N° 1785

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2024
(n° 1682)

PAR Mme Stéphanie RIST

Rapporteure générale, rapporteure pour les recettes, l’équilibre général et la branche maladie, Députée

Mme Caroline JANVIER
Rapporteure pour la branche autonomie, Députée

M. Paul CHRISTOPHE
Rapporteur pour la branche famille, Député

M. Cyrille ISAAC-SIBILLE
Rapporteur pour la branche vieillesse, Député

M. François RUFFIN
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député

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TOME II

COMMENTAIRE DES ARTICLES

ET ANNEXES

 

 Voir les numéros : 1682, 1784.

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Commentaire DEs articles

Article liminaire Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2023 et 2024

PREMIÈRE PARTIE Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale pour l’exercice 2023

Article 1er Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépense pour 2023

Article 2 Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs

Article 3 Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie et de la branche autonomie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé et de la contribution de la branche autonomie aux agences régionales de santé

Article 4 Rectification du montant M de la clause de sauvegarde pour 2023

DEUXIÈME PARTIE Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale pour l’exercice 2024

TITRE Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRéSORERIE

Chapitre Ier Renforcer les actions de lutte contre la fraude aux cotisations

Article 5 Réforme de la procédure de l’abus de droit, sécurisation du dispositif d’avance immédiate et adaptation de son calendrier

Article 6 Renforcement des obligations des plateformes numériques pour garantir le paiement des cotisations dues par leurs utilisateurs

Article 7 Annuler la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux en cas de fraude

Chapitre II Simplifier le recouvrement social et le financement de la sécurité sociale

Article 8 Simplification de l’organisation du recouvrement

Article 9 Simplification du schéma de financement du système de retraite dans le cadre de l’extinction des régimes spéciaux

Article 10 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale et avec le budget de l’État

Chapitre III Améliorer la lisibilité de la régulation macroéconomique des produits de santé

Article 11 Simplification des mécanismes de régulation macroéconomique des produits de santé

TITRE II CONDITIONS GéNéRALES DE L’éQUILIBRE FINANCIER DE LA SéCURITé SOCIALE

Article 12 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Article 13 Tableaux d’équilibre pour 2024

Article 14 Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse

Article 15 Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes

Article 16 Approbation de l’annexe A

TROISIÈME PARTIE Dispositions relatives aux dépenses pour l’exercice 2024

TITRE Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Chapitre Ier Poursuivre la transformation du système de santé pour renforcer la prévention et l’accès aux soins

Article 17 Déploiement de la campagne de vaccination HPV dans les collèges et suppression du ticket modérateur de certains vaccins

Article 18 Gratuité des préservatifs pour tous les assurés âgés de moins de 26 ans sans prescription

Article 19 Lutter contre la précarité menstruelle

Article 20 Évolution des rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie

Article 21 Mieux articuler les droits à la complémentaire santé solidaire avec le bénéfice de certains minima sociaux

Article 22 Inscription dans le droit commun des parcours issus des expérimentations de l’article 51

Article 23 Réforme des financements médecine-chirurgie-obstétrique des établissements de santé

Article 24 Régulation de la permanence des soins dentaires et modalités de fixation des rémunérations de la permanence des soins effectuée par les sages-femmes et les auxiliaires médicaux

Article 25 Élargir les compétences des pharmaciens en matière de délivrance d’antibiotiques après un test rapide d’orientation diagnostique

Article 26 Possibilité pour les médecins du travail de déléguer aux infirmiers qualifiés en santé au travail la réalisation de certains actes pour le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé

Chapitre II Garantir la soutenabilité de notre modèle social

Article 27 Diminuer les arrêts de travail non justifiés en améliorant et en facilitant les contrôles sur les prescripteurs et les assurés

Article 28 Limitation de la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation et limitation de la prise en charge des prescriptions aux téléconsultations avec vidéotransmission ou échange téléphonique

Article 29 Réduire l’impact environnemental du secteur des dispositifs médicaux

Article 30 Inciter au recours aux transports partagés

Chapitre III Garantir et sécuriser l’accès des Français aux médicaments du quotidien et aux produits de santé innovants

Article 31 Rénovation du modèle de financement de l’Établissement français du sang

Article 32 Préparations officinales spéciales en cas de pénuries

Article 33 Renforcer les leviers d’épargne de médicaments en cas de rupture d’approvisionnement

Article 34 Facilitation de l’ajout d’un acte à la nomenclature lorsqu’il prévoit l’utilisation d’un dispositif médical

Article 35 Améliorer les dispositifs d’accès dérogatoires aux produits de santé innovants

Article 36 Soutien au maintien sur le marché des médicaments matures

Chapitre IV Renforcer les politiques de soutien à l’autonomie

Article 37 Réforme du modèle de financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans les départements volontaires

Article 38 Création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce auprès des enfants de 0 à 6 ans présentant un écart de développement

Chapitre V Moderniser l’indemnisation d’accident du travail ou de maladie professionnelle

Article 39 Réforme de la rente viagère attribuée en cas d’incapacité permanente

Chapitre VI Poursuivre la transformation du système de retraites

Article 40 Adapter la réforme des retraites à Mayotte et à SaintPierreetMiquelon

TITRE II DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DéPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RéGIMES OBLIGATOIRES

Article 41 Dotations au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, aux agences régionales de santé et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux

Article 42 Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Article 43 Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs pour 2024

Article 44 Dotations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert au titre de la sousdéclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, et dépenses liées aux dispositifs de prise en compte de la pénibilité

Article 45 Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Article 46 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2024

Article 47 Objectifs de dépenses de la branche famille

Article 48 Objectifs de dépenses de la branche autonomie

A. Entre 2022 et 2023, le solde de la branche autonomie se dégraderait fortement

Article 49 Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)

annexes

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR La RAPPORTEURe GÉNÉRALe ET LES RAPPORTEURS THÉMATIQUES

ANNEXE N° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen du projet de loi

ANNEXE N° 3 : liens vers les enregistrements vidÉo de l’examen du projet de loi par la COMMISSION

 


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   Commentaire DEs articles

Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2023 et 2024

Le présent article établit les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’exercice en cours et l’année à venir. Il constitue l’une des novations introduites par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. À la différence, en particulier, des tableaux d’équilibre pour les exercices 2023 et 2024, son périmètre ne se limite pas aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et inclut l’ensemble des administrations de sécurité sociale (Asso).

Le présent article prévoit un solde excédentaire de 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2023 et de 0,6 % du PIB pour 2024.

I.   l’inclusion de la CADes, des régimes de retraite complémentaires et de l’assurance chômage dans le périmètre de l’article se traduit par un solde positif en 2023

La présentation des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale (Asso), prévue par l’article L.O. 111-3-1 du code de la sécurité sociale, est une novation introduite par l’article 1er de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Son inclusion, sous la forme d’un article liminaire, dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de l’année, vise au premier chef à améliorer l’information du Parlement en lui présentant une image fidèle de comptes qui, bien qu’ils relèvent des finances sociales, ne sont pas compris dans le domaine des LFSS. Les Asso sont définies dans la comptabilité nationale – fondée, sur ce point, sur la nomenclature du système européen des comptes nationaux (SEC) de 2010 § 20.167 – « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes » ainsi que « les hôpitaux publics [qui] fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale ». À ce titre, elles dépassent le champ d’action des LFSS. Depuis 1996, ce dernier comprend les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), les organismes concourant à leur financement ([1]) et, depuis 2005, les organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit ([2]) ainsi que les organismes chargés de l’amortissement de leur dette ([3]).

La distinction entre le champ des Robss et des Asso

Périmètre traditionnel des lois de financement de la sécurité sociale, les Robss constituent une notion plus institutionnelle que comptable, puisqu’ils comprennent l’ensemble des régimes auxquels les assurés doivent obligatoirement être affiliés pour la couverture des risques sociaux auxquels ils peuvent être confrontés.

La nature de ces régimes exclut donc de leur champ :

– les régimes complémentaires légalement obligatoires, qui régissent principalement la couverture du risque vieillesse en plus des régimes de base ;

– les régimes qui ne sont pas considérés comme intégrés dans le champ de la sécurité sociale, comme le régime d’assurance chômage ;

– les régimes facultatifs de couverture des risques sociaux.

Les régimes obligatoires de base encadrent le champ d’action des lois de financement.

Le champ des Asso constitue un sous-ensemble du secteur des administrations publiques en comptabilité nationale. Le système européen des comptes (SEC) de 2010 définit le secteur des Asso comme « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes. Si un régime de sécurité sociale ne répond pas aux critères requis pour être qualifié d’unité institutionnelle, il est classé avec son unité mère dans l’un des autres sous-secteurs du secteur des administrations publiques. Si les hôpitaux publics fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale, ils sont classés dans le sous-secteur des fonds de sécurité sociale. »

Ce secteur comprend donc l’ensemble des personnes institutionnelles qui ont pour fonction de verser des prestations sociales dans le cadre de régimes au sein desquels :

– l’ensemble ou une partie de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires ;

– les administrations publiques sont responsables de la gestion de ces personnes pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations.

Ce champ comptable est retenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au moment de l’établissement des comptes de la nation mais aussi par la loi de finances dans le cadre de son propre article liminaire.

Le champ des Asso est naturellement plus large que celui des Robss, même s’il faut ôter de ce champ les systèmes en vertu desquels l’employeur verse lui-même les prestations aux personnes qu’il emploie. Les régimes de retraite obligatoires de l’État entrent bien dans le champ des Robss, mais pas dans celui des Asso. Ce secteur comprend, par ailleurs :

– les régimes complémentaires d’assurance vieillesse et d’assistance maladie ;

– le régime d’assurance chômage ;

– les comptes des établissements de santé ;

– le solde de l’ensemble des « satellites » comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

 

A.   L’excédent des administrations de sécurité sociale dépasserait son niveau de 2022 en valeur et en part de produit intérieur brut

Le présent article fixe le montant du solde pour 2023 à 0,7 % du produit intérieur brut (PIB), soit la différence entre les recettes s’élevant à 26,6 % du PIB et des dépenses qui atteindraient 25,9 % du PIB. Cet excédent tient notamment à la bonne tenue de l’activité économique en 2023, durant laquelle le taux de croissance du PIB s’élèverait à 1,0 % en volume et 6,8 % en valeur. L’année en cours marquerait également l’amorce d’une « normalisation » de l’inflation, mesurée au moyen de l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) et qui, après avoir atteint 5,3 % en 2022, refluerait à 4,8 % lors de l’exercice en cours.

ÉVOLUTION DES CONDITIONS MACRO-ÉCONOMIQUES (2020-2023)

Année

2020

2021

2022

2023 (prévision)

PIB en volume

– 7,8 %

+ 6,8 %

+ 2,5 %

+ 1,0 %

Masse salariale soumise à cotisations

– 5,7 %

+ 8,9 %

+ 8,7 %

+ 6,3 %

Inflation hors tabac

+ 0,2 %

+ 1,6 %

+ 5,3 %

+ 4,8 %

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 exprime en euros les recettes, les dépenses et le solde des Asso pour 2023. Ainsi, les Asso connaîtraient un excédent de 20,8 milliards d’euros, contre 12,7 milliards d’euros en 2022.

SOLDE, RECETTES ET DÉPENSES DES ASSO POUR 2023 ET 2024

(en milliards d’euros)

 

2023

2024

Recettes

750,9

778,6

Dépenses

730,1

761,3

Solde

20,8

17,3

Source : Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2024.

● Après une hausse de 7,2 % en 2022, les recettes des Asso poursuivraient leur croissance en 2023, à hauteur de 5,1 %.

Le ralentissement de la hausse des recettes tiendrait d’abord à la plus faible augmentation du produit des cotisations sociales, qui atteindrait 5,4 % en 2023 contre 6,6 % en 2022. Cette évolution traduit un moindre dynamisme de la masse salariale des branches marchandes non agricoles (BMNA), qui croîtrait de 6,3 % en 2023 après avoir connu une augmentation de 8,8 % l’année précédente. Cette moindre croissance procède avant tout du ralentissement de l’inflation (4,8 % en 2023, après 5,3 % en 2022). Le nombre de créations d’emploi poursuivrait sa croissance à hauteur de 1,2 %, tandis que le salaire moyen progresserait de 5,1 %.

L’écart entre la croissance de la masse salariale et celle des cotisations – la première étant, en proportion, supérieure à la seconde – tient à l’incidence des allègements généraux de cotisations. Ces derniers limitent en effet l’incidence des revalorisations du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) sur la hausse des cotisations collectées.

En outre, le rendement de la fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux Asso connaîtrait aussi, en 2023, une croissance plus faible qu’en 2022 (2,1 % et 5,3 % respectivement).

● Si la croissance des recettes ralentirait en 2023, la hausse des dépenses serait plus soutenue, à hauteur de 3,7 %, qu’en 2022 – elle était alors de 3,0 %.

La revalorisation des prestations de l’assurance vieillesse et des prestations familiales, à hauteur de 5,4 % dans les deux cas, répond à l’inflation constatée en 2022. En outre, ces augmentations sont intervenues après une revalorisation anticipée de ces prestations à hauteur de 4,0 % le 1er juillet 2022, dont l’effet se répercute en année pleine. Par ailleurs, les charges relevant du périmètre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) progresseraient de 4,8 % hors dépenses de crise, sous l’effet du dynamisme des soins de ville et des revalorisations salariales décidées en juillet 2022 – qui se répercutent en année pleine – et en juin 2023.

La hausse des dépenses liées aux prestations vieillesse et famille ainsi qu’à l’assurance maladie ne serait que partiellement compensée par le ralentissement de la progression des dépenses de l’Unedic. Celle-ci atteindrait 1,2 % en 2023, contre 2,6 % en 2022, sous l’effet cumulatif du rythme élevé des créations d’emploi, de la fin des mesures d’activité partielle et de l’incidence de la réforme de l’assurance chômage.

Toutefois, il convient de souligner que l’augmentation des recettes resterait, en 2023, nettement supérieure à celles des dépenses, l’écart entre les taux respectifs de croissance de ces deux agrégats s’élevant à 1,4 point. En outre, pour la première fois depuis 2019, le solde des Asso hors Cades et FRR serait positif, à hauteur de 4,1 milliards d’euros, alors que l’exercice 2022 avait donné lieu à un déficit de 6,5 milliards d’euros. Ces organismes, et singulièrement la Cades, n’en contribuent pas moins aux excédents des Asso.

B.   la cades contribuerait de nouveau à l’excédent des administrations de sécurité sociale

● L’inclusion de la Cades dans le périmètre des administrations de sécurité sociale a pour corollaire la comptabilisation, dans le présent article liminaire, de l’amortissement de la dette des régimes obligatoire de base parmi les recettes de celles-ci.

Aussi les excédents de la Cades, correspondant au montant de la dette amortie, atteindraient-ils 18,3 milliards d’euros en 2023, soit environ 600 millions d’euros de moins que l’année précédente. À cet égard, il convient de relever que, si la comptabilisation de la dette amortie par la Cades parmi les recettes des Asso entraîne une majoration de l’excédent de ces dernières, malgré une diminution du volume de dette amorti, le solde des Asso dépasse, en 2023, son niveau de 2022, malgré une diminution du volume de dette amorti.

L’exercice 2022 s’était distingué par des circonstances particulièrement favorables, qui avaient permis à la caisse d’amortir le montant de dette le plus élevé depuis sa création en 1996 (18,9 milliards d’euros). D’une part, la forte reprise de l’activité économique au sortir de la crise sanitaire avait entraîné une hausse des recettes de la Cades. D’autre part, le niveau des taux d’intérêt réduisait le coût de l’emprunt.

En 2023, les recettes de la Cades, qui s’élèveraient à 21,1 milliards d’euros, seraient réparties de la manière suivante :

– le produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ressource entièrement affectée à la Cades, atteindrait 8,9 milliards d’euros ;

– la fraction du produit de la contribution sociale généralisée (CSG) affectée à la caisse représenterait 10,1 milliards d’euros ;

– le versement annuel du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) s’élève 2,1 milliards d’euros.

Il convient de relever que la loi organique n° 2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a modifié les ressources affectées à la Cades. À compter de 2024, la fraction de l’ensemble des assiettes de la contribution sociale généralisée (CSG) – à l’exception de celle sur le produit des jeux – sera diminuée de 0,15 point – pour atteindre 0,45 point à compter de 2024 contre 0,6 point auparavant. En outre, le versement du FRR serait réduit à 1,45 milliard d’euros par an à partir de 2025.

C.   L’excédent DES RÉGIMES DE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE LÉGALEMENT OBLIGATOIRES ET DU RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE

1.   La situation du régime d’assurance chômage resterait excédentaire en 2023

En 2023, le solde de l’assurance chômage atteindrait 3,2 milliards d’euros en comptabilité de trésorerie. À titre de rappel, le régime a renoué avec une situation excédentaire à compter de 2022, après une période d’accumulation de déficits s’est traduite par la constitution d’une dette de 63,6 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2021.

Le résultat pour 2023 tient compte de la reprise d’une partie de l’excédent du régime – qui s’analyse comme une perte de recettes – à hauteur de 2,0 milliards d’euros, prévue par le document de cadrage transmis aux partenaires sociaux le 1er août dernier, au titre du financement de la politique de l’emploi. Les recettes augmenteraient cependant de 0,7 % (soit un surcroît de ressources de 0,3 milliard d’euros) par rapport à 2022, sous l’effet de la croissance de la masse salariale portée par les augmentations de salaires et les créations d’emplois – 122 800 emplois salariés supplémentaires ont ainsi été comptabilisés au premier semestre 2023.

D’autre part, les dépenses augmenteraient de 3,6 % – soit 1,5 milliard d’euros – par rapport à 2022, en raison notamment de l’incidence de l’inflation sur les allocations versées. Le montant de celles-ci est en effet calculé sur la base de salaires journaliers de référence, que l’augmentation des salaires favorisée par l’inflation conduit à réévaluer à la hausse. En outre, le conseil d’administration de l’Unedic a revalorisé les allocations-chômage à deux reprises en 2023, à hauteur de 1,9 % le 1er avril et 1,9 % également le 1er juillet 2023.

De nouvelles règles d’indemnisation ont vocation à s’appliquer pour la période 2024-2026, l’accord entre les partenaires sociaux devant intervenir avant le 15 novembre 2023, aux termes du document de cadrage transmis par le Gouvernement. Dans l’hypothèse où les réformes de 2019-2021 et de 2023 (dite de « contracyclicité ») seraient maintenues, le solde du régime serait positif à hauteur de 4,1 milliards d’euros, en tenant compte de la perte de 2,5 milliards d’euros de recettes pour l’Unedic au titre de la reprise d’une partie de l’excédent.

La pérennisation des excédents de l’assurance chômage doit également permettre le remboursement de la dette du régime, qui s’établirait à 53,4 milliards d’euros en 2024, contre 57,5 milliards d’euros en 2023.

dette et solde du régime d’assurance chômage en comptabilité de trésorerie

Source : annexe VIII du PLFSS 2024.

2.   L’excédent des régimes de retraite complémentaires obligatoires progresserait encore en 2023 avant une dégradation en 2024

Assurant la couverture du risque vieillesse en complément des régimes de base, les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires couvrent la plus grande partie de la population, à l’exception des pensionnés des « régimes spéciaux ». Ils constituent un ensemble hétérogène par le nombre de leurs bénéficiaires. L’association générale des institutions de retraite des cadres et l’association des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco), qui concernent les salariés du secteur privé, comptent près de 20 millions de cotisants actifs et environ 15,4 millions de pensionnés de droit direct ou dérivé. Ces régimes représentent plus de 87 % des prestations.


Les régimes complémentaires obligatoires de retraite

Régime

Population couverte

Nombre de cotisants actifs en 2023

Nombre de bénéficiaires en 2023

Poids dans les prestations en 2023

Association générale des institutions de retraite des cadres et association des régimes de retraite complémentaire

Salariés du secteur privé

19 989 349

15 399 038

87,30 %

Complémentaire des professions libérales relevant de la CNAVPL

Professions libérales

681 492

460 229

4,20 %

Caisse nationale déléguée à la sécurité sociale des travailleurs indépendants - complémentaire

Travailleurs indépendants

2 702 675

1 470 634

2,30 %

Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités

Agents contractuels de droit public

3 103 400

2 318 190

3,80 %

Régime additionnel de la fonction publique

Fonctionnaires

nd

nd

0,40 %

Caisse de retraite du personnel naviguant - personnel de l’aviation civile

Personnel navigant de l’aéronautique civile

36 561

24 338

0,80 %

Exploitants agricoles

Exploitants agricoles

431 645

641 414

1,00 %

Caisse nationale des barreaux français

Avocats

76 386

19 681

0,30 %

Source : annexe VIII du PLFSS 2024.

En 2023, le solde des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires serait excédentaire à hauteur de 10,8 milliards d’euros, sous l’effet d’un fort dynamisme des recettes – qui augmenteraient de 7,8 % – dépassant la hausse des dépenses – qui progresseraient de 4,4 %. La croissance des recettes est favorisée par celle de la masse salariale, qui entraîne un surcroît de cotisations, tandis que l’augmentation des dépenses est soutenue par les revalorisations des prestations.

En 2024, l’excédent se contracterait à hauteur de 4,7 milliards d’euros en raison du ralentissement de l’inflation. Tandis que la croissance des recettes serait plus limitée – la masse salariale augmentant de 3,9 % après 6,3 % en 2023 –, les prestations seraient revalorisées à hauteur de 4,9 % le 1er novembre 2023 pour l’Agirc-Arrco et de 5,2 % le 1er janvier 2024 pour les autres régimes. Les charges progresseraient ainsi de 4,7 %.

II.   Une légère diminution de l’excédent des Asso est attendue en 2024 sous l’effet d’une augmentation des dépenses plus rapide que celle des recettes

En 2024, malgré une augmentation du taux de croissance du PIB – 1,4 %, contre 1,0 % en 2023 – le solde des Asso se dégraderait, quoique de façon limitée. Ainsi, alors que les recettes se maintiendraient en proportion du PIB – leur montant étant égal à 26,6 % de ce dernier –, la part des dépenses dans le revenu national augmenterait de 0,1 point, pour atteindre 26,0 % du PIB. L’excédent de ce secteur des administrations publiques s’établirait à 17,3 milliards d’euros, contre 20,8 milliards d’euros en 2023.

Cette évolution découlerait d’un moindre dynamisme des recettes – qui augmenteraient de 3,7 %, contre 5,1 % en 2023 – jointe à une plus forte croissance des dépenses, à hauteur de 4,3 % contre 3,7 % lors de l’exercice en cours. La plus forte hausse des dépenses reflèterait en premier lieu le dynamisme des prestations, la croissance de celles-ci devant atteindre 4,8 %, contre 3,7 % en 2023. À l’inverse, la masse salariale privée connaîtrait une moindre hausse – 3,9 %, après 6,3 % –, ce qui réduirait le dynamisme des cotisations sociales. De manière analogue, la masse salariale totale augmenterait de 3,6 %, après avoir crû de 6,3 % en 2023, ce qui limiterait la hausse du produit de la CSG et de la CRDS.

*

*     *


   PREMIÈRE PARTIE
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale pour l’exercice 2023

Article 1er
Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépense pour 2023

Conformément aux prescriptions de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale, le présent article vise à rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice 2023.

Il rectifie également les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mises en réserve par le FSV ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

I.   Un déficit des comptes sociaux aggravé en cours d’exercice par une hausse des dépenses, qui n’est que partiellement compensée par un suRcroît de recettes

A.   UN DÉFICIT DES COMPTES SOCIAUX LÉGÈREMENT SUPÉRIEUR AUX PRÉVISIONS de LA LOI DE FINANCEMENT RECTIFICATIVE

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoyait initialement un déficit de 7,1 milliards d’euros. La loi de financement rectificative (LFRSS) a ensuite acté une dégradation du solde des régimes obligatoires de base et du FSV, dont le déficit devait atteindre 8,2 milliards d’euros, sous l’effet d’un surcroît de dépenses dans le périmètre de l’Ondam (à hauteur de 0,8 milliard d’euros) et de la branche vieillesse (0,4 milliard d’euros).

Aux termes du du I du présent article, cette prévision de déficit serait portée à 8,8 milliards d’euros.

 

 

 

 

 

 

 

Le tableau suivant compare les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du FSV établies au présent article 1er avec celles arrêtées par la LFRSS 2023 :

Comparaison des prévisions du PLFSS 2024 avec celles de la LFRSS 2023

(en milliards d’euros)

 

Prévisions 2023
(LFRSS 2023)

Rectification 2023
(PLFSS 2024)

Écart à la prévision

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

231,2

239,1

– 7,9

234,1

243,7

– 9,5

+ 2,9

+ 4,6

– 1,7

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,0

14,8

2,2

17,2

15,3

1,9

+ 0,2

+ 0,5

– 0,3

Vieillesse

269,8

273,7

– 3,8

273,1

275,0

– 1,9

+ 3,3

+ 1,3

+ 2

Famille

56,7

55,3

1,3

57,0

56,0

1

+ 0,3

+ 0,7

– 0,4

Autonomie

36,3

37,5

– 1,3

36,8

37,9

– 1,1

+ 0,5

+ 0,4

– 0,1

Total

593,3

602,8

– 9,5

600,9

610,5

– 9,6

+ 7,6

+ 7,7

– 0,1

Total
incluant le FSV

595,0

603,2

– 8,2

602,1

610,9

– 8,8

+ 7,1

+7,7

– 0,6

Note : en raison de l’arrondi, le solde indiqué peut être différent de la somme des éléments qui le composent.

Sources : LFRSS 2023 et PLFSS 2024.

1.   Un surcroît de dépenses par rapport aux prévisions de la loi de financement rectificative principalement imputable à la branche maladie

Le présent article fait état d’une prévision de dépenses augmentée de 5,8 milliards d’euros par rapport au montant arrêté par la LFRSS 2023. De façon générale, il convient de relever que les révisions de l’inflation à la hausse (en l’occurrence à hauteur de 0,5 point) s’accompagnent d’une augmentation des dépenses.

La décomposition du surcroît de dépenses fait notamment apparaître :

– 2,8 milliards d’euros imputables à la hausse de l’Ondam au titre, d’une part, des dépenses supplémentaires de soins de ville – à hauteur de 1,2 milliard d’euros, et, d’autre part, des revalorisations salariales qui bénéficient, à compter de juillet 2023, aux agents du secteur public. Le surcroît de dépenses de soins de ville s’explique notamment par l’augmentation des indemnités journalières ;

– 1,3 milliard d’euros correspondant au transfert du régime général vers l’Unedic et l’Agirc-Arrco pour pallier la sous-compensation des allégements généraux de cotisations, qui tient à l’augmentation de l’écart entre la fraction du produit de la TVA destinée à la compensation de ces derniers et leur coût réel. À titre de rappel, ce transfert avait porté sur 0,5 milliard d’euros en 2022 ;

– 0,9 milliard d’euros découlant d’une hausse des dépenses de la branche maladie hors Ondam ;

– 0,3 milliard d’euros résultant de la revalorisation des prestations familiales. Cette réévaluation tient notamment à une nouvelle estimation de l’incidence financière de la revalorisation de l’allocation de soutien familial ;

– 0,3 milliard d’euros correspondant à une révision à la hausse des dépenses du Fonds national d’action sociale (Fnas), qui relève de la branche famille, au titre des premières dépenses que devrait entraîner la mise en œuvre de la réforme du service public de la petite enfance ;

– 0,2 milliard d’euros découlant de la revalorisation des prestations vieillesse.

2.   Une croissance des recettes plus importante que prévu, portée par le dynamisme de la masse salariale

● Concernant les recettes, le présent article modifie à la hausse la prévision de la LFRSS 2023, à hauteur de 5,3 milliards d’euros.

Ce surcroît de recettes tient d’abord à l’évolution plus favorable que prévu des déterminants économiques qui influent sur leur montant. En premier lieu, le taux de croissance de la masse salariale du secteur privé atteindrait 6,3 %, tandis que la LFRSS 2023 reposait sur une prévision de 4,8 %, soit une différence de 1,5 point de base. Il en résulte des recettes supplémentaires à hauteur de de 4,2 milliards d’euros au titre des cotisations assises sur cette masse salariale. Par ailleurs, les revalorisations salariales au sein de la fonction publique conduisent à une révision à la hausse des recettes assises sur les revenus du secteur public, à hauteur de 0,9 milliard d’euros.

À l’inverse, la progression du coût des allégements généraux de cotisations réduit l’incidence positive, sur les recettes des Robss, de la croissance de la masse salariale privée. À cet égard, la révision du bandeau maladie – à hauteur de 4,6 points en cumulé au titre des années 2022 et 2023 – modère de 0,6 milliard d’euros la croissance des recettes. En outre, le surcroît d’inflation entraînerait une baisse de la consommation et donc du produit de la TVA, dont il découle une perte de recettes de 0,7 milliard d’euros.

B.   Des prévisions qui, malgré la révision proposée, confirment le rétablissement des comptes sociaux entre 2022 et 2023

En dépit de la dégradation des prévisions de solde pour l’année en cours entre la LFRSS 2023 et le PLFSS 2024, les comptes des Robss et du FSV connaîtraient un net rétablissement par rapport à l’exercice 2022, au cours duquel le déficit a atteint 19,7 milliards d’euros. L’année 2023 marque ainsi une résorption de plus de moitié du déficit des comptes sociaux, confirmant la trajectoire de sortie de crise qui, néanmoins, devrait connaître un infléchissement à partir de 2024, pour des raisons détaillées dans le tableau d’équilibre qui se rapporte à l’exercice à venir.

Le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023 et l’annexe 3 du PLFSS 2024 soulignent que ce rétablissement du solde des Robss et du FSV découle principalement de la réduction des dépenses liées à la crise sanitaire supportées par la branche maladie. Le montant de ces dépenses exceptionnelles passerait ainsi de 11,7 milliards d’euros en 2022 à 0,9 milliard d’euros en 2023.

● L’ensemble des dépenses des Robss progresserait de 3,2 % en 2023, après une augmentation de 4,4 % en 2022. Parmi les facteurs qui contribuent à la hausse des dépenses, on peut notamment relever :

– les prestations maladie relevant de l’Ondam, qui progresseraient de 2,4 % sous l’effet notamment des revalorisations salariales accordées aux agents du secteur public. Parmi celles-ci, il convient de distinguer les mesures transversales, telles que la hausse de la valeur du point d’indice, ou sectorielles, en particulier dans le champ de l’objectif global de dépenses (OGD) médico-social. Par ailleurs, les dépenses de soins de ville resteraient dynamiques ;

– les prestations maladie hors Ondam, qui resteraient dynamiques et dont la croissance atteindrait 2,9 %. L’inflation entraînerait une revalorisation des prestations légales de 3,6 %, tout en favorisant une augmentation des salaires qui se répercute sur le coût des indemnités journalières ;

– les prestations de la branche autonomie non soumises à l’OGD, qui augmenteraient de 7,4 %, sous l’effet notamment de la dynamique de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ;

– les prestations familiales progresseraient de 5,7 %, soit 2,1 points de plus que le niveau de leur revalorisation légale (3,6 %), en raison de la revalorisation de 50 % de l’allocation de soutien familial (ASF), dont le coût s’élève à 1,1 milliard d’euros ;

– le montant des pensions de retraite versées augmenterait de 4,5 %, l’effet prix lié aux revalorisations (à hauteur de 2,8 % en moyenne annuelle) s’ajoutant à l’effet volume qui tient à la hausse du nombre de bénéficiaires et du montant moyen des pensions ;

– parmi les transferts, le coût de la sous-compensation des allégements généraux de cotisations à l’Unedic s’élèverait à 1,5 milliard d’euros, contre 0,5 milliard d’euros en 2022, en raison de l’écart entre la perte de recettes que ces exonérations représentent pour l’assurance chômage et le produit de la fraction de TVA affectée à la compensation

À l’inverse, le dynamisme des dépenses serait tempéré par plusieurs éléments (outre la quasi-extinction des dépenses de crise, mentionnée ci-dessus), en particulier :

– l’effet des revalorisations légales de prestations a été lissé sur deux années, dans la mesure où elles sont intervenues en deux temps : d’abord, de manière anticipée, le 1er juillet 2022, à hauteur de 4,0 % ; puis, conformément aux prescriptions légales, le 1er janvier et le 1er avril 2023. Ainsi, en moyenne annuelle, la revalorisation des prestations de retraite atteindrait 2,8 %, contre 3,1 % l’année précédente ;

– les transferts diminueraient de 4,9 %, sous l’effet notamment de la réduction des dépenses exceptionnelles liées à la crise.

● Concernant les recettes, celles-ci connaîtraient une augmentation de 5,3 % pour l’ensemble des régimes obligatoires de base et de 5,2 % à l’échelle des Robss et du FSV. L’écart entre le taux de croissance des produits nets et des charges nettes atteint 2 points pour ce périmètre, entraînant une résorption du déficit des comptes sociaux. À la différence des dépenses, dont l’augmentation ralentirait fortement entre 2022 et 2023 (– 1,2 point), le taux de croissance des recettes serait pratiquement stable pour la même période (5,2 % en 2023 après 5,4 % en 2022).

L’écart entre l’année passée et l’exercice en cours tient d’abord au ralentissement de l’augmentation de la masse salariale privée, dont la hausse atteindrait 6,3 % en 2023 contre 8,7 % en 2022, année durant laquelle l’extinction progressive des mesures d’activité partielle a entraîné une forte croissance de la masse salariale soumise à cotisations. En outre, l’arrivée à leur terme, en 2021 et 2022, du versement des cotisations et de la CSG assises sur les revenus des travailleurs indépendants, dont le paiement avait été différé en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire, avait accru les recettes lors de ces exercices. Par ailleurs, le dynamisme des allégements généraux, lié aux revalorisations du Smic, conduirait à ce que la croissance du produit des cotisations soit inférieure de 1,2 point à celle de la masse salariale privée (5,1 % contre 6,3 %). Les impôts, taxes et contributions sociales hors CSG progresseraient de 5,1 %, principalement sous l’effet de la hausse du produit de la TVA, qui atteindrait 6,1 %. Le rendement de la CSG augmenterait de 4,7 %, le surcroît de recettes lié au dynamisme de la masse salariale du secteur privé étant atténué par le ralentissement de la croissance des assiettes de la CSG sur les revenus du capital.

 

 

 Charges et produits nets des régimes de base, par branche, du FSV et de l’ensemble consolidé régimes de base et FSV en 2023 (en milliards d’euros) et évolution par rapport à 2022

 

 

 

Maladie

Vieillesse

Famille

AT-MP

Autonomie

Régimes de base

%

FSV

ROBSS+

FSV

%

CHARGES NETTES

243,7

275,0

56,0

15,3

37,9

610,5

3,2%

19,5 610,9

3,2%

Prestations sociales nettes

225,6

269,7

39,3

12,1

31,7

576,0

3,5%

0,0

576,0

3,5%

Prestations légales nettes

225,4

269,1

32,5

12,1

31,7

568,5

3,5%

0,0

568,5

3,5%

Prestations extralégales nettes

0,2

0,6

6,8

0,0

0,0

7,5

4,2%

0,0

7,5

4,2%

Transferts nets

10,6

2,5

13,6

2,1

6,0

19,8

-5,0%

19,4

20,1

-4,9%

Transferts avec d’autres régimes de base

0,9

0,9

13,5

1,8

0,1

2,2

79,7%

0,0

2,2

79,7%

Transfert avec des fonds

9,1

0,0

0,0

0,2

0,2

9,8

-20,1%

19,1

9,8

-20,1%

Autres transferts versés

0,7

1,6

0,0

0,0

5,7

7,8

6,3%

0,3

8,1

6,3%

Charges de gestion courante

7,2

2,2

3,1

1,1

0,2

13,8

1,1%

0,1

13,9

1,1%

Autres charges

0,2

0,6

0,0

0,0

0,0

0,9

2,6%

0,0

0,9

3,5%

Charges financières

0,2

0,6

0,0

0,0

0,0

0,8

33,5%

0,0

0,8

33,5%

Charges diverses

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

-62,8%

0,0

0,1

-61,7%

PRODUITS NETS

234,1

273,1

57,0

17,2

36,8

600,9

5,3%

20,3

602,1

5,2%

Cotisations, contributions et recettes fiscales nettes

214,3

232,8

56,1

16,4

36,4

553,7

4,7%

20,3

574,0

4,7%

Cotisations sociales

85,3

158,4

35,2

16,1

0,0

293,1

5,1%

0,0

293,1

5,1%

Cotisations prises en charge par l’État

2,0

3,5

1,0

0,2

0,0

6,6

-3,8%

0,0

6,6

-3,8%

Contribution de l’employeur

0,5

45,5

0,0

0,3

0,0

46,3

3,9%

0,0

46,3

3,9%

CSG

54,4

0,0

13,8

0,0

32,6

100,4

4,7%

20,5

121,0

4,7%

Autres contributions sociales

0,3

7,1

1,4

0,0

3,3

12,2

7,8%

0,0

12,2

7,9%

Recettes fiscales

72,2

18,8

4,8

0,0

0,8

96,5

4,8%

0,0

96,5

4,8%

Charges liées au non-recouvrement

-0,3

-0,5

-0,1

-0,2

-0,4

-1,5

34,1%

-0,2

-1,7

31,0%

Sur cotisations

-0,1

-0,5

-0,1

-0,2

0,0

-0,9

-

0,0

-0,9

-

Sur CSG activité

-0,2

0,0

0,0

0,0

-0,4

-0,6

-

-0,2

-0,6

-

Sur recettes fiscales et autres contributions sociales

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

-

0,0

-0,2

-

Transferts nets

6,8

39,3

0,2

0,1

0,4

31,7

9,1%

0,0

12,7

10,6%

Reçus des régimes de base

3,8

11,2

0,2

0,0

 

0,1

-65,3%

0,0

0,1

-65,3%

Reçus des fonds de financement

1,4

19,1

0,0

0,0

0,0

20,5

11,2%

0,0

1,4

83,1%

Reçus de l’État

0,1

7,6

0,0

0,1

0,4

9,7

7,5%

0,0

9,7

7,5%

Autres

1,5

1,5

0,0

0,0

0,0

1,5

9,4%

0,0

1,5

9,4%

Autres produits

13,0

1,0

0,7

0,8

0,0

15,5

18,5%

0,0

15,4

18,6%

Produits financiers

0,0

0,4

0,0

0,2

0,0

0,7

14,5%

0,0

0,7

14,5%

Produits divers

13,0

0,6

0,7

0,5

0,0

14,8

18,7%

0,0

14,7

18,8%

Source : Annexe 3 du PLFSS 2024.

II.   La situation des organismes « satellites » de la sécurité sociale en 2023

A.   Le Fonds de solidarité vieillesse

Le du présent article porte rectification du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base. Seul le FSV est concerné par cette disposition.

Le Fonds de solidarité vieillesse

Le FSV a été créé par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale. Il a pour mission d’assurer le refinancement des régimes de retraite au titre de certains avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale. Il prend ainsi en charge, sous certaines conditions et sur des bases forfaitaires, les validations de trimestres d’assurance vieillesse au titre du chômage, des arrêts de travail, du volontariat du service civique, des périodes d’apprentissage et de stages de formation professionnelle. Il finance en totalité le minimum vieillesse versé par les régimes de retraite de base.

Le solde du FSV s’établirait à 0,8 milliard d’euros en 2023, soit un excédent inférieur de 0,5 milliard d’euros à la prévision de la LFRSS 2023, qui faisait état d’un solde prévisionnel de 1,3 milliard d’euros, identique au résultat de l’exercice 2022. La diminution de l’excédent du fonds découle d’une augmentation des charges qui n’est que partiellement compensée par celle des recettes.

D’une part, les dépenses du FSV atteindraient 19,5 milliards d’euros, soit 1,4 milliard d’euros de plus qu’en 2022, ce qui représente une hausse de 8,0 %. Cette évolution des charges est principalement liée à l’inflation, qui accroît le coût unitaire de l’indemnisation du chômage, dans un contexte d’augmentation de la cotisation de référence sous l’effet des revalorisations du Smic (dont la croissance atteindrait 5,4 % en moyenne annuelle en 2023).

D’autre part, la progression du produit de la CSG assise sur les revenus de remplacement (+ 4,4 % par rapport à 2022) et du capital (+ 5,2 %) entraînerait une hausse des recettes du FSV de près de 1 milliard d’euros.

B.   Le fonds de réserve pour les retraites

Le FRR ne bénéficie d’aucune affectation de recettes depuis que la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites l’a transformé en fonds fermé. Le confirme cet état de fait en prévoyant que les recettes de cet établissement public sont nulles.

Aux termes du I de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, le FRR a désormais pour fonction de verser à la Cades 2,1 milliards d’euros par an, de 2011 à 2024, soit un total de 29,4 milliards d’euros. En outre, à compter de 2025, en application de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, le versement à la Cades sera réduit à 1,45 milliard d’euros par an et consacré à l’amortissement de la dette afférente aux déficits de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du FSV. Ce versement prendra fin à l’expiration des réserves du fonds et, en tout état de cause, au terme de l’apurement de cette dette.

Fin juin 2023, après déduction du versement annuel de 2,1 milliards d’euros, la valeur de marché (hors provisions) du portefeuille du FRR s’élevait à 20,4 milliards d’euros.

C.   La caisse d’amortissement de la dette sociale

Le 5° prévoit un objectif d’amortissement de 18,3 milliards d’euros, supérieur à la fois à l’objectif fixé en LFRSS 2023 (17,7 milliards d’euros), identique à celui établi par la LFSS 2023.

L’amélioration de l’objectif d’amortissement pour l’exercice en cours tient d’abord au dynamisme des recettes, qui devraient atteindre 21,1 milliards d’euros en 2023 contre 20 milliards d’euros en 2022. Les ressources de la Cades – une fraction de CSG et l’intégralité du produit de la CRDS – reposent en effet principalement sur la masse salariale, en forte croissance pour l’exercice 2023.

Fin 2023, la Cades devrait avoir amorti 242,5 milliards d’euros de dette soit 67,3 % des 360,5 milliards d’euros de dette sociale transférée à la même date.

Au 31 juillet 2023, la Cades se refinançait au taux de 1,93 %, contre 0,62 % au début de l’année 2022.

À la fin de l’année 2023, la Cades aura mené, selon son président, entendu par la rapporteure générale, six opérations pour un montant total d’émissions de 25 milliards d’euros. Dans l’état actuel des conditions de refinancement, en l’absence de nouvelle reprise de dettes, les prévisions de la Cades lui permettent d’estimer qu’elle sera en mesure d’amortir l’ensemble de sa dette en 2032.

 

*

*     *


Article 2
Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs

Cet article rectifie l’objectif national d’assurance maladie (Ondam) pour l’année 2023, ainsi que les six sous-objectifs qui le composent.

Le présent article, qui fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale ([4]), rectifie l’objectif national d’assurance maladie (Ondam) ainsi que ses sous-objectifs pour l’année 2023.

Il convient de rappeler que l’Ondam a atteint 247,1 milliards d’euros en 2022, soit une révision à la hausse de 10,1 milliards d’euros par rapport à l’objectif voté initialement en loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 (236,8 milliards d’euros). Ce dépassement s’explique en grande partie par des dépenses exceptionnelles en lien avec la crise sanitaire supérieures à ce qui avait été provisionné (11,7 milliards d’euros constatés contre 4,9 milliards d’euros prévus en loi de financement de la sécurité sociale), soit un dépassement de 6,8 milliards d’euros. Le reste est lié à la hausse de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires intervenue en juillet 2022, aux conclusions de la mission flash sur les urgences et aux autres conséquences du contexte inflationniste.

Entre 2019 et 2022, le taux de croissance annuel moyen de l’Ondam a atteint 5,1 % hors dépenses de crise ([5]).

I.   Un objectif 2023 EN HAUSSE DE 1,1 % par rapport à celui fixÉ en loi de financement rectificative de la sécurité sociale

Le présent article fixe à 247,6 milliards d’euros l’Ondam rectifié pour 2023, dont 105 milliards d’euros pour le sous-objectif relatif aux dépenses de soins de ville et 102,5 milliards d’euros pour le sous-objectif portant sur les dépenses relatives aux établissements de santé, qui constituent l’essentiel des dépenses sous Ondam. Les dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées et pour personnes en situation de handicap devraient atteindre cette année respectivement 15,5 et 14,7 milliards d’euros, soit un total de 30,2 milliards d’euros pour l’Ondam médico-social.

● L’Ondam pour 2023 rectifié par le présent projet de loi est en hausse de 2,8 milliards d’euros (+1,1 %) par rapport à l’objectif voté en loi de financement rectificative de la sécurité sociale, et de 3,5 milliards d’euros par rapport à l’objectif initial. Cela représente une hausse de 4,8 % par rapport à l’Ondam constaté pour 2022 hors dépenses liées à la crise sanitaire, et de + 0,2 % en les prenant en compte. Ce taux de progression est égal à celui de l’inflation prévue sur l’année, qui s’élève à 4,8 % au sens de l’indice des prix à la consommation harmonisé hors tabac.

Évolution DE l’objectif national d’assurance maladie POUR 2023

(en milliards d’euros)

 

Ondam 2022 constaté (PLACSS 2022)

Ondam 2023 initial

(LFSS 2023)

Ondam 2023 rectifié (LFRSS 2023)

Ondam 2023 rectifié (PLFSS 2024)

Évolution Ondam 2023 PLFSS 2024 / PLFRSS 2023

Dépenses de soins de ville

107,4

103,9

104

105

1,0

(1,0 %)

Dépenses relatives aux établissements de santé

98,4

100,7

101,3

102,5

1,2

(1,2 %)

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées

14,5

15,3

15,3

15,5

0,2

(1,3 %)

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées

13,7

14,6

14,6

14,7

0,1

(0,7 %)

Dépenses relatives au fonds d’intervention régional et au soutien national à l’investissement

6,4

6,1

6,1

6,5

0,4

(6,6 %)

Autres prises en charge (dotation à Santé publique France, etc.)

6,7

3,4

3,4

3,4

0

(0 %)

Total

247,1

244,1

244,8

247,6

2,8

(1,1 %)

Sources : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023, loi de financement de la sécurité sociale et loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

● Comme le démontre le graphique ci-après, la convergence de la trajectoire de l’Ondam hors dépenses liées à la crise sanitaire et de la trajectoire de l’Ondam consolidé témoigne de la sortie de la crise sanitaire et du passage à une phase endémique.

évolution de l’objectif national d’assurance maladie entre 2019 et 2023

Source : annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

 Les dépenses en lien avec la crise sanitaire s’établiraient à 0,9 milliard d’euros en 2023, soit un montant inférieur de 0,1 milliard d’euros par rapport à la provision inscrite en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Ces dépenses permettent la prise en charge par l’assurance maladie de l’achat de vaccins pour 0,4 milliard d’euros, de tests PCR et antigéniques pour 0,3 milliard d’euros, les indemnités journalières maladie pour 0,1 milliard d’euros, et la rémunération des professionnels de santé participant à la campagne de vaccination pour 0,1 milliard d’euros ([6]).

Ces surcoûts ont été nettement inférieurs aux années antérieures de 18,3 milliards d’euros en 2020 et 2021 et 11,7 milliards d’euros en 2022. Cette évolution témoigne du passage à une phase endémique.

 Les dépenses au titre du Ségur de la santé sont conformes aux prévisions. Pour rappel, 0,7 milliard d’euros supplémentaires sont consacrés en 2023 à la fin de la montée en charge des mesures du Ségur de la santé, dont 0,6 milliard d’euros pour compléter les revalorisations des personnels, notamment au titre des mesures visant à l’augmentation de l’intéressement collectif, de la prise en compte des catégories spécifiques de la fonction publique (attachés d’administration hospitalière, ingénieurs, bonifications d’ancienneté des agents de catégories C, prime de service) et de l’effet en année pleine de l’extension des revalorisations du Ségur aux professionnels de la filière socio-éducative. À cela s’ajoutent certains crédits reportés des années précédentes en raison d’une montée en charge des dispositifs plus lente que prévue concernant le développement du numérique en santé, la télésurveillance et le financement des services d’accès aux soins.

Les dépenses consolidées au titre du Ségur de la santé s’élèvent à 13,4 milliards d’euros, ce qui est conforme à la construction de l’Ondam 2023 ([7]).

II.   UNE HAUSSE liÉe majoritairement aux revalorisations et À l’inflation

L’écart par rapport à l’objectif de 2,8 milliards d’euros inscrit en loi de financement rectificative de la sécurité sociale s’explique par plusieurs facteurs rappelés dans le rapport à la commission des comptes et dans l’annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est dû pour plus de la moitié à la prise en compte des revalorisations salariales dans la fonction publique et à leur extension aux établissements sanitaires et médico-sociaux privés. Il s’explique également par le dynamisme des dépenses de ville, en particulier des indemnités journalières, dans le contexte d’inflation élevée et de retour de l’activité à des niveaux pré-covid.

A.   Des revalorisations liÉes À l’inflation À hauteur de 1,6 milliard d’euros

Le 12 juin 2023, le Gouvernement a annoncé des revalorisations du traitement des fonctionnaires représentant 1,6 milliard d’euros dans le champ de l’Ondam pour 2023, qui expliquent la rectification du sous-objectif relatif aux établissements de santé et à l’Ondam médico-social.

Ces mesures de revalorisation sont composées d’une hausse de 1,5 % du point d’indice, de l’attribution de 5 points d’indice à tous les fonctionnaires, des mesures de hausse de points pour les bas salaires ainsi que d’une prime permettant d’augmenter le pouvoir d’achat. Une partie d’entre elles est entrée en vigueur dès le 1er juillet.

Le montant de 1,6 milliard d’euros englobe l’ensemble des établissements publics des secteurs sanitaires et médico-sociaux avec une extension pour le secteur privé sous la forme de mesures équivalentes. Le financement 2023 est assuré, pour le secteur sanitaire, à 100 % par les régimes d’assurance-maladie obligatoire et, pour le secteur médico-social, à hauteur de 0,3 milliard d’euros par la branche autonomie. Les autres financeurs que sont les départements et l’État prennent à leur charge le coût de la revalorisation à due proportion de leur financement de la masse salariale des établissements. Cette revalorisation complémentaire du pouvoir d’achat des fonctionnaires s’ajoute à l’effet année pleine de la hausse du point d’indice au 1er juillet 2022, déjà intégré dans la construction de l’Ondam 2023 en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

B.   des dÉpenses dynamiques en ville

● Hors impact de la crise et mesures spécifiques liées au contexte inflationniste, les dépenses relatives aux soins de ville seraient supérieures de 1,1 milliard d’euros à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 selon l’annexe 5 ([8]). Ce dépassement provient d’une dynamique plus forte qu’anticipé en construction (+ 0,9 milliard d’euros) et d’un désavantage de base de 0,2 milliard d’euros découlant du dépassement de l’Ondam soins de ville en 2022 qui se reporte mécaniquement sur 2023. Dans le détail, ce dépassement s’explique principalement par la hausse des dépenses associées aux honoraires médicaux et dentaires, des remboursements de transports sanitaires et de biologie médicale, des dépenses au titre des indemnités journalières et des dépenses de produits de santé en ville. Cette prévision est toutefois à considérer avec précaution compte tenu des incertitudes liées à l’évolution de la situation sanitaire d’ici la fin de l’année.

● Les dépenses relatives au Fonds d’intervention régionale (FIR), cinquième sous-objectif de l’Ondam, seraient en augmentation de 0,3 milliard d’euros. En 2023, le niveau du FIR devrait s’élever à 4,9 milliards d’euros, un montant supérieur de 0,3 milliard d’euros à l’objectif initial. Ceci s’explique par le déploiement du fonds d’urgence pour les établissements médico-sociaux ainsi que par le financement des aides à destination des transporteurs sanitaires privés dans le cadre de la négociation de l’avenant conventionnel n° 11. En conséquence, les dépenses relatives à l’Ondam médico-social seraient inférieures de 0,1 milliard d’euros.

La rapporteure générale salue les efforts du Gouvernement pour maintenir l’Ondam à un niveau élevé depuis le début de la crise sanitaire. Il a connu au cours de ces dernières années une progression inédite, à hauteur de + 5,1 % par an en moyenne sur les quatre dernières années, contre + 2,3 % seulement sur la décennie 2010‑2019 en intégrant les mesures du Ségur de la santé alors que l’inflation moyenne s’est élevée à 3,0 % par an sur cette même période. Ce travail devra se poursuivre dans les semaines et les mois à venir pour tenir compte des conséquences de la poussée inflationniste sur le système de santé et préserver en particulier les capacités financières des établissements de santé dont les charges ne cessent de croître.

*

*     *


Article 3
Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie et de la branche autonomie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé et de la contribution de la branche autonomie aux agences régionales de santé

Le présent article prévoit d’abord de rectifier, au titre de l’exercice 2023, le montant de la participation des branches maladie et autonomie au financement du Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS). La modification proposée – qui se traduirait par une diminution de cette dotation à hauteur de 102 millions d’euros – tire les conséquences du calendrier de déploiement des investissements numériques prévus par le Ségur de la santé.

Le présent article tend également à rectifier la contribution de la branche autonomie au financement des agences régionales de santé (ARS) au titre de leurs actions concernant les prises en charge et accompagnements en direction des personnes âgées ou handicapées. Il prévoit, à cet égard, une augmentation de 100 millions d’euros de cette contribution au titre d’un fonds exceptionnel visant à soutenir les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), dont la mise en œuvre avait été annoncée par le Gouvernement cet été.

I. LA PARTICIPATION DES BRANCHES MALADIE ET AUTONOMIE AU FINANCEMENT DU FONDS POUR LA MODERNISATION ET L’INVESTISSEMENT EN SANTÉ serait rectifiée pour tenir compte du nouveau calendrier des investissements numériques prévus par le ségur

A.   La LFSS 2023 prévoyait une nouvelle hausse des dotations au titre de la mise en œuvre du volet investissement du Ségur de la santé

Le fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) a été créé le 1er janvier 2021, par transformation du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). Son périmètre a alors été étendu aux établissements médico-sociaux et aux structures d’exercice coordonné en ville. Il contribue au financement des dépenses d’investissement des établissements de santé et de leurs groupements, ainsi qu’à des investissements numériques au sein des secteurs sanitaire et médico-social.

La transformation du FMESPP en FMIS a accompagné la croissance de la dotation de ce fonds, sous l’effet du Ségur de la santé. En effet, la majeure partie des dotations consacrées au volet investissement du Ségur sont versées au FMIS, qui reverse ensuite ces crédits aux agences régionales de santé.

Le volet investissement du Ségur de la santé

Dans le cadre du Ségur de la santé, un plan d’investissement de 19 milliards d’euros sur dix ans a été lancé. Ce montant se décompose de la manière suivante :

– 9 milliards d’euros pour de nouveaux investissements dans les établissements de santé et en ville, dont 1,5 milliard d’euros pour les investissements du quotidien ;

– 6,5 milliards d’euros consacrés à la restauration de la capacité financière des hôpitaux ;

– 1,5 milliard d’euros pour les investissements dans les Ehpad ;

– 2 milliards d’euros pour les investissements numériques.

La dotation allouée au fonds inclut ainsi, outre les dotations d’investissement qui préexistaient au Ségur de la santé, les dotations exceptionnelles prévues par ce dernier, dans le cadre duquel deux priorités ont été assignées au FMIS : le financement de projets hospitaliers prioritaires et les projets ville-hôpital, d’une part ; le rattrapage du retard dans l’utilisation du numérique en matière de santé, d’autre part.

Dans la loi de financement de l’année, le FMIS reçoit une dotation de la branche maladie de la sécurité sociale et une dotation de la branche autonomie. Celles-ci ont des vocations distinctes : la branche maladie finance des investissements au sein de structures de santé, tandis que la branche autonomie contribue aux investissements numériques dans les Ehpad.

Pour 2023, la contribution de la branche maladie avait été rehaussée, pour atteindre 1,163 milliard d’euros contre 1,035 milliard d’euros l’année précédente. L’exposé sommaire de l’article 41 du PLFSS 2023 – devenu l’article 103 dans le texte adopté – précisait notamment que 100 millions d’euros seraient consacrés aux investissements numériques en santé, qui constituent l’une des dimensions du Ségur. En outre, la dotation de la branche autonomie s’élevait à 88 millions d’euros pour 2023 et était intégralement consacrée à des investissements numériques au sein des Ehpad.

B.   Le PLFSS 2024 rectifie à la baisse la dotation globale du fonds compte tenu du rythme des investissements numériques du SéguR

La rectification de la dotation globale du FMIS réduirait le montant de celle‑ci de 1,251 à 1,049 milliard d’euros, soit une baisse de 99 millions d’euros. L’évolution se décomposerait de la façon suivante :

– la contribution de la branche maladie diminuerait de 101 millions d’euros, et s’élèverait à 1,062 milliard d’euros ;

– la contribution de la branche autonomie serait réduite de 1 million d’euros, pour atteindre 87 millions d’euros.

Cette diminution de la dotation globale du fonds vise à tirer les conséquences du déploiement du volet numérique des investissements prévus par le Ségur. En outre, il convient de souligner que le montant rectifié de la dotation globale du FMIS resterait supérieur, en 2023, aux niveaux qu’il avait atteints au cours des deux exercices précédents (1,132 milliard d’euros en 2021, 1,125 milliard en 2022).

Le tableau suivant retrace l’évolution, depuis 2021, des dotations du FMIS déterminées par les LFSS, en faisant état de la rectification que le PLFSS 2024 prévoit d’y apporter au titre de l’exercice 2023 :

ÉVOLUTION DES DOTATIONS DU FMIS

(en millions d’euros)

 

2021

2022

2023

Prévision LFSS 2023

Rectification PLFSS 2024

Dotation branche maladie

1 032

1 035

1 163

1 062

Dotation branche autonomie

100

90

88

87

Dotation globale

1 132

1 125

1 251

1 149

Source : LFSS 2021, 2022 et 2023 et LFSS 2024.

II. LA CONtrIBUTION DE LA BRANCHE AUTONOMIE AUX AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ serait rehaussée au titre de la mise en œuvre du Fonds d’urgence pour les établissements en difficulté

La branche autonomie, par le canal de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), contribue à certaines actions du fonds d’intervention régional (FIR), qui finance des initiatives et expérimentations des établissements et services médico-sociaux validées par les agences régionales de santé (ARS), à destination des personnes âgées ou en situation de handicap.

Le tableau suivant retrace l’évolution, depuis 2021, des dotations aux ARS déterminées par les LFSS, en précisant la rectification que le PLFSS 2024 prévoit d’y apporter au titre de l’année 2023.

ÉVOLUTION DE LA CONTRIBUTION DE LA CNSA AUx ARS

(en millions d’euros)

2021

2022

2023

2024

Prévision LFSS 2023

Rectification PLFSS 2024

141,44

168,3

178,4

278,4

190

 

L’article 41 du présent projet de loi prévoit une diminution de cette contribution en 2024 par rapport au montant rectifié pour 2023. Elle s’élèverait ainsi à 190 millions d’euros. Cette prévision est cohérente avec le caractère exceptionnel des dotations attribuées aux ARS dans le cadre du fonds d’urgence pour les ESMS mis en œuvre en 2023. Il convient de relever que ce montant serait cependant nettement supérieur à la contribution prévue par la LFSS 2023, qui atteignait 178,4 millions d’euros.

 

*

*     *


Article 4
Rectification du montant M de la clause de sauvegarde pour 2023

L’article 4 rectifie le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde applicable aux médicaments remboursables – « montant M » – pour l’année 2023. Afin de tenir compte d’une hausse multifactorielle des dépenses de médicaments et en contrepartie d’engagements de l’industrie à conduire des efforts importants de baisse de prix, avec un objectif de 850 millions d’euros d’économie pour l’année 2024, le seuil initialement fixé à 24,6 milliards d’euros serait relevé de 300 millions d’euros à 24,9 milliards d’euros.

Compte tenu des hypothèses d’abattement lié aux objectifs de baisse de prix, qui s’imputent sur le montant de la contribution, cette mesure devrait minorer les recettes de l’assurance maladie de 120 millions d’euros pour 2023.

La clause de sauvegarde faisant l’objet d’une présentation plus complète et détaillée au commentaire de l’article 11 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, lequel en modifie profondément l’assiette à partir de l’année 2025, le présent commentaire se borne à expliciter les facteurs conduisant le Gouvernement à solliciter du Parlement la rectification à la hausse du montant M pour l’année 2023.

  1.   Un dispositif de régulation macroéconomique des dépenses de médicaments qui prend une place croissante

● La clause de sauvegarde du médicament a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ([9]) pour assurer la régulation des dépenses d’assurance maladie consacrées aux médicaments. Son mécanisme repose sur la fixation annuelle d’un montant – dit « montant M » – censé représenter le chiffre d’affaires global hors taxes dégagé par les entreprises pharmaceutiques sur les médicaments remboursables compatible avec le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Lorsque le chiffre d’affaires agrégé des entreprises pharmaceutiques dépasse le montant M fixé pour l’exercice en cours, chaque entreprise est alors redevable d’une contribution – contribution L – permettant de compenser le coût pour l’assurance maladie de la hausse des dépenses de médicaments.

L’originalité de la clause de sauvegarde du médicament réside donc dans le fait que, si son fait générateur repose sur une base collective, ses conséquences sont individualisées pour chaque entreprise pharmaceutique.

Compte tenu de sa nature, la clause de sauvegarde du médicament revêt un caractère incitatif et n’a donc pas nécessairement vocation à s’activer lorsque les outils de régulation de la dépense fonctionnent correctement en amont – fixation des prix, négociation des remises et maîtrise des volumes notamment. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les annexes aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ne présentaient pas d’information relative au rendement de la contribution L jusqu’au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Or, force est de constater que le seuil de déclenchement est quasi systématiquement dépassé depuis 2015, à l’exception notable de l’année 2020 marquée par la crise sanitaire, et dans des proportions de plus en plus importantes.

Il en résulte que le rendement de la contribution L connaît une hausse exponentielle : le montant appelé était de 159 millions d’euros en 2019 et de 779 millions d’euros en 2021 ([10]). Il devrait atteindre 1,6 milliard d’euros en 2022.

● Ce dynamisme s’explique par plusieurs facteurs :

– la hausse de la consommation de médicaments. En 2022, la consommation de médicaments en ambulatoire ([11]) s’élève ainsi à 32,8 milliards d’euros, en hausse de 5,3 % par rapport à 2021 ([12]). Cette accélération tranche avec l’évolution constatée entre 2014 et 2020, période au cours de laquelle la consommation de médicaments connaissait une baisse de 1,2 % en moyenne annuelle. L’augmentation en volume est particulièrement élevée puisqu’elle atteint 9 % en 2022, soit un rythme encore plus soutenu qu’en 2021 (+ 7,8 %) qui était déjà à un niveau historique ;

– l’arrivée sur le marché de produits innovants particulièrement coûteux. Ce facteur est illustré par la forte hausse des dépenses de médicaments présentant une amélioration du service médical rendu (ASMR) majeure, importante ou modérée, soit ASMR I à III, dont le montant a crû de 46 % depuis 2017 ([13]). Selon l’assurance maladie, le taux de croissance annuel moyen des dépenses de médicaments remboursables brutes, c’est-à-dire avant prise en compte des remises et de la contribution L, était de 9,1 % entre 2020 et 2022 contre 1,6 % entre 2017 et 2019 ([14]).

Cette hausse des dépenses s’est produite alors même que les mesures de régulation de la dépense de médicament ont joué à plein régime. Entre 2019 et 2022, le montant total des remises pharmaceutiques et de la clause de sauvegarde a ainsi connu une hausse de 45,2 % par an pour atteindre 7,5 milliards d’euros en 2022 ([15]). En prenant en compte les remises, la dépense remboursable de médicament a progressé de 5,7 % par an depuis 2020.

II.   La rectification du montant M pour maintenir un rendement constant de la clause de sauvegarde

● La montée en charge de la clause de sauvegarde du médicament n’est pas sans poser de problèmes. D’une part, les entreprises pharmaceutiques intègrent les conséquences de son déclenchement dans leur approche des négociations de prix avec le comité économique des produits de santé (CEPS). Celui-ci exerce un rôle essentiel dans la fixation et la régulation des prix des produits de santé remboursés par l’assurance maladie, qu’il s’agisse des médicaments ou des dispositifs médicaux, et contribue activement au contrôle de la dépense.

Les prix ou les tarifs des produits de santé remboursables par l’assurance maladie sont fixés par conventions conclues entre le CEPS et les entreprises commercialisant les produits de santé, ou avec les organisations professionnelles représentatives de l’industrie du médicament (LEEM) ou de l’industrie des dispositifs médicaux (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales, SNITEM). En cas d’échec des négociations, le CEPS peut prendre une décision unilatérale ([16]).

On distingue différentes catégories de prix :

– le prix de vente au public ([17]), soit celui des produits vendus en officine ;

– le prix de cession au public ([18]) correspond au tarif de vente aux établissements de santé ;

– le tarif de responsabilité ([19]) constitue le prix unique sur la base duquel intervient le remboursement pour des produits ou services équivalents en termes d’efficacité, avec par exemple un alignement des prix des princeps sur celui des génériques.

Le CEPS mène ses négociations en fonction de l’objectif d’économie qui lui est assigné. Pour l’année 2024, il est fixé à 850 millions d’euros.

Or, lors de son audition, le président du CEPS a reconnu que la perspective d’une contribution L élevée rendait délicate la négociation avec les industriels du secteur, aussi bien pour la fixation du prix que pour la négociation de remises. Loin de son objectif initial qui était d’inciter les entreprises à emprunter la voie de la négociation conventionnelle, la clause de sauvegarde apparaît paradoxalement aujourd’hui un frein à ces négociations.

● Cet écueil est renforcé par le manque de visibilité dont disposent les entreprises vis-à-vis du montant définitif de la contribution dont ils savent dorénavant qu’ils devront s’en acquitter chaque année. Outre les incertitudes sur le chiffre d’affaires dans un contexte de croissance dynamique du secteur, les difficultés liées au processus déclaratif conduisent à ce que le montant de la contribution et sa répartition ne soient connus que relativement tard par les opérateurs.

Cette imprévisibilité incite à la prudence au détriment des autres leviers de la régulation, ce qui justifie le choix du Gouvernement de modifier l’assiette de la contribution afin de fiabiliser le calcul de son montant ([20]).

● Ces différents constats ont notamment été formulés par le groupe de personnalités qualifiées auquel la Première ministre a confié la mission sur les produits de santé. Non seulement la clause de sauvegarde apparaît dorénavant plus comme une « sanction financière collective que comme un système de régulation », mais la mission considère que les négociations individuelles par laboratoire semblent plus équitables et efficaces sur le plan économique ([21]).

La mission propose ainsi de réduire le poids de la clause de sauvegarde dans la régulation des dépenses de médicaments au profit d’autres leviers de maîtrise des dépenses, que ce soit en termes de prix mais également de volumes.

S’inscrivant dans cette philosophie, le présent article a pour objectif de stabiliser le rendement de la contribution L et d’éviter qu’il ne poursuive sa forte croissance en rehaussant le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde à 24,9 millions d’euros en 2023. Selon les différentes personnes auditionnées, cette hausse de 300 millions d’euros par rapport au niveau fixé en loi de financement pour 2023 devrait réduire le rendement attendu de la taxe de 120 millions d’euros, réduction qui s’imputera sur le solde de la branche maladie à qui est affectée cette contribution.

Ce choix traduit la confiance du Gouvernement et de la majorité dans la capacité des acteurs du médicament à renforcer les outils de régulation des dépenses de santé en amont en jouant notamment sur les baisses de prix – avec un objectif de 850 millions d’euros d’économie pour l’année 2024 – mais également sur les volumes de vente – objectif de 300 millions d’euros.

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*     *

 

   DEUXIÈME PARTIE
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale pour l’exercice 2024

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRéSORERIE

Chapitre Ier
Renforcer les actions de lutte contre la fraude aux cotisations

Article 5
Réforme de la procédure de l’abus de droit, sécurisation du dispositif d’avance immédiate et adaptation de son calendrier

Le présent article tend d’abord à lutter contre les pratiques frauduleuses dans la mise en œuvre de l’avance immédiate de crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile. À cette fin, il prévoit notamment de sécuriser les conditions d’accès au service d’avance immédiate, de supprimer le mécanisme de déclaration des sommes directement versées par les particuliers aux prestataires et de préciser et renforcer les moyens d’action des organismes de recouvrement en matière de sanction, de suspension et d’exclusion du service.

En outre, tirant les conséquences des expérimentations menées en vue de l’extension du dispositif aux bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), le présent article vise à adapter le calendrier de déploiement du service d’avance immédiate pour les bénéficiaires de ces prestations, ainsi que pour les activités de garde d’enfant de moins de 6 ans. Ainsi, l’intégration des activités de garde d’enfants de moins de 6 ans interviendrait le 1er juillet 2026 au plus tard. De manière analogue, le cadre expérimental en vigueur pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH serait maintenu jusqu’au 1er juillet 2027 au plus tard.

Par ailleurs, pour conforter les moyens d’action des organismes de recouvrement en matière de lutte contre la fraude, le présent article prévoit de clarifier les prérogatives des agents de ces organismes en matière de requalification des faits et des actes des personnes contrôlées. Enfin, dans le but de rendre plus effective la sanction des abus de droit en matière sociale, il vise à réformer la procédure de sanction de ces faits.

I.   L’avance immédiate de crédit d’impôt en faveur des services à la personne

A.   Un dispositif à sécuriser au regard de formes émergentes de fraude

1.   Un dispositif mis en œuvre à partir de janvier 2022 pour réduire les délais de versement des aides à l’emploi d’un salarié à domicile

a.   Le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile : une aide fiscale au champ d’application étendu, qui doit être conjugué avec d’autres catégories de dispositifs

Le crédit d’impôt lié à l’emploi d’un salarié à domicile, également nommé crédit d’impôt en faveur des services à la personne (Cisap), a été créé par l’article 17 de la loi n° 91‑1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991. Le dispositif est actuellement codifié à l’article 199 sexdecies du code général des impôts.

Aux termes de ce dernier, les dépenses engagées par un contribuable au titre de services rendus à son domicile par un salarié ou un organisme de services à la personne (OSP) ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu. Le montant de ce dernier est égal à 50 % des dépenses supportées par le particulier, retenues dans la limite d’un plafond annuel de 12 000 euros, lequel peut être majoré en fonction de la composition du foyer ([22]).

En diminuant le coût des services à domicile pour les particuliers, cet avantage fiscal constitue à la fois un instrument de soutien à ces derniers et aux professionnels du secteur des services à la personne. À ce titre, il favorise également la lutte contre l’emploi dissimulé, en réduisant le bénéfice lié à l’absence de déclaration ou à la sous-déclaration, par les ménages, des services effectués à leur résidence.

Les activités concernées par cette disposition sont mentionnées aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail. Le premier de ces articles distingue trois catégories de services à la personne :

– la garde d’enfants ;

– l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ;

– les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales.

L’article D. 7231-1 du même code précise le champ d’application de ces dispositions en fixant la liste des activités de services à la personne dont l’exercice est soumis à agrément ou peut faire l’objet d’une déclaration auprès du représentant de l’État dans le département.

En outre, il convient de relever que les aides perçues par le particulier au titre de l’emploi d’un salarié à domicile sont déduites de l’assiette du crédit d’impôt. Il en va ainsi, notamment, de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et du complément de libre choix de mode de garde (CMG) ([23]). Or, les versements respectifs du crédit d’impôt et de ces différentes allocations ne répondent pas au même calendrier. Ainsi, avant 2019, le crédit d’impôt ne bénéficiait aux particuliers qu’au moment de l’établissement de l’avis d’imposition portant sur l’année durant laquelle la prestation de services était intervenue, c’est-à-dire six à dix-huit mois après sa réalisation.

Aussi les différences entre les calendriers de versement respectifs de ces différentes aides – crédit d’impôt et prestations sociales – constituent-elles une contrainte technique prise en compte dans l’élargissement progressif de l’avance immédiate de crédit d’impôt à de nouveaux publics et types d’activités.

b.   La résorption du décalage entre la réalisation de services à domicile et le versement des aides fiscales et sociales afférentes à ceux-ci

Avant même que le dispositif d’avance immédiate n’entre en vigueur, de premières modifications ont été apportées au calendrier de versement du crédit d’impôt afin de réduire l’intervalle de temps entre le fait générateur et la liquidation de celui-ci.

La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a d’abord prévu que les bénéficiaires du crédit d’impôt se voient verser un acompte sur le montant de ce dernier, au plus tard le 1er mars de l’année de la liquidation de l’impôt dont ils se sont acquittés au titre de leurs revenus de l’année précédente ([24]). Cet acompte est égal à 60 % de la valeur du crédit d’impôt qui leur a été accordé lors de la liquidation de l’impôt de l’impôt afférent aux revenus de l’avant-dernière année. Aux termes du quatrième alinéa de l’article 1665 bis du code général des impôts, le montant pris en considération pour le calcul de cet acompte est égal à la valeur du crédit d’impôt après imputation de l’aide spécifique prévue au 6° du II de l’article L. 133-5-12 du code de la sécurité sociale.

L’article 20 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a ensuite lancé une expérimentation dans les départements du Nord et de Paris visant à assurer le « versement contemporain » d’aides aux particuliers, âgés ou en situation de handicap, employant des aides à domicile. Ces publics, sur la base du volontariat, n’avaient plus besoin de procéder à une avance de trésorerie puisque le crédit d’impôt sur le revenu portant sur les dépenses à la charge des particuliers employeurs leur était versé pendant l’année en cours et qu’il était tenu compte des aides qui leur étaient versées par ailleurs – notamment l’APA et la PCH.

L’article 13 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prévu la généralisation progressive de ce dispositif. Ainsi, depuis janvier 2022 pour les personnes utilisant le chèque emploi service universel, et depuis juin 2022 pour celles ayant recours à un prestataire extérieur, l’Urssaf calcule l’avantage tiré du crédit d’impôt et déduit cette somme des montants prélevés sur les particuliers employeurs pour le paiement du salarié ou de l’organisme. La mise en œuvre du versement anticipé du montant du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile constitue à la fois une mesure de simplification au profit des particuliers et un instrument de lutte contre l’emploi dissimulé :

– d’une part, le service d’avance immédiate s’apparente à un mécanisme de tiers payant : à ce titre, il rend l’effet de l’aide fiscale contemporain du paiement de la prestation à laquelle elle se rapporte. Ce faisant, l’avance immédiate permet une économie de trésorerie pour le particulier, qui n’a plus besoin d’avancer la part de la rémunération du salarié ou de l’organisme qui a vocation à lui être restituée sous forme de crédit d’impôt. En d’autres termes, la charge de l’avance de frais est transférée du particulier à l’administration, au bénéfice du premier.

– d’autre part, en diminuant les coûts supportés par le particulier dès le paiement de la prestation, l’avance immédiate réduit le bénéfice que celui-ci retirerait de la non-déclaration de l’emploi d’un salarié ou du recours à un OSP.

L’article 13 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prévu d’inclure dans ce dispositif les bénéficiaires de l’APA et de la PCH au 1er janvier 2023, ainsi que les particuliers employeurs bénéficiant d’une garde d’enfant au 1er janvier 2024. L’article 5 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a ensuite ajusté le calendrier de généralisation de cette expérimentation. L’ouverture du service d’avance immédiate aux activités de garde d’enfants de plus de 6 ans a été avancée à septembre 2022, tandis que le cadre expérimental a été prolongé pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH, au plus tard jusqu’au 1er janvier 2024. En outre, le même article avait intégré les activités de garde d’enfants de moins de 6 ans à cette expérimentation, dans la perspective d’une généralisation le 1er janvier 2024.

2.   De nouveaux ajustements du calendrier de généralisation du service d’avance immédiate sont nécessaires

a.   L’inclusion à brève échéance des bénéficiaires de l’APA et de la PCH se heurte à des contraintes techniques

Concernant en premier lieu les bénéficiaires de l’APA et de la PCH, la généralisation du versement contemporain en cours d’expérimentation soulève le problème de l’interconnexion entre les systèmes d’information respectifs des départements – qui versent ces prestations – et des Urssaf – qui gèrent le dispositif d’avance immédiate. À cet égard, il apparaît que la généralisation de la mesure présuppose des développements informatiques supplémentaires de la part des départements. Or, l’article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prévu l’élaboration d’un système d’information unique pour la gestion de l’APA à domicile. Celui-ci, élaboré dans le cadre d’un programme de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), devrait être déployé d’ici la fin de l’année 2025. Dans ces conditions, le développement de nouvelles solutions informatiques par les départements entraînerait un risque d’obsolescence à brève échéance.

b.   L’intégration des activités de garde d’enfants de moins de six doit être coordonnée avec la réforme du CMG

De manière analogue, le calendrier de mise en œuvre de l’avance immédiate pour les activités de garde d’enfants de moins de six ans appelle un ajustement pour tenir compte de la réforme du CMG, prévue par l’article 86 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale de 2023, qui sera mise en œuvre au plus tard le 1er juillet 2025. Celle-ci concerne en particulier le calcul du CMG au titre de l’emploi direct d’une assistante maternelle ou d’un salarié pour la garde d’enfant à domicile. L’article 86 susmentionné prévoit également d’étendre le bénéfice de la prestation aux enfants de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales (« CMG 6-12 ») et de permettre un partage de la prestation en cas de garde alternée de l’enfant (ouverture du CMG linéarisé aux deux parents en cas de résidence alternée).

3.   Une sécurisation du dispositif s’impose à la lumière des actes de fraude constatés par les Urssaf

Par ailleurs, depuis la création du service d’avance immédiate, les Urssaf ont constaté des pratiques frauduleuses de la part de prestataires. Des situations analogues pourraient au demeurant impliquer certains particuliers employeurs.

Une partie de ces fraudes s’appuie sur les modalités particulières de fonctionnement du dispositif. En particulier, le 2° du III de l’article L. 133-8-4 permet aux particuliers de verser aux prestataires un acompte sur leur rémunération. Le prestataire déclare ensuite ce versement à l’Urssaf, qui calcule le reste à charge pour le particulier – après application de l’avance immédiate – et reverse au prestataire le reliquat de sa rémunération. En outre, ce dispositif permet aux particuliers de réduire le prélèvement qui est ensuite opéré par l’Urssaf au titre du paiement de la part des factures des prestataires qui restent à leur charge. Or, il est impossible de vérifier immédiatement que le particulier s’est effectivement acquitté, auprès du prestataire, de la somme que ce dernier déclare avoir perçue. Il en découle un risque de fraude, notamment en cas de connivence entre le prestataire et le particulier.

B.   Le dispositif proposé

Le présent article tend d’une part à lutter contre les fraudes à l’utilisation du service d’avance immédiate et, d’autre part, à adapter le calendrier de déploiement de ce dernier en maintenant le cadre expérimental au-delà du 1er janvier 2024 pour les activités de garde d’enfants de moins de 6 ans et les bénéficiaires de l’APA et de la PCH.

1.   La lutte contre la fraude au service d’avance immédiate

a.   Un encadrement plus strict de l’accès au dispositif

Un premier ensemble de dispositions du présent article concerne la sécurisation des conditions d’accès au service d’avance immédiate, tant pour les particuliers que pour les prestataires.

● En premier lieu, les employeurs et les particuliers devraient utiliser un compte bancaire domicilié en France ou dans l’espace unique de paiement en euros de l’Union européenne. Cette disposition, prévue par le a du (qui modifie le I de l’article L. 133-5-12 du code de la sécurité sociale, lequel concerne les particuliers employeurs) ainsi que par le a et le c du du I (qui visent le II et le III de l’article L. 133-8-4 du même code, ce dernier se rapportant aux particuliers qui ont recours à un OSP), permettrait notamment aux Urssaf de s’assurer de l’existence des bénéficiaires en consultant le fichier des comptes bancaires (Ficoba) géré par la direction générale des finances publiques.

● En outre, le a du du I, qui modifie l’article L. 133-8-5 du code de la sécurité sociale, prévoit de nouvelles conditions d’accès au dispositif pour les prestataires. Ainsi, ces derniers devraient produire des éléments témoignant du respect effectif des obligations sociales (déclaration et paiement des cotisations et contributions) et fiscales qui leur incombent, dans le but d’exclure les structures nouvellement créées. Ils devraient également présenter des garanties financières. La définition des conditions de mise en œuvre de ces deux obligations interviendrait par décret.

b.   La limitation des cas pouvant favoriser la déclaration de prestations ou de versements fictifs

● Afin de prévenir la déclaration, par les prestataires, de versements fictifs dont ils auraient bénéficié de la part de particuliers utilisant le service, le du I modifie le 2° du III de l’article L. 133-8-4 du code de la sécurité sociale pour supprimer la déclaration des sommes directement versées par le particulier au prestataire. En outre, dans le but de lutter contre la déclaration de prestations fictives, le c du du I prévoit qu’un arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale fixe la liste des informations et pièces justificatives que les prestataires doivent transmettre aux Urssaf en même temps que la déclaration des sommes dues par chaque particulier pour lequel ils ont déclaré des prestations.

c.   Des possibilités élargies de sanction

Des prérogatives supplémentaires sont accordées aux Urssaf en matière de sanction des cas de fraude, tant pour les particuliers employeurs que pour les clients d’organismes de service à la personne.

En premier lieu, le du I complète les cas d’exclusion des particuliers employeurs du dispositif d’avance immédiate prévus par la rédaction actuelle de l’article L. 133-5-12 du code de la sécurité sociale, en y ajoutant le surendettement de l’employeur et le non-respect par ce dernier des conditions générales d’utilisation du service. Il prévoit la possibilité de suspendre l’accès des particuliers à ces dispositifs lorsque le nombre ou le montant des prestations déclarées est anormalement élevé. Il précise également les modalités de recouvrement des sommes dues par le particulier employeur en cas de déclaration de prestations fictives, de non‑transmission des justificatifs relatifs à la prestation ou de défaut de paiement des sommes dues, en y appliquant le régime applicable au recouvrement des cotisations assises sur les salaires. Enfin, alors que la rédaction actuelle de l’article L. 133-5-12 susmentionné ne prévoit pas de sanction financière en cas de fraude pour ces particuliers employeurs, ladite section du présent article prévoit qu’une majoration de 50 % des sommes dues est applicable en cas de déclaration de prestations fictives.

d.   Le renforcement des sanctions en cas de fraude

● Le et le du I du présent article prévoient aussi un renforcement des sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre des organismes de service à la personne en cas d’utilisation frauduleuse du dispositif.

Le élargit les cas pouvant donner lieu à l’exclusion du dispositif. Ainsi, les organismes placés en liquidation judiciaire de l’organisme, ceux en redressement judiciaire et qui ne bénéficient qu’un plan de redressement ou d’une autorisation de poursuivre leur activité, ou les structures dont le dirigeant a fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle, seraient exclus. Un cas d’exclusion particulier est prévu pour les groupements d’employeur, les coopératives et les coopératives artisanales. Il précise également les cas d’exclusion en vigueur. En outre, à l’instar du 2° (qui concerne les particuliers employeurs), le 5° crée une procédure de suspension temporaire du service en cas de déclaration – pour les prestataires – ou d’acceptation – pour les particuliers – d’un nombre anormalement élevé de prestations ou lorsqu’il existe des indices du caractère fictif de la prestation déclarée ou acceptée.

Le crée une nouvelle sanction financière en cas de fraude. Aux termes de l’article L. 133-8-7 du code de la sécurité sociale, en cas d’utilisation du dispositif contrevenant aux dispositions de l’article L. 133-8-6 du même code, les prestataires sont tenus de reverser à l’organisme de recouvrement les sommes litigieuses que ce dernier leur notifie. En outre, une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n’ont pas été réglées aux dates d’exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Le prévoit qu’en cas de déclaration ou d’acceptation d’une prestation fictive, une majoration de 50 % au plus est applicable aux sommes litigieuses.

● En outre, le du I et le du III prévoient que les litiges portant sur les décisions des Urssaf ayant trait à la mise en œuvre de l’avance immédiate (et qui concernent plus particulièrement les décisions de suspension de l’accès au dispositif et d’exclusion de ce dernier) relèvent de tribunaux judiciaires spécialement désignés. En l’état du droit, la compétence de ces derniers inclut notamment, en application de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, les litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale. Or, dans la mesure où l’avance immédiate a le caractère d’une aide financière imputable sur un crédit d’impôt – et non d’une prestation sociale –, et en l’absence de dispositions le rattachant de manière expresse au contentieux de la sécurité sociale, la juridiction compétente n’est pas clairement identifiée. Dès lors que le service d’avance immédiate est assuré par les Urssaf, il semble opportun d’intégrer le contentieux qui s’y rapporte à la compétence des juridictions dont relèvent également les litiges portant sur les autres décisions de ces organismes. Par ailleurs, le du I exclut les litiges portant sur la mise en œuvre du service d’avance immédiate au profit de particuliers recourant à un OSP de l’obligation de former un recours administratif – préalable à tout recours contentieux – devant les commissions de recours amiable (CRA) des Urssaf. En effet, la majeure partie de l’activité de ces dernières se rapporte au recouvrement des cotisations, qui constitue un domaine de compétence éloigné de celui que mobilise la mise en œuvre de l’avance immédiate en cas de recours à un OSP, qui concerne une relation commerciale.

2.   Le report de la généralisation de l’avance immédiate pour les activités de garde d’enfants de moins de 6 ans et les bénéficiaires de l’APA-PCH

Enfin, les IV et V du présent article adaptent le calendrier de mise en œuvre de l’avance immédiate de crédit d’impôt.

● Le IV et le du V modifient l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, afin de proroger, jusqu’au 1er juillet 2027 au plus tard, au lieu du 31 décembre 2023, le cadre expérimental en vigueur pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH.

● De manière analogue, le du V modifie l’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 afin de différer l’intégration des prestations de garde d’enfant de moins de 6 ans au service d’avance immédiate, qui interviendrait au plus tard le 1er juillet 2026, et non le 1er janvier 2024.

C.   L’impact financier

L’incidence de la mesure de sécurisation est évaluée à 10 millions d’euros par an, qui correspond à l’estimation du montant de la fraude évitée et bénéficierait principalement aux branches maladie et vieillesse (pour 4,13 et 4,22 millions d’euros respectivement chaque année).

Le report de la généralisation de l’avance immédiate aux bénéficiaires de l’APA, de la PCH et du CMG diffère l’impact financier lié au versement contemporain du montant du crédit d’impôt liquidé au titre de l’année précédente et de l’aide perçue lors du paiement de la prestation. Par rapport au calendrier prévu en l’état du droit, le report entraînerait une moindre dépense pour l’État – qui est le débiteur du crédit d’impôt – à hauteur de 684 millions d’euros en 2024, qui serait plus que compensée par le surcroît de dépenses prévu au titre des trois années suivantes (196 millions d’euros en 2025, 97 millions d’euros en 2026 et 833 millions d’euros en 2027).

II.   La réforme de la procédure de l’abus de droit en matière sociale

A.   la situation actuelle : Une procédure peu opératoire, dont le champ d’application a cependant été élargi par la jurisprudence

1.   Un régime de sanction des abus de droit rendu peu opérant par la complexité de la procédure en cas de recours administratif formé par le cotisant

a.   Une définition législative de l’abus de droit commune à l’administration fiscale et aux organismes de recouvrement

La procédure d’abus de droit mise en œuvre dans les rapports entre les cotisants et la sécurité sociale est prévue par l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale. Aux termes de ce dernier, peuvent constituer un abus de droit, d’une part, les actes qui présentent un caractère fictif et, d’autre part, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales auxquelles le cotisant est tenu ou que ce dernier, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Cette définition de l’abus droit constitue une transposition du régime applicable aux relations entre l’administration fiscale et les contribuables, régi par l’article 64 du livre des procédures fiscales.

Son instauration procède de l’article 19 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, répondant à une recommandation du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires portant sur la fraude et son contrôle ([25]). Pour tenir compte de difficultés techniques posées par la version initiale du dispositif, et dans un souci d’harmonisation avec la définition de l’abus de droit en matière fiscale, le régime de l’abus de droit social, prévu à l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, a ensuite été modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

La procédure d’abus de droit présente un double intérêt pour les Urssaf :

– d’une part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 243-7-2 susmentionné, les actes constitutifs d’abus de droit ne leur sont pas opposables ;

– d’autre part, en application du quatrième alinéa du même article, une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues est infligée aux auteurs de ces actes, à titre de sanction.

b.   La coexistence de plusieurs recours administratifs en cas de sanction

● La mise en œuvre de ces prérogatives par les organismes de recouvrement a pour corollaire la garantie des droits des cotisants au moyen d’une procédure ad hoc.

En premier lieu, l’article R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la décision de constater et sanctionner un abus de droit est prise par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement, qui contresigne à cet effet la lettre d’observations transmise au cotisant par les agents chargés du contrôle. Ce document doit notamment faire état de l’objet du contrôle, de la période vérifiée et de la date de contrôle.

Jusqu’en 2018, l’article L. 243-7-2 prévoyait qu’en cas d’avis du comité favorable à l’organisme de recouvrement, la charge de la preuve devant le juge revienne au cotisant. L’article 202 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a modifié l’article L. 243-7-2, qui prévoit depuis lors qu’en cas de réclamation, « quel que soit l’avis rendu par le comité, les organismes de recouvrement supportent la charge de la preuve en cas de réclamation ».

En outre, le cotisant dispose de deux voies de recours précontentieuses pour contester les rectifications décidées par l’organisme de recouvrement :

– d’une part, en cas de mise en demeure à l’issue de la période contradictoire, le cotisant peut saisir la commission de recours amiable (CRA) de l’organisme de recouvrement ;

– d’autre part, le cotisant peut, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la lettre d’observations de l’organisme de recouvrement, demander à la mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale (MNC) de saisir le comité des abus de droit. La saisine de ce dernier suspend la procédure devant la CRA, cette dernière statuant après réception de l’avis du comité.

Dans un délai de deux mois à compter de la décision de la CRA, le cotisant peut former un recours contentieux.

La procédure d’abus de droit en matière de sécurité sociale

Source : Annexe 9 du PLFSS 2024.

En premier lieu, la procédure décrite ci-dessus, marquée par la possibilité d’une saisine à effet suspensif pour obtenir l’avis d’un comité dont la portée n’est que consultative, revêt un caractère de lourdeur préjudiciable au recours à la procédure d’abus de droit. Le délai préalable à la résolution définitive des litiges est préjudiciable tant aux organismes de recouvrement – dont l’action en matière de répression des abus de droit se trouve ralentie – qu’aux cotisants eux-mêmes – qui ne trouvent pas les conditions d’une résolution rapide de leurs litiges.

En outre, l’article R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les membres du comité des abus de droit sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Un premier arrêté de nomination a été pris en 2011. Or, les membres du comité n’ont pas été renouvelés en 2015 ([26]). Par ailleurs, entre 2012 et 2014, le comité ne s’est réuni qu’à une seule reprise, lors de son installation ([27]). Ainsi, avant même que n’expire le mandat des membres du comité, la lourdeur de la procédure d’abus de droit a conduit à ce qu’elle ne soit pratiquement jamais mise en œuvre. Cette procédure ad hoc, dont la mise en œuvre est particulièrement lourde en raison de la multiplicité des voies de recours, apparaît donc aujourd’hui comme un frein à la sanction des abus de droit.

Le comité des abus de droit

Comme la création d’une procédure de répression de l’abus de droit en matière sociale, l’instauration d’un comité des abus de droit répondait à une recommandation du rapport présenté par MM. Olivier Fouquet et Thierry Wanecq en 2008 (1), qui décrivait celle-ci comme le corollaire indispensable de celle-là. En effet, de même qu’un comité consultatif pour la répression des abus de droit (CCRAD) – devenu, en 2009, le comité de l’abus de droit fiscal – pouvait être saisi par les contribuables en cas de litige avec l’administration, il importait, dans un souci d’harmonisation des procédures applicables au recouvrement de l’impôt et des cotisations, qu’une voie de recours analogue fût ouverte aux cotisants. En particulier, si le comité de l’abus de droit fiscal et le comité des abus de droit ne rendent que des avis consultatifs, ces derniers avaient initialement pour effet – lorsqu’ils étaient conformes à la position de l’administration fiscale ou de l’organisme de recouvrement – de renverser la charge de la preuve à leur profit (2).

La composition, l’organisation et le fonctionnement du comité des abus de droit sont régis par le décret n° 2011-41 du 10 janvier 2011 relatif au comité des abus de droit et à la procédure de répression des abus de droit en matière de prélèvements de sécurité sociale. Ainsi, aux termes de l’article R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale, celui-ci comprend :

1° Un conseiller à la Cour de cassation, président ;

2° Un conseiller d’État ;

3° Un conseiller maître à la Cour des comptes ;

4° Un avocat ayant une compétence en droit social ;

5° Un expert-comptable ;

6° Un professeur des universités, agrégé de droit ;

7° Un inspecteur général des affaires sociales.

(1) Cotisations sociales : stabiliser la norme, sécuriser les relations avec les Urssaf et prévenir les abus, rapport au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, juillet 2008.

(2) Toutefois, depuis 2019, la charge de la preuve incombe à l’organisme de recouvrement, quel que soit le sens de l’avis rendu par le comité.

2.   Un champ d’application récemment élargi par la jurisprudence de la Cour de cassation

La complexité de la procédure d’abus de droit a conduit les Urssaf à n’y recourir qu’à un faible nombre de reprises, en se fondant sur d’autres dispositions relatives au redressement des cotisations et contributions.

Toutefois, dans trois arrêts rendus le 16 février 2023 ([28]), la Cour de cassation a étendu le champ d’application de la procédure d’abus de droit en y incluant les cas dans lesquels les organismes de recouvrement recourent implicitement à la qualification d’abus de droit, sans mettre en œuvre la procédure prévue par l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale. Ainsi, lorsqu’un agent écarte un acte qu’il considère fictif, ou chaque fois qu’il ressort de la lettre d’observations que cet agent considère que l’acte a été pris dans le seul but d’éluder le paiement de cotisations, la Cour de cassation estime que l’organisme de recouvrement a recouru à la qualification d’abus de droit et aurait dû, à ce titre, mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 243-7-2. De fait, toute remise en cause de la qualification donnée par une entreprise à un acte conduirait, en application de cette jurisprudence, à recourir à la procédure d’abus de droit. Or, pour les raisons susmentionnées, celle‑ci apparaît peu opératoire. Le présent article tire les conséquences de ce nouvel état de la jurisprudence en adaptant la procédure d’abus de droit à des fins de simplification.

B.   Le dispoSItif proposé : une simplification de la procédure, jointe à une clarification des prérogatives des agents de contrôle

1.   Une simplification de la procédure de l’abus de droit

● En premier lieu, les , 11° et 12° du I du présent article prévoient la réforme de la procédure d’abus de droit. Le sens général des modifications à la procédure consiste à supprimer la possibilité, pour le cotisant ou l’organisme concerné, de former un recours devant le comité des abus de droit. Ainsi, la saisine de la CRA constituerait, au terme de la période contradictoire, la seule voie de recours précontentieux contre les décisions prises sur le fondement de l’article L. 243-7-2. La définition des faits constitutifs d’abus de droit resterait inchangée. Par ailleurs, la possibilité de prolonger la période contradictoire à la demande de la personne contrôlée – prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 243‑7‑1 A du code de la sécurité sociale – serait étendue aux cas où la procédure d’abus de droit est mise en œuvre.

Ainsi, le 12° du I prévoit le remplacement du deuxième alinéa de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, qui concerne la saisine du comité des abus de droit, par deux nouveaux alinéas :

– le premier porte sur la pénalité applicable aux auteurs d’abus de droit, qui est actuellement mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 243-7-2, et dont le quantum (20 % des cotisations et contributions dues) resterait inchangé ;

– le second préciserait qu’en cas de contestation, la charge de la preuve est supportée par les organismes de recouvrement, comme le prévoit déjà la rédaction en vigueur de l’article.

Par coordination avec la modification de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, le du I du présent article supprime, à l’article L. 225-1-1 du même code, la mention de l’autorisation préalable de l’Acoss avant toute saisine du comité des abus de droit par un organisme de recouvrement.

Le 10° étend la possibilité de prolonger la période contradictoire aux cas où est mise en œuvre la procédure d’abus de droit.

● Le b du ainsi que le et le du II du présent article transposent ces modifications aux dispositions du code rural et de la pêche maritime se rapportant aux prérogatives des caisses de mutualité sociale agricole.

Le schéma suivant décrit la nouvelle procédure prévue par le présent article.

La procédure d’abus de droit RÉSULTANT du présent article

Source : Annexe 9 du PLFSS 2024.

2.   Une clarification des prérogatives des agents chargés du contrôle au sein des organismes de recouvrement

En outre, le présent article prévoit de donner un fondement législatif explicite à la possibilité, pour les agents des organismes de recouvrement, de requalifier les actes des personnes contrôlées.

Ainsi, le 10° du I et le a du du II modifient respectivement les articles L. 243-7 du code de la sécurité sociale et L. 725-25 du code rural et de la pêche maritime afin de préciser que les agents de contrôle des Urssaf et de la Mutualité sociale agricole ne sont pas tenus par la qualification donnée par la personne contrôlée aux faits qui leur sont soumis.

C.   L’impact financier

L’incidence financière totale du surcroît de recettes lié au recouvrement de cotisations dans le cadre de la procédure d’abus de droit et à la disparition des pénalités infligées aux organismes de recouvrement au titre de la méconnaissance de la procédure d’abus de droit est estimée à 10 millions d’euros par an.

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Article 6
Renforcement des obligations des plateformes numériques pour garantir le paiement des cotisations dues par leurs utilisateurs

Le présent article instaure un dispositif de précompte des cotisations et contributions sociales des micro-entrepreneurs exerçant leur activité professionnelle au moyen d’une plateforme numérique. Il tend à lutter contre la sous-déclaration des chiffres d’affaires qui atteint, parmi ces professionnels, des niveaux supérieurs à la moyenne des micro-entrepreneurs et, à plus forte raison, de l’ensemble des travailleurs indépendants. Le manque à gagner pour les finances sociales est estimé à 175 millions d’euros en 2022, et l’évitement des cotisations est de plus préjudiciable à la concurrence. En outre, ce phénomène limite l’accès des travailleurs concernés à certaines prestations contributives en minorant l’ouverture de droits sociaux à leur profit.

Cette mesure – qui figurait dans le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement en mai dernier – entraînerait une amélioration du taux de collecte pour une incidence financière de l’ordre de 200 millions d’euros par an à partir de 2027.

I.   la déclaration du chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs des plateformes donne lieu à d’importantes sous-évaluations

A.   Cette fraude aux cotisations entraîne une perte de recettes pour la sécurité sociale et de moindres ouvertures de droits pour les cotisants

1.   Une population caractérisée par des sous-déclarations supérieures à la moyenne des micro-entrepreneurs

Au 1er janvier 2023, 2,44 millions de micro-entrepreneurs étaient immatriculés en France. Parmi eux, 56 % avaient déclaré un chiffre d’affaires positif et étaient considérés économiquement actifs. Au sein de cette population, l’Urssaf Caisse nationale recensait 206 000 micro-entrepreneurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique en 2022. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), quant à lui, estime que 10 % des micro-entrepreneurs exercent leur activité au moyen des plateformes numériques.

Le statut du micro-entrepreneur et le régime social et fiscal de la micro-entreprise

Un micro-entrepreneur est un entrepreneur individuel soumis à un régime social et fiscal simplifié, destiné à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle indépendante. Ce régime dit « de la micro-entreprise » peut s’appliquer aux entreprises individuelles (EI) ou unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à un seuil de 188 700 euros pour les activités de commerce et de fourniture de logement, et de 77 700 euros pour les activités de service et les professions libérales.

Dans le cadre du régime fiscal de la micro-entreprise (ou régime micro-fiscal), l’activité micro-entrepreneuriale est imposée au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (micro-BIC) ou des bénéfices non commerciaux (micro-BNC). Le bénéfice imposable est déterminé après application d’un abattement forfaitaire sur le chiffre d’affaires de 34 % à 71 % selon le type d’activité. Le micro-entrepreneur a également la possibilité, sous certaines conditions, d’opter pour le versement libératoire de l’impôt sur le revenu, permettant un paiement simultané des impôts et cotisations sociales.

Le régime social de la micro-entreprise (micro-social) prévoit que le montant des cotisations et contributions sociales est déterminé en appliquant au chiffre d’affaires ou aux recettes un taux forfaitaire variant entre 6 % et 21,1 % en fonction de l’activité. De plus, ce régime social permet au micro-entrepreneur de bénéficier d’indemnités en cas de maladie ou de maternité, d’un accès à la formation professionnelle et de droits à la retraite.

L’Observatoire de l’impact du travail dissimulé, fonction assurée par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, fait état, pour cette catégorie de travailleurs indépendants, d’un « taux de cotisations éludées extrêmement important », qui s’élève en moyenne à 43 % des sommes dues. Cette proportion est encore supérieure dans les secteurs des voitures de transport avec chauffeur (VTC) et de la livraison, où elle atteint respectivement 62 % et 58 %. Le taux de cotisations éludées s’établit ainsi, parmi les utilisateurs de plateformes, à un niveau très supérieur à ceux constatés pour l’ensemble des micro-entrepreneurs, population au sein de laquelle il se situerait entre 17 % et 26 % – proportions impliquant un manque à gagner pour la sécurité sociale compris entre 1 et 1,5 milliard d’euros.

Dans le cas des micro-entrepreneurs des plateformes, ces montants découlent d’une estimation effectuée sur la base des sous-déclarations de chiffre d’affaires. En effet, un bilan de l’ensemble des opérations accomplies sur les plateformes est remis chaque année par celles-ci à l’administration fiscale et aux Urssaf. Il est par conséquent possible de rapprocher, pour une période donnée, les déclarations sociales et fiscales des micro-entrepreneurs des données portant sur les transactions enregistrées par les plateformes. Ainsi, en 2021, selon une étude de l’Urssaf Caisse nationale, les deux-tiers des micro-entrepreneurs déclaraient un chiffre d’affaires inférieur au montant des transactions réalisées. Près de la moitié d’entre eux ne déclarait pas de recettes ([29]). À nouveau, des proportions plus élevées étaient atteintes parmi les micro-entrepreneurs du secteur des VTC et de la livraison à domicile, avec respectivement 90 % et 73 % de sous-déclarations.

2.   Des pratiques préjudiciables aux ressources de la sécurité sociale, à l’équité concurrentielle et aux droits des cotisants

La lutte contre la fraude aux cotisations revêt plusieurs enjeux. Il est d’abord nécessaire de veiller au respect de l’égalité entre les contribuables. Cet impératif qui sous-tend les actions menées contre toutes les formes de fraude aux prélèvements obligatoires s’accompagne, dans le cas des cotisations, d’un objectif d’élimination de la concurrence déloyale qu’implique la soustraction d’une partie des opérateurs économiques d’un secteur déterminé à tout ou partie des charges supportées par leurs concurrents.

En outre, la fraude aux cotisations constitue une perte de ressources pour les administrations de sécurité sociale qui, pour les seuls micro-entrepreneurs des plateformes, était estimée à près de 175 millions d’euros en 2022 – soit 42 % des sommes recouvrées. Cette évaluation repose sur l’application d’un taux apparent de cotisation au montant du chiffre d’affaires non déclaré.

Enfin, suivant une logique assurantielle, l’acquittement de cotisations conditionne l’ouverture de droits au profit des assurés sociaux, par exemple en matière d’accès aux indemnités journalières maladie ou de droits à la retraite. La fraude est alors, à terme, préjudiciable aux cotisants qui la commettent. Dans ces conditions, la combattre répond également à un objectif de renforcement de la protection conférée aux micro-entrepreneurs des plateformes numériques.

B.   Des mesures ont été prises pour fiabiliser l’information des pouvoirs publics et accroître le taux de recouvrement des cotisations

1.   La transmission aux administrations publiques de données collectées par les opérateurs de plateforme

Parmi les actions mises en œuvre, un premier ensemble de mesures a trait à la fiabilisation des données dont disposent l’administration fiscale, d’une part, et les organismes chargés du recouvrement des cotisations, d’autre part.

a.   Les montants perçus par chaque vendeur et prestataire sont communiqués à l’administration fiscale

L’article 10 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a prévu la transmission à l’administration fiscale, par les opérateurs de plateforme, d’un document faisant état, notamment, des transactions réalisées par chaque vendeur ou prestataire. Ces dispositions, codifiées dans un premier temps à l’article 242 bis du code général des impôts, ont depuis été modifiées avec la transposition de la directive 2021/514/UE du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal ([30]). Cette dernière a instauré un cadre unifié pour la transmission d’informations par les opérateurs de plateforme, connu sous le nom de « DAC 7 », répondant à une logique d’harmonisation des obligations déclaratives imposées aux plateformes d’économie collaborative au sein de l’Union européenne et parmi les États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Le I de l’article 1649 ter A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2022, prévoit ainsi que « l’entreprise ou l’organisme qui, en qualité d’opérateur de plateforme, met à la disposition d’utilisateurs un dispositif permettant une mise en relation par voie électronique afin d’effectuer […] des opérations de vente d’un bien, de fourniture d’un service par des personnes physiques, de location d’un mode de transport ou de location d’un bien immobilier de toute nature souscrit auprès de l’administration fiscale une déclaration relative aux opérations réalisées par des vendeurs et prestataires par son intermédiaire ». Aux termes du 3° du II du même article, ce document fait notamment état du « montant total de la contrepartie perçue par chaque vendeur ou prestataire au cours de chaque trimestre et le nombre d’opérations pour lesquelles elle a été perçue […] ».

Le nouveau système de transmission issu de la directive « DAC 7 » s’applique aux transactions réalisées à compter du 1er janvier 2023, lesquelles devront faire l’objet d’une déclaration en 2024.

b.   Une exploitation des données de l’administration fiscale au profit des organismes de recouvrement et des caisses d’allocations familiales

Le deuxième alinéa de l’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les informations ainsi recueillies sont transmises à l’Urssaf Caisse nationale et à la Caisse nationale des allocations familiales. Le flux de données auquel donne lieu cette transmission est désigné comme le « flux DAC 7 ». Celui-ci inclut, outre les informations rassemblées par l’administration fiscale française, les données similaires reçues d’autres États dans le cadre des échanges instaurés par la directive susmentionnée.

Le même article dispose également que les données obtenues par l’Urssaf Caisse nationale et la Cnaf peuvent faire l’objet d’une interconnexion avec celles des caisses d’allocations familiales et des Urssaf. La mise en œuvre de cette interconnexion doit intervenir au titre de l’accomplissement, par ces organismes, de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé.

2.   L’information des utilisateurs de plateformes concernant leurs obligations déclaratives

Aux termes du premier alinéa de l’article 242 bis du code général des impôts, les opérateurs de plateformes sont tenus de délivrer aux utilisateurs de ces dernières, à l’occasion de chaque transaction, une information sur les obligations fiscales et sociales qui leur incombent au titre des transactions commerciales conclues par leur intermédiaire. Le même article prévoit qu’un lien électronique vers les sites des administrations leur permettant de se conformer à ces obligations soit mis à la disposition des utilisateurs.

3.   La mise en place d’un système de tierce-déclaration et de paiement des cotisations et contributions des micro-entrepreneurs par les plateformes

La simplification des formalités déclaratives peut constituer un levier d’amélioration du taux de recouvrement. C’est pourquoi, à compter de septembre 2020, au terme d’une expérimentation conduite à partir de la fin de 2019, un service de tierce déclaration des chiffres d’affaires et de paiement des cotisations a été mis en œuvre au profit des micro-entrepreneurs des plateformes. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 613-6 du code de la sécurité sociale, les travailleurs indépendants qui exercent leur activité par l’intermédiaire d’une plateforme numérique peuvent donner mandat à celle-ci pour :

– la réalisation, à leur profit, des démarches déclaratives de début d’activité auprès de l’organisme unique mentionné à l’article L. 123-33 du code de commerce. Ce guichet électronique a remplacé, en application de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi Pacte »), les anciens centres de formalités des entreprises (CFE) ;

– la déclaration de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes, ainsi que le paiement de leurs cotisations et contributions sociales auprès des Urssaf. Cette possibilité concerne, d’une part, les micro-entrepreneurs et, d’autre part, les utilisateurs affiliés au régime général qui tirent des revenus de la location de locaux d’habitation meublés ou de biens meubles dans les conditions prévues aux 6° et 7° de l’article L. 611‑1 du code de la sécurité sociale. Ce mécanisme, mis en œuvre par les Urssaf, est dénommé « service de tierce-déclaration des autoentrepreneurs » (TDAE).

Cependant, dix plateformes seulement ont adhéré au dispositif. Dans ces conditions, la contribution du dispositif à l’augmentation du taux de recouvrement des cotisations sociales des micro-entrepreneurs et des utilisateurs affiliés au régime général est nécessairement limitée.

Aussi le maintien du taux de recouvrement des cotisations des travailleurs des plateformes à un niveau insatisfaisant et, en tout état de cause, inférieur à la moyenne de l’ensemble des micro-entrepreneurs, justifie-t-il la mise en place d’un précompte.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : Transmettre de nouvelles données aux Urssaf et instaurer un précompte des cotisations et contributions sociales des travailleurs des plateformes

A.   La communication aux Urssaf d’informations supplémentaires transmises à l’administration fiscale par les opérateurs de plateforme

Le du I du présent article tend à compléter les documents et informations transmis par l’administration fiscale à l’Urssaf Caisse nationale en les accompagnant des « informations permettant de faciliter l’identification de chaque vendeur ou prestataire et les échanges avec eux ». Les conditions de mise en œuvre de cette disposition seraient précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Les fiches d’évaluation préalable annexées au présent projet de loi précisent que les informations ainsi obtenues viseraient notamment à améliorer l’identification de vendeurs et prestataires qui, quoique redevables de cotisations sociales, ne seraient pas déjà connus des Urssaf. Son champ d’application est plus étendu que celui du précompte instauré par le même article pour les seuls micro-entrepreneurs et les personnes affiliées au régime général qui bénéficient du régime micro-fiscal, dans les conditions prévues par le 35° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.

Le b du du I élargit en outre le champ d’application de l’interconnexion entre les données de l’Urssaf Caisse nationale et des organismes chargés du recouvrement. Il inclut, parmi les organismes concernés par cet échange d’informations, les caisses générales de sécurité sociale et les caisses d’allocations familiales de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion.

Enfin, le c du du I étend l’objet de l’interconnexion entre les données de l’Urssaf Caisse nationale et de la Cnaf, d’une part, et des Urssaf et des CAF, d’autre part. Ainsi, elle peut intervenir dans le cadre des missions de vérification assurées par ces organismes, et non plus seulement au titre des fonctions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé.

Aux termes du A du II du présent article, ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

B.   Le précompte des cotisations et contributions sociales des micro-entrepreneurs des plateformes

1.   Une mesure de lutte contre la sous-déclaration qui concernerait la majeure partie des cotisations, taxes et impôts

a.   La retenue à la source des cotisations, contributions et taxes recouvrées actuellement par les Urssaf

Afin de combattre la sous-déclaration du chiffre d’affaires et des recettes des micro-entrepreneurs des plateformes, le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement en mai dernier prévoyait l’introduction d’une retenue à la source des cotisations et contributions sociales dues par ceux-ci.

Le du I du présent article constitue la traduction législative de cet engagement. Il prévoit l’instauration d’un système de précompte des cotisations et contributions des micro-entrepreneurs des plateformes. À cette fin, il insère dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 613-6-1. Les cotisations et contributions, de même que les taxes et, le cas échéant, le versement libératoire à l’impôt sur le revenu, dus par les micro‑entrepreneurs des plateformes numériques au titre de chiffres d’affaires ou de recettes qui leur sont versés par ces dernières, seraient prélevés par les opérateurs de plateforme eux-mêmes. Ce prélèvement vaudrait, pour le cotisant concerné, acquit des cotisations sociales, taxes et impôts compris dans son champ d’application.

Le champ d’application de ce dernier correspondrait aux cotisations, contributions et taxes qui sont actuellement recouvrées par les Urssaf. Il inclurait également les cotisations et contributions se rapportant à la protection sociale obligatoire, la contribution à la formation professionnelle et les taxes pour frais de chambre consulaire. Il exclurait cependant, aux termes du deuxième alinéa du I du nouvel article L. 613-6-1, la cotisation foncière des entreprises et la taxe sur la valeur ajoutée, dont le recouvrement est assuré par l’administration fiscale.

Par coordination, le du I modifie l’article L. 613-8 du code de la sécurité sociale qui porte sur l’obligation, pour les micro-entrepreneurs, de déclarer chaque mois ou chaque trimestre leur chiffre d’affaires ou leurs recettes. Le dispositif de précompte ayant vocation, pour les travailleurs indépendants qui relèvent du présent article 6, à se substituer au système déclaratif en vigueur, les dispositions de l’article L. 613-8 susmentionné se verraient, pour cette catégorie d’entrepreneurs, privées d’objet. Ainsi, le 3° du I prévoit que les dispositions de l’article L. 613-8 sont mises en œuvre sous réserve de celles du présent article.

La mise en œuvre de cette mesure comporterait plusieurs avantages. En premier lieu, elle réduirait les possibilités de sous-déclaration, par les micro-entrepreneurs, de leur chiffre d’affaires constitué par l’intermédiaire d’une plateforme numérique. En ce sens, le présent article constitue une disposition efficace contre la dissimulation délibérée, par une catégorie déterminée de cotisants, de tout ou partie de leur activité. En outre, le précompte des cotisations et contributions sociales revêtirait, pour les travailleurs concernés, le caractère d’une mesure de simplification administrative.

b.   Un dispositif déployé à partir de 2026 et généralisé en 2027

Le B du II du présent article détermine le calendrier de mise en œuvre de la mesure. Il distingue deux échéances :

– à compter du 1er janvier 2026, le précompte s’appliquerait, selon des modalités définies par décret, à certains opérateurs de plateforme remplissant des critères également déterminés par voie règlementaire. Le présent article précise que ces critères peuvent porter sur le secteur d’activité concerné, le chiffre d’affaires réalisé par l’opérateur de plateforme en France et le nombre de vendeurs et prestataires exerçant leur activité sur le territoire national ;

– à partir du 1er janvier 2027, le système de précompte porterait sur les chiffres d’affaires et recettes de l’ensemble des utilisateurs de plateformes relevant du présent article, à savoir les micro-entrepreneurs et les personnes affiliées au régime général exerçant, à titre professionnel, une activité de location de chambres d’hôtes ou de locaux d’habitation meublés.

c.   La suppression, à terme, du service de tierce-déclaration des autoentrepreneurs

Le système de précompte a vocation à se substituer au service de tierce-déclaration des autoentrepreneurs prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 613‑6 du code de la sécurité sociale. Le du I du présent article prévoit donc sa suppression, en remplaçant les dispositions qui le régissent actuellement par celles qui, correspondant au nouvel article L. 613-6-1 du même code, portent sur le nouveau dispositif de retenue à la source.

d.   La possibilité de déléguer aux plateformes la réalisation des démarches de début d’activité serait maintenue

La nouvelle rédaction de l’article L. 613-6 du code de la sécurité sociale maintiendrait en vigueur les dispositions de ce dernier qui se rapportent à la possibilité, pour les travailleurs indépendants qui exercent leur activité par l’intermédiaire d’une plateforme, de déléguer à celle-ci, par mandat, la réalisation de leurs démarches déclaratives de début d’activité auprès du guichet électronique unique.

2.   Une mesure qui concernerait essentiellement les utilisateurs des plateformes relevant du régime micro-social et serait dépourvue d’incidence sur leur statut de travailleurs indépendants

a.   Un champ d’application limité à une catégorie particulière de travailleurs indépendants

Le premier alinéa du I du nouvel article L. 613-6-1 mentionne les catégories d’utilisateurs des plateformes concernées par le précompte des cotisations et contributions sociales, soit :

– les travailleurs indépendants qui relèvent de l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, et sont à ce titre soumis au régime de la microentreprise. Seraient donc concernés les artisans, commerçants et professionnels libéraux relevant de la Caisse de retraite des professions libérales (Cipav), à condition qu’ils bénéficient de ce régime ;

– les utilisateurs des plateformes affiliés au régime général relevant du 35° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale. Il s’agit des personnes exerçant une activité de location de chambres d’hôtes et de locaux d’habitation meublés dans les conditions prévues par les 5° et 6° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité sociale ayant exercé l’option, prévue par l’article L. 311-3 susmentionnée, leur permettant d’être affiliés au régime général.

Ainsi, seraient notamment exclus du champ d’application du précompte les travailleurs indépendants exerçant dans le cadre d’une entreprise individuelle et cotisant sur leurs revenus réels, ceux dont l’activité relève d’une société par actions à responsabilité limitée (SARL) ou d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), ainsi que les loueurs de meublés non-professionnels.

b.   Une disposition qui ne remet pas en cause le statut de travailleur indépendant des utilisateurs de plateformes

L’instauration de ce système de précompte serait dépourvue d’incidence sur le statut des micro-entrepreneurs des plateformes. Sa mise en œuvre placerait ceux-ci dans une situation analogue, s’agissant des conditions de mise en œuvre de leurs obligations déclaratives et des modalités de recouvrement de leurs cotisations, à celle des artistes-auteurs. En effet, en application de l’article L. 382-5 du code de la sécurité sociale, les cotisations dues par ces derniers sont prélevées par le diffuseur des œuvres pour le compte de leurs auteurs. Ces dispositions n’entraînent pas la requalification des artistes-auteurs en tant que salariés des diffuseurs de leurs œuvres.

3.   Les modalités de mise en œuvre du précompte

a.   Les échanges de données entre les utilisateurs, les opérateurs des plateformes et l’Urssaf Caisse nationale

i.   L’identification des vendeurs et prestataires par les plateformes et l’Urssaf Caisse nationale

Le premier alinéa du II du nouvel article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale, créé par le du I du présent article, prévoit que les vendeurs et prestataires transmettent aux opérateurs des plateformes auxquelles ils ont recours les données permettant leur identification. Ces données seraient ensuite transmises à l’Urssaf Caisse nationale. La nature de celles-ci ainsi que leurs modalités de transmission et d’utilisation seraient déterminées par décret en Conseil d’État. Les fiches d’évaluation préalable qui accompagnent le présent projet de loi mentionnent, parmi les informations transmises par les opérateurs de plateforme, les noms, prénoms, dates de naissance et numéros d’inscription au système d’identification du répertoire des établissements (Siret) ([31]).

La méconnaissance de l’obligation de transmettre ces données entraînerait, pour les vendeurs et prestataires, l’application d’une pénalité d’un montant maximal de 7 500 euros. S’agissant des opérateurs de plateforme, le montant maximal de la pénalité atteindrait 7 500 euros par vendeur ou prestataire concerné. Ces sanctions pourraient être prononcées à nouveau au terme d’une période de six mois suivant un précédent constat de manquement.

ii.   La déclaration des revenus des utilisateurs et le versement des sommes précomptées par les plateformes

Aux termes du III de l’article L. 613-6-1 susmentionné, les opérateurs des plateformes transmettraient chaque mois à l’Urssaf Caisse nationale, ou à une Urssaf désignée par le directeur de l’Acoss :

– la déclaration du montant du chiffre d’affaires ou des recettes de chaque vendeur ou prestataire ;

– la déclaration et le versement des sommes précomptées.

L’identification préalable de l’utilisateur par l’Urssaf Caisse nationale et les Urssaf permettrait de transmettre à l’opérateur de plateforme, pour chaque vendeur ou prestataire, le montant à payer. Pour fiabiliser le calcul, les Urssaf mobiliseraient notamment les informations obtenues auprès de l’administration fiscale en application de l’article L. 114-9-1 du code de la sécurité sociale, enrichies de nouvelles données en application du I du présent article.

b.   Un recouvrement à la charge des plateformes, mais facilité par la mise à disposition d’une application informatique

Aux termes du premier alinéa du IV du nouvel article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale, les coûts des prélèvements, déclarations et versements induits par le dispositif de précompte seraient à la charge des opérateurs de plateforme. Cependant, dans le but de réduire la charge financière et technique du prélèvement pour les plateformes, le calcul du montant à payer pour le compte de chacun des vendeurs ou prestataires serait effectué par l’Acoss et les Urssaf. L’échange d’informations entre les opérateurs de plateforme et les organismes chargés du recouvrement serait assuré au moyen d’une interface de programmation d’application (API) opérée par l’Urssaf.

Le schéma ci-après, issue de la fiche d’évaluation préalable jointe au présent article, compare les modalités de calcul et de paiement des cotisations et contributions sociales des micro-entrepreneurs des plateformes en l’état du droit et après l’instauration du précompte :

Modalités de déclaration et de recouvrement des cotisations et contributions, avant et après l’instauration du précompte

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, annexe 9, p. 40.

c.   Un recouvrement régi par les mêmes conditions et garanties que le précompte applicable aux salariés

Aux termes du premier alinéa du IV du nouvel article L. 613-6-1, le recouvrement des prélèvements soumis au précompte s’effectuerait dans les mêmes conditions et sous les garanties, sûretés et sanctions applicables à la retenue à la source des cotisations et contributions des salariés.

En outre, la méconnaissance, par un opérateur de plateforme, de l’obligation de précompte entraînerait une pénalité dont le montant ne pourrait excéder 5 % des recettes ou des chiffres d’affaires sur lesquels l’obligation aurait été méconnue. Le deuxième alinéa du IV du nouvel article L. 613-6-1 renvoie la détermination des modalités de mise en œuvre de cette sanction à un décret.

III.   L’impact financier

La mise en œuvre du précompte ne peut être séparée d’autres mesures tendant à fiabiliser le recouvrement des cotisations et contributions dues par les micro-entrepreneurs des plateformes. Ainsi, il convient de relever qu’un guichet de régularisation amiable des dettes sociales sera créé en 2024. En outre, l’exploitation, par les Urssaf, des nouvelles données que leur transmettra l’administration fiscale en application du présent article devrait aussi contribuer à l’augmentation du taux de collecte.

L’incidence financière globale du présent article atteindrait 200 millions d’euros par an à compter de 2027. Cette estimation repose sur le montant des cotisations non déclarées en 2022 par la population concernée. Or, la croissance de celle-ci au cours des dernières années permet d’anticiper une poursuite de l’augmentation du nombre de travailleurs indépendants inclus dans le champ d’application de l’article, entraînant un surcroît de cotisations soumis au dispositif de précompte. La sécurisation du recouvrement de celles-ci apparaît ainsi d’autant plus importante que leur montant semble appelé à croître.

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Article 7
Annuler la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux en cas de fraude

Le présent article vise à permettre le remboursement, par les professionnels de santé auteurs d’actes frauduleux, des cotisations prises en charge à leur profit par l’assurance maladie dans le cadre des conventions conclues par cette dernière avec les représentants des praticiens et auxiliaires médicaux. Il constitue la traduction législative de l’engagement pris par le Gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté en mai dernier.

Cette disposition, qui concernerait uniquement les cotisations dues au titre de la part des revenus obtenus par fraude, porterait sur les revenus perçus à compter du 1er janvier 2024.

I.   LA SITUATION ACTUELLE : la participation des caisses d’assurance maladie à la prise en charge des cotisations des professionnels de santé peut être suspendue en cas de fraude, mais uniquement pour l’avenir

A.   La prise en charge d’une partie des cotisations des professionnels de santé par l’assurance maladie est soumise à plusieurs conditions

1.   Une participation qui, à l’origine, visait à inciter les professionnels de santé à adhérer au système conventionnel

Aux termes du 5° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, les conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie et les organisations représentatives des professionnels de santé déterminent notamment les conditions dans lesquelles les caisses d’assurance maladie participent au financement des cotisations sociales dues par ces professionnels au titre de leurs honoraires ou revenus. Parmi les professionnels concernés figurent les médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers libéraux, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes.

La prise en charge d’une partie des cotisations de praticiens et auxiliaires médicaux a été instaurée, dans le cas des médecins, dès 1960. Elle tendait à inciter ceux-ci à adhérer au nouveau système conventionnel prévu par l’ordonnance n° 45‑2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles et le décret n° 60-451 du 12 mai 1960 relatif aux soins médicaux dispensés aux assurés sociaux ([32]).

 

2.   Une disposition qui concerne principalement les cotisations maladie et retraite

La prise en charge porte en premier lieu sur la quasi-totalité des cotisations maladie dues au titre des revenus relevant de la convention. Pour un taux de cotisation de 6,5 %, le niveau de la participation atteint 6,4 %, soit un reste à charge de 0,1 % pour le professionnel. En outre, la majorité des cotisations vieillesse est également concernée. Ainsi, les deux tiers de la cotisation forfaitaire et une partie – qui varie selon les professions – de la part proportionnelle de l’allocation supplémentaire vieillesse sont pris en charge. Enfin, les médecins qui relèvent du secteur 1 bénéficient d’une prise en charge totale ou partielle de leurs cotisations famille, à un niveau qui varie en fonction de leurs revenus ([33]).

Le coût de la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations de ces professionnels a atteint 2,6 milliards d’euros en 2022. Ce montant est comptabilisé, au sein de l’Ondam, parmi les dépenses de soins de ville.

3.   Une prise en charge soumise à des conditions prévues par la loi et les conventions conclues entre les professionnels de santé et l’assurance maladie

Dans sa rédaction en vigueur, l’article L. 162-14-1 susmentionné fixe des conditions à la prise en charge des cotisations des professionnels de santé :

– d’une part, cette participation ne peut être allouée qu’aux professionnels à jour du versement de leurs cotisations et contributions aux unions de recouvrement et aux caisses générales de sécurité sociale, ou respectant un plan d’apurement accordé par celles-ci ;

– d’autre part, chacune des conventions peut prévoir la suspension totale ou partielle de la prise en charge des cotisations par l’assurance maladie en cas de manquement à ses stipulations. Cette disposition concerne notamment les actes frauduleux, tels que les pratiques de surfacturation, de facturation d’actes fictifs ou de refacturation des mêmes actes.

Cependant, la portée de ces conditions se trouve atténuée par les modalités de mise en œuvre des sanctions qui en répriment la violation.

 

 

 

B.   Une suspension de la prise en charge des cotisations qui intervient trop tardivement et ne vaut que pour l’avenir

En premier lieu, la suspension de la participation de la prise en charge des cotisations de praticiens et auxiliaires médicaux n’intervient qu’au terme d’une procédure, souvent longue, prévue par la convention. En outre, cette sanction – dont la durée ne peut excéder douze mois – ne vaut que pour l’avenir. Dès lors, la prise en charge par l’assurance maladie de cotisations dues au titre de revenus obtenus par des moyens irréguliers ne peut être annulée, ce qui entraîne deux conséquences :

– d’une part, le montant de ces cotisations ne peut être remboursé à l’assurance maladie par le professionnel de santé mis en cause ;

– d’autre part, le praticien ou l’auxiliaire concerné ne peut se voir retirer le bénéfice des droits sociaux que lui confère l’acquittement de ces cotisations, en dépit de l’irrégularité de leur fait générateur.

Ainsi, à l’avantage pécuniaire direct lié à la commission d’un acte de fraude s’ajoute, pour le professionnel concerné, l’ouverture de droits. La combinaison de ces effets rend le préjudice de la fraude d’autant plus important pour les finances sociales, qui en supportent le coût à deux titres distincts (au moment de la prise en charge des cotisations et lors du versement de prestations, notamment dans le cadre du service d’une pension de retraite). En outre, au regard de l’impératif de justice sociale qui sous-tend la lutte contre la fraude, le cumul de deux avantages nés d’une même irrégularité est singulièrement condamnable.

II.   Le dispositif proposé : permettre l’annulation de la prise en charge des cotisations en cas de fraude, en l’assortissant de garanties procédurales

L’une des mesures du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement en mai dernier tendait à permettre à l’assurance maladie d’annuler sa participation à la prise en charge des cotisations sociales de professionnels de santé auteurs de fraude. Aussi le présent article constitue-t-il la traduction législative de cet engagement.

A.   Une disposition portant sur les fraudes sanctionnées par l’assurance maladie, les juridictions ordinales ou les tribunaux judiciaires

● Le 1° du I du présent article insère, au sein du code de la sécurité sociale, un nouvel article L. 114-17-1-1, permettant aux organismes d’assurance maladie d’annuler tout ou partie de leur participation à la prise en charge de cotisations au profit de professionnels de santé sur la part de revenus obtenus frauduleusement.

Le premier alinéa du nouvel article L. 114-17-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit deux conditions à la mise en œuvre de cette annulation. En premier lieu, le professionnel concerné doit avoir fait l’objet :

– soit d’une pénalité financière prononcée par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie, de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, ou de l’organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles ;

– soit d’une sanction disciplinaire du Conseil national de l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes ;

– soit d’une condamnation pénale pour fraude en matière sociale, au sens de l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale.

En outre, cette pénalité, sanction ou condamnation doit porter sur « des faits à caractère frauduleux ».

L’adoption du présent article placerait les professionnels de santé dans une position comparable – s’agissant des suites données à la commission d’actes de fraude aux cotisations – à celle des employeurs coupables des infractions constitutives de travail illégal, au sens de l’article L. 8211-1 du code du travail. En effet, aux termes de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, ceux-ci se voient retirer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations sociales. La portée du présent article peut s’analyser comme une transposition de ces dispositions du code du travail à la fraude des professionnels de santé.

● Par coordination, le 2° du I du présent article modifie le 5° de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit la prise en charge d’une partie des cotisations des professionnels de santé par l’assurance maladie et précise les conditions de cette participation. Ainsi, le présent article tend à préciser que cette prise en charge, prévue par chaque convention, ne peut intervenir que sous réserve que les honoraires ou revenus « n’aient pas été frauduleusement perçus ».

● Le II du présent article prévoit que ses dispositions sont applicables aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2024.

 

B.   Une procédure qui garantit les droits des professionnels de santé mis en cause

Le second alinéa du nouvel article L. 144-17-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit en outre que le remboursement des cotisations prises en charge par l’assurance maladie intervienne dans les mêmes conditions que le recouvrement des versements indus de prestations sociales, qui est régi par l’article L. 133-4 du même code.

Ainsi, le professionnel mis en cause se verrait notifier, par le directeur de l’organisme d’assurance maladie, la cause, la nature et le montant des sommes réclamées – correspondant à la part des cotisations indûment prises en charge à son profit. En application du deuxième alinéa du I de l’article R. 133-9-1 susmentionné, la notification de payer ferait notamment mention des délais et voies de recours, ainsi que de la possibilité pour le débiteur de présenter, dans un délai de deux mois, des observations écrites à l’organisme d’assurance maladie. Ces garanties procédurales sont de nature à assurer l’équité de la procédure, sous le contrôle du juge.

C.   La position de la rapporteure

Pour favoriser l’implication de l’ensemble des parties prenantes de la lutte contre la fraude des professionnels de santé, la rapporteure estime que les fraudes détectées par les organismes d’assurance maladie devraient être portées à la connaissance de l’ordre au tableau duquel est inscrit le praticien ou l’auxiliaire concerné. Ainsi, une procédure disciplinaire ordinale pourrait être engagée, qui compléterait utilement l’action des caisses d’assurance maladie pour détecter les fraudes et sanctionner leurs auteurs. La rapporteure déposera donc un amendement en ce sens.

III.   l’impact financier

L’étude d’impact du projet de loi de financement fait état, pour le présent article, d’une incidence financière de 2 millions d’euros par an, correspondant à une moindre dépense pour l’assurance maladie. Ce montant est estimé sur le fondement du nombre de 300 professionnels de santé ayant fait l’objet, en 2022, de pénalités financières pour fraude ou de plaintes pénales. Une telle évaluation est nécessairement conditionnée par l’efficacité de la détection des fraudes et de la diligence mise à les sanctionner. Aussi le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre la fraude, prévu par le plan présenté en mai dernier, est-il de nature à accroître le montant des cotisations remboursées.

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*     *


Chapitre II
Simplifier le recouvrement social et le financement de la sécurité sociale

Article 8
Simplification de l’organisation du recouvrement

Le présent article porte plusieurs mesures de simplification du recouvrement des cotisations et contributions sociales.

En premier lieu, il modifie les modalités d’organisation du recouvrement de certaines cotisations et contributions sociales. Il confirme l’annulation du transfert de compétence du recouvrement des cotisations de retraites complémentaires des salariés affiliés à l’Agirc‑Arrco et des cotisations des régimes gérés par la Caisse des dépôts et consignations aux Urssaf, adoptée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 mais déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour des raisons procédurales. Il supprime également l’option permettant aux branches professionnelles de confier aux Urssaf la responsabilité du recouvrement des contributions additionnelles à la formation professionnelle et au dialogue social dont la mise en œuvre se heurte à d’importants écueils.

En second lieu, l’article comprend des dispositifs de rationalisation des circuits de déclaration sociale pour simplifier les formalités des entreprises étrangères, faciliter la mise en œuvre de l’extension du périmètre des cotisations à déclarer à travers la déclaration sociale nominative (DSN) sur les revenus autres et finaliser la mise en place du mécanisme de reversement sur sommes dues dans le régime agricole.

L’annulation du transfert de compétence du recouvrement des cotisations de retraites complémentaires et des cotisations des régimes gérés par la Caisse des dépôts et consignations entraînerait une perte de recettes pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale de 76 millions d’euros en 2024 et de 115 millions d’euros par an à compter de 2025.

Si les autres mesures n’ont pas d’impact financier direct, elles participent à l’efficience de la déclaration et du recouvrement. Elles peuvent donc déboucher sur des gains indirects qui ne font pas l’objet d’une estimation dans cet article.

Le présent article porte plusieurs mesures visant à simplifier l’organisation du recouvrement. À des fins de clarté et de cohérence du propos, ces mesures seront examinées successivement selon qu’elles portent sur les modalités d’organisation du recouvrement (I) ou la rationalisation des circuits de déclarations sociales (II).

I.   Les modalités de l’organisation du recouvrement

A.   l’annulation du transfert à l’Urssaf de compétence du recouvrement de certaines cotisations initialement prévue en Loi de financement rectificative

1.   L’annulation du transfert de compétence du recouvrement de certaines cotisations aux Urssaf adoptée puis censurée par le Conseil constitutionnel

L’unification au sein des Urssaf du recouvrement des cotisations recouvrées par l’Agirc-Arrco et la Caisse des dépôts et consignations a fait l’objet d’un long commentaire de la part de la rapporteure générale à l’occasion de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([34]). Aussi le présent commentaire n’entend-il pas revenir en détail sur l’historique de cette mesure et les conditions qui ont conduit à décider son annulation. Il se bornera à rappeler les principaux éléments nécessaires à la compréhension du propos.

a.   Un processus engagé en 2020 mais plusieurs fois reporté face aux craintes des partenaires sociaux

● Dans le prolongement du processus d’unification du recouvrement des cotisations sociales engagé en 2011, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([35]) a prévu le transfert aux Urssaf de l’activité de recouvrement des cotisations de retraite complémentaire obligatoire des salariés actuellement assurée par l’Agirc‑Arrco à horizon 2022 ainsi que celle des cotisations d’un certain nombre de régimes gérés par la Caisse des dépôts et consignations à horizon 2023.

En application de la faculté que lui avait confiée la loi, et afin de tenir compte du contexte particulier de sortie de crise sanitaire, le Gouvernement a reporté les dates d’entrée en vigueur de ces mesures par voie réglementaire au 1er janvier 2023 pour le transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire des salariés ([36]).

Les régimes concernés par le transfert prévu en loi de financement pour 2020

L’Agirc-Arrco, composé de treize groupes de protection sociale, est chargé du recouvrement des cotisations et contributions de retraite complémentaire pour les salariés du privé ([37]).

La Caisse des dépôts et consignations recouvre les cotisations de trois régimes de retraite de la fonction publique : le régime de retraite des agents titulaires des fonctions publiques territoriales et hospitalières géré par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le régime de retraite complémentaire des agents non-titulaires de la fonction publique géré par l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec), et le régime de retraite additionnelle des fonctionnaires relevant de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP).

● La mise en œuvre de ce projet suscitait toutefois plusieurs difficultés relatives à :

– des difficultés techniques liées au mécanisme de fonctionnement à point du régime de l’Agirc‑Arrco, qui lie directement le calcul des prestations servies aux pensionnés aux cotisations acquittées durant leur vie active ;

– l’ampleur sans précédent du transfert, concernant plus de vingt millions de salariés, deux millions d’entreprises et un montant de cotisations de 80 milliards d’euros en 2022 ;

– l’opposition marquée des partenaires sociaux siégeant à l’Agirc‑Arrco.

Face à ces craintes, l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a de nouveau reporté cette réforme au 1er janvier 2024. De même, le transfert du recouvrement des cotisations assuré par la Caisse des dépôts et consignations a été reporté au 1er janvier 2025 ([38]).

Ces différents reports n’ayant pas permis de réduire les difficultés liées à cette réforme, il fut décidé d’annuler le transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire des salariés du privé aux Urssaf et, par cohérence, celui des cotisations recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations. Cette annulation, qui marquait l’interruption du processus d’unification du recouvrement, figurait dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dans sa version transmise au Conseil constitutionnel ([39]).

b.   Une annulation censurée pour des raisons de procédure

Dans sa décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 6 du texte déféré en tant qu’il était un « cavalier social » ([40]).

Article L.O. 111‑3‑12 du code de la sécurité sociale

Peuvent figurer dans la loi de financement rectificative les dispositions relatives à l’année en cours :

1° Ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, relatives à l’affectation de ces recettes, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou ayant un effet sur les dépenses de ces régimes ou organismes ;

2° Relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

3° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

4° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, sur l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes et à l’utilisation de ces réserves ;

5° Si elles ont pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, ayant un effet sur :

a) La dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier ;

b) La dette des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et soumis à un objectif de dépenses ;

6° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ainsi que les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ;

7° Rectifiant la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ;

8° Améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

En effet, en application de l’article L.O. 111‑3‑12 du code de la sécurité sociale qui détermine le contenu des lois de financement rectificative de la sécurité sociale ([41]), ne peuvent y figurer que les dispositions qui trouvent à s’appliquer à l’année en cours. Or, l’entrée en vigueur des transferts de la compétence du recouvrement des cotisations étant prévue aux 1er janvier 2024 et 2025, leur annulation ne trouvait pas sa place en loi de financement rectificative pour 2023.

Compte tenu de cette censure justifiée par des raisons de forme, le droit en vigueur prévoit toujours l’unification du recouvrement des retraites complémentaires aux Urssaf et ce, malgré l’intention exprimée par le législateur.

2.   L’article confirme l’annulation de ce transfert tout en adaptant à la marge le dispositif adopté en loi de financement rectificative pour 2023

Afin de confirmer l’annulation du transfert, le présent article reprend le dispositif adopté en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Si le cœur de ce dispositif reste inchangé, certaines adaptations sont prévues afin d’améliorer la coordination et les échanges entre les différents réseaux chargés du recouvrement.

a.   L’exclusion des cotisations concernées par le transfert du champ de compétence des Urssaf

● Les 3° et 4° du I modifient les articles L. 213‑1 et L. 213‑1‑1 du code de la sécurité sociale relatifs au champ de compétence des Urssaf.

Le 3° du I supprime, au 6° de l’article L. 213‑1, la référence aux cotisations dont le transfert est annulé, c’est-à-dire :

– la contribution alimentant le fonds pour l’emploi hospitalier et recouvrée par la caisse des dépôts et consignations ([42]) ;

– les cotisations et contributions sociales des salariés expatriés relevant du champ d’application des accords nationaux interprofessionnels instituant les régimes de retraite complémentaire des salariés ([43]).

Le même 3° supprime en outre la subrogation des organismes de recouvrement dans les droits et obligations des institutions de retraite complémentaire et des fédérations d’institutions de retraite complémentaire.

Le 4° du I réintègre à l’article L. 213‑1‑1 les références aux cotisations dont il est explicitement prévu que le recouvrement n’incombe pas aux Urssaf :

– les cotisations d’assurance vieillesse complémentaire, à l’exception de celles recouvrées dans le cadre du dispositif simplifié de déclaration et de recouvrement de cotisations et de contributions sociales ainsi que de la retenue à la source ([44]) ;

– les cotisations dues à la CNRACL ([45]) ;

– les cotisations dues à l’Ircantec ([46]) ;

– les cotisations du régime public de retraite additionnel obligatoire ([47]) ;

– la contribution alimentant le fonds pour l’emploi hospitalier ([48]).

● Les dispositions légales relatives à l’entrée en vigueur du transfert de compétence, superfétatoires en cas d’annulation dudit transfert, sont supprimées. À cette fin, le VI du présent article modifie le c du 4° du XII de l’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 afin de supprimer les cotisations recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations du champ des cotisations dont le transfert était prévu au 1er janvier 2023.

Le VII procède de la même logique en abrogeant l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui reportait l’entrée en vigueur du transfert de l’activité de recouvrement de l’Agirc-Arrco au 1er janvier 2024.

La rapporteure générale relève que les dispositions exposées à l’instant reprennent à la lettre de l’article 3 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, à l’exception de modifications rédactionnelles mineures. Elles n’appellent donc pas de commentaires particuliers.

b.   Le rétablissement et l’approfondissement des dispositions relatives à la coordination entre les différents réseaux en charge du recouvrement

● L’annulation de l’unification du recouvrement aux Urssaf impose de rétablir certaines dispositions abrogées qui visaient à permettre une bonne coordination entre les différents acteurs du recouvrement. Le présent article profite de l’occasion pour compléter le cadre de coopération entre les différents réseaux afin de sécuriser et d’améliorer la qualité de leurs échanges avec les entreprises.

Le 12° du I rétablit les articles suivants dans leur rédaction en vigueur antérieurement à leur abrogation :

– l’article L. 243-6-6 du code de la sécurité sociale qui prévoit le cas où une demande d’échéancier de paiement est adressée par un cotisant à une Urssaf ou une caisse générale de sécurité sociale, lesquelles doivent communiquer ladite demande et sa réponse aux organismes de retraite complémentaire ;

– l’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale afin d’y réintégrer la mention du fait que les sûretés prévues aux articles L. 243-4 et L. 243-5 du code de la sécurité sociale s’appliquent aux cotisations versées à l’Ircantec.

● Le 10° du I rétablit les dispositions du III de l’article L. 243‑6‑3 du code de la sécurité sociale permettant de rendre opposables aux organismes de retraite complémentaire les décisions rendues par les Urssaf et les caisses générales de sécurité sociale en matière de rescrit social et d’arbitrage.

Le dispositif adopté en loi de financement rectificative pour 2023 ne prévoyait l’opposabilité du rescrit social qu’en tant qu’il concernait la législation relative à la réduction dégressive de cotisations sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic ([49]) et les dispositions relatives aux exonérations spécifiques applicables aux aides à domicile ([50]) et à certains départements d’outre‑mer (dites « Lodeom ») ([51]). Le présent article étend le champ des domaines dans lesquels ces décisions sont opposables aux matières suivantes :

– la détermination de l’assiette des cotisations ([52]) ;

– le calcul du plafond de la sécurité sociale lorsqu’il s’applique aux cotisations d’assurance vieillesse ([53]) ;

– tout point de droit dont l’application est susceptible d’avoir une incidence sur ces deux éléments.

● Le 11° du I rétablit l’article L. 243‑6‑7 du code de la sécurité sociale qui prévoit la conclusion d’une convention entre les régimes de retraite complémentaire et l’Urssaf Caisse nationale permettant une coopération en matière de vérification, de rectification et de correction des déclarations sociales nominatives effectuées par les organises de recouvrement.

La rédaction proposée dans le présent article innove sur un point important puisqu’elle associe la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ([54]) à la signature de cette convention. Cet ajout apparaît particulièrement pertinent à la rapporteure générale qui rappelle que le réseau des caisses de mutualité sociale agricole recouvre les cotisations de retraite complémentaire des salariés agricoles en vertu de sa compétence générale en matière de recouvrement des cotisations des assurés des régimes de protection sociale agricole ([55]).

Plus précisément, cette convention prévoit :

– l’absence de vérification concomitante d’une même donnée par les organismes signataires de la convention ;

– les modalités selon lesquelles ces organismes mettent à disposition des employeurs les corrections de leur déclaration sociale nominative lorsqu’il est constaté des anomalies.

Par cohérence avec l’extension des domaines dans lesquels le rescrit social est opposable aux organismes de retraite complémentaire, le présent article étend le champ d’application de la convention à l’ensemble du calcul des cotisations plafonnées et déplafonnées.

● Enfin, il est proposé de permettre aux institutions de retraite complémentaire d’exploiter plus facilement les résultats des contrôles exercés par les Urssaf ayant donné lieu à des redressements. Pour ce faire, le présent article utilise une base légale existante : l’article L. 242‑1‑3 du code de la sécurité sociale qui permet déjà aux Urssaf de transmettre les résultats des redressements qu’elles effectuent aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) lorsque lesdits redressement ont une incidence sur le calcul d’une pension de base. Le 5° du I réécrit entièrement l’article L. 242‑1‑3 précité pour étendre le champ de cette mesure et l’étendre considérablement.

L’extension porte avant tout sur le périmètre des organismes auxquels les informations concernant les redressements peuvent être communiquées. Il ne s’agirait dorénavant plus des seules Carsat mais de tous les organismes d’une liste fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.

L’extension porte ensuite sur le champ des redressements concernés par la possibilité de transmission puisque ceux‑ci incluraient :

– les redressements de cotisations comme c’est le cas actuellement, mais également les redressements de contributions sociales ;

– les redressements qui portent sur les salariés et assimilés, et non plus les seuls salariés ;

– les redressements qui ont une incidence sur les droits à l’assurance vieillesse mais, beaucoup plus largement, sur tous les droits acquis au titre des assurances sociales et des droits à retraite complémentaire.

Selon la fiche d’évaluation préalable, cette réécriture devrait permettre d’inclure l’ensemble des régimes, y compris les régimes spéciaux sur le champ de la retraite. La rapporteure générale note toutefois que la rédaction retenue est susceptible d’une application beaucoup plus large. Elle regrette le fait que l’article renvoie à un arrêté ministériel la définition du champ des organismes actuellement fixé directement par la loi.

B.   La suppression de l’option du transfert de recouvrement des contributions conventionnelles de formation professionnelle et de dialogue social aux Urssaf et à la MSA

1.   L’ordonnance du 23 juin 2021 prévoit la possibilité de transférer le recouvrement de ces contributions aux Urssaf et aux caisses de MSA

● Au‑delà de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance dont le recouvrement a été confié aux Urssaf et aux Caisses générales de sécurité sociale (CGSS) depuis le 1er janvier 2022 ([56]), les partenaires sociaux peuvent décider, par accord de branche, du versement de contributions conventionnelles complémentaires. Ces contributions sont de deux types :

– la contribution conventionnelle à la formation professionnelle ([57]) ;

– la contribution conventionnelle aux fonds de financement du paritarisme dite « contribution conventionnelle au dialogue social » ([58]).

Selon les données transmises à la rapporteure générale par l’administration, un questionnaire envoyé par la direction générale du travail aux fédérations professionnelles en septembre 2022 a permis d’identifier 80 branches professionnelles ayant mis en place des contributions conventionnelles pour le financement de la formation professionnelle, pour un montant total estimé à 675 millions d’euros en 2021. Le nombre d’entreprises couvertes par ce type de stipulations conventionnelles s’élevait à 611 000 entreprises. En revanche, de telles données agrégées n’existent vraisemblablement pas s’agissant du financement pour le paritarisme, ce que regrette la rapporteure générale.

● Transposant l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 ([59]), la loi du 5 mars 2014 a confié la responsabilité du recouvrement des contributions conventionnelles à la formation professionnelle aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ([60]). Concrètement, l’article L. 6332‑1‑2 prévoyait que ces contributions étaient mutualisées au sein des branches concernées dès leur réception par l’organisme et faisaient l’objet d’un suivi comptable distinct.

Les modalités de fonctionnement et de recouvrement de cette contribution ne furent pas remises en cause lors de la transformation des OPCA en « opérateurs de compétences » (Opco) par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([61]).

Les opérateurs de compétences (Opco)

Les opérateurs de compétences (Opco) sont des organismes agréés par l’État créés par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ils sont chargés de financer l’apprentissage, d’aider les branches à construire les certifications professionnelles et d’accompagner les PME dans la définition de leurs besoins en formation. Les Opco sont interprofessionnels : 329 branches professionnelles se partagent onze Opco. Leurs conseils d’administration sont composés d’un nombre égal de représentants des employeurs et des salariés. Un commissaire du gouvernement assiste aux séances du conseil d’administration avec voix consultative.

Toutefois, une ordonnance du 23 juin 2021 prise sur le fondement des articles 41 et 46 de cette même loi a prévu la possibilité pour les branches de confier la responsabilité du recouvrement de ces contributions aux Urssaf, aux CGSS ou, dans le secteur agricole, aux caisses de MSA. Ce choix apparaissait cohérent tant il s’inscrivait dans le prolongement des mesures ayant permis de confier au réseau des Urssaf et aux caisses de MSA la mission de recouvrer les contributions affectées au financement de la formation professionnelle ([62]).

● S’agissant des contributions conventionnelles au dialogue social, le II de l’article L. 2135‑10 prévoit leur recouvrement selon des modalités précisées par voie réglementaire. Les difficultés posées par ce transfert optionnel justifient qu’il soit supprimé.

● Les travaux préparatoires à la mise en place de cette réforme ont laissé apparaître deux difficultés.

D’une part, confier aux Urssaf et aux caisses de MSA le recouvrement de ces contributions suppose que les règles définissant les prestations qu’elles financent se conforment à un cahier des charges particulièrement strict dont le respect déterminerait l’extension des accords de branche prévoyant lesdites contributions ([63]). Cet encadrement, justifié par la nécessité de permettre la déclaration de ces contributions via les circuits habituels de recouvrement et donc en recourant à la déclaration sociale nominative, s’accommode mal au besoin de laisser de la souplesse aux partenaires sociaux pour négocier sur ce sujet.

En outre, les dispositions dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2024 prévoient que les contributions recouvrées par les Urssaf et les caisses de MSA soient reversées de manière agrégée à France Compétences s’agissant des contributions à la formation professionnelle ([64]) et à l’Association de gestion du fonds paritaire national s’agissant des contributions au dialogue social. Ces deux organismes auraient ensuite la charge de répartir le bénéfice de ces contributions aux branches selon des règles complexes dont la présentation excèderait l’ambition de ce commentaire d’article. Or, il s’est avéré que confier à l’AGFPN le soin de recalculer la part de la contribution due à chaque branche professionnelle posait des problèmes d’opérationnalité.

Financement du paritarisme et associations de gestion des fonds du paritarisme

Le Fonds pour le financement du dialogue social a été créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Il a pour objectif de clarifier, simplifier et rendre transparent le financement du organisations syndicales et patronales. Ses ressources nettes s’élevaient à 134,4 millions d’euros en 2021 dont 32,5 millions d’euros de subvention de l’État et 101,9 millions de contributions des employeurs ([65]).

La gestion du fonds est confiée à l’Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN). Cette association se charge de répartir et de verser les crédits aux organisations syndicales et patronales et de veiller à la justification de l’utilisation faite de ces crédits. La gouvernance de l’AGFPN est paritaire, composée d’un commissaire du gouvernement, d’un conseil d’administration (32 membres) et d’un bureau (8 membres) dont les membres représentent chaque organisation interprofessionnelle représentative.

Les branches professionnelles peuvent décider de la constitution d’associations de gestion des fonds du paritarisme (AGFP) ayant pour objet la gestion du financement du paritarisme à l’échelle de la branche. Elles sont chargées d’appeler ou de collecter une contribution auprès des entreprises et de l’affecter au financement des instances paritaires de la branche. Les AGFP sont composées et gérées par des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives de la branche.

● Face à ce constat, le 2° du II abroge le II de l’article L. 6131‑3 qui prévoyait la possibilité pour les branches professionnelles de confier aux Urssaf ou aux caisses de MSA la compétence du recouvrement des contributions conventionnelles à la formation professionnelle. Cette mission resterait à la main des Opco. Le VIII procède quant à lui à l’abrogation de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021‑797 du 23 juin 2021 qui prévoyait cette même possibilité s’agissant des contributions conventionnelles au dialogue social.

Le 3° du II consacre le rôle des Opco dans la collecte des contributions conventionnelles au dialogue social en inscrivant cette mission à l’article L. 6332‑1‑2, par ailleurs purgé des dispositions qui rappelaient, en écho à l’article L. 6131‑3, la possibilité de confier le recouvrement de ces contributions aux Urssaf et aux caisses de MSA. Pour assurer une parfaite transparence sur l’utilisation des fonds, il est prévu que chaque contribution fasse l’objet d’un suivi comptable distinct l’une de l’autre et que leurs frais de recouvrement soient spécifiques. En application du 4° du II, l’Opco compétent reverserait les contributions recouvrées dans le cadre de cette nouvelle mission aux associations de gestion mises en place par les partenaires sociaux dans chaque branche.

Par coordination, le du II abroge le 15° de l’article L. 6123‑5 confiant à France Compétences la mission de reverser le fruit de cette contribution aux Opco, laquelle n’a plus de sens dès lors que le circuit actuel de collecte est conservé.

● S’agissant des dispositions applicables outre‑mer, le IV du présent article modifie l’article 20 de l’ordonnance du 26 septembre 1977 ([66]) afin de supprimer la compétence de la caisse de prévoyance sociale de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon pour le recouvrement des contributions conventionnelles à la formation professionnelle continue et au dialogue social.

Le 1° du V procède à la même suppression s’agissant cette fois de la caisse de sécurité sociale de Mayotte ([67]) :

– le a retire à la caisse de sécurité sociale la compétence du recouvrement des contributions conventionnelles à la formation professionnelle continue et au dialogue sociale en abrogeant le 9° du II de l’article 22 de l’ordonnance du 20 décembre 1996 ;

– le b en tire les conséquences au III du même article, relatif aux modalités selon lesquelles la caisse de sécurité sociale assure le recouvrement des cotisations et contributions que la loi lui confie.

La rapporteure générale note que la rédaction retenue pour les régimes de Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon semble exclure également la possibilité pour la caisse de prévoyance sociale de recouvrer la contribution patronale au dialogue social ([68]), ce qui n’est pas prévu pour les Urssaf et les caisses de MSA qui restent compétentes pour la recouvrer en hexagone. Il apparaîtrait pertinent de ne pas remettre en cause la compétence de la caisse de prévoyance sociale dans le recouvrement de cette contribution. La rapporteure générale propose donc de rectifier ce point lors de l’examen en séance publique.

II.   L’article procède à une rationalisation des circuits de déclarations sociales

A.   L’article supprime une disposition devenue inutile pour les formalités de déclaration des entreprises étrangères

1.   La possibilité pour une entreprise étrangère de désigner un représentant social en France chargé d’effectuer ses déclarations sociales…

● En application du principe de territorialité de la sécurité sociale ([69]), tout travailleur qui satisfait aux conditions d’assujettissement pour une activité exercée en France, quelle que soit sa nationalité et quel que soit le lieu où est établi son employeur, doit être affilié au régime français, sauf dispositions contraires issues de conventions internationales.

Il en résulte que la législation applicable en matière de cotisations sociales et d’affiliation est celle du territoire sur lequel s’exerce l’activité salariée même lorsque les entreprises employeuses ne possèdent pas d’établissement sur le territoire français. Elles sont donc redevables des cotisations et contributions sociales afférentes à leurs salariés en France.

● Afin de simplifier les démarches déclaratives des entreprises étrangères, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ([70]) a créé l’article L. 243‑1‑2 du code de la sécurité sociale. Celui-ci ménage la possibilité celles d’entre elles dépourvues d’établissement en France de désigner un représentant résidant en France, personnellement responsable des opérations déclaratives et du versement des sommes dues. Initialement limitée à la désignation de tiers à l’entreprise, la possibilité de désigner un représentant social a été étendue aux salariés de l’entreprise par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([71]).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a également ouvert cette possibilité aux entreprises agricoles par la création de l’article L. 741‑1‑1 du code rural et de la pêche maritime.

 

 

 

2.   …apparaît inutile avec l’instauration d’un guichet unique dématérialisé

● Afin de faciliter l’accomplissement des formalités liées à la création et à la vie des entreprises, l’article 1er de la loi « Pacte » a prévu la création d’un guichet unique des entreprises, qui se substitue aux différents réseaux de centres de formalités des entreprises ([72]).

Lancé le 1er janvier 2023, ce guichet unique, sous la responsabilité de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), permet aux entreprises étrangères de procéder à l’ensemble de leurs formalités de façon dématérialisée sans avoir à recourir à un représentant social. Initialement limité aux procédures de création d’entreprises, il a été étendu à l’ensemble des formalités le 30 juin 2023. Pour assurer des solutions de continuité et sécuriser les échanges, les canaux dérogatoires de déclaration restent en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023. Toutefois, dès le 1er janvier 2024, les entreprises seront tenues de passer exclusivement par ce guichet unique pour l’ensemble de leurs formalités.

Dans ce contexte, le recours au représentant social apparaît d’autant moins intéressant qu’il implique une complexité administrative liée à la mise en place de conventions conclues entre l’entreprise, le représentant et l’organisme de recouvrement.

● À des fins de simplification, le 7° du I supprime la seconde phrase de l’article L. 243‑1‑2 du code de la sécurité sociale qui prévoit la possibilité de désigner un représentant social en France chargé des déclarations et du versement des sommes dues aux contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle. Le C du III procède à une suppression « en miroir » dans le régime agricole (article L. 741‑1‑1 du code rural et de la pêche maritime).

B.   L’article poursuit la simplification des modalités déclaratives via la déclaration sociale nominative sur les revenus autres

Le processus d’extension de la déclaration sociale nominative (DSN) à l’ensemble des sommes versées par des organismes autres que les employeurs a été poursuivi par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, qui a étendu son périmètre et amélioré sa fiabilité. Le projet de loi de financement pour 2024 s’inscrit dans le prolongement des exercices précédents afin de parachever l’unification du recours au vecteur dit « Pasrau » pour déclarer les revenus de remplacement aux organismes sociaux.

Déclaration sociale nominative et vecteur Pasrau

La base de données de la déclaration sociale nominative (DSN) est régie par l’article L. 133‑5‑3 du code de la sécurité sociale et est alimentée par les déclarations mensuelles de salaires effectuées par les employeurs de salariés du secteur privé et, depuis 2019, du secteur public.

Avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, les informations recueillies par la DSN ne comportaient pas celles relatives aux revenus de remplacement et aux prestations sociales, lesquelles étaient transmises, à des fins de prélèvement de l’impôt, via le dispositif intitulé « prélèvement à la source revenus autres » (Pasrau). L’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a créé une DSN complémentaire, remplie mensuellement par les organismes de protection sociale et adossée techniquement au flux Pasrau visant spécifiquement à la déclaration des revenus autres que les revenus d’activité.

Les lois de financement de la sécurité sociale ultérieures ont progressivement étendu l’obligation de déclaration via le vecteur Pasrau de la DSN des sommes versées par des organismes autres que les employeurs mais néanmoins soumises à cotisations. Dernière modification en date, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a étendu l’obligation déclarative par le biais de la DSN à des organismes dont la liste est fixée par décret, notamment pour y intégrer les caisses de congés payés.

1.   Permettre la transmission des données sur les revenus de remplacement aux caisses de retraite complémentaire et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte

● Le 1° du I modifie l’article L. 133‑5‑3 du code de la sécurité sociale relatif à la déclaration sociale nominative. Le II bis a été modifié en loi de financement pour 2023 notamment afin de détailler les organismes destinataires de la DSN adossée au vecteur « Pasrau » directement dans la loi plutôt que de renvoyer leur définition à un décret ([73]). Cette nouvelle rédaction entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Dans cette perspective, le présent article intègre l’Agirc‑Arrco à la liste des destinataires de la DSN sur les revenus autres afin de lui permettre de récupérer les informations sur les cotisations déclarées par les employeurs au titre des maintiens de salaire prévus dans les dispositifs de cessation anticipée d’activité et de pré‑retraite. Cette mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2025

● Le 2° du V réécrit l’article 28‑9‑1 de l’ordonnance du 20 décembre 1996 précitée afin d’autoriser la caisse de sécurité sociale de Mayotte à recevoir les données de la DSN sur les revenus autres. Si la nouvelle rédaction change radicalement de celle actuellement en vigueur sur la forme, elle conserve néanmoins les dispositions applicables sur le fond s’agissant de la sanction pour défaut de production des déclarations de la part des employeurs :

– la pénalité est calculée sur la base du plafond de la sécurité sociale applicable à Mayotte ;

– la caisse de sécurité sociale de Mayotte reste responsable du recouvrement et du contrôle de cette pénalité.

2.   Le transfert aux Urssaf du recouvrement de certaines contributions nécessitant le recours à la DSN sur les revenus autres

Afin de poursuivre le déploiement de la DSN comme vecteur unique de déclaration et de recouvrement des cotisations et contributions sociales assis sur les revenus autres, le présent article élargit la compétence de recouvrement des Urssaf à deux cotisations actuellement recouvrées par des organismes qui ne sont pas destinataires de ces déclarations.

● En application de l’article L. 741‑9 du code rural et de la pêche maritime, un certain nombre de revenus de remplacement des assurés des régimes de protection sociale agricoles donnent lieu au versement de cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, parmi lesquelles se trouvent les avantages de retraite, les allocations de chômage et assimilées ainsi que les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation anticipée d’activité.

Le D du III complète cet article d’un alinéa permettant que ces cotisations soient recouvrées selon les mêmes modalités que la contribution sociale généralisée.

● L’article L. 243‑1‑3 du code de la sécurité sociale définit les modalités selon lesquelles les cotisations et contributions dues au titre des périodes de congés des salariés des employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l’article L. 3142‑32 du code du travail sont acquittées. Les employeurs s’acquittent de leurs cotisations et contributions sociales par le biais d’un versement mensuel qui peut faire l’objet d’un ajustement sur la base des montants d’indemnités de congés payés effectivement versés.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit que les rémunérations dues à l’occasion des périodes de congés des salariés des employeurs affiliées aux caisses de congés sont dorénavant déclarées via le circuit déclaratif de la DSN sur les revenus autres ([74]). Les cotisations et contributions sociales dues au titre de ces rémunérations sont recouvrées par les Urssaf ([75]).

Le B du III crée un nouvel article L. 725‑12‑3 du code rural et de la pêche maritime permettant d’appliquer les dispositions de l’article L. 243‑1‑3 du code de la sécurité sociale aux salariés agricoles. Le dispositif proposé confie en outre explicitement aux Urssaf le recouvrement de la contribution sociale généralisée dues au titre de ces indemnités relatives aux périodes de congés des salariés agricoles dont l’employeur est affilié à une des caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141‑32 du code du travail.

III.   L’article parachève le mécanisme de reversement sur sommes dues aux attributaires des ressources recouvrées par les caisses de mutualité sociale agricole

1.   L’adaptation au régime agricole d’un mécanisme de rationalisation des transferts financiers entre l’organisme recouvreur et l’attributaire final des ressources

● Conséquence du processus d’unification du recouvrement des cotisations et contributions sociales aux Urssaf, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([76]) a engagé une démarche de rationalisation des relations entre le réseau des Urssaf, chargé de recouvrer un nombre croissant de cotisations et de contributions sociales, et les attributaires finaux de ces ressources.

Inspiré de la procédure appliquée par la DGFiP dans ses relations avec les collectivités territoriales, l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale prévoit que l’Urssaf Caisse nationale verse aux attributaires finaux d’un certain nombre de cotisations et contributions dont elle assure le recouvrement une somme correspondant au montant légalement dû par les redevables duquel est déduit un taux forfaitaire représentant le risque de non‑recouvrement d’une partie de ces sommes. Ce taux est fixé par voie réglementaire à 2 % pour la période 2021‑2026 ([77]).

Ce système présente deux vertus :

– la première est la simplicité et la fiabilité puisqu’elle supprime les opérations de régularisation ultérieure sur la base des montants effectivement recouvrés et, par voie de conséquence, les aléas de gestion de trésorerie qui pouvaient en résulter ;

– la seconde est qu’il incite à l’amélioration du processus de recouvrement dans la mesure où c’est l’organisme qui en a la charge qui se trouve pénalisé en cas de mauvais recouvrement et non l’attributaire final.

● L’article 6 de la loi de financement pour 2023 transpose ce système au régime agricole. À compter du 1er janvier 2025, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole procèdera à des versements sur sommes dues au titre des cotisations et contributions qu’elle recouvre au nom d’autres organismes, à savoir :

– l’ensemble des cotisations dues pour les risques maternité, maladie, vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières pour les salariés des sociétés d’intérêt collectif agricole en électricité (SICAE) ;

– l’ensemble des cotisations du régime de retraite complémentaire pour les salariés agricoles, dont l’attributaire est l’Agirc-Arrco ([78]).

2.   L’extension requiert de définir la répartition entre branches du solde des recettes recouvrées par la mutualité sociale agricole selon ce mécanisme

● Le 5° du A du III étend sensiblement le périmètre des cotisations et contributions sociales faisant l’objet d’un reversement sur sommes dues par la Caisse centrale, lequel s’appliquerait dorénavant :

– à l’ensemble des cotisations et contributions finançant les régimes de base de sécurité sociale des salariés agricoles, qu’elles soient dues par eux ou par leurs employeurs ;

– au versement mobilité ([79]) ;

– aux contributions d’assurance chômage, aux cotisations de financement de l’assurance contre le non‑paiement, aux cotisations dues au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, aux contributions permettant de financer l’allocation d’assurance des travailleurs privés d’emploi, aux contributions de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage à l’exception de celles dues par les travailleurs indépendants ([80]) ;

– aux contributions des non‑salariés agricoles à la formation professionnelle ([81]) ;

– aux contributions de financement de la formation professionnelle des travailleurs indépendants et des employeurs de pêche maritime et de cultures marines ([82]).

● En l’absence de régularisation ultérieure, le mécanisme de reversement sur sommes dues est susceptible de faire apparaître un déficit ou un excédent dans les comptes de l’organisme chargé du recouvrement. Il est donc nécessaire de prévoir les règles permettant de répartir le solde lié au recouvrement entre les différentes branches du régime.

En transposant le système appliqué par l’Urssaf Caisse nationale au sein du régime général, le 8° du A du III prévoit que le solde résultant des opérations de recouvrement, déduction faite des frais de gestion dus par les organismes attributaires à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole en dédommagement du transfert de compétence, est affecté aux différentes branches des régimes des non‑salariés des professions agricoles ([83]) et des salariés agricoles ([84]).

Cette affectation s’effectuerait selon une clef de répartition fixée par arrêté des ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et de l’agriculture en fonction des soldes prévisionnels de ces branches.

IV.   Impacts financiers et entrée en vigueur

● Les différentes mesures de cet article ont des impacts financiers d’importance diverse. L’annulation du transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire et des cotisations aujourd’hui recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations conduit à recentrer les moyens qui lui étaient consacrés vers l’amélioration des processus de fiabilisation du recouvrement.

Cette annulation conduit néanmoins à une dégradation du solde des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale de 76 millions d’euros en 2024 et de 115 millions d’euros par an dès 2025, laquelle résulte de la perte des participations de l’Agirc-Arrco (76 millions d’euros) et de la Caisse des dépôts et consignations (39 millions d’euros) pour compenser les frais de gestion liés au transfert. Par ailleurs, l’annulation induit également la perte des gains d’efficience attendus de l’unification de la compétence recouvrement aux Urssaf.

Les autres mesures sont globalement neutres sur le plan financier. Elles pourraient toutefois conduire à des gains indirects du fait de la simplification des démarches et de la fiabilisation des processus de recouvrement qu’elles induisent.

● L’essentiel des dispositions entreraient en vigueur au 1er janvier 2024, à l’exclusion des mesures suivantes :

– la suppression de la possibilité de désigner un représentant social pour les entreprises étrangères sans établissement en France entrerait en vigueur le 1er mars 2024. Ce délai de deux mois est nécessaire à la bonne information de l’ensemble des entreprises ayant actuellement recours à ce dispositif ;

– les mesures applicables à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole en matière de reversement sur sommes dues et de transfert de recouvrement des cotisations et contributions assises sur des revenus de remplacement entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

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*     *

 

Article 9
Simplification du schéma de financement du système de retraite dans le cadre de l’extinction des régimes spéciaux

Le présent article tire les conséquences de la fermeture d’un certain nombre de régimes spéciaux décidée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 afin de simplifier le schéma de financement du système de retraite.

Les cinq régimes spéciaux fermés à compter du 1er septembre 2023 – régime des industries électriques et gazières, régime de la RATP, régime des clercs et employés de notaires, régime de la Banque de France et régime du Conseil économique, social et environnemental – seront intégrés financièrement au régime général, de même que les régimes dont la fermeture avait été actée antérieurement.

Cette intégration doit permettre de simplifier sensiblement la « tuyauterie » financière au sein du système de retraite. Le régime général deviendrait équilibreur en dernier ressort des régimes nouvellement intégrés et bénéficierait à ce titre d’une compensation financière par l’État, correspondant au montant des dotations d’équilibre qu’il verse à ces régimes. L’article 9 prévoit également le cadre conventionnel permettant au régime général et au régime de retraite complémentaire des salariés du privé de définir les modalités de contribution de ce dernier au financement des « élements de solidarité financière au sein du système de retraite ». Dès 2025, et en l’absence de convention permettant de fixer la contribution du régime géré par l’Agirc‑Arrco au titre du financement de la fermeture des régimes spéciaux, le Gouvernement serait habilité à fixer le montant de cette contribution par un « décret de carence ».

Enfin, l’article 9 tire les conséquences de la réforme des retraites sur deux autres sujets en :

– mettant contribution de la Banque de France, des industries électriques et gazières et de la RATP au financement du compte professionnel de prévention (C2P) dont bénéficient leurs employés recrutés à compter du 1er septembre 2023 ;

– précisant les conditions du maintien de l’affiliation aux régimes des industries électriques et gazières et des clercs et employés de notaire pour les assurés de ces régimes qui se retrouveraient temporairement en cessation ou suspension d’activité.

Ces mesures entrent en vigueur le 1er janvier 2025, à l’exception de celles concernant le maintien de l’affiliation aux régimes des IEG et des clercs et employés de notaires en cas de cessation temporaire d’activité qui entrent en vigueur le 1er janvier 2024. Elles auraient un impact globalement neutre sur les régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

I.   le droit en vigueur : Le schéma de financement du système de retraite est excessivement complexe compte tenu de la diversité des régimes

A.   Les cotisations des assurés ne permettent pas à elles‑seules d’assurer l’équilibre financier des régimes de retraites

● Dans un système de retraite géré par répartition, l’équilibre financier est en théorie assuré si la somme des cotisations perçues sur l’assiette salariale des actifs est égale à la somme des prestations versées aux retraités. Cet équilibre dépend donc :

– du nombre de cotisants et de retraités, d’une part – c’est-à-dire du ratio de dépendance démographique ;

– du revenu des cotisants et du montant des prestations, d’autre part – c’est‑à-dire de la capacité contributive du régime.

Ces deux dimensions sont naturellement sensibles à des éléments conjoncturels tels que la situation économique – qui exerce un effet sur le nombre de cotisants via son impact sur le nombre de personnes en emploi et sur leurs revenus – mais également à des évolutions structurelles liées au vieillissement de la population ou au dynamisme propre à certaines professions qui modifient le ratio de dépendance démographique.

Or, force est de constater que les seules ressources issues des cotisations des assurés du système de retraites ne permettent pas d’assurer l’équilibre financier global de l’assurance vieillesse.

En 2022, sur l’ensemble du système de retraite, les cotisations s’élevaient à 244,8 milliards d’euros, ce qui permettait de couvrir seulement 67,8 % des prestations de retraite ([85]).

● Outre l’équilibre financier global du système de retraites, une étude de son financement impose de s’intéresser à la situation financière de chacun des régimes qui le composent.

Le système de retraites français est aujourd’hui encore composé de vingt‑six régimes distincts qui peuvent être décomposés en cinq grandes familles :

– le régime général, qui intègre les travailleurs indépendants depuis 2018 ([86]) et est géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ;

– les régimes des salariés agricoles et des non‑salariés agricoles, gérés par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) ;

– les régimes spéciaux de la fonction publique : fonction publique de l’État – géré par le service des retraites de l’État (SRE) –, fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale – gérée par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) –, le régime des ouvriers de l’État géré par le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) placé auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;

– les autres régimes spéciaux mentionnés à l’article R. 711‑1 du code de la sécurité sociale : le régime de la SNCF, de la RATP, des industries électriques et gazières, le régime des marins, le régime de la Banque de France, les régimes de la Comédie‑Française et de l’Opéra de Paris, le régime des mines, le régime des chemins de fer d’intérêt général secondaire, d’intérêt local et des tramways ([87]) ;

– les régimes des professions libérales gérés par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ou, pour les avocats, par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

L’ensemble des régimes de base hors régime général représentaient, en 2022, 41,9 % des dépenses, soit 109 milliards d’euros pour un total de 8,5 millions de bénéficiaires ([88]).

Répartition des prestations de retraite selon les différents régimes de base en 2022

Source : DSS/SDEFP/6A, rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Or, si l’on observe le taux d’adéquation des cotisations avec les prestations, force est de constater que la situation financière varie grandement d’un régime à l’autre. Alors que les cotisations reçues par le régime général couvrent 83,7 % de ses charges, ce ratio n’est que de 36,3 % pour le régime de la SNCF et de 41 % pour le régime de la RATP.

Cette variété de situations résulte principalement du contexte démographique de ces régimes. Le cas du régime des mines est topique puisque, fermé aux nouveaux affiliés depuis 2012, il présente un ratio de 0,6 %.

Pour cette raison, le schéma de financement du système de retraite ménage des dispositifs d’équilibrage faisant intervenir des mécanismes de compensation financière interrégimes ainsi que la participation de ressources extérieures au système de retraite.

B.   Des mécanismes d’équilibrage permettent d’assurer à chaque régime de pouvoir financer les prestations qu’il verse à ses assurés

1.   Les mécanismes de solidarité financière interrégimes

● La compensation généralisée vieillesse est le principal mécanisme de compensation financière entre les régimes de retraite. Depuis 2016, il est le seul mécanisme de ce type à subsister dans les régimes de sécurité sociale après les suppressions successives des compensations bilatérales entre régimes, de la compensation généralisée pour le risque maladie ([89]) et de la surcompensation des régimes spéciaux ([90]). Créée par la loi n° 74‑1094 du 24 décembre 1974, la compensation généralisée est un outil auquel participe l’ensemble des régimes de base obligatoires dont l’effectif des cotisants et des retraités titulaires de droits propres âgés de 65 ans ou plus dépasse 20 000 personnes au 1er juillet de l’année considérée ([91]).

Compte tenu de ce plancher, y participent aujourd’hui :

 pour les régimes de salariés : la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) pour le régime des salariés agricoles, le service des retraites de l’État pour le régime des fonctionnaires civils et militaires, le fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg), la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), le régime spécial de la Banque de France, les régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF, le régime des marins et le régime des mines ;

– pour les régimes de non‑salariés : le régime des exploitants agricoles, la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) et le régime de sécurité sociale des indépendants ([92]).

● L’objectif de la compensation vieillesse généralisée, inscrit à l’article L. 134‑1 du code de la sécurité sociale, est de « remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes au titre des droits propres » ([93]). L’article L. 134‑1 précité poursuit en précisant que « tant que les capacités contributives de l’ensemble des nonsalariés ne pourront être définies dans les mêmes conditions que celles des salariés, la compensation entre l’ensemble des régimes de salariés et les régimes de nonsalariés aura uniquement pour objet de remédier aux déséquilibres démographiques ».

Cette définition appelle trois constats :

Premièrement, l’objectif de la compensation est de remédier à des inégalités qui résultent de paramètres qui échappent par définition à la maîtrise des régimes : les changements de structure de la population active qui influent sur les bases cotisantes des régimes et le niveau de leurs dépenses ou la baisse des rémunérations dans certains secteurs en déclin par exemple.

Ce choix s’explique aisément par le fait que, dans la mesure où les régimes fonctionnent selon des règles différentes, les écarts de résultats financiers entre les régimes ne reflètent pas nécessairement des différences de situation démographique mais peuvent résulter de choix différents en matière de couverture, de règles de cotisations et de calcul des prestations. Dans cette situation, il ne serait pas équitable de faire peser sur un régime de retraite « vertueux » la responsabilité de compenser la situation financière d’un régime déficitaire du seul fait de ses règles de fonctionnement.

Deuxièmement, et c’est le corollaire du premier constat, la compensation généralisée vieillesse ne prend pas en compte les droits dérivés à la retraite, c’est‑à‑dire plus particulièrement les pensions de réversion, malgré le poids qu’elles peuvent représenter dans certains régimes dont la situation démographique est dégradée. Le choix de les exclure du champ de la compensation s’explique précisément par le fait que les règles en matière de réversion sont encore aujourd’hui très différentes d’un régime à l’autre, qu’il s’agisse des conditions d’attribution de la réversion ou de son taux. Les intégrer aurait donc conduit à déformer la répartition de la compensation au profit de régimes proposant des droits dérivés plus généreux que les autres.

Troisièmement, la compensation généralisée vieillesse repose sur un système à deux étages :

– une première compensation qui s’applique entre les régimes de salariés et qui fait intervenir non seulement la démographie mais également la capacité contributive des différents régimes, laquelle est appréciée à travers la masse salariale sous le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) ([94]) ;

– une seconde compensation qui s’applique entre les régimes de salariés pris dans leur ensemble et chacun des autres régimes de non‑salariés et qui prend en compte uniquement la démographie ([95]).

● Matériellement, le calcul de la compensation s’effectue dans un régime fictif dont les conventions sont fixées de sorte à neutraliser les paramètres qui dépendent des régimes. Pour ce faire, l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 134‑1 du code de la sécurité sociale dispose que la compensation est calculée sur la base d’une prestation de référence et d’une cotisation moyenne identique pour chaque régime.

Dans un premier temps, cette prestation de référence et cette cotisation moyenne sont appliquées aux effectifs réels et à la masse salariale sous plafond des régimes de salariés, ce qui permet de calculer les ressources et les dépenses de chaque régime dans le système de retraite fictif. Ce dernier étant considéré à l’équilibre par convention, la somme des soldes de chaque régime est nulle et les excédents des uns permettent de couvrir exactement les déficits des autres.

Une fois que les transferts liés à la compensation sont calculés pour les régimes de salariés, une méthode similaire est appliquée entre les régimes de salariés pris dans leur ensemble et les régimes de non‑salariés. Cette seconde étape permet de définir les transferts à effectuer entre les régimes de salariés et les régimes de non‑salariés. Le solde de l’ensemble des régimes salariés est ensuite réparti entre ces régimes au prorata de la masse salariale sous plafond de chacun d’entre eux. Un arrêté fixe chaque année le solde de la compensation.

Transferts définitifs effectués au titre de la compensation généralisée vieillesse

(en euros)

Régime

2018

2019

2020

2021

CNAV

4 589 196 426

4 423 457 270

3 966 313 109

4 143 123 209

État - Personnels civils

182 983 981

84 065 561

91 037 563

-195 192 276

État - Personnels militaires

135 238 346

145 327 408

168 882 737

127 538 663

CNRACL

1 209 363 906

1 065 388 348

1 119 796 919

945 023 878

CNAVPL

848 763 043

777 544 219

671 247 404

528 173 246

Cnieg

67 984 679

57 642 124

63 656 796

41 519 584

Banque de France

-4 321 559

-6 901 395

-8 326 251

-11 483 520

CRP RATP

29 611 958

29 221 427

29 030 371

25 882 443

CNBF

90 861 370

98 244 391

100 907 127

95 847 167

Exploitants agricoles

-2 961 793 745

-2 857 653 153

-2 756 962 754

-2 668 168 252

Salariés agricoles

-2 559 937 924

-2 560 352 419

-2 541 185 583

-2 488 617 245

SSI (ex-RSI)

-1 202 212 774

-826 432 132

-467 721 470

-112 254 570

CANSSM

-230 378 327

-220 305 373

-211 733 393

-200 483 297

Enim

-73 612 049

-74 147 832

-76 052 621

-69 271 615

État - FSPOEIE

-70 745 610

-75 225 477

-77 545 545

-82 346 377

CPRP SNCF

-12 929 107

-23 947 851

-34 292 027

-48 420 163

CRPCEN

-28 672 613

-35 925 115

-37 052 383

-30 870 874

Total des montants transférés

7 154 003 709

6 680 890 748

6 210 872 026

5 711 915 914

Source : commission des affaires sociales à partir des arrêtés fixant les montants de transferts définitifs.

 

L’analyse permet de tirer deux enseignements :

– d’une part, le régime général est le principal contributeur puisqu’il verse aux autres régimes près des trois quarts du montant total de la compensation démographique ;

– d’autre part, la plupart des régimes spéciaux sont créditeurs, à l’exception de la Caisse de retraites du personnel de la RATP et de la Cnieg. Toutefois, lorsque l’on s’intéresse au ratio de couverture des dépenses de ces régimes dont les données sont disponibles dans le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale de la branche Vieillesse annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022, on observe que les régimes spéciaux se situent toujours en deçà de l’équilibre. C’est particulièrement le cas pour les régimes des mines, des marins, de la SNCF et de la RATP pour lesquels les charges demeurent au moins deux fois supérieures aux produits. Le financement de ces régimes est donc assuré par le biais d’autres ressources.

Structure de financement des principaux régimes de retraite en 2021

En Md€ et %

Régime général*

Fonctionnaires

Régimes agricoles

SNCF

RATP

Cnieg

Mines

Marins

CNAVPL

 

État

CNRACL

NSA

Salariés

Produits

115,1

14,0

22,2

1,3

3,7

1,9

0,5

3,4

0,0

0,1

2,6

Charges

137,5

55,2

22,6

6,7

6,3

5,2

1,2

5,2

1,2

1,0

1,9

Ratio 1
cotisations

83,7%

25,4%

98,1%

19,9%

58,3%

36,3%

41,0%

65,0%

0,6%

14,4%

134,4%

Produits

115,4

14,0

22,2

4,0

6,2

2,0

0,5

3,4

0,2

0,2

2,6

Charges

141,8

55,1

23,4

6,7

6,3

5,2

1,2

5,3

1,2

1,0

2,5

Ratio 2 = ratio 1 + compensation démographique

81,4%

25,5%

94,6%

59,4%

98,6%

37,8%

40,3%

64,6%

17,2%

22,2%

104,6%

Note de lecture : le ratio 1 correspond au rapport entre le montant des cotisations perçues et les charges du régime. Le ratio 2 intègre les transferts de compensation démographique à ces deux montants. S’agissant du régime général, le taux de couverture des dépenses par les seules cotisations est de 83,7 % en 2021 mais il baisse à 81,4 % lorsque l’on intègre les transferts de compensation démographique.

* Cnav et ex-RSI

Source : DSS – CCSS septembre 2022.

2.   Les mécanismes de transfert en provenance d’entités extérieures au système d’assurance vieillesse

● Pour compléter les ressources du système de retraite, les régimes de base se voient affecter des ressources provenant d’autres organismes de sécurité sociale mais également de l’État ou de l’assurance chômage.

En 2022, le système de retraite a bénéficié ([96]) :

– d’impôts et taxes affectées (ITAF) pour 52,2 milliards d’euros ;

– de contributions et subventions d’équilibre de l’État pour respectivement 43,8 et 7,3 milliards d’euros ([97]) ;

– de transferts en provenance d’autres branches de la sécurité sociale, principalement la branche famille (10 milliards d’euros) au titre des droits à la retraite liés aux enfants – assurance vieillesse des parents aux foyers, majoration de pension pour enfants et majorations de durée d’assurance – et d’organismes extérieurs à la sécurité sociale tels que l’Unedic (3,3 milliards d’euros).

● Si l’on s’intéresse à la situation spécifique des régimes spéciaux, l’on observe que la plupart des régimes sont équilibrés par des sources de financement extérieures ou des contributions d’équilibre. Les outils mobilisés pour l’équilibrage de ces régimes sont cependant très variés, au détriment de la lisibilité des transferts financiers.

L’équilibrage financier des régimes de retraite

Régimes agricoles

Salariés agricoles

Intégration financière

Exploitants agricoles

Pas de mécanisme d’équilibrage

Régimes spéciaux

Fonctionnaires

Contribution d’équilibre à la charge de l’employeur

FSPOEIE

Subvention d’équilibre

CNRACL

Pas de mécanisme d’équilibrage

Mines

Subvention d’équilibre

Cnieg

Contribution employeur ajustable

SNCF

Subvention d’équilibre

RATP

Subvention d’équilibre

Marins

Subvention d’équilibre

CRPCEN

Pas de mécanisme d’équilibrage

Banque de France

Contribution d’équilibre à la charge de l’employeur

Chemins de fer secondaires

Intégration financière

Seita

Subvention d’équilibre

Autres régimes spéciaux

Subvention d’équilibre

Régimes des nonsalariés non agricoles

Régime des cultes

Intégration financière

CNAVPL

Pas de mécanisme d’équilibrage

CNBF

Pas de mécanisme d’équilibrage

Source : direction de la sécurité sociale.

L’État joue un rôle particulièrement important puisque les subventions d’équilibre qu’il leur verse représentent 33 % de leurs ressources ([98]). Cette part varie toutefois grandement selon le régime considéré :

– 81 % des ressources du régime des mines (957 millions d’euros) ;

– 60 % des ressources du régime de la RATP (777 millions d’euros) ;

– 61 % des ressources du régime de la SNCF (3,3 milliards d’euros) ;

– 100 % des ressources du régime de la Seita (136 millions d’euros) et des régimes gérés par la Caisse des dépôts et consignations – notamment la caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre‑mer et la caisse de retraite du chemin de fer franco-éthiopien (13 millions d’euros).

3.   Le cas particulier de certains régimes spéciaux

● La Cnieg se trouve dans une situation un peu particulière compte tenu de son adossement au régime général dès 2005 ([99]).

Les pensions de retraite versées par la Cnieg sont classées selon qu’elles correspondent aux pensions de vieillesse équivalentes aux régimes de droit commun ou aux droits spécifiques du régime, au sein desquels on distingue les droits spécifiques passés pour les activités régulées, les droits spécifiques passés pour les activités non régulées et les droits spécifiques futurs.

Chaque catégorie de prestation est financée d’une façon différente, ce qui implique des flux financiers complexes entre les différents acteurs de l’adossement :

– les prestations de droit commun sont remboursées par la Cnav et l’Agirc‑Arrco à travers le versement de cotisations équivalentes au droit commun – pour un montant représentant 40 % de ses ressources totales, soit 3,5 milliards d’euros ;

– les droits spécifiques passés sur les activités non régulées et les droits spécifiques futurs sont financés par des contributions patronales ;

– les droits spécifiques passés relatifs aux activités régulées sont financés par la contribution tarifaire d’acheminement qui représente 1,7 milliard d’euros ([100]).

flux financiers 2022 entre les différents acteurs de l’adossement de la Cnieg

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023, p. 165.

● Le régime de la SNCF est structurellement déficitaire du fait d’un ratio démographique très défavorable de 0,51 cotisant pour un retraité. Ses besoins d’équilibrage sont marginalement assurés par la compensation généralisée vieillesse (85 millions d’euros en 2022), un transfert d’équilibre de la Cnav et des régimes complémentaires (respectivement 54 millions d’euros et 47 millions d’euros), mais surtout par une subvention d’équilibre versée par l’État (3,2 milliards d’euros).

Les modalités de transferts financiers entre le régime de la SNCF et les régimes de base et complémentaire des salariés sont fixées par une convention prévue au IX de l’article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Par ailleurs, le même article 25 de la LFSS 2020 dispose que l’État assure la compensation de la perte de ressources résultant de la fermeture du statut. Les modalités de cette compensation sont définies dans le cadre d’une convention tripartite du 18 janvier 2021.

● Parmi les autres régimes spéciaux, la Banque de France a un statut un peu à part puisqu’elle est une personne morale de droit public dont les agents ont le statut d’agents publics. De même que pour les autres régimes de fonctionnaires, les cotisations versées par l’État sont donc considérées comme une « contribution d’équilibre de l’employeur principal ». Cette contribution représente 70 % du total des ressources du régime.

S’agissant de la RATP, la contribution d’équilibre de l’État, calculée pour combler les besoins de trésorerie de la Caisse de retraites du personnel de la RATP, continue d’augmenter. Elle représentait 60 % des ressources du régime en 2022 et cette part pourrait augmenter à 61,4 % en 2023.

Enfin, la CRPCEN étant excédentaire après transferts de compensation démographique, elle ne bénéficie naturellement pas de subventions d’équilibre de la part de l’État.

Structures de financement des principaux régimes de retraite en 2021

Note de lecture : en 2021, 63 % des ressources de la CNAV – y compris Sécurité sociale des indépendants – proviennent de cotisations sociales. Les cotisations sociales incluent la cotisation au régime de la fonction publique d’État des employeurs de fonctionnaires de l’État. Les qualificatifs d’externe et d’interne pour les transferts entre organismes sont relatifs au périmètre du système de retraite incluant le FSV.

Champ : toutes les ressources y compris les produits financiers.

Source : Conseil d’orientation des retraites.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : La fermeture d’un certain nombre de régimes spéciaux est l’occasion de simplifier le schéma de financement et implique des mesures d’adaptation

A.   Les régimes spéciaux en cours d’extinction seront intégrés financièrement au régime général

1.   La trajectoire de fermeture des principaux régimes spéciaux a été considérablement accélérée en 2023

● Dès l’origine de la création de la sécurité sociale, il avait été prévu que les régimes spéciaux créés antérieurement à l’instauration du régime général puissent être temporairement maintenus.

L’article 17 de l’ordonnance du 4 octobre 1945 dispose ainsi que « sont provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale les branches d’activité ou entreprises [...] parmi celles jouissant déjà d’un régime spécial » ([101]).

Aussi les régimes spéciaux ont-ils été progressivement fermés avec comme corollaire l’affiliation des nouveaux entrants au régime général :

– le régime de l’Office de radiodiffusion-télévision française a été fermé de facto le 1er janvier 1975 à l’issue de la dissolution de l’office ;

– le régime spécial de la Seita a été fermé le 1er juillet 1980 ;

– le régime des entreprises minières et assimilées a été mis en extinction à compter du 1er septembre 2010 ([102]) ;

– le régime de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a été fermé le 1er janvier 2020 ([103]) ;

● La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([104]) a considérablement accéléré ce mouvement en actant la fermeture de cinq autres régimes spéciaux :

– le régime de la RATP ;

– le régime de la Banque de France ;

– le régime des clercs et employés de notaires ;

– le régime des industries électriques et gazières (IEG) ;

– le régime du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Toutefois, en application de ce qu’il convient d’appeler la « clause du grand‑père », ces régimes continuent et continueront de percevoir des cotisations et de verser des prestations à l’ensemble de leurs assurés affiliés avant la date de leur fermeture. La question de leur financement se pose donc toujours.

Elle se pose avec d’autant plus d’acuité que la fermeture aux nouveaux entrants se traduira nécessairement par une dégradation du ratio démographique et donc par un besoin accru d’équilibrage de leur situation financière.

Elle se pose par ailleurs dans la durée puisque leur extinction prendra plusieurs décennies avant d’être totalement effective – en témoigne la survivance de régimes comme ceux de l’ORTF ou des chemins de fer d’Afrique de l’Ouest qui ont encore des pensionnés près de cinquante ans après leur fermeture.

Dans ce contexte, la fermeture des régimes spéciaux donne l’occasion de simplifier sensiblement le schéma de financement du régime de retraite.

2.   Les régimes spéciaux fermés seront intégrés financièrement au régime général

a.   Une intégration au périmètre inédit

● Le présent article prévoit la mise en place d’un système unifié de financement des régimes spéciaux qui repose sur leur intégration financière à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. En d’autres termes, la Cnav sera conduite, à terme, à prendre en charge le solde de ces régimes.

À cette fin, le 2° du I modifie l’article L. 134‑3 du code de la sécurité sociale afin de préciser que la Cnav assure l’équilibre financier des régimes spéciaux.

● Bien qu’elle soit une conséquence directe de la fermeture des régimes spéciaux actée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, l’intégration financière recouvre cependant un périmètre plus large puisqu’elle comprend également les régimes dont l’extinction a été prévue antérieurement. Sont ainsi concernés :

– le régime de la Banque de France (a du nouveau 3° de l’article L. 1343 du code de la sécurité sociale) ;

– le régime de la SNCF (b du même 3°) ;

– le régime de la RATP (c dudit 3°) ;

– le régime des clercs et employés de notaires (d du même 3°) ;

– le régime des membres du Cese (e du même 3°)

– le régime des IEG (f du même 3°) ;

– le régime des mines (g du même 3°) ;

– le régime de la Seita (h du même 3°) ;

– les régimes des agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre‑mer (i du même 3°) ;

– le régime de l’ORTF (j du même 3°).

b.   Une intégration progressive qui répond au principe d’une priorité de financement sur fonds propres

● Cette intégration se fera progressivement, à partir de 2025, en application du second alinéa du VI. En effet, il sera dorénavant précisé au 3° de l’article L. 134‑3 du code de la sécurité sociale que les soldes des régimes spéciaux susmentionnés ne seront retracés dans les comptes de la Cnav qu’à compter du premier exercice au terme duquel leurs fonds propres sont négatifs (deuxième alinéa du b du 2°).

En effet, comme le précise l’annexe 9, le schéma de financement qui sera retenu pour ces régimes spéciaux prévoit une mobilisation des ressources selon un ordre de priorité bien défini :

– en premier lieu, seront affectées prioritairement au financement du régime spécial intégré les cotisations et contributions sociales dont il bénéficie ;

– en deuxième lieu, et si cette première source de financement ne suffit pas à assurer l’équilibre du régime, ses réserves financières seront mobilisées. La rapporteure générale note que ce choix apparaît pleinement justifié compte tenu du fait que la constitution de telles réserves visait précisément à pallier des difficultés démographiques éventuelles, lesquelles s’aggraveront à mesure que les actuels cotisants de ces régimes liquideront leurs pensions ;

– en dernier lieu, le régime intégré bénéficiera d’une dotation d’équilibre de la Cnav, en application de l’article L. 134‑3.

● L’intégration financière des régimes spéciaux à la Cnav implique en outre de modifier le mécanisme de compensation généralisée vieillesse. C’est l’objet du b du 1° du I du présent article, qui ajoute un alinéa à l’article L. 134‑1 du code de la sécurité sociale précisant que le régime général et les régimes spéciaux dont il assure l’équilibre financier forment un ensemble unique pour le calcul de la compensation. Le a du même 1° procède quant à lui à une simplification rédactionnelle.

Naturellement, le calcul de la compensation distinguera toujours les travailleurs indépendants au sein du régime général pour tenir compte des spécificités de la définition des capacités contributives des non‑salariés.

Cette modification entraînera nécessairement de nouveaux équilibres dans la répartition des transferts de compensation démographique pour les régimes qui y participent. La rapporteure générale regrette que les éléments annexés au présent projet de loi de financement ne présentent pas plus en détail l’impact de cette mesure sur cette répartition.

● Enfin, par coordination, le II supprime les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 qui prévoyaient les modalités de la compensation financière à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF de la fermeture de son régime spécial ([105]), lequel sera désormais intégré au cadre financier de droit commun du financement des régimes spéciaux fermés.

De même, le 2° du V supprime la condition selon laquelle les taux de la contribution tarifaire d’acheminement, affectée à la Cnieg, sont fixés « en fonction des besoins prévisionnels des cinq prochaines années de la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour le financement des charges [d’assurance vieillesse] au titre respectivement des activités de transport d’électricité, de transport de gaz naturel, de distribution d’électricité et de distribution de gaz naturel ».

c.   La Cnav remplace l’État pour assurer l’équilibre des régimes « en dernier ressort »

● L’intégration financière n’a pas pour seule conséquence de modifier le fonctionnement des mécanismes de solidarité interrégimes. Elle implique en outre que l’État n’interviendra plus dans le financement des régimes spéciaux via le versement de subventions d’équilibre. Il appartiendra désormais à la Cnav d’assumer ce rôle à travers la dotation d’équilibre, comme elle le fait déjà pour la Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac).

Les annexes au projet de loi de financement précisent néanmoins que la Cnav bénéficiera d’une compensation de l’État à travers une modification de la clef de TVA qui lui est affectée. Selon les informations recueillies par la rapporteure générale, cette compensation serait calculée à partir des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite qui correspondent aux crédits actuellement versés par l’État pour équilibrer ces régimes. Plus précisément, le calcul de la compensation reposera sur :

– le programme 195 (Régimes de retraite de la Seita, des mines et divers), qui regroupe les régimes des mines, de la Seita, des régies ferroviaires d’outre‑mer, de l’ORTF et des agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre‑mer ;

– le programme 198 (Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres) pour la partie correspondant aux régimes de la SNCF et de la RATP.

Cette compensation n’est cependant pas prévue dans le PLF 2024 puisque l’intégration financière n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2025. La rapporteure générale sera particulièrement attentive aux montants qui seront retenus dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 afin de s’assurer que cette intégration financière n’aboutisse pas à dégrader le solde de la Cnav.

3.   L’Agirc-Arrco devrait participer au financement des régimes spéciaux au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite

● La fermeture des régimes spéciaux engendrera des gains financiers pour l’Agirc-Arrco. En effet, à compter du 1er septembre 2023, les salariés qui auraient dû être affiliés à ces régimes se trouveront affiliés à la Cnav pour ce qui concerne leur régime de retraites de base et à l’Agirc-Arrco s’agissant du régime de retraite complémentaire ([106]).

L’Agirc-Arrco percevra donc des cotisations de ces nouveaux affiliés sans toutefois assurer le versement des pensions des retraités actuels ou à venir qui continuent d’être affiliés à ces régimes spéciaux. Par ailleurs, alors que le régime général se voit confier la mission d’assurer l’équilibre financier des régimes spéciaux, y compris pour la part correspondant à une retraite complémentaire, l’Agirc-Arrco enregistrera des gains nets jusqu’à ce que la première génération concernée prenne sa retraite.

À ces gains, s’ajoutent ceux liés au décalage de l’âge d’ouverture des droits et à l’accélération de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Au total, la réforme des retraites pourrait déboucher sur des gains compris entre 1 et 1,2 milliard d’euros à horizon 2026.

● C’est pourquoi le 3° du I modifie l’article L. 241‑3 du code de la sécurité sociale, relatif aux ressources consacrées au financement de l’assurance vieillesse, afin de prévoir le versement d’une contribution à la charge des régimes de retraite complémentaire des salariés « au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite ».

Le montant de cette contribution serait fixé par une convention signée entre le régime général et les régimes de retraite complémentaire et approuvée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget. À défaut d’accord le 30 juin de l’exercice en cours, le pouvoir réglementaire serait habilité à fixer le montant de la contribution pour la seule partie correspondant à la prise en compte des conséquences financières de la fermeture des régimes spéciaux.

En effet, la lettre du nouveau 7° de l’article L. 2413 circonscrit la compétence du pouvoir réglementaire à la fixation de la seule partie de la contribution permettant la « prise en compte des conséquences financières [...] de la fermeture des régimes spéciaux » dont la fermeture a été actée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Les régimes de retraite de base et complémentaire resteraient donc seuls en capacité de fixer, par convention, le montant de la contribution afférent aux autres éléments de solidarité financière au sein du système de retraite.

Cette faculté, qui s’apparente en quelque sorte aux « décrets de carence » qui existent en matière d’assurance chômage, ne serait ouverte qu’à compter du 1er janvier 2025, ce qui laisse plus d’une année aux régimes pour négocier le montant de cette nouvelle contribution.

4.   Impact financier

● Selon l’annexe 9, l’intégration financière des régimes spéciaux au régime général serait neutre financièrement pour eux car leurs modalités de financement assurent déjà un équilibre à moyen terme, soit par le biais de la contribution d’équilibre qu’ils perçoivent de l’État – pour le régime de la RATP et celui des membres du Cese par exemple –, soit du fait de leur adossement à la Cnav – régime des IEG –, soit encore du fait de l’existence de réserves financières – régimes de la Banque de France et des clercs et employés de notaires.

● Du point de vue de l’État, la même annexe précise que sa contribution devrait diminuer du fait de la mise à contribution des régimes de retraite complémentaire dans le financement des régimes de retraite sans toutefois indiquer à quelle hauteur l’État serait « gagnant ».

● Du point de vue du régime général, la fermeture des régimes spéciaux entraîne à la fois une hausse des recettes liée à l’affiliation de nouveaux assurés et aux mécanismes de compensation à la charge de l’État et des régimes de retraite complémentaire. Les dépenses augmenteraient également puisque la Cnav serait chargée d’équilibrer les régimes spéciaux financièrement intégrés à elle. Selon l’annexe 9, la combinaison de ces deux facteurs neutraliserait leurs effets respectifs sur le solde du régime général.

B.   La fermeture des régimes spéciaux implique par ailleurs des mesures d’adaptation pour certains d’entre eux

1.   La contribution des employeurs des IEG, de la Banque de France et de la RATP au financement du C2P

● L’affiliation des futurs employés des entreprises électriques et gazières, de la Banque de France et de la RATP au régime général entraînera la possibilité de bénéficier d’un compte professionnel de prévention (C2P) pour ceux d’entre eux qui sont exposés à des facteurs de risques professionnels.

Facteurs de risques professionnels inclus dans le C2P

Catégorie de facteur de risque

Facteur de risque professionnel

Environnement physique agressif

activités exercées en milieu hyperbare

températures extrêmes

Bruit

Rythmes de travail spécifiques

travail de nuit

travail en équipes successives alternantes

travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini

Source : article L. 4163‑1 du code du travail.

Les points acquis au titre du C2P permettent à leurs bénéficiaires de financer des formations, de réduire leur temps de travail tout en bénéficiant d’un maintien de salaire, d’acquérir des trimestres de retraite permettant un départ anticipé et, depuis le 1er septembre 2023, de financer des congés de reconversion professionnelle afin d’évoluer vers des carrières moins exposées aux facteurs de risques professionnels ([107]).

Le dispositif du C2P a été considérablement renforcé à l’occasion de la dernière réforme des retraites. Ainsi, les conditions d’acquisition des points ont été assouplies au bénéfice des personnes exposées simultanément à plusieurs facteurs de risques professionnels. Combiné au déplafonnement du nombre de points pouvant être acquis sur l’ensemble de la carrière, cet assouplissement est de nature à augmenter sensiblement les droits des salariés les plus exposés aux facteurs de risques professionnels ([108]).

Ces mesures adoptées par le législateur financier social se sont en outre accompagnées de modifications réglementaires visant à renforcer la valeur des points dans le cadre de leur utilisation à des fins de formation. Ainsi chaque point au C2P permet-il de financer une action de formation à hauteur de 500 euros contre 375 euros auparavant ([109]).

Fonctionnement du C2P, à compter de septembre 2023

Source : Cnav, SIPP mai 2022, et LFRSS 2023.

● Afin de compenser à la Cnav le coût que représentent les trimestres acquis via le C2P, le financement du C2P est assuré par le biais d’une participation de la branche AT‑MP ([110]). Depuis le 1er janvier 2018, ce financement est assuré par la majoration forfaitaire pour départs anticipés en retraite pour pénibilité du travail – dite « majoration M4 », entrant dans le calcul du taux de cotisations AT‑MP des entreprises.

Les modalités de calcul du taux de cotisation AT-MP

Le taux de cotisation AT-MP est calculé chaque année en fonction :

– soit de la sinistralité de l’entreprise, pour les entreprises de plus de 150 salariés (tarification individuelle) ;

– soit de la sinistralité du secteur d’activité de l’entreprise, pour les entreprises de moins de 20 salariés (tarification collective) ;

– soit selon une tarification mixte, pour les entreprises de 20 à 149 salariés, en fonction de la sinistralité propre à l’entreprise mais en tenant compte de la sinistralité du secteur.

Le taux brut de cotisation correspond au rapport entre la valeur du risque et la masse salariale de l’établissement sur les trois dernières années connues.

Le taux net de cotisation est quant à lui obtenu après l’application au taux brut de quatre majorations relatives :

– au coût des accidents de trajet (M1) (taux de 0,16 % en 2023) ;

– aux frais de fonctionnement et à la moitié du reversement à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP (M2) (taux de 0,58 % en 2023) ;

– aux transferts vers les autres régimes, à l’autre moitié du reversement à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP et au fonds dédié à la prise en charge spécifique des salariés exposés à l’amiante (M3) (taux de 0,28 % en 2023) ;

– au financement des dépenses supplémentaires liées à la pénibilité, au titre du compte professionnel de prévention et de la retraite anticipée pour incapacité (M4) (taux de 0,2 % en 2023).

La formule de calcul est la suivante :

Taux net = Taux brut x (1 + M2) + M1 x (1 + M2) + M3 + M4

Parmi les composantes de ce calcul, « Taux brut x (1 + M2) » constitue la part variable qui évolue directement avec la sinistralité. « M1 x (1 + M2) + M3 + M4 » évolue en fonction d’autres considérations réglementaires.

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.

Or, comme le rappelait la rapporteure générale dans son commentaire de l’article 1er de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, la fermeture des régimes spéciaux ne concerne que le risque vieillesse. Aussi les caisses concernées continuent-elles à assurer l’ensemble des personnes recrutées dans ces mêmes entreprises ou ces mêmes institutions contre d’autres risques que l’assurance vieillesse. Continuent ainsi de couvrir les risques :

– maladie, maternité, invalidité, accident du travail et maladie professionnelle, décès, le régime de la RATP ([111]) et le régime des IEG ([112]) ;

– invalidité, le régime de la Banque de France ([113]).

Ces employeurs ne contribuent donc pas au financement de la branche AT‑MP du régime général et, par voie de conséquence, ne peuvent participer au financement du C2P dans les conditions de droit commun.

● Pour remédier à cette situation pour le moins inéquitable, le III du présent article modifie l’article L. 4163‑21 du code du travail afin de créer une contribution à la charge des employeurs des IEG, de la RATP et de la Banque de France spécifiquement consacrée à la couverture des dépenses engendrées par le C2P dont bénéficieront les personnels relevant du statut respectif de ces employeurs.

En application du futur deuxième alinéa de l’article L. 4163‑21 du code du travail, cette contribution serait assise sur les revenus d’activité pris en compte dans l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale, soit la même assiette que les cotisations AT‑MP.

2.   Les dispositions de sécurisation de l’affiliation des assurés des industries électriques et gazières et des clercs et employés de notaires

● Dans le cadre de la fermeture des régimes spéciaux, la « clause du grand‑père » implique que les personnes qui étaient affiliées à ces régimes spéciaux avant le 1er septembre 2023 puissent continuer à l’être à l’avenir tant qu’elles ne changent pas de carrière.

La traduction de ce principe sur le plan juridique impose de préciser les conditions de ce maintien dans le régime pour les personnes qui sont amenées à cesser temporairement l’exercice d’une activité dans ces secteurs, en particulier pour les salariés des IEG et pour les clercs et employés de notaires.

● C’est l’objectif poursuivi par le IV et le 1° du V du présent article, qui modifient respectivement la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaires et la loi n° 2004‑803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

La solution retenue par le Gouvernement – identique pour les salariés des IEG et les clercs et employés de notaires – distingue deux cas :

– pour les salariés ayant suspendu ou cessé leur activité avant le 1er septembre 2023, l’affiliation au régime spécial d’assurance vieillesse est maintenue pour une durée de dix ans, quelle que soit la cause de la suspension ou de l’interruption du contrat de travail ;

– pour les salariés dont le contrat de travail a été rompu après le 1er septembre 2023, une distinction est opérée selon que la partie à l’initiative de la rupture :

– si la rupture est à l’initiative du salarié ou d’un commun accord avec l’employeur, l’affiliation est maintenue pour une durée d’un mois. Cette hypothèse trouve à s’appliquer non seulement en cas de démission mais également en cas de signature d’une rupture conventionnelle ([114]). La rapporteure générale note que cette situation a également vocation à s’appliquer en cas d’abandon de poste puisque, depuis l’entrée en vigueur de la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ([115]), le salarié est présumé avoir démissionné dans ce cas ([116]) ;

– si la rupture est à l’initiative de l’employeur, ce délai est porté à dix ans.

Ce régime apparaît équilibré à la rapporteure générale. Si le délai d’un mois applicable aux cas où la rupture est à l’initiative du salarié peut sembler court en première analyse, il faut reconnaître qu’il est fort probable que le salarié ait au préalable fait la démarche de chercher un nouvel emploi. Le délai d’un mois permet donc de sécuriser les cas où la signature d’un nouveau contrat de travail dans une autre entreprise du secteur ou dans une autre étude notariale intervient quelques jours après la rupture effective du précédent contrat.

En outre, l’article prévoit la situation dans laquelle le salarié se trouve dans une position de congé qui ne donne pas lieu à versement de cotisations ni à la constitution de droits à pension dans ce régime. On pense en premier lieu aux parents et aux aidants affiliés au régime général au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou de l’assurance vieillesse des aidants (AVA). La liste des congés permettant le maintien d’une affiliation aux régimes spéciaux des IEG et des clercs et employés de notaires sera fixée par décret, sans que l’étude d’impact ne dise explicitement lesquels seraient concernés. Selon les informations transmises à la rapporteure générale, les congés concernés seraient les congés à caractère familiaux et parentaux prévus par le code du travail.

● Ces dispositions impliquent des coordinations :

– la suppression de la condition de remplir les conditions d’affiliation à ces caisses « sans aucune interruption » à compter du 1er septembre 2023 (a du 1° du IV s’agissant des clercs et employés de notaires ; a du 1° du V s’agissant des salariés des IEG) ;

– une modification rédactionnelle (c du 1° du V).

3.   Impact financier et entrées en vigueur

● Le premier alinéa du VI prévoit que les dispositions relatives à la mise à contribution des employeurs des IEG, de la RATP et de la Banque de France au financement du C2P ainsi que celles relatives au maintien de l’affiliation des salariés des IEG et des clercs et employés de notaires en cas de cessation temporaire d’activité entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

Compte tenu du faible flux d’embauches dans ces entreprises et institutions – environ 7 000 par an –, il est estimé que l’impact de la contribution spécifique pour le financement du C2P serait très réduit pour les régimes des IEG, de la RATP et de la Banque de France.

● La mesure visant à assurer la continuité de l’affiliation aux régimes des IEG et des clercs de notaires n’a pas d’impact financier. Elle entrerait en vigueur le 1er janvier 2024.

 

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Article 10
Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale et avec le budget de l’État

Comme chaque année, l’article 10 porte les mesures de modification de la clef de répartition des ressources fiscales affectées aux différentes branches de la sécurité sociale. Il se lit en miroir de l’article 32 du projet de loi de finances pour 2024 qui modifie la part de TVA affectée à la sécurité sociale.

Les mouvements prévus par le présent article se partagent en trois catégories :

– la poursuite des mesures de transferts financiers résultant de la réforme des retraites adoptée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 avec un transfert de 194 millions d’euros de TVA de la branche maladie vers la branche vieillesse au titre des gains de la réforme pour la fonction publique d’État, une augmentation du transfert de la taxe sur les salaires à la branche autonomie pour tenir compte du coût lié à la mise en place de l’assurance vieillesse des aidants pour un montant de 92 millions d’euros, et un rééquilibrage de la part des droits d’accises sur les alcools affectée aux régimes agricoles en faveur du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) chargé de financer les mesures relatives aux petites pensions agricoles pour 35 millions d’euros ;

– la contribution de l’Unedic au financement des politiques de l’État en faveur de l’emploi ;

– les mesures qui tirent les conséquences d’autres lois adoptées ou en cours de discussion comme la mise en conformité au nouveau cadre organique relatif aux lois de finances du circuit de transfert de la taxe de solidarité additionnelle, la mise en cohérence des dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) compte tenu de l’affectation de 0,15 point de CSG supplémentaire au 1er janvier 2024 et l’affectation à la branche maladie du rendement lié au renforcement de la taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques prévu par l’article 14 du projet de loi de finances pour 2024.

L’article 10 modifie, comme chaque année, la « tuyauterie » interne aux branches de la sécurité sociale. Pour l’exercice 2024, les mesures prévues se partagent en trois catégories qui seront successivement examinées avant que ne soient exposés les effets financiers globaux de l’article.

I.   La poursuite, en 2024, des mesures de transferts financiers résultant de la réforme des retraites

1.   Le réinvestissement du rendement généré par la réforme des retraites pour le régime de la fonction publique d’État dans le système de retraite (maladie-vieillesse)

● Le report de l’âge de départ à la retraite et l’accélération du relèvement de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein résultant de l’article 10 de la loi de financement rectificative pour 2023 entraîne un gain estimé à 1,1 milliard d’euros en 2030 pour le régime de la fonction publique d’État ([117]). Le solde du service des retraites de l’État (SRE) étant nul par construction compte tenu du fait que l’État verse une dotation permettant d’équilibrer le régime, ce gain se traduira par une diminution de cette dotation, votée chaque année en loi de finances, et une moindre dépense pour l’État ([118]).

● Or, comme le rappelle l’annexe 9, la réforme des retraites était bâtie autour du principe selon lequel la totalité des économies engendrées devait être consacrée au redressement du système de retraite, y compris celles s’imputant sur les régimes de la fonction publique. Les trajectoires financières présentées dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 intégraient donc un transfert financier de l’État vers la branche vieillesse pour tenir compte du rendement créé par la réforme pour le régime de la fonction publique d’État.

L’article 32 du projet de loi de finances pour 2024, qui fixe la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale pour l’année 2024, en tire les conséquences en prévoyant un transfert de 194 millions d’euros au profit de la sécurité sociale correspondant au gain estimé de la réforme pour l’exercice concerné.

La TVA étant affectée quasi exclusivement à la branche maladie, le présent article prévoit de transférer des ressources de la branche maladie vers la branche vieillesse grâce à une modification de la clef de répartition de la taxe sur les salaires, seule ressource fiscale partagée entre la branche maladie et la branche vieillesse.

Selon les prévisions de rendement de la taxe des salaires pour 2024 tel qu’estimé à l’annexe 3, ce transfert représenterait 1,08 point supplémentaire de taxe sur les salaires au profit de la branche vieillesse.

Afin de prendre en compte le rendement croissant de cette réforme, l’annexe 9 indique que le montant transféré chaque année à la branche vieillesse serait adapté en conséquence. Ce montant est estimé, pour les années suivantes, à :

– 333 millions d’euros pour 2025 ;

– 408 millions d’euros pour 2026 ;

– 520 millions d’euros pour 2027.

Ces dispositions ayant vocation à s’appliquer ultérieurement, l’article 10 ne les traduit pas directement. Aussi la rapporteure générale sera‑t‑elle particulièrement attentive au respect de la trajectoire annoncée dans les prochains projets de loi de financement.

2.   Le transfert de la branche famille vers la branche autonomie au titre du financement de l’assurance vieillesse des aidants (famille‑autonomie)

● L’article 25 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a créé l’assurance vieillesse des aidants (AVA) dans le but de permettre aux personnes contraintes d’interrompre ou de diminuer leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche en situation de handicap ou de dépendance de continuer de valider des trimestres d’assurance vieillesse ([119]).

Le principe de l’AVA, comme celui de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), est de permettre l’affiliation à l’assurance vieillesse du régime général des proches aidants en contrepartie de la prise en charge de leurs cotisations d’assurance vieillesse par la branche autonomie.

Si l’AVA couvre une partie des proches aidants déjà couverts par l’AVPF à défaut de dispositif dédié aux aidants ([120]), son champ d’application s’étend à deux catégories de personnes qui ne bénéficiaient d’aucune prise en charge de leurs cotisations :

– les aidants d’une personne adulte en situation de handicap, même s’ils ne cohabitent pas avec elle et mêmes s’ils ne sont pas des parents proches ;

– les parents d’enfants présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 % et éligibles à un complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), sous réserve que l’un des parents n’exerce aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel.

● Matériellement, la création de l’AVA s’est accompagnée d’une modification des règles de compensation entre branches. Auparavant, le coût des cotisations versées au titre de l’AVPF était pris en charge par la branche famille, y compris lorsqu’elles correspondaient aux cotisations des personnes relevant du volet « aidant ». L’AVA modifie cette logique en confiant la prise en charge des cotisations versées au profit des aidants à la branche autonomie, à l’exception notable des personnes affiliées au titre de l’allocation journalière de présente parentale (AJPP) qui est une prestation qui relève du champ de compétence de la branche famille.

Pour accompagner ce transfert de charges, estimé à 55 millions d’euros pour la seule année 2023, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a affecté 0,32 point de taxe sur les salaires en plus à la branche autonomie et diminué à due concurrence la part affectée à la branche famille ([121]).

Afin de tenir compte du coût de cette mesure en année pleine, le présent article parachève le transfert des recettes issues de la taxe sur les salaires de la branche famille vers la branche autonomie pour un montant supplémentaire de 92 millions d’euros.

Selon les calculs effectués par la rapporteure générale, et compte tenu des prévisions du rendement de la taxe sur les salaires pour 2024, ce montant correspondrait à un transfert de 0,51 point au profit de la branche autonomie et au détriment de la branche famille, conforme aux prévisions de l’annexe 9.

3.   Le coût supplémentaire pour le régime de retraite complémentaire des non‑salariés agricoles résultant de l’extension des mesures pour les petites retraites agricoles résultant de la loi « Chassaigne 1 » (MSA‑RCO)

● Dans le but d’améliorer les petites pensions agricoles, la loi dite « Chassaigne 1 » a modifié le mécanisme du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO) de façon à assurer aux agriculteurs un montant annuel de retraite égal à au moins 85 % du Smic net agricole ([122]).

Concrètement, les exploitants agricoles éligibles au CDRCO et dont le montant de la pension est inférieur à 85 % du Smic net agricole se voient attribuer un nombre de points de retraite complémentaire équivalent à ce qui leur manque pour atteindre ce seuil. Ce complément fait l’objet d’une proratisation en fonction de la durée d’assurance validée au régime des non‑salariés agricoles en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ([123]).

Jusqu’au 1er septembre 2023, ce mécanisme ne s’appliquait qu’aux chefs d’exploitation et d’entreprise agricole qui justifiaient de la durée d’assurance requise pour sa génération pour le bénéfice du taux plein. En étaient exclus les exploitants agricoles qui bénéficiaient du taux plein du fait d’une inaptitude, d’une incapacité permanente, de la pénibilité ou d’un handicap ou parce qu’ils avaient liquidé leurs droits à la retraite après l’âge d’annulation de la décote.

L’article 18 de la loi de financement rectificative pour 2023 a supprimé la condition liée à la durée d’assurance requise au profit d’une rédaction permettant d’appliquer le CDRCO à l’ensemble des agriculteurs bénéficiant du taux plein quelle qu’en soit la raison ([124]). La rapporteure générale rappelle que cette mesure bénéficie non seulement aux agriculteurs prenant leur retraite à partir du 1er septembre 2023, mais également à ceux qui avaient déjà liquidé leurs droits.

● Le coût pour le régime complémentaire des non‑salariés agricoles était estimé à 50 millions d’euros en année pleine. Afin de tenir compte de ce surcoût, l’article 18 de la loi de financement rectificative pour 2023 a opéré un transfert de 0,65 point de la part du produit de l’accise sur les alcools affectée respectivement au régime de base des non‑salariés et à leur régime complémentaire, au profit de ce dernier ([125]). Ce premier transfert correspondait au montant de la mesure estimée pour l’année 2023, soit 15 millions d’euros.

Le présent article s’inscrit dans le prolongement de la loi de financement rectificative pour 2023 en augmentant la quote‑part des droits d’accises sur l’alcool affectée au régime complémentaire des non‑salariés agricoles de 1,5 point, représentant 35 millions d’euros, et diminuant, à due concurrence, la quote‑part affectée au régime de base.

Ainsi, le 1° du II répercute cette baisse sur la part des droits d’accise sur les alcools affectée au régime de base des non‑salariés agricoles pour la faire passer de 26,02 % à 24,51 % tandis que le 2° du même II procède au mouvement inverse en augmentant la part de ces droits affectée au régime complémentaire des non‑salariés agricoles de 27,38 % à 28,89 %.

Ce transfert se traduira donc par une moindre recette pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) dont ne fait pas partie, par définition, le régime de retraite complémentaire des agriculteurs.

Si l’on peut s’étonner de l’accroissement de la part de la fiscalité des ressources d’un régime de retraite complémentaire, la rapporteure générale rappelle que l’utilisation de l’instrument des droits d’accise sur l’alcool pour opérer des transferts entre régime de base et régime complémentaire est la démarche retenue par le législateur pour compenser les surcoûts liés aux mesures de la loi « Chassaigne 1 » ([126]). Il y a donc une cohérence à mobiliser le même instrument pour l’extension de ces mesures à un nombre accru d’agriculteurs.

II.   L’adaptation des modalités de compensation de la réduction dégressive pour l’UnEdic dans l’objectif d’un financement des politiques de l’emploi (UnEdic‑État)

A.   Depuis 2019, le champ de la réduction dégressive sur les bas salaires a été étendu aux contributions d’assurance chômage

1.   La réduction dégressive de cotisations sociales sur les bas salaires

● Codifié à l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale ([127]), le dispositif d’allègement général est le fruit d’une harmonisation de plusieurs dispositifs d’exonérations de cotisations sociales qui coexistaient depuis les années 1990 et qui visaient à favoriser la création d’emplois par la réduction du coût du travail des personnes peu qualifiées.

En application de cet article, l’ensemble des employeurs du secteur privé soumis à l’obligation d’adhérer au régime d’assurance chômage et relevant du régime général ou des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires ainsi que certains employeurs publics bénéficient d’une exonération de cotisations sociales patronales applicables aux salaires n’excédant pas 1,6 Smic.

● Cette réduction de cotisations sociales présente un profil dégressif : maximale au niveau du Smic, elle diminue progressivement à mesure que le salaire augmente pour s’annuler totalement à 1,6 Smic.

Pour les cotisations et contributions acquittées à compter du 1er janvier 2022, la réduction dégressive sur les bas salaires permet d’exonérer entre 31,95 points et 32,35 points de cotisations patronales pour les entreprises ([128]).

Allègement du cout du travail en 2022 selon le niveau de salaire
pour les entreprises de plus de 50 salariés

Note de lecture : en cumulant la baisse du taux de cotisation famille, du taux de cotisation d’assurance maladie et le renforcement des allègements consécutif à la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la réduction du coût du travail atteint 40,2 % au niveau du Smic dans une entreprise de 50 salariés et plus au 1er janvier 2022. Cette réduction atteint 7,80 % entre 1,6 Smic et 2,5 Smic et 1,80 % entre 2,5 Smic et 3,5 Smic.

Source : direction de la sécurité sociale – annexe 1 au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.

Combinée à l’exonération de cotisations maladie de 6 points sur les salaires compris entre 0 et 2,5 Smic ([129]) – dite « bandeau maladie » – et à l’exonération de cotisations famille de 1,8 point sur les salaires n’excédant pas 3,5 Smic ([130]) – dite « bandeau famille » –, la réduction dégressive permet une baisse du coût du travail au niveau du Smic pouvant aller jusqu’à 40,2 % pour une entreprise de 50 salariés et plus.

2.   La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a étendu le périmètre de cette réduction aux contributions d’assurance chômage

● Initialement restreint aux cotisations de sécurité sociale proprement dites ([131]), le périmètre de la réduction dégressive de cotisations sociales a été étendu progressivement dans un objectif de montée en charge du dispositif.

Traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité mis en œuvre par le Président de la République d’alors, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 ([132]) a étendu la réduction dégressive aux cotisations AT‑MP, pour la seule partie « socle » dont s’acquittent les employeurs indépendamment de leur taux propre de sinistralité, à la contribution au Fonds national d’aide au logement et à la contribution de solidarité pour l’autonomie.

● Afin de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République d’amplifier la réduction du coût du travail, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([133]) a transformé les dispositifs du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) en allègement pérenne de cotisations.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)
et le crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS)

Conçu dans l’objectif de réduire davantage le coût du travail et d’améliorer la compétitivité des entreprises, le CICE était un crédit d’impôt ouvert aux entreprises imposées d’après leur bénéfice réel, au titre de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR). Il s’imputait sur l’impôt dû par le contribuable en année N+1. Initialement fixé à 4 %, son taux a été relevé à 6 % pour les rémunérations versées entre 2014 et 2016 puis à 7 % pour les rémunérations versées à compter de 2017 avant d’être réduit à 6 % par la loi de finances pour 2018. Le CICE était calculé sur l’assiette des cotisations sociales des rémunérations n’excédant pas 2,5 Smic.

Dans la mesure où les organismes du secteur non lucratif ne pouvaient bénéficier du CICE, faute d’être assujettis aux impôts portant sur les bénéfices, la loi de finances pour 2017 a instauré sur le modèle du CICE un CITS qui présentait un taux de 4 %.

Le CICE et le CITS ont été évalués par un comité de suivi placé sous l’autorité de France Stratégie. Ce comité de suivi a conclu à l’efficacité limitée du dispositif en termes d’amélioration du taux de marge des entreprises et de création d’emplois et à l’absence d’effet notable sur la compétitivité, l’investissement et les exportations.

Sur le plan technique, cette « bascule » s’est traduite par deux mesures distinctes :

– la création d’une exonération forfaitaire de cotisations sociales maladie de 6 points portant sur les salaires n’excédant pas 2,5 Smic ;

– le renforcement de la réduction dégressive portant sur les salaires n’excédant pas 1,6 Smic.

Dans la mesure où les employeurs étaient déjà exonérés de l’intégralité des cotisations sociales patronales relevant du champ de la sécurité sociale pour les rémunérations comprises entre 0 et 1,6 Smic, le renforcement de la réduction dégressive sur les bas salaires s’est matérialisé par une mesure inédite, l’extension de son champ aux cotisations dues au titre des régimes de retraite complémentaire gérés par l’Agirc-Arrco (6,01 %) et aux contributions d’assurance chômage versées par les employeurs à l’Unedic (4,05 %).

B.   Cette exonération est compensée à l’euro près pour l’UnEdic grâce à un circuit faisant intervenir l’Urssaf

● La réduction dégressive de cotisations sociales sur les salaires n’excédant pas 1,6 Smic fait l’objet d’une compensation par l’affectation de recettes fiscales ([134]). Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ([135]), cette compensation s’effectue « pour solde de tout compte ». En application du rapport dit « Charpy‑Dubertret » de 2018, les flux de transferts financiers de l’État vers la sécurité sociale ont été rationalisé au profit d’un recours accru à l’affectation de TVA. Les extensions de périmètre des allègements généraux aux contributions d’assurance chômage n’ont pas fait exception à cette philosophie et se sont logiquement accompagnées d’une augmentation des recettes de TVA affectées par l’État à la sécurité sociale.

1.   L’Urssaf assure la compensation à l’Unedic…

● Le 7° bis de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale confie à l’Urssaf la mission de compenser la perte de recettes résultant, pour l’Unedic, des exonérations de contributions d’assurance chômage. La compensation s’effectue « à l’euro près », ce qui implique que l’Urssaf verse à l’Unedic un montant correspondant à l’ensemble des contributions d’assurance chômage qu’elle recouvre, mais également celles qui sont recouvrées par d’autres organismes :

– par les caisses de mutualité sociale agricole lorsqu’elles sont dues au titre des salariés agricoles ([136]) ;

– par Pôle emploi lorsqu’elles sont dues au titre des salariés expatriés, des travailleurs indépendants, des marins ([137]) et des intermittents du spectacle ([138]) ;

– par la caisse de prévoyance sociale de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ([139]) ;

– par la caisse de sécurité sociale de Mayotte ([140]).

2.   …et bénéficie à cette fin d’une part de TVA affectée par l’État

● Afin de mener à bien cette mission, l’Urssaf bénéficie de l’affectation de 5,18 points de TVA ([141]) qu’elle répartit entre l’Agirc‑Arrco et l’Unedic au titre de la compensation des exonérations de cotisations de retraite complémentaire et de contributions d’assurance chômage.

Si l’on constate un écart entre le montant des cotisations effectivement recouvrées et le montant de la compensation affectée à l’Unedic, un mécanisme de régularisation permet de corriger ultérieurement cet écart de telle sorte que les conséquences d’un sous‑calibrage de la part de TVA affectée pèsent sur l’Urssaf Caisse nationale et pas sur l’Unedic.

Selon le rapport financier de l’Unedic pour 2022, le montant de la compensation financière au titre des exonérations de contributions d’assurance chômage s’est élevé à 4,5 milliards d’euros en 2022 ([142]), soit un peu plus de 10 % des ressources total de l’organisme. Ces chiffres concordent avec ceux publiés dans le rapport de M. Cédric Dutruel et de Mme Valentine Verzat fait au nom du Conseil des prélèvements obligatoires en février 2023 ([143]).

C.   l’excédent structurel de l’unEdic justifie qu’une partie de la compensation soit mise à contribution pour le renforcement des politiques de l’emploi

1.   L’excédent structurel de l’Unedic s’explique par une amélioration du marché de l’emploi et par des réformes ambitieuses de l’assurance chômage

a.   L’Unedic présente un solde structurellement excédentaire

● Le cadre organique résultant de la loi n° 2022‑354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoit que le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’accompagne chaque année d’une annexe présentant « les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage ». C’est l’annexe 8 ([144]).

Selon l’annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, le solde de l’assurance chômage atteindrait 5,2 milliards d’euros en 2023 du fait d’une croissance des recettes de 2,3 milliards d’euros supplémentaires, principalement liée au dynamisme de la masse salariale et à la création d’emplois ([145]), qui compensent l’augmentation d’1,5 milliard d’euros des dépenses provoquée par la hausse des salaires journaliers de références servant de base au calcul du montant des allocations versées et aux revalorisations exceptionnelles des allocations chômage par l’Unedic ([146]). Ces prévisions confirment le redressement spectaculaire du solde de l’assurance chômage entamé en 2022 mettant ainsi fin à douze années de déficit continu.

b.   Ce redressement résulte d’effets qui tiennent à la fois d’une conjoncture favorable et d’une réforme structurelle des règles de l’assurance chômage

● La situation financière de l’assurance chômage est fortement dépendante de la conjoncture économique et de l’état du marché de l’emploi. L’augmentation de la masse salariale entraîne mécaniquement une hausse des recettes tandis que la diminution du chômage réduit le montant des dépenses d’indemnisation.

S’agissant des recettes, le fort dynamisme de la masse salariale, soit + 8,7 % en 2022, a permis une augmentation des ressources de l’assurance chômage de 7,8 % en 2022.

● S’agissant des dépenses, deux effets cumulatifs expliquent l’amélioration de la situation financière de l’Unedic.

D’une part, l’emploi a fortement progressé depuis 2017, à tel point que le taux d’emploi – 73,6 % – a atteint son plus haut niveau depuis 1975, date à laquelle l’Insee a commencé à mesurer le taux d’emploi au sens du Bureau international du travail ([147]). Selon l’Insee, 1,2 million d’emplois ont été créés entre 2020 et 2022, soit l’équivalent du nombre cumulé d’emplois créés sur la décennie 2010‑2020, dont un tiers sont des contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. S’y ajoutent 122 800 emplois créés au premier semestre 2023.

D’autre part, la réforme de l’assurance chômage progressivement mise en place entre 2019 et 2021 a induit des économies structurelles de l’ordre de 2 milliards d’euros sur l’année 2022. La réforme de la « contracyclicité » devrait en outre permettre des économies de l’ordre de 700 millions d’euros en 2023.

La réforme de l’assurance chômage

Engagement de campagne du Président de la République, la réforme de l’assurance chômage s’est effectuée en deux étapes.

La réforme de 2019 visait trois objectifs principaux :

– lutter contre le recours abusif aux contrats courts via la mise en place d’un bonus‑malus sur les cotisations chômage qui pénalise les entreprises privilégiant le recours aux contrats à durée déterminée ;

– inciter à l’activité via l’instauration de nouvelles règles d’indemnisation de l’assurance chômage ;

– renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi par le renforcement des moyens de Pôle emploi.

En l’absence d’accord entre les partenaires sociaux, les nouvelles règles de l’assurance chômage ont été prises avec le décret n° 2019‑797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.

La deuxième étape de la réforme a été engagée en 2022. La loi n° 2022‑1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a autorisé le Gouvernement à prolonger l’application du régime résultant du décret du 26 juillet 2019 jusqu’au 31 décembre 2023. Depuis le 1er février 2023, la modulation des règles d’assurance chômage selon la situation sur le marché du travail renforce l’incitation au travail en période de conjoncture favorable et protège davantage les chômeurs lorsque la conjoncture se dégrade. La réforme de la « contracyclicité » induirait 700 millions d’euros de moindres dépenses d’indemnisation en 2024.

Les négociations entre partenaires sociaux sur les règles de l’assurance chômage ont débuté le 12 septembre 2023 sur la base d’un document de cadrage envoyé par le Gouvernement le 1er août 2023. À la date de publication du présent rapport, les négociations étaient toujours en cours.

Surtout, les prévisions montrent que la trajectoire excédentaire du régime s’amplifierait en 2024. Selon la trajectoire macroéconomique du Gouvernement et sous l’hypothèse d’un maintien des acquis des réformes de l’assurance chômage par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation actuellement en cours, le solde de l’assurance chômage s’établirait à 6,6 milliards d’euros

2.   L’existence d’un solde structurellement excédentaire justifie qu’une partie de la compensation soit mise à contribution pour le renforcement des politiques de l’emploi

● Dans cette situation, et compte tenu d’une amélioration de la situation financière de l’Unedic qui résulte en grande partie des décisions de l’État, il apparaît légitime qu’une partie de ces excédents soit mise à contribution pour approfondir et accélérer les politiques concourant à l’objectif de plein emploi.

Le 3° du I modifie le 7° bis de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale afin de plafonner la compensation de la réduction dégressive sur les contributions d’assurance chômage dans la limite d’un montant fixé par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget.

Le 4° du I modifie quant à lui le II de l’article L. 225‑6 du code de la sécurité sociale afin de prévoir les modalités de répartition de la TVA affectée à l’Urssaf Caisse nationale au titre de son rôle d’intermédiaire dans la compensation des réductions de cotisations de retraite complémentaire et de contributions d’assurance chômage. Dans la mesure où cette compensation ne serait plus assurée « à l’euro l’euro », un arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget fixerait les règles de répartition selon un schéma proche de celui retenu pour le partage du solde résultant de l’application des mécanismes de reversement sur sommes dues qui caractérisent les transferts financiers entre l’Urssaf et les attributaires des cotisations dont elle assure le recouvrement ([148]).

Ces dispositions entrent en vigueur dès le 1er janvier 2023.

● Selon l’annexe 9 et conformément au document de cadrage envoyé aux partenaires sociaux chargés de la gestion de l’assurance chômage, le plafond pour l’année 2023 sera fixé de telle sorte que l’État récupère 2 milliards d’euros. La chronique pour les années à venir est présentée dans le tableau ci-dessous.

Montant repris par l’État au titre de la compensation partielle de la réduction dégressive d’assurance chômage

 

2023

2024

2025

2026

Montant

2 milliards d’euros

2,5 milliards d’euros

3 milliards d’euros

3,5 milliards d’euros

Source : document de cadrage envoyé aux partenaires sociaux chargés de négocier les règles de l’assurance chômage.

Cette mesure est globalement neutre pour la sécurité sociale puisque la moindre compensation serait intégralement récupérée par l’État à travers la diminution de la part de TVA affectée à l’Urssaf Caisse nationale. La traduction législative de cette mesure est inscrite à l’article 32 du projet de loi de finances pour 2024. Compte tenu du rendement attendu de la TVA pour 2024 de 219,7 milliards d’euros, la récupération de 2,5 milliards d’euros équivaudrait à une diminution de la part de TVA affectée à l’Urssaf Caisse nationale d’1,14 point.

Si la mesure se traduit par de moindres recettes pour l’assurance chômage, celles‑ci doivent être mises en perspective avec la situation financière particulièrement favorable dans laquelle se trouve l’Unedic. Selon l’annexe 8, le solde de l’Unedic s’élèverait à 3,2 milliards d’euros en 2023, après reprise d’une partie des excédents. Malgré l’augmentation des reprises à horizon 2026, le solde continuerait de s’améliorer. Il serait ainsi de 4,1 milliards d’euros en 2024 en tenant compte de la moindre compensation. Cette trajectoire financière devrait permettre un remboursement progressif de la dette de l’assurance chômage qui passerait de de 60,7 milliards d’euros en 2022 à 53,4 milliards d’euros en 2024.

Dette et solde du régime d’assurance chômage
en comptabilité de trésorerie

Note de lecture : les soldes présentés ici intègrent les reprises de l’État prévues au titre de la compensation partielle.

Source : annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

III.   Certaines mesures tirent les conséquences de la modification du cadre organique et de mécanismes prévus par d’autres lois

1.   L’affectation à la branche maladie du rendement lié au renforcement de la taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques (famille-maladie)

● Dans un objectif de verdissement de la fiscalité applicable aux véhicules de tourisme, l’article 14 du projet de loi de finances pour 2024 renforce la taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques ([149]) à travers deux mesures portant plus spécifiquement sur la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone :

– l’augmentation du barème du malus CO2 ;

– la suppression du plafonnement actuel de ce malus à 50 % de la valeur d’acquisition du véhicule.

En application du 2° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale, cette taxe est intégralement affectée à la branche famille. Son rendement est attendu à 634 millions d’euros en 2023. Selon l’évaluation préalable de l’article 14 du projet de loi de finances, la réforme permettrait d’augmenter le rendement de la taxe sur les véhicules de tourisme de 200 millions d’euros. L’annexe 9 du présent projet de loi de financement précise que les recettes supplémentaires ont vocation à venir abonder la branche maladie.

● Juridiquement, ce transfert se matérialise par le b du 1° du I qui modifie le 2° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale afin de prévoir l’affectation de 24,10 % du produit des taxes sur l’affectation des véhicules de tourisme à des fins économiques, correspondant aux 200 millions d’euros de rendement attendus. La branche famille ne serait plus affectataire que de 75,90 % du rendement total de cette taxe mais le montant en valeur absolue resterait inchangé par rapport à 2023, de l’ordre de 630 millions d’euros.

La rapporteure générale s’étonne en premier lieu que la modification d’une taxe intégralement affectée à la sécurité sociale fasse l’objet d’une mesure inscrite en loi de finances plutôt qu’en loi de financement de la sécurité sociale. Ce point de méthode rappelé, et compte tenu du fait que le verdissement de la fiscalité sur les véhicules de tourisme vise notamment à compenser les externalités négatives liées à l’utilisation de véhicules fortement émetteurs de dioxyde de carbone sur l’environnement et la santé, la rapporteure générale se satisfait de l’affectation du rendement supplémentaire de cette taxe à la branche maladie, qui porte l’essentiel du déficit de la sécurité sociale pour 2024.

2.   Le transfert de la taxe de solidarité additionnelle à l’assurance maladie, une mise en cohérence avec le nouveau cadre organique sans incidence sur le financement de la complémentaire santé solidaire et de l’allocation supplémentaire d’invalidité (intra branche maladie)

● L’article 3 de la loi organique n° 2021‑1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a modifié l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) afin de préciser les modalités d’affectation des impositions de toute nature à des tiers.

En application du II de l’article 2 de la LOLF dans sa nouvelle rédaction, les impositions de toutes natures ne peuvent être affectées à un tiers autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées.

Conformément au IV, cette nouvelle règle s’appliquera à compter du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025.

● La taxe de solidarité additionnelle (TSA) aux cotisations d’assurance afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé, prévue à l’article L. 862‑4 du code de la sécurité sociale, est une imposition de toute nature assise sur le montant des sommes stipulées au profit des mutuelles, des institutions de prévoyance et des compagnies d’assurance au titre des contrats d’assurance maladie complémentaire qu’elles proposent à leur sociétaire ou leurs assurés.

Si son taux normal est fixé à 13,27 % pour les contrats « solidaires et responsables » ([150]), il est majoré à 20,27 % pour les contrats ne respectant pas les garanties solidaires et responsables. Par ailleurs, des taux réduits sont prévus pour les contrats assurant des garanties responsables aux agriculteurs, pour ceux assurant le versement d’indemnités journalières solidaires et pour certains contrats de complémentaire d’entreprise.

Affectation de la taxe de solidarité additionnelle

Source : direction de la sécurité sociale.

Le rendement de la taxe est estimé à 5,5 milliards pour l’année 2023, montant qui devrait être stable en 2024 – 5,7 milliards ([151]).

● Le 8° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale prévoit que le produit de la taxe de solidarité additionnelle est aujourd’hui affecté prioritairement :

– au fonds de financement de la complémentaire santé solidaire (C2S) ([152]), à hauteur de la différence entre ses charges et ses autres produits. En réalité, ce fonds ne bénéficie d’aucune autre recette que la TSA ;

– au fonds de financement de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ([153]), à hauteur de ses charges.

Le solde restant est affecté à l’assurance maladie.

Or, ni le fonds de financement de la complémentaire santé solidaire, ni le fonds de financement de l’allocation supplémentaire d’invalidité tous deux rattachés à la Caisse nationale de l’assurance maladie, ne disposent de la personnalité morale. L’affectation de la TSA à ces deux fonds ne respecte donc pas les règles du cadre organique relatif aux lois de finances qui entreront en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025.

● Afin de remédier à cette situation, le c du 1° du I modifie le 8° de l’article L. 131‑8 précité afin d’affecter la TSA juridiquement à la Caisse nationale de l’assurance maladie. Cette modification n’entraîne aucune conséquence sur le montant de TSA affecté au fonds de financement de la complémentaire santé solidaire et au fonds de financement de l’allocation supplémentaire d’invalidité puisque l’article L. 131‑8 précise que l’affectation de la TSA à la Cnam se fait au titre du financement de la C2S et de l’ASI dans les mêmes conditions qu’à l’heure actuelle.

Cette mesure n’a donc pas d’incidence financière et se borne à mettre en conformité les modalités d’affectation de la TSA aux règles découlant du nouveau cadre organique relatif aux lois de finances.

3.   La mise en cohérence des dépenses de la branche autonomie au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap

● L’article L. 223‑8 du code de la sécurité sociale précise que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) participe au financement d’une partie du coût de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) dont la charge incombe aux départements.

L’article L. 223‑9 du même code plafonne cette participation à un montant fixé en fonction du produit des recettes fiscales affectées à la CNSA soit :

– une part de CSG en application de l’article L. 131‑8 dudit code ;

– le produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie ([154]) :

– et le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ([155]).

Ce plafond est fixé :

– à 7,70 % de ce produit pour le financement de l’APA ;

– à 2,00 % de ce produit pour le financement de la PCH.

● En application de l’article 3 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie ([156]), une quote‑part de 0,15 point de CSG actuellement affectée à la Cades sera transférée à la CNSA à compter du 1er janvier 2024.

Ce transfert représenterait environ 193 millions d’euros de recettes supplémentaires pour la CNSA, le montant total de la CSG nette des charges liées au non recouvrement étant estimé à 128,8 milliards d’euros pour 2024.

Compte tenu des règles de fixation des concours de la CNSA aux dépenses d’APA et de PCH, cette hausse se répercuterait mécaniquement sur les plafonds et pourrait entraîner un surcroit de dépenses de la branche autonomie qui n’est pas souhaité. L’annexe 9 évalue le surcoût potentiel à 250 millions d’euros.

Afin de tirer les conséquences du renforcement des recettes de la CNSA, le 2° du I adapte le plafond applicable aux concours de la CNSA aux dépenses de PCH afin de le faire passer de 2,00 % du total de ses recettes fiscales à 1,75 %.

Le II procède à une modification similaire s’agissant du plafond du concours de la CNSA aux dépenses d’APA. Compte tenu de la montée en charge progressive de la participation de la CNSA au titre des dépenses d’APA résultant de la possibilité pour les bénéficiaires de l’allocation de se voir proposer un temps dédié à l’accompagnement et au lien social par l’équipe médico‑sociale chargée d’élaborer leur plan d’aide, le présent article adapte la trajectoire fixée par l’article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([157]) de la façon suivante :

Trajectoire du plafond du concours de la CNSA au financement de l’APA

 

Plafond applicable en application de la LFSS pour 2023

Plafond proposé dans le PLFSS pour 2024

Différentiel

2024

7,9 %

7,39 %

-0,51 pt

2025

8,1 %

7,57 %

-0,53 pt

2026

8,3 %

7,75 %

-0,55 pt

2027

8,4 %

7,93 %

-0,47 pt

2028

8,6 %

8,1 %

-0,5 pt

Selon les calculs de la rapporteure générale sur la base des données publiées en annexe 3, cette baisse des plafonds se traduirait, en valeur absolue, par une économie potentielle de 311 millions d’euros, soit 60 millions d’euros de plus que les 250 millions d’euros mentionnés en annexe 9.

IV.   Impact financier global et récapitulation des instruments de transferts

1.   La loi de finances pour 2024 adapte la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

● Selon l’annexe 3 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, les mesures de transferts de recettes entre l’État et la sécurité sociale contribueraient à améliorer le solde des régimes de base de 200 millions d’euros.

Les mouvements concernant la part de TVA affectée à la sécurité sociale sont résumés dans le tableau ci‑dessous :

Résumé des transferts de TVA

 

Montant (en millions d’euros)

Transferts financiers

199

Affectation à la branche vieillesse du rendement de la réforme des retraites pour le régime de la fonction publique d’État

194

Autres mesures

5

Source : évaluation préalable de l’article 32 du PLF pour 2024.

Ce transfert correspond, pour 2024, à 0,09 point de TVA, ce qui est conforme à l’article 32 du projet de loi de finances.

● La part de TVA juridiquement affectée à la sécurité sociale s’élèverait donc à 28,57 %, ce qui correspond à 62,8 milliards d’euros, desquels il faut déduire les 2,5 milliards d’euros de minoration de la compensation de la réduction dégressive pour l’Unedic. Ces 2,5 milliards d’euros ne s’imputent toutefois pas sur le solde des ROBSS puisque l’Urssaf Caisse nationale ne joue, en la matière, qu’un rôle d’intermédiaire entre l’État et l’Unedic.

2.   Les transferts interbranches ou interrégimes

Au total, les transferts financiers interbranches comptent ainsi :

– un mouvement de 199 millions d’euros de l’État vers la branche maladie, principalement au titre du rendement de la réforme des retraites pour le régime de la fonction publique d’État (TVA), dont 194 millions serait finalement transférés à la branche vieillesse (taxe sur les salaires) ;

– un mouvement de 92 millions d’euros de la branche famille vers la branche autonomie au titre des charges liées à l’assurance vieillesse des aidants (taxe sur les salaires) ;

– un mouvement de 200 millions d’euros de la branche famille vers la branche maladie au titre de l’affectation à cette dernière du rendement lié au renforcement de la taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques prévu par l’article 14 du projet de loi de finances (taxe sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques). La branche maladie rétrocèderait néanmoins 100 millions d’euros de ce rendement à la branche vieillesse (taxe sur les salaires) ;

– un mouvement de 35 millions d’euros du régime de base des non‑salariés agricoles vers leur régime complémentaire pour tenir compte du coût, en année pleine, de l’extension du bénéfice des mesures « Chassaigne 1 » pour les petits exploitants agricoles (droits d’accise sur les alcools).

3.   La modification de la clef de répartition de la taxe sur les salaires « factorise » ces mouvements entre branches

Le a du 1° du I modifie la clef de répartition de la taxe sur les salaires afin de répercuter la majeure partie des transferts :

– la part affectée à la branche vieillesse augmenterait de 2,20 points passant de 53,37 % à 55,57 % ;

– la part affectée à la branche famille diminuerait de 0,51 point passant de 16,87 % à 16,36 %, traduisant la mesure de transfert liée à la création de l’AVA ;

– la part affectée à la branche maladie serait en baisse de 2,20 points passant de 25,19 % à 22,99 % ;

– la part affectée à la branche autonomie serait en hausse de 0,51 point passant de 4,57 % à 5,08 %, effet miroir de la diminution de la part affectée à la branche famille.

La rapporteure générale relève que, selon ses calculs, la clef de répartition inscrite à l’article 10 ne correspond pas exactement aux montants des transferts prévus. En effet, les transferts entre la branche maladie et la branche vieillesse s’élèvent à 294 millions d’euros, soit 1,64 points de taxe sur les salaires pour 2024 répartis comme suit :

– 1,08 point correspond au transfert du rendement de la réforme des retraites pour le régime de la fonction publique d’État pour 194 millions d’euros ;

– 0,56 point correspond à la rétrocession, par la branche maladie, d’une partie du rendement lié au verdissement de la fiscalité sur les véhicules pour 100 millions d’euros.

Il subsiste donc un delta de 0,56 point, soit 100 millions d’euros transférés de la branche maladie à la branche vieillesse qui ne correspondent à aucun des mouvements prévus par le présent article. Dans la mesure où aucune information transmise à la rapporteure générale n’explique cet écart, celui‑ci devra être corrigé par voie d’amendement lors de l’examen en séance publique.

4.   L’impact financier global

Comme chaque année, le tableau ci‑dessous récapitule les mouvements résultant des transferts financiers prévu à l’article 10.

Organismes

(régime, branche, fonds)

Impact financier en droits constatés (en millions d’euros)

Économie ou recette supplémentaire (signe +)

Coût ou moindre recette (signe -)

2023 (rectificatif)

2024

2025

2026

2027

ROBSS

 

+ 609

+ 755

+ 838

+ 959

Maladie

 

+ 100

+ 100

+ 100

+ 100

AT-MP

 

 

 

 

 

Famille

 

– 92

– 92

– 92

– 92

Vieillesse

 

+ 260

+ 399

+ 474

+ 586

Autonomie

 

+ 341

+ 348

+ 356

+ 365

Régime complémentaire agricole (RCO)

 

+ 35

+ 35

+ 35

+ 35

Tableau récapitulatif de l’impact de l’article 10 sur les régimes

Source : annexe 9 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

*

*     *

 

 

 


 

Chapitre III
Améliorer la lisibilité de la régulation macroéconomique des produits de santé

Article 11
Simplification des mécanismes de régulation macroéconomique des produits de santé

L’article 11 comporte plusieurs mesures visant à simplifier les mécanismes de régulation macroéconomique des produits de santé.

La principale réforme réside dans la modification de la base sur laquelle est assise la clause de sauvegarde du médicament. Le passage à une assiette calculée en montants remboursés par l’assurance maladie plutôt qu’en chiffres d’affaires hors taxe dégagés par les entreprises pharmaceutiques vise à sécuriser et fiabiliser le déclenchement de la clause de sauvegarde ainsi que le calcul de la contribution afférente. Prévue à rendement constant de la contribution L, cette mesure de simplification devrait permettre de réduire les difficultés liées au processus déclaratif qui provoque des retards dans le calcul et le paiement la contribution au détriment de l’efficacité de son recouvrement et de la lisibilité pour les entreprises.

En outre, l’article aligne le calendrier d’appel et de versement de la contribution due au titre de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux sur celui applicable à la clause de sauvegarde du médicament.

Par ailleurs, et comme chaque année, l’article 11 fixe le montant M de la clause de sauvegarde du médicament à 26,4 milliards d’euros pour 2024. Il fixe le montant Z de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux à 2,31 milliards d’euros.

I.   le droit en vigueur : La dÉfinition de l’assiette de la clause de sauvegarde du mÉdicament sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques entraÎne des difficultÉs dans l’application et la prÉvisibilitÉ du mÉcanisme

A.   La clause de sauvegarde du mÉdicament est un dispositif de rÉgulation des dÉpenses de mÉdicaments assis sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques

1.   Un dispositif de régulation macroéconomique des dépenses de médicaments

● Instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 1999 ([158]), la clause de sauvegarde du médicament est un levier fiscal de régulation et de maîtrise des dépenses d’assurance maladie qui repose sur le principe suivant : lorsque le total des dépenses annuelles de médicaments dépasse un seuil légal – appelé montant M –, les entreprises pharmaceutiques sont conduites à verser à la sécurité sociale une contribution – appelée contribution L – pour compenser la hausse des dépenses de médicaments.

La création cette clause répondait au souci spécifique de mieux lier les objectifs de maîtrise des dépenses de santé au chiffre d’affaires lié à la production et à la vente de médicaments remboursables par l’industrie pharmaceutique, lequel chiffre d’affaires est corrélé aux dépenses du système d’assurance maladie.

Cette contribution, qui ne s’applique que si ces dépenses dépassent un seuil fixé à l’avance en LFSS, exerce ainsi une forte incitation à destination des industries pour qu’elles concluent des accords avec les autorités de régulation en amont. À défaut, elles se retrouvent soumises à une imposition en aval dont le montant peut parfois être significatif.

Les importantes réformes mises en œuvre depuis 2015 n’ont pas remis en cause les principes essentiels de son fonctionnement, validés par le Conseil constitutionnel tant au regard des principes d’égalité devant les charges publiques que de liberté contractuelle ([159]).

2.   La clause de sauvegarde du médicament repose sur quatre paramètres

a.   Le périmètre : la liste des médicaments sur lesquels s’applique le dispositif

● En application de l’article L. 138‑10 du code de la sécurité sociale, le chiffre d’affaires retenu pour l’application de la clause de sauvegarde est celui réalisé sur :

– les médicaments remboursables dispensés en officines ([160]) ;

– les médicaments pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation – autrement appelés médicaments de la « liste en sus » ([161]) ;

– les médicaments vendus au détail par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, inscrit sur la « liste rétrocession » ([162]) ;

– les médicaments bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), soit au titre de l’accès précoce, soit à celui de l’accès compassionnel ([163]) ;

– les préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique bénéficiant d’une autorisation d’importation et prises en charge par l’assurance maladie ([164]) ;

– les médicaments bénéficiant du dispositif de prise en charge d’accès direct prévu à l’article 62 de la loi n° 2021‑1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 ([165]) ;

– à compter de 2024, les médicaments acquis par Santé publique France pour faire face aux menaces sanitaires graves ([166]).

● Ce périmètre ne correspond qu’à des médicaments remboursables par l’assurance maladie. N’y sont donc pas inclus les médicaments qui ne font l’objet d’aucune prise en charge par la sécurité sociale, ce qui apparaît cohérent avec le principe de la clause de sauvegarde qui vise à limiter les dépenses de médicaments susceptibles d’obérer le respect de la trajectoire de l’Ondam.

Réforme du système dérogatoire d’accès et de prise en charge des médicaments

L’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a refondu totalement l’ancien système dérogatoire d’accès et de prise en charge des médicaments faisant l’objet d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et de recommandations temporaires d’utilisation (RTU) tout en garantissant la pérennisation des accès pour les patients. Cette réforme permet de simplifier et d’harmoniser les procédures, de garantir un accès et une prise en charge immédiats des patients tout en assurant la soutenabilité financière du dispositif.

À cette fin, deux nouveaux dispositifs d’accès et de prise en charge par l’assurance maladie sont entrés en vigueur le 1er juillet 2021 :

 l’« accès précoce », qui englobe les médicaments répondant à un besoin thérapeutique non couvert, potentiellement innovants et pour lesquels le laboratoire s’engage à déposer une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou une demande de remboursement de droit commun ;

 l’« accès compassionnel », qui vise les médicaments non nécessairement innovants, qui ne sont pas initialement destinés à obtenir une AMM mais qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique non couvert.

Ces médicaments sont pris en charge à hauteur de 100 % par l’assurance maladie, dès l’octroi de l’autorisation ou du cadre de prescription.

S’y ajoute, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, un mécanisme expérimental d’accès direct réservé aux spécialités pharmaceutiques ne faisant pas l’objet d’une autorisation d’accès précoce dans une indication particulière mais qui disposent d’une AMM pour cette même indication. Ces spécialités peuvent être prises en charge temporairement par l’assurance maladie.

Source : ministère de la santé et de la prévention.

b.   L’assiette : le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, minoré des contributions et remises négociées en amont

● La clause de sauvegarde et la contribution L sont assises sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France hexagonale et dans les départements d’outre‑mer – hors Mayotte – au cours de l’année civile. Ce chiffre d’affaires est apprécié au niveau agrégé comme étant la somme des chiffres d’affaires de chacune des entreprises pharmaceutiques correspondant à la vente des médicaments entrant dans le périmètre de la clause. Pour autant, cette assiette est grevée d’un certain nombre d’exemptions. Le chiffre d’affaires déclaré par chaque entreprise pharmaceutique est ainsi minoré des montants suivants ([167]) :

– les contributions et remises versées dans le cadre de la régulation des dépenses de médicaments destinés au traitement de l’hépatite C (clause W) ;

– les différentes remises consenties par les fabricants et dont le détail fait l’objet de l’encadré ci‑après.

L’encadrement juridique du versement des remises

Le code de la sécurité sociale prévoit, pour les entreprises, la possibilité ou l’obligation de verser des remises à différents articles :

– les articles L. 162-17-5 et L. 162-22-7-1 prévoient que le Comité économique des produits de santé (Ceps) peut fixer, pour les médicaments inscrits sur l’une des listes ouvrant le droit au remboursement au titre de leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ou pour les produits et prestations pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation, le montant des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) au‑delà duquel il peut décider de baisser le prix ou le tarif de responsabilité des produits et prestations concernés ; il est toutefois prévu que les entreprises qui exploitent ces produits et prestations puissent solliciter auprès du Ceps un versement sous forme de remise à l’assurance maladie d’un montant égal à la perte de chiffre d’affaires annuel qui résulterait de l’application de la baisse tarifaire, notamment si elle veut toujours afficher un « prix facial » élevé ;

– l’article L. 162-18 prévoit que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent s’engager, individuellement ou collectivement, par une convention nationale, à faire bénéficier la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) d’une remise sur tout ou partie du chiffre d’affaires réalisé en France ;

– l’article L. 162‑18‑1 prévoit l’existence de remises dues par les entreprises qui exploitent une spécialité inscrite sur la liste en sus au titre d’une indication mais dispensées en association de traitement pour une indication différente et prise en charge à ce titre par l’assurance maladie. Les remises sont calculées sur la base du chiffre d’affaires hors taxes facturé aux établissements de santé et aux hôpitaux des armées au titre des indications en association ;

– l’article L. 162‑18‑2 prévoit l’application de remises spécifiques dans le cas où une spécialité est inscrite sur la liste des médicaments remboursables ou une liste en sus pour un périmètre d’indications thérapeutiques plus restreint que celui dans lequel elle présente un service médical rendu suffisant ;

– les articles L. 162‑16‑5‑1‑1 et L. 162-16-5-2, dans leur rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, concernent les laboratoires titulaires des droits d’exploitation d’une spécialité bénéficiant d’autorisation d’accès précoce ; il prévoit que pour chaque indication d’une spécialité faisant l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie, l’entreprise exploitant la spécialité reverse chaque année des remises calculées sur la base d’un barème progressif par tranche de chiffre d’affaires facturé aux établissements de santé, au titre de l’indication et de la période considérées ;

– l’article 62 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit, à titre expérimental, le versement de remises pour les entreprises qui exploitent des médicaments bénéficiant d’un « accès direct ». Cette remise s’effectue selon le même modèle que celles prévues au titre de l’accès précoce (barème progressif par tranche de chiffre d’affaires).

Le Ceps peut accorder aux entreprises des « avoirs sur remises », pouvant venir en déduction des remises dues à l’assurance maladie en application de clauses conventionnelles ou des contributions dues en cas de dépassement du taux M pour les médicaments. Ces « avoirs sur remises » sont calculés sur la base du prix et du nombre d’unités vendues : ils peuvent notamment être accordés dans le cadre de baisses conventionnelles de prix (sauf lorsque celles-ci se font en application de clauses conventionnelles ou qu’elles concernent les médicaments génériques).

● S’agissant de la contribution en elle‑même, les exemptions rappelées ci‑dessus s’accompagnent également d’une exemption portant sur les remises consenties par chaque entreprise dans le cadre d’accords conclus avec le Ceps et portant sur tout ou partie du montant dû au titre de la contribution ([168]).

Passage du chiffre d’affaires Brut À l’assiette de la contribution (2022)

Source : rapport à la Première ministre de la mission sur la régulation des produits de santé.

L’existence de ces exemptions d’assiette complexifie sensiblement le calcul du montant du chiffre d’affaires pris en compte pour déterminer si le montant M est dépassé. Elle s’inscrit néanmoins parfaitement dans la logique de la clause de sauvegarde qui n’a vocation à intervenir qu’en dernier recours lorsque les autres mécanismes de régulation du prix prévus en amont n’ont pas réussi à maintenir les dépenses de médicaments à un niveau compatible avec le respect de l’Ondam.

c.   Le montant : le chiffre d’affaires auquel est appliqué un taux fixé selon un barème progressif

● Le montant total de la contribution due lorsque la somme des chiffres d’affaires des entreprises pharmaceutiques excède le montant M est fixé dans les conditions prévues à l’article L. 138‑12 du code de la sécurité sociale.

Son calcul résulte de l’application au chiffre d’affaires excédant le montant M d’un taux fixé selon un barème progressif et qui dépend de l’ampleur du dépassement.

BarÈme de la contribution L sur le mÉdicament

CHIFFRE D’AFFAIRES
de l’ensemble des entreprises redevables (CA)

TAUX DE LA CONTRIBUTION
(exprimé en % de la part du chiffre d’affaires concernée)


CA supérieur à M et inférieur ou égal à M multiplié par 1,005


50 %


CA supérieur à M multiplié par 1,005 et inférieur ou égal à M multiplié par 1,01


60 %


CA supérieur à M multiplié par 1,01


70 %

Source : article L. 138-12 du code de la sécurité sociale.

Le calcul sur la base d’un barème progressif est historique puisque son existence coïncide avec la création de la contribution.

d.   La répartition : les règles de partage de la contribution entre chaque entreprise

● La contribution due par chaque entreprise redevable est déterminée à concurrence de 70 %, au prorata de son chiffre d’affaires et, à concurrence de 30 %, en fonction de la progression de son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente ([169]).

Afin de s’assurer que les capacités contributives de chaque entreprise ne sont pas dépassées, le montant de la contribution due par chacune d’entre elle est plafonné à 10 % de son chiffre d’affaires au titre de l’ensemble des médicaments qu’elle exploite, y compris les spécialités non remboursables.

3.   Les principales modifications intervenues ces dernières années

● La clause de sauvegarde du médicament a été régulièrement modifiée depuis 2015. Ces modifications ont fait l’objet de commentaires détaillés de la part de la rapporteure générale et de ses prédécesseurs. Il ne s’agit donc pas d’en faire une présentation exhaustive mais il n’est pas inutile de rappeler les dernières grandes étapes intervenues :

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a considérablement rationalisé la clause de sauvegarde en unifiant les clauses applicables aux dépenses réalisées en ville – taux « Lv » – et à l’hôpital – taux « Lh » –, en abandonnant le principe d’un seuil de déclenchement calculé à partir du taux d’évolution – par définition très sensible à la réalisation de l’année précédente – pour lui préférer un montant fixé en valeur absolue et en modifiant l’assiette afin de réintégrer les exemptions liées aux remises d’une part, et de supprimer celles afférentes aux génériques et aux médicaments sur les maladies orphelines d’autre part ;

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a modifié les règles de calcul des remises afin d’inciter les entreprises à concéder des baisses de prix dans le cadre des accords conclus avec le Ceps en introduisant un taux progressif à l’effort consenti en remises de prix ;

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit l’intégration des stocks de l’État acquis par Santé publique France dans le périmètre des médicaments pris en compte pour le calcul de la clause de sauvegarde.

● En outre, la loi de financement pour 2020 a créé une clause de sauvegarde spécifique pour les dispositifs médicaux ([170]) – contribution Z – dont le principe est similaire mais qui se distingue de la clause de sauvegarde du médicament par plusieurs aspects :

– l’assiette porte sur le montant remboursé par l’assurance maladie et non sur le chiffre d’affaires déclaré au titre des médicaments remboursables ;

– le périmètre est plus restreint car il ne porte que sur les produits inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation ainsi que, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, sur les produits et prestations bénéficiant d’une prise en charge transitoire du fait de leur caractère innovant et dans l’attente de leur inscription sur la LPPR ;

– la répartition de la contribution entre les entreprises redevables s’effectue au prorata du montant remboursé en année N, sans faire intervenir le taux d’évolution des montants remboursés sur les années précédentes.

B.   Les modalitÉs de dÉtermination de l’assiette de la clause de sauvegarde du mÉdicament nuisent au recouvrement de la contribution et À la prÉvisibilitÉ de son montant

1.   Un mécanisme d’application collective reposant sur les déclarations individuelles des entreprises

● Dans la mesure où l’assiette repose sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, sa détermination suppose nécessairement la mise en place d’un processus déclaratif dont les modalités sont fixées à l’article L. 138‑15 du code de la sécurité sociale.

Les entreprises sont ainsi tenues de déclarer aux Urssaf dont elles relèvent le montant du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année au titre de laquelle la contribution est due – année N – avant le 1er avril de l’année suivante – année N+1.

Les Urssaf transmettent ensuite les chiffres d’affaires déclarés au Ceps afin qu’il puisse vérifier l’exactitude des données. Le Ceps communique aux Urssaf, avant le 15 juillet de l’année N+1, les éventuelles différences qu’il a constatées dans les déclarations de chiffre d’affaires ainsi que le montant des remises venant en déduction de l’assiette.

En cas de différences, les entreprises disposent d’un délai de quinze jours pour rectifier la déclaration qu’elles ont transmis.

La notification des montants dus par chaque entreprise est effectuée par les Urssaf le 1er octobre de l’année N+1. Les entreprises disposent d’un mois pour procéder au versement de la contribution qui doit intervenir le 1er novembre au plus tard.

Calendrier de dÉtermination du montant M jusqu’au versement de la contribution L

Source : rapport à la Première ministre de la mission sur la régulation des produits de santé.

 

2.   ... et qui admet mal les retards et les erreurs de déclaration de chiffres d’affaires

● Or, dans la mesure où le déclenchement de la clause de sauvegarde repose sur l’assiette agrégée des chiffres d’affaires des entreprises pharmaceutiques, la moindre erreur ou le moindre retard dans la déclaration d’une entreprise met en péril le respect du calendrier de l’ensemble du dispositif. Il en découle plusieurs problèmes :

– les Urssaf soulèvent régulièrement des difficultés dans le processus de recouvrement, lesquelles se traduisent par des aménagements de calendrier et des régularisations tardives. Comme cela est précisé dans la fiche d’évaluation du présent article, pour la contribution due au titre de l’exercice 2021, la date limite de déclaration fixée légalement au 1er avril 2022 a été repoussée à plusieurs reprises, ce qui a conduit à décaler d’autant la date limite de paiement, laquelle n’a pu intervenir qu’au printemps 2023 ;

– un manque de prévisibilité pour les entreprises redevables, susceptibles de créer des aléas de gestion d’autant plus important que le montant de la contribution a fortement progressé ces dernières années ([171]).

● Afin de pallier ce problème, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a instauré un mécanisme de sanction à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas les dates limites de déclaration et de rectification sous la forme d’une majoration forfaitaire pour déclaration tardive.

Cette majoration forfaitaire est égale à 0,05 % du chiffre d’affaires hors taxes total déclaré par l’entreprise, par période de quinze jours de retard. Elle est néanmoins plafonnée à 100 000 euros.

3.   De manière générale, la fixation de l’assiette de la clause de sauvegarde répond à des règles trop complexes

● Indépendamment des difficultés liées au processus déclaratif, force est de constater que la détermination de l’assiette de la clause de sauvegarde du médicament répond à des règles d’une complexité redoutable. Cette complexité est par ailleurs exacerbée par la multiplication des réformes relatives à cette clause, laquelle fait l’objet de modifications quasi annuelles au détriment de la stabilité juridique et de la prévisibilité de ses conséquences pour les acteurs.

Cela étant rappelé, il apparaît nécessaire d’apporter des simplifications dans la détermination de l’assiette de la clause et d’alléger considérablement les lourdeurs administratives liées au processus déclaratif. C’est l’objectif poursuivi par le présent article.

II.   LE droit proposÉ : L’article 11 harmonise les modalitÉs de dÉtermination de l’assiette et le calendrier de versement des contributions L et Z et fixe les montants pour 2024

A.   Les modalitÉs de dÉtermination de l’assiette et les calendriers des clauses de sauvegarde seraient harmonisÉs

1.   Un changement de philosophie : la détermination de l’assiette de la clause de sauvegarde du médicament sur la base des montants remboursés par l’assurance maladie

● Comme cela a été rappelé précédemment, la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux est assise sur le montant remboursé par l’assurance maladie. Ainsi que le précisait le rapporteur général dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, cela « permet une parfaite adéquation de la mesure avec son objectif de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie ».

Dans un objectif d’harmonisation des règles applicables aux clauses de sauvegarde, le présent article prévoit d’asseoir la clause de sauvegarde du médicament sur les montants remboursés par l’assurance maladie plutôt que sur le chiffre d’affaires effectué au titre des médicaments remboursables. Ce choix rejoint la recommandation A.1 formulée par la mission « régulation des produits de santé » dont les conclusions ont été rendues en août 2023, laquelle proposait notamment de basculer le calcul de la clause de sauvegarde vers une approche en dépenses « remboursées » ([172]). Au‑delà d’une simple harmonisation, il s’agit surtout d’une mesure de simplification qui entraîne plusieurs conséquences sur l’amélioration du recouvrement et de la prévisibilité du dispositif.

● Le a du 1° du I modifie substantiellement l’article L. 138‑10 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que les entreprises pharmaceutiques sont assujetties à une contribution lorsque « le montant remboursé par l’assurance maladie aux assurés sociaux [...] est supérieur à un montant M déterminé par la loi ». Le i du b du même 1°, le i du a du 4°, le b du même 4° et le ii du b du 5° tirent les conséquences de cette modification en substituant aux mots « chiffres d’affaires de l’entreprise » les mots : « montant remboursé par l’assurance maladie » respectivement :

– au II de l’article L. 138‑10 – fixant le périmètre des médicaments pris en compte dans l’assiette ;

– aux premier et troisième alinéas de l’article L. 138‑13 – relatif aux remises accordées et venant en déduction de la contribution due ;

– et à l’article L. 138‑15 du code de la sécurité sociale – prévoyant la sanction en cas de non‑respect du délai de correction par les entreprises.

● Le même procède en outre à des ajustements concernant le périmètre de la clause de sauvegarde et les éléments venant en déduction de son assiette.

S’agissant du périmètre, et par coordination avec l’article 35 du présent projet de loi de financement, le ii du b ajoute à la liste des médicaments pris en compte pour le calcul de la clause de sauvegarde les médicaments en fin de prise en charge au titre de l’accès précoce et bénéficiant de la nouvelle prise en charge dérogatoire et temporaire prévue par l’article 35 du présent projet de loi de financement (nouvel article L. 16216512 du code de la sécurité sociale([173]).

S’agissant des éléments venant minorer l’assiette de la clause, le présent article prévoit de déduire :

– les marges réglementées de distribution des grossistes répartiteurs et des pharmaciens d’officine prévues par les décisions prises sur le fondement de l’article L. 162‑38 du code de la sécurité sociale ;

– les honoraires de dispensation dues aux pharmaciens par les assurés sociaux et définis par voie conventionnelle en application de l’article L. 162‑16‑1 du même code ;

– les taxes en vigueur.

En effet, ces trois composantes du prix du médicament sont intégrées dans le montant remboursé in fine par l’assurance maladie sans pour autant relever de la responsabilité des entreprises pharmaceutiques. Elles n’ont donc pas vocation à intervenir dans le calcul d’une contribution dont elles sont redevables.

● Le principal avantage de la « bascule » vers une assiette reposant sur le montant remboursé et non sur le chiffre d’affaires réside dans le fait que les données nécessaires à son calcul sont directement disponibles par l’administration, ce qui permet de se dispenser du système déclaratif en vigueur à l’heure actuelle. À cette fin, le 2° du I propose une nouvelle rédaction de l’article L. 138‑11 prévoyant que la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et Santé publique France transmettent à l’Urssaf Caisse nationale les éléments nécessaires au calcul de l’assiette de la contribution.

La nouvelle rédaction de l’article L. 138‑11 maintient la compétence du Ceps pour transmettre à l’Urssaf Caisse nationale les montants des remises venant en déduction de l’assiette de la contribution. Elle simplifie en revanche la rédaction de l’article, lequel renverra directement aux « remises mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 13810 » plutôt que de procéder à une seconde énumération superfétatoire.

Par voie de conséquence, le 5° du I modifie l’article L. 138‑15 pour :

– supprimer les dispositions relatives aux déclarations de chiffre d’affaires par les entreprises pharmaceutiques, lesquelles deviennent inutiles, pour les remplacer par une disposition prévoyant que la Cnam, l’ATIH et Santé publique France transmettent le montant total remboursé par l’assurance maladie pour chacune des entreprises redevables avant le 15 juillet de l’année N+1 (i du a) ;

– supprimer le rôle de vérification de chiffre d’affaires actuellement confié au Ceps, ce qui allège la procédure d’une étape devenue superfétatoire (ii du a) ;

– prévoir que l’Urssaf Caisse nationale communique aux entreprises pharmaceutiques la liste des médicaments pris en compte dans le calcul du montant total qui leur a été remboursé par l’assurance maladie (iii du a).

L’ensemble de ces mesures est susceptible d’alléger considérablement la procédure de détermination du montant de la contribution L, de réduire les charges administratives pesant sur les entreprises pharmaceutiques et d’assurer le respect du calendrier.

2.   Un changement d’assiette qui induit une hausse du taux calibrée pour assurer un rendement constant de la contribution

● Comme le précise la fiche d’évaluation du présent article, la modification de l’assiette s’effectuerait à rendement constant. Dans la mesure où le montant effectivement remboursé est nécessairement plus bas que le chiffre d’affaires réalisé sur le champ des médicaments remboursables, cela implique de revoir à la fois la méthode de calcul du montant M et le barème de fixation du taux.

S’agissant de ce second point, le 3° du I procède à une réécriture complète de l’article L. 138‑12. La principale novation porte sur l’abandon du barème historique progressif en fonction de l’ampleur du dépassement du montant M au profit d’un taux forfaitaire. Ce taux serait relevé à 90 % pour tenir compte de la réduction de l’assiette. Dans la même logique, le plafond de la contribution due par chaque entreprise serait relevé à 12 %.

Les auditions menées par la rapporteure générale ont néanmoins mis en lumière l’inquiétude des représentants du secteur s’agissant de l’adéquation entre la réduction de l’assiette et le relèvement du taux afférent. Selon le Leem, le passage à une assiette exprimée en montant remboursé se traduirait par une réduction de l’assiette de l’ordre de 10 %. Un relèvement du taux de 20 % pourrait alors conduire le rendement de la contribution à augmenter de plus de 15 %. À la date de publication du présent rapport, et malgré ses sollicitations, l’ampleur réelle de la réduction de l’assiette induite par la réforme n’a pas été communiquée à la rapporteure générale.

Lors de son audition, le directeur de la sécurité sociale s’est néanmoins engagé à mener des discussions avec les représentants du secteur au cours de l’année 2024 afin de garantir que cette réforme n’induise pas de de rendement supplémentaire de la clause de sauvegarde.

Outre le fait que la répartition de la contribution entre entreprises s’effectuerait dorénavant en fonction du montant remboursé et non du chiffre d’affaires hors taxe, la nouvelle rédaction de l’article L. 138‑12 maintient le principe selon lequel 30 % de cette répartition serait déterminée au regard de la progression du montant remboursé par rapport à l’année précédente. Les entreprises créées depuis moins d’un an resteraient non redevables de cette dernière part sauf lorsqu’elles résultent de la scission ou de la fusion d’une entreprise ou d’un groupe.

● La rapporteure générale attire l’attention sur le fait que, si les nouvelles règles de calcul sont définies pour assurer un rendement global constant de la contribution L, elles sont toutefois susceptibles de modifier l’équilibre de sa répartition entre les entreprises.

Compte tenu du fait que le taux de remboursement des médicaments dispensés en ville varie en fonction du service médical rendu (SMR), les nouvelles règles d’assiette sont susceptibles de pénaliser les entreprises dont le portefeuille de produits est principalement constitué de médicaments à fort service médical rendu et de favoriser à l’inverse celles qui exploitent, importent ou distribuent des médicaments à faible service médical rendu.

Par ailleurs, les nouvelles règles d’assiette induisent potentiellement la survenance d’un éventuel « effet stock » lié au fait que le fait générateur du chiffre d’affaires – la vente du médicament – ne coïncide pas nécessairement avec le fait générateur du remboursement – la date de soin.

Selon la fiche d’évaluation, une simulation permettait de constater que, sur l’exercice 2021, l’application des nouvelles règles d’assiette et de répartition aurait conduit à ce que 80 % des entreprises pharmaceutiques voient leur contribution soit diminuer, soit augmenter de moins de 10 %. Parmi les 20 % d’entreprises restantes, l’augmentation de la contribution n’aurait pas excédé 20 %.

Les modalités de fixation du taux de remboursement des médicaments

Le taux de remboursement d’un médicament est fixé en fonction du service médical rendu (SMR). Le SMR est évalué par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) à l’occasion de l’instruction de la demande d’inscription du médicament sur la liste des médicaments remboursables.

L’attribution d’un SMR répond à la question suivante : « Le médicament a-t-il un intérêt suffisant pour être pris en charge par la solidarité nationale ? ». Il prend en compte l’efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l’affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement et son intérêt pour la santé publique ([174]). Le SMR est évalué selon quatre niveaux : insuffisant, faible, modéré, important. Il est réévalué tous les cinq ans.

L’évaluation de la commission de la transparence est transmise à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) qui détermine le taux de remboursement selon ce barème :

– SMR insuffisant : pas de remboursement du médicament ;

– SMR faible : remboursement à hauteur de 15 % ;

– SMR modéré : remboursement à hauteur de 30 % ;

– SMR important : remboursement à hauteur de 65 % ;

– médicaments irremplaçables et coûteux : remboursement à hauteur de 100 %.

Ces taux de remboursement sont appliqués sur la base du prix de vente fixé par le ministère de la santé ou sur la base du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR).

Certains médicaments bénéficient d’une prise en charge à 100 % à d’autres titres que le service médical rendu. C’est notamment le cas des médicaments prescrits dans le cadre du traitement d’une affection de longue durée.

Au sein des établissements de santé, les médicaments figurant sur la « liste en sus » bénéficient également d’un remboursement intégral de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie.

3.   L’alignement du calendrier de versement de la contribution Z sur celui applicable à la contribution L

● Dans le même souci d’harmonisation des modalités de fonctionnement des clauses de sauvegarde, le 6° du I modifie la date limite de versement de la contribution Z pour les entreprises exploitant des dispositifs médicaux pour la fixer au 1er novembre de l’année N+1. En alignant le calendrier de versement sur celui de la contribution L, le présent article assouplit de quatre mois celui applicable à la contribution Z.

● En outre, le 7° du I corrige un oubli de référence à l’article L. 138‑20 du code de la sécurité sociale qui prévoit que les contributions dont sont redevables les entreprises pharmaceutiques sont recouvrées et contrôlées par les Urssaf selon les règles applicables au recouvrement des cotisations du régime général.

4.   L’impact financier et l’entrée en vigueur

● Par construction, le changement d’assiette à rendement constant sera neutre pour les ROBSS malgré quelques gains indirects liés à la fiabilisation et à la sécurisation du recouvrement de la contribution L qui en résultera.

● Compte tenu des mesures d’adaptation nécessaires pour permettre les remontées d’information dans les bases de l’assurance maladie, les nouvelles règles de détermination de l’assiette de la clause de sauvegarde des médicaments entreront en vigueur le 1er janvier 2026 et s’appliqueront à la contribution due au titre de l’année 2025.

L’alignement du calendrier d’appel et de versement de la contribution Z sur le calendrier de la contribution L entrera en vigueur dès le 1er janvier 2024 et s’appliquera donc à la contribution due au titre de l’année en cours.

B.   L’article fixe les montants M et Z et adapte le pÉrimÈtre de la clause de sauvegarde du mÉdicament pour 2024

1.   La fixation du montant M pour 2024 et l’adaptation temporaire du périmètre de la clause de sauvegarde du médicament

● Comme chaque année en loi de financement de la sécurité sociale, l’article 11 fixe le montant M pour l’année à venir. Le II fixe ainsi le montant M à 26,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 6 % par rapport au montant M pour 2023 tel qu’il résulterait de l’adoption de l’article 4 du présent projet de loi de financement.

Ce montant est supérieur à la trajectoire fixée lors du neuvième Conseil stratégique des industries de santé (Csis) couvrant la période 2022‑2024 qui fixait une évolution des dépenses liées aux produits remboursés de 2,4 % sur trois ans, l’objectif étant de stabiliser le rendement de la contribution L à son niveau actuel conformément aux engagements pris par le Gouvernement à ce sujet.

● En outre, le IV exclut du périmètre de la clause de sauvegarde du médicament, et pour l’année 2024 uniquement, les médicaments indiqués dans le traitement de la covid‑19 et acquis par Santé publique France. La liste exacte des médicaments concernés serait fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Ce choix apparaît équilibré à la rapporteure générale qui rappelle que l’intégration des stocks de Santé publique France, décidée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 répondait à l’objectif de mieux refléter le chiffre d’affaires des entreprises du médicament dans un contexte où ces stocks prenaient une place de plus en plus importante dans la stratégie de santé publique.

2.   La fixation du montant Z pour 2024

● Le III fixe le montant Z à 2,31 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport au montant fixé en 2023. Cette hausse est à mettre en regard des précédentes augmentations – 3 % en 2022 et 2023 – et traduit le soutien que le Gouvernement apporte au secteur.

Ce soutien est d’autant plus clairement affirmé que la trajectoire initialement décidée lors du Csis prévoyait une baisse du montant Z pour 2024. Comme cela a déjà été exposé à l’article 4 s’agissant des dépenses de médicaments, le choix de la fixation du montant Z repose sur le constat que les mesures de régulation des dépenses négociées avec les industriels du secteur ont porté leurs fruits les années passées.

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*     *


TITRE II
CONDITIONS GéNéRALES DE L’éQUILIBRE FINANCIER DE LA SéCURITé SOCIALE

Article 12
Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Cet article constitue une disposition obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale, proposant au Parlement d’approuver le montant des compensations par l’État des exonérations, réductions et abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. Cette compensation s’élève pour 2024 à 7,1 milliards d’euros.

I.   le droit en vigueur : Les exonérations de cotisations et exemptions d’assiette font l’objet d’une compensation

Conformément aux dispositions organiques du code de la sécurité sociale ([175]), l’approbation du montant de la compensation mentionnée à l’annexe dédiée aux exonérations de cotisations sociales recensant l’intégralité des niches sociales et évaluant leurs coûts est obligatoire ([176]). Elle fait l’objet d’un article de la partie de la loi de financement comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir. Le présent article pourvoit à cette obligation pour l’exercice 2024.

Le champ d’application de l’annexe 4 – ancienne annexe 5 – englobe ce qui est désormais communément appelé les « niches sociales » :

– les exemptions d’assiette, qu’elles soient totales ou partielles. Ces exemptions permettent de déduire certains éléments de l’assiette des rémunérations prises en compte dans le calcul du montant des cotisations ;

– les exonérations de cotisations sociales. Elles prennent principalement la forme de réduction des taux de cotisations sociales, mais peuvent aussi aboutir à l’absence de paiement d’une partie des cotisations de sécurité sociale ;

– les exonérations de toute autre recette contribuant au financement des régimes obligatoires de base, y compris lorsqu’elles portent sur des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale (C3S, taxe de solidarité additionnelle...).

A.   Le montant des « niches sociales » connaît une évolution dynamique liée à des facteurs multiples

1.   Le coût des niches sociales connaît une croissance particulièrement dynamique

Le montant des « niches sociales » a fortement progressé, passant de 67,7 milliards d’euros en 2021 à 78,5 milliards d’euros en 2022 sur le champ des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss), soit une hausse de plus de 15 % ([177]).

Rapport des exonérations aux cotisations de sécurité sociale dues aux urssaf par les employeurs

Source : annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.

Champ : total des encaissements perçus en Urssaf (y compris Fonds national d’aide au logement et Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) sauf les cotisations des travailleurs indépendants (sur l’ensemble de la chronique) et hors Unedic uniquement pour la période 2010-2018.

Après une période exceptionnelle marquée par la mise en place de dispositifs ciblés en réponse à la crise sanitaire, la répartition des différents types d’exonérations au sein de cette enveloppe globale reprend un profil plus habituel dans lequel les allègements généraux occupent une part quasi hégémonique. D’un montant de 58,7 milliards d’euros en 2022, ceux‑ci représentent en effet 86 % du montant total des exonérations sur le champ Robss et près de 75 % du montant total des exonérations et exemptions d’assiette. Ils sont en hausse de 12 % par rapport à 2021.

Les exonérations ciblées compensées apparaissent à l’inverse globalement stables : sur le champ des Robss, elles se sont élevées à 6,2 milliards d’euros en 2022 contre 6,1 milliards d’euros en 2021.

Les allègements généraux de cotisations sociales

Codifié de longue date à l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale ([178]), le dispositif d’allègement général est le fruit d’une harmonisation de plusieurs dispositifs d’exonérations de cotisations sociales qui coexistaient depuis les années 1990 et qui visaient à favoriser la création d’emplois via la réduction du coût du travail des personnes peu qualifiées.

En application de cet article, l’ensemble des employeurs du secteur privé soumis à l’obligation d’adhérer au régime d’assurance chômage et relevant du régime général ou des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires ainsi que certains employeurs publics bénéficient d’une exonération de cotisations sociales patronales applicables aux salaires n’excédant pas 1,6 Smic.

Cette réduction de cotisations sociales présente un profil dégressif : maximale au niveau du Smic, elle diminue progressivement à mesure que le salaire augmente pour s’annuler totalement à 1,6 Smic.

Pour les cotisations et contributions acquittées à compter du 1er janvier 2022, la réduction dégressive sur les bas salaires permet d’exonérer entre 31,95 points et 32,35 points de cotisations patronales pour les entreprises ([179]).

Combinée à l’exonération de cotisations maladie de 6 points sur les salaires compris entre 0 et 2,5 Smic ([180]) – dite « bandeau maladie » – et à l’exonération de cotisations famille de 1,8 point sur les salaires n’excédant pas 3,5 Smic ([181]) – dite « bandeau famille » –, la réduction dégressive permet une baisse du coût du travail au niveau du Smic pouvant aller jusqu’à 40,2 % pour une entreprise de 50 salariés et plus.

2.   Une évolution liée à la dynamique de la masse salariale, particulièrement autour du Smic

● La dynamique des exonérations de cotisations sociales, portée par les allègements généraux, est tirée par la conjoncture économique.

Le montant des exonérations de cotisations sociales évolue naturellement à la hausse avec la croissance de la masse salariale sur laquelle ces cotisations sont assises. Pour autant, en 2022, l’augmentation du montant de ces exonérations dépasse largement celle de la masse salariale soumise à cotisation : elle atteint +8,7 % ([182]). En effet, les pressions inflationnistes exercent un effet d’entraînement du Smic. Alors que celui-ci n’avait pas connu de revalorisation infra-annuelle pendant plusieurs années, il en est intervenu en octobre 2021, en mai et en août 2022 ainsi qu’en mai 2023, de telle sorte que le montant du Smic a augmenté de 8 % entre fin 2020 et fin 2022, contre une hausse de 5,7 % du salaire mensuel de base ([183]).

● Or, l’augmentation du Smic induit deux conséquences sur le montant des allègements généraux :

– d’une part, elle accroît la masse salariale soumise à cotisations, ce qui augmente mécaniquement le montant des exonérations ;

– d’autre part, elle élargit le champ des rémunérations soumises aux allègements généraux puisque leurs « points de sortie » sont fixés en multiples du Smic.

L’assiette de rémunérations située en‑deçà du seuil d’1,6 Smic a ainsi augmenté de 15 % entre 2021 et 2022. Les assiettes comprises entre 1 et 2,5 Smic et entre 1 et 3 Smic sont en hausse de 11,1 % et 10 % respectivement ([184]).

Cet effet pourrait toutefois s’atténuer en 2024 en fonction de la dynamique salariale qui pourrait avoir pour effet de « sortir » une partie des salariés du champ des allègements de cotisations.

B.   Une obligation de compensation qui fait l’objet d’une information du Parlement

1.   Une obligation de compensation encadrée par des dispositions organiques

● La création des allègements généraux sur les bas salaires à l’initiative du gouvernement d’Édouard Balladur au début des années 1990 s’est très vite accompagnée de la mise en œuvre d’une obligation de compensation par l’État des pertes de recettes induites par ces dispositifs de soutien à l’emploi pour la sécurité sociale.

Depuis la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite « loi Veil », les exonérations et réductions de cotisations sociales font l’objet d’une obligation de compensation intégrale par l’État. Cette règle, inscrite à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, a été régulièrement renforcée depuis sa création et s’applique également aux exemptions d’assiette depuis 2004 ([185]). Matériellement, la règle instaurée par la « loi Veil » se traduit par une compensation à la sécurité sociale « à l’euro l’euro » via l’affectation de crédits budgétaires votés chaque année en loi de finances.

 Toutefois, le législateur financier social peut décider de déroger à cette règle de compensation des exonérations de cotisations sociales par affectation de crédits budgétaires, soit qu’il choisisse de renoncer à toute compensation, soit qu’il décide de compenser la perte de recettes pour la sécurité sociale d’une autre manière ([186]).

Selon l’annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, 48 mesures de réduction ou d’exonération ont ainsi fait l’objet d’une disposition expresse de non-compensation. C’est ainsi que, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, l’article L. 131‑7 précité précise les dérogations au principe qu’il pose. Il dispose ainsi aujourd’hui, au 1° du II, que l’obligation de compensation des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations sociales ne s’applique aux allègements généraux de cotisations.

Compte tenu de ce mouvement, l’obligation de compensation « juridique », qui emporte inclusion de ces dispositifs dans le périmètre du présent article, ne concerne guère plus que les exonérations ciblées, dont le montant s’était élevé à 6,2 milliards d’euros en 2022 ([187]).

● Pour autant, la rapporteure générale insiste sur le fait que l’existence d’une disposition juridique expresse de non‑compensation en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale ne signifie pas nécessairement l’absence de compensation financière.

Ainsi, depuis 2006, les allègements généraux font l’objet d’une compensation via l’affectation de recettes fiscales. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ([188]) a par ailleurs rationalisé les transferts de compensation des allègements généraux par l’instauration d’un mécanisme de compensation « pour solde de tout compte ». Les dernières extensions de périmètre des allègements généraux – notamment aux cotisations de retraite complémentaire et aux contributions d’assurance chômage – n’ont pas fait exception à ce cadre juridique dérogatoire et se sont logiquement accompagnées d’une augmentation des recettes de TVA affectées par l’État à la sécurité sociale.

Aussi convient-il de distinguer les exonérations compensées en application du principe de la « loi Veil », pour 6,2 milliards d’euros en 2022, de celles qui, par dérogation à l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale, sont compensées financièrement par d’autres mécanismes – 58,7 milliards d’euros en 2022 selon les données annexées au projet de loi d’approbation des comptes pour 2022.

● Il résulte de cette situation que les modalités parfois contingentes de l’application du principe de compensation des exonérations sociales ont pu nuire à la lisibilité des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Malgré des récentes évolutions positives, le citoyen intéressé par le suivi des modalités de compensation des exonérations doit aujourd’hui encore s’armer de patience et de persévérance pour relier une recette fiscale affectée à l’exonération de cotisation qu’elle visait à compenser.

Le rapport remis au Parlement en octobre 2018 par MM. Christian Charpy et Julien Dubertret en application de l’article 27 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([189]) proposait de « remettre à plat » ces relations autour de deux principes :

– le partage du coût associé aux mesures générales de baisse de prélèvements obligatoires entre l’État et la sécurité sociale ;

– le maintien de la règle de compensation par crédits budgétaires pour les exonérations ciblées.

Par ailleurs, le rapport proposait d’unifier les flux de transferts financiers de l’État vers la sécurité sociale autour de la TVA affectée et d’abandonner le système dit du « panier fiscal », c’est-à-dire de l’ensemble des multiples taxes affectées à la sécurité sociale en compensation des exonérations de cotisations sociales.

Les conclusions du rapport ont trouvé à s’appliquer dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([190]) qui a acté la non compensation de certains dispositifs d’exonérations non ciblées, en particulier l’exonération de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires ([191]), pour un montant de 2,6 milliards d’euros en 2022.

Coût des exonérations non‑compensées (2022)

Source : annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

En parallèle, la loi de finances pour 2019 a opéré un transfert de TVA massif à la sécurité sociale de près de 32,5 milliards d’euros en contrepartie de la bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en allègement pérenne de cotisations sociales et de la récupération d’une partie des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ([192]).

2.   Le contrôle du Parlement et la transparence sur l’application de ces compensations se sont améliorés au fil du temps

● La multiplication du recours aux « niches sociales » a conduit le législateur organique à ménager un cadre permettant un contrôle attentif du Parlement quant à leur coût, leur utilisation, leur efficacité et leurs modalités de compensation. Deux dispositions participent traditionnellement de cette information :

– l’obligation d’approuver, en loi de financement, le montant des compensations par l’État des exonérations, exemptions d’assiettes et réductions de taux aux organismes de sécurité sociale au sens large ([193]) ;

– la fourniture d’une annexe présentant l’ensemble des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l’assiette ou d’abattement sur l’assiette de ces cotisations et contributions, ainsi que celles envisagées pour l’année à venir, et évaluant l’impact financier de l’ensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu.

● L’information présentée dans cette annexe s’est continûment enrichie au fur et à mesure de l’extension du champ et de l’accroissement du montant de ces niches sociales. Les dernières évolutions majeures visant à un contrôle plus efficace de ces niches résultent de la révision du cadre organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale portée par le précédent rapporteur général des projets de loi de financement de la sécurité sociale ([194]).

Sur le plan de l’information du Parlement, la création d’une nouvelle catégorie de loi de financement de la sécurité sociale – la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale – s’est accompagnée d’une exigence accrue en termes d’évaluation de l’efficacité des niches sociales. En application des dispositions organiques, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale annuel doit ainsi comporter une annexe – annexe 2 – présentant une telle évaluation pour au moins le tiers des niches sociales ([195]).

Comme la rapporteure générale a eu l’occasion de le rappeler dans son avant‑propos au rapport sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022, ce nouveau dispositif d’évaluation monte actuellement en charge. La grille d’analyse servant de base à cette évaluation, développée conjointement par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale des finances (IGF) ([196]), a été publiée en mars 2023. Le délai laissé à l’administration était trop court pour en tenir compte lors du dépôt du projet de loi d’approbation des comptes pour 2022.

La rapporteure générale appelle néanmoins à ce que le projet de loi d’approbation des comptes pour l’exercice 2023 puisse constituer la première année de pleine mise en œuvre de cette nouvelle obligation organique. En tout état de cause, cela n’empêche pas le Parlement de se saisir régulièrement du sujet, comme en témoigne la récente publication du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale portant sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales ([197]).

Enfin, s’agissant du contrôle des niches sociales, le nouveau cadre organique renforce l’encadrement de leur prolifération en confiant aux lois de financement le monopole de la création ou de la modification des exonérations établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans ([198]), lequel s’ajoute au monopole déjà établi en matière d’exonération non compensée.

*

*     *

 

Article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale

I. – Seules des lois de financement de l’année ou rectificatives peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit :

1° Soit non compensées à ces mêmes régimes ;

2° Soit établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans, lorsqu’elles ont un effet :

a) Sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

b) Sur l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de ces mêmes cotisations et contributions.

II. – Le I s’applique également :

1° À toute mesure de réduction ou d’exonération de contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

2° À toute mesure de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions ;

3° À toute modification des mesures non compensées à la date de l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

II.   Le droit proposé : l’approbation du montant de la compensation des exonérations pour 2024 à hauteur de 7,1 milliards d’euros

En application des dispositions organiques, le présent article approuve le montant des exonérations compensées aux organismes de base de la sécurité sociale, tel qu’inscrit dans l’annexe 4, et fixé à 7,1 milliards d’euros en 2024.

*

*     *


Article 13
Tableaux d’équilibre pour 2024

Conformément aux dispositions de l’article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale, le présent article porte approbation du tableau d’équilibre par branche de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour 2024.

Il fait apparaître une dégradation du solde de l’ensemble formé par les régimes obligatoires de sécurité sociale (Robss) et le FSV, qui atteindrait 11,2 milliards d’euros en 2024, contre 8,8 milliards d’euros en 2023.

I.   Une prÉvision de solde sensiblement dégradée par rapport à l’exercice 2023

Le I et le II du présent article prévoient respectivement l’approbation du tableau d’équilibre des régimes obligatoires de base et du tableau d’équilibre du FSV pour l’exercice 2024.

A.   Une dégradation du solde du périmètre « Robss et FSV » après trois années de résorption de son déficit

1.   Le déficit des comptes sociaux atteindrait 11,2 milliards d’euros en 2024

Le tableau suivant compare les prévisions pour 2024 aux prévisions pour 2023 rectifiées par l’article 1er du présent projet de loi, tant pour les régimes de base que pour le FSV.

Comparaison des prévisions de recettes, de dépenses et de solde pour 2023 et 2024

(en milliards d’euros)

 

Rectifications pour 2023 (article 1er)

Prévisions pour 2024 (article 13)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

234,1

243,7

- 9,5

242,7

251,9

- 9,3

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,2

15,3

1,9

17,1

16,0

1,1

Vieillesse

273,1

275,0

- 1,9

287,8

293,7

- 5,9

Famille

57,0

56,0

1

58,8

58,0

0,8

Autonomie

36,8

37,9

- 1,1

41,2

39,9

1,3

Toutes branches

600,9

610,5

- 9,6

629,5

641,4

- 11,9

FSV

20,3

19,5

0,8

21,4

20,6

0,8

Toutes branches incluant le FSV

602,1

610,9

- 8,8

630,7

641,8

- 11,2

Source : PLFSS 2024.

Le solde de l’ensemble « Robss et FSV » se dégraderait ainsi de 2,4 milliards d’euros entre 2023 et 2024. Cette aggravation du déficit serait entièrement imputable aux régimes obligatoires de base, les comptes prévisionnels du FSV faisant apparaître un excédent stable, à hauteur de 0,8 milliard d’euros. Au sein de cet ensemble, les soldes respectifs des branches maladie (– 9,3 milliards d’euros) et vieillesse (– 5,9 milliards d’euros), dont les évolutions sont au demeurant contrastées, pèsent tout particulièrement sur l’équilibre général des comptes sociaux.

Cette prévision marque un infléchissement de la trajectoire de rétablissement des comptes sociaux qui avait caractérisé les exercices 2021 à 2023, après la formation d’un déficit exceptionnel en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire.

● En premier lieu, les dépenses progresseraient de 5,1 %, contre 3,2 % en 2023. Cette accélération de la croissance des charges s’expliquerait principalement par la hausse des prestations, qui atteindrait 5,3 % contre 3,5 % en 2023.

La croissance des prestations légales serait identique à celle de l’ensemble des dépenses (5,3 %), et dépasserait le rythme d’augmentation atteint en 2023 (3,5 %). L’accélération de la hausse des dépenses de prestations résulte des modalités de revalorisation de celles-ci, fondées sur l’inflation mesurée au cours des douze derniers mois. À cet égard, il convient de relever que l’effet de l’inflation constatée en 2022 sur les revalorisations mises en œuvre en 2023 avait été lissé sur deux exercices distincts, en raison de la revalorisation anticipée intervenue en juillet 2022 en application de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Par ailleurs, les prestations comprises dans l’Ondam augmenteraient de 3,9 %, notamment sous l’effet de l’incidence en année pleine des revalorisations salariales au sein de la fonction publique annoncées en juin dernier. Enfin, les prestations extralégales progresseraient de 5,7 %, après une hausse de 4,2 % en 2023, principalement sous l’effet de la réforme du service public de la petite enfance.

Les mesures de transfert à partir des régimes de base augmenteraient de 0,6 %. D’une part, la révision des règles de détermination des concours APA et PCH permettrait une économie de 0,25 milliard d’euros dans le champ de la branche autonomie. D’autre part, l’augmentation de la dotation au Fonds pour l’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), à hauteur de 0,1 milliard d’euros, de la dotation au fonds d’intervention régional (FIR) des agences régionales de santé, également pour 0,1 milliard d’euros, et surtout de l’accentuation de l’écart entre le rendement de la TVA affectée à la sécurité sociale au titre la compensation des allégements généraux à l’Unedic et l’Agirc-Arcco et le coût de ces allégements (1,7 milliard d’euros, soit 1,5 milliard d’euros de plus qu’en 2023) élèveraient le coût des mesures de transfert.

Répartition des charges nettes des régimes de base et du FSV par type de dépenses

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

%

2023 (p)

%

2024 (p)

%

Prestations sociales nettes

510 167

533 391

556 419

4,3

576 020

3,5

606 361

5,3

Prestations légales

503 826

526 881

549 208

4,2

568 503

3,5

598 414

5,3

Prestations extralégales

6 340

6 510

7 211

10,8

7 517

4,2

7 947

5,7

Transferts versés nets

13 406

20 235

21 100

4,3

20 076

-4,9

20 203

0,6

Transferts vers les régimes de base

546

770

1 213

57,5

2 180

79,7

2 446

12,2

Transferts vers les fonds

Transferts vers les départements

10 375

12 880

12 278

-4,7

9 804

-20,1

9 387

-4,3

 

3 413

3 895

14,1

4 156

6,7

4 388

5,6

Autres transferts

2 486

3 172

3 714

17,1

3 935

6,0

3 983

1,2

Charges de gestion courante

12 997

13 271

13 725

3,4

13 880

1,1

14 164

2,0

Charges financières

118

143

598

++

798

33,5

986

23,5

Autres charges

239

245

275

12,3

105

-61,7

103

-1,8

Ensemble des charges nettes des régimes de base et du FSV

536 927

567 285

592 117

4,4

610 879

3,2

641 817

5,1

Source : Annexe 3 du PLFSS 2024.

● D’autre part, les recettes progresseraient de 4,7 %, soit une croissance légèrement moins soutenue qu’en 2023, exercice au cours duquel les produits augmenteraient de 5,2 %.

En premier lieu, l’évolution du rendement des cotisations sociales brutes (+ 3,8 %) serait cohérente avec celle de la masse salariale soumise à cotisation du secteur privé qui, quoique dynamique (+ 3,9 %), progresserait moins rapidement qu’en 2023 (+ 6,3 %), sous l’effet du ralentissement attendu de l’inflation hors tabac, qui passerait de 4,8 % à 2,5 %. En outre, les revalorisations salariales au sein du secteur public entraîneraient un surcroît de recettes de 2,1 milliards d’euros. L’augmentation, prévue par la loi de financement rectificative, des taux de cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) contribuerait également à la croissance des cotisations.

Par ailleurs, l’affectation du produit d’une fraction de CSG à la Cades (à hauteur de 0,15 point, soit 2,6 milliards d’euros) à compter de 2024, en application de la loi du 7 août 2020, contribuerait au maintien des recettes des régimes de base à un niveau proche de celui atteint en 2023. En tenant compte de cette affectation, les recettes de CSG brute progresseraient de 6,4 %. Le produit des autres impôts, taxes et contributions sociales connaîtrait une hausse de 4,8 %, dont 0,3 point au titre des mesures nouvelles. Parmi ces dernières, il convient de mentionner l’affectation à la branche vieillesse du produit d’une fraction de TVA, à hauteur de 0,2 milliard d’euros, correspondant aux économies réalisées par l’État sous l’effet de la réforme des retraites, ainsi que le surcroît du produit complémentaire de la taxe sur l’utilisation de véhicules de tourisme à des fins économiques, pour 0,2 milliard d’euros également.


Répartition des produits nets des régimes de base et du FSV par type de dépenses

(en millions d’euros)

 

2021

2022

%

2023 (p)

%

2024 (p)

%

PRODUITS NETS

543 007

572 455

5,4

602 107

5,2

630 651

4,7

Cotisations, impôts et contributions nets

521 016

548 012

5,2

574 029

4,7

601 056

4,7

Cotisations sociales brutes

263 667

278 971

5,8

293 103

5,1

304 161

3,8

Cotisations sociales salariés

243 458

257 809

5,9

271 613

5,4

281 814

3,8

Cotisations sociales non-salariés

17 611

18 475

4,9

18 729

1,4

19 563

4,5

Cotisations des inactifs

872

907

4,1

960

5,9

1 006

4,7

Autres cotisations sociales

1 727

1 780

3,1

1 801

1,1

1 778

-1,2

Cotisations prises en charge par l’État nettes

8 102

6 898

-14,9

6 635

-3,8

6 750

1,7

Contributions, impôts et taxes

207 068

218 722

5,6

229 425

4,9

242 399

5,7

CSG brute

107 076

115 508

7,9

120 959

4,7

128 681

6,4

CSG sur revenus d’activité

71 426

77 279

8,2

81 025

4,8

85 843

5,9

CSG sur revenus de remplacement

21 968

22 856

4,0

23 747

3,9

25 435

7,1

CSG sur revenus du capital

13 249

14 822

11,9

15 607

5,3

16 801

7,7

CSG sur les jeux

434

551

++

580

5,3

603

3,9

Contributions sociales diverses

10 366

11 133

7,4

11 937

7,2

13 144

10,1

Forfait social

5 132

6 192

++

6 613

6,8

7 007

6,0

Contribution solidarité autonomie (CSA)

2 878

3 073

6,8

3 249

5,7

3 399

4,6

Autres

2 357

1 868

--

2 075

11,1

2 738

++

Impôts et taxes

89 625

92 081

2,7

96 529

4,8

100 574

4,2

Tabac

14 738

13 765

-6,6

13 701

-0,5

13 953

1,8

Taxe sur les salaires

15 380

16 159

5,1

17 386

7,6

17 993

3,5

TVA nette

44 312

46 443

4,8

49 232

6,0

51 615

4,8

CSSS (y.c. additionnelle)

3 664

4 278

16,8

4 800

12,2

5 126

6,8

Taxe alcools et boissons non alcoolisées

4 432

4 201

-5,2

4 351

3,6

4 427

1,8

Autres recettes fiscales

7 098

7 235

1,9

7 060

-2,4

7 460

5,7

Contribution de l’employeur principal

42 323

44 560

5,3

46 319

3,9

49 353

6,6

Majorations et pénalités

289

155

--

242

++

298

++

Charges liées au non-recouvrement

-433

-1 294

++

-1 694

++

-1 905

12,4

Sur cotisations sociales

-276

-1 138

++

-893

--

-1 351

++

Sur CSG (hors capital)

-17

50

--

-590

--

-326

--

Sur autres produits

-140

-206

++

-212

2,8

-228

7,7

TRANSFERTS NETS

11 272

11 449

1,6

12 668

10,6

12 088

-4,6

Transferts avec régimes de base

925

327

--

113

--

100

-11,8

Transferts avec les fonds

1 441

761

--

1 394

++

1 397

0,2

Contributions publiques

7 627

8 991

17,9

9 664

7,5

8 974

-7,1

Transferts avec les complémentaires

1 278

1 369

7,1

1 497

9,4

1 617

8,0

AUTRES PRODUITS NETS

10 720

12 994

++

15 410

18,6

17 508

13,6

Source : Annexe 3 du PLFSS 2024.

 

2.   Une dégradation du solde des comptes sociaux principalement imputable à la branche vieillesse

● En premier lieu, le solde de la branche maladie s’établirait à – 9,3 milliards d’euros, soit une amélioration de 0,3 milliard d’euros par rapport à 2023.

L’évolution tendancielle du solde de la branche, retracée dans le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023, conduirait, hors mesures nouvelles, à une dégradation supplémentaire de 1,4 milliard d’euros, qui porterait le déficit à 10,7 milliards d’euros. En tenant compte des mesures nouvelles, les charges de la branche progresseraient à hauteur de 3,4 %, soit une croissance moins rapide que celle des recettes, qui atteindrait 3,7 %.

L’analyse des composantes de l’évolution des dépenses de la branche maladie fait notamment apparaître les données suivantes :

– les prestations relevant de l’Ondam connaîtraient une croissance plus soutenue qu’en 2023 (3,8 % contre 1,6 %), après un ralentissement lié à la réduction des dépenses exceptionnelles de crise ;

– les prestations maladie hors Ondam augmenteraient de 3,9 %, sous l’effet notamment de la revalorisation des prestations d’invalidité, à hauteur de 3,9 % en moyenne annuelle, contre 3,6 % en 2023. La hausse attendue du nombre de naissance et la revalorisation des salaires entraîneraient également une élévation des dépenses au titre des indemnités journalières au titre de la maternité.

● Ensuite, le déficit de l’ensemble constitué des régimes vieillesse de base et du FSV atteindrait 5,2 milliards d’euros en 2024, soit une dégradation de 4,1 milliards d’euros par rapport à 2023. Celle-ci s’explique en premier lieu par l’augmentation des charges, à hauteur de 6,8 %, qui dépasse de 1,5 point celle des recettes (5,3 %). En retranchant de ce périmètre l’excédent du FSV (qui atteindrait 0,8 milliard d’euros), le déficit s’élève à 6 milliards d’euros. L’écart entre la dynamique respective des recettes et des dépenses est une conséquence du ralentissement de l’inflation. En effet, alors même que la « normalisation » de la croissance des prix entraîne à brève échéance un ralentissement de la hausse des recettes – sous l’effet notamment d’une augmentation plus limitée de la masse salariale –, le mode de calcul des revalorisations légales des pensions de retraite – fondées sur l’évolution moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation hors tabac au cours douze derniers mois – suscite un décalage d’une année entre la baisse de l’inflation et le ralentissement des dépenses de la branche. Les mesures nouvelles réduiraient cependant le déficit de la branche à hauteur de 0,2 milliard d’euros.

● L’excédent de la branche famille, porté par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), attendrait 0,8 milliard d’euros, soit 0,2 milliard d’euros de moins qu’en 2023. Les dépenses augmenteraient de 3,6 %, notamment sous l’effet de l’investissement en faveur du service public de la petite enfance, qui entraînerait une hausse de 6,0 % des prestations extralégales. En outre, les prestations légales augmenteraient de 3,3 %, sous l’hypothèse d’une revalorisation de 4,6 % au 1er avril 2024. Cette hausse des dépenses serait cependant atténuée par la baisse du nombre de naissances en 2023.

● Après avoir enregistré un déficit de 1,1 milliard d’euros en 2023, la branche autonomie bénéficierait en 2024 d’un excédent de 1,3 milliard d’euros. Cette amélioration du solde, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, découlerait de l’affectation d’une fraction supplémentaire du produit de la CSG (0,15 point) prévue par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie. Ce transfert représenterait un produit net de 2,6 milliards d’euros pour la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ses recettes affectées (CSG, CSA, CASA) augmenteraient ainsi au total de 11,6 %. La branche bénéficierait également de la mesure de transfert de taxe sur les salaires en provenance de la Cnaf, à hauteur de 0,1 milliard d’euros, pour financer la prise en charge de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Par ailleurs, les dépenses de la branche autonomie augmenteraient de 5,3 %, notamment sous l’effet des mesures nouvelles relevant de l’OGD.

● La baisse du taux de cotisation ATMP prévue par la loi de financement rectificative pour 2023 (à hauteur de 0,12 point) entraînerait une perte de recettes pour la branche, dont l’excédent diminuerait de 0,8 milliard d’euros pour s’établir à 1,2 milliard d’euros. Les dépenses progresseraient de 4,3 %, notamment sous l’effet de la hausse de la dotation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, à hauteur de 0,1 milliard d’euros et la croissance des prestations comprises dans le champ de l’Ondam, lesquelles augmenteraient de 5,3 %.


Charges et produits nets des régimes de base, par branche, du FSV et de l’ensemble consolidé régimes de base et FSV en 2024 et évolution par rapport à 2023

(en milliards d’euros et en pourcentage)

 

Maladie

Vieillesse

Famille

AT-MP

Autonomie

Régimes de base

%

FSV

Robss

+FSV

%

CHARGES NETTES

251,9

293,7

58,0

16,0

39,9

641,4

5,1%

20,6

641,8

5,1%

Prestations sociales nettes

234,2

288,0

40,8

12,6

33,1

606,4

5,3%

0,0

606,4

5,3%

Prestations légales nettes

234,0

287,4

33,6

12,6

33,1

598,4

5,3%

0,0

598,4

5,3%

Prestations extralégales nettes

0,2

0,6

7,2

0,0

0,0

7,9

5,7%

0,0

7,9

5,7%

Transferts nets

10,2

2,6

14,1

2,2

6,6

19,9

0,6%

20,5

20,2

0,6%

Transferts avec d’autres régimes de base

0,9

1,1

14,0

1,8

0,5

2,4

12,2%

0,0

2,4

12,2%

Transfert avec des fonds

8,6

0,0

0,0

0,4

0,2

9,4

-4,3%

20,2

9,4

-4,3%

Autres transferts versés

0,7

1,6

0,0

0,0

5,9

8,1

3,4%

0,3

8,4

3,4%

Charges de gestion courante

7,3

2,3

3,1

1,1

0,2

14,1

2,0%

0,1

14,2

2,0%

Autres charges

0,2

0,8

0,0

0,0

0,0

1,1

20,6%

0,0

1,1

20,6%

Charges financières

0,2

0,7

0,0

0,0

0,0

1,0

23,5%

0,0

1,0

23,5%

Charges diverses

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

-1,8%

0,0

0,1

-1,8%

PRODUITS NETS

242,7

287,8

58,8

17,1

41,2

629,5

4,8%

21,4

630,7

4,7%

Cotisations, contributions et recettes fiscales nettes

221,8

245,3

57,8

16,2

40,9

579,7

4,7%

21,4

601,1

4,7%

Cotisations sociales

88,0

165,8

36,4

15,9

0,0

304,2

3,8%

0,0

304,2

3,8%

Cotisations prises en charge par l’État

2,1

3,6

0,9

0,2

0,0

6,7

1,7%

0,0

6,7

1,7%

Contribution de l’employeur

0,5

48,5

0,0

0,3

0,0

49,4

6,6%

0,0

49,4

6,6%

CSG

56,5

0,0

14,4

0,0

36,6

107,1

6,6%

21,6

128,7

6,4%

Autres contributions sociales

0,4

8,2

1,4

0,0

3,5

13,4

10,4%

0,0

13,4

10,4%

Recettes fiscales

74,9

19,9

4,9

0,0

0,9

100,6

4,2%

0,0

100,6

4,2%

Charges liées au non-recouvrement

-0,6

-0,6

-0,2

-0,2

-0,1

-1,7

13,1%

-0,2

-1,9

12,4%

Transferts nets

5,9

41,6

0,2

0,1

0,3

32,3

1,8%

0,0

12,1

-4,6%

Reçus des régimes de base

3,9

11,8

0,2

0,0

 

0,1

-11,8%

0,0

0,1

-11,8%

Reçus des fonds de financement

1,4

20,2

0,0

0,0

0,0

21,6

5,6%

0,0

1,4

0,2%

Reçus de l’État

0,1

7,9

0,0

0,1

0,3

9,0

-7,1%

0,0

9,0

-7,1%

Autres

0,6

1,6

0,0

0,0

0,0

1,6

8,0%

0,0

1,6

8,0%

Autres produits

15,0

0,9

0,8

0,8

0,0

17,6

13,6%

0,0

17,5

13,6%

Produits financiers

0,0

0,4

0,1

0,3

0,0

0,8

21,4%

0,0

0,8

21,4%

Produits divers

15,0

0,5

0,7

0,5

0,0

16,8

13,2%

0,0

16,7

13,3%

 

 

 

 

II.   L’impact des mesures nouvelles pour 2024 se traduit par une diminution du déficit de 0,9 milliard d’euros par rapport au tendanciel

La présentation du solde des différentes branches s’accompagne, dans les documents annexés au présent projet de loi, d’une évaluation de l’incidence des mesures nouvelles sur l’évolution des comptes sociaux.

Ces mesures sont agrégées dans le tableau ci-dessous, qui présente leur impact financier, afin de les mettre en perspective. Ce tableau contient également les mesures de transfert entre l’État et la sécurité sociale, dont les effets sur le solde sont positifs.

impact financier des MESURES NOUVELLES en 2024 sur l’ensemble des rÉgimes obligatoires de base et le FSV

(en milliards d’euros)

Mesures en recettes

Simplification de l’organisation du recouvrement

– 0,08

Réforme de la procédure d’abus de droit et sécurisation de l’avance immédiate de crédit d’impôt

+ 0,01

Produit complémentaire des taxes sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques

+ 0,20

Mesures en dépenses

Vieillesse

Maladie

Mesures en économies dans le champ de l’Ondam

+ 1,3

Famille

Autonomie

Révision des règles de détermination des concours APA et PCH

+ 0,25

Mesures en économies dans le champ de l’Ondam

– 0,7

Accidents du travail et maladies professionnelles

Hausse de la dotation au Fiva

– 0,12

Mesures de transfert

Ajustement de la fraction de TVA

+ 0,19

Transfert d’une fraction de droits alcools au régime de retraite complémentaire agricole

 0,04

Effet total de ces mesures nouvelles

+ 0,9

Source : Commission des affaires sociales, à partir de l’annexe 3 du projet de loi.

Ce tableau est délibérément simplifié par rapport au tableau d’équilibre financier, qui figure dans l’annexe 3 du projet de loi :

– les mesures en recettes et de transfert sont « globalisées » au niveau l’ensemble des Robss et du FSV ;

– les mesures de transferts entre branches ne sont pas retracées car il s’agit de mesures faussement nouvelles sur un plan financier à l’échelle de l’ensemble de la sécurité sociale (les dépenses ou recettes existaient déjà, et les transferts sont effectués à somme nulle) ; ces mesures sont ainsi commentées à l’article 10 du présent projet de loi.

Ce tableau appelle deux types de commentaires.

Le premier porte sur les mesures de transfert. Leur effet améliore le solde à hauteur de 0,15 milliard d’euros, une mesure de baisse de recettes étant plus que compensée par une mesure de gain :

– d’une part, la branche vieillesse bénéficierait de l’affectation du produit d’une fraction de TVA correspondant à l’incidence de la réforme des retraites pour la fonction publique de l’État. Cette mesure répond au principe selon lequel l’ensemble des économies permises par la réforme des retraites prévue par la loi de financement rectificative pour 2023 devrait concourir à l’amélioration du solde du système de retraite. La fraction nette de TVA affectée à la sécurité sociale augmenterait ainsi de 0,09 point pour atteindre 28,57 % contre 28,48 % en 2023, entraînant un surcroît de recettes de 0,19 milliard d’euros ;

– d’autre part, le changement d’affectation d’une fraction supplémentaire du produit des droits sur les alcools – laquelle serait attribuée au régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles – entraînerait une perte de recettes de 40 millions d’euros. Cette mesure vise à financer l’assouplissement des conditions d’accès aux points gratuits de ce régime complémentaire, qui résulte de la loi de financement rectificative pour 2023.

Le second commentaire vise à recenser les mesures qui ont un impact significatif sur le solde des Robss, parmi lesquelles on peut notamment relever :

– une augmentation des recettes liées aux taxes sur l’utilisation des véhicules de tourisme à des fins économiques (200 millions d’euros) ;

 une moindre dépense au titre de l’Ondam (500 millions d’euros) ;

– la révision des règles de détermination des concours APA et PCH (250 millions d’euros).

Au total, le solde tendanciel de la sécurité sociale serait amélioré par l’ensemble de ces mesures nouvelles à hauteur de 900 millions d’euros.

*

*     *


Article 14
Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse

L’article 14 répond à une obligation organique. Il fixe l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale à 16 milliards d’euros pour 2024. Comme chaque année depuis 2011, il prévoit un montant nul de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et de mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse.

L’article 14 satisfait une obligation organique de l’article L.O. 111‑3‑4 du code de la sécurité sociale. Aux termes de celui-ci, dans « sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, la loi de financement de l’année : […] b) Détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement et prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit ».

I.   L’objectif d’amortissement de la dette sociale en 2024

● Le I fixe l’objectif d’amortissement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) pour 2024 à 16 milliards d’euros, en baisse sensible par rapport à l’amortissement pour 2023 adopté en loi de financement rectificative à hauteur de 17,7 milliards d’euros, lui‑même en légère baisse par rapport à l’objectif de 17,8 milliards d’euros initialement fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

On notera que la Cades devrait amortir près de 18,3 milliards d’euros en 2023, soit 600 millions d’euros de plus que l’objectif inscrit en loi de financement rectificative, ce qui est une nouvelle bienvenue ([199]).

La trajectoire de reprise de dette avait été fixée par la loi du 7 août 2020 ([200]). Elle prévoyait 136 milliards d’euros ([201]) minorés des 20 milliards d’euros dont le transfert a déjà été organisé par le décret n° 2020-1074 du 19 août 2020 ([202]), des 40 milliards repris en application du décret n° 2021-40 du 19 janvier 2021 ([203]) et des 40 milliards repris en application du décret n° 2022-23 du 11 janvier 2022 ([204]) et 27,2 milliards d’euros repris en application du décret n° 2023‑12 du 11 janvier 2023. Elle devrait s’achever en 2024 avec un montant de dette repris de 8,8 milliards d’euros.

Dans les conditions actuelles, et au regard des données fournies par le président du conseil d’administration de la Cades à la rapporteure générale, la cible d’amortissement pour 2024 semble atteignable. La satisfaction de cet objectif mènerait la Cades en 2024 à un amortissement cumulé de 258,6 milliards d’euros.

En l’état, les scenarii publiés dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023 font état d’une perspective plutôt optimiste s’agissant de la capacité de la Cades à amortir totalement la dette qui lui a été transférée jusqu’ici à l’horizon 2033, voire 2032. Ils ne prennent toutefois pas en compte la dégradation à venir du déficit de la sécurité sociale qui amène, comme le suggère la Cour des comptes, à « reconsidérer [les] conditions de financement » de la Cades ([205]).

● En effet, la situation nette de la Cades en 2024 serait négative de 138 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2023 mais à un niveau toujours inférieur à 2022 ([206]).

Cette situation appelle à une certaine précaution, sentiment renforcé par la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale attendue pour 2024 – 11,2 milliards d’euros de déficit contre 8,8 milliards d’euros en 2023 – et alors même que la Cades se verra amputée de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) à compter du 1er janvier 2024, en application de la loi du 7 août 2020 ([207]). La dette sociale portée par la Cades et l’Urssaf Caisse nationale remonterait donc vraisemblablement l’année prochaine après avoir reflué à 151,6 milliards d’euros en 2023, interrogeant ainsi la perspective d’une nouvelle reprise de dette.

Ce constat fait écho à celui de la rapporteure générale dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. La prorogation de la durée de vie de la Cades, dont l’extinction était initialement prévue au 31 janvier 2009, induit le maintien d’impositions affectées à la seule fin d’amortir la dette sociale. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la rapporteure générale réitère donc son souhait d’une réflexion d’ensemble, cohérente et réaliste, au sujet de la stratégie d’amortissement de la dette sociale et de retour à l’équilibre des comptes sociaux. Cette exigence apparaît d’autant plus indispensable que la perspective d’une révision organique imposée par la persistance des déficits sociaux devient de plus en plus probable. Elle est aussi d’autant plus urgente que l’horizon à laquelle devrait intervenir une telle révision approche toujours davantage.

II.   Les recettes affectÉes au Fonds de rÉserve pour les retraites

Comme pour les exercices précédents depuis 2011, le II affecte un montant nul de recettes au Fonds de réserve pour les retraites, dont la vocation n’est plus d’être alimenté mais de procéder à des décaissements, notamment en faveur de la Cades.

III.   Les mises en rÉserve au Fonds de solidaritÉ vieillesse

Comme pour les exercices précédents depuis 2011, le III prévoit une mise en réserve nulle de recettes au sein du Fonds de solidarité vieillesse. Celui-ci n’a plus vocation à constituer des réserves même s’il a pu exercer cette mission dans le passé.

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*     *


Article 15
Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes

Le présent article arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les plafonds de ces ressources, conformément aux prescriptions de l’article L. 111‑3‑4 du code de la sécurité sociale.

Quatre organismes bénéficieraient d’une telle habilitation en 2024 :

– l’Acoss ;

– la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF) au titre, respectivement, de la période du 1er au 31 janvier 2024 et du 1er février au 31 décembre 2024 ;

– la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) ;

– la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Les organismes de sécurité sociale peuvent être confrontés à des besoins de trésorerie en cours d’année, qui ne s’expliquent pas nécessairement par un déséquilibre structurel des produits et des charges du régime. L’apparition d’un besoin de trésorerie peut en effet être ponctuelle et résulter d’un simple décalage calendaire entre les encaissements (cotisations et contributions, recettes affectées) et les décaissements (versements des prestations aux affiliés et frais de gestion).

Plusieurs organismes, dont le fonds de roulement ne permet pas de couvrir les besoins de trésorerie au cours de l’année, ont ainsi recours à des ressources non permanentes sous la forme d’avances de trésorerie ou d’emprunts de court terme.

Parmi ceux-ci, plusieurs empruntent auprès de l’Acoss : celle-ci porte donc d’autres besoins de financement que celui du régime général, dont elle assure la trésorerie. L’Acoss est en outre autorisée, compte tenu des montants associés à la gestion de la trésorerie des organismes du régime général, à émettre des titres de créances négociables.

Au-delà du strict besoin de trésorerie, l’Acoss ainsi que certains régimes font porter par ces emprunts de court terme le financement des déficits passés et de l’année en cours en attendant un transfert à la Cades ou à toute autre personne. Ces ressources ne peuvent être contractées que pour douze mois au plus, conformément aux dispositions de l’article L. 1393 du code de la sécurité sociale. Ce dernier prévoit en effet que les ressources non permanentes ne peuvent consister « qu’en des avances de trésorerie ou des emprunts contractés pour une durée inférieure ou égale à douze mois auprès de la Caisse des dépôts et consignations ou d’un ou plusieurs établissements de crédit agréés dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou, dans les conditions fixées à l’article L. 225-1-4, de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ».

Article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale

Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, la loi de financement de l’année « arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ».

Ces plafonds d’emprunt sont fixés en fonction de l’estimation du « point bas » de trésorerie atteint par ces organismes, c’est-à-dire du solde négatif le plus important, pour l’exercice à venir, afin de couvrir les besoins maximaux estimés en projet de loi de financement. En outre, ils sont systématiquement ajustés à la hausse pour parer à une éventuelle dégradation de la trésorerie en cours d’exercice ainsi que l’a notamment connu, entre autres, le régime général en mars 2020.

Quatre organismes bénéficieraient d’une telle habilitation en 2024 :

– l’Acoss pour le régime général mais aussi pour les concours et avances qu’elle peut apporter à d’autres régimes ou organismes ;

– la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP‑SNCF) au titre, respectivement de la période du 1er au 31 janvier 2024 et du 1er février au 31 décembre 2024 ;

– la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) ;

– la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Le montant cumulé des autorisations d’emprunt octroyées à ces trois derniers organismes atteindrait 12,4 milliards d’euros contre 8,85 milliards d’euros en 2023. Une telle autorisation avait alors été accordée à la Caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA), en plus des trois caisses susmentionnées. Les plafonds prévus en 2024 sont compris entre 0,350 et 11 milliards d’euros.

 

 

 

 

  1.   L’Acoss couvre les besoins de trÉsorerie de rÉgimes dÉficitaires

● Un profil de trésorerie est établi chaque année pour le régime général, compte tenu à la fois des prévisions macro-économiques et de l’incidence financières des mesures nouvelles. En prenant en compte les mesures inscrites dans le présent projet de loi de financement, le solde moyen net prévisionnel de l’Acoss serait de 7,2 milliards d’euros, en progression par rapport à 2023 : ce solde s’établissait alors à 1,6 milliard d’euros. Le solde moyen brut, qui tient compte des dispositifs de sécurité visant à assurer en toutes circonstances le financement des régimes, serait en 2023 de – 15,4 milliards d’euros (contre – 18,4 milliards d’euros en 2023) avec un point bas brut programmé le 13 décembre 2024 à hauteur de – 33,5 milliards d’euros.

profil de trésorerie de l’acoss en 2023 et 2024

Source : annexe 3 du PLFSS 2024.

Ce point bas permet de maintenir un plafond d’emprunt dans le présent article à hauteur de 45 milliards d’euros, soit un niveau proche de ceux adoptés avant la crise sanitaire (le plafond prévu par la LFSS 2020 s’élevait ainsi à 40 milliards d’euros). La marge de sécurité, correspondant à l’écart entre le plafond et les besoins prévisionnels de trésorerie, serait légèrement supérieure à son niveau de 2023, exercice au cours duquel elle atteignait 10 milliards d’euros.

Ce plafond permettrait également à l’Acoss de couvrir les besoins de financement d’autres régimes de base de la sécurité sociale, au titre de la mutualisation des trésoreries.

  1.   Les autres organismes gÈrent des problÈmes de trÉsorerie significatifs liÉs À des rÈgles spÉcifiques

● Dès 2008, correspondant à sa première année de fonctionnement après sa création en 2007, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP-SNCF) a été autorisée par la loi de financement de l’année à recourir à des ressources non permanentes pour couvrir les besoins de trésorerie du régime de retraite.

Au cours de ses premières années de fonctionnement, le profil de trésorerie de la CPRP-SNCF était caractérisé par un décalage entre, d’une part, le rythme de versement trimestriel des pensions de retraite aux affiliés au premier jour ouvré du trimestre, et, d’autre part, le rythme des encaissements de cotisations, le 5 de chaque mois, et de la subvention de l’État, nécessitant ainsi un recours à l’emprunt auprès d’établissements bancaires.

Dans un contexte de crise financière et de tensions accrues en matière de trésorerie, le décret  2011-1925 du 21 décembre 2011 a fixé un calendrier de versement fractionné des pensions pour 2012, ce dispositif ayant été reconduit de 2013 à 2015.

Depuis le mois de janvier 2016, en application du décret n° 2016-539 du 15 mai 2015, les pensions sont payées mensuellement, ce qui a permis de réduire de près de 50 % le besoin en fonds de roulement moyen.

En 2024, le solde moyen de trésorerie sur l’année est prévu à – 129,9 millions d’euros (contre 71,9 millions d’euros en 2023), avec un point bas à – 593,9 millions d’euros (contre – 593,9 millions d’euros pour l’exercice en cours). Comme chaque année, le paiement des pensions de retraite de janvier interviendra avant que la caisse ne reçoive le premier versement de subvention d’équilibre de l’État, lequel, pour des raisons techniques, ne peut être avancé.

Le présent article prévoit ainsi un premier plafond d’emprunt de 595 millions d’euros pour la période du 1er au 31 janvier, contre 550 millions d’euros en 2023, puis un second plafond de 350 millions d’euros pour le reste de l’année, en diminution par rapport à 2023, exercice pour lequel il était fixé à 400 millions d’euros. Ces bornes laissent une marge significative, permettant de faire face à des aléas, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

profil de trÉsorerie de la CPRP-SNCF en 2023 et 2024

 

Source : Annexe 3 du PLFSS 2024.

● La Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), chargée d’assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes branches du régime minier, fait face à des difficultés de financement depuis qu’elle a commencé d’accumuler des résultats déficitaires. Ces derniers, en conduisant à réduire les réserves de la caisse, ont limité sa capacité à couvrir ses besoins de financement, qui étaient auparavant pris en charge en mobilisant celles‑ci.

Les recettes de la caisse sont constituées à plus de 90 % par des ressources externes : dotation d’équilibre versée par la branche maladie du régime général pour le risque maladie, compensation généralisée « vieillesse », et subvention de l’État pour le risque vieillesse. Celles-ci ne suffisaient néanmoins plus à couvrir les besoins de trésorerie issus des déficits passés cumulés, qui ont requis de majorer significativement, au cours des dernières années, les autorisations d’emprunt accordées à la Caisse en loi de financement de la sécurité sociale.

En 2023, le solde moyen de trésorerie sur l’année atteint – 258,5 millions d’euros avec un point bas à – 405,3 millions d’euros et un point haut à – 105,7 millions d’euros.

Pour l’exercice 2024, le solde moyen prévisionnel de trésorerie de la CANSSM est de – 301,9 millions d’euros, en baisse significative par rapport à 2023. Le point bas serait à – 425,2 millions d’euros, soit en deçà du niveau le plus bas de 2022 établi à – 405,9 millions d’euros. Le présent article propose d’habiliter la CANSSM à recourir à des ressources non permanentes dans la limite de 450 millions d’euros, soit un niveau identique à celui du plafond prévu par la LFSS 2023.

Le besoin du régime en ressources non permanentes continuerait à être assuré exclusivement par des avances de trésorerie de l’Acoss, dans les conditions déterminées par l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de l’intégration financière de la branche maladie, prévue par l’article 32 de la LFSS 2016.

profil de trÉsorerie de la CANSSM en 2023 et 2024

Source : Annexe 3 du PLFSS 2024.

● La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a renoué avec un besoin de recourir à des ressources non permanentes à compter de 2019. Cette situation résulte d’une nouvelle dégradation de sa situation financière, les mesures de redressement mises en place entre 2013 et 2015 ayant achevé de produire leurs effets. Ainsi, la croissance des dépenses de la caisse dépasse nettement celle de ses recettes.

En 2024, le régime connaîtrait un solde moyen de – 7,2 milliards d’euros et un point bas de – 10 milliards d’euros. Ce dernier constitue près du double du point atteint en 2023 (– 5,2 milliards d’euros), qui traduisait lui-même une dégradation importante par rapport au niveau atteint en 2022 (– 3,8 milliards d’euros).

profil de trÉsorerie de la CNRACL en 2023 et 2024

Source : Annexe 3 du PLFSS 2024.

Cette situation conduit le régime à solliciter une habilitation à emprunter un encours pouvant atteindre 11 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros de plus qu’en 2023. La marge de sécurité dépasserait 900 millions d’euros, contre 700 millions d’euros lors de l’exercice en cours. Il convient de souligner que cette évolution s’inscrit dans une trajectoire de forte hausse des besoins de financement de la CNRACL au cours des dernières années. Ainsi, son plafond de trésorerie est passé de 3,6 milliards d’euros en 2021 à 4,5 milliards d’euros en 2022 et 7 milliards d’euros en 2023. Ce plafond d’emprunt prévu par le PLFSS 2024 pour l’année à venir représenterait près d’un quart de celui de l’Acoss, qui doit également assurer la couverture d’autres régimes. Or, la trajectoire financière de la caisse semble avoir vocation à se dégrader plus avant : le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale prévoit ainsi que le déficit de la CNRACL atteigne 3,7 milliards d’euros en 2024 après s’être élevé à 2,5 milliards d’euros en 2023 et 1,8 milliard d’euros en 2022.

 

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*     *


Article 16
Approbation de l’annexe A

L’article 16 porte approbation du « rapport figurant en annexe A », qui présente les trajectoires, sur les quatre prochaines années, des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que, mécaniquement, leurs soldes.

Ce rapport intègre, comme l’impose le cadre organique issu de la loi organique du 14 mars 2022, un « compteur des écarts » en dépenses permettant de vérifier la tenue des engagements pris dans la loi de programmation pour les finances publiques. Il présente enfin la trajectoire pluriannuelle prévisionnelle, également pour quatre ans, de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Le contenu du rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année répond aux prescriptions de l’article L. O. 111-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi organique du 14 mars 2022 ([208]).

I.   Après une période de rétablissement au sortir de la crise sanitaire, le solde DES RÉGIMES OBLIGATOIRES se dégraderait jusqu’en 2027

Le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 faisait état d’une prévision de dégradation du solde des régimes obligatoires à compter de 2024. Au terme d’une période de résorption des déficits exceptionnels atteints lors de la crise sanitaire, l’annexe A du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale confirme l’aggravation du déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) à partir de l’année prochaine. Ainsi, le déficit de l’ensemble « Robss et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) » continuerait de croître tout au long de la période considérée pour atteindre 15,8 milliards d’euros en 2025, 17,1 milliards d’euros en 2026 et finalement 17,5 milliards d’euros en 2027.

En 2023, la quasi-disparition des dépenses de crise – qui ne s’élèveraient qu’à 0,9 milliard d’euros contre 11,7 milliards d’euros en 2022 –, la croissance de la masse salariale privée et le lissage de l’incidence financière de la revalorisation des prestations légales entre 2022 et 2023 ont permis une nouvelle résorption du déficit des comptes sociaux. Le solde de ces derniers s’est amélioré à hauteur de 10,9 milliards d’euros, le déficit passant de 19,7 à 8,8 milliards d’euros.

Une nouvelle période de dégradation des comptes sociaux devrait débuter en 2024, cette évolution tenant pour partie à des facteurs conjoncturels. À cet égard, il convient de rappeler que l’incidence sur le solde de ces comptes du reflux progressif de l’inflation, qui passerait de 2,5 % en 2024 à 2 % en 2025, et 1,75 % au-delà, est la résultante d’effets distincts et de sens opposés, qui portent respectivement sur les recettes et les dépenses, et relèvent de temporalités différentes :

– d’une part, le ralentissement de la hausse des prix entraîne, à brève échéance, une diminution du taux de croissance des recettes ;

– d’autre part, la baisse de l’inflation n’entraîne de ralentissement de l’augmentation des dépenses qu’avec un délai de l’ordre d’un an qui tient, notamment, au rythme des revalorisations automatiques de prestations.

Les principaux déterminants du scénario macro-économique qui sous-tend ces prévisions figurent dans le tableau suivant.

Principales Hypothèses macro-économiques qui sous-tendent les évolutions prévisionnelles décritEs dans l’annexe A (2022-2027)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

PIB en volume

2,5 %

1,0 %

1,4 %

1,7 %

1,7 %

2,8 %

Masse salariale du secteur privé*

8,7 %

6,3 %

3,9 %

3,4 %

3,4 %

3,4 %

Inflation hors tabac

5,3 %

4,8 %

2,5 %

2,0 %

1,75 %

1,75 %

* Masse salariale du secteur privé hors prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et prime de partage de la valeur ajoutée.

Source : annexe A du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En outre, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) hors dépenses de crise connaîtrait un taux de croissance presque constant au long de la période. Après une augmentation de 3,2 % en 2024, son montant progresserait de 3,0 % en 2025 et, au-delà, de 2,9 % par an. Ces prévisions tiennent compte de la rectification de l’Ondam, prévue à l’article 2 du présent projet de loi, à hauteur de 2,8 milliards d’euros.

Les mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale conduisent à limiter la croissance de l’Ondam lors de l’exercice à venir à hauteur de 1,4 %, par rapport au tendanciel qui se traduirait par une hausse de 4,6 %.

Variation de l’oNdam hors dépenses de crise (2022-2027)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

6,0 %

4,8 %

3,2 %

3,0 %

2,9 %

2,9 %

Note : les dépenses supplémentaires liées à la mise en œuvre du Ségur de la santé sont prises en compte dans cette présentation.

Source : annexe A du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il convient de rappeler que, en application du troisième alinéa de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale doit désormais comporter un « compteur des écarts », à savoir une présentation du respect de la trajectoire de dépenses fixée par la loi de programmation des finances publiques en vigueur. À titre d’exemple, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 récemment considéré comme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, prévoit au II de son article 17 une évolution des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement – le FSV – ne pouvant excéder les montants qui figurent dans le tableau ci-après.

Évolution des objectifs de dÉpenseS pour le champ « ROBSS+FSV » (2023-2027)

Robss + FSV

2023

2024

2025

2026

2027

En % du produit intérieur brut

21,7

21,9

21,9

21,9

21,8

En milliards d’euros courants

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

II.   Les trajectoires des branches seraient contrastées, le déficit des comptes sociaux étant porté par les branches maladie et vieillesse

La formation ou la pérennisation d’excédents au sein des branches famille, autonomie ainsi qu’accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) ne compenserait pas l’incidence, sur le solde des comptes sociaux, du maintien du déficit de la branche maladie à un niveau élevé et de la dégradation transitoire du solde de la branche vieillesse.

Ainsi, au cours de la période 2024‑2027, la branche accidents du travail et maladies professionnelle enregistrerait 4,3 milliards d’euros d’excédents cumulés, la branche famille 3,9 milliards d’euros, la branche autonomie 3,4 milliards d’euros. Cet ensemble de près de 12 milliards d’euros pèse peu au regard des déficits cumulés, pour la même période, des branches vieillesse (40,6 milliards d’euros) et maladie (38,6 milliards d’euros).

Évolution prévisionnelle du solde des Robss (2022-2027)

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Source : annexe A du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

A.   Les branches Autonomie, famille et accidents du travail et maladies professionnelles seraient excédentaires à l’horizon 2027

● La branche famille verrait son excédent se réduire en 2023 : il s’élèverait alors à 1,0 milliard d’euros contre 1,9 milliard d’euros en 2022. Le transfert de la part du congé maternité post-natal de la branche maladie vers la branche famille, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([209]), entraînerait une croissance des charges à hauteur de 2,0 milliards d’euros. En 2024, le solde de la branche se dégraderait sous l’effet de la mise en œuvre des objectifs poursuivis en matière de petite enfance. En 2025, la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), prévue par la même loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, entraînerait une nouvelle diminution de son excédent, qui s’établirait à 0,5 milliard d’euros. Toutefois, l’excédent de la branche se reconstituerait pour atteindre 1,7 milliard d’euros en 2027.

● Après avoir connu, de façon transitoire, un solde déficitaire en 2023 (– 1,1 milliard d’euros), la branche autonomie verrait son excédent se reconstituer à compter de l’exercice 2024 (+ 1,3 milliard d’euros), aidée en cela par l’affectation d’une fraction du produit de la contribution sociale généralisée (CSG) à hauteur de 0,15 point impartie jusqu’à présent à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Cependant, alors même que la branche serait toujours excédentaire en 2027, à raison de 0,4 milliard d’euros, son solde se dégraderait sensiblement au cours des années à venir. Cette évolution découlerait notamment de la création de 50 000 postes en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), de la mise en place d’ici à 2030 de 50 000 solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap et leurs proches, ainsi que du financement de temps consacrés au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient d’un plan d’aide à domicile. En outre, la branche financera la meilleure prise en compte des trimestres cotisés au titre du congé proche aidant en application de la réforme des retraites.

● La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) verrait son excédent se contracter d’ici 2027. Après avoir atteint 1,9 milliard d’euros en 2023, il s’établirait à 1,1 milliard d’euros à l’issue de la période considérée. À compter de 2024, le taux de cotisation AT‑MP sera réduit de 0,12 point afin de compenser l’augmentation symétrique du taux de cotisations vieillesse, prévue par la loi de financement rectificative pour 2023 ([210]). En outre, en application de cette dernière, la branche AT-MP contribuerait à des dépenses tendant à mieux prendre en compte la pénibilité et l’usure professionnelle.

B.   À moyen terme, les déficits des branches maladie et vieillesse continueraient de peser sur l’équilibre des comptes sociaux

● Alors que la branche maladie avait retrouvé un solde proche de l’équilibre avant la crise sanitaire (– 1,5 milliard d’euros en 2019), son déficit s’accroîtrait au cours des prochaines années pour atteindre 10,0 milliards d’euros en 2025 avant de se résorber légèrement jusqu’en 2027. Il s’établirait alors à 9,6 milliards d’euros.

● La réforme des retraites issue de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 précitée améliore les perspectives de solde de la branche vieillesse de 6,3 milliards d’euros à l’horizon 2027. Néanmoins, le déficit de l’ensemble formé des régimes obligatoires de base vieillesse et du FSV atteindrait alors 11,2 milliards d’euros. La croissance de l’excédent de celui-ci, de 2,8 milliards d’euros contre 0,8 milliard d’euros en 2024, ne compense pas la dégradation du solde de celle-là, estimé à – 14 milliards d’euros en 2027 après 5,9 milliards d’euros en 2024 et 1,9 milliard d’euros pour l’exercice en cours.

 

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   TROISIÈME PARTIE
Dispositions relatives aux dépenses pour l’exercice 2024

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Chapitre Ier
Poursuivre la transformation du système de santé pour renforcer la prévention et l’accès aux soins

Article 17
Déploiement de la campagne de vaccination HPV dans les collèges et suppression du ticket modérateur de certains vaccins

Le présent article comporte différentes dispositions nécessaires au déploiement de la campagne de vaccination contre le HPV dans les établissements scolaires, annoncée par le Président de la République en février 2023 et qui sera mise en œuvre à compter de la fin de cette année. Il définit d’une part, les règles de rémunération et d’affiliation à la sécurité sociale des professionnels mobilisés dans le cadre de cette campagne. Il concacre d’autre part, au sein du code de la santé sécurité sociale, la suppression de la participation des assurés pour la vaccination contre le HPV, qu’il étend par cohérence aux vaccins contre la grippe et contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) pour un public défini.

I.   Le droit existant

A.   une MOBILISATION INSUFFISANTE MALGRÉ l’efficacité largement demontrÉe DU VACCIN CONTRE LES hpv

1.   Une problématique de santé publique majeure, qui n’est pas inéluctable

● Les infections à papillomavirus humain (HPV) sont très courantes et hautement transmissibles, essentiellement lors de rapports sexuels. Il s’agit selon la Haute Autorité de santé (HAS), de l’infection sexuellement transmissible (IST) la plus fréquente. Le plus souvent asymptomatiques, ces infections peuvent être à l’origine de verrues (condylomes) mais aussi de lésions dont une minorité évolue vers des cancers.

Avec environ 3 000 nouveaux cas et 1 000 décès par an, le cancer du col de l’utérus est le plus fréquent mais les HPV sont également à l’origine de cancers de la vulve, du vagin, du pénis, de l’anus et de l’oropharynx. On recense environ 6 400 nouveaux cas de cancers chaque année liés à ces infections.

● La vaccination contre les infections à HPV, particulièrement efficace, prévient jusqu’à 90 % des infections HPV à l’origine des lésions précancéreuses et/ou des cancers. Pratiquée au début de la vie sexuelle, son efficacité est proche de 100 %. En France, cette vaccination a été recommandée à partir de 2007 aux jeunes filles et à compter de 2019 aux garçons. Il a en effet été démontré que les hommes participent autant à la transmission de l’infection et peuvent eux-mêmes être touchés par les infections à HPV. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ([211]), les HPV provoquent chaque année environ 100 cancers du pénis, 1 350 cancers anaux, dont 350 chez les hommes, et 1 540 cancers de la sphère ORL, dont 1 180 chez les hommes. En outre, hommes et femmes souffrent de 100 000 nouvelles tumeurs bénignes par an, entraînant de nombreux gestes médicaux.

2.   Une couverture vaccinale insuffisante, malgré de récentes améliorations

● En 2007, les recommandations sanitaires mondiales ne concernaient que les filles âgées de 11 à 14 ans. En France, comme indiqué supra, la vaccination contre les HPV a été recommandée pour les garçons à partir de 2019 et prise en charge par l’Assurance maladie à compter de 2021.

La HAS préconise aujourd’hui la vaccination contre les infections à HPV selon les modalités suivantes :

– pour les jeunes âgés de 11 à 14 ans, un vaccin effectué en deux doses, espacées de six à treize mois ;

– pour les jeunes âgés de 15 à 19 ans n’ayant pas été vaccinés entre 11 et 14 ans, un vaccin effectué « en rattrapage », avec trois injections ;

– pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, jusqu’à 26 ans révolus : trois doses sont administrées, les deuxième et troisièmes doses étant administrées respectivement deux et six mois après la première.

● Le vaccin contre les HPV fait partie des vaccins pris en charge par l’assurance maladie. Cette vaccination est régie par l’article L. 3111‑11 du code de la sécurité sociale, qui fixe les règles de gouvernance et de prise en charge de la vaccination sur l’ensemble du territoire et notamment :

– la prise en charge par les organismes de sécurité sociale des dépenses afférents aux vaccins des assurés sociaux. Le vaccin contre les HPV est remboursé, sur prescription médicale, à hauteur de 65 %, les organismes complémentaires intervenant habituellement pour compléter cette prise en charge ;

– le principe de gratuité des vaccinations réalisées par les établissements et organismes habilités. Aux termes de l’article D. 3111-22 du code de la sécurité sociale, peuvent être habilités comme centres de vaccination pour réaliser les vaccinations les établissements de santé et les centres de santé ;

– la possibilité pour les collectivités territoriales d’exercer des activités en matière de vaccination dans le cadre d’une convention conclue avec l’État. Les vaccinations réalisées en application de cette convention sont gratuites.

● La couverture vaccinale s’améliore depuis plusieurs années, notamment chez les filles, mais demeure insuffisante au regard des objectifs de santé publique et des comparaisons internationales. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, au 31 décembre 2022, la vaccination était de 47,8 % pour une dose chez les filles de 15 ans et de 41,5 % pour deux doses chez les filles de 16 ans, soit une progression de 13 points pour les deux premières doses depuis 2019. La couverture vaccinale des garçons, recommandée plus tardivement, est beaucoup plus faible. Elle est de 12,8 % pour une dose chez les garçons de 15 ans et de 8,5 % pour deux doses à 16 ans.

Ces chiffres demeurent bien en deçà des objectifs de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021‑2030 qui fixe un objectif de couverture vaccinale de 60 % en 2023 et de 80 % en 2030. Si l’on se réfère à la région européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ([212]), en 2022, parmi trente et un pays de la zone (sur cinquante‑huit) ayant fourni leurs données de couverture vaccinale, la France se situait au vingt‑huitième rang avec près de 48 % de couverture vaccinale première dose pour les filles.

● Selon l’Académie nationale de médecine ([213]), l’insuffisance de la couverture vaccinale peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

– une stratégie décennale, principalement orientée autour de la prévention du cancer du col de l’utérus et donc limitée aux filles ;

 un manque de coordination au niveau national, avec des campagnes menées localement, sans réelle cohérence de moyens sur l’ensemble du territoire ;

 une certaine réticence des professionnels de santé, qui renoncent à tenter de convaincre leurs patients.

B.   Une campagne de vaccination en milieu scolaire annoncée par le président de la rÉpublique

La vaccination en milieu scolaire s’avère particulièrement efficace pour améliorer la couverture vaccinale, comme ont pu le montré plusieurs exemples de campagnes menées au Royaume-Uni, en Suède ou en Australie, avec des taux de couverture vaccinale supérieurs à 80 %. En France, des expériences similaires ont également montré l’efficacité de ces campagnes vaccinales.

En application de l’article 60 de la LFSS 2019 ([214]), deux expérimentations régionales de vaccination en milieu scolaire ont été menées dans la région Grand Est et en Guyane de 2019 à 2022 pour promouvoir la vaccination contre les HPV. Elles ont visé à proposer des séances de vaccination au collège chez des élèves de cinquième effectuées par des équipes mobiles de professionnels de santé se déplaçant dans les collèges.

Ces expérimentations ont montré leur efficacité et leur acceptabilité grâce à la synergie entre les services de l’éducation nationale et les structures de santé, avec l’intervention des centres de vaccination dans les collèges en complément d’une information des parents et des élèves sur les bénéfices de cette vaccination dans la prévention de certains cancers. Au total, ces interventions ont permis de vacciner 21 % à 24 % des élèves des classes de cinquième selon les années.

Dans ce contexte et face au retard de la France vis-à-vis de ses objectifs, le Président de la République a annoncé le 28 février 2023 la généralisation de la vaccination contre le HPV pour tous les élèves de cinquième volontaires dès la rentrée de l’année scolaire 2023. L’objectif annoncé est de pouvoir réaliser en une année un schéma vaccinal complet avec une première dose proposée à la fin de l’année 2023 et une seconde au printemps 2024.

Une telle campagne, pilotée par les agences régionales de santé (ARS) devrait permettre de lutter contre les inégalités territoriales de santé et d’encourager un rapprochement bienvenu entre les établissements de scolaires et les professionnels de santé sur le territoire. Cette campagne vaccinale appelle cependant une série de modifications législatives, pour permettre la mobilisation et la rémunération d’un grand nombre de professionnels et la prise en charge par l’assurance maladie de la vaccination.

II.   Le droit proposÉ

A.   DÉfinir les modalités de rÉmunÉration et d’affiliation aux rÉgimes de sécuritÉ sociale des professionnels mobilisés

Le présent article comporte en premier lieu différentes dispositions relatives à la rémunération des professionnels de santé mobilisés dans le cadre de la campagne vaccinale. En effet, comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, « les centres de santé et structures ne disposent pas de d’effectifs de professionnels de santé suffisants pour réaliser l’ensemble des vaccinations dans les collègues ». Afin de pouvoir mobiliser un grand nombre de professionnels, en activité ou non, le présent article crée un régime spécifique de vacations payées directement par l’assurance maladie.

Le 1° du I fixe en premier lieu les modalités de rémunération et d’affiliation aux régimes de sécurité sociale des personnels mobilisés.

S’agissant des règles de rémunération, il dispose que lorsqu’ils interviennent au sein d’un établissement scolaire dans le cadre de la campagne nationale de vaccination contre les HPV organisée par les établissements et organismes désignés par les ARS, les professionnels suivants sont rémunérés par un organisme local d’assurance maladie dans des conditions et à hauteur d’un montant forfaitaire fixés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale :

– les médecins, infirmiers diplômés d’État (IDE), sages-femmes diplômées d’État et pharmaciens exerçant dans le cadre d’un exercice libéral ou d’un exercice salarié auprès d’un autre professionnel de santé libéral, ou en centre de santé ou dans un établissement ou un service médico-social, ainsi que d’un exercice salarié dans un établissement de santé, qui interviennent en dehors de leurs conditions habituelles d’exercice ou en dehors de leurs obligations de services, ou sont retraités ;

– dans le cadre d’un stage et sous la supervision d’un maître de stage, les étudiants en troisième cycle des études de médecine et ceux en troisième cycle des études pharmaceutiques ([215]).

Le 1° du I prévoit en outre les conditions d’affiliation aux régimes de sécurité sociale et de cotisations des professionnels mobilisés. Il dispose que lorsqu’ils ne sont pas affiliés en tant que travailleurs indépendants au titre d’une activité extérieure, les professionnels susmentionnés sont affiliés à la sécurité sociale au titre de leur participation à la campagne selon les modalités suivantes :

– les médecins, salariés ou agents publics qui participent à la campagne de vaccination en dehors de l’exécution de leur contrat de travail ou de leurs obligations de services, les médecins retraités et les étudiants en médecine, sont affiliés au régime général de sécurité sociale dans les conditions applicables aux travailleurs indépendants, ainsi qu’aux régimes d’assurance vieillesse prévus pour les professionnels médicaux et paramédicaux aux articles L. 640-1, L. 644-1 et L. 646-1 du code de la sécurité sociale. Il est précisé que les cotisations et contributions sociales assises sur les rémunérations de cette activité sont calculées sur la base d’un taux global fixé dans les conditions prévues à l’article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale. Ce dernier prévoit la possibilité pour les professionnels d’opter pour un système de taux global et le calcul mensuel ou trimestriel de l’ensemble des cotisations et contributions sociales dues par les professionnels ;

Les règles d’affiliation des travailleurs indépendants

Les travailleurs indépendants sont affiliés au régime général de la sécurité sociale et sont gérés par les mêmes réseaux que les autres affiliés à ce régimes – caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) par exemple pour la maladie – avec des exceptions notables toutefois pour la retraite de base, la retraite complémentaire et l’invalidité décès des professions libérales, gérées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et les sections professionnelles rattachées à cette dernière, avec des dispositifs législatifs et réglementaires différents. C’est le sens par exemple du renvoi pour les médecins aux articles L. 640-1 (retraite de base à la CNAVPL), L. 644-1 (retraite complémentaire et invalidité décès) prévu par cet article. Par ailleurs, les professionnels libéraux connaissent également des taux de cotisations différents des salariés, pour la maladie par exemple.

– les personnes autres que ceux présentés au paragraphe précédent, soit les sages-femmes et infirmiers diplômés d’État qui n’exercent pas en libéral ou qui sont à la retraite, les pharmaciens en exercice ou retraités et les étudiants en troisième cycle des études pharmaceutiques sont affiliées aux assurances sociales du régime général, sans condition d’âge, de nationalité ou de rémunération. Ces personnes sont redevables de cotisations et contributions sociales assises sur les rémunérations perçues diminuées d’un abattement forfaitaire, fixé par décret, qui ne peut être inférieur à 34 %, ni supérieur à 71 %. Les cotisations et contributions sociales dues par ces professionnels sont précomptées par l’organisme local d’assurance maladie qui les rémunère pour le compte des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) et des caisses générales de sécurité sociale. Il est précisé que les dispositions relatives aux garanties et aux sanctions prévues pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales du régime général s’appliquent.

B.   Assurer la prise en charge par l’assurance maladie des vaccins contre le hpv

Le présent article précise en outre les conditions de prise en charge intégrale du vaccin HPV par l’assurance maladie. En effet, l’article L. 3111‑11 du code de la sécurité sociale présenté supra, prévoit déjà la gratuité des vaccinations réalisées par les centres de vaccination, financées via l’intervention du fonds d’intervention régional (FIR). Cette modalité d’organisation et de prise en charge de la vaccination apparait cependant peu compatible avec la mise en place d’une campagne vaccinale d’une telle ampleur. C’est pourquoi, le présent article prévoit une prise en charge spécifique par l’assurance maladie des vaccins administrés dans le cadre de cette campagne.

Les modalités actuelles de prise en charge du vaccin HPV

Actuellement, le vaccin contre les infections à HPV est remboursé dans les conditions de remboursement de droit commun des vaccins. Ainsi, il est pris en charge à 65 % par l’assurance maladie (soit environ 75,5 euros) et le ticket modérateur est de 35 % (soit environ 40,5 euros). Le coût du ticket modérateur est le plus souvent pris en charge par les organismes complémentaires. La vaccination contre les HPV est par ailleurs intégralement prise en charge lorsque la vaccination a lieu dans un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), un planning familial ou un centre de vaccination public.

Le 2° du I modifie ainsi l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale et prévoit l’exonération de la participation de l’assuré pour les frais d’acquisition du vaccin contre les HPV pour les personnes vaccinées dans le cadre des campagnes nationales de vaccinations dans les établissements scolaires.

● Par cohérence avec cette disposition, le présent article prévoit d’inscrire dans la loi l’exonération de la participation de l’assuré pour plusieurs vaccins pour lesquels l’assurance maladie assure déjà, de façon dérogatoire, et via le fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (voir infra), le financement du ticket modérateur afin de permettre une prise en charge à 100 % par l’assurance maladie. L’objectif est d’harmoniser les modes de prise en charge par la sécurité sociale des vaccins recommandés ou obligatoires pour une partie de la population.

Le fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires (FNPEIS)

Créé en 1988, le FNPEIS de la Caisse nationale de l’assurance maladie permet à l’assurance maladie de couvrir les dépenses en matière de prévention, d’éducation et d’information sanitaire et de santé publique, comme des programmes de dépistage de grandes affections, des programmes de vaccination, ou encore des programmes de promotion et d’éducation pour la santé.

Ainsi, le présent article ajoute deux nouvelles exonérations de participation de l’assuré, à l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale :

– d’une part, pour les frais d’acquisition du vaccin contre la grippe pour les personnes pour lesquelles cette vaccination est recommandée dans le calendrier des vaccinations mentionné à l’article L. 3111-1 du code de la sécurité sociale (il s’agit notamment des personnes âgées de plus de 65 ans, des femmes enceintes, des personnes à risque de grippe sévère ou compliquée) ;

– d’autre part, pour les frais d’acquisition du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) pour les personnes âgées de moins de 18 ans.

Le basculement de la prise en charge de ces vaccins du FNPEIS vers l’assurance maladie ne changera rien pour les assurés. Comme l’indique la direction générale de l’offre de soins, en réponse au questionnaire de la rapporteure générale, cette bascule vise uniquement « à mettre fin à un héritage historique peu cohérent entre le FNPEIS et le risque pour les actes de vaccination ».

Le II fixe au 1er janvier 2024 la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 17. Il dispose néanmoins que les conditions de rémunération des professionnels prévues par cet article s’appliquent aux rémunérations perçues à compter du 1er octobre 2023 dans le cadre de la campagne nationale de vaccination contre le HPV et que la prise en charge totale de ces vaccins par l’assurance maladie, s’applique aux vaccins administrés à compter du 1er octobre 2023.

La rapporteure générale salue ces dispositions, indispensables pour le bon déroulement de la campagne de vaccination mise en œuvre dans les collèges, qui devraient permettre à la France de rattraper son retard et de protéger tant les filles que les garçons contre les infections à HPV et leurs conséquences graves.

 

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Article 18
Gratuité des préservatifs pour tous les assurés âgés de moins de 26 ans sans prescription

Dans la lignée des précédentes lois de financement de la sécurité sociale qui ont porté plusieurs mesures améliorant l’accès des jeunes adultes à la contraception, le présent article prévoit la prise en charge complète, sans condition de prescription, des préservatifs distribués en officine pour les jeunes gens de moins de 26 ans. Cette prise en charge n’est cependant possible que pour les préservatifs inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP) prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

I.   le droit existant

● L’accès à la contraception pour les jeunes gens constitue un enjeu majeur qui appelle la mise en place de politiques volontaristes.

Les jeunes sont en effet particulièrement touchés par les infections sexuellement transmissibles (IST) qui, du fait de leur fréquence et des risques de complications associées, représentent une problématique majeure de santé publique. Ces infections connaissent une évolution à la hausse. Le nombre de Chlamydia trachomatis diagnostiquées a ainsi fortement augmenté au début des années 2010 et a recommencé à progresser en 2021 (+ 9 % par rapport à 2019) ([216]). En parallèle, le nombre de découvertes de séropositivité VIH ([217]) s’est stabilisé à 5 013 personnes en 2021, après avoir significativement diminué entre 2019 et 2020 (– 22 %). Les jeunes adultes y sont plus vulnérables en raison d’un nombre de partenaires plus important, couplé à une utilisation intermittente du préservatif.

La contraception représente un poste de dépenses non négligeable dans le budget des jeunes, davantage susceptibles de se trouver en situation de vulnérabilité économique. Au-delà des risques d’IST, la prise irrégulière de moyens de contraception constitue une cause importante de grossesses non désirées. La responsabilité de la contraception repose d’ailleurs le plus souvent sur les femmes dans la mesure où les moyens utilisés relèvent essentiellement de méthodes dites féminines. Selon les fiches d’évaluation préalable annexées au projet de loi, les préservatifs ne représentent aujourd’hui que 15 % parmi les méthodes de contraception utilisées.

● Plusieurs mesurées adoptées ces dernières années ont amélioré l’accès à la contraception, en particulier pour les jeunes adultes :

 la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([218]) a permis la prise en charge en tiers payant de l’ensemble des frais liés à la contraception pour les jeunes filles mineures ;

 la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ([219]) a prévu la prise en charge intégrale des frais liés à la contraception pour toutes les femmes de moins de 26 ans. L’assurance maladie rembourse aujourd’hui, à 100 % et sans avance de frais, le coût de la contraception et les actes qui y sont liés, soit une consultation par an avec un médecin ou une sage-femme et les examens biologiques potentiels associés. S’agissant des types de contraception concernés, peuvent être pris en charge sur prescription les pilules hormonales de première ou de deuxième génération, les implants contraceptifs hormonaux, le stérilet et la contraception d’urgence hormonale.

S’agissant des préservatifs, ces derniers sont pris en charge sur prescription médicale à 60 % depuis fin 2018 ([220]), lorsqu’ils sont inscrits sur la liste des produits et prestations (LPP). Les préservatifs masculins des marques Eden et Sortez couverts sont inscrits sur cette liste. L’ensemble des assurés, mineurs compris, s’acquittent aujourd’hui d’un ticket modérateur de 40 % sur les produits de ces deux marques ;

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([221]) a enfin autorisé la délivrance gratuite et sans prescription médicale de la contraception d’urgence, sans condition d’âge.

II.   le dispositif proposÉ

Dans la lignée des précédentes lois de financement de la sécurité sociale, le présent article étend à l’ensemble des assurés de moins de 26 ans la gratuité, sans condition de prescription, de certains préservatifs et de l’ensemble des frais qui y sont liés. Il inscrit dans la loi un dispositif annoncé par le Président de la République en décembre 2022.

La gratuité des préservatifs distribués en pharmacies d’officine destinée aux moins de 26 ans est en vigueur depuis janvier 2021. Elle rencontre un important succès. D’après les données de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), sur la période de janvier à début juin 2023, la consommation de préservatifs remboursés par les jeunes de moins de 26 ans a en effet été multipliée par cinq (7,8 millions contre 1,6 million pendant la même période en 2022).

 Inscrivant ce dispositif au sein du code de la sécurité sociale, le  du I prévoit la prise en charge et le remboursement, par la sécurité sociale et sans condition de prescription médicale, des préservatifs délivrés en officine et inscrits sur la LPP pour l’ensemble des moins de 26 ans. Il prévoit également que cette délivrance sans avance de frais permet une prise en charge complète de l’ensemble des frais d’acquisition.

Par cohérence, le II modifie l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale et dispose que la participation de l’assuré, dite « ticket modérateur », peut être limitée ou supprimée pour les frais d’acquisition de préservatifs inscrits sur la liste évoquée.

Comme le précisent les fiches d’évaluation préalable annexées au projet de loi, deux marques de préservatifs externes sont aujourd’hui inscrites sur la LPP (Eden et Sortez couverts). Plusieurs autres demandes, notamment de préservatifs internes – ou féminins – sont en cours d’instruction. La notion de « préservatif » au présent article inclut à la fois les préservatifs internes et externes.

● Le présent article garantit enfin la protection des mineurs à l’occasion de la délivrance des préservatifs. Le a du 1° du I dispose que le consentement des titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant du représentant légal, n’est pas requis pour la prescription, la délivrance ou l’administration de préservatifs aux mineurs, au même titre que les contraceptifs. Dans cette même logique, le b du 1° du I étend aux préservatifs la garantie de protection du secret lorsqu’ils sont délivrés aux mineurs.

● La rapporteure générale se félicite de l’inscription dans la loi de cette mesure qui a montré son intérêt et qui encourage les jeunes de moins de 26 ans à une sexualité responsable. Ce dispositif devrait également permettre une meilleure répartition de la charge contraceptive entre les hommes et les femmes, dans la mesure où elle étend la prise en charge à un mode de contraception autre que les contraceptions dites « féminines ».

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Article 19
Lutter contre la précarité menstruelle

L’article 19 crée un cadre de prise en charge par l’assurance maladie de protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S). Il subordonne la prise en charge de ces protections au respect d’un cahier des charges précis, dans l’objectif de garantir la qualité et la sécurité des produits proposés.

I.   la situation actuelle

A.   LA PRÉCARITÉ MENSTRUELLE : une problématique centrale malgré le déploiement d’actions visant à mieux la prendre en compte

● La précarité menstruelle désigne selon le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) « les difficultés de nombreuses femmes et filles à se payer des protections hygiéniques à cause de leurs faibles revenus ». En France, un nombre important de femmes sont concernées par cette réalité. Selon un récent sondage OpinionWay, 31 % des femmes menstruées de 18 à 50 ans éprouvent des difficultés à se procurer suffisamment de protections périodiques ([222]).

Cette problématique touche logiquement plus fortement les femmes ayant de faibles revenus. Les protections hygiéniques, dont on estime qu’elles représentent un coût d’environ 10 euros par mois, constituent un poste de dépense important, en particulier dans le contexte actuel d’inflation.

La précarité menstruelle est particulièrement prégnante chez les jeunes femmes de 18 à 24 ans et notamment chez les étudiantes, davantage susceptibles de connaître des difficultés financières. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistique (Drees), 1 400 000 jeunes de cette tranche d’âge vivent en effet sous le seuil de pauvreté. Il est aujourd’hui estimé qu’environ 44 % de femmes de cet âge sont en situation de précarité menstruelle.

En sus des difficultés financières, les femmes qui souffrent de précarité menstruelle sont davantage susceptibles de rencontrer des problématiques de santé. Cette situation conduit en effet les femmes à des pratiques à risque, comme le fait de porter des protections plus longtemps que ce qui est recommandé. Elles peuvent conduire au syndrome du choc toxique (voir infra), peu fréquent mais en augmentation constante depuis les années 1990, qui touche surtout les jeunes filles, avec un pic autour de 15 ans ([223]).

Le syndrome de choc toxique (SCT)

Le syndrome de choc toxique est causé par la présence d’une bactérie, le staphylococcus aureus (staphylocoque doré), dans le microbiote vaginal de certaines femmes. La bactérie, présente dans ou sur le corps de 30 à 40 % de la population, n’est pas, en soi, dangereuse mais le devient lorsque la femme abrite dans son vagin un staphylocoque doré producteur d’une toxine particulière appelée TSST-1 (environ 1 % des cas).

Dans ce cas, lorsque la femme a ses règles et qu’elle garde une protection trop longtemps, la bactérie se retrouve bloquée dans le vagin et s’y multiplie. Quand le staphylocoque doré atteint une concentration importante, il libère la toxine TSST‑1 qui passe dans le sang et provoque le choc toxique, ainsi que des lésions de certains organes. Cette maladie grave peut conduire à une nécrose des tissus et à des amputations, voire au décès.

● La lutte contre la précarité menstruelle fait l’objet d’un engagement fort de ce gouvernement, qui a mis en place plusieurs actions visant à endiguer ce fléau.

Après une expérimentation dotée de 1 million d’euros en 2020, l’État a ainsi porté à 5 millions d’euros le budget consacré aux expérimentations de lutte contre la précarité menstruelle en 2022 pour soutenir des actions auprès des femmes précaires, en particulier celles hébergées à l’hôtel ou à la rue.

Des actions ciblées envers les étudiantes ont par ailleurs été menées, comprenant notamment la mise à disposition gratuite de protections hygiéniques, accessibles dans des distributeurs en 2021. La même année, les protections hygiéniques ont également été rendues gratuites pour les femmes détenues.

B.   l’impact environnemental et sanitaire des protections hygiéniques jetables

Au-delà de leur coût important, les protections périodiques ont un impact sur l’environnement qui pose particulièrement question. La fréquence d’utilisation de ces produits par un nombre important de femmes, pendant une longue période de leur vie, est génératrice d’une masse conséquente de déchets. On estime à 2 milliards le nombre de tampons et serviettes menstruelles jetables consommés chaque année.

Ces dernières années, de nouveaux types de produits, qui constituaient au départ des marchés de niche, se sont peu à peu développés. Au-delà des traditionnels tampons et serviettes absorbantes à usage unique, sont aujourd’hui proposées aux femmes des culottes menstruelles lavables, des serviettes lavables et des coupes menstruelles. Ces produits réutilisables constituent une alternative particulièrement intéressante aux protections jetables, mais sont encore peu utilisés, en raison de leur coût financier. Il faut ainsi compter environ 25 à 30 euros pour l’achat d’une culotte menstruelle, soit au moins 75 euros pour disposer d’un pack de trois culottes.

Les conséquences néfastes de certains produits sur la santé sont par ailleurs dénoncées. De nombreuses protections hygiéniques comportent par exemple des substances potentiellement dangereuses pour la santé, certaines d’entre elles étant soupçonnées d’être des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des molécules susceptibles d’interférer avec le fonctionnement normal du système endocrinien– c’est le cas des dioxines et des pesticides organochlorés. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les dioxines sont notamment susceptibles de provoquer des troubles au niveau de la procréation, du développement, du système immunitaire ou hormonal et des cancers.

II.   le dispositif proposé

Le présent article crée un cadre de prise en charge de certaines protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la C2S. Les protections visées par cet article sont les culottes menstruelles ou les coupes menstruelles, répondant à plusieurs critères.

A.   La consécration dans la loi de la prise en charge des protections périodiques réutilisables pour les jeunes femmes et les femmes aux revenus modestes

Le modifie l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale relatif aux domaines de la protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie et dispose que celle-ci comporte la couverture des frais relatifs aux protections périodiques réutilisables inscrites sur une liste prévue à l’article L. 162-59, issu du présent article, pour les assurées de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la C2S.

Le introduit un nouvel article L. 162-59 au sein du code de la sécurité sociale, qui consacre le principe d’une prise en charge par la sécurité sociale des protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans et les femmes bénéficiaires de la C2S, soit les plus susceptibles de connaître une situation de vulnérabilité financière. Pour rappel, la C2S permet de prendre en charge la part complémentaire des dépenses de santé des personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond annuel – fixé depuis le 1er avril 2023 à 9 719 euros pour une personne seule – ou à ce même plafond, majoré de 35 %, soit 13 120 euros pour une personne seule à la même date, sous réserve dans ce dernier cas d’acquitter une participation financière. Selon l’étude d’impact, le nombre estimé de femmes bénéficiaires de la C2S ayant entre 26 et 59 ans est de 1,6 million.

Le prévoit cependant une participation de l’assuré à l’achat des protections périodiques en question. Il permet d’appliquer le ticket modérateur, prévu à l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale, à ces protections ([224]).

L’étude d’impact annexée au projet de loi indique que cette participation des assurés devrait être fixée à 40 % et pourra être prise en charge par les organismes complémentaires. Pour toutes les bénéficiaires de la C2S, cette participation sera totalement prise en charge.

 Le prévoit néanmoins le caractère facultatif de la prise en charge, des protections hygiéniques réutilisables prévues au présent article par les garanties obligatoires des contrats responsables proposés par les employeurs, dans l’objectif « de ne pas modifier l’équilibre global des garanties que ceux-ci doivent d’ores et déjà couvrir ».

B.   Une prise en charge subordonnée au respect de critères de qualité

● Le détermine les modalités de prise en charge ou de remboursement ([225]) par l’assurance maladie des protections périodiques réutilisables.

Il dispose que cette prise en charge ou ce remboursement sont subordonnés à l’inscription des produits sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale dans des conditions permettant l’identification individuelle des produits.

L’inscription sur la liste, qui fait suite à une demande présentée par l’exploitant du produit, est conditionnée à un certain nombre d’éléments :

– le respect de critères, fixés par les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, fondés sur des spécifications techniques et des normes relatives à la composition des produits, à leur qualité et leurs modalités de distribution ;

– la décision d’inscription sur la liste peut également tenir compte de « l’intérêt des conditions tarifaires proposées au regard de l’objectif d’efficience des dépenses d’assurance maladie », compte tenu des caractéristiques du produit au regard des critères mentionnés au paragraphe précédent et des conditions économiques du marché des protections hygiéniques réutilisables.

Ces critères de référencement, ainsi que les conditions d’inscription sur la liste, peuvent être adaptés en fonction des catégories de produits.

Le présent article renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation des modalités précises d’application, notamment les catégories de produits pouvant être inscrits sur la liste, les modalités de leur référencement et de leur inscription ainsi que le nombre de produits pouvant être délivrés aux assurées.

● La rapporteure générale salue ces garanties, qui permettront de s’assurer de la qualité et de la sécurité des protections pour la santé des femmes. Une femme ayant en moyenne ses règles plus de 450 fois au cours de sa vie, il est primordial de s’intéresser à la composition de ces produits et de s’assurer de leur innocuité.

C.   UNE PROCÉDURE visant à garantir le respect des critères de qualité et de sécurité des produits

● Afin de garantir la qualité et la sécurité des produits pris en charge, le présent article prévoit un dispositif de contrôle et de sanction aux manquements.

Il consacre la possibilité pour le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) de procéder ou faire procéder à tout moment sous son autorité, le cas échéant en associant des caisses primaires d’assurance maladie (Cpam) ou des organismes compétents désignés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, au contrôle du respect des spécifications techniques et des normes relatives à la composition des produits auxquels l’inscription sur la liste prévue par le présent article est subordonnée.

Lorsqu’il constate qu’une spécification technique n’est pas respectée, après avoir mis l’exploitant du produit concerné en mesure de présenter ses observations, le directeur général de la Cnam informe sans délai les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ([226]). Ces derniers informent quant à eux la caisse de toute mesure prise à la suite de cette transmission.

Il est précisé que lorsque le manquement constaté a entraîné un remboursement indu par l’assurance maladie, le directeur général de la Cnam met l’exploitant en demeure de rembourser la somme correspondant au montant remboursé à tort.

En cas de non-exécution de la mise en demeure dans le délai imparti par celle-ci, la caisse est subrogée dans les droits des organismes lésés et son directeur général assure la récupération des sommes en exerçant le cas échéant les pouvoirs conférés aux organismes locaux par l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. Selon cet article, le directeur de l’organisme de sécurité sociale peut, en cas de mise en demeure restée sans effet, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire, comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.

Enfin, le directeur général de la Cnam peut prononcer à l’encontre de l’exploitant, en fonction de la gravité des faits reprochés, une pénalité financière, dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’exploitant au titre du dernier exercice clos pour le produit considéré. La pénalité est recouvrée par l’organisme d’assurance maladie compétent et son produit, affecté à la Cnam.

D.   Un dispositif étendu à Mayotte

Le 5° étend à Mayotte la prise en charge par l’assurance maladie-maternité, invalidité, décès et autonomie, des protections hygiéniques réutilisables prévues par le présent article.

Article 20
Évolution des rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie

L’article 20 complète le dispositif des rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie, issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Par dérogation aux règles du code de la sécurité sociale, il précise que la liste des professionnels pouvant réaliser ces rendez-vous, les tarifs pratiqués et les modalités de rémunération des professionnels sont précisés par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale plutôt que par voie conventionnelle.

I.   la mise en place en 2023 de rendez-vous de prÉvention aux âges clefs de la vie

A.   Le principe de rendez-vous de prévention adaptÉs aux Âges de la vie

● L’article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([227]) a créé un nouvel article L. 1411‑6‑2 au sein du code de la santé publique, qui consacre le droit de tous les adultes de bénéficier de mesures de prévention sanitaire et sociale, qui comportent notamment des rendez-vous de prévention proposés à certains âges.

Ces rendez-vous peuvent donner lieu à des consultations de prévention et à des séances d’information, d’éducation pour la santé, de promotion de la santé et de prévention. Ils peuvent aussi être le lieu de repérage des violences sexistes et sexuelles et des risques liés à la situation de proche aidant.

● Selon l’article L. 1411-6-2 précité, ces rendez-vous ont notamment pour objectifs, en fonction des besoins, de « promouvoir l’activité physique et sportive et une alimentation favorable à la santé, de prévenir les cancers, les addictions et l’infertilité et de promouvoir la santé mentale et la santé sexuelle ». Ils sont adaptés aux besoins de chaque individu et prennent notamment en compte « les besoins de santé des femmes et la détection des premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie ».

Les fiches d’évaluation préalable annexées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ont clarifié les modalités et les objectifs de ces rendez-vous, qui pourraient avoir lieu à trois âges clefs de la vie :

– des rendez-vous à 20-25 ans viseraient principalement à prévenir les conduites à risques et les cancers en luttant contre les addictions et en favorisant une bonne hygiène de vie. Ils permettraient également de vérifier les rappels de vaccination ainsi que, pour les femmes, de renforcer la prévention des cancers du sein et du col de l’utérus ;

– des rendez-vous à 40-45 ans auraient notamment pour objectif de prévenir l’apparition de maladies chroniques comme le diabète et les maladies cardio-vasculaires ainsi que des cancers, grâce à une évaluation systématique des facteurs de risque métabolique. Ces consultations seraient aussi l’occasion de délivrer une information sur les symptômes d’alerte de l’accident vasculaire cérébral, de l’infarctus et d’autres risques encourus à cet âge. Cette évaluation pourrait être complétée, le cas échéant, par une consultation de prévention des principaux facteurs de risque et par la promotion de l’activité physique et d’une alimentation équilibrée ;

– des rendez-vous à 60-65 ans porteraient principalement sur la prévention de la perte d’autonomie et la détection des premières fragilités. Ces consultations s’adresseront en priorité aux personnes à risque en fonction de leurs caractéristiques géographiques, socio-économiques et de leur consommation de soins.

B.   un dispositif relativement souple

La mise en place des rendez-vous de prévention poursuit l’objectif d’un véritable virage préventif. Il s’agit d’un dispositif souple, ayant vocation à concerner un champ important de professionnels de santé.

L’article L. 1411-8 du code de la santé publique dispose en effet que peuvent concourir aux rendez-vous de prévention, consultations et séances « tout professionnel de santé, quel que soit son mode d’exercice, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux, le service de santé des armées et tous autres organismes de soins ou de prévention, dans les limites fixées par les dispositions législatives et réglementaires ».

L’article L. 1411-7 du même code renvoie la précision du nombre et de la périodicité des rendez-vous, consultations et séances ainsi créés à un arrêté des ministres charges de la santé et de la protection sociale.

S’agissant de la prise en charge, ces rendez-vous de prévention sont remboursés par l’assurance maladie intégralement, avec exonération du ticket modérateur, afin de garantir leur accessibilité à l’ensemble des patients.

L’article L. 1411-6-2 du code de la santé publique renvoie enfin au domaine réglementaire la définition des conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel, la télémédecine peut être utilisée lorsque la personne est dans l’impossibilité de se rendre physiquement à un rendez-vous.

C.   les premiÈres consultations ont dessiné le schÉma de mise en œuvre de ces rendez-vous

Suite à l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, des concertations ont été menées avec les parties prenantes du système de santé pour définir le contenu et le déroulement des rendez-vous de prévention. La consultation de professionnels et de citoyens de différentes tranches d’âge a également eu lieu.

Ces travaux ont défini un schéma de déploiement des rendez-vous de prévention présenté dans les fiches d’évaluation préalables annexées au présent projet de loi. Ce schéma serait organisé selon les étapes suivantes :

– une invitation des personnes éligibles aux rendez-vous de prévention par l’assurance maladie, assortie d’actions « d’aller vers » à destination des populations les plus vulnérables et les plus éloignées du système de santé ;

– en amont du rendez-vous, la mise à la disposition des personnes éligibles d’un auto-questionnaire permettant un premier bilan sur les habitudes de vie et délivrant des conseils adaptés pour améliorer la santé ;

– un temps d’échange avec un professionnel de santé sous la forme d’un entretien motivationnel afin de déterminer les actions concrètes à mettre en place pour améliorer les habitudes de vie et donnant lieu à la coconstruction d’un plan personnalisé de prévention ;

– à l’issue de ce rendez-vous, une orientation vers un parcours adapté dit « d’aval » en fonction des besoins identifiés. Dépistages, mise en relation avec des associations, des professionnels de santé, ou encore, renvoi vers des applications en ligne sont envisageables.

II.   le droit proposÉ : dÉfinir dans la loi les modalitÉs de mise en œuvre des rendez-vous de prÉvention

Le présent article précise les modalités d’application du dispositif des rendez-vous de prévention adopté dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale. Il consacre dans la loi, et non par voie conventionnelle, les conditions de dispensation des rendez-vous ainsi que la liste et les modalités de rémunération des professionnels concernés.

Les articles L. 162-1-7, L. 162-14-1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale subordonnent la prise en charge ou le remboursement des actes par l’assurance maladie à leur inscription sur une liste et prévoient la définition des modalités de fixation des honoraires et rémunérations des professionnels de santé libéraux par des conventions liant ces professionnels à l’assurance maladie.

Par dérogation, le II du présent article dispose que sont définis par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé :

– la liste des professionnels pouvant dispenser les rendez-vous de prévention prévus à l’article L. 1411-6-2 du code de la santé publique ;

– le montant des tarifs de ces rendez-vous pratiqués et pris en charge ou remboursés par l’assurance maladie ;

– les conditions de facturation de ces rendez-vous, notamment les conditions dans lesquelles les professionnels sont autorisés à facturer, à l’occasion du rendez-vous de prévention, des actes ou prestations complémentaires.

Le recours à loi devrait permettre de déployer rapidement ces rendez-vous de prévention et de proposer un dispositif transverse aux diverses professions. En effet, le renvoi à la négociation au sein de chaque convention liant l’assurance maladie et les professionnels de santé représenterait une complexité excessive et impliquerait des délais de mise en œuvre particulièrement longs.

Les fiches d’évaluation préalables annexées au présent projet de loi indiquent que « le calendrier arrêté pour les prochaines discussions conventionnelles avec les différents professionnels de santé susceptibles de réaliser ces rendez-vous ainsi que la clause d’entrée en vigueur au terme de six mois pour les mesures ayant un impact financier ne garantissent ni une entrée en vigueur rapide de ces rendez-vous ni une entrée en vigueur simultanée pour l’ensemble des professionnels ». La logique mono-professionnelle ne facilite pas non plus « une approche transversale des négociations avec les différentes professions, et les rendez-vous de prévention ne relèvent pas du champ des accords interprofessionnels ».

Ces rendez-vous devraient, comme initialement prévu, être ouvert à un champ très large de professionnels de santé (médecins, infirmiers, sages‑femmes, pharmaciens notamment. Le I du présent article dispose en ce sens qu’en cas d’impossibilité pour le patient de se rendre à son rendez-vous, le télé-soin qui, à la différence de la médecine, concerne les auxiliaires médicaux et les pharmaciens, pourra être utilisé.

Comme annoncé à plusieurs reprises par le Gouvernement, un tarif unique de 30 euros devrait être fixé par arrêté du ministre chargé de la santé et de la prévention pour l’ensemble des professionnels de santé effecteurs, sans dépassements d’honoraires. Dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure générale, la direction générale de l’offre de soins indique cependant qu’il pourra être envisagé, dans des cas définis, de « coter des actes complémentaires, dans la limite d’un acte facturable, en sus par bilan de prévention ». Cela concernerait par exemple un acte de prévention ou un acte relatif à un diagnostic réalisé au cours du bilan de prévention, dans les situations pour lesquelles un besoin est identifié au cours d’un rendez-vous uniquement.

La rapporteure générale salue les dispositions de cet article pour une entrée en vigueur rapide des rendez-vous de prévention, mesure centrale du virage préventif en cours.

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Article 21
Mieux articuler les droits à la complémentaire santé solidaire avec le bénéfice de certains minima sociaux

Dans la lignée des mesures prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ([228]) à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’article 21 étend l’attribution simplifiée et le renouvellement automatique de la complémentaire santé solidaire (C2S) à une partie des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l’allocation du contrat d’engagement jeune (ACEJ).

I.   le droit existant

A.   La complÉmentaire sociale solidaire : un dispositif destinÉ À garantir la prise en charge complÈte des dÉpenses de santÉ des personnes aux ressources modestes

● Afin d’offrir une protection complémentaire en matière de santé aux personnes résidant de manière stable et régulière en France et ne disposant pas de ressources insuffisantes pour bénéficier d’une mutuelle classique, la loi du 27 juillet 1999 ([229]) a créé la couverture maladie universelle complémentaire (CMU‑C). Une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) a par la suite été instituée par la loi du 13 août 2004 ([230]), à destination des personnes dont les ressources excèdent légèrement le plafond prévu pour la CMU‑C tout en restant modestes.

Créée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 ([231]), la complémentaire santé solidaire (C2S) constitue la fusion de ces deux dispositifs. Elle comprend deux composantes :

– une C2S « sans participation », succédant à la CMU‑C, qui est versée aux foyers dont les ressources sont inférieures à un plafond annuel, fixé à 9 719 euros pour une personne depuis le 1er avril 2023 ;

– une C2S « avec participation », succédant à l’ACS, qui est versée, sous réserve d’acquitter une participation financière, aux foyers dont les ressources sont comprises entre le plafond mentionné supra et ce même plafond majoré de 35 %, soit 13 120 euros pour une personne au 1er avril 2023.

La C2S donne droit à la prise en charge sans avance de frais du ticket modérateur pour les soins de ville et à l’hôpital et du forfait journalier. Elle offre également des avantages spécifiques pour les assurés, notamment l’interdiction du dépassement d’honoraires et l’exonération de la participation forfaitaire de 1 euro des franchises médicales.

On comptait, fin 2022, 7,4 millions de bénéficiaires de la C2S.

B.   UN RECOURS TOUJOURS INSUFFISANT CHEZ LES BÉNÉFICIAIRES DE MINIMA SOCIAUX, MALGRÉ une simplification progressive

1.   Un accès déjà facilité

● La C2S a été instituée pour répondre aux taux de recours particulièrement faibles à la CMU‑C et à l’ACS pour les personnes éligibles ([232]). La C2S se caractérise dès lors par des modalités d’accès et de renouvellement simplifiées, en particulier pour les bénéficiaires de certains minima sociaux.

Ainsi, aux termes de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, les bénéficiaires du RSA sont réputés remplir les conditions d’ouverture du droit à la C2S sans participation et peuvent effectuer une demande de C2S conjointement à une demande de RSA. Un renouvellement automatique du droit à la C2S est par ailleurs prévu pour les bénéficiaires du RSA mais aussi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA).

La LFSS 2022 a simplifié davantage encore l’accès à la C2S avec deux mesures essentielles :

– d’une part, l’attribution automatique de la C2S aux bénéficiaires du RSA, sauf option contraire de leur part ;

– d’autre part, la reconnaissance selon laquelle les bénéficiaires de l’ASPA sont, à l’instar des bénéficiaires du RSA, réputés remplir les conditions d’ouverture du droit à la C2S avec participation, dès lors qu’ils n’ont pas exercé d’activité salariée ou indépendante pendant une certaine période.

2.   Des bénéficiaires de minima sociaux qui demeurent insuffisants couverts

Le recours à la C2S est en hausse constante depuis sa création en 2019. Depuis octobre 2019, soit le mois précédant la mise en place de la C2S, le nombre de bénéficiaires a ainsi progressé de 307 000 (+ 4,3 %), dont 129 000 bénéficiaires pour la C2S gratuite (+ 2,2 %) et 178 000 bénéficiaires pour la C2S avec participation (+ 13,6 %).

Personnes couvertes par une complÉmentaire santÉ solidaire gratuite et avec participation

Source : Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale, 2022, annexe 1 : Maladie.

En dépit des réformes visant à faciliter l’accès à la C2S, le recours à ce dispositif reste insuffisant pour un grand nombre d’allocataires de minima sociaux.

S’agissant d’abord des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), 13 % d’entre eux ne sont pas couverts par une complémentaire santé, et supportent des dépenses de 3 800 euros par an en ville et 6 500 euros à l’hôpital ([233]). Ces allocataires sont confrontés à des restes à charge particulièrement élevés, se situant en moyenne à 266 euros à l’hôpital (contre 60 % pour le reste de la population) et 281 euros en ville (contre 221 euros en population générale). Ces coûts importants sont notamment liés au fait que les bénéficiaires de l’AAH sont nombreux à souffrir d’une affection de longue durée (ALD), qui permet la prise en charge intégrale des frais liés à cette pathologie mais ne dispense pas d’une couverture pour les soins sans lien avec la maladie.

S’agissant ensuite des allocataires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), attribuée aux personnes ayant épuisé leurs droits au chômage, 19 % d’entre eux ne bénéficient pas de couverture santé en 2018, n’étant pas concernés par la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise effective depuis 2016. L’absence de complémentaire santé touche en effet fortement les personnes éloignées de l’emploi.

En ce qui concerne l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), seuls 14 % de ses bénéficiaires ont recours à la C2S, alors même que les dépenses de santé de ces allocataires sont particulièrement élevées. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, les bénéficiaires de l’ASI sont exposés à des frais de santé et des dépenses d’hospitalisation représentant respectivement 4 700 et 5 800 euros par an.

Enfin, les jeunes bénéficiant d’un contrat d’engagement jeune (CEJ) sont susceptibles d’être touchés par un faible taux de recours à la C2S, malgré l’entrée en vigueur récente d’un décret ([234]) excluant de la base ressources de la C2S l’allocation du contrat d’engagement jeune (ACEJ) qui leur est versée. Ce public est en effet particulièrement touché par des situations de précarité et l’éloignement des services publics, rendant souhaitable la mise en place de dispositifs encore plus incitatifs.

II.   le droit proposÉ

Le présent article étend la présomption de droit à la C2S aux bénéficiaires de l’AAH, de l’ASS, de l’ASI et de l’ACEJ sous certaines conditions, sur le modèle du dispositif prévu par la LFSS 2022 pour les allocataires de l’ASPA. Il prévoit également le renouvellement automatique du droit à la C2S dès lors que leur situation reste inchangée.

En effet, au regard des divergences entre les bases ressources de la C2S et celles de ces minima sociaux (voir infra), à l’exception de l’ASI, seulement une partie de ces allocataires seront ciblés.

tableau comparatif des plafonds et bases ressources de l’aah, l’asi, l’ass et l’acej AU REGARD DE LA C2S (EN EUROS)

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Source : étude d’impact annexée au projet de loi.

 

● Le 1 ° du I dispose que sont réputés satisfaire aux conditions d’ouverture du droit à la CSS avec participation :

– les bénéficiaires de l’ASI ainsi que leur conjoint, leur concubin ou le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (Pacs) à condition qu’ils n’aient pas exercé d’activité salariée ou indépendante pendant une période de référence ;

– les bénéficiaires de l’AAH versée à taux plein, vivant seuls et sans enfant à charge, à condition qu’ils n’aient pas exercé d’activité salariée ou indépendante ou une activité dans un établissement ou service d’aide par le travail (Esat) ([235]) pendant une période de référence et ne bénéficient pas à la fois du complément de ressources qui existait avant la loi de finances pour 2019 ([236]) (voir infra) et de l’une des aides personnelles au logement prévues à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation ([237]), soit environ 60 % des bénéficiaires ([238]) ;

Le complément de ressources de l’AAH

Avant la LFSS 2019, un allocataire de l’AAH dont le taux d’incapacité était supérieur à 80 % pouvait percevoir un complément de ressources ou la majoration pour la vie autonome. Aujourd’hui, une personne bénéficiaire de l’AAH dans l’incapacité de travailler peut percevoir uniquement la majoration pour la vie autonome (avec laquelle a fusionné le complément de ressources), qui permet de faire face aux dépenses d’entretien d’un logement.

– les bénéficiaires de l’ASS vivant seuls et sans enfants à charge, soit environ 65 % des bénéficiaires ;

– les bénéficiaires de l’allocation versée dans le cadre d’un contrat d’engagement jeune, lorsqu’ils constituent ou sont rattachés à un foyer fiscal non imposable à l’impôt sur le revenu, soit environ 71 % des bénéficiaires de cette allocation.

Dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure générale, la direction de la sécurité sociale précise que le dispositif d’attribution de la C2S concerne l’ensemble des allocataires des minima sociaux visés, qu’il s’agisse des anciens allocataires (« le stock ») et des nouveaux entrants (« le flux »). Les allocataires actuels de ces minima bénéficieront donc de ce dispositif de présomption, « dès lors que le formulaire de demande de C2S sera actualisé en précisant que l’encart relatif aux ressources n’a pas à être renseigné par eux ». Néanmoins, à la différence des nouveaux entrants dans ces prestations, les anciens allocataires ne recevront pas de courrier dédié de la part de leur caisse d’assurance maladie, les prévenant de leur éligibilité à la C2S participative (C2S-P) et leur proposant d’en bénéficier simplement en renvoyant les documents nécessaires au paiement des cotisations. Comme l’indique la direction de la sécurité sociale, « cette démarche "d’aller vers" de la caisse, via l’envoi de ce courrier, s’adressera uniquement aux nouveaux allocataires ».

La rapporteure générale se réjouit de cette mesure, qui permettra aux nouveaux bénéficiaires de l’AAH, de l’ASS, de l’ASI et de l’ACEJ d’obtenir la C2S simultanément à leur demande d’allocation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leurs ressources. Une telle réforme constitue une simplification importante des démarches d’accès à la C2S et devrait accroître sensiblement le recours à ce dispositif.

● Le a du 2° du I prévoit les modalités d’information de leurs droits des nouveaux bénéficiaires de l’AAH et de l’ASI. Il permet de maintenir le courrier informatif général sur la C2S uniquement pour les allocataires de ces deux minima sociaux ne remplissant pas les critères de présomption, afin qu’ils continuent d’aller vérifier leur éligibilité à la C2S sur le site Ameli. Il permet en cela par ailleurs d’éviter que les nouveaux allocataires de l’AAH et de l’ASI remplissant les critères de la présomption reçoivent simultanément deux courriers de l’assurance maladie (le courrier informatif sur la C2S, et le courrier de « présomption de droit à la C2S payante »), au risque de créer une incompréhension et d’entraver leur recours au dispositif.

Maintenir le courrier informatif général sur la C2S uniquement pour les allocataires de l’AAH et de l’ASI ne remplissant pas les critères de la présomption, de façon à ce qu’ils continuent d’aller vérifier leur éligibilité à la C2S sur le site Ameli.

 Le b du 2° du I prévoit le renouvellement automatique au droit à la C2S pour les bénéficiaires de l’ASI, de l’AAH, de l’ASS et de l’allocation versée dans le cadre du contrat d’engagement jeune, sous réserve qu’ils satisfassent, à la date du renouvellement, à l’ensemble des conditions prévues pour bénéficier de ce droit.

● Le II dispose que les dispositions de cet article entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le :

– 1er juillet 2024 pour les bénéficiaires de l’ASI ;

– 1er juillet 2025 pour les bénéficiaires de l’AAH ;

– 1er juillet 2026 pour les bénéficiaires de l’ASS et de l’allocation versée dans le cadre du contrat jeune.

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Article 22
Inscription dans le droit commun des parcours issus des expérimentations de l’article 51

Le présent article crée un cadre législatif générique permettant de péreniser des expérimentations « article 51 » qui ont permis la mise en place de parcours coordonnés renforcés grâce à un financement collectif d’une équipe, afin d’être adaptable aux besoins des patients. L’entrée dans le droit commun des expérimentations ayant démontré leur intérêt se ferait au fur et à mesure à partir de l’année prochaine.

L’impact financier de cette mesure augmenterait progressivement. Il passerait de 16 millions d’euros en 2024 à 84 millions d’euros en 2027.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

● Depuis 2018, plus de 135 innovations organisationnelles ont été accompagnées, testées et financées dans le cadre du dispositif « article 51 » ([239]). Ces expérimentations ont pour particularité de déroger au droit commun de la tarification. Des solutions construites par les acteurs de terrain ont ainsi pu être expérimentées pour :

– améliorer la prise en charge des patients en simplifiant le parcours de soins, en valorisant la prévention et en permettant le remboursement de nouvelles prestations ;

– améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé en facilitant le travail en équipe ou en réseau.

Les premières expérimentations (35) arriveront à leur terme dès la fin de l’année 2023 et d’autres (38) rapidement en 2024 puis en 2025.

● Il s’agit désormais de sortir du cadre expérimental et d’intégrer dans le droit commun les dispositifs qui auront démontré leur intérêt :

– un tiers des expérimentations de l’article 51 pourra être généralisé en s’appuyant sur le cadre conventionnel s’appliquant aux professionnels de santé libéraux ou sur le cadre réglementaire, notamment pour les établissements de santé ou les établissements sociaux ou médico-sociaux ;

– une modification du cadre législatif est nécessaire pour plus des deux tiers des expérimentations, qui ont permis la mise en place de parcours coordonnés renforcés de prise en charge mobilisant plusieurs acteurs issus de différents secteurs.

Ces expérimentations pourront apporter au plus grand nombre des solutions concrètes aux difficultés rencontrées dans les prises en charge. Leur généralisation permettra en outre de diffuser des innovations organisationnelles.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

● Le présent article crée un cadre générique permettant la mise en place de parcours coordonnés renforcés, au travers d’un financement collectif d’une équipe pour être adaptable aux besoins des patients et pouvant se déployer entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social. Il introduit à cet effet un nouveau chapitre dans le code de la santé publique intitulé « Parcours coordonnés renforcés » et composé d’un unique article L. 4012-1 (I) ainsi que des dispositions miroirs dans le code de la sécurité sociale au sein d’une section relative à la prise en charge des parcours coordonnés renforcés abritant un unique article L. 162-59 (II).

L’article prévoit :

– une définition de la notion de parcours coordonné renforcé. Un arrêté ministériel définira pour chaque type de parcours les modalités d’organisation, les prestations couvertes par le forfait et son montant ;

– une définition des fonctions et des obligations des structures responsables de la coordination des professionnels de santé, qu’il s’agisse de libéraux, de fonctionnaires ou de salariés. Selon la fiche d’évaluation préalable, il s’agira notamment de structures d’exercice coordonné comme les maisons de santé pluriprofessionnelles, les centres de santé, les établissements de santé, certains établissements ou services sociaux ou médico-sociaux, ou les communautés professionnelles territoriales de santé. Les structures porteuses des projets devront se déclarer auprès des Agences régionales de santé (ARS) pour les mettre en œuvre. Chaque projet sera réputé validé sauf opposition du directeur général de l’ARS dans un délai de deux mois. Celui-ci pourra également mettre la structure en demeure s’il constate un manquement aux dispositions de l’arrêté ;

– les modalités de prise en charge de ces parcours par l’assurance maladie obligatoire et le principe d’une participation des organismes complémentaires ainsi que du recours obligatoire au tiers payant (1° etdu II) ([240]). Les interventions des professionnels de santé seront financées par un forfait dont le montant, fixé par arrêté, couvrira le coût de l’ensemble des prestations et des actions nécessaires à la coordination de ces interventions ([241]). Il tiendra compte de la fréquence du suivi du bénéficiaire, de la complexité de la prise en charge et des moyens humains et cliniques mobilisés. Le patient ne pourra être redevable d’autres sommes que ce forfait ;

– un cadre juridique dérogatoire sur une période définie afin de sécuriser les actuels porteurs d’expérimentation le temps de leur transition juridique vers les structures autorisées à déployer ces parcours dans le droit commun.

L’article renvoie à des textes d’application la déclinaison précise des modalités d’inscription dans le droit commun, y compris pour la valorisation des forfaits associés.

● Sous réserve d’une évaluation positive et de la validation par le comité stratégique de l’innovation en santé (CSIS) pour leur inscription en droit commun, les premiers parcours coordonnés renforcés pourraient concerner la rééducation cardiaque en ville plutôt que dans le cadre d’une hospitalisation en soins médicaux et de réadaptation, la réhabilitation respiratoire à domicile, la prise en charge de l’obésité ou encore celle des troubles du langage et de l’apprentissage chez les enfants dès 2024.

La rapporteure générale se réjouit du fait que ces parcours coordonnés renforcés permettront aussi de prendre en charge de nouvelles prestations, aujourd’hui non remboursées, comme l’activité physique adaptée et autres accompagnements diététiques et psychologiques, dès lors qu’elles seront intégrées dans les parcours coordonnés renforcés et évaluées positivement.

● Les III et IV transposent respectivement les dispositions précédentes à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte([242]). L’article comporte par ailleurs plusieurs dispositions de coordination au sein du code de la sécurité sociale ( et du I) et du code de la santé publique (, et du II).

III.   L’impact financier de lA MESURE

● Les dépenses des expérimentations se terminant en 2023 et qui pourraient être inscrites dans le droit commun représentent 16 millions d’euros par an financés par le Fond innovation en santé (FISS). Une somme de 5 millions d’euros correspond à celles se terminant en 2024. Le Gouvernement fait l’hypothèse que l’entrée dans le droit commun et la possibilité de déployer ces parcours sur l’ensemble du territoire national conduirait à un doublement de la patientèle prise en charge et, par conséquent, des dépenses associées chaque année.

L’impact de cette mesure est évalué à 16 millions d’euros en 2024, 21 millions d’euros en 2025 puis 42 et 84 millions d’euros en 2026 et 2027.

● Toutefois, l’évaluation de l’impact financier de la mesure demeure complexe car une partie de ces dépenses se substituera à d’autres, plus élevées ou équivalentes, déjà engagées par l’assurance maladie pour la prise en charge des patients. Dans d’autres cas, les parcours pourraient se substituer à une prise en charge comparable en termes de coût tout en améliorant la qualité des soins, contribuant ainsi à la diminution du risque d’hospitalisation ou de complications.


Article 23
Réforme des financements médecine-chirurgie-obstétrique des établissements de santé

Le présent article définit un nouveau cadre juridique pour le financement des activités MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) des établissements de santé. Annoncée par le Président de la République le 6 janvier dernier, cette réforme vise à réduire la part de la tarification à l’activité.

Le financement MCO reposerait, à compter de 2025, sur trois compartiments : un compartiement « Financement à l’activité » valorisant les soins qui répondent à des prises en charge « protocolées », organisées et standardisées ; un compartiment « Dotation sur objectifs de santé publique » valorisant la prévention et la coordination des parcours des patients et regroupant des financements existants (Ifaq, Caqes, etc.) ; un compartiment « Dotation sur missions spécifiques » portant sur les soins aigus et les prises en charge spécifiques.

La part du financement à l’activité (tarifs des séjours, séances, consultations et actes externes) baisserait de 5 points dans le total des ressources provenant de l’aassurance maladie des établissements de santé. Celle-ci passerait de 54 % à 49 % entre 2023 et 2026 (contre 57 % en 2019).

Si l’impact financier de la réforme reste inconnu à ce stade, 12 millions d’euros sont prévus en 2024 pour la coordination des parcours et la prise en charge de maladies chroniques.

Enfin, il est prévu de reconduire pour 2024 et 2025 la garantie de financement des établissements de santé afin de tenir compte d’un niveau d’activité qui reste inférieur à ce qu’il était avant la crise sanitaire.

I.   UN modÈle fondÉ sur le FINANCEMENT À L’ACTIVITÉ QUI A MONTRÉ SES LIMITES

A.   UN FINANCEMENT FONDÉ MAJORITAIREMENT SUR L’ACTIVITÉ DES ÉTABLISSEMENTS

● Jusqu’en 2003, les modes de financement des établissements de santé variaient selon leur nature juridique ([243]).

Les établissements publics de santé et les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) étaient dotés depuis 1983 d’une enveloppe de fonctionnement annuelle et limitative, appelée dotation globale (DG). Celle-ci était calculée en fonction du nombre de journées. Elle était reconduite chaque année sur la base de l’exercice précédent et était modulée à partir d’un taux directeur de croissance des dépenses hospitalières. De fait, une très faible part du budget faisait l’objet d’une négociation entre tutelle et établissement.

Les établissements de santé privés à but lucratif facturaient quant à eux directement à l’assurance maladie des forfaits de prestations (rémunération de la structure) et des actes (rémunérations des professionnels de santé libéraux), sur la base de tarifs historiques, variables géographiquement et négociés avec les agences régionales de l’hospitalisation (ARH). Les forfaits de prestations étaient encadrés par des objectifs quantifiés nationaux (OQN) visant à assurer une régulation du financement par rapport à l’activité. Ces établissements bénéficiaient donc déjà de paiements à l’activité, sur la base de tarifs régionaux variables et non sur celle d’un tarif national unique.

● Introduite en 2004 ([244]), la tarification à l’activité (T2A) a mis fin au financement exclusif des établissements publics et privés non lucratifs par dotation qui présentait plusieurs inconvénients. D’une part, il pénalisait les établissements développant leur activité pour répondre aux besoins de la population. D’autre part, il freinait l’accès aux traitements innovants. La T2A a alors permis :

– une meilleure adéquation entre les besoins et les financements ;

– une meilleure connaissance des coûts de prise en charge des patients sur le fondement d’une nomenclature médico-économique ;

– le développement d’outils de pilotage budgétaire associant les services de soins ;

– la transformation de l’offre de soins hospitaliers.

● La part des financements directement liés à l’activité (tarifs des séjours, séances, consultations et actes externes) représentaient en 2019 76 % des financements du champ médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) et, plus globalement, 57 % du financement des établissements de santé (en incluant les champs de la psychiatrie et des soins médicaux et de réadaptation).

B.   UN MODÈLE DÉSÉQUILIBRÉ qui a montrÉ ses limites

● Le « tout T2A » a produit différents effets négatifs :

– une évolution de l’offre qui n’a pas toujours été en phase aux besoins de santé publique et de soins et qui n’a pas toujours permis de manière adéquate les coûts de fonctionnement des établissements. Pour autant, cette modalité de tarification ne saurait être totalement responsable de la situation financière des établissements de santé ;

– une « course à l’activité » qui a contribué à l’épuisement des professionnels et a pu conduire à une transformation de l’offre s’éloignant des objectifs de santé publique ;

– une baisse des recettes d’activité en lien avec les difficultés de recrutements et la crise sanitaire, ce qui a fragilisé la capacité des établissements à investir voire les a installés dans un modèle économique structurellement déficitaire.

– une multiplication des dotations complémentaires – incitation financière à l’amélioration de la qualité (Ifaq), contrats d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (Caqes), etc. –, qui ont rendu le modèle de financement moins lisible. Par ailleurs, elles ne tiennent pas toujours suffisamment compte des objectifs de santé publique comme la promotion de la qualité et de la pertinence des prises en charge.

● Depuis 2018, des réformes de financement lancées dans certains champs d’activité ont permis de renforcer les financements liés à des objectifs de santé publique, qu’il s’agisse de l’amélioration de la réponse aux besoins de santé des territoires ou de la prise en compte de la qualité des soins. On peut citer :

– la montée en charge en 2019 du dispositif d’incitation au financement de l’amélioration de la qualité (Ifaq) et la mise en place du forfait de prise en charge de la maladie rénale chronique (MRC) ;

– la refondation du financement des urgences en 2021 ;

– la réforme du financement des hôpitaux de proximité et de la psychiatrie en 2022 ;

– la réforme du financement des soins médicaux et de réadaptation (SMR) entrée en vigueur le 1er juillet 2023.

II.   UN NOUVEAU CADRE POUR LE FINANCEMENT des activitÉs mÉdecine-chiruRgie-obstétrique

● Annoncée par le Président de la République le 6 janvier 2023, la mesure proposée vise à accélérer le passage vers un modèle de financement mixte des établissements de santé dans lequel la part de la tarification à l’activité serait réduite au profit de financement sur dotations. Elle est conçue pour mieux soutenir la contribution des établissements aux objectifs de santé publique, en améliorant notamment la qualité des soins, mieux reconnaitre leurs missions et donner davantage de leviers au pilotage aux agences régionales de santé (ARS).

● Le présent article introduit le nouveau cadre de financement des activités MCO qui sera articulé autour de trois compartiments. Il procède à un long travail de réécriture au sein du livre Ier du code de la sécurité sociale (I), en particulier de la section 5 du chapitre II du titre VI relative aux dispositions relatives aux établissements de santé (D du I). Ces modifications portent notamment sur sa sous‑section 1 relative aux dispositions générales, qui est enrichie de plusieurs articles ([245]). Les différentes catégories juridiques d’établissements et les quatre différents champs des soins hospitaliers (MCO, psychiatrie, soins de longue durée et soins médicaux et de réadaptation) y sont redéfinis afin de traduire leur caractère transversal ([246]).

L’article prévoit de très nombreuses mesures de coordination, que ce soit dans ce même code, dans le code de la santé publique (II), dans les dernières lois de financement de la sécurité sociale (III, IV) et dans l’ensemble des textes législatifs s’agissant des références aux établissements désormais mentionnés à l’article L. 162-22 du code de la sécurité sociale (VI([247]). Enfin, il convient de souligner que l’article reconduit pour 2024 et 2025 la garantie de financement des établissements de santé qui permettra de sécuriser leurs ressources pendant la phase de transition (V).

A.   UN FINANCEMENT REPOSANT SUR TROIS COMPARTIMENTS

S’agissant du financement des activités MCO, le nouveau modèle est fondé sur trois compartiments mentionnés à l’article L. 162-22-2 ( du D du I) afin de financer les différentes catégories de soins :

– le compartiment « Financement à l’activité » aura vocation à valoriser les soins qui répondent à des prises en charge « protocolées », organisées et standardisées. Ce compartiment réunira exclusivement les financements liés aux facturations à l’acte, au séjour ou à la séance ;

– le compartiment « Dotations relatives à des objectifs de santé publique » valorisera la prévention et la coordination des parcours des patients. Il doit permettre à terme d’inclure les enjeux d’amélioration des parcours de soins des patients, ainsi que de la prévention et la promotion de la santé parmi les modalités de financement des établissements ;

– le compartiment « Dotations relatives à des missions spécifiques » portera sur les soins aigus et les prises en charge spécifiques dont le coût est indépendant du volume de l’activité réalisée, pour lesquels un financement mixte par dotation, en complément d’une part de tarification à l’activité, est le plus indiqué.

Un modÈle de financement reposant sur trois compartiments

Source : annexe IX du PLFSS 2024

1.   Le compartiment « Financement à l’activité »

Les prestations concernées par la tarification à l’activité feront l’objet de tarifs nationaux (article L. 162-22-3). Un décret en Conseil d’État précisera les catégories de prestations d’hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par la sécurité sociale, les catégories de prestations, demandées par les patients et ne présentant pas de fondement médical, qui ne feront pas l’objet d’une prise en charge ainsi que les modalités de facturation des prestations d’hospitalisation faisant l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie.

Chaque année, l’État fixera les tarifs nationaux des prestations prises en charge par la sécurité sociale qui pourront être différenciés selon la catégorie à laquelle appartient l’établissement de santé (article L. 162-22-3-1). Pour simplifier la gestion budgétaire des établissements de santé, il est prévu de fixer au 1er janvier (au lieu du 1er mars actuellement) la date d’application des tarifs nationaux de prestation à la charge de l’assurance maladie (séjours, séances et consultations) ainsi que celle des tarifs nationaux journaliers de prestation servant de base au calcul de la participation des assurés (e du du D du I). Cette disposition prendra effet au 1er janvier 2026 ( du VII).

L’État continuera de fixer également :

– le coefficient de minoration tarifaire MCO en vue d’assurer le respect de l’Ondam ([248]). Il pourra toujours décider de compenser aux établissements tout ou partie des dépenses restant à leur charge du fait de l’application de coefficient de minoration (II de l’article L. 162-22-3-2) ;

– le coefficient géographique s’appliquant des tarifs nationaux précités pour les établissements implantés dans certaines zones (outre-mer en particulier) afin de tenir compte d’éventuels facteurs spécifiques qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations ([249]).

Selon l’annexe 9, la part de la tarification à l’activité (tarifs des séjours, séances, consultations et actes externes) continuera de diminuer dans les années à venir mais restera néanmoins prépondérante. Elle baissera de 5 points dans le total des ressources « assurance maladie » des établissements de santé (Ondam établissement de santé) : elle passera de 54 % à 49 % entre 2023 et 2026 (contre 57 % en 2019).

2.   Le compartiment « Dotations relatives à des objectifs de santé publique »

Les dotations relatives aux objectifs de santé publique concourront au financement des actions visant à « promouvoir, protéger et améliorer la santé de la population, en particulier par la prévention, ou visant à développer la qualité, la pertinence et la sécurité des soins » (article L. 162-22-4, prévu par le du D du I). Elles regrouperont les financements existants au titre des actuelles missions d’intérêt général directement liées à des objectifs de santé publique du fonds d’intervention régional (FIR) mais également les financements de la qualité (Ifaq) et les contreparties financières des contrats d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (Caqes) des établissements de santé. La liste des activités financées par ces dotations ainsi que leurs modalités d’allocation seront déterminées par décret.

3.   Le compartiment « Dotations relatives à des missions spécifiques »

Aux termes du nouvel article L. 162-22-5 ( du D du I), les dotations relatives à des missions spécifiques et des aides à la contractualisation concourront au financement :

– de missions spécifiques de certains établissements, notamment de recherche, de formation et d’innovation (Merri) ;

– d’actions tendant à l’atteinte des objectifs inscrits au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom) ou dans un autre engagement contractuel ;

– diverses prises en charge comme le forfait maladie rénale chronique (MRC), le forfait activités isolées (FAI) ou le forfait greffe prélèvement d’organe (greffe – PO) ou la dotation populationnelle urgences.

La fiche d’évaluation préalable de l’article précise que de nouvelles dotations « socles » (urgences, soins critiques) seront intégrées dans ce compartiment. Il est envisagé d’intégrer d’autres secteurs dans ce schéma avec un socle de financement garantissant la continuité des soins et une part à l’activité favorisant leur efficience et leur productivité. L’objectif affiché est de sécuriser en priorité le financement des activités non programmables et des unités de réanimation (dès 2025) et des unités de de soins intensifs (à partir de 2026) ([250]). La liste des activités financées par ces dotations ainsi que leurs modalités d’allocation seront déterminées par décret.

Le Gouvernement précise que la dotation Migac ([251]) sera supprimée et intégrée aux dotations « Dotations relatives à des objectifs de santé publique » et « Dotations relatives à des missions spécifiques ».

B.   DES AMÉNAGEMENTS BIENVENUS

● L’article assouplit le dispositif de facturation de l’activité pour répondre à certaines situations exceptionnelles. En effet, en cas de cyberattaque par exemple, les établissements visés ne peuvent transmettre leurs éléments de facturation. Il est donc proposé de permettre au directeur général de l’ARS d’étendre le délai de transmission des données d’activité des établissements de santé au-delà d’un an lorsque la situation le justifie (article L. 162-25 du code de la sécurité sociale, modifié par le 28° du D du I).

● Dans l’attente de la mise en œuvre du nouveau modèle de financement, l’article prévoit de reconduire pour 2024 et 2025 la garantie de financement des établissements de santé afin de tenir compte d’un niveau d’activité qui reste inférieur à ce qu’il était avant la crise sanitaire. Il modifie à cet effet l’article 44 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 (V).

L’article renvoie, comme cela est prévu pour 2023, à l’échelon réglementaire la définition des différents paramètres du dispositif. Ce financement dérogatoire permettra d’accompagner les établissements en difficulté pendant la phase de montée en charge de la réforme. Ce mécanisme demeure nécessaire pour préserver les ressources de nombreux établissements et ainsi maintenir la continuité des activités de soins car leur niveau d’activité reste inférieur à ce qu’il était avant la crise sanitaire. Il permet aussi de donner de la visibilité aux établissements sur le niveau de leurs ressources pendant la phase de transition vers le nouveau modèle de financement.

● En corollaire de la réforme du financement des activités MCO, l’expérimentation portant sur le financement des activités de médecine des établissements de santé via une dotation socle notamment ([252]), qui n’a pas été mise en œuvre compte tenu de la crise sanitaire et des dispositifs de sécurisation des financements, est devenue sans objet : le IV du présent article prévoit donc son abrogation.

● Comme indiqué en introduction de cette partie, l’article contient une myriade de mesures de coordination dans les codes de la sécurité sociale et de la santé publique, ce qui témoigne de la rigueur du travail légistique effectué par le Gouvernement en lien avec le Conseil d’État. On épargnera ici au lecteur la liste de tous ces changements qui consistent à traiter les conséquences des modifications de fond, évoquées plus haut, liées à la mise en place d’un nouveau modèle de financement, et à actualiser les renvois vers les articles modifiés, que ce soit dans les deux codes précités (I et II) ou dans d’autres textes de loi dont les dispositions n’ont pas fait l’objet d’une codification (III, IV, V, VI).

C.   UNe mise en œuvre progressive

● Le nouveau modèle de financement entrera en application à compter du 1er janvier 2025 (VII). L’année 2024 sera consacrée aux travaux techniques (définition des modèles et simulations) et à l’écriture des textes d’application.

Des décrets en Conseil d’État fixeront les modalités d’application des présentes mesures, notamment celles relatives à la définition et à l’application du financement mixte prévu à l’article L. 162-22-5-2 et celles relatives aux modalités d’application des dispositions prévues pour les deux nouveaux compartiments de financement prévus aux 2° et 3° de l’article L. 162-22-2.

La frise ci-dessous détaille le calendrier des travaux prévus par le Gouvernement.

calendrier de mise en œuvre de la rÉforme du financement mco

Source : annexe IX du PLFSS 2024.

● Pour l’année 2024, la réforme aura pour conséquence directe le développement de mesures dédiées à la coordination des parcours ainsi qu’à la prise en charge de maladies chroniques à hauteur de 12 millions d’euros.

L’impact financier de la réforme à terme reste toutefois inconnu à ce stade. Il dépendra du nouveau modèle de financement qui sera précisé en 2024 lors des travaux techniques.

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La rapporteure générale se réjouit que la réforme tant attendue de la T2A figure dans ce PLFSS. Elle marque une sortie de la logique qui faisait jusqu’ici de l’activité le mode de financement principal et les dotations de simples dérogations au principe de tarification à l’activité MCO. Désormais les trois compartiments de financement seront mis sur le même plan. La réforme de la T2A devra s’accompagner d’un soutien aux établissements comme c’est le cas depuis plusieurs années, en particulier avec la garantie de financement. Par ailleurs, cette réforme donnera davantage de marges de manœuvre aux ARS pour réguler l’offre de soins dans les territoires, décliner les objectifs de santé publique et faciliter les parcours des patients tout en développant les actions de prévention.

 

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Article 24
Régulation de la permanence des soins dentaires et modalités de fixation des rémunérations de la permanence des soins effectuée par les sages-femmes et les auxiliaires médicaux

L’article 24 permet aux chirurgiens dentistes d’assurer la régulation de la permanence des soins dentaires au sein des centres de réception et de régulation des appels des SAMU‑Centre-15. Il généralise en cela une expérimentation « article 51 », prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et mise en place dans dix régions.

L’article 24 réforme également les modalités de rémunération de la participation à la permanence des soins des professionnels non médecins, en prévoyant que celles-ci sont fixées par voie conventionnelle et non plus par les agences régionales de santé.

I.   LE DROIT EXISTANT

A.   L’ORGANISATION ACTUELLE DE la permanence des soins dentaires n’est pas satisfaisante

● La permanence des soins ambulatoires (PDSA) désigne l’organisation de l’offre de soins, libérale et hospitalière, qui permet de maintenir la continuité et l’égalité de l’accès aux soins, notamment aux heures habituelles de fermeture des cabinets médicaux. Son organisation a été confiée aux agences régionales de santé (ARS) par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST » ([253]).

En application de l’article L. 6314-1 du code de la santé publique, cette mission est assurée, en collaboration avec les établissements de santé, par les médecins mais aussi, dans leur champ de spécialité, par les chirurgiens‑dentistes, les sages‑femmes et les infirmiers diplômés d’État libéraux en exercice ou ayant conservé une pratique clinique. L’ARS détermine la rémunération forfaitaire des professionnels de santé pour leur participation à la permanence des soins selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

L’organisation de la permanence des soins ambulatoires repose sur une régulation téléphonique préalable assurée par des médecins libéraux dans les centres d’appels des services d’aide médicale d’urgence (SAMU). Joignables à leur propre numéro, ces centres de régulation sont accessibles gratuitement par les numéros nationaux de permanence des soins (116 117) et d’aide médicale urgente (15).

● Prévue aux articles R. 6315-7 à R. 6315-9 du code de la santé publique, une permanence des soins dentaires est organisée les dimanches et jours fériés dans chaque département. Elle est assurée, dans le cadre de leurs obligations déontologiques, par :

– les chirurgiens-dentistes libéraux ;

– les chirurgiens-dentistes collaborateurs ;

– les chirurgiens-dentistes salariés des centres de santé.

L’organisation de la permanence des soins dentaires dans la région fait l’objet d’un arrêté du directeur général de l’ARS qui précise le périmètre des secteurs et les horaires de cette permanence.

● La permanence des soins dentaires est régulée, aux mêmes titres que l’ensemble des soins, par les médecins régulateurs de la permanence des soins ambulatoires ou les médecins régulateurs de l’aide médicale urgente, et non par des chirurgiens-dentistes. Cette organisation ne permet pas d’assurer un « premier tri » entre les patients nécessitant des soins urgents et les autres. Par manque de temps ou d’expertise, les médecins régulateurs se contentent ainsi le plus souvent de communiquer au patient les coordonnées du dentiste de garde.

Ce défaut de régulation participe de l’engorgement des soins d’urgence et des délais importants de prise en charge qui y sont associés. Cette situation n’est pas satisfaisante dans la mesure où un nombre conséquent de patients auraient pu recevoir un simple conseil ou se voir prescrire un antalgique dans l’attente d’un rendez-vous avec leur dentiste habituel. L’absence de régulation conduit par ailleurs, comme l’indique la fiche d’évaluation préalable annexée au projet de loi, « à un déséquilibre d’activité entre les secteurs de garde, avec des cabinets de garde en suractivité, et d’autres en sousactivité ».

B.   l’expérimentation d’une régulation plus efficiente

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([254]) a ouvert la possibilité d’expérimenter la régulation par des chirurgiens-dentistes dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([255]). Cette disposition s’inspirait de pratiques menées durant la crise sanitaire, notamment en Isère.

Cette expérimentation, mise en place dans dix régions et vingt-six départements ([256]), a consisté à garantir la présence de chirurgiens-dentistes au sein des centres de régulation du SAMU, chargés d’orienter de manière adéquate les patients présentant un besoin de soins dentaires les dimanches et jours fériés. Un financement national était prévu pour la rémunération des chirurgiens-dentistes régulateurs formés à la régulation et aux outils métiers, notamment le logiciel de régulation médicale du SAMU‑Centre 15.

Les premières évaluations concluent à l’intérêt de cette organisation, qui améliore significativement le dispositif de permanence des soins en permettant la priorisation des patients en fonction du degré d’urgence.

II.   le droit proposé

● Le présent article généralise l’expérimentation de régulation de la permanence des soins dentaires menée dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Le 2° du I modifie l’article L. 6311-2 du code de la santé publique en consacrant, aux côtés de celui des médecins libéraux, le concours apporté par les chirurgiens-dentistes au fonctionnement des centres de réception et de régulation des appels installés dans les services d’aide médicale d’urgence.

La rapporteure générale souligne l’intérêt de cette généralisation, qui devrait accroître l’efficience de la permanence des soins dentaires et améliorer les conditions et les délais de prise en charge des patients nécessitant des soins urgents. Une telle mesure présente par ailleurs un intérêt certain pour désengorger la régulation médicale du SAMU‑Centre 15 des appels relevant de l’odontologie.

● Le présent article modifie en outre les modalités de rémunération des chirurgiens-dentistes, mais également des autres professionnels de santé, sages‑femmes et auxiliaires médicaux, qui interviennent dans la mission de permanence des soins.

Alors que la rémunération forfaitaire des professionnels de santé pour leur participation à la permanence des soins est aujourd’hui déterminée par les ARS, le 1° du I précise, à l’article L. 1435-5 du code de la santé publique, que ce mode de rémunération ne s’applique désormais qu’aux médecins.

En cohérence, le 2° du I, supprime la disposition de l’article L. 6314-1 du code de la santé publique qui renvoie les modalités de rémunération des professionnels intervenant dans la permanence des soins à un décret. Le II assigne aux conventions nationales conclues entre l’assurance maladie et les organisations syndicales compétentes le soin de définir les modalités de rémunération des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux. Cette fixation par voie conventionnelle poursuit les objectifs de plus grande égalité des rémunérations sur le territoire et de simplification des circuits de paiement.

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Article 25
Élargir les compétences des pharmaciens en matière de délivrance d’antibiotiques après un test rapide d’orientation diagnostique

Dans la lignée des annonces faites par la Première ministre le 31 août 2023, le présent article permet aux pharmaciens d’officine de réaliser un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) en cas de suspicion d’angine ou de cystite chez un patient et de prescrire des antibiotiques en cas de test positif, confirmant l’infection.

I.   le droit existant

A.   UN RENFORCEMENT RÉCENT DES COMPÉTENCES DES PHARMACIENS d’officine, ACTEURS CLÉS DANS L’ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS

Les pharmaciens d’officine ont vu leurs compétences renforcées ces dernières années, dans l’objectif d’améliorer l’accès aux soins, la rapidité de prise en charge et la pertinence des prescriptions médicales.

1.   L’attribution d’une compétence vaccinale

Les pharmaciens sont d’abord amenés à jouer un rôle essentiel dans la vaccination de la population, en particulier depuis la crise sanitaire de la covid‑19. La compétence vaccinale des pharmaciens d’officine a été consacrée progressivement.

Faisant suite à une première expérimentation ([257]) lancée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 ([258]), la LFSS 2019 ([259]) a modifié la liste des missions attribuées aux pharmaciens d’officine énumérées à l’article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique, afin de leur reconnaitre une compétence vaccinale. La liste de ces vaccinations, fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), n’a d’abord concerné que les vaccins des adultes contre la grippe saisonnière lorsque ces vaccins étaient recommandés, puis a été élargie en 2021 aux personnes non ciblées par les recommandations vaccinales.

Plusieurs textes réglementaires du 21 avril 2022 ([260]) ont par la suite élargi, à champ législatif constant, les compétences d’administration des vaccins des pharmaciens d’officine et des infirmiers et la compétence de prescription et d’administration des vaccins des sages-femmes pour les personnes de 16 ans et plus.

Enfin, prenant acte des recommandations publiées par la HAS le 27 janvier 2022, la LFSS 2023 ([261]) a autorisé les pharmaciens d’officine ainsi que d’autres acteurs du système de santé ([262]) à prescrire et administrer certains vaccins dont la liste et, le cas échéant, les personnes susceptibles d’en bénéficier devaient être déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de la HAS et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour ce qui est de la prescription, et après avis de la seule HAS pour ce qui est de l’administration. La compétence de prescription est cependant conditionnée au suivi préalable d’une formation certifiante en vaccinologie dont les modalités sont fixées par voie réglementaire.

2.    Un pouvoir de prescription très encadré

Les pharmaciens se sont en outre vus reconnaître sous certaines conditions, un rôle dans la prescription de traitements médicamenteux.

La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a ainsi institué un processus de délégation de tâches du médecin vers le pharmacien, permettant à ce dernier de délivrer un antibiotique à la suite d’un résultat de test rapide d’orientation diagnostic (Trod) positif. Cette possibilité est néanmoins strictement encadrée :

– la liste des médicaments concernés est fixée par arrêté pris après avis de la HAS. Comme cela était envisagé lors des débats sur le projet de loi, la HAS a autorisé la prescription de médicaments destinés au traitement de cystites aiguës ou de certaines angines microbiennes, après réalisation d’un Trod ;

– leur délivrance intervient sur la base de protocoles définis par la HAS, chargée de préciser notamment les conditions de prescription et de délivrance des médicaments par les pharmaciens dans le cadre de protocoles et d’un exercice coordonné ;

– les pharmaciens doivent s’inscrire dans un exercice coordonné dans le cadre d’une équipe de soins primaires (ESP), d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), d’un centre ou d’une maison de santé ;

– les conditions de formation préalable des pharmaciens et les modalités d’information du médecin traitant sont fixées par décret.

Comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, ces protocoles sont cependant très peu développés car ils sont conditionnés à l’existence d’une structure d’exercice coordonnée. Ils concernaient, en avril 2023, seulement 131 équipes pour les cystites et les angines.

B.   Un rÔle ACCRU dans la prise en charge de certaines pathologies, qui demeure cependant limitÉ

1.   Des prérogatives limitées dans le dépistage et le traitement de pathologies

Les pharmaciens d’officine ne sont vu reconnaître un rôle croissant dans le dépistage et dans une moindre mesure, le traitement de certaines pathologies.

Depuis la LFSS 2020 ([263]), le dispositif des ordonnances conditionnelles prévu à l’article L. 5121-12-1-1 du code de la santé publique et précisé par le décret n° 2021-1631 du 14 décembre 2021 ([264]), permet aux médecins de conditionner la délivrance de certains médicaments à la réalisation et au résultat de tests à caractère médical, notamment d’examens biologiques ou d’orientation diagnostique. Ce dispositif permet aujourd’hui aux médecins de prescrire certains antibiotiques en cas de suspicion d’angine bactériale à streptocoque béta-hémolytique du groupe A. Il permet ensuite au pharmacien de réaliser un Trod en officine et de ne délivrer d’antibiotique qu’en cas de test positif.

En application de l’article 51 de la LFSS 2018, l’expérimentation PharmaOsys menée en Bretagne a été engagée pour évaluer la pertinence d’une première orientation en officine, pour un nombre limité de cas concernés, dont l’angine pour les personnes âgées de plus de 3 ans et la cystite aigüe pour les femmes. Entrée dans la seconde phase depuis janvier 2023, cette expérimentation autorise les pharmaciens ayant suivi une formation spécifique, à prescrire un traitement antibiotique en cas de cystite ou angine, après réalisation de Trod confirmant l’infection.

Enfin, en permettant aux pharmaciens d’officine d’effectuer des Trod pour la détection d’anticorps SARS‑CoV‑2 ainsi que les tests dits antigéniques, un arrêté du 1er juin 2021 ([265]) a conféré un rôle essentiel aux pharmaciens dans le dépistage de cette maladie.

Ces dispositifs demeurent néanmoins très restreints. Le système des ordonnances conditionnelles, utile pour garantir la pertinence des prescriptions, ne contribue par exemple pas à améliorer l’accès aux soins, dans la mesure où il est conditionné à la réalisation d’un examen médical. Les dispositifs expérimentaux ont par ailleurs vocation à ne s’appliquer que sur un territoire et une période de temps délimités.

2.   La possibilité de prescrire des antibiotiques en cas d’infection avérée comporte de nombreux bénéfices

Permettre aux pharmaciens de prescrire directement des traitements dans le cadre de certaines pathologies comporterait de nombreux bénéfices. La définition de cette nouvelle compétence permettrait notamment :

– de garantir l’accès aux soins dans les zones sous-denses, où les patients sont confrontés à la difficulté d’obtenir un rendez-vous chez un médecin généraliste ;

– de libérer du temps médical, et de contribuer au désengorgement des services d’urgences, pour des pathologies d’affection transitoires les plus souvent bénignes si elles sont prises en charge rapidement. Lors de son audition devant la commission des affaires sociales ([266]), le ministre de santé et de la prévention, M. Aurélien Rousseau, a ainsi indiqué que l’on compte chaque année 6 millions de rendez‑vous médicaux dédiés à la prise en charge des angines et 3 millions à celle des cystites ;

– de garantir la pertinence des soins, mais aussi lutter contre le gaspillage, comme le rappelle le rapport de la mission sur la régulation des produits de santé commandé par la Première ministre et publié en août 2023 ([267]). Selon ce rapport, deux fois plus d’antibiotiques sont prescrits pour les angines que ce qui serait nécessaire en se fondant sur le nombre de Trod réalisés. Conditionner la prescription d’un antibiotique à la réalisation d’un test positif par le pharmacien permettrait de n’administrer des traitements que lorsque leur efficacité est avérée pour traiter la pathologie concernée. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, dans le cas des cystites, la réalisation d’un test via une bandelette urinaire permet le dépistage rapide d’une infection et sa valeur prédictive négative s’élève à 95 %. En cas de suspicion d’infection, la réalisation d’un test permet d’infirmer le diagnostic dans 20 à 30 % des cas.

– de faciliter, enfin, le parcours de soins des personnes sujettes aux infections à répétition, pour qui la prise d’un rendez-vous médical à chaque infection est particulièrement contraignante.

II.   Le droit proposé

Le présent article constitue la mise en œuvre de la mesure annoncée par la Première ministre le 31 août 2023. Il étend les compétences des pharmaciens d’officine prévues à l’article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique.

Le dispose que les pharmaciens peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, délivrer sans ordonnance certains médicaments après la réalisation d’un test. Il est précisé qu’un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de la HAS et de l’ANSM fixe la liste des médicaments concernés, des indications associations, des Trod à réaliser ainsi que des résultats à obtenir pour délivrer ces médicaments.

Le modifie le dernier alinéa de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, afin de préciser que la nouvelle compétence conférée aux pharmaciens par le présent article ne peut être considérée comme relevant d’un exercice illégal de la médecine.

Le II ajuste en outre en conséquence la rédaction de l’alinéa de l’article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale et dispose que la convention liant les organismes d’assurance maladie à l’ensemble des pharmaciens d’officine contient la tarification des honoraires dus aux pharmaciens par les assurés lorsque les pharmaciens réalisent des tests suivis par la délivrance de médicaments dans le cadre prévu au présent article.

La rapporteure générale se réjouit de cette nouvelle compétence confiée aux pharmaciens, les effets des précédentes extensions de compétences sur le parcours des patients et la pertinence des prescriptions n’étant plus à démontrer.

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Article 26
Possibilité pour les médecins du travail de déléguer aux infirmiers qualifiés en santé au travail la réalisation de certains actes pour le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé

Cet article renforce les actions de prévention de santé au travail conduites par les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA). Dans la continuité d’une expérimentation lancée dans le cadre de l’article de l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, il prévoit la possibilité pour les médecins du travail de déléguer aux infirmiers qualifiés en santé au travail l’exercice de certains actes pour le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé. Cette mesure s’accompagnera du recrutement de cinquante-trois infirmiers en santé au travail au cours de la période 2024-2027. Le coût net de cette mesure pour la sécurité sociale est évalué à 2,3 millions d’euros à l’horizon 2027, après déduction des économies liées au renforcement des actions de prévention.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

A.   Une PRÉVENTION DES Accidents du travail et des Maladies professionnelles LIMITÉE PAR LE MANQUE DE MÉDECINS DU TRAVAIL

● Les services de santé au travail des caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) sont chargés de la mise en œuvre d’une politique de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés et des non-salariés agricoles. Ils rencontrent toutefois des difficultés pour assurer leurs missions compte tenu du déficit chronique de médecins du travail, ce qui a plusieurs conséquences :

– tous les salariés agricoles exposés à différents risques, liés à l’utilisation de machines dangereuses, à l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et aux risques climatiques et biologiques, ou encore aux troubles psychosociaux, ne bénéficient pas d’un examen périodique ;

– de nombreuses entreprises restent sans conseil pour renforcer la prévention primaire des risques professionnels.

Selon la fiche d’évaluation préalable annexée au présent projet de loi, la démographie médicale des médecins du travail ne permet plus de répondre à l’ensemble des obligations fixées par la loi, ce qui expose les caisses de MSA à un fort risque de contentieux vis-à-vis des entreprises qui assurent le financement de ce service par une cotisation assise sur la rémunération réelle perçue par les salariés. De leurs côtés, les partenaires sociaux soulignent régulièrement que les obligations précitées ne sont pas respectées par la MSA.

● Des mesures ont déjà été prises pour alléger la charge de travail des médecins du travail. S’agissant du suivi individuel qui concerne environ un tiers des salariés agricoles, soit 320 000 personnes, si la première visite d’un salarié est obligatoirement effectuée par le médecin du travail, les visites périodiques, qui ont lieu tous les deux ans, peuvent être accomplies une fois sur deux par l’infirmier diplômé en santé au travail (IDEST).

B.   UNE EXPÉRIMENTATION AU BILAN POSITIF

● Afin de répondre à cette problématique, dans le cadre de l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, une expérimentation de trois ans a été lancée dans quatre caisses de MSA ([268]) rencontrant le plus de difficultés à assumer leur mission afin de repérer de façon plus précoce les risques de santé liés aux expositions professionnelles. Elle a permis que l’infirmier qualifié en santé au travail relevant de ces caisses assure à la place du médecin du travail :

– l’examen médical d’aptitude périodique du travailleur agricole dans le cadre du suivi individuel renforcé (SIR) ;

– l’examen de reprise de la travailleuse agricole après son congé de maternité ;

– le bilan d’exposition aux risques professionnels effectué lorsque le travailleur agricole atteint l’âge de cinquante ans.

● Le bilan de cette expérimentation s’avère positif. En effet, elle a permis un meilleur suivi des salariés agricoles grâce à :

– une augmentation du nombre de salariés vus en visite. En 2022, plus de 1 600 nouveaux salariés ont pu être suivis en SIR au sein des quatre caisses expérimentatrices, soit une hausse de 24 % ;

– la libération de temps médical qui a permis aux médecins du travail (MT) de consacrer deux fois plus de temps aux visites complexes ;

– peu de réorientation vers le médecin du travail. Dans le cadre expérimental, si toutes les visites périodiques pouvaient être réalisées par l’infirmier, l’examen médical d’aptitude initial ainsi que les préconisations d’aménagement ou de changement de poste demeuraient de la seule compétence du médecin du travail, si bien que l’infirmier réorientait le travailleur vers ce dernier dans ce type de situation.

Une enquête menée dans le cadre du bilan de l’expérimentation, mentionnée dans la fiche d’évaluation préalable, a notamment démontré que les salariés et les employeurs sont pleinement satisfaits de cette nouvelle organisation et des services rendus par les IDEST.

II.   LA MESURE PROPOSÉE

A.   LE DISPOSITIF

● Les caisses de MSA faisant toujours face aux difficultés de recrutement des médecins du travail, il est proposé de s’inspirer du dispositif expérimenté pour le volet du suivi individuel renforcé en prévoyant la possibilité pour le médecin du travail de déléguer à l’infirmier qualifié en santé au travail « certains actes » pour le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude effectué dans ce cadre ([269]). L’article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa II à cet effet ().

Cette délégation fera l’objet d’un protocole écrit entre le médecin du travail et l’infirmier formé en santé du travail. L’article précise que l’infirmier doit orienter « sans délai le travailleur vers le médecin du travail pour qu’il réalise tous les actes de l’examen médical d’aptitude » s’il constate :

– des éléments pouvant justifier une inaptitude au poste de travail ;

– la nécessité de proposer des mesures individuelles d’aménagement ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par l’âge ou l’état de santé physique et mental du travailleur.

L’infirmier serait conduit à effectuer des actes préparatoires nécessaires à la délivrance d’un avis d’aptitude par le médecin du travail, consistant à recueillir des données cliniques et épidémiologiques. Selon les éléments transmis par le Gouvernement à la rapporteure générale, il aura pour missions envers le travailleur de s’enquérir de toutes les informations pouvant faire suspecter une affection dangereuse pour lui ou pour ses collègues, de l’informer sur les risques des expositions liées au poste de travail et le suivi médical nécessaire, de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre, de recueillir toutes les données médicales ou professionnelles qui pourraient remettre en cause son aptitude médicale à son poste de travail et de le réorienter, le cas échéant, vers le médecin du travail.

En tout état de cause, la décision d’aptitude ou d’inaptitude restera exclusivement de la compétence du médecin du travail.

L’article prévoit également des dispositions de coordination (2° et 3°) ainsi qu’une correction d’une erreur de référence ().

B.   L’IMPACT FINANCIER

Cette mesure permettra de réduire la gravité et la fréquence des accidents du travail et des maladies professionnelles et donc leur coût pour la sécurité sociale. Cette baisse est estimée à 5 % à compter de 2025. En outre, elle permettra de diminuer la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, donc de transférer les dépenses associées de la branche maladie vers la branche AT-MP.

Sur la base d’une montée en charge des travailleurs en SIR de 25 % chaque année à compter de 2024, la mesure devrait réduire progressivement les dépenses de la branche maladie à hauteur de 1,6 million d’euros en 2024 et de 8,7 millions d’euros en 2027, tandis que les dépenses relevant de la branche AT-MP augmenteraient de 8,3 millions d’euros en 2027.

Au-delà de ces flux financiers, la mesure conduira à recruter progressivement 53 infirmiers qualifiés en santé au travail supplémentaires à partir de 2024 pour suivre l’ensemble des salariés concernés, pour un coût de 2,7 millions d’euros à l’horizon 2027.

Au total, le coût net de cette mesure pour la sécurité sociale est estimé à 2,3 millions d’euros en 2027, contre 0,67 million d’euros en 2024, après déduction des économies générées par les effets des actions de prévention – soit 0,4 million d’euros.

La rapporteure générale salue cette mesure qui s’inscrit dans le prolongement de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail et dans la dynamique de partage des compétences entre les professionnels de santé. Elle contribuera ainsi à améliorer la santé des travailleurs agricoles exposés à de nombreux facteurs de risques.

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Chapitre II
Garantir la soutenabilité de notre modèle social

Article 27
Diminuer les arrêts de travail non justifiés en améliorant et en facilitant les contrôles sur les prescripteurs et les assurés

Le présent article facilite le contrôle des arrêts de travail non justifiés afin de maîtriser la dépense d’indemnités journalières dédiées à l’indemnisation de ces arrêts.

Il renforce les procédures de contrôle engagées vers les « gros prescripteurs » d’arrêts de travail, en facilitant les procédures de mise sous objectifs (MSO) ou de mise sous accord préalable (MSAP) et en rendant ces procédures applicables aux centres de santé et aux plateformes de téléconsultation.

Il simplifie par ailleurs le contrôle réalisé par le service médical de l’organisme de sécurité sociale, chargé de se prononcer sur le caractère justifié ou non des arrêts de travail dont bénéficient les assurés.

Il étend enfin les délégations de tâches des praticiens conseils du service médical, dans l’objectif de libérer du temps médical et d’améliorer la pertinence des contrôles.

I.   Le droit existant

A.   une augmentation significative de la dépense d’indemnitÉs journaliÈres versÉes pour les arrÊts de travail

● Un arrêt de travail constitue une prescription d’un médecin ou d’une sage‑femme attestant que l’état de santé d’une personne ne lui permet pas d’exécuter son contrat de travail ou de poursuivre son activité. On distingue trois principales causes d’arrêts de travail : la maladie, l’accident du travail ou accident du trajet, et la maladie professionnelle, résultant de l’exercice de l’activité professionnelle ou survenue au cours de cette activité.

Lorsque le salarié ou l’agent public remplit les conditions de présence dans l’entreprise, de cotisation et d’affiliation à un régime de sécurité sociale prévues par la loi (voir infra), il a droit au titre de son arrêt de travail, au versement d’indemnités journalières (IJ) par son régime d’assurance maladie. Les IJ maladie ne sont versées qu’à l’issue d’un délai de carence de trois jours dans le secteur privé et d’un jour dans le secteur public.

Elles représentent 50 % du salaire journalier de base. Le salarié peut également percevoir, sous conditions, des indemnités complémentaires versées par son employeur.

Conditions d’indemnisation de l’arrêt de travail
(articles L. 313-1 et L. 323-1 du code de la sécurité sociale)

Pour avoir droit au versement d’indemnités journalières, l’assuré social doit pouvoir justifier :

 S’agissant des arrêts de travail inférieurs à six mois :

– avoir travaillé au moins 150 heures au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt ;

– avoir cotisé, au cours des six mois civils précédant l’arrêt, sur la base d’une rémunération au moins égale à 1 015 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) horaire fixé au début de cette période ;

S’agissant des arrêts de travail supérieurs à six mois :

– être affilié à un régime de sécurité sociale depuis douze mois au moins et avoir travaillé au moins 600 heures les douze mois civils ou les 365 jours précédant l’arrêt ;

– avoir cotisé, pendant les douze mois civils ou les 365 jours précédant l’arrêt, sur la base d’une rémunération au moins égale à 2 030 fois le montant du Smic horaire fixé au début de cette période.

1.   Une tendance à la hausse de la dépense dédiée à l’indemnisation des arrêts de travail

La dépense d’indemnités journalières délivrées au titre d’arrêts de travail connait une hausse importante depuis plusieurs années. Selon le rapport sur l’évolution des charges et produits de l’assurance maladie ([270]), les dépenses d’IJ remboursées entre 2010 et 2022 ont crû en moyenne de 3,8 % pour les IJ maladie et AT-MP.

Certes, la pandémie liée à la covid‑19 a constitué une période exceptionnelle. Un dispositif dérogatoire ([271]) a permis de verser des indemnités journalières pour covid, pour un arrêt de travail en « auto-prescription » à la suite d’un test positif sans passer par un médecin et sans délai de carence ([272]). Ce dispositif, qui visait essentiellement à favoriser l’isolement des personnes malades et éviter les contagions, s’est achevé fin janvier 2023, alimentant largement la dépense globale d’IJ sur la période.

La crise sanitaire ne doit cependant pas masquer une dynamique à la hausse des dépenses d’IJ supérieure aux années précédant la crise (+ 8,2 % fin décembre 2022 pour les IJ hors covid). La pandémie a en effet accéléré une dynamique de dépense déjà soutenue : entre 2019 et 2022, les dépenses hors IJ dérogatoires ont augmenté de 6,9 % pour les IJ maladie (hors covid), et de 5,4 % pour les IJ AT‑MP. Cette dynamique haussière se poursuit en 2022. La dépense d’indemnités journalières a ainsi augmenté de 13,9 % par rapport à 2019 et l’évolution hors IJ Covid est de + 8,2 % (voir infra).

Évolution des dÉpenses d’ij maladie covid/hors covid durant la crise sanitaire (2018-2022)

Evolution IJ

Source : rapport précité sur l’évolution des charges et produits de l’assurance maladie.

2.   Une tendance structurelle, qui s’explique par des facteurs divers

La croissance de la dépense d’IJ s’explique par plusieurs facteurs, présentés par l’assurance maladie dans son rapport précité sur l’évolution des charges et produits de la sécurité sociale :

– l’effet démographique, qui comprend la hausse de la population active et le vieillissement de la population, contribue à hauteur de 36 % à cette augmentation. Le taux d’activité des 55‑64 ans est en effet passé de 43 % à 60 % de 2010 à 2022 ;

– l’augmentation du montant de l’IJ moyenne remboursée par classe d’âge contribue à hauteur de 18 % ;

– l’augmentation de la durée moyenne d’arrêt par classe d’âge contribue à hauteur de 23 % à cette croissance (voir infra) ;

Évolution des arrêts maladie indemnisÉs : rÉpartition du montant en fonction de la durÉe de l’arrêt, sur la pÉriode 2011-2022 (en pourcentage)

Longueur arrêts maladie

Source : rapport précité sur l’évolution des charges et produits de l’assurance maladie.

– l’augmentation du taux de recours aux IJ explique enfin environ 14 % de la croissance.

S’agissant de l’année 2022, l’évolution des IJ hors covid s’explique aussi par la mise en place d’IJ maladie pour les professions libérales en 2021 et les hausses successives du Smic depuis octobre 2021, ainsi que par la survenue de deux grippes saisonnières en 2022. Ces déterminants amènent à conclure à une augmentation structurelle de ce type de dépenses.

B.   La mise en place d’actions visant À maîtriser le recours aux arrÊts de travail injustifiÉs

L’augmentation de la dépense d’IJ liée aux arrêts de travail représente un coût non négligeable pour les finances de la sécurité sociale. L’indemnisation de l’ensemble des arrêts de travail hors Covid a représenté pour l’assurance maladie, un coût de 16 milliards d’euros en 2022 ([273]). S’agissant du seul régime général maladie, 8,8 millions d’arrêts, concernant 6,1 millions de bénéficiaires ont été indemnisés, pour un coût total de 9,7 milliards d’euros.

C’est pourquoi des dispositifs visant à maîtriser le recours aux arrêts de travail ont été progressivement déployés par l’assurance maladie.

1.   Les dispositifs à destination des prescripteurs d’arrêts de travail

a.   Un principe de graduation des actions menées auprès des prescripteurs

Un premier levier d’actions consiste à agir auprès des prescripteurs des arrêts de travail. Il existe aujourd’hui une gradation d’actions à l’égard des médecins prescrivant un taux anormal d’arrêts de travail ou un nombre de jours d’arrêt particulièrement élevé par rapport à la moyenne de l’ensemble des professionnels. Ces actions sont principalement réalisées par les délégués de l’assurance maladie (DAM), chargés de délivrer aux médecins une information structurée sur les évolutions réglementaires et les objectifs conventionnels et de gestion de l’assurance maladie ainsi que par le service médical du contrôle médical, amené à exercer certains contrôles auprès des assurés ou de l’assurance maladie.

Le service du contrôle médical de l’assurance maladie

Aux termes de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d’arrêts de travail et d’application de la tarificaition des actes et autres prestations. Pour réaliser cette mission, il réalise notamment des actions de contrôle de la justification médicale des prestations versées par l’assurance maladie.

La plupart des actions menées sont non coercitives. Il s’agit notamment de campagnes de communication auprès des représentants locaux des médecins, visant à les sensibiliser à l’enjeu de la maîtrise des arrêts de travail, d’échanges confraternels avec des médecins conseils, ainsi que de programmes personnalisés d’accompagnement (PPA) permettant aux médecins qui le souhaitent d’obtenir une assistance pour des cas concrets de leur patientèle.

b.   Des dispositifs plus contraignants mais complexes à mettre en œuvre et aux effets limités

En dernier ressort, après avoir organisé des entretiens préalables et d’alerte n’ayant pas permis de modifier la pratique de prescription d’un médecin, deux mesures prévues à l’article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale peuvent être mobilisées :

– d’une part, la mise sous accord préalable (MSAP), créée par la loi n° 2004- 810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, qui permet à la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de subordonner à l’accord préalable du service du contrôle médical les prescriptions d’un médecin, pour une durée d’au plus six mois. Un courrier est adressé à tout assuré présentant une prescription d’arrêt de travail d’un médecin mis sous accord préalable afin de l’informer des conditions spécifiques de prise en charge de sa prescription ([274]) ;

– d’autre part, la Cpam peut, conjointement avec le service médical, proposer au médecin comme alternative à la MSAP, de s’engager à atteindre un objectif de réduction des prescriptions durant une période délimitée. Il s’agit du dispositif de la mise sous objectifs (MSO), créé par la LFSS 2010 ([275]). En cas de refus du médecin, la caisse poursuit la procédure de MSAP ([276]).

Les procédures de MSAP ou de MSO peuvent être enclenchées lorsque le service du contrôle médical constate notamment une activité atypique par rapport aux données moyennes constatées pour une activité comparable, par les professionnels de santé exerçant la même profession dans le ressort de la même agence régionale de santé (ARS) ou exerçant dans le ressort du même organisme de sécurité sociale (voir infra).

Motifs de déclenchement d’une procédure de MSAP

Aux termes de l’article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, le directeur de l’organisme de sécurité sociale, peut enclencher une procédure de MSAP en cas de constatation par le service du contrôle médical :

– d’une durée d’arrêts de travail prescrits par le professionnel de santé et donnant lieu au versement d’indemnités journalières ou d’un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de patients pour lesquels au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période considérée significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les professionnels de santé exerçant la même profession dans le ressort de la même agence régionale de santé (ARS) ou dans le ressort du même organisme local d’assurance maladie ;

– d’un nombre de prescriptions de transports ou d’un montant de remboursement de transports occasionné par lesdites prescriptions, ou encore d’un tel nombre ou d’un tel montant rapporté au nombre de patients pour lesquels au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période considérée, significativement supérieur à la moyenne des prescriptions de transport constatée, pour une activité comparable, pour les médecins exerçant dans le ressort de la même ARS ou dans le ressort du même organisme local d’assurance maladie ;

– d’un taux de prescription de transports en ambulance, rapporté à l’ensemble des transports prescrits, significativement supérieur aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les médecins installés dans le ressort de la même ARS ou dans le ressort du même organisme local d’assurance maladie ;

– d’un nombre de réalisations ou de prescriptions d’un acte, produit ou prestation ou d’un nombre de telles réalisations ou prescriptions rapporté au nombre de patients pour lesquels au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période considérée significativement supérieur à la moyenne des réalisations ou des prescriptions constatée, pour une activité comparable, pour les professionnels de santé exerçant la même profession dans le ressort de la même ARS ou dans le ressort du même organisme local d’assurance maladie.

Ces deux dispositifs ont longtemps été peu mis en œuvre. Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2019, la Cour des comptes notait ainsi qu’en 2018, seuls 596 médecins ont été identifiés à l’échelon national comme susceptibles de faire l’objet d’une MSO ou une MSAP (soit seulement 0,6 % des 101 400 médecins ayant prescrit des arrêts de travail. Ce rapport indiquait par ailleurs qu’en 2016-2017, seules 47 MSO et 39 MSAP avaient été prononcées. Dans le cadre de son plan 2023-2024 visant à limiter le nombre d’arrêts de travail, l’assurance maladie prévoit de recourir davantage à ces procédures, qui devraient porter sur les 1,5 % des prescripteurs les plus atypiques, soit environ 1 000 médecins généralistes.

L’effet de ces mesures est en outre mitigé. Dans son rapport sur les charges et produits de 2020 ([277]), l’assurance maladie indiquait par exemple que sur les 84 médecins ayant justifié d’une mise sous objectifs, les deux tiers ont réduit effectivement leurs prescriptions conformément aux engagements pris. Dans leur revue de dépenses sur les indemnités journalières de 2017 ([278]), les inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) soulignaient néanmoins que l’impact des procédures de MSO/MSAP sur les prescriptions est « surtout fort dans les trois premiers mois qui suivent la réception du courrier les informant de la procédure et pendant leur période d’application ».

Par ailleurs, ces outils reposent sur une procédure particulièrement complexe. En effet, la mise sous objectifs peut être refusée par le médecin auquel elle est proposée. Ces refus, qui sont en nombre plus important en 2023 qu’avant la crise sanitaire ([279]), participent de l’engorgement du service médical, dans la mesure où la MSAP implique que ce service donne un avis sur chaque arrêt de travail prescrit. La mise en place du MSAP est en outre souvent longue. Au titre de l’article L. 162‑1‑15 du code de la sécurité sociale, la MSAP ne peut être enclenchée qu’après que le professionnel de santé a été en mesure de présenter ses observations et après l’avis d’une commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d’administration de l’organisme de sécurité sociale.

Enfin, la procédure MSO/MSAP n’est pas applicable aux centres de santé ou aux plateformes de consultation, qui occupent pourtant une place croissante dans l’offre de soins.

2.   Les dispositifs à destination des assurés

Le second levier d’actions mobilisé pour maîtriser le nombre d’arrêts de travail est le dispositif de contre-visite médicale destiné aux assurés.

La contre-visite permet à un employeur qui a connaissance de faits ou d’indices sérieux indiquant qu’un salarié ne respecte pas la réglementation de saisir l’assurance maladie. En effet, en contrepartie de l’indemnisation qu’il perçoit, l’assuré doit notamment respecter des horaires de sortie prescrits par le médecin et répondre à des convocations des échelons locaux du service médical de l’assurance maladie. La procédure de mise en relation entre l’employeur et l’assurance maladie, prévue à l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, repose néanmoins sur un processus complexe qui en limite l’impact sur les arrêts indemnisés par l’assurance maladie.

● L’article L. 1226-1 du code du travail dispose que l’employeur a le droit de faire procéder à une contre-visite médicale en contrepartie de l’obligation qui lui est faite de maintenir, sous certaines conditions, le salaire d’un salarié absent pour cause de maladie ou d’accident. Si le médecin mandaté constate que l’arrêt de travail n’est pas justifié ou fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré, l’employeur peut suspendre le complément qu’il verse et le médecin transmet son rapport au service du contrôle médical de la caisse concernée dans un délai maximal de 48 heures.

À la réception du rapport, le service du contrôle médical :

– soit demande à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Dans un délai de dix jours à compter de la réception de l’information de suspension des indemnités journalières, l’assuré peut demander à son organisme de prise en charge de saisir le service du contrôle médical pour examiner sa situation. Celui‑ci doit alors se prononcer dans un délai de quatre jours ;

– soit procède à un autre examen de la situation de l’assuré. Ce nouvel examen est de droit si le rapport a fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré.

Or, un grand nombre de procédures ne parviennent pas à aboutir lorsque ces conditions, et en particulier les différents délais, ne sont pas respectées. Selon l’étude d’impact du projet de loi précitée, en 2019, sur 2 300 dossiers reçus par le service médical, 1 500 n’avaient pas fait l’objet d’un examen du patient et environ 370 n’avaient pas été transmis dans le délai de 48 heures.

II.   Le droit proposÉ

Le présent article prévoit diverses mesures destinées à faciliter le contrôle des arrêts de travail injustifiés.

A.   Simplifier les procÉdures de contrÔle de l’activitÉ des « gros prescripteurs » d’arrÊts de travail

L’article 27 simplifie et renforce d’abord les procédures de contrôle de l’activité des professionnels médicaux prescrivant un nombre anormalement élevé d’arrêts de travail en facilitant la procédure de mise sous objectifs ou de mise sous accord préalable et en étendant son champ d’intervention.

● Le a du 2° du I supprime l’avis obligatoire de la commission des pénalités financières préalable à la mise en place d’une MSAP. Les procédures de MSAP sont en effet particulièrement longues– elles peuvent, selon l’étude d’impact, aller jusqu’à 120 jours. La suppression de l’avis de la commission des pénalités financières, devant laquelle le professionnel présente ses observations, devrait permettre de réduire les délais d’instruction et de prévoir que le contradictoire se fasse directement devant le directeur de la Cpam. Le II dispose que cette suppression s’applique à compter du 1er février 2024.

● Le b du 2° du I étend la procédure de mise sous accord préalable pour la prescription d’arrêts de travail aux centres de santé et aux sociétés de téléconsultation ayant reçu l’agrément à cette fin des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé ([280]).

Le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut en effet désormais, après que le centre de santé ou la société de téléconsultation a été mis en mesure de présenter ses observations, subordonner à l’accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois, le versement des indemnités journalières dues en cas de maladie ([281]) ou d’incapacité temporaire ([282]), en cas de constatation par le service du contrôle médical :

– du non-respect des conditions prévues à l’article L. 321-1 et au 2° de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, qui encadrent les conditions de prescription et d’indemnisation des arrêts du travail (voir infra) et précisent que les arrêts ne peuvent être prescrits que par un médecin ou par une sage-femme, dans son champ de compétences ;

Les conditions de prescription et d’indemnisation des arrêts de travail prévues à l’article L. 321-1 et au 2° de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale

L’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale dispose que l’assurance maladie assure le versement d’IJ à l’assuré se trouvant dans l’incapacité physique, constatée par un médecin ou une sage‑femme dans la limite de ses compétences professionnelles, de continuer ou reprendre le travail. Il précise toutefois que les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une cure thermale ne donnent pas lieu à IJ, sauf lorsque la situation de l’intéressé le justifie suivant des conditions fixées par décret.

Le 2° de l’article L. 431-1, précise que les prestations accordées aux personnes victimes d’une maladie ou d’un AT-MP comprennent l’indemnité journalière due à la victime pendant la période d’incapacité temporaire qui l’oblige à interrompre son travail et que, dans le cas où la victime est pupille de l’éducation surveillée, l’indemnité journalière n’est pas due aussi longtemps que la victime le demeure, sous réserve de dispositions fixées par décret en Conseil d’État.

 d’un nombre ou d’une durée d’arrêts de travail prescrits par les professionnels exerçant au sein d’un centre ou d’une société de téléconsultation et donnant lieu au versement d’IJ ou d’un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de patients pour lesquels au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période considérée significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les centres de santé ou les plateformes exerçant la même profession dans le ressort de la même agence régionale de santé ou au niveau national.

À l’instar du dispositif en vigueur aujourd’hui pour l’ensemble des professionnels de santé, le présent article prévoit une exception à la MSAP. En cas d’urgence constatée par le professionnel de santé prescripteur, l’accord préalable de l’organisme débiteur des prestations n’est en effet pas requis pour le versement des indemnités journalières.

 Le c du 2° du I étend aux centres de santé et aux plateformes de téléconsultation la possibilité de déclencher une procédure de mise sous objectifs, alternative à la procédure de MSAP, à l’instar de la procédure prévue pour les professionnels de santé.

Tirant les conséquences de l’extension de la procédure de la MSAP aux centres de santé et sociétés de téléconsultation présentée supra, le 1° du I, étend à ces deux entités la pénalité enclenchée par le directeur de l’organisme local de l’assurance maladie ou de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail compétente, en cas de récidive après au moins deux périodes de MSAP ou de nonrespect de réduction des prescriptions ou réalisations prévues dans le cadre d’une MSO. Le montant de la pénalité encourue est fixé en fonction de l’ampleur de la récidive, selon un barème fixé par voie réglementaire.

B.   fACILITER lA SUSPENSION des indemnitÉs journalières de l’ASSURÉ en cas d’arrÊt de travail injustifiÉ

Le présent article facilite en second lieu les contrôles visant à s’assurer que les arrêts de travail sont justifiés et la suspension du versement des indemnités journalières qui en résulte.

1.   Une procédure simplifiée

● Le a du 3° du I modifie l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale et établit de nouvelles règles relatives au contrôle médical exercé par le service de l’organisme de sécurité sociale et son articulation avec la contre-visite médicale à la demande de l’employeur.

Désormais, le processus de contrôle et d’examen du caractère justifié de l’arrêt de travail se déroule de la manière suivante : lorsqu’un contrôle, effectué par un médecin à la demande de l’employeur, conclut à l’absence de justification d’un arrêt de travail ou de sa durée, ou fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré, ce médecin transmet son rapport au service du contrôle médical dans un délai désormais fixé à 72 heures. Ce rapport précise si le médecin diligenté par l’employeur a ou non procédé à un nouvel examen de l’assuré.

Si le rapport conclut au caractère injustifié de l’arrêt ou de sa durée, le médecin en informe, dans le même délai, l’organisme local d’assurance maladie, qui suspend le versement des indemnités journalières. La suspension est facilitée car la décision de procéder à la suspension des IJ se réfère désormais au rapport du médecin mandaté par l’employeur et non plus à l’avis du service médical. La suspension prend effet à compter de la date à laquelle l’assuré a été informé de la décision. Il est précisé que dans le cas où le médecin diligenté par l’employeur a estimé que l’arrêt de travail est justifié pour une durée inférieure à celle fixée par le médecin prescripteur, la suspension prend effet à l’échéance de la durée retenue par le médecin diligenté par l’employeur.

Le présent article prévoit ainsi deux modifications substantielles, destinées à faciliter le contrôle et la maîtrise des arrêts de travail injustifiés :

– il substitue d’une part au délai de 48 heures, auquel est soumis le médecin mandaté par l’employeur pour transmettre son rapport au service du contrôle médical, un nouveau délai de 72 heures. Comme évoqué supra, ce délai particulièrement court conduit régulièrement à un envoi trop tardif du rapport au service du contrôle médical. Ce dernier est par conséquent régulièrement contraint de réexaminer tout le dossier ;

– d’autre part et surtout, il simplifie la procédure de suspension des IJ en cas d’arrêt de travail injustifié en prévoyant la suspension des IJ dès réception par le service du contrôle médical du rapport du médecin contrôleur mandaté par l’employeur. Aujourd’hui, s’il n’est pas contraint d’examiner à nouveau l’intéressé, le service médical de l’assurance maladie doit malgré tout émettre un avis afin que le versement des IJ puisse être suspendu. Cette disposition devrait ainsi permettre de limiter ce qui est souvent considéré comme une « perte de temps » en rendant automatique la suspension des IJ à compter du rapport du médecin contrôleur.

2.   L’existence de garanties visant à protéger les salariés

Le présent article est toutefois assorti de garanties visant à protéger les salariés contre des décisions injustifiées.

Le a du 3° du I prévoit d’abord la possibilité pour le service du contrôle médical de s’autosaisir d’un dossier et de procéder à un nouvel examen de la situation de l’assuré. Il n’est dans ce cas pas fait application de la suspension du versement des IJ jusqu’à ce que le service ait statué.

La procédure et les recours offerts aux salariés demeurent par ailleurs inchangés. L’assuré peut demander à son organisme de prise en charge de saisir le service du contrôle médical de la caisse pour qu’il procède à un nouvel examen de sa situation. La demande doit être formulée dans un délai fixé par décret en Conseil d’État ([283]), à compter de la réception de la notification de suspension de ses indemnités. Le service du contrôle médical se prononce à son tour dans un délai fixé par décret en Conseil d’État ([284]).

Lorsque le rapport fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré, le service du contrôle médical ne peut demander la suspension du versement des IJ qu’à la suite d’un nouvel examen de l’assuré.

C.   Permettre la délégation de compétences des praticiens conseil du service mÉdical

Le b du 3° du I prévoit et encadre la délégation de compétence des praticiens conseils vers certains auxiliaires médicaux.

La création du métier d’infirmier du service médical a fait l’objet en 2015 d’une expérimentation qui a été généralisée en 2019. Aujourd’hui leur rôle est cependant limité par leur statut, qui ne les inclut pas comme « décisionnaires » sur les avis du service médical.

L’article 27 sécurise le régime de délégation de compétence des praticiens conseils, en précisant que lorsque ces délégations concernent les auxiliaires médicaux, lesdites missions sont exercées dans la limite des compétences qui leur sont reconnues dans le code de la santé publique. L’article précise que lorsque dans le cadre de ces délégations, des auxiliaires médicaux sont conduits à rendre des avis qui commandent l’attribution et le service de prestations, elles s’exercent dans le cadre d’un protocole écrit.

Ces dispositions élargissent de fait les compétences de certains auxiliaires médicaux– principalement les infirmiers du service médical –, en matière de contrôles et d’avis sur les prestations individuelles. Dans la réponse au questionnaire de la rapporteure générale, la direction de la sécurité sociale indique en effet que « dans le respect de leur formation et compétence, les infirmiers du service médical seront en capacité de faire des ouvertures de droit et des fins de droit, avec quelques exceptions et à condition qu’à tout moment, et lorsqu’il l’estime nécessaire ou pour tout motif, l’infirmier oriente le dossier de l’assuré vers le médecin conseil ».

● Le 4° du I tire les conséquences de la définition du cadre des délégations de compétences du praticien conseil présentée supra. À l’article L. 315-2 du code de la sécurité sociale, relatif à la procédure d’examen médical réalisée par le service du contrôle médical, il fait à cet effet référence, à la mission exercée par ce service et non celle confiée au praticien conseil.

 

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Article 28
Limitation de la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation et limitation de la prise en charge des prescriptions aux téléconsultations avec vidéotransmission ou échange téléphonique

Le présent article renforce la règlementation relative à la téléconsultation. Il dispose que tout arrêt de travail de plus de trois jours ou tout renouvellement d’arrêt de travail doit être prescrit dans le cadre d’une consultation permettant un examen physique du patient, sauf exceptions précisées par décret en Conseil d’État.

Il prévoit en outre que les prescriptions délivrées à l’occasion d’une activité de téléconsultation ou de télésoin ne peuvent être prises en charge par l’assurance maladie obligatoire que si la consultation à l’origine de cette prescription a lieu dans le cadre d’un échange téléphonique ou en vidéotransmission avec le patient.

I.   Le droit existant : la tÉlÉconsultation, une Pratique de plus en plus courante à encadrer

A.   LA place croissante des activitÉs de tÉlésantÉ dans la prise en charge des patients

1.   Définitions

Le domaine de la santé est aujourd’hui marqué par le rôle grandissant de la télésanté, qui désigne l’ensemble des activités telles que le soin et les consultations exercées entre des professionnels de santé et leurs patients grâce aux technologies de l’information et de la communication.

On distingue, d’une part, les actes de télémédecine ([285]) qui mettent en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé entre eux ou avec le patient et, d’autre part, les actes de télésoin ([286]) qui rapprochent un patient de pharmaciens ou d’auxiliaires médicaux dans l’exercice de leurs compétences.

Définition de la télémédecine selon le code de la santé publique

Selon l’article R. 6316-1 du code de la santé publique, relèvent de la télémédecine :

– la téléconsultation, qui permet à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient ;

– la téléexpertise, qui permet à un professionnel de santé de solliciter à distance l’avis de professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières ;

– la télésurveillance médicale, qui permet à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient ;

– la téléassistance médicale, qui permet à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours d’un acte ;

– la réponse médicale apportée dans le cadre du service d’aide médical urgente (SAMU) et de la régulation téléphonique de l’activité de permanence des soins ambulatoires.

2.   Un recours croissant à la téléconsultation, qui demeure néanmoins relativement marginale parmi les pratiques médicales

Les débats autour de la télésanté concernent principalement la téléconsultation, qui permet à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Toutes les professions médicales – médecins généralistes ou spécialistes, chirurgiens-dentistes et sages-femmes – peuvent y avoir recours.

Deux modèles de téléconsultation coexistent aujourd’hui : d’une part, les solutions logicielles proposées par le professionnel médical à sa patientèle et, d’autre part, les plateformes de mise en relation des professionnels avec les patients.

En France, la téléconsultation prend essentiellement la forme d’une vidéoconsultation, contrairement à de nombreux pays européens. La majorité des téléconsultations est effectuée ailleurs par téléphone et par messagerie comme au Danemark (48 % par téléphone et messagerie, 1 % par vidéoconsultation) ou au Royaume-Uni (61 % par téléphone, 4 % par vidéoconsultation).

La téléconsultation constituait, avant la crise du covid-19, une pratique très marginale. Seules 3 000 consultations à distance ont été tenues par des médecins généralistes libéraux en 2018 et 80 000 en 2019. La pandémie a constitué un véritable tournant et l’usage des téléconsultations a été particulièrement important durant les périodes les plus critiques de la crise et de confinement. Plus d’un million de téléconsultations ont été effectuées chaque mois, de mars à mai 2020 et d’octobre 2020 à avril 2021, dont 3,6 millions en avril 2020. Le nombre de téléconsultations a atteint 13,5 millions en 2020 et 9,4 millions en 2021 ([287]).

ActivitÉ mensuelle des médecins gÉnÉralistes libÉraux entre 2019 et 2021

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Source : études et résultats n° 1249, direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistiques (Drees).

Le recours à la téléconsultation demeure cependant marginal parmi l’ensemble des consultations. L’examen en cabinet reste la norme. Selon le rapport sur l’évolution des charges et produits de l’assurance maladie au titre de 2024 ([288]), la téléconsultation représente aujourd’hui environ 4 % des consultations de médecins générales.

B.   La dÉfinition progressive d’un cadre d’exercice de la tÉlÉconsultation

1.   Des effets contrastés

L’impact de la téléconsultation sur l’amélioration de l’accès au soin et la qualité de la prise en charge du patient demeurent ambivalents.

Le développement de ce mode de consultation pourrait répondre en partie aux difficultés d’accès aux soins rencontrées sur l’ensemble du territoire. Or, une récente enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a au contraire montré que sept téléconsultations de médecine générale sur dix ont lieu au profit de patients résidant dans les grands pôles urbains ([289]). Les patients vivant en zone rurale sont en effet davantage susceptibles de rencontrer des difficultés dans l’appropriation des outils numériques.

S’agissant de la qualité de l’accompagnement médical, les effets de la téléconsultation sont, là aussi, contrastés. L’absence d’examen physique comporte en effet le risque de sous-diagnostiquer une pathologie ou de ne pas apporter la prise en charge la plus adéquate et adaptée à la situation du patient.

Le recours croissant à la téléconsultation pose par ailleurs question en terme d’éthique médicale. Les fiches d’évaluation préalable annexées au projet de loi évoquent en effet le développement de pratiques de plateformes en ligne visant à délivrer aux patients des prescriptions après un simple échange écrit par voie électronique, discussion en ligne ou texto. L’implantation récente de bornes de consultation au sein de lieux comme les centres commerciaux ou les halls de gares pose elle aussi question.

2.   Un encadrement progressif

En dépit des limites évoquées, la téléconsultation est une pratique amenée à se développer qui, si elle est bien encadrée, pourrait répondre à un certain nombre de défis rencontrés par le système de soins. C’est pourquoi plusieurs mesures visant à encourager et encadrer cette pratique ont progressivement été mises en place.

● Ces mesures visent en premier lieu à conditionner la prise en charge par l’assurance maladie des actes de téléconsultation au respect de certains critères. L’avenant 6 à la convention nationale du 25 août 2016, conclu le 14 août 2018 entre l’assurance maladie et les représentants de médecins libéraux, a clarifié ces conditions et précisé que les actes de téléconsultation peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie si :

– la téléconsultation s’inscrit dans le cadre d’un parcours de soin coordonné et doit être, soit effectuée par le médecin traitant, soit orientée par lui vers le téléconsultant ;

– le patient est suivi régulièrement, avec une alternance de consultations en présentiel et de téléconsultations ;

– la téléconsultation a lieu dans un champ géographique de proximité, afin de respecter une logique d’ancrage territorial de la réponse aux soins.

Le taux de remboursement d’une téléconsultation par l’assurance maladie est fixé à 70 % du tarif conventionnel, à l’instar des consultations en présentiel, sauf en cas d’exonération liée à la situation du patient – lorsque celui-ci est atteint d’une affection de longue durée (ALD) ou en cas de maternité par exemple ([290]).

Plusieurs de ces conditions ont cependant été assouplies à l’occasion de la crise du covid-19. Un décret du 9 mars 2020 ([291]) est ainsi revenu sur la condition de tenue de la téléconsultation par le médecin traitant et sur celle d’avoir consulté ce dernier dans les douze derniers mois pour que la consultation soit remboursée. À ce titre, les téléconsultations étaient prises en charge à 100 % par l’assurance maladie, contre 70 % initialement. Ces dispositifs dérogatoires ont néanmoins pris fin le 30 septembre 2022.

● Des dispositions visent en outre à encadrer le taux de recours à la pratique de la téléconsultation par les professionnels médicaux. Selon l’avenant 9 de la convention médicale de 2016 précité, un médecin ne peut en effet effectuer, au cours d’une année civile, plus de 20 % de son volume d’activité à distance, qu’il s’agisse de la pratique de la téléconsultation ou de celle de la téléexpertise.

L’exercice de la téléconsultation a par ailleurs fait l’objet de recommandations et de précisions par l’assurance maladie et les syndicats représentatifs des médecins libéraux signataires dans le cadre d’une charte de bonnes pratiques publiée en 2022 ([292]). Une fiche mémo sur le recours à la téléconsultation et la téléexpertise avait également été publiée par la Haute autorité de santé (HAS) en 2019 ([293]).

● L’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([294]) a encadré davantage encore le recours à cette pratique en conditionnant la prise en charge des téléconsultations dispensées par les sociétés de téléconsultation à l’obtention d’un agrément ministériel.

Avant cette réforme, ces sociétés s’étaient en effet structurées en centres de santé afin de pouvoir facturer des actes à l’assurance maladie, alors même que ce modèle n’est pas adapté à leur fonctionnement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a dès lors créé un statut spécifique afin, d’une part, de pouvoir facturer les soins réalisés à distance à l’assurance maladie et rémunérer les professionnels salariés et, d’autre part, de clarifier les exigences relatives aux modalités d’exercice au sein de ces sociétés. Pour obtenir l’agrément, elles doivent respecter un certain nombre de règles parmi lesquelles :

– le respect des règles conventionnelles de prise en charge des consultations ;

– le respect des référentiels d’interopérabilités, de sécurité et d’éthique de l’agence du numérique en santé (ANS) ;

– le respect du référentiel des bonnes pratiques professionnelles défini par la HAS.

● Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 adoptée par le Parlement limitait l’indemnisation des arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation aux arrêts prescrits par le médecin traitant du patient ou lorsque le patient a consulté le médecin prescripteur au cabinet ou à domicile dans les douze mois précédents. Cette mesure a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023, dans laquelle il a jugé que « la seule circonstance que cette incapacité a été constatée à l’occasion d’une téléconsultation par un médecin autre que le médecin traitant de l’assuré ou qu’un médecin l’ayant reçu en consultation depuis moins d’un an ne permet pas d’établir que l’arrêt de travail aurait été indûment prescrit ».

II.   Le droit proposÉ

A.   limiter la durÉe des arrÊts de travail prescrits en tÉLÉconsultation

Si le recours à la téléconsultation pourrait être encouragé pour répondre à une partie des besoins en soin des Français, il n’est pas adapté à tous les motifs de consultation.

La prescription d’arrêts de travail en téléconsultation pose en particulier question. D’une part, au risque de dresser un diagnostic insuffisamment précis ou de méconnaitre certaines observations, il apparaît indispensable de procéder à un examen physique lorsqu’un patient nécessite un arrêt de travail ou un renouvellement d’arrêt de travail. D’autre part, la prescription d’un arrêt de travail à distance nuit au suivi dans le temps du patient ainsi qu’à la cohérence de sa prise en charge. Selon les fiches d’évaluation préalables annexées au présent projet de loi, 27 % des arrêts de travail issus d’une téléconsultation sont aujourd’hui prescrits par un médecin qui n’est pas le médecin traitant de l’assuré. Une consultation à distance ne permet pas non plus d’accompagner suffisamment le patient pour le maintien dans l’emploi ni de lutter contre l’isolement.

● Pour répondre à ces problématiques, le I du présent article modifie l’article L. 6316-1 du code de la santé publique et fixe une durée maximale aux arrêts de travail pouvant être prescrits ou faisant l’objet d’un renouvellement par un acte de télémédecine. Il dispose que la prescription d’un arrêt de travail ne peut porter sur plus de trois jours et que le renouvellement d’un arrêt de travail ne peut avoir pour effet de porter à plus de trois jours la durée d’un arrêt de travail en cours.

Il est néanmoins possible de déroger à cette règle dans deux situations :

– d’une part, dans le cas où l’arrêt de travail est prescrit ou renouvelé par le médecin traitant. Ce dernier apparaît en effet plus légitime pour apprécier la situation d’un patient qu’il suit régulièrement ;

– d’autre part, en cas d’impossibilité, dûment justifiée par le patient, de consulter un médecin pour obtenir, par une prescription délivrée en sa présence, une prolongation de l’arrêt de travail. Cette exception semble nécessaire, notamment pour les patients vivant dans des territoires où l’accès aux soins est difficile et pour ceux qui ne sont pas en mesure, en raison de leur état de santé, de se déplacer.

Contrairement à l’article du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 censuré par le Conseil Constitutionnel, le présent article ne prévoit pas la suppression de l’indemnisation d’un arrêt de travail prescrit en téléconsultation, mais l’encadrement des prescriptions délivrées lors des actes de téléconsultation et des activités de télésoin.

Tirant les conséquences de la modification prévue au I, le présent article prévoit plusieurs dispositions de mise en cohérence des règles relatives à la prolongation des arrêts de travail et au versement d’indemnités journalières.

Le 2° du II précise, à l’article L. 162-4-4 du code de la sécurité sociale relatif aux règles de prolongation d’un arrêt de travail, qu’une prolongation délivrée dans le cadre d’un acte de télémédecine ne peut avoir pour effet de porter à plus de trois jours la durée d’un arrêt de travail en cours, sauf exceptions précédemment présentées.

Le 3° du II précise que l’assurance maladie ne peut assurer le versement d’indemnités journalières à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité constatée par le médecin de continuer ou reprendre le travail, qu’à la condition que l’arrêt de travail ou la prolongation d’un arrêt déjà existant n’excède pas une durée de trois jours.

Le 4° du II étend aux arrêts de travail, dans le cadre d’une incapacité temporaire ([295]), les règles du troisième alinéa de l’article L. 6316-1 du code de la sécurité sociale relatives à la prescription et au renouvellement d’un arrêt de travail lors d’un acte de télémédecine. Il prévoit que l’indemnité journalière due dans le cadre de cette incapacité ne peut être versée au-delà de trois jours lorsque l’arrêt de travail a été prescrit lors d’un acte de télémédecine.

La rapporteure générale se félicite de cet encadrement de la prescription des arrêts de travail en téléconsultation qui devrait améliorer la qualité du suivi proposé aux patients et limiter les pratiques abusives. Les fiches d’évaluation préalable annexées au présent projet de loi évoquent ce type de pratiques et se réfèrent à une étude de la caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) sur une plateforme de consultation ayant montré une croissance exponentielle de la quantité d’indemnités journalières prescrites, avec des augmentations de plus de 100 % en 2021 et 2022.

B.   limiter la prise en charge des prescriptions aux activitÉs de tÉLÉconsultation et tÉlÉsoin permettant un Échange ORAL avec le patient par vidÉotransmission ou tÉlÉphone

Le présent article encadre plus strictement les règles de prise en charge par l’assurance maladie des prescriptions issues de consultations à distance.

Le 1° du II dispose que la prise en charge des produits, prestations et actes prescrits à l’occasion d’un acte de téléconsultation ainsi que les prescriptions délivrées lors d’actes de télésoin n’est possible que si la téléconsultation a donné lieu à un échange téléphonique ou en vidéotransmission entre le patient et le prescripteur.

Cette mesure vise, là encore, à garantir la qualité et la sécurité des soins. Elle s’inscrit dans la lignée des dispositions qui encadrent la prescription ou la dispensation, dans un objectif de santé publique, à l’instar de l’interdiction de dispenser en ville des médicaments inscrits sur la liste de rétrocessions hospitalières ou encore de la règlementation relative à la prescription de stupéfiants ou de pilules abortives.

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Article 29
Réduire l’impact environnemental du secteur des dispositifs médicaux

Le présent article prévoit de déroger à titre expérimental pendant deux ans à l’interdiction faite de réemployer des dispositifs médicaux à usage unique (DMUU). Cette expérimentation permettra à des établissements publics de santé d’acheter sur le marché des DMUU retraités, ou d’utiliser des DMUU retraités par des prestataires, bénéficiant d’une tracabilité spécifique.

Parallèlement, l’article prévoit l’introduction d’un mécanisme de remise obligatoire pour les produits inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP) dont l’impact environnemental est négatif : c’est-à-dire ceux dont le conditionnement est inadapté aux indications et aux conditions d’utilisation et qui génèrent un surcroît de déchets. Cette disposition n’est pas prévue à titre d’expérimentation. Les modalités d’appréciation de l’impact environnemental seront précisées par décret et les niveaux de remises dues le seront dans un arrêté conjoint des ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale.

L’expérimentation entrera en vigueur à la date fixée par le décret et au plus tard le 1er novembre 2024. La remise obligatoire entrera en vigueur au second semestre 2024.

L’impact financier estimé est un gain annuel théorique de 10 millions d’euros.

I.   le poids croissant des dispositifs mÉdicaux dans les dÉpenses et les dÉchets de santÉ a conduit le lÉgislateur À déroger au principe de l’usage unique

A.   Les dispositifs mÉdicaux gÉnÈrent de plus en plus de dÉpenses de santé et de pollution environementale

1.   Les dispositifs médicaux occupent une place importante dans le bilan carbone du secteur sanitaire

L’organisation non gouvernementale The Shift Project a estimé, dans un rapport paru en novembre 2021 et actualisé en avril 2023 ([296]), que le bilan carbone du secteur de la santé représente environ 8 % de l’empreinte nationale, dont 86 % d’émissions indirectes de CO2. L’achat des médicaments (29 %) et des dispositifs médicaux (21 %) est le premier vecteur d’émissions de gaz à effet de serre, devant les déplacements des patients et professionnels (13 %), l’alimentation (11 %), les sources de combustion (9 %) ou les systèmes informatiques (4 %). Le rapport préconise notamment le réemploi des dispositifs médicaux (DM) et une limitation du recours à l’usage unique.

poids des dispositifs médicaux dans le bilan carbone du secteur

Source : The Shift Project, Décarboner la santé pour soigner durablement, rapport V2, avril 2023.

 

Émissions de CO2 liÉes aux dispositifs mÉdicaux

Source : The Shift Project, Décarboner la santé pour soigner durablement, rapport V2, avril 2023.

2.   Les dépenses liées aux dispositifs médicaux sont en constante hausse

Les dépenses liées aux dispositifs médicaux ont augmenté de 5,3 % par an en moyenne entre 2009 et 2013, soit une croissance près de deux fois supérieure à celle de l’Ondam sur la même période ([297]). De nombreux facteurs expliquent cette évolution, notamment le vieillissement de la population, le progrès des technologies médicales, la prévalence de certaines maladies chroniques.

Les dispositifs médicaux, dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) constituent avec les produits pharmaceutiques la catégorie des produits de santé. Les dépenses de produits de santé relèvent des sous-objectifs « soins de ville » et « établissements de santé » de l’Ondam. Les dépenses brutes de produits de santé en ville et au titre des établissements de santé – hors covid – se sont élevées à 45,7 milliards d’euros en 2022, en hausse de 8,2 %, après 8,8 % en 2021. La hausse en 2022 s’est répartie entre les dépenses de médicaments (35,2 milliards d’euros et 3,1 milliards d’euros) et des dispositifs médicaux (10,5 milliards d’euros et 0,4 milliard d’euros) ([298]).

3.   Une faible proportion de dispositifs médicaux comporte un risque en cas de réemploi

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 85 % des déchets liés aux soins de santé sont comparables aux ordures ménagères, et seulement 15 % sont considérés comme dangereux au regard des risques infectieux, chimiques ou radioactifs et dont le traitement peut avoir des conséquences tant sanitaires qu’environnementales.

De nombreux établissements de santé souhaitant promouvoir des actions de développement durable mettent en place des solutions originales. Ainsi, certains valorisent des composants après utilisation, notamment en recyclant les métaux précieux, diminuent leur usage au profit de dispositifs médicaux réutilisables ou encore prennent en compte le conditionnement dans les décisions d’achat. La possibilité d’acheter ou d’utiliser des DMUU retraités complèterait ainsi les possibilités de réduire la pollution associée à l’utilisation des DM.

B.   La rÉglementation europÉenne autorise le rÉemploi de dispositifs mÉdicaux, mais le droit Français ne l’envisage qu’À titre d’exception depuis 2020

1.   La réglementation européenne sur les dispositifs médicaux prévoit le réemploi et la traçabilité associée

Conformément au règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux (DM) et au règlement (UE) 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), le retraitement et la réutilisation de dispositifs à usage unique ne peuvent avoir lieu que si la législation nationale l’autorise.

Ces textes précisent les responsabilités des personnes physiques ou morales en charge du retraitement d’un dispositif médical à usage unique (DMUU) pour une réutilisation sûre. Le régime des obligations en matière de retraitement est décrit par analogie avec les obligations incombant aux fabricants, notamment pour ce qui concerne la traçabilité.

Le règlement 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux a renforcé et harmonisé au sein de l’Union européenne l’ensemble des règles relatives aux DM, notamment en matière de sécurité et d’efficacité, de traçabilité, de transparence du système et de coordination européenne. Le règlement 2017/745 est entré en application le 26 mai 2021.

2.   Le droit français interdit le retraitement des DMUU

Le retraitement désigne le procédé dont fait l’objet un dispositif usagé pour en permettre une réutilisation sûre. Il comprend le nettoyage, la désinfection, la stérilisation et les procédures connexes, ainsi que l’essai du dispositif usagé et le rétablissement de ses caractéristiques techniques et fonctionnelles en matière de sécurité. Le retraitement des DMUU a déjà fait l’objet d’initiatives dans certains pays européens comme en Allemagne ou en Belgique, mais il est actuellement interdit en France. En effet, l’article L. 5211-3-2 du code de la santé publique dispose : « Le retraitement de dispositifs à usage unique mentionné à l’article 17 du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017, leur mise sur le marché et leur utilisation sont interdits. »

En conséquence, le remboursement par l’assurance maladie de dispositifs médicaux inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP) n’est possible que si ces dispositifs sont achetés neufs ou loués, à l’exception de ceux entrant dans le champ d’application de l’article L. 5212-1-1 du code de la santé publique.

Le retraitement des DMUU en Belgique ([299])

En Belgique, le retraitement des DMUU est autorisé à la demande de l’établissement de santé ; il est effectué par une entreprise de retraitement externe. Le dispositif retraité doit être restitué dans sa totalité à l’établissement de santé et l’entreprise externe doit se conformer aux exigences de l’article 17, alinéa 3, du règlement 2017/745. La conformité du retraitrement est certifiée par un organisme notifié ([300]).

Le retraitement de certains DMUU est exclu, notamment :

. – ceux émettant des rayonnements ;

. – ceux incorporant des substances médicamenteuses ;

. – les DMUU implantables ;

. – les DMUU comportant des lames coupantes, des forets ou des composants soumis à l’usure ;

. – les DMUU munis d’une mémoire de données interne qui ne peut être changée après une première utilisation ;

. – les DMUU fonctionnant avec des piles ou batteries ne pouvant être remplacées et présentant un risque au retraitement.

 

La traçabilité des DMUU retraités est renforcée :

Les informations suivantes doivent être indiquées sur l’étiquette et, le cas échéant, dans la notice d’utilisation du dispositif retraité :

. – le nom et l’adresse de la personne morale ou physique en charge du retraitement ;

. – l’information relative au procédé de retraitement dont a fait l’objet le DMUU ;

. – le nombre de cycles de retraitement réalisés et le nombre maximal de cycles de retraitement ;

. – le nom et l’adresse du fabricant d’origine du DMUU sont mentionnés dans la notice d’utilisation du DMUU retraité.

L’autorité belge en charge de la sécurité des médicaments et produits de santé (AFMPS) recense l’ensemble des incidents relatifs aux DMUU retraités grâce à une plateforme dématérialisée. Elle met par ailleurs à disposition sur son site internet un guide de bonnes pratiques recensant les règles de notification des incidents et de mesures correctives.

 

3.   La « remise en bon état d’usage » prévue par la LFSS 2020

La LFSS 2020 a néanmoins introduit à l’article 39 une première avancée en matière de réemploi des DM avec le principe de « remise en bon état d’usage » et la création de pénalités pour les exploitants de médicaments dont les conditionnements seraient inadaptés aux usages.

L’article 39 de la LFSS 2020 a introduit un nouvel article L. 5212-1-1 au sein du code de la santé publique permettant la réutilisation de certains dispositifs médicaux. Il concerne en particulier les fauteuils roulants, selon les informations contenues dans l’étude d’impact.

Il prévoit que certains dispositifs médicaux à usage individuel, mentionnés sur une liste fixée par arrêté ministériel, peuvent faire l’objet d’une remise en bon état d’usage afin d’être réutilisés par un autre patient. Cette remise en bon état d’usage peut être soumise au respect de critères liés à la qualité et à la sécurité sanitaire du dispositif, et à une procédure d’homologation des centres ou des professionnels autorisés à réaliser cette opération.

Les modalités d’application de cet article doivent faire l’objet d’un décret en Conseil d’État qui est en cours de consultation auprès de la Commission européenne et n’a pas encore été publié.

L’article 39 de la LFSS 2020 a introduit par ailleurs un nouvel article L. 165-1-7 au sein du code de la sécurité sociale précisant les conditions de prise en charge par l’assurance maladie des dispositifs médicaux reconditionnés. Cet article prévoit que l’inscription au remboursement peut être assortie d’une obligation, pour le distributeur d’un dispositif médical inscrit sur la liste des dispositifs pouvant être remis en bon état d’usage, d’informer le patient de la possibilité d’acquérir ces produits, des modalités de leur acquisition et de leur prise en charge.

En cas de méconnaissance de ces obligations, il peut être sanctionné d’une pénalité financière d’un montant maximal de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes total réalisé en France par le directeur de l’organisme d’assurance maladie compétent. L’article permet également d’établir certaines obligations à la charge des assurés bénéficiant de ces DM remis en bon état d’usage.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ instaure une expÉrimentation du retraitement des dmuu et crÉe une pÉnalitÉ financiÈre pour les exploitants de dmuu gÉnÉrant un excÈs de dÉchets

A.   L’expÉrimentation du retraitement des dmuu par les Établissements de santÉ

1.   Les DMUU concernés définis par référence au règlement européen sur les DM

Le présent article instaure au du I une expérimentation du retraitement des DMUU, par dérogation à l’interdiction de retraiter des DMUU figurant à l’article L. 5211-3-2 du code de la santé publique. L’expérimentation démarrera à une date fixée par décret en Conseil d’État et « au plus tard le 1er novembre 2024 ». L’expérimentation permettra pour « certains dispositifs médicaux à usage unique », de procéder à leur retraitement, à leur mise à disposition sur le marché et à leur utilisation dans un cadre hospitalier. Alors que la remise en bon état d’usage s’apparente à une opération de maintenance visant à garantir la fonctionnalité d’un DM au bénéfice d’une succession d’utilisateur, le retraitement s’apparente à une opération plus critique pouvant impliquer la stérilisation, de changement de certains composants, la remise en état initial d’un DM en vue d’une nouvelle commercialisation ou d’un réemploi à garanties équivalentes en termes de qualité et de sécurité.

2.   L’usage de DMUU retraités est spécifiquement encadré

Le du I de l’article précise que les DMUU concernés par l’expérimentation, doivent être retraités conformément aux exigences européennes : « les dispositifs médicaux à usage unique retraités satisfont aux exigences du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux ».

Leur retraitement, leur mise à disposition sur le marché et leur utilisation peuvent faire l’objet des restrictions et d’interdictions mentionnées au paragraphe 9 de l’article 17 du même règlement et, à ce titre, notamment, d’obligations renforcées en matière de traçabilité. En effet, le paragraphe 9 de l’article 17 du règlement prévoit qu’un État membre « qui autorise le retraitement de dispositifs à usage unique peut maintenir ou introduire des dispositions nationales plus strictes que celles prévues par le présent règlement et qui restreignent ou interdisent sur son territoire ». Il évoque notamment « le retraitement de dispositifs à usage unique et le transfert de dispositifs à usage unique vers un autre État membre ou vers un pays tiers en vue de leur retraitement » et « la mise à disposition ou la réutilisation de dispositifs à usage unique retraités ».

a.   L’expérimentation se fait dans un cadre hospitalier

Le deuxième alinéa du du I de l’article prévoit que seuls les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique désignés par arrêté du ministre chargé de la santé peuvent participer à l’expérimentation. Il s’agit des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés. Ce sont les établissements qui participent au service public hospitalier. Les DMUU achetés en officine ou en direct auprès des fournisseurs sont donc exclus du champ de cette expérimentation.

b.   Le retraitement fait l’objet d’une sécurisation renforcée

i.   Les établissements ne peuvent retraiter les DMUU pour leur propre compte

Le deuxième alinéa du du I de l’article prévoit que les établissements participant à l’expérimentation ne peuvent retraiter les DMUU par leurs propres moyens, au sein de leur service de stérilisation par exemple. En effet, il dispose que « ces établissements ne peuvent qu’utiliser des dispositifs médicaux à usage unique retraités achetés sur le marché ou des dispositifs médicaux à usage unique utilisés en leur sein et retraités, pour leur compte, par une entreprise de retraitement externe. Ils ne sont pas autorisés à retraiter eux-mêmes les dispositifs médicaux à usage unique utilisés en leur sein. »

ii.   Les entreprises de retraitement sont soumises à des obligations spécifiques

Le troisième alinéa du du I de l’article, précise les responsabilités des personnes en charge du retraitement par analogie avec le cadre réglementaire européen, visé au paragraphe 2 de l’article 17 du règlement (UE) 2017/745. Cet article prévoit que tout personne qui retraite un DMUU pour le rendre apte à être réutilisé « est réputée être le fabricant du dispositif retraité et s’acquitte des obligations incombant aux fabricants » et notamment pour ce qui concerne la traçabilité du dispositif retraité.

Les entreprises et personnes en charge du retraitement des DMUU dans le cadre de l’expérimentation « peuvent également être soumises à des obligations plus contraignantes que celles mentionnées dans le règlement ».

Néanmoins, il est également précisé qu’en cas de retraitement de DMUU par une entreprise de retraitement externe, pour le compte d’un établissement de santé, certaines obligations incombant aux fabricants mentionnées par ce règlement « peuvent être écartées, sous réserve du respect des conditions mentionnées au paragraphe 4 du même article 17 ». Le paragraphe 4 de l’article 17 du règlement prévoit que les États membres peuvent décider que les DMUU retraités pour le compte d’un établissement de santé par une entreprise de retraitement externe ne sont pas soumis à l’ensemble des règles relatives aux obligations des fabricants, à condition que « le dispositif retraité soit restitué dans sa totalité à cet établissement de santé et que l’entreprise de retraitement externe se conforme aux exigences visées au paragraphe 3 ». Les principales exigences sont les suivantes :

 – la sécurité et les performances du dispositif retraité doivent être équivalentes à celles du dispositif d’origine ;

– le retraitement doit être effectué conformément aux spécifications communes. Celles-ci détaillent notamment les exigences concernant : la gestion des risques relative aux propriétés du dispositif ; la validation des procédures et notamment celles relatives aux phases de nettoyage ; les tests de performance du produit ; la déclaration des incidents sur les dispositifs retraités ; la traçabilité des dispositifs retraités.

iii.   Le consentement du patient est requis

Le dernier alinéa du du I de l’article est rédigé dans un sens très protecteur des droits des patients, puisqu’il prévoit le consentement du patient comme préalable à toute utilisation d’un DMUU retraité : « Aucun dispositif médical à usage unique retraité ne peut être utilisé sans l’information préalable de la personne, qui peut s’y opposer. »

c.   Des modalités de mise en œuvre définies par décret en Conseil d’État

Le du I de l’article prévoit que les modalités d’application de l’expérimentation prévue au I seront précisées dans un décret en Conseil d’État, devant être publié, aux termes du du I, avant le 1er novembre 2024.

Ce décret déterminera notamment :

– les DMUU qui peuvent être retraités ;

– les restrictions et interdictions dans les champs des DMUU ;

– les modalités particulières applicables en matière d’information et d’opposition des patients ;

– la méthodologie de l’expérimentation, ses objectifs et les modalités de son évaluation dans le rapport prévu au du I de l’article.

Le du I de l’article prévoit les modalités d’évaluation de l’expérimentation, qui prendra la forme d’un rapport du Gouvernement au Parlement « dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation ». L’objectif de ce rapport sera notamment « de déterminer l’opportunité et, le cas échéant, les conditions de sa pérennisation et de son extension ».

B.   La crÉation d’une remise obligatoire pour les exploitants de dmuu gÉnÉrant un excÈs de dÉchets

1.   La création d’un nouveau mécanisme de remise

Le II de l’article prévoit la création d’un nouvel article L. 165-4-3 du code de la sécurité sociale, inséré après l’article L. 165-4-2 relatif aux remises dues par les exploitants lorsque ceux‑ci sollicitent l’inscription à la LPP d’un DM pour un périmètre d’indications plus restreint que celui dans lequel le DM dispose d’un service attendu suffisant.

Le nouvel article L. 165-4-3 crée ainsi un nouveau mécanisme de remise obligatoire pour l’exploitant d’un DM inscrit sur la LPP, qui présenterait des « modèles, références et conditionnements qui ne sont pas adaptés à ses conditions de prescription ou modalités d’utilisation ou est générateur de déchets de soins supplémentaires par rapport aux produits, actes ou prestations comparables ou répondant à des visées thérapeutiques similaires ».

2.   Un déclenchement de la remise fondé sur un avis de la Haute Autorité de santé

Le troisième alinéa du II de l’article précise les modalités d’appréciation du critère pour déclencher la remise prévue à l’alinéa précédent. Cette appréciation se fonde sur l’avis de la commission de la Haute Autorité de santé (HAS) formulé à l’occasion de la demande d’inscription ou de renouvellement ou de modification d’inscription du DM à la LPP. L’avis rendu par la commission de la HAS précise dans quelle mesure « les modèles, références et conditionnements du produit sont adaptés à ses conditions de prescription ou modalités d’utilisation prévues » ainsi que « les éléments relatifs à la quantité et à la typologie des déchets de soins supplémentaires générés ».

3.   Le calcul du montant de la remise par le Comité économique des produits de santé

Le troisième alinéa du II de l’article prévoit que le Comité économique des produits de santé (Ceps) détermine le montant des remises dues par référence à la prise en charge du DM remboursé par l’assurance maladie, auquel est appliqué un taux tenant compte d’une part des externalités négatives générées par le DM et d’autre part des bénéfices attendus du DM pour les patients. Le Ceps se réfèrera à des critères fixés par arrêté des ministres chargé de la santé et de la sécurité sociale.

Les remises ainsi versées par l’exploitant sont dues aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (article L. 213-1 du code de la sécurité sociale) désignées par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

L’introduction d’un mécanisme de remise obligatoire indexé sur le montant remboursé de la dépense associée au DM en cas de conditionnement inadapté, ou de génération de déchets de soins avec une empreinte environnementale négative a pour objectif d’inciter les acteurs industriels à des conceptions plus vertueuses. Ils seraient ainsi incités à proposer des conditionnements limitant le gaspillage. L’annexe 9 au PLFSS évoque à ce titre l’exemple de conditionnements adapté dans le secteur dit de la « gamme blanche » des dispositifs médicaux, qui pourrait générer une réduction de 1 % des volumes remboursés et réduirait le conditionnement de plus de 700 000 boîtes de pansements.

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La rapporteure générale est favorable à ces mesures qui présentent un intérêt qualitatif, économique et écologique pour le système de santé. Le recours croissant aux dispositifs médicaux notamment innovants pour un nombre croissant d’assurés est encouragé et soutenu dans ce projet de loi, il s’accompagne nécessairement d’une réflexion globale sur la sobriété de notre système de santé et se dote de leviers concrets pour parvenir à cet objectif.

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Article 30
Inciter au recours aux transports partagés

Dans le prolongement de l’avenant 11 à la convention nationale des transporteurs sanitaires privés signé le 13 avril dernier, le présent article incite financièrement les patients à recourir au transport partagé dès lors que cette option est disponible et jugée compatible avec l’état de santé du patient par le médecin prescripteur.

D’une part, il conditionne le bénéfice du tiers payant à l’acceptation par les patients d’un transport partagé lorsque sont réunies ces deux conditions. Les patients qui refuseraient ce type de transport devraient procéder à l’avance des frais avant remboursement.

D’autre part, lorsqu’un patient refusera le transport partagé proposé, l’assurance maladie pourra rembourser le transport sur la base du tarif du transport partagé et non du transport individuel, plus onéreux. La différence sera donc à la charge du patient, sans possibilité de prise en charge par l’assurance maladie complémentaire dans le cadre des contrats responsables.

La mesure concernerait uniquement les transports programmés lorsque le transport partagé est possible, par exemple pour les trajets itératifs et en série, tel que ceux des séances de dialyse ou de rééducation. À ce stade, seuls les trajets effectués en taxis conventionnés et en véhicules sanitaires légers seraient concernés par cette mesure.

Les économies que pourrait générer cette mesure sont évaluées par le Gouvernement à 50 millions d’euros en 2024 puis 100 millions d’euros par an sur la période 2025‑2027.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

● Les dépenses de transports sanitaires s’inscrivent à un niveau élevé et elles connaissent une dynamique.

En 2022, les remboursements correspondants se sont élevés à près de 5,5 milliards d’euros, en augmentation de 7,2 %, en partie du fait de revalorisations conventionnelles et d’une hausse des tarifs de 4,5 % des taxis sanitaires due à la hausse des prix des carburants.

Les montants pris en charge sont liés aux dépenses de taxi (46 %), d’ambulance (36 %), de véhicule sanitaire léger (16 %) et d’autres modes de transport (2,1 %). On dénombre aujourd’hui 65 millions de trajets par an pour les seuls véhicules sanitaires légers et taxis.

Près de deux tiers des dépenses sont liées à des prescriptions effectuées par des établissements de santé. Parmi les prescriptions délivrées par des praticiens libéraux, 55 % des montants remboursés correspondent à des actes de médecins généralistes.

Ces transports peuvent, lorsqu’ils sont effectués par des taxis conventionnés et par des véhicules sanitaires légers (VSL), être partagés entre deux ou trois patients. Selon l’exposé des motifs du présent projet de loi, les transports partagés représentent moins de 15 % des transports par VSL, une proportion stable depuis 2018 et plus faible qu’ailleurs.

● Des incitations au transport partagé ont déjà été mises en place ces dernières années.

L’avenant 10 à la convention nationale des transporteurs sanitaires privés, signé le 22 décembre 2020, avait déjà pour ambition de doubler la part de transport partagé en atteignant 30 % des dépenses remboursables. Cet objectif devait s’appuyer sur un dispositif de bonification ou de pénalisation financière. Les entreprises parvenant à un taux de transport partagé d’au moins 5 % devaient bénéficier du reversement d’une part des économies supplémentaires de l’assurance maladie en fonction du taux de transport partagé dans l’activité.

L’avenant 11, signé le 13 avril 2023, prévoit la poursuite des travaux sur les plateformes de commande pour organiser le transport partagé ainsi qu’un nouveau dispositif d’incitation financière pour l’encourager. En effet, des revalorisations tarifaires prévues en janvier 2025 seront conditionnées à la réalisation de 50 millions d’euros d’économies issues du transport partagé en 2024.

● Le développement des transports partagés reste tributaire de la volonté des patients. Ces derniers peuvent, par confort, le refuser. Or, les situations de refus, lorsque la prescription médicale n’indique pas que l’état du patient est incompatible avec le transport partagé, ne sont pas juridiquement encadrées.

C’est pourquoi l’avenant 11 à la convention nationale avec les transporteurs sanitaires privés précité prévoit également des mesures visant à inciter les patients à recourir à ce type de transport, dès lors que le médecin prescripteur atteste que l’état de santé du patient le permet.

II.   LA MESURE PROPOSÉE

● La présente mesure vise à inciter financièrement les patients à recourir au transport partagé dès lors que cette option est disponible et jugée compatible avec l’état de santé du patient par le médecin prescripteur. Elle poursuit plusieurs objectifs :

– améliorer la réponse aux besoins de transport en suscitant une augmentation de l’offre de transports sanitaires à nombre de véhicules constant ;

– maîtriser les dépenses d’assurance maladie. Le coût d’un transport partagé est jusqu’à 35 % inférieur à un transport individuel par trajet, selon le nombre de patients transportés concomitamment. En 2022, les transports partagés ont permis de réduire de 34 millions d’euros les dépenses de l’assurance maladie ;

– réduire l’empreinte écologique de ce secteur d’activité.

● Le présent article prévoit plus précisément deux mécanismes ([301]) :

– une disposition « transport individuel remboursé au prix du transport partagé » selon laquelle, lorsqu’un patient a refusé le transport partagé qui lui était proposé, l’assurance maladie rembourse le transport sur la base du tarif du transport partagé et non du transport individuel, plus onéreux, compte tenu de l’application d’un coefficient de minoration (). La différence entre le coût du transport individuel dont il souhaite bénéficier et le coût du transport partagé qu’il refuse est mis à la charge du patient, sans possibilité de prise en charge par l’assurance maladie complémentaire dans le cadre des contrats responsables ;

– une disposition « tiers payant contre transport partagé » qui conditionne le bénéfice du tiers payant à l’acceptation d’un transport partagé lorsque celui-ci est proposé et compatible avec l’état de santé des patients (). Ceux qui refuseraient ce type de transport devraient procéder à l’avance des frais puis adresser une feuille de soins à leur caisse de rattachement pour obtenir un remboursement.

L’article comporte également deux dispositions de coordination ( et ).

● Selon l’annexe 9, la mesure vise les transports programmés uniquement lorsque le transport partagé est possible. Sont donc envisagés les trajets itératifs et en série, tel que les trajets pour séance de dialyse ou de rééducation. Ceci autoriserait la définition d’une organisation entre le patient, l’établissement et le transporteur sanitaire.

Par ailleurs, à ce stade, seuls les trajets réalisés en taxis conventionnés et VSL sont concernés par ces dispositions, dans l’attente du déploiement des ambulances A2, conçues pour le transport concomitant d’un patient allongé et d’un patient assis, qui ne sont pas encore autorisées en France. Des travaux sur ce sujet ont été ouverts par le ministère de la santé et de la prévention en 2023.

III.   L’impact financier

Les économies générées par cette mesure sont évaluées par le Gouvernement à 50 millions d’euros en 2024 et 100 millions d’euros par an sur la période 2025-2027, sur la base d’un taux de transport partagé de 45 %. Cette économie de 50 millions d’euros en 2024 conditionne les revalorisations tarifaires qui pourraient entrer en vigueur en 2025. Il ne s’agit donc pas d’une économie nette.

Le rendement estimé à partir de 2025 est deux fois supérieur à celui de 2024 dans la mesure où le dispositif de reversement aux transporteurs sanitaires d’une partie des économies s’achèvera en 2024.

La rapporteure générale soutient cette mesure qui présente un intérêt qualitatif, économique et écologique pour le système de santé, dès lors que le développement des transports sanitaires partagés ne se fait pas au détriment de la santé des assurés, en particulier des plus fragiles. Cette solution devra être utilisée à bon escient.

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Chapitre III
Garantir et sécuriser l’accès des Français aux médicaments du quotidien et aux produits de santé innovants

Article 31
Rénovation du modèle de financement de l’Établissement français du sang

Le présent article vise à amorcer une refonte structurelle du modèle de financement de l’Établissement français du sang (EFS), qui connaît depuis plusieurs années des difficultés financières. Il prévoit de faire évoluer les ressources de l’EFS ainsi que les principes de son modèle économique avec un financement mixte avec, d’une part, un financement principal lié aux cessions des produits sanguins labiles (90 % des recettes) à des tarifs réglementés et, d’autre part, un financement complémentaire par dotation de l’assurance maladie (10 % des recettes de l’établissement) au titre des missions de service public de l’EFS et des surcoûts temporaires non couverts par les recettes liées aux cessions de produits.

Le besoin de financement par dotation de l’assurance maladie est estimé à 100 millions d’euros en 2024, soit un surcoût de 45 millions d’euros par an par rapport aux 55 millions d’euros versés en 2023 par l’assurance maladie. Cette dotation permettra de rétablir la capacité d’autofinancement de l’EFS et de stabiliser sa trésorerie.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

L’EFS connait depuis plusieurs années des difficultés budgétaires liées à plusieurs facteurs.

● Fin 2019, un changement de régime fiscal sur la TVA a fragilisé la situation financière de l’EFS. Celui-ci a vu alors ses recettes diminuer de 50 millions d’euros avec la fin du taux de TVA à 2,1 % applicable sur une partie de son activité. En effet, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 octobre 2016, qui a rappelé le principe d’exonération de TVA sur les livraisons de sang humain, a conduit à exonérer de TVA les produits sanguins labiles (PSL) de l’EFS, entraînant une moindre récupération de TVA et un impact négatif sur le résultat d’exploitation de l’établissement. Parallèlement, des mesures ont été prises pour compenser les changements de régime de TVA ([302]).

A ainsi été mis en place un soutien financier pluriannuel à l’établissement sous forme de dotation versée par l’assurance maladie (40 millions d’euros en 2019), avec une trajectoire dégressive. Ce soutien exceptionnel complétait de manière transitoire le modèle de financement de l’EFS, qui repose majoritairement sur l’activité de l’établissement valorisée au travers de la cession de PSL aux établissements de santé ou au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB). Un plan de transformation, notamment axé sur la modernisation des activités de collecte, a été conduit par l’EFS au cours de la période 2019‑2022 pour améliorer sa situation financière.

● La crise sanitaire a renforcé des difficultés préexistantes de l’EFS, notamment en accentuant la baisse des cessions de PSL et en dégradant son chiffre d’affaires. La tendance à la réduction des besoins en poches de sang à des fins transfusionnelles a été accélérée pendant la crise à l’occasion de la réduction marquée de l’activité hospitalière, qui n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise, notamment en raison des difficultés de recrutement. Cette tendance à la réduction des besoins et donc des recettes de l’établissement, accompagnée d’une augmentation des dépenses de personnel liées aux contraintes de sécurisation sanitaire des activités (mobilisation des professionnels et sécurisation des conditions de collecte), a accentué la dégradation de la situation budgétaire de l’établissement.

Il convient de souligner que l’EFS est lui-même affecté par des difficultés de recrutement et un fort taux de rotation. Ce manque de personnel, qui n’est pas spécifique à l’établissement, conduit à l’annulation de collectes mobiles ou à la priorisation de la collecte de sang total ([303]). Afin de remédier à ces difficultés et pallier le manque d’infirmiers, la rapporteure générale se demande s’il ne faudrait pas envisager, par exemple, d’autoriser les aides-soignants ayant suivi une formation spécifique à effectuer, sous la surveillance d’un médecin, les prélèvements sanguins pour le compte de l’EFS.

● Malgré des efforts de financement et de transformation de l’EFS, la situation de l’établissement ne s’est pas suffisamment améliorée et l’EFS a clôturé l’année 2022 avec un déficit de près de 40 millions d’euros. Le soutien transitoire de l’État a donc été prolongé et des mesures exceptionnelles ont été actées pour 2023 (augmentation de la dotation de l’assurance maladie, revalorisations tarifaires).

Pour 2023, l’EFS a ainsi reçu 75 millions d’euros d’aides financières : une dotation de 55 millions d’euros à laquelle s’ajoute le produit de la hausse de tarifs des produits sanguins labiles, soit 20 millions d’euros.

Au regard de cette situation, il est envisagé de faire évoluer de manière plus pérenne le modèle économique de l’EFS, dans le cadre d’une évolution d’ensemble de la filière sang.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à amorcer une refonte structurelle du modèle de financement de l’EFS afin de tarifer les activités de l’EFS à leur juste coût, d’assurer un financement spécifique de certaines de ses missions de service public et de poursuivre la transformation de l’établissement pour contribuer à la restauration de sa situation financière est nécessaire.

● Il prévoit de faire évoluer les ressources de l’EFS ainsi que les principes de son modèle économique avec un financement mixte ([304]) :

– un financement principal par les cessions des produits (850 millions d’euros, soit de l’ordre de 90 % des recettes de l’établissement), à des tarifs réglementés qui devront se rapprocher rapidement des coûts de revient de l’établissement (I). Ces coûts de revient devront intégrer l’effet des mesures d’efficience et d’amélioration de la performance de l’établissement qui font partie du nouveau plan de transformation, axé en priorité sur la rationalisation des fonctions supports, les gains logistiques et de transport et un meilleur dimensionnement des activités de collecte ;

– un financement complémentaire par dotation de l’assurance maladie (100 millions d’euros, soit de l’ordre de 10 % des recettes de l’établissement), dont le montant sera déterminé chaque année par arrêté ministériel, destiné à couvrir :

– les dépenses de missions de service public, en particulier l’accès aux produits sanguins sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin dans les délais compatibles avec les besoins hospitaliers (activité de préparation, distribution et contrôle de ces produits 7 jours sur 7 et 24h/24). Selon l’annexe 9, cette dotation sera divisée en sous-enveloppes par décret (activités d’immunohématologie et délivrance déficitaire, activités associées relatives aux soins et aux tissus ; recherche ; thérapies innovantes). Elle servira également pour les investissements dédiés au renouvellement des actifs et à la conduite des chantiers de modernisation ;

– les surcoûts temporaires non couverts par les modalités d’ajustement des tarifs des cessions de produits.

L’EFS pourra par ailleurs continuer à recevoir, à titre plus résiduel, des produits de ses activités annexes (activités de biologie médicale hors immunohématologie, de soins, banques de tissus, thérapie cellulaire, biothèque) ainsi que des produits divers, des dons et des legs de même que des subventions de l’État, des collectivités publiques et de leurs établissements publics.

● Le besoin de financement par dotation de l’assurance maladie est estimé à plus de 100 millions d’euros en 2024, soit un surcoût minimal de 45 millions d’euros par an par rapport aux 55 millions d’euros versés en 2023 par l’assurance maladie. Cette dotation doit permettre de rétablir une capacité d’autofinancement et de stabiliser la trésorerie de l’EFS.

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Article 32
Préparations officinales spéciales en cas de pénuries

L’article 32 complète le dispositif des préparations hospitalières spéciales créé par l’article 35 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022, permettant aux pharmacies hospitalières de produire des médicaments en cas de rupture de stock ou pour faire face à une crise sanitaire grave.

Il étend le recours aux préparations hospitalières spéciales aux situations de ruptures en lien avec un arrêt de commercialisation et autorise les pharmacies d’officines à dispenser des préparations hospitalières spéciales. Il crée également le statut de préparations officinales spéciales, et permet ainsi aux officines disposant d’une autorisation de produire et dispenser des médicaments en cas de rupture de stock, de crise sanitaire grave ou d’arrêt de commercialisation.

La mise en œuvre de cet article est prévue au second semestre 2024. Son coût est estimé à 5,3 millions d’euros par an, dont 1 million d’euros au titre du remboursement par l’assurance maladie des préparations officinales spéciales et 4,3 millions d’euros au titre du soutien financier à l’établissement pharmaceutique de l’AP‑HP (l’Agence générale des équipements et produits de santé, ci-après Ageps) pour assurer les missions de coordination, d’approvisionnement et de contrôle qui lui sont dévolues.

La multiplication des pénuries de médicaments ces dernières années a conduit le législateur à adapter le cadre des préparations magistrales et hospitalières pour sécuriser l’approvisionnement en médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (A). Le statut des préparations hospitalières spéciales a été créé en LFSS 2022 après une expérience réussie pendant la crise sanitaire (B).

I.   La multiplication des pÉnuries de mÉdicaments a conduit le lÉgislateur À adapter le cadre des prÉparations magistrales et hospitaliÈres

A.   Les pÉnuries ont conduit le lÉgislateur à sÉcuriser les approvisionnements de certains médicaments essentielS

1.   Les ruptures d’approvisionnement et pénuries s’intensifient ces dernières années

Le nombre de signalements de ruptures de stock de médicaments et de risques de rupture a atteint des niveaux inédits en 2022.

En 2023, 37 % des Français déclarent avoir été confrontés à des pénuries de médicaments ([305]).

Nombre de ruptures et risques de ruptures déclarés (2014-2022)

https://www.senat.fr/rap/r22-828-1/r22-828-11.png

Source : Sénat, commission d’enquête « Pénuries de médicaments : trouver d’urgence le bon remède » précitée.

Moins du tiers des médicaments consommés en France sont produits sur le territoire national. Entre 2003 et 2010, la production française a enregistré une baisse annuelle moyenne de 4 %, pendant que celle de la Suisse progressait de 13 %, de l’Allemagne de 3,4 %, de l’Italie de 4,8 %, de l’Espagne de 6,3 %, de l’Irlande de 4,7 % ([306]).

Part de la production effectuée en France

Source : Sénat, Commission d’enquête « Pénuries de médicaments : trouver d’urgence le bon remède » précitée.

La plupart des principes actifs sont produits hors d’Europe, surtout en Asie, ce qui induit une dépendance forte pour la production de médicaments matures ([307]) ou génériques ([308]), essentiels à nos systèmes de santé. L’épidémie de covid-19, tout comme la guerre en Ukraine, où sont produits de nombreux conditionnements de médicaments, ont eu des répercussions massives sur la sécurité d’approvisionnement en médicaments en France et en Europe ces dernières années.

Les industriels pharmaceutiques implantés en France s’orientent de plus en plus vers l’export (50 % du chiffre d’affaires contre 20 % en 1990), plus rémunérateur, dans un contexte marqué par la financiarisation du secteur qui exige une rentabilité croissante.

2.   Les médicaments matures sont les plus touchés par les ruptures d’approvisionnement et les pénuries

Si toutes les classes thérapeutiques sont touchées, le phénomène concerne avant tout les médicaments matures.

Près de 70 % des médicaments en rupture sont des médicaments matures. L’une des causes identifiées est la faible rentabilité des médicaments les plus anciens, liée au système actuel de régulation des prix, qui prend en compte l’ancienneté comme critère de révision du prix, alors que des produits innovants en accès précoce peuvent être pris en charge par l’assurance maladie à un tarif librement fixé par l’industriel.

Bien que les titulaires des autorisations de mises sur le marché (AMM) et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments aient une obligation générale d’approvisionnement « approprié et continu » ([309]), ces derniers sont libres d’arrêter la commercialisation d’un produit mature.

Ceci peut conduire à une rupture d’approvisionnement temporaire ou permanente en l’absence de reprise par un nouvel exploitant, et à des surcoûts importants pour l’assurance maladie du fait de l’importation d’alternatives thérapeutiques à des prix parfois trois ou quatre fois supérieurs aux prix pratiqués sur le marché français.

Différentes catégories de ruptures

 La rupture de stock ([310]) se définit comme l’impossibilité pour le fabricant ou l’exploitant de fabriquer ou d’exploiter un médicament. La rupture d’approvisionnement peut être imputable notamment à une rupture de stock, mais peut éventuellement avoir d’autres causes (répartition géographique des stocks par exemple).

 La rupture d’approvisionnement ([311]) se définit comme l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur hospitalière de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures, après avoir effectué une demande d’approvisionnement auprès de deux entreprises exerçant une activité de distribution de médicaments (grossiste répartiteur ([312])). Ce délai de 72 heures peut être réduit à l’initiative du pharmacien en fonction de la compatibilité avec la poursuite optimale du traitement du patient.

 L’arrêt de commercialisation ([313]) est une décision qui appartient à l’exploitant de l’AMM, tenu d’informer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au moins un an au préalable s’agissant d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). Elle concerne le plus souvent des médicaments dont la rentabilité est devenue trop faible, et de nombreux MITM matures sont ainsi concernés. Lorsque l’exploitant a cessé la commercialisation, il n’est plus tenu d’assurer un approvisionnement approprié et continu sur le marché. La possibilité pour le directeur général de l’ANSM de recourir en pareille situation aux préparations hospitalières spéciales constitue une alternative efficace pour la production en urgence de MITM.

3.   Le législateur a développé un cadre juridique spécial pour les approvisionnements en médicaments essentiels

La catégorie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ou MITM, créée en 2016 ([314]), est utile pour appliquer aux exploitants d’AMM un socle commun d’obligations. Néanmoins c’est aux exploitants qu’il revient d’identifier les médicaments relevant de cette catégorie et il n’existe pas de contrôle effectif sur ce référencement en catégorie MITM. Cette liste comporte des médicaments qui ne sont plus utilisés, et d’autres oubliés. En outre, la liste n’est ni publiée ni, en conséquence, vérifiable par les autorités de régulation.

Elle comprend environ 6 000 spécialités à ce jour, soit la moitié des médicaments commercialisés en France, ce qui empêche de prioriser les efforts de sécurisation sur ceux qui sont les plus indispensables.

Les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur

Aux termes de l’article L. 5111-4 du code de la santé publique, on entend par médicaments ou classes de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ceux pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie.

Le cadre légal des ruptures d’approvisionnement et de gestion des pénuries s’est progressivement étoffé depuis 2010 sous l’effet de la transposition d’une directive européenne ([315]), de l’adoption en 2016 de la loi de modernisation de notre système de santé ([316])et de diverses mesures contenues dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale depuis 2020. Ces adaptations du cadre légal contraignent les exploitants à maintenir la disponibilité sur le marché des médicaments matures, qui sont les moins rentables et, ce faisant, les exposées à un arrêt de commercialisation.

Parmi ces obligations, on peut citer :

– constituer un stock de sécurité destiné au marché national, correspondant à au moins deux mois de couverture des besoins pour les MITM ;

– élaborer des plans de gestion des pénuries (PGP) ([317]) dont l’objet est de prévenir et pallier toute rupture ;

– signaler à l’ANSM les risques de ruptures ;

– informer l’ANSM au moins un an avant d’arrêter la commercialisation d’un MITM ;

– ne pas exporter de MITM en rupture ou risque de rupture.

L’ANSM est également dotée de pouvoirs de sanction financière en cas de manquement à ces obligations. Ces sanctions sont rarement mises en œuvre : l’Agence n’a pris que huit décisions en ce sens entre 2018 et 2022, pour un montant total de 922 000 euros. Aucune sanction n’a été prise pour le motif d’une violation des obligations d’élaboration d’un PGP ou de constitution d’un stock de sécurité ([318]).

Pour surmonter cette difficulté à mettre en œuvre des obligations renforcées sur un champ très large de médicaments, le Gouvernement a publié, en juin 2023, une liste de 454 médicaments « essentiels ». Il s’agit de redéfinir le cadre des mesures renforcées permettant de sécuriser effectivement l’approvisionnement et d’aboutir à l’identification de « médicaments stratégiques sur les plans industriels et sanitaires » (MSIS) ([319]).

B.   La crÉation du statut des prÉparations hospitaliÈres spÉciales

1.   Les préparations magistrales des pharmacies hospitalières utilisées pendant la crise sanitaire

Au printemps 2020, lors de la première vague de l’épidémie de covid-19, les équipes de six pharmacies à usage intérieur hospitalières (PUI) se sont mobilisées pour produire, à partir de matières premières, plusieurs MITM en rupture de stock ou en tension d’approvisionnement ([320]). Par la suite, plusieurs lots de cisatracurium ont notamment été constitués et stockés par les Hospices civils de Lyon.

Un partenariat a également été mis en place à la demande du Gouvernement entre l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l’ANSM, les Centre hospitaliers universitaires (CHU) de Lille et de Lyon et un établissement pharmaceutique privé pour que ce dernier produise des curares, dans un schéma de sous-traitance et sous statut de préparation hospitalière. Ces curares ont ensuite été achetés par l’Établissement pharmaceutique de Santé publique France afin de les mettre à disposition des PUI des établissements de santé.

La crise a ainsi permis d’expérimenter une solution déjà envisagée pour lutter contre les pénuries de médicaments. En effet, la feuille de route ministérielle 2019-2022 pour lutter contre les pénuries de médicaments ([321]) proposait déjà d’« expertiser la mise en place d’une solution publique permettant d’organiser, de façon exceptionnelle et dérogatoire, l’approvisionnement en MITM » ([322]).

Le rapport présenté le 23 juin 2021 par Audrey Dufeu et Jean‑Louis Touraine sur les médicaments ([323]) invitait ainsi à s’inspirer d’un groupement d’intérêt public à but non lucratif américain « Civica Rx, qui connaît un franc succès. Institué en 2018, ce projet rassemble plus de mille hôpitaux américains associés en vue de produire ou de passer des marchés pour l’acquisition de médicaments fortement exposés aux pénuries ou à d’importantes augmentations de prix. […] Civica Rx assure aujourd’hui l’approvisionnement des établissements de santé pour environ quarante références et envisage de monter à cent références d’ici 2023. » Les rapporteurs appelaient déjà, en 2021, « à mettre en place une structure de ce type, qui pourrait prendre la forme d’une entreprise à but non lucratif ou d’un réseau rassemblant des acteurs publics et privés (PUI des hôpitaux, établissements et entreprises pharmaceutiques, façonniers...) mais dont le pilotage serait public. L’objectif serait de produire les médicaments considérés comme indispensables pour la santé publique et soumis à de forts risques de pénuries([324]). »

 

Plus de 30 000 ampoules d’un curare produites par la PUI du CHU de Lille ([325])

Au CHU de Lille, la PUI disposait d’une chaîne de production semi-industrielle qu’elle a, pour l’occasion remise en fonctionnement pour assurer la continuité de l’activité de l’établissement explique le Pr Pascal Odou, PU-PH et chef du service.

Lors de la première vague de Covid-19, nous avions plus d’une soixantaine de médicaments et dispositifs médicaux en fortes tensions d’approvisionnement, rappelle-t-il. La situation a empiré avec les vagues successives.

L’autorisation de produire, en interne, certains produits indispensables dont plus de 30 000 ampoules d’un curare a permis de répondre aux besoins cruciaux au sein du CHU et des établissements de soins alentour.

Une telle réorganisation a nécessité « de former du personnel à l’utilisation de la chaîne, relève le Pr Odou, en l’occurrence, un interne et trois préparateurs. À l’avenir, l’objectif est de revenir à un mode de fonctionnement normal au sein du service, tout en maintenant les compétences acquises pour pallier, sur de courtes périodes, toute nouvelle rupture de stock de MITM sans perspective de retour rapide à la normale, note-t-il.

2.   Le statut de préparation hospitalière spéciale, un outil de production alternative en cas de rupture d’approvisionnement ou de crise

Le cadre juridique des préparations hospitalières a été adapté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 dans le but de pérenniser le dispositif mis en place pendant la crise ([326]). En effet, les préparations hospitalières qui pouvaient déjà être préparées par les PUI ne pouvaient être fabriquées qu’en petites séries, et en l’absence de spécialité pharmaceutique disponible et adaptée. Elles pouvaient en revanche être exceptionnellement autorisées à approvisionner d’autres PUI ne disposant pas d’autre source d’approvisionnement ou même à vendre au détail des médicaments en rupture ou en risque de rupture.

L’article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a modifié l’article L. 5121-1 du code de la santé publique pour créer, au sein de la catégorie des préparations hospitalières, le statut de préparations hospitalières spéciales. Définies par décret en Conseil d’État, ces préparations ont vocation, en fonction des difficultés techniques de leur fabrication ou de la faible disponibilité des substances actives nécessaires, à être confectionnées par des structures habilitées, dans des conditions précisées par ce même décret, par le ministre de la santé. La réalisation des préparations hospitalières spéciales est, le cas échéant, confiée par les PUI, sous leur responsabilité, en sous-traitance, à un établissement pharmaceutique autorisé à fabriquer des médicaments. Les préparations hospitalières spéciales permettent de répondre à des situations de « crise sanitaire grave », « de rupture de stock d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur », « à titre exceptionnel et temporaire » en l’absence de spécialité pharmaceutique « adaptée ou disponible, y compris du fait de l’absence de commercialisation effective ». Le décret relatif aux préparations hospitalières spéciales n’a toutefois pas encore paru.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ Étend le champ des prÉparations spÉciales et les motifs de recours

L’article 32 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) étend le champ des préparations hospitalières spéciales aux situations d’arrêt de commercialisation (A), il reconnaît le rôle des officines dans la distribution des préparations hospitalières et dans la fabrication de médicaments en créant le statut des préparations officinales spéciales (B). Les modalités financières d’accompagnement de ces nouvelles activités pour les pharmacies sont également abordées (C).

A.   l’arrÊt de commercialisation constitue un nouveau motif de recours aux prÉparations hospitaliÈres spÉciales

Le présent article modifie l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, en ajoutant au a du du I une référence aux « arrêts de commercialisation », ce qui permet au directeur général de l’ANSM d’autoriser le recours à une préparation hospitalière spéciale pour les molécules abandonnées par les titulaires ou exploitants d’AMM dans le cadre d’un arrêt de commercialisation sans repreneur immédiat identifié par l’ANSM. Les « arrêts de commercialisation », s’ajoutent ainsi aux « ruptures de stock » ([327]).

B.   Le rôle des officines consacrÉ dans la distribution et la fabrication de prÉparation spÉciales

1.   Le rôle des officines dans la distribution des préparations hospitalières

Le deuxième alinéa du b du du I complète le dispositif de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 codifié à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, qui permet au ministre chargé de la santé de recourir aux préparations hospitalières spéciales sans être limité aux ruptures de stock portant sur des MITM « pour faire face à une menace ou à une crise sanitaire grave ».

Un nouvel alinéa complète le b du même article permet « à titre dérogatoire » et « pour couvrir l’ensemble des besoins nationaux » au ministre chargé de la santé d’autoriser par arrêté la dispensation par des officines des préparations hospitalières spéciales préparées dans ce cadre. L’article permet, en cas de menace ou de crise sanitaire grave, de disposer d’une capacité alternative de production de médicaments au sein des PUI et d’un réseau de distribution par les officines de ville, organisation qualifiée de « plan blanc du médicament » dans l’annexe 9 au présent article.

Cette faculté est réservée au ministre chargé de la santé. Le directeur général de l’ANSM ne peut recourir à cette organisation en cas de rupture de stock ou d’arrêt de commercialisation, qui sont les hypothèses visées au a de l’article.

2.   La création du statut des préparations officinales spéciales

a.   La consécration d’une expérience menée à l’hiver 2022-2023

Les importantes ruptures d’approvisionnement en MITM rencontrées à l’hiver 2022-2023 ont conduit l’ANSM à autoriser une quarantaine de pharmacies d’officines à produire de l’amoxicilline. Le dispositif des préparations hospitalières spéciales est approprié pour la production de médicaments à usage hospitalier mais il n’est pas adapté à une distribution massive en ville.

Les dispositions du présent article s’inscrivent dans les traces de cette expérimentation. Le du I crée trois alinéas qui complètent les dispositions de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique en définissant un nouveau statut pour les préparations officinales spéciales.

Le Sénat avait adopté en commission puis en séance un amendement ouvrant la possibilité, pour les pharmacies hospitalières et les établissements pharmaceutiques publics, de recourir à des pharmacies d’officines sous-traitantes pour la production de préparations hospitalières spéciales. Le dispositif n’avait pas été retenu par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en seconde lecture au motif que les dispositions de l’article 35 prévoyaient déjà que les préparations hospitalières spéciales puissent être préparées par les PUI ou, « sous leur responsabilité », par des établissements pharmaceutiques. Il n’apparaissait à l’époque pas pertinent de confier cette mission aux pharmacies d’officine, au vu du type de médicaments et de situations concernées.

La production d’amoxicilline à l’hiver 2022-2023 par une quarantaine de pharmacies a démontré l’intérêt de la formule pour répondre à des situations de rupture de stock ou d’arrêt de commercialisation, justifiant la création d’un statut pour les préparations officinales spéciales.

b.   Des conditions restrictives de mise en œuvre

Le deuxième alinéa du du I précise les conditions restrictives dans lesquelles le recours à ces préparations officinales spéciales est autorisé :

 – un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles, « à titre exceptionnel et temporaire » pour faire face à « une rupture de stock » ou « ou à un arrêt de commercialisation » d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur ou pour faire face à « une menace ou à une crise sanitaire grave, et pour garantir la qualité et la sécurité d’utilisation des produits » il peut être recouru à ce mécanisme ;

– un arrêté du ministre chargé de la santé autorise la production, par les officines disposant d’une autorisation de l’Agence régionale de santé ([328]) pour leur propre compte ou pour le compte d’une autre officine.

Les préparations officinales spéciales doivent par ailleurs respecter les exigences suivantes :

– elles sont soumises à prescription médicale ;

– elles sont fabriquées selon une monographie publiée par l’ANSM ;

 elles sont préparées à partir d’une matière première à usage pharmaceutique fournie par un établissement pharmaceutique d’un établissement public de santé fabriquant industriellement des médicaments à la date du 31 décembre 1991 ([329]). Cette catégorie recouvre à la fois l’établissement public de la pharmacie de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (Ageps) et la Pharmacie centrale des armées.

c.   Le rôle de coordination, d’approvisionnement et de contrôle de la pharmacie de l’AP-HP confère une dimension industrielle au dispositif

En pratique, l’Établissement pharmaceutique de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) est visé par la référence aux « établissements pharmaceutiques d’un établissement public de santé fabriquant industriellement des médicaments à la date du 31 décembre 1991 ». La pharmacie de l’AP-HP était déjà identifiée pour une telle fonction opérationnelle dans le dispositif de préparations hospitalières spéciales dans la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022.

 

L’Établissement pharmaceutique de l’AP-HP ([330])

L’Établissement pharmaceutique (EP) de l’AP-HP, qui dépend de l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps), assure une production de médicaments. Seul établissement pharmaceutique au sein d’un établissement de santé civil, il est autorisé à développer et produire sur le marché des médicaments indispensables, non proposés par l’industrie pharmaceutique.

Il produit aujourd’hui quarante-trois références, dont dix-sept sont des MITM, à destination de l’AP-HP et des établissements de santé de l’ensemble du territoire national.

Certaines références sont en outre dispensées pour des patients ambulatoires.

L’annexe 9 au présent article précise que l’établissement pharmaceutique de l’AP-HP (Ageps) est considéré comme la seule structure publique capable de reprendre, à la demande des pouvoirs publics, une production de médicament à l’échelle industrielle, qui constitue un processus pharmaceutique complexe. Il n’est cependant pas à exclure que la Pharmacie centrale des armées ou que certaines PUI hospitalières avec des projets de reconstruction, comme la PUI du Centre hospitalier universitaire de Lille, soient incluses à l’avenir dans ce dispositif.

L’Ageps est donc confortée à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, comme coordonnatrice et pilote d’un réseau public-privé dans le dispositif national de lutte contre les pénuries. Dans le cadre des préparations officinales spéciales l’Ageps sera donc en charge, à la demande des pouvoirs publics, de l’achat, du contrôle et de la distribution de la matière première à usage pharmaceutique (MPUP), ainsi que du contrôle qualité de la préparation officinale spéciale. L’Ageps pourra également être mobilisée à titre transitoire en cas d’arrêt de commercialisation d’un produit, sans repreneur privé identifié ([331]). Ces nouvelles missions seraient accomplies au moyen de partenariats avec des sous-traitants privés.

C.   les modalitÉs de financement sont ÉvoquÉes

1.   Les conditions de rémunération des officines au titre de leurs nouvelles missions

Le deuxième alinéa du II du présent article crée un nouvel article L.162‑16‑4-5 au sein du code de la sécurité sociale, prévoyant que les prix de cession des préparations hospitalières spéciales dispensées par les officines et celui des préparations officinales spéciales sont fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. L’impact financier global a été estimé à 1 million d’euros par an ([332]) dans la fiche d’évaluation préalable de l’article. Ce chiffrage prudent serait sans doute à réévaluer en cas de production massive par les officines.

a.   Les conditions de rémunération de l’Ageps uniquement évoquées dans la fiche d’évaluation préalable

Le présent article ne précise pas les modalités de rémunération des PUI hospitalières lorsqu’elles seront mobilisées pour les préparations hospitalières spéciales en cas d’arrêt de commercialisation, ni celles de l’Ageps pour ses nouvelles missions de coordination des préparations officinales spéciales.

La fiche d’évaluation préalable de l’article précise que le financement de l’établissement pharmaceutique de l’AP-HP sera assuré par une mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac) en intégrant les missions relatives aux préparations officinales spéciales. La fiche d’évaluation préalable de l’article estime à 4,3 millions d’euros le financement du renforcement des compétences de l’établissement pharmaceutique de l’AP-HP, dont 1,3 million d’euros pour recruter 13 personnes et 3 millions d’euros pour l’achat de matières premières pour la fabrication d’amoxicilline.

Pour autant, le présent article ne modifie pas l’article L. 162 - 22-13 du code de la sécurité sociale instituant la dotation annuelle de financement des Migac des établissements de santé en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO).

Le financement des missions dévolues aux PUI hospitalières dans le cadre des préparations hospitalières spéciales qui était également évoqué dans l’étude d’impact, n’était pas prévu dans la rédaction initiale de l’article 35 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Un amendement avait été adopté en commission, précisant que les Migac ont vocation à financer les activités des établissements en MCO dûment habilités à produire des préparations hospitalières spéciales, ce qui confortait la justification de la mesure dans une loi de financement de la sécurité sociale. Le financement de l’élargissement des motifs de recours aux préparations hospitalières spéciales aux situations d’arrêt de commercialisation n’est en revanche évoqué ni dans l’article 32, ni dans l’étude d’impact.

 

La rapporteure générale se félicite des mesures ainsi engagées par le Gouvernement, qui capitalisent sur des expériences réussies de réponse à des situations de fortes tensions. Elle soutient ces mesures pertinentes et adaptées au contexte de ruptures d’approvisionnement. Les préparations hospitalières et officinales spéciales constituent par ailleurs un outil de souveraineté en matière sanitaire en cas de crise.

La rapporteure générale relaye la préoccupation exprimée en audition par les ordres professionnels, qui se disent vigilants quant à l’agilité du dispositif des préparations officinales spéciales à mobiliser en cas de crise. En effet, l’article prévoit la parution d’un décret en Conseil d’État ainsi qu’un arrêté conjoint de deux ministres. Il conviendra d’adopter dans des délais raisonnables ces décrets ainsi que celui des préparations hospitalières spéciales, pour garantir l’effectivité de ces mesures.

Elle sera également attentive aux mesures proposées par le Gouvernement pour accompagner les acteurs de ville et hospitaliers dans le développement de ces activités de production industrielle de médicaments.

 

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Article 33
Renforcer les leviers d’épargne de médicaments en cas de rupture d’approvisionnement

Le présent article prévoit de renforcer les leviers d’épargne de médicaments en cas de rupture d’approvisionnement par une délivrance au plus juste des besoins dans les situations de pénurie.

L’article prévoit, en cas de rupture d’approvisionnement : une obligation de délivrance à l’unité des médicaments ; une obligation de recours aux ordonnances conditionnelles pour les prescripteurs supposant la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) dont le résultat conditionne la délivrance du médicament ; et la possibilité de limiter ou d’interdire de prescrire certains médicaments dans le cadre d’une téléconsultation lorsque ceux-ci sont en pénurie.

L’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions est prévue au premier semestre 2024. L’impact financier estimé est une baisse des dépenses de l’assurance maladie de 4,7 millions d’euros par an dès la première année de mise en œuvre.

I.   l’obligation gÉnÉrale d’approvisionnement « appropriÉ et continu » fait place À une logique de juste dÉlivrance

L’obligation générale d’approvisionnement approprié et continu transposée du droit européen en droit français a montré ses limites à empêcher les phénomènes de ruptures qui sont de plus en plus fréquents, en dépit d’obligations renforcées des exploitants sur certaines catégories de médicaments essentiels (A.). Les dernières évolutions législatives et réglementaires tendent à préciser le champ des médicaments prioritaires et à évoluer vers une logique de plus juste dispensation (B.).

A.   L’obligation gÉnÉrale d’approvisionnement « appropriÉ et continu » des exploitants n’empêche pas les ruptures

1.   Les obligations pesant sur les exploitants de médicaments en matière d’approvisionnement sont étendues

a.   Une obligation générale d’approvisionnement approprié et continu repose sur les exploitants de médicaments depuis 2001

La prévention et la gestion des risques de ruptures d’approvisionnement de médicaments s’inscrivent dans un cadre réglementaire européen instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain : la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 ([333]).

Une obligation générale d’approvisionnement approprié et continu a été créée. Elle prévoit que « le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament ainsi que les distributeurs de ce médicament mis sur le marché de façon effective dans un État membre assurent, dans la limite de leur responsabilité respective, un approvisionnement approprié et continu de ce médicament pour les pharmacies et les personnes autorisées à délivrer des médicaments de manière à couvrir les besoins des patients de l’État membre concerné » ([334]).

b.   Cette obligation a progressivement été complétée de mesures plus spécifiques de sécurisation des stocks de médicaments

Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) doit également prévenir l’autorité compétente de chaque État membre concerné des risques de ruptures d’approvisionnement temporaires ou permanentes. Cette notification doit avoir lieu, hormis dans des circonstances exceptionnelles, au plus tard deux mois avant l’interruption de la mise sur le marché du médicament ([335]).

Le cadre légal des obligations des exploitants et titulaires d’AMM en matière de prévention des ruptures d’approvisionnement et de gestion des pénuries s’est progressivement enrichi, avec notamment :

– l’obligation de constituer un stock de sécurité destiné au marché national, correspondant à au moins deux mois de couverture des besoins pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) ([336]) – contre une semaine de couverture pour les autres médicaments – et pouvant être étendue, sans excéder quatre mois de couverture, sur décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ([337]) ;

– l’obligation d’élaborer des plans de gestion des pénuries dont l’objet est de prévenir et pallier toute rupture ;

– l’obligation de signalement à l’ANSM des risques de ruptures et l’obligation de disposer de centres d’appel d’urgence permettant un contact direct en permanence avec les pharmaciens d’officine, hospitaliers et les grossistes répartiteurs ([338]) ;

– l’interdiction faite aux grossistes-répartiteurs d’exporter hors du territoire national ou de vendre à des distributeurs en gros à l’exportation des MITM en rupture ou risque de rupture, cette interdiction devant être appliquée jusqu’à la remise à disposition normale du médicament sur le territoire national ([339]).

2.   Ces obligations n’empêchent pas la multiplication des phénomènes de ruptures en France et en Europe

a.   Les ruptures sont de plus en plus fréquentes et touchent toutes les classes de médicaments et leurs conséquences sont multiples

Ces mesures n’ont toutefois pas permis de réduire les tensions dans l’approvisionnement en MITM ces dernières années. Au contraire, le nombre de signalements transmis à l’ANSM a continué d’augmenter, pour s’établir à 2 160 en 2021.

Cette situation dépasse les frontières nationales : ainsi, une récente enquête du Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE) montre que les pénuries de produits de santé étaient en hausse en 2022 ([340]). Le nombre de ruptures d’approvisionnement a augmenté dans 75 % des États et aucun n’a connu d’amélioration par rapport à la situation antérieure. Pour un quart des pays, plus de 600 médicaments étaient en rupture au moment de l’étude, en forte dégradation par rapport à la situation en 2021. Toutes les classes thérapeutiques sont concernées : les médicaments du système cardiovasculaire, du système nerveux central et les anti-infectieux (antibiotiques compris) étant les plus recherchés. Dans vingtsept des vingtneuf États répondants, cette détérioration s’est traduite par une dégradation du service rendu aux patients, par des arrêts de traitement, des surcoûts, des pertes d’efficacité thérapeutique, des erreurs médicamenteuses et des effets indésirables. Pour la première fois, quatre pays ont même mentionné des décès. Les dispositifs médicaux (DM) et les dispositifs de diagnostic in vitro (DMDIV) pâtissent également de ruptures d’approvisionnement dans deux tiers des États.

Le temps pris par l’équipe officinale pour résoudre ces problèmes est passé à 6,68 heures chaque semaine, en augmentation par rapport à l’année 2021 (5,3 heures).

Les mesures mises en place pour répondre à ces fortes tensions d’approvisionnement sont globalement convergentes entre les États européens :

– le recours aux génériques est largement plébiscité comme première solution en cas de rupture (pour vingt‑sept États) ;

– la recherche d’approvisionnement alternatif ou le recours aux préparations magistrales (pour dix‑huit États) constitue le deuxième niveau de réponse ;

– le recours à un dosage différent en ajustant la posologie (pour seize États) est le troisième niveau de réponse à la tension.

Différentes catégories de ruptures

La rupture d’approvisionnement (ou pénurie) se définit comme l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur (hôpital) de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures, après avoir effectué une demande d’approvisionnement auprès de deux entreprises exerçant une activité de distribution de médicaments (grossiste ou répartiteur). Ce délai de 72 heures peut être réduit à l’initiative du pharmacien en fonction de la compatibilité avec la poursuite optimale du traitement du patient.

La rupture de stock se définit comme l’impossibilité pour le fabricant ou l’exploitant de fabriquer ou d’exploiter un médicament.

L’arrêt de commercialisation est une décision de l’exploitant du médicament qui implique d’interrompre la commercialisation du médicament. Une fois la commercialisation arrêtée, l’exploitant n’est plus soumis aux obligations d’approvisionnement.

b.   Les causes de ces ruptures sont multiples et structurelles

Les causes de ruptures d’approvisionnement sont multiples : elles peuvent être liées à la fabrication du médicament (indisponibilité de matières premières, problèmes de fabrication, défaut de qualité, etc.) ou à des dysfonctionnements liés à la chaîne de distribution du médicament, phénomène renforcé dans un système de production mondialisé des médicaments.

Certaines ruptures sont consécutives à une décision d’arrêt de commercialisation du médicament, notamment lorsque le médicament est commercialisé depuis de nombreuses années (médicament mature) et que son prix, devenu trop bas, ne permet plus à l’exploitant de dégager une marge suffisante pour poursuivre sa commercialisation. En cas d’arrêt de commercialisation, l’exploitant est dégagé de ses obligations d’approvisionnement du marché, au profit d’un nouvel exploitant repreneur le cas échéant.

Les dispositifs existants reposant sur des obligations renforcées dans la gestion des stocks de sécurité et d’information des autorités et acteurs de la chaîne du médicament ne peuvent suffire à résoudre une situation de rupture liée à un arrêt de commercialisation ou à un problème industriel de fabrication. Le cadre législatif et réglementaire évolue donc vers un meilleur encadrement de la délivrance du médicament en cas de rupture d’approvisionnement pour garantir une juste dispensation.

B.   le cadre lÉgislatif et rÉglementaire Évolue vers une logique de plus juste dÉlivrance en cas de pÉnurie

1.   Une priorisation plus fine au sein des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur est mise en place

La catégorie des MITM comporte près de 6 000 médicaments, ce qui rend difficile la priorisation d’un si grand nombre d’approvisionnements. Face à ce constat, 422 spécialités correspondant à 151 molécules ont déjà fait l’objet d’une priorisation par la mise en œuvre des obligations renforcées en matière de constitution d’un stock minimal de sécurité. Pour ces 422 MITM, les exploitants sont tenus de disposer d’un stock de quatre mois, au lieu de deux.

Pour tenir compte de cette difficulté à mettre en œuvre des obligations renforcées sur un champ très large de médicaments, le Gouvernement a publié, en juin 2023, une liste de 454 médicaments « essentiels ». Il s’agit de redéfinir le cadre des mesures renforcées permettant de sécuriser effectivement l’approvisionnement sans recourir uniquement à la liste des MITM, et d’aboutir à l’identification de « médicaments stratégiques sur les plans industriel et sanitaire » (MSIS). L’articulation entre les dispositions applicables aux MITM notamment ceux faisant l’objet de mesures renforcées, et aux MSIS n’est pas encore précisément établie. En effet, les MITM sont les seuls explicitement visés par les dispositions législatives actuellement en vigueur.

2.   Le recours aux ordonnances conditionnelles a été inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020

L’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 ([341]) a introduit à l’article L. 5121-12-1-1 du code de la santé publique la possibilité pour le prescripteur de délivrer des « ordonnances de dispensation conditionnelle », destinées à conditionner la délivrance de certains médicaments en officine à la réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod). L’étude d’impact jointe au PLFSS visait spécifiquement les cas de prescription abusive d’antibiotiques pour le traitement d’une angine virale, présentant au moment de la consultation les mêmes symptômes que l’angine bactérienne, qui pourtant seule justifie la dispensation d’un antibiotique. Au-delà de la dépense de remboursement qu’induisent ces prescriptions médicamenteuses injustifiées, le Gouvernement soulevait le problème plus général de l’antibiorésistance, identifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale ».

L’article 65 prévoyait également la possibilité d’encadrer, par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, le prix de cession maximal des Trod aux pharmaciens d’officine, ainsi que la possibilité de conditionner l’inscription d’un médicament sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) à la réalisation préalable des prescriptions indiquées par l’ordonnance de dispensation conditionnelle.

Un décret du 13 décembre 2021 ([342]) précise les conditions dans lesquelles un prescripteur peut recourir à une ordonnance de dispensation conditionnelle ([343]) et les mentions obligatoires qui doivent y figurer. Il renvoie à un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale le soin d’établir la liste des médicaments pouvant donner lieu à l’établissement d’une ordonnance de dispensation conditionnelle.

L’arrêté du 13 décembre 2021 fixant la liste des médicaments pour lesquels il peut être recouru à une ordonnance de dispensation conditionnelle et les mentions à faire figurer sur cette ordonnance a introduit la possibilité du recours à une ordonnance de dispensation conditionnelle pour certains antibiotiques, et au recours au « Trod angine ».

Le dispositif a été complété plus récemment par l’article 17 de la loi n° 2023‑379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Cet article prévoit la publication chaque année par arrêté d’une liste des Trod innovants dont l’utilisation par les professionnels de santé est autorisée.

L’essor progressif des « Trod angine »

La promotion des Trod angine auprès des prescripteurs est une politique publique ancienne, ces tests étant gratuitement mis à disposition des médecins généralistes depuis 2002.

Sur 9 millions d’angines chaque année seuls 1,2 million de Trod sont commandés. Cette politique a été étendue récemment aux pharmaciens, les Trod effectués en officine étant remboursés – et le pharmacien rémunéré pour leur réalisation – depuis le 1er juillet 2022.

Selon la direction générale de la santé, 52 000 Trod ont été réalisés en 2022 contre 8 000 en 2021. En avril 2023, plus de 6 000 officines proposaient ces tests contre 2 000 en 2022.

3.   La délivrance à l’unité par les pharmacies d’officines inscrite dans la loi depuis 2020

L’article 40 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a introduit à l’article L. 5123-8 du code de la santé publique la possibilité d’une dispensation à l’unité des médicaments : « afin d’éviter le gaspillage des médicaments, lorsque leur forme pharmaceutique le permet, la délivrance de certains médicaments en officine peut se faire à l’unité ».

Un décret du 31 janvier 2022 ([344]) a précisé les modalités particulières de conditionnement, d’étiquetage, d’information du patient et de traçabilité des médicaments délivrés à l’unité en pharmacie d’officine. Il a été complété par un arrêté du 31 mars 2022 ([345]) listant les médicaments pouvant faire l’objet d’une délivrance à l’unité.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : Des mesures d’Épargne contraignantes mais circonscrites et rÉservÉes aux situations de pÉnurie

Les mesures proposées par l’article 33 s’inscrivent dans la logique dernières évolutions législatives et réglementaires avec des mesures d’épargne de médicaments en cas de rupture d’approvisionnement. Le cadre des ruptures est ainsi redéfini (A.), une obligation de délivrance à l’unité et de recours aux ordonnances conditionnelles est créée (B.) et les prescriptions de médicaments en rupture sont limitées dans le cadre des téléconsultations (C.).

A.   Le cadre des ruptures d’approvisionnement est modifiÉ

1.   Une extension des obligations de l’exploitant aux situations de « rupture ou risque de rupture »

Le présent article précise le cadre légal de l’obligation d’approvisionnement approprié et continu, en prévoyant au b du de compléter le troisième alinéa de l’article L. 5121-29 du code de la santé publique par la référence aux « ruptures ou risque de rupture ». Il en résulte un renforcement des obligations pesant sur les exploitants de médicaments, tenus de prendre « toute mesure utile » pour « prévenir et pallier » les difficultés d’approvisionnement, puisque désormais la « rupture ou le risque de rupture » sont désormais explicitement visées par la loi.

La notion de rupture d’approvisionnement en Europe

À l’heure actuelle, la rupture d’approvisionnement d’un médicament n’est pas définie au niveau européen. À l’issue d’un sondage de la Commission européenne ([346]), dix‑neuf États membres de l’Espace économique européen (EEE) ont indiqué ne pas avoir introduit de définition d’une rupture d’approvisionnement dans leur législation nationale. Certains États disposent de définition ou la classification dans le cadre de procédures et à l’exclusion de toute définition légale ou réglementaire. C’est le cas de l’Allemagne, du Danemark, de l’Espagne et de la Suède. D’autres États disposent seulement d’un cadre légal ou réglementaire relatif aux obligations de signalement de ces ruptures comme la Hongrie, la Lettonie, les Pays-Bas et le Portugal) ou encore d’une méthode officielle pour déterminer ce qu’est un niveau de stock suffisant pour un médicament (Slovaquie).

Les trois seuls États membres disposant d’après cette enquête, d’une définition légale d’une rupture d’approvisionnement sont : la France, la Roumanie et la Slovénie. La France est le seul État à mentionner un délai précis sans approvisionnement (72 heures).

2.   Vers une définition plus souple des ruptures d’approvisionnement

Le c du du présent article complète l’article L. 5121-29 du code de la santé publique par un II, définissant la rupture d’approvisionnement et renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions de délai et les diligences devant être accomplies par les pharmaciens pour établir la rupture : « la rupture d’approvisionnement se définit comme l’incapacité pour une pharmacie [...] de dispenser un médicament à un patient dans un délai donné, qui peut être réduit à l’initiative du pharmacien lorsque la poursuite optimale du traitement l’impose. Ce délai, ainsi que les diligences que le pharmacien doit accomplir pour dispenser le médicament, sont définis par décret en Conseil d’État. »

La définition de la rupture d’approvisionnement figure pourtant déjà à l’article R. 5124-49-1 du code de la santé publique, qui précise que la rupture d’approvisionnement est constituée dès lors que la demande d’approvisionnement par le pharmacien, auprès de deux entreprises de distribution de médicaments, reste infructueuse pendant 72 heures.

L’adoption de l’article entraînera donc la caducité de la définition réglementaire de la rupture d’approvisionnement, qui sera précisée par décret en Conseil d’État.

B.   L’ordonnance conditionnelle et la dÉlivrance À l’unitÉ : des possibilitÉs transformÉes en obligation en cas de rupture d’approvisionnement

1.   Le recours obligatoire aux ordonnances conditionnelles et à la délivrance à l’unité en cas de rupture d’approvisionnement

Le du présent article crée un nouvel article L. 5121-33-1 du code de la santé publique permettant, en cas de rupture d’approvisionnement, au ministre chargé de la santé de rendre obligatoire par arrêté le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle dans les conditions de droit commun prévues par les articles L. 5121‑12‑1‑1 et L. 5121‑20. L’article L. 5121‑12‑1‑1 dispose que le prescripteur peut « conditionner la délivrance de certains médicaments à la réalisation et au résultat de tests à caractère médical, notamment d’examens biologiques ou d’orientation diagnostique » au moyen de l’ordonnance de dispensation conditionnelle. Le 15° de l’article L. 5121-20 du code de la santé publique fait référence à un décret en Conseil d’État, pour définir les modalités de prescription et les conditions d’identification des médicaments visés par l’ordonnance de dispensation conditionnelle.

Le nouvel article L. 5121-33-1 du code de la santé publique autorise, en outre, en cas de rupture d’approvisionnement, le ministre chargé de la santé à rendre obligatoire le recours à la délivrance à l’unité de médicaments, dans les conditions de droit commun prévues par l’article L. 5123-8. Cet article prévoit la possibilité de recourir à la délivrance à l’unité de médicaments, pour des médicaments sur une liste définie par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Le dispositif prévu en cas de rupture d’approvisionnement permet au seul ministre chargé de la santé de rendre obligatoire la délivrance à l’unité, pour des médicaments dont la liste est établie dans un arrêté conjoint des deux ministres.

2.   Un dispositif contraignant, strictement limité aux situations de ruptures d’approvisionnement

La seconde phrase du premier alinéa du nouvel article L. 5121-33-1 du code de la santé publique prévoit un parallélisme des formes pour mettre en œuvre et interrompre rapidement ce régime dérogatoire : « Il est mis fin sans délai à ces mesures, par arrêté du même ministre, lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. »

Le deuxième alinéa du nouvel article L. 5121-33-1 prévoit que l’arrêté du ministre chargé de la santé devra préciser spécifiquement les médicaments faisant l’objet d’une obligation d’ordonnance conditionnelle au sein de la liste des médicaments pouvant faire l’objet d’une ordonnance conditionnelle en application du 15° de l’article L. 5121‑20. L’arrêté du ministre devra également préciser les médicaments pour lesquels la délivrance à l’unité est obligatoire au sein de la liste de médicaments pouvant donner lieu à délivrance à l’unité en application du deuxième alinéa de l’article L. 5123-8.

Les mesures d’urgence ainsi décidées par le ministre en charge de la santé seront donc spécifiques aux médicaments en rupture, à l’exception des autres médicaments, afin de garantir la proportionnalité entre les mesures proposées et la restriction posée au principe réglementaire de liberté de prescription ([347]).

Le principe de liberté de prescription ([348])

« Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

C.   L’encadrement de la prescription de mÉdicaments en rupture dans le cadre des tÉlÉconsultations

Un nouvel article L. 5121-33-2 est créé au dernier alinéa du du présent article. Cet article autorise le ministre chargé de la santé à « limiter ou interdire » la prescription de certains médicaments concernés par une rupture d’approvisionnement et « désignés dans l’arrêté » lorsque cette prescription est réalisée par un acte de télémédecine. L’article prévoit un parallélisme des formes entre la mise en œuvre de cette mesure et son interruption selon les mêmes modalités que pour le recours aux ordonnances conditionnelles et à la délivrance à l’unité : « il est mis fin sans délai à ces mesures, par arrêté du même ministre, lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ».

L’exposé des motifs du présent article ainsi que l’étude d’impact annexée au projet de loi font exclusivement référence aux médicaments antibiotiques, qui font l’objet de tensions d’approvisionnement majeures et persistantes depuis l’hiver 2022-2023. L’intention du Gouvernement est de rendre obligatoires en cas de pénurie : la délivrance à l’unité pour les antibiotiques en comprimés ; le recours à une ordonnance conditionnelle associée à un « Trod angine » afin d’éviter la délivrance d’antibiotiques prescrits à tort pour des patients atteints d’angine virale ; et de restreindre la prescription d’antibiotiques lors des téléconsultations à quelques exceptions comme l’antibioprophylaxie avant chirurgie, considérant que prescription d’antibiotiques nécessite un examen clinique.

L’intention du Gouvernement est ainsi de garantir une maîtrise des prescriptions, une juste dispensation d’antibiotiques pour les patients qui le nécessitent, et ainsi de limiter les phénomènes de constitution de stocks de précaution à domicile, de nature à amplifier et entretenir dans la durée les phénomènes de pénurie.

La rapporteure générale se félicite de ces mesures pragmatiques pour lutter efficacement contre le gaspillage de médicaments et les soutient dans le contexte difficile des ruptures d’approvisionnement que nous connaissons. Le recours à la délivrance à l’unité et à l’ordonnance conditionnelle sont des possibilités qui existent déjà depuis 2020, connues de nos professionnels, elles deviendront obligatoires lorsque les circonstances le justifieront. Ces mesures ainsi que celle relative à l’encadrement de certaines prescriptions dans le cadre de téléconsultations sont soutenues par les ordres professionnels.

La rapporteure générale sera également attentive à ce que les conditions de mise en œuvre de la délivrance à l’unité pour les pharmacies de ville comme hospitalières dans l’optique d’une délivrance au plus juste des médicaments en rupture, ne se traduise pas par des inconvénients supérieurs aux bénéfices recherchés.

 

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Article 34
Facilitation de l’ajout d’un acte à la nomenclature lorsqu’il prévoit l’utilisation d’un dispositif médical

Le présent article permet aux entreprises exploitant des dispositifs médicaux de proposer à la Haute Autorité de santé de s’autosaisir de l’évaluation du service rendu par un acte ou une prestation, en vue de son inscription sur la liste des actes et prestations, ce qui le rend éligible au remboursement par l’assurance maladie.

Cette nouvelle possibilité offerte aux exploitants pourrait se traduire par une augmentation du nombre d’évaluations d’actes et de prestations et, sous réserve d’évaluations favorables de la Haute Autorité de santé, par une augmentation du nombre de prestations et d’actes remboursés par la sécurité sociale. Le coût estimé de cette mesure serait de 3,9 millions d’euros par an.

I.   La procÉdure d’inscription d’un acte à la liste des actes et prestations en vue de sa prise en charge par l’assurance maladie

La prise en charge ou le remboursement par l’assurance maladie de tout acte ou prestation effectué par un professionnel de santé est subordonné à son inscription sur la liste des actes et prestations, prévue à l’article L. 162‑1‑7 du code de la sécurité sociale et composée de trois nomenclatures :

– la classification commune des actes médicaux (CCAM) ;

– la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ;

– la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM).

L’inscription d’un acte ou d’une prestation sur la liste des actes et prestations relève de la compétence de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) après une série de consultations obligatoires.

● Un premier avis relatif à l’évaluation du service rendu par l’acte ou par la prestation doit être rendu par la Haute Autorité de santé (HAS). Celle-ci peut être saisie par l’Uncam ou par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. La HAS peut également s’autosaisir de cette évaluation sur proposition des conseils nationaux professionnels ([349]) ou des associations d’usagers agréées ([350]).

Cet avis est transmis à l’Uncam dans un délai de six mois à compter du dépôt de la demande, renouvelable une fois pour les évaluations complexes.

● L’Uncam saisit ensuite le Haut Conseil des nomenclatures, chargé de procéder à la description et à la hiérarchisation des actes et prestations, et lui transmet l’avis de la HAS.

Le Haut Conseil des nomenclatures établit un rapport relatif à la description et à la hiérarchisation de l’acte ou de la prestation dont il est saisi, en tenant compte des enjeux de pertinence médicale. Des commissions compétentes pour chacune des professions de santé sont chargées du suivi de l’activité de hiérarchisation. La commission compétente pour la profession des médecins est tenue informée des travaux du Haut Conseil des nomenclatures, et émet un avis simple sur chaque rapport relatif à la description et à la hiérarchisation d’un acte ou d’une prestation.

Ce rapport est remis à l’Uncam dans un délai de six mois, renouvelable une fois pour les évaluations complexes.

● L’inscription de l’acte ou de la prestation est finalement décidée par l’Uncam, après avis de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam). L’article L. 162‑1‑7 du code de la sécurité sociale précise que les décisions d’inscription de l’Uncam sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ permet aux entreprises exploitant des produits de sAnté de solliciter une Évaluation de leurs dispositifs mÉdicaux par la Haute autoritÉ de santé en vue de leur inscription sur la liste des actes et prestations

● Le remplace le deuxième alinéa du II de l’article L. 162‑1‑7 du code de la sécurité sociale par quatre alinéas qui élargissent le nombre des acteurs pouvant demander à la HAS de s’autosaisir de l’évaluation du service rendu par un acte ou une prestation.

S’ajoutent ainsi aux conseils nationaux professionnels et aux associations d’usagers les entreprises exploitant des dispositifs médicaux ([351]) et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ([352]) lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

– le produit de santé exploité est associé à l’action thérapeutique ou diagnostique de l’acte à évaluer ;

– le produit de santé exploité est à usage collectif.

Les modalités de dépôt de ces demandes d’autosaisine seront définies par voie réglementaire. La fiche d’évaluation préalable annexée au présent projet de loi précise néanmoins que les industriels pourront accéder directement au formulaire de demande d’évaluation actuellement utilisé par les conseils nationaux professionnels, par l’intermédiaire de la plateforme « EVActe » sur le site de la Haute Autorité de santé. La procédure de sélection des demandes d’évaluation d’actes professionnels sera la même que celle appliquée aux demandes formulées par les conseils nationaux professionnels. Des modifications de la plateforme « EVActe » doivent intervenir en 2024 pour intégrer les demandes des entreprises et faire converger les différentes modalités de saisine.

Afin de garantir la bonne information des professionnels de santé concernés par la demande industrielle, puis leur bonne collaboration lors de l’évaluation, le formulaire complété par l’industriel devra contenir un courrier de soutien du conseil national professionnel concerné par l’acte à évaluer.

Par ailleurs, afin d’améliorer le processus de sélection des réponses aux demandes d’évaluation, deux campagnes par an seront organisées pour faciliter les dépôts de dossier et réduire les délais globaux d’évaluation.

L’ouverture aux industriels des demandes d’autosaisine de la HAS en matière d’évaluation des actes et prestations devrait se traduire par une augmentation du nombre d’évaluations d’actes et prestations à réaliser pour la HAS et, sous réserve d’évaluations favorables de la HAS, par une augmentation du nombre d’actes inscrits sur la liste des actes et prestations, et donc éligibles au remboursement par la sécurité sociale.

L’impact financier dépendra du nombre de demandes d’évaluation émanant des industriels, des résultats des évaluations de la HAS, et du niveau de prise en charge des actes ainsi inscrits par la sécurité sociale. La fiche d’évaluation préalable annexée au présent projet de loi estime que l’inscription de sept nouveaux actes par an à compter de 2025 aurait un coût financier de 3,9 millions d’euros par an pour la branche maladie.

 Le élargit les conditions auxquelles une inscription provisoire sur la liste des actes et prestations peut être édictée. Auparavant réservée aux actes innovants, dans un délai de trois ans renouvelable une fois, l’inscription provisoire pourra désormais concerner tout type d’actes dans un délai de trois ans non renouvelable.

● Le supprime le caractère renouvelable, pour les évaluations complexes, des délais dans lesquels la HAS et le Haut Conseil des nomenclatures doivent rendre leurs rapports. La fiche d’évaluation préalable précise que les autres délais d’examen, notamment ceux de l’Uncam, seront également réduits par voie réglementaire.

Cette mesure vise à améliorer la visibilité des acteurs sur l’ensemble de la procédure et à réduire le délai global entre la demande d’inscription et l’entrée en vigueur du remboursement de l’acte, dont la durée peut, à l’heure actuelle, s’établir à un an et demi.

Article 35
Améliorer les dispositifs d’accès dérogatoires aux produits de santé innovants

Le présent article modifie le cadre juridique applicable aux dispositifs d’accès dérogatoires aux médicaments (accès précoce et accès dérogatoire) pour tenir compte de certaines limites identifiées lors de l’application de ces régimes.

Les critères d’octroi d’une autorisation d’accès précoce sont ainsi adaptés au cas particulier des vaccins.

L’obligation de garantir l’approvisionnement du marché français est ajoutée à la liste obligations que doivent respecter les entreprises qui exploitent des médicaments bénéficiant d’une autorisation d’accès précoce.

Il est précisé que le refus d’une autorisation d’accès précoce, dans une indication considérée, au seul motif que le médicament n’est pas présumé innovant, ne fait pas obstacle à l’octroi d’une autorisation d’accès compassionnel.

Enfin, il est instauré un régime transitoire de prise en charge des médicaments en fin d’accès précoce lorsque l’évaluation de leur intérêt thérapeutique par la Haute Autorité de santé ne permet pas leur remboursement intégral par la sécurité sociale, dans l’attente de données complémentaires.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

A.   L’accÈs dÉrogatoire aux produits de santÉ innovants a ÉtÉ rÉformÉ en 2021

1.   La procédure de droit commun d’accès au marché du médicament

Pour être commercialisé, un médicament doit préalablement obtenir une autorisation de mise sur le marché (AAM).

Cette autorisation est délivrée, selon le médicament, par l’Agence européenne du médicament (EMA) ou par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Pour les médicaments présumés innovants, la procédure est centralisée au niveau européen. L’AMM est accordée après une évaluation scientifique de l’efficacité, de la sécurité et de la qualité du médicament, et si celui-ci présente un rapport bénéfice/risque au moins équivalent à celui des produits déjà commercialisés.

Après avoir obtenu une AMM, l’industriel peut fixer librement le prix de son médicament. En revanche, pour qu’il soit remboursable par la sécurité sociale, il doit déposer une demande à la Haute Autorité de santé (HAS). La HAS rédige un avis scientifique dans lequel elle évalue le service médical rendu (SMR) ou l’amélioration du service médical rendu (ASMR) par le médicament, c’est-à-dire l’importance de son intérêt thérapeutique, qui justifie sa prise en charge par la solidarité nationale et, le cas échéant, le niveau de cette prise en charge.

Sur la base de cette évaluation, une négociation s’engage entre les industriels concernés et le Comité économique des produits de santé (Ceps), qui est un organisme interministériel. Cette négociation doit ensuite aboutir à la fixation d’un prix facial publié au Journal officiel, mais aussi de remises conventionnelles dont le montant est protégé par le secret des affaires.

Le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) fixe ensuite le taux de remboursement du médicament en fonction du service médical rendu ou de l’amélioration du service médical rendu déterminés par la HAS, et un arrêté ministériel marque l’admission au remboursement du médicament.

2.   La refonte des dispositifs de prise en charge dérogatoire des médicaments en 2021

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ([353]) a réformé les dispositifs de prise en charge dérogatoire des médicaments déjà existants : les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et les recommandations temporaires d’utilisation (RTU). Ces derniers ont été remplacés par deux nouveaux dispositifs distincts, assortis de règles spécifiques de prise en charge : l’accès précoce et l’accès compassionnel.

● L’accès précoce, prévu à l’article L. 5121‑12 du code de la santé publique, régit l’utilisation, à titre exceptionnel, de certains médicaments, dans des indications thérapeutiques précises, destinées à traiter des maladies graves, rares ou invalidantes, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

– il n’existe pas de traitement approprié de la pathologie considérée ;

– la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée ;

– l’efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumées au vu des résultats d’essais thérapeutiques ;

– ces médicaments sont présumés innovants, notamment au regard d’un éventuel comparateur cliniquement pertinent.

L’accès précoce peut s’appliquer :

– soit à un médicament qui ne dispose pas d’une autorisation de mise sur le marché dans l’indication considérée et pour lequel l’entreprise intéressée a déposé, ou s’engage à déposer une demande de délivrance d’une telle autorisation ;

– soit un médicament qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché dans l’indication considérée sans encore faire l’objet d’une prise en charge de droit commun, mais pour lequel l’entreprise intéressée a déposé, ou s’engage à déposer, une demande d’inscription au remboursement.

L’autorisation d’accès précoce est subordonnée au respect, par l’entreprise qui assure l’exploitation du médicament, d’un protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil des données concernant l’efficacité, les effets indésirables ou encore les conditions réelles d’utilisation, défini par la HAS.

L’autorisation d’accès précoce peut être suspendue ou retirée par la HAS :

– si les conditions d’attribution ne sont plus remplies ;

– si l’entreprise ne respecte pas l’engagement de demander une AMM ou l’inscription au remboursement du médicament concerné ;

– sur demande de l’ANSM, pour des motifs de santé publique.

● L’accès compassionnel, prévu à l’article L. 5121‑12‑1 du code de la santé publique, régit l’utilisation exceptionnelle de certains médicaments, dans des indications thérapeutiques précises, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

– le médicament ne fait pas l’objet d’essais cliniques à des fins commerciales dans l’indication considérée ;

– il n’existe pas de traitement approprié de la pathologie considérée ;

– l’efficacité et la sécurité du médicament sont présumées au regard des données cliniques disponibles et, lorsque l’indication concerne une maladie rare, des travaux et des données collectées par les professionnels de santé.

Lorsque ces trois conditions sont réunies, le médicament peut être pris en charge dans deux cas de figure :

– l’autorisation d’accès compassionnel : à la demande d’un médecin prescripteur, en vue du traitement d’une maladie grave, rare ou invalidante, l’ANSM peut autoriser l’utilisation, pour un patient nommément désigné, d’un médicament qui ne dispose d’une AMM pour aucune indication thérapeutique, ou qui a fait l’objet d’un arrêt de commercialisation mais dont l’AMM ne porte pas sur l’indication thérapeutique sollicitée ;

– le cadre de prescription compassionnelle : l’ANSM peut, de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de la santé ou du ministre chargé de la sécurité sociale, établir un cadre de prescription relatif à un médicament faisant déjà l’objet d’une AMM dans d’autres indications.

Les autorisations et les cadres de prescription au titre de l’accès compassionnel sont assortis d’un protocole d’utilisation thérapeutique et de suivi des patients.

L’autorisation ou le cadre de prescription compassionnelle peuvent être suspendus ou retirés par l’ANSM si les conditions d’attribution ne sont plus remplies ou pour des motifs de santé publique. Toutefois, dans certaines situations particulières liées à des motifs de santé publique ou à l’intérêt d’un patient, l’absence de dépôt d’une autorisation d’accès précoce ou la mise en place d’essais cliniques à des fins commerciales ne font pas obstacle au maintien ou au renouvellement d’une autorisation ou d’un cadre de prescription au titre de l’accès compassionnel.

B.   Des limites persistent

● Une première limite tient aux critères d’octroi des autorisations d’accès précoce qui ne sont pas adaptés au cas particulier des vaccins. En effet, ces derniers n’incluent pas la recommandation d’un schéma vaccinal par la Haute Autorité de santé, afin d’améliorer leur cadre de prescription.

● Une deuxième limite tient à ce que l’autorisation d’accès précoce n’est aujourd’hui pas associée à un engagement de l’industriel à assurer l’approvisionnement du marché français. Or, l’octroi d’une autorisation d’accès précoce témoigne de l’intérêt, pour les patients, de disposer du produit.

● Une troisième limite concerne l’autorisation d’accès compassionnel. Celle-ci vise en effet les médicaments non nécessairement innovants, mais qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique non couvert en l’absence de traitement approprié.

Une autorisation d’accès compassionnel ne peut pas être accordée par l’ANSM dans une indication considérée si la HAS a refusé l’accès précoce dans ladite indication. Or, dans certaines situations, ce refus d’accès précoce est motivé par l’absence de présomption d’innovation. Cela conduit alors indirectement l’ANSM à refuser l’accès compassionnel à un médicament pour un critère, l’innovation, qui n’est pas évalué dans ce cadre.

● Une quatrième limite tient enfin à l’absence de régime transitoire de prise en charge pour les médicaments en fin d’accès précoce lorsqu’ils rejoignent le droit commun et que l’évaluation de leur intérêt thérapeutique, qui en détermine le taux de remboursement, exige le recueil de données supplémentaires.

En effet, durant la phase d’accès précoce, les médicaments font l’objet, à titre dérogatoire, d’une prise en charge totale par l’assurance maladie lorsqu’ils sont utilisés dans les établissements de santé ([354]). Pour déterminer le coût du médicament, l’entreprise titulaire des droits déclare au Ceps le montant de l’indemnité maximale qu’il réclame. Les prix ainsi appliqués sont publiés annuellement sur le site du ministère de la santé et de la prévention.

Chaque année, l’entreprise titulaire des droits d’exploitation du médicament informe le Ceps du chiffre d’affaires correspondant au médicament et du nombre d’unités fournies au titre de l’année précédente. Pour tenir compte de l’indemnité librement fixée par l’industriel et pour limiter l’effet de trésorerie pour les entreprises au moment du passage vers le droit commun du remboursement, des remises sont appelées chaque année sur le chiffre d’affaires annuel réalisé du médicament en accès précoce ([355]).

En parallèle, des négociations ont lieu avec le Ceps ont lieu durant la période d’accès dérogatoire pour déterminer le prix de vente de référence du médicament une fois que celui-ci sera passé dans le droit commun. Le prix de vente de référence est utilisé pour calculer la remise finale que l’industriel devra reverser à la sécurité sociale. Il permet de déterminer le chiffre d’affaires qui aurait résulté de la valorisation des unités du médicament vendues au prix de référence sur l’ensemble de la période d’accès précoce du médicament ([356]). Plus le prix négocié avec le Ceps est éloigné de l’indemnité perçue en période d’accès dérogatoire, plus la remise finale versée par l’industriel sera importante. Le montant de cette remise est minoré des remises déjà appelées durant la période d’accès dérogatoire.

Pour certains traitements, à la fin de la prise en charge au titre de l’accès précoce, l’inscription dans le droit commun sur la seule liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics, c’est‑à‑dire les médicaments à usage hospitalier, peut être la conséquence d’un octroi par la HAS d’une absence d’amélioration de service médical rendu (ASMR V) ou d’un service médical rendu (SMR) « suffisant », dans l’attente de données supplémentaires.

Or, ces niveaux ne permettent pas l’inscription des médicaments sur la liste des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché dispensées aux patients dans les établissements de santé qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation, dite « liste en sus », qui en assure le remboursement intégral par l’assurance maladie.

En outre, les délais d’obtention des données complémentaires permettant de confirmer ou d’infirmer l’absence d’ASMR ou le niveau de SMR – en moyenne deux ans et demi – sont longs et ne conduisent pas toujours à une réévaluation à la hausse du niveau d’ASMR ou de SMR par la HAS.

Cette situation peut soulever des problèmes d’accès des patients au médicament, aussi bien pour les initiations que pour les continuités de traitement, du fait du niveau élevé du prix de vente librement fixé par le laboratoire.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   adapter les critÈres d’octroi d’une autorisation d’accÈs prÉcoce au cas spÉcifique des vaccins

Le a du 1° du I modifie l’article L. 5121‑12 pour adapter les conditions d’octroi d’une autorisation d’accès précoce au cas spécifique des vaccins.

La troisième condition, relative à l’efficacité et à la sécurité fortement présumées des médicaments au vu des résultats des essais thérapeutiques, est complétée pour tenir compte du cas particulier que constituent les vaccins, dont l’efficacité et la sécurité doivent être fortement présumées « au vu des recommandations vaccinales émises par la Haute Autorité de santé ».

B.   Garantir l’approvisionnement du marchÉ français pour les mÉdicaments en accÈs prÉcoce

Le b du du I modifie les dispositions de l’article L. 5121‑12 relatives aux obligations que doit respecter l’entreprise qui exploite un médicament bénéficiant d’une autorisation d’accès précoce.

À l’obligation de suivre un protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil des données s’ajoute la nécessité de respecter « un engagement d’approvisionnement approprié et continu de manière à couvrir les besoins des patients en France », dans les conditions prévues aux articles L. 5121‑29 à L. 5121‑34 du code de la santé publique.

Ces dispositions, qui visent à lutter contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments, prévoient que les entreprises exploitant des médicaments constituent un stock de sécurité destiné au marché national. Par ailleurs, pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, les entreprises exploitant des médicaments élaborent et mettent en œuvre des plans de gestion des pénuries afin de prévenir et pallier toute rupture de stock.

Afin de sanctionner les manquements à l’engagement d’approvisionnement du marché français, le a du du II modifie l’article L. 162‑16‑5‑1‑1 du code de la sécurité sociale. Ces manquements sont ajoutés à la liste des situations dans lesquelles les taux des remises annuelles reversées chaque année à la sécurité sociale par les exploitants d’un médicament en accès précoce sont majorés. Il est prévu que le laboratoire exploitant puisse présenter ses observations avant l’application de ce mécanisme.

C.   Assouplir les critÈres d’octroi des autorisations d’accÈs compassionnel

Le du I modifie l’article L. 5121‑12‑1 du code de la santé publique afin de préciser que le refus d’une autorisation d’accès précoce, dans une indication considérée, au seul motif que le médicament n’est pas présumé innovant, ne fait pas obstacle à l’octroi d’une autorisation d’accès compassionnel.

D.   instaurer un rÉgime transitoire pour la prise en charge de certains mÉdicaments en fin d’accÈs prÉcoce

Le présent article instaure un régime transitoire de prise en charge des médicaments en fin d’accès précoce, lorsque l’évaluation, par la HAS, du service médical rendu ou de l’amélioration du service médical rendu, n’autorise pas, dans l’attente de données complémentaires, leur inscription sur la liste en sus, qui permet leur remboursement par la sécurité sociale.

1.   Les conditions d’accès au nouveau régime temporaire de prise en charge

Le du II crée un nouvel article L. 162‑16‑5‑1‑2 dans le code de la sécurité sociale qui organise un régime temporaire de prise en charge des médicaments dont la prise en charge au titre de l’accès précoce a pris fin à la suite de l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché et d’une inscription sur la liste permettant leur utilisation par les collectivités publiques, sur la liste des médicaments spécialisés, des médicaments faisant l’objet d’une distribution parallèle, et des médicaments bénéficiant d’une autorisation d’importation parallèle, ou sur la liste des médicaments que certains établissements de santé ou groupements de coopération sanitaire disposant d’une pharmacie à usage intérieur sont autorisés à vendre au public.

La prise en charge temporaire est accordée par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sur demande de l’entreprise exploitante.

Le II du nouvel article L. 162‑16‑5‑1‑2 prévoit que, pour bénéficier de ce régime temporaire de prise en charge, le médicament doit remplir les conditions suivantes :

– être classé dans une catégorie de médicaments à usage hospitalier ;

– ne pas être pris en charge au titre de la liste en sus ;

– avoir fait l’objet d’un avis de la Haute Autorité de santé qui reconnaît au médicament un niveau de service médical rendu ou une amélioration du service médical rendu au moins égal à un niveau fixé par décret et qui atteste de l’existence d’un plan de développement du médicament permettant d’actualiser son évaluation dans un délai donné.

Le VII du nouvel article L. 162‑16‑5‑1‑2 précise qu’il est mis fin à la prise en charge d’un médicament au titre du régime temporaire :

– en cas d’inscription du médicament à la liste en sus ;

– par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale au vu d’un nouvel avis de la HAS ne permettant pas l’inscription sur la liste en sus ;

– en cas de retrait de l’autorisation de mise sur le marché ; de radiation de la liste des médicaments agréés pour l’achat, la fourniture, la prise en charge et l’utilisation par les collectivités publiques ; et de l’absence ou du retrait de la demande d’inscription sur la liste en sus ;

– au-delà d’une durée fixée par décret qui ne peut être supérieure à trente‑six mois.

2.   La prise en charge par la sécurité sociale des médicaments bénéficiant du nouveau régime de prise en charge

Le III du nouvel article L. 162‑16‑5‑1‑2 précise que, pendant la durée du régime temporaire, la prise en charge s’effectue sur la base d’une indemnité fixée par arrêté des ministres de la santé et de la sécurité sociale, dont le montant est déterminé :

– sur la base du prix ou du tarif le plus bas existant dans d’autres pays européens présentant une taille totale de marché comparable ;

– à défaut, sur la base du premier montant déclaré de l’indemnité dans le cadre de l’autorisation d’accès précoce.

Une fois le montant de l’indemnité ainsi déterminé, une décote lui est appliquée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale afin de tenir compte de l’avis de la HAS et du délai dans lequel le plan de développement du médicament concerné doit permettre d’actualiser son évaluation.

Comme lors de la phase d’accès précoce, l’entreprise pharmaceutique continue d’informer chaque année le Ceps du chiffre d’affaires correspondant au médicament et du nombre d’unités fournies.

3.   Le calcul des remises reversées par l’industriel à la sécurité sociale

Le IV du nouvel article L. 162‑16‑5‑1‑2 organise le régime des remises reversées par l’entreprise exploitante à la sécurité sociale durant l’application du régime temporaire de prise en charge. Les remises annuelles et la remise finale sont calculées et reversées dans les mêmes conditions que durant la phase d’accès précoce.

Les taux de remise font l’objet de majorations, le cas échéant reconductibles chaque année :

– à compter de la deuxième année d’application du régime temporaire de prise en charge ;

– en cas de dépassement du délai de mise en œuvre du plan de développement du médicament pour actualiser l’évaluation de la HAS ;

– en l’absence de signature d’une convention fixant le tarif, sur la base du nouvel avis de la HAS, dans un délai de 180 jours à compter de la demande d’inscription sur la liste en sus.

Ces majorations sont fixées de sorte qu’une part minimale du chiffre d’affaires ne puisse être soumise à reversement.

Le VIII du nouvel article L. 162‑16‑5‑1‑2 prévoit que, à l’instar des médicaments bénéficiant d’une autorisation d’accès précoce, pour le calcul de la remise finale, lorsqu’un médicament est inscrit sur la seule liste des médicaments agréés pour une utilisation par les collectivités publiques, sans qu’intervienne, dans les deux mois suivants, une inscription sur une liste ouvrant droit à une prise en charge par la sécurité sociale, le Ceps peut retenir un prix de référence ou faire évoluer le prix de référence précédemment retenu en fonction de différents critères tels que les prix nets d’autres médicaments à même visée thérapeutique ou l’existence de prix inférieurs dans d’autres pays européens présentant une taille totale de marché comparable.

Le c du 1° du II modifie les dispositions de l’article L. 162‑16‑5‑1‑1 du code de la sécurité sociale relatives aux modalités de calcul et de versement de la remise finale due par les entreprises pharmaceutiques exploitant un médicament ayant bénéficié d’une autorisation d’accès précoce. Ainsi, il est prévu que lorsqu’un médicament intègre le régime temporaire de prise en charge à la suite d’une autorisation d’accès précoce, le montant de la remise finale est calculé et appliqué à l’issue de la prise en charge au titre du régime temporaire, en prenant en compte l’ensemble des périodes de prise en charge.

4.   Coordinations

Le , le et le du II du présent article opèrent les coordinations nécessaires au sein du code de la sécurité sociale :

– à l’article L. 162‑16‑5‑3, relatif à la prescription d’un médicament faisant l’objet d’une autorisation ou d’un cadre de prescription compassionnel () ;

– à l’article L. 162‑22‑7‑3, relatif à la prise en charge des médicaments par les régimes obligatoires d’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation () ;

– à l’article L. 162-18, relatif aux conventions nationales par lesquelles les entreprises exploitantes peuvent s’engager à faire bénéficier à la Caisse nationale de l’assurance maladie d’une remise sur tout ou partie de leur chiffre d’affaires réalisé en France pour les médicaments qu’elles exploitent ().

Article 36
Soutien au maintien sur le marché des médicaments matures

Le présent article renforce les obligations légales pesant sur les exploitants et titulaires d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament « mature », et notamment les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, lorsqu’ils envisagent d’arrêter sa commercialisation sur le marché français.

Les obligations renforcées portent sur les démarches entreprises en vue de trouver un repreneur pour l’exploitation du médicament.

L’article prévoit également la possibilité de concéder temporairement l’autorisation de mise sur le marché à un établissement pharmaceutique public pour poursuivre l’exploitation du médicament en l’absence de repreneur privé.

Un régime de sanction financière est prévu en cas de manquement à ces obligations renforcées.

La mesure permettrait une économie estimée entre 10 et 40 millions d’euros par an à compter de 2024.

I.   l’arsenal lÉgislatif de lutte contre les pÉnuries peine À rÉpondre aux phÉnomÈnes d’arrÊt de commercialisation des mÉdicaments matures

Le cadre législatif étoffé des obligations reposant sur les exploitants de médicaments en matière de sécurité d’approvisionnement (A) ne suffit pas à empêcher les ruptures d’approvisionnement, notamment celles causées par une décision d’arrêter la commercialisation d’un médicament « mature » dont la rentabilité est jugée trop faible (B).

A.   LA sÉcurisation des approvisionnements de mÉdicaments et la lutte contre les pÉnuries se traduiSENt dans un cadre lÉgislatif Étoffé

1.   Un cadre européen progressivement enrichi depuis 2001

a.   Une obligation générale d’approvisionnement « approprié et continu » pour les industriels depuis 2001

La prévention et la gestion des risques de rupture d’approvisionnement de médicaments s’inscrivent dans un cadre réglementaire européen instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain : la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ([357]).

Une obligation générale d’approvisionnement approprié et continu par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et le distributeur, permettant de couvrir les besoins des patients de l’État membre concerné, a été créée. Elle prévoit que « le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament ainsi que les distributeurs de ce médicament mis sur le marché de façon effective dans un État membre assurent, dans la limite de leur responsabilité respective, un approvisionnement approprié et continu de ce médicament pour les pharmacies et les personnes autorisées à délivrer des médicaments de manière à couvrir les besoins des patients de l’État membre concerné » ([358]).

Le titulaire de l’AMM peut également prévenir l’autorité compétente de chaque État membre concerné des risques de ruptures d’approvisionnement temporaires ou permanentes. Cette notification doit avoir lieu, hormis dans des circonstances exceptionnelles, au plus tard deux mois avant l’interruption de la mise sur le marché du médicament ([359]).

b.   Des mesures d’information renforcées en cas d’arrêt de commercialisation

Certaines dispositions complémentaires ont renforcé en 2003 et 2004 les obligations d’information de fabricants de médicaments à l’égard de l’Agence européenne du médicament (EMA) et des autorités nationales compétentes en cas d’indisponibilité d’un produit lié à un défaut de fabrication ([360]) ou à un arrêt de commercialisation ([361]). En cas d’arrêt de commercialisation temporaire ou définitif, les fabricants doivent informer l’EMA au plus tard deux mois avant l’arrêt de commercialisation des médicaments dont l’AMM a été délivrée par l’EMA selon la procédure centralisée au niveau européen.

2.   Une déclinaison très progressive mais certaine en droit français

a.   Une simple transposition des mesures européennes jusqu’en 2011

L’obligation générale d’approvisionnement approprié et continu a été transposée en 2004 dans le code de la santé publique ([362]), mais ne s’est pas traduite immédiatement par des obligations spécifiques pour les exploitants et distributeurs, ni par des dispositifs de sanction en cas de manquement.

La multiplication des ruptures d’approvisionnement a conduit le Gouvernement à renforcer l’arsenal juridique en la matière. La loi dite « Médicament » du 29 décembre 2011 ([363]) a ainsi complété le cadre légal de prévention et gestion des ruptures de stock et d’approvisionnement en créant :

– une obligation pour les exploitants de certains médicaments sensibles de respecter un délai de prévenance d’un an avant l’arrêt de la commercialisation du médicament ([364]) ;

– une astreinte pour les grossistes répartiteurs pour répondre aux urgences en matière d’approvisionnement en médicaments ([365]) ;

– des obligations de service public en matière de continuité d’approvisionnement pour les grossistes répartiteurs ([366]) ;

– des sanctions financières à l’égard des exploitants et des grossistes répartiteurs pour manquement aux obligations de signalement des ruptures ou risques de rupture de stock ([367]).

Un décret du 28 septembre 2012 a également défini la rupture d’approvisionnement comme « l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur définie à l’article L. 5126-1 de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures » ([368]).

Les plans de gestion des pénuries ([369])

Les plans de gestion des pénuries (PGP) sont obligatoires pour tous les MITM en application de l’article L. 5121-31 du code de la santé publique. Ils sont établis par les titulaires des autorisations de mise sur le marché (AMM) et les entreprises pharmaceutiques exploitantes et sous leur responsabilité. Ils doivent être conformes aux lignes directrices définies par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Les PGP sont des documents contenant des informations relatives aux MITM recensant les risques relatifs à leur approvisionnement, les moeyns de maitrise de ces risques ainsi que la méthode de revue et de suivi des risques. Les PGP sont censés répertorier les points de fragilité de la chaine de fabrication, les actions de prévention des ruptures de stock mises en oeuvre, et le cas échéant les mesures prises par l’exploitant pour limiter les conséquences sur la santé publique en cas de pénurie. Le degré de formalisation et de documentation de chaque PGP est proportionné au niveau de risque et tient compte de la part de marché que représente la spécialité.

 

b.   Un arsenal juridique renforcé à partir de 2016

La France est l’un des seuls États membres à définir explicitement dans sa législation les notions de rupture d’approvisionnement, de rupture de stock et de médicament essentiel. Elle a innové en matière de stratégie de prévention et de gestion des ruptures, avec les PGP, et en précisant les obligations de chaque acteur de la chaîne, du titulaire de l’AMM, au pharmacien d’officine ou hospitalier, en passant par le fabricant et le grossiste répartiteur.

Un cadre juridique plus protecteur des médicaments essentiels a par ailleurs été mis en place en 2016 avec l’introduction de la notion de médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) à l’article 151 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ([370]).

Différentes catégories de médicaments prioritaires

Les médicaments essentiels, tels que définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont ceux qui satisfont aux besoins de santé de la majorité de la population. Ils doivent être disponibles à tout moment dans des quantités adéquates et dans des formulations appropriées, à un prix abordable pour les individus et pour la communauté

Les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) sont définis à l’article L 5111-4 du code de la santé publique comme « les médicaments ou classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie ».

Les médicaments matures sont les médicaments dont l’AMM a été délivrée depuis plus de dix ans et dont les brevets ne sont plus protégés au titre des droits de propriété intellectuelle.

Le cadre légal des ruptures d’approvisionnement et de gestion des pénuries a considérablement été étoffé depuis la loi du 26 janvier 2016, puisqu’un chapitre consacré aux ruptures d’approvisionnement de médicaments a été intégré dans le code de la santé publique, renforçant les obligations des exploitants et leur portée.

Parmi ces obligations renforcées, on peut citer :

– constituer un stock de sécurité destiné au marché national, correspondant à au moins deux mois de couverture des besoins pour les MITM ([371]) ;

– élaborer des plans de gestion des pénuries (PGP) dont l’objet est de prévenir et pallier toute rupture ([372]) ;

– signaler à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) des risques de ruptures ([373]) ;

– ne pas des MITM en rupture ou en risque de rupture ([374]) ;

– informer l’ANSM au moins un an avant la date d’arrêt de commercialisation d’un MITM ;

En outre, la loi ouvre la possibilité de mettre en place des mesures d’urgence visant à pallier une rupture ou à en limiter les effets :

 pour les pharmacies à usage intérieur (PUI), de vendre au public au détail des MITM en situation de rupture ou risque de rupture ([375]);

 pour les pharmacies d’officine, dispenser des substituts disposant d’une autorisation d’importation délivrée par l’ANSM pour remédier à une rupture d’un MITM ([376]).

Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 5124-6 du code de la santé publique ont été complétées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([377]). En effet, cet article prévoit que les entreprises pharmaceutiques exploitant un MITM dont elles souhaitent arrêter la commercialisation doivent informer l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) au moins un an avant la date d’arrêt de commercialisation. Il prévoit également que l’arrêt de commercialisation ne peut intervenir avant la fin du délai nécessaire pour mettre en place les solutions alternatives destinées à couvrir le besoin.

B.   Le cadre législatif actuel ne permet pas de sÉcuriser l’approvisionnement

1.   Les obligations réglementaires ne sont pas toujours appliquées ou applicables

Une commission d’enquête sénatoriale s’est récemment saisie du sujet des pénuries de médicaments en France. Elle a livré ses conclusions dans un rapport rendu public en juillet 2023 ([378]). Elle y établit une hausse significative des ruptures et risques de ruptures déclarées sur la période 2014-2022, touchant toutes les classes thérapeutiques avec une prédominance des ruptures d’approvisionnement pour les plus anciens (les médicaments « matures »).

Nombre de ruptures et risques de ruptures déclarés entre 2014 et 2022

Source : commission d’enquête sénatoriale, d’après les données publiées par l’ANSM.

 

L’obligation faite aux exploitants de MITM de se doter de PGP, créés par la loi du 26 janvier 2016 n’a pas eu les effets escomptés. Les PGP sont exigibles depuis le 22 janvier 2017, mais d’après la commission d’enquête, de très nombreux PGP manquent, les mises à jour ne sont pas réalisées dans les délais et les sanctions prévues pour manquement aux obligations ne sont pas mises en œuvre.

La législation française comme européenne n’agit que marginalement sur certains motifs de ruptures d’approvisionnement liés aux stratégies industrielles et commerciales des entreprises pharmaceutiques. Les ruptures d’approvisionnement résultent majoritairement de problèmes industriels (défauts de qualité, fragilité des équipements) et commerciaux (inadéquation de la production à la demande, arrêts de commercialisation), qui réclament une approche plus pragmatique que réglementaire.

Bien que les titulaires des autorisations de mises sur le marché (AMM) et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments aient une obligation générale d’approvisionnement « approprié et continu », ils sont libres d’arrêter la commercialisation d’un produit mature. Ceci peut conduire :

– à la rupture d’approvisionnement temporaire ou permanente en l’absence de reprise par un nouvel exploitant ;

– à des surcoûts importants pour l’assurance maladie du fait d’importations d’alternatives à des prix parfois trois ou quatre fois supérieurs au prix de vente sur le marché français. Le différentiel de prix est toutefois assumé in fine par l’exploitant qui est tenu de rembourser les frais engagés.

2.   Les ruptures d’approvisionnement touchent principalement les médicaments matures en raison d’un arrêt de commercialisation

Jusqu’à 70 % des médicaments en rupture sont des médicaments « matures », c’est-à-dire les plus anciens sur le marché, dont le brevet ne fait plus l’objet d’une protection au titre de la propriété intellectuelle.. L’une des causes identifiées est la faible rentabilité des médicaments les plus anciens, liée au système actuel de régulation des prix, qui prend en compte l’ancienneté comme critère de révision du prix de vente, alors que des produits présumés innovants en accès précoce peuvent prendre en charge une indemnité bien plus élevée, fixée librement par l’industriel. Cette moindre rentabilité conduit de plus en plus souvent les exploitants à décider l’arrêt de la commercialisation de médicaments dont les marges sont devenues trop faibles.

3.   L’arrêt de commercialisation d’un médicament mature sans repreneur à l’origine d’un nombre croissant de pénuries

Les ruptures d’approvisionnement en médicaments matures, dont des MITM, ont été particulièrement importantes à l’hiver 2022-2023, notamment en lien avec des décisions d’arrêt de commercialisation, sans qu’un repreneur ait pu être identifié.

Ainsi, l’arrêt de commercialisation de la solution injectable Imogam rage 150 UI/mL, de l’entreprise Sanofi, neutralisant le virus de la rage, a été effectif le 31 décembre 2022. Il a été nécessaire d’importer une spécialité de l’entreprise CSL Behring, commercialisée sur le marché suisse, à défaut de repreneur identifié pour la poursuite de la commercialisation sur le marché français.

De même, l’arrêt de commercialisation de la Josacine à l’hiver 2022-2023 était « non lié à une problématique de sécurité ni d’efficacité, mais à une décision industrielle du laboratoire » ([379]). Or, il s’agit de l’unique spécialité à base de josamycine disponible en France, indiquée comme traitement d’infections des voies respiratoires, et notamment dans la pneumonie atypique infantile. Les stocks, mis en place pour un arrêt progressif sur plusieurs années, ont été épuisés dès mars 2023. À défaut d’accord entre l’exploitant historique et le repreneur sur un transfert des AMM, la seule possibilité pour le nouvel exploitant consiste à déposer une demande d’AMM pour une nouvelle spécialité à base de josamycine.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ renforce les obligations des INDUSTRIELS EN CAS D’arrÊt de commercialisation d’un mÉdicament d’intÉrêt thÉrapeutique majeur « mature »

L’article 36 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 prévoit des obligations renforcées des exploitants et titulaires d’une autorisation de mise sur le marché correspondant à un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), lorsqu’ils souhaitent en interrompre la commercialisation (A). Le dispositif est qualifié dans l’étude d’impact de « Florange du médicament ». L’article prévoit, en l’absence de solution de reprise pour l’exploitation de l’AMM, une concession à un établissement pharmaceutique public chargé de continuer la commercialisation à titre temporaire (B) ainsi qu’un régime de sanctions financières en cas de manquement à ces obligations (C).

A.   des obligations de moyens renforcÉes pour l’exploitant et le titulaire de l’autorisation de mise sur le marchÉ visant à prÉvenir et empÊcher les ruptures

Le dispositif proposé favorise le transfert de l’AMM en cas d’arrêt de commercialisation, en particulier pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), pour garantir une continuité d’approvisionnement y compris en cas d’arrêt de commercialisation.

● L’article renforce les obligations pour trouver un repreneur avant un arrêt de commercialisation d’un MITM mature.

L’article L. 5124-6 du code de la santé publique est complété d’un II qui précise, en cas d’arrêt de commercialisation d’un MITM mature, les obligations de moyens pesant d’une part sur l’exploitant, et d’autre part sur le titulaire de l’AMM, qui peuvent être distincts.

L’exploitant d’un MITM « ne faisant plus l’objet d’une protection au titre des droits de propriété intellectuelle », c’est-à-dire mature, est tenu, aux termes du premier alinéa du II, de transmettre à l’ANSM une déclaration précisant les incidences prévisibles de la suspension ou de la cessation de commercialisation sur la couverture des besoins de la population française.

Le deuxième alinéa du II prévoit que l’ANSM informe le titulaire de l’AMM lorsque les alternatives disponibles sur le marché ne permettent pas de couvrir le besoin de la population française. Cette information entraîne une série d’obligations pour le titulaire de l’AMM :

– le crée une alternative, obligatoire, entre concession de l’exploitation ou transfert d’AMM pour l’exploitant d’un MITM mature qui souhaite en cesser la commercialisation. Le titulaire de l’AMM est en effet tenu d’informer, « par tout moyen approprié », les entreprises susceptibles de reprendre la commercialisation « de son intention de leur concéder l’exploitation ou de leur transférer l’autorisation de mise sur le marché » ;

– Le impose au titulaire de l’AMM, après avoir informé par tout moyen les potentiels repreneurs, de répondre « de façon motivée » à chaque offre reçue, ce qui suppose un formalisme écrit ;

– le précise enfin que le titulaire de l’AMM ou, le cas échéant, l’exploitant, sur demande du titulaire de l’AMM, sont tenus de donner accès « à toutes les informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise », à l’exception de celles de nature à « porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ». Les entreprises candidates à la reprise sont « tenues à une obligation de confidentialité ».

Le sixième alinéa du II encadre les délais de procédure pour la reprise de la commercialisation et précise les critères de sélection du repreneur par le titulaire de l’AMM. Celui-ci, qui est réputé avoir informé l’ANSM au plus tard un an avant la date d’arrêt de commercialisation, doit informer dès que possible l’ANSM qu’il envisage de retenir une offre, et au plus tard neuf mois après la notification d’absence d’alternative disponible sur le marché. Le titulaire de l’AMM remet alors à l’ANSM un « rapport indiquant les actions engagées pour rechercher un repreneur, les offres reçues, ainsi que, pour chacune, les raisons qui l’ont conduit à l’accepter ou la refuser, notamment au regard du niveau de sécurité d’approvisionnement que l’entreprise candidate est en capacité d’assurer ».

Les modalités d’application de ces obligations de moyens renforcées prévues au II seront précisées par un décret en Conseil d’État prévu dans un nouveau 16° de l’article L. 5124-18 du code de la santé publique.

B.   Un transfert gratuit dE L’AMM à un établissement public en cas d’échec des démarches

● Un dispositif exorbitant du droit commun de transfert de l’AMM en cas d’absence de repreneur

En complément des obligations renforcées du titulaire de l’AMM pour trouver un repreneur garantissant la continuité de l’approvisionnement, le présent article crée un nouveau mécanisme exorbitant du droit commun de transfert gratuit de l’AMM à un établissement public pharmaceutique chargé de pallier l’absence de repreneur et d’assurer la commercialisation du médicament. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du dispositif.

Il n’est pas prévu que le titulaire de l’AMM puisse s’opposer à cette concession à titre gracieux de l’AMM dès lors que les conditions sont réunies.

L’établissement pharmaceutique public qui bénéficie du transfert se voit transmettre par l’ANSM l’ensemble des informations contenues dans le dossier d’AMM.

● La concession à titre gratuit de l’AMM est encadrée par des conditions strictes

Le dispositif de concession de l’AMM à titre gracieux à un établissement public pharmaceutique est un dispositif exorbitant du droit commun, inspiré de la loi dite « Florange » ([380]) créant des obligations renforcées de recherche d’un repreneur à l’égard des entreprises ayant un projet de fermeture d’un établissement. Cette concession d’AMM à défaut de repreneur identifié est encadrée par des conditions précises :

– l’absence de repreneur doit être constatée « à la date de la remise du rapport » à l’ANSM ou au plus tard « à l’expiration du délai » de neuf mois à l’issue de l’information par l’ANSM du titulaire de l’AMM qu’il n’existe pas d’alternative thérapeutique disponible ;

– la concession à titre gracieux ne peut intervenir que dans le cas où le besoin ne peut être couvert de manière pérenne ;

– elle doit être demandée par l’ANSM ;

– l’AMM ne peut être concédé qu’à un établissement pharmaceutique détenu par une personne morale de droit public dans l’unique but d’assurer l’exploitation et la fabrication du médicament pour le marché français pour une période de deux ans reconductible ;

– la concession peut prendre fin de manière anticipée, sur décision de l’ANSM, dès lors qu’une entreprise met sur le marché français « le même médicament ou un médicament similaire » dans des conditions « permettant de couvrir le besoin de manière pérenne ».

C.   des sanctions financières en cas de manquement aux obligations de moyens renforcées

● Un nouveau motif de sanction financière

Le présent article complète les dispositions des , et de l’article L. 5423‑9 du code de la santé publique qui liste les manquements soumis à sanction financière.

Il prévoit également la création d’un nouveau motif de sanction financière par l’ajout d’un à l’article L. 5423‑9 du code de la santé publique, lorsque l’exploitant ou le titulaire de l’AMM ne met pas en œuvre les obligations renforcées.

Le pouvoir de sanction, confié à l’ANSM par l’ajout d’un sixième alinéa à l’article L. 5412‑4‑1 du code de la santé publique, prévoit un régime dérogatoire au droit commun dans l’affectation du produit des sanctions financières, versé à la Caisse nationale d’assurance maladie et non au Trésor public.

La sanction du manquement à ces obligations renforcées est prévue au III de l’article L. 5471-1 du code de la santé publique. Elle « ne peut être supérieure à 150 000 euros pour une personne physique et à 30 % du chiffre d’affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d’un million d’euros, pour une personne morale ».

La sanction financière prononcée par l’ANSM peut également être assortie d’une astreinte journalière plafonnée à 2 500 euros par jour aux termes du II du nouvel article L. 5471-1 du code de la santé publique. Ce nouveau motif de sanction financière, introduit au de l’article L. 5423‑9 du code de la santé publique, est exclu de la liste des dérogations au plafond d’astreinte journalière.

La rapporteure générale soutient ces mesures fortes qui permettront d’améliorer les chances de reprise d’exploitation d’un médicament mature en cas de décision d’arrêt de commercialisation.

Le recours éventuel en cas d’absolue nécessité à une exploitation par un établissement pharmaceutique public dans une logique partenariale avec d’autres établissements, rejoint l’une des recommandations du rapport de juillet 2021 de la mission d’information « Médicament : l’urgence d’un changement de modèle ! » présidée par Pierre Dharréville. Les rapporteurs Jean-Louis Touraine et Audrey Dufeu préconisaient (proposition n° 28) « d’instaurer un groupement à but non lucratif ou un réseau d’acteurs publics et privés ayant pour mission de produire les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur fortement soumis aux risques de pénuries ».

Chapitre IV
Renforcer les politiques de soutien à l’autonomie

Article 37
Réforme du modèle de financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans les départements volontaires

Le présent article prévoit l’instauration d’un régime de financement adapté des Ehpad dans les départements qui en font le choix. Les sections « soins » et « dépendance » sont alors fusionnées au sein d’une section unique relative aux soins et à l’entretien de l’autonomie. Cette nouvelle section unique pourra également prendre en charge des dépenses de prévention de la perte d’autonomie.

La tarification de la nouvelle section unique sera assurée par l’agence régionale de santé, mais les départements resteront compétents en matière d’autorisation, de contrôle, de programmation et d’aide sociale. La nouvelle section sera financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui bénéficiera d’une rétrocession des financements actuellement portés par les départements, dont les modalités de calcul restent encore à déterminer.

L’impact financier de la réforme est difficile à évaluer, dans la mesure où il dépend du nombre de départements qui choisiront d’opter pour le nouveau régime adapté de financement. Dans l’hypothèse où dix départements rejoindraient le dispositif en 2024, il en résulterait une dépense supplémentaire de 37 millions d’euros pour la branche autonomie en 2025.

Les personnes âgées très dépendantes et ayant besoin de soins importants sont amenées à résider dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou, pour une part résiduelle, dans des établissements de santé autorisés à délivrer des soins de longue durée – anciennement unités de soins de longue durée (USLD). Les modalités de financement de ces deux catégories d’établissements sont similaires.

I.   LA SITUATION ACTUELLE : un financement complexe de plus en plus contesté

Le financement des Ehpad ou des établissements de santé autorisés à délivrer des soins de longue durée repose actuellement sur un financement tripartite complexe, assuré par la sécurité sociale, les départements et les résidents eux‑mêmes. Ce modèle économique est aujourd’hui de plus en plus contesté compte tenu de l’évolution du profil des résidents de ces établissements, des coûts de gestion qu’il génère et des inégalités territoriales qu’il engendre.

A.   Le financement tripartite des Ehpad

Le financement actuel des Ehpad repose sur une répartition des charges et des ressources entre trois « sections » tarifaires relevant de règles et de financeurs différents. L’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles prévoit ainsi que les Ehpad sont financés par :

– un forfait global relatif aux soins, pris en charge par la sécurité sociale ;

– un forfait global relatif à la dépendance, pris en charge par le département et le résident ;

– des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l’hébergement, fixés par le président du conseil départemental et payés par le résident, éventuellement bénéficiaire d’aides sociales en fonction de ses ressources.

1.   Le forfait global relatif aux soins

a.   Les prestations prises en charge dans le cadre du forfait global relatif aux soins

● Le forfait global relatif aux soins permet de financer exclusivement :

– les charges relatives aux prestations de services à caractère médical, au petit matériel médical et aux fournitures médicales ;

– les charges relatives aux interventions du médecin coordonnateur, du personnel médical, de pharmacien et d’auxiliaires médicaux assurant les soins, à l’exception de celles des diététiciens ;

– concurremment avec la section « dépendance », les charges de personnel afférentes aux aides-soignants, aux aides médico-psychologiques et aux accompagnateurs éducatifs et sociaux ;

– l’amortissement et la dépréciation du matériel médical ;

– les médicaments ;

– les rémunérations ou honoraires versés aux infirmiers libéraux intervenant au sein de l’établissement ;

– les rémunérations ou honoraires versés aux médecins spécialistes en médecine générale et en gériatrie et aux auxiliaires médicaux libéraux exerçant dans l’établissement, ainsi que certains examens de biologie et de radiologie ([381]).

● En revanche, le forfait global de soins ne couvre pas les soins dispensés par des établissements de santé ; les séjours et les interventions d’infirmiers à titre libéral pour la réalisation d’actes nécessaires à la dialyse péritonéale et les interventions de services de suppléance aux insuffisants rénaux et respiratoires chroniques ; les interventions in situ des équipes pluridisciplinaires relevant des secteurs de psychiatrie générale ; les soins conservateurs, chirurgicaux et de prothèses dentaires réalisés en établissement de santé ou en cabinet de ville ; les examens médicaux nécessitant le recours à des équipements matériels lourds ; les honoraires des médecins spécialistes libéraux ; les transports sanitaires ; et pour les établissements ne disposant pas d’une pharmacie à usage intérieur, certains dispositifs médicaux.

Ces prestations sont à la charge des régimes obligatoires d’assurance maladie ([382]).

b.   La détermination du montant du forfait global relatif aux soins

En application de l’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles, le forfait global relatif aux soins tient compte du niveau de dépendance moyen et des besoins en soins requis par les résidents. L’article R. 314‑170 du code de l’action sociale et des familles prévoit que l’évaluation de la perte d’autonomie des personnes âgées hébergées dans un Ehpad et l’évaluation de leurs besoins en soins sont réalisées par l’établissement sous la responsabilité du médecin coordinateur.

● L’évaluation de la perte d’autonomie d’une personne âgée donne lieu à un classement de la personne dans l’un des six groupes de la grille nationale « autonomie gérontologique et groupes iso-ressources » (Aggir), qui évalue le niveau de réalisation d’activités de différentes natures – domestiques, sociales, corporelles, mentales – effectuées par une personne âgée seule, sans aide humaine, mais le cas échéant avec des aides techniques. À chaque groupe iso-ressources (GIR) correspond une cotation en points, dits « points GIR », qui tient compte de l’état de la personne et de l’effort de prévention nécessaire.

La Grille aggir

GIR 1

Personnes confinées au lit, dont les fonctions mentales sont gravement altérées et qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants.

GIR 2

– Les personnes confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante ;

– Les personnes dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités à se déplacer.

GIR 3

Les personnes âgées ayant conservé tout ou partie de leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle.

GIR 4

– Les personnes n’assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur du logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l’habillage. Elles s’alimentent seules.

– Les personnes n’ayant pas de problèmes locomoteurs, mais devant être aidées pour les activités corporelles et pour les repas.

GIR 5

Les personnes assurant seules leurs déplacements à l’intérieur de leur logement, s’alimentant et s’habillant seules. Elles peuvent avoir besoin d’une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques (préparation des repas, ménages, etc.)

GIR 6

Les personnes autonomes pour tous les actes de la vie courante, qui peuvent avoir besoin d’une aide ponctuelle pour les activités domestiques.

Source : service-public.fr.

Le niveau de perte d’autonomie moyen des personnes hébergées est calculé en rapportant la somme des points obtenus à la valorisation du niveau de perte d’autonomie de chaque personne, déterminée par l’annexe 3‑6 du code de l’action sociale et des familles, et au nombre de personnes hébergées. Le résultat de ce calcul donne le « groupe iso-ressources moyen pondéré » (GMP) de l’établissement.

● En application de l’article R. 314‑170‑3 du code de l’action sociale et des familles, l’évaluation des besoins en soins requis des résidents d’un Ehpad est opérée à partir du référentiel Pathos.

Celui-ci consiste à identifier, au sein d’un référentiel de cinquante états pathologiques, toutes les pathologies dont souffre la personne âgée le jour de son évaluation. À chaque état pathologique correspond un profil de soins requis, c’est‑à‑dire de soins utiles, faisables et acceptés pour la personne âgée concernée. Le modèle mesure ensuite, pour l’ensemble des couples « état pathologique – profil » présentés par une personne, les niveaux de soins requis à sa prise en charge dans huit postes de ressources (gériatrie, psychiatrie, soins infirmiers, rééducation, psychothérapie, biologie, imagerie et pharmacie). Ces huit indicateurs, calculés pour une population sur la base de niveaux moyens de soins requis par personne, sont exprimés en points : les points Pathos.

Les profils de soins dans le référentiel Pathos

T1

Soins importants et multiples avec surveillance médicale quotidienne. Pronostic vital en jeu dans l’immédiat. Ce profil n’est utilisé qu’exceptionnellement dans les Ehpad, lorsqu’une hospitalisation d’urgence est nécessaire.

T2

Équilibration et surveillance rapprochée. Surveillance médicale pluri-hebdomadaire et permanence infirmière 24 heures sur 24 requise le plus souvent.

P1

Soins de prise en charge psychiatrique de crise, mais aussi de rechutes fréquentes.

P2

Soins de prise en charge psychothérapeutique continue, gestion médicamenteuse et non médicamenteuse des symptômes psycho-comportementaux accompagnant un trouble neurocognitif majeur.

R1

Rééducation fonctionnelle intensive, le plus souvent individuelle.

R2

Rééducation fonctionnelle d’entretien, discontinue ou allégée chez un résident ne pouvant supporter une rééducation intensive, parfois collective après évaluation individuelle.

CH

Plaies, soins locaux complexes et longs (opérés récents, plaies importantes, dermatose), mobilisant l’infirmière au moins 20 minutes tous les deux jours.

DG

Démarche médicale en cours pour définir une conduite à tenir.

M1

État terminal soins techniques lourds continus et/ou relationnels plurijournaliers : la prise en charge pluriprofessionnelle en soins palliatifs est actée.

M2

État terminal d’accompagnement sans soins techniques lourds conduisant au décès à plus ou moins longue échéance.

S1

Surveillance programmée au long cours des affections chroniques stabilisées et de leurs traitements.

S0

Absence de toute surveillance ou de traitement (pathologie séquellaire, traitement inutile ou inefficace...).

Source : CNSA, Assurance maladie, Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, Le modèle « PATHOS », Guide d’utilisation 2022.

La somme du score Pathos de tous les résidents d’un établissement, multiplié par le nombre de résidents présents, permet de déterminer le pathos moyen pondéré (PMP) de l’établissement. Cet indicateur synthétique, associé au GMP, permet de calculer le « groupe iso-ressources moyen pondéré soins » (GMPS) de l’établissement, qui rend compte du niveau de dépendance moyen des résidents de l’établissement et de leurs besoins en soins requis.

● Pour déterminer le montant du forfait global relatif aux soins, une équation tarifaire est réalisée, en multipliant le GMPS de l’établissement par la capacité d’hébergement de l’établissement, puis par la valeur du point, fixée par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de la sécurité sociale ([383]).

Au résultat de cette équation tarifaire s’ajoutent les éventuels financements complémentaires dont peut bénéficier l’établissement. Ces derniers sont relatifs, entre autres, aux modalités d’accueil particulières (accueil temporaire, pôle d’activités et de soins adaptés, unité d’hébergement renforcé) que peut proposer l’établissement, aux frais de transport entre le domicile et l’établissement pour les personnes bénéficiant d’un accueil de jour, aux actions mises en œuvre dans le cadre de la prévention et de la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, aux actions de prévention, aux opérations de modernisation, d’adaptation et de restructuration des établissements, ou encore à la mission de centre de ressources territorial de l’établissement.

Enfin, le forfait global relatif aux soins peut également financer des mesures de revalorisation salariale de personnels dont les rémunérations sont prises en charge, en tout ou partie, par les sections « dépendance » et « hébergement ».

c.   Le versement du forfait global relatif aux soins

● Au niveau national, les dépenses de soins des résidents en Ehpad sont financées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dans le cadre de l’objectif global de dépenses (OGD) « personnes âgées ».

Avant 2021 et la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, le forfait global relatif aux soins était financé par l’assurance maladie, au travers de dotations à la CNSA, et par un apport résiduel de ressources propres de la part de la CNSA.

Depuis 2021, la CNSA assure la gestion de la branche autonomie. Les dépenses relatives aux soins dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont les Ehpad, sont intégralement financées par la CNSA, qui bénéficie en contrepartie de l’affectation de recettes non fléchées, notamment de la contribution sociale généralisée (CSG).

Ces dépenses sont ainsi intégrées aux troisième et quatrième sous-objectifs de l’Ondam, soit les OGD « personnes âgées » et « personnes handicapées ».

Les dépenses de soins des résidents des établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée sont financées par la branche maladie.

● En application de l’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles, le montant du forfait global de soins des Ehpad est arrêté annuellement par le directeur de l’agence régionale de santé territorialement compétente. Ce forfait est versé à l’établissement par la caisse primaire d’assurance maladie dans la circonscription de laquelle l’établissement est implanté, pour le compte de la branche autonomie ([384]).

● En 2020, le financement des dépenses de la section « soins » des Ehpad et des établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée a représenté 8,4 milliards d’euros pour la branche autonomie et 1,2 milliard d’euros pour la branche maladie.

2.   Le forfait global relatif à la dépendance

En application de l’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles, le forfait global relatif à la dépendance est versé aux établissements par le conseil départemental au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie. Il tient compte du niveau de dépendance moyen des résidents de chaque établissement.

a.   Les prestations prises en charge au titre de la section « dépendance »

Le forfait global relatif à la dépendance permet de prendre en charge :

– les fournitures pour l’incontinence ;

– concurremment avec la section « hébergement », les fournitures hôtelières, les prestations de blanchissage et de nettoyage à l’extérieur ;

– concurremment avec la section « hébergement », les charges relatives à l’emploi de personnels affectés aux fonctions de blanchissage, nettoyage et service des repas ;

– concurremment avec la section « soins », les charges de personnel afférentes aux aides-soignants et aux aides médico-psychologiques, ainsi qu’aux accompagnateurs éducatifs et sociaux ;

– les charges nettes relatives à l’emploi de psychologues ;

– les amortissements et dépréciations du matériel et du mobilier permettant la prise en charge de la dépendance et la prévention de son aggravation ([385]).

b.   Le financement de la section « dépendance »

● La section « dépendance » du budget des Ehpad est financée par le forfait global relatif à la dépendance. Le montant de ce forfait est déterminé par une équation tarifaire prévue à l’article R. 314‑173 du code de l’action sociale et des familles, qui fait intervenir le niveau moyen de perte d’autonomie des personnes hébergées ([386]), la capacité d’hébergement de l’établissement et la valeur du point GIR départemental.

Pour établir le montant du forfait global relatif à la dépendance, du résultat de l’équation tarifaire est ensuite déduit le montant prévisionnel de la participation des résidents.

En effet, seule une partie du forfait global relatif à la dépendance est prise en charge et acquittée par le département par l’intermédiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le reste, dénommé « talon », est à la charge des résidents.

● L’Ehpad facture ainsi aux personnes âgées qui y résident un tarif afférent à la dépendance. Celui-ci repose sur le résultat de l’équation tarifaire permettant d’établir le montant du tarif global relatif à la dépendance rapporté au nombre de points GIR et au nombre de jours d’ouverture de l’établissement. Le résultat obtenu est ensuite multiplié par un coefficient dont la valeur augmente avec le niveau de dépendance du résident considéré. Lorsque le résident est bénéficiaire de l’APA, une partie du tarif ainsi facturé est prise en charge par cette aide, le talon étant laissé à sa charge.

L’APA est une prestation en nature qui, en application de l’article L. 232‑1 du code de l’action sociale et des familles, bénéficie à toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte d’autonomie liées à son état physique ou mental afin de recevoir une prise en charge adaptée à ses besoins. L’APA est attribuée sous condition d’âge – avoir plus de 60 ans ([387]) – et de perte d’autonomie – relever des GIR 1 à 4 ([388]).

L’article L. 232‑8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que lorsque le bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie est hébergé dans un Ehpad, sa participation financière est calculée en fonction de ses ressources, selon un barème national.

Montant restant à la charge du résident au titre du tarif dépendance appliqué par l’Ehpad au sein duquel il réside

Montant des ressources mensuelles du résident

Montant du tarif dépendance restant à la charge du résident (talon)

Jusqu’à 2 635,54 €

Tarif dépendance de l’Ehpad appliqué aux résidents relevant des GIR 5 et 6.

Supérieur à 2 635,54 €

et jusqu’à 4 054,67 €

Tarif dépendance de l’Ehpad appliqué aux résidents relevant des GIR 5 et 6, auquel est ajouté un montant qui varie de 0 % à 80 % de la différence entre le tarif dépendance applicable au GIR dont le résident relève, et le tarif applicable aux résidents des GIR 5 et 6.

Supérieur à 4 054,67 €

Tarif dépendance de l’Ehpad appliqué aux résidents relevant des GIR 5 et 6, auquel est ajouté un montant qui correspond à 80 % de la différence entre le tarif dépendance applicable au GIR dont le résident relève, et le tarif applicable aux résidents des GIR 5 et 6.

Source : service-public.fr.

c.   Le versement du forfait relatif à la dépendance

● L’APA est financée, pour partie, par la solidarité nationale, au travers des concours apportés aux départements par la CNSA, et par les départements sur leurs ressources propres. Ces concours concernent à la fois l’APA en établissement et l’APA à domicile. Les financements de la CNSA sont répartis entre les départements selon des critères de péréquation. La CNSA finance ainsi environ 40 % des dépenses d’APA, et les départements environ 60 %.

● En application de l’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles, le forfait global relatif à la dépendance est calculé et fixé par le président du conseil départemental, et versé aux établissements par le département au titre de l’APA.

Il existe un cas particulier pour les personnes hébergées dans un établissement implanté dans un département différent de celui dans lequel elles avaient leur précédent logement, qui est considéré comme leur domicile de secours. Dans cette situation, c’est le département dans lequel ces personnes ont conservé leur domicile de secours qui doit prendre en charge les dépenses relatives à la dépendance, qui sont alors versées directement à l’établissement, le cas échéant sous forme de dotation globale ([389]).

● Les dépenses de la section « dépendance » ont représenté, en 2020, 3,6 milliards d’euros pour les Ehpad, et 0,2 milliard d’euros pour les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée. La participation des résidents correspond à environ un tiers de ce total.

3.   Les tarifs journaliers afférents aux prestations d’hébergement

a.   Les prestations financées par la section « hébergement »

La section « hébergement » du budget des Ehpad permet de financer :

– les charges d’exploitation à caractère hôtelier et d’administration générale ;

– concurremment avec les produits relatifs à la dépendance, les fournitures hôtelières, les produits d’entretien, les prestations de blanchissage et de nettoyage à l’extérieur ;

– les charges relatives à l’emploi de personnel assurant l’accueil, l’animation de la vie sociale, l’entretien, la restauration et l’administration générale ;

– les charges relatives à l’emploi de personnels affectés aux fonctions de blanchissage, nettoyage et service des repas, concurremment avec les produits relatifs à la dépendance ;

– les amortissements des biens meubles et immeubles autres que le matériel médical ;

– les dotations aux provisions, les charges financières et exceptionnelles ([390]).

L’annexe 2‑3‑1 du code de l’action sociale et des familles détaille la liste des prestations minimales relatives à l’hébergement au sein des Ehpad. En parallèle, les établissements peuvent proposer d’autres prestations d’hébergement, librement acceptées par les résidents, qui engendrent alors des suppléments aux tarifs journaliers afférents à l’hébergement ([391]).

b.   La détermination des tarifs journaliers afférents aux prestations d’hébergement

● Le tarif journalier moyen afférent à l’établissement pour un exercice est calculé sur la base du montant des charges nettes d’exploitation afférentes à l’hébergement et de la moyenne, sur les trois années qui précèdent l’exercice, du nombre effectif de journées de personnes accueillies dans l’établissement. Ce tarif journalier peut être modulé par l’organisme gestionnaire de l’établissement pour tenir compte du nombre de lits par chambre, du confort des chambres, de l’accueil temporaire, ou encore de l’accueil de jour.

En application de l’article R. 314‑182 du code de l’action sociale et des familles, sur proposition du directeur de l’établissement, le président du conseil départemental arrête les tarifs ainsi modulés après s’être assuré que ces derniers ne génèrent pas de recettes supérieures à celles qu’aurait entraîné l’application uniforme à tous les hébergés du tarif journalier moyen afférent à l’hébergement, et que les bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement ne font pas l’objet d’une quelconque discrimination.

Ces tarifs sont payés mensuellement par les résidents. Ils constituent l’essentiel du reste à charge.

● Les résidents des Ehpad peuvent néanmoins bénéficier d’aides publiques pour financer le tarif hébergement.

– Ils peuvent ainsi demander une aide au logement, qu’il s’agisse d’une aide personnalisée au logement (APL) ([392]), s’ils résident dans un établissement conventionné, ou d’une allocation de logement sociale (ALS) ([393]), s’ils résident dans un établissement non conventionné. Le montant de l’aide au logement dépend des ressources du résident, du coût de son hébergement, et du lieu où est situé l’établissement.

– Par ailleurs, les dépenses réalisées au titre des forfaits « dépendance » et « hébergement » par les résidents des Ehpad sont éligibles à une réduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 25 %, dans la limite de 10 000 euros par personne hébergée ([394]).

– Enfin, les personnes âgées aux revenus très modestes hébergées en Ehpad ont droit à l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ([395]). L’ASH est versée par le conseil départemental, selon des règles propres à chaque département, dans les établissements qui disposent de places réservées aux bénéficiaires de l’aide sociale.

Le montant de l’ASH correspond à la différence entre le montant de la facture de l’établissement et les ressources de la personne bénéficiaire. Pour le calcul de ces ressources, sont notamment pris en compte : les revenus du résident, la valeur en capital de ses biens, les ressources de la personne avec laquelle le résident vit en couple et les ressources de ses obligés alimentaires.

La personne bénéficiaire de l’ASH doit reverser 90 % de ses revenus à l’établissement, les 10 % restants étant laissés à sa disposition. Cette somme doit être au minimum égale à 115 euros mensuels.

Les sommes versées par le département au titre de l’aide sociale à l’hébergement sont récupérables au décès de la personne âgée, au moment de la succession, ou de son vivant, par exemple en cas d’amélioration de sa situation financière.

En application de l’article L. 232‑11 du code de l’action sociale et des familles, l’aide sociale peut également prendre en charge les dépenses afférentes à la dépendance, lorsque le résident n’est pas en mesure d’acquitter la participation qui lui est demandée au titre de l’APA.

● Les dépenses de la section « hébergement » ont représenté, en 2020, 14,1 milliards d’euros pour les Ehpad, et 0,7 milliard d’euros pour les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée.

B.   Un système de financement dont la pertinence est remise en cause

Le modèle économique actuel des Ehpad, reposant sur un financement tripartite, rencontre des critiques importantes depuis plusieurs années ([396]).

● Tout d’abord, le profil des résidents accueillis en Ehpad a considérablement évolué. La prise en charge au titre des soins et la prise en charge au titre de la dépendance tendent à se confondre. En effet, l’engagement du virage domiciliaire et les progrès réalisés en matière de maintien à domicile permettent une entrée en Ehpad plus tardive des personnes âgées, lorsqu’il n’existe plus aucune autre solution praticable. De fait, le niveau de dépendance et les besoins en soins requis des résidents en Ehpad sont devenus plus importants. À l’heure où il est nécessaire d’assurer une prise en charge globale et continue, la distinction entre soins et entretien de l’autonomie apparaît donc artificielle.

● Ensuite, ce modèle de financement génère d’importants coûts de gestion pour les Ehpad, qui doivent non seulement suivre des règles strictes d’imputation budgétaire et comptable, mais aussi assurer un suivi fin de leurs ressources auprès de leurs différents financeurs.

● Par ailleurs, la distinction entre le financement des soins et le financement de la prise en charge de la dépendance engendre des inégalités territoriales. Pour les Ehpad, le montant du forfait global relatif à la dépendance peut varier d’un département à l’autre, dans la mesure où il dépend du niveau de dépendance des résidents de chaque établissement, déterminé selon des règles nationales, mais aussi d’une variable locale, le point GIR départemental. De fait, alors même qu’ils se trouveraient dans des situations strictement identiques (même nombre de résidents présentant le même niveau de perte d’autonomie), deux établissements peuvent se voir verser des forfaits globaux relatifs à la dépendance d’un montant différent, selon la valeur du point GIR départemental arrêtée par le conseil du département dans lequel ils sont situés.

Repères statistiques sur la valeur du point GIR départemental en 2022

Valeur moyenne

7,39 €

Valeur médiane

7,28 €

Valeur minimale

6,20 €

Valeur maximale

11,80 €

Source : Commission des affaires sociales d’après données de la CNSA.

La disparité des ressources allouées aux Ehpad en fonction des départements peut, de fait, engendrer des différences dans la prise en charge des résidents.

● Enfin, le maintien de deux sections différenciées financées par des entités distinctes se justifie moins à l’heure où la part des financements départementaux diminue et où la marge de décision des départements se réduit, puisque les équations tarifaires relatives aux forfaits soins et dépendance reposent sur les mêmes référentiels nationaux.

II.   Le droit proposé : un régime adapté de financement des EHPAD dans les départements volontaires

Le présent article introduit un nouveau régime de financement des Ehpad, pour les départements qui en font le choix, reposant sur une fusion des sections « soins » et « dépendance ».

A.   L’instauration d’un nouveau régime de financement des EHPAD

Le du I insère, au sein du chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’action sociale et des familles, une nouvelle section 5 relative au « régime adapté de financement de certains établissements », composée de huit nouveaux articles (articles L. 314‑15 à L. 314‑22).

1.   Un choix offert aux départements

Le I du nouvel article L. 314‑5 prévoit que les départements peuvent opter, par délibération de leur assemblée délibérante, pour un régime adapté de financement des établissements suivants :

– les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (I de l’article L. 313‑12 du code de l’action sociale et des familles) ;

– les petites unités de vie (II du même article) ;

– les établissements de santé autorisés à délivrer des soins de longue durée (IV bis du même article) ;

Le II du nouvel article L. 314‑15 prévoit que le régime adapté de financement est applicable :

– à compter de l’exercice N+1 lorsque la délibération du conseil départemental est transmise au représentant de l’État avant le 31 janvier de l’année N ;

– à compter de l’exercice N+2 lorsque la délibération du conseil départemental est transmise après le 31 janvier de l’année N.

Le III du nouvel article L. 314‑15 prévoit que la liste des départements ayant choisi le régime adapté de financement est fixée par décret.

Le V du présent article prévoit que le régime adapté de financement est applicable à compter du 1er janvier 2025, lorsque la délibération de l’organe délibérant a été transmise au représentant de l’État dans le département avant le 31 mars 2024.

2.   La fusion des forfaits globaux relatifs aux soins et à la dépendance au sein d’un forfait global unique relatif aux soins et à l’entretien de l’autonomie

Le I du nouvel article L. 314‑16 prévoit que dans les départements ayant opté pour le régime adapté de financement, les charges couvertes par les forfaits globaux relatifs aux soins et à la dépendance (1° et 2° du I de l’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles) sont financées par un forfait global unique relatif aux soins et à l’entretien de l’autonomie.

Ce forfait global unique tient compte du niveau de dépendance moyen et des besoins en soins requis des résidents de l’établissement, déterminés dans les mêmes conditions que pour le calcul du forfait global relatif aux soins et du forfait global relatif à la dépendance. En revanche, le contrôle et la validation de ces évaluations sont confiés à un médecin ou un infirmier désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) territorialement compétente (nouvel article L. 314‑18).

Le forfait global unique peut également :

– inclure des financements complémentaires, notamment relatifs à des modalités d’accueil particulières ou à la mission de centre de ressources territorial de l’établissement ;

– tenir compte de l’activité réalisée par l’établissement, de l’atteinte des objectifs du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, et de l’existence de surcoûts liés au lieu d’implantation de l’établissement ou du service ;

– financer des actions de prévention ou des mesures de revalorisation salariale de personnels dont les rémunérations sont financées, en tout ou partie, par les tarifs journaliers afférents à l’hébergement.

Le II du nouvel article L. 314‑16 précise que la fixation, chaque année, du montant du forfait global unique relève du directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente.

Par ailleurs, pour les établissements nouvellement créés, le nouvel article L. 314‑17 prévoit que le montant du forfait global unique est déterminé en prenant en compte le niveau de dépendance moyen national des résidents et la moyenne nationale des besoins en soins requis, qui sont fixés annuellement par décision du directeur de la CNSA.

Enfin, le nouvel article L. 314‑20 prévoit que le forfait global unique est versé par l’organisme payeur de l’assurance maladie territorialement compétent en tenant compte des participations forfaitaires payées par les résidents au titre des dépenses d’entretien de l’autonomie.

3.   Le maintien du principe de participation financière des résidents aux dépenses d’entretien de l’autonomie

Le I du nouvel article L. 314-19 prévoit que les résidents acquittent, au titre de la prise en charge de leur perte d’autonomie, une participation journalière aux dépenses d’entretien de l’autonomie. Il est précisé que les modalités de détermination et de mise en œuvre de cette participation financière seront fixées par voie réglementaire.

Le II du même article indique que cette participation financière pourra être prise en charge par l’aide sociale à l’hébergement dans les mêmes conditions que pour le régime de financement de droit commun. Il précise également qu’il est garanti aux personnes bénéficiaires de cette aide sociale un montant minimum tenu à leur disposition après paiement des prestations liées à l’hébergement et au forfait global unique relatif aux soins et à l’entretien de l’autonomie.

Le VI du présent article prévoit que la participation financière des résidents ne peut être supérieure, pour les résidents bénéficiaires de l’APA accueillis au 31 décembre de l’année précédant l’application du régime adapté de financement, à celle qu’ils acquittaient auparavant.

4.   Le cas particulier des résidents ayant conservé leur domicile de secours dans un département différent de celui dans lequel ils sont hébergés

Le nouvel article L. 314‑21 prévoit que les départements ayant opté pour le régime adapté de financement conservent la charge des dépenses d’entretien de l’autonomie des personnes âgées qui y ont conservé leur domicile de secours, tout en résidant dans un établissement situé dans un département n’ayant pas opté pour le régime adapté de financement. Ainsi, ces départements continueront à accorder l’APA et à acquitter les forfaits journaliers facturés par les établissements au titre de la section « dépendance ».

Les versements qu’ils effectuent au titre de cette charge leur seront intégralement remboursés par la CNSA, selon des modalités définies par voie réglementaire.

B.   Un régime adapté de financement décliné aux établissements DE SANTÉ autorisés à dispenser des soins de longue durée

● Le du II du présent article décline le nouveau régime adapté au financement des établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée.

Il ajoute un II à l’article L. 174‑5 du code de la sécurité sociale, relatif à la prise en charge des dépenses afférentes aux soins dans les établissements autorisés à dispenser des soins de longue durée.

Il est ainsi précisé que, lorsqu’il est fait application du régime adapté de financement prévu à l’article L. 314‑15 du code de l’action sociale et des familles, le forfait global relatif aux soins et à l’entretien de l’autonomie est pris en charge, par l’assurance maladie, dans les mêmes conditions que pour les Ehpad. En revanche, l’évaluation de la perte d’autonomie des résidents n’est pas transmise pour contrôle à un médecin ou un infirmier désigné par le directeur général de l’ARS.

Les modalités de détermination et d’allocation du forfait global unique à ces établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée seront déterminées par voie réglementaire.

Le montant annuel des dépenses afférentes au forfait global unique des établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée, prises en charge par l’assurance maladie, est inclus dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

● Par ailleurs, le , le et le du II procèdent à des coordinations au sein du code de la sécurité sociale, en modifiant les articles L. 162-22, L. 174-5 et L. 174‑6, afin de remplacer l’ancienne dénomination des « unités de soins de longue durée » par celle des « établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée ».

C.   La révision des modalités de gouvernance dans les départements ayant opté pour le régime adapté de financement

Dans les départements ayant opté pour le régime adapté de financement, la tarification de la nouvelle section unique sera assurée par la seule ARS.

En revanche, les départements resteront compétents en matière d’autorisation et de contrôle des Ehpad en raison de leur rôle en matière de programmation d’une offre adaptée aux besoins des territoires. Ils resteront également compétents en matière d’aide sociale, et donc de tarification de la section hébergement pour les Ehpad habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale.

● Le nouvel article L. 314‑22 du code de l’action sociale et des familles, prévoit que dans les départements ayant opté pour le régime adapté de financement, le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom), en principe conclu avec le président du conseil départemental et le directeur général de l’ARS, n’est désormais conclu qu’avec le directeur général de l’ARS, sauf si le président du conseil départemental fait connaître son intention d’être associé à la négociation et à la signature du contrat.

● Le III du présent article modifie l’article L. 6114‑1‑2 du code de la santé publique et y insère un II qui adapte ces dispositions aux établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée. En effet, lorsque les établissements de santé disposent d’une telle autorisation, leur Cpom comporte une annexe cosignée par le directeur général de l’ARS et par le président du conseil départemental. Or, désormais, dans les départements ayant opté pour le régime adapté de financement, cette annexe n’est conclue qu’avec le directeur général de l’ARS, sauf si le président du conseil départemental a fait connaître son intention d’être associé à la négociation et à la signature du contrat.

● Enfin, le VII du présent article prévoit que lorsqu’il est fait application du régime adapté de financement, le directeur général de l’ARS se substitue, au nom de l’État, au président du conseil départemental pour l’exécution des engagements des départements, au titre du forfait global relatif à la dépendance, inscrits dans les Cpom ou dans l’annexe au Cpom pour les établissements autorisés à dispenser des soins de longue durée. En revanche, ne sont pas concernés les engagements pris par les départements au titre de la pluriannualité budgétaire ou rattachables à l’hébergement.

D.   le financement de la nouvelle section unifiée

La CNSA sera chargée du financement du nouveau forfait unique relatif aux soins et à l’entretien de l’autonomie. Néanmoins, la réforme prévoit que les départements qui opteront pour le nouveau régime de financement devront verser une compensation financière à la sécurité sociale.

● Le IV du présent article organise cette participation financière des départements. Il est ainsi prévu que chaque département ayant opté pour le régime adapté de financement reverse, chaque année, à l’État ou à la sécurité sociale, selon une clef de répartition fixée par voie réglementaire, la somme correspondant au transfert de charges résultant, au profit du département, de la mise en œuvre de ce régime, qui est égale au cumul :

– de la moyenne des dépenses relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie pour les personnes accueillies exposées par le département au cours des trois années précédant l’application du régime adapté, et retracées dans son compte de gestion, après application, le cas échéant, d’une valeur individuelle plafond fixée par décret ;

– de la valorisation financière, fixée par décret, des emplois qui cessent d’être affectés à la tarification du forfait global relatif à la dépendance des établissements en raison de l’option pour le régime adapté de financement.

Cette somme pourra être imputée, en tout ou partie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, sur le montant du concours versé au département par la CNSA au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie.

Les modalités de calcul et le montant de cette compensation font actuellement l’objet de négociations entre le Gouvernement et les départements. Il s’agit notamment de déterminer si celle-ci ne correspondra qu’à la part des concours de la CNSA que percevait le département au titre de l’APA en établissement, ou si elle pourra être d’un montant supérieur, en fonction du niveau des dépenses qu’engageait le département pour financer la section dépendance des Ehpad. Toutefois, cette seconde solution aurait pour effet de pénaliser financièrement les départements qui avaient fait l’effort de s’engager pour le financement des politiques de l’autonomie.

● De fait, à ce stade, il est difficile d’évaluer précisément l’impact financier de la réforme sur les comptes de la sécurité sociale, le ministère des solidarités et des familles n’étant pas en mesure d’estimer le nombre de départements qui pourront opter pour le régime adapté de financement. Il est toutefois envisagé d’assurer le financement de la réforme par l’apport d’une nouvelle recette à la CNSA, une fois que les modalités de compensation, par les départements, du transfert de la compétence seront déterminées.

L’étude d’impact du présent article se fonde sur une hypothèse dans laquelle dix départements opteraient pour le nouveau régime dès la première année de mise en œuvre, suivis par deux vagues de cinq départements supplémentaires les deux années suivantes.

L’impact financier pour la branche autonomie serait alors une dépense supplémentaire de 37 millions d’euros en 2025, dont 32 millions au titre de la fusion des sections « soins » et « dépendance », qui feraient l’objet d’une compensation d’un montant équivalent par les départements concernés, et 5 millions d’euros au titre du financement, par la nouvelle section unique, des dépenses relatives à la prévention de la perte d’autonomie.

Avec l’intégration des deux vagues successives de cinq départements, l’impact financier pourrait être une dépense supplémentaire de 57 millions d’euros en 2026 et de 77 millions d’euros en 2027.

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Article 38
Création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce auprès des enfants de 0 à 6 ans présentant un écart de développement

Le présent article prévoit la création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce destiné à accompagner les enfants de moins de 6 ans qui présentent un handicap ou une suspicion de handicap. À ce titre, il crée un parcours de prise en charge par la sécurité sociale et les complémentaires des bilans et interventions que les enfants peuvent être amenés à requérir. Il réforme également le cadre juridique applicable au budget des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), qui occupent une place majeure dans la mise en œuvre du nouveau parcours.

Le dispositif devrait monter en charge progressivement. Son coût, financé par la branche maladie, passerait de 42 à 169 millions d’euros entre 2025 et 2028.

I.   LA SITUATION ACTUELLE : un repérage et un diagnostic tardifs des troubles du développement chez les jeunes enfants

A.   l’intéret du repérage et du diagnostic précoces des troubles chez les jeunes enfants

Environ 15 000 enfants porteurs d’un handicap voient le jour chaque année, soit 2 % des naissances. Chez les enfants âgés de 0 à 6 ans, le taux de prévalence du handicap est estimé à 11,2 %. En moyenne, les enfants souffrant de troubles neuro-développementaux sont diagnostiqués à l’âge de 7 ans. Au regard de ces chiffres, les enjeux pour les jeunes enfants d’un repérage et d’un diagnostic précoces des troubles, notamment neuro-développementaux, sont majeurs.

En effet, le repérage et le diagnostic tardifs peuvent constituer une perte de chance pour les enfants, avec le risque de conduire à une aggravation du handicap. Ils entraînent aussi des difficultés pour les familles, confrontées à l’errance médicale. Par ailleurs, en l’absence de diagnostic, il n’est pas possible d’en obtenir la reconnaissance administrative et les aides sociales qui peuvent l’accompagner.

À l’inverse, l’intérêt d’un accompagnement précoce de l’enfant et de sa famille, dès la suspicion d’un trouble, fait l’objet d’un consensus scientifique. La plasticité cérébrale du jeune enfant permet, lorsque la rééducation est déployée efficacement, de développer des compensations pour une insertion en milieu ordinaire et en diminuant les étayages spécialisés sur le long terme. Le développement de l’enfant et ses capacités d’apprentissage en sont favorisés, et les risques de sur‑handicap réduits.

Depuis 2017, un modèle de prise en charge des troubles chez les enfants a émergé sur la base d’un triptyque « repérage – diagnostic – intervention ». Dès les premières manifestations, l’enfant et ses parents doivent pouvoir être orientés vers une structure offrant des solutions d’accompagnement précoce.

B.   Les structures d’accompagnement précoce destinées à la prise en charge des troubles chez le jeune enfant

● La prise en charge des écarts de développement chez le jeune enfant s’articule autour de deux étapes :

– le repérage des troubles, qui peut être le fait de la famille et des professionnels ou structures de la « première ligne » comme le médecin généraliste, le pédiatre ou encore les professionnels de la petite enfance ;

– le diagnostic et les interventions précoces, qui reviennent aux professionnels et aux structures de la « deuxième ligne » que sont les professionnels libéraux, les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), les centres médico-psychologiques (CMP), les centres de ressources autisme (CRA) et les plateformes de coordination et d’orientation (PCO).

● Les acteurs et les structures du monde du handicap sont nombreux, de même que les professionnels de santé libéraux susceptibles d’intervenir auprès de l’enfant. Les familles ont souvent des difficultés à identifier le bon interlocuteur, voire à trouver une « porte d’entrée » dans ces réseaux.

Les CAMSP font partie des structures d’accueil et d’orientation les plus à même d’accompagner les familles au début du parcours de diagnostic et d’intervention. Ce sont des établissements médico-sociaux compétents pour la prise en charge précoce des problématiques de handicap chez les enfants de 0 à 6 ans présentant des difficultés ou des retards dans leur développement. Ils accompagnent les parents dans le diagnostic, la prévention, le traitement et la rééducation de leur enfant. Leur fonctionnement repose sur une équipe pluridisciplinaire médicale, paramédicale et éducative.

Par ailleurs, pour répondre aux problématiques spécifiques des troubles du neuro-développement, des plateformes d’orientation et de coordination (PCO) ont été ouvertes en 2019. Grâce à la mise en réseau des professionnels, à la fois libéraux et institutionnels, ces plateformes, présentes dans chaque département, permettent une intervention pluridisciplinaire coordonnée immédiate, sans attendre un diagnostic stabilisé. Les PCO entretiennent des liens étroits avec les CAMSP. Selon un rapport d’information du Sénat publié au printemps dernier, « 70 % à 80 % des PCO sont portés par des CAMSP, dans le cadre d’une dynamique territoriale impliquant de multiples partenariats » ([397]).

C.   Des familles confrontées à la saturation des structures et à une prise en charge incomplète des diagnostics et des interventions

● Les familles des enfants présentant des troubles du développement sont souvent confrontées à la saturation des structures d’accompagnement, telles que les CAMSP, les CMP et les CMPP. Les tensions sur la démographie médicale limitent les capacités d’accueil de ces structures, et il faut souvent plusieurs mois pour un rendez-vous avec le risque que les difficultés s’accentuent pendant cette période.

Par ailleurs, la complexité de certains diagnostics nécessite l’intervention de différents professionnels de santé à des étapes successives. Cela exige des structures une capacité de coordination qui n’est pas toujours acquise. De fait, la mise en place des PCO a rencontré un grand succès mais se heurte à la question de l’insuffisance de professionnels et de services de « deuxième ligne » pour assurer les bilans et mettre en place les soins et les interventions nécessaires pour l’enfant.

● Par ailleurs, l’errance diagnostique des familles peut s’accompagner de difficultés financières selon le régime de prise en charge, par la sécurité sociale, des frais associés aux examens réalisés. Pour limiter cette problématique, dans la plupart des structures d’accompagnement et notamment les CAMSP, la totalité des interventions sont prises en charge par l’assurance maladie.

En parallèle, deux parcours spécifiques ont été créés pour éviter que le coût de la prise en charge des jeunes enfants ne devienne pour les familles un obstacle au diagnostic et aux soins qui en découlent :

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([398]) a créé un parcours de bilan et d’intervention précoce pour l’accompagnement et le diagnostic des enfants présentant un trouble du neuro-développement (« parcours TND »), qui permet d’orienter, sur prescription médicale, les enfants et leur famille vers les PCO et de garantir la prise en charge des frais d’intervention des différents professionnels de santé impliqués dans la pratique des bilans et des interventions précoces. La prise en charge de ces frais concerne non seulement les professionnels conventionnés avec l’assurance maladie (médecins, pédiatres, pédopsychiatres, orthophonistes, orthoptistes, etc.) mais aussi les professionnels non conventionnés que sont les ergothérapeutes, psychologues et psychomotriciens grâce à un contrat conclu avec la PCO concernant leur rémunération dans le cadre du parcours ;

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([399]) a également créé un parcours coordonné de diagnostic, de rééducation et de réadaptation pour l’accompagnement des enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale (« parcours polyhandicap »). La structure en charge de l’organisation de ce parcours peut là encore conclure un contrat avec des professionnels de santé libéraux, y compris les psychomotriciens et les ergothérapeutes, afin de garantir la prise en charge intégrale des enfants concernés.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : un service de repérage, de diagnostic et d’accompagnement précoce des enfants présentant des écarts de développement

L’article crée un service de repérage, de diagnostic et d’accompagnement précoce afin d’assurer un diagnostic précoce et de garantir la prise en charge de tous les enfants de moins de 6 ans présentant un écart de développement. Cette mesure est la traduction des annonces du Président de la République du 26 avril 2023 suite à l’organisation de la sixième conférence nationale du handicap.

A.   la création du service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce

Le du I rétablit un chapitre IV au sein du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, intitulé « Service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce ». Il comporte un unique article L. 2134‑1.

1.   Les acteurs du repérage des troubles de santé chez les enfants de moins de 6 ans

Le premier alinéa du nouvel article L. 2134‑1 pose le principe selon lequel les acteurs des secteurs sanitaires et médico-social, les professionnels de soins de ville, les services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI) et les services de l’éducation nationale « assurent le repérage des enfants de moins de 6 ans susceptibles de présenter un trouble de santé à caractère durable et invalidant de quelque nature que ce soit, notamment un trouble du neuro-développement ».

La dernière phrase cet alinéa prévoit que ce repérage s’appuie notamment sur les vingt examens médicaux obligatoires dont bénéficient tous les enfants de moins de 18 ans au titre de l’article L. 2132‑2 du code de la santé publique. Le contenu de ces examens porte notamment sur la surveillance de la croissance staturo-pondérale de l’enfant, de son développement psychoaffectif et de son neuro-développement, ou encore sur le dépistage de troubles sensoriels ([400]).

2.   La création du parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention

Le deuxième alinéa du nouvel article L. 2134‑1 crée un parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention dont peuvent bénéficier, sur prescription médicale, les enfants chez qui un éventuel trouble de la santé a été repéré. Il s’ajoute au parcours « TND » et au parcours « polyhandicap » prévus aux articles L. 2135‑1 et L. 2136‑1 du code de la santé publique. Ainsi, selon la nature du trouble détecté, la prise en charge de l’enfant se fera dans les conditions prévues aux articles L. 2135‑1 ou L. 2136‑1 ou, si l’enfant ne relève pas de ces cas particuliers, dans les conditions prévues par le nouvel article L. 2134‑1.

Le III du présent article prévoit que ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025.

3.   Les structures désignées pour la mise en œuvre du parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention

Le troisième alinéa du nouvel article L. 2134‑1 prévoit que le parcours est organisé, selon la nature des troubles, par une ou plusieurs structures désignées par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) parmi les établissements et services suivants :

– les établissements ou services d’enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation (2° de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles) ;

– les centres d’action médico-sociale précoce mentionnés à l’article L. 2132‑4 du code de la santé publique, auquel renvoie le 3° de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles ;

– les établissements ou services, dénommés selon les cas centres de ressources, centres d’information et de coordination ou centres prestataires de services de proximité, mettant en œuvre des actions de dépistage, d’aide, de soutien, de formation ou d’information, de conseil, d’expertise ou de coordination au bénéfice d’usagers, ou d’autres établissements et services (11° de l’article L. 312‑1 du code l’action sociale et des familles) ;

– les établissements de santé (article L. 6111‑1 du code de la santé publique).

Selon la fiche d’évaluation préalable associée au présent article, les CAMSP seront les structures les plus à même de remplir cette mission dans la majorité des territoires.

L’objectif recherché est de désigner une ou plusieurs structures ayant un rôle de référent et de coordonnateur au niveau de proximité le plus adéquat pour assurer l’animation d’un réseau d’acteurs du champ sanitaire, médico-social et des soins de ville sur leur territoire. L’étude d’impact précise que la désignation de la structure pourra s’opérer suite à un appel à candidatures sur le territoire avec une sélection sur la base d’un cahier des charges national établissant les critères de choix, qui pourront être adaptés par les ARS au niveau local.

4.   La contractualisation avec les professionnels de santé libéraux

Les interventions auprès des enfants seront assurées par la structure désignée pour la mise en œuvre du parcours en mobilisant ses moyens propres ou en faisant appel, si nécessaire, à des professionnels libéraux.

Ainsi, le quatrième alinéa du nouvel article L. 2134‑1 précise que les structures désignées pourront conclure un projet de parcours avec les professionnels de santé libéraux suivants :

– des professionnels de santé conventionnés comme les médecins généralistes et les médecins spécialistes ([401]), ou encore les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux ([402]) ;

– des professionnels de santé non conventionnés tels les ergothérapeutes ([403]) et les psychomotriciens ([404]) ;

– des psychologues.

Le projet de parcours devra prévoir, pour chaque catégorie de professionnels, des engagements de bonnes pratiques, les conditions de retour d’information à la structure désignée et au médecin traitant, et les modalités de calcul et de versement de la rémunération des prestations effectuées.

Enfin, le dernier alinéa du nouvel article L. 2134‑1 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités de prescription, les conditions d’intervention des professionnels, la durée de prise en charge et les conditions de calcul et de versement des rémunérations des professionnels participant au parcours.

Le et le du I du présent article harmonisent les dispositions des articles L. 2135‑1 et L. 2136‑1 avec celles du nouvel article L. 2134‑1. Celles-ci faisaient référence à un contrat conclu entre structures désignées pour organiser les parcours « TND » et « polyhandicap » et les professionnels libéraux auxquels elles font appel. Désormais, il est fait référence à un « projet de parcours » à l’instar de l’article L. 2134‑1.

5.   La prise en charge des prestations liées par l’assurance maladie

La dernière phrase du troisième alinéa du nouvel article L. 2134‑1 du code de la santé publique prévoit que la rémunération de tout ou partie des prestations dispensées dans le cadre du parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention prend la forme d’un forfait.

● Le du II modifie l’article L. 160‑8 du code de la sécurité sociale afin d’ajouter les frais relatifs au parcours créé à la liste des prestations couvertes par la protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie.

● Le du II complète le I de l’article L. 160‑13 du code de la sécurité sociale, relatif à la participation de l’assuré social aux frais de santé, par un alinéa qui prévoit que la participation de l’assuré aux frais relatifs au parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention précoce peut être proportionnelle à tout ou partie de ces frais, ou forfaitaire. Le taux ou le montant de cette participation est défini par voie réglementaire. Le du II procède à des coordinations à l’article L. 160‑14 du code de la sécurité sociale.

● Le du II modifie l’article L. 174‑17 du code de la sécurité sociale, qui prévoyait l’octroi d’une dotation à la structure désignée pour mettre en œuvre le parcours « TND », afin d’étendre ce financement à l’ensemble des structures désignées au titre du parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention, du parcours « TND » et du parcours « polyhandicap ».

Par ailleurs, des dispositions d’ordre réglementaire préciseront les modalités de prise en charge par l’assurance maladie des interventions des professionnels libéraux non conventionnés et des psychologues intervenants dans ce parcours, ainsi que les modalités de gestion administrative de la facturation pour ces mêmes professionnels.

La mise en œuvre du nouveau parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention devrait se traduire par une augmentation des dépenses de la branche maladie due à la prise en charge des bilans et interventions auprès des enfants. Dans l’hypothèse d’une montée en charge progressive, le coût du dispositif passerait de 42 à 169 millions d’euros entre 2025 et 2028.

B.   Le renforcement du budget des camsp

En raison de la place majeure que les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) sont amenés à occuper dans le service de repérage et d’accompagnement précoce des enfants, le présent article permet au directeur général de l’ARS de renforcer leur budget.

Le du I modifie l’article L. 2112‑8 du code de la santé publique afin d’adapter le cadre juridique relatif à la détermination des moyens financiers dont les CAMSP disposent.

Le a précise que la dotation globale annuelle dont bénéficient les CAMSP est fixée par le directeur général de l’agence régionale de santé.

Le b ajoute que la part du financement des CAMSP à la charge des régimes d’assurance maladie peut être fixée à un niveau supérieur à 80 % du montant de cette dotation dans le cadre d’une convention conclue entre le directeur général de l’ARS et le président du conseil départemental. Ainsi, le seuil de 80 %, auparavant un plafond limitatif, devient un seuil plancher qui s’impose aux ARS. Le solde relève toujours du financement du département.

Le c procède enfin à une coordination.

*

*     *


Chapitre V
Moderniser l’indemnisation d’accident du travail ou de maladie professionnelle

Article 39
Réforme de la rente viagère attribuée en cas d’incapacité permanente

Alors que la Cour de cassation considérait de longue date que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnisait tant les préjudices professionnels que le déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire, l’ensemble des souffrances que les victimes éprouvent dans le déroulement de leur vie quotidienne, elle est revenue sur cette jurisprudence par deux arrêts du 20 janvier 2023.

Tirant les conséquences de ce revirement, le présent article consacre la nature duale de la rente accident du travail-maladie professionnelle (AT‑MP) versée aux victimes d’AT‑MP, composée d’une part professionnelle et d’une part fonctionnelle, correspondant au déficit fonctionnel permanent.

Le présent article prévoit cependant des modalités nouvelles de calcul de la rente et de mise à contribution de l’employeur en cas de faute inexcusable de sa part qui, pour le rapporteur, trahissent l’esprit de la jurisprudence de la Cour de cassation. Le rapporteur appelle donc à la suppression de cet article.

I.   le droit existant

A.   un droit À la rÉparation des accidents du travail et maladies professionnelles progressivement défini

1.   Des risques professionnels faisant l’objet d’une prise en charge collective

Le système assurantiel des risques professionnels, incarné par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) garantit aux travailleurs une indemnisation en cas d’accident ou de maladie lié au travail. Il est financé à plus de 95 % ([405]) par des cotisations des entreprises, qui contribuent, en fonction de leur taille, de leur activité et de la fréquence et de la gravité des sinistres dans l’entreprise ([406]).

Pour mémoire, les risques professionnels recouvrent trois types d’événements, prévus aux articles L. 411-1 à L. 411-3 du code de la sécurité sociale :

– l’accident du travail, prévu à l’article L. 411-1, qui renvoie à l’accident, quelle qu’en soit la cause, survenu par le fait ou à l’occasion du travail ;

– l’accident de trajet, prévu à l’article L. 411-2, qui fait référence à l’accident survenu à un travailleur pendant le trajet d’aller et de retour, entre la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail ou survenu entre le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas ([407]). L’accident de trajet est reconnu comme tel lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l’ensemble de ces conditions sont remplies ou lorsque l’enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes ;

– la maladie professionnelle, prévue à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est définie comme toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, qui renvoient au type de maladie, au délai de prise en charge et aux principaux travaux ayant pu provoquer la maladie. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas réunies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Peut également être reconnue d’origine professionnelle une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente.

2.   La consécration progressive d’un droit à la réparation

a.   Un compromis social historique

Ce système se fonde sur un régime de réparation des accidents et maladie professionnels qui est le fruit d’un compromis social historique. Le droit à la réparation a en été défini par trois lois essentielles :

– la loi du 9 avril 1898 sur les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail a en premier lieu consacré la notion de responsabilité sans faute, l’employeur étant présumé responsable de l’accident professionnel. Ce principe permet d’épargner à la victime les lenteurs et les aléas d’un procès, tout en prévoyant en contrepartie l’absence d’action en réparation que pourraient exercer à son encontre la victime ou ses ayants droit, à l’exception du cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur. Il est au fondement de la construction de la branche AT-MP ;

La faute inexcusable de l’employeur : définition

Initialement définie comme une faute d’une gravité exceptionnelle par un arrêt des chambres réunies en date du 16 juillet 1941, la faute inexcusable a été redéfinie par une série d’arrêts rendus le 28 février et le 11 avril 2002 par la Cour de cassation ([408]), au sujet de salariés atteints de maladies professionnelles liées à l’amiante. La Cour a jugé que constitue une faute inexcusable de l’employeur toute maladie professionnelle ou accident du travail pour lequel l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était confronté et n’a rien fait pour l’en préserver.

– la loi du 25 octobre 1919 a étendu aux maladies professionnelles la plupart des règles applicables jusqu’alors aux accidents du travail ;

– enfin, la loi n° 46-2426 du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles a intégré les textes relatifs aux AT-MP dans la législation de la sécurité sociale. Cette dernière a été chargée de gérer le risque professionnel et s’est substituée en cela aux employeurs et à leurs assureurs privés dans la responsabilité vis-à-vis des victimes, moyennant le paiement de cotisations par les employeurs. Cette loi a par ailleurs consacré le lien entre le taux de cotisation et le niveau de risque de l’activité de l’entreprise, permettant d’adapter le taux de cotisation et de faire de celui-ci un instrument de prévention.

b.   Une indemnisation spécifique, majorée en cas de faute inexcusable de l’employeur

La reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ouvre droit à une indemnisation spécifique, qui diffère des règles de prise en charge prévues dans le cadre de la branche maladie. L’assuré bénéficie en effet :

– d’une prise en charge intégrale des frais médicaux de toute nature, directement réglée par la caisse d’assurance maladie aux professionnels de santé, selon le système du tiers payant ;

– d’indemnités journalières versées par la sécurité sociale pendant toute la période d’incapacité temporaire, c’est-à-dire jusqu’à la reprise du travail ou à constatation médicale de la stabilisation de son état de santé. La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie a une conséquence importante pour l’assuré, les indemnités journalières versées à ce titre, fixées à 60 % du salaire de base (voir infra), étant supérieures aux indemnités maladie, qui se montent à 50 % du salaire ;

Calcul de l’indemnité journalière versée à l’occasion d’un arrêt du travail dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

L’indemnité journalière est calculée à partir du salaire brut du mois précédant l’arrêt de travail. Ce salaire, divisé par 30,42, détermine le salaire journalier de base.

Le montant des indemnités journalières évolue dans le temps :

– pendant les vingt‑huit premiers jours suivant l’arrêt de travail, l’indemnité journalière est égale à 60 % du salaire journalier de base, avec un montant maximum plafonné à 220,14 euros au 1er janvier 2023 ;

– à partir du vingt‑neuvième jour d’arrêt de travail, l’indemnité journalière est majorée et portée à 80 % du salaire journalier de base, avec un montant maximum plafonné à 293,51 euros au 1er janvier 2023 ;

– au-delà de trois mois d’arrêt de travail, l’indemnité journalière peut être revalorisée en cas d’augmentation générale des salaires après l’accident.

– en cas d’incapacité permanente, d’une indemnité en capital ou d’une rente viagère forfaitaire, exonérée des contributions sociales et de l’impôt sur le revenu et versée jusqu’au décès de la victime ou à l’intention de ses ayants droit.

Lorsque son état de santé est consolidé, l’assuré est convoqué par le service médical de la caisse d’assurance maladie, pour être examiné par un médecin conseil. Ce dernier établit notamment le taux d’incapacité permanente de la personne, déterminé, selon l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale d’après la nature de l’infirmité, de l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. Ce dernier figure en annexe du code de la sécurité sociale.

Si son taux d’incapacité permanente est inférieur à un taux minimum, fixé par décret à 10 %, l’assuré a droit à une indemnité en capital dont le montant, fixé par décret, est forfaitaire et varie selon le taux d’incapacité (voir infra).

montant de l’indemnité en capital versée selon le taux d’incapacité permanente depuis le 1er avril 2023

(en euros)

Taux d’incapacité permanente

Montant de l’indemnité en capital

1 %

450,81

2 %

732,76

3 %

1 070,77

4 %

1 690,07

5 %

2 141,02

6 %

2 648,10

7 %

3 211,28

8 %

3 831,29

9 %

4 507,36

Source : assurance maladie.

Si son taux d’incapacité permanente est supérieur ou égal à 10 %, l’assuré perçoit une rente viagère, dont le montant est égal au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité, qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle‑ci (voir infra).

L’article L. 434-16 du code de la sécurité sociale précise que la rente due aux ayants droit de la victime d’un accident mortel ou à la victime d’un accident ayant occasionné une réduction de capacité égale ou supérieure à 10 % ne peut être calculée sur un salaire annuel inférieur à un minimum déterminé le 1er avril de chaque année, indexé sur l’inflation. Ce salaire annuel minimum est fixé à 20 049,09 euros depuis le 1er avril 2023. Lorsqu’il s’agit de la victime de l’accident, quelle que soit la réduction de capacité subie, si son salaire annuel est supérieur au salaire minimum évoqué supra, le calcul de la rente est effectué selon une formule dégressive, dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.

Mode de calcul de la rente viagère versée à l’assuré en cas d’incapacité permanente supérieure à 10 % (article R. 434-2 du code de la sécurité sociale)

La rente est calculée sur la base du salaire des douze derniers mois précédant l’arrêt de travail. Elle est égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de taux ne dépassant pas 50 % et augmenté de moitié pour la partie supérieure à 50 %. Ainsi, pour un salaire annuel de 22 000 euros et une incapacité de 30 %, la rente sera égale à 22 000 x 15 %.

La rente ne peut pas être calculée sur un salaire inférieur au salaire minimum des rentes (20 049,09 euros depuis le 1er avril 2023). Le salaire annuel n’est pas toujours pris dans son intégralité et peut être pris en compte partiellement s’il est supérieur au salaire minimum des rentes : on parle dans ce cas de « salaire utile ».

En cas de taux d’incapacité permanente supérieure à 80 %, qui implique une difficulté à accomplir seul au moins trois actes ordinaires de la vie courante, l’assuré peut bénéficier d’une prestation complémentaire pour recours à tierce personne ;

– enfin, lorsque l’accident ou la maladie résulte d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une majoration de la rente ou de l’indemnité en capital versée au titre de son incapacité permanente.

Cette majoration est cependant encadrée par l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, qui précise que lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité et lorsqu’une rente lui a été attribuée, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale. En cas d’accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l’ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel.

c.   Un dispositif de réparation prévu devant les juridictions

Indépendamment à la majoration de rente présentée supra, la victime a le droit, en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, de demander à l’employeur devant la juridiction de la sécurité sociale, la réparation du préjudice « causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ». De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction de sécurité sociale.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, en 2022, le nombre de fautes inexcusables de l’employeur était de 2 671. Parmi ces dossiers, 1 339 dossiers déposés par les victimes directes et 330 déposés par des ayants droit ont abouti à une condamnation de l’employeur.

B.   un débat récEmment tranché autour de la prise en compte du déficit fonctionnel permanent dans la rente versée en cas d’incapacité permanente

La question de la nature des préjudices indemnisés par la rente versée aux travailleurs atteints d’une incapacité permanente fait l’objet d’un débat juridique ancien, clarifié par un revirement de jurisprudence récent de la Cour de cassation.

Cette dernière considérait en effet depuis 2009 ([409]) que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise tant les préjudices professionnels liés à l’incapacité que le déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire, l’ensemble des souffrances que les victimes éprouvent dans le déroulement de leur vie quotidienne. La Cour de cassation n’admettait dès lors qu’une victime percevant une rente d’accident du travail puisse bénéficier d’une réparation distincte des souffrances psychiques et morales (réparation prévue à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, présenté supra) qu’à condition qu’il soit démontré que ces souffrances ne sont pas indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ([410]).

Cette analyse n’était pas celle du Conseil d’État, qui juge de façon constante qu’eu égard à la finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, « la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et que dès lors le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d’une telle rente ne saurait s’exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel ».

La jurisprudence de la Cour de cassation, justifiée par la volonté d’éviter des situations de double indemnisation du préjudice, n’était pas sans poser des difficultés. D’une part, le caractère forfaitaire de la rente, fondé sur un mode de calcul appliquant au salaire de référence de la victime le taux d’incapacité permanente prévu à l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, pouvait difficilement prendre en compte la réparation de préjudices subis par la victime hors de sa vie professionnelle. D’autre part, il était particulièrement difficile pour les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles d’administrer la preuve de ce que la rente n’indemnise pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel.

Par deux arrêts du 20 janvier 2023 ([411]), la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant désormais que la rente attribuée en cas d’incapacité permanente vise uniquement à réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle (pertes de gains professionnels et incidences professionnelles de l’incapacité) et non dans sa vie personnelle (le déficit fonctionnel permanent).

Ce revirement, a suscité un grand espoir pour les associations de victimes d’AT-MP, qui dénoncent depuis de nombreuses années le défaut d’indemnisation du déficit fonctionnel. Dans la lignée de cette décision, les organisations syndicales de salariés et professionnelles d’employeurs ont signé à l’unanimité l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023 et se sont accordées sur la nécessité de renforcer et pérenniser les mécanismes de réparation. Ils ont appelé le législateur à « prendre toutes les mesures nécessaires afin que la nature duale de la rente AT/MP ne soit pas remise en cause ».

II.   le droit proposé

Le présent article consacre le caractère dual de la rente viagère versée au salarié en cas d’AT-MP. Pour le rapporteur, les modalités nouvelles de calcul de la rente et la remise en cause de la responsabilité de l’employeur en cas de faute inexcusable contreviennent à l’esprit du revirement de jurisprudence de la Cour de cassation. Elles trahissent par ailleurs le consensus pourtant trouvé entre l’ensemble des partenaires sociaux à l’occasion de la signature de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023.

A.   l’affirmation du caractère dual de la rente, dont les modalités de calcul sont très incertaines

Le présent article consacre le caractère dual de la rente AT-MP, mais renvoie au pouvoir réglementaire les modalités de calcul de la rente, faisant peser une forte incertitude sur les salariés.

Le b du I constitue une mesure de clarification juridique visant à substituer au mot « invalidité, le mot « incapacité », utilisé dans l’ensemble de l’article.

Le c du I précise la nature duale de la rente AT-MP versée aux victimes d’AT-MP et prévue à l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. Il dispose que lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum – toujours fixé à 10 % par voie réglementaire –, la victime a droit à une rente forfaitaire composée de deux parts :

– une part professionnelle, qui correspond à la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité. Cette part est égale au salaire annuel modulé, multiplié par le taux d’incapacité. Il est précisé que le salaire annuel modulé est égal à une fraction du salaire annuel de la victime ou du salaire annuel minimum mentionné à l’article L. 434-16, dégressive en fonction du niveau de ce salaire.

Comme cela était déjà prévu, le taux d’incapacité peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité des lésions. Il est précisé que ce taux peut également être réduit ou augmenté en fonction « de l’atteinte portée aux perspectives de la victime sur le marché du travail ». Les règles de modulation du salaire annuel et le taux d’incapacité sont renvoyés à un décret en Conseil d’État ;

– une part, dite fonctionnelle, correspondant au déficit fonctionnel permanent de la victime. Cette part est égale à une fraction du taux d’incapacité multipliée par une valeur de point d’incapacité fixée par un barème qui tient compte de l’âge de la victime. La fraction et le barème sont fixés par arrêté des ministres chargés du travail et de la santé.

Le b du 2° du I précise, en cohérence avec les dispositions présentées supra, que dans tous les cas où l’article L. 434-2 et les articles L. 434-7 et suivants déterminent en fonction du salaire annuel une rente individuelle ou collective ou la limite assignée à l’ensemble des rentes dues aux ayants droit de la victime, le salaire annuel est le salaire modulé en application du troisième alinéa de l’article L. 434-2 tel que modifié par le présent article, soit une fraction du salaire annuel de la victime ou du salaire annuel minimum, dégressive en fonction du niveau de ce salaire.

● Pour le rapporteur, il apparaît inenvisageable que l’assiette prise en compte pour le calcul de la part professionnelle de la rente soit plus restreinte que dans le droit existant. Cette assiette moins favorable est même assumée par le Gouvernement, qui reconnaît dans son étude d’impact que « l’évolution de l’actuelle assiette prise en compte pour le calcul de la part professionnelle se justifie dans la mesure où jusque janvier 2023, la rente était réputée couvrir les préjudices économiques et le préjudice fonctionnel permanent. Ainsi, les mesures proposées (clarifier la composition de la rente tout en améliorant le niveau de réparation des bénéficiaires) impliquent nécessairement une diminution de l’assiette des salaires prise en compte, qui sera compensée par l’introduction de la part fonctionnelle. »

Le présent article prévoit en outre que les règles de modulation du salaire annuel et du taux d’incapacité sont fixées par décret en Conseil d’État. La fraction et le barème mentionnés au sont quant à eux, fixés par arrêté des ministres chargés du travail et de la santé.

Le renvoi de la fixation de ces règles, pourtant fondamentales, au pouvoir réglementaire est particulièrement insécurisant pour les salariés et ne garantit en rien que l’indemnisation proposée soit nécessairement plus favorable aux victimes alors même que l’amélioration de la réparation est au cœur des décisions de la Cour de cassation. Le législateur ne peut pas se prononcer sur une rente dont ni le mode de calcul, ni le montant ne sont précisés.

Enfin, le a et le d du 1° et le a du 2° du I procèdent à une nouvelle structuration de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale et à une coordination résultant de l’adoption du présent article.

B.   UNE REMISE EN CAUSE GRAVE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE l’employeur

Le présent article contrevient à l’équilibre historique prévu pour la réparation des accidents du travail, en atténuant la responsabilité et le devoir de réparation qui incombent à l’employeur en cas de faute grave.

● Le dispose qu’en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur, la majoration de la rente attribuée à la victime concerne tant la part professionnelle que la part dédiée à l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent. Il encadre la majoration de la rente pour ces deux parts, en précisant :

– d’une part, que le montant de la majoration de la part professionnelle est fixé de telle sorte que la part professionnelle de la rente majorée ne puisse excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, ou, dans le cas d’incapacité totale, le montant de ce salaire ;

– d’autre part, que le montant de la majoration de la part dédiée à l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent est fixé de telle sorte que la part fonctionnelle de la rente majorée ne puisse excéder le produit du taux d’incapacité par la valeur de point d’incapacité fixée par le barème mentionné au 2° du I de l’article L. 434-2, qui prend en compte l’âge de la victime.

Dès lors, en cas de faute inexcusable de l’employeur (FIE), l’employeur devra supporter uniquement la partie qui n’est pas déjà indemnisée par la branche AT‑MP, au lieu de l’intégralité du déficit permanent, comme cela était prévu auparavant. Il s’agit d’une forme de plafonnement des indemnités dues aux salariés en cas de FIE, assumée par le Gouvernement qui précise dans son étude d’impact que la mesure proposée poursuit l’objectif de « limiter le risque économique pour les entreprises, en cas de FIE [...] en s’assurant de la soutenabilité financière de la branche AT-MP ».

Par ailleurs, les salariés engagés dans des poursuites en cas de FIE apparaissent particulièrement perdants puisque l’indemnisation prévue par le présent article repose sur un barème nécessairement moins favorable qu’en cas de décision du juge, qui accorde en pratique tout le montant maximal de la rente.

Pour le rapporteur, une telle mesure, qui déresponsabilise clairement les employeurs et en particulier, ceux qui se rendent coupables de fautes graves, pourrait encourager la fraude au code du travail.

● Le modifie l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale afin de préciser que la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées que la victime a le droit de demander à l’employeur concerne uniquement le préjudice causé par les souffrances endurées avant la consolidation.

Le rapporteur dénonce fermement cette précision qui revient, une fois encore à faire porter à la sécurité sociale les conséquences de fautes graves commises par les employeurs, grands gagnants de la réforme proposée par le présent article.

La rédaction actuelle de l’article revient en outre à empêcher d’indemniser les souffrances physiques et morales des personnes atteintes de maladies graves et évolutives. La séparation opérée entre une indemnisation « avant » et « après consolidation » fait craindre aux victimes un recul très important de leurs droits, et le développement de réponses inégales selon la maladie déclarée. Les associations de victimes entendues ont ainsi interpellé le rapporteur sur le fait que dans un grand nombre de cas, la consolidation n’est, en réalité, jamais possible.

S’agissant notamment des cancers pour lesquels les traitements et la maladie évoluent, la stabilisation des séquelles est souvent déclarée par la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) dès la déclaration du certificat médical initial, voire antérieurement à la date du certificat médical final, et parfois à une date postérieure, qui ne correspond pas à la date de consolidation, c’est-à-dire de stabilisation.

La référence à la consolidation est donc totalement inadaptée dans un grand nombre de cas. Elle est par ailleurs particulièrement préjudiciable aux retraités, le plus souvent concernés par la déclaration de maladies tardives. En effet, au moins vingt‑quatre tableaux de maladies professionnelles prévoient des délais de prise en charge de vingt à quarante ans pour des expositions professionnelles.

Le abroge l’article L. 434-15 du code de la sécurité social, relatif aux règles de calcul de la rente due en cas d’incapacité permanente, désormais prévues à l’article L. 434-2 compte tenu des modifications opérées par le présent article.

Enfin, le II précise que les dispositions du présent article entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2024. Elles s’appliquent aux victimes dont l’état est consolidé ou dont le décès est survenu à compter de cette date.

● Le rapporteur n’est pas opposé à ce que le déficit fonctionnel permanent soit intégré au sein de la rente viagère versée aux victimes d’incapacité permanente. En effet, cela permettrait d’améliorer le niveau de la rente attribuée aux victimes, même si ces dernières ne souhaitent pas s’engager dans une procédure judiciaire, souvent très éprouvante. L’évolution des règles d’indemnisation et de mise en responsabilité de l’employeur proposées par le présent article ne lui paraissent cependant pas mures.

Contrairement aux organisations professionnelles d’employeurs qui se sont montrées « pleinement satisfaites » à l’occasion des auditions, les organisations syndicales de salariés ont exprimé leur déception, se sentant « trahies » par la mesure, qui ne traduit pas l’esprit de l’ANI de mai dernier. S’agissant des associations de victimes d’AT-MP entendues ([412]), elles ont unanimement exprimé leur opposition à cet article ainsi que leur surprise de ne pas avoir été associées aux travaux préparatoires.

Pour le rapporteur, une grande incertitude demeure quant aux conséquences concrètes de ce changement juridique et ses modalités d’application. Sur un sujet aussi sensible, qui touche au handicap, à la maladie, à l’incapacité au travail, le législateur ne saurait avancer avec une forme d’improvisation, dans le brouillard et l’incertitude. Aussi, il engage le Gouvernement et les groupes qui le soutiennent à renoncer à cet article non par principe, mais pour que puisse s’établir une véritable discussion fondée sur une concertation de l’ensemble des acteurs concernés au premier plan par ce sujet, afin que les points de vue soient clarifiés et débattus. Si tel n’était pas le cas, il appelle à son rejet par l’Assemblée nationale.

*

*     *


Chapitre VI
Poursuivre la transformation du système de retraites

Article 40
Adapter la réforme des retraites à Mayotte et à SaintPierreetMiquelon

Le présent article adapte le calendrier d’application du report de l’âge d’ouverture des droits à la retraite applicable aux assurés des régimes de retraite de Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon afin de tenir compte de leur trajectoire de convergence avec le droit commun.

Il permet en outre d’étendre certaines avancées de la réforme des retraites à ces territoires, en particulier l’assurance vieillesse des aidants (AVA) qui n’est en l’état pas applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. Il tire enfin les conséquences légistiques rendues nécessaires par la réforme des retraites pour maintenir l’âge d’annulation de la décote à 67 ans pour les assurés mahorais et leur étendre le bénéfice du nouvel âge de départ anticipé au titre de la retraite pour inaptitude.

Compte tenu du faible montant des dépenses de retraite dans ces régimes, le décalage de l’application du report de l’âge légal aurait un impact marginal sur le solde de la branche vieillesse, de l’ordre de 500 000 euros en 2024 et de 800 000 euros à partir de 2027.

De même, l’application de l’AVA à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon entraîne une dépense très faible pour la branche autonomie qui prend en charge le coût des cotisations versées par la caisse de prévoyance sociale. Cette dépense est estimée à moins de 100 000 euros par an.

I.   Le droit en vigueur : La réforme des retraites nécessite d’adapter la trajectoire de convergence des régimes applicables à Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

A.   Mayotte et Saint‑Pierre‑Et‑Miquelon sont dotés de régimes spécifiques en convergence avec le droit commun

1.   Le régime de retraite de Mayotte a presque achevé sa convergence sur l’âge d’ouverture des droits mais reste éloigné s’agissant de la durée d’assurance

● Instauré par un décret du 16 mars 1957, le régime de retraite mahorais est dorénavant régi par l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte. Il s’applique aux salariés et assimilés de droit privé ainsi qu’aux agents publics contractuels ([413]). Il est géré par la caisse de sécurité sociale de Mayotte et ses règles de fonctionnement s’inspirent du régime général de droit commun.

Depuis la départementalisation de Mayotte le 31 mars 2011, les règles régissant le régime de retraite mahorais se rapprochent progressivement du droit commun en application de l’ordonnance n° 2011‑1923 du 22 décembre 2011 relative à l’évolution de la sécurité sociale à Mayotte. Cette convergence s’applique notamment aux règles relatives à la durée minimale d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein ainsi qu’à celles relatives à l’âge d’ouverture des droits.

Dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 22 décembre 2011 précitée, l’article 6 de l’ordonnance du 27 mars 2002 prévoit que les assurés du régime de retraite mahorais nés à partir du 1er janvier 1961 peuvent liquider leurs droits à compter de l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 161‑17‑2 du code de la sécurité sociale, soit le même âge que les assurés de droit commun ([414]). Le même article 6 renvoie à un décret le soin de fixer la trajectoire de convergence en matière d’âge d’ouverture des droits.

Ainsi, en application de l’article 2 du décret n° 2003‑589 du 1er juillet 2003 dans sa rédaction résultant du décret n° 2012‑1168 du 17 octobre 2012, l’âge d’ouverture des droits du régime de retraite à Mayotte s’aligne progressivement sur le droit commun à un rythme de quatre mois par génération.

● De même, la durée minimale d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein converge avec le droit commun ([415]). Le calendrier actuel de relèvement de la durée d’assurance minimale requise à Mayotte résulte d’un décret du 22 septembre 2016, lequel fixe comme objectif une durée d’assurance de 172 trimestres pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1973, objectif conforme au « calendrier Touraine » ([416]).

Votre rapporteure générale note que, si le point et la date d’arrivée fixés par le décret de 2016 sont identiques à ceux initialement prévus en droit commun, le rythme du relèvement de la durée d’assurance est bien plus soutenu à Mayotte, compte tenu du fait que le point de départ n’était pas le même. Ainsi, alors que le « calendrier Touraine » prévoyait un relèvement progressif de la durée d’assurance d’un trimestre toutes les trois générations, l’application de ce calendrier à Mayotte implique une augmentation de quatre trimestres par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1965, de deux trimestres par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1966 et le 31 décembre 1969 puis d’un trimestre par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 1er janvier 1973.

Calendrier de convergence de l’âge d’ouverture des droits
et de la durée minimale d’assurance à Mayotte

Année de naissance

Âge d’ouverture des droits à Mayotte

Âge d’ouverture des droits en droit commun (avant l’adoption de la LFRSS pour 2023)

Durée d’assurance requise à Mayotte

Durée d’assurance requise en droit commun (avant l’adoption de la LFRSS pour 2023)

1956

60 ans et 4 mois

62 ans

124 trimestres

166 trimestres

1957

60 ans et 8 mois

128 trimestres

1958

61 ans

132 trimestres

167 trimestres

1959

61 ans et 4 mois

136 trimestres

1960

61 ans et 8 mois

140 trimestres

1961

62 ans

144 trimestres

168 trimestres

1962

148 trimestres

1963

152 trimestres

1964

156 trimestres

169 trimestres

1965

160 trimestres

1966

162 trimestres

1967

164 trimestres

170 trimestres

1968

166 trimestres

1969

168 trimestres

1970

169 trimestres

171 trimestres

1971

170 trimestres

1972

171 trimestres

1973

172 trimestres

172 trimestres

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

L’on observe donc que, si l’âge d’ouverture des droits a achevé sa convergence le 1er janvier 2023, la durée minimale d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension de retraite à taux plein reste très spécifique puisqu’elle n’était que de 144 trimestres pour les assurés pouvant liquider leur retraite au 1er janvier 2023 – c’est-à-dire la génération 1961 – contre 168 trimestres en droit commun, soit un différentiel de six ans.

2.   L’alignement du régime de retraite de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon sur le droit commun est en cours

● Le régime de retraite à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon est géré par la caisse de prévoyance sociale (CPS) de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. Il s’applique à toute personne exerçant une activité professionnelle salariée ou non salariée dans la collectivité et ne relevant pas d’un autre régime d’assurance vieillesse de base ([417]).

En application de l’article 5 de la loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, le régime de retraite de droit commun s’y applique sous réserve d’un certain nombre d’adaptations et de dispositions transitoires, en particulier concernant l’âge d’ouverture des droits et la durée d’assurance minimale requise pour le bénéfice du taux plein.

● De même que pour Mayotte, le régime local fait l’objet d’une convergence progressive avec le droit commun. Une ordonnance du 23 juillet 2015 prévoit un alignement complet des paramètres de calcul des pensions de retraite et d’ouverture des droits avec le droit commun à horizon 2033 ([418]).

En application du b du 1° de l’article 5 de la loi du 17 juillet 1987 dans sa rédaction résultant de l’ordonnance précitée, l’âge d’ouverture des droits est ainsi progressivement relevé de 60 à 62 ans pour la génération née à partir du 1er janvier 1962, à raison de cinq mois par génération. Compte tenu de ce calendrier, l’alignement de l’âge d’ouverture des droits sur le droit commun devait s’achever le 1er janvier 2024.

S’agissant de la durée minimale d’assurance requise, et à l’instar de ce que l’on peut observer pour Mayotte, le calendrier de convergence défini par l’ordonnance de 2015 prévoit que l’objectif d’une durée d’assurance de 172 trimestres s’applique aux générations nées à partir du 1er janvier 1973 ([419]). Cet objectif nécessite un effort de rattrapage certes moins important qu’à Mayotte, mais néanmoins conséquent pour les assurés concernés. En application de ce calendrier, chaque génération née entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1963 doit justifier de deux trimestres supplémentaires par rapport à la génération précédente, et un trimestre par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966. La durée minimale d’assurance devait rattraper le droit commun dès la génération 1967 pour ensuite augmenter au même rythme jusqu’à la génération 1973.

 Calendrier de convergence de l’âge d’ouverture des droits
et de la durée minimale d’assurance à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

Année de naissance

Age d’ouverture des droits à SaintPierreetMiquelon

Age d’ouverture des droits en droit commun (avant l’adoption de la LFRSS pour 2023)

Durée d’assurance requise à SaintPierreetMiquelon

Durée d’assurance requise en droit commun (avant l’adoption de la LFRSS pour 2023)

1956

60 ans

62 ans

152 trimestres

166 trimestres

1957

60 ans

154 trimestres

1958

60 ans et 4 mois

156 trimestres

167 trimestres

1959

60 ans et 9 mois

158 trimestres

1960

61 ans et 2 mois

160 trimestres

1961

61 ans et 7 mois

162 trimestres

168 trimestres

1962

62 ans

164 trimestres

1963

166 trimestres

1964

167 trimestres

169 trimestres

1965

168 trimestres

1966

169 trimestres

1967

170 trimestres

170 trimestres

1968

1969

1970

171 trimestres

171 trimestres

1971

1972

1973

172 trimestres

172 trimestres

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

B.   LA réforme des retraites implique des mesures transitoires et d’adaptation

1.   Le report de l’âge d’ouverture des droits et l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance remettent en cause la trajectoire de convergence des régimes

● Dans l’objectif d’assurer la soutenabilité financière du système de retraites, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([420]) agit sur deux leviers :

– d’une part, elle décale progressivement l’âge d’ouverture des droits afin que ce dernier atteigne 64 ans pour la génération née à partir du 1er janvier 1968 ;

– d’autre part, elle accélère la mise en œuvre du « calendrier Touraine » afin que l’objectif d’une durée minimale d’assurance de 172 trimestres s’applique aux assurés nés dès le 1er janvier 1965.

Évolution des bornes d’âge en application de la LFRSS pour 2023

Date de naissance de la génération concernée

Âge d’ouverture des droits (AOD)

Durée d’assurance requise avant la réforme

Durée d’assurance requise après la réforme

Hausse de l’AOD en application de la LFRSS pour 2023

Hausse de la durée d’assurance requise en application de la LFRSS pour 2023

Du 1er janvier 1961 au 30 août 1961

62 ans

168 trimestres

168 trimestres

Zéro mois

Zéro trimestre

Du 1er septembre 1961 au 31 décembre 1961

62 ans et 3 mois

168 trimestres

169 trimestres

Trois mois

Un trimestre

1962

62 ans et 6 mois

168 trimestres

169 trimestres

Six mois

Un trimestre

1963

62 ans et 9 mois

168 trimestres

170 trimestres

Neuf mois

Deux trimestres

1964

63 ans

169 trimestres

171 trimestres

Un an

Deux trimestres

1965

63 ans et 3 mois

169 trimestres

172 trimestres

Un an et trois mois

Trois trimestres

1966

63 ans et 6 mois

169 trimestres

172 trimestres

Un an et six mois

Trois trimestres

1967

63 ans et 9 mois

170 trimestres

172 trimestres

Un an et neuf mois

Deux trimestres

1968

64 ans

170 trimestres

172 trimestres

Deux ans

Deux trimestres

1969

64 ans

170 trimestres

172 trimestres

Deux ans

Deux trimestres

1970

64 ans

171 trimestres

172 trimestres

Deux ans

Un trimestre

1971

64 ans

171 trimestres

172 trimestres

Deux ans

Un trimestre

1972

64 ans

171 trimestres

172 trimestres

Deux ans

Un trimestre

1973

64 ans

172 trimestres

172 trimestres

Deux ans

Zéro trimestre

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Cette réforme, entrée en vigueur le 1er septembre 2023, concerne le régime général, les régimes alignés, les régimes autonomes ainsi que le régime de la fonction publique. Elle est directement applicable dans la majorité des départements et régions d’outre‑mer – Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion – ainsi que dans certaines collectivités d’outre‑mer – Saint‑Martin et Saint-Barthélemy.

● Si cette réforme a naturellement vocation à s’appliquer aux régimes de retraite de Mayotte et de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, son application directe aurait eu pour conséquence de remettre en cause la trajectoire de convergence déjà engagée.

À titre d’exemple, à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, les personnes nées le 1er septembre 1961 auraient vu leur durée d’assurance requise augmenter de sept trimestres par rapport au droit en vigueur. Comparée aux personnes nées en 1960, à qui la réforme ne s’applique pas, la durée d’assurance qu’ils auraient dû valider aurait été supérieure de plus de deux ans – neuf trimestres. L’âge légal aurait quant à lui été décalé de trois mois par rapport à la trajectoire de convergence actuelle soit huit mois de plus que les personnes nées en 1960.

À Mayotte, si l’âge d’ouverture des droits est aligné sur le droit commun depuis le 1er janvier 2023 pour les personnes nées à compter du 1er janvier 1961, le relèvement de la durée minimale d’assurance poursuit un rythme déjà soutenu – quatre trimestres par génération – et dont il n’apparaît pas souhaitable qu’il soit accéléré.

Pour cette raison, le report de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans et l’accélération du relèvement de la durée d’assurance minimale ne s’appliquent pas en l’état à Mayotte et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

2.   Certaines avancées et garanties de la réforme des retraites ne sont pas applicables à Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

a.   En l’état du droit, le maintien de l’âge d’annulation de la décote à 67 ans et de l’âge de départ pour inaptitude à 62 ans ne sont pas applicables à Mayotte

● Afin d’atténuer les effets liés au report de l’âge légal et à l’accélération du relèvement de la durée minimale d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein, le législateur financier social a aménagé des garanties pour les personnes les plus fragiles. Parmi ces garanties se trouvent notamment le maintien de l’âge d’annulation de la décote à 67 ans ainsi que le maintien de l’âge de départ pour inaptitude à 62 ans.

En application du 1° de l’article L. 351‑8 du code de la sécurité sociale, les assurés du régime général et des régimes alignés qui atteignent 67 ans peuvent bénéficier d’une pension à taux plein même s’ils ne justifient pas de la durée d’assurance minimale requise ([421]). Auparavant fixé par renvoi à l’âge d’ouverture des droits « augmenté de cinq ans », l’âge d’annulation de la décote est désormais fixé par renvoi à l’âge d’ouverture des droits « augmenté de trois ans » ([422]).

Or, par un jeu de double renvoi, l’article 6 de l’ordonnance du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte prévoit que l’âge d’annulation de la décote correspond à « l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 161172 du code de la sécurité sociale » augmenté de cinq années. Dans la mesure où l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 161‑17‑2 a été relevé à 64 ans, l’âge d’annulation de la décote à Mayotte nécessite d’être révisé pour un maintien à 67 ans.

● Avant la réforme de 2023, les assurés reconnus inaptes au travail en application de l’article L. 351‑7 du code de la sécurité sociale pouvaient bénéficier d’une pension à taux plein à l’âge d’ouverture des droits sans justifier de la durée d’assurance minimale requise. Il ne s’agissait donc pas d’un dispositif de départ anticipé mais d’une modalité dérogatoire au bénéfice d’une pension à taux plein. Pour ne pas pénaliser des personnes déjà particulièrement fragiles, le législateur financier social a décidé d’exclure les personnes jugées inaptes au travail du périmètre des assurés concernés par le report de l’âge légal de départ à la retraite.

Le départ en retraite pour inaptitude

La retraite pour inaptitude est un dispositif de départ anticipé à la retraite destiné aux personnes dont l’état de santé dégradé rend difficile la poursuite d’une activité professionnelle.

Applicable dans l’ensemble des régimes, la retraite pour inaptitude concerne quatre catégories de personnes :

– les bénéficiaires d’une pension d’invalidité ;

– les allocataires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;

– les assurés pour lesquels les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont reconnu un taux d’incapacité d’au moins 50 % ;

– les personnes qui justifient de la reconnaissance, par le médecin‑conseil de l’assurance maladie, d’une incapacité de travail égale ou supérieure à 50 %.

La retraite pour inaptitude permet à ces personnes de liquider leurs droits dès 62 ans et de bénéficier d’une pension à taux plein sans justifier de la durée d’assurance normalement requise.

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a exclu la retraite pour inaptitude du champ des dispositifs concernés par le report de l’âge de départ de sorte qu’elle permet à ses bénéficiaires de liquider leurs droits jusqu’à deux ans avant le droit commun.

Les ordonnances du 20 décembre 1996 et du 27 mars 2002 régissent ce dispositif dans le régime local mahorais.

Ainsi, le nouvel article L. 351‑1‑1 A du code de la sécurité sociale prévoit que la condition d’âge pour les assurés reconnus inaptes au travail est abaissée d’au moins un an, dans des conditions fixées par décret. En pratique, cet âge est fixé à 62 ans.

Le pendant de ce dispositif dans le régime de retraite mahorais est inscrit à l’article 10 de l’ordonnance du 27 mars 2002, lequel prévoit que l’assuré reconnu inapte au travail bénéficie d’une pension de retraite à l’âge d’ouverture des droits dans le régime local. L’article 11-1 de la même ordonnance et l’article 20‑8‑5 de l’ordonnance du 20 décembre 1996 appliquent ce dispositif respectivement aux titulaires de l’allocation aux adultes handicapés et aux bénéficiaires d’une pension d’invalidité. En l’absence de modification de ces dispositions, un report de l’âge d’ouverture des droits s’accompagnerait nécessairement du report de l’âge de départ applicable aux personnes reconnues inaptes au travail.

b.   L’assurance vieillesse des aidants ne s’applique pas à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

● Afin de faciliter la validation de trimestres d’assurance pour les personnes contraintes d’interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche en situation de handicap, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a prévu la création d’une assurance vieillesse des aidants (AVA).

Directement inspirée de l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVA est un mécanisme par lequel la branche autonomie se substitue à certaines catégories d’assurés pour le paiement de leurs cotisations d’assurance vieillesse au régime général ([423]). Les publics concernés sont les suivants :

– les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) ;

– les bénéficiaires de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) et les bénéficiaires du congé de proche aidant (CPA) pour les périodes où ils ne touchent pas l’AJPA. L’affiliation est alors limitée à un an sur l’ensemble de la carrière ;

– les travailleurs non-salariés et chômeurs qui aident un proche dans les mêmes conditions que les bénéficiaires du CPA. L’affiliation ne peut excéder une durée totale d’un an sur la carrière ;

– les parents qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour assumer la charge d’un enfant de moins de 20 ans en situation de handicap présentant un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 % ;

– les parents d’enfants présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 % lorsqu’ils sont éligibles à un complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ;

– les proches qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour assumer la charge d’un adulte en situation de handicap qui présente un taux d’incapacité d’au moins 80 % et dont la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) reconnaît que son état nécessite une assistance ou une présence spécifiques.

Si certaines de ces personnes bénéficiaient déjà d’une prise en charge de leurs cotisations d’assurance vieillesse au titre du volet « aidant » de l’AVPF, la création de l’AVA l’a étendue aux parents d’enfants bénéficiaires d’un complément d’AEEH ainsi qu’aux aidants d’une personne adulte en situation de handicap, même lorsqu’ils ne cohabitent pas.

● L’ordonnance n° 2015‑896 du 23 juillet 2015 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon a prévu l’application de l’AVPF sur ce territoire au titre de son volet « aidant » ([424]). L’article 22 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique l’a étendue aux bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant ([425]).

Toutefois, la création de l’AVA ne s’est pas accompagnée des coordinations permettant son application à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. Les personnes concernées, qui bénéficiaient d’une prise en charge au titre du volet « aidant » de l’AVPF, risquent donc de se trouver en rupture de droits du fait de l’absence de base légale permettant leur affiliation à l’assurance vieillesse.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : Les dispositions relatives à l’âge de départ et à certaines avancées seraient adaptées à Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

A.   Le report de l’âge légal s’appliquerait avec une génération d’écart à Mayotte et deux à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

1.   Le report de l’âge légal s’appliquerait avec une génération d’écart à Mayotte

● Le a du 1° du III du présent article acte un passage de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans effectif à Mayotte pour la génération 1969 et non pour la génération 1968 comme prévu en droit commun.

Selon un schéma habituel, le calendrier de report de l’âge légal serait fixé par décret. Selon la fiche d’évaluation de l’article, cette montée en charge s’effectuerait au même rythme qu’en droit commun, soit à raison d’une augmentation de trois mois par génération.

Concrètement, le début du report de l’âge de 62 à 64 ans s’appliquera à la génération née en 1963 et non à la génération née en 1962.

● Par ailleurs, et en cohérence avec la modification de l’âge légal, l’article :

– maintient l’âge d’annulation de la décote à 67 ans (b du 1° du III). Plutôt que de faire référence à l’âge légal « augmenté de cinq années », le second alinéa de l’article 6 de l’ordonnance précitée du 27 mars 2002 renverrait directement à « l’âge prévu au 1° de l’article L. 3518 du code de la sécurité sociale » qui correspond à ce même dispositif dans le régime général ;

– maintient l’âge de départ en retraite pour inaptitude à 62 ans, créant de fait un nouvel âge de départ anticipé dans le régime mahorais. Il s’appliquerait aux assurés reconnus inaptes au travail ( du III), à ceux qui touchent une pension d’invalidité (II) ainsi qu’aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés au titre de mécanisme de liquidation automatique de leurs droits à la retraite créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 en droit commun et transposé par cette même loi à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ([426]) (3° du III).

2.   Le report de l’âge légal s’appliquerait avec deux générations d’écart à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

● Le 1° du I modifie l’article 5 de la loi du 17 juillet 1987 précitée qui adapte les dispositions du code de la sécurité sociale à la situation de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon afin de les rendre opérantes avec la réécriture de l’article L. 161‑17‑2 du même code suite à l’entrée en vigueur de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Cette modification aboutit à ce que le passage de l’âge légal de départ à 64 ans s’applique à la génération née le 1er janvier 1970, soit deux générations d’écart par rapport au droit commun. Là encore, le détail du calendrier du report serait fixé par décret, sur le même rythme que celui défini en droit commun et pour Mayotte.

● Compte tenu du rythme actuel de convergence de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein, il n’est pas prévu de modifier le calendrier du relèvement de cette durée que ce soit à Mayotte ou à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. Ce choix apparaît équilibré au regard du rythme déjà particulièrement soutenu de ce calendrier.

B.   L’assurance vieillesse des aidants serait transposée au régime aPplicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

1.   La transposition de l’AVA à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

● Le 4° du I crée un article 6‑1 dans la loi du 17 juillet 1987 qui prévoit l’application de l’article L. 381‑2 du code de la sécurité sociale, relative à l’assurance vieillesse des aidants, à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon tout en l’adaptant à la situation spécifique de cette collectivité d’outre‑mer. À compter du 1er janvier 2024, les aidants qui remplissent les conditions pourront bénéficier d’une affiliation au régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

● Premièrement, il est précisé que les bénéficiaires de l’AVA seront affiliés au « régime d’assurance vieillesse de SaintPierreetMiquelon » plutôt qu’à « l’assurance vieillesse du régime général » (1°, 2°, 4° et 5° du nouvel article 61).

Par ailleurs, les dispositions concernant le financement des cotisations des bénéficiaires de l’AVA sont adaptées afin que leur prise en charge se fasse à la charge exclusive de la caisse de prévoyance sociale qui assure le service des prestations familiales à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ([427]) (6° du nouvel article 61).

Enfin, l’article adapte le périmètre des personnes pouvant bénéficier de l’affiliation à l’AVA :

– d’une part, il étend à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon la possibilité pour les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale d’être affiliés à l’assurance vieillesse. Cette évolution est cohérente avec l’entrée en vigueur de l’AJPA dans cette collectivité au 1er janvier prochain ;

– d’autre part, il adapte la liste des travailleurs non‑salariés et conjoints‑collaborateurs bénéficiant de l’AVA au titre de l’aide à un proche dans les mêmes conditions que les bénéficiaires du congé de proche aidant pour que cette liste corresponde à la réalité des modes d’affiliation au régime d’assurance vieillesse à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ([428]).

2.   La coordination concernant les dispositions liées à l’application de l’AVPF

● Par coordination, et sur le modèle de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour le régime général de droit commun, le 3° du I tire les conséquences de la création de l’AVA sur le périmètre des bénéficiaires de l’AVPF pour en retirer ceux qui relèveront désormais de l’AVA.

Comme en droit en vigueur, les bénéficiaires du complément familial et de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant ne bénéficieraient pas de l’AVPF à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

C.   Impacts financiers et entrée en vigueur

1.   Une entrée en vigueur au 1er janvier 2024

● La mise en place de l’AVA à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon s’appliquera dès le 1er janvier 2024 (1° du IV), date cohérente avec celle à laquelle les résidents de cette collectivité pourront bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale et de l’allocation journalière de présence parentale.

● L’adaptation du calendrier de report de l’âge d’ouverture des droits entre en vigueur en même temps et s’applique aux pensions prenant effet à compter de cette même date. Dans les faits, cela implique que le report de l’âge d’ouverture des droits ne débutera qu’à l’issue du mouvement de convergence déjà en cours, soit le 1er janvier 2024 pour les assurés mahorais et le 1er janvier 2025 pour les assurés de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

2.   Un faible impact financier sur les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale

● Compte tenu du faible montant des dépenses de retraite dans les régimes concernés, soit 26,63 millions d’euros à Mayotte et 11,9 millions d’euros à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon en 2020, le décalage de l’application du report de l’âge légal aurait un impact marginal sur le solde de la branche vieillesse, de l’ordre de 500 000 euros en 2024 et 800 000 euros à partir de 2027.

De même, l’application de l’AVA à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon entraînera une dépense très faible pour la branche autonomie, chargée de prendre en charge le coût des cotisations versées par la caisse de prévoyance sociale. Elle est estimée à moins de 100 000 euros par an.

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*     *


TITRE II
DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DéPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RéGIMES OBLIGATOIRES

Article 41
Dotations au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, aux agences régionales de santé et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux

Cet article fixe le montant, pour 2024, de la dotation des branches maladie et autonomie au Fonds pour la modernisation de l’investissement en santé (FMIS) respectivement à 894 et 90 millions d’euros, de la contribution de la branche autonomie aux agences régionales de santé au titre de leurs actions concernant les prises en charge et accompagnements en direction des personnes âgées ou handicapées à 190 millions d’euros et de la dotation de l’assurance maladie à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) à 160,2 millions d’euros.

I.   la Participation des branches maladie et autonomie au financement du FMIS

Le Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS), dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts et consignations, a été créé le 1er janvier 2021, par transformation du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). Son périmètre a alors été étendu aux établissements médico-sociaux et aux structures d’exercice coordonné en ville. Il contribue au financement des dépenses d’investissement des établissements de santé et de leurs groupements, ainsi qu’aux investissements numériques pour les secteurs sanitaire et médico-social.

La transformation du FMESPP en FMIS a accompagné la forte augmentation de la dotation de ce fonds, sous l’effet du Ségur de la santé. En effet, le volet « investissement » du Ségur, qui s’étale sur plusieurs années, a vocation à transiter en grande partie par le FMIS, qui délègue ensuite les crédits aux agences régionales de santé.

La dotation allouée au FMIS inclut ainsi, outre les dotations d’investissement qui préexistaient au Ségur de la santé, les dotations exceptionnelles du Ségur. Deux priorités ont été assignées aux opérations financées par le FMIS : les projets hospitaliers prioritaires et les projets ville-hôpital d’une part, le rattrapage du retard sur le numérique en santé d’autre part.

Le volet investissement du Ségur de la santé

Dans le cadre du Ségur de la santé, un plan d’investissement massif de 19 milliards d’euros sur dix ans a été lancé. Dans le détail, ce plan prévoit notamment :

– 9 milliards d’euros pour financer des nouveaux investissements dans les établissements de santé et en ville, dont 1,5 milliard d’euros pour les investissements du quotidien ;

– 6,5 milliards d’euros consacrés à la restauration de la capacité financière des hôpitaux ;

– 1,5 milliard d’euros pour les investissements dans les Ehpad ;

– 2 milliards d’euros pour les investissements numériques.

Depuis sa création, les dotations du FMIS en loi de financement de la sécurité sociale ont évolué ainsi :

évolution des dotations du FMIS

(en millions d’euros)

 

2021

2022

2023

2024

Dotation branche maladie

1 032

1 035

1 062

894

Dotation branche autonomie

100

90

87

90

Dotation globale

1 132

1 125

1 146

984

Sources : LFSS 2021, 2022 et 2023 et PLFSS 2024 (articles 3 et 41)

Chaque année, le FMIS reçoit ainsi une dotation de la branche maladie de la sécurité sociale et une dotation de la branche autonomie. Ces dotations ont des vocations distinctes : la branche maladie finance les investissements des structures sanitaires, tandis que la branche autonomie finance les investissements numériques dans les Ehpad.

Pour 2024, la contribution de la branche maladie est fixée à 894 millions d’euros. Il s’agit ainsi de poursuivre l’accompagnement des opérations d’investissement et de modernisation des établissements de santé.

La dotation de la branche autonomie s’élève à 90 millions d’euros pour 2024 et est intégralement dédiée aux investissements numériques dans les Ehpad.

II.   LA Contribution de la branche autonomie aux agences RÉgionales de santé

La branche autonomie, par le canal de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) contribue à certaines actions du fonds d’intervention régional (FIR), qui financent des initiatives et des expérimentations des établissements et services médico-sociaux validées par les agences régionales de santé (ARS), à destination des personnes âgées ou handicapées. Cette contribution tend à s’accroître d’année en année.

évolution de la contribution de la CNSA au FIR

(en millions d’euros)

2021

2022

2023

2024

141,44

168,3

178,4

190

L’exposé des motifs indique que cette dotation financera en 2024 divers dispositifs d’appui aux politiques de soutien à la perte d’autonomie, tels que les groupements d’entraide mutuelle (GEM), les maisons pour l’intégration et l’autonomie des malades d’Alzheimer (Maia), les centres régionaux d’études et d’actions d’information (Creia) en faveur des personnes en situation de vulnérabilité ou encore l’habitat inclusif.

III.   la Participation des rÉgimes obligatoires d’assurance maladie au financement de l’ONIAM

L’Oniam est un établissement public administratif de l’État qui indemnise, au titre de la solidarité nationale, les victimes d’accidents médicaux et les préjudices résultant de contaminations par les virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites B et C (VHB et VHC) et du virus T‑lymphotropique humain (HTLV). Les missions de l’Oniam sont financées par l’assurance maladie, par l’État ainsi que par des recettes propres. Les montants de la dotation allouée par les régimes obligatoires d’assurance maladie peuvent varier d’une année sur l’autre en fonction des réserves de l’Oniam.

La dotation de l’Oniam avait été augmentée de 5 millions d’euros pour atteindre 135 millions d’euros pour 2022, en raison de l’anticipation d’une plus forte occurrence des infections nosocomiales en lien avec la plus forte fréquentation des hôpitaux due à la crise sanitaire. Cette dotation a été maintenue au même niveau en 2023.

Pour 2024, cette dotation est augmentée de plus de 25 millions d’euros : son montant est fixé à 160,2 millions d’euros. L’exposé des motifs précise qu’il a été calculé en fonction de la prévision de dépenses pour 2023, notamment au regard d’une stabilisation du nombre de demandes et d’une augmentation des dépenses d’indemnisation.

*

*     *


Article 42
Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès à 251,9 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

L’objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès ne se confond pas avec l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) même si leurs périmètres respectifs se recoupent largement. L’Ondam comprend les prestations de soins de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour incapacité temporaire et les dotations de la branche autonomie aux établissements et services médico-sociaux, mais il ne prend pas en compte certaines prestations à la charge de l’assurance maladie – prestations en espèces de maternité (indemnités journalières) ou prestations invalidité.

I.   Un objectif de dÉpenses dÉpassÉ EN 2023

En 2023, les dépenses de la branche atteindraient 243,7 milliards d’euros selon l’annexe A du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, contre 240,7 milliards d’euros en 2022, année au cours de laquelle le déficit de la branche s’est établi à 21 milliards d’euros. Ce montant pour 2023 représente 5,4 milliards euros de plus (+ 2,3 %) que l’objectif de dépenses fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, soit 238,3 milliards d’euros.

Le déficit de la branche devrait se réduire de moitié et s’établir à 9,5 milliards d’euros du fait de la quasi-disparition des dépenses liées à la crise sanitaire et de recettes dynamiques. Les recettes sont soutenues par l’inflation qui se traduit par une hausse des salaires et des autres assiettes dont bénéficie la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), en particulier la taxe sur la valeur ajoutée.

II.   Un objectif de dÉpenses en NETTE HAUSSE pour 2024

En 2024, l’objectif de dépenses de la branche maladie est fixé à 251,9 milliards d’euros, en hausse de 13,6 milliards d’euros (+ 5,7 %) par rapport à l’objectif inscrit en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (238,3 milliards d’euros), avec un effet de base notable compte tenu du dépassement anticipé de l’objectif pour 2023.

Il convient de noter que ce montant est à peine supérieur au montant des dépenses anticipées pour 2024 en l’absence de mesures nouvelles (251,5 milliards d’euros selon le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale). Il correspond à l’évolution tendancielle des dépenses de la branche. En d’autres termes, les mesures du présent projet de loi n’augmentent qu’à la marge, à hauteur de 0,4 milliard d’euros, les dépenses globales de la branche maladie, en tenant compte des mesures de régulation budgétaire que contient l’Ondam.

Le déficit tendanciel de la Cnam se creuserait naturellement de 1,1 milliard d’euros en 2024 pour atteindre 10,6 milliards d’euros avant mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les dépenses (+ 3,9 %) évolueraient plus vite que les produits (+ 3,6 %).

Les prestations du champ de l’Ondam repartiraient à la hausse (+ 4,5 %) et expliqueraient la quasi-totalité de la hausse attendue des charges en 2024, alimentée par les mesures salariales et la hausse des tarifs des consultations des médecins. Les prestations hors Ondam seraient également dynamiques (+ 3,7 %), tirées par les prestations d’invalidité et les indemnités journalières liées à la maternité. Les transferts nets seraient en recul de 4,5 %, conséquence du ralentissement des dépenses liées au Ségur de la santé dans le cadre du fonds d’intervention régional et des montants désormais limités des subventions à Santé publique France au titre du covid‑19.

S’agissant des recettes, les cotisations sociales ralentiraient par rapport à 2023 (+ 3,2 %) et évolueraient moins rapidement que l’assiette salariale du secteur privé (+ 3,9 %), grevées par les allègements généraux. Par ailleurs, la contribution sociale généralisée augmenterait aussi de 3,8 %, en ligne avec cette même assiette et soutenue par la forte revalorisation des pensions de retraite qui tire les revenus de remplacement (+ 4,5 %). Les produits de la TVA progresseraient de 4,4 % du fait de l’inflation, alors que les taxes sur le tabac ne croîtraient que de 1,8 %.

Charges nettes de la Caisse nationale de l’assurance maladie
en 2023 et 2024 (hors mesures nouvelles)

(en milliards d’euros)

 

2023 (p)

2024 (p)

Évolution (%)

Total charges nettes

242,0

251,5

+ 3,9 %

Prestations sociales nettes

223,6

233,4

+ 4,4 %

Prestations ONDAM nettes « maladie-maternité »

209,9

219,2

+ 4,5 %

Prestations légales « maladie » nettes

204,8

214,0

+ 4,5 %

-          Soins de ville (prestations en nature, IJ)

101,6

107,2

+ 5,5 %

-          Établissements

103,1

106,7

+ 3,5 %

Prestations légales « maternité » nettes

4,3

4,5

+ 3,9 %

Soins des Français à l’étranger

0,8

0,8

+ 0,9 %

Prestations hors ONDAM nettes « maladie-maternité »

(IJ maternité, IJ paternité, prestations invalidité, soins des étrangers en France, action sociale et actions de prévention, autres prestations nettes)

13,7

14,2

+ 3,7 %

Transferts nets

11,4

10,9

– 4,5 %

Charges de gestion courante

6,9

6,9

+ 0,6 %

Autres charges nettes

0,2

0,3

 

Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

III.   À moyen terme, Une augmentation SOUTENUE des dÉpenses de la branche

Les dépenses de la branche maladie continueraient d’augmenter à moyen terme pour atteindre 274 milliards d’euros en 2027. Le déficit se stabiliserait entre 9 et 10 milliards d’euros par an. Les recettes fiscales et les cotisations croîtraient plus vite que l’Ondam envisagé, de 3,0 % en 2025 et 2,9 % ensuite, y compris dépenses de crise.

Évolution des prÉvisions de dÉpenses ET DE RECETTES de la branche maladie

(en milliards d’euros)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Recettes

221,2

234,1

242,7

249,4

257,0

264,4

Dépenses

242,2

243,7

251,9

259,4

266,7

274,0

Solde

– 21,0

– 9,5

– 9,3

– 10,0

– 9,7

– 9,6

Source : annexe A du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

 

*

*     *


Article 43
Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs pour 2024

Cet article vise à fixer l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour l’année 2024, ainsi que les six sous-objectifs qui le composent.

Le présent article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ([429]). De l’ensemble des objectifs de dépense que la loi de financement doit obligatoirement fixer, l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) est le seul objectif ad hoc qui ne correspond pas à une branche précise. Il couvre des dépenses réparties dans plusieurs branches. Il tient une place particulière depuis la création des lois de financement en 1996, en ceci qu’il témoigne de l’effort de la nation en faveur des dépenses de santé.

Sa répartition en fonction de plusieurs sous-objectifs permet d’affiner la répartition de cet effort tout en contribuant à une information plus lisible du législateur social financier, à qui il revient d’approuver l’objectif global et l’ensemble des sous-objectifs.

  1.   Un ONDAM pour 2024 EN HAUSSE de 3,2 % ([430])

L’Ondam pour 2024 est fixé à 254,7 milliards d’euros, soit une évolution de + 3,2 % par rapport à l’objectif 2023 rectifié par le présent projet de loi, hors dépenses de crise. Cela représente une augmentation de 8 milliards d’euros à champ constant par rapport à 2023, et de plus de 54 milliards d’euros par rapport à 2019.

En intégrant les dépenses de crise, la hausse de l’Ondam pour 2024 s’élève à + 2,9 % (contre – 0,8 % l’an dernier). Pour mémoire, l’Ondam 2023 rectifié par le présent projet de loi est fixé à 247,6 milliards d’euros.

Dans les deux cas, les taux d’évolution de l’Ondam sont supérieurs à l’inflation prévue pour 2024 (2,5 %) ([431]), témoignant ainsi de la volonté de la majorité d’investir dans la modernisation du système de santé et de soutenir les professionnels de santé.


ÉVOLUTION DE L’ONDAM ENTRE 2019 ET 2024

 

(en milliards d’euros)

Source : annexe V du PLFSS 2024.

Les dépenses retracées dans l’Ondam 2024 devraient représenter 8,7 % du PIB selon l’annexe 5 du présent projet de loi, contre 8,2 % en 2019, ce chiffre ayant été quasiment stable pendant la décennie 2010-2019. Cette évolution est liée à la baisse du PIB sous l’effet de la crise sanitaire et aux dépenses exceptionnelles engagées pour faire face à celle-ci puis aux dépenses pérennes liées au Ségur de la santé en particulier.

● L’annexe 5 au présent projet de loi présente les modalités de construction de l’Ondam 2024. Celui-ci prend en compte :

– une évolution spontanée de l’Ondam (+ 2,8 points) ([432]), prenant notamment en compte l’évolution de la consommation de soins et des produits de santé et la régulation également « spontanée » propre à l’Ondam (maîtrise médicalisée, lutte contre la fraude) ;

– les effets de l’inflation (+ 0,4 point) sur les achats des établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que les mesures salariales du 12 juin 2023 ;

– des dépenses supplémentaires (+ 1,4 point) au titre de la vie conventionnelle en ville, de la trajectoire spécifique des produits de santé décidées dans le cadre du conseil stratégique des industries de santé (CSIS), des mesures contre la précarité menstruelle ainsi que des mesures nouvelles dans les établissements de santé et médico-sociaux ;

– des dépenses supplémentaires (+ 0,2 point) au titre des mesures devant permettre d’augmenter l’attractivité des métiers en établissement ;

– de moindres dépenses du Ségur de la santé liées au début de l’arrivée à échéance de certains crédits relatifs à l’investissement (– 0,1 point) ;

 des mesures de régulation et d’économies (– 1,4 point).

Ainsi, selon l’annexe 5, la progression tendancielle de l’Ondam s’établirait à 4,6 % hors dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire. La prise en compte des mesures de régulation et d’économies (hors maîtrise médicalisée) ramène le taux d’évolution de l’Ondam à 3,2 %.

À titre de comparaison avec les références d’avant‑crise (2,3 % de hausse en moyenne sur 2010-2019), l’Ondam, hors dépenses liées à la crise et apuré des effets exceptionnels du contexte inflationniste, serait ainsi, selon l’annexe 5, en progression de 2,5 % en 2024, soit un rythme un peu plus dynamique que celui observé lors de la décennie passée. Cette dynamique peut notamment s’expliquer par l’impact des mesures d’attractivité en établissement, qui joue pour 0,2 point.

● L’Ondam 2024 intègre une provision d’un montant de 0,2 milliard d’euros pour faire face aux dépenses liées à la crise sanitaire, soit un montant nettement inférieur aux années précédentes (0,9 milliard d’euros prévu pour 2023 par le présent projet de loi, 10,5 milliards d’euros de dépenses engagées en 2022). Cette provision intègre 0,1 milliard d’euros de dotation à Santé publique France afin de permettre d’honorer les contrats de livraison de vaccins déjà signés et 0,1 milliard d’euros sur les soins de ville, permettant de financer d’éventuels surcoûts persistants au titre du dépistage, d’indemnités journalières ainsi que de la rémunération d’effecteurs de la vaccination.

Le faible montant de cette provision et la convergence, qui en découle, des montants de l’Ondam avec ou sans les dépenses liées à la crise sanitaire soulignent que le présent PLFSS se fonde sur l’hypothèse selon laquelle la covid-19 est désormais endémique. En fin de compte, l’Ondam 2024 serait en progression de 2,9 % en tenant compte des dépenses liées à la crise sanitaire, qui seront donc en net recul.

● Le présent projet de loi prévoit 3,5 milliards d’euros d’économies en 2024 afin d’améliorer l’efficience et la pertinence des dépenses de l’assurance maladie et garantir ainsi leur soutenabilité. Ces économies, détaillées à l’annexe 5, se décomposent ainsi :

 des mesures de régulation sur les médicaments et les dispositifs médicaux (1,3 milliard d’euros, dont 1 milliard en ville), portant principalement sur des baisses de prix des médicaments et des dispositifs médicaux (1,0 milliard d’euros) et, dans une moindre mesure, sur la régulation des volumes de médicaments (0,3 milliard d’euros, en plus des efforts de maîtrise médicalisée) ;

– des mesures de transfert de dépenses et de responsabilisation des assurés (1,3 milliard d’euros), qui comprennent notamment l’effet en année pleine de la modification du ticket modérateur sur les soins dentaires, le taux de remboursement par l’assurance maladie obligatoire étant passé depuis le 1er octobre dernier de 70 % à 60 % ;

 des mesures visant à optimiser les dépenses des établissements de santé (0,6 milliard d’euros), c’est-à-dire à développer les modes de prise en charge innovants et plus efficients, en accroissant les alternatives aux hospitalisations, à améliorer l’efficience des achats hospitaliers en favorisant les mutualisations et la gestion commune d’activités transversales, à assurer la régulation de l’intérim médical ou à permettre la réallocation de certaines aides à l’investissement des établissements de santé ;

 des mesures d’efficience et de régulation tarifaire sur certains secteurs des soins de ville (0,3 milliard d’euros) tels que la biologie médicale, conformément au protocole signé entre la Cnam et les représentants des biologistes, la modification du financement des produits de contraste ou des mesures portant sur le secteur des transports sanitaires notamment au travers du développement des transports partagés.

II.   DES sous-objectifs essentiellement EN HAUSSE

Les montants et les taux d’évolution de l’Ondam pour 2024 (y compris mesures liées à la crise) ainsi que de l’ensemble de ses sous-objectifs au regard de l’Ondam 2023 rectifié par l’article 2 du présent projet de loi se présentent ainsi :

Évolution de l’ONDAM et de ses sous-objectifs entre 2023 et 2024

(en milliards d’euros)

 

Ondam 2023 rectifié

(PLFSS 2024)

Ondam 2024 (PLFSS 2024)

Évolution Ondam 2023 rectifié / Ondam 2024

Dépenses de soins de ville

105

108,4

+ 3,4

(+ 3,2 %)

Dépenses relatives aux établissements de santé

102,5

105,6

+ 3,1

(3,0 %)

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées

15,5

16,3

+ 0,8

(+ 5,2 %)

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées

14,7

15,2

+ 0,5

(+ 3,4 %)

Dépenses relatives au fonds d’intervention régional (FIR) et au soutien national à l’investissement

6,5

6,1

 0,4

(– 6,2 %)

Autres prises en charge

3,4

3,3

 0,1

(– 2,9%)

Total

247,6

254,9

+ 7,3

(+ 2,9 %)

Source : PLFSS 2024.

 

A.   Un sous-objectif « soins de ville » en hausse de 3,5 %

Le sous-objectif « soins de ville » est fixé à hauteur de 108,4 milliards d’euros, en hausse de 3,5 % hors dépenses de crise. Ce taux est ramené à 3,2 % en les intégrant, par rapport au sous-objectif rectifié par le présent projet de loi. Ce sous-objectif comprend une provision de 0,1 milliard d’euros au titre des dépenses de crise.

La construction de ce sous-objectif est basée sur une évolution spontanée des dépenses de 4,3 % pour 2024 (hors impact de la crise et du Ségur), qui s’explique notamment par l’accélération des dépenses de produits de santé et une dynamique plus forte sur les indemnités journalières. Il intègre en outre :

 les revalorisations conventionnelles et les mesures nouvelles en ville (1,6 milliard d’euros) ;

– des mesures de régulation (2,5 milliards d’euros), qui s’ajoutent à celles correspondant aux actions de maîtrise médicalisée déjà intégrées à la progression spontanée. Il s’agit :

– de mesures tarifaires sur les offreurs de soins en ville (biologistes, produits de contrastes et régulation des transports sanitaires), qui généreraient 0,3 milliard d’euros d’économies ;

– de mesures de régulation sur les produits de santé (1,0 milliard d’euros d’économies) : baisses de prix des médicaments et des dispositifs médicaux (0,7 milliard d’euros), maîtrise des volumes des médicaments remboursés (0,2 milliard d’euros), etc.

– de mesures de transfert de dépenses aux autres financeurs des dépenses de santé et de mesures de responsabilisation des assurés, pour un montant de 1,2 milliard d’euros au total, avec notamment l’effet année pleine de la mise en œuvre de la modification du ticket modérateur pour les soins dentaires (cfsupra).

B.   Un sous-objectif « Établissements de santé » en hausse de 3,2 %

Le sous-objectif « établissements de santé » est fixé à hauteur de 105,6 milliards d’euros, en hausse de 3,2 % hors dépenses de crise. Ce taux est ramené à 3,0 % en les intégrant, par rapport au sous-objectif rectifié par le présent projet de loi.

Ainsi 3,3 milliards d’euros supplémentaires sont prévus dans ce sousobjectif (hors dépenses de crise). Ils se répartissent de la manière suivante :

– 1,56 milliard d’euros liés à l’évolution courante des ressources des établissements en tenant compte de l’inflation ;

 0,74 milliard d’euros de mesures nouvelles contenues dans le présent projet de loi ;

– 0,44 milliard d’euros liés au financement de mesures en faveur de l’attractivité et de la permanence des soins en établissement de santé (PDSES) ;

– 0,4 milliard d’euros pour le financement des mesures de juillet 2023 en faveur du pouvoir d’achat.

C.   Un ONDAM mÉdico-social En hausse de 4,0 %

L’Ondam médico-social – ou objectif global de dépenses (OGD) – est fixé à hauteur de 31,5 milliards d’euros en 2024, dont 16,3 milliards d’euros (+ 5,2 %) au titre du sous-objectif sur les dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées et 15,2 milliards d’euros (+ 3,4 %) au titre du sous-objectif sur les dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées. Hors dépenses de crise, ces deux sous-objectifs sont respectivement en hausse de 4,6 % et 3,4 %, soit 4,0 % au global. Ces augmentations sont supérieures à celle de l’Ondam global comme lors des derniers exercices, témoignant de l’engagement du Gouvernement et de la majorité dans un effort spécial en faveur du secteur médico-social.

Hors impact lié à l’effet année pleine des mesures salariales du 12 juin 2023 (0,2 milliard d’euros), l’OGD traduit un engagement financier supplémentaire de 1,0 milliard d’euros en faveur de la prise en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Ces dépenses supplémentaires permettent de poursuivre le virage domiciliaire (création de nouvelles places de Ssiad), de financer la hausse du taux d’encadrement dans les Ehpad, des installations de places et la mise à disposition de solutions nouvelles dans les établissements pour personnes handicapées (dont les mesures prises dans le cadre de la Conférence nationale du handicap d’avril 2023), ainsi que les dépenses nouvelles liées au contexte d’inflation persistant.

D.   DES sous-objectifS relatifS À l’investissement et aux « autres prises en charge » EN BAISSE

● L’objectif relatif aux dépenses relatives au fonds d’intervention régional (FIR) et au soutien national à l’investissement est fixé à 6,1 milliards d’euros, en baisse 0,3 milliard d’euros par rapport au sous-objectif rectifié par le présent projet de loi, soit – 6,2 % (– 4,7 % hors dépenses de crise). Cette décroissance s’explique par :

– une baisse des dépenses au titre du Ségur de la Santé (– 0,2 milliard d’euros), du fait du début de l’arrivée à échéance de certains crédits d’investissement immobiliers des établissements médico-sociaux ainsi que du numérique en santé ;

– le caractère non pérenne du fonds d’urgence pour les établissements médico-sociaux en difficulté, déployé en 2023 via le FIR dans le cadre d’un transfert depuis l’OGD médico-social, diminuerait les dépenses du sous-objectif à hauteur de – 0,1 milliard d’euros ;

– une diminution des besoins de financement des projets d’investissements compte tenu de l’échéancier des projets (– 0,2 milliard d’euros) ;

– un niveau de mesures nouvelles de 140 millions d’euros financé au sein du FIR et 65 millions d’euros de mesures nouvelles d’investissement hors Ségur financées via le soutien national à l’investissement (SNI).

● Le sixième sous-objectif, qui se rapporte aux « autres prises en charge », est quant à lui fixé à 3,3 milliards d’euros pour 2024, en baisse de 0,1 milliard d’euros, soit – 2,9 %.

Hors dépenses de crise, il est toutefois en hausse de 4,6 % afin de prendre en compte le financement des mesures nouvelles, l’augmentation du recours aux soins des Français à l’étranger ainsi que le financement de nouvelles missions confiées aux opérateurs et fonds financés par les dépenses d’assurance maladie – Santé publique France, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Article 44
Dotations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert au titre de la sousdéclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, et dépenses liées aux dispositifs de prise en compte de la pénibilité

Cet article fixe les montants, pour l’année 2024, des dotations de la branche AT-MP au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Il prévoit également le montant du tranfert au bénéfice de la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles.

Il détermine enfin le montant des dépenses engendrées par les dispositifs de retraite anticipée pour incapacité permanente et par le compte professionnel de prévention (CPP).

I.   Les dotations aux fonds destinÉs À l’indemnisation et À la prise en charge des victimes de l’amiante

Les I et II du présent article déterminent les montants des dotations aux fonds destinés à l’indemnisation et à la prise en charge des victimes de l’amiante.

A.   Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), établissement public national à caractère administratif, assure la réparation intégrale des préjudices des victimes de l’amiante et de leurs ayants droit.

Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva)

Le Fiva a été mis en place par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il prend en charge l’indemnisation, en réparation intégrale de leurs préjudices, des personnes atteintes de maladies liées à l’amiante, qu’elles aient été contractées ou non dans un cadre professionnel.

Le fonds indemnise les maladies d’origine professionnelle occasionnées par l’amiante reconnues par la sécurité sociale, les maladies spécifiques figurant dans l’arrêté du 5 mai 2002 ([433]) pour lesquelles le constat vaut justification de l’exposition à l’amiante, et enfin toute maladie dont le lien avec une exposition à l’amiante est reconnu par le Fiva après analyse par la commission d’examen des circonstances de l’exposition à l’amiante.

Le Fonds instruit les dossiers et verse les indemnisations selon un barème qui se décompose en deux parties : l’indemnisation des préjudices patrimoniaux et l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux.

Les comptes du Fiva sont distincts de ceux de la Caisse nationale d’assurance maladie, qui le finance par la dotation prévue au présent article.

Les ressources du Fiva sont constituées pour l’essentiel d’une dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP), et subsidiairement d’une dotation de l’État correspondant à l’exercice d’une solidarité nationale à l’égard des victimes non-professionnelles – environnementales, familiales, etc. S’y ajoutent le produit des actions engagées par le Fiva au titre de la faute inexcusable de l’employeur ainsi que les reprises sur provisions.

 En 2023, la dotation de la branche AT-MP au Fiva s’est établie à 220 millions d’euros et celle de l’État, à 8 millions d’euros. Ces montants sont similaires à ceux prévus pour les années 2020, 2021 et 2022. Le Fonds a par ailleurs perçu 30 millions d’euros au titre des recettes issues des recours subrogatoires sur le fondement de la faute inexcusable de l’employeur.

Néanmoins, les dépenses du Fiva devraient significativement augmenter en raison du revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation dans deux arrêts du 20 janvier 2023 portant sur la nature de la rente versée par les organismes de sécurité sociale ([434]). Le résultat cumulé attendu fin 2023 présenterait un déficit de 86,2 milliards d’euros, ramenant le fonds de roulement à un niveau insuffisant de dépenses d’indemnisation fin 2023.

 En 2024, le montant de la dotation de la branche AT-MP est fixé au I du présent article à 335 millions d’euros (+ 115 millions d’euros). Cette hausse compense les dépenses liées au revirement de jurisprudence de la Cour de cassation. Si le nombre de demandes d’indemnisation devrait être stable par rapport à 2023, le montant total des dépenses est évalué à 431,5 millions d’euros, dont 363 millions d’euros au titre des seules dépenses d’indemnisation. Le fonds de roulement pourra être maintenu à un niveau prudentiel correspondant à un mois d’indemnisation, soit environ 30 millions d’euros.

B.   Le Fonds de cessation anticipÉe des travailleurs de l’amiante

Le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) finance l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), leurs cotisations d’assurance volontaire au titre des régimes de retraite de base et complémentaire et les dépenses supplémentaires supportées par les régimes de retraite de base au titre du maintien à 60 ans de l’âge de départ en retraite les concernant. Le fonds est financé par une contribution de la branche AT‑MP.

Le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA)

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 1999, 2000 et 2001 ont créé un dispositif de cessation anticipée d’activité ouvert à partir de 50 ans aux salariés du régime général atteints de maladies professionnelles liées à l’amiante ou ayant travaillé dans des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, du flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales. Le champ des salariés éligibles a été étendu aux dockers professionnels en 2000, aux personnels portuaires de manutention en 2002 et aux salariés agricoles en 2003.

Les allocations de cessation anticipée d’activité sont prises en charge par le FCAATA.

À la suite d’observations de la Cour des comptes dans le cadre de sa mission de certification des comptes du régime général, le FCAATA, fonds sans personnalité morale, est consolidé depuis 2012 dans les comptes de la branche AT-MP.

● Le II du présent article fixe la dotation de la branche AT‑MP du régime général au FCAATA pour l’année 2024 à 355 millions d’euros contre 337 millions d’euros en 2023. Cette hausse entend compenser un résultat net déficitaire en 2023 et un résultat cumulé déficitaire à hauteur de 6,7 millions d’euros.

La baisse tendancielle des dépenses du FCAATA est en cours depuis plusieurs années. Elle devrait se poursuivre en 2024 en raison de la décrue structurelle des effectifs de travailleurs ayant été exposés à l’amiante. En 2023, les dépenses afficheraient néanmoins un moindre repli (– 3,2 %) : les allocations ont bénéficié d’une revalorisation en 2022 et 2023, neutralisant partiellement la baisse tendancielle du nombre de personnes éligibles. Le total des charges est évalué à 354 millions d’euros pour 2023, face à une dotation de 337 millions d’euros.

En 2024, les charges au titre du FCAATA sont évaluées à 348 millions d’euros.

les charges liÉes aux fonds amiante dans les comptes de la cnam at mp

Capture 1

Source : rapport à la commission des comptes de la Sécurité sociale, résultats 2022 ; prévisions 2023 et 2024. Données fournies par la direction de la sécurité sociale (DSS).

II.   un transfert À la branche maladie du rÉgime gÉnÉral au titre de la sous-dÉclaration des accidents du travail et maladies professionnelles maintenu au même niveau

L’assurance maladie supporte des dépenses liées à des accidents ou à des affections dont l’origine est professionnelle, mais qui n’ont pas été déclarés tels. En compensation des sommes indûment mises à sa charge du fait de cette sous‑déclaration, la branche maladie du régime général bénéficie chaque année depuis 1997, conformément à l’article L. 176-1 du code de la sécurité sociale, d’un versement de la branche AT-MP.

La sous-déclaration des AT-MP, qui concerne principalement les maladies professionnelles ([435]), est une problématique prégnante, largement sous-estimée.

D’une part, il persiste du côté des employeurs des pratiques de dissimulation. Un certain nombre d’entre eux refusent de déclarer des accidents ou exercent des pressions sur certaines victimes afin qu’elles n’exposent pas leurs pathologies. On observe aussi des tentatives de pressions auprès des médecins de ville pour que ces derniers n’accordent pas d’arrêt de travail ou en limitent la durée.

D’autre part, les victimes d’AT-MP n’accomplissent parfois pas les démarches nécessaires de reconnaissance de maladie professionnelle, soit par méconnaissance des dispositifs existants, soit par crainte de perdre leur emploi ou de s’engager dans une procédure complexe.

Enfin, la sous-déclaration s’explique en partie par une formation insuffisante des médecins, insuffisamment sensibilisés aux questions de santé au travail dans leur formation. Le rapport de la commission d’évaluation de la sous‑déclaration de la Cour des comptes du 30 juin 2021 décrit ainsi la sensibilisation des professionnels de santé hospitaliers sur les enjeux AT-MP largement perfectible, malgré des progrès depuis 2017.

Terribles pour les salariés concernés, ces défauts de déclaration nuisent à la reconnaissance des risques professionnels et leur prévention.

 Au titre de l’année 2024, le transfert de la branche maladie à la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des AT-MP est fixé à 1,2 milliard d’euros. Ce montant, identique à celui prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, avait alors été augmenté de 100 millions d’euros par rapport aux années précédentes. Il correspond à la fourchette basse estimée par la commission d’évaluation de la sous-déclaration de la Cour des comptes. Cette commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes remet tous les trois ans au Parlement et au Gouvernement un rapport évaluant le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des AT- MP. La dernière commission, réunie au premier semestre 2021, a évalué ce montant dans une fourchette comprise entre 1,2 et 2,1 milliards d’euros.

Le rapporteur dénonce une forme d’hypocrisie dans le transfert « automatique » d’1,2 milliard d’euros à la branche maladie, qui revient à reconnaître ce phénomène aux conséquences désastreuses sans lui apporter de réponse suffisante. La sous-déclaration des maladies professionnelles demeure très sous-estimée. L’endiguer nécessite des mesures fortes.

III.   la dotation de la branche AT-MP au titre de la pÉnibilitÉ

La loi de financement de la sécurité sociale détermine le montant couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente ([436]) issu de la loi de 2010 sur les retraites ([437]) et celles engendrées par le compte professionnel de prévention (CPP).

Ces dispositifs sont financés par la branche AT-MP au moyen d’une majoration du taux de cotisation commune à toutes les entreprises, à savoir la majoration forfaitaire « M4 ».

La retraite pour incapacité permanente

Créée en 2010, la retraite pour incapacité permanente permettait à un salarié de partir en retraite avant l’âge de départ minimum normal (à 60 ans) :

– en cas d’incapacité permanente au moins égale à 20 % à la suite d’une incapacité professionnelle ;

– en cas d’incapacité permanente au moins égale à 20 % à la suite d’un accident de travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées à la suite d’une maladie professionnelle.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, l’âge de départ en retraite anticipée des assurés pour incapacité permanente pour une retraite à taux plein est possible :

– à partir de 60 ans lorsque l’incapacité permanente est d’au moins 20 % ;

– à partir de 62 ans lorsque l’incapacité permanente est de 10 à 19 %.

En outre aujourd’hui, seuls les assurés ayant une incapacité permanente au moins égale à 20 % doivent justifier que leur accident de travail a entraîné des lésions identiques à celles indemnisées à la suite d’une maladie professionnelle.

Le compte professionnel de prévention (CPP)

Un salarié exposé à des facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils bénéficie d’un compte professionnel de prévention (CPP) sur lequel il peut accumuler des points qui permettent d’obtenir une formation pour accéder à des postes moins exposés à la pénibilité, d’accéder à un temps partiel sans perte de salaire ou de partir plus tôt à la retraite en validant des trimestres de majoration de durée d’assurance vieillesse. Le financement du CPP se traduit par :

– un surcroît de dépenses d’actions de prévention à la charge de la branche AT‑MP, les salariés exposés à la pénibilité acquérant des points qu’ils peuvent utiliser pour se former ou travailler à temps partiel sans perte de rémunération ;

– un surcroît de transfert à la caisse nationale d’assurance vieillesse au titre de l’utilisation de points pour départ anticipé en retraite.

● Le IV fixe la contribution de la branche AT‑MP du régime général pour 2024 au titre des deux dispositifs de pénibilité à 191,7 millions d’euros contre 128,4 millions d’euros en 2023 :

95,7 millions d’euros au titre du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente ;

– 96 millions d’euros au titre du CPP.

Il fixe également la contribution de la branche AT‑MP du régime des salariés agricoles au titre des deux dispositifs de pénibilité à 9,6 millions d’euros contre 9 millions d’euros en 2023 :

– 9,1 millions d’euros au titre du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente, contre 8,5 millions d’euros en 2023 ;

– 0,5 million d’euros au titre du CPP, comme pour 2023.


Article 45
Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) pour l’année 2024, tels qu’ils résultent des mesures contenues dans la troisième partie du présent projet de loi, à 16 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de base obligatoires.

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche AT-MP, tous régimes confondus, pour l’année 2023 à hauteur de 16,0 milliards d’euros.

La première partie du présent commentaire se concentre sur les dépenses du régime général, en raison de leur prépondérance dans l’objectif de dépenses de la branche et des données disponibles.

Un objectif de dépenses se recoupant partiellement avec l’Ondam

L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) intègre les prestations de soins de la branche AT-MP (pour incapacité temporaire) mais ne prend pas en compte un certain nombre d’autres prestations, à savoir :

– les rentes servies aux victimes d’un accident du travail ou souffrant de maladies professionnelles en cas d’incapacité permanente ;

– les prestations versées aux victimes de l’amiante ;

– les actions de prévention du compte personnel de prévention.

La branche assure également des transferts (cf. commentaire de l’article 44), dont :

– un versement à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) destiné à couvrir le coût de la sous‑déclaration des AT-MP ;

– des dotations d’équilibre des branches AT-MP du régime des salariés agricoles, du régime des mines et du régime des marins ;

– la prise en charge du surcroît de dépenses, pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), de pensions liées aux départs anticipés au titre de l’amiante et de la pénibilité.

  1.   UNe branche toujours en excédent, malgré une baisse notable par rapport aux deux années précédentes

A.   Des excÉdents consolidÉs en 2022-2023

● En 2022, l’excédent de la branche AT-MP s’est établi à 1,7 milliard d’euros, en hausse de 0,4 milliard d’euros par rapport à 2021. Cette amélioration s’explique principalement par la hausse des produits nets de la CNAM-AT-MP (+ 7,3 %), portés par le dynamisme de la masse salariale du secteur privé, qui représente l’essentiel des ressources de la branche.

Les charges nettes de la branche ont elles aussi augmenté, mais dans une moindre mesure (+ 4,5 %), et ont été soutenues par la revalorisation anticipée des rentes au 1er juillet et le relèvement du transfert au titre de la sous-déclaration des accidents du travail (porté à 1,2 milliard d’euros).

● En 2023, l’excédent de la branche augmenterait à nouveau, pour s’établir à 1,9 milliard d’euros, sur l’ensemble du risque AT-MP, intégrant les comptes AT‑MP des autres régimes de base.

 S’agissant des dépenses, elles devraient augmenter de 7,0 % par rapport à l’année précédente.

Les prestations relevant du champ de l’Ondam seraient en nette hausse (+ 6,7 %), en raison du dynamisme des indemnités journalières (+ 9,1 %), dans le contexte de hausse des salaires et du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) en particulier. À l’inverse, les dépenses de soins de ville seraient en forte diminution (‑ 12,0 %), en raison de la baisse des dépenses liées au covid.

Les charges hors Ondam connaîtraient également une évolution à la hausse (+ 3,5 %), portée par les rentes pour incapacité permanente qui progresseraient fortement en raison d’une revalorisation moyenne de 3,6 %, tandis que les dépenses liées à l’amiante poursuivraient leur baisse tendancielle.

Les dépenses de la branche devraient également être grevées par la montée en charge du compte personnel de prévention (CPP) et la mise en place du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) issu de la loi de financement de rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 ([438]), qui s’élèverait pour 2023 à 30 millions d’euros et serait doté de 1 milliard d’euros en cinq ans.

Enfin, la hausse du transfert pour sous-déclaration, porté à 1,2 milliard d’euros, explique aussi l’augmentation des dépenses, de même que la compensation de la branche à l’Unedic des allégements généraux, via une affectation de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce solde déficitaire étant réparti sur les branches excédentaires (0,35 milliard d’euros pour la CNAM-AT en 2023).

– S’agissant des recettes, elles seraient dynamiques (+ 6,5 %) en raison de la hausse attendue de la masse salariale du secteur privé (+ 6,3 %). Cet excédent serait également porté par les produits financiers générés grâce aux excédents cumulés de la CNAM-AT-MP, qui s’élèveraient à 0,2 milliard d’euros, soit une contribution de + 1,2 point à l’évolution des produits.

En revanche, les produits de recours contre tiers devraient connaître une forte baisse (‑ 17 %), due aux conséquences de deux décisions rendues le 23 janvier 2023 ([439]) par la Cour de cassation, qui a jugé que les rentes versées ne réparent pas le déficit fonctionnel permanent des victimes. La Cnam ne peut donc plus aujourd’hui récupérer ces sommes auprès des employeurs, dans le cadre de la faute inexcusable de l’employeur (cf. article 39). Pour le rapporteur, il n’est pas possible de se satisfaire de cette situation dans laquelle la branche AT-MP doit assumer les conséquences financières des fautes inexcusables de l’employeur. Ce revirement de jurisprudence appelle à une refonte des modalités de mise à contribution de l’employeur, concerné au premier titre par les AT-MP en cas de faute de sa part.

B.   en 2024, avant mesures nouvelles, un excédent en net recul

 

En 2024, l’excédent de la branche AT-MP devrait s’infléchir, pour s’établir à 1,1 milliard d’euros.

– Avant mesures nouvelles, les dépenses progresseraient de 3,7 %, portées par la hausse des prestations relevant du champ de l’Ondam (+ 5,8 %), en raison d’indemnités journalières toujours dynamiques (+ 6,1 %).

Les prestations hors Ondam continueraient également de progresser (+ 3,6 %), sous l’effet de la revalorisation des rentes en moyenne annuelle (+ 3,9 % attendus) et de la montée en charge du CPP et du FIPU (70 millions d’euros consacrés à ce dernier), tandis que la baisse tendancielle des dépenses relatives à l’amiante ralentirait.

– À l’inverse, les recettes baisseraient de 0,9 %, en raison de la diminution du taux de cotisation de 0,12 point prévu par la LFRSS 2023 afin de neutraliser le coût pour les employeurs de la hausse symétrique du taux de cotisation vieillesse (les cotisations baisseraient de 1,5 %). Les charges liées au non-recouvrement seraient en légère baisse, parallèlement à la baisse des cotisations.

Évolution des charges et des produits nets de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (at-mp) tous régimes (2021-2024)
avant mesures nouvelles du plfss

Source : Rapport à la Commission des comptes de la Sécurité sociale, résultats 2022 ; prévisions 2023 et 2024. Données fournies par la direction de la sécurité sociale (DSS).

II.   Des objectifs de dépenseS pour l’année 2024 en légère hausse

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour l’ensemble des régimes obligatoires à 16 milliards d’euros, soit une augmentation de 0,7 milliard d’euros par rapport à 2023.

Cet objectif tient compte du transfert à la branche maladie au titre de la sous‑déclaration des AT-MP à hauteur de 1,2 milliard d’euros, de la dotation aux fonds destinés à l’indemnisation et à la prise en charge des victimes de l’amiante (Fiva) et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) (respectivement 335 et 355 millions d’euros), ainsi que du montant des dépenses engendrées par les dispositifs de retraite anticipée pour incapacité permanente et par le compte professionnel de prévention (191,7 millions d’euros).

III.   un solde en baisse à moyen terme, en raison de la diminution des cotisations

À partir de 2024, la branche verrait le niveau de ses cotisations baisser au bénéfice de la branche vieillesse, avec un pas supplémentaire en 2026, tout en restant excédentaire sur toute la période.

Évolution des prÉvisions de dÉpenses de la branche at-mp

(en milliards d’euros)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Recettes

16,2

17,2

17,1

17,7

17,6

18,4

Dépenses

14,5

15,3

16,0

16,6

16,9

17,3

Solde

1,7

1,9

1,2

1,2

0,8

1,1

Source : Annexe A du PLFSS 2024.

La baisse du solde s’explique également par de nouvelles dépenses liées à la montée en charge du CPP et du FIPU, dans le cadre de la réforme des retraites.

Le rapporteur souhaite alerter sur la viabilité de la branche AT-MP dans les années à venir, dans un contexte où les entreprises sont de moins en moins mises à contribution, tant par la hausse constante des exonérations que par la remise en cause de la faute inexcusable de l’employeur.

*

*     *


Article 46
Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2024

Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche vieillesse pour l’année 2024.

Les dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base en matière de retraites devraient s’élever à 293,7 milliards d’euros en 2024.

L’objectif de dépenses qui fait l’objet du présent commentaire constitue une disposition obligatoire au sens de la loi organique. La détermination d’objectifs de dépenses, bien que non contraignants, constitue l’une des raisons d’être des lois de financement.

Article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale

Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir, la loi de financement de l’année : [...]

 Fixe les objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que, le cas échéant, leurs sous-objectifs. La liste des éventuels sous-objectifs et le périmètre de chacun d’entre eux sont fixés par le Gouvernement après consultation des commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale ;

L’objectif de dépense de la branche vieillesse présente naturellement un caractère particulier, compte tenu du fait qu’il s’agit du premier poste de dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS). Compte tenu de la part que représentent les différents régimes au sein de cette branche, à la différence des branches famille ou autonomie, dans lesquelles le régime général constitue le seul régime de couverture de ces risques, l’évolution des dépenses tient à un grand nombre de mouvements parfois contraires.

I.   UNe hausse dynamique des dépenses, qui s’explique principalement par la revalorisation des pensions liée à l’inflation

● Après une relative stabilisation du déficit constaté en 2022 à hauteur de 3,9 milliards d’euros après 3,8 milliards d’euros en 2021, le solde de la branche vieillesse des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale devrait connaître une amélioration sensible pour l’année 2023. Le déficit des seuls régimes de base, hors Fonds de solidarité vieillesse (FSV), s’établirait à 1,9 milliard d’euros, soit une amélioration de 2 milliards d’euros par rapport à l’année précédente.

L’augmentation des dépenses serait de 4,4 %. Au regard des données contenues dans le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023, et comme les années précédentes, trois principaux facteurs expliquent cette augmentation de la dépense :

– la hausse des effectifs de retraités, résultant à la fois des progrès de l’espérance de vie et de l’effet démographique lié à l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du « baby‑boom ». Ce double effet dégrade le ratio démographique du système de retraite dans son ensemble ([440]). Il est ainsi passé d’1,6 cotisant pour un retraité au début des années 2000 à 1,3 cotisant pour un retraité aujourd’hui. Le relèvement progressif de l’âge légal au cours de la décennie 2010 a certes permis d’atténuer cet effet, mais il continue à jouer dans la hausse des dépenses des régimes obligatoires de retraite ([441]). De même, les mesures de report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans et d’accélération de la mise en œuvre du relèvement de la durée d’assurance résultant de la loi de financement rectificative pour 2023 n’exercent qu’un effet marginal sur l’année 2023 et ne produiront leurs pleins effets que dans quelques années ;

– l’effet de noria, qui s’explique par le fait que les nouveaux retraités liquident des pensions de retraites dont le montant est en moyenne plus élevé que celui retraités actuels du fait de carrières plus complètes, notamment chez les femmes, dont le taux d’emploi a progressivement augmenté ([442]) ;

– la revalorisation des pensions du fait de la forte inflation. Les règles d’indexation habituelle des pensions de retraite résultent en un décalage d’un an de la prise en compte de l’inflation sur le niveau des pensions et donc de sa répercussion sur les dépenses de retraites ([443]). S’agissant de l’exercice 2023, l’impact de l’inflation sur les dépenses a été lissé en partie sur l’année précédente du fait de la revalorisation anticipée des pensions de retraite de 4 % au 1er juillet 2022 ([444]). Cette anticipation a conduit à ce que les retraites ne soient revalorisées que de 0,8 % au 1er janvier 2023, ce qui explique que les dépenses ont crû moins vite qu’en 2022.

La répartition de ces effets entre les différents régimes varie, en fonction de la structure des populations à la retraite et de celles qui liquident leurs droits au moment de l’exercice 2023. Les effets susmentionnés ont un impact avant tout sur le régime général, les régimes alignés et les régimes de la fonction publique qui verraient leurs prestations augmenter respectivement de 5,1 % et 4,8 %. Au total, ces régimes sont responsables de 80 % de la croissance des prestations hors effet des revalorisations.

Les régimes spéciaux connaissent quant à eux une progression plus modérée des prestations légales de l’ordre de 2,3 % avec d’importantes disparités. Le régime de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) connaîtrait une augmentation de ses prestations de l’ordre de 3,9 % tandis que le régime des mines verrait les siennes diminuer de 3,2 %.

● L’augmentation des dépenses serait néanmoins plus que compensée par la hausse des recettes de 5,3 %. Au total, l’année 2023 marquerait un redressement relatif mais temporaire du solde de la branche vieillesse.

Les comptes de la branche vieillesse en 2022 et 2023

(en milliards d’euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

2022

259,4

263,3

– 3,9 

2023

273,1

275

– 1,9

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Ces prévisions prennent naturellement en compte les effets de la réforme des retraites adoptée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Ils se traduisent, à court terme, par une révision à la hausse des dépenses de l’ordre de 400 millions d’euros en 2023 essentiellement liée à la revalorisation du minimum contributif ([445]).

Elles intègrent également l’effet de la charge de transfert qui pèserait sur la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) au titre de la sous‑compensation de la réduction dégressive sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés affiliés à l’Agirc-Arrco et dont le montant devrait tripler pour atteindre 900 millions d’euros. En effet, comme cela est expliqué au commentaire de l’article 10, l’Agirc‑Arrco bénéficie d’une compensation « à l’euro près » des pertes de recettes provoquées par les exonérations de cotisations de retraite complémentaire applicables aux salaires compris entre 1 et 1,6 Smic ([446]). Cette compensation est versée par l’Urssaf Caisse nationale qui bénéficie pour ce faire, et depuis 2019, d’une affectation de TVA de l’ordre de 3 % soit environ 6,7 milliards d’euros pour 2024. Or le montant de TVA versé par l’État est aujourd’hui sous-calibré par rapport au montant de la compensation versée par l’Urssaf à l’Agirc‑Arrco. Selon les règles en vigueur, l’Urssaf Caisse nationale répercute cette sous-compensation sur le solde des branches du régime général, notamment l’assurance vieillesse.

II.   un objectif de dépenses en forte hausse qui explique une dégradation importante du déficit en 2024

A.   Des dépenses liées principalement à la forte revalorisation des prestations légales

● Les dépenses s’établiraient, en 2024, selon le présent article, à 293,7 milliards d’euros, en hausse de 18,7 milliards d’euros par rapport à 2023, correspondant à une augmentation de 6,8 %. Ces montants marquent une nette accélération des dépenses entre 2023 et 2024 :

Évolution des montants et de l’objectif de dépenses
de la branche vieillesse des ROBSS

(en milliards d’euros)

 

2020

2021

2022

2023 (rect.)

2024

Montants et objectifs des dépenses

246,1

250,5

263,3

275

293,7

Augmentation d’un exercice à l’autre (euros)

4,8

4,4

12,8

11,7

18,7

Augmentation d’un exercice à l’autre (pourcentage)

2 %

1,8 %

5,1 %

4,4 %

6,8 %

Source : annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et annexe A du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Note : le montant de dépenses pour l’année 2023 a été rectifié de 1,3 milliard d’euros par rapport à l’objectif voté en loi de financement rectificative pour 2023.

● L’augmentation des dépenses tient au maintien d’un niveau d’inflation élevé. En effet, les pensions de retraite sont indexées sur l’inflation en application de l’article L. 161‑23‑1 du code de la sécurité sociale. Cette indexation entraînera ainsi une revalorisation des pensions de 5,2 % au 1er janvier 2024. Selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, la revalorisation des pensions de retraites contribuerait ainsi à plus de 75 % à la hausse totale des dépenses de retraite (+ 6,9 %) ([447]).

L’effet noria, dont le rapporteur rappelle qu’il est causé par le fait que les pensions liquidées par les assurés augmentent au fil des générations du fait d’une amélioration des carrières et des salaires, représenterait 0,5 point de la hausse des prestations. L’effet volume lié à l’accroissement des effectifs de retraités en expliquerait quant à lui 1,1 point, en baisse par rapport à 2023, ce qui reflète les premiers effets de la réforme des retraites qui, par le report de l’âge de départ à la retraite et l’accélération du relèvement de la durée d’assurance, se traduisent par un moins grand nombre de personnes qui partent à la retraite chaque année.

B.   Une dégradation des déficits dès l’année 2024

● L’augmentation des dépenses pour 2024 serait supérieure au rythme d’accroissement des recettes pourtant particulièrement dynamique puisqu’estimé à + 5,3 %. Cet écart dans la progression entraîne un creusement du déficit de près de 4 milliards d’euros en 2024 (pour un solde de – 5,9 milliards d’euros).

Le rapporteur pour la branche vieillesse ne peut naturellement que se féliciter que les pensions fassent l’objet d’une revalorisation afin de rattraper l’inflation galopante des dernières années. La situation n’en apparaît pas moins préoccupante puisque le déficit de la branche vieillesse continuerait de se dégrader fortement jusqu’en 2027, date à laquelle il pourrait atteindre 14 milliards d’euros en incluant les économies de 6,3 milliards d’euros induites par la réforme des retraites à cet horizon.

Évolution des recettes, dépenses et solde de l’assurance vieillesse (ROBSS)

(en milliards d’euros)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Recettes

259,4

273,1

287,8

296,5

304,5

311,5

Dépenses

263,3

275

293,7

305,8

315,9

325,4

Solde

– 3,9

– 1,9

– 5,9

– 9,3

– 11,4

– 13,9

 Source : annexe A du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Évolution du solde de l’assurance vieillesse (ROBSS)

(en milliards d’euros)

 Source : annexe A du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Le propre des réformes des retraites est qu’elles produisent leurs effets sur des périodes relativement longues. Aussi, le solde de la branche vieillesse devrait s’améliorer au fur et à mesure de la montée en charge du report de l’âge d’ouverture des droits et de l’accélération du relèvement de la durée d’assurance. Par ailleurs, on notera que le solde du système de retraite dans son ensemble – base et complémentaire – bénéficie d’une situation financière plus favorable.

Cela étant rappelé, le rapporteur pour la branche vieillesse ne peut s’empêcher d’appeler à la mise en œuvre de mesures permettant un assainissement de la situation financière de la branche vieillesse des ROBSS à court‑terme, notamment afin d’assurer que tous les régimes de retraite participent à la solidarité du système de retraite. À défaut, la branche vieillesse continuera de contribuer au creusement de la dette sociale.

*

*     *


Article 47
Objectifs de dépenses de la branche famille

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche famille de la sécurité sociale à 58 milliards d’euros.

I.   Le solde de la branche famille reste positif, malgrÉ une diminution de son excÉdent constatÉe depuis 2022

A.   En 2022 et en 2023, l’excÉdent de la branche famille a diminuÉ

En 2022, la branche famille a connu un excédent de 1,9 milliard d’euros, en recul de 1 milliard d’euros par rapport à 2021. Cette diminution de l’excédent s’explique par un transfert, ponctuel, de taxe sur les salaires à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) visant à lui compenser le coût des indemnités journalières dérogatoires pour garde d’enfant durant la période d’épidémie, et par la revalorisation de 50 % de l’allocation de soutien familial (ASF) au 1er novembre 2022.

En 2023, l’excédent de la branche famille s’établirait à 1 milliard d’euros, soit une diminution de 0,9 milliard d’euros par rapport à 2022.

1.   Les dépenses de la branche famille en 2023

Les dépenses de la branche famille en 2023 s’établiraient à 56 milliards d’euros, en progression de 9 % par rapport à 2022.

● Cette hausse tient d’abord à l’augmentation, à hauteur de 1,76 milliard d’euros (+ 5,7 %) des prestations légales nettes de la branche en raison :

– de l’effet en année pleine de la revalorisation, à hauteur de 50 %, de l’allocation de soutien familial (ASF) au 1er novembre 2022 ;

– des revalorisations légales des prestations du fait de l’inflation, qui correspondent à l’effet en année pleine de la revalorisation anticipée de 4 % au 1er juillet 2022 et de la revalorisation supplémentaire de 5,6 % au 1er avril 2023 ;

– de la croissance des prestations familiales de 0,1 % en volume, sous l’effet d’une baisse de la natalité compensée par une hausse du recours aux micro-crèches jouant à la hausse sur les dépenses du complément de mode de garde (CMG) ;

– d’un effet de seuil lié à la hausse des revenus constatée en 2021, supérieure à l’augmentation du plafond de ressources ouvrant droit aux prestations familiales opérées en 2023, qui conduit un certain nombre d’allocataires à perdre le droit aux prestations familiales, ou à voir le montant de leurs allocations familiales diminuer du fait d’un franchissement des seuils.

● Les prestations extralégales nettes connaissent également une progression, à hauteur de 318 millions d’euros (+ 4,9 %) entre 2022 et 2023, bien que moins importante que celle constatée l’année précédente (+ 10,9 %). Cette augmentation résulte notamment :

– des premières dépenses découlant de la réforme du service public de la petite enfance, qui a pour objectif la création de 35 000 places en crèches à horizon 2027 ;

– de la revalorisation à hauteur de 6,7 % de la prestation de service unique (PSU) ;

– de la revalorisation à hauteur de 4,1 % en moyenne des autres prestations de services finançant les autres équipements ;

– de la baisse des dépenses d’action sociale de la MSA par rapport à 2022 en lien avec le repli des mesures en faveur des agriculteurs au titre des épisodes de gel et du renchérissement du coût de l’énergie.

● Les transferts à la charge de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) augmenteraient également de près de 2,5 milliards d’euros (+ 22,2 %) principalement sous l’effet :

– du transfert pérenne du coût des indemnités journalières liées au congé maternité post-natal à la Cnaf, pour 2 milliards d’euros ;

– de l’impact pour la branche du solde négatif de la compensation à l’Unedic des allégements généraux au travers d’une affectation de TVA à l’Acoss, pour 0,2 milliard d’euros ;

– de l’effet de l’inflation sur les dépenses d’assurance vieillesse du parent au foyer (APVF) et sur la revalorisation des pensions de retraite bénéficiant de majorations pour enfants.

2.   Les recettes de la branche famille en 2023

Les recettes de la branche famille s’établiraient à 57 milliards d’euros en 2023, en hausse de 7 % par rapport à 2022. Cette augmentation résulterait :

– de la hausse de la taxe sur les salaires, résultant du contrecoup de l’ajustement ponctuel de sa quote-part en 2022 ;

– de la croissance des cotisations et des recettes de CSG nettes des charges liées au non‑recouvrement, sous l’effet hausse progressive du salaire moyen par tête et de la revalorisation des pensions dans un contexte d’inflation.

B.   En 2024, avant mesures nouvelles, le solde de la branche famille poursuivrait sa diminution

En 2024, avant mesures nouvelles du PLFSS, l’excédent de la branche famille poursuivrait sa diminution, à hauteur de – 0,1 milliard d’euros, et s’établirait à 0,9 milliard d’euros.

1.   L’évolution des dépenses de la branche famille en 2024

Les dépenses de la branche famille s’établiraient à 58 milliards d’euros en 2024, en progression de 2 milliards d’euros par rapport à 2023 (+ 3,6 %).

● Les prestations légales nettes progresseraient de plus de 1 milliard d’euros (+ 3,3 %) sous l’effet :

– d’une nouvelle revalorisation de 4,6 % au 1er avril 2024 compte tenu de l’inflation constatée en 2023 ;

– d’une évolution plus faible du Smic sur 2024 qui viendrait minorer les dépenses associées au complément de libre choix du mode de garde (CMG) ;

– d’une légère reprise des naissances (+ 0,2 %) qui pèserait sur la dynamique en volume.

● Concernant les prestations extralégales nettes, on constaterait une augmentation de 400 millions d’euros (+ 6 %) entre 2023 et 2024 en raison :

– de la montée en charge des investissements en faveur du service public de la petite enfance ;

– de l’extinction des mesures en faveur des agriculteurs au titre des épisodes de gel et du renchérissement des coûts de l’énergie.

● Enfin, les transferts à la charge de la Cnaf connaîtraient une progression de 471 millions d’euros (+ 3,5 %) sous l’effet :

– des majorations des pensions de retraite pour enfants à charge (+ 6 %) ;

– d’une augmentation des dépenses d’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) à hauteur de 2,2 %, en lien avec l’évolution du Smic ;

– d’une baisse du transfert versé à l’Acoss au titre de la sous-compensation à l’Unedic des allégements généraux.

2.   L’évolution des recettes de la branche famille en 2024

Les recettes de la branche famille s’établiraient à 58,9 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 1,9 milliard d’euros (+ 3,3 %) par rapport à 2023. Cette progression modérée résulterait :

– d’un ralentissement de l’augmentation des cotisations sociales (+ 3,5 % en 2024 après + 4,9 % en 2023) en lien avec la décélération de l’augmentation de la masse salariale du secteur privé ;

– d’une croissance tendancielle des impôts et taxes (+ 3,3 %) principalement tirées par la taxe sur les salaires (+ 3,5 %).

Évolution des dÉpenses et des recettes de la branche famille entre 2022 et 2024

 

2022

2023 (p)

2024 (p)

 

Montant (M€)

Montant (M€)

Évolution 2023/2022 (M€)

Évolution 2023/2022

Montant

Évolution 2024/2023 (M€)

Évolution 2024/2023

Dépenses

51 367

56 006

4 639

9,0 %

58 028

2 022

3,6 %

Prestations sociales

37 233

39 309

2 076

5,6 %

40 804

1 495

3,8 %

dont prestations légales nettes

30 796

32 554

1 758

5,7 %

33 644

1 090

3,3 %

dont prestations extralégales nettes

6 437

6 755

318

4,9 %

7 161

406

6,0 %

Transferts

11 116

13 584

2 468

22,2 %

14 055

471

3,5 %

Charges de gestion courante

2 962

3 093

131

4,4 %

3 150

57

1,8 %

Autres charges nettes

56

20

– 36

– 64,3 %

20

Recettes

53 295

57 024

3 729

7,0 %

58 901

1 877

3,3 %

Cotisations, contributions, impôts et taxes nets

52 424

56 084

3 660

7,0 %

57 877

1 793

3,2 %

Transferts reçus nets

221

204

– 17

– 7,7 %

212

8

3,9 %

Autres produits nets

650

736

86

13,2 %

812

76

10,3 %

SOLDE

1 928

1 019

– 909

– 47,1 %

873

– 146

– 14,3 %

Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

II.   Les objectifs de dÉpenses de la branche famille progressent en 2024

L’article 47 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe les objectifs de dépenses de la branche famille pour l’année 2024 à 58 milliards d’euros, en hausse de 2,7 milliards d’euros par rapport à 2023.

L’annexe A du présent projet de loi prévoit qu’en 2024, le solde de la branche famille se dégraderait en lien avec la montée en charge du service public de la petite enfance. Une nouvelle diminution serait constatée en 2025 avec l’application de la réforme du complément de libre choix du mode de garde introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

En revanche, à horizon 2027, l’excédent de la branche se reconstituerait en partie et s’établirait à 1,7 milliard d’euros.


Article 48
Objectifs de dépenses de la branche autonomie

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche autonomie de la sécurité sociale à 39,9 milliards d’euros pour l’année 2024.

I.   Le solde de la branche autonomie

A.   Entre 2022 et 2023, le solde de la branche autonomie se dégraderait fortement

En 2022, le solde de la branche autonomie était positif, avec un excédent de 240 millions d’euros, en recul de 14 millions d’euros par rapport à 2021.

L’année 2022 avait ainsi été marquée par une forte progression des dépenses, à hauteur de 8 %, qui s’expliquait principalement par l’extension des revalorisations des accords du « Ségur de la santé » à l’ensemble des établissements médico-sociaux et aux professionnels de la filière socio-éducative, ainsi que par le financement de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique à hauteur de 3,5 % à compter du 1er juillet 2022. Les transferts aux départements avaient également nettement augmenté (+ 14,1 %) en raison de la refonte du financement des services d’aide à domicile dans le cadre du virage domiciliaire, et du fait de la nouvelle prestation de compensation du handicap parentalité (PCH parentalité).

Les recettes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) avaient également été dynamiques (+ 7,9 %), les produits de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution solidarité autonomie (CSA) étant tirés par le dynamisme de la masse salariale du secteur privé et par l’affectation à la branche d’une fraction supplémentaire de la taxe sur les salaires.

En 2023, la branche autonomie devrait connaître un déficit de 1,1 milliard d’euros, soit une dégradation du solde à hauteur de 1,4 milliard d’euros.

1.   Les dépenses de la branche autonomie en 2023

En 2023, les dépenses de la branche autonomie s’établiraient à 37,9 milliards d’euros, en progression de 2,7 milliards d’euros (+ 7,7 %).

● Les dépenses de prestations financées par la branche autonomie augmenteraient de 2 milliards d’euros (+ 7,1 %) en 2023 par rapport à 2022, principalement sous l’effet :

– du dynamisme des dépenses (+ 7 %) de l’objectif global de dépenses (OGD) en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, qui représenteraient 30,2 milliards d’euros en 2023 ;

– de la croissance tendancielle (+ 7 %) de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), dont le montant total s’établirait à 1,5 milliard d’euros.

● Les transferts versés par la CNSA connaîtraient une croissance dynamique, mais moindre qu’en 2022 (+ 11,3 % en 2023 contre + 21,6 % en 2022), et s’établiraient à près de 6 milliards d’euros. Cette progression s’explique notamment par :

– la prise en charge, à partir de 2023, de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF), auparavant financée par la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), et des cotisations des aidants ayant dû cesser leur activité (AVA) ;

– l’augmentation des subventions aux fonds, organismes et départements (+ 13,8 %), résultant de la hausse des concours aux départements au titre de l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et de la PCH (+ 4,6 %), et de la progression (+ 6,2 %) de la participation aux dépenses du fonds d’intervention régional (FIR) ;

– l’accroissement du financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), à hauteur de + 85,6 %, en raison de la création de la dotation complémentaire destinée à financer des actions répondant à des objectifs d’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager, et des revalorisations du tarif plancher pour l’APA et la PCH organisées par les précédentes lois de financement de la sécurité sociale ;

– la forte diminution des dépenses d’investissement (– 28 %), en raison de l’extinction progressive des actions portées par le plan de relance.

2.   Les recettes de la branche autonomie en 2023

Les recettes de la branche autonomie s’établiraient à 36,8 milliards d’euros en 2023. Leur progression, qui ralentirait nettement par rapport à l’année 2022 (+ 4 % contre + 7,7 % alors), s’explique principalement par :

– l’accroissement de la masse salariale du secteur privé, alimentée par l’inflation, qui conduit à des recettes de CSG et de CSA dynamiques (+ 5 %) ;

– l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et la revalorisation des pensions de retraite, qui entraînent la progression, à hauteur de + 3,5 %, des recettes de la CSG et de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) ;

– la diminution du soutien des investissements dans les établissements de santé (– 29 %).

B.   En 2024, avant mesures nouvelles, la branche autonomie retrouverait un net excédent

En 2024, avant mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche autonomie devrait retrouver un solde positif, avec un excédent qui s’établirait à 1,7 milliard d’euros.

● Avant mesures nouvelles, les dépenses de la CNSA devraient s’établir à 39,4 milliards d’euros, en progression de 1,5 milliard d’euros (+ 4 %) par rapport à 2023. Parmi les facteurs d’augmentation, on retrouve :

– une hausse modérée des dépenses d’OGD (+ 1,8 %) ;

– des dépenses d’AEEH toujours très dynamiques (+ 9 %) ;

– des dépenses d’AVPF et d’AVA en forte croissance (+ 13,8 %) en raison de la montée en charge des mesures adoptées dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([448]) ;

– la montée en charge des mesures en faveur des SAAD ;

– le repli des charges liées à l’investissement (– 20,7 %).

● Les recettes de la CNSA devraient connaître une très forte progression en 2024 (+ 12 %) pour s’établir à 41,1 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique, pour l’essentiel, par un apport conséquent de recettes de CSG en provenance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui en transfère 0,15 point à la CNSA, soit 2,6 milliards d’euros.


Évolution des dépenses et des recettes de la branche autonomie entre 2022 et 2024

 

2022

2023

2024

 

Montant (M€)

Montant (M€)

Évolution 2023/2022 (M€)

Évolution. 2023/2022 (%)

Montant (M€)

Évolution. 2024/2023 (M€)

Évolution. 2024/2023 (%)

Dépenses

35 169

37 886

2 717

7,73 %

39 405

1 519

4,01 %

Prestations sociales

29 578

31 668

2 090

7,07 %

32 347

679

2,14 %

dont prestations financées par l’OGD

28 207

30 196

1 989

7,05 %

30 729

533

1,77 %

dont OGD PA

14 260

15 495

1 235

8,66 %

15 763

268

1,73 %

dont OGD PH

13 948

14 701

753

5,40 %

14 966

265

1,80 %

dont AEEH

1 360

1 455

95

6,99 %

1 586

131

9,00 %

Transferts

5 388

5 998

610

11,32 %

6 827

829

13,82 %

dont AVPF / AVA

111

111

326

215

193,69 %

dont subventions d’investissement

582

419

–163

– 28,01 %

332

– 87

– 20,76 %

dont subventions aux fonds, organismes et départements

4 806

5 468

662

13,77 %

6 024

556

10,17 %

dont participation aux dépenses du FIR

173

183

10

5,78 %

176

 7

 3,83 %

dont concours aux départements

3 895

4 156

261

6,70 %

4 640

484

11,65 %

dont autres subventions

739

1 129

390

52,77 %

1 208

79

7,00 %

dont financement des SAAD

465

863

398

85,59 %

1 015

152

17,61 %

Charges de gestion courante

178

183

5

2,81 %

202

19

10,38 %

Autres charges nettes

24

37

13

54,17 %

29

 8

 21,62 %

Recettes

35 408

36 755

1 347

3,80 %

41 151

4 396

11,96 %

Contributions, impôts et produits affectés

35 344

36 740

1 396

3,95 %

41 108

4 368

11,89 %

Transferts

4

 4

 100,00 %

Autres produits

61

15

 46

 75,41 %

43

28

186,67 %

Solde

239

 1 131

 1 370

 573,22 %

1 746

2 877

 254,38 %

Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article fixe les objectifs de dépenses de la branche autonomie à 39,9 milliards d’euros pour l’année 2024, en hausse de 2,4 milliards d’euros par rapport à l’objectif pour 2023 tel que rectifié suite à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

● La branche autonomie devrait retrouver un excédent de 1,3 milliard d’euros en 2024, notamment grâce à l’affectation d’une fraction de CSG augmentée de 0,15 point supplémentaire, en application de l’article 3 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie ([449]).

Les dépenses de la branche autonomie continueraient également de progresser pour atteindre 39,9 milliards d’euros en 2024, dont 31,5 milliards d’euros consacrés à l’objectif global de dépenses (OGD) relatif au financement des établissements et services médico-sociaux (ESMS). À ce titre, les ESMS pour personnes âgées seraient financés à hauteur de 16,3 milliards d’euros, et les ESMS pour les personnes en situation de handicap à hauteur de 15,2 milliards d’euros.

Les mesures nouvelles financées par l’OGD en 2024 s’élèvent à 1,3 milliard d’euros. Pour 300 millions d’euros, cette augmentation intègre l’effet en année pleine de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique annoncée en 2023 (+ 1,5 %). Par ailleurs, elle comprend le financement de la revalorisation des primes pour le travail de nuit ou en fin de semaine, ainsi que le financement de la hausse du taux de cotisation à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), pour 264 millions d’euros.

Au regard des personnes âgées, le financement des mesures nouvelles concerne également :

– le financement de 6 000 postes supplémentaires dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) afin d’améliorer le taux d’encadrement des résidents ainsi que l’actualisation des coupes « PATHOS », qui permettent de calculer les besoins en soins requis par les résidents, pour un montant de 358 millions d’euros ;

– la poursuite du virage domiciliaire, avec 120 millions d’euros alloués à la montée en charge de la réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et à la création de services et de nouveaux centres de ressources territoriaux.

Pour ce qui est des personnes en situation de handicap (PSH), les mesures nouvelles traduisent plusieurs annonces effectuées dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH), qui s’est tenue en avril 2023 :

– pour 31 millions d’euros, l’inclusion scolaire ;

– pour 44 millions d’euros, le repérage et l’accompagnement précoce des enfants en situation de handicap, notamment au travers de la création du service de repérage, de bilan et d’intervention précoce prévue à l’article 38 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

– pour 170 millions d’euros, le développement de diverses solutions pour les enfants et les adultes en situation de handicap, et notamment l’installation de places programmées en région.

Impact financier des mesures nouvelles du présent projet de loi de financement sur l’objectif global de dépenses de la branche autonomie

(en millions d’euros)

 

Personnes âgées

Personnes en situation de handicap

Total OGD

Mesures salariales et augmentation du taux CNRACL

138

126

264

Ehpad

358

358

Domicile

120

3

123

Inclusion scolaire

31

31

Repérage et accompagnement précoce

44

44

Développement de l’offre et transformation de l’offre PSH

170

170

Autres mesures

21

21

TOTAL

616

396

1 011

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, annexe 7 relative aux dépenses de la branche autonomie et à l’effort de la Nation en faveur du soutien à l’autonomie.

● Selon l’annexe A du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, à terme, l’excédent affiché par la CNSA en 2024 devrait progressivement diminuer sous l’effet :

– de la création de 50 000 postes de soignants en Ehpad ;

– de la mise en place des 50 000 solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap et leurs proches ;

– du financement du temps dédié au lien social pour les personnes âgées qui bénéficient d’un plan d’aide à domicile ;

– du financement par la branche de la meilleure prise en compte des trimestres cotisés au titre du congé de proche aidant dans le cadre de la réforme des retraites.

*

*     *

 


Article 49
Prévision des charges des organismes concourant
au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)

L’article 49 fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale – c’est-à-dire du seul Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Les dépenses du FSV devraient s’élever à 20,6 milliards d’euros en 2024, en augmentation de 0,9 milliard d’euros au regard de leur montant fixé pour 2023.

I.   Un solde excédentaire depuis 2022

● Entre 2021 et 2022, le solde du FSV s’est amélioré de 2,8 milliards d’euros pour redevenir excédentaire à 1,3 milliard d’euros. Le solde se stabiliserait au même niveau en 2023 avant de connaître une légère baisse à partir de 2024.

exécution et prÉvisions de solde du FSV

(en milliards d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Solde

 2,5

 1,5

1,3

1,3

0,8

0,8

0,8

Source : Annexe A du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

 

Si aucune mesure de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ne concernait directement le FSV, la réforme des retraites adoptée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([450]) comporte plusieurs dispositions qui affectent l’activité du FSV :

– l’article 18 de la loi relève le seuil de récupération sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) de 39 000 à 100 000 euros en métropole et de 100 000 à 150 000 euros dans les départements et régions d’outre‑mer, à compter du 1er septembre 2023. Jusqu’à présent, ces recouvrements atténuent la charge du FSV ;

– par ailleurs, le 1° de l’article 3 du décret n° 2023‑752 du 10 août 2023 ([451]), portant application de certaines mesures de la réforme, fixe à neuf mois la condition de résidence ouvrant droit à l’allocation de solidarité aux personnes âgées et aux autres allocations du minimum vieillesse pour lesquelles cette condition était auparavant fixée à six mois.

Selon les informations fournies au rapporteur par le président du FSV, ces mesures ne devraient avoir qu’une incidence financière marginale sur les comptes du FSV pour l’exercice 2023. L’on rappellera toutefois qu’en 2022, les recouvrements sur successions ont eu pour effet de réduire la charge du FSV au titre du minimum vieillesse de 150 millions d’euros. Le relèvement des seuils de recouvrement devrait donc limiter progressivement cette réduction de charge, principalement à compter de 2024, première année de pleine d’application de cette réforme.

Les missions du Fonds de solidarité vieillesse

En application de l’article L. 135‑2 du code de la sécurité sociale, le FSV finance :

– les allocations du minimum vieillesse aux personnes âgées, pour tous les régimes de retraite qui en assurent le service ;

– la prise en charge forfaitaire des cotisations de retraite, au titre de la validation gratuite de trimestres des périodes de chômage, pour le régime général, pour les salariés agricoles, la caisse de sécurité sociale de Mayotte, la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon et, depuis le 1er novembre 2019, pour les travailleurs indépendants. À compter du 1er janvier 2001, ce financement a été étendu à certains avantages vieillesse servis par les régimes de retraite complémentaires obligatoires (Arrco et Agirc). Dans le cadre de la crise sanitaire, il doit aussi assurer, depuis mars 2020, le financement forfaitaire des trimestres d’assurance vieillesse validés au titre du dispositif d’activité partielle ;

– la prise en charge forfaitaire des validations gratuites de trimestres au titre d’autres périodes non travaillées. Cette mission englobe les périodes de volontariat de service civique ainsi que les arrêts de travail, pour le régime général, le régime des salariés et des non‑salariés agricoles, le régime mahorais et celui applicable à Saint-Pierre et Miquelon. Depuis 2015, le FSV prend en charge, également sur des bases forfaitaires, les périodes de stage de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, ainsi que le complément de cotisations d’assurance vieillesse dans le cadre d’un contrat d’apprentissage, pour le régime général, pour les salariés agricoles et le régime de Saint-Pierre et Miquelon ;

– jusqu’à fin 2019, le FSV a assuré la prise en charge d’une partie des dépenses du minimum contributif (MiCo) servi par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (y compris les travailleurs indépendants) et la MSA (pour le régime des salariés agricoles).

Source : Fonds de solidarité vieillesse

● L’évolution de 5,5 % des dépenses en 2023 résulte essentiellement de l’incidence des revalorisations successives du Smic – + 5,4 % en moyenne annuelle – sur les prises en charge de cotisations assurées par le FSV pour financer la validation gratuite de trimestres, en particulier pour les chômeurs.

Les charges au titre du minimum vieillesse augmenteraient quant à elles de 5,9 %, sous l’effet combiné d’une revalorisation des droits de 2,78 %, d’une hausse des effectifs de l’ordre de 2 % et des premiers effets, à compter du 1er septembre 2023, du relèvement du seuil de recouvrement du minimum vieillesse.

Du côté des produits, les recettes du fonds progresseraient de 3,1 %, progression en forte baisse par rapport à 2022 (+ 9,3 %). Selon le président du FSV, cette forte baisse est en partie imputable au traitement comptable de la surestimation du nombre de chômeurs pour l’année 2021, qui se répercute comptablement par une augmentation de produits pour l’année 2022, gonflant artificiellement ces derniers. En neutralisant cet effet, la progression des produits serait de 5,5 % en 2023, à un niveau proche des évolutions enregistrées en 2021 et 2022.

Effet sur les produits de la régularisation du nombre
de chômeurs pour l’année 2021

Compte tenu du délai nécessaire à Pôle emploi pour stabiliser ses séries statistiques, le nombre exact de chômeurs de l’année 2021 n’a pu être connu qu’en début d’année 2023. La surestimation du nombre de chômeurs pour l’année 2021, tel que fixé dans l’arrêté des comptes du FSV de l’année 2021, a conduit le FSV à dépenser 434 millions d’euros en trop au titre de sa mission de prise en charge des cotisations de retraite des chômeurs.

Cet indu a fait l’objet d’une régularisation qui, en vertu des principes comptables applicables, s’est imputée comme produits sur exercices antérieurs dans les comptes de l’année 2022, gonflant ainsi artificiellement les produits de cette année.

Ce traitement comptable a ainsi pour effet d’augmenter le taux de progression des produits 2021‑2022 et de diminuer le taux de progression des produits 2022‑2023.

Il est toutefois à noter que le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale n’a pas adopté le même traitement comptable de cette régularisation en l’imputant en atténuation de charges sur les dépenses de l’année 2022. Il en résulte une augmentation artificielle des prises en charge pour l’année 2023. Selon le rapport, cette régularisation explique à elle‑seule près de 4 points de la hausse des prises en charge au titre de la prise en charge des cotisations des chômeurs attendues en 2023 (+ 9,4 %).

Autrement dit, ce qui vient gonfler artificiellement les recettes selon l’approche comptable retenue par le FSV, diminue facticement les dépenses selon l’approche retenue par la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Source : Fonds de solidarité vieillesse.

S’agissant des recettes historiques du FSV, le rendement de la CSG sur les revenus du capital augmenterait de 5,2 % et les produits de CSG sur les retraites et les pensions d’invalidité de 4,4 %.

L’annexe A prévoit ainsi que le solde du FSV s’établirait à 0,8 milliard d’euros en 2023. Selon les informations recueillies par le rapporteur, le solde définitif de l’exercice 2023 serait légèrement supérieur aux prévisions contenues dans l’annexe A (+ 103 millions d’euros) compte tenu d’une nouvelle régularisation liée à la surestimation du nombre de chômeurs pour l’année 2022. Cette régularisation, notifiée au FSV par Pôle emploi le 13 septembre dernier, n’a donc pas été prise en compte dans les comptes prévisionnels annexés au présent projet loi de financement.

II.   DEs DÉPENSES en augmentation pour 2024 mais un solde qui pourrait se stabiliser malgré tout

Compte tenu de la nouvelle régularisation du nombre réel de chômeurs pour l’année 2022 et de la différence d’approche comptable retenue, les chiffres de progression de recettes et de dépenses pour l’année 2024 diffèrent selon qu’ils émanent du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ou du FSV (cf. encadré supra).

Les données du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale étant publiques, l’analyse qui suit s’appuiera sur les éléments fournis au rapporteur par le FSV et commentera les écarts constatés.

● En 2024, les charges progresseraient de 3,2 % (5,3 % selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale), tirées par les deux principaux postes de dépenses du FSV.

Les dépenses relatives à la prise en charge des cotisations des chômeurs des régimes de base connaîtraient une croissance limitée (1,3 %), combinaison de deux facteurs aux effets inverses :

– la baisse de l’effectif moyen de chômeurs anticipée par Pôle emploi (42 000 chômeurs en moyenne annuelle, soit – 1,2 %) atténue l’évolution des dépenses ;

– l’inflation et l’évolution du Smic sur la base duquel sont calculés les montants de cotisations prises en charge par le FSV accroîtraient le coût unitaire par chômeur de 2,5 %, ce qui surcompenserait le premier effet en tirant les dépenses à la hausse.

S’agissant des charges du minimum vieillesse, celles‑ci progresseraient de 9,1 % en raison :

– de la revalorisation attendue au 1er janvier 2024 (+ 5,2 %), laquelle serait à l’origine de plus de la moitié de cette évolution ;

– de la hausse des effectifs de 2 % ;

– d’une baisse du rendement des récupérations sur succession de 100 millions d’euros.

● Les produits continueraient d’être tirés par l’inflation et augmenteraient de 4,8 % en 2024 (5,3 % en neutralisant l’effet de la régularisation du nombre de chômeurs pour 2022), ce qui correspond au taux d’évolution prévu par le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Dans le détail, le rendement de la CSG sur les revenus du capital augmenterait de 5,8 % du fait de la forte dynamique de la CSG assise sur les revenus du patrimoine (+ 8,4 %). La CSG sur les revenus de remplacement bénéficierait d’un effet d’assiette important lié à la revalorisation des pensions et des prestations sociales en 2024 qui surcompenserait l’effet du ralentissement du nombre de départs à la retraite résultant de la réforme des retraites.

● Au total, l’annexe A du projet de loi de financement anticipe un solde excédentaire de 800 millions d’euros pour 2024 tandis que le FSV prévoit un solde de 1,3 milliard d’euros. Comme l’a précisé le président du FSV au rapporteur, cette prévision se base sur des éléments nouveaux, non intégrés à la trajectoire financière du présent projet de loi de financement, relatif au nombre de chômeurs attendus pour l’année 2024 et à l’estimation financière publiée en 2023 par l’Agirc‑Arrco pour la prise en charge de certains avantages vieillesse de leurs assurés.

● Comme l’année dernière, le rapporteur constate que cette situation excédentaire contraste avec la dégradation du solde de la branche vieillesse de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Le retour du FSV à une situation durablement excédentaire permettant la constitution de réserves devrait interroger sur les modalités de sa contribution au financement des déficits de la branche vieillesse dans l’attente des premiers effets liés au report de l’âge d’ouverture des droits et à l’accélération du relèvement de la durée d’assurance. Cette question doit naturellement être traitée dans une réflexion plus large sur la situation financière de la sécurité sociale dans un contexte où la Caisse d’amortissement de la dette sociale est en voie de terminer le programme de reprise de dette décidé en août 2020 ([452]) et alors que les déficits des branches vieillesse et maladie attendus dans les années futures laissent entrevoir le creusement de la dette sociale.

 

*

*     *


—  1  —

   annexes

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
La RAPPORTEURe GÉNÉRALe ET LES RAPPORTEURS THÉMATIQUES

(par ordre chronologique)

 

     Table ronde avec des fédérations hospitalières :

– Fédération hospitalière de France (FHF) * – M. Marc Bourquin, conseiller stratégie, responsable de l’articulation et de la coordination parcours, proximité, autonomie et territoire, M. Benjamin Caniard, co‑responsable du pôle autonomie-parcours, et M. Vincent Roques, directeur de cabinet

 Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA)  M. Justin de Bailliencourt, directeur des opérations et de la coordination, délégué général par intérim, et Mme Diane-Sophie Laroche, conseillère affaires publiques

– Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (Fehap) * – M. Charles Guépratte, directeur général, Mme Élodie Hémery, directrice de l’autonomie et des parcours de vie, et Mme Maryse de Wever, directrice de la communication et des relations institutionnelles

 CroixRouge française – * M. Claudy Jarry, directeur général adjoint chargé du développement des établissements

 Nexem (organisation professionnelle des employeurs du secteur social, médico-social et sanitaire privé à but non lucratif) * – M. Alain Raoul, président, et Mme Marie Aboussa, directrice offre sociale et médico-sociale

 Fédération nationale Avenir et qualité de vie des personnes âgées (FNAQPA) *  Mme Clémence Lacour, responsable des relations institutionnelles

     Table ronde avec des fédérations d’aide à domicile :

– Adédom – M. Hugues Vidor, directeur général

– Aide à domicile en milieu rural (ADMR) – M. Jérôme Perrin, directeur développement et qualité

 

– Fédération française des services à la personne et de proximité (Fedesap) *  M. Frank Nataf, président, M. Amir Reza-Tofighi, administrateur, Mme Anne Richard, responsable « affaires publiques et médico‑social », et M. Julien Jourdan, directeur général

– Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire (Fnaap/CSF) – Mme Mériam Boussebsi, secrétaire générale

 Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA)  M. Vincent Vincentelli, directeur politiques publiques

– Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) *  M. Jérôme Voiturier, directeur général

 Fédération du service aux particuliers  M. Loïc Gobe, administrateur, et M. Mehdi Tibourtine, directeur adjoint

       Fédération des particuliers employeurs (Fepem) *  Mme MarieBéatrice Levaux, présidente, Mme Nadine Pradier, vice-présidente, et M. Robin Cloedt, responsable des politiques sociales

       Fédération nationale des Marpa  Mme Marion Le Cam, directrice de l’offre de services, et M. Christophe Simon, chargée des relations parlementaires

       APF France handicap * – Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale en charge du suivi des sujets concernant l’accès aux droits, les MDPH et le droit à compensation et à l’autonomie des personnes en situation de handicap

       Union nationale des centres communaux d’action sociale (Uncass)  Mme Isabel Madrid, vice-présidente de l’Uncass et adjointe au maire de Talence, et Mme Élodie Bacoup, conseillère technique « personnes âgées et ESMS »

     Table ronde avec les organisations syndicales

– Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Christelle Thieffinne, secrétaire nationale du secteur protection sociale, et Mme Anne Bernard, chef de service économie, protection sociale

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Léonard Guillemot, conseiller sur les questions relatives au financement, assurance maladie, autonomie, et Mme Laura Collay, conseillère technique protection sociale

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Jocelyne Cabanal-Duvillard, secrétaire nationale responsable de la politique de financement de la protection sociale, M. Alain Galopin, responsable du service protection sociale, et Mme Manon Brocvielle, secrétaire confédérale en charge de la protection sociale

– Confédération générale des travailleurs (CGT) – M. Denis Lalys, secrétaire général adjoint de la fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux, et M. Victor Duchesne, conseiller confédéral

– Force ouvrière (FO) – M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites, et M. Éric Gautron, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale collective

     Table ronde avec les organisations patronales

– Union des entreprises de proximité (U2P) * – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, responsable des relations parlementaires

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * – M. Éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales, Mme Gwendoline Delamare-Deboutteville, directrice des affaires sociales, M. Philippe Chognard, responsable du pôle conditions de travail, et M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

– Mouvement des entreprises de France (Medef) *  M. Patrick Martin, président, Mme Diane Milleron-Deperrois, présidente de la commission protection sociale du Medef, Mme France Henry-Labordère, directrice générale adjointe, et Mme Elizabeth Vital-Durand, responsable du pôle affaires publiques

  Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) – Mme Magali Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales, Mme Christine Dechesne-Ceard, directrice de la réglementation, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

  Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) – M. Renaud Villard, directeur général, M. Éric Blachon, président du conseil d’administration, et M. Nathanaël Grave, sous-directeur de la prospective

  Comité de suivi des retraites (CSR) – M. Didier Blanchet, président

     Audition conjointe

 Fonds de solidarité vieillesse (FSV)  M. Frédéric Favié, président du conseil d’administration

 Fonds de réserve pour les retraites (FRR)  Mme Sandrine Lémery, présidente du conseil de surveillance, et M. Adrien Perret, membre du directoire

  Conseil d’orientation des retraites (COR) – M. Pierre-Louis Bras, président, et M. Emmanuel Bretin, secrétaire général

  France Assos Santé * – M. Gérard Raymond, président, Mme Féreuze Aziza, chargée de mission assurance maladie, et M. Yann Mazens, chargé de mission produits de santé

     Table ronde avec des administrations :

– Carsat Hauts-de-France  M. Christophe Madika, directeur général

– Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) – Mme Caroline Gadou, directrice générale, et M. Nicolas Fraix, responsable du département Capitalisation et développement des connaissances

– Direction générale du travail  Sous-direction des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail  Mme Christelle Akkaoui, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail, et Mme Heidi Borrel, adjointe à la cheffe de mission du pilotage de la politique et des opérateurs de la santé au travail

     Audition conjointe :

 M. Jean-Baptiste Barfety, fondateur du projet Sens et membre de l’Inspection générale des affaires sociales

– M. Alexandre Gérard, président-directeur général de Chronoflex

     Audition d’auteurs d’études

– Mme Catherine Pinatel, chargée de mission Aract Occitanie, animatrice des travaux de diagnostic du plan régional santé travail Occitanie

– Mme Frédérique Barnier, sociologue à l’université d’Orléans

     Audition de représentants d’organisations syndicales

– M. Alain Alphon-Layre, ancien responsable syndical de la CGT, auteur de l’ouvrage Et si on écoutait les experts du travail ? Ceux qui le font (mai 2023), préfacé par Alain Supiot

       Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie – Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels, M. Laurent Bailly, directeur adjoint des risques professionnels, et Mme Véronika Levendof, chargée des relations avec le Parlement

       Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées  Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)  M. JeanBenoît Dujol, directeur général, M. Olivier Bachellery, sous-directeur du service des affaires financières et modernisation, et M. Andrea Ferrari, chargé de questions parlementaires, bureau des budgets et de la performance, sous-direction des affaires financières et modernisation

       Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – Mme Virginie Magnant, directrice, et Mme Anne-Marie Ho Dinh, conseillère technique

     Table ronde avec les ordres des professions de santé

 Ordre des médecins * – Dr François Arnault, président, Dr René-Pierre Labarrière, président de la section Exercice professionnel, et M. Francisco Jornet, directeur des services juridiques

 Ordre des infirmiers – M. Patrick Chamboredon, président

 Ordre des sages-femmes – Mme Isabelle Derrendinger, présidente, et M. David Meyer, chef de cabinet

 Ordre des chirurgiens-dentistes * – M. Philippe Pommarède, président, et Mme Sylvie Germany, directrice des affaires juridiques et institutionnelles

 Ordre des pédicures podologues – M. Éric Prou, président, et M. Guillaume Brouard, secrétaire général

 Ordre des masseurs-kinésithérapeutes *  Mme Pascale Mathieu, présidente, et M. Jean François Dumas, secrétaire général

 Ordre des pharmaciens *  Mme Carine Wolf-Thal, présidente, et Mme Hélène Leblanc, directrice des affaires publiques, européennes et internationales

       Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) * – Mme Séverine Salgado, directrice générale, Mme Laure-Marie Issanchou, directrice déléguée santé, et M. Yannick Lucas, directeur des affaires publiques

       Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) – M. Nicolas Grivel, directeur général, et Mme Anna Morvan, chargée des relations institutionnelles

       Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) * – M. François-Régis Moulines, directeur des affaires gouvernementales, M. Christophe Philibert, président du groupe de travail Affaires publiques, directeur des affaires gouvernementales chez BBraun, et Mme Alexandra Leurs, spécialiste affaires publiques

       Les Entreprises du médicament (Leem) *  M. Philippe Lamoureux, directeur général, M. Laurent Gainza, directeur des affaires publiques, Mme Juliette Moisset, directrice des opérations économiques, et M. Antoine Quinette, chargé d’affaires publiques

       Comité économique des produits de santé (Ceps) – M. Philippe Bouyoux, président, M. Jean-Patrick Sales, vice-président, et M. Pierre Emmanuel de Joannis, chef de mission

       Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale, M. Alexandre de la Volpilière, directeur général adjoint chargé des opérations, et Mme Carole Le Saulnier, directrice réglementation et déontologie

       Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) – M. Jean-Louis Rey, président, et Mme Geneviève Gauthey, secrétaire générale

       Urssaf Caisse nationale – M. Yann-Gaël Amghar, directeur général

       Association générale des institutions de retraite des cadres – Association des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco)  Mme Brigitte Pisa, présidente, M. Didier Weckner, vice-président, M. François-Xavier Selleret, directeur général, Mme Flora Gruau, responsable des instances, Mme Cécile Vokleber, responsable des affaires institutionnelles, et Mme Gabrielle Le Meur, chargée des affaires institutionnelles

       Assemblée des départements de France (ADF) – M. Olivier Richefou, vice-président, président du groupe de travail Grand âge et président de la Mayenne

     Table ronde avec des associations de victimes d’accidents du travail et maladies professionnelles :

– Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (Anadavi)  Mme Claudine Bernfeld, présidente

– Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath)  Me Philippe Karim Felissi, avocat

– Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) – M. Jacques Faugeron, président, M. François Desriaux, vice-président, et Me Romain Bouvet, avocat de l’Andeva, cabinet Ledoux

– Me Julie Andreu, avocate

     Table ronde avec des syndicats de médecins et d’étudiants en médecine

– AvenirSpé * – Dr Patrick Gasser, président

– Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) * – M. Jérémy Darenne, président, et M. Lucas Poittevin, vice‑président chargé des perspectives professionnelles

– Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) * – Dr Franck Devulder, président

– Fédération des médecins de France (FMF) * – Dr Patricia Lefébure, présidente, et Mme Geneviève Richard, membre titulaire du conseil d’administration de la FMF et secrétaire générale de l’Union des généralistes

– Intersyndicale nationale des internes (Isni) – M. Léo Delbos, premier vice-président, et M. Victor Serre, conseiller stratégique

– Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) – Mme Florie Sullerot, présidente, et M. Théophile Denise, premier vice-président

– Jeunes Médecins – Dr Emanuel Loeb, président

– MG France – Dr Agnès Giannetti, présidente, Dr Bijane Ordouji, vice-président, et Mme Chryssanthi Guillon, consultante

– Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) – M. Raphaël Dachicourt, président

– Syndicat des médecins libéraux (SML) * – Dr Sophie Bauer, présidente, et Dr Mardoché Sebbag, vice-président

– Union française pour une médecine libre syndicat (UFMLS)  Dr Jérôme Marty, président

       Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) – M. Fabrice Gombert, président de la Cnam et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, M. Thomas Fatôme, directeur général, Mme Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des Soins, Mme Véronika Levendof, en charge des relations avec le Parlement, et M. Lorenzo Lanteri, chargé de mission

       Ministère des solidarités et de la santéDirection générale de l’offre de soins (DGOS) – Mme Marie Daudé, directrice générale, Mme Julie Pougheon, conseillère spéciale, et Mme Claire-Lise Bellanger-Mauffret, adjointe à la sous-directrice de la régulation de l’offre de soins

       Ministère de la santé et de la préventionDirection de la sécurité sociale (DSS) – M. Franck Von Lennep, directeur, Mme Delphine Champetier, cheffe de service auprès du directeur, et M. Morgan Delaye, chef de service auprès du directeur

       Union nationale des associations familiales (Unaf)  Mme Marie-Andrée Blanc, présidente, M. Jean-Philippe Vallat, directeur des politiques et actions familiales et des études, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

 


     Table ronde avec des fédérations hospitalières :

 Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) * – M. Lamine Gharbi, président, Mme Christine Schibler, déléguée générale, et Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles

 Fédération hospitalière de France (FHF) * – M. Vincent Roques, directeur de cabinet, Mme Cécile Chevance, responsable du pôle offres, et M. Marc Bourquin, conseiller stratégie et responsable de l’articulation et de la coordination parcours, proximité, autonomie et territoire

 Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (Fehap) * – M. Arnaud Joan-Grangé, directeur de l’offre de soins

– Unicancer * – M. Jean-Yves Blay, président, Mme Sophie Beaupère, déléguée générale, et Mme Sandrine Boucher, directrice stratégique médicale et performance

 Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) * – M. Mathurin Laurin, délégué national, et Mme Anastasia Strizyk, conseillère

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 

 


—  1  —

ANNEXE N° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen du projet de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

4

Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023

18

5

Code de la sécurité sociale

L. 133‑5‑10, L. 133‑5‑12, L. 133‑8‑4, L. 133‑8‑5, L. 133‑8‑6, L. 133‑8‑7, L. 133‑8‑8‑1 [nouveau], L. 142‑4, L. 225‑1‑1, L. 243‑7, L. 243‑7‑1 A et L. 243‑7‑2

5

Code rural et de la pêche maritime

L. 724‑11, L. 725‑12 et L. 725‑25

5

Code de l’organisation judiciaire

L. 211‑16

5

Loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020

20

5

Loi n° 2021‑1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022

13

6

Code de la sécurité sociale

L. 114‑19‑1, L. 613‑6, L. 613‑6‑1 [nouveau] et L. 613‑8

7

Code de la sécurité sociale

L. 114‑17‑1‑1 [nouveau] et L. 162‑14‑1

8

Code de la sécurité sociale

L. 133‑5‑3, L. 136‑5, L. 213‑1, L. 213‑1‑1, L. 242‑1‑3, L. 242‑13, L. 243‑1‑2, L. 243‑6‑1, L. 243‑6‑2, L. 243‑6‑3, L. 243‑6‑7 [rétabli], L. 243‑6‑6 et L. 921‑2‑1

8

Code du travail

L. 6123‑5, L. 6131‑3, L. 6332‑1‑2 et L. 6332‑1‑3

8

Code rural et de la pêche maritime

L. 725‑3, L. 725‑12‑3 [nouveau], L. 741‑1‑1 et L. 741‑9

8

Ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 modifiée portant extension et adaptation au département de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales

20

8

Ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte

22 et 28‑9‑1

8

Loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019

18

8

Loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022

7

8

Ordonnance n° 2021-797 du 23 juin 2021 relative au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage

2

9

Code de la sécurité sociale

L. 134‑1, L. 134‑3 et L. 241‑3

9

Loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019

25 [abrogé]

9

Code du travail

L. 4163‑21

9

Loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaire

1er et 3

9

Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières

16 et 18

10

Code de la sécurité sociale

L. 131‑8, L. 233‑9, L. 225‑1‑1 et L. 225‑6

10

Code rural et de la pêche maritime

L. 731‑3 et L. 732‑58

10

Loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022

75

11

Code de la sécurité sociale

L. 138‑10, L. 138‑11, L. 138‑12, L. 138‑13, L. 138‑15, L. 138‑19‑12 et L. 138‑20

17

Code de la sécurité sociale

L. 162‑38‑1 [nouveau] et L. 160‑14

18

Code de la santé publique

L. 5134‑1

18

Code de la sécurité sociale

L. 160‑14

19

Code de la sécurité sociale

L. 160‑8, L. 160‑13, section 13 du chapitre 2 du titre VI du livre Ier (L. 162‑59 à L. 162‑61 [nouveaux]) et L. 871‑1

19

Ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996

20‑1

20

Code de la santé publique

L. 1411‑6‑2

20

Code de la sécurité sociale

L. 162‑38‑1 [nouveau]

21

Code de la sécurité sociale

L. 861‑2 et L. 861‑5

22

Code de la santé publique

Chapitre unique du titre Ier du livre préliminaire de la quatrième partie, chapitre II du titre Ier du livre préliminaire de la quatrième partie (L. 4012‑1 [nouveau]), L. 4113‑5 et L. 4041‑2

22

Code de la sécurité sociale

Section 14 du chapitre II du titre VI du livre Ier (L. 162‑62 [nouveau]), L. 133‑4, L. 160‑8, L. 160‑13 et L. 160‑14

22

Ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977

9

22

Ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996

20‑1 et 20‑4

23

Code de la sécurité sociale

L. 133‑4, L. 162‑1‑23, L. 162‑1‑24, L. 162‑16‑4‑3, L. 162‑16‑6, L. 162‑20‑1, L. 162‑21‑2, L. 162‑21‑3, L. 162‑22, L. 162‑22‑1 à L. 162‑22‑3 [rétablis], L. 162‑22‑3‑1 à L. 162‑22‑3‑3 [nouveaux], L. 162‑22‑4 et L. 162‑22‑5 [rétablis], L. 162‑22‑6 [abrogé], L. 162‑22‑6‑2, L. 162‑22‑7, L. 162‑22‑7‑3, L. 162‑22‑8, L. 162‑22‑8‑1, L. 162‑22‑5‑1 à L. 162‑22‑5‑3 [nouveaux], L. 162‑22‑8‑2, L. 162‑22‑8‑3 [abrogé], L. 162‑22‑9 [abrogé], L. 162‑22‑9‑1 [abrogé], L. 162‑22‑10 [abrogé], L. 162‑22‑12 à L. 162‑22‑14 [abrogés], L. 162‑22‑11‑1, L. 162‑22‑15, L. 162‑22‑18, L. 162‑22‑19, L. 162‑23, L. 162‑23‑3, L. 162‑23‑13, L. 162‑23‑13‑1, L. 162‑23‑14 [abrogé], L. 162‑23‑15, L. 162‑23‑16, L. 162‑25, L. 162‑26‑1, L. 162‑30‑4, L. 162‑31‑1, L. 165‑7, L. 165‑11, L. 174‑2‑1, L. 174‑15 et L. 174‑18

23

Code de la santé publique

L. 1111‑3‑4, L. 1121‑16‑1, L. 1125‑15, L. 1126‑14, L. 1434‑8, L. 1435‑4, L. 6111‑4, L. 6113‑9, L. 6113‑11, L. 6114‑2, L. 6114‑4, L. 6131‑2, L. 6131‑5, L. 6132‑5, L. 6133‑2‑1, L. 6133‑6, L. 6133‑8, L. 6141‑5, L. 6144‑1, L. 6145‑1, L. 6145‑4, L. 6161‑2‑2, L. 6161‑3‑1 et L. 6161‑9

23

Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019

35

23

Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021

57 [abrogé]

23

Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022

44

24

Code de la santé publique

L. 1435‑5, L. 6311‑2 et L. 6314‑1

24

Code de la sécurité sociale

L. 162‑9

25

Code de la santé publique

L. 4161‑1 et L. 5125‑1‑1 A

25

Code de la sécurité sociale

L. 162‑16‑1

26

Code rural et de la pêche maritime

L. 717‑1

27

Code de la sécurité sociale

L. 114‑17‑1, L. 162‑1‑15, L. 315‑1 et L. 315‑2

28

Code de la santé publique

L. 6316‑1

28

Code de la sécurité sociale

L. 160‑8, L. 162‑4‑4, L. 321‑1 et L. 433‑1

29

Code de la sécurité sociale

L. 165‑4‑3 [nouveau]

30

Code de la sécurité sociale

L. 162‑1‑21, L. 322‑5, L. 322‑5‑1 et L. 871‑1

31

Code de la sécurité sociale

L. 164‑1

31

Code de la santé publique

L. 1222‑8

32

Code de la santé publique

L. 5121‑1

32

Code de la sécurité sociale

L. 162‑16‑4‑5 [nouveau]

33

Code de la santé publique

L. 5121‑29, L. 5121‑33‑1 et L. 5121‑33‑2 [nouveaux]

34

Code de la sécurité sociale

L. 162‑1‑7

35

Code de la santé publique

L. 5121‑12 et L. 5121‑12‑1

35

Code de la sécurité sociale

L. 162‑16‑5‑1‑1, L. 162‑16‑5‑1‑2 [nouveau], L. 162‑16‑5‑3, L. 162‑22‑7‑3 et L. 162‑18

36

Code de la santé publique

L. 5121‑31, L. 5124‑6, L. 5124‑18, L. 5312‑4‑1, L. 5423‑9 et L. 5471‑1

37

Code de l’action sociale et des familles

L. 232‑1 et section 5 du chapitre IV du titre Ier du livre III (L. 314‑15 à L. 314‑22 [nouveaux])

37

Code de la sécurité sociale

L. 162‑22, L. 174‑5 et L. 174‑6

37

Code de la santé publique

L. 6114‑1‑2

38

Code de la santé publique

L. 2112‑8, intitulé du chapitre IV du titre III du livre Ier de la deuxième partie, L. 2134‑1 [rétabli], L. 2135‑1 et L. 2136‑1

38

Code de la sécurité sociale

L. 160‑8, L. 160‑13, L. 160‑14 et L. 174‑17

39

Code de la sécurité sociale

L. 434‑2, L. 434‑16, L. 434‑17, L. 452‑2, L. 452‑3 et L. 434‑15 [abrogé]

40

Loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon

5, intitulé du titre III, 6 et 6‑1 [nouveau]

40

Ordonnance n° 96‑1122 du 20 décembre 1996

20‑8‑5

40

Ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte

6, 10 et 11‑1

 


—  1  —

 

ANNEXE N° 3 :
liens vers les enregistrements vidÉo
de l’examen du projet de loi par la COMMISSION

– Mercredi 11 octobre 2023 à 16 heures 30 : Audition de M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, et M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (n° 1682).

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14002590_6526ae740a86f.commission-des-affaires-sociales--m-aurelien-rousseau-ministre-de-la-sante-et-de-la-prevention-m-11-octobre-2023

– Mardi 17 octobre 2023 à 17 heures 15 : examen des articles du projet de loi (article liminaire à article 1er)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14055692_652edad966bac.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--17-octobre-2023

– Mardi 17 octobre 2023 à 21 heures : examen des articles du projet de loi (article 2 à article 7)

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– Mercredi 18 octobre 2023 à 9 heures 30 : examen des articles du projet de loi (après l’article 7)

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– Mercredi 18 octobre 2023 à 15 heures : examen des articles du projet de loi (après l’article 7 (suite) à article après l’article 10)

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– Mercredi 18 octobre 2023 à 21 heures 15 : examen des articles du projet de loi (après l’article 10 (suite) à après l’article 11)

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– Jeudi 19 octobre 2023 à 9 heures 30 : examen des articles du projet de loi (après l’article 11 (suite) à après l’article 19)

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– Jeudi 19 octobre 2023 à 15 heures : examen des articles du projet de loi (article 20 à article 27)

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– Jeudi 19 octobre 2023 à 21 heures 15 : examen des articles du projet de loi (article 27 (suite) à après l’article 36)

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– Vendredi 20 octobre 2023 à 9 heures 30 : examen des articles du projet de loi (après l’article 36 (suite) à article 49)

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([1]) En l’état du droit, cet ensemble se limite au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

([2]) Cette catégorie est actuellement formée par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

([3]) Cette disposition concerne la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

([4])  Article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([5]) Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023.

([6]) Ces coûts se répartissent de la manière suivante entre les sous-Ondam : 0,4 milliard d’euros au titre des dépenses de soins de ville (tests, rémunération des personnels participant à la campagne vaccinale, indemnités journalières), 0,1 milliard d’euros au titre des dépenses relatives aux établissements de santé (tests et vaccins) et 0,4 milliard d’euros au titre des « autres prises en charge », c’est-à-dire de la dotation de l’assurance maladie à Santé publique France pour les achats de vaccins, l’organisation de la campagne vaccinale et les traitements contre le covid‑19.

([7]) Rapport à la CCSS, septembre 2023.

([8]) Soit un écart de 0,1 milliard d’euros avec le delta calculé dans le tableau ci-avant à partir des sous-objectifs portant sur les dépenses relatives aux soins de ville figurant dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([9]) Article 31 de la loi n° 98‑1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

([10]) Annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, p. 6.

([11]) La consommation de médicaments en ambulatoire inclut les délivrances de médicaments en tant que soins de ville, c’est-à-dire ceux délivrés en officine de pharmacie et en rétrocession hospitalière. Elle n’inclut donc pas les médicaments délivrés dans le cadre d’une hospitalisation ou d’un hébergement en établissement médico‑social. Elle s’exprime en euros.

([12]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Les dépenses de santé en 2022, édition 2023, p. 88.

([13]) Agnès Audier, Claire Biot, Frédéric Collet, Anne‑Aurélie Epis de Fleurien, Magali Leo et Mathilde Lignot Leloup, rapport à la Première ministre de la mission régulation des produits de santé, Pour un « New Deal » garantissant un accès égal et durable des patients à tous les produits de santé, août 2023.

([14]) Caisse nationale de l’assurance maladie, Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’assurance maladie pour 2024, p. 233.

([15]) Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023, p. 73.

([16]) Article L. 165‑4 du code de la sécurité sociale.

([17]) Article L. 162‑16‑4 du code de la sécurité sociale.

([18]) Article L. 162‑16‑5 du code de la sécurité sociale.

([19]) Article L. 162‑16‑6 du code de la sécurité sociale.

([20]) Voir le commentaire de l’article 11.

([21]) Rapport à la Première ministre de la mission régulation des produits de santé, op. cit.

([22]) Par ailleurs, certaines catégories de services sont soumises à des plafonds spécifiques, inférieurs à 12 000 euros : c’est notamment le cas des travaux d’assistance informatique (3 000 euros par an) ou de jardinage (5 000 euros par an).

([23]) Ces prestations sont prévues respectivement par les articles L. 232-1 et L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles et par l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale.

([24]) Article 12 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([25]) Conseil des prélèvements obligatoires, La fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle, 2007.

([26]) Voir Isabelle Beyneix, « L’abus de droit implicite en matière sociale », Droit social, 2023, p. 352 ; Xavier Aumeran, « Abus de droit, abus de lois », ibid., p. 653.

([27]) Arrêté du 22 décembre 2011 portant nomination des membres du comité des abus de droit.

([28]) Cass., civ., 16 février 2023, n° 21-11.600, n° 21-12.005, n° 21-18.322. Une solution semblable a été mise en œuvre dans un arrêt postérieur (Cass., civ. 2, n° 21-17-226).

([29]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, « Observatoire de l’impact du travail dissimulé – réunion du 10 novembre 2022 », note de synthèse.

([30]) Cette transposition a été opérée par l’article 134 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([31]) Voir annexe IX, p. 40.

([32]) « La prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux » in Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2009, p. 126.

([33]) Voir Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023, p. 41.

([34]) Voir le commentaire de l’article 3 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 dans sa version initiale. Suite à l’adoption d’amendements portant article additionnels avant l’article 3, ledit article est devenu l’article 6 dans le texte adopté par le Parlement et soumis au Conseil constitutionnel.

([35]) Article 18 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([36]) Décret n° 2021-1532 du 26 novembre 2021 relatif aux modalités de transfert du recouvrement des cotisations destinées au financement du régime de retraite complémentaire mentionné à l’article L. 921-4 du code de la sécurité sociale.

([37]) Article 36 de l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.

([38]) Article 7 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([39]) Article 6 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale considéré comme adopté par l’Assemblée nationale le 20 mars 2023.

([40]) Décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023, paragraphes 117 et 119.

([41]) Et plus précisément de son domaine dit « facultatif ».

([42]) Article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l’organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique.

([43]) Article L. 921-4 du code de la sécurité sociale.

([44]) Article L. 133-5-6 du code de la sécurité sociale.

([45]) Article 3 de l’ordonnance n° 45-993 précitée.

([46]) Article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale.

([47]) Article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([48]) Article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l’organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique.

([49]) Article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale

([50]) Article L. 241‑10 du code de la sécurité sociale.

([51]) Article L. 752‑3‑2 du code de la sécurité sociale.

([52]) Article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale.

([53]) Article L. 241‑3 du code de la sécurité sociale.

([54]) Mentionnée à l’article L. 732‑11 du code rural et de la pêche maritime.

([55]) Article L. 725‑3 du code rural et de la pêche maritime.

([56]) Article L. 6131‑3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 1er de l’ordonnance n° 2021‑797 du 23 juin 2021.

([57]) Article L. 6332‑1‑2 du code du travail.

([58]) 4° du I de l’article L. 2135‑10 du code du travail.

([59]) Article 36 de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 réformant la formation professionnelle continue.

([60]) Article 5 de la loi n° 2014‑288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([61]) Loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([62]) L’article L. 6331‑3 du code du travail confie aux Urssaf, aux CGSS et aux caisses de MSA la compétence du recouvrement de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, de la contribution supplémentaire à l’apprentissage et de la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée.

([63]) En application des articles L. 2261‑19 et suivants du code du travail, l’extension d’un accord de branche n’est possible qu’à la condition qu’il comporte un ensemble de clauses strictement définies par la loi.

([64]) Article L. 6131‑4 du code du travail.

([65]) Rapport annuel 2021 de l’Association de gestion du fonds paritaire national, octobre 2022.

([66]) Article 20 de l’ordonnance n° 77‑1102 du 26 septembre 1977 modifiée portant extension et adaptation au département de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.

([67])  Article 22 de l’ordonnance n° 96‑1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

([68]) 1° du I de l’article L. 2135‑10 auquel renvoie le premier alinéa du II du même article.

([69]) Article L. 111‑2‑2 du code de la sécurité sociale.

([70]) Article 71 de la loi n° 2003‑1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

([71]) Cette extension, issue d’un amendement déposés par le rapporteur général de l’époque, visait à régler une situation créée par une jurisprudence de la Cour de cassation qui interdisait la désignation d’un salarié en tant que représentant social au titre de l’article L. 241‑8 du code de la sécurité sociale qui dispose que « la contribution de l’employeur reste exclusivement à sa charge » et que « toute convention contraire est nulle de plein droit ».

([72]) Article 1er de la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([73]) Article 6 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([74]) Article 6 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([75]) Article L. 243‑1‑3 du code de la sécurité sociale.

([76]) Article 18 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([77]) Arrêté du 30 juin 2021 fixant le taux forfaitaire de non-recouvrement, les dates limites de versement aux attributaires et les règles applicables en l’absence de convention en application de l’article D. 133-13-7 du code de la sécurité sociale.

([78]) Article L. 725‑3 du code rural et de la pêche maritime.

([79]) Par renvoi au b du 5° de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale.

([80]) Par renvoi au c du 5° du même article L. 225‑1‑1.

([81]) Article L. 718‑2‑1 du code rural et de la pêche maritime.

([82]) Article L. 6331‑53 du code du travail.

([83]) Article L. 722‑8 du code rural et de la pêche maritime.

([84]) Article L. 722‑27 du code rural et de la pêche maritime.

([85]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel, juin 2023, p. 106.

([86]) La suppression du Régime social des indépendants (RSI) et l’affiliation de ses anciens assurés au régime général ont été votées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([87]) Un certain nombre de ces régimes sont en cours d’extinction (voir section II.A.1. infra).

([88]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, Les comptes de la sécurité sociale, mai 2023, p. 136.

([89]) Article 3 de la loi n° 2011‑1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

([90]) Article 9 de la loi n° 2003‑775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([91]) Article D. 134‑9 du code de la sécurité sociale.

([92]) Bien que rattachés au régime général depuis la suppression du RSI en 2018, les travailleurs indépendants sont décomptés en dehors des effectifs du régime général pour le calcul de la compensation généralisée vieillesse compte tenu des spécificités liées au calcul de la capacité contributive des régimes de non‑salariés qui empêche toute comparaison avec celle des régimes de salariés.

([93]) Article L. 134‑1 du code de la sécurité sociale.

([94]) Article D. 134‑2 du code de la sécurité sociale.

([95]) Article D. 134‑3 du code de la sécurité sociale.

([96]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel de juin 2023, p. 106.

([97]) Le contribution d’équilibre de l’État correspond aux cotisations qu’il verse en tant qu’employeur.

([98]) Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel de juin 2023, p. 111.

([99]) Loi n° 2004‑803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

([100]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, Les comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

([101]) Article 17 de l’ordonnance n° 45‑2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.

([102]) Décret n° 2010-975 du 27 août 2010 modifiant le décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines.

([103]) Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([104]) Article premier de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([105]) IX de l’article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([106]) Article L. 921‑1 du code de la sécurité sociale.

([107]) Article L. 4163‑7 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 17 de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([108]) Article L. 4163‑5 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 17 de la loi n° 2023‑270 précitée.

([109]) Article R. 4163‑11 du code du travail dans sa rédaction résultant du décret n° 2023‑759 du 10 août 2023.

([110]) Article L. 4163‑21 du code du travail.

([111]) Décret n° 2004-174 du 23 février 2004 relatif au régime de sécurité sociale du personnel de la Régie autonome des transports parisiens.

([112]) Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières.

([113]) Décret n° 2007-262 du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France.

([114]) Article L. 1237‑11 du code du travail.

([115]) Loi n° 2022‑1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

([116]) Article L. 1237‑1‑1 du code du travail.

([117]) Article 10 de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Le calendrier de cette réforme est rappelé en détail dans le commentaire de l’article 40 du présent projet de loi.

([118]) Les dépenses de retraite du régime de la fonction publique d’État sont votées chaque année en loi de finances dans le compte d’affectation spéciale « Pensions ».

([119]) Article L. 381‑2 du code de la sécurité sociale.

([120]) Les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) ; les bénéficiaires de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) et les bénéficiaires du congé de proche aidant (CPA) pour les périodes où ils ne touchent pas l’AJPA ; les travailleurs non-salariés et chômeurs qui aident un proche dans les mêmes conditions que les bénéficiaires du CPA ; les parents qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour assumer la charge d’un enfant de moins de 20 ans en situation de handicap présentant un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 % ; les parents qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour assumer, au foyer familial, la charge d’un adulte en situation de handicap qui présente un taux d’incapacité d’au moins 80 % et dont la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) reconnaît que son état nécessite une assistance ou une présence spécifiques.

 

([121]) Article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale. La part de taxe sur les salaires affectée à la branche autonomie est passée de 4,25 % à 4,57 % tandis que celle affectée à la branche famille est passée de 17,19 % à 16,87 %.

([122]) Article 1er de la loi n° 2020‑839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

([123]) Article L. 732‑63 du code rural et de la pêche maritime.

([124]) Article 18 de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([125]) Articles L. 731‑3 et L. 732‑58 du code rural et de la pêche maritime.

([126]) Article 29 de la loi n° 2021‑1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([127]) Créé par la loi n° 2003‑47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, le dispositif de réduction dégressive sur les bas salaires est entré en vigueur le 1er juillet 2005.

([128]) Les entreprises soumises à un taux de contribution au Fonds national d’aide au logement (FNAL) de 0,1 % bénéficient d’une réduction de 31,95 points tandis que celles soumises à un taux de 0,5 % bénéficient d’une réduction de 32,35 points.

([129]) Article L. 241‑2‑1 du code de la sécurité sociale.

([130]) Article L. 241‑6‑1 du code de la sécurité sociale.

([131])  Cotisations maladie, maternité, invalidité et décès, famille et vieillesse.

([132]) Loi n° 2014‑892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

([133]) Loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([134]) Pour une présentation plus complète des dispositifs de compensation des exonérations de cotisations et de contributions sociales, le lecteur pourra utilement se référer au commentaire de l’article 12 du présent projet de loi de financement.

([135]) Loi n° 2010‑1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([136]) b de l’article L. 5427‑1 précité.

([137]) a de l’article L. 5427‑1 précité.

([138]) e de l’article L. 5427‑1 précité.

([139]) d de l’article L. 5427‑1 précité.

([140]) f de l’article L. 5427‑1 précité.

([141]) b du 9° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale. Cette part correspond non seulement à la compensation de la perte de recettes pour l’Unedic mais également à la compensation pour l’Agirc‑Arrco de l’exonération des cotisations de retraite complémentaire.

([142]) Unedic, rapport financier de 2022, p. 34.

([143]) Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe sur la valeur ajoutée, un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques, février 2023.

([144])  8° de l’article L.O. 111‑4‑1 du code de la sécurité sociale.

([145]) Le premier semestre 2023 a vu la création de 122 800 emplois.

([146]) Le conseil d’administration de l’Unedic a exceptionnellement acté une revalorisation des allocations chômage de 1,9 % au 1er avril 2023 et de 1,9 % supplémentaire au 1er juillet 2023.

([147]) Insee Références, Le marché du travail en 2022 : nouvelle forte hausse de l’emploi, p. 1.

([148]) Ces mécanismes de reversement sur sommes dues sont présentés dans le commentaire de l’article 8.

([149]) Article L. 421‑94 du code des impositions sur les biens et les services.

([150]) Un contrat est dit « solidaire » lorsque la mutuelle ne fixe pas le montant des cotisations en fonction de l’état de santé du sociétaire. Il est dit « responsable » lorsqu’il encourage au respect du parcours de soin coordonné.

([151]) Annexe 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([152]) Article L. 862‑4 du code de la sécurité sociale.

([153]) Article L. 815‑26 du code de la sécurité sociale.

([154]) Article L. 137‑40 du code de la sécurité sociale.

([155]) Article L. 137‑41 du code de la sécurité sociale.

([156]) Loi n° 2020‑992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([157]) Article 75 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([158]) Article 31 de la loi n° 98‑1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

([159]) Conseil constitutionnel, 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

([160]) 1° de l’article L. 138‑10 du code de la sécurité sociale.

([161]) 2° du même article L. 138‑10, qui renvoie à l’article L. 162‑22‑7 du code de la sécurité sociale.

([162]) 2° du même article L. 138‑10 qui renvoie à l’article L. 162‑23‑6 du code de la sécurité sociale.

([163]) 3° du même article L. 138‑10.

([164]) 4° du même article L. 138‑10.

([165]) 5° du même article L. 138‑10.

([166]) 6° du même article L. 138‑10. Le IV de l’article 18 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit que ce 6° s’applique au titre des clauses de sauvegarde dues à compter de l’exercice 2024 et des exercices suivants.

([167]) Article L. 138‑11 du code de la sécurité sociale.

([168]) Article L. 138‑13 du code de la sécurité sociale.

([169]) Article L. 138‑12 du code de la sécurité sociale.

([170]) Article L. 138‑19‑8 et suivants du code de la sécurité sociale.

([171]) La dynamique du rendement de la contribution L fait l’objet d’une analyse plus détaillée dans le commentaire de l’article 4.

([172]) Pour un « New Deal » garantissant un accès égal et durable des patients à tous les produits de santé, Agnès Audier, Claire Biot, Frédéric Collet, Anne‑Aurélie Epis de Fleurien, Magali Leo et Mathilde Lignot-Leloup, août 2023.

([173]) Le lecteur pourra utilement se référer au commentaire de l’article 35 pour davantage de précision sur ce dispositif.

([174]) Article R. 163-3 du code de la sécurité sociale.

([175]) c du 1° de l’article L.O. 111‑3‑4 du code de la sécurité sociale.

([176]) 2° de l’article L.O. 111‑4‑1 du code de la sécurité sociale.

([177]) Données issues de l’annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 et de l’annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le coût des allègements généraux et des exonérations ciblées s’élève à 67,8 milliards d’euros en 2022. Ce coût est évalué sur la base des données remontées par les régimes, en droits constatés pour l’année 2022. Sont inclus dans les 78,5 milliards d’euros présentés ici 10 milliards d’euros au titre des exemptions d’assiette dont le coût est évaluable ainsi que la déduction forfaitaire spécifique (DFS) évaluée à 1 milliard d’euros.

([178]) Créé par la loi n° 2003‑47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, le dispositif de réduction dégressive sur les bas salaires est entré en vigueur le 1er juillet 2005.

([179]) Les entreprises soumises à un taux de contribution au Fonds national d’aide au logement (FNAL) de 0,1 % bénéficient d’une réduction de 31,95 points tandis que celles soumises à un taux de 0,5 % bénéficient d’une réduction de 32,35 points.

([180]) Article L. 241‑2‑1 du code de la sécurité sociale.

([181]) Article L. 241‑6‑1 du code de la sécurité sociale.

([182]) Donnée issue du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023.

([183]) Urssaf Caisse nationale, « Stat’Ur, Bilan », juillet 2023.

([184]) Ibid.

([185]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

([186]) L’article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale confie à la loi de financement le monopole des dérogations au principe général de compensation.

([187]) Annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.

([188]) Loi n° 2010‑1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([189]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([190]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([191]) Article L. 241‑17 du code de la sécurité sociale.

([192]) Article 96 de la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([193]) c du 1° de l’article L.O. 111‑3‑4 du code de la sécurité sociale.

([194]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, issue d’une proposition de loi organique de M. Thomas Mesnier.

([195]) 3° de l’article L.O. 111‑4‑4 du code de la sécurité sociale.

([196]) Rodolphe Gintz, Thomas Brand, Laurence Eslous, Antoine Magnier, Évaluation de l’efficacité des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale prévue par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mars 2023.

([197]) Rapport d’information n° 1685 de MM. Marc Ferracci et Jérôme Guedj déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales, 28 septembre 2023.

([198]) Article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale.

([199]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

([200]) Loi n° 2020‑992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([201]) Pour mémoire, 31 milliards d’euros au titre des déficits cumulés par la branche maladie du régime général, le Fonds de solidarité vieillesse, le régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, 92 milliards d’euros de déficits prévisionnels du régime général et du régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles et 13 milliards d’euros au titre des emprunts contractés au 31 décembre 2019 par les établissements de santé relevant du service public hospitalier.

([202]) 6,2 milliards d’euros du Fonds de solidarité vieillesse, 10,2 milliards d’euros de la Caisse nationale de l’assurance maladie et 3,6 milliards d’euros de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole au titre du régime d’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés agricoles.

([203]) Pour mémoire, il s’agit de 9,9 milliards d’euros correspondant aux déficits cumulés fin 2019 de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse, de 1,3 milliard d’euros de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, de 23,8 milliards d’euros de déficits 2020 des branches maladie, vieillesse, famille et du Fonds de solidarité vieillesse et de 5 milliards d’euros au titre de la dette des établissements relevant du service public hospitalier au 31 décembre 2019.

([204]) 32,3 milliards d’euros au titre de la couverture des déficits cumulés de la branche maladie, 1,46 milliard d’euros au titre de ceux de la branche vieillesse et 1,2 milliard d’euros au titre de ceux du Fonds de solidarité vieillesse, ainsi que 5 milliards d’euros au titre de la dette des établissements relevant du service public hospitalier au 31 décembre 2019. À noter que ce même décret n° 2022-23 du 11 janvier 2022 a annulé la reprise des déficits de la branche vieillesse et famille pour 2020 au motif que les situations nettes de ces branches restaient excédentaires à fin 2020 après l’imputation des déficits 2020. Il pourrait en aller de même pour les déficits cumulés du Fonds de solidarité vieillesse que la Cades devait continuer de reprendre, compte tenu de la situation excédentaire de ce dernier, a minima au titre de l’année 2023.

([205]) Rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2023, Cour des comptes, mai 2023.

([206]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023.

([207]) Article 3 de la loi n° 2020‑992 du 7 août 2020 relative à la datte sociale et à l’autonomie.

([208]) « Le projet de loi de financement de l’année est accompagné d’un rapport décrivant, pour les quatre années à venir, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Ces prévisions sont établies de manière cohérente avec les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques présentées dans le rapport joint au projet de loi de finances de l’année en application de l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le rapport précise les hypothèses sur lesquelles repose la prévision de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir. Ces hypothèses prennent en compte les facteurs concourant à l’évolution tendancielle de cet objectif ainsi que l’impact attendu des mesures nouvelles.

En outre, ce rapport présente, pour chacun des exercices de la période de programmation de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les écarts cumulés entre, d’une part, les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement qui figurent dans cette même loi et, d’autre part, les objectifs de dépenses décrits dans ce rapport.

Le rapport précise les raisons et hypothèses expliquant ces écarts ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire. »

([209]) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([210]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([211])  Inserm, Papillomavirus : faut-il généraliser la vaccination ? Publié le 27 mars 2023 :
https://www.inserm.fr/actualite/papillomavirus-faut-il-generaliser-la-vaccination/

([212]) Qui comprend cinquante‑trois pays et couvre une vaste région géographique s’étendant de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique.

([213]) Vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) : la France est très en retard, Communiqué de l’Académie nationale de médecine, 23 juin 2022.

([214])  Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([215]) Selon l’article L. 6153-5 du code de la santé publique, les étudiants en troisième cycle d’études pharmaceutiques peuvent administrer certains vaccins mais doivent pour cela être régulièrement inscrits dans une unité de formation et de recherche de sciences pharmaceutiques ou, le cas échéant, dans une unité de formation et de recherche médicale et pharmaceutiques.

([216]) Données issues de l’étude d’impact annexée au projet de loi.

([217]) Virus de l’immunodéficience humaine.

([218]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([219]) Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([220]) Les arrêtés du 21 novembre 2018 pour la marque Eden et du 14 février 2019 pour la marque Sortez couverts ! ont permis l’inscription de ces produits à la LPP et donc leur prise en charge conformément à l’article R. 165‑1 du code de la sécurité sociale.

([221]) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([222]) Étude d’impact annexée au projet de loi.

([223]) Billon A., Gustin M.-P., Tristan A., et al., Association of characteristics of tampon use with menstrual toxic shock syndrome in France, cité par l’étude d’impact.

([224]) Pour mémoire, le ticket modérateur représente la part des dépenses restant à la charge d’un patient après remboursement de l’assurance maladie et avant déduction des participations forfaitaires.

([225]) S’agissant de la partie complémentaire santé.

([226]) En application de l’article L. 165-5-1-1 du code de la sécurité sociale auquel le présent article renvoie.

([227])  Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([228]) Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([229]) Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle.

([230]) Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

([231]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([232]) En 2018, on ne comptait en Métropole que 4,4 millions de bénéficiaires de la CMU‑C sur une population de 6,5 à 7,7 millions de personnes éligibles, soit un taux de recours compris entre 56 et 68 %. S’agissant de l’ACS, dont bénéficiaient la même année 1,4 million de personnes pour 3,1 à 4,4 millions de personnes éligibles, le taux de recours était encore plus faible, se situant entre 33 % et 47 %.

([233]) Étude d’impact annexée au projet de loi.

([234]) Décret n° 2022-199 du 18 février 2022 relatif au contrat d’engagement jeune et portant diverses mesures d’application de l’article 208 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([235]) Aux termes de l’article L. 243-4 du code de l’action sociale et des familles, tout travailleur handicapé accueilli en Esat bénéficie d’un contrat de soutien et d’aide par le travail et a droit à une rémunération garantie versée par l’établissement ou le service d’accueil.

([236]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([237]) Aux termes de cet article, les aides personnelles au logement comprennent l’aide personnalisée au logement, les allocations de logement, l’allocation de logement familiale et l’allocation de logement sociale.

([238]) Les allocataires qui perçoivent le complément de ressources ou une allocation personnalisée de logement (et non les deux dispositifs) seront en revanche concernés par la présomption, sous réserve de respecter les autres critères.

([239]) Référence à l’article 51 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui constitue le cadre législatif de ces expérimentations.

([240]) Articles L. 160-13 et L. 162-59 du code de la sécurité sociale.

([241]) L’organisme local d’assurance maladie pourra verser les sommes correspondantes à chaque professionnel ou, le cas échéant, à la structure qui l’emploie ou à la structure responsable de la coordination. Celle-ci pourra, le cas échéant, percevoir les sommes versées par les assurés au titre de leur participation aux frais du parcours coordonné renforcé.

([242]) Ils modifient l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 pour Saint-Pierre-et-Miquelon et l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 pour Mayotte.

([243]) Source : Ministère de la santé et de la prévention, « Financement des établissements de santé », article mis à jour le 23 février 2022, www.sante.gouv.fr.

([244]) Loi n° 2003‑1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

([245]) Les articles L. 162-22-1 à L. 162-22-5 sont rétablis. Ils figuraient auparavant dans l’ancienne sous-section 2, qui portait sur « les frais d’hospitalisation remboursés sur la base de tarifs journaliers propres à certains établissements de santé privés ». Celle-ci a été abrogée par l’article 34 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([246]) Ces dispositions sont actuellement placées dans la sous-section 2, propre aux activités MCO (article L. 162‑22‑6).

([247]) Le propos de ce commentaire se focalise sur les principales modifications de fond qui sont au cœur de cet article, avec l’espoir de conserver toute l’attention du lecteur.

([248]) Conformément au II de l’article L. 162-22-3-1, qui reprend le II bis de l’article L. 162-22-10 (abrogé par le présent article), l’État pourra modifier les tarifs des prestations d’hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de la sécurité sociale lorsque le comité d’alerte de l’Ondam émet un avis considérant qu’il existe un risque sérieux de dépassement de cet objectif et dès lors que ce risque de dépassement est imputable pour tout ou partie à l’évolution de l’objectif de dépenses d’assurance maladie afférent aux activités MCOO.

([249]) Article L. 162-22-3-3, reprenant les dispositions du 3° du I de l’article L. 162-22-10 (abrogé par le présent article).

([250]) Voir ci-après la frise chronologique.

([251]) Missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation.

([252]) Article 57 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([253]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([254])  Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([255])  Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([256]) L’expérimentation a démarré dans les 10 premiers départements engagés en février-mars 2022, entre avril et juin 2022 dans 5 autres départements et en septembre et octobre 2022 dans les 11 derniers (soit 26 départements expérimentateurs dans 9 régions). La région Normandie, dans laquelle un seul département avait prévu de participer à l’expérimentation, y a finalement renoncé.

([257]) Permettant aux pharmaciens de réaliser des vaccins contre la grippe saisonnière.

([258]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([259]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([260]) Décrets n° 2022-610 du 21 avril 2022 relatif aux compétences vaccinales des infirmiers et des pharmaciens d’officine et n° 2022-611 du 21 avril 2022 relatif aux compétences vaccinales des sages-femmes.

([261]) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([262]) Sages-femmes, infirmiers, pharmacies à usage intérieur et certains laboratoires de biologie médicale.

([263]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([264]) Décret n° 2021-1631 du 13 décembre 2021 relatif aux modalités d’utilisation d’une ordonnance de dispensation conditionnelle de médicaments mentionnée à l’article L. 5121-12-1-1 du code de la santé publique.

([265]) Arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

([266]) Le 11 octobre 2023.

([267]) Mission régulation des produits de santé, confiée par la Première ministre à Agnès Audier, Claire Biot, Frédéric Collet, Anne-Aurélie Epis de Fleurian, Magali Leo et Mathilde Lignot‑Leloup, août 2023.

([268]) Caisses de Haute-Normandie, de Mayenne-Orne-Sarthe, de Sud-Aquitaine et de Midi-Pyrénées-Nord.

([269]) Les deux autres activités ayant fait l’objet de l’expérimentation sont désormais couvertes par l’article R. 717‑52‑3 du code rural et de la pêche maritime, en application de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Les caisses de MSA peuvent donc déjà se saisir de ces deux dernières dispositions.

([270]) Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l’assurance maladie pour 2024, rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’assurance maladie au titre de 2024 (loi du 13 août 2024), juillet 2023.

([271]) Décret n° 2021-13 du 8 janvier 2021 prévoyant l’application de dérogations relatives au bénéfice des indemnités journalières et de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail ainsi qu’aux conditions de prise en charge par l’assurance maladie de certains frais de santé afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19.

([272]) Avec un maintien du complément employeur.

([273]) Étude d’impact annexée au projet de loi.

([274]) L’assurance maladie peut appliquer une pénalité financière en cas de récidive faisant suite à deux périodes de mise sous accord préalable.

([275]) Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010.

([276]) Si le médecin ne respecte pas ses engagements, l’assurance maladie peut, là aussi, après procédure contradictoire, lui appliquer des pénalités.

([277]) Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Propositions de l’assurance maladie pour 2020.

([278]) L’évolution des dépenses d’indemnités journalières – Revue de dépenses 2017, C. Lépine (Igas), D. Knecht, C. Freppel, T. Bert et P. Dolléans (IGF).

([279])  Étude d’impact du Gouvernement.

([280]) L’extension du périmètre de la MSAP est prévue uniquement dans le cadre de la régulation des arrêts de travail, et ne concerne donc ni la prescription de transport, ni celle d’actes, produits ou prestations.

([281]) Article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.

([282]) Article L. 431-1 du code de la sécurité sociale.

([283]) Aujourd’hui fixé à dix jours.

([284])  Aujourd’hui fixé à 4 jours.

([285]) Article L. 6316-1 du code de la santé publique.

([286]) Article L. 6316-2 du code de la santé publique.

([287]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), études et résultats, décembre 2022.

([288]) Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : propositions de l’assurance maladie pour 2024, juillet 2023 :

([289]) Drees, études et résultats, décembre 2022.

([290]) Comme pour toute consultation, le tiers payant est appliqué, dans son intégralité pour les patients en ALD, les femmes enceintes et les patients bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S).

([291]) Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèce d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid- 19.

([292]) Assurance maladie, Charte de bonnes pratiques de la téléconsultation.

([293]) Haute autorité de santé, Téléconsultation et téléexpertise, mise en œuvre, mai 2019.

([294])  Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([295])  L’incapacité temporaire désigne la période pendant laquelle une personne victime d’un accident ou d’une maladie est dans l’incapacité d’occuper son emploi. On parle alors d’incapacité temporaire de travail (ITT). Cette incapacité doit être médicalement constatée et sa durée prescrite par le médecin consulté par la victime ou, s’il s’agit d’un arrêt maladie, par le malade.

([296]) The Shift Project, Décarboner la santé pour soigner durablement, rapport V2, avril 2023.

([297]) IGAS-IGF, Revue de dépenses La régulation du secteur des dispositifs médicaux, 2015.

([298]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023, p. 120.

([299]) Source : site internet de l’Agence fédérale belge des médicaments et produits de santé : [https://www.afmps.be/fr].

([300])  Il s’agit d’un organisme tiers chargé d’évaluer la conformité d’un dispositif médical aux exigences de mise sur le marché prévues par la directive DM. Les organismes notifiés, sont désignés par les autorités compétentes des différents pays de l’Union européenne. Ils doivent respecter des critères d’indépendance, d’intégrité, d’impartialité, de formation et de compétence. Un organisme notifié peut être spécialisé dans certaines activités et certaines classes de dispositifs médicaux.

([301]) Dispositions figurant respectivement aux articles L. 322-5 et L. 322-5-1 du code de la sécurité sociale.

([302])  La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a acté l’exonération pérenne de la taxe sur les salaires versés par l’EFS et une hausse des tarifs des PSL à due concurrence du niveau de TVA (+ 2,1 %).

([303]) Éléments transmis par le ministère de la santé et de la prévention à la rapporteure générale.

([304]) Article L. 1222-8 du code de la sécurité sociale pour les recettes de l’EFS et article L. 164-1 du code de la sécurité sociale pour les modalités de fixation des tarifs de cessions de produits.

([305]) Sénat, rapport de la commission d’enquête « Pénuries de médicaments : trouver d’urgence le bon remède » Sonia de la Provôté présidente, Laurence Cohen rapporteure, rapport n° 828, tome I, déposé le 4 juillet 2023.

([306]) Données 2010 du rapport annuel de la Fédération européenne des industries pharmaceutiques (EFIPA).

([307])  Les médicaments matures sont les médicaments dont la commercialisation est ancienne, datant généralement de plus de dix ans et qui ne font plus l’objet d’une protection au titre des droits de propriété intellectuelle.

([308])  Un médicament générique est fabriqué à partir d’une molécule identique à celle du médicament de référence dont il est issu, et dont le brevet est tombé dans le domaine public. Il a la même composition qualitative et quantitative, la même forme pharmaceutique. Il dispose de la même efficacité thérapeutique que la spécialité de référence, mais son coût est moindre.

([309])  Article L. 5124-6 du code de la santé publique créé par l’article 23 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, modifié par l’article 4 de la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.

([310]) Article R-5124-49-1 du code de la santé publique.

([311])  Article R-5124-49-1 du code de la santé publique.

([312])  Les grossistes-répartiteurs pharmaceutiques dont des entreprises dont l’activité consiste à acheter les médicaments aux laboratoires, à les stocker, à les livrer aux officines et pharmacies. Ils jouent un rôle essentiel dans la chaîne d’approvisionnement des pharmacies d’officines. Ils distribuent plus de 70 % du volume de médicaments vendus en France dans les officines, correspondant à 80 % de la valeur du marché.

([313]) Sur le régime des interruptions et arrêts de commercialisation, se référer à l’article L. 5124-6 du code de la santé publique.

([314])  Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([315]) Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

([316]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([317])  Les PGP sont des documents contenant des informations relatives aux MITM recensant les risques relatifs à leur approvisionnement, les moyens de maîtrise de ces risques ainsi que la méthode de revue et de suivi des risques. Les PGP sont censés répertorier les points de fragilité de la chaine de fabrication, les actions de prévention des ruptures de stock mises en œuvre, et le cas échéant les mesures prises par l’exploitant pour limiter les conséquences sur la santé publique en cas de pénurie. Le degré de formalisation et de documentation de chaque PGP est proportionné au niveau de risque et tient compte de la part de marché que représente la spécialité.

([318])  Sénat, rapport de la commission d’enquête « Pénuries de médicaments : trouver d’urgence le bon remède » Sonia de la Provôté présidente, Laurence Cohen rapporteure, rapport n° 828, tome I, déposé le 4 juillet 2023.

([319]) Sénat, rapport de la commission d’enquête « Pénuries de médicaments : trouver d’urgence le bon remède » Sonia de la Provôté présidente, Laurence Cohen rapporteure, rapport n° 828, tome I, déposé le 4 juillet 2023.

([320]) Cisatracurium, atracurium, rocuronium, kétamine, midazolam.

([321]) Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France.

([322])  Action n° 20.

([323]) Rapport (n° 4275) de la mission d’information sur les médicaments de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, présenté par Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine le 23 juin 2021.

([324]) Proposition n° 28.

([325]) Entretien consultable sur le site internet du laboratoire Roche : https://rochepro.fr/pharminlink/thematiques/pharmacotechnie/nouveau-statut-pour-preparations-hospitalieres-speciales.html.

([326])  Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([327]) Sur les arrêts de commercialisation, consulter le commentaire de l’article 36.

([328]) Article L. 5125-1-1du code de la santé publique.

([329]) Article L. 5124-9 du code de la santé publique.

([330]) Rapport précité de la mission d’information sur les médicaments de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale..

([331]) Voir le commentaire de l’article 36 du présent projet de loi.

([332]) Annexe 9 à l’article 32 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([333]) Introduit dans la directive 2001/83/CE par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004.

([334]) Article 81 de la directive.

([335]) Article 23 bis de la directive.

([336]) Les MITM sont définis à l’article 151 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, codifié à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique comme « les médicaments ou classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie ».

([337]) Article R. 5124-49-1 du code de la santé publique depuis le 1er septembre 2021.

([338]) Article L. 5124-17-3 du code de la santé publique depuis le 1er septembre 2021.

([339]) Id.

([340]) PGEU Medicine Shortages Survey 2022 Results, 19 p.

([341]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([342]) Décret n° 2021-1631 du 13 décembre 2021 relatif aux modalités d’utilisation d’une ordonnance de dispensation conditionnelle de médicaments mentionnée à l’article L. 5121-12-1-1 du code de la santé publique.

([343]) Article R. 5132-5-1 du code de la santé publique.

([344]) Décret n° 2022-100 du 31 janvier 2022 relatif à la délivrance à l’unité de certains médicaments en pharmacie d’officine.

([345]) Arrêté du 31 mars 2022 portant approbation de la Convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie.

([346]) Source : à partir du résumé des réponses des États membres sur les mesures mises en œuvre au titre de l’article 81 de la directive 2001/83/CE.

http://ec.europa.eu/health/sites/health/files/files/committee/ev_20180525_summary_en.pdf

([347]) Article 8 du code de déontologie médicale, codifié à l’article R. 4127-8 du code de la santé publique.

([348]) Ibid.

([349]) En application de l’article L. 4021-3 du code de la santé publique, « les conseils nationaux professionnels regroupent, pour chaque profession de santé ou, le cas échéant, pour chaque spécialité, les sociétés savantes et les organismes professionnels ».

([350]) En application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique, il s’agit des associations qui agissent en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé.

([351]) L’article L. 5211-1 du code de la santé publique définit comme dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matière ou autre article destiné à être utilisé chez l’homme à des fins médicales telles que le diagnostic, la prévention, le traitement d’une maladie ou l’atténuation d’un handicap.

([352]) L’article L. 5221-1 du code de la santé publique définit un dispositif médical de diagnostic in vitro comme un dispositif médical qui consiste en un réactif, un produit réactif, un matériau d’étalonnage, ou encore un instrument, un appareil, un équipement destiné à être utilisé in vitro dans l’examen d’échantillons provenant du corps humain dans le but de fournir des informations sûres, notamment, un processus ou un état physiologique ou pathologique, des déficiences congénitales physiques ou mentales, ou encore la prédisposition à une affection ou à une maladie.

([353]) Loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([354]) Article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale.

([355]) Article L. 162-16-5-1-1 du code de la sécurité sociale.

([356]) Ibid.

([357]) Introduit dans la directive 2001/83/CE, par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

([358]) Article 81 de la directive modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

([359]) Article 23 bis de la directive modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

([360]) Article 13, paragraphe 1. de la directive 2003/94/CE de la Commission du 8 octobre 2003 établissant les principes et lignes directrices de bonnes pratiques de fabrication concernant les médicaments à usage humain et les médicaments expérimentaux à usage humain.

([361]) Article 13, paragraphe 4. du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments.

([362]) Article L. 5124-6 du code de la santé publique créé par l’article 23 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, modifié par l’article 4 de la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.

([363]) Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

([364]) Article L. 5124-6 du code de la santé publique.

([365]) Article L. 5124-17-1 du code de la santé publique

([366]) Article L. 5124-17-2 du code de la santé publique.

([367]) Article L. 5421-8 du code de la santé publique.

([368]) Décret n° 2012-1096 du 28 septembre 2012 relatif à l’approvisionnement en médicaments à usage humain, pris en application de l’article 47 de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011.

([369]) Voir ANSM, Lignes directrices pour l’élaboration des plans de gestion des pénuries pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, 22 juillet 2021.

([370]) Article L.5111-4 du code de la santé publique.

([371]) Article R. 5124-49-4 du code de la santé publique.

([372]) Article R. 5124-49-5 du code de la santé publique.

([373]) Article R. 5124-49-1 du code de la santé publique.

([374]) Article L. 5124-17-3 du code de la santé publique.

([375]) Article L. 5121-30 du code de la santé publique.

([376]) Article L. 5121-33 du code de la santé publique.

([377]) Article 48 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([378]) Sénat, rapport de la commission d’enquête « Pénuries de médicaments : trouver d’urgence le bon remède » Sonia de la Provôté, présidente, Laurence Cohen, rapporteure, rapport n° 828, tome I, déposé le 4 juillet 2023.

([379])  Communiqué de l’ANSM, février 2023.

([380])  Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle

([381]) Article R. 314-166 du code de l’action sociale et des familles.

([382]) Article R. 314-167 du code de l’action sociale et des familles.

([383]) Article 1er de l’arrêté du 24 avril 2023 fixant pour 2023 les valeurs du point mentionnées à l’article R. 314‑162 du code de l’action sociale et des familles.

([384]) Article L. 174-8 du code de la sécurité sociale.

([385]) Article R. 314-176 du code de l’action sociale et des familles.

([386]) Le niveau moyen de perte d’autonomie des personnes hébergées est déterminé en divisant la somme des points GIR obtenus par la valorisation correspondante présentée à l’annexe 3-6 du code de l’action sociale et des familles par le nombre de personnes hébergées.

([387]) Article R. 232-1 du code de l’action sociale et des familles.

([388]) Article R. 232-3 du code de l’action sociale et des familles.

([389]) Article L. 232‑8 du code l’action sociale et des familles.

([390]) Article R. 314-179 du code de l’action sociale et des familles.

([391]) Article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles.

([392]) Article L. 831-1 du code de la construction et de l’habitation.

([393])  Article L. 841-2 du code la construction et de l’habitation.

([394]) Article 199 quindecies du code général des impôts.

([395]) Article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles.

([396]) Voir, notamment : Cour des comptes, La prise en charge médicale des personnes âgées en Ehpad, février 2022 ; Dominique Libault, Rapport de la concertation grand âge et autonomie, mars 2019 ; Christine Pires Beaune, Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur reste à charge, juin 2023.

([397]) Rapport d’information n° 659 de Mme Jocelyne Guidez, M. Laurent Burgoa et Mme Corinne Féret au nom de la commission des affaires sociales sur les troubles du neuro-développement, 31 mai 2023.

([398]) Article 62 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 aujourd’hui codifié à l’article L. 2135-1 du code de la santé publique.

([399]) Article 81 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 aujourd’hui codifié à l’article L. 2136-1 du code de la santé publique.

([400]) Article R. 2132‑1 du code de la santé publique.

([401]) Article L. 162‑5 du code de la sécurité sociale.

([402]) Article L. 162‑9 du code de la sécurité sociale.

([403]) Article L. 4331‑1 du code de la santé publique.

([404]) Article L. 4332‑1 du code de la santé publique.

([405]) Les comptes de la sécurité sociale, rapport de mai 2023.

([406]) Les 5 % restants provenant des sommes récupérées au titre du recours contre tiers.

([407]) Dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’emploi.

([408]) Soc. 28 février 2002, n° 00-11.793, et Soc. 11 avril 2002, n° 00-16.535.

([409]) Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull. 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08‑16.089, Bull. 2009, II, n° 154.

([410]) 2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48.

([411]) Assemblée plénière, arrêts n° 20-23.673 et n° 21-23.947.

([412]) Audition de l’Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (Anadavi), Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), Association nationale de défense de l’amiante (ANDEVA). Mme Julie Andreu, avocate spécialisée en droit social a également participé à l’audition.

([413]) Article 5 de l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

([414]) Article 6 de l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

([415]) Article 9 du décret n° 2003‑589 du 1er juillet 2003 portant application des dispositions du titre II et du chapitre Ier du titre VI de l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

([416]) La loi n° 2014‑40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoyait le relèvement progressif de la durée minimale d’assurance requise pour le bénéfice du taux plein à 172 trimestres pour la génération 1973.

([417]) Article 3 de la loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

([418]) Ordonnance n° 2015‑896 du 23 juillet 2015 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

([419]) c du 1° de l’article 5 de la loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

([420]) Article 10 de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([421]) Sur le plan légistique, l’article L. 351‑8 opère un renvoi à « l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 161172 [du code de la sécurité sociale] » – c’est-à-dire l’âge d’ouverture des droits – « augmenté de trois années ».

([422]) 1° de l’article L. 351‑8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de l’article 10 de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([423]) Matériellement, ce sont les caisses d’allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole qui versent les cotisations à l’assurance vieillesse. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie rembourse ensuite la branche famille du montant correspondant à ces cotisations.

([424]) Article 6 de la loi n° 87‑563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

([425]) À l’exclusion des bénéficiaires du complément familial et de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant.

([426])  Article 82 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([427]) En application de l’article 3 de l’ordonnance n° 77‑1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.

([428]) Les exploitants agricoles notamment sont affiliés au régime d’assurance vieillesse de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon au même titre que les salariés et que les autres indépendants, ce qui n’est pas le cas en droit commun où les exploitants agricoles bénéficient d’un régime distinct.

([429]) Article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([430]) Les taux d’évolution mentionnés dans les titres de ce commentaire correspondent aux taux d’évolution de l’Ondam ou des sous-Ondam hors dépenses liées à la crise sanitaire.

([431]) Au sens de l’indice des prix à la consommation hors tabac.

([432]) Avant prise en compte de l’inflation et des mesures nouvelles.

([433]) Arrêté du 5 mai 2002 fixant la liste des maladies dont le constat vaut justification de l’exposition à l’amiante au regard des dispositions de l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 instituant le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

([434]) Par ces deux arrêts, la Cour de cassation a jugé que la rente viagère versée en cas d’incapacité permanente n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent. Voir le commentaire de l’article 39.

([435]) À la différence des accidents du travail, dont la déclaration doit être effectuée par l’employeur, c’est au salarié qu’il revient de demander la reconnaissance d’une affection en maladie professionnelle.

([436]) Avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, la réforme des retraites de 2010 prévoit de maintenir une retraite à taux plein dès 60 ans pour les salariés atteints d’une incapacité permanente d’au moins 10 % reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles d’une maladie professionnelle.

([437]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([438]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([439]) Assemblée plénière, arrêts du 20 janvier 2023 n° 20-23.673 et n° 21-23.947.

([440]) Ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités.

([441]) Bien évidemment, et bien que cela ne fasse pas l’objet du présent commentaire, cet effet joue également pleinement pour les régimes complémentaires.

([442]) La génération qui liquide aujourd’hui sa retraite à l’âge légal d’ouverture des droits, 62 ans et 3 mois, est née en 1961 et a donc connu une période d’activité des années 1980 aux années 2010 au cours desquelles le taux d’emploi des femmes a progressivement augmenté.

([443]) Article L. 161‑23‑1 du code de la sécurité sociale.

([444]) Article 9 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([445]) Annexe 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, p. 11.

([446]) Au titre de la réduction dégressive sur les bas salaires prévue à l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale.

([447]) Ce chiffre correspond à l’évolution des dépenses de retraite de droit propre. Il n’inclut donc pas les droits dérivés que sont, principalement, les pensions de réversion.

([448]) Loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([449]) Loi n° 2020‑992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([450]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([451]) Décret n° 2023-752 du 10 août 2023 relatif à la revalorisation des minima de pension, à la pension d’orphelin, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées et à l’assurance vieillesse des aidants.

([452]) Voir à ce titre le commentaire de l’article 14.