqués les premiers contacts entre l’agence et les gestionnaires de site, ainsi qu’une certaine incompréhension quant au prix de ses prestations, en raison de la supposée gratuité des services auparavant internalisés, voire de l’absence d’une réelle gestion.
Malgré ces obstacles, progressivement levés au fur et à mesure de la réalisation par l’agence de ses différentes prestations, le bilan tiré de l’expérimentation de l’AGILE à la fin de l’année 2022 et présenté au conseil d’administration de l’agence et au Conseil de l’immobilier de l’État s’est avéré positif : il a été démontré que l’AGILE répondait à une demande existante et forte de la part des services occupants des bâtiments de l’État (près de 130 opérations étaient en cours de réalisation ou de développement à la fin de l’année 2022, couvrant environ trois millions de mètres carrés de bâtiments et de terrains), avec un fort taux de satisfaction (93 %) parmi les bénéficiaires des prestations de l’agence. La mise en place de l’agence a ainsi permis aux services de l’État de se désengager de missions qui ne correspondaient pas nécessairement à leurs compétences ou à leurs moyens, et de se recentrer sur leur cœur de métier.
2. L’AGILE est aujourd’hui engagée dans une seconde phase de déploiement, notamment dans le domaine de la transition énergétique
Les missions de l’AGILE sont réparties entre trois pôles :
● Le pôle exploitation-maintenance : activité « historique » de l’AGILE, ce pôle fournit aux services occupants trois catégories de prestations :
– l’administration en syndic de biens : gestion locative, gestion budgétaire et comptable, gestion administrative et juridique des sites ;
– l’entretien-maintenance : surveillance et maintenance des bâtiments et des installations, mise en conformité en matière d’hygiène et de sécurité, gestion des fluides, travaux correctifs, gros entretien et renouvellement, etc. ;
– les services généraux : gestion des déchets, nettoyage des locaux, accueil, courrier, sécurité incendie, archivage, reprographie, etc.
C’est au sein de ce pôle qu’a été créée une « task force » visant à apporter aux gestionnaires des sites une expertise en matière de sobriété énergétique (analyse de la consommation énergétique des équipements, préconisation de travaux correctifs à gains rapides, suivi de la réduction des consommations d’énergie, etc.).
La task force sobriété de l’AGILE
La task force sobriété de l’AGILE a été créée sur le fondement d’un contrat de prestation conclu entre l’agence et la DIE, avec pour mission d’accompagner les gestionnaires des bâtiments de l’État dans l’identification et la réalisation d’économies d’énergie, relevant de l’exploitation technique ou de petits travaux.
Elle est dotée d’un budget prévisionnel de 15 millions d’euros (hors taxe) pour une durée de 24 mois, sous la responsabilité du directeur de l’immobilier de l’État, et intervient sur l’intégralité du territoire, y compris en outre-mer.
La montée en charge rapide de cette task force lui permettra d’avoir initié près d’un millier de prestations d’ici la fin de l’année 2023, et produit des rapports pour environ 300 bâtiments. Les premières interventions de la task force ont permis d’identifier des sources de gains énergétiques de 15 % en moyenne.
● Le pôle photovoltaïque : ce pôle vise, d’une part, à implanter des panneaux photovoltaïques sur les toits et les terrains attenants aux bâtiments et, d’autre part, à valoriser le foncier vacant de l’État afin de générer des redevances et des plus-values dirigées vers le financement de projets photovoltaïques.
L’activité de ce pôle a vocation à s’accroître dans les prochaines années, en particulier suite à l’adoption de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont l’article 4 prévoit que les entreprises publiques établissent un plan de valorisation de leur foncier en vue de produire des énergies renouvelables.
● Le pôle maîtrise d’ouvrage et gestion d’actifs : ce dernier pôle vise à répondre aux besoins des services occupants en matière d’études (réalisation de schémas directeurs immobiliers, d’études de faisabilité, d’expertises immobilières, d’analyses financières, etc.) et de conduite de projets et d’opération (montage juridique et financier, conduite de projets de construction, de rénovation, de restructuration, de performance énergétique, etc.).
Au regard de ses résultats, le Conseil de l’immobilier de l’État a, dans un avis du 12 janvier 2023, appelé à un approfondissement des missions de société foncière de l’AGILE. Celle-ci a pour objectif, à l’avenir, de développer son offre de service (ombrières, qualité de vie au travail, space-planning, etc.) et d’acquérir de nouveaux actifs, notamment par transferts de la part de l’État.
3. Si l’AGILE bénéficie de moyens humains et financiers en hausse, elle est principalement freinée par la limitation des capacités budgétaires des services occupants
Les moyens humains de l’AGILE ont progressivement augmenté au fur et à mesure de son déploiement, passant de 9 salariés fin 2021 à 45 au 19 septembre 2023. À ces 45 salariés, de droit privé, s’ajoute un fonctionnaire détaché.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SALARIés de l’agile depuis sa création
Source : questionnaire budgétaire.
S’agissant des moyens financiers, la forme juridique de l’AGILE, à savoir une société anonyme, la conduit à ne bénéficier d’aucune subvention du budget de l’État, quand bien même ses capitaux seraient intégralement publics. Son chiffre d’affaires est exclusivement constitué des revenus tirés des loyers des actifs qu’elle détient et des diverses prestations qu’elle réalise.
Évolution des résultats financiers de l’agile
(en millions d’euros)
|
2021 |
2022 |
Chiffre d’affaires |
31,2 |
29,9 |
Résultat net consolidé |
6,8 |
8,5 |
Source : audition de l’AGILE par le rapporteur.
La direction de l’AGILE, auditionnée par le rapporteur, estime que le principal frein à son développement n’est pas l’insuffisance de ses propres moyens, humains comme financiers, mais bien la limitation des capacités budgétaires des services occupants. Cette limitation conduit ces services à renoncer à recourir à l’AGILE pour différents projets pourtant nécessaires à l’entretien et à la valorisation des sites, aboutissant in fine à des coûts plus importants.
L’éclatement des budgets immobiliers entre les différents programmes supports des ministères complexifie également l’intervention de l’AGILE en particulier s’agissant des sites multi-occupants, entraînant une dilution des responsabilités dans la prise de décision et un allongement des délais s’agissant de la signature des contrats entre les ordonnateurs et l’agence, retardant le démarrage des prestations validées.
C. La direction de l’immobilier de l’État poursuit son action en faveur d’un parc immobilier adapté aux nouveaux modes de travail et prenant davantage en compte la dimension environnementale
1. Le parc immobilier de l’État doit s’adapter aux nouvelles formes d’organisation du travail
La crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19 a conduit la DIE à accélérer ses réflexions sur l’adaptation de l’immobilier de l’État aux nouvelles formes d’organisation du travail, notamment le développement du travail à distance (ou « télétravail »).
Elle a ainsi piloté en 2020 une large concertation sur « l’immobilier de demain », afin de tirer les enseignements de la crise sanitaire. Cette concertation a associé représentants des ministères et personnalités extérieures (universitaires, praticiens du secteur immobilier, spécialistes en organisation du travail, experts des risques psycho-sociaux, etc.). Elle a notamment abordé les conséquences du télétravail sur l’organisation et les espaces de travail, l’adaptation des espaces aux nouveaux usages et modes d’organisation du travail, ainsi que le développement de « tiers-lieux » (« démétropolisation », espaces de co-travail, etc.).
Fruit de ces réflexions, le rapport « L’immobilier public de demain » d’octobre 2020 de la DIE dresse plusieurs constats, tels que la diffusion et la banalisation du télétravail, des espaces de travail trop cloisonnés et peu modulables, ou encore le déploiement insuffisant des outils numériques par rapport au secteur privé. Il recommande notamment de développer la modularité des espaces afin que ceux-ci s’adaptent à la variation entre travail en présentiel et à distance, à concevoir des bâtiments « réversibles » dans le temps afin d’anticiper d’éventuelles nouvelles destinations, d’équiper les bâtiments en mobilier mobile et léger afin de s’adapter à des configurations variées, ainsi que de développer des tiers-lieux partagés qui offrent une alternative avec le télétravail à domicile.
La circulaire de la Première ministre du 8 février 2023 relative à la nouvelle doctrine d’occupation des immeubles tertiaires de l’État traduit cette conception en demandant aux administrations de l’État de redistribuer les surfaces de travail afin d’offrir une plus grande diversité d’usages entre postes de travail individuel et espaces collectifs. Elle prévoit également un nouveau ratio unique d’optimisation immobilière, exprimé en surface utile brute (SUB) rapporté au nombre de résidents, avec une cible de 16 mètres carrés SUB par résident (contre une cible de 18 à 20 mètres carrés par poste de travail auparavant, en fonction de la tension du marché immobilier).
Extraits de la circulaire de la Première ministre du 8 février 2023 relative
à la nouvelle doctrine d’occupation des immeubles tertiaires de l’État
« L’État cherche, depuis de nombreuses années, à optimiser les surfaces qu’il occupe en soumettant les ministères et leurs opérateurs au respect de ratios plafonds d’occupation exprimés en surface utile par poste de travail.
« Ces ratios montrent désormais leurs limites car les notions sur lesquelles ils sont assis ne correspondent plus à la réalité des usages et des besoins des occupants, que les périodes de confinement récentes ont pu mettre en lumière. Ils sont en effet calqués sur un aménagement hérité du passé, organisé selon le diptyque bureau individuel/salles de réunion, alors que les aménagements modernes privilégient une plus grande diversité d’espaces de travail et une place plus importante réservées aux espaces de travail collaboratifs ou permettant des usages hybrides. »
En parallèle, la DIE a lancé, avec la direction interministérielle à la transformation publique, un appel à projets doté de 20 millions d’euros visant à financer des projets de transformation des espaces de travail conformément à cette nouvelle doctrine. 43 projets ont été retenus sur l’ensemble du territoire sur cette base et seront achevés entre fin 2023 et 2024.
Enfin, lors de l’inauguration de ses nouveaux locaux à Bercy début 2023, la DIE a souhaité montrer son projet d’adaptation de ses locaux autour notamment du concept de « flex office » caractérisé par l’absence de postes de travail attitrés. De nombreux services de l’État, centraux ou déconcentrés, ainsi que des opérateurs, viennent régulièrement visiter ces locaux et échanger avec les occupants sur cette nouvelle organisation.
Le rapporteur salue ces différentes initiatives et souhaite qu’elles se poursuivent afin de disposer de bâtiments publics plus modulables et adaptés aux nouvelles réalités de l’exercice du travail.
2. La politique immobilière de l’État renforce son volet environnemental, notamment sur le sujet de la dépollution
S’agissant de son volet environnemental, la politique immobilière de l’État passe progressivement d’une action principalement axée sur l’énergie et le contrôle de la consommation (qui reste d’actualité comme le démontre la création d’une task force dédiée au sein de l’AGILE) vers une démarche plus complète, qui intègre la décarbonation du parc, la réduction de l’artificialisation des sols ou encore la préservation de la biodiversité.
Le rapporteur souhaite évoquer en particulier le sujet de la dépollution des sols. En effet, un certain nombre de sites et biens immobiliers sur lesquels sont ou étaient implantées des activités industrielles, pétrolières, pyrotechniques ou encore agricoles appartenant ou ayant appartenu à l’État peuvent constituer des sources de nuisances pour les sols et les eaux souterraines ou des risques pour la santé humaine et animale. Cette problématique concerne plus particulièrement les sites restructurés ou conservés par le ministère des armées, qui sont souvent l’objet de pollutions pyrotechniques (présence de munitions anciennes, déchets d’engins explosifs, déchets de tirs) ou industrielles (présence d’hydrocarbures, de métaux lourds liée à des activités de maintenance ou d’exercices). Une base de données nationale – « Sites et sols pollués (ou potentiellement pollués) » – tenue par le ministère chargé de l’environnement permet l’information du grand public sur cette question.
Dans le cadre d’opérations de cession, ces emprises font l’objet d’une obligation de dépollution. C’est notamment le cas en présence de certaines matières, comme l’amiante, le plomb ou encore des hydrocarbures. La dépollution peut également être adaptée en fonction de l’usage futur du site envisagé par l’acquéreur (création de logements, activités tertiaires ou industrielles, maintien de l’usage).
Le montant précis des dépenses de dépollution et de désamiantage reste difficile à établir, ces opérations étant le plus souvent indissociables d’autres opérations plus larges. Toujours est-il que les provisions pour dépollution et désamiantage s’élèvent en 2022 à 277 millions d’euros, dont 242 millions d’euros s’agissant du seul ministère des armées.
D. Les opérateurs de l’État disposent de plus de 57 000 bâtiments et terrains, estimés à 88 milliards d’euros
Le rapporteur souhaite enfin dresser un bilan du parc immobilier des 437 opérateurs de l’État au 31 décembre 2022, parmi lesquels figurent l’Office national des forêts, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, Voies navigables de France ou encore de nombreux parcs nationaux (Guyane, Cévennes, Mercantour, etc.) et les universités.
Ce parc immobilier, composé de 57 355 bâtiments et terrains au 31 décembre 2022 et représentant plus de 32 millions de mètres carrés bâtis et plus de 38 milliards de mètres carrés non bâtis, est estimé à 88 milliards d’euros en valeur comptable brute (68,6 milliards d’euros en valeur nette), soit 5,2 milliards d’euros de plus par rapport à 2021. Cette variation s’explique principalement par la poursuite des opérations immobilières au sein de la société du Grand Paris et par des opérations de réévaluation et de fiabilisation des données comptables, permettant de valoriser plus finement le parc immobilier des opérateurs.
Les biens occupés par les opérateurs de l’État sont répartis comme suit :
– 68 % des biens appartiennent à l’État, ce qui représente 19,3 millions de mètres carrés bâtis et plus de 35 milliards de mètres carrés non bâtis ;
– 23 % des biens appartiennent en propre aux opérateurs, ce qui représente 7,8 millions de mètres carrés bâtis et près de 2 milliards de mètres carrés non bâtis ;
– 9 % des biens sont occupés sur la base de supports juridiques divers (bail à titre onéreux, mise à disposition à titre gratuit, autorisations d’occupation temporaire, bail emphytéotique, etc.).
Enfin, un nombre de plus en plus important d’opérateurs se sont dotés de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) afin de définir leurs priorités foncières, conformément aux objectifs de la politique immobilière de l’État. Ainsi, au 27 juillet 2023, la DIE a reçu 294 SPSI de la part des opérateurs de l’État, et constate une augmentation de la qualité des documents qui lui sont soumis. Ce sont environ un tiers des opérateurs de l’État qui sont ainsi couverts par un SPSI validé et en cours de validité. Ce taux de couverture a vocation à s’améliorer d’ici 2024.
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Au cours de sa réunion du 31 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.
La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
Conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État sans modification.
M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial. Le patrimoine immobilier de l’État est bien plus qu’un simple ensemble de bâtiments et de terrains. Avec 94 millions de mètres carrés de bâtiments et 40 000 kilomètres carrés de terrains sous sa gestion, il est un pilier stratégique de notre gouvernance publique. Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État joue un rôle déterminant à cet égard, même s’il ne représente qu’une fraction des dépenses globales : sa dimension interministérielle garantit une cohésion et une orchestration adéquate de la politique immobilière de l’État.
En redistribuant les revenus des ventes immobilières et des redevances, ce fonds sert de canal pour financer d’importants projets d’infrastructures et assurer la préservation de notre patrimoine, ce que reflètent les chiffres de 2024. Les recettes du CAS sont estimées à 340 millions d’euros, composées principalement de 230 millions d’euros provenant des cessions et de 110 millions d’euros de redevances et loyers. Nous observons une diminution par rapport à 2023 : elle s’explique largement par la stabilisation des revenus, après les ventes exceptionnelles de l’année précédente.
Pour maximiser ces revenus, l’État a adopté des méthodes innovantes. La modernisation de la gestion des locations par le biais de plateformes internet en est un exemple probant, tout comme la restructuration des barèmes de redevances.
Concernant les dépenses, qui s’élèvent également à 340 millions d’euros, notre priorité reste claire : nous investissons dans la rénovation et la mise aux normes des infrastructures existantes, plutôt que dans de nouvelles acquisitions coûteuses. Des initiatives telles que le projet « Quai d’Orsay 21 », doté de 80 millions d’euros, en sont la preuve vivante.
Certains domaines nécessitent cependant une attention accrue. Ainsi, l’Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE), bien qu’ayant été créée récemment, en 2021, montre déjà des résultats prometteurs. Actuellement, l’AGILE met l’accent sur des projets d’avenir, tels que la transition énergétique, apportant une réelle valeur ajoutée à notre patrimoine.
Les mutations rapides du monde du travail, notamment la popularisation du télétravail, nous rappellent la nécessité d’avoir des bâtiments adaptatifs et modulables. La crise de la Covid‑19 a souligné l’urgence de cette flexibilité.
Enfin, il est indispensable de mentionner la dépollution des terrains, qu’ils soient détenus actuellement ou anciennement par l’État. Dans le cadre de notre engagement environnemental, il est primordial d’assurer un patrimoine foncier sain et respectueux de l’environnement.
En conclusion, le patrimoine immobilier de l’État n’est pas qu’un bien matériel. Il est le reflet de notre engagement envers une administration publique modernisée, efficiente et respectueuse de l’environnement. Les progrès réalisés doivent non seulement être préservés, mais également amplifiés, pour un avenir meilleur.
À la lumière de ces différents éléments, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024.
M. le président Éric Coquerel. Il n’y a pas d’amendements. Nous en venons donc aux explications de vote.
M. Daniel Labaronne (RE). Le groupe Renaissance votera les crédits de cette mission. Il apprécie la stratégie de l’État visant à dynamiser les recettes tirées des redevances et des loyers, face à un environnement encore très incertain. Il souligne également la démarche de l’AGILE, permettant de mieux coordonner l’action de l’État en matière de gestion de son patrimoine immobilier. Il tient, enfin, à saluer le travail du rapporteur spécial de cette mission.
M. Philippe Lottiaux (RN). Les explications du rapporteur spécial sont très claires et nous n’avons pas d’observations particulières.
M. François Piquemal (LFI-NUPES). Notre groupe votera contre ces crédits, qui ne sont pas à la hauteur de ce qu’attendent les collectivités territoriales.
Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Si les chiffres étaient disproportionnés l’année dernière, nous revenons à une situation presque normale. Je ne vois donc pas d’objection à voter pour.
Mme Marina Ferrari (Dem). Les explications du rapporteur spécial étant très claires, nous voterons en faveur des crédits.
Mme Lise Magnier (HOR). Le patrimoine immobilier de l’État étant avant tout le patrimoine des Français, sa gestion doit s’articuler autour de trois principes cardinaux : la préservation et la valorisation pour les générations futures, la durabilité environnementale et la rationalisation des surfaces utilisées. Les crédits de la mission retrouveront, en 2024, un niveau normal : nous voterons pour.
Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Le groupe écologiste-NUPES ne fera pas de déclaration et s’abstiendra de voter.
M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Notre position est la même que celle du groupe écologiste-NUPES.
M. Charles de Courson (LIOT). À quoi sert ce CAS ? À rien du tout ! Pourquoi ne pas le supprimer ? M. le rapporteur spécial a expliqué – de manière fort impertinente, d’ailleurs – qu’il représente 2,8 % des autorisations d’engagement de l’ensemble des investissements immobiliers de l’État. Il est toutefois tellement négligeable, que nous ne voterons pas contre.
La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Direction de l’immobilier de l’État
– M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l’immobilier de l’État
Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE)
– Mme Béatrice Bellier-Ganiere, présidente de l’AGILE
*
* *
([1]) Le maintien de ce programme permet de respecter les articles 20 et 7 de la LOLF qui disposent respectivement qu’un CAS constitue une mission et qu’une mission comprend nécessairement au moins deux programmes.
([2]) Cette valorisation est pondérée par application d’un taux de décote théorique dans le cadre des biens relevant du Comité interministériel pour le développement de l’offre de logements (CIDOL).
([3]) Questionnaire budgétaire.
([4]) La région Occitanie a également été intégrée à l’expérimentation pour les projets photovoltaïques.