N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 47
 

 

Travail et emploi

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Dominique DA SILVA

 

Député

____

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

SYNTHÈSE ET CHIFFRES CLÉS

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

INTRODUCTION

I. L’apprentissage : un succès quantitatif, un défi qualitatif

A. La loi du 5 septembre 2018 pour la libertÉ de choisir son avenir professionnel a posÉ les bases d’une croissance régulière du nombre d’apprentis en France

1. La libéralisation des centres de formation

2. Les nouvelles modalités de prise en charge des coûts de formation

3. L’évolution des aides aux employeurs d’apprentis

B. Les mesures exceptionnelles prises à compter de 2020 et prolongÉes depuis ont génÉrÉ une hausse significative du nombre d’apprentis, notamment dans le supérieur

1. L’aide « exceptionnelle » aux employeurs d’apprentis

a. Les caractéristiques de « l’aide exceptionnelle »

b. Les caractéristiques de la croissance de l’apprentissage

2. Le coût total des aides à l’apprentissage

C. À moyen terme, la question du contrat d’alternance unique pourrait se poser

II. LE ciblage DES CRéDITS DU PROGRAMME 102 AccÈs et retour À l’emploi sur les publics les plus vulnérables

A. Des allocations de solidaritÉ en diminution continue, conséquence de l’amélioration de la situation de l’emploi

B. des dispositifs d’insertion par l’activitÉ économique recentrés sur les publics les plus fragiles

C. Une meilleure inclusion dans l’emploi des personnes en situation de handicap permise par le financement substantiel des entreprises adaptées

D. Des moyens conséquents pour poursuivre l’accompagnement contractualisÉ des jeunes

E. La poursuite des Écoles de la deuxième chance

F. l’appel À la vigilance sur l’accroissement significatif des crédits consacrÉs À L’EXPÉRIMENTATION TERRITOIRES ZÉRO CHÔMEUR DE LONGUE DURÉE

G. Une subvention pour chargeS de service public stabilisée et Un plafond d’emploiS en hausse pour Pôle emploi dans la perspective de la réforme France travail

III. des besoins de financement en haut de cycle pour LE PROGRAMME 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

A. L’augmentation du financement des politiques portant sur la santé et la sécuritÉ au travail

B. L’ajustement des moyens consacrés à la Qualité et l’effectivité du droit

C. La forte croissance des crédits liés au Dialogue social et À la démocratie sociale

D. L’achèvement de la mise en œuvre des dispositifs pour renforcer la prévention en santé au travail

IV. Une légère hausse du plafond d’emplois et Des crédits pour le programme « support » de la mission Travail et emploi

A. L’augmentation des crÉdits de personnel et du plafond d’emplois

B. Les crÉdits hors titre 2

V. des dépenses fiscales rattachées À LA mission Travail et EMPLOI conséquentes dont la connaissance et le suivi doivent être améliorés

ExAmen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, seules 33 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances contre 87 % l’an passé.

Le rapporteur spécial s’émeut de cette situation, les réponses au questionnaire constituant une base indispensable à l’exercice de ses travaux. Certaines réponses lui parviennent encore début décembre. Il demande expressément au ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion d’y remédier, d’adresser au plus tôt les réponses toujours manquantes et de veiller l’an prochain à répondre dans les délais fixés par la LOLF.


   SYNTHÈSE ET CHIFFRES CLÉS

La politique de l’emploi et de la formation professionnelle est, depuis 2017, une priorité incontestable du Gouvernement. Les réformes menées ou en cours l’attestent : l’État est pleinement engagé pour permettre à chacun de vivre de son travail. Les résultats sont aujourd’hui visibles. Depuis 2017, l'économie française a créé 1,7 million d'emplois et le taux de chômage est passé de 9,5 % à 7,1 % de la population active. Le taux d'emploi n’a également jamais été aussi élevé : 68 % pour les 15-64 ans. Les taux d’emploi des jeunes et des séniors ont également progressé, témoignant que personne n’est laissé sur le bord de la route et que les politiques publiques ciblées portent leur fruit.

Le rapporteur spécial se félicite de ces résultats tangibles, mais ils ne doivent faire oublier le chemin qu’il reste à parcourir. Le taux de chômage est encore en France plus élevé que la moyenne européenne, où il s’établit à 6,1 %. Dans presque tous les secteurs d’activité, les entreprises se plaignent de grandes difficultés de recrutement. Le ministre du Travail Olivier Dussopt a rappelé devant la commission des affaires sociales du Sénat le 21 juin dernier que 60 % des entreprises industrielles déclarent avoir renoncé à augmenter leur activité faute de ressources humaines. Ce paradoxe nous interpelle légitimement et doit nous conduire à interroger l’efficience de notre politique publique, notamment sur le plan budgétaire.

En effet, jamais la puissance publique n’a autant investi, au plan financier, dans une politique de l’emploi. En 2022, l’exécution des crédits de la mission Travail et Emploi s’est élevée à 24,8 milliards d’euros en AE et 20,8 milliards d’euros en CP, soit respectivement + 57 % et + 42 % par rapport à la loi de finances initiale. De tels niveaux de dépense doivent nous permettre, en accompagnement des mesures d’amélioration du fonctionnement du marché du travail, d’atteindre l’objectif du plein-emploi en 2027. Cela nous impose de parvenir à faire baisser le taux de chômage à 5 %, ce qui revient à créer près de 700 000 emplois. Même si les dernières projections de la Banque de France indiquent une légère remontée du taux de chômage dans les mois à venir, la loi pour le plein-emploi, qui a été adoptée définitivement, constitue la dernière pierre d’un édifice solide et pertinent dans la lutte contre l’inemploi et l’exclusion.

Le principal enjeu pour 2024 et les années à venir portera sur notre capacité à maximiser l’efficacité d’une dépense qui n’a fait que croître, en menant une politique résolument tournée vers les personnes les plus durablement éloignées du marché du travail. En 2021, ce ne sont pas moins de 184 milliards d’euros qui ont été dépensés par l’État et les entreprises en faveur de l’emploi et du marché du travail ([1]).

De façon plus spécifique, au regard des dispositions du projet de loi de finances pour 2024 ainsi que des mesures de la loi pour le plein emploi, le rapporteur spécial fait part des observations suivantes :

 l’objectif qualitatif qui consiste à atteindre 1 million d’entrées en apprentissage d’ici à 2027 ne doit pas être atteint au détriment du ciblage nécessaire des aides sur les publics pour lesquels l’insertion sur le marché du travail nécessite plus d’accompagnement. Ce ciblage semble aujourd’hui insuffisant pour garantir la pérennité du soutien public ;

– la réduction des contrats aidés est cohérente avec l’évolution de la situation actuelle de l’emploi. Selon les derniers chiffres de la DARES, on compte encore 350 600 emplois vacants au troisième trimestre 2023 dans les entreprises de plus de 10 salariés.

– il convient de rester prudent quant aux prévisions de croissance et d’amélioration du marché du travail qui sous-tendent les orientations budgétaires. En effet, une part du financement de la réforme de France travail et l’accroissement des ressources de France compétences dépendent de l’assurance chômage et des marges gagées sur la diminution importante du nombre de chômeurs indemnisés. Il conviendra de réinterroger rapidement ces choix en cas d’évolution moins favorable que prévue ;

– enfin le rapporteur spécial estime que le Gouvernement doit davantage prendre en compte les différentes évaluations des dispositifs de soutien public. En méthode, le rapporteur spécial regrette que les parlementaires ne soient pas davantage associés aux pistes de réflexion budgétaires. Les rapports récents des inspections générales, de la DARES ou de la Cour des comptes portant sur les emplois francs, le financement des centres de formation des apprentis, la situation de France compétences, l’insertion par l’activité économique, ou encore les pactes régionaux d’investissement dans les compétences sont riches d’enseignements et certaines mesures devraient pouvoir être ouvertement travaillées avec les parlementaires.

 

 


Évolution des crÉdits
de la mission Travail et emploi

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

Programme 102 Accès et retour à l’emploi

7 640,4

7 425,9

– 3 %

7 443,1

7 432,2

0 %

Programme 103 Accompagnement des mutations économique et développement de l’emploi

11 888,2

14 555,9

22 %

12 642,4

14 319,7

13 %

Programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

73,7

184,6

150 %

110,5

110

0 %

Programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

686,6

700,3

2 %

681,1

699

3 %

Total

20 289

22 866,7

13 %

20 877

22 561

8 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

 

crÉdits de paiement par titre

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après le projet annuel de performances pour 2024.

 

 

 

 

 

 

Évolution des crÉdits de paiement par PROGRAMME

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après le projet annuel de performances pour 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


   PRINCIPALES RECOMMANDATIONS du rapporteur spÉcial

1. Cibler la politique d’aide à l’embauche d’apprentis vers les petites et moyennes entreprises et les personnes les moins qualifiées.

2. Moduler à la baisse les niveaux de prise en charge des contrats (NPEC) lorsque la formation en alternance proposée par le CFA s’effectue 100 % à distance.

3. Augmenter la subvention pour charges de service public de France compétences afin de lui permettre de mener une politique ciblée d'aide à l'investissement lourd, et en rendre compte au Parlement.

4. Réduire les diverses exemptions et exonérations au sein de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage (CUFPA).

5. Examiner la pertinence d’une fusion des contrats d’apprentissage et de professionnalisation en un contrat unique visant à promouvoir l’alternance tout au long de la vie.

6. Anticiper au mieux l’évolution du marché du travail sur le nombre d’allocataires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) et le financement de cette allocation.

7. Améliorer le ciblage et le pilotage des aides données aux structures d'insertion par l’activité économique (IAE).

8. Doter le fonds de développement de l’inclusion (FDI) pour accompagner l’innovation et la performance des structures présentes dans les territoires les plus en difficulté (quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et zones de revitalisation rurale (ZRR)).

9. Créer davantage de places au sein des Écoles de la deuxième chance (E2C) et favoriser la dynamique de professionnalisation du réseau.

10. Évaluer et consolider qualitativement l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) et en maximiser les effets positifs avant de poursuivre l’élargissement du dispositif à de nouveaux territoires.

 

11. Au regard du manque à gagner de plusieurs milliards d’euros dû au travail illégal, poursuivre le renforcement des effectifs de l’inspection du travail au-delà de 2024 en anticipant dès à présent les procédures de recrutement.

12. Évaluer régulièrement et mieux connaître les dépenses fiscales associées à la mission Travail emploi.

13. Rapprocher les politiques de l’emploi et du logement des salariés.

 


   INTRODUCTION

Les crédits demandés sur la mission Travail et emploi connaissent une progression de près de 13 % en autorisations d’engagement (AE) et de 8 % en crédits de paiement (CP) pour atteindre respectivement 22,87 et 22,56 milliards d’euros. Elle compte quatre programmes, dont les deux premiers financent la politique de l’emploi.

Le programme 102 Accès et retour à l’emploi structure l’aide aux demandeurs d’emploi. La stabilité des CP et la diminution de 214 millions d’euros des AE du programme s’expliquent par des évolutions contrastées. La suppression de près de 30 000 contrats aidés s’ajoute à la diminution de 122 millions d’euros des allocations versées par Pôle emploi du fait de l’amélioration du marché du travail ainsi qu’à la diminution du coût des contrats d’engagement jeune (CEJ). Ces baisses sont partiellement compensées par une augmentation du soutien à l’insertion par l’activité économique, soit un accroissement de 184 millions d’euros et au renforcement de 50 % du soutien à l’expérimentation « territoires zéro chômeur ». Enfin, il convient de mentionner la création d’une dotation de 170 millions d’euros visant à financer la contractualisation d’accompagnement des bénéficiaires du RSA dans le cadre de la création de France Travail.

Le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi porte l’essentiel de la hausse des crédits de la mission, avec une augmentation de près de 2,7 milliards d’euros en AE et 1,7 milliard d’euros en CP. Cet accroissement traduit le soutien du Gouvernement à la dynamique de l’alternance. Il convient de noter en particulier que :

– la subvention pour charge de service public (SCSP) de l’opérateur France compétences est revalorisée de 820 millions d’euros ;

– l’aide aux employeurs d’apprentis augmente de 1,8 milliard d’euros en AE et de 229 millions d’euros en CP ;

– les compensations d’exonérations sociales liées à l’apprentissage s’accroissent de 310 millions d’euros en AE et CP.

Le programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail vise à l’amélioration des conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel par la qualité du droit et sa diffusion, le contrôle de sa mise en œuvre, le conseil et l’appui au dialogue social. Les crédits dédiés au financement du dialogue social augmentent de 133 millions d’euros en AE du fait de la signature de la nouvelle convention triennale qui permet de soutenir les partenaires sociaux dans l’exercice de leurs missions d’intérêt général.

Le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail constitue le programme « support » du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. Les crédits du programme connaissent une augmentation modérée notamment pour financer des campagnes nationales de communication, et moderniser des systèmes d’information du ministère.

Ces niveaux de dépenses sont historiques. Ils indiquent bien le cap qui est celui du Gouvernement : le plein-emploi. Tous les programmes voient leurs crédits progresser, à l’exception du programme 102 Accès et retour à l’emploi, dont les besoins se réduisent sous l’effet de l’amélioration de la situation du marché du travail.

En 2024, les principaux enjeux qui relèvent du champ de la mission Travail et emploi sont :

– la politique menée en faveur de l’alternance, et plus spécifiquement de l’apprentissage ;

– la création de France Travail et son financement dans le cadre d’une succession de réformes majeures du marché du travail menées depuis 2017.

Enfin, le rapporteur spécial souhaite en introduction pouvoir préciser les contours du budget de la mission Travail et emploi, dont il constate la relative complexité et la multiplicité des dispositifs financés.

Selon les derniers chiffres de la DARES précités, les dépenses que la collectivité consacre à la défense de l’emploi et au soutien du marché du travail sont très importantes : près de 184 milliards d’euros. Ces dépenses permettent :

– d’inciter à l’embauche pour 80 milliards d’euros (primes à l’embauche, exonérations de cotisations, contrats aidés...) ;

– de soutenir les revenus en cas de privation d’emploi pour 62 milliards d’euros (activité partielle, allocations-chômage, préretraite…) ;

– de financer des formations pour 24 milliards d’euros (compte personnel de formation, alternance, dotations aux régions…) ;

– d’inciter à l’activité pour 11 milliards d’euros : (prime d’activité, aide à la création ou à la reprise d’entreprises...) ;

– de financer l’accompagnement des demandeurs d’emploi pour 6 milliards d’euros (dotations à Pôle emploi, aux missions locales…).

La mission Travail et emploi représente budgétairement moins de 12 % de cet ensemble, avec 22,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.

On constate que le tiers du soutien public est constitué d’exonérations de charges sociales, pour plus de 60 milliards d’euros. La priorité est donc donnée aux dépenses d’incitation à l’embauche. Le deuxième bloc de crédits recouvre les dépenses de l’Unédic consacrées à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, pour près de 50 milliards d’euros.

Lorsqu’une attention particulière est portée sur les dépenses qui relèvent des deux principaux programmes 102 et 103 de la mission Travail et emploi, un entremêlement de dépenses de toutes natures est observé, constitué à la fois d’exonérations de charges sociales, d’aides à l’activité, d’une partie du soutien à la formation et aux revenus, ainsi que de la quasi-totalité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

La mission Travail et emploi ne finance donc en totalité, à elle seule, aucune catégorie de dépenses, ce qui rend la compréhension de cette politique publique extrêmement complexe. Cet aspect sera étudié plus en détail dans le cas du financement de l’apprentissage.

Le tableau de nomenclature de la DGEFP, transmis chaque année au rapporteur, liste pas moins de 175 dispositifs et sous-dispositifs particuliers. Là encore, il est difficile pour le Parlement de mesurer avec précision l’efficacité des mesures existantes et de leurs multiples déclinaisons en fonction des publics visés. La lisibilité pour les publics bénéficiaires est également amoindrie par un ensemble très dense de dispositifs dont la finalité est parfois proche.

À l’heure où les tensions de recrutement sont importantes, l’accompagnement des demandeurs d’emploi pourrait bénéficier d’un renforcement de ses moyens, en compensation d’une diminution des aides incitant à l’embauche. Le rapporteur spécial a ainsi proposé deux amendements visant à réduire les aides à l’embauche d’apprentis ainsi que les aides à l’embauche des habitants des quartiers prioritaires de la ville, considérant qu’un meilleur ciblage de la dépense publique pourrait être effectué au profit de l’accompagnement des chômeurs de longue durée et du soutien aux petites structures d’insertion par l’activité économique.

Il regrette que ces propositions n’aient pas été reprises par le Gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 49.3 de la Constitution, mais ne doute pas que ces sujets seront à l’ordre du jour des discussions menées par le Gouvernement avec les partenaires sociaux, dans la perspective notamment du projet de loi de finances pour 2025.


I.   L’apprentissage : un succès quantitatif, un défi qualitatif

Le programme 103 Accompagnement des mutations économique et développement de l’emploi est dominé, en 2024 par les enjeux de l’alternance. Le rapporteur spécial a choisi de concentrer son analyse sur ce sujet et renvoie, pour ce qui est de l’analyse des crédits des autres dispositifs, aux documents annexés au projet de loi de finances.

Sur un plan strictement budgétaire, l’alternance ne constitue pas la principale dépense du programme 103, comme l’indique le tableau d’évolution des crédits ci-dessous. Toutefois, son poids relatif au sein du programme 103 a considérablement augmenté depuis 2020, sous l’effet de la croissance du nombre de bénéficiaires et de la réintégration en 2023 de dépenses exceptionnelles, désormais pérennisées, initialement portées par le programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance.

Évolution en 2024 DES CRÉDITS du programme 103 par rapport À la LFI pour 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

01  Développement des compétences par l'alternance

1 116,6

5 975,8

+ 435,17 %

951,5

5 572,5

+ 485,63 %

02  Formation professionnelle des demandeurs d'emploi

5 548,6

1 157,4

 79,14 %

6 746,1

1 542,9

 77,13 %

03 – Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi

3 638,6

557,9

 84,67 %

3 642

542,6

 85,1 %

04 – Financement des structures de la formation professionnelle et de l'emploi

1 584,4

2 673,7

+ 68,75 %

1 302,6

2 666,3

+ 104,68 %

05  Actions pour favoriser la mise en activité professionnelle des demandeurs d'emploi

-

4 191,1

-

-

3 995,3

Totaux

11 888,2

14 555,9

+ 22,44 %

12 642,4

14 319,7

+ 13,27 %

Source : projet annuel de performances pour 2024.

Il est à noter que la maquette du programme 103 a été modifiée, ce qui explique la variation importante des crédits de l’action 01. Cette dernière vise désormais à mettre en avant et à regrouper les crédits dédiés à l’alternance, qui figuraient sur d’autres actions du programme, hormis la subvention à l’opérateur France compétences qui reste retracée sur la sous-action 04.

Le visage de l’apprentissage en France a radicalement changé au tournant de l’année 2020. Les mesures prises en faveur de l’emploi dans le cadre de la crise sanitaire liée à la diffusion du Covid-19 sont revenues sur une grande partie des principes qui avaient été posés dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([2]).

Entrées en apprentissage et en contrat de professionnalisation
entre 2017 et 2023

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023(p)

Apprentissage (secteurs public et privé confondus)

Entrées

305 271

321 038

368 968

530 399

733 220

837 000

686 869

Progression par rapport à l’année précédente

6 %

8 %

15 %

44 %

38 %

14 %

5 %

Apprentis au 31 décembre

425 953

446 041

499 620

669 428

892 086

980 000

_

Contrat de professionnalisation

Entrées

209 277

235 401

218 697

112 742

120 562

120 998

77 856

Progression par rapport à l’année précédente

7 %

12 %

– 7 %

– 48 %

7 %

0 %

– 8 %

Nombre de contrats au 31 décembre

251 100

278 100

269 200

166 500

136 500

135 800

_

Pour 2023, il s’agit des chiffres à la date du 30 septembre, et le pourcentage indique le glissement annuel.

Source : commission des finances d’après les statistiques de la DARES.

Ainsi, il convient de distinguer deux périodes :

– l’année 2019, marquée par une hausse importante du nombre d’apprentis, en grande partie liée aux mesures de la loi de 2018, même si ces dernières n’étaient pas toutes entrées en vigueur ;

– les années 2020 et 2021, qui connaissent une hausse encore plus appuyée dans laquelle se mêlent les effets de la réforme et ceux des aides exceptionnelles mises en place pendant la crise sanitaire.

A.   La loi du 5 septembre 2018 pour la libertÉ de choisir son avenir professionnel a posÉ les bases d’une croissance régulière du nombre d’apprentis en France

Selon ses promoteurs, auditionnés par le rapporteur spécial, la loi de 2018 visait à « débureaucratiser » l’apprentissage. Cette loi fut une incontestable réussite, même si les mesures prises à partir de 2020 sont venues profondément modifier les principes qui avaient été adoptés deux ans auparavant.

La loi du 5 septembre 2018 a opéré trois évolutions majeures en matière d’organisation de notre système de soutien à l’alternance :

– la modification des modalités de prise en charge des coûts de formation

– la libéralisation des centres de formation des apprentis ;

– la création d’une aide unique aux employeurs d’apprentis, rassemblant les aides existantes.

Il est à noter que la loi a également institué un nouvel opérateur, France compétences, chargé d’un rôle de financeur et de régulateur au moyen de la détermination des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage, du financement des régions pour soutenir les centres de formation des apprentis (CFA) et le développement économique territorial et du financement des opérateurs de compétences (OPCO) pour la promotion de l'alternance.

1.   La libéralisation des centres de formation

Les ouvertures de CFA sont désormais libres, sous réserve d’une simple déclaration d’activité à la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et du respect des obligations liées au contrôle qualité.

La procédure d’enregistrement et de contrôle a priori du contrat d’apprentissage auprès des chambres consulaires est quant à elle remplacée par un simple dépôt auprès de l’opérateur de compétences, désormais chargé de la prise en charge financière.

Cet assouplissement s’est traduit par une extension de l’offre de formation de 1 200 CFA ouverts fin 2019 à 1 830 CFA à fin août 2020, et plus de 3 000 fin 2022. Le rapporteur spécial souligne le succès indéniable des dispositions de la loi de 2018 en la matière, mais appelle maintenant à la vigilance et à appréhender les éventuels effets d’aubaine.

Ainsi, en lien avec les développements précédents relatifs aux niveaux de prise en charge des contrats (NPEC), il considère que les centres dispensant des formations 100 % digitalisées ne peuvent être traités à la même enseigne que ceux dispensant des formations physiques.

C’est pourquoi il a déposé un amendement, voté par la commission des Finances mais non repris par le Gouvernement, visant à moduler à la baisse les NPEC lorsque la formation proposée s’effectue 100 % à distance. Dans un souci de rationalisation de la dépense publique, il conviendrait en effet de prendre en compte les économies d’échelle et les moindres dépenses pour les centres et les écoles qui utilisent cette modalité d’enseignement.

Le rapporteur spécial espère que la concertation lancée par le Gouvernement permettra de traiter cette importante question.

2.   Les nouvelles modalités de prise en charge des coûts de formation

La prise en charge du financement des formations a elle aussi été profondément remaniée par la loi de 2018. Depuis le 1er janvier 2020. Les CFA sont financés au contrat, en fonction de leur activité, et non plus par voie de subventions.

Le NPEC est désormais déterminé au niveau du contrat par les branches, et fait ensuite l’objet de recommandations de France compétences. Lorsque les branches n’ont pas fixé les modalités de prise en charge du financement de l’alternance ou, lorsque ces modalités ne convergent pas vers les recommandations émises par France compétences, le niveau de prise en charge des contrats de professionnalisation ou d’apprentissage est fixé par l’État, par arrêté.

Le montant consacré par France compétences à la prise en charge des « coûts-contrats » pourrait s’élever à 10,3 milliards d’euros en 2023, selon un récent rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales ([3]). Ce montant dépasse à lui seul les ressources fiscales destinées au développement de la formation professionnelle et l’alternance.

La Cour des comptes semble d’ailleurs considérer que la dépense liée aux NPEC est la principale source du déficit de financement de l’apprentissage (cf infra, analyse du coût total de la politique de soutien à l’alternance).

Selon l’article D. 6332-78 du code du travail, ces NPEC ne sont pas censés couvrir l’intégralité des charges des CFA, mais uniquement les charges suivantes :

– la conception, la réalisation et l’évaluation des enseignements ;

 la réalisation des missions d'accompagnement et de promotion de la mixité ;

– le déploiement des démarches nécessaires pour obtenir la certification Qualiopi, exigée pour tous les CFA depuis le 1er janvier 2022 ;

– les investissements dans les équipements qui participent à la mise en œuvre des enseignements dispensés par apprentissage ainsi qu'à l'ingénierie pédagogique sont pris en compte par les NPEC dès lors que leur durée d'amortissement n'excède pas trois ans.

France compétences, dans son premier rapport sur l’utilisation des fonds de la formation professionnelle publié en janvier 2023, considère toutefois que le coût de revient d’un apprenti est, par le biais des NPEC, couvert à 90 % et que les charges de fonctionnement sont quant à elles prises en charge à 100 %.

En 2021, le coût moyen au sens du NPEC s’est élevé à 6 974 euros, en hausse de + 5 % par rapport à 2020.

Les régions se sont vues retirer une grande partie de leurs compétences en la matière. Elles ne décident plus de la carte des formations par apprentissage ni du « schéma prévisionnel de développement de l’apprentissage ». Sur le plan budgétaire, les régions bénéficiaient avant la réforme de 51 % du produit de la taxe d’apprentissage. Aujourd’hui, la nouvelle contribution unique au financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle (CUFPA) est entièrement versée à France compétences. Toutefois, les régions bénéficient toujours de deux enveloppes, fongibles, visant à financer les investissements lourds et certains frais de fonctionnement des centres de formations. Ces enveloppes leur sont versées par France compétences, et représentent un montant annuel de 318 millions d’euros.

Le rapporteur spécial regrette le manque de traçabilité et de suivi de ces dotations versées aux régions, qui s’articulent mal avec les nouvelles modalités de financement des contrats d’apprentissage. La distinction des financeurs en matière d’amortissements est sujette à caution. Le financement des CFA, que ce soit en matière d’investissements ou de fonctionnement, gagnerait en lisibilité et en efficacité s’il pouvait être centralisé au niveau de France compétences. C’est pourquoi le rapporteur spécial avait préconisé par voie d’amendement une augmentation de la subvention pour charges de service public de France compétences afin de lui permettre de mener une politique ciblée d'aide à l'investissement lourd, et d'en rendre compte au Parlement. Cette dotation, d’un montant modeste eu égard aux dépenses totales en faveur de l’apprentissage, était calibrée sur la perte annoncée par ces CFA à la suite de la minoration des NPEC qui est intervenue en 2022 et 2023, soit 30 millions d’euros. Il regrette que cette proposition n’ait pas été adoptée par la commission des Finances.

Cette procédure de prise en charge des coûts de formation, plus juste en théorie, et plus précise, est aussi incroyablement complexe. Le Gouvernement est conscient que cette situation nuit à la prévisibilité et à la stabilité du système de financement. Par ailleurs, le rapporteur spécial regrette que ce mécanisme ne permette pas à France compétences de soutenir plus particulièrement les CFA les plus isolés, ou ceux qui forment aux métiers stratégiques pour la France de 2030. Il a été indiqué au rapporteur spécial qu’une large consultation est en cours, avec les représentants de réseaux de CFA ainsi que les chambres des métiers, afin d'envisager les pistes d'amélioration de ce processus.

Dans un rapport publié en septembre 2023, l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générales des finances ont porté un regard relativement sévère sur ce mode de financement des contrats d’apprentissage, en le jugeant « surdimensionné » et « inflationniste ». Le rapporteur spécial souscrit à certaines pistes de réformes présentées par les inspections, comme par exemple la limitation des dépenses fiscales au sein de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage (CUFPA). Il déplore ne pas avoir pu obtenir d’éléments chiffrés précis sur les différentes catégories d’entreprises exonérées, ni sur les aides à l’embauche que ces dernières perçoivent malgré ces allègements fiscaux.

Le rapporteur spécial trouve également pertinente la recommandation portant sur la minoration des NPEC pour les niveaux de formation 6 à 8 (niveau Bac + 3 et supérieurs), au bénéfice des CFA formant des apprentis de niveau inférieur, dont le déficit d’attractivité est plus important ([4]). Enfin, les inspections générales esquissent un nouveau modèle de prise en compte des investissements, plus conforme aux préoccupations énoncées supra, visant à intégrer la dotation actuellement versée aux régions au budget de France compétences. Le rapporteur spécial est également sensible à cette idée.

De manière générale, le rapporteur spécial est favorable aux mesures qui permettraient de mieux cibler cette politique publique, afin d’éviter d’un côté des aides trop généreuses, et de l’autre des restrictions budgétaires trop indifférenciées.

D’ailleurs, eu égard aux dépenses très importantes liées à la prise en charge des frais de formation des apprentis, et afin de s’approcher davantage du « juste prix », le Gouvernement a procédé à une diminution de 2,7 % des NPEC à l’été 2022, soit une économie en année pleine d’environ 300 millions d’euros, puis de nouveau de 5 % en septembre 2023, pour une économie estimée à 500 millions d’euros. Ces diminutions n’ont porté que sur les certifications dont le niveau de prise en charge était supérieur au coût observé, en prenant en compte l’inflation, mais il n’en reste pas moins qu’elles ont pu toucher plus durement certains CFA « des métiers de la main », notamment en milieu rural.

Si le rapporteur spécial souscrit à cette décision de minoration des NPEC, il considère que France compétences doit être mieux outillée pour piloter la politique dont elle est le régulateur, dans le respect des orientations gouvernementales et avec un haut degré de performance des dépenses publiques engagées. Comme l’ont indiqué les inspections générales dans un rapport de 2020 sur le financement de l’alternance ([5]), les outils de régulation prévus ne sont pas totalement adaptés à la situation. Ainsi, France compétences ne peut pas assurer de façon réactive une réduction du niveau moyen de prise en charge nécessaire à l’équilibre financier du système, tout en garantissant que les CFA les moins attractifs ne soient pas durement touchés.

3.   L’évolution des aides aux employeurs d’apprentis

L’aide unique mise en place par la réforme de 2018 a remplacé les aides qui existaient avant le 1er janvier 2019, à savoir :

–  la prime à l’apprentissage réservée aux entreprises de moins de 11 salariés, d’un montant de 1 000 euros minimum par année de formation ;

– l’aide supplémentaire à l’apprentissage, d’au moins 1 000 euros également, accordée aux entreprises de moins de 250 salariés embauchant un apprenti supplémentaire ;

– le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage ;

– l’aide TPE jeunes apprentis, d’au maximum 4 400 euros, réservée aux entreprises de moins de 11 salariés.

Cette aide unique, plus généreuse en montant, était versée pour toute la durée du contrat et attribuée à hauteur de :

– 4 125 euros maximum pour la première année d'exécution du contrat d'apprentissage ;

– 2 000 euros maximum pour la deuxième année d'exécution du contrat d'apprentissage ;

– 1 200 euros maximum pour la troisième année d'exécution du contrat d'apprentissage.

La nouvelle aide unique connaissait deux limites absolument essentielles à la compréhension de la situation actuelle : elle concernait uniquement les entreprises de moins de 250 salariés et ne bénéficiait qu’aux contrats d'apprentissage visant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat.

La suppression de ces deux verrous dans le cadre des mesures prises lors de la crise sanitaire, et surtout leur prolongation depuis, a conduit à un véritable changement de philosophie de notre politique d’aide à l’apprentissage.

B.   Les mesures exceptionnelles prises à compter de 2020 et prolongÉes depuis ont génÉrÉ une hausse significative du nombre d’apprentis, notamment dans le supérieur

Face à la perspective de l’arrivée sur le marché du travail d’une nouvelle génération de 750 000 jeunes sortant du système scolaire en septembre 2020 et dans un contexte économique dégradé par la crise sanitaire, le Gouvernement a annoncé, le 23 juillet 2020, un ensemble de mesures appelé « plan #1jeune1solution ».

La crise sanitaire a fait craindre un effondrement du taux d’emploi des jeunes. Il était indispensable de prévenir ce risque et en ce sens, les dix milliards d’euros du plan #1jeune1solution étaient nécessaires.

En ce qui concerne l’alternance, le plan a consisté en la suppression de l’aide unique décrite supra, pour la transformer en une prime exceptionnelle, désormais accessible à la quasi-totalité des employeurs d’apprentis.

1.   L’aide « exceptionnelle » aux employeurs d’apprentis

Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans, aujourd’hui de 16,2 %, s’établissait à la veille de la crise sanitaire à plus de 21 %. Les caractéristiques intrinsèques des emplois occupés par des populations plus jeunes les rendaient plus vulnérables aux conséquences néfastes de la crise sanitaire, d’autant que cette dernière a plus durement frappé les secteurs habituellement pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes.

Aussi, le plan#1jeune1solution a introduit de nouvelles mesures favorisant l’accès à une expérience professionnelle, avec deux aides exceptionnelles à l’embauche : l’une pour les jeunes, quel que soit leur profil, d’un montant de 4 000 euros, l’autre pour le recrutement d’alternants, qui a remplacé l’aide unique à l’apprentissage.

a.   Les caractéristiques de « l’aide exceptionnelle »

L’article 76 de la première loi de finances rectificative pour 2020 ([6]) a permis la mise en place de cette aide exceptionnelle, plus généreuse que l’aide unique à trois égards :

– quant aux entreprises éligibles : les entreprises de toutes tailles sont éligibles, à la condition toutefois pour les plus de 250 salariés de justifier d’un nombre minimal d’apprentis dans leurs effectifs, ou d’une croissance minimale de ce nombre sur une période donnée ;

– quant au niveau de diplôme préparé par l’apprenti : désormais, les niveaux post-bac ouvrent droit à l’aide, jusqu’au niveau 7 de la Commission nationale de la certification professionnelle, soit bac + 5 ;

 quant à son montant : pour les contrats conclus à compter du 1er juillet 2020 et jusqu’au 28 février 2021, l’aide était égale à 5 000 euros maximum pour un apprenti de moins de 18 ans, et 8 000 euros maximum pour un apprenti majeur, versée uniquement pour la première année d’exécution du contrat d’apprentissage.

Cette aide a été prolongée d’un mois tout d’abord, jusqu’au 31 mars 2021 ([7]), puis jusqu’à la fin de l’année 2021 ([8]), puis jusqu’au 30 juin 2022 ([9]), puis jusqu’à la fin de l’année 2022 ([10]), puis de nouveau jusqu’au 31 décembre 2023 ([11]). Cette dernière prolongation, qui devrait d’ici quelques semaines être suivie d’une nouvelle, a en outre modifié les modalités d’attribution de l’aide.

Pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2023, l’aide est égale à 6 000 euros pour la première année d’exécution du contrat, quel que soit l’âge de l’apprenti. Les autres caractéristiques restent inchangées. Il est difficile de connaître les conséquences budgétaires précises de cette mesure qui semble toutefois avoir eu pour unique objet de limiter le niveau global d’aide.

Enfin, il convient de noter que pour les contrats signés jusqu’au 31 décembre 2022, pour les apprentis qui y étaient éligibles, l’aide exceptionnelle remplaçait l’aide unique la première année du contrat, puis l’aide unique reprenait avec des montants inchangés les 2e et 3e années pour les contrats de plus d’un an. Cette possibilité a disparu au 1er janvier 2023, seule demeurant l’aide exceptionnelle ([12]).

Selon M. Bruno Coquet, économiste et chercheur à l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), un tel niveau de subvention est inédit : « rien d’équivalent n’a jamais été alloué à des contrats aidés, même dans le secteur non-marchand, même pour des jeunes rencontrant des difficultés d’insertion dans l’emploi » ([13]). Il relève en effet que l’aide exceptionnelle couvre 100 % du salaire d’un apprenti de moins de 21 ans, 80 % entre 21 à 25 ans révolus et près de 45 % du salaire à partir de 26 ans, alors que les contrats d’apprentissage bénéficient déjà des allégements généraux de cotisations sociales patronales, tout en étant exonérés de cotisations sociales salariales, de CSG, de CRDS et d’impôt sur le revenu.

Un tel soutien était indispensable au moment de la crise sanitaire, et très probablement aussi au cours de l’année 2022. Toutefois, le sujet est posé bien différemment depuis le 25 janvier 2023, date à laquelle le président de la République a réaffirmé avec force l’objectif d’atteindre d’ici 2027 un million d’entrées annuelles en apprentissage, objectif qui avait été fixé une première fois au début de son premier quinquennat. Pour cela, le président a solennellement indiqué, lors de la traditionnelle galette de l’Épiphanie le 25 janvier dernier à l’Élysée, que la prime exceptionnelle de 6 000 euros pour l'embauche d'un alternant sera maintenue jusqu'à la fin du quinquennat. Ces propos ne sont pas exclusifs d’un éventuel ciblage des aides sur les publics prioritaires de la politique de l’emploi.

Avec le régime actuel, l’enjeu n’est plus tant de soutenir l’emploi des jeunes face à une menace de destruction massive d’emploi, que de parvenir à atteindre l’objectif ambitieux du million d’apprentis ([14]). La croissance constatée depuis 2021 montre que nous ne sommes pas loin, avec 837 00 entrées en apprentissage en 2022 pour un stock de contrats au 31 décembre 2022 de près de 980 000. Il est toutefois intéressant de regarder de plus près les ressorts de cette croissance, et ses caractéristiques. Pour le rapporteur spécial ce pari du million est déjà gagné quoiqu’il arrive si l’on considère les nouvelles entrées en alternance sans la condition d’âge, soit 957 998 primo alternants en 2022.

b.   Les caractéristiques de la croissance de l’apprentissage

Les caractéristiques de l’aide exceptionnelle ont induit une rupture dans la structure des entrées par âge et par niveau de diplôme préparé, comme le démontrent les séries longues de la DARES et notamment les « caractéristiques des entrées en apprentissage entre 1992 et 2022 », accessibles sur le site internet du ministère du Travail. Des étudiants auparavant inéligibles à l’aide unique ont été embauchés en très grand nombre. Le tableau suivant, issu de la note précitée de M. Bruno Coquet, est particulièrement évocateur. Bien que la croissance dans le secondaire soit inédite et ne doive pas être occultée, l’enseignement supérieur est le grand gagnant de ces nouvelles modalités de financement.

Nombre d’entrées en apprentissage en fonction du niveau de diplôme préparé entre 2008 et 2022

Source : Note de l’OFCE du 14 juin 2023, à partir des données de la DARES.

L’accélération très nette des entrées en apprentissage dans le supérieur à compter de la rentrée de septembre 2020 est bien entendu liée à l’élargissement des aides à l’embauche. Néanmoins, le rapporteur spécial souhaite insister sur le fait que les avancées de la réforme de 2018 avaient d’ores et déjà permis d’amorcer une courbe particulièrement favorable. À ce titre, il est frappant de constater qu’en 2019 l’essentiel de la hausse par rapport à 2018 provient des apprentis préparant un diplôme de l’enseignement supérieur (+39 000, +32 %), alors que les entreprises étaient encore inéligibles à l’aide à l’embauche. De même, la croissance des entrées est similaire dans les entreprises de plus ou de moins de 250 salariés, alors que les entreprises de + de 250 salariés sont hors champ de l’aide unique en 2019 ([15]).

Ainsi, il est probable que l’aide exceptionnelle n’ait fait que doper une tendance de long terme de l’apprentissage, voire du marché du travail tout entier : la désaffection pour certaines formations et certains métiers, et l’élévation régulière du niveau d’étude des jeunes.

L’apprentissage est ouvert au-delà du baccalauréat depuis la réforme portée par Philippe Séguin en 1987 ([16]). L’objectif était clairement de moderniser l’image de l’apprentissage et d’inciter les grandes entreprises à s’impliquer davantage dans la formation d’apprentis.

Depuis cette date, l’apprentissage dans le supérieur a connu une croissance régulière. En 1993, seuls 2 % des apprentis préparaient un diplôme d’un niveau 5 ou plus. En 2006, cette proportion monte à 10 %, et en 2017 plus de 20 % des apprentis sont des étudiants du supérieur. Cinq ans après ils sont 38 % dans ce cas.

Entre 2005 et 2021, le nombre d’apprentis préparant un diplôme de l’enseignement supérieur a bondi de + 580 %, cette augmentation s’élevant à + 1 220 % pour les étudiants préparant spécifiquement un master.

Lorsque l’on regarde spécifiquement les chiffres pour 2021-2022 concernant justement les apprentis préparant un master, on constate que les spécialités préparées concernent à 70 % les services, à 20 % les domaines disciplinaires comme les sciences humaines, les mathématiques, les lettres ou les arts, quand seulement 10 % choisissent les spécialités de la production ([17]).

En Île-de-France, 78 % des apprentis préparent un diplôme du supérieur.

Peut-on parler d’un dévoiement de l’apprentissage ? S’agissant d’une tendance générale, il serait tout à fait excessif d’être aussi catégorique. En revanche, le rapporteur spécial remarque que :

 les taux d’emploi des étudiants du supérieur sont sans commune mesure avec ceux des niveaux inférieurs, comme l’indiquent le tableau infra et les analyses du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) ([18]) ;

 les effets bénéfiques de l’apprentissage sur le taux d’emploi diminuent fortement avec l’élévation du niveau de diplôme préparé, comme en témoignent les données publiées par la conférence des grandes écoles qui fait état de taux d’insertion dans l’emploi relativement similaires entre la voie scolaire et la voie de l’apprentissage et comme l’attestent également les enquêtes du Céreq ;

 la politique actuelle ne permet pas de favoriser les spécialités ou les filières jugées comme étant prioritaires au regard des objectifs du plan France 2030 ou bien au regard de la liste des secteurs présentant de grandes tensions de recrutement en veillant à faire le lien avec l’économie et les mobilités locales.

Cela ne signifie en aucun cas que l’apprentissage dans le supérieur n’a pas sa place, bien au contraire. En effet, la réussite aux diplômes des apprentis est particulièrement plus élevée que celle des étudiants scolaires en master et en école de commerce (+ 18 points) : 97 % des apprentis en dernière année de master obtiennent leur diplôme contre 79 % pour les scolaires. En école de commerce, 89 % des apprentis en dernière année obtiennent leur diplôme, proportion qui s’établit à 71 % chez les étudiants scolaires ([19]). Par ailleurs, l’insertion dans l’emploi des apprentis, y compris du supérieur, est plus rapide et se fait à de meilleures conditions.

La question n’est donc pas celle de la pertinence de l’apprentissage dans le supérieur, mais bien celle de la pertinence de l’aide à l’embauche pour cette catégorie d’apprentis, et surtout pour les plus grandes entreprises qui les emploient.

Taux de chÔmage selon le niveau de diplÔme et la durÉe
depuis la sortie de formation initiale en 2022

Source : Insee, enquête Emploi, mars 2023.

Comparaison des trajectoires professionnelles selon la voie de formation

Source : Céreq, Enquête Génération 2013 (menée en 2016).

Aussi, l’objectif de la politique publique doit être d’orienter les comportements des entreprises et des jeunes de façon à ce que l’efficacité de la dépense publique en matière d’emploi soit la plus élevée pour les personnes qui en ont le plus besoin.

Certains analystes sont particulièrement critiques. On peut citer M. Jean-Jacques Arrighi ([20]) qui écrit notamment que « l’idée séduisante et consensuelle selon laquelle le simple développement de l’apprentissage sans objectifs explicites et précis est une arme efficace pour combattre le chômage des jeunes est infirmée par son histoire récente. D’une part les entreprises préfèrent de loin la flexibilité des contrats précaires pour intégrer les jeunes et, d’autre part, quand il se développe, l’apprentissage concerne des segments de qualification où les jeunes, s’ils connaissent des problèmes de déclassement bien réels, ne rencontrent que peu de difficultés pour accéder à l’emploi ».

Le rapporteur spécial reconnaît que l’absence de ciblage de la politique d’aide à l’apprentissage conduit à accentuer le comportement de certaines entreprises opportunistes, qu’il faudrait contrer.

Depuis la crise sanitaire, si l’attractivité de l’apprentissage est demeurée à peu près inchangée pour la cible prioritaire des jeunes sortis sans diplôme ni qualification du système scolaire ; elle s’est très fortement accrue pour les étudiants du supérieur car leurs études, parfois onéreuses, sont alors en partie financées par France Compétences en plus du salaire qu’ils perçoivent et des droits sociaux dont ils bénéficient au même titre que les autres salariés.

Mais justement, quel est le coût de cette politique publique ?

2.   Le coût total des aides à l’apprentissage

Cet exercice de comptabilisation des dépenses liées à l’apprentissage n’est pas aussi simple qu’il y paraît au premier abord.

En effet, plusieurs mécanismes concourent au développement de l’apprentissage et sont de nature très diverses : aides directes aux entreprises, financement des centres de formation, dotation de l’État aux régions, exonérations de charges ou d’impôt sur le revenu, pour les principales dépenses. Le rapporteur spécial a choisi de ne pas détailler les coûts indirects ou différés de l’apprentissage, à savoir la validation de trimestres de retraite pour les années passées en apprentissage, et l’ouverture de droits aux allocations-chômage pour les apprentis ([21]).

Sur le périmètre des seules dépenses publiques immédiates, les chiffrages varient assez sensiblement en fonction des organismes.

France compétences avance pour 2021 un montant égal à 21,6 milliards d’euros, dans son rapport sur l’usage des fonds de la formation professionnelle, publié en 2022. Le poids des dépenses pour l’apprentissage atteindrait ainsi 0,8 % du produit intérieur brut (PIB). Ce chiffrage prend toutefois en compte le salaire des apprentis versé par les entreprises, ce qui est probablement excessif.

Interrogée par le rapporteur spécial, la DARES a présenté un montant plus conforme à la réalité du soutien public de 11,1 milliards d’euros en 2021 et de 13,5 milliards d’euros en 2022 ([22]).

La DGEFP, à travers la publication du jaune budgétaire sur la formation professionnelle chiffre les montants totaux dédiés au financement de l’apprentissage pour 2022 à 13,8 milliards d’euros.

La Cour des comptes établit pour 2022 la dépense totale dédiée à l’apprentissage à 16,8 milliards d’euros, ce montant incluant également les dépenses liées au contrat de professionnalisation.

Enfin, l’OFCE a établi un tableau récapitulatif de la dépense publique totale qui s’élèverait pour 2022 à 19,9 milliards d’euros.

La principale différence entre les évaluations réside dans le fait que ni France compétences, ni la DGEFP, ni la Cour des comptes, ni la DARES semble-t-il ne prennent en compte les allégements généraux de cotisations sociales auxquels les contrats d’apprentissage sont éligibles depuis 2019, ce qu’intègre pourtant l’OFCE.

Même si le rapporteur spécial estime qu’il n’est pas incohérent de comptabiliser ces allègements généraux, d’autant que les anciennes exonérations spécifiques étaient, elles, bien prises en compte, il retient préférentiellement le chiffrage de la Cour des comptes, dont le détail est présenté dans le tableau ci-après.

Coût de l’alternance pour les finances publiques en 2022

(en millions d’euros)

Note de lecture : les subventions exceptionnelles de l’État à France compétences sont considérées comme financement exclusivement des dépenses relatives à l’apprentissage.

Source : Cour des comptes.

Ce montant total de près de 17 milliards d’euros hors allègements généraux ([23]) représente la moitié du budget annuel alloué à l’ensemble des universités françaises. L’enjeu en matière d’efficacité de la dépense publique est donc de taille si l’on considère qu’avec la contraction du chômage en France, il convient d’aller chercher prioritairement les publics les plus éloignés de l’emploi.

Sur ces 17 milliards d’euros en 2022, combien relèvent du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi de la mission Travail et emploi ?

Très peu en réalité, ce qui complique le suivi de cette politique publique dont le financement est éclaté.

Le programme 103 comporte depuis 2024 une action 01 développement des compétences par l’alternance qui comporte quatre sous-actions.

La sous-action 01.01 dispositifs de soutien au déploiement de l’apprentissage regroupe diverses lignes budgétaires, les deux principales étant le financement de la « prépa apprentissage » pour 70 millions d’euros et le volet apprentissage des contrats de plan État-régions pour environ 1 million d’euros.

La sous-action 01.02 aides aux employeurs d’apprentis retrace le montant prévu pour le financement de l’aide exceptionnelle aux employeurs, pour 3,9 milliards d’euros en AE et 3,5 milliards d’euros en CP pour 2024.

La sous-action 01.03 exonérations liées à l’apprentissage retrace la compensation aux organismes de sécurité sociale des anciennes exonérations spécifiques de cotisations patronales dont bénéficiaient l’ensemble des employeurs d’apprentis, mais qui, à la suite du renforcement des allègements généraux au 1er janvier 2019 ne sont plus maintenues que pour les employeurs publics d’apprentis. La sous-action retrace également la compensation des exonérations de cotisations salariales accordées à l’apprenti quel que soit l’employeur et qui s’applique sur la partie de la rémunération inférieure à 79 % du SMIC. Cette sous-action est dotée à hauteur de 1,7 milliard d’euros pour 2024.

Enfin, la sous-action 01.04 permet de financer l’aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation, ainsi que « l’aide séniors », versée aux employeurs de demandeurs d’emploi de longue durée âgés de 45 ans et plus, recrutés en contrat de professionnalisation. Le rapporteur spécial s’étonne d’ailleurs de la faiblesse du montant de cette aide, qui semble pourtant viser un public a priori plus éloigné de l’emploi qu’un jeune sorti d’un master d’une école de commerce, et dont l’employeur bénéficie, lui, d’une aide égale à 6 000 euros. Cette sous-action est dotée pour 2024 de 303 millions d’euros en AE et de 273 millions d’euros en CP.

Le programme 103 retrace également la contribution de l’État à France compétences. Cette dernière a fait l’objet d’augmentations régulières. Aucunement dotée par la mission en loi de finances initiale pour 2021 et 2022, elle s’est élevée à 1,7 milliard d’euros pour 2023 avant de s’établir à 2,5 milliards d’euros dans le cadre du présent projet de loi de finances. Toutefois, depuis 2021, France compétences a bénéficié d’importants abondements exceptionnels.

En 2021, dans le cadre du Plan de relance, l'État a octroyé à France compétences :

– une première aide exceptionnelle de 750 millions d’euros, versée en deux tranches de 375 millions d’euros, en mars 2021 et fin décembre 2021 ;

– une aide exceptionnelle complémentaire de 2 milliards d’euros, versée en une seule fois mi-décembre 2021.

En 2022, l’État a octroyé à France compétences :

– une première aide exceptionnelle de 2 milliards d’euros prévue par la loi première de finances rectificative pour 2022 ;

– une seconde aide exceptionnelle de 2 milliards d’euros prévue par la deuxième loi de finances rectificative pour 2022.

En 2023, le projet de loi de fin de gestion a prévu 1,4 milliard d’euros d’ouverture d’autorisations d’engagement pour le financement des aides à l’embauche d’apprentis, ainsi qu’une ouverture de 303 millions d’euros en CP.

Au total, l’alternance est donc financée par :

– les dotations initiales du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ainsi que la subvention pour charge de service public de France compétences, détaillées ci-dessus ;

– les abondements exceptionnels au bénéfice de France compétences rendus nécessaires à la suite de l’accroissement du nombre de bénéficiaires ;

– les recettes de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA), pour un montant en 2022 de 6,88 milliards d’euros (voir encadré infra) ;

– le déficit de l’opérateur France compétences, que ce dernier finance par une augmentation régulière du recours à l’emprunt. Le plafond de l’autorisation donnée par le conseil d’administration de négocier des concours bancaires est passé de 1 milliard d’euros en 2019 à 1,5 milliard en 2020, à 2 milliards en 2021, à 2,5 milliards en 2022 et il est actuellement fixé à 5 milliards d’euros ([24]) ;

– le budget général de l’État pour ce qui est de la compensation aux organismes de sécurité sociale des allègements généraux de cotisations patronales ;

– un accroissement du déficit de l’État au-delà des subventions exceptionnelles versées à l’opérateur, par exemple lorsqu’il décide la reprise en charge d’une partie des dépenses de l’opérateur ([25]) ;

– le déficit de la sécurité sociale pour ce qui est des exonérations non compensées de CSG et CRDS ;

– à partir de 2023, l’apprentissage est également financé indirectement par l’Unédic, par le biais de minoration de compensations d’exonérations par l’État. Ce mécanisme permet de couvrir partiellement les dotations exceptionnelles à France compétences et notamment, pour 2023, l’ouverture de crédits qui a été votée en loi de finances de fin de gestion et, pour 2024, la subvention prévue dans le texte initial du projet de loi de finances, de 2,5 milliards d’euros.

Sur ce dernier point, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024, définitivement adoptée par le Parlement, prévoit de plafonner la compensation de la réduction dégressive sur les contributions d’assurance chômage dans la limite d’un montant fixé par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget et ce dès 2023.

Selon l’annexe 9 au projet de LFSS et conformément au document de cadrage envoyé aux partenaires sociaux chargés de la gestion de l’assurance chômage, le plafond pour l’année 2023 sera fixé de telle sorte que l’État récupère 2 milliards d’euros. La chronique pour les années à venir est présentée dans le tableau ci-dessous.

Montant repris par l’État au titre de la compensation partielle
de la réduction dégressive d’assurance chÔmage

 

2023

2024

2025

2026

Montant

2 milliards d’euros

2,5 milliards d’euros

3 milliards d’euros

3,5 milliards d’euros

Source : document de cadrage envoyé aux partenaires sociaux chargés de négocier les règles de l’assurance chômage.

La contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA)

Les employeurs participent au financement des actions de formation en payant une contribution annuelle : la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA).

Cette dernière regroupe depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 :

– la contribution à la formation professionnelle (CFP) ;

– la contribution au CPF-CDD ;

– la taxe d’apprentissage (TA) ;

– la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) pour les entreprises de plus de 250 salariés employant moins de 5 % d'alternants ou assimilés.

Depuis le 1er janvier 2022, cette contribution est recouvrée par l’Urssaf, et non plus par les OPCO. Elle est aujourd’hui versée à un rythme mensuel, suivant les flux de transmission des déclarations sociales nominatives (DSN). Elle est ensuite reversée à France compétences, qui la répartit entre les OPCO.

En 2022, 10,4 milliards d’euros ont été collectés au titre de la CUFPA, dont 6,8 sont affectés au financement de l’alternance. Au sein de ce montant, la contribution supplémentaire à l’apprentissage a représenté un montant de 310 millions d’euros.

Le taux des taxes n’a pas été modifié par la loi de 2018, la partie « taxe d’apprentissage » représentant 0,68 % de la masse salariale de l’année en cours.

– la part principale s'élève à 0,59 % de la masse salariale (et représente 87 % de la taxe d'apprentissage) ;

– le solde s'élève à 0,09 % de la masse salariale et représente 13 % de la taxe.

Cette distinction reste d’actualité. En effet, certaines catégories de dépenses peuvent être déduites de la part principale de la taxe d’apprentissage, notamment l’investissement qu’une entreprise fait au sein de son propre CFA. Par ailleurs, les entreprises de plus de 250 salariés qui dépassent les 5 % d’alternants bénéficient d’une « créance alternants », d’environ 400 euros par personne, déduite du solde de la taxe d’apprentissage. Le solde de la taxe d’apprentissage n’est pas concerné par la mensualisation de la déclaration et du paiement intervenue en 2022. Il continuera à être déclaré et payé chaque année et se compose lui-même de deux types de contributions devant atteindre 0,09 % de la masse salariale.

Certaines entreprises sont totalement exonérées de taxe d’apprentissage. C’est le cas, notamment, des écoles privées, des groupements d’employeurs agricoles, de certaines mutuelles, de certaines associations, syndicats et coopératives, des organismes de HLM. Certaines, situées en Alsace-Lorraine, bénéficient de taux réduits.

La dépense fiscale représenterait 600 millions d’euros par an.

Comme l’an passé, le rapporteur spécial regrette de ne pas avoir été destinataire de données précises relatives aux différentes exemptions et exonérations de CUFPA, d’autant que les entreprises exonérées bénéficient a priori autant que les autres de l’accroissement du soutien à l’apprentissage.

Il souscrit aux propositions du rapport précité des inspections générales sur le financement des CFA qui propose de rationaliser ces exonérations pour au moins la moitié de leur coût. Il regrette que sa proposition d’amendement relative à la mise en place d’un indicateur sur ce sujet n’aie pas prospéré en commission des Finances.

On constate donc que les contributions obligatoires des entreprises suffisent à peine à financer l’alternance, alors que ce poste de dépense ne représente qu’un peu moins des deux tiers des emplois.

En 2022, malgré 4 milliards d’euros de subventions exceptionnelles de l’État, France compétences était en déficit de 1,6 milliard d’euros en fin d’année.

Exécution 2022 du budget de France compétences

Source : Cour des comptes, d’après les données de France compétences.

Dans sa note sur l’exécution 2022 de la mission Travail et emploi, la Cour des comptes a relevé « une programmation initiale non soutenable au regard du développement de l’apprentissage, conduisant à une sur-exécution massive des crédits par rapport à la loi de finances initiale ».

Le rapporteur spécial retient en tout état de cause que le coût total des aides à l’apprentissage a généré une impasse de près de 6 milliards d’euros l’an dernier, partiellement couverte par des subventions exceptionnelles.

Conscient que ce déficit pèsera in fine sur les contribuables bénéficiaires de l’aide, à savoir les entreprises, ou sur les CFA les plus en difficulté à travers des baisses successives de NPEC, le rapporteur spécial a permis l’adoption par la commission des Finances d’une modification de l’aide exceptionnelle aux employeurs.

Proposant de refaire un pas vers les principes qui avaient guidés l’élaboration et le vote de la réforme de 2018, l’amendement prévoyait la suppression de l’aide à l’embauche d’un apprenti pour les entreprises de plus de 250 salariés lorsque l’apprenti prépare un diplôme de niveau supérieur à bac + 2.

Le rapporteur spécial regrette que le consensus politique qui s’est cristallisé sur cette question n’ait pas été repris par le Gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 49.3 de la Constitution.

Toutes les parties prenantes ont intérêt à rationaliser cette politique publique.

Aussi pertinent qu’il soit, l’objectif d’atteindre et de pérenniser un million d’entrées en apprentissage ne doit pas se faire au détriment d’un ciblage efficace des aides à l’apprentissage et sans repenser son équilibre financier dans un jeu de vases communicants avec d’autres aides publiques aux entreprises. À défaut, c’est l’ensemble du système que l’on déstabilise et fragilise.

C.   À moyen terme, la question du contrat d’alternance unique pourrait se poser

Le contrat de professionnalisation est l’autre modalité de l’alternance. Il a été créé par la loi du 4 mai 2004 et son régime a été peu modifié depuis.

Selon la Cour des comptes, le contrat de professionnalisation comporte des spécificités (temps en entreprise, accès aux certifications de branche) qui confortent son caractère de pré-recrutement. Il peut offrir des perspectives de court terme pour le recrutement dans les métiers en tension, tandis que le contrat d’apprentissage permet plutôt de restructurer des filières et des viviers de candidats à moyen terme.

Tout en ayant des caractéristiques proches de celle du contrat d’apprentissage, puisqu’il combine formation théorique et expérience professionnelle, le contrat de professionnalisation s’en distingue sur plusieurs points, que récapitule ce tableau issu du rapport public thématique de juin 2022 de la Cour des comptes dont une partie était consacrée à la formation en alternance.

Caractéristiques des contrats d’apprentissage
et de professionnalisation conclus en 2021

Source : Cour des comptes.

À titre expérimental, il existe des parcours en contrat de professionnalisation qui permettent d’acquérir des compétences définies par l’employeur et l’opérateur de compétences. Il s’agira d’une formation « sur mesure », adaptée aux besoins de l’entreprise, et qui n’est pas nécessairement qualifiante ou certifiante. Le Gouvernement a prévu la prolongation de ce dispositif qui devait s’éteindre au 31 décembre 2023, par un amendement au présent projet de loi de finances.

En ce qui concerne les éléments salariaux, pour ce qui est des salariés en contrat de professionnalisation, ces derniers ne sont pas éligibles à l’exonération d’impôt sur le revenu, ni a priori à l’exonération de CSG et CRDS ni aux exonérations de charges salariales.

L'exonération spécifique de cotisations sociales applicable à certains contrats de professionnalisation est supprimée à compter du 1er janvier 2019, mais elle a été remplacée, comme pour les contrats d’apprentissage, par les allègements généraux. Il n’y a donc a priori pas de différence en matière de charges sociales patronales entre le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation.

Enfin, en matière d’aide à l’embauche, l’aide exceptionnelle de 6 000 euros est bien applicable aux employeurs de salariés en contrats de professionnalisation de moins de 30 ans.

D’autres aides existent en fonction du profil du salarié :

– aide à l’embauche d’un demandeur d’emploi de 26 ans et plus, d’un montant de 2 000 euros, versé par Pôle emploi ;

– aide à l’embauche d’une personne handicapée, d’un montant de 5 000 euros, versée par l’association de Gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) ;

– aide à l’embauche des demandeurs d’emploi de longue durée âgés de 45 ans et plus, d’un montant de 2 000 euros. Cette aide est la seule à être retracée dans le projet annuel de performance.

Il existait une aide à l’embauche d’un salarié en contrat de professionnalisation au sein d’une structure d’insertion par l’activité économique qui a été supprimée le 1er novembre 2021. Elle s’élevait à 4 000 euros pour un contrat à temps plein, versée la première année d’exécution du contrat.

Par ailleurs, il existait également une aide exceptionnelle à l’embauche d’un chômeur de longue durée en contrat de professionnalisation, d’un montant de 8 000 euros, supprimée pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2023.

Le rapporteur spécial constate donc une disparité des dispositifs d’aide qui semble peu cohérente. Il remarque qu’il existe deux aides distinctes, de même montant, pour les demandeurs d’emploi de 26 ans et plus et une pour les demandeurs d’emploi de longue durée de 45 ans et plus. Il remarque également que jusqu’en 2023, coexistait une aide exceptionnelle globale pour les demandeurs d’emploi, de 8 000 euros, et une aide plus spécifique aux demandeurs d’emploi de 45 ans et plus de seulement 2 000 euros.

Les aides à l’apprentissage sont en ce sens plus lisibles, et par ailleurs plus élevés que celles qui bénéficient par exemple à des employeurs de chômeurs longue durée, par définition plus difficiles à insérer.

Mais la grande différence de coût pour les entreprises, entre les deux types de contrat, reste le salaire de l’alternant.

Ainsi, un apprenti entre 21 et 25 ans, doit percevoir une rémunération égale à 53 % du SMIC la première année de formation, et 61 % la deuxième.

Un salarié en contrat de professionnalisation titulaire d’un baccalauréat ou plus doit quant à lui percevoir lorsqu’il a entre 21 et 26 ans, 80 % du SMIC.


Aussi, le nombre de salariés en contrat de professionnalisation a connu une évolution inverse à celle des apprentis. Si la croissance des entrées en contrat de professionnalisation, était un peu plus forte jusqu’en 2018 (+ 6 % en 2017, + 10 % en 2018), ils ont connu une première baisse en 2019 (– 10 %) avant de s’effondrer en 2020 (– 55 %) et de diminuer de nouveau, mais moins fortement en 2021 (– 5 %) et de se stabiliser autour de 120 000 en 2022.

Les entrées en contrat de professionnalisation sont ainsi passées de 156 600 en 2019 à 66 855 en 2021.

La répartition des jeunes alternants entre apprentissage et contrat de professionnalisation s’en est trouvée très fortement modifiée : les contrats de professionnalisation représentaient un tiers des entrées en alternance en 2016, ils n’en représentent plus que 8 % en 2021.

Plus coûteux que le contrat d'apprentissage, le contrat de professionnalisation est donc souvent choisi par défaut, suivant l'âge des candidats.

La chute de 57 % du nombre de contrats de professionnalisation entre 2019 et 2021, et le déport des contrats de professionnalisation vers l’apprentissage illustre un relatif effet d’aubaine et une forme d’incohérence de la politique de l’alternance.

Le rapporteur spécial souhaite mener un travail visant à remettre à plat certaines différences qui ne se justifient pas, et souhaite étudier la pertinence d’une fusion des deux contrats en un contrat unique visant à promouvoir l’alternance tout au long de la vie.

Un tel travail pourrait aboutir à un régime d’aide rénové, mieux ciblé, plus lisible et plus soutenable. Le tout en conservant les grands principes ayant présidé à la réforme de 2018, défendue par le président de la République.


II.   LE ciblage DES CRéDITS DU PROGRAMME 102 AccÈs et retour À l’emploi sur les publics les plus vulnérables

En 2024, les crédits demandés pour le programme 102 Accès et retour à l’emploi sont inférieurs de 214 millions d’euros en AE et de 11 millions d’euros en CP, soit une baisse modérée de 2,8 % en AE et de 0,1 % en CP par rapport à la LFI pour 2023. Ils avaient diminué de 5,9 % en AE et de 4,8 % en CP dans le PLF 2023 par rapport à la LFI pour 2022.

Évolution en 2024 DES CRÉDITS du programme 102 par rapport À la LFI pour 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

01 – Indemnisation des demandeurs d'emploi

3 103,3

1 725,7

– 44,4 %

3 103,3

1 725,7

– 44,4 %

02 – Structures de mise en œuvre de la politique de l'emploi

4 537,1

2 151,9

– 52,6 %

4 309,0

2 157,2

– 49,9 %

03  Accompagnement des personnes les plus éloignées du marché du travail- Fonds

d'inclusion dans l'emploi

 

2 466,8

 

30,8

2 464,9

+ 7 910,4 %

04 – Insertion des jeunes sur le marché du travail- Contrat d'engagement jeunes (CEJ)

 

1 081,4

 

 

1 084,4

 

Totaux

7 640,4

7 425,9

 2,8 %

7 443,1

7 432,2

 0,1 %

Source : Commission des finances d’après le projet annuel de performances pour 2024.

Le rapporteur observe que la nomenclature budgétaire par action et sous-action de ce programme a été également substantiellement modifiée. Le ministère explique que cette mise à jour a pour objectif d’adapter la nomenclature budgétaire à l’architecture actuelle et structurelle des politiques de l’emploi et mettre en valeur les grands axes de cette dernière. Cette refonte permettrait également de faciliter le pilotage financier des dispositifs par la DGEFP et ses services déconcentrés.

A.   Des allocations de solidaritÉ en diminution continue, conséquence de l’amélioration de la situation de l’emploi

Les allocations de solidarité sont versées aux demandeurs d’emploi qui ne peuvent bénéficier du régime d’assurance chômage. Elles sont intégralement financées par une dotation de l’État versée à Pôle emploi. L’allocation spécifique de solidarité (ASS) ([26]) représente plus de 95 % des crédits ([27]) de cette action.

Dans le présent projet pour 2024, les crédits relatifs aux allocations de solidarité diminuent de 122 millions d’euros (contre - 492 millions d’euros l’an passé) par rapport aux montants programmés pour 2023. Cette baisse est expliquée dans les documents budgétaires principalement par deux facteurs :

– la diminution prévue du nombre de bénéficiaires de l’ASS, dont le nombre d’allocataires en 2024 devrait s’élever à 245 985, soit une baisse de 35 000 allocataires par rapport à la prévision de l’an passé, du fait de l’amélioration de la situation de l’emploi ;

– la diminution progressive des bénéficiaires de l’allocation de professionnalisation et de solidarité (APS) ([28]).

Le rapporteur spécial se félicite de l’amélioration de la situation de l’emploi et de ses conséquences sur les allocataires de l’ASS intervenues ces dernières années. Il relève toutefois que les documents budgétaires fondent leur prévision sur une poursuite de cette amélioration, en faisant état du taux de chômage historiquement bas de 7,2 % atteint au 2e trimestre 2023. Or, le rapporteur relève la dégradation de la situation de l’emploi annoncée notamment par l’INSEE le 15 novembre 2023 avec un taux de chômage s’élevant à 7,4 % au troisième trimestre. En outre, certaines prévisions économiques, notamment celles faites par l’UNEDIC dès septembre 2023, prévoient une augmentation du taux de chômage pouvant atteindre 7,5 % fin 2024. Il conviendra donc de demeurer vigilant quant aux conséquences de l’évolution du marché du travail sur le nombre d’allocataires d’ASS et le financement de cette allocation, via le suivi de la consommation des crédits afférents ouverts dans la loi de finances initiale pour 2024.

B.   des dispositifs d’insertion par l’activitÉ économique recentrés sur les publics les plus fragiles

La politique de l’emploi a été réorientée depuis plusieurs années vers les dispositifs et les modalités d’accompagnement les plus efficaces en matière d’insertion professionnelle durable pour tenir compte des difficultés de recrutement d’une majorité d’entreprises. En effet, selon les dernières données disponibles ([29]), huit métiers sur dix sont en tension forte ou très forte. Un recentrage des dispositifs s’imposait donc.

De ce fait, pour 2024, les contrats aidés sont maintenus à un niveau suffisant pour permettre d'aller chercher les publics les plus éloignés de l'emploi. Il est ainsi prévu 66 700 entrées en parcours emploi compétences (PEC) (contre 80 000 en 2023) et 15 000 entrées en contrats initiative emplois (CIE) (contre 30 000 en 2023).

Ce recadrage doit se lire en parallèle de l'augmentation de 184 millions d’euros (+ 14 %) affectée au soutien de l'insertion par l’activité économique (IAE) qui atteindra plus d’1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Les six structures de l’IAE offrent un accompagnement renforcé et global qui repose sur une mise en situation de travail, alliée à un accompagnement social (levée des freins périphériques à l’emploi). La subvention de l’État permet, d’une part, de pallier la moindre productivité des salariés en insertion et, d’autre part de prendre en charge une partie du coût de l’accompagnement renforcé. Concrètement, le financement des six catégories de structure d’IAE (décrites dans le tableau ci-dessous) repose sur une aide au poste, indexée sur l’évolution du SMIC, dont une part est modulée en fonction des résultats de la structure.

Au-delà de l’enveloppe de près de 1,456 milliard d’euros allouée aux aides aux postes, les crédits financeront :

– des expérimentations, à hauteur de 18,8 millions d’euros en crédits de paiement ;

– une aide à la création d’activité, à hauteur de 25 millions d’euros en crédits de paiement.

En outre, les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) bénéficieront en 2024 d’exonérations de cotisations sociales de l’ordre de 17,33 millions d’euros.

Le rapporteur spécial se félicite que l'effort soit recentré sur les publics les plus vulnérables, soit ceux rencontrant le plus de difficultés à retourner vers le marché du travail.


ÉVOLUTION DE L’ENVELOPPE DES AIDES AU POSTE DE L’insertion
par l’activité économique

(en millions d’euros)

 

PAP 2023

PAP 2024

Évolution

ACI

891,08

1 053,20

+ 162,12

(+ 18,19%)

AI

31,9

30,4

 1,5

(– 4,70 %)

EI

222,59

277,6

+ 55,01

(+ 24,71%)

ETTI

91,88

82,4

 9,48

(– 10,32 %)

EITI

7,85

13

+ 5,15

(+ 65,61%)

Passerelles

1,39

0,02

 1,37

(– 98,56 %)

TOTAL

1 246,69

1 456,60

+ 209,91

(+ 16,84%)

Source : Commission des Finances d’après le projet annuel de performances pour 2024.

Ce sont ainsi 120 237 ETP en structures d’insertion par l’activité économique qui pourront être financés en 2024, soit une progression de plus de 25 000 ETP par rapport à la prévision associée à la loi de finances pour 2023. De plus, 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont prévus en 2024 pour financer la formation des salariés en IAE via le plan d’investissement dans les compétences (PIC) ([30]).

Le rapporteur spécial souligne l’effort financier porté sur l’IAE, notamment pour les ACI avec plus d'1 milliard d'euros et une aide au poste de plus de 23 000 euros. Il estime toutefois que le ciblage et le pilotage des aides peuvent encore être améliorés. En effet, malgré une dynamique de recentrage effective depuis 2010, force est de constater que la part des bénéficiaires du RSA inscrits dans un parcours IAE en 2021 demeure relativement faible, avec un taux de 6 % en moyenne. Dans une période où huit métiers sur dix sont en tension, il suggère que les différents acteurs de la politique de l’emploi concentrent leurs efforts sur la qualité des parcours.

À cet égard, le rapporteur spécial regrette l’absence de dotation du fonds de développement de l’inclusion dans le projet de loi de finances pour 2024. En effet, il observe que le projet annuel de performance de la mission Travail et emploi indique que « le fonds de développement de l’inclusion (FDI) peut être mobilisé pour soutenir la création ou le développement de projets de structures de l’IAE. Il peut également contribuer à la consolidation du modèle économique de ces structures en cas de difficultés conjoncturelles ». Or, il est ensuite précisé « qu’aucune dotation n’est prévue au titre du FDI en 2024 » contre 50 millions d’euros prévus en 2002 et 30 millions d’euros en 2023.

Le rapporteur spécial rappelle que ce fonds pouvait être mobilisé pour différents types d’actions :

– aide au démarrage d’une structure nouvelle ;

– aide au développement, à l’adaptation et à la diversification des activités ;

– aide à l’appui - conseil ;

– aide à la professionnalisation ;

– évaluation / expérimentation ;

– aide exceptionnelle à la consolidation financière.

Il a en conséquence émis un avis favorable à deux amendements ([31]) prévoyant de maintenir une dotation de ce fonds à 30 millions d’euros. Plus précisément, dans un souci d'une meilleure allocation des aides publiques, le rapporteur spécial est favorable à ce que le fonds soit abondé à hauteur de 60 millions d’euros, mais en l’orientant sur les structures présentes dans les territoires les plus en difficulté (quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et zones de revitalisation rurale (ZRR)).

C.   Une meilleure inclusion dans l’emploi des personnes en situation de handicap permise par le financement substantiel des entreprises adaptées

Le rapporteur spécial se félicite que la situation de l'emploi des personnes handicapées se soit améliorée ces dernières années. Il souligne en particulier les bienfaits du partenariat existant entre Pôle emploi et Cap emploi, et en particulier l’accompagnement des demandeurs d'emploi en situation de handicap au sein d’un « Lieu unique d’accompagnement » (LUA) dans les 852 agences de Pôle emploi. Au-delà du LUA, il observe que ce rapprochement entre les deux réseaux s’est concrétisé par une offre de services intégrée simplifiant ainsi le parcours des demandeurs d’emploi handicapés.

Le nombre de demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi baisse ainsi de façon continue depuis fin 2018. Il s’élève à 457 370 en janvier 2023 (catégorie A, B et C) contre 472 240 en janvier 2022 et 518 050 en janvier 2017.

Maillon essentiel de l’inclusion sur le marché du travail des travailleurs handicapés, les entreprises adaptées (EA) sont des structures – associations pour 51 %, établissements publics pour 4 % et sociétés commerciales pour 45 % – qui emploient dans leur effectif annuel salarié au moins 55 % de personnes bénéficiaires du statut de travailleur handicapé, sans emploi et éloignées du marché du travail, en vue d’exercer une activité professionnelle dans un environnement adapté à leurs possibilités, afin qu’elles obtiennent ou conservent un emploi. Ces entreprises concluent, à ce titre, avec le représentant de l’État en région un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens pour une durée maximale de cinq ans valant agrément et leur permettant de déployer un projet économique et social en faveur de l’emploi de travailleurs reconnus handicapés dans la région d’implantation. Actrices du développement économique des territoires, porteuses d’une réponse de proximité aux besoins des travailleurs handicapés et des employeurs, les EA adaptent les environnements de travail en vue de faciliter l’accès ou la conservation d’un emploi et d’accompagner les transitions professionnelles vers les autres employeurs privés et publics.

Le présent projet de loi de finances prévoit le financement de 29 729 ETP en 2024, dont 26 526 au titre des entreprises adaptées (emplois en CDI et mises à disposition) et 3 203 au titre des expérimentations de la mise à disposition, des contrats à durée déterminée (CDD) dits tremplins, des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) et des entreprises adaptées en milieu pénitentiaire. Les crédits s’élèvent à 465,4 millions d’euros au titre de l’aide au poste dans les entreprises adaptées (EA). Il est prévu que ce montant soit complété par une contribution de l’AGEFIPH à hauteur de 50 millions d’euros, soit un financement total des entreprises adaptées de 515,4 millions d’euros.

D.   Des moyens conséquents pour poursuivre l’accompagnement contractualisÉ des jeunes

Le contrat d’engagement jeune (CEJ) et le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) constituent les deux cadres contractuels de l’accompagnement des jeunes les plus éloignés de l’emploi mis en œuvre par Pôle emploi et les missions locales.

Le contrat d’engagement jeune (CEJ)

Mis en œuvre depuis le 1er mars 2022 par Pôle emploi et les missions locales, le contrat d’engagement jeune (CEJ), qui succède à la garantie jeunes, a pour objectif d’accompagner vers l’emploi durable les jeunes qui en sont les plus éloignés, dans le cadre du droit à l’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie inscrit dans le code du travail. Il s’adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus, ou 29 ans révolus pour les jeunes en situation de handicap, qui ne sont ni étudiants, ni en formation, ni en emploi ([32])  et qui sont prêts à s’engager dans un accompagnement intensif. Celui-ci se caractérise notamment par une mise en activité du jeune au moins 15 heures par semaine. L’accompagnement est réalisé par un référent unique, en mission locale ou à Pôle emploi.

L’appréciation du conseiller sur la motivation du jeune, ses besoins et l’adéquation de ceux-ci avec les offres de services de Pôle emploi, des missions locales et plus généralement les offres d’autres acteurs mobilisables sur le territoire constituent les critères de décision premiers d’orientation en CEJ. En raison de leur obligation de formation, les mineurs sont prioritairement orientés vers les missions locales. En effet, ces dernières sont en charge du contrôle du respect de cette obligation. Elles sont ainsi les mieux à même de proposer un accompagnement socioprofessionnel pour les jeunes qui présentent des besoins périphériques importants – logement, santé, contraintes familiales, maîtrise du français, etc. – qui entravent la réalisation de leur projet professionnel. Cependant, un jeune peut toujours se faire accompagner par l’opérateur de son choix.

Dans le cadre du CEJ, un jeune peut être orienté vers des actions d’autres organismes, par exemple les écoles de la deuxième chance ou l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE). Il peut également effectuer des missions d’utilité sociale, comme un engagement en service civique ou des périodes d’emploi aidé. Pendant ces temps d’accompagnement hors de la mission locale ou de Pôle emploi, le jeune continue d’être en contact avec son conseiller référent, ces actions s’inscrivant dans le cadre de son CEJ.

Afin de sécuriser le parcours des jeunes les plus en difficulté, une allocation d’un montant maximal de 528 euros peut leur être versée.

Parmi les jeunes éligibles au CEJ, certains cumulent des difficultés qui rendent leur accès au CEJ plus compliqué. Pour ces jeunes, éloignés du service public de l’emploi, sans revenu et rencontrant des difficultés de plusieurs ordres (sociales, éducatives, de santé, etc.), les ministères en charge de l’emploi, de l’insertion, du logement et de la santé, en lien avec la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, ont lancé des appels à projets régionaux. Il s’agit d’organiser la prise en charge globale de ces jeunes en les repérant, les remobilisant et les accompagnant vers l’insertion dans l’emploi durable.

Au 3 septembre 2023, plus de 469 000 jeunes ont bénéficié d’un CEJ dont 64 % en missions locales et 36 % pour Pôle emploi. Parmi eux, 67 % ont moins de 22 ans, 47,4 % sont des femmes et 2,6 % ont une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. 16,2 % des jeunes en CEJ résident en quartiers prioritaires de la politique de la ville et 11,3 % en zone de revitalisation rurale.

 

Le rapporteur spécial se réjouit du succès du CEJ, qui permet de proposer un accompagnement renforcé et personnalisé de jeunes présentant des difficultés d’accès à l’emploi durable. Il relève toutefois le bilan contrasté du rapport publié fin avril 2023 de l’IGAS sur la mise en œuvre de ce dispositif. L’IGAS, tout en soulignant le dynamisme de ce dispositif et les retours positifs des jeunes et des conseillers, propose des ajustements et met en exergue la nécessaire amélioration de la coopération entre Pôle emploi et les missions locales, en particulier dans la perspective de la mise en place de France travail. Le rapporteur spécial observe que le ministère du travail lui a indiqué que les recommandations formulées notamment par l’IGAS sont en cours d’instruction afin d’apporter des adaptations au déploiement du dispositif, formalisé dans le cadre d’une feuille de route partagée avec les opérateurs.

Il relève par ailleurs que l’objectif annuel de 300 000 jeunes entrés en CEJ (200 000 accompagnés par les missions locales et 100 000 par Pôle emploi) est renouvelé pour 2024 tout en rappelant que le CEJ reste un dispositif non contingenté, ouvert à tous les jeunes qui répondent aux critères d’entrée.

Pour atteindre cet objectif, des moyens conséquents sont prévus dans le présent projet de loi de finances 2024 en plus des crédits alloués aux missions locales et à Pôle emploi ([33]) pour l’accompagnement des jeunes en CEJ :

– 787,38 millions d’euros pour l’allocation, dont 628,05 millions d’euros pour les jeunes suivis par les missions locales et 159,33 millions d’euros pour les jeunes suivis par Pôle emploi ;

– 72,63 millions d’euros pour le déploiement d’outils spécifiques pour les jeunes en CEJ, dont 30 millions d’euros pour le financement de prestations de formation, de remise en activité ou de renforcement des savoir-être mises en œuvre par Pôle emploi et 42,63 millions d’euros pour mobiliser de nouveaux acteurs ([34]) ;

– 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont prévus pour la contractualisation avec d’autres opérateurs nationaux d’accompagnement du CEJ.

Enfin, le rapporteur spécial note que parallèlement au CEJ, 101 millions d’euros sont consacrés dans le projet de loi de finances pour 2024 au parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) et à l’allocation ponctuelle d’accompagnement pour les jeunes suivis respectivement par les missions locales et Pôle emploi. Cette allocation, prévue à l’article L. 5131-5 du code du travail, peut être versée aux jeunes éligibles, en fonction de l’appréciation au cas par cas de leurs besoins et objectifs et selon le diagnostic réalisé en début de parcours par le conseiller mission locale ou Pôle emploi. Le montant maximum de l’aide est fixé à 528 euros par mois, et plafonné à 3 168 euros sur 12 mois.

E.   La poursuite des Écoles de la deuxième chance

Structures créées à l’initiative des collectivités territoriales et des acteurs de l’insertion professionnelle avec l’appui de l’État, les écoles de la deuxième chance (E2C) proposent un parcours de formation personnalisé aux jeunes de 16 à 25 ans dépourvus de qualification professionnelle ou de diplôme. Fondées sur une pédagogie différente des schémas scolaires classiques et un parcours individualisé mobilisant fortement les entreprises, elles visent l’insertion sociale et professionnelle des jeunes qu’elles accueillent sans autre critère que celui de leur motivation, en leur permettant de construire leur projet personnel et professionnel. Fédérées à l’échelon national par l’association Réseau des E2C France, elles sont soumises à une procédure de labellisation qui garantit la qualité de l’offre de services des écoles et l’homogénéité de leur fonctionnement. Le label E2C est décerné après audit de l’AFNOR et avis d’une commission nationale de labellisation.

En 2022, le nombre de jeunes accueillis a diminué légèrement par rapport à 2021 (15 001 jeunes accueillis contre 15 268 l’année précédente) malgré l’augmentation du nombre d’entrées en parcours (10 544 en 2022, soit 2 % de plus qu’en 2021). Le maillage territorial s’est également densifié et les E2C comptent désormais 146 lieux d’activité permanents.

Avec 46 % de femmes et 54 % d’hommes, le public des écoles est proche de la parité et compte 28 % de jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). 84 % des jeunes accueillis n’ont pas de niveau 3 validé et 89 % n’ont aucune expérience professionnelle. En 2022, 55 % des 7 456 jeunes ayant bénéficié de l’accompagnement des E2C connaissaient une sortie positive :

– 21 % en formation qualifiante ou diplômante ;

– 15 % en contrat de travail non aidé ;

– 17 % en alternance ;

– 2 % en contrat aidé.

Le soutien financier des ministères chargés de l’emploi et de la ville, qui représente en moyenne un tiers du budget des E2C, s’inscrit dans une logique de cofinancement avec les régions, le Fonds social européen, les autres collectivités territoriales et d’autres ressources, notamment des ressources procurées par la taxe d’apprentissage.

Une nouvelle instruction relative à la mise en œuvre des conventions pluriannuelles d’objectifs des E2C est en cours d’élaboration afin de formaliser les axes stratégiques du partenariat entre l’État et les E2C pour la période 2023-2025 dans l’optique de répondre de manière pertinente aux besoins des jeunes les plus éloignés du marché de l’emploi et dans un contexte de mise en place de France Travail. Pour accompagner les E2C, qui visent l’objectif d’accueillir 16 573 jeunes en 2024, 29,5 millions d’euros sont prévus dans le PLF 2024.

Dans cette optique, le rapporteur spécial souhaite que soient poursuivis les efforts engagés en vue de créer davantage de places au sein des E2C et de favoriser la dynamique de professionnalisation du réseau.

F.   l’appel À la vigilance sur l’accroissement significatif des crédits consacrÉs À L’EXPÉRIMENTATION TERRITOIRES ZÉRO CHÔMEUR DE LONGUE DURÉE

L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) a pour objectif de permettre à des personnes volontaires durablement privées d’emploi – soit depuis plus d’un an – et résidant sur le territoire habilité depuis au moins six mois, d’être embauchées en contrat à durée indéterminée par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, dites entreprises à but d’emploi (EBE), pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.

Au cours d’une première phase ouverte par une loi du 29 février 2016 ([35]), dix territoires ont été habilités. Cette expérimentation a été prolongée pour cinq années ([36]) au cours desquelles cinquante nouveaux territoires peuvent être habilités par arrêté ministériel. À titre dérogatoire, des territoires supplémentaires peuvent être habilités par décret en Conseil d’État.

Actuellement, cinquante-huit territoires sont habilités dont les dix territoires historiques, soit quarante-huit territoires supplémentaires depuis la fin de l’année 2021. Selon les dernières données, datant du mois de juillet 2023, 1 984 ETP issus de la privation d’emploi sont recensés au sein de ces territoires.

Sur le plan budgétaire, le rapporteur spécial relève qu’au titre de cette expérimentation, en 2023, la loi de finances avait ouvert près de 45 millions d'euros, en augmentation de 25 % par rapport au budget de 36 millions d'euros prévu pour 2022. Pour 2024, le projet de loi de finances prévoyait un nouvel abondement de près de 50 %, pour s'établir à 69 millions d’euros. Ce budget en forte croissance permettait de financer 2 889 ETP, soit 700 bénéficiaires supplémentaires. À la suite des débats en Commission des finances ([37]), le Gouvernement a décidé de retenir dans le projet de loi de finances transmis au Sénat plusieurs amendements ([38]) prévoyant une augmentation de 11 millions d’euros en AE et CP, et de porter ainsi les crédits de l’expérimentation à 80 millions d’euros.

Le rapporteur spécial prend acte de cet abondement visant à renforcer les moyens de l’expérimentation TZCLD mais il tient à faire part de ses réserves sur les différents amendements visant à accroître fortement les crédits dédiés aux TZCLD pour les motifs suivants :

 d’une part, comme indiqué ci-dessus, la hausse des crédits de l’expérimentation est déjà significative dans le présent projet de loi de finances, à + 50 %. Or, en 2021, la dépense s’est élevée à 12,9 millions d'euros en crédits de paiement contre 28,6 millions d'euros de crédits programmés. Cette sous-consommation s’est poursuivie en 2022, les crédits ayant été sous-exécutés de près de 20 % (7 millions d’euros). De même, le projet de loi de finances pour 2023 prévoyait le financement de 2 480 ETP et seuls 1 984 ETP étaient employés au mois de juillet 2023. Enfin, si, la montée en charge du dispositif devait connaître une forte accélération, l'État n’aurait pas manqué d'honorer ses engagements et procéder aux ajustements nécessaires au cours de l'année.

– D’autre part, l'expérimentation et notamment son modèle économique mérite une évaluation approfondie, qui est en cours. En effet, le comité scientifique chargé de l'évaluation de l'expérimentation, prévu par la loi de 2020, a été installé récemment, en juin 2023. Il est chargé d'élaborer un rapport complet à horizon 2025.

En conclusion, le rapporteur spécial préconise à l’avenir de consolider qualitativement l'expérimentation et d'en maximiser les effets positifs, plutôt que de poursuivre l’élargissement du dispositif à de nouveaux territoires avant d’avoir un premier bilan de l’évaluation finale en cours ([39]) .

G.   Une subvention pour chargeS de service public stabilisée et Un plafond d’emploiS en hausse pour Pôle emploi dans la perspective de la réforme France travail

L’année 2024 verra le début de la mise en œuvre de la loi sur le Plein-emploi définitivement adoptée par le Parlement le 14 novembre dernier, et la réforme France travail issue de ce texte, qui s’étalera progressivement entre 2024 et 2027. Les différents volets du projet France Travail seront en effet mis en place tout d’abord dans quelques bassins d’emploi, avant d’être déployés progressivement à l’ensemble du territoire. Les objectifs prioritaires fixés visent à intensifier l’accompagnement des personnes et des entreprises.

L’étude d’impact du projet de loi reste toutefois très silencieuse sur les implications financières des mesures du texte.

S’agissant du financement, le rapport du préfigurateur de France Travail, M. Thibaut Guilluy estime le besoin cumulé entre 2,2 et 2,7 milliards d’euros ([40]).

La mobilisation serait progressive puisque bien de nombreuses mesures n’interviendront pas avant 2025. Le ministre Olivier Dussopt a estimé le besoin lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat le 21 juin 2023, le besoin pour 2024 entre 300 et 500 millions d’euros.

Selon les éléments transmis au rapporteur spécial par le ministère « les financements complémentaires qu’appellent les nouvelles dispositions de la loi pour le plein-emploi connaîtront une montée en charge progressive jusqu’à 1 milliard d’euros en 2027 ». Cette évaluation est nettement inférieure aux prévisions du rapport de préfiguration, pourtant reprises par le ministre.

Les crédits supplémentaires seraient en partie issus des économies permises par la réforme de l’assurance-chômage et financés par l’Unedic, et en partie financés directement par l’État.

Le document de cadrage remis le 1er août dernier par la Première ministre aux partenaires sociaux en charge de la gouvernance de l’Unédic et relatif à la négociation d’une nouvelle convention d'assurance chômage prévoyait que :

– les recettes de l’Unédic seront réduites des montants suivants : – 2 milliards d’euros dès 2023, puis, pour la durée de la convention : entre – 2,5 et – 2,7 milliards d’euros en 2024, entre – 3 et – 3,2 milliards d’euros en 2025, entre – 3,5 et – 4 milliards d’euros en 2026 ;

– la contribution de l’Unédic aura vocation à monter en charge au fur et à mesure que le régime dégage des excédents pour atteindre en 2026 entre 12 % et 13 % des recettes de l’Unédic.

L’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, actuellement en cours d’examen par le Conseil constitutionnel, prévoit en effet une réallocation de recettes de I'Unédic vers les politiques dédiées au développement des compétences et à l’accès à l'emploi, incluant le financement de France Travail. L’article indique que cette réallocation est réalisée « dans la limite d'un montant fixé par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget ».

Les contours de ce prélèvement ne sont donc pas précisés dans le texte du projet de loi.

Par ailleurs, une majorité d’organisations représentatives de salariés et d’employeurs en charge de la gouvernance de l’Unédic ont signé le protocole d’accord relatif à l’Assurance chômage, le 20 novembre 2023. Cet accord doit désormais être transcrit sous forme de convention d’assurance chômage par les services de l’Unédic, qui a été adressée au gouvernement pour agrément.

Toutefois, le 27 novembre 2023, le gouvernement a annoncé aux partenaires sociaux qu'il n'allait pas agréer la nouvelle convention en l’état. Un décret va donc prolonger les règles actuelles jusqu'au 30 juin 2024.

Cela pose question au regard des besoins de financement de Pôle emploi, pivot de la réforme. Le rapporteur spécial suivra avec attention les décisions qui seront prises dans le cadre des négociations en cours, et qui affectent directement le financement des politiques publiques de l’emploi et de la formation professionnelle.

Le présent projet de loi de finances prévoit d’ores et déjà de stabiliser à 1,25 milliard d’euros la subvention pour charge de service public (SCSP) dont bénéficie l’opérateur. Cette subvention avait été augmentée de 136 millions d’euros en 2023 par rapport à 2022.

En outre, 300 ETPT supplémentaires seront alloués à l’opérateur en 2024 dans le cadre du début de mise en œuvre de la réforme, tant s’agissant du plafond que du schéma d’emplois. Ces moyens supplémentaires tiennent compte des capacités de redéploiement des moyens de Pôle emploi au vu de la baisse du chômage et des gains d’efficience.

évolution des effectifs de pôle emploi

(en ETPT)

 

LFI 2023

PLF 2024

Emplois rémunérés par l'opérateur :

52 837

53 052

– sous plafond

48 847

49 147

– hors plafond (y compris les contrats aidés et les apprentis)

3 990

3 905

Source : Commission des finances, d’après le projet annuel de performances pour 2024.

Enfin, une dotation de 170 millions d’euros est prévue pour 2024 afin de permettre à Pôle emploi de contractualiser avec les conseils départementaux dans le cadre de l’accompagnement expérimental rénové des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

Les objectifs assignés à Pôle emploi et les modalités de mise en œuvre de ses missions sont précisés par une convention pluriannuelle conclue entre l’État, l’Unedic et Pôle emploi, au vu des moyens prévisionnels qui lui seront alloués par l’Unedic et l’État.

III.   des besoins de financement en haut de cycle pour LE PROGRAMME 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

Le programme 111 portant sur l’Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail connaît des cycles dans ses besoins en crédits. Ces cycles correspondent au renouvellement et aux échéanciers des conventions pluriannuelles, à l’évolution des besoins de financement pour les projets de mesure d’audience, et à la variation des crédits alloués pour la mise en œuvre des réformes.

Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits de ce programme augmentent fortement en autorisation d’engagement (+ 150 %) et se stabilisent en crédits de paiement.

ÉVOLUTION EN 2024 DES CRÉDITS DU PROGRAMME 111 PAR RAPPORT À LA LFI POUR 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

1 – Santé et sécurité au travail

23,7

27,1

+ 14 %

24,0

26,8

+ 11,3 %

2 – Qualité et effectivité du droit

18,5

16,6

 10,6 %

18,5

16,6

 10,6 %

3 – Dialogue social et démocratie sociale

7,7

141,0

+ 1 741,7 %

43,9

66,7

+ 51,9 %

4  Lutte contre le travail illégal

6 – Renforcement de la prévention en santé au travail

23,8

 100 %

24,0

 100 %

Totaux

73,7

184,6

+ 150,3 %

110,5

110,0

 0,4 %

Source : projet annuel de performances pour 2024.

Cette évolution globale se doit essentiellement à la forte progression des crédits de l’action 3 portant sur le dialogue social et la démocratie sociale en AE (+ 1 742 %) et en CP (+ 52 %).

Si les crédits de l’action 1 Santé et sécurité au travail augmentent de plus de 10 %, ceux de l’action 2 Qualité et effectivité du droit diminuent dans une proportion comparable, tandis qu’aucune dotation n’est prévue pour l’action 6 Renforcement de la prévention en santé au travail.

Traditionnellement, l’action 4 Lutte contre le travail illégal ne porte pas de crédit. Elle sous-tend l’action de l’inspection du travail, dont les crédits de rémunération sont portés par le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail de la mission Travail et emploi et les moyens de fonctionnement par le programme 354 Administration territoriale de l’État de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

A.   L’augmentation du financement des politiques portant sur la santé et la sécuritÉ au travail

L’action 1 Santé et sécurité au travail vise à la mise en œuvre par le ministère d’une politique de prévention contre les risques professionnels, les accidents du travail, les maladies professionnelles et en faveur de l’amélioration des conditions de travail. L’augmentation de 14 % en AE et de plus de 11 % en CP s’explique par le caractère cyclique des actions engagées.

Ainsi, la sous-action Recherche et exploitation des études concerne des partenariats qui prennent la forme de conventions pluriannuelles dont le renouvellement justifie une demande d’AE évoluant entre année haute et année basse. Dans le projet de loi de finances 2024, cette sous-action est ainsi abondée de 600 000 euros en AE pour un montant total de la sous-action en AE de plus de 4,3 millions d’euros.

Les subventions pour charges de service public destinées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sont inchangées par rapport à 2023 et s’établissent à 8,2 millions d’euros. En revanche, celles de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) progressent de 16 % et sont portées à 11,29 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024.

En effet, les dispositions de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour le renforcement de la santé au travail ont prévu la réorganisation du réseau des services territoriaux de l’opérateur national ANACT, avec le rattachement à l’établissement public, au plus tard le 31 décembre 2022, des ARACT, associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail, précédemment constituées en associations loi 1901. Avec l’arrêt au 31 décembre 2023 du financement exceptionnel accompagnant la mise en œuvre de la loi précitée, les crédits de l’agence sont revus à la hausse dans le projet de loi de finances 2024 pour prendre en compte le nouveau périmètre de l’opérateur.

Dans le même sens, la dotation exceptionnelle du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT), prévue pour accompagner la mise en œuvre des dispositions de la loi précitée du 2 août 2021, croît dans le projet de loi de finances pour 2024 de 1,2 million d’euros (+ 60 % par rapport à 2023 en AE et CP) et atteint 3,2 millions d’euros. L’augmentation de ce fonds, piloté par l’ANACT, permettra de poursuivre la démarche de diversification des appels à projets financés en y intégrant une dimension sectorielle et territoriale.

B.   L’ajustement des moyens consacrés à la Qualité et l’effectivité du droit

L’action 2 vise à accompagner les actions législatives afin de définir des règles équilibrées qui concilient efficacité économique et progrès social, tout en étant accessibles aux usagers et pleinement appliquées. Concrètement, les sous-actions tendent à financer le renouvellement des conseillers prud’hommes et à leur formation ainsi qu’à celles des conseillers du salarié.

Le renouvellement général des conseillers prud’hommes a conduit à la nomination de 12 960 conseillers prud’hommes par l’arrêté du 2 décembre 2022 pour la mandature 2023-2025.

L’année 2023 était ainsi la première année du nouveau cycle de formation des conseillers prud’hommes couvrant les années 2023 à 2025. Le responsable de programme avait pris l’an dernier l’engagement que seraient assurées autant de formations sur ce nouveau cycle que sur le cycle 2018-2022, soit 16 jours de formation par conseiller. Ainsi, le montant prévu en 2023 s’élevait à 15,9 millions d’euros, contre 11 millions d’euros en 2022. Le montant demandé pour 2024 est toutefois de 14,4 millions d’euros soit une diminution de 10 % par rapport à l’an passé. Il reste néanmoins fortement supérieur à celui voté en 2022.

Les crédits du conseiller du salarié et des subventions aux groupements et associations sont ajustés (– 34 %) au niveau des dépenses constatées sur les derniers exercices.

C.   La forte croissance des crédits liés au Dialogue social et À la démocratie sociale

L’action 3 inscrit la volonté du Gouvernement de mettre au premier rang la négociation collective dans l’élaboration de la norme sociale. Le montant des crédits rattachés à cette action connaît une très forte hausse de 1 742 % en AE (+ 133,3 millions d’euros) et 52 % en CP (+ 22,8 millions d’euros) par rapport aux montants prévus par la loi de finance initiale de 2023, en raison principalement de la sous-action Paritarisme et formation syndicale.

En effet, cette sous-action voit ses autorisations d’engagement de crédits, non dotées en 2023, s’élever en 2024 à 108,5 millions d’euros et ses crédits de paiement augmenter de 2,17 millions d’euros pour les porter à 36,1 millions d’euros.

Ces crédits traduisent la contribution de l’État au dispositif de financement des organisations syndicales et patronales tel qu’introduit par l’article 31 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Ce dispositif repose sur un fonds paritaire, alimenté par l’État, par une contribution des entreprises et une participation des organismes paritaires. Il offre un cadre pérenne et transparent de financement des partenaires sociaux dans l’exercice de leurs missions d’intérêt général.

L’année 2024 verra le renouvellement de la convention triennale de financement de ce fonds paritaire et des conventions triennales conclues avec les douze organismes agréés par le ministère du travail pour assurer la formation économique, sociale, environnementale et syndicale des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales. La dotation en AE de 108,51 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024 a pour objectif de couvrir la période 2024-2026. Elle est augmentée de 6,51 millions d’euros par rapport aux précédentes conventions 2021-2023.

En outre, dans la perspective du renouvellement de ces conventions, pour financer le renforcement des missions du fonds paritaire, et maintenir le niveau quantitatif et qualitatif des formations dispensées dans le contexte économique actuel, le niveau de la contribution de l’État est en augmentation de 2,17 millions d’euros en CP dans le présent projet.

Les crédits de la sous-action Aide au développement de la négociation collective se maintiennent quant à eux à hauteur de 2 millions d’euros par an. Ils visent à permettre aux services déconcentrés de disposer des financements nécessaires et de préserver leurs moyens d’intervention dans le cadre de l’accompagnement de la sortie de crise sanitaire, de la facilitation de la reprise de l’activité économique, ainsi que pour mettre en œuvre des réformes structurelles comme le comité social et économique ou l’index de l’égalité professionnelle.

Enfin, la sous-action Représentativités syndicale et patronale, augmente très fortement de 439 % en AE pour atteindre 30,48 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2024 et de 261 % en CP pour s’élever à 28,54 millions d’euros. Elle finance les projets suivants :

– le système d’information (SI) MARS permettant de recueillir, traiter et collecter les suffrages recueillis par les organisations syndicales au cours des élections professionnelles organisées dans les entreprises de onze salariés et plus. La refonte de « MARS », lancée en 2022, s’achèvera en 2024, pour la mise en œuvre du nouveau SI au début 2025.

– le SI TPE visant à recueillir les suffrages lors du scrutin prévu fin 2024 auprès des salariés des très petites entreprises et employés à domicile.

– le SI Représentativité patronale qui mesure l’audience patronale.

D.   L’achèvement de la mise en œuvre des dispositifs pour renforcer la prévention en santé au travail

L’action 6 Renforcement de la prévention en santé au travail a été créée en 2022 pour couvrir les dépenses de mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021. Les dispositifs financés n’avaient pas vocation à être pérennes et ont été programmés sur les exercices 2022 et 2023 dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR). Ils visaient notamment à accompagner le processus de modernisation des services de santé au travail ainsi qu’à financer les coûts transitoires relatifs à l’intégration des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) à l’ANACT.

Conformément à cette programmation pluriannuelle, aucun crédit en AE et CP n’a été prévu dans le projet de loi de finances pour 2024.

La lutte contre le travail illégal

Selon une estimation de l’Urssaf présentée en 2021, le manque à gagner lié au travail dissimulé est évalué dans une fourchette comprise entre 5,2 et 6,6 milliards d’euros sur le champ du régime général et de l’assurance chômage, soit un taux de dissimulation compris entre 2,2 et 2,7 % de l’assiette totale.

Pour y faire face, les effectifs du système d’inspection du travail (SIT) en matière de lutte contre le travail illégal sont, au 31 août 2023, de 1 779 agents hors personnel non inspectant. La population salariée soumise au contrôle de l’inspection du travail s élèvant selon l’INSEE (2020) à 20 527 804 salariés, le ratio est de 11 538 salariés par agent de contrôle.

Le dernier bilan chiffré de la direction générale du travail (DGT) sur la lutte contre le travail illégal fait apparaître qu’au titre de l’année 2021, 633 arrêtés préfectoraux de fermeture temporaire d’établissement ont été notifiés (contre 504 en 2020), soit une hausse de 26 % en un an. En outre, le montant des redressements effectués par l’Urssaf sur la base de ses contrôles et par d’autres corps de contrôles a atteint un montant de 789,4 millions d’euros en 2021, supérieur à celui d’avant la crise sanitaire, et s’est stabilisé en 2022 à 788,1 millions d’euros.

Un nouveau plan national de lutte contre le travail illégal a été adopté pour la période 2023-2027. Il prévoit une possibilité de bilan à mi-parcours et d’adaptation des priorités si nécessaire. Deux axes stratégiques sont définis et se déploient dans 34 mesures :

– Mieux contrôler par le ciblage, la priorisation et le renforcement des contrôles en matière de travail illégal : l’objectif de cet axe est de maintenir un haut niveau de contrôle en renforçant la dimension stratégique des contrôles à la fois sur certains secteurs fraudogènes mais aussi sur des thématiques prioritaires (fraudes complexes ou émergentes) et d’identifier les leviers d’action pour l’atteindre (coordination, partage d’information, etc.) ;

– Mieux sanctionner, mieux recouvrer et réparer les préjudices liés au travail illégal : l’objectif de cet axe est d’améliorer les suites données aux contrôles pour réparer les préjudices liés au travail illégal et donc préserver les travailleurs mais aussi mieux sanctionner les manquements.

Le ministère du travail a par ailleurs mené les actions suivantes pour conforter l’action de l’inspection du travail :

– des recrutements lancés en 2021 et 2022 permettant l’arrivée dans les services de 441 agents d’ici 2024 ;

– des embauches exceptionnelles de contractuels de catégorie A ;

– des actions de communication pour susciter des candidatures au métier d’inspecteur du travail, souvent méconnu ;

– une diversification des modalités de recrutement dans le cadre de la 3e voie et par la voie du détachement, de fonctionnaires de catégorie A ;

– une revalorisation du corps de l’inspection du travail afin de dynamiser le début de carrière.


Le rapporteur spécial se félicite de l’amélioration du bilan chiffré de la lutte contre le travail illégal de ces deux dernières années. Il relève, par ailleurs, les actions menées pour conforter l’action de l’inspection du travail et notamment les recrutements programmés sur la période 2021  2024.

Néanmoins, le rapporteur spécial estime qu’au regard du ratio exposé ci-dessus constatant un montant de redressements de 443 000 euros par agent, les moyens humains affectés au contrôle ne sont toujours pas adaptés aux enjeux d’un manque à gagner de plusieurs milliards. Il appelle dès lors à poursuivre leur renforcement au-delà de 2024 en anticipant dès à présent les procédures de recrutement avec tous les moyens subsidiaires adéquats.

IV.   Une légère hausse du plafond d’emplois et Des crédits pour le programme « support » de la mission Travail et emploi

Le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail est le programme « support » de la mission Travail et emploi. Il finance principalement les emplois du ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion, en cabinet, en administration centrale et dans les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

Ces dernières directions constituent le réseau déconcentré créé par regroupement en 2021 des missions de cohésion sociale des anciennes directions (régionales) (et départementales) de la jeunesse, du sport et de la cohésion sociale et des compétences des anciennes directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Le présent projet prévoit une progression des AE de 2 % et des CP de 2,6 % pour 2024.

Évolution en 2024 DES CRÉDITS du programme 155 par rapport À la LFI pour 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

01 – Soutien au plan d’investissement dans les compétences

12,7

12,7

+ 0,1 %

12,7

12,7

+ 0,1 %

07 – Fonds social européen - Assistance technique

08 – Fonctionnement des services

2,6

2,6

 

2,8

2,8

 

09 – Systèmes d’information

43,9

41,9

– 4,5 %

39,4

41,7

+ 5,8 %

11 – Communication

9,7

10,3

+ 5,7 %

9,8

10,3

+ 5,6 %

12 – Études, statistiques évaluation et recherche

8,1

8,6

+ 6,1 %

7,8

8,3

+ 6,4 %

13 – Politique des ressources humaines

28,6

28,6

– 0,2 %

27,7

27,7

– 0,2 %

14 – Personnels mettant en œuvre les politiques d’accès et retour à l’emploi

70,8

68,1

– 3,9 %

70,8

68,1

– 3,9 %

15 – Personnels mettant en œuvre les politiques d’accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

93,9

102,9

+ 9,6 %

93,9

102,9

+ 9,6 %

16 – Personnels mettant en œuvre les politiques d’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

330,1

333,3

+ 1,0 %

330,1

333,3

+ 1,0 %

17 – Personnels de statistiques, Études et recherche

20,7

20,3

– 1,9 %

20,7

20,3

– 1,9 %

18 – Personnels transversaux et de soutien

65,3

71,0

+ 8,6 %

65,3

71,0

+ 8,6 %

Totaux

686,6

700,3

+ 2,0 %

681,1

699,0

+ 2,6 %

Source : projet annuel de performances pour 2024.

À périmètre courant, les crédits de personnel du titre 2 augmenteraient de 3 %, les crédits des autres titres diminuant légèrement en AE, mais progressant de 3,4 % en CP. Ces évolutions sont dues essentiellement à des mesures nouvelles.

Évolution des crédits du programme 155 par titre À périmètre courant

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2023

PLF 2024

Variation

LFI 2023

PLF 2024

Variation

Titre 2

583

597,6

+ 3 %

583

598

+ 3 %

Hors titre 2

103,7

102,7

– 0,9 %

98

101

+ 3,4 %

Total

686,6

700,3

+ 2,0 %

681,1

699

+ 2,6 %

Source : ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion.

A.   L’augmentation des crÉdits de personnel et du plafond d’emplois

  1.   Une hausse des crédits

La hausse des crédits du titre 2 est liée à différents facteurs d’évolution de la masse salariale hors compte d’affectation spéciale Pensions :

– les mesures générales que sont le rebasage de la Garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa), pour 2,7 millions d’euros et l’extension en année pleine de la hausse du point d’indice de la fonction publique de +1,5 % au 1er juillet 2023 laquelle entraînera une dépense supplémentaire estimée à 4,5 millions d’euros en année pleine ;

– le glissement vieillesse-technicité (GVT) positif, hors CAS Pensions, est estimé à 5,9 millions d’euros, soit 1,4 % des crédits hors CAS Pensions prévus en 2024. Le GVT négatif, économie réalisée au titre de l’écart de rémunération entre les entrants et les sortants, est estimé quant à lui à -3 millions d’euros, soit – 0,7 % des crédits hors CAS Pensions prévus en 2024 ;

– le rebasage de l’indemnisation des jours de CET inclut la revalorisation de 10 % des indemnités forfaitaires au 1er janvier 2024 (mesure de pouvoir d’achat), +0,2 million d’euros en plus de l’enveloppe initiale de 2,3 millions d’euros prévue pour cette dépense, ainsi que la masse salariale des apprentis (2,3 millions d’euros) ;

– l’augmentation de la prise en charge des frais de transport (0,5 million d’euros), pour un coût total en année pleine de 0,8 million d’euros.

Par ailleurs, les mesures catégorielles prévues en 2024 s’élèvent à 7,3 millions d’euros. Elles couvrent :

– des mesures indemnitaires qui poursuivent des objectifs d’attractivité des métiers du ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion pour 4 millions d’euros hors CAS Pensions ;

– une mesure indiciaire de pouvoir d’achat avec l’attribution de 5 points d’indice pour tous les agents pour une dépense prévue de 2,7 millions d’euros ;

– des mesures indiciaires et indemnitaires attachées à la réforme du corps des administrateurs de l’État correspondant à une augmentation de 0,6 million d’euros hors CAS Pensions.

Enfin, le présent projet de loi intègre un schéma d’emplois positif à hauteur de sept emplois au titre de la ré-internalisation des compétences en matière de numérique au profit de la direction du numérique (DNUM).

  1.   Une augmentation du plafond d’emplois

Le plafond d’emplois augmente de 32 ETPT, passant de 7 767 ETPT en LFI 2023 à 7 799 ETPT en PLF 2024, compte tenu, en particulier, des conséquences pour 2024 du schéma d’emplois positif obtenu en loi de finances initiale pour 2023.

Par ailleurs, l’année 2024 voit, deux ans après la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), la pérennisation des 120 emplois temporaires supportés par le ministère restant en surnombre après la réforme.

En outre, les renforts initialement dédiés à l’accompagnement des restructurations économiques et du plan de relance dans les services déconcentrés sont maintenus à hauteur de 105 ETPT. Les missions des délégués à l’accompagnement des reconversions professionnelles s’orienteront désormais vers les politiques de ré industrialisation des territoires, de mutations économiques et d’industrie verte, dans le contexte de France 2030.

B.   Les crÉdits hors titre 2

À périmètre courant, l’évolution des crédits hors titre 2 diminue de 0,97 million d’euros en AE et augmente de 3,29 millions d’euros en CP, soit une diminution de près de 1 % en AE et une augmentation de plus de 3 % en CP entre la loi de finances initiale pour 2023 et le projet de loi de finances pour 2024.

Cette évolution intègre les mesures nouvelles suivantes :

– une augmentation de 1 million d’euros en AE et CP sur l’action 11 Communication au titre de la communication ministérielle du secteur Travail et emploi notamment pour promouvoir la prévention des accidents du travail graves et mortels et la création de France Travail ;

– une augmentation de 2,4 millions d’euros en AE et 2,3 millions d’euros en CP sur l’action 9 Systèmes d’information dont 1 million d’euros en AE et CP pour financer les systèmes d’information du champ emploi et formation professionnelle pilotés par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et 1,4 million d’euros en AE et 1,3 million d’euros en CP pour financer les systèmes d’information ministériels transverses et ceux plus spécifiques au champ travail pilotés par la direction du numérique des ministères sociaux.

Par ailleurs, la prise en compte d’une mesure de périmètre à hauteur de – 4,3 millions d’euros en AE est venue gager les crédits de cette dernière action afin de couvrir les besoins du programme 111 de la mission Travail et emploi au bénéfice de l’engagement de la convention AGFPN prévue en 2024.

  1.   des dépenses fiscales rattachées À LA mission Travail et EMPLOI conséquentes dont la connaissance et le suivi doivent être améliorés

Le montant des dépenses fiscales rattachées à la mission Travail et emploi devrait atteindre 10,214 milliards d’euros en 2024, soit environ 32 % du coût consolidé de la mission.

coÛt consolidÉ de la mission Travail et emploi

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après le tome II de l’annexe Voies et moyens, PLF 2024.

Les dépenses fiscales de la mission concernent essentiellement les programmes 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi (9 210 millions d’euros en 2024) et 111 Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail (984 millions d’euros). Elles sont concentrées sur un nombre restreint de dispositifs, dont deux dont le montant dépasse un milliard d’euros.

Principales dépenses fiscales de la mission travail et emploi

(prévision en millions d’euros)

 

2022

2023

2024

Programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

5 670

5 920

6 170

Exonération de l’impôt sur le revenu, sous certaines conditions et limites, des rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires

1 707

1 867

1 787

Exonération des salaires des apprentis et des gratifications versées aux stagiaires

323

356

373

Exonération des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées

320

300

320

Exonération sous plafond des indemnités reçues par les salariés en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail (ou dispositifs assimilés)

279

279

279

Programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et du dialogue social

Exonération de la participation des employeurs au financement des titres-restaurant

443

505

505

Taux réduit de TVA à 10 % pour les recettes provenant de la fourniture de repas par les cantines d’entreprises ou d’administrations et taux de 5,5 % pour la fourniture de repas par des prestataires dans les établissements d’enseignement

159

149

159

Crédit d'impôt au titre des cotisations versées aux organisations syndicales représentatives de salariés et aux associations professionnelles nationales de militaires

143

142

142

Exonération partielle de la prise en charge par l'employeur, une collectivité territoriale ou Pôle emploi, des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail

155

170

Non chiffrée

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires annexés au PLF 2024.

La mission Travail et emploi demeurerait en 2024 la troisième mission du budget général pour le coût des dépenses fiscales rattachées.

CoÛt des dÉpenses fiscales pour les principales missions de l’État

Missions

2024

Coût

(en millions d’euros)

Nombre

Solidarité, insertion et égalité des chances

12 270

29

Cohésion des territoires

11 607

87

Travail et emploi

10 214

20

Recherche et enseignement supérieur

8 820

11

Économie

7 154

69

Source : commission des finances, d’après le tome II de l’annexe Voies et moyens, PLF 2024.

En conclusion, le rapporteur relève le poids élevé des dépenses fiscales associées à la mission Travail et emploi. Il appelle à leur suivi rigoureux, à leur évaluation régulière et à leur meilleure connaissance. En effet sur ce dernier point, à l’instar de la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2023 sur le pilotage et l’évaluation des dépenses fiscales, il observe notamment que le nombre de bénéficiaires de l’exonération de l’impôt sur le revenu des rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires n’est pas renseigné dans les documents budgétaires du projet de loi de finances, alors que son coût prévisionnel pour 2024 est de 1,7 milliard d’euros.

Il note, enfin, que les dépenses fiscales de cette mission ont un impact environnemental majoritairement neutre. Seule l’exonération partielle de la prise en charge par un employeur, une collectivité territoriale ou Pôle emploi, des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail (170 millions d’euros prévus en 2023, non chiffrée dans le présent projet de loi) a été cotée comme favorable sur les axes « Atténuation climat » et « Pollutions » par le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État. Sa finalité consiste effectivement à inciter les salariés à utiliser les transports en commun pour le trajet domicile-travail. À ce propos, le rapporteur plaide pour un rapprochement des politiques de l’emploi et du logement des salariés ([41]).

 


   ExAmen en commission

Au cours de sa réunion du lundi 30 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Travail et emploi.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

La commission a examiné 86 amendements, et elle a adopté quatre amendements de crédits : II-CF76, II-CF2787, II-CF2821 et II-CF2840.

La commission a adopté, conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, les crédits de la mission Travail et emploi ainsi modifiés.

La commission a ensuite adopté les amendements du rapporteur spécial II-CF2907, II-CF3228 et II-CF3237 portant articles additionnels après l’article 59 du projet de loi de finances pour 2024.

 

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. L’examen des crédits de la mission Travail et emploi intervient alors que le Parlement arrive en fin d’examen du projet de loi pour le plein emploi, après que la commission mixte paritaire s’est révélée conclusive le 23 octobre dernier. Ce texte n’est pas sans incidence sur les orientations du projet de budget pour 2024.

Avec un taux de chômage historiquement bas, à 7,2 % de la population active, et 84 % des entreprises anticipant des difficultés de recrutement au troisième trimestre 2023, l’enjeu n’est pas tant celui du niveau des crédits que celui du ciblage des dispositifs et des fonds vers les personnes les plus éloignées de l’emploi.

Rappelons que les conditions de travail se sont améliorées : les embauches en CDI ou en CDD long ont augmenté et le temps partiel a diminué depuis la crise sanitaire. Par ailleurs, les salaires nominaux ont fortement progressé pour répondre à l’inflation.

Il nous faut garder en tête ces éléments de contexte importants à l’occasion de l’examen des amendements. Nous ne pouvons pas aborder les choses comme nous l’aurions fait il y a quinze ans quand le chômage dépassait 9 %.

Le niveau des crédits démontre par ailleurs l’engagement renouvelé du Gouvernement pour aller chercher les personnes les plus éloignées de l’emploi, avec la volonté d’abonder les dispositifs les plus efficaces.

Je souhaiterais tout d’abord donner un chiffre global, celui de 284 milliards d’euros : c’est le montant de l’effort financier de l’État en faveur de l’emploi et du marché du travail en 2021. Cette enveloppe est utilisée pour inciter à l’embauche et à l’activité, soutenir les revenus en cas de privation d’emploi et financer l’apprentissage et la formation professionnelle, mais aussi l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Avec 22,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, la mission Travail et emploi ne représente budgétairement que 8 % de cet ensemble.

Malgré tout, ce budget connaît une nouvelle forte hausse par rapport aux crédits ouverts pour 2023 : celle-ci atteint 13 % en autorisations d’engagement et 8 % en crédits de paiement, soit une progression respective de 2,6 milliards et 1,7 milliard d’euros. Cette augmentation découle essentiellement de l’accroissement des dépenses du programme 103 en faveur de l’apprentissage.

Le PLF pour 2024 prévoit ainsi dès la programmation initiale une subvention de 2,5 milliards d’euros, contre 1,7 milliard dans le PLF pour 2023. Ces efforts ne suffisent cependant pas pour réduire l’écart de 6 milliards d’euros entre les recettes et les dépenses de l’alternance. Cette trajectoire difficilement soutenable me conduira à défendre un amendement de recentrage du dispositif. Il s’agira de revenir à l’esprit de la réforme de 2018 en supprimant le bénéfice de l’aide unique aux employeurs d’apprentis préparant un diplôme égal ou supérieur à bac + 3, pour les entreprises comptant plus de 250 salariés. Sans être caricatural, quand on connaît les difficultés à recruter, on peut admettre que les plus grandes entreprises n’ont pas besoin d’aide à l’embauche pour recruter des cadres, même en apprentissage, d’autant que les salaires sont plafonnés en pourcentage du SMIC et totalement exonérés de cotisations, quel que soit le niveau de diplôme. Nous y reviendrons, mais je ne peux que vous inciter à adopter cet amendement tant il est juste ; en outre, nous pourrons redéployer une partie de l’argent ainsi économisé.

Dans un second amendement, je proposerai la création d’une dotation de soutien à l’investissement pour les centres de formation d’apprentis (CFA) des métiers de la main les plus en difficulté, afin de compenser le niveau insuffisant de la prise en charge, pour des crédits qui sont, en principe, hors du champ de l’opérateur de l’État.

Je serai également favorable aux amendements qui visent à abonder le fonds de développement de l’inclusion (FDI), en émettant le souhait qu’il soutienne plus particulièrement les associations intermédiaires, dont l’aide au poste est la plus faible des structures de l’insertion par l’activité économique (IAE).

Voilà, mes chers collègues, quelques mesures qui permettraient d’accroître, à coût constant, notre soutien là où il est le plus efficace.

Dernier point au sujet de l’apprentissage, je souhaite mener un travail sur la question de la création d’un contrat unique dédié à l’alternance. La frontière qui subsiste entre l’apprentissage et la professionnalisation ne me semble plus guère avoir de sens : l’alternance devrait être possible à tout âge, avec un ciblage sur les formations des chômeurs de longue durée, dans les métiers en tension et les filières stratégiques.

Nous reviendrons amplement, dans le cadre de l’examen des amendements, sur les crédits dédiés à Pôle emploi, à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée ou aux contrats aidés.

En conclusion, je donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Travail et emploi. Ces crédits sont la traduction budgétaire des réformes cohérentes du marché du travail et des politiques de l’emploi menées depuis 2017. Elles ont produit des résultats extrêmement encourageants, qui nous invitent à poursuivre nos efforts.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement CF2811 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement puise sa source dans notre étonnement devant la baisse de 80 millions d’euros des moyens alloués à Pôle emploi. Ce montant équivaut à la suppression de 2 000 conseillers, alors que le nombre de demandeurs d’emploi augmente – 20 000 inscrits supplémentaires ont été recensés le mois dernier – : votre choix est absurde !

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je voudrais d’abord rappeler qu’après des décennies de chômage de masse, le taux de chômage est au plus bas depuis 1982 et le taux d’emploi au plus haut depuis que l’Insee le mesure, c’est-à-dire 1975.

Les moyens de Pôle emploi n’ont cessé d’augmenter : les effectifs, y compris ceux hors plafond, ont connu une progression de 545 ETP annualisés en 2022. En outre, l’État a financé à hauteur de 366 millions d’euros différents programmes liés à l’offre de services de Pôle emploi, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC). En 2023, les subventions pour charges de service public (SCSP) ont crû de 157 millions d’euros ; ce montant restera stable en 2024, mais une enveloppe supplémentaire de 170 millions d’euros sera consacrée à l’accompagnement expérimental des bénéficiaires du RSA. Au total, le plafond d’emplois est revalorisé de 300 ETP. Le Gouvernement veille à accroître progressivement les moyens alloués à l’opérateur.

L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF2846 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur spécial, le taux d’emploi en 1975 était bien supérieur à son niveau actuel : je vous invite à consulter la série longue de l’Insee, qui fait foi.

Le contexte de l’examen des crédits de cette mission est marqué par le projet de loi pour le plein emploi : avec France Travail, le service public de l’emploi devra prendre en charge de nouveaux usagers et allocataires, donc votre réponse, qui ne mentionne ni les moyens, ni les objectifs, ni le personnel, est évidemment insuffisante.

Cet amendement de repli vise à augmenter les moyens d’accompagnement de Pôle emploi, somme utile mais trop faible pour atténuer les effets des politiques que vous menez par ailleurs.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous comparez des chiffres actuels avec ceux de 2009, mais le marché du travail n’est plus le même.

Vous critiquez les choix opérés dans le cadre de la réforme France Travail, alors qu’ils résultent d’une remarquable concertation menée par M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises.

Je fais confiance au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, ainsi qu’à l’ensemble des acteurs du réseau France Travail pour qu’ils se saisissent des nouvelles opportunités offertes par le projet de loi pour le plein emploi. Lors des auditions que nous avons menées, le directeur général de Pôle emploi n’a émis aucun souhait de voir ses crédits augmenter.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous nous reportons au nombre de demandeurs d’emploi qu’accompagnait un agent en 2009, car c’est à cette date qu’un référentiel a été fixé pour la dernière fois. L’accompagnement étant un droit, pourquoi le réduire d’une année à l’autre en fonction du contexte ?

Vous faites confiance au ministre – tant pis pour vous –, mais également aux conseillers de Pôle emploi : faites donc un geste pour eux et donnez-leur les moyens de faire leur travail !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF2929 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). L’objet de l’amendement est d’octroyer une dotation budgétaire visant à instaurer un ratio d’accompagnement minimal pour les demandeurs d’emploi bénéficiant de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH).

Les exigences ne sont pas les mêmes pour ces demandeurs d’emploi : les agents du service public de l’emploi doivent connaître la nature et les logiques d’adaptation des postes de travail vers lesquels ces personnes sont dirigées, mais aussi les entreprises qui offrent des conditions de travail supérieures à leurs obligations légales. Il est normal que l’accompagnement de ces demandeurs d’emploi, en situation de discrimination systémique sur le marché du travail, prenne plus de temps : l’amendement permet au service public de l’emploi de bien remplir cette mission.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Votre amendement semble faire l’impasse sur le partenariat conclu entre Pôle emploi et Cap emploi. Dans les 852 agences de Pôle emploi, l’ensemble des demandeurs d’emploi en situation de handicap sont désormais pris en charge au sein d’un lieu unique d’accompagnement (LUA). Les résultats sont là : la part des recrutements de demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi est passée de 4,7 % en 2021 à 5,4 % en 2022. Par ailleurs, le nombre de ces demandeurs d’emploi de longue durée a diminué de 15 % et le taux d’accès à l’emploi après une formation a crû de 1,9 point.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens l’amendement de M. Clouet. Contrairement à ce qu’indique le rapporteur spécial, les conseillers Pôle emploi ne sont pas suffisamment nombreux ni formés – nous avons débattu de cette question importante lors de l’examen du projet de loi pour le plein emploi. Nous déplorons qu’un conseiller Pôle emploi accompagne en moyenne quatre-vingt-dix-sept demandeurs d’emploi, selon le rapport Guilluy, alors que le même ratio est d’un pour trente-sept en Allemagne. Il conviendrait de fixer des ratios plafonds, en particulier pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi en situation de handicap.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2926 de Mme Danielle Simonnet et II-CF2934 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Depuis 2012, Pôle emploi s’est engagé dans ce que d’aucuns qualifient de « stratégie de transparence » du marché du travail. Au lieu de recevoir des offres d’emploi, de les enregistrer, de les coder puis de les mettre en ligne, l’opérateur public conclut des conventions avec des sites internet privés ayant eux-mêmes recueilli des offres afin de les republier directement. Autrement dit, il n’effectue plus le nécessaire travail d’intermédiation, de recodage et de vérification de la légalité des offres, qui sont de plus en plus nombreuses à ne pas respecter la législation en vigueur. Aussi proposons-nous d’allouer au service public de l’emploi les crédits lui permettant de contrôler ces offres et de s’assurer de leur légalité. Lors de la discussion, en première lecture, du projet de loi pour le plein emploi, l’Assemblée nationale avait adopté un amendement visant à conférer ces prérogatives à Pôle emploi, mais la disposition a été supprimée en commission mixte paritaire. Nous avons ici l’occasion de revenir sur cette erreur.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je vous rassure, Pôle emploi contrôle la légalité de l’ensemble des offres publiées sur son site. En cas de non-respect des dispositions légales en vigueur, il met fin à sa collaboration avec le partenaire concerné. Ainsi, vingt-deux conventions ont été dénoncées depuis 2014. En 2022, une étude portant sur 4 973 offres d’emploi a montré que 94,4 % des offres publiées étaient conformes au cadre légal. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Pôle emploi n’a pas les moyens de gérer le flux des offres qu’il reçoit : le contrôle n’est donc pas effectué au moment de la mise en ligne, mais a posteriori. Par ailleurs, il est vrai qu’une convention peut être rompue lorsqu’il est démontré que le partenaire a eu l’intention de tromper l’opérateur public, mais ce n’est pas de ces situations que nous parlons ici. Vous n’avez pas répondu à la question que nous avons soulevée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF2840 de Mme Marie Pochon

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Il s’agit de soutenir l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) lancée en 2016 et aujourd’hui menacée par un budget insuffisant. Les crédits sont en hausse mais ne permettent pas de financer le développement du dispositif : d’après les associations, il manque 20 millions d’euros. Concrètement, des entreprises à but d’emploi (EBE) risquent de fermer et celles qui pourraient ouvrir ne verront pas le jour. Il est incompréhensible que, pour 20 millions, on menace un dispositif issu de deux lois adoptées à l’unanimité qui a permis, dans cinquante-huit territoires, l’embauche de 3 600 personnes éloignées de l’emploi. Certes, il ne suffit pas à un chômeur de longue durée de traverser la rue pour trouver un emploi, mais les TZCLD fonctionnent. Nous proposons donc d’augmenter le budget qui leur est consacré.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Nous sommes tous attachés à l’expérimentation TZCLD, que nous avons prolongée de cinq années par un vote unanime en 2020. Au 11 septembre 2023, selon l’association gestionnaire du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, ce dispositif concernait cinquante-huit territoires, soixante-quatre EBE et 2 355 salariés. Il faut cependant faire la différence entre le nombre de salariés conventionnés et le nombre d’ETP. Ainsi, dans la durée, un ETP finance un peu plus de 1,2 salarié : cela change la donne ! Pour 2024, le budget de l’expérimentation TZCLD est en forte croissance : il bénéficie même de la hausse la plus importante de toute la mission. Au total, 1 091 ETP supplémentaires sont financés, soit environ 1 300 nouveaux entrants.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vos explications ne correspondent pas à ce que disent les élus locaux, qui se sont fortement mobilisés la semaine dernière devant l’Assemblée nationale. Ils demandent 20 millions d’euros supplémentaires, comme le propose cet amendement. Le budget prévu pour 2024 est clairement insuffisant : aux dires de l’ensemble des professionnels, il ne permettra ni de mettre en œuvre ce qui est prévu dans le cadre de l’expérimentation, ni de développer le dispositif. Vous gelez et réduisez les recrutements à venir.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je soutiendrai tout à l’heure l’amendement II-CF76, qui va dans le même sens. Nous parlons ici d’une expérimentation, d’un dispositif fragile car innovant et difficile à mettre en œuvre. Les acteurs concernés ont donc besoin de visibilité financière. Un projet de ce type, sur lequel je travaille depuis plusieurs années en lien avec une association, est déployé dans ma circonscription. Il me semble très important d’écouter les associations et de tenir compte de leurs projections. Si ces projets ne peuvent pas aboutir, ce sera très frustrant ! Il ne faudra alors pas s’étonner de leurs mauvais résultats.

M. Daniel Labaronne (RE). Un territoire zéro chômeur a été mis en place dans la commune dont j’ai été le maire. Je connais donc bien ce dispositif.

Lorsque nous avons voté l’expérimentation, l’accompagnement de l’État était de 53 %. Il est ensuite passé à 95 %, ce qui a satisfait tout le monde. Après la crise du covid, un nouveau coup de pouce a été donné et l’accompagnement de l’État a été porté à 103 %. Le Gouvernement entend maintenant revenir à 95 %. J’estime, pour ma part, que l’État joue pleinement son rôle et que les récriminations sont un peu exagérées.

La commission adopte l’amendement II-CF2840.

Les amendements II-CF2985 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CF3005 de Mme Sarah Legrain et II-CF48 de Mme Cécile Rilhac sont retirés.

Amendement II-CF2762 de M. Jocelyn Dessigny

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Le projet France Travail est bien financé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2913 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous entendons revenir sur la suppression massive de contrats aidés, qui jouent un rôle essentiel pour le maintien d’un tiers-secteur et le soutien au travail associatif. Ils permettent de répondre à des besoins sociaux, y compris lorsqu’ils ne sont pas solvables, et de mettre le pied à l’étrier à de nombreux jeunes qui acquièrent ainsi une expérience professionnelle, des qualifications et des compétences qu’ils pourront réemployer ultérieurement dans d’autres contextes productifs. Aussi demandons-nous le rétablissement du financement des contrats aidés pour l’année 2024.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Votre amendement témoigne de l’importance des contrats aidés. Toutefois, dans un contexte de fortes tensions en matière de recrutement, il n’est pas forcément souhaitable de maintenir ce type d’outil. Bien d’autres dispositifs permettent d’accéder à un emploi durable : nous renforçons notamment les moyens dédiés à l’insertion par l’activité économique (IAE).

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Monsieur Clouet, je ne vois toujours pas la cohérence entre votre dénonciation des aides à l’apprentissage et votre éloge des contrats aidés. Toutes les études ont montré que ces derniers coûtaient beaucoup d’argent pour un effet sur l’emploi assez marginal.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). L’explication de M. le rapporteur spécial est assez étonnante. Dès lors qu’il y aurait de fortes tensions de recrutement – ce qui peut se discuter – et que certaines offres d’emploi ne trouveraient pas preneur parce qu’elles sont de mauvaise qualité, il faudrait supprimer les contrats aidés, ou tout du moins arrêter d’en créer. Cela signifie logiquement que vous voulez utiliser les jeunes pour boucher les trous des emplois les moins dignes et les moins qualitatifs.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2812 de Mme Danielle Simonnet et II-CF2967 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). L’amendement II-CF2967 vise à augmenter le nombre de parcours emplois compétences (PEC) à destination des jeunes, particulièrement confrontés au chômage – la France est l’un des pays où le chômage des jeunes est le plus important.

Alors que les contrats aidés avaient été remobilisés dans le contexte de la crise sanitaire, le Gouvernement a choisi de diminuer à nouveau leur nombre, ramené à 80 000 PEC dans le secteur non marchand et à 31 150 contrats initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand. Il poursuit ainsi la baisse engagée dans la précédente loi de finances. Nous nous éloignons de plus en plus du niveau de 2016, année où 459 000 contrats aidés – soit quatre fois plus qu’aujourd’hui – étaient en cours. Nous ne pouvons que déplorer cette baisse, qui se fait au détriment des jeunes et du tissu associatif qui profitent de ces contrats.

Les Écologistes proposent donc d’augmenter les crédits fléchés pour atteindre le nombre de 300 000 PEC et améliorer la situation d’autant de jeunes.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Il est indéniable que, depuis 2017, le Gouvernement a fait beaucoup pour l’emploi des jeunes. Les résultats sont là : le taux d’emploi des 15-24 ans a atteint 34,9 %, son plus haut niveau depuis 1990. Plus de 9 milliards d’euros ont été investis dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » lancé à l’été 2020. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle rejette successivement les amendements IICF2750 de M. Dominique Potier et II-CF2959 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Amendement II-CF2965 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter légèrement la prise en charge des PEC, ce qui permettra une hausse de leur rémunération.

M. Sitzenstuhl s’étonnait que nous fassions une différence entre l’apprentissage et les contrats aidés. Les différences sont, en réalité, au nombre de trois. Nous dénonçons d’abord un effet d’aubaine : les entreprises recourant à l’apprentissage auraient les moyens financiers de faire autrement, ce qui n’est pas le cas des associations utilisant des contrats aidés. La deuxième différence tient au niveau de rémunération : les titulaires de contrats aidés perçoivent un salaire décent, puisqu’ils ne peuvent être payés en dessous du Smic, ce qui n’est pas le cas des apprentis. Enfin, 95 % des jeunes en apprentissage ne bénéficient d’aucun accompagnement, tandis que 100 % des salariés en contrat aidé réalisent des activités utiles et acquièrent ainsi certaines qualifications.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je ne reviendrai pas sur la notion d’« emploi digne » que vous avez utilisée. À l’été 2022, plus de 60 % des entreprises faisaient état de difficultés de recrutement – ce taux a doublé depuis 2015. Il existe donc de réelles opportunités d’emploi en dehors du cadre des contrats aidés.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Ce chiffre est tout à fait exact, mais il est malheureusement issu d’enquêtes déclaratives dans lesquelles les entreprises sont invitées à prendre en compte des difficultés anticipées. À en croire ces enquêtes, les difficultés de recrutement ne cesseraient d’augmenter depuis soixante-dix ans, alors même que la durée des contrats n’arrête pas de diminuer. Les déclarations des uns sont donc contredites par le comportement des autres.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2784 de Mme Eva Sas et II-CF2917 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement II-CF2917 vise à créer 2 100 ETP d’insertion dans les ateliers et chantiers d’insertion (ACI).

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Le financement par l’État du secteur de l’IAE augmentera de près de 200 millions d’euros en 2024, pour atteindre 1,5 milliard. Les ACI sont les premiers bénéficiaires de ce soutien, qui dépasse 1 milliard d’euros et passe par des aides au poste de plus de 23 000 euros chacune. Je ne pense pas qu’il faille faire davantage pour ces structures. En revanche, je serai favorable à une augmentation du soutien apporté à l’IAE – mais nous aurons l’occasion d’en discuter un peu plus tard.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je suis toujours un peu sceptique devant les montants proposés par les amendements : je me garde donc de les voter. En revanche, je rejoins les propos de M. Bouloux s’agissant des besoins des ACI, qui font face à une augmentation massive de leurs charges de fonctionnement. Ils ne disposent pas de grandes marges de manœuvre, d’autant qu’ils doivent faire à des contraintes économiques que les autres entreprises n’ont pas. Il y a donc, en quelque sorte, un double effet ciseaux qu’il convient de prendre en compte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF2819 de M. Hadrien Clouet

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Cette demande est satisfaite par l’adoption de l’amendement II-CF2840. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle rejette l’amendement II-CF1098 de Mme Cyrielle Chatelain.

Amendement II-CF2966 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Il s’agit d’augmenter le nombre de PEC dans les territoires ultramarins. Le sujet a déjà été longuement évoqué : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2752 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Nous proposons de bonifier de 1 500 euros par ETP l’aide au poste dont bénéficient les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) présentes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les territoires d’outre-mer, pour une enveloppe globale de 40 millions d’euros. Ces dispositifs sont moins aidés que ceux que nous avons évoqués précédemment.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Si j’adhère à la philosophie de cet amendement, je doute de la pertinence d’une revalorisation linéaire pour l’ensemble des structures. Alors que l’aide au poste des ACI s’élève à 23 000 euros, celle des associations intermédiaires (AI) n’est que de 1 500 euros. Je préférerais donc abonder le fonds de développement de l’inclusion (FDI), comme je le proposerai dans un prochain amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2984 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous nous réjouissons de constater que des majorités peuvent se former, dans cette commission, en faveur des TZCLD. Nous proposons donc l’établissement de comités régionaux permettant de prendre en compte les particularités des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Nous avons déjà voté un abondement des crédits de ce programme : votre amendement est donc satisfait.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cela ne doit pas nous empêcher d’adopter le présent amendement, qui sera alors doublement satisfait ! Puisque nous sommes d’accord sur le principe, vous ne pourrez que vous satisfaire d’une augmentation de 40 millions supplémentaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2789 de Mme Eva Sas et II-CF2751 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). Alors que les AI ne représentent que 3 % du budget global de l’IAE, leur taux de sortie vers l’emploi est excellent. Aussi l’amendement II-CF2751 vise-t-il à doubler le montant de l’aide au poste dans ces structures, qui passerait de 1 570 euros à 3 140 euros.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Si je souscris à cet objectif, je déplore que nous manquions de données. Du reste, le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) consacré à l’IAE ne recommandait pas de donner suite à la demande de revalorisation des aides au poste dans les AI. Je l’ai déjà dit, il me semble plus ingénieux d’abonder le FDI, ce qui permettrait de venir en aide aux structures qui en ont le plus besoin, dont font partie les AI.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous nous mettrons peut-être d’accord pour abonder le FDI, mais il faudra ensuite arbitrer entre les différentes structures qu’il finance. Je propose ici de privilégier le parent pauvre de l’IAE.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CF2787 de Mme Eva Sas, II-CF2858 de Mme Stella Dupont et IICF2918 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’amendement II-CF2787 vise précisément à maintenir le FDI. Alors que ce fonds est indispensable au soutien et au développement des SIAE, tant en période de croissance qu’en période de consolidation, aucune dotation n’est prévue pour l’année 2024. Il convient d’adapter le FDI aux enjeux et aux priorités du moment plutôt que de le supprimer.

Mme Stella Dupont (RE). L’amendement II-CF2858 est proche, sur le principe, de celui que vient de défendre Mme Arrighi. En matière de financement de l’IAE, le compte n’y est pas tout à fait. Beaucoup d’inquiétudes s’expriment sur le terrain, où l’on constate de nombreuses disparités en fonction de la nature de l’activité des structures d’insertion : certaines parviennent à faire du chiffre d’affaires, à dégager des marges et à être rentables, tandis que d’autres, dans les secteurs des travaux du paysage et du maraîchage, par exemple, ont beaucoup plus de mal à atteindre l’équilibre économique. Ce sont pourtant des métiers dont notre agriculture a besoin, pour lesquels il est nécessaire de mettre en place des formations. Pour toutes ces raisons, il convient de renforcer les moyens de l’IAE.

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement II-CF2918 rejoint les deux précédents. Nous devons accompagner le développement des SIAE, qui réalisent un travail très utile.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je donne un avis favorable à ces amendements visant à abonder de 30 millions d’euros la dotation du FDI. Il conviendra de soutenir tout particulièrement les AI et les SIAE les plus en difficulté.

La commission adopte l’amendement II-CF2787, les autres amendements étant retirés.

Amendements II-CF76 de Mme Émilie Bonnivard, II-CF105 de M. Arthur Delaporte, II-CF1096 de Mme Cyrielle Chatelain, II-CF2658 de Mme Sophie Errante, II-CF2686 de Mme Anne Le Hénanff et II-CF2994 de M. Sébastien Rome (discussion commune)

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il conviendrait d’adopter mon amendement II-CF76, à 20 millions d’euros, car il est toujours préférable de voter les sommes demandées par les associations.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement II-CF105 et les autres de la discussion commune sont mieux rédigés que l’amendement II-CF2840 que nous avons adopté tout à l’heure, dans la mesure où ils abondent la bonne ligne. Par ailleurs, ils sont conformes à la demande des plus de 250 élus de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée, qui estiment leurs besoins annuels à 89 millions d’euros. Je vous propose donc d’adopter mon amendement, ce qui montrera notre volonté forte et transpartisane de soutenir l’expérimentation TZCLD. Certes, deux amendements auront été adoptés sur le même sujet, mais cela permettra au Gouvernement de choisir celui qu’il retiendra.

Mme Sophie Errante (RE). Je tiens à saluer l’engagement sur le long terme de Louis Gallois et de tous ceux qui soutiennent ce projet, que je suis depuis son lancement. J’aimerais qu’une évaluation soit conduite avant 2025 – si nous pouvions déjà avoir quelques résultats d’ici à juillet 2024, nos débats s’en trouveraient grandement facilités. J’espère que nous pourrons apaiser la situation et arrêter de nous invectiver les uns les autres : ce serait vraiment un grand progrès !

Mme Lise Magnier (HOR). L’amendement II-CF2686 tient particulièrement à cœur à ma collègue Anne Le Hénanff, qui est également concernée par ce projet. Quand on mène une expérimentation, il faut y consacrer les moyens. À l’instar de Sophie Errante, je souligne la nécessité d’évaluer le dispositif au fil de l’eau afin de l’adapter. Il serait bon que le Gouvernement entende cette demande transpartisane à 20 millions d’euros, et non à 31 millions, puisque ce sont les amendements de la présente discussion commune que nous devons adopter tous ensemble.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Ces amendements sont effectivement les plus transpartisans, dans la mesure où ils rassemblent le plus de groupes.

Je tiens à réagir à quelques fake news qui ont été distillées. Le ministère dispose bien des plans de recrutement, que la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) reçoit tous les mois dans le cadre de la convention signée avec les territoires. Par ailleurs, l’association ne confond pas ETP et salariés. Le nombre d’ETP concernés par le dispositif devrait passer de 2 213, à la fin de l’année 2023, à 4 129, à la fin de l’année 2024. Ce doublement de volume nécessite un doublement des crédits. Aussi l’abondement de 20 millions d’euros est-il absolument nécessaire, d’autant que le secteur non marchand n’est pas solvable par le marché. C’est un peu comme pour la construction d’un pont : le projet nécessite des investissements initiaux, mais sa réalisation permettra le développement de l’économie et des territoires.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. J’entends bien que l’association prévoit le doublement du nombre d’emplois, mais je rappelle que ces crédits ont toujours été sous-exécutés lors des précédents exercices budgétaires.

Je souhaite bien sûr que TZCLD parvienne à doubler le nombre de salariés concernés par l’expérimentation. Le Gouvernement sera au rendez-vous, comme il s’y est engagé : quoi qu’il en soit, il sera toujours possible d’augmenter les crédits. Cependant, la commission s’est prononcée en faveur d’un abondement de 31 millions d’euros : dès lors, nous n’allons pas y ajouter 20 millions supplémentaires… Je demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi je leur donnerai un avis défavorable. C’est dommage car, si l’amendement II-CF2840 n’avait pas été adopté précédemment, je m’en serais remis à la sagesse de la commission.

M. le président Éric Coquerel. Si j’ai bien compris, certains de nos collègues estiment que le Gouvernement pourrait être tenté de retenir cet amendement dans le texte qui fera l’objet du 49.3, et que 20 millions valent mieux que rien du tout.

M. Arthur Delaporte (SOC). C’est plutôt un avis de sagesse que le rapporteur spécial vient de donner à ces amendements. Notre commission doit les adopter car, dans le cadre du 49.3, le Gouvernement sera libre de choisir l’amendement II-CF2840, à 31 millions, ou l’un de ceux de la présente discussion commune, à 20 millions, sachant que ce montant correspond à la demande de l’association TZCLD. La sous-exécution constatée lors des exercices précédents ne doit pas nous inciter à voter des budgets moins-disants, mais plutôt à dépenser les crédits ouverts afin de créer des emplois et d’élargir le dispositif à de nouveaux territoires.

La commission adopte l’amendement II-CF76.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendements II-CF2788 de Mme Eva Sas et II-CF2919 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Le budget alloué à la formation des salariés en parcours au sein des SIAE, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences de l’insertion par l’activité économique (PIC IAE), est parfaitement stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. L’amendement II-CF2788 vise à ajouter 20 millions d’euros aux 100 millions déjà inscrits.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. La vraie question concerne davantage la traçabilité des dépenses du PIC IAE que le niveau des crédits ouverts. Les acteurs eux-mêmes ignorent si la dotation de 100 millions est surcalibrée ou insuffisante. Par ailleurs, l’exposé sommaire de l’amendement II-CF2788 me semble quelque peu confus, puisqu’il y est également question du FDI. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle rejette l’amendement II-CF2968 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Amendement II-CF2993 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Nous proposons de consacrer 1 milliard d’euros à la garantie jeunes, devenue contrat d’engagement jeune (CEJ), afin de rendre le dispositif vraiment universel.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Le CEJ est un dispositif non contingenté, ouvert à tous les jeunes qui remplissent les critères d’admission. Si les crédits doivent être augmentés, ils le seront forcément dans le cadre d’une loi de finances rectificative. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2765 de M. Jocelyn Dessigny

M. Philippe Lottiaux (RN). L’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) accueille dans une quinzaine de centres, sur la base du volontariat et pour une durée de huit ans, des jeunes de 17 à 25 ans dont beaucoup sont en grande difficulté. Il pourrait sans doute accueillir un public encore plus large mais aurait besoin d’un plus grand nombre d’encadrants alors qu’il manque cruellement de moyens. Nous proposons donc de renforcer ces derniers.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je partage votre intérêt pour l’Epide. Malgré 120 millions d’euros de ressources prévues en 2024, ce très bon établissement a toujours du mal à recruter des jeunes, d’autant que le dispositif repose sur le volontariat. Un abondement de 50 millions n’y changerait rien. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF3018 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’apprentissage est un succès formidable, grâce à tout un écosystème. Il ne faut surtout pas casser cette dynamique, puisque nous visons 1 million d’apprentis.

Cet amendement d’économies tire les conséquences d’un amendement du rapporteur spécial, II‑CF2907, visant à recentrer les aides à l’apprentissage sur les PME et les diplômes jusqu’à bac + 3 pour les grandes entreprises. Je ne crois pas que nous ayons besoin d’aider les grandes entreprises pour des diplômes très recherchés : laissons cet avantage aux PME.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Les PME représentent plus de 99 % des entreprises ; nos jeunes n’auront pas de mal à en trouver une pour les accueillir lors de leur apprentissage. C’est un amendement de bon sens.

M. Arthur Delaporte (SOC). Votre proposition n’est pas cohérente avec les propos du Président de la République, qui veut sanctuariser le budget de l’apprentissage et professionnaliser les étudiants – cela vaut mieux que de nourrir les boîtes à apprentissage privées dont l’apport pédagogique est limité. Votre mesure empêcherait les personnes qui préparent un BUT – bachelor universitaire de technologie – en génie mécanique, donc un diplôme à bac + 3, de faire un apprentissage chez Renault. C’est dommage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2766 de M. Jocelyn Dessigny

M. Kévin Mauvieux (RN). Dans le même esprit, il s’agit de restreindre les aides allouées à l’apprentissage des jeunes au-delà de bac + 3.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Demande de retrait au profit de mon amendement II‑CF2907 ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements IICF550 et IICF551 de Mme Cécile Rilhac.

Amendement IICF2905 de M. Dominique Da Silva

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Cet amendement rejoint celui qui vient d’être présenté par le rapporteur général. Afin de favoriser les filières qui ont le plus besoin de notre aide pour recruter des apprentis, je propose de créer un fonds d’investissement à destination des centres de formation d’apprentis (CFA) des métiers de la main. Ces formations initiales s’appuient souvent sur des plateaux techniques coûteux ; ces investissements reviennent normalement aux régions ou aux opérateurs de compétences (Opco), mais nous proposons de permettre à France compétences de mener une politique d’aide à l’investissement ciblée, dont elle rendrait compte au Parlement.

Cette dotation est calibrée sur la perte annoncée par les CFA à la suite de la minoration des niveaux de prise en charge intervenue en 2022 et 2023.

La commission rejette l’amendement.

Amendements IICF2880, IICF2870 et IICF2881 de Mme Clémence Guetté

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Ces amendements visent à dégager les emplois nécessaires à la transition écologique. Les macronistes ont décidé de reprendre le terme de « planification écologique », mais pour planifier, il faut savoir de quoi nous aurons besoin. François Bayrou, concluant le 1er octobre dernier l’université de rentrée du Mouvement démocrate (Modem), disait par exemple qu’il était urgent de former des foreurs pour utiliser davantage la géothermie. Il a évoqué le chiffre de 7 000 foreurs. Et combien faut-il encore de personnes pour concevoir et installer des panneaux solaires ou des éoliennes, bref pour faire la transition écologique à laquelle nous aspirons tous ?

J’insiste sur le premier de ces trois amendements, qui vise à installer un conseil national de la qualification professionnelle chargé de quantifier, métier par métier, le nombre de travailleurs qui seront nécessaires dans les prochaines années.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Avis défavorable. Il ne paraît pas utile de créer de nouvelles instances pour travailler sur les conséquences de la transition écologique sur les métiers et les compétences. Les études sont d’ores et déjà nombreuses, commençons par les analyser.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements IICF2768 de M. Jocelyn Dessigny, IICF2995 de M. Jérôme Buisson et IICF2769 de M. Jocelyn Dessigny.

Amendements identiques IICF2276 de Mme Eva Sas et IICF2754 de M. Mickaël Bouloux

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Il s’agit de porter à 40 millions les crédits du fonds de cohésion sociale, afin de répondre aux besoins des associations.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je n’ai pas d’éléments qui m’amèneraient à penser que les 21 millions prévus sont insuffisants. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Il faut augmenter les crédits de ce fonds, qui alimente les fonds de garantie qui rendent possible l’activité d’entrepreneurs indépendants ou le lancement de projets d’insertion. Ce fonds est pour l’essentiel géré par l’État ; il n’y a pas de dérive possible.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IICF2813 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à répondre à une crise : nous sommes, au sein de l’Union européenne, avant-derniers en matière de mortalité au travail. Malgré une sous-déclaration chronique, on voit croître le nombre d’accidents du travail, et ils sont de plus en plus graves ; nous comptons chaque année 7 morts pour 200 000 travailleuses et travailleurs. C’est le résultat de la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et du gel, voire du recul des effectifs de l’inspection du travail – bref, de votre détricotage du droit du travail.

Nous vous proposons donc d’aider les employeurs à faire mieux en allouant des crédits à la sécurité au travail.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. La sécurité et la santé au travail constituent au contraire des priorités pour le ministère. Les crédits alloués à l’action 01, Santé au travail, du programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, augmentent de 14 %. Une campagne de communication à destination du grand public a été lancée le 26 septembre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Je n’ai pas compris sur quoi M. le rapporteur spécial se fonde pour estimer qu’il n’y a pas d’augmentation de la mortalité au travail ; elle est amplement documentée, y compris par le ministère lui-même.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. J’ai dit que c’était une priorité du ministère.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2814 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Dans le même esprit de protection des personnes au travail, nous souhaitons augmenter les moyens de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Avis défavorable. Un amendement identique a été déposé les années passées. L’Agence a reçu 110 millions d’euros de subvention pour charge de service public en 2023 ; cette somme est en progression constante depuis 2020. Son solde budgétaire est excédentaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2815 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à maintenir les crédits de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Le Gouvernement s’est fait une spécialité de ne pas remettre en temps et en heure les rapports commandés par l’Assemblée nationale, et plusieurs articles de presse ont fait état de rapports retenus au sein de la Dares sous l’égide de M. Dussopt – par exemple sur les rémunérations et conflits des acteurs du marché du travail. Pas moins de neuf rapports ont été étouffés.

Avec cet amendement, si les rapports de la Dares ne sortent pas, ce ne sera pas faute de moyens, mais seulement de volonté politique.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je suis très attaché moi aussi à la Dares. Je vous ai déjà répondu l’an passé sur la baisse de 50 % constatée en 2021 : il s’agissait d’une confusion, réglée depuis. Les moyens de l’action 12, Études, statistiques, évaluation et recherche, ne diminuent pas ; le directeur de la Dares ne m’a fait part d’aucune demande complémentaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2899 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement tend à augmenter les moyens alloués aux entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI), dont la loi relative au plein emploi va renforcer le rôle.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Avis défavorable. Dans l’exposé sommaire, vous contestez la hausse des moyens accordés à certains SIAE, faute d’évaluation suffisante de l’expérimentation en cours. Vous ne faites pas preuve de la même prudence pour toutes les expérimentations.

Les EITI bénéficient à 2 000 personnes et leurs crédits s’élèvent à 13 millions d’euros : ce dispositif a su trouver son public et il est indispensable de proposer une grande variété de statuts afin que chacun trouve la voie qui lui convient.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2847 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter les effectifs de l’inspection du travail, dont la mission est de surveiller la capacité des salariés à travailler dans de bonnes conditions mais aussi d’intervenir en cas de mise en danger. L’inspection a perdu 550 agents en douze ans : cela représente des milliers de contrôles en moins chaque année, et donc des mises en danger.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Avis défavorable. C’est un enjeu majeur, évidemment. Le ministère du travail a pris des initiatives pour conforter l’action de l’inspection du travail. Mais 40 % des postes ouverts ne sont pas attribués : le problème n’est pas budgétaire, et ne vient pas du plafond d’emploi.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Si les agents y sont si mal payés que l’inspection du travail n’arrive pas à recruter, c’est bien qu’il existe un problème budgétaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2831 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à transférer une partie des fonds consacrés aux aides à l’embauche pour les employeurs recrutant des apprentis vers l’enseignement professionnel public. Dès lors que 95 % des apprentis ne bénéficient pas du parcours d’intégration prévu par les textes, il faut leur assurer un accompagnement digne ; leurs compétences ne doivent pas uniquement être liées à un opérateur de certification privé.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Avis défavorable. C’est un comble : vous voulez diminuer l’aide aux employeurs d’apprentis, mais tout à l’heure vous n’avez pas soutenu un amendement qui allait dans ce sens.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2825 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à rappeler que l’inflation touche les biens de première nécessité, les loyers, les soins… mais que les salaires ne suivent pas. Il faut augmenter les salaires, dans le secteur public comme dans le secteur privé – où certains ont, en revanche, largement augmenté leurs marges.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. La conférence sociale a été ouverte le 16 octobre par Mme la Première ministre. Je vous invite à y participer.

En tout état de cause, cet amendement ne concerne pas les crédits de la mission. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements IICF2821 de M. Hadrien Clouet et IICF3003 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Il s’agit de dégager 100 millions d’euros pour augmenter les salaires des aides à domicile, après une première hausse de 13 % à 15 %. Ce sont les personnes les plus précaires, qui exercent leur métier auprès des personnes les plus précaires.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Cet amendement ne concerne pas les crédits de la mission. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement IICF2821.

En conséquence, l’amendement IICF3003 tombe.

Amendements IICF1881 de Mme Christine Arrighi et IICF2753 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à appliquer le rapport « Donnons-nous les moyens de l’inclusion », remis à la ministre du travail en 2018 par Jean Marc Borello, et qui proposait notamment un dispositif spécifique de soutien à la mission d’utilité sociale des associations. Cet amendement traduit aussi les propos tenus par le Président de la République le 7 septembre dernier lors de la session plénière du Conseil national de la refondation, selon lesquels il est urgent de travailler à la « revitalisation du monde associatif ».

Nous proposons donc la création d’un nouveau programme de soutien aux activités d’utilité citoyenne par le développement de l’emploi dans les petites et moyennes associations.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je partage votre souci de soutenir le monde associatif, mais je ne suis pas favorable à la multiplication des dispositifs. Cet amendement serait quoi qu’il en soit inopérant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IICF2832 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). La loi qui crée France travail menace fortement les salariés des missions locales, dont le rôle est l’accompagnement social, c’est-à-dire l’évaluation des vulnérabilités des personnes qui les consultent afin que celles-ci puissent organiser leur vie comme elles l’entendent. Le budget alloué à cette mission fondamentale est en baisse de près de 400 000 euros par rapport à l’an dernier.

Nous proposons au contraire de compenser intégralement l’inflation. Les missions locales ne se contentent pas de payer l’électricité qui éclaire leurs locaux et les ramettes de papier de la photocopieuse. Elles mènent des projets toujours très intéressants ; ainsi, en Haute-Garonne, la mission locale affrète un bus qui se rend dans les toutes petites communes pour parler aux jeunes usagères et usagers. Ces actions d’« aller vers » sont menacées par le fait que les dotations ne suivent pas l’inflation.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Les missions locales sont financées à la fois par l’État – pour plus de la moitié – et les collectivités locales. De nombreuses conférences locales des financeurs ont été mises en place ; elles tardent à se généraliser.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Si je comprends bien, l’État joue son rôle mais le fait que les collectivités aient perdu les moyens de jouer le leur pénalisera les usagers. Ce serait dommage.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. L’effort doit être collectif. L’Union nationale et les associations régionales des missions locales ont vu leurs moyens d’action considérablement renforcés – ce sont eux qui le disent. Il n’est pas nécessaire d’augmenter la contribution de l’État.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2262 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à allonger la durée du congé parental. On le sait, 40 % des inégalités salariales entre les femmes et les hommes dans les couples hétérosexuels sont liés à la mauvaise répartition du temps de travail domestique. On sait aussi que les congés de parentalité bénéficient davantage aux foyers les plus aisés. Cet allongement permettrait une meilleure égalité dans le monde du travail, mais aussi à la maison.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. La rémunération du congé parental relève de la branche famille de la sécurité sociale. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2826 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à dégager les fonds nécessaires pour agir contre un mal désormais reconnu : le burn-out et les souffrances mentales qui affectent la personne touchée mais aussi ses proches.

Nous demandons la reconnaissance du burn-out comme une pathologie liée au travail et qui, à ce titre, engage la responsabilité des managers.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. L’exposé sommaire l’indique : il s’agit ici d’un pur amendement d’appel. Cet amendement de crédit n’aurait aucune traduction concrète et ne financerait rien de précis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2816 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il s’agit de dégager les fonds nécessaires pour recruter des animateurs et animatrices périscolaires. Aujourd’hui, ils travaillent souvent quinze à vingt heures par semaine, ce qui ne permet ni d’avoir des revenus suffisants pour organiser sa vie et s’installer, ni de s’engager dans des projets à long terme dans ces structures.

Ces emplois doivent devenir plus durables.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. J’ai bien conscience des difficultés rencontrées par le secteur, mais le budget de la mission Travail et emploi n’est pas concerné par ces sujets. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2889 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à allouer des crédits à la lutte contre le travail illégal dans le secteur des plateformes numériques. Nous aurions pu, certes, être plus taquins et nous demander s’il existe un travail légal dans ce secteur ; mais nous ferons ici comme si quelques-unes de ces plateformes respectaient un peu le droit du travail.

Il s’agit de répondre à un problème reconnu : le faux salariat et les activités menées en méconnaissance du droit du travail et même du principe de rémunération du travail humain.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. On ne peut pas douter de la volonté du Gouvernement, et en particulier de la direction générale du travail, de lutter contre le travail illégal, notamment dans ce secteur des plateformes numériques. Le ministre a présenté un nouveau plan qui s’attaque explicitement aux faux statuts. Cet amendement de crédits est inopérant sur de tels sujets, qui relèvent plutôt de l’impulsion politique et de la coordination entre différentes administrations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2257 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). L’amendement vise à augmenter les moyens consacrés à la petite enfance, notamment en procédant à des recrutements pérennes d’assistantes maternelles, en ouvrant 500 000 places, en revalorisant les métiers des professionnels de la petite enfance et en améliorant les conditions d’accueil des enfants, pour un montant de 5 millions d’euros.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Je ne peux que vous inviter à débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen du PLFSS et à saisir Mme la ministre des solidarités dans le cadre de la concertation lancée en réponse à la forte baisse de la natalité dans notre pays. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2820 de Mme Danielle Simonnet et II-CF2936 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vient, par un heureux hasard, répondre aux propos de M. le rapporteur spécial, selon lequel on ne peut pas douter de la volonté gouvernementale de lutter contre le travail illégal sur les plateformes, lesquelles relèvent exclusivement d’une logique de dumping, puisque leur activité repose sur la marge inacceptable qu’elles réalisent en ne payant pas les cotisations sociales. Parmi les réponses à apporter, nous proposons cette fois de créer un fonds permettant d’accompagner les faux indépendants, qui sont en réalité de vrais salariés cachés, vers la création de coopératives qui leur permettent de garder ce rapport très spécifique à leur outil de production tout en se couvrant. C’est ce que fait Smart, par exemple. Cela se fait aussi en Belgique ou aux États-Unis, et c’est ainsi qu’Uber a été mis au pas dans plusieurs pays.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. On ne peut pas faire l’économie d’un dialogue social de secteur entre les plateformes et leurs travailleurs. C’est du reste ce que permet l’ordonnance du 21 avril 2021. Trois accords visant à renforcer les droits des livreurs indépendants de plateformes ont été signés en avril 2023 dans le cadre du dialogue social organisé par l’Arpe. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). La possibilité d’un dialogue social entre les travailleuses et travailleurs des plateformes et ces plateformes suppose un rapport de subordination et de sujétion. Vous reconnaissez donc qu’il s’agit de faux salariat. Voilà un beau plaidoyer pour la salarisation générale de ces travailleuses et de ces travailleurs !

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

Mme Christine Decodts (RE). La mission Travail et emploi porte des crédits tournés vers le plein emploi dans un contexte historique de résilience du marché du travail. Un seul exemple : ce sont 20 000 nouveaux emplois industriels directs qui ont été créés au sein de l’agglomération dunkerquoise en moins de dix ans. Afin d’atteindre l’objectif de plein emploi, le PLF pour 2024 prolonge l’effort financier des années précédentes, avec un budget en hausse affichant la volonté d’être à la hauteur de l’ambition du projet France Travail, en matière d’accompagnement des demandeurs d’emplois bénéficiaires du RSA ; mais aussi 170 millions d’euros pour la contractualisation avec les départements ; le renforcement de la protection ciblée de 16 millions de salariés par la hausse de la subvention de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ; le renforcement des moyens dévolus au financement du paritarisme. Le groupe Renaissance émet un avis favorable sur le vote des crédits de la mission.

M. Philippe Lottiaux (RN). On ne peut évidemment pas voter contre les crédits dédiés à l’apprentissage, à certaines politiques d’accompagnement ou aux aides aux entreprises d’insertion. En revanche, on peut s’interroger sur l’efficacité de plusieurs organismes. Il faut mener un travail de rationalisation et d’efficience en profondeur dans ce secteur. Nous nous abstiendrons.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Voilà l’occasion de saluer les salariés du service public de l’emploi qui sont en lutte depuis de très longues semaines pour obtenir des moyens à hauteur de leur activité et de leurs projets, ce qui ne sera pas le cas avec ce texte. Mais nous n’allons pas bouder notre plaisir, puisque nous avons réussi à vous prendre 51 millions d’euros, soit un peu plus que ce que gagne M. Bernard Arnault. Abstention, de combat évidemment.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Pas du tout pour les mêmes raisons que l’orateur précédent, notre groupe s’abstiendra. Je déplore vraiment le manque de lisibilité des différents dispositifs dans lesquels plus personne ne se retrouve. Une plus grande lisibilité permettrait de gagner en efficacité. Lorsque les demandeurs d’emploi viennent nous voir, c’est qu’ils ont déjà coché toutes les cases et qu’ils ne savent plus à qui s’adresser. J’ai de sérieux doutes sur France Travail et j’émets quelques réserves sur France Compétences.

M. Pascal Lecamp (Dem). La mission Travail et emploi verra pour 2024 son budget augmenter de 1,7 milliard d’euros, soit de 8,07 %, pour atteindre plus de 22 milliards d’euros. Cet effort financier accru s’inscrit pleinement dans notre politique de soutien au plein emploi et vise notamment à renforcer l’apprentissage pour atteindre le million de contrats ; à maintenir 300 000 jeunes en contrat d’engagement jeune afin de poursuivre leur accompagnement pour un meilleur accès à l’emploi ; à augmenter de 300 ETP les effectifs de Pôle emploi ; à allouer 170 millions d’euros pour la contractualisation avec les conseils départementaux. Toutes ces mesures vont dans le bon sens. Elles doivent nous permettre de poursuivre l’action débutée en 2017 : la recherche du plein emploi, condition essentielle à la bonne santé économique de notre pays et à la pleine émancipation des personnes en recherche d’emploi. Notre groupe votera pour ces crédits.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le budget de la mission Travail et emploi augmente fortement. Nous n’en avions plus l’habitude, dans la mesure où cela faisait plusieurs années que vous maltraitiez cette mission. Nous pourrions nous en satisfaire si cette augmentation ne masquait pas, en réalité, une orientation budgétaire qui se fait au détriment des plus précaires, en laissant sur le bord de la route les politiques publiques de l’emploi et les contrats aidés. Dans le détail, le choix libéral opéré par cette majorité aura pour seul effet, à l’instar de ce que l’on a pu observer en Allemagne, d’accroître la paupérisation du travail, le recours massif à des jobs sous-payés et aux contrats courts. L’État se désengage de tout accompagnement vers un emploi de qualité, et cela se voit. L’action Indemnisation des demandeurs d’emploi chute de 44,39 %. L’allocation de fin de droit à l’assurance chômage dispose de crédits en baisse de 120 millions d’euros, alors que l’aide aux apprentis bondit massivement de 800 %. Autre mouvement, autre insuffisance pour appliquer la mal nommée loi pour le plein emploi : les budgets des missions locales stagnent. Pis encore, Pôle emploi disposera d’une enveloppe de seulement 170 millions supplémentaires. Nous voterons contre ces crédits.

Mme Lise Magnier (HOR). Les crédits de cette mission poursuivent les politiques qui fonctionnent, en premier lieu celle de l’apprentissage, ainsi que l’amélioration de l’accompagnement et de la formation à la fois des demandeurs d’emploi et des actifs par le biais de France Compétences. Un budget de transition destiné à la création de France Travail est également prévu. Nous voterons les crédits.

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). La mission Travail et emploi est absolument fondamentale au regard du triste tableau de la réalité du travail de notre pays : 9 millions de personnes en situation de précarité avec moins de 1 100 euros par mois ; 17 % des jeunes au RSA ; 38 % des chômeurs vivant sous le seuil de pauvreté ; un jeune actif sur cinq sans emploi ; 390 000 personnes sorties des chiffres du chômage au premier trimestre 2023 ; 37 % des actifs occupés français qui trouvaient leur travail insoutenable. Derrière ces chiffres, il y a aussi la multiplication des travailleurs pauvres, du chômage de longue durée, de la difficulté des jeunes d’accéder à un emploi. Mais tous ces problèmes ne trouvent pas grâce aux yeux du Gouvernement, obnubilé par sa baisse du chômage. Les crédits mis sur la table ne sont pas suffisants : pas d’ambition sur les contrats aidés qui permettraient d’offrir des expériences professionnelles qualifiantes et de soutenir les associations ; pas de moyens à la hauteur des enjeux pour remplir les missions d’accompagnement à France Travail. Nous voterons contre.

M. Paul Molac (LIOT). Alors que j’étais venu pour défendre mes amendements relatifs aux territoires zéro chômeur de longue durée, je constate que ceux-ci ont déjà été adoptés, puisque vous avez accéléré l’examen des crédits. J’en suis très content et j’espère que le Gouvernement aura la sagesse de les retenir après l’utilisation du 49.3. En ce qui concerne la mission, mon groupe a globalement voté contre le projet de loi plein emploi. Comme, en plus, n’étant pas membre de la commission, je n’ai pas le droit de vote, les choses sont très simples.

La commission adopte les crédits de la mission Travail et emploi modifiés.

Article 38 et état G

Amendement II-CF3250 de M. Dominique Da Silva

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. La Cour des comptes, comme l’Inspection générale des affaires sociales, chiffrent le coût des exonérations de contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage (Cufpa) à 600 millions d’euros. Mais il est très difficile d’obtenir des chiffres sur le volume des aides à l’embauche dont ces entreprises bénéficient. Ni France Compétences ni la Dares ne sont en mesure de fournir cette donnée. Il serait normal que la représentation nationale puisse être utilement éclairée sur ce point, avant de pouvoir envisager, le cas échéant, des mesures de réduction de ces exonérations.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 59

Amendement II-CF2907 de M. Dominique Da Silva

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Nous clôturons nos débats avec un sujet transpartisan qui, je l’espère, fera consensus. Il n’est pas question ici de remettre en cause la politique de soutien à l’apprentissage, que nous approuvons tous, ni de revenir sur l’objectif de 1 million d’entrées par an d’ici à 2027. Nous devons à présent concentrer nos efforts pour garantir la meilleure allocation possible de ces fonds. L’argent public est précieux, et certains en ont plus besoin que d’autres. Quel est le constat ? La hausse observée depuis 2020 a été portée de façon extrêmement claire par les étudiants du supérieur, alors que les effets positifs de l’apprentissage sont bien plus importants dans les niveaux bac et infra bac. Les entreprises de plus de 250 salariés n’ont pas été très sensibles à la création puis à la pérennisation de l’aide exceptionnelle. Lorsque l’on prend en compte le transfert du contrat de professionnalisation vers l’apprentissage, la croissance du nombre d’apprentis dans les grandes entreprises est la même, avec ou sans l’aide.

Pour ces raisons, je vous propose de supprimer l’aide à l’employeur d’un apprenti, lorsque cet apprenti prépare un diplôme supérieur ou égal à bac + 3 et que le contrat est signé avec une entreprise de plus de 250 salariés, ce qui concernerait environ 6 000 entreprises.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous ne nions pas les effets d’aubaine. Mais vous allez favoriser les formations non diplômantes et les formations privées. France Universités est d’ailleurs opposé à votre proposition qui risque de nuire à l’enseignement public. Vous allez toucher les licences pro et les BUT, alors même que le Gouvernement veut développer l’apprentissage et la professionnalisation de l’enseignement supérieur, public en particulier.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. C’est incroyable ! Vous voulez aider ces 6 000 entreprises, alors que l’enseignement supérieur universitaire souffre d’un déficit évident. Je ne comprends pas votre position. Il semblerait plus juste que les aides aillent plutôt vers les diplômes inférieurs à bac + 2 et aux PME.

Mme Lise Magnier (HOR). Je vais également voter contre cet amendement. Je ne comprends pas pourquoi vous vous arrêtez à bac + 2. Depuis quinze ans, c’est le système LMD – licence master doctorat – qui est en vigueur. Aussi, pourquoi exclure le bac + 3 ? Intégrez les bac + 3 et excluez les bac + 4 et bac + 5. Les cursus diplômants allant jusqu’à bac + 3 en filière technique et professionnalisante, il est incompréhensible de les exclure.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Sur 3 millions d’entreprises, 6 000 seraient concernées par la mesure. Ces apprentis pourraient toujours trouver une formation en apprentissage dans les entreprises de moins de 250 salariés.

La commission adopte l’amendement II-CF2907.

Amendement II-CF3228 de M. Dominique Da Silva

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. L’amendement vise à améliorer et à rationaliser par décret le soutien public à l’apprentissage en modulant à la baisse les niveaux de prise en charge des contrats (NPEC), lorsque la formation proposée s’effectue intégralement à distance.

La commission adopte l’amendement II-CF3228.

Amendement II-CF3237 de M. Dominique Da Silva

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. L’amendement vise à recentrer le dispositif de soutien à l’emploi des travailleurs issus des quartiers prioritaires de la ville, dits emplois francs, sur la première année du contrat. Selon une étude de la Dares parue en septembre, à peine 6 % des embauches n’auraient pas eu lieu sans cette aide financière. Pour un temps plein, le montant de l’aide s’élèverait donc à 5 000 euros pour une embauche en CDI et à 2 500 euros pour une embauche en CDD d’au moins six mois.

La commission adopte l’amendement II-CF3237.

Amendement II-CF938 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de la députée Estelle Folest, adopté en commission des affaires culturelles et de l’éducation lors de l’examen pour avis de la mission, est soutenu par le groupe Socialistes et apparentés. Il serait utile de disposer d’un rapport pour voir comment les aides pourraient être réorientées afin de mieux profiter à l’enseignement professionnel et au public visé, en évitant de favoriser le développement des boîtes à fric.

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial. Demande de retrait. Vous trouverez ce que vous cherchez dans mon rapport, qui sera publié vers le 15 novembre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2817 de Mme Danielle Simonnet

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport sur les parcours emploi compétences (PEC). Après vous avoir proposé de gonfler les PEC, nous souhaiterions nous donner les moyens d’y arriver.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF416 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). La majorité parlementaire n’a pas souhaité abonder un dispositif permettant d’adapter le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée aux singularités de certains territoires transocéaniques. Nous demandons un rapport pour prendre le temps de réfléchir à cette question.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF417 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il s’agit d’élargir les PEC aux outre-mer.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.

 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Cabinet Quintet Conseil :

– M. Antoine Foucher, Président

Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) :

– M. Bruno Lucas, délégué général ; M. Pierre Desjonquères, adjoint à la sous-directrice en charge des parcours d’accès à l’emploi ; Mme Nora Mansour, cheffe de la mission affaires financières ; Mme Amélie Ozyp, adjointe à la cheffe de mission affaires financières

Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) :

– M. Bruno Coquet, Docteur en économie et chercheur à l'OFCE

Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales :

– M. Francis Le Gallou, directeur des finances, des achats et des services ; M. Christophe Tassart, sous-directeur des affaires financières

Direction générale du travail (DGT) :

– Mme Nathalie Vaysse, cheffe de service ; M. David Saffroy, chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion

UNÉDIC :

– Mme Patricia Ferrand, présidente de l’Unédic ; M. Jean-Eudes Tesson, vice-président de l’Unédic ; M. Christophe Valentie, directeur général ; Mme Clémence Taillan, directrice de cabinet

Pôle emploi :

– M. Jean Bassères, Directeur général ; Mme Charline Nicolas, Directrice générale adjointe en charge de la Stratégie et des Relations Institutionnelles

Association française des entreprises privées (AFEP)* :

– Mme Stéphanie Robert, directrice générale adjointe ; Mme Julie Leroy, directrice des affaires sociales

Cour des comptes :

– Mme Corinne Soussia, présidente de section ; M. Philippe Duboscq, conseiller maître ; M. Nicolas Proust, conseiller référendaire en service extraordinaire

France compétences :

– M. Stéphane Lardy, directeur général

DARES :

– M. Michel Houdebine, Directeur ; M. Michaël Orand, Chef de la Mission analyse économique ; Mme Alexandra Louvet, Cheffe du département Formation professionnelle et alternance

Table ronde :

– Fédération des entreprises d’insertion* : Mme Nadia Landry, vice-présidente de la fédération ; Mme Mathilde Aausort, responsable plaidoyer et communication

– Union nationale des associations intermédiaires (UNAI)* : M. Christophe Cevasco, délégué national

– Coorace : M. Philippe Lesné, secrétaire général ; M. Adrien Rivière, chargé de plaidoyer

CMA France* :

– M. Julien Gondard, directeur général ; M. Samuel Deguara, Directeur des Affaires publiques et des relations institutionnelles

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

*


([1])  Dépenses en faveur de l’emploi et du marché du travail en 2021, Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 13 septembre 2023. Le périmètre des dépenses prises en compte excède le seul champ de la mission Travail et emploi comme analysé infra.

([2]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

 

([3]) Rapport sur les modalités de financement des Centres de formation des apprentis (CFA), IGAS/IGF, septembre 2023.

([4]) Le tableau de correspondance des niveaux de formation figure en annexe de ce rapport spécial.

([5]) Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, rapport de l’IGAS et de l’IGF, avril 2020.

([6])  Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([7])  Décrets n° 2021-223 et n° 2021-224 du 26 février 2021.

([8])  Décret n° 2021-363 du 31 mars 2021 portant modification et prolongation des aides à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans, aux emplois francs et aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

([9]) Décret n° 2021-1468 du 10 novembre 2021 portant prolongation du montant dérogatoire de l'aide unique aux employeurs d'apprentis et prolongation de l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation

([10])  Décret n° 2022-958 du 29 juin 2022 portant prolongation de la dérogation au montant de l'aide unique aux employeurs d'apprentis et de l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

([11]) Décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

([12])  Depuis le début de 2023, pour afficher la fin de son caractère « exceptionnel », l’aide est de nouveau dénommée « aide unique ». Pour plus de commodité de lecture, elle continuera à être présentée comme « aide exceptionnelle » dans la suite de ce rapport. Elle l’est quoi qu’il en soit, à bien des égards.

([13])  Apprentissage : bilan des années folles, OFCE, Policy Brief n°117, 14 juin 2023.

([14]) Il existe une différence certaine entre un objectif d’un million d’entrées annuelles en apprentissage et un objectif qui viserait plutôt le stock d’apprentis une année donnée. Si les propos du Président de la République semblent avoir été clairs, les documents budgétaires parlent régulièrement du stock d’apprentis. Le PAP pour 2024 indique par exemple que « l’objectif visé est d’atteindre un million d’apprentis par an d’ici la fin du quinquennat dans le secteur public et privé ».

([15]) Selon les statistiques de la DARES, entre 2018 et 2019, la proportion du nombre d’apprentis dans les entreprises de plus de 250 salariés augmente de 1,1 % (elle passe de 18,9 % à 20 %), tandis que cette même part diminue de 1,1 % dans les entreprises de moins de 250 salariés (elle passe de 81,1 % à 80 %).

([16])  Loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage.

([17]) Source des données : Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, fiche n° 19 sur l’apprentissage dans l’enseignement supérieur en 2021-2022.

([18])  Au début des années 2010, le Céreq titrait sur l’élargissement du fossé entre niveaux de diplômes, dans un contexte détérioré par les crises financières. Dix ans plus tard, alors que la baisse du chômage et les créations d’emplois s'affirment, force est de constater que les non-diplômés rencontrent toujours de grandes difficultés d’insertion, à l’inverse des plus diplômés – par ailleurs de plus en plus nombreux (47 % de la génération 2017). Note n°422 du Céreq, 2022.

([19])  Les étudiants en apprentissage dans l’enseignement supérieur : effectif, profil et réussite, Note d’information système d’information et d’études statistiques (SIES), août 2022.

([20]) L’apprentissage et le chômage des jeunes : en finir avec les illusions, article paru dans la revue française de pédagogie, n° 183, avril-mai-juin 2015.

([21])  Avec des effectifs d'apprentis en très forte hausse, l’Unédic confirme que le nombre de sortants s'inscrivant au chômage a donc augmenté. En revanche, cette augmentation est bien moins importante que la progression des entrées en apprentissage. Par ailleurs, l’Unédic précise bien que l’impact de cette évolution sur les finances du régime d'assurance chômage est à ce stade difficile à estimer.

([22]) Ces chiffres ne semblent toutefois pas reprendre les aides exceptionnelles versées à Frances compétences en 2021 (2,75 milliards d’euros) et en 2022 (4 milliards d’euros).

([23]) Ces derniers représenteraient en 2022 environ 3,5 milliards d’euros selon des calculs approximatifs du rapporteur spécial basés sur la masse salariale versée aux apprentis.

([24])  Comme le souligne la Cour des comptes dans sa contribution à la revue des dépenses publiques publiée en juillet 2023 le système revient à demander à France compétences d’emprunter à court terme pour limiter le déficit de l’État, alors que l’opérateur ne bénéficie pas de conditions d’emprunt aussi avantageuses et que les taux d’intérêt sont désormais orientés à la hausse, renchérissant le coût de ces lignes de trésorerie. En 2022, l’opérateur est engagé sur des emprunts à court terme à hauteur de 2,6 milliards d’euros. Pour rappel, France compétences étant considéré comme organisme divers d’administration centrale (ODAC), ses déficits courants annuels sont intégrés dans le périmètre des administrations publiques (APU) et par conséquent comptabilisés dans le périmètre du déficit de l’État au sens de la comptabilité nationale selon les normes européennes.

([25]) Entre 2022 et 2023, l’État a en effet minoré de 800 millions d’euros le fonds de concours versé par France compétences au titre du PIC.

([26]) L’allocation spécifique de solidarité est versée aux allocataires de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) arrivés en fin de droits sous réserve du respect de certaines conditions.

([27]) Dans la suite du présent rapport spécial, lorsque les montants respectifs des AE et des CP ne sont pas distingués, ils sont identiques.

([28]) Dans le cadre du dispositif d’indemnisation des intermittents du spectacle, l’allocation de professionnalisation et de solidarité (APS) est attribuée dans les mêmes conditions que l’allocation d’assurance chômage, avec la possibilité d’une assimilation supplémentaire d’heures de formation ou de maladie dans le décompte des heures d’activité ouvrant droit à l’allocation.

À l’issue de l’année blanche de 2021 pour les intermittents du spectacle, de nombreux intermittents ne remplissaient pas les conditions d’activité nécessaires pour bénéficier d’un droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), et avaient de ce fait bénéficié de l’allocation de professionnalisation et de solidarité (APS). La diminution progressive de ce stock conjoncturel devrait se poursuivre en 2024.

([29]) Étude de la DARES publiée le 3 novembre 2023 portant sur l’année 2022.

([30]) Ces crédits du PIC sont portés par le programme 103.

([31]) Amendements II–CF 2787 de Mme Eva Sas et II–CF 2858 de Mme Stella Dupont.

([32]) Dénommés également NEET pour Not in Employment, Education or Training. Le rapport de l’IGAS sur le CEJ d’avril 2023 mentionne 900 000 NEET en France.

([33]) 635,41 millions d’euros en autorisations d’engagement et 632,73 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour les crédits de fonctionnement des missions locales et de leur tête de réseau. Pour l’accompagnement spécifique des jeunes par Pôle emploi, il s’agit d’une part des 1 250,45 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement prévus dans le PLF 2024 au titre de la subvention pour charges de service public (voir infra).

([34]) Deux types d’actions sont ainsi financées :

• le déploiement d’appels à projets, permettant de sélectionner des acteurs chargés de repérer, remobiliser des jeunes en rupture, éloignés du marché de l’emploi puis de les co-accompagner pendant leur CEJ, tout en travaillant à la levée des freins périphériques ;

• d’actions dans le domaine du logement pour les jeunes en rupture.

([35]) Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

([36]) Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

([37]) Adoption de l’amendement n ° II- CF2840 prévoyant une augmentation des crédits de paiement de 31 millions d’euros.

([38]) N°II - 4591, 4594, 4616, 4725, 4751.

([39]) À l’issue de la nouvelle lecture, le texte considéré comme adopté par le Gouvernement maintient l’abondement de 11 millions d’euros prévu en première lecture à l’Assemblée nationale, mais ne retient pas l’abondement complémentaire de 9 millions d’euros adopté par le Sénat.

 

([40]) Mission de préfiguration France Travail, rapport de synthèse de la concertation, avril 2023.

([41]) Voir à ce propos la proposition de loi portant création d'un usufruit locatif social employeur, n° 1127, déposée le mardi 25 avril 2023.