N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 31
 

 

médias, livre et industries culturelles

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Denis Masséglia

 

Député

____


SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. LE PROGRAMME 180 : des aides à la presse et aux médias sanctuarisées avec un soutien renforcé à l’agence France presse

A. Un soutien supplémentaire à l’afp dans un contexTe de forte inflation – Action 01

1. Un effort réel de maîtrise financière…

2. …récompensé par un soutien budgétaire supplémentaire en 2024

B. des aides à la presse stabilisées en 2024 – action 2

1. L’aide exceptionnelle en faveur de la presse papier

2. La mise en œuvre de la réforme de la distribution de la presse auprès des lecteurs abonnés

3. Les aides au pluralisme

4. Les aides à la distribution : une nouvelle évaluation attendue

C. le soutien aux médias (actions 05, 06 et 07) : l’augmentation de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale

II. LE PROGRAMME 334 : une forte augmentation des crédits pour le livre et des incertitudes concernant le financement du centre national de la musique

A. Le livre et la lecture : une priorité budgétaire

1. Une augmentation du soutien financier aux opérateurs

a. Les difficultés financières de la BnF

b. Le soutien à la Bpi et au CNL

2. Le développement d’une stratégie nationale en faveur de la lecture

3. La valorisation patrimoniale des productions de presse

a. La numérisation de la presse ancienne par la BnF

b. La Maison du dessin de presse

B. La musique : les incertitudes concernant le financement du CNM

1. Des nouveaux besoins de financement

2. Les nouvelles pistes de financement

a. La taxe « streaming »

b. La mise à contribution des revenus du streaming musical générés par les seuls services gratuits

c. Une contribution librement consentie

3. La prolongation des crédits d’impôt

C. de belles promesses pour le cinéma et de l’audiovisuel

1. Un niveau de recettes affectées en 2024 en hausse significative

1. Des crédits d’impôts très dynamiques qui atteignent leurs objectifs

2. Le plan « La Grande fabrique de l’image »

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 

 

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

Les priorités de la mission Médias, livre et industries culturelles sont confortées dans le PLF 2024 avec un accent important mis sur le programme 334 Livre et industries culturelles qui connaît une augmentation de ses crédits de 10,2 % en AE et 7,6 % en CP. En dehors du soutien renforcé aux opérateurs, notamment la Bibliothèque nationale de France (BnF) confrontée à des surcoûts énergétiques élevés et au dynamisme de sa masse salariale, le PLF augmente les crédits de la stratégie en faveur du livre dans les territoires. Il vise également à accompagner l’avancement du projet de la Maison du dessin de presse et le projet de numérisation des journaux de la Troisième République. Ces deux derniers projets mettent en valeur un patrimoine précieux en matière de débat public et d’expression libre des idées.

Le secteur de la presse est quant à lui toujours confronté aux défis structurels de la baisse des ventes des exemplaires de journaux : après un soutien exceptionnel actuellement déployé pour compenser la hausse importante du coût du papier en 2022, le programme 180 maintient un niveau de crédits élevés avec un soutien renforcé à l’Agence France Presse (AFP), récompensé de ses efforts de gestion et de la bonne application du contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui arrive à son terme. Les états généraux de l’information auront vocation à soulever la question de la conditionnalité des aides au pluralisme. Les radios associatives de catégorie A continuent à être soutenues alors qu’elles doivent assurer pour une partie d’entre elles une double diffusion en FM et en DAB + coûteuse mais indispensable.

Les enjeux principaux du secteur des industries culturelles sont fiscaux cette année :

– la reconduction de crédits d’impôts, dont l’utilité a été prouvée, est actée aussi bien pour le secteur de la musique (production phonographique, spectacle vivant, éditeurs) que pour le cinéma et l’audiovisuel ;

– la question du financement du Centre national de la musique (CNM) est au cœur de toutes les attentions. Au moment de la rédaction de ce rapport, aucune solution n’avait été trouvée.

De nouvelles sources de financement doivent aujourd’hui être dégagées pour le CNM. Hors mesure temporaire qui pourrait être décidée en gestion, ce n’est pas à l’État de se substituer à la filière. Il revient aux acteurs de la musique enregistrée de prendre leurs responsabilités.

 

 


   DONNÉES CLÉS

crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2023

PLF
2024

Évolution
(en %)

LFI
2023

PLF 2024

Évolution
(en %)

180 – Presse et médias

372

377,7

1,5 %

371

376,7

1,5 %

334 - Livre et industries culturelles

330,3

364,2

10,2 %

333,9

359,3

7,6 %

Totaux

702,4

741,9

5,6 %

704,9

735,9

4,4 %

Source : projet annuel de performances.

fréquentation cinématographique à fin août 2023

(en millions d’entrées)

 

Source : commission des finances d’après les données du Centre national du cinéma.

 


   INTRODUCTION

L’enveloppe allouée à la mission Médias, livre et industries culturelles dans le PLF 2024 est de 741,9 millions d’euros en AE (+ 39,5 millions d’euros) et de 735,9 millions d’euros en CP (+ 31 millions d’euros).

Alors que le soutien exceptionnel à la filière de la presse papier (30 millions d’euros pour 2023) est actuellement mis en œuvre, l’enveloppe allouée au programme 180 par le PLF 2024 est stable par rapport à la LFI 2023. La légère hausse des crédits permettra de soutenir davantage l’Agence France Presse (+ 6,7 millions d’euros soit 141,7 millions d’euros au titre de la compensation des missions d’intérêt général et des abonnements de l’État en 2024). Par ailleurs, la réforme de la distribution de la presse auprès des lecteurs abonnés poursuit en 2024 la trajectoire fixée par le protocole du 14 février 2022 qui prévoit une réduction progressive des barèmes de l’aide à l’exemplaire posté pour favoriser le portage des titres de presse, sauf dans les zones peu denses où La Poste a encore un rôle important à jouer.

Sur le programme 334, une hausse substantielle des crédits en faveur de la filière du livre est prévue :

– les opérateurs (Bibliothèque nationale de France – BnF –, Centre national du livre, Bibliothèque publique d’information) voient leurs crédits de fonctionnement et d’investissement augmenter de plus de 15,2 millions d’euros dont 14,1 millions d’euros pour la seule BnF confrontée à l’augmentation mécanique de ses coûts de fonctionnement. La dotation globale d’investissement et de fonctionnement de la BnF atteint 246,9 millions d’euros dans le PLF 2024 ;

– la mise en œuvre du plan de numérisation de la presse ancienne est financée dans le PLF 2024 à hauteur de 4,7 millions d’euros afin de sauvegarder et conserver des millions de pages datant de la seconde moitié du XIXe siècle aujourd’hui menacées ;

– la poursuite du projet concernant la Maison du dessin de presse rend nécessaire l’engagement de la majeure partie des crédits d’investissement (+ 11,9 millions d’euros en AE) et une hausse de ses crédits de fonctionnement ayant vocation à financer la conception du programme scientifique et culturel (+ 0,4 million d’euros) de l’établissement ;

– enfin, la stratégie en faveur du développement de la lecture conduit à augmenter les crédits d’intervention déconcentrés de 1,5 million d’euros pour consolider le programme Jeunes en librairie et de 0,3 million d’euros en matière de lecture publique.

Concernant le secteur des industries culturelles, la dotation pour charges de service public du Centre national de la musique (CNM) est en hausse de 0,5 million d’euros et un abondement de 1 million d’euros est prévu pour accroître les possibilités de découvrir des contenus francophones en ligne, après une hausse semblable déjà opérée l’année dernière.

 


I.   LE PROGRAMME 180 : des aides à la presse et aux médias sanctuarisées avec un soutien renforcé à l’agence France presse

Les crédits du programme 180 Presse et médias augmentent de 5,7 millions d’euros dans le PLF 2024, soit une hausse de 1,5 %, en raison principalement de la hausse de la dotation octroyée à l’Agence France Presse (AFP).

évolution des crédits du programme 180

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution LFI 2023- PLF 2024 en valeur absolue

Évolution LFI 2023-PLF 2024 en %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme  180 Presse et médias

372

371

377,7

376,7

+ 5,7

+ 5,7

+ 1,5 %

+ 1,5 %

01 Relations financières de l’État avec l’AFP

135

135

141,7

141,7

+ 6,7

+ 6,7

+ 5,0 %

+ 5,0 %

02 Aides à la presse

197,5

196,5

196,8

195,8

– 0,7

– 0,7

– 0,4 %

– 0,4 %

05 Soutien aux médias de proximité

1,8

1,8

1,8

1,8

0

0

0 %

0 %

06 Soutien à l’expression radiophonique locale

36

36

35,7

35,7

– 0,3

– 0,3

– 0,8 %

– 0,8 %

07 Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT)

1,7

1,7

1,7

1,7

0

0

0 %

0 %

Source : commission des finances.

A.   Un soutien supplémentaire à l’afp dans un contexTe de forte inflation – Action 01

La dotation en soutien de l’AFP est en hausse substantielle de 6,7 millions d’euros. Ce montant se décompose en une augmentation de la compensation des missions d’intérêt général (+ 5,6 millions d’euros pour un total de 119 millions d’euros) et une hausse du paiement des abonnements (+ 1,1 million d’euros pour un total de 22,7 millions d’euros).

1.   Un effort réel de maîtrise financière…

L’AFP a su rétablir une situation financière solide après des années compliquées précédant l’arrivée de Fabrice Fries à la tête de l’entreprise et la mise en œuvre du contrat actuel d’objectifs et de moyens (COM) 2019-2023.

Le plan de transformation, initié en 2018, est en passe d’être atteint :

– 12,5 millions d’euros d’économies pérennes ont été réalisées en 2022 par rapport à 2019. Elles devraient atteindre 16,5 millions d’euros en 2023 soit l’objectif fixé par le plan d’économie, ce qui correspond à un retour sur investissement de moins de deux ans (coût estimé des mesures du plan, incluant notamment un plan de départs volontaires et de suppression de postes à l’étranger, estimé à 21 millions d’euros) ;

– côté recettes, le retard du « plan image » (objectif de 23 millions d’euros à horizon 2023) est en cours de rattrapage et le chiffre d’affaires en la matière devrait représenter 20,5 millions d’euros en 2023 selon les données du budget initial de l’entreprise. Par ailleurs, l’AFP a largement dépassé les objectifs concernant les recettes de lutte contre les infox (10,4 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisé en 2022 contre 4,7 millions d’euros inscrits dans le COM) grâce à plusieurs accords avec des plateformes et l’application des droits voisins en 2022.

Par ailleurs, la dette de l’Agence, qui s’élevait à plus de 49 millions d’euros en 2017, devrait être totalement apurée en 2028 – une économie de 6,5 millions d’euros sur ses charges d’intérêt a été réalisée grâce à la renégociation de son prêt – tout en ayant financé la rénovation totale de son siège (coût de 8 millions d’euros). L’Agence affiche ainsi un résultat net positif en 2022 (+ 1,4 million, d’euros) malgré la forte hausse des coûts d’exploitation liée à l’augmentation des déplacements (reprise post-pandémie), les effets de l’inflation mondiale et le coût de la couverture du conflit ukrainien.

En 2023, un résultat d’exploitation positif de 5,1 millions d’euros est anticipé selon les dernières prévisions.

 

suivi des indicateurs financiers du com 2019-2023 de l’AFP

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023 (prévisions)

Indicateur n° 3 - Mesure du rayonnement commercial à l'international, soit le chiffre d'affaires réalisé hors de France

52,5 %

51,6 %

53 %

51,5 %

50,3 %

Indicateur n° 4 - Chiffre d'affaires lié à la lutte contre les infox

2

7,9

7,7

10,4

10,9

(2,1)

(4)

(4,4)

(4,7)

(5)

Indicateur n° 5 - Apport de chiffre d'affaires lié au Plan Image par rapport à 2018 sur le groupe AFP*

1

1

8,3

18,7

20,5

(1,8)

(8,4)

(12,5)

(17,5)

(23)

Indicateur n° 8 - Taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires, hors média par rapport à 2018*

0,7 %

– 3,3 %

3,6 %

9,2 %

7,9 %

Indicateur n° 9 - Taux de croissance annuel moyen de la masse salariale (hors FactStory) par rapport à 2018*

– 1 %

– 0,3%

0,7%

1,1%

1,4%

(0,6%)

(0,8%)

(1,1%)

(1,1%)

(1,1%)

Indicateur n° 10 - Évolution des charges hors personnel (hors FactStory) relevant du pilotage opérationnel de l'Agence par rapport à 2018*

– 0,1

– 2,6

– 0,7

4,8

2

(– 0,1)

(2,1)

(– 0,7)

 0,7)

(– 2,9)

Indicateur n° 14 - Évolution des produits commerciaux par rapport à 2018*

0,8

1,3

8,3

17,9

20,1

(1,2)

(5,4)

(6,3)

(10,5)

(12,5)

Indicateur n° 15 Ratio résultat d'exploitation hors ES / Chiffre d'affaires

2,6 %

2,64 %

2,64%

1,46%

0,95%

(0,82 %)

(1,36 %)

(1,07 %)

(1,2 %)

(1,4 %)

Les chiffres entre parenthèses correspondent aux cibles inscrites dans le COM.

* les indicateurs sont évalués à taux de changes comparables.

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

2.   …récompensé par un soutien budgétaire supplémentaire en 2024

Ces efforts indéniables n’empêchent pas l’AFP de subir de plein fouet les conséquences de l’inflation alors qu’on peut anticiper une réduction de certaines recettes commerciales : la croissance mécanique des charges de personnel liée à l’inflation, notamment pour les salariés hors de France, pèse sur les coûts de l’entreprise. Le marché traditionnel (presse, radio, télévision) connaît lui-même des difficultés et les plateformes numériques semblent vouloir se désengager des activités d’information et de lutte contre les infox. Enfin, les nouveaux axes de développement reposent sur des modèles économiques différents des produits historiques, ce qui implique de recourir à de nouvelles ressources. Si ces incertitudes justifient la poursuite des efforts de l’Agence, aussi bien en termes de développement commercial que de gestion rigoureuse de ses charges, l’augmentation de sa dotation pour 2024 était nécessaire et une nouvelle trajectoire financière sera définie dans le nouveau COM 2024-2028, qui s’inscrira dans la continuité du précédent. Sa signature est prévue en décembre 2023.

Le futur COM 2024 - 2028 de l’AFP

Le futur COM de l’AFP s’articule autour de quatre axes principaux et structurants pour l’Agence :

– remplir les missions d’intérêt général qui lui incombent pour tenir son rang d’agence mondiale ;

– renforcer son attractivité pour ses clients médias tout en diversifiant ses sources de revenus ;

– poursuivre sa modernisation et consolider ses engagements sociétaux ;

– poursuivre ses efforts dans le redressement des comptes, alors même que d’importants progrès ont été réalisés.

Ceux-ci se déclinent par l’établissement des objectifs suivants :

– rester l’une des trois grandes agences mondiales, en étant la seule européenne, en assurant un maillage international, une collecte permanente de l’information, la production d’une information complète (pour les usagers français et étrangers) et fiable, ainsi que sa diffusion large et ininterrompue ;

– renforcer l’utilité et l’attractivité pour les clients médias, de plus en plus enclins à ne garder qu’une seule agence, par une différenciation renforcée (enjeux environnementaux, couverture du numérique, couverture de l’Afrique, conquête et fidélisation des jeunes audiences), la poursuite des efforts pour avoir la meilleure offre vidéo ainsi que le développement de la plateforme AFP News, qui doit devenir l’outil de distribution de contenus de référence sur le marché ;

– adapter la stratégie de lutte contre la désinformation au nouveau contexte de revirement stratégique des plateformes : diversifier les sources de revenus, varier les formats éditoriaux, intensifier la politique de formation au journalisme numérique ;

– accroître la part des clients hors médias dans le revenu commercial à travers le développement des filiales, l’intensification des réponses aux appels d’offres institutionnels et une approche à construire pour les fondations philanthropiques soutenant le journalisme ;

– poursuivre la transformation de l’organisation et des méthodes de travail pour dégager de nouvelles marges de manœuvre financières ;

– mettre l’innovation et l’intelligence artificielle au service du travail journalistique, pour permettre à nos journalistes de se consacrer aux tâches à haute valeur ajoutée ;

– poursuivre le déploiement d’une gestion des ressources humaines professionnalisée pour mieux répondre aux besoins en compétences de l’Agence ;

– mettre en place une politique de développement durable ambitieuse.

Source : DGMIC.

B.   des aides à la presse stabilisées en 2024 – action 2

L’action 02 du programme 180 regroupe l’ensemble des aides directes à la presse, hors aide au transport postal affectée au programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie.

évolution des aides directes à la presse

(en millions d’euros)

 

LFI
2023

PLF
2024

Évolution
LFI 2023-PLF 2024

 

AE

AE

AE

Aides à la presse sur le programme 180

197,5

196,8

– 0,7

Aides à la diffusion

119

114,7

– 4,3

dont l’aide aux réseaux de portage

2,4

2,4

0

dont l’aide à l’exemplaire porté

32,7

32,7

0

dont l’aide à l’exemplaire posté

72,2

68,2

– 4,0

dont l’exonération de charges patronales pour le portage

11,7

11,4

– 0,3

Aides au pluralisme

23,2

25,9

+ 2,7

dont QRFP

10,4

13

+ 2,6

dont PFRP

4

4

0

dont QFRPA

1,4

1,4

0

dont PPR

1,5

1,5

0

dont titres ultramarins

2

2

0

dont services de presse en ligne

4

4

0

Aides à la modernisation

55,3

56,2

+ 0,9

dont la modernisation sociale

 

 

0

dont la modernisation de la distribution

27,8

27,8

0

dont la modernisation des diffuseurs

6

6

0

dont le FSDP

16,5

17,3

+ 0,8

dont le FSEIP

5

5

0

Aide au transport postal de la presse IPG sur le programme 134

40

42,8

+ 2,8

TOTAL aides à la presse (hors dispositifs fiscaux et sociaux)

237,5

239,6

+ 2,1

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

Au programme 180 sont également rattachées les dépenses fiscales en faveur de la presse.

Montant des dépenses fiscales en faveur de la presse
rattachées au programme 180

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023 (prévision)

2024 (prévision)

Taux de TVA super réduit (2,1 %) (art. 298 septies du CGI) **

140

145

70 (155)*

60 (160)*

60*

Exonération de CFE en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes (1 458 bis)

5

5

5

5

5

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes (1 458 bis, 1 586 ter du CGI)

5

3

3

5

4

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse (art. 39 bis A et B du CGI)

1

1

1

0

Non chiffré

Réduction d’impôt des particuliers pour souscription au capital des sociétés de presse (199 terdecies-0 C du CGI)

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

< 0,5

Réduction d’impôt des particuliers pour dons effectués en faveur des entreprises de presse (« amendement Charb », article 200 du CGI)

Non chiffré

Non chiffré

Non chiffré

Non chiffré

Non chiffré

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif (298 duodecies du CGI)

1

1

1

< 0,5

-

Crédit d’impôt sur le revenu au titre du premier abonnement à un média d’information politique et générale (200 sexdecies du CGI)

-

-

3

3

0

* À partir de 2024, le coût des dépenses de taux réduits de TVA indiqué dans les projets annuels de performance et dans le tome II des Voies et moyens annexé au PLF ne correspond plus aux diminutions de recettes de TVA liées à la dépense fiscale mais à l’impact restant à la charge de l’État après transferts aux collectivités territoriales et aux administrations de sécurité sociale.

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

Au 31 décembre 2023 devait arriver à échéance la déduction spéciale de provisions destinées au financement des investissements ou d’équipements. Les bénéficiaires de cette déduction (journaux quotidiens, publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée pour une large part à l’information politique et générale – IPG –, service de presse en ligne consacré pour une large part à l’IPG ou développant l’information professionnelle ou favorisant l’accès au savoir et à la formation et la diffusion de la pensée, du débat d’idées, de la culture générale et de la recherche scientifique) peuvent déduire 30 % des sommes ouvrant droit à déduction du bénéfice de l’exercice concerné. Ce taux est relevé à 60 % pour les quotidiens et 80 % pour les quotidiens dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,6 millions d’euros. Les sommes prélevées ou déduites des résultats imposables peuvent être utilisés au financement de 40 % du prix de revient des immobilisations visées par le texte. Ce taux est relevé à 90 % pour les quotidiens.

Ce régime spécifique de déduction qui a bénéficié à 71 entreprises en 2021 a été prolongé par amendement jusqu’au 31 décembre 2026. Identifié par l’ensemble des acteurs (hors du champ IPG stricto sensu), ce mécanisme cible les investissements portant notamment sur le numérique, l’innovation technologique et le traitement des données. Plus généralement, il encourage l’investissement dans l’ensemble des moyens nécessaires à la production d’une information de qualité alors que la presse doit continuer à se transformer pour s’adapter aux nouveaux usages.

1.   L’aide exceptionnelle en faveur de la presse papier

L’aide exceptionnelle instituée par le décret n° 2023-331 du 3 mai 2023 et financée pour partie par des crédits ouverts en LFR 2022 à l’initiative du rapporteur spécial et des reliquats du plan de filière presse est actuellement mise en œuvre. Sous réserve de l’instruction complète des dossiers par l’Agence de services et de paiement (ASP), gestionnaire de l’aide, 501 publications devraient être aidées, représentant une part très importante du secteur, IPG (205) comme non IPG (296). Elles sont éditées par 165 entreprises composant 107 groupes. Leur surcoût d’approvisionnement en papier (pour les seules publications éligibles) s’élève à 98 millions d’euros. L’enveloppe de près de 30 millions d’euros ouverte au titre de cette aide exceptionnelle permettrait ainsi de compenser environ le tiers des surcoûts liés à la guerre en Ukraine. Parmi les 107 groupes soutenus, 20 – éditant des publications de chaque famille de presse – bénéficient d’une aide plafonnée à 1 million d’euros. Le montant moyen d’aide est de 275 000 euros par groupe, 179 000 euros par entreprise et 59 000 euros par publication.

Au 15 octobre, un premier versement de 16 millions d’euros a été effectué à l’ASP qui a pu verser l’aide à plus de 50 bénéficiaires (près du tiers des bénéficiaires). Les autres bénéficiaires recevront l’aide dès que le transfert des fonds pourra être réalisé à l’ASP (dégel de la réserve de précaution et ouverture de crédits à hauteur de 1,4 million d’euros en autorisations d’engagement et 5,6 millions d’euros en crédits de paiement en loi de finances de fin de gestion). L’ensemble des crédits alloués à ce dispositif devrait être consommé.

 

répartition de l’aide exceptionneLLE par famille de presse

(en millions d’euros)

 

Publications

Montant d’aide

Proportion de la famille dans l’aide

PQN

16

4,1

14 %

dont IPG

11

2,9

72 %

dont non IPG

5

1,1

28 %

PQR

47

10

34 %

PHR
(presse hebdomadaire régionale)

115

1,1

4 %

Presse magazine
et professionnelle

323

14,4

49 %

dont IPG

37

4,9

34 %

dont non IPG

286

9,5

66 %

TOTAL

501

29,6

100 %

Source : DGMIC.

2.   La mise en œuvre de la réforme de la distribution de la presse auprès des lecteurs abonnés

2024 constituera la deuxième année de pleine application de la réforme du transport de la presse abonnée qui vise à opérer un basculement du postage au portage. Elle se décline par une baisse progressive de la compensation accordée directement par l’État à La Poste en raison de ses missions d’intérêt général et la création de deux aides : l’aide à l’exemplaire posté appelée à diminuer progressivement, et l’aide à l’exemplaire porté.

Conformément à la trajectoire définie par le protocole signé le 14 février 2022 entre l’État, La Poste, les éditeurs de presse et l’ARCEP, la compensation pour 2023 pour la mission de service public de transport de la presse assurée par La Poste atteint 42,8 millions d’euros. Cette trajectoire doit permettre de rejoindre la compensation du coût net évité lié à la distribution des exemplaires de presse en zone sous-dense, tout en limitant pour les premiers exercices la hausse du coût pour l’État du soutien au transport postal de la presse, entendu comme la somme de l’exemplaire posté et de la compensation versée à La Poste.

trajectoire de compensation de la Poste fixée
par la convention du 14 février 2022

(en millions d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

Compensation versée à la Poste
(en droits constatés)

40

42,8

38,5

32,2

Source : protocole d’accord entre la presse, La Poste et l’État portant réforme et programmation du service public de distribution de la presse papier abonnée pour les années 2022-2026 ([1]).

Concernant l’aide à l’exemplaire posté, le montant total attribué à diminué de 4 millions d’euros pour atteindre 68,2 millions d’euros dans le PLF 2024. Cette baisse est justifiée par la baisse du montant unitaire de l’aide de 15 % prévue par la convention pour les zones denses afin d’encourager le transfert du postage vers le portage, qui constitue l’objectif prioritaire de la réforme Giannesini. Elle ne s’applique pas aux communes des zones définies comme peu denses au regard de l’absence d’alternative avec la distribution postale. Cette baisse de 4 millions d’euros se justifie également par la diminution des volumes postés estimée à 4,4 % en 2023 et 2024 (contre une baisse des volumes de – 8,9 % en 2021 et 2022).

Le montant de l’aide accordée à l’exemplaire porté est reconduit dans le PLF 2024 à 32,7 millions d’euros. Elle se conjugue à l’aide aux réseaux de portage (2,4 millions d’euros prévus dans le PLF 2024) dont le régime doit encore être validé par la Commission européenne. Cette aide est conditionnée à l’ouverture des réseaux de portage à un plus grand nombre de titres de presse.

Les éditeurs des près de 380 publications éligibles à l’aide à l’exemplaire pour les titres de presse postés bénéficient, chaque mois, depuis le début de l’année 2023, d’une avance de l’aide versée par La Poste au nom et pour le compte de l’État. L’instruction par la DGMIC des demandes formelles d’aide pour 2023 et 2024 est en cours et devrait être finalisée en novembre 2023. L’instruction de l’aide à l’exemplaire pour les titres de presse portés est en cours ; elle sera versée aux 151 publications éligibles en fin d’année 2023.

Un basculement moins rapide qu’espérée du postage vers le portage

Le rapporteur constate que l’augmentation du taux de portage semble moins rapide qu’espérée : la prévision du taux de portage est de 74 % pour 2024 dans le PAP 2024 alors que cette prévision était de 87 % dans le PAP 2023.

Les conventions de calcul expliquent pour une grande part l’écart des prévisions : les taux indiqués dans le PAP du PLF 2024 correspondent au portage des publications d’information politique et générale (IPG) dont les données sont issues, pour le postage, des données comptables de La Poste et, pour le portage, de la base de données de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) selon les explications transmises par la DGMIC.

D’autres raisons plus substantielles expliquent un basculement moins rapide qu’escompté :

 les difficultés économiques des réseaux de portage (difficultés de recrutement de salariés et de vendeurs-colporteurs, augmentation du coût des carburants, revalorisation du SMIC) ;

 l’inertie inhérente à la contractualisation entre éditeurs et réseaux de portage.

Un premier bilan de la réforme sera conduit en 2024 en coordination avec les acteurs du secteur.

3.   Les aides au pluralisme

Les aides au pluralisme sont stables en 2024, à l’exception des aides aux quotidiens à faibles ressources publicitaires (QFRP) qui sont majorées à hauteur de 2,7 millions d’euros pour prendre en charge l’éligibilité éventuelle de nouveaux titres (enveloppe de 13 millions d’euros dans le PLF 2024 contre 10,4 millions d’euros dans le PLF 2023). La liste de ces nouveaux titres n’a pas été transmise au rapporteur spécial.

Les titres ultramarins connaissent aujourd’hui des difficultés : la liquidation puis la reprise des Nouvelles calédoniennes (aujourd’hui La voix du caillou) et l’actuel placement en liquidation judiciaire du Quotidien de la Réunion en sont la preuve. L’aide au pluralisme pour les titres ultramarins, pour répondre aux défis posés par un plus faible lectorat, des annonceurs peu nombreux et des problèmes structurels d’organisation de la distribution, est maintenue à 2 millions d’euros dans le PLF 2024.

L’aide au pluralisme des titres ultra marins

(en euros)

Titres

Montant versé en 2021

Montant versé en 2022

QUOTIDIENS

 

Dépêche de Tahiti

113 954

0

France Antilles - édition Martinique

198 625

301 189

France Antilles - édition Guadeloupe

149 364

226 156

Journal de l’île de la Réunion

429 012

383 132

Nouvelles Calédoniennes

375 158

357 761

Quotidien de la Réunion et de l’Océan Indien

479 928

463 366

Tahiti Infos

50 776

67 070

TOTAL (en €)

1 796 817

1 798 674

AUTRES PÉRIODICITÉS

Actu. NC

0

86 109

Justice

58 696

63 980

Nouvelles Étincelles

57 287

0

Nouvelles Semaine

51 180

38 401

Pélican

12 647

10 459

Progrès Social

2 517

2 377

Tahiti Pacifique

20 856

0

TOTAL (en €)

203 183

201 326

 

 

 

 

2 000 000

2 000 000

Source : DGMIC.

Le rapporteur spécial rappelle que les projets de modernisation ou de restructuration des entreprises ultramarines bénéficient de taux d’aide privilégiés (60 % au lieu de 40 %) dans le cadre du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). Le fonds a permis de soutenir deux projets d’installation de nouvelles presses numériques aux Antilles, l’une en Martinique (4 millions d’euros en 2021) et l’autre en Guadeloupe (4,3 millions d’euros en 2022) à 80 % (taux bonifié en raison de la nature « collective » du projet et sa dimension favorable à la transition écologique). Plusieurs titres de la presse quotidienne nationale ont donné mandat au groupe France Antilles pour porter ces investissements et être eux-mêmes imprimés directement sur place. Bien que le nombre d’exemplaires de la presse quotidienne nationale imprimés sur place restera faible par rapport au titre France Antilles, cela permet de se dispenser de l’acheminement de ces titres par voie aérienne, et ainsi de réduire considérablement l’empreinte écologique de la distribution tout en assurant une distribution le jour même.

4.   Les aides à la distribution : une nouvelle évaluation attendue

Le soutien à la distribution de la presse au numéro est maintenu à 27,9 millions d’euros dans le PLF 2024. Cette aide vise principalement à permettre à France Messagerie de prendre en charge les surcoûts spécifiques liés à la distribution chaude des quotidiens, hors aide de 0,85 million d’euros destinée au soutien à l’export.

L’équilibre financier de France Messagerie ne semble pas assuré à moyen terme alors que la faillite de Presstalis a représenté un coût de près de 250 millions en 2020 (en incluant les prêts non remboursés du fonds de développement économique et social ainsi que le renoncement de l’État aux créances). Dans son avis du 13 décembre 2022, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) souligne que, si les hausses tarifaires participent à l’amélioration de la santé financière de la société, celles-ci ne répondent pas aux préoccupations financières à moyen terme. L’ARCEP réitère ses critiques concernant les barèmes qui confèrent un avantage indu aux titres à fort tirage. Le rapporteur réitère par ailleurs ses interrogations concernant l’articulation entre l’aide directe accordée pour la distribution des quotidiens et la péréquation qui conduit les magazines à compenser aux quotidiens les surcoûts générés par leur distribution soumise à des contraintes spécifiques, et dont les paramètres sont fixés par l’ARCEP.

La baisse structurelle des ventes de journaux papier, qui ne peut être compensée par une baisse des coûts équivalente au regard des coûts fixes incompressibles, doit conduire à réinterroger la concurrence actuelle au sein du marché de la distribution ainsi que les coopérations mises en œuvre entre France Messagerie et son concurrent (les Messageries lyonnaises de presse) ainsi que l’articulation de l’action des messageries (niveau 1) avec l’action des dépositaires dits de niveau 2 en régions.

Le rapporteur spécial demandera la communication du rapport qui devrait être rendu par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires culturelles en novembre 2023 au sujet de la distribution de la presse. Ce rapport doit présenter les tendances du lectorat de la presse imprimée à l’horizon de dix ans et leurs conséquences sur les tirages ainsi que sur l’adéquation du système de la distribution, notamment les sociétés coopératives de groupage de presse, avec les besoins actuels et futurs. Ce rapport devrait proposer plusieurs scénarios d’évolution du secteur, de sa régulation et du soutien public dont il bénéficie.

C.   le soutien aux médias (actions 05, 06 et 07) : l’augmentation de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale

Les actions 05, 06 et 07 portent les crédits alloués respectivement au fonds de soutien pérenne aux médias d’information sociale de proximité (1,8 million d’euros, soit une dotation stable dans le PLF 2024 par rapport à la LFI 2023), au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (35,7 millions d’euros dans le PLF 2024) ainsi qu’à la radio marocaine Médi1 pour assurer la couverture des journalistes français (1,7 million d’euros dans le PLF 2024 comme en LFI 2023). Il est à noter dans le PLF 2024 la suppression du soutien à la création radiophonique et du podcast (à hauteur de 1,2 million d’euros).

Pour la quatrième année consécutive, les crédits du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) sont abondés (+ 0,9 million d’euros dans le PLF 2024 contre une hausse de + 1,7 million d’euros en 2023, + 1,1 million d’euros en 2022 et + 1,25 million en 2021).

Cette augmentation permet de compenser l’augmentation du nombre de radios éligibles au FSER liée à l’attribution de nouvelles fréquences en DAB + : le nombre de services radiophoniques ayant bénéficié d’une subvention d’exploitation du FSER est ainsi passée de 687 en 2019 à 739 en 2022. 756 radios associatives éligibles au FSER ont présenté une demande de subvention (contre 747 en 2022). Malgré l’augmentation de sa dotation, le montant moyen de la subvention d’exploitation est en baisse régulière depuis 2018.

évolution du montant moyen de la subvention d’exploitation de 2018 À 2023

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Près de 300 radios associatives sont désormais autorisées en DAB + sur les multiplex étendus et locaux, dont la plupart sont également autorisées en FM et assurent une double diffusion. La double diffusion représente un coût significatif, s’élevant de quelques milliers d’euros à une dizaine de milliers d’euros par an, que les radios associatives peinent à absorber. Dans ce contexte, la nouvelle réforme du décret régissant le FSER  ([2]), effective depuis le début de l’année 2023, prévoit de mettre en place un accompagnement supplémentaire pour les radios associatives diffusant à la fois en FM et en DAB + : le mécanisme prévoit l’application d’un coefficient de majoration de la subvention d’exploitation de 5 %.

Le rapporteur salue par ailleurs le lancement début 2024 d’une campagne de communication au sujet du déploiement du DAB + par l’association réunissant l’ensemble des acteurs de la radio « Ensemble pour le DAB + ». La diffusion numérique accuse en effet un retard de notoriété qu’il convient de corriger pour favoriser son déploiement.

II.   LE PROGRAMME 334 : une forte augmentation des crédits pour le livre et des incertitudes concernant le financement du centre national de la musique

Le programme 334 enregistre une hausse de 33,9 millions d’euros en AE et de 25,4 millions d’euros en CP. Il représente une dotation de 364,2 millions d’euros en AE et 359,3 millions d’euros en CP dans le PLF 2024.

A.   Le livre et la lecture : une priorité budgétaire

En dehors de l’augmentation de la subvention pour charges de service public (SCSP) du CNM de 0,5 million d’euros et un abondement de 1 million d’euros pour accroître la découvrabilité des contenus francophones en ligne, l’augmentation des crédits du programme 334 est portée exclusivement par l’action 01 « Livre et lecture ».

1.   Une augmentation du soutien financier aux opérateurs

La BnF est le principal opérateur du programme 334 et représente à elle seule quasiment 70 % des crédits.

évolution des crédits des opérateurs rattachés au programme 334

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution en valeur absolue

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

BnF

228,8

232,8

242,9

246,9

+ 14,1

+ 14,1

dont fonctionnement

198,4

198,4

211,5

211,5

+ 13,1

+ 13,1

dont investissement et acquisitions

30,3

34,3

31,3

35,3

+ 1

+ 1

Bpi

7,5

9,3

8,5

10,1

+ 1

+ 0,8

dont fonctionnement

7,1

7,1

7,7

7,7

+ 0,6

+ 0,6

dont investissement

0,4

2,2

0,8

2,5

+ 0,4

+ 0,3

CNL

27,4

27,4

28,9

28,9

+ 1,5

+ 1,5

dont fonctionnement

27,3

27,3

28,8

28,8

+ 1,5

+ 1,5

dont investissement

0,1

0,1

0,1

0,1

0

0

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

a.   Les difficultés financières de la BnF

Outre un transfert de 1 million d’euros en provenance du programme 334, les moyens de la BnF sont renforcés en 2024 à hauteur de 12,1 millions d’euros, qui se répartissent en 7,3 millions d’euros au titre de la prise en compte de l’inflation et 4,8 millions d’euros au titre de la compensation du coût relatif à la hausse du point d’indice intervenue en juillet 2022 et des effets liés sur le compte d’affectation spéciale Pensions. La BnF a, par ailleurs, obtenu une évolution à la hausse de sa subvention pour charges de service public, de 2,1 millions d’euros, dont 1 million d’euros de crédits destinés à des mesures catégorielles.

La situation budgétaire de l’établissement est aujourd’hui très fragile. La BnF peine à maintenir un fonds de roulement en gestion supérieur à 30 jours de fonctionnement soit la limite prudentielle pour les opérateurs de l’État. En 2023, le budget initial de l’établissement qui prévoyait un déficit budgétaire limité à 3,7 millions d’euros a été percuté par la hausse importante des charges des fluides (+ 7,4 millions d’euros) et la hausse du coût des prestations informatiques et immobilières (+ 0,8 million d’euros). Sans soutien supplémentaire en loi de finances rectificative de fin d’année, la BnF pourrait constater un déficit budgétaire de 11,1 millions d’euros conduisant à un prélèvement du fonds de roulement de près de 10 millions d’euros. Le projet de loi de finances de fin de gestion prévoit une dotation pour prendre en compte les surcoûts de l’inflation en 2023. La BnF ne devrait pas être compensée en 2024 pour l’augmentation du point d’indice de 1,5 % et les autres mesures de revalorisation annoncées au niveau interministériel en juin 2023 (coût de 3,8 millions d’euros), pas plus que ne le sont l’ensemble des opérateurs de l’État.

L’établissement table en 2024 sur une évolution de sa masse salariale contenue à 0,9 % (soit + 1,4 million d’euros), un niveau inférieur à son glissement vieillesse technicité réel, la stabilité des dépenses de fonctionnement, hors surcoûts liés aux fluides : compte tenu des tensions inflationnistes actuelles, hors fluides, un nouvel effort de compression de ses dépenses est engagé, après les vagues d’économies déjà réalisées et consolidées en gestion 2022 et 2023.

À l’exception de projets bénéficiant d’enveloppes spécifiques, comme la construction du nouveau centre de conservation à Amiens (les études de maîtrise d’œuvre sont prévues en 2024 et 2025 avant les travaux qui devraient s’étendre de 2026 à 2029) ([3]), le risque est évidemment de rogner sur les investissements indispensables pour maintenir en état le bâti tout comme les investissements informatiques et numériques nécessaires à la modernisation de l’établissement.

Des investissements indispensables pour permettre à l’établissement de fonctionner

De nombreux projets d’investissement sont prévus ces prochaines années pour l’établissement :

– le remplacement du système de sécurité incendie (SSI) qui représente une dépense de 15 millions d’euros pour les exercices de 2024 à 2026 ;

– le remplacement complet des appareils d’éclairage à la technologie ancienne par des équipements basse consommation (10 millions d’euros) ;

– la rénovation des équipements de la gestion technique et du système de gestion technique électrique ;

– le remplacement des ascenseurs du socle sur le site François-Mitterrand sur une période de 10 ans (0,5 million d’euros par an) ;

– les travaux de réfection des tours aéro-réfrigérantes du site, soit une enveloppe de 3 millions d’euros entre 2022 et 2024.

– le renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents pour un coût estimé de 5,9 millions d’euros entre 2016 et 2027 ;

– les investissements informatiques et numériques (développement des espaces de stockage informatique assurant la conservation des documents numériques, renouvellement du backbone, projet MISAOA d’amélioration de la collecte, du signalement et de la conservation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles diffusées en France, etc.)

L’opérateur indique ainsi : « si l’établissement s’est d’ores et déjà résolument engagé avec les enveloppes d’investissement disponibles dans plusieurs opérations de grande ampleur ces dernières années, les dépenses qui seraient théoriquement nécessaires sont supérieures à 50 millions d’euros par an, niveau très supérieur à ce que permet le budget actuel. »

b.   Le soutien à la Bpi et au CNL

La Bpi et le CNL bénéficient également d’une légère augmentation de leur dotation de fonctionnement pour faire face à l’inflation et l’augmentation du point d’indice (+ 0,6 million d’euros pour la Bpi et + 0,4 million d’euros pour le CNL) tandis que la subvention d’investissement de la Bpi est également rehaussée (+ 0,4 million d’euros) pour financer des besoins croissants d’investissements informatiques et numériques.

Tout en ayant une activité soutenue en 2022 et 2023 (augmentation de la fréquentation dans un contexte de retour du public dans les salles de lecture, activités culturelles diverses avec les expositions sur Chris Ware et Serge Gainsbourg ou les festivals « Effractions » et « Cinéma du réel ») la Bpi se tourne maintenant vers la préparation de son installation provisoire prévue en 2025 dans l’immeuble Lumière du XIIe arrondissement de Paris lorsque le Centre national d’art contemporain Georges Pompidou sera fermé pour travaux. Un bail a été signé en 2023 et les travaux d’aménagement de la bibliothèque provisoire représenteraient un coût d’environ 4 millions d’euros. Les deux niveaux loués (deuxième et troisième étages de l’aile sud du bâtiment) représentent une surface de 10 950 m². La capacité d’accueil est de 1 600 personnes pour une surface ouverte au public de 8 000 m². Le nombre de documents à disposition s’élève à 320 000 documents. Ces chiffres sont à rapporter aux capacités actuelles de la Bpi : une surface actuelle de 10 400 m², pouvant accueillir 2 100 personnes et proposant 390 000 documents.

Un travail d’élaboration de la circulation des publics, de l’aménagement des espaces, du déménagement des collections et de l’organisation des services offerts au public est aujourd’hui mis en œuvre dans la perspective d’ouvrir à la fin de l’été 2025 à tous les publics sur une amplitude horaire inchangée après une fermeture des portes de la Bpi au Centre Pompidou prévue en avril 2025. La bibliothèque devrait ensuite rouvrir ses portes en 2030 dans un Centre Pompidou rénové, portés par un projet commun favorisant la circulation des publics entre les deux établissements et avec une attention toute particulière portée à la jeunesse.

2.   Le développement d’une stratégie nationale en faveur de la lecture

La stratégie nationale de développement de la lecture se poursuit en 2024. Outre le soutien traditionnel aux collectivités territoriales via le concours particulier « Bibliothèques » de la dotation générale de décentralisation doté en 2024 de 88,4 millions d’euros sur le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements de la mission Relations avec les collectivités territoriales, pour permettre de poursuivre la dynamique des extensions des horaires d’ouverture mais aussi de soutenir cette année les investissements de réhabilitation pour les bâtiments ayant subi les dégradations lors des émeutes de juin et juillet 2023, ainsi que les crédits destinés aux contrats territoire-lecture (CTL) et aux contrats départementaux lecture (CDL) imputés au programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture, de nouveaux crédits sont prévus pour la stratégie en faveur du développement de la lecture dans les territoires à hauteur 4,9 millions d’euros dont 1,8 million d’euros sur le programme 334 :

– une enveloppe de 0,3 million d’euros permettra de soutenir les actions en faveur de la formation dans les territoires ;

– 1,5 million d’euros financeront le programme « Jeunes en librairie » piloté par le Centre national de la lecture (CNL) et généralisé à l’occasion du plan de relance.

« Jeunes en librairie » : un dispositif englobant prolongé après le plan de relance

Jeunes en librairie est un programme d’éducation artistique et culturelle (EAC) au bénéfice d’élèves de collèges, de lycées et de centres de formation d’apprentis mis en œuvre par les ministères chargés de la culture et de l’éducation nationale. Il a été généralisé dans le cadre du plan France Relance, après avoir été initié dans les régions de Nouvelle Aquitaine, des Hauts-de-France et récemment à Mayotte. Il vise à apporter aux élèves une compréhension de la chaîne du livre et une familiarité avec ses acteurs et ses métiers, à travers la porte d’entrée que constitue la librairie.

Jeunes en librairie est construit par des professeurs avec des professionnels du livre, libraires, éditeurs et auteurs. Les projets ainsi proposés peuvent impliquer, outre la visite de la librairie, des temps de rencontre, des ateliers d’écriture, des productions numériques, des clubs de lecture, etc. À l’issue de ce parcours, les élèves acquièrent pour eux-mêmes, dans la librairie partenaire, un ou plusieurs ouvrages grâce à un bon d’achat, en étant accompagnés par l’expertise du libraire.

Le nombre de projets mis en œuvre est chaque année en hausse, avec plus de 2 000 projets pour l’année scolaire 2022-2023, contre 1 634 en 2021-2022. Sur la même année scolaire, ce sont près de 65 000 élèves issus de 1 781 établissements scolaires (dont 50 établissements régionaux d’enseignement adapté contre 17 en 2021 -2022) qui ont bénéficié du dispositif, donnant lieu à près de 2 millions d’euros d’achats de livres auprès de 919 librairies.

Pour l’année scolaire 2022-2023, les 3,5 millions d’euros de crédits alloués au dispositif ont été ventilés de la manière suivante : 2 millions d’euros consacrés à l’achat de livres, 0,7 million d’euros consacrés à l’action culturelle et 0,8 million d’euros consacrés à l’ingénierie. L’enveloppe de 1,5 million d’euros en 2024 sera déléguée aux DRAC. La part collective du pass Culture sera systématiquement sollicitée en co-financement des projets, pour les coûts qui y sont éligibles (action culturelle). Enfin, la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA) a décidé d’accompagner financièrement le développement de Jeunes en librairie à hauteur de 150 000 euros pour l’année 2023-2024, aide qui pourrait être reconduite pour les années à venir.

3.   La valorisation patrimoniale des productions de presse

Deux projets spécifiques font l’objet de financements supplémentaires dans le PLF 2024.

a.   La numérisation de la presse ancienne par la BnF

L’ampleur des collections de presse, l’usage intense qu’en font les lecteurs et leur fragilité conduisent la BnF à leur accorder une attention particulière à travers des actions prioritaires de conservation et de numérisation, et des programmes pédagogiques, culturels et scientifiques. La BnF va ainsi engager un plan national de numérisation d’une collection de référence de la presse qui concerne à la fois les collections de la BnF et celles de collectivités territoriales (2 800 titres de presse de référence).

Dans ce cadre, le PLF 2024 prévoit une enveloppe de 4,7 millions d’euros de crédits supplémentaires pour mener à bien un plan de numérisation de la presse ancienne dont l’objectif est de porter, en cinq ans (2024-2028), de 40 à 60 millions le nombre de pages de presse numérisées. Ce plan cible en premier lieu les journaux de presse de la Troisième République dont la dégradation du papier risque de conduire à la disparition. Le besoin total est estimé à 17,5 millions d’euros sur la période 2024 -2028.

À ce projet porté par la BnF s’ajoute un autre grand projet, démarré en 2022, de numérisation de la presse sous droits (8 millions de pages de 18 titres de presse), porté par une filiale de la BnF grâce au soutien financier du FSDP.

b.   La Maison du dessin de presse

La mise en œuvre du projet de la Maison du dessin de presse dans un ancien lycée du centre de Paris occasionne l’engagement d’une nouvelle enveloppe de 11,9 millions d’euros en AE et la hausse des crédits en CP alloués au projet de 1 million d’euros (+ 0,6 million d’euros au titre des dépenses d’investissement et + 0,4 million d’euros pour les dépenses de fonctionnement et de préfiguration qui doivent permettre de concevoir le parcours muséographique, créer un site internet et organiser un réseau de partenaires français et étrangers). 3 ETP sont par ailleurs financés par le programme budgétaire 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture de la mission Culture.

L’État a délégué en 2022 la maîtrise d’ouvrage des études et des travaux à son établissement public de maîtrise d’ouvrage publique, l’OPPIC. Ce dernier a réalisé, au second semestre 2022 et au premier semestre 2023, les études préalables et le programme architectural et fonctionnel de la Maison. Le choix de l’architecte et la notification du marché de maîtrise d’œuvre devraient étaient prévus au deuxième semestre de l’année 2023. L’année 2024 devrait être consacrée aux études de maîtrise d’œuvre et à la consultation des entreprises pour un démarrage des travaux fin 2024 et une livraison du bâtiment prévue en 2026.

Le budget prévisionnel d’investissement est estimé à 15,6 millions d’euros.

calendrier de décaissement des crédits d’investissement
pour la création de la maison du dessin de presse

(en millions d’euros)

2023

2024

2025

2026

TOTAL

0,4

2,6

5,5

7,1

15,6

Source : DGMIC.

La Maison du dessin de presse comprendra une galerie d’exposition permanente à caractère historique et un espace d’exposition temporaire, de rencontres, de création et de médiation. Des questionnements se font aujourd’hui jour sur les risques éventuels relatifs à l’exposition de caricatures du prophète Mahomet. Le rapporteur spécial, qui n’est pas compétent pour juger de la nature des pièces exposées au sein de cette maison, souligne l’intérêt de défendre cette spécificité du débat public en France qui accorde une place importante à la liberté d’expression.

B.   La musique : les incertitudes concernant le financement du CNM

Si le produit de la taxe sur la billetterie devrait atteindre le niveau record de 40 millions d’euros en 2023 (montant de la perception par le CNM de 28,1 millions d’euros au 31 juillet 2023 soit une hausse de près 18 millions d’euros en un an) avec un nombre de séances facturées qui devrait s’approcher du niveau de 2022 (76 000 séances), le retour à la normale pour le spectacle vivant en matière de fréquentation n’empêche pas de fortes disparités au sein du secteur.

La forte hausse des coûts pour les festivals (+ 24 % par rapport à 2019 selon les chiffres du PRODISS) a fragilisé les structures de petite et moyenne taille : si cette hausse s’explique par la tendance inflationniste des coûts artistiques déjà initiée avant la crise covid (la fragilité économique des festivals de taille moyenne conduisant à privilégier les têtes d’affiche à la prise de risque artistique), elle est aussi causée par la forte croissance des coûts techniques, du coût des assurances et de la mise en œuvre de la transition écologique. Ces difficultés économiques se rajoutent aux aléas climatiques qui se multiplient. Plus de 40 festivals ont dû annuler tout ou partie de leur programmation pour des motifs économiques ou climatiques. Pour les salles, le rapporteur spécial a également été alerté par la situation financière des scènes de musiques actuelles, dont l’équilibre financier est remis en cause.

Le secteur de la musique enregistré poursuit quant à lui sa croissance pour la sixième année consécutive après une période de quinze années marquées par la crise du disque. En 2022, il enregistre une augmentation du chiffre d’affaires de près de 6,4 % (920 millions d’euros) grâce à la pénétration du streaming. Au premier semestre 2023, il affiche une progression de 9,4 % (chiffre d’affaires de 397 millions d’euros).

1.   Des nouveaux besoins de financement

Le CNM a encore bénéficié en 2023 d’un montant de crédits budgétaires d’un niveau très élevé pour ses aides sélectives, grâce au report des crédits du plan de relance :

– l’enveloppe pérenne de 22,8 millions d’euros générée par un tiers de la recette fiscale et d’une part de la subvention pour charges de services public du CNM ;

– 17,8 millions d’euros de report de 2022 à 2023 ;

– 18,6 millions d’euros d’aides attribuées ayant fait l’objet d’une annulation ;

– 6,1 millions d’euros au titre de diverses autres recettes.

C’est donc une enveloppe totale de 65,1 millions d’euros que le CNM a à disposition en 2023 pour soutenir l’ensemble du secteur. Sans recettes supplémentaires, les aides sélectives pourraient ne plus représenter en 2024 qu’un montant d’environ 25 millions d’euros. La tenue des Jeux olympiques à l’été 2024 pourrait conduire par ailleurs à une perte importante de taxe sur la billetterie de près de 10 millions d’euros l’année prochaine, eu égard à l’indisponibilité pendant plusieurs semaines des stades et arénas à grande capacité d’accueil.

S’il n’est pas raisonnable de penser qu’un montant pérenne de près de 65 millions d’euros pourrait être affecté chaque année au Centre national de la musique, l’enveloppe de 25 millions d’euros paraît à l’inverse bien trop insuffisante pour soutenir l’ensemble des filières (éditeurs, disquaires, musique enregistrée, spectacle vivant) ainsi que les dispositifs transversaux (innovation, développement international, égalité femmes-hommes, aide à la transition écologique).

Cela est d’autant plus clair que le rapport Bargeton ([4]) remis à la ministre pour évaluer les nouvelles pistes de financement pour l’opérateur ainsi que les dispositifs qui mériteraient d’être déployés estime à près de 30 ou 40 millions d’euros les besoins supplémentaires, notamment en matière de soutien à l’export (enveloppe souhaitée de 15 à 20 millions d’euros par an) de soutien à l’innovation et à la veille (enveloppe souhaitée de 10 millions d’euros par an), de développement de moyens propres de collecte et d’analyse des données du CNM (augmentation envisagée de 5 millions d’euros des moyens de l’opérateur), ou d’approfondissement de l’action dans les territoires via les contrats de filière ou les conventions de partenariats (estimation d’un besoin supplémentaire de 5 millions d’euros).

2.   Les nouvelles pistes de financement

Le 21 juin dernier, le Président de la République a demandé à la ministre de la culture de réunir l’ensemble des acteurs du secteur, afin de les inviter à déterminer ensemble de nouvelles sources de financement internes à la filière tout en en préservant les grands équilibres économiques. Faute d’un accord au 30 septembre 2023, le Président de la République a indiqué que le Gouvernement se réserverait la possibilité de « saisir le Parlement d’une contribution obligatoire des plateformes de streaming, sur le modèle de la recommandation du sénateur Bargeton ». Une concertation avec les acteurs de la filière a été organisée en deux séquences : une première phase ouverte, réunissant les professionnels complétée d’une quarantaine de contributions écrites reçues au mois d’août, puis une seconde phase plus technique au mois de septembre qui visait à approfondir les pistes les plus crédibles.

Malgré l’absence de consensus, trois scénarios se sont cependant dessinés au cours du mois de septembre.

a.   La taxe « streaming »

La première option est la mise à contribution de l’ensemble des revenus du streaming musical (payant et gratuit) à travers la création d’une nouvelle taxe, conformément aux recommandations du sénateur Julien Bargeton dans son rapport remis le 20 avril dernier. Pour renforcer l’acceptabilité de cette taxe et prendre en compte la réalité des modèles économiques et de développement, notamment des acteurs pure players qui n’ont pas encore atteint leur seuil de rentabilité et dont certains sont en difficulté, il a été proposé d’introduire des mécanismes de modulation :

 des taux différenciés et progressifs en fonction de différents seuils de chiffre d’affaires (CA) réalisé en France, permettant l’exclusion des acteurs redevables les plus fragiles (en dessous de 20 millions d’euros de CA en France), puis d’appliquer un taux intermédiaire en dessous de 400 millions d’euros de CA en France ;

 une montée en puissance des taux dans le temps, applicable uniquement aux services payants générant moins de 750 millions d’euros de CA dans le monde, permettant de très faiblement taxer les pure players les deux premières années (entre 0,5 % et 1 %), et leur permettre de consolider leur modèle économique avant de parvenir au taux cible à moyen terme.

Le produit de la taxe serait affecté au budget général du CNM. Avec une progressivité des taux selon les conditions présentées, le rendement attendu de 20 millions d’euros pourrait être atteint dès 2025. Ce scénario a fait l’objet de plusieurs amendements déposés par différents groupes parlementaires sur la première partie du PLF qui n’ont pas été retenus par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté en première lecture par l’Assemblée nationale pour cette première partie.

b.   La mise à contribution des revenus du streaming musical générés par les seuls services gratuits

La deuxième option consiste à taxer les seuls revenus publicitaires générés par les services permettant un accès gratuit aux contenus musicaux en flux. Le volet gratuit des services de streaming musical payant (modèle freemium des pure players) ainsi que les services exclusivement gratuits de streaming (Youtube, Tiktok, Meta, etc.) seraient visés. Une telle option reviendrait à ne pas faire contribuer des entreprises telles qu’Apple ou Amazon du fait de l’absence de volet gratuit au sein de leurs services.

Ce dispositif pourrait être instauré par la création d’une nouvelle taxe, ou alternativement par le biais de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne (TSV) assise sur la même assiette pour son volet gratuit (recettes publicitaires des plateformes gratuites de partage de vidéos). Ce scénario alternatif consisterait en un élargissement de son troisième volet aux acteurs mentionnés (sans toucher à l’assiette retenue aujourd’hui pour les plateformes de partage de vidéos et en particulier à l’abattement forfaitaire de 66 % existant pour la TSV). Le taux de ce volet de la TSV pourrait en revanche être relevé, pour en partager le rendement entre la filière audiovisuelle et la filière musicale. Par ailleurs, un nouveau compartiment de la TSV serait créé pour intégrer les revenus publicitaires des services de streaming musical intégrant à la fois un volet gratuit et un volet payant qui, contrairement au scénario précédent, seraient ainsi taxés uniquement sur leur CA publicitaire, par nature très inférieur au CA total majoritairement constitué des abonnements.

Le surplus de produit de la taxe serait affecté au budget général du CNM. Son rendement pourrait être de 8 millions d’euros en 2024 pour atteindre 9 millions d’euros en 2026.

c.   Une contribution librement consentie

La troisième option correspond à une contribution librement consentie ([5]) des professionnels de la filière musicale par le biais d’une convention d’une durée de trois à cinq ans entre le CNM et les représentants du secteur de la musique enregistrée (plateformes de musique en ligne gratuites et payantes, organismes de gestion collective et producteurs phonographiques). À ce jour, les propositions émises en ce sens apparaissent toutefois inabouties et n’offrent pas encore les garanties suffisantes à la mise en œuvre d’une ressource pérenne et dynamique, aussi bien en termes de niveau proposé que de nombre d’acteurs souhaitant s’engager. Les organisations concernées travaillent encore à s’entendre sur le niveau et les modalités de cette contribution volontaire.

De nouvelles sources de financement doivent aujourd’hui être dégagées pour le CNM. Le rapporteur spécial ne souhaite pas, hors mesure temporaire qui pourrait être décidée en gestion, que l’État se substitue à la filière. C’est aux plateformes françaises et étrangères ainsi qu’aux ayants droit de prendre leur responsabilité. La solution d’une contribution librement consentie paraît moins contraignante d’un point de vue juridique en ce qu’elle pourrait être dénoncée plus aisément par les acteurs privés. Elle ne permet pas de dégager une recette dynamique et ne fait pas nécessairement contribuer l’ensemble des acteurs, certaines plateformes américaines ayant d’ores et déjà précisé qu’elles ne souhaitaient pas s’engager. Elle a le mérite d’être cependant immédiatement opératoire. La piste d’une nouvelle taxe est plus ambitieuse et permettrait de donner davantage de moyens au CNM ; elle se heurte toutefois à des délais plus importants de mise en œuvre.

3.   La prolongation des crédits d’impôt

Malgré les incertitudes concernant le financement du CNM, la prolongation des trois crédits d’impôt en faveur de la musique, introduite par amendement en première partie du PLF 2024  pour la production phonographique (CIPP), la production de spectacles vivants (CISV) et l’édition d’œuvres musicales (CIEM) – jusqu’au 31 décembre 2027 (soit une année de plus que la prolongation de trois ans dont bénéficient la plupart des crédits d’impôt qui ont été prolongés) mérite d’être saluée. Cette visibilité est indispensable pour les acteurs de la filière dont les cycles de création et d’investissement s’inscrivent dans le temps long. Cette prolongation fait suite à l’évaluation rendue publique en octobre 2023 par le CNM concernant le CIPP et le CISV.

Le CIPP, rattaché au programme 334, dont le montant est estimé à 27 millions d’euros pour 2023, vise à soutenir de jeunes créateurs. Le taux du crédit d’impôt est établi aujourd’hui à 40 % des dépenses totales d’enregistrement (salaires, locations de matériel, utilisation des studios, conception graphique). Le CIPP est plafonné à 1,5 million d’euros de dépenses par entreprise et par an (plafond de 700 000 euros par enregistrement) et ne peut être accordé que pour l’enregistrement d’œuvres interprétées par des « nouveaux talents », c’est-à-dire par des artistes qui « ne doivent pas avoir dépassé le seuil des 100 000 équivalents ventes pour deux albums distincts précédant ce nouvel enregistrement ». L’évaluation réalisée par le CNM montre que parmi les 342 bénéficiaires en 2019, 97 % sont des microentreprises ou des PME, principaux acteurs de la musique à assumer aujourd’hui le risque de la création et le lancement de nouveaux talents. La moitié des projets soutenus par le CIPP sont d’expression francophone et la majorité des projets (55 %) sont libres de droit, « ce qui démontre la place importante occupée par le répertoire classique dans les projets soutenus alors même que cette esthétique est coûteuse à produire » selon l’étude. 80 % des contrats signés au titre de CIPP sont des contrats d’artiste, signe de la prise en charge de l’intégralité de la prise de risque par le producteur.

Par ailleurs, le crédit d’impôt pour dépenses d’édition d’œuvres musicales (CIEM), tout juste mis en œuvre, a également été prolongé jusqu’au 31 décembre 2027 (dépense estimée en 2023 de 1 million d’euros).

C.   de belles promesses pour le cinéma et de l’audiovisuel

Alors que le cinéma a maintenu une production soutenue ces dernières années malgré la crise sanitaire, la baisse importante de la fréquentation a constitué en 2021 et 2022 une crainte et une source d’interrogations. Force est de constater que ces doutes sont en passe d’être levés, puisque la fréquentation en 2023 devrait être inférieure de seulement 10 % par rapport à la moyenne des années 2017 à 2019 (175 millions d’entrées prévues). Il convient à ce titre de souligner la bonne tenue du cinéma français qui soutient plus encore que les films américains (100 films diffusés en 2023 contre 127 avant la crise sanitaire) la reprise dans les salles. Cette bonne tenue du cinéma français doit être interprétée comme une validation du système d’accompagnement public du soutien à la production et à la diffusion par le Centre national du cinéma (CNC). Concernant l’activité de production, le premier semestre 2023 semble plus positif encore puisque les niveaux d’investissement d’avant-crise sont dépassés : les investissements totaux dans les films d’initiative française (FIF) sont en hausse de 14 % par rapport à la moyenne 2017-2019.

Concernant les secteurs de l’audiovisuel et du jeu vidéo, l’activité reste soutenue après des records atteints durant la crise sanitaire : le CA du secteur du jeu vidéo atteint 5,5 milliards d’euros en 2022, soit un niveau supérieur à celui d’avant crise (5 milliards d’euros en 2019). Un record historique est atteint pour l’exportation des programmes audiovisuels français (214,9 millions d’euros soit 15 % de plus qu’en 2021), portée notamment par la filière d’animation. L’investissement des plateformes internationales dans la production audiovisuelle et cinématographique est également une réussite : selon les chiffres de l’ARCOM, les trois services audiovisuels de médias à la demande représentaient près de 160 millions d’euros d’investissements liés aux obligations prévues par le décret SMAD ([6]) en 2021. L’ouverture aux plateformes des aides automatiques concernant la production audiovisuelle devrait représenter près de 20 millions d’euros en 2024.

FRÉQUENTATION CINÉMATOGRAPHIQUE À FIN AOÛT 2023

(en millions d’entrées)

Source : commission des finances d’après les données du Centre national du cinéma.

1.   Un niveau de recettes affectées en 2024 en hausse significative

Le montant des taxes affectées au CNC pourrait atteindre plus de 746 millions d’euros en 2024, soit en hausse de plus de 4,7 % par rapport à 2023 et 7 % par rapport à 2022. Le rétablissement du nombre d’entrées et la hausse du prix des billets permettent à la taxe sur la billetterie d’atteindre le niveau de 2019. Le niveau de la TSV est stabilisé, signe que le marché de la vidéo à la demande par abonnement arrive à maturité. La taxe sur les éditeurs de télévision, tout en étant en légère hausse – une hausse des recettes publicitaires est attendue avec la retransmission des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) –, continue à souffrir du tassement de leur chiffre d’affaires en raison de la concurrence des plateformes de vidéo à la demande sur le segment publicitaire.

Évolution du produit des taxes affectÉes au cnc

(en millions d’euros)

 

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

Exécution 2022

Prévision actualisée 2023

Prévision PLF 2024

TSV (taxe vidéo et VOD)

34

87,3

82,4

127

  130

  131,2

TSA (taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques)

151

28,5

101,1

117,9

  135,8

152,9

TST-D (taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) – Fraction distributeurs

194

224,4

208

176,9

  201,6

  203,8

TST-E (taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) – Fraction éditeurs

299

236,7

214,5

292,2

  245,3

  258,3

Total taxes affectées au CNC

682

576,9

585,4

697,6

  712,6

  746,2

Source : document stratégique de performance du CNC.

L’établissement prévoit en 2024 un montant total de ressources disponibles de 747,3 millions d’euros :

– 135,3 millions d’euros pour la production et la création cinématographiques ;

– 293,5 millions d’euros pour la production et la création audiovisuelles ;

– 29,1 millions d’euros pour les industries techniques et l’innovation ;

– 232 millions d’euros pour la distribution, la diffusion et la promotion du cinéma et de l’audiovisuel ;

– 9,2 millions d’euros pour le plan numérique ;

– 48,2 millions d’euros pour les autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles.

Outre le chantier de « La grande fabrique de l’image », le CNC aura deux priorités : la refonte des outils de régulation du cinéma (des modifications réglementaires et législatives appliquant les recommandations du rapport Lasserre concernant le cadre applicable aux cartes illimitées, les régimes respectifs des engagements de programmation et de diffusion ou les modalités du classement art et essai) et l’adaptation aux nouveaux enjeux pour les filières de l’image animée (soutien de la parole de la France sur les sujets de propriété intellectuelle à l’échelle européenne, anticipation des défis représentés par l’émergence de l’intelligence artificielle).

Les observations définitives de la Cour des comptes relatives au CNC :
un établissement indispensable à une filière d’excellence en France

Selon la Cour des comptes, le CNC a fait preuve depuis 2011 d’une « vision stratégique et d’une capacité d’adaptation réelles ». L’établissement public constitue un outil unique auquel toute la filière du cinéma est attachée. « Juge de paix » des différents acteurs de la filière (producteurs, distributeurs, diffuseurs, exploitants), il permet à la filière de poursuivre des objectifs communs malgré des intérêts parfois divergents grâce à son pouvoir réglementaire utilisé à bon escient et enregistrant plusieurs réussites : la transposition de la directive SMA en droit français, la chronologie des médias, le renforcement des crédits d’impôt. Le CNC est le « garant du modèle français, dit d’exception culturelle, combinant production indépendante et créativité, qui a permis le maintien d’une part de marché des films français de près de 40 %, le développement d’un secteur puissant de l’animation et de séries audiovisuelles désormais dominantes sur le marché français ».

Le CNC a également su se réformer depuis 2011 en limitant la croissance des aides automatiques, en réformant les commissions d’attribution d’aide et en luttant davantage contre les fraudes.

La Cour souligne néanmoins certaines pistes de progrès :

– la revue générale des aides annoncée en 2019 n’a toujours pas débouché sur une simplification des dispositifs d’aides dont la complexité et le nombre, s’ils sont défendus par la filière, ne permettent pas de les évaluer objectivement. Le CNC rétorque n’avoir pas la capacité matérielle de mener les concertations qu’induirait une refonte synchrone de ses dispositifs tout en souhaitant développer un corpus d’analyse, sur la base duquel se fonder pour améliorer les dispositifs sur les points identifiés comme perfectibles ;

– malgré des coûts de fonctionnement maîtrisés et une fonction achat efficiente, la Cour des comptes émet plusieurs critiques en matière de gestion. Elle s’étonne d’une politique de provisions prudente et recommande que soit mis en place sans délai un cadre de gouvernance financière approprié, avec la nomination de commissaires aux comptes et l’installation d’un comité d’audit auprès du conseil. Une présentation budgétaire et comptable plus simple et transparente est également attendue. La Cour des comptes regrette également l’absence de modernisation des systèmes d’information tout comme une gestion des ressources humaines à revoir sur certains sites.

Source : commission des finances.

1.   Des crédits d’impôts très dynamiques qui atteignent leurs objectifs

Les crédits d’impôt en faveur du cinéma, de l’audiovisuel et du jeu vidéo devraient être dynamiques en 2024, notamment le crédit d’impôt international (C2I) qui aura quasiment triplé en trois ans.

DÉpenses fiscales en faveur du cinÉma, de l’audiovisuel
et du JEU VIDÉO opérés par le cnc

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023 (prévision actualisée)

2024

Crédit d’impôt cinéma (CIC)

121

113

85

160

109

132

Crédit d’impôt audiovisuel (CIA)

139

148

140

190

170

190

Crédit d’impôt international (C2I)

56

73

77

120

193

205

SOFICA

30

29

29

34

35

35

Crédit d’impôt jeux vidéo (CIJV)

42

49

63

43

37

60

Total

388

412

394

547

544

622

Source : CNC.

Des doutes ont pu être émis par certains acteurs concernant un éventuel effet de concurrence entre le CIC et le C2I. Si les productions domestiques paraissent s’être stabilisées sur un volume de dépense fiscale (autour de 300 millions d’euros par an) tandis que les productions étrangères connaissent une progression constante et dynamique, cet essor témoigne surtout selon le CNC de l’attractivité de la France pour les tournages étrangers par la compétitivité du taux de crédit d’impôt (en particulier, porté à 40 % pour les œuvres à fort effet visuel en loi de finances pour 2020) et par le soutien apporté à la modernisation de l’appareil de production (10 millions d’euros de subvention en 2021).

L’évaluation des crédits d’impôt commandée par le CNC concernant le CIC, le CIA, le C2I et le CIJV a permis de montrer que les objectifs étaient atteints :

– le CIC et le CIA se révèlent des outils toujours aussi efficaces pour maintenir en France la production d’œuvres françaises. Entre 2017 et 2021, le taux moyen de localisation en France des dépenses des films bénéficiaires du CIC s’est élevé à 90 %, tandis qu’il a atteint 95 % pour les œuvres aidées par le CIA ;

– le C2I constitue un facteur décisif d’attractivité pour les productions étrangères, dans un contexte de forte concurrence internationale. Le niveau de dépenses des productions étrangères en France en 2021 (plus de 400 millions d’euros) s’avère huit fois supérieur à ce qu’il était avant l’instauration du C2I.

– le CIJV, qui vise à relocaliser la production de jeux vidéo et à consolider la filière française, représente un outil de compétitivité pour ses bénéficiaires, qui sont ainsi en mesure de rester en France pour développer leurs jeux, même les plus ambitieux, et de conserver la propriété intellectuelle associée.

Par ailleurs, les crédits d’impôt génèrent de l’activité et de l’emploi sur l’ensemble du territoire : entre 2019 et 2021, les tournages des œuvres bénéficiaires du CIC, CIA ou C2I ont généré 3,3 milliards d’euros de dépenses en France, dont 60 % (2 milliards d’euros) ont été réalisées hors Ile-de-France. Facteur de diversité supplémentaire, les principales régions bénéficiaires ne sont pas les mêmes selon le crédit d’impôt en cause. Enfin, le coût net des crédits d’impôt pour les finances publiques est limité : en 2021, si ces quatre crédits d’impôt ont entraîné une dépense fiscale de 351 millions d’euros, ils ont contribué à générer des recettes fiscales de 269 millions d’euros, ce qui ramène leur coût net à 82 millions d’euros, sans compter les retombées économiques et le nombre d’emplois créés.

La prolongation du C2I jusqu’au 31 décembre 2026 intégrée au PLF 2024 par amendement paraît en ce sens très positive, tout comme l’est la prorogation du dispositif SOFICA : les SOFICA ont aujourd’hui un ticket dans plus de 70 % des films français et couvrent en moyenne 7 % du devis, ce qui s’avère souvent indispensable au bouclage financier des projets.

En ce qui concerne le CIJV, son bornage a été introduit par amendement en première partie du PLF 2024 : le rapporteur spécial souligne l’impérieuse nécessité que ce bornage soit repoussé au 31 décembre 2026 a minima, et qu’il ne soit pas appliqué aux projets agréés avant cette date. Par ailleurs, le rapporteur spécial souhaite qu’une réflexion soit menée sur les opportunités d’évolution du CIJV, dans la perspective de mieux l’inscrire dans la réalité économique des studios de création, au sein d’une industrie globalisée et plus compétitive que jamais.

2.   Le plan « La Grande fabrique de l’image »

Le plan « La grande fabrique de l’image » pour le cinéma poursuit trois objectifs majeurs :

– prendre une place de leader mondial dans le secteur de l’image ;

– intégrer la jeunesse, dans toute sa diversité sociale, en lui offrant des débouchés professionnels dans une industrie qui a vocation à s’ouvrir massivement ;

– opérer la transformation écologique des filières pour réduire l’empreinte carbone de la production d’images.

Il est associé à plusieurs objectifs chiffrés : doubler le nombre annuel de diplômés de la filière, pour passer de 5 700 à 10 300 par an, doubler le nombre d’emplois dans la filière de production en passant de 50 000 à 92 000, faire passer le poids de la filière de 4,2 milliards d’euros à 7,6 milliards d’euros, ce qui correspondrait à un triplement de sa contribution au commerce extérieur.

L’enveloppe de 350 millions d’euros doit permettre de faire levier sur des investissements privés et sur les autres financements publics pour maximiser l’effet de ce plan.

À l’issue d’un vaste appel à projets – et sur la base des avis rendus par des commissions d’experts – la Première ministre a arrêté en mai dernier la liste des 68 projets retenus, qui profitent à :

– 11 studios de tournage répartis principalement sur 3 zones prioritaires (Île-de-France, les Hauts-de-France, et l’arc méditerranéen avec les régions Sud Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Occitanie) ;

– 23 studios numériques ;

– 12 studios d’animation ;

– 6 studios de jeu vidéo ;

– 5 studios d’effets visuels (VFX) et de post-production ;

– 34 organismes de formation (auteurs et techniciens) dont 17 associations, 6 formations publiques ainsi que des écoles privées d’excellence pour lesquelles le soutien a été conditionné à la mise en place de bourses pour faciliter l’accès à la scolarité.

Les lauréats sont en discussion avec la Caisse des dépôts et de consignations pour définir les modalités de versement de la subvention, et les conditions mises à son octroi. En 2023 et 2024, 177 millions d’euros devraient être engagés pour ce plan.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa dernière réunion du 26 octobre 2023, à 21 heures, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Médias livre et industries culturelles.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir examiné et rejeté l’ensemble des amendements de crédits la commission a adopté, suivant l’avis du rapporteur spécial, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles non modifiés.

 

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles connaît une hausse substantielle de 5,6 % en autorisations d’engagement et de 4,4 % en crédits de paiement pour atteindre environ 740 millions d’euros en 2024.

Le budget du programme 180 Presse et médias est relativement stable, en dehors de la hausse des financements accordés à l’Agence France-Presse (AFP), dont tiendra compte son prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2024-2028, et de la croissance du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).

J’espère que la réflexion sur les aides au pluralisme occupera le cœur des débats des états généraux de l’information.

Je serai très attentif aux conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac), qui sera bientôt rendu, sur le soutien à la distribution de la presse. Le système actuel me paraît peu lisible et peu transparent.

Malgré le soutien à la distribution des quotidiens, lequel transite par France Messagerie, l’équilibre financier de l’entreprise ne semble pas garanti à moyen terme et même à court terme. Agissons en amont et n’attendons pas qu’éclose une nouvelle crise qui coûtera, comme en 2020, des dizaines de millions d’euros à l’État.

Concernant le programme 334 Livre et industries culturelles, je salue les efforts budgétaires en faveur du livre, dans l’ensemble de ses composantes. Outre le soutien à la Bibliothèque nationale de France (BNF), dont l’équilibre financier est fragile, l’année 2024 verra la prolongation de la stratégie de développement de la lecture dans les territoires.

Par ailleurs, sans que les deux projets soient liés, la Maison du dessin de presse et la numérisation des journaux de la troisième République nous rappellent que le débat d’idées, la controverse et le pluralisme sont au cœur de la construction démocratique de notre pays depuis des années. Patrimonialiser et valoriser l’histoire du débat public et de la satire des opinions et des croyances revient à protéger l’esprit même de la démocratie et de la République.

S’agissant des industries culturelles, je me félicite de la prolongation jusqu’en 2026 du crédit d’impôt international (C2I) et de celui des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), et jusqu’en 2027 du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique (CIPP), du crédit d’impôt pour le spectacle vivant musical (CISV) et du crédit d’impôt en faveur de l’édition d’œuvres musicales (CIEM). Cette politique donne la visibilité nécessaire aux filières pour engager les investissements dans la création et soutenir les artistes émergents.

Des améliorations marginales peuvent encore être apportées. Ainsi, la différenciation entre les plafonds des dépenses éligibles au crédit d’impôt en matière audiovisuelle entre l’animation et la fiction n’a plus lieu d’être. Compte tenu des coûts de production, il apparaît nécessaire d’aligner le plafond pour ces deux genres à 10 000 euros par minute.

Le crédit d’impôt en faveur des créateurs de jeux vidéo (CIJV) peut être amélioré pour mieux s’inscrire dans la réalité économique des studios de création, industrie globalisée et plus compétitive que jamais. Lors de l’examen de la première partie du PLF, l’Assemblée a décidé de borner le dispositif ; or la production des jeux vidéo s’inscrivant dans un temps lent, repousser le bornage à 2026 est une impérieuse nécessité ; en outre, il convient de ne pas appliquer celui-ci aux projets agréés avant cette date.

Pour le cinéma, réjouissons-nous du retour du public dans les salles, notamment pour voir des films français : cela montre toute la pertinence de l’accompagnement de la filière. Si le rapport de la Cour des comptes sur le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) souligne à juste titre qu’une plus grande transparence des provisions financières et de la présentation budgétaire et comptable de l’établissement est nécessaire, il reconnaît également le rôle primordial de régulation et d’unification du secteur que joue cette quasi-administration centrale, si unique en France et peut-être dans le monde. Nous pouvons tous en être fiers, car, sans lui, le cinéma français aurait peut-être périclité comme tant d’autres en Europe et dans le monde. Les pays dans lesquels subsiste une véritable création nationale l’ont compris depuis longtemps. Le projet France 2030 pour le cinéma est l’occasion de se montrer encore plus offensif en développant l’attractivité de notre territoire, dans un contexte de concurrence toujours plus élevée pour attirer les tournages et la production de séries audiovisuelles comme de films.

Enfin, la question du financement du Centre national de la musique (CNM) – taxe sur le streaming ou contribution volontaire – n’est pas encore tranchée : le secteur se trouve toujours dans l’attente d’une décision. Je regrette que la filière soit aussi divisée sur le sujet ; nous lui devons de trancher rapidement parmi les pistes identifiées. L’option retenue devra assurer un financement suffisant, pérenne et, élément le plus important, issu du secteur.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF392 de M. Franck Allisio

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il vise à supprimer les 30 millions d’euros d’aides à la presse. Dans une démocratie mature, la presse est indépendante, vit de l’argent de son lectorat, voire de la publicité depuis Émile de Girardin, mais pas de l’argent de l’État. On peut concevoir des exceptions à ce principe pour la presse locale, qui peut remplir des missions de service public comme l’aide à la vie associative, mais les journaux d’opinion n’ont pas à être subventionnés par le contribuable. Ces titres doivent trouver un modèle économie rentable indépendamment des aides de l’État.

En outre, les aides sont distribuées à la tête du client et de manière opaque. Certains titres comme L’Humanité, dont la valeur journalistique est nulle, perçoivent beaucoup d’aides. Il faut mettre un terme à ce système.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Les aides au pluralisme de la presse nationale ne représentent que 17 millions d’euros, le reste des crédits concernant les aides à la distribution, au transport et à la modernisation de la presse.

La défense du pluralisme est un objectif à valeur constitutionnelle. Le cadre de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite Bichet, entraîne des coûts élevés pour rendre partout la presse accessible.

L’avis est défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La distribution fait partie du modèle économie et doit être exclue comme le reste des aides à la presse. En outre, l’objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme concerne les partis politiques, pas la presse d’opinion.

M. le président Éric Coquerel. C’est une affirmation discutable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF1350 et II-CF1357 de Mme Sarah Legrain.

Amendements II-CF3070 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, II-CF1887 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-CF2069 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nous souhaitons soutenir le CNM. Créé en 2020, il a fait preuve de son efficacité et il est unanimement reconnu, malgré son sous-financement. Pour remédier à cette situation et corriger l’injuste absence des plateformes de streaming dans le financement de la filière musicale dont elle profite pourtant largement, une taxe sur le streaming a été envisagée, par le Président de la République lui-même, qui a donné jusqu’à la fin du mois de septembre à la ministre de la culture pour convaincre les acteurs ou, à défaut, leur imposer une taxe ; nous ne voyons cependant rien venir et le CNM reste sans solution.

L’amendement vise à abonder les crédits alloués au Centre à la hauteur de ses besoins. Que le Gouvernement prenne ses responsabilités et trouve les recettes pour financer le CNM. Nous attendons que le Gouvernement nous propose enfin, dans la navette parlementaire, une taxe appropriée pour sauver le Centre et aider notre filière nationale.

Consciente des enjeux, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté cet amendement, soutenu par de nombreux députés des groupes Renaissance et Horizons et apparentés qui savent aussi bien que nous que le dossier doit être réglé dans les plus brefs délais.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement d’appel vise à demander au Gouvernement de prendre ses responsabilités sur le financement du CNM. Alors que le Président de la République lui-même s’est engagé à taxer le streaming si les professionnels ne se mettaient pas d’accord sur un financement alternatif, le Gouvernement a renoncé à instaurer une telle taxe dans la première partie du PLF.

La perspective actuelle de contribution volontaire des plateformes met cruellement en danger l’avenir et la pérennité du tout jeune CNM, puisque son financement dépend du bon vouloir des plateformes, notamment des Gafa, lequel peut cesser du jour au lendemain sans préavis. Il est inacceptable qu’un établissement public chargé du déploiement de la politique publique du soutien à la musique puisse être financé de la sorte. L’alliance des majors de la musique et des principales plateformes de streaming, c’est l’union de celles qui refusent tout outil de mutualisation et de filière au profit de tous.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Nous sommes tous d’accord pour souligner la qualité du travail du CNM, dont la création en 2020 est concomitante de l’arrivée du covid. Il faut en effet augmenter son budget, mais cette hausse doit provenir, non de l’argent du contribuable, mais des différents acteurs du secteur de la musique. Comme vous, j’attends la proposition du Gouvernement, mais je ne suis pas favorable à ce que le contribuable finance davantage le CNM.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF1342 de Mme Ségolène Amiot

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Notre République repose sur deux piliers législatifs : la loi sur la presse et celle sur l’école. Le pluralisme de la presse est lié à celui de l’expression politique : après la seconde guerre mondiale, ce double pluralisme était bien plus fort.

L’amendement vise à réorienter les aides à la presse, car le financement public actuel réduit le pluralisme en sécurisant les investissements des milliardaires et en les aidant à accroître leur influence. Des propositions existent, notamment celle de Julia Cagé, pour rendre ces aides plus justes. Réfléchir au pluralisme est une urgence démocratique !

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Les états généraux de l’information viennent de s’ouvrir : attendons leurs conclusions ! Le vrai sujet concerne davantage l’indépendance des rédactions que la propriété capitalistique des titres de presse.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Certains journaux appartiennent à leurs lecteurs dans un modèle économique qui fonctionne : ce sont ces titres qu’il faut favoriser.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF1359, II-CF1361, II-CF1362, II-CF1355, II-CF1363 et II-CF1346 de Mme Sarah Legrain, II-CF1351 de Mme Ségolène Amiot, II-CF1352 de M. Alexis Corbière, et II-CF1345, II-CF1347 et II-CF1356 de Mme Ségolène Amiot.

Amendement II-CF1348 de Mme Ségolène Amiot

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Il vise à créer un fonds de soutien à l’installation des librairies indépendantes dans les petites villes et dans les bourgs. Les librairies sont, comme les cinémas, des lieux de vie. Là où ceux-ci s’implantent, une économie se développe, notamment celle de la restauration. Agir dans ce domaine relève de la politique culturelle, mais aussi de l’aménagement du territoire.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le CNC soutient les cinémas, qui peuvent également bénéficier de prêtes de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et de l’accompagnement de l’Association nationale pour le développement du cinéma en régions (ADRC).

Quant aux librairies, elles ont été soutenues par le Centre national du livre (CNL) à hauteur de 35 millions d’euros en 2021. Le Centre a aidé environ 400 librairies en 2022. Le fonds dont vous appelez la création de vos vœux existe déjà : l’aide économique aux libraires accompagne notamment la création de librairies indépendantes.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF1349 de Mme Ségolène Amiot, II-CF1360 de Mme Sarah Legrain, IICF1343 de Mme Ségolène Amiot et II-CF1354 de M. Alexis Corbière.

Amendement II-CF1358 de Mme Ségolène Amiot

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous espérons que l’amendement retienne l’attention de M. le rapporteur spécial dont nous connaissons la sensibilité aux jeux vidéo.

Cet amendement d’appel propose la création d’un centre national du jeu vidéo, ce dernier représentant la première industrie culturelle du pays. Il ne s’agit pas simplement d’un loisir mais d’un art : quand on joue à certains jeux actuels, on a l’impression de regarder un film. En 2023, plus d’un quart des Français jouent chaque jour à des jeux vidéo. Il est temps de faire bénéficier ce secteur d’un service public.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Vous avez raison, le jeu vidéo est la première industrie culturelle française. La production française rayonne dans le monde entier ; les jeux vidéo sont pratiquement des films avec lesquels il est possible d’interagir.

Votre argumentation me touche et la création d’un centre national du jeu vidéo de l’e-sport pourrait me tenter, mais les acteurs du secteur ne le demandent pas. Créer un organisme sans financement et sans demande du secteur reviendrait à se faire plaisir ; l’important est d’écouter les acteurs de l’industrie, qui attendent plutôt une évolution du CIJV.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Amoureux du jeu vidéo, je ne veux surtout pas que l’on crée un centre national pour le sauver : préservons-le de la culture de la subvention et des mandarins ; laissons les créateurs créer. Il faut que la culture soit libre : l’intervention permanente de l’État centralisateur dans les arts et les savoirs est une catastrophe française. Tout le monde se félicite de choses qui ne fonctionnent pas, alors que la culture française est en train de disparaître de la carte du monde. La Corée du Sud a pris une voie totalement différente du modèle français, donc arrêtez l’intox !

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Monsieur Tanguy, suis-je vraiment étonné de vous voir prendre une position libérale ?

J’entends votre argument, monsieur le rapporteur spécial, mais la filière ou le secteur sont des termes qui ne veulent pas dire grand-chose. Une multinationale française qui pèse énormément dans le secteur n’a pas forcément besoin d’aide, mais certains créateurs indépendants n’ont pas les moyens de faire aboutir leurs projets ; cela induit des pertes de compétences et des départs à l’étranger. Le financement public ne cadenasse rien, il soutient au contraire la création.

M. le président Éric Coquerel. Tout le monde sait que sans le CNC, il n’y aurait plus de cinéma français. Le système du CNC est très vertueux – chaque billet de cinéma acheté finance la création française – et devrait vous faire réfléchir pour le jeu vidéo ; en outre, le législateur peut développer une vision différente de celle de la profession.

Contrairement à ce que l’on pense, il y a un enjeu culturel derrière le jeu vidéo et derrière le type de jeu vidéo que l’on encourage – et celui que l’on ne soutient pas, par exemple les jeux très violents. Il me semble que c’est une erreur de ne pas considérer que l’exception française se loge dans un mécanisme comme celui du CNC.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. La gauche critique le grand groupe français de jeux vidéo, alors qu’il faut être fier de compter un tel fleuron. N’opposons pas les grands aux petits, tous les studios sont essentiels en France pour que notre pays continue de rayonner dans le secteur.

Je vous le répète, aucun acteur, quelle que soit sa taille, ne demande la création d’un centre national du jeu vidéo. Ils espèrent un renforcement du Fonds d’aide aux jeux vidéo (FAJV), qui accompagne les petites structures, et une modification du CIJV pour renforcer l’attractivité du secteur : j’ai déposé un amendement sur le sujet, mais vous vous y êtes opposés.

M. le président Éric Coquerel. Nous avons auditionné les représentants du secteur et nous sommes en effet en désaccord sur le vecteur : nous préférons les aides au crédit d’impôt.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. J’ai la faiblesse de penser qu’il faut faire confiance aux acteurs.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF1353 de M. Alexis Corbière.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Les crédits de la mission augmentent afin d’approfondir l’accompagnement de l’industrie culturelle, donc je suis favorable à leur adoption.

M. Daniel Labaronne (RE). Le groupe Renaissance votera les crédits de cette mission. Nous avons plusieurs motifs de satisfaction : l’enveloppe de la mission progresse significativement ; pour le programme 180 Presse et médias, l’enveloppe budgétaire s’inscrit dans le prolongement du soutien exceptionnel apporté à la filière de la presse en 2023 ; l’effort budgétaire en faveur du livre prolonge la stratégie de développement de la lecture dans les territoires.

Nous attendons beaucoup des états généraux de l’information, qui offrent l’occasion de réfléchir en profondeur aux évolutions souhaitables des aides à la presse.

S’agissant des industries culturelles, nous attendons que des choix clairs soient opérés en matière de financement du CNM.

Enfin, nous rappelons la nécessité d’évaluer l’opportunité de chaque dépense fiscale. L’examen des crédits d’impôt sur le cinéma devrait être effectué par un organisme indépendant et non par le CNC, qui peut être juge et partie.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre l’adoption de ces crédits. Je suis favorable au protectionnisme : il faut protéger l’exception culturelle française, mais il est possible de critiquer les moyens choisis ; le problème ne réside pas dans les quotas de films ou dans le financement des œuvres, mais dans la constitution d’une caste de bureaucrates et d’oligarques pratiquant le népotisme : ces gens ne créent pas, ils s’emploient simplement à conforter leurs positions en détournant les aides. D’ailleurs, la plupart de ceux qui veulent créer fuient notre pays, puis y reviennent, ceints de lauriers obtenus à l’étranger.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Nous voterons pour l’adoption des crédits de la mission.

M. Luc Geismar (Dem). L’augmentation des crédits de la mission témoigne de la volonté de valoriser notre patrimoine culturel et de promouvoir l’éducation et la défense d’une information de qualité. Il est crucial de soutenir une presse de qualité, indépendante et pluraliste ; nous sommes attachés à la défense des valeurs démocratiques, piliers de la société aux côtés de la liberté de la presse. Nous appelons néanmoins à la vigilance quant à la dépendance du secteur aux aides publiques ; il convient de travailler ensemble pour encourager les modèles économiques viables et innovants. Le groupe Démocrate votera évidemment en faveur de l’adoption des crédits.

M. Inaki Echaniz (SOC). La mission Médias, livre et industries culturelles dénote dans un budget frappé d’austérité, ce dont nous nous réjouissons.

Toutefois, le groupe Socialistes et apparentés souhaite à nouveau souligner les manquements du financement du secteur musical. Nous regrettons que l’engagement du Président de la République sur la création d’une taxe sur le streaming n’ait pas été suivi d’effet et que le financement de la filière musicale soit soumis au bon vouloir des plateformes. Le système de contribution volontaire met cruellement en danger l’avenir et la pérennité du CNM. Il n’est pas convenable que le financement d’un établissement public chargé de soutenir la filière musicale puisse répondre à une telle logique. Le CNM mérite un financement dédié, provenant de l’instauration promise par le Président de la République d’une taxe sur le streaming ou, à défaut, d’un financement étatique à la hauteur des missions essentielles de cette filière.

Face à l’absence de garantie du financement du CNM, mon groupe votera contre l’adoption des crédits de la mission.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nous nous opposerons à l’adoption de ces crédits pour trois raisons.

La première tient au fait que vous avez refusé de conditionner les aides à la presse pour limiter les conséquences dramatiques de la concentration des médias sur l’indépendance des rédactions ; vous déniez ainsi aux journalistes les leviers indispensables à l’exercice de leur métier dans le respect de la déontologie journalistique : c’est grave pour notre démocratie.

La seconde est l’absence de solution au financement du CNM. Nous restons dans l’attente de la traduction de l’engagement du Président de la République d’instaurer une taxe sur les plateformes de streaming pour financer la filière musicale française dans toute sa diversité et sa richesse.

Enfin, troisième raison, vous avez fragilisé l’audiovisuel public en supprimant la redevance sur un coup de tête à l’été 2022 ; son financement n’est toujours pas pérennisé, et les modalités trouvées en catastrophe dans la loi de finances rectificative pour 2022 ne peuvent être que transitoires. Au-delà de ce PLF, les personnels et les citoyens peuvent être inquiets d’une budgétisation pure et simple de l’audiovisuel public, laquelle mettrait gravement en cause le principe d’indépendance dont tout média d’un pays démocratique doit disposer.

La commission adopte les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles non modifiés.

Après l’article 54

Amendement II-CF318 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il ne vise pas à supprimer le financement du cinéma français, mais à en limiter les méfaits, en l’occurrence les cachets exorbitants de certains artistes – lesquels n’empêchent pas le film de connaître le plus souvent un immense échec commercial. Cet amendement de bon sens propose que pour tout film recevant un financement public, les cachets soient limités à 500 000 euros – somme déjà très élevée. La culture et la presse sont, du fait des mécanismes pervers que j’ai décrits tout à l’heure, des secteurs économiques dans lesquels des millionnaires gavés d’aides publiques côtoient la très grande précarité des intermittents du spectacle et des journalistes débutants.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je tiens à souligner la qualité du travail du CNC, ainsi que son importance pour assurer la souveraineté culturelle française dans le secteur du cinéma.

Le plafonnement existe depuis 2014 : ainsi, pour les films dont le budget est supérieur à 10 millions d’euros, les cachets ne peuvent excéder 990 000 euros. Vous proposez un plafond de 500 000 euros : pourquoi pas 1 million ou 300 000 euros ? Vous ne justifiez pas votre proposition.

L’avis est défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez raison, la prochaine fois, je déposerai un amendement alignant le plafond des cachets sur le salaire annuel moyen en France.

Pourquoi des artistes essuyant des échecs commerciaux peuvent-ils être financés par l’argent public ? Cette question vous dérange, ce que je comprends puisque ces gens volent à votre secours à chaque second tour de l’élection présidentielle ; vous entretenez donc ce système : c’est déplorable !

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF142 et II-CF141 de Mme Sophie Taillé-Polian, et II-CF2089 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)

M. Inaki Echaniz (SOC). Mon amendement est issu de la proposition de loi transpartisane – signée par des députés des groupes Renaissance, Horizons et apparentés, Démocrate (MODEM et indépendants) et de la NUPES – visant à protéger la liberté éditoriale des médias sollicitant des aides de l’État, à la suite du changement de propriétaire du Journal du dimanche.

Il convient de conditionner les aides publiques directes et indirectes à la presse d’information politique et générale, à la mise en place d’un droit de révocation et d’agrément des journalistes sur la nomination de tout responsable de la rédaction. Il n’est pas acceptable que la ligne éditoriale d’un journal change au gré de l’arrivée d’un nouvel actionnaire ; celui-ci n’a qu’à fonder son propre média.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. La question de l’instauration d’une conditionnalité aux aides à la presse, dans le but d’asseoir l’indépendance des titres, est extrêmement légitime.

Les aides à la presse sont déjà conditionnées à plusieurs obligations, inscrites dans une convention signée avec l’État ; parmi celles-ci figurent l’éducation aux médias, l’environnement, l’égalité entre les femmes et les hommes, et de bonnes pratiques professionnelles à l’égard des vendeurs, des colporteurs, des porteurs de presse, des journalistes, etc.

Faut-il aller plus loin ? C’est une question extrêmement importante, qui fait justement l’objet des états généraux de l’information qui se tiennent actuellement. Je souhaite attendre leurs conclusions avant de me positionner sur le sujet. En outre, la question de l’instauration d’une gouvernance paritaire mérite d’être creusée.

L’avis est défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je suis rapporteur, avec la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Isabelle Rauch, de la mission d’évaluation de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, dite Bloche : l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées soutiennent la nécessité d’instaurer un tel garde-fou. L’adoption de cet amendement enverrait un signal positif, d’autant que cette idée sera probablement défendue aux états généraux de l’information. Posons un premier jalon dans la lutte contre la concentration des médias dans les mains de quelques multimillionnaires, qui les utilisent pour leur promotion personnelle.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements II-CF143 et II-CF148 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-CF1911 de M. Jérémie Iordanoff et II-CF1364 de M. Alexis Corbière.

 

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP)*

– M. Alexandre Lasch, directeur général

– Mme Emilie Trébouvil, directrice des affaires publiques et réglementaires

Bibliothèque nationale de France (BnF)

– Mme Laurence Engel, présidente

– M. Kevin Riffault, directeur général

SPOTIFY France & Benelux

– M. Antoine Monin, directeur général

– Mme Marine Elgrichi, responsable des relations institutionnelles

Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI)

– Mme Clarisse Arnou, présidente

– M. Guilhem Cottet, directeur général

Centre national de la musique (CNM)

– M. Jean-Philippe Thiellay, président

– M. Romain Laleix, directeur général délégué

– M. Maxime Andreae, stagiaire à la présidence

Centre national du cinéma (CNC)

– M. Olivier Henrard, directeur général délégué

– M. Vincent Villette, directeur financier et juridique


Table ronde

 Syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS)*: Mme Malika Séguineau, directrice générale

 Syndicat des Musiques Actuelles (SMA)* : M. Laurent Decès, président et Mme Célie Caraty, chargée des affaires publiques

 

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) :

– Mme Florence Philbert, directrice générale

 M. Loïc Masson, chef du bureau des affaires budgétaires et financières

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* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Le protocole est disponible à l’adresse suivante : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Presse-ecrite/Liste-des-aides-a-la-presse-et-des-appels-a-projets/Protocole-d-accord-relatif-a-la-reforme-du-transport-de-la-presse

([2])  Cf. décret n° 2023-108 du 16 février 2023, publié au Journal officiel le 18 février 2023.

([3]) Le plan de financement du pôle de conservation repose sur différentes contributions : 30 millions d’euros imputés sur les crédits du programme 334 Livre et industries culturelles, 5 millions d’euros de fonds propres de la BnF, une participation des collectivités partenaires à hauteur de 40 millions d’euros et enfin, le solde couvert par les retours estimés de produits à venir de cessions d’immeubles actuellement occupés par la BnF.

([4]) Rapport du sénateur Julien Bargeton relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, remis à la ministre de la culture le 20 avril 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Rapport-du-senateur-Julien-Bargeton-relatif-a-la-strategie-de-financement-de-la-filiere-musicale-en-France2

([5]) Le terme de contribution librement consentie est ici préféré au terme utilisé par les acteurs de « contribution volontaire » pour éviter toute confusion avec les « contributions volontaires obligatoires » (CVO).

([6]) Cf. décret n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande