N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 38
 

 

rÉgimes sociaux et de retraite

 

PENSIONS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Benoît MOURNET

 

Député

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—  1  —

SOMMAIRE

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Page

Principales observations du rapporteur spÉcial

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

INTRODUCTION

I. LE CAS Pensions : 67,6 milliards d’euros prÉvus en 2024 pour le rÉgime des fonctionnaires de l’État et les pensions associÉes

A. Les gains de la rÉforme des retraites pour le rÉgime des fonctionnaires civils et militaires sont transfÉrÉs à la sÉcuritÉ sociale

B. programme 741 : un Écart entre les dÉpenses et les recettes des pensions civiles et militaires qui se creuse

1. Des dépenses en hausse de 3,2 milliards d’euros, portées par la revalorisation des pensions à un niveau supérieur à l’inflation

a. Les pensions des fonctionnaires civils : + 2,68 milliards d’euros

b. Les pensons militaires : + 550 millions d’euros

c. Les allocations temporaires d’invalidité : + 2,9 millions d’euros

d. Les frais de gestion maîtrisés du SRE

2. Des recettes en augmentation de 1,48 milliard d’euros, suivant l’évolution du point d’indice de la fonction publique

a. Les retenues pour pensions : + 134 millions d’euros

b. Les contributions employeurs : + 1,37 milliard d’euros

C. Programme 742 : La contribution versÉe aux rÉgimes des Ouvriers de l’État, en faible augmentation

1. Les dépenses du programme tirées par la revalorisation des pensions

2. Des recettes en hausse du fait d’un nombre de cotisants plus élevé que prévu et de l’augmentation de la subvention d’équilibre de l’État

3. Des frais de gestion difficilement mesurables

D. programme 743 : les autres dÉpenses du compte, en lÉgère diminution

E. Un Besoin de clarifier la situation du rÉgime des fonctionnaires de l’État

1. La dégradation du solde cumulé du CAS Pensions

2. Distinguer, parmi les recettes du CAS, la subvention d’équilibre de l’État au régime des fonctionnaires civils et militaires

3. La nécessité d’une loi quinquennale sur le système de retraite

II. LA MISSION RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE : un effort de l’État de 6,2 milliards d’euros en 2024 pour les rÉgimes spÉciaux

A. Une clarification progressive de l’effort de l’État au profit du système de retraite

1. L’effort de l’État au profit du système de retraite, hors financement du CAS Pensions, excède toujours les crédits de la mission

2. L’intégration financière des régimes fermés dans le régime général

B. Les rÉgimes fermÉs financÉs par la mission : 5,4 milliards d’euros en 2024

1. Le régime de la SNCF : une subvention stable mais des coûts de gestion en augmentation dans le cadre de la COG 2022-2026

a. Une subvention d’équilibre stable mais qui représente 61 % des dépenses

b. Des coûts de gestion en augmentation pour accompagner la mise en œuvre de la nouvelle convention d’objectifs et de moyens

2. Le régime de la RATP : la contribution de l’État en augmentation rapide mais des coûts de gestion stables

a. Une contribution d’équilibre très dynamique visant à compenser un ratio démographique dégradé mais aussi des avantages spécifiques

b. Les coûts de gestion de la CRP RATP, en dehors du budget de l’État, sont maîtrisés

3. Le régime des mines : la subvention de l’État en très légère diminution

4. Les régimes en voie d’extinction représentent 2 % des crédits de la mission

C. Les rÉgimes encore ouverts : 812 millions d’euros en 2024

1. Les crédits prévus pour les régimes spéciaux de l’Opéra de Paris et de la Comédie-Française

a. Des régimes à l’effectif réduit et aux règles très particulières

b. Des régimes dépendant de la subvention de l’État à plus de 50 %

c. Des modalités de gestion spécifiques

2. Programme 197 : une réforme du régime des marins s’impose

a. Un régime largement subventionné en raison de son rapport démographique très déséquilibré

b. Un régime difficile à gérer, aux règles à la fois complexes et obsolètes

c. Un dysfonctionnement des contrôles qui empêche de garantir le paiement à bon droit des prestations

d. Une réforme du régime s’impose pour en simplifier et en clarifier le fonctionnement

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE 1 :  LISTE DES RÉGIMES SPÉCIAUX PRÉVUS PAR LA LOI

ANNEXE 2 : COMPARATIFS DES RÉGIMES SPÉCIAUX

ANNEXE 3 : COMPARATIFS DES COÛTS DE GESTION

ANNEXE 4 : LE CLASSEMENT PAR FONCTION DU RÉGIME DES MARINS

ANNEXE 5 : LE CLASSEMENT PAR CATÉGORIE DU RÉGIME DES MARINS

ANNEXE 6 : LES TAUX DE COTISATION PATRONALE DU RÉGIME DES MARINS

Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur spÉcial

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 44 réponses sur 46 questions étaient parvenues à la commission des finances, soit un taux de 96 %.

 

 


   Principales observations du rapporteur spÉcial

En 2024, les crédits du compte d’affectation spéciale Pensions s’élèveraient à 67,6 milliards d’euros, en augmentation de 3,2 milliards (+ 5 %).

Les dépenses liées au versement des pensions des fonctionnaires civils et militaires, qui représentent 95 % des crédits, augmenteraient de 5,3 %, notamment sous l’effet de la revalorisation des pensions à hauteur de 5,3 %, soit un niveau supérieur au niveau de l’inflation mesuré en 2023 (4,9 %). Cela représenterait, pour les fonctionnaires civils, une dépense supplémentaire de 2,68 milliards d’euros et, pour les militaires, de 550 millions d’euros.

Les économies permises par la réforme des retraites pour le régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État sont estimées à 194 millions d’euros en 2024. Elles seront transférées par l’État à la sécurité sociale, en application des articles 32 du projet de loi de finances et 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin d’utiliser l’intégralité des gains obtenus pour rétablir l’équilibre du système de retraite.

Les recettes du compte d’affectation spéciale s’établiraient quant à elles à 65,1 milliards d’euros en 2024, en augmentation de 1,6 milliard d’euros, soit une évolution plus modérée que pour les dépenses (+ 2,5 %). En conséquence, le solde du compte serait de  2,48 milliards d’euros en 2024. Son excédent cumulé, qui s’élevait à 8,9 milliards d’euros au 31 décembre 2022, s’établirait ainsi à 8,4 milliards d’euros fin 2023 et à seulement 5,9 milliards d’euros fin 2024. Selon les prévisions, le déficit du compte se creuserait encore en 2025 et 2026 et, à ce rythme, le solde cumulé serait entièrement consommé avant la fin de l’exercice 2026.

À terme, un relèvement des taux de contribution employeur et une convergence du taux de cotisation salariale entre les secteurs public et privé s’imposeront donc afin de pouvoir respecter l’obligation organique d’équilibre du compte d’affectations spéciale. Le rapporteur spécial propose de profiter de cet ajustement pour procéder à une refonte plus globale des recettes du compte, consistant à distinguer, parmi les versements de l’État, ce qui relève de la contribution employeur de ce qui relève de la subvention d’équilibre.

La première étape de cette refonte consisterait à faire apparaître le montant de la subvention d’équilibre dans le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances ; le rapporteur spécial a déposé un amendement prévoyant une telle mesure en vue du projet de loi de finances pour 2025. Il recommande qu’une réforme plus globale soit mise en place en vue du projet de loi de finances pour 2026.

Avec l’abandon par le Conseil d’orientation des retraites de la convention EEC (effort de l’État constant) au profit de la seule convention EPR (équilibre permanent des régimes), conformément à une recommandation du rapporteur spécial, la refonte du compte d’affectation spéciale Pensions contribueraient grandement à clarifier la situation du système de retraite et à apaiser les débats sur l’utilité d’éventuelles réformes à venir.

S’agissant de la mission Régimes sociaux et de retraite, dont les crédits sont prévus à hauteur de 6,2 milliards d’euros en 2024, plusieurs évolutions permettent de clarifier l’effort budgétaire réalisé au profit des régimes spéciaux.

La réforme des retraites a fermé les principaux régimes spéciaux encore ouverts, dont le régime de la RATP, mais n’aura pas d’incidence financière immédiate car l’augmentation de l’âge d’ouverture des droits et de la durée de cotisation ne s’appliquera qu’au 1er janvier 2025. Le schéma de financement des principaux régimes spéciaux désormais fermés est précisé à l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 : à compter de 2025, ces régimes seront intégrés au régime général et la Caisse nationale d’assurance vieillesse en assurera l’équilibre si besoin, moyennant une compensation de l’État à la sécurité sociale.

Conformément à une recommandation du rapporteur spécial, les crédits prévus pour les régimes spéciaux, encore ouverts, de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française, auparavant inscrits sur la mission Culture, relèvent désormais du programme 195 de la mission Régimes sociaux et de retraite (25 millions d’euros en 2024).

Enfin, si la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a décidé le maintien du régime de sécurité sociale des marins, un récent rapport de la Cour des comptes a une nouvelle fois mis en lumière la complexité et l’obsolescence des règles ainsi qu’un dysfonctionnement des contrôles des recettes et des dépenses.

Une réforme du régime des marins s’impose donc afin de moderniser le régime, d’en simplifier le fonctionnement et de garantir le paiement à bon droit des prestations, dans l’intérêt à la fois des marins, des entreprises du secteur et des gestionnaires publics. Les organisations syndicales et patronales représentatives devront évidemment être consultées. Afin d’ouvrir les débats sur cette réforme, le rapporteur spécial a déposé plusieurs amendements sur le sujet, en se concentrant sur deux points : la simplification du classement catégoriel, ainsi que le renforcement des contrôles et la clarification des compétences entre les différents acteurs.

 


   LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

     Recommandations satisfaites ou partiellement satisfaites :

 

Recommandation n° 5 du rapporteur spécial sur le projet de loi de finances pour 2023 : mise en œuvre par le Conseil d’orientation des retraites

Afin de fonder les perspectives d’évolution du compte d’affectation spéciale Pensions et du système de retraite sur une projection réaliste de l’effort budgétaire que l’État est en mesure de fournir, s’appuyer uniquement sur la convention EPR (équilibre permanent des régimes).

 

Recommandation n° 8 du rapporteur spécial sur le projet de loi de finances pour 2023 : la mission Régimes sociaux et de retraite retrace désormais l’intégralité des contributions versées aux régimes spéciaux au sens de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale encore ouverts

Regrouper au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite l’ensemble des régimes spéciaux recevant chaque année une contribution d’équilibre de l’État.

 

     Recommandations reconduites et nouvelles recommandations :

 

Recommandation n° 1 : Distinguer, parmi les versements de l’État au compte d’affectation spéciale Pensions, la contribution contributive versée en tant qu’employeur de la subvention d’équilibre versée en tant que garant de la solidarité nationale.

 

Recommandation n° 2 : Envisager une convergence du taux des retenues pour pensions des fonctionnaires civils et militaires avec le taux des cotisations salariales du régime général.

 

Recommandation n° 3 : Prévoir, au niveau organique, l’obligation pour le législateur de réexaminer, tous les cinq ans, la situation du système de retraite sur la base des prévisions du Conseil d’orientation des retraites et d’un scénario central défini par le Comité de suivi des retraites.

 

Recommandation n° 4 : Développer des outils de mesure des coûts de gestion des régimes de retraite publics qui puissent être comparés les uns avec les autres.

 

Recommandation n° 5 : Simplifier et moderniser le classement catégoriel du régime des marins.

 

Recommandation n° 6 : Renforcer le contrôle des recettes et des dépenses du régime des marins en clarifiant la répartition des compétences et des moyens entre les différents acteurs.

 


   INTRODUCTION

Le présent rapport analyse les moyens budgétaires alloués par l’État aux régimes de retraite et d’invalidité dont il a la charge, en particulier les crédits :

– du compte d’affectation spéciale Pensions (ou CAS Pensions), qui finance les pensions de retraite et d’invalidité versées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État, aux ouvriers des établissements industriels et militaires de l’État, les pensions militaires d’invalidité, les pensions de retraite du combattant et des victimes de guerre ainsi que diverses autres pensions ;

– de la mission Régimes sociaux et de retraite, qui regroupe les contributions d’équilibre versées par l’État à certains régimes spéciaux de retraite caractérisés par un fort déséquilibre démographique entre le nombre de pensionnés et le nombre de cotisants, pour la plupart désormais fermés (régimes des mines, régime des agents du cadre permanent de la SNCF, régime des agents du cadre permanent de la RATP) mais trois d’entre eux restant néanmoins ouverts (régimes des marins, régimes de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française).

Réalisé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le présent rapport spécial analyse donc le rôle de l’État dans ses missions d’employeur et de garant de la solidarité nationale. Il vise à donner des éléments objectifs de débat sur l’effort consacré par l’État au système de retraite, notamment dans la perspective d’éventuelles réformes à venir.

 

 


I.   LE CAS Pensions : 67,6 milliards d’euros prÉvus en 2024 pour le rÉgime des fonctionnaires de l’État et les pensions associÉes

En application de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([1]), le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions retrace les recettes et les dépenses concourant au financement des pensions et avantages accessoires de la fonction publique de l’État.

Conformément à l’article 51 de la loi de finances pour 2006 ([2]), qui l’a créé, ce compte comprend trois sections :

– les pensions de retraite et d’invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l’État (programme 741), qui représentent 95 % des crédits ;

– les pensions versées aux ouvriers des établissements industriels et militaires de l’État (programme 742), représentant 3 % des dotations ;

 les pensions militaires d’invalidité, de retraite du combattant et des victimes de guerre ainsi que diverses autres pensions (programme 743), soit 2 % des crédits.

RÉpartition des dÉpenses du cas pensions

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

En 2024, les crédits du CAS Pensions seraient portés à 67,6 milliards d’euros. Ils progressent de 3,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023, soit une augmentation de 5 %. La dynamique est similaire à celle de l’année précédente (+ 3,2 milliards d’euros soit + 5,3 %) et significativement plus élevée que durant la période antérieure : + 1,2 % en 2022 et + 1,1 % en 2021.

Évolution des crÉdits du cas pensions

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Programme 741 – Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

60 999,8

64 234,3

+ 3 235

+ 5,3 %

Programme 742 – Ouvriers des établissements industriels de l’État

2 028,6

2 052,2

+ 24

+ 1,2 %

Programme 743 – Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 331,3

1 297,2

– 34

– 2,6 %

Total

64 359,6

67 583,7

+ 3 224

+ 5,0 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les évaluations de recettes du projet de loi de finances s’élèvent à 65,1 milliards d’euros pour 2024. Elles progressent de 1,6 milliard d’euros (+ 2,5 %) par rapport à la loi de finances pour 2023, soit une évolution moindre qu’en 2023 (+ 3,7 %) et deux fois inférieure au pourcentage de hausse des dépenses prévu en 2024.

Évolution des recettes du cas pensions

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Section Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

60 210,4

61 694,6

+ 1 484,2

+ 2,5 %

Section Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 998,1

2 109,0

+ 110,9

+ 5,5 %

Section Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 331,3

1 297,2

– 34,1

– 2,6 %

Total

63 539,8

65 100,9

+ 1 561,1

+ 2,5 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

En conséquence, le solde du compte connaîtrait en 2024 un déficit de 2,48 milliards d’euros et serait ainsi négatif pour la troisième année consécutive. En outre, les annexes au projet de loi de finances montrent que le déficit se creusera encore davantage en 2025 et 2026. Cela pose nécessairement la question d’une réforme, notamment des taux de contribution de l’État, sur lequel le rapporteur spécial formule comme l’année dernière plusieurs propositions.

La réforme des retraites adoptée via la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([3]) entraîne pour le régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État une économie d’environ 194 millions d’euros en 2024 ; conformément aux engagements pris, ces gains sont transférés par l’État à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) afin de contribuer à l’équilibre de la branche vieillesse de la sécurité sociale.


A.   Les gains de la rÉforme des retraites pour le rÉgime des fonctionnaires civils et militaires sont transfÉrÉs à la sÉcuritÉ sociale

Pour faire face au déficit durable de notre système de retraite et ainsi garantir sa pérennité à long terme, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a prévu la hausse à soixante-quatre ans de l’âge d’ouverture des droits à une pension de retraite, accéléré l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour accéder au taux plein à quarante-trois ans et fermé les principaux régimes spéciaux encore ouverts. Afin d’atténuer les effets de ces mesures sur les plus fragiles, elle a également créé de nouveaux droits, notamment concernant les carrières longues et le cumul emploi-retraite.

Le volet paramétrique de la réforme des retraites se traduit, pour le régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État, par une économie de 194 millions d’euros dès 2024, qui est appelée à augmenter dans les années à venir : 333 millions d’euros en 2025, 408 millions d’euros en 2026 et 520 millions d’euros en 2027, soit un total de 1,46 milliard d’euros en quatre ans ([4]). Ces chiffres pourront faire l’objet d’une clause de rendez-vous, notamment eu égard à la dégradation de la situation budgétaire du régime de la fonction publique de l’État dans les années à venir.

Gains pour le rÉgime des fonctionnaires civils et militaires de l’État
liÉs à la rÉforme des retraites adoptÉe en 2023

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après l’annexe n° 9 du PLFSS pour 2024.

Conformément aux engagements pris dans le cadre de la réforme et au principe selon lequel la totalité des économies engendrées devaient être consacrées à rééquilibrer le système de retraite, les gains permis par la réforme pour le régime de la fonction publique d’État sont transférés de l’État à la sécurité sociale. Ce transfert s’effectue en deux étapes : en premier lieu, une fraction de TVA supplémentaire est affectée à la sécurité sociale au bénéfice de la branche maladie (article 32 du projet de loi de finances pour 2024) ; en second lieu, il est prévu un transfert de la branche maladie vers la branche vieillesse (article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024).

B.   programme 741 : un Écart entre les dÉpenses et les recettes des pensions civiles et militaires qui se creuse

Le programme 741 finance les pensions de retraite versées aux fonctionnaires titulaires de l’État ([5]), en application du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que les allocations temporaires d’invalidité prévues par la loi du 11 janvier 1984 relative au statut de la fonction publique de l’État ([6]).

Évolution du solde du programme 741

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution sur un an

Dépenses

60 999,77

64 234,3

+ 3 235

+ 5,3 %

Recettes

60 210,39

61 694,6

+ 1 484

+ 2,5 %

Solde

 789,4

 2 539,7

 1 750

 221,7 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

En 2024, les prévisions de dépenses et de recettes du programme 741 induiraient un solde négatif de – 2,5 milliards d’euros.

1.   Des dépenses en hausse de 3,2 milliards d’euros, portées par la revalorisation des pensions à un niveau supérieur à l’inflation

Les crédits du programme 741 s’élèveraient à 64,2 milliards d’euros en 2024, en augmentation de 3,2 milliards d’euros (+ 5,3 %) par rapport à 2023.

Évolution des crÉdits du programme 741

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Action 01 – Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite

50 296,5

52 978,0

+ 2 681,6

+ 5,3 %

Action 02 – Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite

10 565,0

11 115,1

+ 550,1

+ 5,2 %

Action 03 – Allocations temporaires d’invalidité

138,3

141,3

+ 2,9

+ 2,1 %

Total

60 999,8

64 234,3

+ 3 235

+ 5,3 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Ils sont portés par les mesures de revalorisation des pensions civiles et, dans une moindre mesure, des pensions militaires, destinées à compenser l’inflation.

a.   Les pensions des fonctionnaires civils : + 2,68 milliards d’euros

Les dépenses relatives aux pensions des fonctionnaires civils de l’État relevant du code des pensions civiles et militaires (action 01) s’élèveraient à 52,98 milliards d’euros, en hausse de 2,68 milliards d’euros par rapport à 2023.

Cette hausse résulte, en majeure partie, de la revalorisation des pensions prévue par la loi et de l’augmentation de + 1,5 % du point d’indice de la fonction publique intervenue en juillet 2023. Les prévisions sont établies sur une hypothèse de revalorisation, pour les pensions de retraite, de + 5,3 % au 1er janvier 2024 et, pour les pensions d’invalidité, de + 4,6 % au 1er avril, pour un coût total de 2,48 milliards d’euros (auxquels s’ajoutent 12 millions d’euros au titre de l’extension en année pleine des revalorisations de 2023).

Les pensions de retraite des fonctionnaires sont donc revalorisées à 5,3 %, un niveau supérieur à l’inflation (4,9 %) et aux obligations fixées dans la loi. En effet, l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale prévoit que la revalorisation annuelle des pensions « est effectuée sur la base d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées ». Or l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac calculé par l’INSEE pour l’année 2023 s’élève à 4,9 % ([7]).

Les dépenses de 2023 non reconduites en 2024, celles des pensions dont les titulaires sont décédés, représentent une diminution de 789 millions d’euros. Cette baisse est compensée par une hausse de 824 millions d’euros due à l’extension en année pleine des dépenses de pensions entrées en paiement dans le courant de l’année 2023. Le coût total net de ces dépenses est donc de 35 millions d’euros.

Les prévisions de sorties de pension retenues pour 2024 (63 220) sont similaires à celles de 2023 (63 153). En revanche, les prévisions des entrées, qui intègrent les effets de la réforme du système de retraite adoptée en 2023, et notamment de l’augmentation de l’âge d’ouverture des droits ainsi que de l’accélération de la durée de référence permettant d’atteindre le taux plein, sont nettement inférieures en 2024 (71 600) par rapport à 2023 (77 860). Il en résulte une augmentation nette des crédits de 220 millions d’euros.

Compte tenu des prévisions d’entrées et de sorties de pensions, le rapport démographique du régime des fonctionnaires civils poursuivrait sa tendance à la baisse, passant sous la barre des 100 % en 2023, et s’établirait à 98 % fin 2024.

Évolution du ratio dÉmographique
des fonctionnaires civils de l’État

(en milliers)

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire prévu à l’article 49 de la LOLF.

b.   Les pensons militaires : + 550 millions d’euros

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit de porter les crédits relatifs aux pensions des militaires relevant du code des pensions civiles et militaires à 11,1 milliards d’euros, en augmentation de 550 millions d’euros sur un an.

Cette augmentation procède, en grande partie, de la revalorisation des pensions prévue par la loi et de l’augmentation du point d’indice de la fonction publique décidée en juillet 2023, qui représentent un coût total supplémentaire de 514 millions d’euros par rapport à l’année précédente.

Les dépenses de 2023 non reconduites en 2024, liées aux pensions dont les titulaires sont décédés, entraînent une baisse de 165 millions d’euros, tandis que l’extension en année pleine des dépenses de pensions entrées en paiement dans le courant de l’année 2023 représente un coût supplémentaire de 156 millions d’euros en 2024. Il en résulte un effet total net de – 9 millions d’euros pour 2024.

Les prévisions d’entrées et de sorties pour 2024 sont similaires à celles de 2023. Sont attendues 19 000 entrées, pour un coût supplémentaire de 204 millions d’euros, et 17 620 sorties, pour une diminution de 138 millions d’euros. Le coût total net des entrées et sorties est donc de 66 millions d’euros.

En 2024, le rapport démographique du régime des militaires diminuerait légèrement de 80 % à 79 %, avec 404 000 retraités pour 317 000 actifs.

Évolution du ratio dÉmographique des militaires

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire prévu à l’article 49 de la LOLF.

c.   Les allocations temporaires d’invalidité : + 2,9 millions d’euros

Outre les pensions de retraite, les fonctionnaires civils perçoivent aussi des allocations temporaires d’invalidité. En cas d’incapacité permanente empêchant la reprise de ses fonctions, un fonctionnaire est mis à la retraite et perçoit une pension indépendamment de son âge et de sa durée de service. Si l’invalidité n’empêche pas la reprise des fonctions, il perçoit une allocation temporaire d’invalidité.

En 2024, les dépenses relatives aux allocations temporaires d’invalidité s’élèveraient à 141,3 millions d’euros, en augmentation de 2,9 millions d’euros par rapport à 2023.

Le nombre d’allocataires devrait poursuivre sa tendance baissière, passant de quelque 59 800 bénéficiaires en 2018 à 56 500 allocataires au 1er janvier 2022. Toutefois, cet effet volume est plus que compensé par la revalorisation des allocations temporaires d’invalidité, qui dépend soit de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (pour les bénéficiaires retraités), soit de l’évolution du point d’indice de la fonction publique (pour les bénéficiaires en activité).

 


d.   Les frais de gestion maîtrisés du SRE

Le programme 741, comme le programme 743 relatif aux pensions des ouvriers de l’État, est placé sous la responsabilité du Service des retraites de l’État (SRE), service à compétence nationale de la direction générale des finances publiques (DGFIP).

Les indicateurs de performance rattachés au programme 741 montrent que le coût de gestion par le SRE des pensions civiles et militaires pour 100 euros de pensions versés (indicateur 1.2) poursuivrait sa diminution (1,129 euro de coût de gestion pour 100 euros de pensions versés attendus en 2024 contre 0,147 en 2022). La diminution du coût de gestion global, incluant les coûts du SRE et ceux des effectifs mobilisés dans les services chargés des pensions des ministères, est encore plus nette (0,125 euro pour 100 euros de pensions versés attendus en 2024 contre 0,153 euro en 2022).

Le coût de gestion d’un ressortissant du régime des pensions civiles et militaires de retraite (indicateur 1.1) suit également une tendance à la baisse, à la fois pour le SRE (17,33 euros attendus en 2024 contre 18,90 euros en 2022) et pour le coût global de gestion, incluant les coûts des ministères employeurs (17,69 euros prévus en 2024 contre 19,7 euros en 2022). Cette diminution est liée au transfert vers le SRE du conseil retraite, de la réception de la demande de pension et de la relation avec l’usager lors du départ en retraite, autrefois assurés par les services chargés des pensions des ministères employeurs.

On peut noter que les coûts de gestion du SRE, même en incluant les coûts des ministères employeurs, sont inférieurs à ceux des autres gestionnaires de régime à la fois en ce qui concerne le CAS Pensions et la mission Régimes sociaux et de retraite ([8]).

Néanmoins, le rapporteur spécial regrette que les indicateurs de performance, en raison de différences de méthodologie, ne permettent pas une réelle comparaison des coûts de gestion entre régimes. Lors de ses travaux sur le projet de loi de finances pour 2023, une mission d’inspection avait été évoquée pour mesurer les coûts de gestion des régimes de retraite publics, afin d’améliorer les possibilités de comparaisons inter-régimes. Un an plus tard, force est de constater qu’aucune avancée n’a été réalisée. Le rapporteur spécial ne peut donc que reconduire sa recommandation.

Recommandation : Développer des outils de mesure des coûts de gestion des régimes de retraite publics qui puissent être comparés les uns avec les autres.

 


2.   Des recettes en augmentation de 1,48 milliard d’euros, suivant l’évolution du point d’indice de la fonction publique

En 2024, les recettes du programme 741 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité s’élèveraient à 61,7 milliards d’euros, en hausse de 1,5 milliard d’euros (+ 2,5 %) par rapport à l’année précédente.

Évolution des recettes du programme 741

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Cotisations salariales

7 401

7 535

+ 134

+ 1,8 %

Contributions employeurs

51 518

52 890

+ 1 372

+ 2,7 %

ATI

173

176

+ 4

+ 2,2 %

Compensation démographique généralisée vieillesse

633

646

+ 13

+ 2,1 %

CNRACL

428

394

– 34

– 7,9 %

FSV

1

1

Validations de services

15

15

Rachats d’études

4

4

Indus

23

24

+ 1

+ 4,3 %

Autres

14

9

– 5

– 35,7 %

Total

60 210

61 695

+ 1 484

+ 2,5 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Outre les contributions et transferts entre régimes de sécurité sociale prévues par les lois et règlements en vigueur, les dépenses du programme 741 sont principalement financées par des cotisations salariales à la charge des fonctionnaires (12,2 % du total) et par une contribution de l’État (85,7 %).

a.   Les retenues pour pensions : + 134 millions d’euros

En application de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires, les recettes de la section du CAS correspondant au programme 741 sont tout d’abord constituées d’une cotisation à la charge des fonctionnaires, sur le modèle des cotisations salariales dans le régime général. Cette retenue pour pension est toutefois assise sur les sommes payées aux agents à titre de traitement ou de solde à l’exclusion d’indemnités de toute nature.

En 2024, les retenues pour pensions prélevées sur le traitement des fonctionnaires rapporteraient 7,5 milliards d’euros en 2023, soit 12,2 % du montant total des recettes. Leur produit augmente de 134 millions d’euros (+ 1,8 %) par rapport à 2023. Il est principalement soutenu par la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023 ([9]). Elles concernent principalement les fonctionnaires civils (6,45 milliards d’euros) et dans une moindre mesure les militaires (1,08 milliard d’euros).

Depuis 2019, le taux des retenues pour pensions s’élève à 11,10 %. Il a augmenté de 3,25 points depuis 2010, se rapprochant ainsi du taux des cotisations salariales dans le secteur privé (11,31 %). Néanmoins, il demeure inférieur de 0,21 point à ce dernier, les hausses de taux liés aux accords Agirc-Arrco de 2013 et 2015 n’ayant pas été répercutées.

Évolution du taux des retenues pour pensions

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Compte tenu des prévisions de solde négatif et dans un souci d’équité entre les régimes, le rapporteur spécial recommande une convergence du taux des retenues pour pensions des fonctionnaires civils et militaires avec le taux des cotisations salariales du régime général dans le secteur privé. Selon les informations communiquées au rapporteur, une hausse de 0,21 point du taux de cotisation salariale représenterait un surcroît de recettes d’environ 135 millions d’euros en 2024 pour le CAS Pensions.

Recommandation : Envisager une convergence du taux des retenues pour pensions des fonctionnaires civils et militaires avec le taux des cotisations salariales du régime général.

b.   Les contributions employeurs : + 1,37 milliard d’euros

La contribution de l’État au programme 741, assise sur les sommes payées aux fonctionnaires à titre de traitement ou de solde, à l’exclusion d’indemnités de toute nature, s’élèverait à 52,89 milliards d’euros en 2024, soit 85,7 % des recettes. Elle est composée de 41,4 milliards d’euros au titre des pensions civiles et de 11,5 milliards d’euros au titre des pensions militaires. Son augmentation (+ 1,37 milliard d’euros) suit notamment celle du point d’indice.

Contrairement au taux de la contribution employeur versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui passera de 30,65 % en 2023 à 31,65 % en 2024, les taux de la contribution employeur versée par l’État au CAS Pensions seront maintenus à leur niveau, inchangé depuis 2014 : 74,28 % pour les pensions civiles et 126,07 % pour les pensions militaires (le taux des allocations temporaires d’invalidité est également stable à 0,32 %).

Évolution des taux de la contribution employeur

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Or le solde du programme 741 contribue pour beaucoup au déficit du CAS Pensions, qui s’élèvera à – 2,48 milliards d’euros et qui, selon les annexes au projet de loi de finances, se creusera encore davantage en 2025 et 2026. Un compte d’affectation spéciale étant, en application de l’article 21 de la LOLF, soumis à une obligation d’équilibre, ces perspectives rendront nécessaires une augmentation des taux de la contribution de l’État au CAS au plus tard en 2026.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, une hausse d’un point des taux de contribution employeur générerait, en 2024, un supplément de recettes de 550 millions d’euros pour les fonctionnaires civils, de 90 millions d’euros pour les militaires et de 7 millions d’euros pour les ouvriers d’État (voir le C du présent I), soit un total d’environ 650 millions d’euros.

Au-delà de leur évolution, les taux des contributions versées par l’État au CAS Pensions sont nettement supérieurs au taux employeur légal de droit commun qui s’établit à 16,5 %. Ces sur-cotisations de l’État s’apparentent à une subvention d’équilibre de l’État au régime des fonctionnaires civils et militaires, qu’il ne s’agit pas de remettre en cause, mais qui devrait pouvoir être distinguée comme telle au sein des autres recettes du CAS Pensions (voir le D du présent I).

 


C.   Programme 742 : La contribution versÉe aux rÉgimes des Ouvriers de l’État, en faible augmentation

Le programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État assure la couverture des risques vieillesse et invalidité des ouvriers de l’État, financés via deux fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations :

– le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), créé en 1928 afin de créer un cadre commun à l’ensemble des ouvriers de l’État ;

– le fonds relatif aux rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), créé en 1897 aux fins d’assurer le rôle de payeur pour le compte du ministère des armées des rentes accident du travail attribuées par le service des pensions des armées.

Évolution du solde du programme 742

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Dépenses

2 028,6

2 052,2

+ 24

+ 1,2 %

Recettes

1 998,1

2 109,0

+ 110,9

+ 5,5 %

Solde

 30,4

+ 56,8

+ 87,3

+ 386 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Tandis que le solde du programme 742 était négatif dans la prévision 2023 (– 30,4 millions d’euros), le FSPOEIE et les RATOCEM auraient en 2024 une contribution positive en 2024 (+ 56,8 millions d’euros). Cette amélioration résulte principalement d’une hausse des recettes provenant des cotisations sociales et des contributions employeurs due à un nombre d’actifs plus important qu’anticipé ainsi qu’à une nouvelle augmentation de la subvention de l’État.

1.   Les dépenses du programme tirées par la revalorisation des pensions

Le projet de loi de finances porte les crédits du programme à 2,05 milliards d’euros pour 2024, en hausse de 23,6 millions d’euros (+ 1,16 %) par rapport à la prévision pour 2023.

Évolution des crÉdits du programme 742

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Action 01 – Prestations vieillesse et invalidité

1 963,1

1 986,9

+ 23,8

+ 1,21 %

Action 03 – Autres dépenses spécifiques

0,9

1,1

+ 0,1

+ 15,20 %

Action 04 – Gestion du régime

6,8

6,2

– 0,6

– 9,20 %

Action 05 – Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires

57,7

58,0

+ 0,3

+ 0,58 %

Total

2 028,6

2 052,2

+ 23,6

+ 1,16 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

● Les crédits de pensions de retraite et d’invalidité versées aux ouvriers des établissements industriels de l’État (action 01), qui représentent la majorité des dépenses, atteindraient 1,99 milliard d’euros pour 2024, en hausse de 23,8 millions d’euros (+ 1,2 %) par rapport à 2023.

La hausse des crédits résulte avant tout de la revalorisation des pensions, avec non seulement l’extension en année pleine des revalorisations de 2023 (+ 0,8 % au 1er janvier pour les pensions de base et + 1,6 % au 1er avril pour les pensions d’invalidité) mais aussi les prévisions de revalorisation pour 2024 (+ 5,3 % au 1er janvier pour les pensions de base et + 4,6 % au 1er avril pour les pensions d’invalidité).

Le relèvement des pensions serait toutefois partiellement compensé par une diminution du nombre de pensionnés, qui s’avère dynamique à la fois en 2023 (avec une prévision actualisée moindre qu’en loi de finances initiale) et en 2024. Le nombre de pensionnés devrait ainsi atteindre 88 723 au 31 décembre 2024 contre 93 585 fin 2022. En tendance, on compte seulement 400 affiliations par an contre 2 000 liquidations de droits.

Le ratio démographique du régime, très dégradé, demeurerait stable entre 2023 et 2024, avec 0,19 cotisant pour un pensionné.

Évolution du rapport dÉmographique du FSPOEIE

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire prévu à l’article 49 de la LOLF.

● Sur l’action 05, les dépenses du fonds relatif aux rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) sont en légère hausse, à hauteur de 58 millions d’euros (+ 0,58 %), dont 57,4 millions d’euros pour les dépenses de prestation.

 


2.   Des recettes en hausse du fait d’un nombre de cotisants plus élevé que prévu et de l’augmentation de la subvention d’équilibre de l’État

En 2024, les recettes de la section du CAS Pensions correspondant au programme 742 s’élèveraient à 2,1 milliards d’euros. Elles augmenteraient de manière significative par rapport à 2023 : + 111 millions d’euros (+ 5,5 %) et progresseraient plus rapidement que les dépenses.

Évolution des recettes du programme 742

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Cotisations salariales et patronales

293,3

315,9

+ 23

+ 7,7 %

Contribution de l’État au FSPOEIE et au Fonds des RATOCEM

1 608,6

1 692,0

+ 83

+ 5,2 %

Compensation démographique

96,0

94,0

– 2

– 2,1 %

Recettes diverses

0,2

7,2

+ 7

+ 2 909,6 %

Total

1 998,1

2 109,0

+ 111

+ 5,5 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

L’évolution des recettes résulterait surtout de la progression de la contribution d’équilibre de l’État, qui augmente de 83 millions d’euros (+ 5,2 %) par rapport à 2023, représentant désormais plus de 80 % des dépenses du programme 742.

Évolution de la subvention d’Équilibre versÉe par l’État

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Toutefois, les recettes tirées des cotisations salariales ([10]) et patronales ([11]), qui ne concernent que le FSPOEIE, sont elles-mêmes en augmentation dynamique, en raison d’un nombre d’actifs plus important qu’anticipé. Elles s’établiront à 315,9 millions d’euros, en progression de 23 millions d’euros (+ 7,7 %).

Le fonds des RATOCEM, quant à lui, ne perçoit aucune cotisation et est entièrement financé par la subvention de l’État.

3.   Des frais de gestion difficilement mesurables

La gestion du FSPOEIE et du fonds des RATOCEM est confiée à la Caisse des dépôts et consignations, qui s’occupe de la relation client, de la liquidation des pensions et des prestations comptables, puis refacture les coûts de ces processus à l’État en fonction des prestations prévues par le mandat et des volumes gérés.

Les frais de gestion facturés par la Caisse des dépôts et consignations à l’État pour la gestion des RATOCEM s’élèveront à 645 000 euros en 2023, en augmentation de 6 % par rapport à la prévision 2023.

Les crédits prévus pour la gestion du FSPOEIE s’élèvent à 6,2 millions d’euros (action 04 Gestion du régime du programme 742), en diminution de 630 000 euros (– 9 %) par rapport à la loi de finances pour 2023.

Ces crédits budgétaires comprennent à la fois les frais de gestion facturés par la Caisse des dépôts et consignations ainsi que des frais divers correspondant notamment aux charges financières liées au placement de trésorerie du régime.

Évolution des coÛts de gestion du FSPOEIE

(en euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Pris globalement, les frais de gestion du FSPOEIE et des RATOCEM baissent tendanciellement, suivant la diminution du nombre d’actifs et de pensionnés.

Les indicateurs rattachés au programme 742 montrent que le coût du processus de contrôle d’une liquidation (indicateur 1.1) augmenterait fortement en 2024 (509 euros par contrôle contre 320 prévus en 2023 et 357 en 2021). Comme les années précédentes, cette hausse est justifiée par une augmentation du prix standard des ETP et par les prévisions d’inflation.

Par ailleurs, le coût de gestion par la Caisse des dépôts et consignations pour 100 euros de pensions versés dans le cadre du FSPOEIE (indicateur 1.2) est stable (0,31 euro de coût de gestion pour 100 euros de pensions versés en 2024 comme en 2023), la hausse du total des coûts de gestion étant compensée par l’augmentation de la masse des prestations servies.

On peut noter que les coûts de gestion du FSPOEIE restent supérieurs à ceux des pensions civiles et militaires, même en incluant les coûts des ministères employeurs ([12]). Néanmoins, le mode de calcul des indicateurs des programmes 741 et 742 demeure différent. Ainsi, pour la Caisse des dépôts et consignations, les frais de gestion pris en compte n’intègrent que les dépenses de rémunération. En outre, la complexité du modèle de coût de la Caisse des dépôts et consignations entraîne une perte de visibilité sur la réalité du coût des fonctions support de la Caisse, ce qui limite les comparaisons des coûts de gestion entre régimes.

Le rapporteur spécial rappelle que dans son rapport de l’an dernier, il avait alerté sur le besoin pour le Parlement de disposer d’indicateurs de performance permettant des comparaisons inter-régimes. Un an plus tard, la situation n’ayant pas progressé, il ne peut que reconduire sa recommandation.

Recommandation : Développer des outils de mesure des coûts de gestion des régimes de retraite publics qui puissent être comparés les uns avec les autres.

 

 


D.   programme 743 : les autres dÉpenses du compte, en lÉgère diminution

Le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions finance, en application du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, les pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ainsi que diverses prestations, pensions, rentes et allocations de régimes de retraite ou équivalents dont l’État est directement redevable, notamment au titre d’engagements historiques et de la reconnaissance de la Nation.

En 2024, les crédits du programme 743 s’élèveraient à 1,29 milliard d’euros, en diminution de 34 millions d’euros (– 2,6 %) par rapport à 2023.

Évolution des crÉdits du programme 743

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Action 01 – Reconnaissance de la Nation

510,2

537,2

+ 27,0

+ 5,3 %

Action 02 – Réparation

754,8

690,3

– 64,5

– 8,5 %

Action 03 – Pensions d’Alsace-Moselle

16,0

16,0

+ 0,0

+ 0,0 %

Action 04 – Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

38,3

41,7

+ 3,4

+ 8,8 %

Action 05 – Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

0,0

0,0

+ 0,0

+ 21,0 %

Action 06 – Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident

11,8

11,9

+ 0,0

+ 0,4 %

Action 07 – Pensions de l’ORTF

0,1

0,1

– 0,0

– 7,0 %

Total

1 331,3

1 297,2

 34,1

 2,6 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

 Les crédits prévus pour les pensions militaires d’invalidité, (action 02) s’élèveraient à 690,3 millions d’euros, soit 53 % des dépenses. Ils diminuent de 64,5 millions d’euros (– 8,5 %). Cette tendance tient à la baisse du nombre de bénéficiaires (162 263 au 1er janvier 2023 contre 171 750 début 2022) et au fait que les effectifs sortants du dispositif sont majoritairement atteints des pathologies les plus lourdes et donc titulaires des pensions les plus élevées

● Les dépenses liées aux retraites du combattant (action 01) s’établiraient à 537,2 millions d’euros, soit 41 % du total. Elles sont en augmentation de 27 millions d’euros (+ 5,3 %) par rapport à 2023, qui résulte d’une revalorisation du point PMI (pensions militaires d’invalidité) plus forte qu’anticipé dans la loi de finances pour 2023. Les crédits prévus pour les titulaires de la Légion d’honneur et médaillés militaires restent stables à 0,8 million d’euros.

● Les autres crédits du programme 743 évolueraient peu par rapport à 2023. Ils augmenteraient légèrement pour les allocations de reconnaissance des anciens supplétifs de l’armée française en Algérie (+ 8,8 %) et pour les pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident (+ 0,4 %) mais resteraient stables pour les pensions versées aux ministres des cultes en Alsace-Moselle (16 millions d’euros), tandis que les dépenses prévues pour les pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien (32 848 euros) et des anciens agents de l’Office de radiodiffusion-télévision française (72 000 euros) demeurent négligeables.

La tendance à la baisse des crédits du programme 743 ne remet donc pas en cause la dynamique des années précédentes.

Évolution des crÉdits du programme 743

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les pensions et allocations financées par le programme ne sont soumises à aucune cotisation. Elles sont donc intégralement prises en charge par l’État. Les crédits prévus pour financer ces prestations proviennent ainsi de versements d’autres programmes du budget général concernés par ces dépenses. Les pensions militaires d’invalidité et la retraite du combattant sont ainsi financées par le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (97 % des recettes du programme 743).


E.   Un Besoin de clarifier la situation du rÉgime des fonctionnaires de l’État

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023 ([13]), le rapporteur spécial avait formulé plusieurs propositions visant à clarifier la situation du système de retraite et les débats portant sur l’opportunité de sa réforme.

L’une de ces recommandations a été suivie : le Conseil d’orientation des retraites (COR) s’est recentré sur la seule convention EPR (équilibre permanent des régimes), en reléguant au second plan la convention EEC (effort de l’État constant), qui ne figure désormais plus qu’en annexe de son rapport annuel. Cette convention – qui de l’aveu même du président du COR n’avait d’autre intérêt que « pédagogique » ([14]) – donnait une vision biaisée de l’effort que l’on peut attendre de l’État au profit du système de retraite, confondant les rôles de l’État en tant que garant de l’intérêt général et en tant qu’employeur, et ajoutait de la confusion en multipliant le nombre de scénarios présentés. Il ne reste désormais que quatre scénarios, dépendant de quatre hypothèses d’évolution de la productivité, le COR ayant refusé de descendre à trois afin de ne pas proposer un seul scénario central.

Une des autres recommandations du rapporteur spécial reste à mettre en œuvre : il s’agit de distinguer, parmi les versements de l’État au CAS Pensions, ceux qui relèvent de la contribution employeur et ceux qui relèvent de la subvention d’équilibre au régime des fonctionnaires civils et militaires. Le rapporteur a déposé plusieurs amendements en ce sens. La dégradation du solde cumulé du CAS et la nécessité future d’augmenter les taux de la contribution de l’État doivent permettre de mettre en œuvre cette proposition d’ici 2026.

1.   La dégradation du solde cumulé du CAS Pensions

Le solde du CAS Pensions, fixé à 1 milliard d’euros lors de sa création en 2006, évolue depuis au gré des soldes budgétaires annuels. Le solde budgétaire cumulé n’ouvre pas droit à la consommation de crédits budgétaires supplémentaires, mais constitue seulement une marge de trésorerie qui permet de respecter l’obligation d’équilibre du CAS. En effet, en application du II de l’article 21 de la LOLF, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées.

Entre 2012 et 2021, le CAS a connu des soldes annuels positifs, qui ont permis une augmentation du solde cumulé à 9,5 milliards d’euros fin 2021. Cette dynamique est désormais remise en cause. En 2024, le solde du CAS serait négatif pour la troisième année consécutive et connaîtrait un déficit de 2,48 milliards d’euros, trois supérieur à la prévision de déficit pour 2023 (– 789 millions d’euros).

Évolution du solde du cas pensions

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Le solde cumulé, qui s’élevait à 8,9 milliards d’euros au 31 décembre 2022, s’établirait ainsi à 8,4 milliards d’euros fin 2023 et à seulement 5,9 milliards d’euros fin 2024. En outre, selon les prévisions de recettes et de dépenses qui figurent dans les annexes budgétaires du projet de loi de finances, le déficit du compte se creuserait en 2025 et 2026 et, à ce rythme, le solde cumulé serait entièrement consommé avant la fin de l’exercice 2026.

À terme, un relèvement des taux de contribution employeur s’imposera donc afin de pouvoir respecter l’obligation organique d’équilibre du compte. Dans la continuité des propositions qu’il a présentées sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial recommande de profiter de cet ajustement nécessaire des taux pour clarifier l’effort fourni par l’État en faveur du régime des fonctionnaires civils et militaires.

2.   Distinguer, parmi les recettes du CAS, la subvention d’équilibre de l’État au régime des fonctionnaires civils et militaires

Par définition, le solde du CAS Pensions ne peut pas être négatif et, lorsque cela s’avère nécessaire, les taux des contributions employeurs sont ajustés de sorte à respecter cette obligation juridique. Or cette mécanique donne un aperçu trompeur de la situation du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l’État qui, bien qu’équilibré en permanence, est en réalité déficitaire.

Il est normal que les ministères s’acquittent de cotisations sociales pour les fonctionnaires qu’ils emploient ; l’État intervient ici dans son rôle d’employeur, au même titre que l’ensemble des employeurs publics et privés. Toutefois, comme on l’a vu, les contributions versées par l’État au CAS Pensions vont au-delà de simples cotisations employeur : avec un taux de 74,28 % pour les fonctionnaires civils et un taux de 126,07 % pour les militaires, l’État contribue bien plus que les 16,46 % correspondant au taux employeur légal de droit commun sur tous les autres salariés ([15]). Ces sur-cotisations s’apparentent de fait à une subvention d’équilibre de l’État au régime des fonctionnaires civils et militaires qui, selon le rapporteur spécial, doit être explicitement isolée au sein du CAS Pensions.

Dans le prolongement des débats liés à la dernière réforme du système de retraite, M. François Bayrou, Haut-Commissaire au plan ([16]), et M. Jean-Pascal Beaufret, auteur de plusieurs articles publiés dans la revue Commentaire ([17]), ont, lors d’une séance plénière du COR du 21 septembre 2023, exposé les moyens de rendre compte de manière plus réaliste de la situation financière du système de retraite. S’agissant du régime de retraite des fonctionnaires, ils ont esquissé une méthode permettant d’estimer le montant des sur-cotisations versées par l’État au CAS Pensions :

– en 2021, les cotisations employeur versées par l’État au CAS ont atteint 48,5 milliards d’euros ([18]). Ces données permettent de calculer que la masse salariale des fonctionnaires civils et militaires ouvrant des droits à une pension était de 60,5 milliards d’euros. Appliquer le taux employeur légal de droit commun de 16,46 % à cette assiette aboutit à un montant de cotisations employeur d’environ 10 milliards d’euros. Il en résulte que le montant des sur-cotisations s’élève à 38,5 milliards d’euros ;

– parmi ces 38,5 milliards d’euros, il est possible d’isoler 11,7 milliards d’euros ([19]) correspondant aux dépenses de solidarité financées via le CAS Pensions pour les fonctionnaires civils et militaires de l’État. Le déficit financé par l’État au-delà des contributions légales qu’il apporte aux autres régimes de retraite, et dont l’origine repose principalement sur des raisons démographiques, a donc atteint 26,8 milliards d’euros en 2021 (soit 44 % des recettes du compte).

Le rapporteur spécial n’entend évidemment pas remettre en cause le principe selon lequel l’État se fixe pour objectif d’équilibrer le régime de retraite de ses fonctionnaires, de la même manière qu’il le fait pour d’autres régimes de retraite en déséquilibre. L’équilibre du CAS, en plus d’être une obligation juridique, est aussi politiquement souhaitable. Néanmoins, il convient de distinguer les interventions de l’État lorsque ce dernier agit en tant qu’employeur (cotisation patronale) et lorsqu’il agit en tant que garant de la solidarité nationale (subvention d’équilibre).

Les raisons du déficit du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l’État

Le déficit du régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État est parfois attribué à des règles de calcul de la retraite plus avantageuses dans le secteur public que dans le secteur privé, justifiées par un écart de rémunération des fonctionnaires par rapport aux salariés lors de leur période d’activité. En réalité, il n’en est rien, comme l’a une nouvelle fois montré une récente étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (*). Malgré les différences de calcul entre les régimes privés et publics, il n’y a pas d’iniquité manifeste au niveau global (**).

La pension moyenne dans la fonction publique, pour la génération 1958, serait peu modifiée si elle était liquidée avec les règles du régime général, sous les hypothèses d’équivalence de la rémunération brute et d’affiliation à l’Agirc-Arrco au taux moyen. La baisse du taux de liquidation (de 75 % à 50 %) et l’affiliation au régime complémentaire de l’Agirc-Arrco se compenseraient en partie. S’agissant du salaire de référence, la prise en compte des primes serait plus que compensée par l’écrêtement au plafond de la sécurité sociale. Le calcul sur la base des 25 meilleures années passées revalorisées selon les prix, au lieu du traitement des six derniers mois, serait légèrement plus favorable, notamment car la génération étudiée aura connu une fin de carrière durant des périodes de gel du point d’indice de la fonction publique et donc une dynamique de carrière plus faible.

En réalité, comme l’indiquent à la fois le COR et le Comité de suivi des retraites, le déficit du régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État s’explique par un déséquilibre démographique significatif. En effet, le régime compte environ 1 cotisant pour 1 pensionné, et ce rapport devrait continuer à se dégrader dans les décennies à venir. En comparaison, le rapport démographique du système de retraite dans son ensemble est de 1,7 cotisant pour 1 pensionné, et il demeurera durablement supérieur (1,2 pour 1 en 2070).

Ce déséquilibre démographique est alimenté par la diminution du nombre de fonctionnaires, mais aussi par le transfert d’agents de l’État vers les collectivités territoriales, dans le cadre de la décentralisation, ou vers le secteur privé, dans le cadre de la privatisation d’activités autrefois exercées par la puissance publique, trois phénomènes ayant pour effet de diminuer les cotisations versées au CAS Pensions (transferts nets du CAS Pensions vers la CNRACL et déficit net laissé à la charge de l’État pour les pensions versées aux anciens fonctionnaires des postes, télégraphes et téléphones que ne compensent que très partiellement les contributions libératoires versées par Orange et La Poste).

La subvention d’équilibre versée par l’État au CAS Pensions permet aussi, dans une moindre mesure, de financer des dépenses de solidarité au profit des fonctionnaires (majoration de durée cotisée pour les personnes ayant élevé un enfant, départ anticipé au titre de la pénibilité, minimum de pension garanti, départ anticipé au titre de la catégorie ou pour services rendus, par exemple pour les militaires ainsi que les catégories actives de la fonction publique). Toutefois, là encore, il s’agit de dépenses relevant non pas de l’État en tant qu’employeur mais de l’État garant de la solidarité nationale.

(*) Martin Chopard, Romain Guirriec, Serge Herbillon-Leprince, Anthony Marino, Clément Rousset, « Retraite : règles de la fonction publique et du privé. Comparaison du calcul des droits à la retraite à l’aide du modèle Trajectoire », Les dossiers de la DREES, n° 103, novembre 2022.

(**) Néanmoins, ces résultats globaux masquent de fortes disparités entre les individus selon leurs caractéristiques socio-économiques, certains bénéficiant de ce nouveau mode de calcul, quand d’autres verraient leur pension dégrader.

 

Il ne s’agit pas non plus de peindre une situation catastrophique du CAS Pensions ou de répandre l’idée selon laquelle les fonctionnaires de l’État seraient avantagés par rapport à d’autres catégories de population, et notamment par rapport aux salariés du secteur privé. Le déficit dont il est ici fait état tient avant tout au déséquilibre démographique du régime des fonctionnaires civils et militaires (voir encadré). Ce souci de clarté et de transparence vise uniquement à présenter la situation du régime des fonctionnaires de l’État de la manière la plus fidèle possible, afin d’informer correctement l’opinion publique sur les perspectives du système de retraite et de permettre à chacun de se prononcer de façon éclairée sur les évolutions à venir.

Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, le rapporteur spécial a déposé, en séance, un amendement 3991 modifiant le 1° du A du I de l’article 51 de la loi de finances pour 2006 ([20]) afin de distinguer, parmi les recettes du CAS Pensions, la contribution versée par l’État en tant qu’employeur et la subvention d’équilibre du régime des fonctionnaires civils et militaires versée par l’État garant de l’intérêt général. Cet amendement n’a pu être discuté, en raison de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote de la première partie du projet de loi de finances. Il n’a pas non plus été repris dans le texte adopté. Les auditions menées par le rapporteur spécial ont révélé qu’une telle refonte du CAS demandait du temps et des travaux techniques importants qui ne permettaient pas d’envisager une entrée en vigueur dès le projet de loi de finances pour 2025.

En conséquence, le rapporteur spécial a proposé une étape intermédiaire. En attendant une réforme du CAS, à l’horizon 2026, il a déposé, lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, en commission des finances, un amendement CF1284 proposant de modifier le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour y distinguer, au sein de la contribution employeur versée par l’État, la part s’apparentant à un caractère contributif de la part s’apparentant à une subvention d’équilibre. Cette modification était proposée en vue du projet de loi de finances pour 2025. Cet amendement a été adopté par la commission des finances et redéposé en séance sous le numéro 976.

Il reste à définir une méthode. La réforme du financement du CAS Pensions consistera à transformer les taux de contribution employeurs actuels au titre des fonctionnaires civils et militaires en taux de cotisation patronale. La contribution patronale au titre des fonctionnaires civils et militaires sera alors distinguée d’une subvention d’équilibre du budget de l’État, qui sera ajustée afin d’assurer le respect de l’obligation organique d’équilibre du CAS Pensions.

À cet effet, plusieurs taux seraient envisageables :

– le taux employeur légal de droit commun pour les salariés du secteur privé, qui s’élève à 16,46 %, convention retenue par MM. Jean-Pascal Beaufret et François Bayrou, dans leurs travaux précités ;

– le taux applicable aux fonctionnaires de la CNRACL, soit 31,65 % en 2024 ([21]), afin d’emporter dans la réforme à la fois le régime des fonctionnaires de l’État et le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (qui ne transite pas par le CAS Pensions) ;

– un taux ad hoc intégrant la différence d’assiette entre les secteurs public et privé et égalisant l’effort contributif employeur à celui des régimes de droit commun, selon une logique « assiette plus réduite – taux plus élevé » ; le taux serait alors défini comme le rapport entre la contribution dont l’État devrait s’acquitter si ses agents relevaient des régimes de droit commun et de l’assiette du régime des pensions civiles (essentiellement, le traitement indiciaire brut).

Quelle que soit la méthode retenue, le rapporteur spécial recommande que cette réforme – neutre pour les finances publiques et bénéfique pour clarifier l’effort de l’État au profit du système de retraite – soit mise en place en vue du projet de loi de finances pour 2026. Comme indiqué précédemment, la dégradation rapide du solde cumulé du CAS imposera, d’ici 2026, une révision des taux de contribution employeur de l’État. Cette révision devra s’accompagner d’une refonte globale des recettes du CAS pour aller plus loin que la mesure d’affichage soutenue cette année par la commission des finances en vue du projet de loi de finances pour 2025.

Recommandation : Distinguer, parmi les versements de l’État au compte d’affectation spéciale Pensions, la contribution contributive versée en tant qu’employeur de la subvention d’équilibre versée en tant que garant de la solidarité nationale.

3.   La nécessité d’une loi quinquennale sur le système de retraite

Le besoin de distinguer, parmi les versements de l’État au CAS Pensions, la part relevant de la contribution employeur de la subvention d’équilibre du régime des fonctionnaires civils et militaires est indispensable pour donner une image plus réaliste de la situation du système de retraite dans son ensemble.

Dans son dernier rapport annuel ([22]), le Conseil d’orientation des retraites (COR) confirme une amélioration de la situation du système de retraite. Selon le scénario central, retenu pour référence par le Gouvernement lors de la présentation de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, celui d’une hausse de la productivité de 1 %, le solde du système de retraite connaîtrait en 2030 un déficit de 0,2 % du produit intérieur brut (contre 0,4 % dans le dernier rapport annuel ([23])). Malgré le report de l’âge légal d’ouverture des droits à une pension de retraite, le solde du système de retraite resterait déficitaire à long terme, atteignant 0,5 % du PIB en 2040 puis 0,8 % du PIB en 2070.

Évolution du solde du système de retraite

(en pourcentage du PIB)

Source : COR, rapport annuel 2023, juin 2023, figure 2.25, page 120.

Comme cela a été évoqué, le recentrage du COR sur la seule convention EPR (équilibre permanent des régimes) contribue grandement à clarifier le diagnostic. Il ne reste désormais que quatre scénarios, dépendant de quatre hypothèses d’évolution de la productivité.

Néanmoins, le solde du système de retraite présenté par le COR demeure largement sous-estimé, car il ne prend pas en compte le déficit des régimes des fonctionnaires, qui sont – comme on l’a vu – équilibrés de manière artificielle. Les travaux précités de MM. Jean-Pascal Beaufret et François Bayrou évaluent ce déficit à environ 30 milliards d’euros, qui doivent donc être soustraits du solde global du système de retraite calculé par le COR.

Afin de clarifier les débats sur la situation du système de retraite et sur l’opportunité d’en réformer certains paramètres, le rapporteur spécial recommande, comme il l’a proposé lors de la dernière réforme des retraites, que le Parlement soit tenu tous les cinq ans, au cours de l’année qui suit l’ouverture d’une nouvelle législature, de réexaminer la soutenabilité du système de retraite, sur la base des prévisions démographiques et macroéconomiques du COR et en fonction d’un scénario central retenu par le Comité de suivi des retraites. Dans ce cadre, le Parlement déterminerait, sur une durée de quinze ans, des mesures permettant au système de retraite de ne pas accroître le déficit public. Ces mesures nécessiteraient d’être adoptées dans une loi organique afin d’avoir un caractère contraignant sur le calendrier politique. Le rapporteur spécial estime qu’une telle mesure contribuerait grandement à apaiser les débats sur le système de retraite.

Recommandation : Prévoir, au niveau organique, l’obligation pour le législateur de réexaminer, tous les cinq ans, la situation du système de retraite sur la base des prévisions du Conseil d’orientation des retraites et d’un scénario central défini par le Comité de suivi des retraites.

Il convient de noter que, lors du Printemps de l’évaluation 2023, le Gouvernement, par la voix de M. Gabriel Attal, alors ministre délégué chargé des comptes publics, s’est prononcé en faveur de cette proposition : « Jean-René Cazeneuve et Benoît Mournet ont tous deux évoqué un réexamen obligatoire du système de retraite tous les cinq ans. La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui a permis la réforme des retraites, prévoit que le Comité de suivi des retraites remette au Parlement un rapport d’évaluation de la loi avant le 1er octobre 2027, plusieurs groupes s’étant mobilisés sur ce sujet, notamment le groupe Modem. Il me semblerait intéressant d’envisager la pérennisation de cet exercice, dont les modalités précises devraient être discutées. De plus, le COR réalise au moins tous les cinq ans un exercice complet de projection sur la situation financière de tous les régimes de retraite légalement obligatoires. Ces exercices pourraient servir de base à un débat au Parlement sur l’évolution du système de retraite, à intervalles réguliers. J’y suis assez favorable » ([24]).

 


II.   LA MISSION RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE : un effort de l’État de 6,2 milliards d’euros en 2024 pour les rÉgimes spÉciaux

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe les contributions versées par l’État à certains régimes spéciaux de retraite. Ces régimes, souvent anciens et marqués par un déséquilibre démographique entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés, sont dans l’impossibilité de s’autofinancer et reçoivent chaque année une subvention d’équilibre au titre de la solidarité nationale.

Quatre régimes concentrent 98 % de la dépense : le régime de retraite des agents du cadre permanent de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), celui des agents du cadre permanent de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), le régime de sécurité sociale des marins et le régime des ouvriers mineurs.

RÉpartition des crÉdits de la mission RÉgimes sociaux et de retraite

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

En 2024, les crédits de la mission s’élèveraient à 6,2 milliards d’euros, en augmentation de 92 millions d’euros (+ 1,5 %) par rapport à 2023. La hausse résulte principalement de la dynamique de la subvention d’équilibre versée au régime de la RATP (+ 76 millions d’euros) et, dans une moindre mesure, de celle versée au régime de la SNCF (+ 14 millions d’euros).

En outre, comme le rapporteur spécial l’avait recommandé, les crédits destinés à équilibrer les régimes spéciaux de retraite de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française, auparavant inscrits sur la mission Culture, sont désormais inscrits sur le programme 195 (+ 25 millions d’euros).

Évolution des crÉdits de la mission RÉgimes sociaux et de retraite

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Programme 198 – Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 278,6

4 365,7

+ 87

+ 2,0 %

Programme 197 – Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

802,0

787,3

– 15

– 1,8 %

Programme 195 – Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 056,3

1 075,7

+ 19

+ 1,8 %

Total

6 136,9

6 228,7

+ 92

+ 1,5 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([25]) a fermé les principaux régimes spéciaux encore ouverts. Le régime des mines ayant été fermé en 2010 et celui de la SNCF en 2020, la réforme n’a concerné, s’agissant des régimes financés par la mission, que le régime spécial de la RATP, dont les personnels recrutés à compter du 1er septembre 2023 sont désormais affiliés au régime général. Le régime des marins a quant à lui été maintenu et demeure donc le principal régime spécial de retraite encore ouvert.

Le décalage de deux ans de l’âge d’ouverture des droits à une pension de retraite s’applique à l’ensemble des régimes spéciaux – à l’exception notable, là encore, du régime des marins. Toutefois, il n’a pas d’incidence financière immédiate pour eux, dans la mesure où il ne doit intervenir qu’à la fin de la montée en charge des réformes précédentes, soit à partir du 1er janvier 2025.

Une clarification de l’effort budgétaire réalisé au profit des régimes spéciaux de retraite s’opère progressivement avec, outre l’intégration des régimes de l’Opéra de Paris et de la Comédie-Française au sein de la mission, déjà évoquée, une intégration financière des régimes spéciaux désormais fermés au sein du régime général de la sécurité sociale, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sont principalement destinés à financer les contributions de l’État versées à des régimes fermés (5,4 milliards d’euros en 2024). Ils ne concerneront que très minoritairement les trois régimes spéciaux encore ouverts (812 millions d’euros).

 


A.   Une clarification progressive de l’effort de l’État au profit du système de retraite

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a fermé les principaux régimes spéciaux de retraite : la RATP, les industries électriques et gazières (IEG), la Banque de France, les clercs et employés de notaire, les anciens membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Toutefois, elle n’aura pas d’incidence financière en 2024, car le décalage de l’âge de départ et de la durée de cotisation ne s’appliquera qu’au 1er janvier 2025.

Plusieurs évolutions permettent de mieux représenter l’effort financier consacré par l’État aux régimes spéciaux et ainsi de clarifier les débats sur la situation du système de retraites. En 2024, la mission sera plus représentative de l’effort réalisé par l’État au profit des régimes spéciaux, sans toutefois intégrer l’ensemble des subventions afférentes. En outre, en 2025, l’ensemble des régimes spéciaux fermés seront intégrés financièrement au régime général.

1.   L’effort de l’État au profit du système de retraite, hors financement du CAS Pensions, excède toujours les crédits de la mission

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait indiqué que la mission Régimes sociaux et de retraite ne donne pas une vision complète de l’effort budgétaire consacré par l’État aux régimes spéciaux de retraite. En effet, demeurent en dehors du champ de la mission des régimes spéciaux financés par d’autres missions du budget général ou bénéficiant d’un financement par le biais de taxes affectées. Ce constat est naturellement partagé par la Cour des comptes ([26]).

Source : « Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique », annexe au projet de loi de finances pour 2023, page 14. Les chiffres portent sur l’année 2022.

Le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique ([27]) donne une liste des financements de l’État vers des régimes spéciaux et d’autres régimes de retraite – liste qui ne recoupe que partiellement la liste des régimes mentionnés aux articles L. 711‑1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale ([28]).

En conséquence, le rapporteur spécial avait recommandé, dans un premier temps, de regrouper au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite l’ensemble des régimes spéciaux recevant chaque année une contribution d’équilibre de l’État et, dans un second temps, d’évoluer, pour les régimes concernés, d’un financement par voie de taxe affectée vers un financement budgétaire via la mission Régimes sociaux et de retraite pour retracer plus facilement les dépenses de l’État.

Cette recommandation a été en partie satisfaite en 2023. À compter du 1er janvier 2024, la contribution de l’État aux régimes spéciaux de retraite de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française, auparavant inscrite sur la mission Culture, sera retracée au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite, pour un montant de 25 millions d’euros prévu l’année prochaine (voir le 1 du C du présent II). Les principaux régimes spéciaux de retraite ayant été fermés par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, la mission retrace donc l’intégralité des contributions versées aux régimes spéciaux au sens de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale encore ouverts.

Demeureront en dehors du périmètre de la mission, en 2024, les dépenses ou affectations de recettes de l’État au profit des régimes spéciaux fermés par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale 2023 :

– le régime des salariés de la branche des industries électriques et gazières (géré par la CNIEG), qui bénéficie des recettes de la contribution tarifaire d’acheminement (1,67 milliard d’euros en 2022) ;

– le régime des clercs et employés de notaires (géré par la CRPCEN), qui bénéficie du produit de la taxe sur les émoluments (412 millions d’euros) ;

– le régime de la Banque de France (la caisse de réserve des employés de la Banque de France étant bénéficiaire d’une subvention de la Banque de France à hauteur de 483 millions d’euros sur 1,95 milliard de prestations versées en 2022) ;

– le régime des anciens membres du Conseil économique, social et environnemental (la caisse de retraites des anciens membres reçoit une subvention de l’État, à hauteur de 5,4 millions d’euros en 2022).

L’État contribue aussi, en dehors de la mission Régimes sociaux et de retraite, au financement de régimes autonomes qui ne sont pas des régimes spéciaux :

– le régime des avocats (géré par la CNBF), qui se voit affecté la taxe sur les émoluments (à hauteur de 4 millions d’euros en 2022) ;

– le régime de retraite base et le régime de retraite complémentaire des non-salariés agricoles, qui bénéficient de taxes affectées (3,3 milliards d’euros).

L’effort de l’État au profit du système de retraite, hors financement du CAS Pensions, représente ainsi 11,3 milliards d’euros, dont 5,9 milliards d’euros de subventions et 5,4 milliards d’euros de taxes affectées.

2.   L’intégration financière des régimes fermés dans le régime général

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a donc fermé les principaux régimes spéciaux encore ouverts : RATP, IEG, Banque de France, clercs et employés de notaire, membres du CESE. Elle a toutefois renvoyé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 la modification et l’harmonisation du schéma de financement de ces régimes désormais fermés.

Les régimes spéciaux de retraite fermés vont progressivement voir leurs recettes décroître, à mesure que les actifs actuels deviendront retraités, et sans qu’ils puissent être remplacés par de nouveaux actifs. Néanmoins, ils ne seront pas pour autant déchargés de l’obligation de verser des pensions aux retraités actuels et futurs. Afin de ne pas reporter l’intégralité des charges sur l’État, une réforme du financement des régimes spéciaux s’imposait donc, soit sur le modèle de la convention signée entre la CRP SNCF, d’une part, et la CNAV et l’Agirc-Arrco, d’autre part, soit selon d’autres modalités.

C’est pourquoi il est prévu, à l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une révision globale du financement des régimes spéciaux fermés. À compter du 1er janvier 2025, les régimes spéciaux de la RATP, des IEG, de la Banque de France, des clercs et employés de notaire ainsi que des anciens membres du CESE seront intégrés financièrement au régime général, qui sera alors chargé d’assurer leur équilibre lorsque leurs ressources ne le permettent pas ([29]).

La mise en place de ce schéma institutionnel unifié sera neutre du point de vue des finances publiques. L’augmentation des dépenses de la branche vieillesse sera compensée par des transferts de l’État à la CNAV. L’État continuera ainsi de prendre en charge des contributions dont il était déjà redevable. Les régimes spéciaux qui le nécessitent continueront de voir leur équilibre garanti, tandis que le régime de la Banque de France et celui des clercs et employés de notaires, qui disposent d’une situation plus favorable et de réserves importantes, seront en mesure d’équilibrer seuls leurs comptes à moyen voire à long termes.

Le rapporteur spécial salue cette intégration financière, qui permettra de simplifier et d’harmoniser les modalités de financement des régimes spéciaux, actuellement caractérisées par une grande hétérogénéité.

 

 


B.   Les rÉgimes fermÉs financÉs par la mission : 5,4 milliards d’euros en 2024

En 2024, la mission Régimes sociaux et de retraite financera divers régimes spéciaux fermés à hauteur de 5,4 milliards d’euros, notamment le régime spécial de la SNCF et celui de la RATP (dont les crédits sont inscrits sur le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres) ainsi que le régime spécial des anciens mineurs et divers régimes désormais en voie d’extinction (dont les crédits sont prévus sur le programme 195 Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers).

1.   Le régime de la SNCF : une subvention stable mais des coûts de gestion en augmentation dans le cadre de la COG 2022-2026

La SNCF ayant cessé de recruter ses personnels au statut le 1er janvier 2020 ([30]), le régime spécial de retraite des agents du cadre permanent de la SNCF ne reçoit plus de nouvelles affiliations, mais continue de recevoir une contribution de l’État destinée à compenser le déséquilibre persistant entre ses recettes et ses dépenses. Les coûts de gestion de la Caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF (CPRP, désormais renommée CRP) sont quant à eux en hausse dans le cadre de la convention d’objectifs et de moyens récemment signée pour la période 2022-2026.

a.   Une subvention d’équilibre stable mais qui représente 61 % des dépenses

La contribution d’équilibre versée par l’État à la CRP SNCF s’élèverait à 3,46 milliards d’euros. Elle n’augmente que de 14 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023 et demeure donc relativement stable (+ 0,4 %).

Évolution de la subvention versÉe par l’État
au rÉgime de retraite du personnel de la SNCF

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

La relative stabilité de la subvention versée par l’État à la CRP SNCF (+ 7,4 % en sept ans) tient à la stabilité des pensions servies sur les dernières années, qui sont principalement le résultat de la situation démographique du régime et des effets des réformes passées visant à décaler les âges de départ à la retraite. Elle résulte aussi du dynamisme des ressources, notamment lié à l’existence d’un taux de surcotisation patronale (dit taux « T2 »), par lequel la SNCF contribue à financer les avantages du régime spécial de retraite, ainsi qu’à la compensation financière reversée par la CNAV et l’Agirc-Arrco à la CRP SNCF, conformément à la convention conclue entre ces trois organismes en 2021, au titre des cotisations sociales acquittées par les agents à la SNCF recrutés après le 1er janvier 2020 et bénéficiant au seul régime général (66 millions d’euros en 2024).

La subvention d’équilibre de l’État représente néanmoins 61,8 % du total des pensions servies par la CRP SNCF. Elle est principalement destinée à compenser le ratio démographique durablement déséquilibré du régime spécial. En 2024, le nombre de cotisants s’élèverait à 108 000 contre 225 000 pensionnés (dont 70 % étant des pensionnés de droit direct), soit 0,48 cotisant pour 1 pensionné. Après plusieurs années de diminutions consécutives, ce rapport démographique, bien que toujours fortement dégradé, se stabiliserait.

Évolution du ratio dÉmographique
du rÉgime de retraite du personnel de la SNCF

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire prévu à l’article 49 de la LOLF.

En outre, le nombre d’actifs est appelé à décroître encore plus rapidement que prévu en raison de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. En effet, dans le cadre du « sac à dos social » prévu à l’article L. 2102-22 du code des transports, créé par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et modifié par la loi d’orientation des mobilités ([31]), les salariés de la SNCF recrutés au statut auront la possibilité de quitter la SNCF, et de cotiser au régime général en tant que salariés du secteur privé, tout en conservant leurs avantages liés au régime de retraite de la SNCF. Cela ne pourra qu’aggraver le déséquilibre démographique du régime, et donc la subvention que lui reverse l’État.

La réforme des retraites adoptée en 2023 n’aura quant à elle aucune incidence sur le régime spécial de la SNCF en 2024. Il est prévu un décalage de deux ans des âges d’ouverture des droits aux assurés du régime spécial de la SNCF. Toutefois, celui-ci n’interviendra qu’à la fin de la montée en charge décalée des réformes précédentes, soit à partir du 1er janvier 2025.

b.   Des coûts de gestion en augmentation pour accompagner la mise en œuvre de la nouvelle convention d’objectifs et de moyens

Les coûts de gestion de la CRP SNCF s’élèveraient à 28,8 millions d’euros en 2024, soit une augmentation significative de 2,8 millions d’euros (+ 11 %) par rapport à la prévision 2023. Cette hausse résulterait notamment d’un renforcement de la masse salariale sous l’effet de mesures intervenues à la SNCF ainsi qu’à l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) en 2023 et de la prise en compte d’hypothèses d’inflation plus élevées à court et moyen termes.

Durant l’été 2023, la CRP SNCF a signé avec l’État sa quatrième convention d’objectifs et de gestion (COG) portant sur la période 2022-2026. Celle-ci s’organise autour de trois points :

– la CRP SNCF s’engage à consolider son niveau de qualité de service rendu aux assurés et à continuer d’étoffer la gamme de ses services offerts ;

– dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, la CRP SNCF deviendra, à la fin de l’année 2024, l’organisme gestionnaire de l’assurance vieillesse mais aussi de l’assurance maladie de tous les salariés du secteur ferroviaire, et plus uniquement des seuls personnels de la SNCF – d’où son changement de nom (CRP et non plus CPRP). Pour ceux de ces salariés qui sont affiliés au régime général, la caisse agira par délégation de la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ;

– enfin, la COG conforte la CRP SNCF dans son rôle d’animation de la sphère des régimes spéciaux, avec pour objectif de faciliter les convergences et les mutualisations, en invitant la caisse à contribuer à la modernisation des politiques publiques par des expérimentations innovantes.

La CRP SNCF s’engage à renforcer ses coopérations avec le régime agricole et le régime général, en particulier s’agissant du nouveau système informatique relatif aux retraites qu’elle construit en partenariat avec la MSA, lequel doit être déployé fin 2024 et a vocation à être nativement adossé au répertoire de gestion des carrières unique ([32]).

Afin d’accompagner ces évolutions, des moyens humains et financiers sont mis à la disposition de la CRP SNCF. Si l’activité relevant du régime spécial de la SNCF, désormais fermé, est en diminution, et que des gains de productivité sont attendus, des ressources supplémentaires ont été allouées à la caisse pour gérer les affiliés du régime général nouvellement gérés par délégation de la CNAM et les activités mutualisées avec d’autres régimes spéciaux. En 2026, les effectifs de la CRP SNCF doivent être supérieurs à ceux de 2022.

Le budget annuel de fonctionnement de la CRP SNCF est fixé à 75 millions d’euros. En outre, des budgets d’investissement conséquents ont été alloués à la caisse pour l’immobilier (16 millions d’euros sur cinq ans), notamment pour achever la réhabilitation du siège situé à Marseille, et pour l’informatique (22 millions d’euros sur cinq ans) afin de mettre en œuvre la centaine de projets inscrits au schéma directeur des systèmes d’information.

L’augmentation des coûts de gestion prévue en 2024 a un impact négatif sur les indicateurs de performance rattachés au programme 198. Les dépenses de gestion pour 100 euros de pensions versés (indicateur 1.1) sont attendues en hausse avec 0,51 euro pour 100 euros de pensions versés prévus en 2024, contre 0,49 euro prévu en 2023. En outre, le coût unitaire d’une primo liquidation de pension de retraite (indicateur 2.2) atteindrait 414 euros en 2024, contre seulement 320 euros dans la prévision 2023, soit une hausse de 29 % ; cette dernière résulte également de la prise en compte d’hypothèses de baisse durable du nombre de primo-liquidations sous l’effet d’un décalage des âges de départ plus prononcé qu’attendu.

La comparaison directe de ces indicateurs avec les résultats des indicateurs des autres caisses de la mission est toutefois complexe, du fait de l’utilisation de méthodes de calcul différentes. En conséquence, le rapporteur spécial invite à nouveau la direction du budget à poursuivre ses travaux sur la mesure des coûts de gestion des régimes de retraite publics et sur l’harmonisation des indicateurs relatifs aux coûts de gestion.

Recommandation : Développer des outils de mesure des coûts de gestion des régimes de retraite publics qui puissent être comparés les uns avec les autres.

 


2.   Le régime de la RATP : la contribution de l’État en augmentation rapide mais des coûts de gestion stables

Le régime spécial de retraite des agents du cadre permanent de la RATP a été fermé le 1er septembre 2023.

a.   Une contribution d’équilibre très dynamique visant à compenser un ratio démographique dégradé mais aussi des avantages spécifiques

La subvention versée par l’État à la Caisse de retraite du personnel de la RATP (CRP RATP) est particulièrement dynamique. En 2024, elle atteindrait 886,5 millions d’euros, en augmentation de 9,4 % par rapport à la prévision 2023, après une hausse de 7,5 % entre 2022 et 2023. En sept ans, elle aura augmenté de 30 %.

Évolution de la subvention versÉe par l’État
au rÉgime de retraite du personnel de la RATP

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

C’est principalement la hausse du nombre de retraités, couplée au contexte inflationniste induisant des revalorisations des pensions de retraite élevées, qui explique les dépenses augmentent plus dynamiquement que les ressources.

Le ratio démographique du régime de la RATP devrait connaître une dégradation significative dans les années à venir, de 0,79 cotisant pour 1 pensionné en 2022 à 0,77 en 2023 puis 0,73 l’année suivante. Selon les projections communiquées au rapporteur spécial, le nombre de cotisants s’élèvera ainsi à 38 000 contre 52 000 pensionnés (dont 77 % de pensionnés de droit direct) en 2024. La fermeture du régime décidée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 aura nécessairement pour conséquence d’aggraver ce ratio et d’accélérer le vieillissement des effectifs.

Évolution du ratio dÉmographique
du rÉgime de retraite du personnel de la RATP

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire prévu à l’article 49 de la LOLF.

Outre la situation démographique du régime, il convient néanmoins de souligner que la contribution versée par l’État à l’action 04 du programme 198 vise aussi à financer les droits spécifiques du régime de la RATP. En effet, il n’existe aucune surcotisation de l’employeur RATP destinée à couvrir les droits spécifiques du régime, contrairement au régime de la SNCF où le taux dit « T2 » vient alléger les dépenses laissées à la charge de la solidarité nationale.

Au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait recommandé la mise en place d’une contribution financière entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse et l’Agirc-Arrco, d’une part, et la CRP RATP, d’autre part, sur le modèle de la convention mise en place en 2021 au profit de la CRP SNCF. Un tel dispositif se justifiait d’autant plus avec l’ouverture à la concurrence des transports en commun et l’application du « sac à dos social » à compter de 2025 ([33]). Toutefois, cette proposition est devenue obsolète avec la réforme des retraites adoptée en 2023.

En effet, à compter du 1er janvier 2025, le régime de la RATP, aux côtés des principaux régimes spéciaux désormais fermés, sera intégré financièrement au régime général de sécurité sociale qui en assurera l’équilibre, avec une compensation de l’État.

b.   Les coûts de gestion de la CRP RATP, en dehors du budget de l’État, sont maîtrisés

Contrairement aux autres régimes de la mission, la contribution d’équilibre versée par l’État ne couvre pas les coûts de gestion de la CRP RATP, qui sont pris en charge par le groupe RATP. Bien qu’ils soient encadrés dans des conventions d’objectifs et de gestion (COG), ces frais ne relèvent donc pas du budget de l’État.

L’enveloppe budgétaire limitative accordée à la CRP RATP dans la COG signée pour la période 2022-2026 suit la trajectoire suivante :

(en millions d’euros)

2022

2023

2024

2025

2026

5,46

7,27

5,43

5,10

5,04

Le budget est donc sur une trajectoire de diminution continue entre 2022 et 2026, hormis en 2023, du fait d’un avenant financier signé en 2022 et prévoyant 2 millions d’euros pour financer une refonte de l’infrastructure informatique et des sites internet et intranet de la caisse (ces 2 millions d’euros ont été autofinancés par la caisse grâce aux excédents réalisés entre 2017 et 2021).

En 2024, outre la refonte de son infrastructure informatique et de ses sites internet et intranet, la CRP RATP continuera de faire évoluer son système d’information pour s’adapter à la réforme des retraites de 2023 ainsi qu’à l’ouverture à la concurrence des transports en commun prévue à compter du 1er janvier 2025. Un projet de bascule au répertoire de gestion des carrières unique sera également lancé avec l’objectif d’aboutir d’ici 2027.

S’agissant des indicateurs de performance rattachés au programme 198 :

– les dépenses de gestion pour 100 euros de pensions versés (indicateur 2.1) sont globalement stables, avec 0,41 euro pour 100 euros de pensions versés prévus en 2023 comme en 2024, contre 0,42 euro en 2021 et 2022 ;

– le coût unitaire d’une primo liquidation de pension de retraite (indicateur 3.2), qui rapporte les frais de personnel du processus de liquidation au nombre de dossiers, s’élèverait à 82,50 euros en 2024, contre 77,80 euros en 2023.

La comparaison directe de ces indicateurs avec les résultats des indicateurs des autres caisses de la mission est complexe du fait de l’utilisation de méthodes de calcul différentes. Le rapporteur spécial réitère donc, concernant la CRP RATP, sa recommandation tendant à l’harmonisation des indicateurs de coûts de gestion.

Recommandation : Développer des outils de mesure des coûts de gestion des régimes de retraite publics qui puissent être comparés les uns avec les autres.

3.   Le régime des mines : la subvention de l’État en très légère diminution

En 2024, la subvention d’équilibre versée par l’État à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CNSSM) atteindrait 920,4 millions d’euros, en diminution de 4,6 millions d’euros (– 0,5 %) par rapport à la prévision pour 2023. Elle représente 86 % des crédits du programme 195 dont elle détermine largement la tendance baissière depuis plusieurs années, laquelle ne sera remise en 2024 qu’à la faveur de l’intégration dans la mission des moyens destinés aux régimes spéciaux de l’Opéra national de Paris et de la Comédie française (voir le 1 du B du présent I).

Évolution des crÉdits du programme 195

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

La contribution de l’État au régime suit le rythme de baisse du montant des pensions servies et diminue chaque année du fait du recul de la démographie minière (– 4,5 % de pensionnés en moyenne annuelle entre 2012 et 2022). Son poids dans le total des charges (82 % en 2021) tend à baisser légèrement car la ressource liée à la compensation démographique, dont le régime minier est bénéficiaire, a un rythme de baisse moins élevé depuis 2022.

Le régime des mines est des principaux régimes spéciaux celui qui a le ratio démographique le plus dégradé, puisque celui-ci n’atteint que 0,4 %, avec une prévision pour 2024 de 180 000 pensionnés pour seulement 737 cotisants.

La réforme des retraites adoptée en 2023 n’ayant pas d’impact direct sur les conditions de départ et de liquidation (le départ reste possible dès 55 ans, la pension est calculée sans décote ni surcote), elle n’aura pas d’incidence directe sur le montant de la subvention d’équilibre. Les mines font toutefois partie des régimes spéciaux qui seront intégrés financièrement au régime général de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2025, en application de l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

4.   Les régimes en voie d’extinction représentent 2 % des crédits de la mission

La mission Régimes sociaux et de retraite finance par ailleurs un certain nombre de régimes spéciaux de retraite en voie d’extinction, dont le nombre de pensionnés est très réduit et en diminution constante et dont les seules recettes sont les subventions versées par l’État, sans réelle marge de manœuvre possible.

Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2024, sont prévus 130 millions d’euros sur le programme 195, auxquels s’ajoutent 15 millions d’euros sur le programme 198, qui concourent ainsi au financement :

– du régime de la société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA), fermé en 1980, à hauteur de 129 millions d’euros ;

– des pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer ainsi que celles des anciens agents des chemins de fer secondaires, à hauteur de 14,8 millions d’euros ;

– des régimes de retraite des régies ferroviaires d’outre-mer, à hauteur de 723 000 euros ;

– du régime de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), fermé en 1963, à hauteur de 60 000 euros.

 

 


C.   Les rÉgimes encore ouverts : 812 millions d’euros en 2024

La mission Régimes sociaux et de retraite financera en 2024 trois régimes spéciaux encore ouverts : les régimes de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française, nouvellement intégrés avec un effet de 25 millions d’euros à la hausse pour les crédits du programme 195 ; et le régime de sécurité sociale des marins, financé par le programme 197, dont le maintien a été décidé dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, mais qui nécessite cependant une réforme urgente.

1.   Les crédits prévus pour les régimes spéciaux de l’Opéra de Paris et de la Comédie-Française

Jusqu’en 2023, la contribution versée par l’État aux régimes spéciaux de l’Opéra national de Paris et de la Comédie-Française était inscrite sur le programme 131 Création de la mission Culture. Les crédits étaient ainsi placés sous la responsabilité du ministère de la culture, qui traitait avec ces deux organismes pour l’ensemble des versements publics qu’ils perçoivent, y compris ceux liés à leur régime spécial de sécurité sociale. Cette pratique avait néanmoins pour inconvénient de réduire la vue d’ensemble du Parlement – et de la société civile – sur les régimes spéciaux encore ouverts et l’effort qui leur était consacré par l’État.

Conformément à une recommandation du rapporteur spécial, les crédits prévus pour la Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris (CROPERA) et la Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française (CRPCF) seront, à compter du 1er janvier 2024, financé sur le programme 195 de la mission Régimes sociaux et de retraite. Désormais, la mission retracera donc l’intégralité des contributions versées aux régimes spéciaux au sens de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale subventionnés par l’État encore ouverts. Le rapporteur spécial se félicite de ce regroupement, qui renforce la lisibilité de la dépense de l’État en faveur des régimes de retraite.

a.   Des régimes à l’effectif réduit et aux règles très particulières

Le régime spécial de l’Opéra national de Paris comme celui de la Comédie-Française ne repose que sur un nombre très réduit de cotisants et de pensionnés :

– le premier dispose d’un rapport démographique tout juste à l’équilibre, avec 1 953 cotisants pour 1 829 pensionnés au 31 décembre 2022, soit un ratio de 1,07 cotisant pour 1 pensionné, dans la moyenne des cinq années précédentes. Sont obligatoirement affiliés au régime tous les membres du personnel de l’Opéra de Paris engagés pour une durée indéterminée ainsi que les personnels artistiques du chant, des chœurs, de la danse et de l’orchestre, y compris les chefs d’orchestre, engagés temporairement, pendant la période où ceux-ci sont à la disposition du théâtre ;

– le second est plus déséquilibré, avec 347 cotisants pour 439 pensionnés, soit un ratio inférieur de 0,8 cotisant pour 1 pensionné. Il regroupe les artistes aux appointements et les employés à traitement fixe de la Comédie-Française.

L’un comme l’autre répondent de fait à des règles de fonctionnement très dérogatoires par rapport au régime général. Ils supposent, notamment, de gérer des métiers variés, comportant des risques et des pénibilités spécifiques auxquels il a été nécessaire de s’adapter.

Ainsi, l’âge d’ouverture des droits à une pension de retraite dans le régime spécial de l’Opéra national de Paris varie selon la catégorie d’emploi : 40 ans pour les artistes du ballet ; 60 ans pour les artistes de l’orchestre ; 57 ans pour les artistes des chœurs (à compter de la génération 1972) ; 57 ans pour les techniciens aux emplois comportant des fatigues exceptionnelles (à compter de la génération 1967) ; 62 ans pour les techniciens sans départ anticipé (à compter de la génération 1967) ; 62 ans pour les autres personnels (à compter de la génération 1962). L’âge moyen de départ est néanmoins souvent plus tardif, car certains assurés attendent l’âge de l’annulation de leur décote, mais aussi parce d’autres ont quitté l’Opéra depuis longtemps et font valoir leurs droits tardivement.

Le calcul de la pension de retraite répond lui aussi à des règles très particulières. Lors de la reconstitution de carrière et du calcul de la durée d’assurance acquise dans le régime, il est d’abord procédé, année après année, au calcul du nombre de jours cotisés ou assimilés. Puis, toujours année par année, ces jours sont convertis en trimestres et les jours restant sont conservés. Au terme de toutes les années, les trimestres sont comptabilisés puis les jours restant sont à leur tour convertis en trimestres qui viennent s’ajouter aux premiers et, s’il reste entre 45 et 90 jours, 1 trimestre supplémentaire est accordé.

En outre, il existe deux taux de liquidation de la pension. Un premier taux est déterminé dans la limite de 75 % en fonction du nombre de trimestres acquis dans le régime de l’Opéra par rapport au nombre de trimestres requis au régime spécial et tenant compte de la génération à laquelle appartient l’assuré. Il est ensuite procédé à l’examen de la carrière complète de l’assuré, tous régimes de retraite de base confondu pour l’application de la décote ou de la surcote. Le premier taux peut alors être minoré ou majoré ou rester inchangé (notamment si l’assuré a atteint l’âge d’annulation de la décote). Ce deuxième taux est ensuite appliqué au salaire de référence (la moyenne des six derniers mois de salaire pour les techniciens, les administratifs et autres catégories de personnels ou la moyenne des 3 meilleures années cotisées consécutives pour les artistes). Le montant de la pension est enfin calculé par application du taux au salaire de référence retenu.

Ce montant peut être majoré si l’assuré a élevé trois enfants ou plus selon les règles de la fonction publique. La majoration peut même être accordée durant la retraite si les conditions de durée d’éducation et d’âge de certains enfants ne sont pas remplies au moment de la liquidation de la pension.

b.   Des régimes dépendant de la subvention de l’État à plus de 50 %

En 2024, les crédits prévus pour la Caisse de retraites du personnel de l’Opéra national de Paris s’élèvent à 20,1 millions d’euros (nouvelle action 06 du programme 195), soit environ 56 % des dépenses de pensions du régime. La subvention versée par l’État, instituée par l’article 5 de la loi du 14 janvier 1939, varie selon les besoins du régime et l’état de sa trésorerie afin de garantir le maintien de son équilibre financier. Elle vient compléter les cotisations salariales et patronales (environ 14 millions d’euros) ainsi que le droit spécial correspondant à un pourcentage des recettes tirées des billets vendus (environ 800 000 euros).

Auditionnés par le rapporteur spécial, les représentants de la caisse lui ont fait savoir que les charges (+ 16 % depuis 2018) sont plus dynamiques que les recettes et que l’accumulation de résultats nets négatifs tend à amoindrir les réserves. Il semble en effet courant que les crédits initiaux ne couvrent pas la totalité des dépenses de l’année, ce qui oblige à mobiliser des concours complémentaires en cours d’exercice et occasionne des tensions ponctuelles de trésorerie.

Le rapporteur spécial note que la subvention de l’État semble avoir beaucoup augmenté en conséquence (elle s’élevait à environ 14 millions d’euros en 2019), même s’il s’agissait aussi d’accompagner la crise sanitaire et la perte des recettes tirées du droit spécial ; il demeurera néanmoins attentif à ce point lors de l’exécution des prochains exercices.

Les crédits prévus pour la Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française s’élèvent quant à eux à 4,9 millions d’euros. La subvention de l’État vient compléter les recettes tirées des cotisations salariales et patronales (dont le montant n’est pas connu du rapporteur) ainsi qu’un droit spécial sur les places vendues (environ 47 000 euros).

c.   Des modalités de gestion spécifiques

La Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris, créée par le décret n° 68-382 du 5 avril 1968, est un établissement privé reconnu d’utilité publique disposant de l’autonomie juridique et financière. Elle fonctionne comme un organisme de sécurité sociale mais ses relations avec la puissance publique, jusqu’ici essentiellement le ministère de la culture, n’ont pas été formalisées sous la forme d’une convention d’objectifs et de moyens. Le rapporteur spécial a néanmoins pu constater que la caisse suit l’évolution de ses coûts de fonctionnement, lesquels sont en légère baisse tendancielle (de 3,40 % des dépenses totales en 2018 à 3,19 % en 2022). La maîtrise de ces coûts est néanmoins limitée par un effet taille, l’organisme ne disposant que de 6 ETP (tous des personnels ayant auparavant travaillé pour le régime général).

La Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française, créée par le décret n° 68-960 du 11 octobre 1968 sous la forme d’un établissement d’utilité publique, est une structure encore plus petite, qui s’appuie largement sur la Comédie-Française dans son fonctionnement.

2.   Programme 197 : une réforme du régime des marins s’impose

Le programme 197 Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins de la mission Régimes sociaux et de retraite finance la branche vieillesse du régime de sécurité sociale des marins ([34]) ainsi qu’une subvention pour charges de service public destinée à couvrir les coûts de fonctionnement de l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) qui assure la gestion du régime.

Le régime des marins est désormais le principal régime spécial encore ouvert. Ainsi que le confirme un récent rapport de la Cour des comptes ([35]), une réforme du régime s’impose. Le rapporteur spécial précise toutefois qu’il n’est nullement question de remettre en question le régime en lui-même. Au contraire les propositions qui suivent consistent à l’améliorer en le simplifiant et le modernisant. Toute réforme impliquera naturellement une concertation préalable avec les partenaires sociaux.

a.   Un régime largement subventionné en raison de son rapport démographique très déséquilibré

En 2024, le montant des crédits prévus sur le programme 197 s’élève à 787,3 millions d’euros, en recul de 14,7 millions (– 1,8 %) par rapport à la prévision pour 2023. Cette diminution résulte de la diminution de la contribution d’équilibre versée par l’État à la branche vieillesse : elle s’élèvera à 774,3 millions d’euros en 2024, en baisse de 17,4 millions d’euros (– 2,2 %) par rapport à la prévision 2023, et contre une demande initiale de l’ENIM de 814,5 millions d’euros. Ce montant couvrira 77 % des dépenses de pensions de la branche vieillesse, un montant en légère baisse par rapport aux exercices précédents (entre 78 % et 82 %).

Évolution de la subvention versÉe par l’État
au rÉgime de retraite des marins

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Branches maladie et vieillesse confondues, le régime dépend à près de 90 % des subventions de la puissance publique. Les recettes tirées des cotisations sociales ne couvrent que 10 % des dépenses. Outre les crédits du programme 197, le régime des marins est également bénéficiaire de crédits du programme 205 Affaires maritimes de la mission Écologie, développement et mobilité durables, destinés à couvrir les dispositifs d’exonération de cotisations patronales des navires de commerce battant pavillon français et soumis à la concurrence internationale (67,4 millions d’euros prévus en 2024).

L’importance des subventions dont l’ENIM est bénéficiaire résulte d’un rapport démographique très déséquilibré, qui s’établit pour la branche vieillesse à 0,29 cotisant pour 1 pensionné, en légère augmentation par rapport aux exercices précédents en raison d’une diminution rapide du nombre de retraités. En 2024, on comptera ainsi environ 28 300 actifs contre 100 700 pensionnés (dont environ 62 000 pensionnés de droit direct).

Évolution du nombre de pensionnÉs du rÉgime social des marins

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire prévu à l’article 49 de la LOLF.

L’évolution des dépenses de la branche vieillesse résulte aussi de la revalorisation des pensions prévue à hauteur de 5,4 % en 2024. Enfin, comme le rapporteur spécial l’avait souligné dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, les concours versés par l’État à l’ENIM résultent aussi de la complexité et de l’obsolescence des règles du régime des marins (voir supra).

Par ailleurs, la subvention pour charges de service public versée par le programme 197 à l’ENIM s’élèvera à 13 millions d’euros en 2024, en hausse de 2,8 millions d’euros (+ 28 %), sans qu’aucune information ne soit fournie dans les annexes budgétaires, ce que le rapporteur spécial ne peut que regretter.

b.   Un régime difficile à gérer, aux règles à la fois complexes et obsolètes

Dans le rapport précité, publié le 18 septembre 2023, la Cour des comptes a une nouvelle fois mis en lumière la complexité et l’obsolescence des règles du régime de sécurité sociale des marins, qui pose notamment des difficultés en termes de paiement à bon droit des prestations versées par l’ENIM.

Les règles d’assiette du régime de sécurité sociale des marins, qui ont peu évolué depuis 1952, sont non seulement très complexes mais aussi partiellement obsolètes, ce qui rend la gestion du régime par l’ENIM particulièrement ardue. À chaque embarquement, le marin est classé parmi vingt catégories possibles en fonction d’une douzaine de critères, dont les principaux sont :

– la fonction qu’il exerce, parmi une liste de 280 fonctions possibles, dont beaucoup sont obsolètes (166 fonctions comptent moins de 200 affiliés et 79 n’en comptent aucun ([36])) ; en outre, certaines fonctions n’ont plus d’utilité aujourd’hui ;

– le type de navigation (pêche, commerce, transport, plaisance ([37])) ;

– les caractéristiques du navire (jauge, taille, puissance du moteur), parfois exprimées dans des termes devenus inadaptés (en tonnage brut et en chevaux, là où la réglementation internationale est formulée en UMS ([38])).

À chacune des vingt catégories est associé un salaire forfaitaire, distinct du salaire brut, à partir duquel sont calculés les cotisations et les droits acquis. Selon la Cour, les salaires forfaitaires sont minorés, en moyenne, d’environ 2,5 fois par rapport aux salaires réels. C’est à l’avantage des actifs, qui cotisent peu, mais au désavantage des pensionnés, puisque le calcul de la pension se fait sur une base inférieure au salaire réel.

Outre la complexité d’un tel système, il apparaît que la plupart des catégories existantes sont désormais inutilisées : 95 % des pensions sont liquidées sur la base de seulement cinq catégories ([39]).

Outre la définition de l’assiette, le régime des marins repose sur un taux de cotisation salariale (10,85 %, légèrement inférieur à celui du régime des fonctionnaires de l’État et du régime général) auxquels s’ajoutent pas moins de onze taux de cotisation patronale, compris entre 0 % et 19 %, qui se sont sédimentés au fil des avantages accordés au secteur et qui varient selon la situation des marins et des entreprises ([40]).

Ces règles ne sont pas seulement complexes et dépassées, elles peuvent aussi être très avantageuses, ce qui pose question compte tenu du niveau des subventions publiques dont bénéficie le régime. Les règles de liquidation sont très favorables (sur la base des trois dernières années ou des cinq meilleures années, sans décote) et s’accompagnent de dispositifs conduisant à majorer le montant des pensions (prise en compte du temps de repos – souvent équivalent au temps de navigation – dans le temps de service ; tout trimestre entamé même d’un seul jour est considéré comme acquis ; les bonifications pour enfants sont très favorables, de même que les règles de sur-classement en fonction de l’ancienneté).

Cela se combine avec l’âge précoce d’ouverture des droits : les pensions servies pour ancienneté autorisent un départ dès 50, 52,5 et 55 ans. L’âge moyen de liquidation est toutefois de 62,7 ans, et l’âge médian de 62,1 ans. Par ailleurs, une pension spéciale peut être servie après seulement 3 mois d’affiliation, à partir de 55 ans. Enfin, les pensions de réversion sont très élevées : 39 % des dépenses du régime des marins (contre 11 % en moyenne pour les autres régimes), notamment car elles sont versées sans conditions d’âge ni de ressources.

Le calcul des pensions de retraite est in fine très compliqué et très coûteux pour l’ENIM, car il suppose de reconstituer la carrière des marins au jour près. Ainsi, le coût unitaire d’une primo liquidation de pension de retraite atteindrait 806 euros en 2024 (contre, par exemple, 414 euros pour la CRP SNCF et 82,5 euros pour la CRP RATP). Les remarques du rapporteur spécial sur la difficulté des comparaisons entre les indicateurs figurant dans les annexes budgétaires sont toutefois également applicables à ceux qui portent sur l’ENIM.

c.   Un dysfonctionnement des contrôles qui empêche de garantir le paiement à bon droit des prestations

Le rapport de la Cour relève également des dysfonctionnements dans le contrôle des recettes et des dépenses du régime de sécurité sociale des marins.

Avec la disparition des rôles d’équipage, en 2017, le contrôle a priori, par l’administration des affaires maritimes, des lignes de services, qui servaient de base au calcul des cotisations sociales perçues et aux prestations versées par l’ENIM, a cessé. Le contrôle des risques interne à l’ENIM est, selon la Cour, mal priorisé, même si des améliorations se mettent progressivement en place. Le passage à la déclaration sociale nominative dans le secteur maritime s’est fait avec retard et au prix de grandes difficultés ; la qualité des données déclarées par les employeurs pose question, en partie du fait de la grande complexité des règles du régime. Enfin, le transfert du recouvrement des cotisations de l’ENIM à l’Urssaf Poitou-Charentes, en 2020, sans que la répartition des compétences relatives au contrôle de l’assiette des cotisations ne soit pleinement clarifiée entre les deux opérateurs.

Ainsi, selon la Cour des comptes, certaines données concernant l’année 2021 ont été « irrémédiablement perdues » tandis que d’autres sont affectées « d’un niveau d’erreurs tel que l’ensemble des dossiers devra être repris manuellement au fil des besoins de liquidation, avec des coûts administratifs considérables et une qualité dégradée. L’ensemble de ces éléments aboutit à une situation inacceptable en matière de paiement à bon droit des prestations du régime. Or, loin d’être transitoire, elle est désormais pérenne » ([41]).

Depuis 2021, le commissaire aux comptes de l’ENIM se trouve ainsi dans l’impossibilité de certifier sans réserve les comptes de l’établissement.

d.   Une réforme du régime s’impose pour en simplifier et en clarifier le fonctionnement

Le rapport de la Cour ne peut laisser personne indifférent. Ainsi que le rapporteur spécial a pu le constater au cours de ses auditions, ce rapport pose un diagnostic globalement partagé par tous les acteurs, de la direction du budget à la direction de la sécurité sociale, en passant par la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture et l’ENIM lui-même.

Il est donc impératif que les tutelles de l’ENIM se saisissent de ce sujet et proposent une feuille de route pour moderniser le régime, simplifier son fonctionnement et garantir le paiement à bon droit des prestations, pour le bénéfice des marins, des entreprises du secteur et des gestionnaires.

Il ne s’agit évidemment pas de supprimer le régime ou d’en diminuer les droits. La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a acté le maintien du régime. De surcroît, ce régime vise aussi à compenser une sinistralité spécifique, dans un secteur très particulier, surtout dans le domaine de la pêche, et qu’il est nécessaire de prendre en compte. Le seul objectif recherché est donc la lisibilité du système ainsi que l’équité entre les assurés.

S’il était trop tôt pour adopter une réforme dès cette année, seulement quelques semaines après l’adoption du rapport, et sans avoir consulté les organisations syndicales et patronales représentatives du secteur, le rapporteur spécial, compte tenu de ses prérogatives, a néanmoins souhaité ouvrir le débat afin d’aider l’ensemble des acteurs à construire une solution qui convienne à tous, et qui ne se limite pas à un coup de rabot improvisé dans un contexte de contrainte sur les finances publiques.

Avec ses amendements déposés sur le projet de loi de finances et le projet de loi de finances de la sécurité sociale, en commission des finances et en séance, le rapporteur spécial a cru bon de se concentrer sur deux sujets :

– la simplification du classement catégoriel, pour supprimer les catégories et fonctions devenues inutiles, les moderniser et en réduire globalement le nombre ; une telle évolution gagnerait à s’accompagner, en parallèle, d’une simplification des taux de cotisation patronale :

 

Recommandation : Simplifier et moderniser le classement catégoriel du régime des marins.

– le renforcement des contrôles sur les recettes et les dépenses de l’ENIM et, surtout, la clarification des compétences et des moyens de l’ENIM, de l’Urssaf Poitou-Charentes ou encore de l’administration des affaires maritimes, afin de garantir le paiement à bon droit des prestations versées au titre du régime.

 

Recommandation : Renforcer le contrôle des recettes et des dépenses du régime des marins en clarifiant la répartition des compétences et des moyens entre les différents acteurs.

Ces amendements, adoptés par la commission des finances, n’ont certes pas été repris dans les versions des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale sur lesquels le Gouvernement a décidé d’engager sa responsabilité, mais ils constituent la première pierre d’un processus qui doit aboutir rapidement. Dans cette démarche, les organisations syndicales et patronales représentatives du secteur devront bien sûr être consultées et jouer un rôle de premier plan, afin que la réforme se fasse avec l’accord de tous.

Selon les informations transmises au rapporteur, le Gouvernement aurait décidé de se saisir du sujet des contrôles en faisant appel à une mission conjointe de l’Inspection des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection des affaires maritimes (IGAM). L’objectif de cette mission est précisément de trouver des solutions aux enjeux de fiabilisation et de contrôle des déclarations à la suite de la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative dans le secteur maritime qui peine à être efficient. Le rapporteur spécial s’engage à suivre de près ce dossier.

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 9 heures 30, le mercredi 25 octobre 2023, la commission des finances a entendu M. Benoît Mournet, rapporteur spécial des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions.

M. Benoît Mournet, rapporteur spécial. La mission Régimes sociaux et de retraite comprend deux volets, l’un qui concerne le compte d’affectation spéciale relatif aux pensions des fonctionnaires civils et militaires de l’État et l’autre portant sur la compensation des régimes spéciaux.

S’agissant du premier point, les pensions des fonctionnaires civils et militaires sont revalorisées de 5,3 % pour tenir compte de l’inflation, ce qui représente 2,5 milliards d’euros, ainsi que des effets de volume dus au déséquilibre démographique entre les entrées et les sorties. L’impact de la réforme des retraites est évalué à un peu moins de 200 millions d’euros en 2024.

Il faut toutefois retenir que le CAS deviendra déficitaire à partir de 2026 ; il faudra donc trouver des recettes complémentaires. Je proposerai des amendements visant à mieux distinguer ce qui relève de la contribution employeur de ce qui relève de la subvention d’équilibre. Nous aborderons également la question de la convergence des taux de cotisation salariale. Il y a un enjeu de transparence et de prévisibilité.

Le deuxième volet de la mission concerne la compensation des régimes spéciaux, fermés par la réforme de ce printemps à l’exception de ceux de l’Opéra de Paris, de la Comédie-Française et du régime des marins. Des crédits perdurent pour compenser le déséquilibre démographique de ces régimes. Le plus important d’entre eux est celui de la SNCF – un peu moins de 3,5 milliards d’euros, avec un rapport toujours déséquilibré de 100 000 cotisants pour 225 000 pensionnés. Celui de la RATP connaît une évolution très dynamique avec 890 millions d’euros et 52 000 pensionnés pour 38 000 cotisants. Le régime des mines ayant été fermé en 2010, tout est à la charge de l’État. Quant aux marins, leur régime est très déséquilibré, avec 100 000 pensionnés pour 30 000 cotisants. Enfin, l’Opéra de Paris et la Comédie-Française ont été intégrés dans la mission afin d’assurer une meilleure visibilité de l’effort consacré par l’État à ces régimes spéciaux, à hauteur de 25 millions d’euros.

J’appelle à adopter ces crédits, tout en vous invitant à la vigilance sur la trajectoire du CAS Pensions et à un meilleur contrôle des régimes spéciaux.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

M. Daniel Labaronne (RE). Nous examinons cette mission dans un contexte particulier, les principaux régimes spéciaux ayant été fermés en 2023 et ayant vocation à être intégrés financièrement dans le régime général au 1er janvier 2025 – cela n’aura donc pas d’incidence financière en 2024.

En 2024, les crédits de la mission s’élèveraient à 6,2 milliards d’euros, en hausse de 92 millions par rapport à 2023. C’est un effort significatif consacré par l’État aux régimes spéciaux encore ouverts. Grâce à l’action de notre rapporteur, les crédits des régimes de l’Opéra de Paris et de la Comédie-Française sont désormais intégrés dans la mission à hauteur de 25 millions d’euros.

Le groupe Renaissance soutient également l’évolution des crédits du compte d’affectation spéciale : 67,6 milliards d’euros, soit une hausse de 3,2 milliards d’euros. Grâce à la réforme des retraites que nous avons menée, le régime des fonctionnaires civils et militaires enregistre un gain estimé à 194 millions d’euros en 2024, entièrement consacré au rééquilibrage du système de retraite au moyen d’un transfert de l’État à la sécurité sociale.

Pour pallier la dégradation du solde du CAS, je tiens à saluer la recommandation du rapporteur de distinguer les recettes relevant de la cotisation employeur et celles qui relèvent de la subvention d’équilibre, dans la perspective de réformer les taux de la contribution employeur de l’État au plus tard en 2026.

Il convient d’assurer la bonne gestion des différents dispositifs et à veiller à ce qu’un service de qualité soit rendu à leurs bénéficiaires au meilleur coût pour la collectivité nationale, qui les finance majoritairement. Afin d’optimiser la gestion des régimes concernés tout en maintenant le cadre de la renationalisation de nos dépenses, le groupe Renaissance votera ces crédits.

M. Philippe Lottiaux (RN). Sans rouvrir le débat sur les régimes spéciaux, nous remarquons que vous envisagez de remonter une nouvelle fois le taux des cotisations salariales et le taux de la contribution employeur d’ici à 2026.

Par ailleurs, il serait nécessaire de mener une réflexion globale sur la politique de natalité et sur la politique familiale, qui auront nécessairement des répercussions sur l’équilibre des régimes de retraite. Le groupe Rassemblement national s’abstiendra sur ces crédits.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Je trouve le rapporteur spécial bien optimiste. L’augmentation des pensions de 4,9 % n’est pas à la hauteur de l’inflation, qui s’établit à 5,6 % sur l’ensemble de l’année. Voter ces crédits reviendrait donc à entériner une baisse du pouvoir d’achat des retraités de la fonction publique. Nous refusons en outre les tours de passe-passe comptables qui visent à faire apparaître de nouveaux déficits. Il existe un moyen simple de maintenir les comptes des régimes de retraite de la fonction publique à l’équilibre : cessez les suppressions de postes et embauchez dans la fonction publique. Nous voterons contre ces crédits.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je m’exprimerai au nom du groupe Les Républicains. Le déséquilibre démographique actuel risque de s’amplifier compte tenu des chiffres de la natalité. Cela nous conduit à examiner avec beaucoup d’attention les dispositifs de retraite, particulièrement les régimes spéciaux. Concernant ces derniers, compte tenu de l’évolution des crédits et de la situation présentée par le rapporteur, nous devons mettre en exergue le consentement des Français au maintien et au financement de tels dispositifs. Cela doit nous alerter parce qu’il est important de faire adhérer tous les Français aux dispositifs de retraite, quels qu’ils soient. Le groupe Les Républicains s’abstiendra sur ces crédits.

Mme Marina Ferrari (Dem). Avec un budget de plus de 6,2 milliards, la mission Régimes sociaux et de retraite abonde les caisses des principaux régimes spéciaux de retraite, en particulier ceux de la SNCF, de la RATP, des marins et des anciens mineurs. En raison de du déséquilibre entre cotisants et pensionnés, lui-même dû à leur déclin démographique, ces régimes sont en effet déficitaires et ne peuvent s’autofinancer ; ils ont donc besoin d’un soutien spécifique de l’État.

Nous nous réjouissons du transfert du financement des régimes de retraite de la Comédie-Française et de l’Opéra de Paris au programme 195 car cela permet d’avoir une vision d’ensemble des financements par l’État de ces régimes spéciaux et de sécuriser leur budgétisation.

Le programme 198 concerne les régimes de la SNCF et de la RATP. Celui de la SNCF est fermé depuis le 1er janvier 2020, ce qui explique le faible nombre de cotisants, alors que celui de la RATP est fermé depuis le 1er septembre dernier, date de l’entrée en vigueur de la dernière réforme des retraites. En 2022, le régime de la SNCF comptait un ratio de 0,57 actif cotisant par pensionné, tandis que le ratio de la RATP s’établissait à 0,85. La fermeture de ces régimes spéciaux était donc bien nécessaire. En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit d’intégrer progressivement, à partir de 2025, les régimes concernés au régime général. Du côté des marins, dans le cadre du programme 197, le ratio est également faible, à 0,25 actif cotisant par pensionné. Nous sommes convaincus que la fin de ces régimes spéciaux était nécessaire. En effet, l’existence de ces régimes n’apparaît plus justifiée au regard des principes d’équité et d’universalité au cœur de notre modèle social.

Enfin, nous partageons l’appel à la vigilance du rapporteur sur le déficit du compte d’affectation spéciale Pensions. Il s’établira à près de 2,5 milliards d’euros en 2024 et devrait atteindre 4,6 milliards en 2026.

Nous voterons en faveur de ces crédits.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). La présente mission budgétaire, qui ne porte que sur certains régimes spéciaux, nous donne l’occasion de rappeler notre très ferme opposition à votre très injuste réforme des retraites.

Les crédits de cette mission signent une baisse du pouvoir d’achat des retraités concernés. Ne pouvant les citer tous, je m’en tiendrai à trois d’entre eux. Tout d’abord, concernant les anciens mineurs, aucune mise à jour n’a été effectuée dans le bleu budgétaire concernant le montant moyen de leur pension. Nous allons donc voter la pension de près de 200 000 personnes à l’aveugle. Ensuite, concernant les marins, vous affirmez dans le bleu que vous revalorisez leur retraite de 5,4 %. Or, selon vos propres chiffres, je ne trouve que 2 % de revalorisation, bien en dessous de l’inflation. Enfin, s’agissant des retraités de la SNCF, vous revalorisez leurs pensions de 4,1 % : c’est mieux mais on n’y est pas encore. Quant aux retraités de la RATP, nous ne connaissons pas le nombre de retraités. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous voterons contre ces crédits.

Mme Félicie Gérard (HOR). La mission Régimes sociaux et de retraite rappelle la très grande complexité qui caractérise notre système de retraite, avec le maintien de régimes spéciaux préexistants à la création du régime général de 1945. À partir du 1er janvier 2024, l’intégration du financement des régimes de retraite de la culture au sein du programme 195 permettra de regrouper l’ensemble des régimes spéciaux au sein d’une même mission. L’objectif est de renforcer la clarté et la lisibilité. La réforme des retraites votée en avril dernier a permis la fermeture du régime spécial de retraite de la RATP pour les nouveaux embauchés et le décalage de deux ans des âges d’ouverture des droits aux assurés du régime spécial de la SNCF et de la RATP. Le groupe Horizons et apparentés votera ces crédits.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nous voterons contre ce budget.

M. Charles de Courson (LIOT). Je tiens à exprimer trois réserves.

Tout d’abord, le rapporteur spécial nous propose de faire converger les taux de cotisations salariales entre les secteurs public et privé. Pourquoi pas ? Il lui suffit de déposer un amendement. Contrairement à ce qu’indique le rapport, la retenue pour pension a en effet un statut législatif.

En outre, il propose à juste raison de distinguer la contribution employeur de la subvention d’équilibre. Il suffit d’appliquer les taux de cotisation patronale des salariés du privé et, dans la subvention, de distinguer cette partie du reste. M. le rapporteur spécial devrait déposer là encore un amendement de clarification.

Enfin, que fait-on des réserves des régimes de retraite des salariés de la Banque de France et des clercs de notaire, qui de mémoire s’élèvent respectivement à 15 et 1 ou 2 milliards ? Il n’en est pas question dans le rapport alors que cette question devait être tranchée dans le PLF ou le PLFSS.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

La commission adopte les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite non modifiés.

Après l’article 55

Amendements II-CF1282 et II-CF1283 de M. Benoît Mournet

M. Benoît Mournet, rapporteur spécial. À partir du 1er janvier 2025, les régimes spéciaux basculeront dans le régime général et, comme les réserves, relèveront des PLFSS.

Il n’est pas question de remettre en cause le régime spécial des marins mais un rapport de la Cour des comptes met en évidence un certain nombre de points que j’ai confrontés avec les données de l’Établissement national des invalides de la marine (Enim), la direction générale des affaires maritimes, le ministère du travail et Bercy.

Une question se pose s’agissant de la simplification des vingt catégories – excusez du peu –, dont la plupart sont obsolètes et qui contribuent à maintenir les coûts de gestion, pour l’Énim, à un niveau élevé. Je propose, par un amendement d’appel, de simplifier le système en diminuant leur nombre à cinq.

Le deuxième concerne le paiement à bon droit des prestations, qu’il est selon la Cour des comptes impératif de contrôler, le partage des responsabilités n’étant pas clair entre l’Urssaf Poitou-Charentes et l’Énim.

La commission adopte successivement les amendements.

Compte d’affectation spéciale Pensions

Article 37 et état D

Amendements II-CF1435 de M. Christophe Bex et II-CF1257 de M. Philippe Brun

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Notre amendement prévoit de donner les moyens nécessaires à la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité (PMI) et des victimes de guerre. Cette pension est exclusivement prise en charge par la solidarité nationale et doit donc être à la hauteur des besoins matériels de nos anciens combattants qui ont fait don de leur corps et de leur esprit à la nation. Elle appartient au programme 743, dont la dépense est en diminution tendancielle en raison de la baisse des effectifs des populations bénéficiaires.

M. Philippe Brun (SOC). Il convient de porter la revalorisation des pensions civiles et militaires de l’État au taux réel de l’inflation sur l’ensemble de 2023. L’Insee et la Banque de France prévoient une inflation de 5,6 % et non de 4,9 %. Nos retraités ont cotisé toute leur vie et la société se doit de leur donner un niveau de revenu digne. Cet amendement est voisin de celui qu’avait déposé M. de Courson et que nous avions adopté lors du premier projet de loi de finances rectificative (PLFR), avant que le Gouvernement demande une seconde délibération.

M. Benoît Mournet, rapporteur spécial. Le point de pension militaire d’invalidité sert à la fois au calcul de l’allocation de reconnaissance du combattant, des pensions militaires d’invalidité et des pensions des victimes de guerre. Depuis 2022, il est revalorisé tous les ans. Faut-il encore faire évoluer les règles ? Pourquoi pas ? Votre amendement, toutefois, coûterait presque 100 millions d’euros, prélevé sur les pensions civiles. De surcroît, je vous rappelle ce qui a été dit à propos de la trajectoire financière du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. En 2026, l’excédent cumulé aura disparu et il conviendra de sanctuariser la subvention d’équilibre et de discuter du taux de cotisation salariale. Avis défavorable.

L’amendement défendu par M. Brun est quant à lui satisfait. Ce PLF prévoit une revalorisation des pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de 5,3 %. Selon l’Insee, l’indice des prix à la consommation hors tabac s’élevait à 4,9 % en septembre. Avec ce chiffre de 5,6 %, vous vous fondez sur l’indice des prix à la consommation harmonisé, qui n’est pas l’indicateur traditionnel. De surcroît, par cet amendement, vous vous montrez généreux avec l’argent des générations à venir ! Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (RE). L’indicateur de l’inflation est celui de l’Insee et je ne vois pas pourquoi on en changerait. Nous indexons sur l’inflation l’intégralité des prestations sociales et familiales et le barème de l’impôt sur le revenu, les pensions de retraite étant quant à elles revalorisées de 5,2 %, pour un total de 25 milliards d’euros. Je crois que nous faisons le job.

M. Charles de Courson (LIOT). L’indexation est décalée. Lorsque l’inflation s’accélère, le pouvoir d’achat diminue, lorsqu’elle décélère, il augmente. J’avais en effet soulevé le problème en suggérant l’instauration d’une clause d’ajustement ou d’un mécanisme de lissage. Le système actuel n’est pas satisfaisant.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Un tel décalage peut en effet produire des effets dans un sens ou dans l’autre.

Mme Nadia Hai (RE). Pourquoi M. Brun maintient-il son amendement alors qu’il est satisfait ?

M. Philippe Brun (SOC). Il n’est pas satisfait, l’inflation étant de 5,6 % et les pensions étant revalorisées de 5,3 %.

Si le Gouvernement n’avait pas demandé une seconde délibération sur l’amendement de M. de Courson, le pouvoir d’achat des fonctionnaires retraités aurait augmenté.

M. Benoît Mournet, rapporteur spécial. L’indice des prix à la consommation est de 4,9 % et nous opérons une revalorisation de 5,3 %.

M. de Courson a raison à propos du décalage. Il est difficile de procéder à une indexation à partir d’une prévision d’inflation mais si vous souhaitez que les pensions soient revalorisées à hauteur de l’inflation, tel est bien le cas.

Successivement, la commission adopte l’amendement II-CF1435 et rejette l’amendement II-CF1257.

Elle adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Pensions modifiés.

Après l’article 59

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF627 de Mme Anna Pic.

Amendement II-CF1284 de M. Benoît Mournet

M. Benoît Mournet, rapporteur spécial. Travaillé avec les services de la direction du budget, il vise à distinguer ce qui relève de la cotisation employeur, fictivement de 74 % pour les fonctionnaires civils et de 126 % pour les fonctionnaires militaires, et de la subvention d’équilibre de l’État. Comme l’ont souligné Jean-Pascal Beaufret dans la revue Commentaire et François Bayrou dans une note du Haut-Commissariat au plan, il importe de mettre en évidence que ces régimes publics sont subventionnés par la solidarité nationale et de tordre le cou à cette idée selon quoi les régimes de retraite financeraient les services publics.

M. Fabien Di Filippo (LR). En fonction des tableaux et de la prise en compte ou non de la subvention d’équilibre de l’État, le résultat de la branche retraite est soit excédentaire, soit déficitaire. Dans les années à venir, quoi qu’il arrive, il sera déficitaire, ce qui doit nous amener à réfléchir sur la nature de ce système dans le contexte démographique que nous connaissons.

Une majoration des cotisations entraînerait une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires mais, pour savoir où nous en sommes vraiment, il faut connaître le coût des retraites publiques. Je me félicite du recul du Gouvernement quant à la ponction des cotisations des régimes complémentaires du secteur privé, mais cela ne résout pas le problème de fond auquel nous sommes confrontés.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF1285 de M. Benoît Mournet

M. Benoît Mournet, rapporteur spécial. La retenue pour pension relève en effet du domaine législatif, comme l’a indiqué M. de Courson, mais le taux de cotisation relève bien du domaine réglementaire.

Nous le savons, la trajectoire du CAS Pensions sera déficitaire. Une dernière étape vers la convergence s’impose. Le taux de cotisation salarié, de 11,10 % pour les fonctionnaires, s’élève à 11,31 % pour les salariés du secteur privé. Cet amendement d’appel vise à y travailler dans le cadre d’un rapport en vue d’un alignement à l’horizon de 2026.

La commission adopte l’amendement.

 

 


   ANNEXE 1 :
LISTE DES RÉGIMES SPÉCIAUX PRÉVUS PAR LA LOI

Le premier alinéa de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale prévoit que « [p]armi celles jouissant déjà d’un régime spécial le 6 octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale, les branches d’activités ou entreprises énumérées par un décret en Conseil d’État ».

En application de ces dispositions, l’article R. 711-1 du même code établit la liste des régimes qui « [r]estent soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale, si leurs ressortissants jouissent déjà d’un régime spécial au titre de l’une ou de plusieurs des législations de sécurité sociale :

1° Les administrations, services, offices, établissements publics de l’État, les établissements industriels de l’État et l’Imprimerie nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l’État ;

2° Les régions, les départements et communes ;

3° Les établissements publics départementaux et communaux n’ayant pas le caractère industriel ou commercial ;

4° Les activités qui entraînent l’affiliation au régime d’assurance des marins français institué par le décret-loi du 17 juin 1938 modifié ;

5° Les entreprises minières et les entreprises assimilées, définies par le décret n° 46‑2769 du 27 novembre 1946, à l’exclusion des activités se rapportant à la recherche ou à l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ;

6° La Société nationale des chemins de fer français ;

7° Les chemins de fer d’intérêt général secondaire et d’intérêt local et les tramways ;

8° Les exploitations de production, de transport et de distribution d’énergie électrique et de gaz ;

9° La Banque de France ;

10° Le Théâtre national de l’Opéra de Paris et la Comédie Française. »

 


   ANNEXE 2 : COMPARATIFS DES RÉGIMES SPÉCIAUX

 

Régime général

Régime complémentaire

SNCF

RATP

Marins

AGIRC

ARRCO

Âge d’ouverture des droits à la retraite

62 ans à compter de la génération 1955

Identique au régime général

52 ans pour les agents de conduite à compter de 1972
57 ans pour les agents sédentaires à compter de 1967

52 ans pour les agents d’exploitation à compter de 1972 si durée de service
> 27 ans
57 ans pour les personnels de maintenance à compter de 1967 si durée de service > 27 ans
62 ans pour les agents sédentaires à compter de 1962

– 55 ans
– ou 52,5 sous réserve d’avoir cotisé pendant 37,5 annuités
– ou 50 ans sous réserve d’avoir effectué au moins 25 ans de service

Nombre d’annuités requises pour une pension à taux plein

43 ans à compter de la génération 1973

Régime par points

Identique au régime général

Identique au régime général

36 ou 37,5 ans

Âge d’annulation de la décote

67 ans

Identique au régime général

Identique au régime général

Pas de décote

Âge moyen de départ en retraite

62 ans et 4 mois

54 ans et 4 mois pour les agents de conduite
59 ans et 5 mois pour les agents sédentaires

57 ans et 4 mois

60 ans et 2 mois

Base de calcul de la pension

50 % du salaire moyen des 25 meilleures années

Produit du nombre de points acquis sur l’ensemble
de la carrière et de la valeur du point

75 % du salaire moyen
des 6 derniers mois

75 % du salaire moyen
des 6 derniers mois

Salaire forfaitaire des 3 dernières années ou des 5 meilleures années

Assiette des cotisations

Salaire dans la limite du plafond de la sécurité sociale

Tranche 1 : jusqu’au plafond de la sécurité sociale
Tranche 2 : entre 1 et 8 fois le plafond de la sécurité sociale

82 % du salaire imposable

Traitement et primes de nuit

Salaire forfaitaire classé en vingt catégories

Taux des cotisations salariales

6,90 % dans la limite du plafond de la sécurité sociale + 0,4 % sur le salaire total

Tranche 1 :

Tranche 2 :

9,60 % au 31/12/2021
(10,95 % à partir du 01/01/2026)

12,95 %

20 catégories de taux

3,15 %
+ 1,02 % CEG-CET-Apec

8,64 %
+ 1,24 % CEG-CET-Apec

Taux des cotisations patronales

8,55 % dans la limite du plafond de la sécurité sociale + 1,9 % sur le salaire total

4,72 %
+ 1,54 % CEG-CET-Apec

12,95 %
+ 1,87 % CEG-CET-Apec

T = 36,86 %
T1 = 22,87 %
T2 = 13,99 %

19,18 %

Taux de cotisation total

15,45 % dans la limite du plafond de la sécurité sociale + 2,3 % sur le salaire total

7,87 %
+ 2,56 % CEG-CET-Apec

21,59 %
+ 3,11 % CEG-CET-Apec

46,5 %

32,13 %

Montant moyen de la pension de droit direct

1 509 euros bruts et 1 400 euros nets
(DREES, pour les pensions liquidées en 2020)

2 442 € pour les pensions liquidées en 2021
2 184 € pour l’ensemble des pensions

2 856 euros bruts pour les pensions liquidées en 2017 (DREES)
2 318 euros bruts pour l’ensemble des pensions fin 2022 (CRP RATP)

937 euros bruts

Taux de remplacement net médian

74,7 % (DREES)

68 % pension brute
60,6 % pension nette

> 75 %

Non communiqué

Durée moyenne de service la pension

24 ans et 8 mois (DREES)

28 ans et 9 mois

28 ans

25 ans

Source : commission des finances (données au 31 août 2023).

 


   ANNEXE 3 : COMPARATIFS DES COÛTS DE GESTION

DÉpenses de gestion pour 100 euros de pension

 

2021

2022

Cible 2023

Cible 2024

SRE

Frais (M€)

ND

83,2

76,9

75,9

Prestations (M€)

55 704

56 569

59 721

61 834

Ratio ( %)

0,142

0,147

0,129

0,123

SRE et ministères employeurs

Frais (M€)

ND

86,7

78,8

77,4

Prestations (M€)

55 704

56 569

59 721

61 834

Ratio ( %)

0,150

0,153

0,132

0,125

FSPOEIE (CDC)

Frais (M€)

5,9

6,1

6,2

Prestations (M€)

1 862

1 963

1 987

Ratio ( %)

0,32

0,31

0,31

CRP RATP

Frais (M€)

5,0

5,3

7,3

5,0

Prestations (M€)

1 201

1 246

1 279

1 324

Ratio ( %)

0,42

0,42

0,41

0,41

CRP SNCF

Frais (M€)

25,2

25,0

26,0

28,8

Prestations (M€)

5 218

5 211

5 281

5 596

Ratio ( %)

0,48

0,47

0,49

0,51

ENIM

Frais (M€)

9,7

10,1

10,1

9,9

Prestations (M€)

991

1 001

1 016

1 029

Ratio ( %)

0,98

1,01

0,99

0,96

Régimes des mines (CDC)

Frais (M€)

11,6

11,1

10,8

10,6

Prestations (M€)

1 177

1 119

1 099

1 074

Ratio ( %)

0,99

0,99

0,98

0,99

 

CoÛt d’une primo liquidation de pension de retraite

 

2021

2022

Cible 2023

Cible 2024

CRP RATP

€ / opération

93,5

80,2

77,8

82,5

Mines

€ / opération

232

237

237

237

CRP SNCF

€ / opération

320

357

320

414

FSPOEIE

€ / opération

373

383

509

ENIM

€ / opération

791

761

784

806

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

 


   ANNEXE 4 : LE CLASSEMENT PAR FONCTION
DU RÉGIME DES MARINS

Nombre de cotisants de l’annÉe 2022 rÉpartis par fonction

Fonction

Libellé

Nb cotisants

AA01A

CAPITAINE

3 017

AA01C

PATRON

4 504

AA01D

MATELOT PATRON

2 177

AA01F

PATRON VEDETTE

63

AA01H

MARIN CHEF ENTREPRISE NON BREVETÉ

186

AA01J

CAPITAINE DE NAVIRE

694

AA02A

PATRON MÉCANICIEN

2 019

AA02B

MATELOT PATRON MÉCANICIEN

17

AA03A

CAPITAINE HYDROGRAPHE

19

AA35A

CHEF SERVICE LAMANAGE

20

AG09A

MARIN CHEF ENTREPRISE BREVETÉ

1 145

BA01B

CAPITAINE ADJOINT

48

CA01A

SECOND CAPITAINE

1 401

CA01B

SECOND PONT

294

CB01A

CHEF MÉCANICIEN

1 942

CB01B

MÉCANICIEN

1 118

CB01F

DIRECTEUR PRODUCTION BORD

3

CC01A

CHEF RADIO

1

CC02A

INGÉNIEUR ÉLECTRONICIEN

3

CC02B

OFFICIER ÉLECTRONICIEN RESPONSABLE

25

CC02C

OFFICIER ÉLECTRONICIEN SUPÉRIEUR

15

CC02D

OFFICIER ÉLECTRONICIEN SMM CHEF POSTE

38

CD01A

MÉDECIN

3

CD06A

COMMISSAIRE

35

CD06B

COMMISSAIRE CHEF SERVICE

28

CG00A

SECOND POLYVALENT

67

CG09A

MARIN CADRE BREVETÉ

67

DB01A

CHEF MÉCANICIEN ADJOINT

2

EB01A

SECOND MÉCANICIEN

855

EB01C

SECOND MACHINE

55

FA01A

LIEUTENANT

1 180

FA01B

CHEF DE QUART PONT

26

FA01I

CHEF DE QUART

18

FA01M

MARIN CADRE NON BREVETÉ

27

FA03A

CHEF DE BORD NUC

770

FA07B

HYDROGRAPHE 1ERE CLASSE

48

FA07C

HYDROGRAPHE 2EME CLASSE

10

FA07D

HYDROGRAPHE 3EME CLASSE

20

FB01A

OFFICIER MÉCANICIEN

841

FB01C

CHEF DE QUART MACHINE

11

FB08B

OFFICIER ÉLECTRICIEN

15

FC02A

OFFICIER ÉLECTRONICIEN

37

FC02B

OFFICIER RADIOÉLECTRICIEN

2

FC02E

OFFICIER ÉLECTRONICIEN SMM

38

FF08A

OFFICIER ELEVE STAGIAIRE TECHNIQUE

3

FG00A

OFFICIER POLYVALENT

357

FG11A

CHEF MANŒUVRE PORT ESTUAIRE

68

GA00Z

STAGIAIRE EMBARQUÉ PONT (NON TAXE)

1

GA01B

ELEVE OFFICIER PONT

15

GA01E

ELEVE PONT

104

GB01D

ELEVE MACHINE

103

GG00A

ELEVE POLYVALENT

187

GG00D

ELEVE STAGIAIRE

13

GG00Z

STAGIAIRE EMBARQUÉ (NON TAXÉ)

233

JA01A

ASSISTANT OFFICIER PONT

373

JA01D

ASSISTANT OFFICIER STAGIAIRE PONT

235

JB01A

ASSISTANT OFFICIER MACHINE

303

JB01D

ASSISTANT OFFICIER STAGIAIRE MACHINE

199

JD00A

ASSISTANT OFFICIER SERVICE GÉNÉRAL

317

JD00C

ASSISTANT OFFICIER STAGIAIRE SER.GÉNÉRAL

112

JF02B

ASSISTANT ENTRETIEN TITULAIRE

16

JF02C

ASSISTANT ENTRETIEN STAGIAIRE

2

JG03A

MARIN CHEF ÉQUIPE BREVETÉ

129

MA01A

maître ÉQUIPAGE

892

MA01C

maître MANŒUVRE

34

MA01E

MARIN CHEF ÉQUIPE NON BREVETÉ

40

MA06A

CHEF TIMONIER

302

MA08A

maître CHARPENTIER

2

MA10A

CHEF RAMENDEUR

149

MA13A

maître SECURITE

33

MA14A

CAPITAINE ARMES

44

MA18A

maître DRAGUEUR

6

MA22A

CHEF SCAPHANDRIER

2

MA26B

CHEF BAADERISTE

1

MA26E

SPÉCIALISTE MACHINE TRAITEMENT POISSON

8

MA28A

CHEF SALEUR

6

MA30A

CHEF FABRICATION

29

MB01A

maître MACHINE

1

MB03A

maître GRAISSEUR

33

MB03C

GRAISSEUR OUVRIER

9

MB06A

maître MÉCANICIEN

389

MB06B

OUVRIER MÉCANICIEN

732

MB08A

maître ÉLECTRICIEN

79

MB08E

OUVRIER ÉLECTRICIEN

123

MB10A

OUVRIER ÉLECTRICIEN FRIGORISTE

9

MB13A

maître SOUDEUR

1

MB16A

POMPISTE

15

MD02A

CHEF INFIRMIER

3

MD09A

CHEF RÉCEPTION

39

MD09B

SOUS CHEF RÉCEPTION

13

MD31A

INTENDANT

144

MD31D

INTENDANT CAMBUSIER

52

MD33A

CHEF CUISINIER

55

MD33C

CHEF CUISINIER ADJOINT

64

MD33E

CUISINIER

343

MD34A

CUISINIER ÉQUIPAGE

90

MD36A

CUISINIER CHARGE DES VIVRES

2

MD38A

CHEF DE PARTIE

159

MD45A

maître HÔTEL INTENDANT

1

MD49A

maître HÔTEL

309

MD49D

CHEF HÔTELIER

197

MD59A

CHEF CAVISTE

188

MD69A

CHEF DE BORDÉE

140

MD74A

INTENDANT CUISINIER

4

MF02B

maître ENTRETIEN

38

MG00A

OUVRIER POLYVALENT

94

NA01A

SECOND maître

191

NA06A

SECOND maître TIMONIER

23

NA08A

CHARPENTIER

4

NA13A

SECOND maître SÉCURITÉ

12

NA26A

BAADERISTE

6

NB03A

GRAISSEUR

114

NB11A

FRIGORISTE

4

ND02A

INFIRMIER

16

ND09A

CHEF HÔTESSE

62

ND20A

CAISSIER

252

ND33A

DEUXIÈME CUISINIER

1

ND33B

SECOND CUISINIER

108

ND33C

TROISIÈME CUISINIER

165

ND40C

SECOND CAMBUSIER

63

ND41A

BOULANGER

28

ND49F

CHEF ADJOINT HÔTELIER

27

ND60A

CHEF OFFICE

83

ND63A

CHEF DE SALON

180

ND64A

BARMAN/BARMAID

36

NG03A

MATELOT OUVRIER BREVETÉ

755

PA01A

MATELOT QUALIFIÉ

923

PA01B

MARIN PÊCHEUR QUALIFIÉ

1 144

PA10A

RAMENDEUR

11

PA19A

MAGASINIER

2

PA30A

SOUS CHEF DE FABRICATION

29

PB06A

MÉCANICIEN LAMANEUR

45

PD63A

CHEF DE SALON ADJOINT

94

QA00B

MATELOT OUVRIER (-18 ANS)

6

QA00C

MATELOT OUVRIER NON BREVETÉ

572

QA01A

MATELOT

9 214

QA01B

MATELOT LÉGER

54

QA01C

LARGUEUR DE CUL

2

QA01F

MATELOT LÉGER PONT

172

QA02A

MATELOT MÉCANICIEN

28

QA03A

MATELOT PASSERELLE

418

QA03B

ÉQUIPIER NUC (Navire a Utilisation Collective)

33

QA03C

ÉQUIPIER CHEF DE BORD NUC

2

QA10A

AIDE RAMENDEUR

15

QA14D

CALIER

14

QA21A

MATELOT PLONGEUR

18

QA22A

SCAPHANDRIER

20

QA32A

TREUILLISTE

4

QB01A

MATELOT LÉGER MACHINE

60

QB05A

NETTOYEUR

329

QD00C

AGENT SERVICE GÉNÉRAL (PP.PC)

5

QD00E

MATELOT LÉGER SERVICE GÉNÉRAL

4

QD09A

HÔTESSE

315

QD34A

MATELOT CUISINIER

2

QD39A

AIDE CUISINIER (OU DE CUISINE) (04)

134

QD39B

AIDE TOUTE CATÉGORIE

307

QD46A

GARÇON COMMANDANT

30

QD49A

GARÇON

647

QD49E

SERVEUSE

268

QD76B

AGENT DE PROPRETTE

32

QG00A

POLYVALENT

2

QG00B

MATELOT POLYVALENT

78

QG00D

MATELOT LÉGER POLYVALENT

53

QU07A

PÊCHEUR À PIED

61

RA01B

NOVICE

1

RA01C

MATELOT - 18 ANS PONT

35

RG00B

MATELOT - 18 ANS POLYVALENT

3

TA00A

APPRENTI PONT

86

TB00A

APPRENTI MACHINE

8

TD00A

APPRENTI SERVICE GÉNÉRAL

2

TG00A

APPRENTI POLYVALENT

35

XA04A

PILOTE

347

YH00B

CHARGE MISSION

3

YH00C

CADRE ARMEMENT

59

YH00E

PERSONNEL ARMEMENT

4

YH01A

CAPITAINE ARMEMENT

10

YH03A

CHEF MÉCANICIEN ARMEMENT

5

YH04C

ADJOINT CHEF MÉCANICIEN ARMEMENT

3

YH05A

INGÉNIEUR ARMEMENT

1

YH06A

ADJOINT CAPITAINE ARMEMENT

2

YL02A

PROFESSEUR ECOLE MARITIME

4

YQ07A

REPRÉSENTANT DU PERSONNEL

2

YT01A

FONCTION ÉLECTIVE

6

YU02B

TECHNICIEN EXPERT SÉCURITÉ NAV. MARITIME

2

 

TOTAL

48 443

 

TOTAL marins sur l’année

35 664

35 664 marins ont déclaré une activité sur l’année 2022.

Un marin peut exercer plusieurs fonctions au cours de l’année : il sera donc comptabilisé plusieurs fois.

Source : Infocentre Enim (traitement le 05/09/2023).

 


   ANNEXE 5 : LE CLASSEMENT PAR CATÉGORIE
DU RÉGIME DES MARINS

Nombre de cotisants de l’annÉe 2022 rÉpartis par catÉgorie

Durant une année, un marin peut exercer son activité dans différentes catégories : il sera donc comptabilisé plusieurs fois dans le tableau ci-dessus, ce qui explique un total de 50 000 marins.

Sur l’année, l’Enim comptabilise 35 664 marins ayant au moins une déclaration d’activité.

Sur certaines lignes de service, la catégorie n’apparaît pas (oubli dans la déclaration, non nécessaire si le marin est en arrêt par exemple) et c’est ce qui est traduit par la catégorie 0 dans le tableau ci-dessus.

Source : Infocentre Enim (traitement le 05/09/2023).

 

 


   ANNEXE 6 : LES TAUX DE COTISATION PATRONALE
DU RÉGIME DES MARINS

Nombre de marins en fonction des taux de cotisations patronales
pour l’annÉe 2019

La cotisation patronale à 0 % correspond à l’application de l’exonération :

– pour concurrence internationale prévue à l’Article L5553-11 du code des transports ;

– pour les stagiaires.

Source : Infocentre Enim (traitement le 08/09/2023).

 

 

 


Liste des personnes auditionnÉes
par le rapporteur spÉcial

(par ordre chronologique)

 

Cour des comptes :

– M. Vincent Chevrier, rapporteur du rapport sur l’Établissement national des invalides de la marine publié le 18 septembre 2023

– Mme Anne Mondoloni, présidente de section à la sixième chambre, contre-rapporteur du même rapport

 

Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris :

– Mme Christelle Nicolas, directrice

– M. François Tanguy, agent comptable

 

Établissement national des invalides de la marine (ENIM) :

– M. Ronan Le Saout, directeur-adjoint

 

Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture :

– M. Christophe Lenormand, chef du service des flottes et des marins

– M. Philippe Gabriel, chef du bureau de la protection sociale des marins.

 

Cabinet de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion :

– Mme Louise Olnois, conseillère parlementaire

– M. Giuliano de Franchis, conseiller chargé de la protection sociale

– M. Charles Mahy, conseiller spécial

 

Direction du budget :

– Mme Marie Chanchole, sous-directrice de la sixième sous-direction (secteurs de la santé, de l’emploi et de la formation professionnelle, de la solidarité et de l’insertion)

– M. Bruno Patier, chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux (6BRS)

– M. Arthur Corbel, adjoint au chef du bureau

– M. Tristan Quesnel, adjoint au chef de bureau

 

*

*     *


([1]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([2]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([3]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([4]) Annexe n° 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, page 103.

([5]) Les agents contractuels de la fonction publique relèvent du régime général pour leur retraite de base et de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour leur retraite complémentaire.

([6]) Voir l’article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([7]) C’est bien l’indice des prix à la consommation (IPC), mesuré depuis 1914, l’IPC base 2015 en étant la huitième génération, qui constitue l’instrument de mesure de l’inflation par défaut, et non l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) qui « est conçu expressément à des fins de comparaison internationale » et « ne remplace pas l’indice national qui reste l’indice de référence pour analyser l’inflation en France, avec l’indice d’inflation sous-jacente ».

([8]) Voir l’annexe n° 3 du présent rapport spécial.

([9]) Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation.

([10]) Le taux des retenues pour pensions, identique à celui des pensions des fonctionnaires civils, fixé à 11,10 %.

([11]) Le taux des contributions employeurs est fixé à 35,01 %.

([12]) Voir l’annexe n° 3 du présent rapport spécial.

([13]) Assemblée nationale, annexe n° 38 de M. Benoît Mournet au rapport n° 292 de M. Jean-René Cazeneuve, fait au nom de la commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2023, enregistré le 6 octobre 2022, pages 36 et suivantes.

([14]) Assemblée nationale, compte rendu de l’audition de M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites, par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ainsi que par la commission des affaires sociales, 19 janvier 2023, réunion de 13h30.

([15]) Cela est également valable pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière, les employeurs publics cotisant à hauteur de 30,65 % à la CNRACL, et 31,65 % à compter de 2024.

([16]) Haut-Commissariat au plan, « Retraites : une base objective pour le débat civique », décembre 2022.

([17]) M. Jean-Pascal Beaufret, « Retraites obligatoires et déficits publics – Pour la clarté », Commentaire, numéro 182, février 2023.

([18]) Chiffre issu de la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021 du compte d’affectation spéciale Pensions publiée par la Cour des comptes en mai 2022.

([19]) Chiffre issu de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

([20]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([21]) Le taux de la CNRACL est relevé de 30,65 % à 31,65 % à compter du 1er janvier 2024.

([22]) Conseil d’orientation des retraites, « Évolutions et perspectives des retraites en France », rapport annuel, juin 2023.

([23]) Conseil d’orientation des retraites, « Évolutions et perspectives des retraites en France », rapport annuel, septembre 2022.

([24]) Assemblée nationale, compte rendu de la commission d’évaluation des politiques publiques relatives aux missions Gestion des finances publiques ; Régimes sociaux et de retraite, Remboursements et dégrèvements et Crédits non répartis, réunion de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire du mardi 30 mai à 21 heures.

([25]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([26]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 de la mission Régimes sociaux et de retraite, avril 2023.

([27]) Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2023.

([28]) Voir l’annexe n° 1 du présent rapport spécial.

([29]) Compte tenu du montant de ses réserves, le régime spécial de la Banque de France sera, au moins à court terme, en capacité d’assurer son propre équilibre.

([30]) En application de l’article 3 de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([31]) Voir l’article 168 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([32]) Créé en 2010 par l’article 9 de la loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([33]) Le secteur des transports en commun sera ouvert à la concurrence à Paris et dans sa banlieue proche en 2025 pour le bus et en 2029 pour le tramway. Dans le cadre du « sac à dos social » prévu à l’article L. 3111-16-9 du code des transports, créé par l’article 158 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, les salariés de la RATP, en cas de changement d’employeur, auront la possibilité de quitter le groupe, et de cotiser au régime général en tant que salariés du secteur privé, tout en conservant leurs avantages liés au régime de retraite de la RATP.

([34]) Le régime des marins rassemble, d’une part, une branche vieillesse (équilibrée par l’État via la mission Régimes sociaux et de retraite) et, d’autre part, une branche maladie (équilibrée par la sécurité sociale).

([35]) Cour des comptes, « L’Établissement national des invalides de la marine, Exercices 2016-2021 », Observations définitives, délibéré le 9 janvier 2023, publié le 18 septembre 2023.

([36]) Voir l’annexe n° 4 du présent rapport spécial.

([37]) Selon le rapport de la Cour des comptes, les marins se répartissent ainsi : 45 % commerce, 39 % pêche, 12 % cultures marines et 3 % plaisance.

([38]) L’UMS est l’universal measurement system, utilisé au niveau international pour les navires d’une longueur supérieure à 24 mètres effectuant des voyages internationaux.

([39]) Voir l’annexe n° 5 du présent rapport spécial.

([40]) Voir l’annexe n° 6 du présent rapport spécial.

([41]) Cour des comptes, ibid., page 51.