N° 1785

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2024
(n° 1682)

PAR Mme Stéphanie RIST

Rapporteure générale, rapporteure pour les recettes, l’équilibre général et la branche maladie, Députée

Mme Caroline JANVIER
Rapporteure pour la branche autonomie, Députée

M. Paul CHRISTOPHE
Rapporteur pour la branche famille, Député

M. Cyrille ISAAC-SIBILLE
Rapporteur pour la branche vieillesse, Député

M. François RUFFIN
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député

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TOME III

COMPTES RENDUS

 

 Voir les numéros : 1682, 1784.

 

 

 


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SOMMAIRE

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TOME I : AVANT-PROPOS ET SYNTHÈSE

TOME II : COMMENTAIRES DES ARTICLES

TOME III : COMPTES RENDUS

Pages

Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale du projet de loi

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 16 heures 30

Comptes rendus de l’examen des articles du projet de loi

1. Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17 heures 15 (article liminaire à article premier)

Article liminaire Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2023 et 2024

Article 1er Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépense pour 2023

2. Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 21 heures 15 (article 2 à article 7)

Article 2 Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs

Article 3 Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie et de la branche autonomie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé et de la contribution de la branche autonomie aux agences régionales de santé

Article 4 Rectification du montant M de la clause de sauvegarde pour 2023

Après l’article 4

Article 5 Réforme de la procédure de l’abus de droit, sécurisation du dispositif d’avance immédiate et adaptation de son calendrier

Article 6 Renforcement des obligations des plateformes numériques pour garantir le paiement des cotisations dues par leurs utilisateurs

Article 7 Annuler la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux en cas de fraude

3. Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 9 heures 30 (après l’article 7)

Après l’article 7

4. Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15 heures (après l’article 7 (suite) à après l’article 10)

Après l’article 7 (suite)

Article 8 Simplification de l’organisation du recouvrement

Après l’article 8

Article 9 Simplification du schéma de financement du système de retraite dans le cadre de l’extinction des régimes spéciaux

Article 10 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale et avec le budget de l’État

Après l’article 10

5. Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 21 heures 15 (après l’article 10 (suite) à après l’article 11)

Après l’article 10 (suite)

Article 11 Simplification des mécanismes de régulation macroéconomique des produits de santé

Après l’article 11

6. Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 9 heures 30 (après l’article 11 (suite) à après l’article 19)

Après l’article 11 (suite)

TITRE II – CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article 12 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Article 13 Tableaux d’équilibre pour 2024

Article 14 Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse

Article 15 Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes

Article 16 Approbation de l’annexe A

Article 17 Déploiement de la campagne de vaccination HPV dans les collèges et suppression du ticket modérateur de certains vaccins

Après l’article 17

Article 18 Gratuité des préservatifs pour tous les assurés âgés de moins de 26 ans sans prescription

Après l’article 18

Article 19 Lutter contre la précarité menstruelle

Après l’article 19

7. Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 15 heures (article 20 à article 27)

Article 20 Évolution des rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie

Après l’article 20

Article 21 Mieux articuler les droits à la complémentaire santé solidaire avec le bénéfice de certains minima sociaux

Article 22 Inscription dans le droit commun des parcours issus des expérimentations de l’article 51

Après l’article 22

Article 23 Réforme des financements médecine-chirurgie-obstétrique des établissements de santé

Après l’article 23

Article 24 Régulation de la permanence des soins dentaires et modalités de fixation des rémunérations de la permanence des soins effectuée par les sages-femmes et les auxiliaires médicaux

Article 25 Élargir les compétences des pharmaciens en matière de délivrance d’antibiotiques après un test rapide d’orientation diagnostique

Après l’article 25

Article 26 Possibilité pour les médecins du travail de déléguer aux infirmiers qualifiés en santé au travail la réalisation de certains actes pour le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé

Après l’article 26

Article 27 Diminuer les arrêts de travail non justifiés en améliorant et en facilitant les contrôles sur les prescripteurs et les assurés

8. Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 21 heures 15 (article 27 (suite) à après l’article 36)

Article 27 (suite) Diminuer les arrêts de travail non justifiés en améliorant et en facilitant les contrôles sur les prescripteurs et les assurés

Article 28 Limitation de la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation et limitation de la prise en charge des prescriptions aux téléconsultations avec vidéotransmission ou échange téléphonique

Après l’article 28

Article 29 Réduire l’impact environnemental du secteur des dispositifs médicaux

Article 30 Inciter au recours aux transports partagés

Après l’article 30

Article 31 Rénovation du modèle de financement de l’Établissement français du sang

Article 32 Préparations officinales spéciales en cas de pénuries

Article 33 Renforcer les leviers d’épargne de médicaments en cas de rupture d’approvisionnement

Après l’article 33

Article 34 Facilitation de l’ajout d’un acte à la nomenclature lorsqu’il prévoit l’utilisation d’un dispositif médical

Après l’article 34

Article 35 Améliorer les dispositifs d’accès dérogatoires aux produits de santé innovants

Après l’article 35

Article 36 Soutien au maintien sur le marché des médicaments matures

Après l’article 36

9. Réunion du vendredi 20 octobre 2023 à 9 heures 30 (après l’article 36 (suite) à article 49)

Après l’article 36 (suite)

Article 37 Réforme du modèle de financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans les départements volontaires

Après l’article 37

Article 38 Création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce auprès des enfants de 0 à 6 ans présentant un écart de développement

Après l’article 38

Article 39 Réforme de la rente viagère attribuée en cas d’incapacité permanente

Après l’article 39

Article 40 Adapter la réforme des retraites à Mayotte et à SaintPierreetMiquelon

Après l’article 40

Article 41 Dotations au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, aux agences régionales de santé et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux

Après l’article 41

Article 42 Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Article 43 Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs pour 2024

Article 44 Dotations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert au titre de la sousdéclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, et dépenses liées aux dispositifs de prise en compte de la pénibilité

Après l’article 44

Article 45 Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Après l’article 45

Article 46 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2024

Après l’article 46

Article 47 Objectifs de dépenses de la branche famille

Article 48 Objectifs de dépenses de la branche autonomie

Article 49 Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)

Après l’article 49

 


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Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale du projet de loi

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 16 heures 30

 

La commission auditionne M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, et M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (n° 1682).

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14002590_6526ae740a86f.commission-des-affaires-sociales--m-aurelien-rousseau-ministre-de-la-sante-et-de-la-prevention-m-11-octobre-2023

 

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Comme de coutume, cette audition des ministres sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 sera l’occasion d’une discussion générale du texte. Nous en viendrons à la discussion des articles la semaine prochaine, du mardi après-midi au jeudi après-midi.

Nous constatons de nouveau cette année les effets bénéfiques de la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale adoptée en 2022, qui nous permet de disposer de plus de temps pour examiner le texte : celui-ci a été déposé sur le bureau de notre assemblée le 27 septembre dernier et le délai de dépôt des amendements en commission expire ce vendredi à treize heures.

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention. Nul n’ignore le contexte global de cette audition : tensions hospitalières, difficultés d’accès aux soins pour nos concitoyens, hétérogénéité de cet accès selon les territoires de la République, auxquels s’ajoutera la mobilisation de la médecine libérale ce vendredi. Des éléments sont plus positifs : les campagnes de recrutement à l’hôpital, les plus satisfaisantes depuis dix ans, et la reprise de l’activité hospitalière. Le contexte est donc contrasté, mais reste tendu et difficile. L’audition va nous permettre d’évoquer une partie des sujets les plus importants pour notre protection sociale et pour la santé.

Je salue les membres des différents groupes qui ont bien voulu participer aux entretiens organisés dans les bâtiments des ministères sociaux. Ils ont été utiles et ces espaces de discussion sont précieux, même si ce n’est qu’entre les murs de l’Assemblée que la loi est adoptée et que les débats les plus politiques peuvent avoir lieu et avoir une portée. Au-delà de l’exercice budgétaire, l’examen des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) est en effet l’un de nos rendez-vous politiques les plus essentiels, même s’il n’est pas le plus lisible pour nos compatriotes. Il permet à la fois de mesurer le chemin parcouru, y compris à très court terme – la mise en œuvre de la LFSS 2023 –, mais aussi de présenter le cap que le Gouvernement propose au Parlement.

Les derniers exercices ont apporté des moyens inédits pour protéger notre pays, nos concitoyens et notre système de santé tout au long de la crise du covid, mais aussi pour procéder aux revalorisations indispensables des personnels soignants et préserver leur pouvoir d’achat des effets de l’inflation.

Celle-ci reste élevée et la trajectoire financière de la sécurité sociale est dégradée, les deux branches maladie et vieillesse étant particulièrement déficitaires. Le déficit de la branche maladie s’est certes résorbé en partie, passant de 21 milliards d’euros en 2022 à 9,5 milliards en 2023, mais nous mesurons le chemin qui reste à parcourir pour revenir à l’équilibre.

Ce dernier n’est pas une fin en soi, mais la soutenabilité est la condition de la pérennité du système assurantiel public, protecteur et universel qu’il nous incombe de protéger pour le transmettre aux générations à venir. C’est donc un cap incontournable. Toutefois, nous ne pouvons risquer d’amoindrir nos efforts de soutien aux publics que nous devons accompagner ou de repousser des mesures d’investissement absolument nécessaires à la consolidation et à la modernisation de notre système de santé.

Le PLFSS vise donc, d’une part, à poursuivre l’investissement dans le système de santé et sa transformation en donnant la priorité à l’accès aux soins et aux produits de santé, à la valorisation de l’engagement des soignants et au virage de la prévention, et, d’autre part, à renforcer la pertinence des dépenses et la responsabilité de tous les acteurs face à la croissance des dépenses de santé, grâce à des mesures d’économies et de recettes permettant également d’améliorer l’efficience du système. Je parle d’économies, mais le budget de la sécurité sociale augmente par rapport aux années précédentes : les économies que nous envisageons portent sur le tendanciel de dépenses.

Pour concrétiser ce double engagement, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) progressera de 3,2 %, hors dépenses liées à la crise sanitaire, soit une augmentation supérieure à l’inflation prévisionnelle, laquelle est de 2,5 % hors tabac. Outre qu’il faudra faire des efforts de maîtrise de la croissance de la dépense s’agissant du tendanciel, il y a un enjeu démocratique dans le fait de présenter au Parlement un budget qui pourra certes être révisé, mais pas dans les proportions observées pendant la période du covid ou pendant celle de l’inflation maximale : il ne s’agit pas de voter un objectif de dépenses qui ne serait pas conforme à notre ligne et auquel nous saurions pouvoir déroger.

Cette évolution globale s’applique à un niveau d’Ondam pour 2023 lui‑même revu à la hausse de 2,8 milliards d’euros, pour intégrer les revalorisations salariales et la dynamique des soins de ville.

Le virage de la prévention est une formule que l’on entend depuis longtemps, mais j’entends conduire en la matière une véritable politique, adossée à une bataille culturelle qui doit concerner chacun dès le plus jeune âge. C’est d’elle que relève le financement de plusieurs mesures et campagnes de santé publique, dont la grande campagne de vaccination contre les infections liées au papillomavirus, prise en charge à 100 % dans tous les collèges pour les élèves de cinquième – les premières injections ont déjà débuté –, la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans ou la prise en charge des protections menstruelles réutilisables pour les jeunes femmes et les plus précaires. Ces deux derniers dispositifs ont pu être considérés comme des gadgets, mais le recours massif dont ils font l’objet montre qu’ils n’ont rien d’accessoire.

La prévention est également un enjeu majeur dans d’autres chantiers : santé des femmes, santé mentale, lutte contre les addictions et le tabac – le programme national de lutte contre le tabac sera présenté prochainement.

Par ailleurs, l’investissement dans la prévention n’est pas seulement de moyen ou de long terme. On le verra dans le cadre du PLFSS, mais aussi avec la mobilisation de crédits de France 2030. Je pense notamment à la mise à disposition d’un traitement d’immunisation contre la bronchiolite, qui, au-delà de son intérêt pour la santé des plus jeunes, permettra de réaliser des économies sur les hospitalisations.

Dans la lignée des avancées en faveur d’un meilleur partage des compétences et d’un accès plus direct aux professionnels dans un système de santé au fonctionnement modernisé, notamment grâce à la proposition de loi de Stéphanie Rist, le PLFSS permet d’étendre les compétences des pharmaciens en matière de prescription d’antibiotiques après la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) pour les angines – 6 millions de consultations médicales par an – et les cystites – 3 millions. Cette mesure va dans le même sens que le travail déjà réalisé en matière d’élargissement des compétences vaccinales, notamment concernant les pharmaciens, pour améliorer l’accès aux soins grâce à ces professionnels de proximité, qui représentent bien souvent une porte d’entrée dans le système de santé. C’était toute la philosophie de la même proposition de loi.

Moderniser notre système de santé pour améliorer l’accès aux soins, c’est aussi s’appuyer sur les expérimentations et initiatives développées localement.

Ainsi, le PLFSS prévoit la création d’un forfait pluriacteurs permettant de financer des équipes de soins dans une logique de généralisation de certaines expérimentations issues du dispositif dit de l’article 51. En clair, de nombreuses maisons de santé pluriprofessionnelles sont prêtes à s’engager dans un dispositif de financement global et populationnel, ce qui est une bonne chose pour la santé publique. Cette mesure permet l’entrée dans le droit commun de dispositifs reposant sur une logique de parcours de coopération entre la ville, l’hôpital et le médico-social, et d’un financement innovant qui permet aussi la prise en charge de nouvelles prestations dans le cadre de forfaits, telles que l’activité physique adaptée.

Une mesure majeure du PLFSS est la réforme du financement des établissements de santé. Près de vingt ans après l’entrée en vigueur de la tarification à l’activité (T2A), ses effets positifs comme ses limites, largement documentés, ont conduit depuis 2017 à une stratégie de diversification des sources de financement. Nous proposons dans le PLFSS une réforme globale et de long terme mettant fin au caractère central de la T2A au profit d’une part structurante de la rémunération fondée sur des objectifs de santé publique négociés à l’échelle d’un territoire et permettant une rémunération effective des missions réalisées par chacun.

L’accès aux soins implique une attention toujours plus grande aux plus précaires et à la justice sociale. Le texte prévoit donc une meilleure articulation de la complémentaire santé solidaire (C2S) avec certains minima sociaux, dont l’allocation aux adultes handicapés, pour permettre à nos concitoyens les plus fragiles de bénéficier plus facilement d’une assurance maladie complémentaire.

L’accès aux médicaments et aux produits de santé préoccupe tous nos concitoyens. Le PLFSS permet de compléter les outils de gestion des tensions d’approvisionnement et des situations de pénurie que nous connaissons malheureusement depuis plusieurs années, en France comme dans la plupart des pays européens. Je songe notamment à la dispensation à l’unité ou encore à la limitation des prescriptions par téléconsultation en situation de tension et de pénurie. C’est d’ailleurs aussi une forme de prévention, en raison des conséquences sur l’antibiorésistance.

Enfin, le PLFSS prévoit des efforts d’amélioration de l’accès aux médicaments et actes de diagnostic innovants, sans que cela se fasse au détriment de l’accès aux produits plus matures, essentiels pour soigner les Français au quotidien.

Le second grand axe du texte consiste à garantir la soutenabilité de notre modèle social par la maîtrise des dépenses et la poursuite de l’investissement dans le système de santé.

Il faut maîtriser la hausse des dépenses de santé et assumer certaines mesures d’économie et d’efficience nouvelles pour permettre les investissements nécessaires au maintien de notre modèle social protecteur. Ces mesures d’économies sont de deux types : des efforts pour renforcer l’efficience et la pertinence des soins, d’une part ; d’autre part, des actions liées aux dynamiques les plus rapides observées, par exemple en matière d’arrêts de travail ou d’achats de médicaments, qui connaissent une progression de plus de 7 % cette année.

Les économies prévues par le texte par rapport au tendanciel de progression des dépenses sont de 3,5 milliards d’euros. Il s’agit d’assurer la soutenabilité du système, mais aussi de financer des instruments d’attractivité. Des mesures de transferts de dépenses et de responsabilisation des assurés sont également programmées, dont la plus grande participation des organismes complémentaires ou l’évolution des tarifs journaliers de soins hospitaliers. S’y ajoutent des économies classiques sur les produits de santé par la baisse du prix des médicaments et la maîtrise des volumes. Nous souhaitons également veiller à la pertinence des dépenses d’arrêts maladie, compte tenu de la très forte dynamique des dépenses d’indemnités journalières observée ces dernières années – 16 milliards d’euros en 2022 contre 11 milliards en 2010 –, qui n’est que partiellement liée à l’amélioration du marché de l’emploi. Il s’agit de responsabiliser chacun sans stigmatiser personne : sont concernés les professionnels comme les assurés ou les employeurs. Comme l’a rappelé la Première ministre, nous y travaillerons dans le cadre de la conférence sociale. Ce sera sans doute également un sujet important du dialogue conventionnel avec les médecins libéraux, que je souhaite, je l’ai dit, reprendre rapidement.

Ces mesures sont en lien avec l’effort massif en faveur de celles et ceux qui s’engagent dans les établissements de santé et médico-sociaux. Sans attendre l’échéance du PLFSS, nous avons déjà déployé de très importants moyens pour les agents, pour les soignants : les mesures dites Guerini pour soutenir les agents face à l’inflation et la hausse du point d’indice de 3,5 % ; la pérennisation et le renforcement des mesures d’attractivité en faveur du travail de nuit et des week-ends et de la permanence des soins ; le tout à partir du socle de rémunération déjà significativement rehaussé grâce au Ségur. Mentionnons également les revalorisations conventionnelles conclues avec plusieurs professions libérales de santé et matérialisées par des engagements importants, trop peu soulignés, pour l’exercice de nouvelles missions dans le cadre d’un exercice coordonné et au service des plus fragiles.

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. En complément de nos discussions lors des comptes de Ségur, cette audition est l’occasion de vous présenter les grands axes de la politique que je souhaite mener au service de toutes les familles et de continuer à coconstruire avec vous les améliorations pouvant être apportées au PLFSS.

Mon ministère est au cœur des services publics et du quotidien de nos concitoyens. Parce qu’il s’agit de nos enfants, de leur prise en charge et de leur protection, de nos aînés, de leur maintien à domicile, des personnes en situation de handicap et de leur place au cœur de notre société, et parce que toutes les situations sont différentes, nous souhaitons veiller à ce que toutes les familles aient le plus de choix possible s’agissant du soutien que notre système leur apporte.

Je me réjouis donc que ce texte permette trois grandes avancées. D’abord, nous renforçons le soutien et l’accompagnement de toutes les familles, en cohérence avec ma conception universelle de la politique familiale, qui doit nous aider à relancer la natalité, priorité absolue de l’action de mon ministère. Ensuite, nous faisons grandir la branche autonomie pour relever le défi du vieillissement de la population et adapter notre société à ce changement majeur. Enfin, nous donnons de nouveaux moyens pour garantir l’inclusion et la participation des personnes en situation de handicap : le droit commun doit s’appliquer à tous.

Les familles sont, dans leur diversité, le premier maillon de notre société. Elles constituent le creuset des apprentissages fondamentaux, de la vie collective et de l’expression des solidarités. Le retour du terme « familles » dans la dénomination de mon ministère n’est pas un hasard : il s’agit de réaffirmer cette priorité politique. Je souhaite m’inscrire dans la lignée du choix fort que notre pays a fait après la guerre : aider toutes les familles et s’en donner les moyens.

La branche famille dépense plus de 50 milliards d’euros chaque année dans ce but. En 2024, ce montant connaît une hausse de 2 milliards. Cette politique familiale est loin de se résumer à une simple politique de redistribution : c’est avant tout une politique universelle destinée à accompagner les familles, à leur simplifier la vie et à leur laisser plus de liberté.

Pour mettre concrètement en œuvre cette politique familiale, le PLFSS intègre des aides monétaires – l’allocation de soutien familial, la pension alimentaire minimale, dont nous avons augmenté le montant de 50 % l’an dernier –, mais aussi de nouveaux moyens pour renforcer les services aux familles, simplifier leur vie et mieux répondre à leurs besoins en respectant leurs choix.

En 2024, les moyens consacrés à la politique familiale augmenteront, notamment afin de mettre en œuvre le chantier essentiel du service public de la petite enfance. Il vise à garantir à tout parent l’accès à une solution d’accueil de qualité, en toute sécurité, que ce soit en crèche ou chez une assistante maternelle, et financièrement accessible. Ce sont 6 milliards qui y seront consacrés jusqu’en 2027 pour revaloriser nos professionnels de la petite enfance, premier maillon de cet accueil, soutenir l’investissement et le fonctionnement des crèches et engager la dynamique d’ouverture des 200 000 solutions d’accueil manquantes.

Parce qu’un enfant de 10 ans ne se garde pas seul et que chaque famille doit pouvoir accéder aux solutions adaptées à sa situation, les moyens continueront de monter en puissance en 2025, avec l’entrée en vigueur de l’extension de l’aide à la garde individuelle d’enfant pour les familles monoparentales et son adaptation à toutes les familles, afin que le reste à charge soit désormais le même en accueil individuel et en accueil collectif.

Je m’assure que ces moyens seront dépensés efficacement, au service de la qualité de la prise en charge et de la sécurité de nos enfants. Pas un seul des 200 millions d’euros réservés à la revalorisation des professionnels n’ira à des groupes, qu’ils soient publics, privés ou associatifs, qui ne respecteraient pas leurs engagements, notamment en ce qui concerne l’amélioration de leurs conventions collectives.

Enfin, je n’ignore pas l’écart grandissant entre le désir d’enfant de nos concitoyens et sa réalisation. La natalité est en baisse tendancielle depuis 2011. Le service public de la petite enfance est un élément important de la réponse à cette question. Vous pourrez compter sur ma mobilisation pour continuer à convaincre à ce sujet.

Plus que jamais, l’autonomie est au cœur de l’action de mon ministère. Du point de vue des solidarités, l’enjeu est la prise en compte de toutes les fragilités, l’exigence de garantir effectivement les droits de chacun et d’assurer la pleine participation de tous à la vie collective. Quant aux familles, elles sont toutes concernées par la perte d’autonomie – celle d’un enfant, d’un conjoint, d’une mère ou d’un grand-père. Il est de notre devoir de les accompagner et de prendre soin de ceux qui prennent soin des autres ; je pense aux 9 millions d’aidants.

C’est collectivement que nous relèverons les défis démographiques en adaptant dès maintenant notre société au vieillissement. En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans et, pour la première fois de notre histoire, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans.

En cohérence avec cet engagement, l’objectif global de dépenses qui finance nos établissements pour personnes âgées et en situation de handicap augmentera de 4 % en 2024 ; c’est plus que les 2,5 % d’inflation anticipée.

Cette hausse importante des moyens traduit nos engagements envers les familles et les professionnels du secteur. Il s’agit d’abord de respecter le libre choix des individus. La première demande des Français est de pouvoir vieillir chez eux. C’est pour y répondre que nous avons entrepris le virage domiciliaire. Cela implique l’adaptation de nos logements grâce à MaPrimeAdapt’, qui entrera en vigueur dès 2024. En outre, des moyens nouveaux sont inscrits dans le PLFSS pour développer de nouveaux centres de ressources territoriaux. Il s’agit enfin de décloisonner les interventions auprès des personnes âgées à domicile et de simplifier leurs démarches et celles de leur famille. C’est la logique du service public départemental de l’autonomie. L’objectif : un guichet unique, un accueil physique, humain, pour mettre fin au parcours du combattant trop souvent décrit par les familles de personnes âgées ou en situation de handicap.

Ce grand projet de simplification que nous défendons depuis le début de la législature, ancré au cœur de nos territoires, commence à se concrétiser. L’appel à manifestation d’intérêt a été lancé en septembre auprès des conseils départementaux.

Par ailleurs, dans le prolongement des réformes structurelles que nous menons pour développer et accompagner les services à domicile, des moyens supplémentaires sont dédiés à la montée en charge de ces derniers pour soutenir nos aides à domicile – un métier essentiel, exercé dans 99 % des cas par des femmes et au sein duquel le taux de pauvreté atteint 18 % : la revalorisation est urgente, État et départements doivent s’y engager.

Le tarif plancher national pour l’aide à domicile, fixé à 22 euros de l’heure en 2022, a été porté à 23 euros en 2023. Une dotation supplémentaire de 3 euros, dédiée à la qualité du service rendu, a été instaurée. La création de 25 000 nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile est prévue d’ici à 2030. Deux heures supplémentaires par semaine sont dédiées à l’accompagnement et au lien social pour les personnes isolées.

Nous continuons aussi de développer dans l’ensemble du territoire des structures d’habitat intermédiaire. Je pense notamment aux accueils familiaux, qui permettent de proposer un accompagnement très proche du domicile.

Pour assurer la qualité de l’accompagnement des personnes âgées en établissement, le texte concrétise une nouvelle étape de la démarche de création de 50 000 postes supplémentaires dans les Ehpad : environ 6 000 professionnels soignants supplémentaires seront recrutés l’année prochaine, soit deux fois plus qu’en 2023.

Pour recruter, il ne faut pas seulement augmenter les moyens inscrits dans le PLFSS, mais aussi veiller à l’attractivité des postes et des carrières. J’ai donc obtenu que les infirmiers et les aides-soignants en Ehpad public bénéficient de la même revalorisation pour le travail de nuit et les jours fériés que leurs collègues exerçant dans les établissements publics sanitaires.

Enfin, au-delà des enjeux strictement financiers, le texte prend la mesure de l’urgence dans laquelle se trouve le secteur des Ehpad. Il prévoit donc une réforme structurante à partir de 2025 : la possibilité laissée aux départements de fusionner les sections soins et dépendance des Ehpad, ce qui permettra un soutien financier direct aux départements et aux Ehpad les plus en difficulté. Pour les départements qui le souhaitent, et en lien avec l’augmentation des besoins de soins des résidents, qui entrent de plus en plus tard dans des établissements de plus en plus médicalisés, la sécurité sociale financera ainsi la section dépendance des Ehpad. Ce soutien est primordial face à la situation difficile, voire intenable, de nombre de nos établissements dans tout le territoire. Cette dynamique est vertueuse pour les personnes comme pour la soutenabilité de notre système social, en évitant des frais de soins.

Enfin, je souhaite avancer en ce qui concerne les fonds de concours aux départements, en lien avec la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). C’est un chantier complexe, mais il est temps que nous le traitions : l’empilement successif des fonds de concours et leur illisibilité n’ont pas contribué à la prise de conscience du choc démographique qui nous attend.

Le PLFSS met également en œuvre nos engagements concernant le handicap, notamment ceux directement annoncés par le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale du handicap. Nous concrétisons ainsi la création de 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches. Nous devons veiller à répondre aux besoins dans leur diversité – je pense notamment aux enfants. Les solutions doivent être multiples pour garantir à chaque enfant le droit à une scolarité, y compris en milieu et en institut médico-éducatif (IME), et pour assurer une prise en charge adaptée aux enfants en situation de handicap placés à l’aide sociale à l’enfance – 20 % des enfants placés seraient en situation de handicap.

Nous renforçons les moyens des centres d’action médico-sociale précoce dès 2024 ; pour 2025, nous engageons la création d’un véritable service de repérage, d’orientation et de prise en charge unifiée de toutes les situations de handicap pour les enfants de 0 à 6 ans. Ce dispositif doit permettre d’en finir avec l’errance des familles et de lutter contre les pertes de chance que subissent nos enfants.

Je conclurai par un élément dont nous pouvons collectivement nous réjouir : une nouvelle étape sera franchie l’année prochaine sur le chemin que nous avons entamé en 2020 lorsque nous avons voté la création de la branche autonomie ; à partir du 1er janvier 2024, 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG), soit 2,6 milliards d’euros, abondera les ressources de cette cinquième branche. Nous tenons les engagements pris et nous consommons la moitié de ce surplus dès l’année prochaine.

Enfin, accompagner les plus fragiles, c’est évidemment accompagner les proches : je sais que certains d’entre vous sont directement concernés et sont engagés dans ce combat. Nous avons le devoir de prendre soin de ceux qui prennent soin des autres car devenir aidant est une responsabilité mais également une charge physique et mentale extrêmement lourde à porter. La nouvelle stratégie « Agir pour les aidants 2023-2027 », que nous avons présentée avec Fadila Khattabi, amplifie le soutien aux aidants, garantit, quoi qu’il arrive et comme le Gouvernement s’y était engagé, quinze jours de répit grâce aux plateformes de répit implantées partout dans le pays, crée 6 000 nouvelles solutions d’accueil et de répit afin de compter 40 000 solutions en 2027. Il y a dix ans, le mot « aidant » n’existait pas, alors que des droits y sont aujourd’hui attachés et même renforcés, grâce à vous, dans ce PLFSS.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Nous pouvons être fiers du PLFSS 2024, qui maintient notre investissement massif dans la protection sociale des Français tout en poursuivant la maîtrise des équilibres financiers. Je voudrais remercier la direction de la sécurité sociale (DSS) et toutes les administrations qui ont contribué à construire ce texte.

J’ai présenté le projet de loi de finances (PLF) à vos collègues de la commission des finances il y a quelques jours ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Permettez-moi de souligner la cohérence entre ces textes financiers et le budget de la sécurité sociale, tant dans l’esprit que dans les objectifs qui nous animent collectivement. L’esprit est celui de la responsabilité financière, unique manière de garantir la pérennité d’un système de protection sociale auquel nos concitoyens sont très attachés : le but est de protéger nos compatriotes, des plus jeunes aux plus âgés, et de leur permettre de préparer sereinement leur avenir.

Le PLFSS 2024 s’inscrit ainsi dans la démarche plus globale de maîtrise des dépenses publiques, dans le champ des administrations de sécurité sociale comme dans les autres domaines de la dépense publique ; il contribue à l’atteinte de l’objectif de réduction du déficit public sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon de 2027 : ce n’est pas un totem, mais le niveau d’avant‑crise, en 2018 et 2019. Par ailleurs, ce PLFSS doit contribuer à la soutenabilité globale de notre trajectoire et à la maîtrise de notre dette, selon un double principe d’effort partagé et de logique graduelle, inscrit dans la loi de programmation des finances publiques et du PLF. Nous avons trouvé un juste point d’équilibre entre responsabilité et investissement dans l’avenir.

Comme vous le savez, la sécurité sociale ne reviendra pas à l’équilibre dans les prochaines années. La dynamique des dépenses joue en sens contraire, du fait de la démographie et du renchérissement des coûts associé au progrès médical. Pour préserver notre capacité à accompagner le bienvieillir ou à offrir un soin à l’état de l’art, des mesures de maîtrise des dépenses sont nécessaires dès 2024 et d’autres devront être prises en 2025, à hauteur de 6 milliards d’euros. Je suis confiant dans notre capacité collective à faire face à cette contrainte partagée, que personne ne peut nier.

Des réformes courageuses ont déjà été conduites, que l’on songe à celle de l’assurance chômage ou celle des retraites portées par notre collègue Olivier Dussopt, dans un contexte de nette amélioration du retour à l’emploi. Nous devons néanmoins trouver de nouvelles marges pour que notre système perdure et évolue en ligne avec nos priorités, rappelées par Aurélien Rousseau et Aurore Bergé, notamment la prévention.

Dans ce contexte, le PLFSS 2024 traduit à la fois un engagement soutenu en faveur de notre système de protection sociale et une amélioration de la régulation des dépenses, en particulier dans le champ de la santé. Des mesures importantes ont été adoptées cette année pour favoriser l’attractivité des métiers dans les établissements sanitaires et médico-sociaux : elles représentent un investissement élevé et expliquent en grande partie la hausse de l’Ondam de 2,8 milliards d’euros en 2023 ; en 2024, elles coûteront plus de 3 milliards d’euros si l’on inclut le relèvement du point d’indice de 3,5 % en 2022 : cela représente un gain supérieur à 6 milliards d’euros pour les professionnels l’année prochaine, sans même prendre en compte les effets du plan Ségur.

En 2024, nous poursuivrons notre soutien aux établissements sanitaires, le sous‑objectif de l’Ondam qui leur est dédié dépassant 100 milliards d’euros, soit un niveau historique. Dans la continuité du rapport de Mme Christine Pires Beaune sur le reste à charge en Ehpad, le PLFSS prévoit une réforme du financement de ces établissements : les départements pourront, s’ils le souhaitent, engager une fusion des sections du soin et de la dépendance. L’Ondam médico-social intègre les 100 millions d’euros annoncés par la Première ministre cet été, dans le cadre du fonds d’urgence.

Au total, l’Ondam progressera de 3,2 % en 2024, soit un niveau supérieur de plusieurs points à celui de l’inflation, qui s’établira à 2,5 %.

Au-delà de l’Ondam, le Gouvernement maintient un système protecteur d’indexation des prestations sur l’inflation, lequel représente 14 milliards d’euros pour les retraites et plus de 1 milliard pour les prestations familiales. Ces montants traduisent, dans la situation actuelle des finances publiques, une véritable priorité.

Ce PLFSS marque aussi notre engagement en faveur de la régulation des dépenses ; des économies sont prévues, par exemple par l’incitation au recours au transport sanitaire partagé ou dans le champ des produits de santé. Nous nous sommes fixé un objectif d’économies de 1,3 milliard d’euros, réparties entre 1 milliard d’euros de baisse de prix et 0,3 milliard d’euros de baisse des volumes. Le texte initial du PLFSS comporte de premières mesures pour favoriser la maîtrise des volumes, comme les Trod ou le conditionnement à l’unité en cas de risque de rupture d’approvisionnement. Les travaux se poursuivent pour trouver d’autres leviers de régulation destinés à répondre à un triple enjeu financier, sanitaire et environnemental. Ces mesures de maîtrise limitent la dégradation tendancielle, et nous devrons poursuivre ces efforts dans les prochaines années.

Je crois à notre modèle social, c’est pourquoi nous préservons ses ressources : les cotisations sociales demeurent le socle de financement de notre sécurité sociale ; alors que nous avons affecté une nouvelle part de la CSG à la jeune branche autonomie, créée en 2020, les cotisations représentent toujours près de 50 % des recettes des régimes obligatoires, avec une croissance prévue de plus de 4 % en 2024. La progression des ressources s’explique d’abord par le dynamisme du marché du travail – plus de 125 000 postes ont été créés entre juillet 2022 et juillet 2023 et plus de 2 millions d’emplois depuis 2017 ; voilà pourquoi nous poursuivons nos efforts en faveur du plein emploi. C’est aussi pour cela qu’une partie des excédents de l’Unedic, qui résultent des réformes conduites en matière d’assurance chômage et du marché du travail, sera affectée au financement du développement des compétences et à France Travail pour conforter le retour à l’emploi des personnes bénéficiaires du RSA.

S’agissant des politiques en faveur de l’emploi, la question des allégements généraux est revenue sur le devant de la scène, à l’occasion du rapport sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales, rendu récemment par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, dont je veux saluer la qualité : nous avons choisi de maintenir ces allégements, qui représentent un élément structurant des pratiques salariales et des comportements de recrutement des employeurs ; on ne peut donc y toucher qu’avec une grande prudence, en particulier dans cette période où nous devons tout faire pour soutenir l’activité et le pouvoir d’achat. Dans ce cadre, des réflexions et des consultations supplémentaires sont nécessaires, notamment lors de la conférence sociale qui va s’ouvrir dans quelques jours.

Enfin, j’ai souhaité que ce PLFSS, comme d’ailleurs le PLF, comporte des mesures de lutte contre la fraude sociale, impératif d’équité et de justice pour l’ensemble des assurés. Il n’est pas admissible que certains éludent leurs cotisations, perçoivent indûment des prestations et abusent de leur expertise, comme nous avons pu le voir dans l’actualité la plus récente. Vous retrouverez dans ce PLFSS plusieurs dispositions allant dans ce sens, notamment la sécurisation du paiement des cotisations des travailleurs des plateformes, le renforcement des sanctions contre les professionnels de santé fraudeurs, la simplification et le resserrement du mécanisme de l’avance immédiate au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile ; j’ai également demandé à la DSS de travailler à la création d’un délit de promotion de la fraude sociale, comme il existe déjà un délit d’incitation à la fraude fiscale. J’ai installé il y a deux jours le Conseil d’évaluation des fraudes, qui réunit des experts d’horizons très différents et auquel participent certains parlementaires : l’objectif est d’évaluer de manière exhaustive la réalité de la fraude fiscale et sociale.

En conclusion, je souhaite vous redire ma détermination à trouver les ressources nécessaires au déploiement des priorités fondamentales en matière sanitaire et sociale et à tenir les mesures d’économies indispensables à la soutenabilité de notre système.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale, rapporteure pour l’équilibre général, les recettes et la branche maladie. Ce PLFSS 2024 traduit un grand nombre d’engagements du Président de la République et du Gouvernement, que notre majorité a portés pendant la campagne des élections législatives. Je pense à la réforme du financement des établissements de santé, destinée à diminuer la part de la T2A : le financement sera plus équitable pour les maternités et les services de réanimation. Plus de 105,6 milliards d’euros seront consacrés aux établissements de santé, notamment à l’attractivité et à la revalorisation des professions de santé. Les internes des hôpitaux, qui bénéficient également d’une revalorisation de leurs gardes de 50 % jusqu’au 31 décembre 2023, s’inquiètent de savoir si la mesure sera prorogée l’année prochaine.

Avec ces revalorisations et la prise en compte de l’inflation, l’Ondam pour 2023 est rectifié pour s’établir à une croissance de 4,8 % ; en 2024, la progression atteindra 3,2 % – 3,5 % pour la médecine de ville. Malgré tout, l’ensemble des fédérations hospitalières nous alertent sur une hausse qu’elles estiment insuffisante.

Pour dépenser plus pour les établissements de santé, nous devons maîtriser d’autres dépenses, en promouvant la pertinence et la qualité des soins. Depuis plusieurs années, la Cour des comptes et certaines associations de patients soulignent la nécessaire évolution du financement de la dialyse : nous pourrions en effet faire évoluer celui-ci, comme d’ailleurs celui de la radiothérapie.

Je veux saluer la confirmation de nos engagements en matière de prévention. Plus de 150 millions d’euros y sont consacrés dans le PLFSS. Je souhaite appeler votre attention sur notre capacité à éviter les survenues de situations de handicap pouvant être induites par des infections à cytomégalovirus (CMV) pendant le premier trimestre de grossesse. Le CMV étant responsable d’une grande majorité des handicaps neurosensoriels, par infection maternofœtale, je souhaite, avec plusieurs de mes collègues, rendre son dépistage systématique au premier trimestre de grossesse. Je connais, monsieur le ministre, votre intérêt pour la prévention : que pensez-vous de cette mesure ?

Je proposerai également que toutes les femmes qui le souhaitent puissent avoir une consultation dédiée à la ménopause, période de la vie qui nécessite une meilleure prise en charge.

 

Sur le plan budgétaire, il est de notre responsabilité de veiller à la soutenabilité de notre système de protection sociale, qui nous a permis de faire face à la crise sanitaire. La situation des comptes sociaux, notamment celle de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse, reste trop fragile à moyen terme. Le redressement des comptes devra donc se poursuivre et exigera sans doute de nouveaux efforts : ce texte prévoit plusieurs mesures de régulation des dépenses, comme la baisse du prix des médicaments dans le secteur de la biologie et le renforcement des moyens de lutte contre les fraudes sociales. Ces dispositions sont nécessaires pour tendre vers l’équilibre et assurer la viabilité de notre système de protection sociale.

Mme Caroline Janvier, rapporteure pour la branche autonomie. Je tiens à saluer l’effort ambitieux consenti en faveur de la branche autonomie, dont l’objectif de dépenses se situe à 39,9 milliards d’euros, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’exercice précédent. Cet effort se traduit par des mesures très concrètes : poursuite de la trajectoire d’embauches de 50 000 soignants avec la création de 6 000 postes en 2024, meilleure rémunération grâce aux sujétions de nuit et de week-end qui étaient réclamées depuis longtemps, et début de la concrétisation des annonces de la Conférence nationale du handicap, laquelle s’est fixé un objectif de 1,5 milliard d’euros de soutien à l’horizon 2030. Quelle part de cette enveloppe sera‑t‑elle consommée en 2024 ?

La fusion des sections des soins et de la dépendance des Ehpad répond à une attente très ancienne des acteurs, lesquels souhaitent être rassurés sur sa généralisation à moyen et long terme car ils y sont très favorables, même si la question de la soutenabilité financière de ces établissements et du reste à charge reste posée.

Cet exercice budgétaire est l’occasion de faire un point d’étape sur les services à domicile : il serait intéressant d’évaluer les mesures adoptées dans les derniers PLFSS.

Monsieur le ministre, que pensez-vous de la généralisation du cannabis thérapeutique ?

M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur pour la branche vieillesse. Le PLFSS 2024 traduit l’engagement du Gouvernement en faveur du renforcement de notre système de sécurité sociale.

Si nous nous félicitons de la revalorisation de 5,2 % des pensions de retraite dès le 1er janvier 2024, les annexes au PLFSS anticipent un déficit de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 11,2 milliards d’euros en 2027. Sans la réforme des retraites, ce déficit serait supérieur de 6,3 milliards d’euros, preuve de l’évidente nécessité de celle-ci. La réforme des retraites a reposé sur un principe simple, celui de la participation de l’ensemble des régimes à la solidarité financière au sein du système de retraite. Le projet de loi prévoit de transférer à la sécurité sociale, dès 2024, une part de 192 millions d’euros du produit de la TVA, au titre des gains résultant de la réforme, pour le régime de la fonction publique d’État ; ce montant augmentera dans les années à venir pour atteindre 520 millions d’euros en 2027.

S’agissant des régimes complémentaires, l’article 9 du PLFSS dispose que la Caisse nationale d’assurance vieillesse et l’Agirc-Arrco peuvent signer une convention autorisant la prise en charge du financement de l’extinction attendue des régimes spéciaux. Cependant, l’accord national interprofessionnel conclu la semaine dernière par les partenaires sociaux chargés de la gestion de l’Agirc-Arrco a malheureusement laissé de côté la question de la contribution de ce régime au financement des mesures de solidarité en faveur des petites retraites, lesquelles bénéficient aussi aux retraités du privé.

Pouvez-vous nous rappeler les futurs gains générés pour le régime Agirc-Arrco par la réforme des retraites, que notre majorité a été bien seule à défendre ? Pouvez-vous préciser ce que le Gouvernement englobe dans les éléments de solidarité financière au sein de ce système de retraite et nous communiquer le montant du coût de cette solidarité, que seul notre système de sécurité sociale porte ?

M. François Ruffin, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Monsieur le ministre, vous avez évoqué avec raison la dynamique des dépenses d’arrêt maladie : il est vrai que les arrêts maladie augmentent depuis une décennie, et, face à ce phénomène, vous en appelez à la responsabilisation de chacun. Mais quelle est la première cause de cette hausse ? Dans les annexes au PLFSS, nous lisons que cette croissance des dépenses d’indemnités journalières liées aux maladies s’explique principalement par l’augmentation et le vieillissement de la population active. Ce sont les réformes des retraites successives qui contraignent les gens à vieillir au travail, à y être malades et à être en arrêt maladie. Votre politique impose une triple peine : les salariés, dont la santé est fragilisée par le travail, seront pénalisés s’ils se retrouvent en arrêt maladie, puis devront partir en retraite plus tard. C’est dire l’injustice de cet enchaînement !

La deuxième cause de la hausse des arrêts maladie est le mal au travail. Dans ce domaine, il y a une spécificité française que montrent les comparaisons internationales : elle concerne les accidents du travail, mais également le stress, le port de charges lourdes et d’autres composantes des conditions de travail. Ce mal au travail coûte environ 100 milliards d’euros par an à notre économie. Le Président de la République et le Gouvernement avaient reconnu au printemps cette situation et avaient pointé la nécessité d’un nouveau pacte de la vie au travail. Les médecins auront des objectifs de limitation des arrêts de travail ; l’un d’entre eux s’exprime ainsi : « Mes patients bossent en usine ou en abattoir, ils sont manutentionnaires ou soignants, ils sont usés par l’intensité du travail mais ils attendent d’être au bout du bout pour venir me voir, et je ne me vois pas leur dire que je réduis la durée de leur arrêt car j’ai atteint mon quota. »

La philosophie de vos mesures sur les indemnités journalières est mauvaise : lors des assises du travail, les acteurs ont tous demandé que l’on revoie l’organisation du travail, en concertation avec les salariés. Or vous ne vous penchez pas sur la réorganisation collective du travail, vous responsabilisez les individus, c’est-à-dire que vous les culpabilisez et que vous faites reposer la faute sur eux et sur les médecins qui seraient leurs complices.

M. le ministre. Madame la rapporteure générale, la modification du financement, dont on parle depuis longtemps, est inscrite dans le PLFSS : des activités standards normées demeurent financées à la T2A, mais deux blocs supplémentaires sont introduits. Ceux‑ci répondent à des objectifs de santé publique financés par des dotations spécifiques, notamment pour prendre en compte l’environnement territorial dans lequel évoluent les établissements ; les activités spécifiques du troisième bloc seront financées par des dotations identifiées – urgences, activités de recours, soins critiques et non programmables. Il y a là une évolution structurante et structurelle, qui a fait l’objet d’un énorme travail de la direction générale de l’offre de soins et de la DSS, que je tiens à saluer, et d’un accord global des fédérations.

Vous soulignez à juste titre la convergence des remontées des fédérations sur l’impact de l’inflation sur la situation des établissements de santé : nous étudions comment aider ceux-ci, dans le contexte que vous connaissez, à y faire face, afin qu’ils ne basculent pas dans le rouge alors que nous tentons de consolider les signes positifs qui commencent à apparaître.

Je partage votre réflexion sur la dialyse et la radiothérapie. Nous devons nous demander si certains actes de soin seraient sous-financés et d’autres surfinancés ; si des rentes apparaissent, il convient de passer de la T2A au forfait : je suis tout à fait disposé à ouvrir ce chantier. Je suis d’accord avec vous sur le test de CMV, qui offre plus de sérénité au cours de la grossesse. Il s’agit de dispositions de nature réglementaire, dont l’importance n’est pas contestable. La littérature sur la nécessité de développer les consultations médicales dans les périodes de transition s’épaissit : la ménopause entre évidemment dans cette catégorie.

Les bénéficiaires de prestations sociales ne sont pas les seuls à frauder et les plus gros fraudeurs ne sont pas les plus modestes, c’est même exactement l’inverse. Nous traquons donc tous les acteurs. L’assurance maladie dispose d’outils performants, qui repèrent les parcours de soins anormaux et les systèmes de fraude organisés. Nous les débusquerons, des centaines de millions d’euros étant à chaque fois en jeu.

Madame Janvier, l’Assemblée a voté une expérimentation relative au cannabis à usage médical, qui prend fin en mars 2024. Les retours cliniques font état d’un bénéfice pour le patient, mais il n’y a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne prévue en 2025 ; je m’engage donc à ce que le Gouvernement présente un amendement visant à prolonger les traitements pour leurs bénéficiaires actuels. En outre, il faudra doter le cannabis thérapeutique d’un statut ad hoc ; nous verrons ensuite si une AMM européenne est délivrée avant de nous déterminer sur la pertinence d’un accès compassionnel – ce terme étant impropre.

Monsieur Ruffin, vous avez raison, la dynamique des indemnités journalières est d’abord tirée par la croissance de la population active, laquelle est une bonne nouvelle ; en outre, ce sont les arrêts longs, et non les très courts, qui alimentent l’augmentation des indemnités journalières : oui, les arrêts longs renvoient aux conditions de travail, à la prévention de la pénibilité et aux reconversions professionnelles. Ce PLFSS comporte donc des mesures destinées à offrir de nouvelles opportunités, ces dispositions ayant été prises en compte dans la réforme des retraites. Je pense que la conférence sociale qu’organise la Première ministre la semaine prochaine abordera le sujet du mal-travail, mais également celui de la santé mentale globale dans la population. Le rapport au travail évolue ; d’ailleurs, les arrêts de travail de très courte durée explosent chez les très jeunes salariés : il nous appartient de comprendre cette évolution, non de la stigmatiser.

Vous avez évoqué une triple peine, dont l’une des composantes serait la douleur infligée par ce PLFSS sur les indemnités journalières : je la cherche, puisqu’il n’y a qu’une mesure sur le sujet, à l’article 27. Il n’est pas question de cibler le prescripteur, pas plus que la personne recevant un arrêt maladie. Nous souhaitons développer une approche globale, mais je ne suis pas choqué que l’assurance maladie aille discuter avec un médecin qui prescrit quatre fois plus d’arrêts de travail qu’un confrère à la patientèle comparable ; les courriers de l’assurance maladie emploient parfois des formules expéditives, mais nous travaillons à les améliorer. Dans le même état d’esprit, j’ai demandé à l’assurance maladie d’identifier les entreprises dans lesquelles les arrêts maladie explosaient, car les employeurs ont également une responsabilité en la matière ; l’assurance maladie a déjà pointé 200 entreprises dans ce cas : il n’y a aucune stigmatisation, et nous n’avancerons dans ce domaine que par la responsabilisation collective. Vous avez raison d’évoquer les questions posées par l’allongement des carrières, mais on ne peut pas reprocher à la réforme des retraites adoptée cette année d’avoir joué un rôle en 2023 ; le Gouvernement est bien décidé à s’attaquer aux conséquences de ce phénomène, comme à celles des prescriptions excessives et des responsabilités des employeurs.

Mme la ministre. Madame Janvier, nous souhaitons nous appuyer sur les départements volontaires pour la fusion des sections des Ehpad. Nous évaluons, département par département, l’évolution démographique et l’impact budgétaire de la mesure, de manière que ces collectivités puissent juger en toute connaissance de cause. Les situations démographique et financière des départements étant très hétérogènes, il ne faut pas leur imposer une généralisation mais leur ouvrir une possibilité.

Sur les services à domicile, il y aura une montée en puissance en 2024 : l’augmentation du tarif plancher – passage de 22 à 23 euros – représente 400 millions d’euros l’année prochaine, comme la dotation qualité. La disposition, adoptée l’an dernier, sur les deux heures de convivialité entre, elle aussi, en vigueur, son coût atteignant 100 millions.

Pour les 50 000 solutions, les agences régionales de santé (ARS) publieront dès le mois de janvier des appels à projets. Actuellement, 10 000 adultes en situation de handicap se retrouvent dans des établissements pour enfants du fait de l’amendement Creton. Ma priorité est d’apporter des solutions pertinentes à ces adultes, ce qui libérera en outre des places dans les établissements pensés pour des enfants. Voilà la première brique que nous devons poser dès 2024.

M. le ministre délégué. Madame la rapporteure générale, nous sommes tout à fait désireux d’engager avec vous des travaux visant à identifier de nouvelles pistes d’économie : nous en avons besoin.

En ce qui concerne l’Agirc-Arrco, il n’a jamais été question de ponctionner ses excédents, comme j’ai pu le lire ici ou là. Ils appartiennent à l’Agirc-Arrco. Ce que nous disons, c’est que la réforme des retraites génère un excédent en sus de l’excédent : selon nos estimations, l’amélioration du régime entre 2026 et 2030 devrait se situer entre 1,2 et 3 milliards d’euros. L’objectif de la réforme est d’améliorer l’équilibre financier global du système des retraites, générales et complémentaires, et cet excédent supplément doit participer à cet équilibre d’ensemble.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous entendons maintenant les orateurs des groupes.

M. Jean-François Rousset (RE). Ce texte est responsable financièrement tout en prévoyant d’importants investissements dans notre système de santé. L’Ondam progresse de façon significative, au-delà de l’inflation. Ce budget consacre 252 milliards d’euros à l’assurance maladie et prend des mesures ambitieuses en matière de prévention comme d’accès aux soins, sur la vaccination, la santé des femmes, la contraception, la prévention des affections bucco-dentaires, le renforcement des équipes de soins. La prévention englobe la santé mentale et le renforcement du soutien psychologique et psychiatrique de l’ensemble de la population.

Investir dans la prévention, c’est miser sur l’avenir et garantir une meilleure santé à nos concitoyens tout en limitant de futures dépenses.

La lutte contre la fraude est un enjeu important. La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a confirmé son engagement : détecter 500 millions d’euros de fraude sociale en 2024. Ce PLFSS propose de nouveaux outils pour que chacun, professionnels de santé, laboratoires et particuliers, prenne sa part de responsabilité. Nous devons aussi être vigilants sur les investissements, par exemple les dispositifs médicaux implantables, qui doivent avant tout servir les besoins des patients.

La maîtrise budgétaire s’impose, après une période de soutien important pendant la crise sanitaire. Elle n’empêche pas l’amélioration du modèle de soins.

Mme Laurence Cristol (RE). Ce PLFSS traduit les priorités du Gouvernement, qui soutient de façon responsable notre système de protection sociale. Il montre notamment un engagement fort pour la prévention et pour la réforme attendue du financement de nos établissements de santé, mais aussi en faveur des personnes en perte d’autonomie.

Malgré les difficultés de ce secteur, la branche autonomie continue de prendre corps, avec une hausse sans précédent des moyens alloués.

La Conférence nationale du handicap estime les besoins de ce domaine à 1,5 milliard d’euros d’ici à 2030. Les engagements pris sont ici concrétisés, notamment le remboursement des fauteuils roulants dès l’année prochaine, les 50 000 solutions et la création du service précoce de repérage et d’accompagnement.

Le bien‑vieillir trouve corps dans différentes mesures adoptées depuis six ans pour respecter le souhait des Français de vivre à domicile. Ce PLFSS amorce la clarification du financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée grâce à la fusion des sections soins et dépendance dans les départements volontaires. Cette mesure était attendue depuis longtemps, et il faudra la généraliser rapidement.

Le retour prochain de la proposition de loi « bien‑vieillir » nous permettra de tracer des perspectives pour les personnes âgées.

De nombreux députés de la majorité attendent des mesures pour un remboursement lisible de l’activité physique adaptée, au-delà de ce qui est prévu à l’article 22. Pouvez-vous vous engager sur ce point ?

Mes autres questions portaient sur les aidants et la radiothérapie.

Mme Joëlle Mélin (RN). Vous vous voulez rassurants, mais c’est sans compter avec la réalité des faits et les résultats de la politique que vous menez depuis déjà onze ans, dans la droite ligne des quarante précédentes années de destruction de notre système de santé par une politique d’austérité, de rabais, de mauvaises économies, de rabot et de négociations tarifaires toujours à la baisse.

L’Ondam que vous proposez crée une austérité mortifère. J’utilise ce mot volontairement : le dernier rapport de la Société française de néonatologie, qui porte sur les nouveau-nés de 1 à 27 jours requérant des soins critiques est à la fois symbolique de la situation générale et ahurissante.

Le taux moyen d’occupation des lits de réanimation réservés aux nouveau-nés est supérieur à 100 % pendant plus de 20 % du temps. La réanimation se fait donc souvent dans les couloirs. Un quart des services refusent des entrées critiques, faute de place. Les lits sont en outre très inégalement répartis. Le ratio souhaitable serait de 1 lit pour 1 000 naissances ; dans le Nord et l’Est, il est de 1,28, mais il tombe à 0,8 en Occitanie et 0,6 en Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est donc très insuffisant, malgré une baisse de la natalité de 15 %.

Les moyens humains sont tout aussi insuffisants ; les pédiatres sont épuisés, car 80 % d’entre eux travaillent plus de cinquante heures par semaine et 13 % plus de soixante‑quinze heures. Près de la moitié font plus de cinq gardes par mois, voire plus ; certains travaillent les quatre week-ends d’un mois. La moitié a des troubles du sommeil, 17 % sont en burn-out ou en dépression.

Au total, 72 % des services de type 3 ont au moins un poste vacant, et 46 % deux ou plus. Quant aux infirmières, elles ne sont plus formées à la néonatologie depuis 2009. Dans au moins 80 % des établissements, elles sont pour un tiers peu expérimentées, peu formées. La fidélisation est difficile et les équipes instables. Plus de 70 % des jours d’hospitalisation se font en sous-effectif.

À cela s’ajoutent les difficultés chroniques de fonctionnement des hôpitaux et des maternités que nous connaissons bien.

La situation est donc alarmante. La mortalité néonatale a augmenté dans notre pays depuis dix ans : le premier mois de vie concentre 74 % des décès, et cette tendance s’accentue. En matière de mortalité infantile, nous sommes passés de la troisième à la vingtième place en Europe ; ce sont 1 200 décès qui auraient pu être évités chaque année. L’âge plus avancé des primo-parturientes ou l’augmentation des grossesses multiples n’expliquent pas tout : c’est bien l’état général de nos hôpitaux et de nos maternités qui est en cause.

On ne peut plus gérer la santé par le rabais, les déficits et les dettes. Il faut changer de point de vue et gérer les comptes de la sécurité sociale au lieu de les laisser filer ; dans le domaine de la famille, de l’emploi, de la santé, il faut mener une politique sous-tendue par une véritable stratégie.

Quand pensez-vous inverser votre stratégie, si vous en avez une ?

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Vous dites que votre trajectoire est responsable ; mais quand on regarde la situation dans notre pays, quand on écoute les professionnels de santé, on se dit que vous êtes complètement à côté de la réalité. Le résultat de ces trajectoires responsables dont vous nous parlez depuis des années, c’est un affaiblissement de notre système de santé. Depuis le covid, et même un peu avant, la situation est catastrophique : la septième puissance mondiale ferme l’accès à ses services de soins !

Les fermetures de services d’urgences, temporaires ou définitives, partielles ou totales, continuent. Au cours des deux dernières semaines, c’est le cas à Château-Gontier-sur-Mayenne, à Lannion, à Guingamp. Selon le syndicat Samu-Urgences de France, un service sur deux a fermé partiellement ou totalement cet été. Dans les services encore ouverts, les soignants n’en peuvent plus. Nous avons tous vu les images de la longue file de brancards pour entrer aux urgences de Perpignan ; à Limoges, certains patients ont passé neuf jours sur un brancard.

La conséquence, c’est une mise en danger de la santé des Français : c’est le syndicat Samu-Urgences de France qui le dit – son ancien président était d’ailleurs votre prédécesseur. Selon la CGT, 1 500 à 2 000 personnes seraient décédées en un an faute de prise en charge.

Je pourrais aussi parler de la hausse des renoncements aux soins ou rappeler que nous sommes un des seuls pays d’Europe où la mortalité infantile augmente.

Pouvez-vous vraiment être fiers de ces trajectoires, dire aux patients comme aux soignants qu’elles sont responsables ? La vérité, c’est que les Français n’en peuvent plus. Partout dans le pays, la colère explose. Des manifestations ont eu lieu dans différentes villes, Guingamp, Saint-Junien, Langres – où 6 000 personnes ont manifesté dans une commune de 7 600 habitants – ou Bagnères-de-Bigorre – où 3 000 personnes ont manifesté dans une commune de 7 700 habitants. À l’ARS de Quimper, des gens ont retenu les salariés, pacifiquement, pour demander un accès aux urgences après quinze heures.

Ce budget est tout, sauf à la hauteur. Votre trajectoire n’est pas responsable, mais elle est très claire : ce n’est pas un texte pour la santé mais un texte pour économiser. On y lit d’ailleurs cent fois le mot « économie », une seule fois les mots « hôpital public ». Le conseil de la Cnam s’est prononcé contre ce texte. Pour la Fédération hospitalière de France, il manque 3,5 milliards d’euros ; elle dénonce un budget qui n’est pas à la hauteur, tout comme France Assos Santé, la CGT, la CFDT, l’Unsa, FO, la Fédération nationale des infirmiers, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, Solidaires ou encore la Mutualité française. Patients, soignants, institutions : tout le monde dénonce ce budget.

Monsieur le ministre, combien de soignants supplémentaires ce budget permettra‑t‑il de recruter ? Combien de services pourront rouvrir entièrement ? Combien de personnes auront à nouveau un accès aux soins digne ? En vérité, votre trajectoire technocratique nous amène vers le crash.

M. Yannick Neuder (LR). Je vous remercie d’avoir organisé, certes rapidement, des discussions sur le modèle des dialogues de Bercy.

En ce qui concerne la branche famille, je salue un discours de rupture. Jusqu’ici, la branche famille faisait figure de variable d’ajustement, avec la relocalisation de 2 milliards d’euros pour contribuer à combler le déficit de la branche maladie. Vous vous préoccupez de la baisse du taux de natalité : vous avez commencé à faire des annonces et j’aimerais vous entendre les préciser. Le groupe Les Républicains est, vous le savez, très attaché à l’universalité des allocations familiales et à l’ajustement du quotient familial. Êtes-vous prête, madame la ministre, à avancer sur ces points ?

En ce qui concerne la dépendance et le grand âge, il me semble qu’il faut apporter des solutions de financement à la branche autonomie. Le reste à charge moyen des familles est de 1 000 euros pour une personne en Ehpad. Envisagez-vous de travailler sur des systèmes assurantiels ? S’agissant du maintien à domicile, un grand plan de formation est indispensable puisque les besoins sont estimés à 380 000 personnes pour assurer cette transition.

S’agissant des structures d’hospitalisation, privées, publiques ou appartenant au secteur médico-social, 3,3 millions de séjours à l’hôpital ont été reportés depuis 2020, et les retards de diagnostic sont importants. Je me fais le porte-parole des différentes fédérations – Fédération hospitalière de France, Fédération de l’hospitalisation privée, Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs : pour le moment, l’inflation n’est pas prise en compte ; les surcoûts non financés sont estimés à 1,5 milliard d’euros. J’entends que vous allez y réfléchir mais il faudra préciser ce point. On ne peut pas choisir entre le soin et la facture d’électricité.

Je salue la revalorisation des gardes et du travail de nuit. Une revalorisation est prévue pour les internes jusqu’à la fin de l’année : sera-t-elle pérennisée ?

Enfin, on ne peut pas rester sur les mesures insultantes de revalorisation qu’ont connues les professionnels libéraux. Quant aux personnels paramédicaux, notamment les infirmiers, leurs tarifs n’ont pas été revus depuis 2009 alors que les prix de l’essence par exemple ont fortement augmenté.

M. Nicolas Turquois (Dem). Merci de ces présentations claires et détaillées. Le groupe Démocrate se félicite de l’ambition de ce projet de loi et des moyens consacrés au renforcement de notre modèle social. Son haut niveau de redistribution et de protection contre les risques de la vie est au cœur de notre République, au cœur du consentement des assurés au vivre ensemble.

Concernant la prévention, nous saluons les avancées concrètes du projet de loi, à court comme à moyen terme. Je pense à la campagne de vaccination contre le papillomavirus, à la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans ou à la prise en charge à 60 % par la sécurité sociale des protections hygiéniques réutilisables. La prévention est une responsabilité collective majeure ; la puissance publique prend toute sa part, mais elle est également l’affaire de chacune et chacun. C’est l’objet des rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie, que l’article 20 généralise. Par la sensibilisation, par l’appropriation des bonnes pratiques, par la lutte contre les inégalités sociales, cet article renforce l’édifice de la prévention que cette majorité construit depuis six ans. C’est l’honneur de l’action publique que de préparer l’avenir des générations suivantes.

Le groupe Démocrate appelle votre attention sur le sujet de la santé mentale, notamment des jeunes. Comment le Gouvernement entend-il agir en ce domaine ?

Sur ces deux sujets, nous proposerons des amendements, dont plusieurs issus du travail de Cyrille Isaac-Sibille, qui a élaboré une feuille de route sur la prévention en santé. Nous regrettons l’absence de mesures significatives relatives à la consommation d’alcool, de sucre ou de tabac, qui constitue pourtant un déterminant majeur de la santé.

Concernant la solidarité à la source, le projet de loi comporte de premières avancées, comme l’extension simplifiée de la C2S à de nouveaux allocataires. Nous nous en félicitons. Au-delà des premières expérimentations, pourriez-vous déjà nous présenter un calendrier de ce chantier tant attendu ?

L’action sociale ne se réduit pas à une surenchère de nouvelles dépenses : pour mener à bien les politiques de la nation en matière de santé et de solidarité, nous nous devons aussi de trouver de nouvelles recettes ou à tout le moins de limiter les dépenses indues. Monsieur le ministre des comptes publics, pouvez-vous nous détailler la manière dont le nouveau conseil d’évaluation des fraudes permettra d’aller plus loin dans la lutte contre la fraude sociale et fiscale ?

Le Gouvernement estime-t-il nécessaire d’aller vers un financement pluriannuel en matière de santé et de sécurité sociale ? C’est une demande forte de certains acteurs, qui auraient besoin de davantage de visibilité.

Le groupe Démocrate votera résolument en faveur de ce projet de loi.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je commencerai par une petite remarque de forme. Il y a un an, au moment de l’adoption par 49.3 du PLFSS, la Première ministre s’était offusquée de notre position : pour elle, il n’était pas normal que nous votions contre ce texte ; on nous disait qu’il aurait pu être coconstruit. Dans la foulée, M. Braun avait pris l’engagement d’intensifier ce travail de coproduction avec les parlementaires. En réalité, ce travail n’a pas eu lieu. Vous avez bien réuni les comptes de Ségur, mais vous nous y avez présenté des arbitrages déjà réalisés. Vous ne pourrez plus nous conter le conte d’une association des parlementaires.

Il serait utile, l’année prochaine, de travailler sur les mesures – en chiffres comme en lettres, même si c’est sans doute plus difficile pour les premières – en amont, en associant les parlementaires de la commission des affaires sociales.

On peut comprendre, néanmoins, pourquoi cet exercice ne se fait pas : il y a des postulats qui se retrouvent d’année en année, et qui ne vous permettront pas de répondre à l’ampleur des besoins. L’année dernière, nous avions déposé des amendements pour compléter des crédits dont nous avions d’emblée constaté qu’ils seraient insuffisants ; nous avions tellement raison que ces propositions sont introduites ici, dans les mesures rectificatives pour l’année 2023.

L’Ondam est notoirement insuffisant et ne réglera pas la crise du financement ; pire, il y a des lignes rouges problématiques.

Monsieur le ministre de la santé, lors des comptes de Ségur, vous nous avez dit que la question de la responsabilisation, et donc de la participation forfaitaire par consultation et de la franchise sur les médicaments, ne figurerait pas en tant que telle dans le texte, mais qu’elle était dans la trajectoire et pourrait donc faire partie du débat. Une fois pour toutes, dites-nous ce que vous avez envie de faire. Que prévoyez-vous et quelles mesures réglementaires entendez-vous prendre ? Il est temps de nous faire part des arbitrages, dont j’espère qu’ils ont été pris – le contraire serait inquiétant.

Les autres lignes rouges ont été mentionnées : limitation des arrêts de travail, malus sur le remboursement des frais de transport, contribution des régimes de retraite complémentaire...

J’aurais aimé avoir le temps de vous parler de deux béances. Sur l’hôpital, d’abord : il y a là une forme de coitus interruptus, si vous me permettez l’expression, par rapport aux annonces faites par Emmanuel Macron, en Essonne, lors de ses vœux aux soignants. Enfin, on devait réformer la T2A ! La réalité, c’est qu’il n’y a ici qu’un début d’engagement bien timide. Sur la branche autonomie, ensuite : nous n’avons aucune visibilité, malgré les 2 milliards d’euros qui ont été ajoutés ; allez-vous, madame la ministre, accepter la proposition votée à l’unanimité par les députés d’une loi de programmation sur le grand âge ?

M. François Gernigon (HOR). Le budget de la sécurité sociale est le reflet de notre engagement collectif. Nous avons, au fil des ans et particulièrement pendant la crise sanitaire, démontré notre capacité à mobiliser des ressources considérables pour protéger notre nation et notre système de santé. En tant que législateur, notre responsabilité est d’assurer la pérennité de ce modèle social en continuant de le transformer au service de chacun. C’est ce à quoi s’attache ce texte et je m’en réjouis.

La trajectoire financière de la sécurité sociale s’améliore depuis deux ans grâce à la politique ambitieuse menée par le Gouvernement. Après des déficits historiques – près de 40 milliards d’euros en 2020 –, le solde des régimes obligatoires de base et du FSV s’est nettement redressé, sous l’effet de la reprise économique et des créations d’emplois. Il devrait atteindre un peu plus de 11 milliards en 2024.

Ce PLFSS est également un jalon important pour renforcer la soutenabilité et l’acceptabilité de notre modèle social. L’Ondam connaît une hausse de 3,2 % ; des économies, passant notamment par un effort de maîtrise des dépenses de soins de ville et par une responsabilisation de l’ensemble des acteurs, devraient s’élever à 3,5 milliards d’euros. L’accent mis sur la prévention doit permettre de poursuivre cette dynamique.

Le groupe Horizons et apparentés reste fidèle à sa ligne de sérieux budgétaire. Nous proposerons des amendements qui tiennent compte d’un contexte de finances publiques contraintes, dans une logique de transparence, de santé publique et de justice sociale. Nous souhaitons que ce PLFSS soit l’occasion, dans un contexte favorable puisque nous sommes à un an des jeux Olympiques de Paris, d’avancer sur le remboursement du sport sur ordonnance pour les patients souffrant du diabète ou du cancer. C’est une recommandation du rapport annuel de l’assurance maladie. Pour ces deux pathologies, les bienfaits sur la santé et l’évolution de ces maladies chroniques sont désormais démontrés mais le coût de la pratique sportive peut rester un frein.

Monsieur le ministre, une programmation pluriannuelle pour la santé vous paraîtrait-elle opportune ? Elle donnerait de la clarté et de la visibilité à l’ensemble des acteurs de santé pour cinq années, et permettrait une cohérence des budgets avec les besoins de santé de la population à l’échelle territoriale ; elle orienterait les évolutions du système de santé vers la prévention et préparerait notre système de soins à la prise en charge de pathologies complexes et nouvelles.

Entre 10 % et 20 % des nouvelles mères sont touchées par la dépression post‑partum. Le diagnostic et le traitement sont cruciaux pour prévenir la chronicité. Nous proposons la création d’un parcours de soins dédiés, mis en place par toutes les ARS avec tous les professionnels de santé concernés, afin d’assurer une détection et un traitement précoces et de renforcer l’information disponible pour les professionnels et les familles.

Enfin, pour continuer de libérer du temps médical, nous proposons de réfléchir à la question de la signature de certificats de décès.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Une fois n’est pas coutume, commençons par saluer ce qu’il y a de positif dans ce PLFSS : la gratuité des préservatifs et des protections menstruelles pour les moins de 26 ans ; le lancement d’une campagne nationale de vaccination contre les papillomavirus dès la classe de cinquième ; l’évolution du financement des Ehpad par la fusion des sections soins et dépendance ; les prémices de la transition écologique des établissements de santé.

Dès que vos mesures iront dans le bon sens, nous les soutiendrons, mais cela ne nous empêchera pas de vouloir les améliorer. Pourquoi limiter à 26 ans la gratuité des protections menstruelles et des préservatifs, quand il s’agit avant tout d’une question de santé publique ?

Mais soyons clairs, le groupe Écologiste ne pourra pas soutenir ce PLFSS. Ce saupoudrage de mesures ne cache pas le verrouillage des dépenses de santé par le cantonnement des dépenses sous 22 % du PIB jusqu’en 2027. Ni l’Ondam ni les sous-Ondam n’échapperont donc à votre logique austéritaire de maîtrise des dépenses !

Nous nourrissons aussi des doutes sérieux quant à la sincérité du budget qui nous est présenté. De PLFSS en PLFSS, l’Ondam est sans cesse rectifié. L’exemple de l’Ondam hospitalier pour 2023 est frappant : de 100,7 milliards d’euros en loi de financement pour 2023, il est passé à 101,3 milliards en avril dernier pour finalement atteindre 102,5 milliards d’euros aujourd’hui. La différence est de 1,8 milliard d’euros. Comment les hôpitaux peuvent-ils durablement prévoir leur trajectoire financière avec un tel rafistolage budgétaire ?

L’Ondam pour 2024 nous alarme davantage encore. Alors que la Fédération hospitalière de France pointe un abondement nécessaire de 2 milliards d’euros supplémentaires pour couvrir les besoins de cette année, l’Ondam hospitalier pour 2024 n’augmente que de 3,2 %. Votre scénario macroéconomique est certes « plausible », selon le Haut Conseil des finances publiques, mais votre scénario de croissance est bien optimiste. Votre prévision d’inflation présente un risque de dépassement – renforcé par la nouvelle envolée des prix du pétrole – et le risque de dépassement des dépenses de santé est avéré. Monsieur le ministre, pourquoi s’obstiner à présenter un budget de la sécurité sociale qui sous-évalue les crédits nécessaires pour couvrir l’inflation et les dépenses d’investissement ? La réponse est simple : pour maîtriser la dépense. Mais en réalité, à quel prix ! De nouvelles rectifications plongeront à nouveau notre système de soins dans l’incertitude et la contrainte financière. C’est ajouter la crise à la crise.

Dans ce cadre d’austérité budgétaire, ni ce PLFSS, ni les prochains, et ce jusqu’en 2027, ne seront à même de transformer notre système de soins pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux. Nous ne pouvons pas approuver cette logique d’enveloppe fermée. Ce cadre-là, où chaque mesure de progrès s’accompagne d’une mesure d’économie, nous le rejetons.

Vous osez ainsi lancer la chasse aux arrêts maladie, désormais seule porte de sortie pour les Français en souffrance au travail après votre réforme de l’assurance chômage et des retraites. En doublant la franchise des médicaments, vous faites peser sur les Français la pénurie de médicaments tout en arrosant d’argent public des industriels pharmaceutiques qui délocalisent à l’étranger par pure logique de profit.

L’effondrement climatique a commencé ; l’année 2023 sera probablement l’année la plus chaude jamais connue. Les Restos du cœur doivent restreindre leurs distributions d’aide alimentaire. Les maladies chroniques explosent et frappent d’abord les plus précaires. Et votre réponse aux 12 millions de personnes atteintes d’affections longue durée ? Il faut maîtriser la dépense. Nous ne pouvons y souscrire.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Quelles nouvelles recettes prévoyez‑vous pour financer nos retraites et notre protection sociale ? Vous dites que le déficit se résorbe, mais à quel prix social, à quel prix pour la santé ? La réforme des retraites était censée en finir avec le déficit et la dette ; votre budget nous confirme qu’il n’en est rien. En revanche, les salariés, qui voient la date de liquidation de leur pension reculer, commencent à la sentir passer. Nous espérions un PLFSS rectifiant le texte antisocial et antidémocratique adopté au printemps.

L’Ondam compresse chaque année les dépenses de santé : 3,2 %, c’est moins que l’augmentation tendancielle et cela risque même d’être inférieur à l’inflation. L’année qui vient de s’écouler montre la fragilité des estimations gouvernementales en la matière. L’objectif est donc d’autant plus irréaliste que notre système de santé est sous tension et que, depuis des années, on lui demande de faire toujours plus d’économies. Cela aura des conséquences sur les professionnels, les établissements de santé et les patients.

Vous ne voulez toujours pas voir une réalité incontournable : l’hôpital public est en crise. Non, cela ne va pas mieux ; or le Gouvernement prévoit 500 millions d’euros d’économies à l’hôpital au nom de l’efficience. Il y a besoin d’ouvrir des négociations salariales globales et d’en finir avec la politique de saupoudrage de primes, la précarité, la sous-reconnaissance des métiers, les sous-effectifs, etc. En outre, aucune mesure n’est annoncée concernant la santé mentale malgré l’échec du dispositif Mon soutien psy, alors qu’il y a besoin d’embaucher massivement des psychologues dans le service public.

Le volume de soins délivrés à l’hôpital n’a toujours pas retrouvé son niveau de 2019. Il faut lutter contre le défaut de soins, le renoncement aux soins, les ruptures de parcours. La tarification à l’activité passera de 54 à 49 % en 2026 : on est loin d’une véritable remise en question.

Vous annoncez des mesures dites de responsabilisation, comme la modification du ticket modérateur pour les soins dentaires, avec un financement par la cotisation mutualiste, ou encore le doublement des franchises médicales. On demande aux assurés de financer eux‑mêmes leurs soins – vive la sécurité sociale ! Pendant ce temps, c’est open bar pour les multinationales avec des exonérations de cotisations, et hold-up dans les cotisations de l’Unedic et de l’Agirc-Arrco – qui appartiennent aux salariés, faut-il le rappeler. Vous voulez empêcher la revalorisation des pensions complémentaires en période de forte inflation.

Pendant ce temps, on ne lutte pas assez contre la marchandisation. C’est le cas en matière de médicaments et ce n’est pas une garantie contre les pénuries. La branche autonomie connaît une augmentation de son financement mais nous attendons toujours les mesures fortes et cohérentes garantissant de nouveaux droits. La création de postes ne va pas assez loin et pas assez vite pour les Ehpad et l’accompagnement à domicile. Déployer un service public puissant : voilà ce dont nous avons besoin.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles demeure excédentaire sans que l’on décide de s’attaquer plus fortement à la sous-déclaration, à la sous-reconnaissance et aux mauvaises conditions de travail. De plus, ce PLFSS réforme la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en barémisant l’indemnisation. Or on sait ce qu’il en a été des barèmes pour les licenciements.

Enfin, sans s’interroger sur leur cause, vous instaurez une restriction des arrêts maladie avec une refonte de leur contrôle. Celle-ci donne un pouvoir de suspension au médecin diligenté par l’employeur et limite à trois jours la durée des arrêts de travail délivrés en téléconsultation, alors même qu’il est de plus en plus difficile d’avoir un médecin traitant. Il faut arrêter de rouler toujours sur la même pente. Changez de logiciel !

M. Laurent Panifous (LIOT). Le projet de loi qui nous est présenté dans une période de forte inflation est porté par une volonté d’économies plus que de réelle transition, alors que chacun s’accorde sur la nécessité de réinvestir dans tous les secteurs de la santé.

Le groupe LIOT souhaite que la santé devienne une priorité nationale. Il ne s’agit pas de critiquer le fait de chercher à équilibrer le budget des comptes sociaux, particulièrement après la crise sanitaire qui les a fragilisés, mais de dire que ces économies se font là où il n’en faudrait pas. Je pense par exemple à la limitation des arrêts de travail et à l’augmentation du ticket modérateur pour les soins dentaires. Qu’en est-il également de votre volonté d’augmenter les franchises sur les médicaments et les consultations, qui pénaliseront les assurés les plus modestes ? Les complémentaires santé menacent d’ailleurs déjà d’augmenter leurs tarifs.

Nous sommes également opposés à la ponction que vous souhaitez faire sur l’Agirc‑Arcco. Alors que les besoins vont croissant, notre système de protection sociale mérite mieux que de simples économies : il nécessite de nouvelles ressources.

Concernant l’accès aux soins, il suffit de regarder la situation des établissements de santé. L’Ondam de 2023 et 2024 ne permet pas de couvrir l’inflation et les revalorisations salariales du mois de juin. S’agissant des territoires insulaires et ultramarins, confrontés à des surcoûts structurels, nous ne pouvons plus repousser sans cesse la revalorisation des coefficients géographiques.

Quant au soutien à l’autonomie, pourtant affiché comme une priorité, le compte n’y est pas : le transfert d’une fraction de la CSG à la CNSA en 2024 ne représentera que 2,6 milliards d’euros, quand tous les rapports sur ce sujet fixent les besoins à près de 8 milliards. Nous appelons à la mise en place d’une contribution spécifique reposant sur une augmentation de la CSG sur le capital, ou bien d’une contribution sur les donations et successions les plus élevées.

Je veux également insister sur les métiers. Combien de postes ont effectivement été financés sur les 3 000 budgétés en 2023 pour les Ehpad ? Comment tiendrez-vous la trajectoire des 50 000 d’ici 2027, alors que vous annoncez pour 2024 « seulement » 6 000 équivalents, soit moins d’un poste par établissement ? Le signal n’est pas bon. Les difficultés de recrutement ne sont pas dues seulement à la quantité des personnes formées mais aussi aux conditions de travail dans nos établissements et à un ratio d’encadrement trop faible. La volonté du Gouvernement de créer 50 000 postes en Ehpad est une excellente mesure ; l’ouverture concrète de ces postes d’ici à trois ans contribuerait à redonner une image positive de ces métiers, à améliorer leur attractivité et à faire revenir celles et ceux, si nombreux, qui les ont quittés pour des raisons tenant plus aux conditions de travail qu’à la rémunération.

Notre groupe partage la volonté de revoir le modèle des tarifications des Ehpad car il est inutilement complexe et génère des inégalités territoriales. Néanmoins, concernant la fusion des sections « soins » et « dépendance », une double expérimentation permettrait de déterminer qui, des départements ou des ARS, sont les mieux à même de piloter cette nouvelle section.

Le texte comporte un volet intéressant sur la prévention et la lutte contre le non‑recours, que nous souhaiterions voir élargi aux plus jeunes, aux plus précaires, aux bénéficiaires de tous les minima sociaux.

S’agissant du remboursement des protections menstruelles réutilisables, notre groupe défendra plutôt un accès gratuit à toutes les femmes de toutes les protections périodiques. C’est un enjeu d’égalité et de santé publique.

Je terminerai par deux grands absents de ce texte : la lutte contre la désertification médicale et la santé mentale, qui demeure le parent pauvre de notre politique de santé.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis de la commission des finances. Tout d’abord, je constate avec satisfaction que le Haut Conseil des finances publiques a jugé plausibles les principales hypothèses macroéconomiques sur lesquelles reposent les textes budgétaires de cet automne. Cela démontre la grande efficacité de la politique économique et de l’emploi conduites ces dernières années par le Gouvernement.

Le PLFSS 2024 traduit une véritable ambition pour notre modèle de protection sociale, tout en prévoyant plusieurs mesures visant à renforcer la pertinence de la dépense publique. Il consacre la poursuite d’un effort important en matière d’accès aux soins de prévention – lancement de la campagne de vaccination contre les infections à papillomavirus humains ; extension des bilans de prévention aux différents âges de la vie.

Le texte est également ambitieux en matière de modernisation de notre système de santé, avec notamment la mesure visant à rééquilibrer le financement des établissements de santé.

L’Ondam, en hausse de 3,2 %, demeure supérieur à l’inflation. Le texte prévoit par ailleurs un total de 3,5 milliards d’euros d’économies, en particulier grâce à la lutte contre la fraude et à la pertinence des soins. Enfin, nous devrions peut-être dépasser la vision de l’annualité pour savoir ce que nous voulons : que devient la santé du futur ?

M. le ministre délégué. J’ai entendu des mots terribles sur l’austérité de ce texte, qui serait mortifère : or je ne constate rien de tel dans mes comptes. Alors que le déficit public s’établit à 5 % du PIB et que nous avons 3 000 milliards d’euros de dette, l’Ondam continue de progresser plus vite que l’inflation : nous ne sommes pas dans un régime d’austérité. Par ailleurs, l’efficience de la dépense n’est pas un gros mot. Les contraintes financières existent et la solution à tous les problèmes que vous avez évoqués ne passe pas nécessairement par des moyens supplémentaires.

S’agissant de la pluriannualité, il existe un très bon texte qui traite de cette question, y compris pour financement de la sécurité sociale : c’est la loi de programmation des finances publiques. L’évolution de l’Ondam y figure, tout comme l’évolution des régimes de base et du FSV. Elle répond à nombre de vos interrogations, raison pour laquelle nous nous étions accrochés pour la faire adopter.

Le Conseil d’évaluation des fraudes aura pour mission d’étudier précisément certains domaines, notamment les dépenses d’assurance maladie, afin d’apprécier la réalité de la fraude et de vérifier si nos politiques de lutte sont efficaces.

Il est hors de question de toucher aux excédents de l’Agirc-Arrco, qui sont la conséquence de sa bonne gestion par les partenaires sociaux. Cependant, la réforme des retraites ayant un impact direct sur le régime Agirc-Arrco, il est légitime que celui-ci contribue à l’équilibre de nos finances publiques.

M. le ministre. J’ai parfois l’impression que le principe même de construction de l’Ondam est oublié : tout ce qui est exécuté à l’année n-1 est intégré dans la base de l’année n, laquelle progresse ainsi d’année en année. L’argument de l’austérité me paraît difficile à soutenir.

Nous ne sommes pas restés les bras ballants face à la situation de l’hôpital, comme le démontrent le Ségur de la santé pour le personnel paramédical et médical ainsi que les mesures annoncées par la Première ministre sur le travail de nuit – 435 euros par mois en moyenne pour une infirmière en fin de carrière, ce n’est pas rien ! De plus, chaque lit rouvert grâce à ces mesures est une victoire : de très nombreux postes sont en effet vacants non pas pour des raisons budgétaires mais par manque d’attractivité. D’ici la fin de l’année, nous devrions avoir rouvert 1 000 à 1 500 lits d’hospitalisation sur les quelque 380 000 existant en France.

Vous avez évoqué, monsieur Maudet, l’effondrement du système de soins. Or les mots ont un sens ! Sur les 680 services d’urgences que compte notre pays, cinq ont été entièrement fermés pendant l’été et de nombreux autres ont été dans l’impossibilité de tenir la totalité des lignes de garde, notamment la nuit. Dans une telle situation, ma responsabilité est de mettre en place un autre système pour que le service soit assuré – c’est ce qui a été fait avec la régulation par le 15 –, mais nous ne fermons jamais un service pour des raisons financières. Certains syndicats ont avancé le chiffre de 1 500 à 2 000 personnes décédées : c’est une honte !

Il faut rémunérer les soignants comme il se doit et non compter sur leur héroïsme – les augmentations des trois dernières années ont été inédites –, et surtout redonner du sens à leur métier. La régulation n’est pas une situation satisfaisante mais on ne peut pas se contenter d’appeler à la fermeture de petits services d’urgences pour concentrer les moyens sur les gros : certains hôpitaux, malgré tout l’investissement financier qu’on leur consacrera, n’arriveront pas à faire face.

Par ailleurs, vous avez parlé d’acte de résistance des manifestants qui ont retenu la directrice générale de l’ARS Bretagne pendant une journée entière. Celle-ci n’était pas en mesure de trouver un médecin urgentiste pour l’hôpital de Carhaix – il est en effet très difficile de forcer quelqu’un à venir travailler contre son gré ! L’hôpital de Carhaix n’a pas été fermé : le service des urgences a été régulé et un médecin militaire est venu en renfort pendant quelques jours.

Les élus locaux avec qui j’ai pu discuter ont considéré que, cette année, la situation avait été mieux anticipée, même si elle reste très compliquée. Je serai transparent avec vous : nous avons connu un été difficile et l’automne le sera également, mais il n’y a pas eu d’effondrement du système de soins.

Monsieur Dharréville, nous sommes le pays où la socialisation de la dépense de santé est la plus élevée au monde, l’assurance maladie obligatoire prenant en charge 80,2 % de la consommation de soins et les complémentaires 12,6 %. Il y a donc une légère marge avant le basculement dans la privatisation du système de santé que vous évoquez.

Monsieur Guedj, la réforme de la T2A est tout sauf une mesurette. Nous ne fixons pas des bouquets avec le même pourcentage de T2A ou de dotation de santé publique dans tout le pays. Nous tenons compte des spécificités des établissements : une clinique chirurgicale sera financée essentiellement par la T2A tandis qu’un centre hospitalier universitaire (CHU) le sera par la T2A mais aussi largement par la dotation.

Nous avons pris du retard dans l’évaluation de ce que peut rapporter l’investissement dans la prévention. Nous devons y parvenir car certains chantiers sont loin d’être arrivés à leur terme – la vaccination contre le HPV est un investissement à vingt ou trente ans.

Je souhaite que nous ouvrions des négociations conventionnelles avec les médecins. J’adresserai dans les prochains jours au directeur général de la Cnam une lettre de cadrage pour en fixer les principes. Ne donnons pas le sentiment que certaines professions n’auraient pas été réévaluées depuis 2014 : cette année, huit accords conventionnels ont été signés avec des professions paramédicales.

S’agissant du sport santé, le PLFSS prévoit de généraliser plusieurs expérimentations. Certains d’entre vous demandent d’aller plus loin ; je suis tout à fait prêt à y travailler pour certaines pathologies, même si cela est très onéreux.

La psychiatrie a longtemps été le parent pauvre de l’hospitalisation, alors qu’elle concerne tous les domaines de la vie quotidienne et affecte le système de santé dans son ensemble. Je souhaite que la négociation conventionnelle aborde ce sujet, la psychiatrie n’étant pas suffisamment rémunérée. Des mesures ont été prises, comme la formation de 70 000 secouristes psy. Je souhaite également généraliser l’expérimentation des infirmiers régulateurs psychiatriques dans les Samu, qui donne des résultats remarquables au moment du risque de passage à l’acte. Concernant la santé mentale des enfants, des assises se sont tenues sur ce sujet et des réponses seront apportées dans les prochains jours. Je rejette l’idée que les dispositifs tels que Mon soutien psy seraient des échecs : ils sont très largement utilisés. Notre difficulté est de trouver des professionnels pour être présents au bout du fil.

Concernant la pluriannualité, je vous renvoie à la réponse de Thomas Cazenave. Elle est liée à la question de la prévention.

Comme je l’ai déjà indiqué à Stéphanie Rist, je suis favorable à l’ouverture d’un chantier sur la radiothérapie.

Madame Mélin, vous avez évoqué à juste titre néonatologie. D’un point de vue épidémiologique, ce qui se passe est préoccupant. J’ai demandé à la direction générale de la santé (DGS) de travailler avec les remarquables réseaux régionaux de périnatalité pour tenter de comprendre quels en sont les déterminants – précarité, âge des primo-parturientes, progrès qui permettent la naissance d’enfants encore plus fragiles. Nous devons vérifier si ces dynamiques sont à l’œuvre également dans d’autres pays avant de mener des actions résolues. Certaines existent déjà, comme la prise en compte des inégalités sociales de santé en Île-de-France, qui a permis de faire baisser la mortalité infantile.

Mon seul combat pour l’hôpital public, c’est la réouverture des lits, même si ce n’est pas une très bonne nouvelle pour l’Ondam. Ce qui désespère le plus les soignants, c’est de pas être suffisamment nombreux pour accueillir tous les patients, et que des blocs soient fermés. Les soignants se posent également la question de leurs perspectives professionnelles : c’est un sujet sur lequel nous devons avancer. Par ailleurs, je suis prêt à ouvrir le chantier du remboursement de la radiothérapie ou encore de la dialyse.

Le PLFSS planifie 3,5 milliards d’euros d’économies. Dès mon arrivée, j’ai indiqué que l’on ne pourrait avancer sur la question des franchises si l’on touchait à leur plafond. Le débat parlementaire abordera ce sujet dans la partie sur les recettes, même si ce sont des mesures de nature réglementaire. Si cette mesure est retenue – et je ne dis pas qu’elle le sera –, on ne touchera pas au plafond et on n’ouvrira pas de nouvelle franchise. Son rendement théorique annuel serait de l’ordre de 800 millions. Je souhaite que nous ayons ce débat dans l’hémicycle, après que vous aurez commencé l’examen du PLF.

Monsieur Peytavie, les bénéficiaires de la C2S ont un accès gratuit aux préservatifs et aux protections menstruelles.

Enfin, je ne vois pas où vous trouvez, dans ce PLFSS, une chasse aux arrêts maladie. S’agissant des téléconsultations, l’article est très clair : si vous n’avez pas trouvé de médecin pour vous prescrire un arrêt maladie, vous pouvez l’avoir par téléconsultation. Je ne pense pas, par ailleurs, que le modèle de la téléconsultation et des centres de soins non programmés soit le modèle le plus vertueux.

Mme la ministre. La solidarité à la source est un enjeu majeur de transformation, et pas seulement de simplification. Le montant net social a commencé à apparaître sur les feuilles de paie. L’idée est de généraliser cette nouveauté dès le mois de janvier 2024 ; nous pourrons ainsi mener une expérimentation sur le préremplissage durant l’été 2024, en vue d’une généralisation en janvier 2025. Mais la solidarité à la source va au-delà du préremplissage : elle vise à lutter à la fois contre les indus et les abus, c’est-à-dire contre le non-recours et contre la fraude, et à faire en sorte qu’il y ait un gain au retour à l’emploi, pour que plus personne ne perde de l’argent lorsqu’il reprend une activité.

Nombre de vos questions portaient sur la dépendance et la branche autonomie. Le PLFSS 2024 marque une vraie bascule pour la branche autonomie, avec la fraction de CSG qui lui est associée et la montée en puissance budgétaire.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a un excédent !

Mme la ministre. Il y a un excédent jusqu’en 2027. Si l’on consomme tout l’excédent, on va vite être en déficit... Il importe de raisonner sur plusieurs années, si l’on veut garantir l’efficacité de cette branche autonomie. Le corollaire, c’est d’engager une refonte des fonds de concours de la CNSA pour garantir leur lisibilité ; il faut entreprendre le virage domiciliaire et avoir des Ehpad plus médicalisés. Entre les deux, on doit imaginer d’autres solutions – résidences autonomie, résidences seniors, habitat intermédiaire – qui, pour l’heure, ne sont financées par la CNSA que de façon très marginale.

La proposition de loi « bien‑vieillir », qui va revenir sur le devant de la scène le 20 novembre, comporte de nombreuses avancées, sur les circuits de signalement, la lutte contre la maltraitance, la reconnaissance des aides à domicile, la carte professionnelle, la transparence sur les indicateurs, sans compter les dispositions ajoutées par les parlementaires. J’espère d’ailleurs que ceux dont les amendements ont été adoptés viendront voter pour cette proposition de loi. L’enjeu, pour moi, n’est pas d’avoir une loi qui porte mon nom, mais de trouver le mode d’action le plus efficace. Or je ne suis pas certaine qu’il faille une autre loi. Ce que je veux, c’est garantir la montée en puissance de la branche autonomie, réformer les fonds de concours de la CNSA et travailler dans une logique de coopération avec départements.

L’objectif de créer 50 000 nouveaux postes en Ehpad d’ici 2030 a été budgété l’an dernier ; 150 millions d’euros ont déjà été consommés pour créer 3 000 postes cette année et nous doublerons cet effort puisque nous passerons à 6 000 recrutements l’année prochaine. Les crédits inscrits dans ce PLFSS garantiront cette trajectoire. Mais il ne suffit pas d’inscrire des moyens dans le PLFSS pour garantir les recrutements. Il faut, d’une manière générale, renforcer l’attractivité des métiers du soin, aussi bien dans le champ sanitaire que dans le médico-social. Il importe de revaloriser les salaires, notamment pour le travail de nuit, les jours fériés et le week-end.

J’en viens aux aidants. Je suis très favorable à ce que l’on poursuive l’expérimentation du baluchonnage, ou relayage, qui a fait ses preuves. Nombre de personnes accompagnées souhaitent rester chez elles, parce qu’il serait trop brutal pour elles de quitter leur domicile. Mais les membres de leur famille ont aussi besoin de répit et le relayage à domicile est une solution pour eux. Il reste à savoir si cela doit se faire dans le PLFSS ou dans le cadre de la proposition de loi « bien‑vieillir ».

Au sujet de la famille, il faut prendre un vrai virage : la politique familiale doit d’abord être une politique universelle, au service de toutes les familles, en soutien à la natalité. Sur toutes les réformes que nous engageons – reste à charge ou complément de libre choix du mode de garde –, l’idée n’est pas d’exclure certaines familles ou de choisir à la place des parents des solutions pour leurs enfants. Les parents font en général ce qu’ils peuvent et il était incohérent que le reste à charge pour les parents soit plus élevé quand ils ont recours à une assistante maternelle que lorsqu’ils font le choix d’un accueil collectif. Toutes les mesures que nous mettons en œuvre doivent être universelles. Il y a certes des contraintes budgétaires mais, politiquement, je n’ai aucun tabou. Je suis convaincue qu’il y a un lien direct entre la politique familiale et le nombre d’enfants qui naissent.

S’agissant du post-partum, la politique des 1 000 premiers jours prend aussi en charge la mère : c’est l’objet de l’entretien post-natal précoce, qui permet de déceler d’éventuelles difficultés. Dans une logique de responsabilisation, je pense qu’un parcours devrait être proposé aux deux parents, et pas seulement à la mère, qui concernerait la prévention des nouveaux risques, la sédentarité, l’enjeu des écrans, etc.

La néonatalité est une priorité absolue. Il faut comprendre ce qui se passe pour prendre les bonnes décisions, car les faits rapportés ne peuvent laisser personne indifférent. Le soutien de la natalité devrait être notre premier objectif politique, car le niveau de la natalité dit beaucoup de l’état d’un pays. Il y a un décrochage entre le désir d’enfant et le nombre d’enfants que nous réussissons à mettre au monde. Il importe de laisser le libre choix aux familles, de les accompagner et de les soutenir. Sur ces sujets, je crois que nous pouvons avoir des alliances parlementaires.

M. le ministre. J’aimerais compléter la réponse que j’ai faite à Pierre Dharréville. Je ne pense pas que la socialisation de la dépense de santé soit en danger. En revanche, vous avez raison de dénoncer une forme de marchandisation : le secteur de la santé est traversé par des mouvements de financiarisation très forts. C’est notamment le cas de la biologie médicale. Je l’ai déjà dit, il me paraîtrait important que le Parlement se penche sur cette question centrale, peut-être au travers d’une mission d’information. Les acteurs privés se jettent sur les activités où les tarifs sont plus élevés que les coûts, comme la radiologie, qui sera bientôt complètement sous leur contrôle. Nous avons déjà les travaux de Fadila Khattabi sur le nouveau modèle des centres de soins non programmés, mais il me paraîtrait également important de voir si des changements structurels ont lieu dans le secteur de la pharmacie d’officine, en lien avec le prix du médicament et l’existence d’éventuelles marges arrière.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Benoit Mournet (RE). J’aimerais vous soumettre trois amendements que j’espère voir adoptés en commission et qui nécessitent une levée de gage. Les deux premiers concernent la ministre des solidarités.

L’accueil familial reste assez confidentiel, alors qu’il résout bien des difficultés : il s’agirait donc de conférer un statut aux familles qui le proposent et de revaloriser la somme qu’elles reçoivent.

Le deuxième amendement concerne l’accueil des enfants en IME. Du fait de l’amendement Creton, nombre de jeunes adultes se trouvent encore dans ces établissements destinés à l’accueil des enfants. Il existe pourtant d’autres solutions : l’Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales des Hautes-Pyrénées propose par exemple un dispositif dit tremplin pour sortir de l’IME les jeunes qui le peuvent et leur offrir un accompagnement spécifique. Pourquoi ne pas l’expérimenter plus largement ?

Le troisième amendement concerne les centres experts de psychiatrie, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, monsieur le ministre. Ces centres fonctionnent mais restent malheureusement à un stade expérimental. Sur les cinquante-trois centres que compte notre pays, seuls trente sont financés. L’idée serait de consolider ce réseau, voire de l’étendre en créant vingt-deux nouveaux centres, pour un coût de 25 millions d’euros. Ces centres ont le mérite d’attirer des psychiatres en dehors des grands CHU, ils offrent une possibilité de recours pour les psychiatres de ville ou les hôpitaux de secteur et, surtout, ils permettent de soigner les malades.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Monsieur le ministre, faut-il aller au commissariat pour se faire soigner ? Si je vous pose cette question, c’est parce qu’il semble que le ministre de l’intérieur décide désormais de nos politiques de santé publique.

L’expérimentation du cannabis à usage thérapeutique est un véritable succès, quoi que vous en disiez. Lancée en 2021, elle doit prendre fin en mars prochain et le PLFSS ne prévoit pas de la prolonger. Les associations de patients s’organisent et ont publié une tribune fin septembre, exhortant le Gouvernement à faire entrer dans le droit commun l’usage du cannabis médical. Je viens moi-même de signer une nouvelle tribune en ce sens. Le cannabis médical n’est pas un médicament magique, mais il est efficace pour nombre de patients, à qui il permet d’avoir une vie, des loisirs, un travail, au lieu d’être cloués chez eux par d’intenses douleurs. Près de 300 000 personnes pourraient être soulagées par ce traitement.

J’ai échangé ce matin avec des patients et différents acteurs de la filière française des médicaments à base de cannabis. Tout le monde est prêt – la direction générale de la santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), et les laboratoires –, mais le blocage est politique. Quand allez-vous relayer la voix des patients qui souffrent et vous imposer face au ministère de l’intérieur, ainsi qu’à certains membres de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie qui mènent une guerre idéologique contre la drogue, alors qu’on parle ici de médicaments pour mieux vivre avec sa maladie, mais aussi pour bénéficier d’une fin de vie plus apaisée ?

Mme Annie Vidal (RE). Ce PLFSS décline les modalités de mise en œuvre des consultations aux âges clefs de la vie – 25, 45 et 65 ans. Sans avance de frais, elles pourront être effectuées par des médecins, des pharmaciens, des sages-femmes et des infirmières. Renforcer la prévention en santé, c’est une manière de faire reculer l’espérance de vie sans incapacité. Pourriez-vous envisager d’élargir ces consultations à d’autres professionnels, par exemple aux kinésithérapeutes ? Enfin, quels dispositifs envisagez-vous pour aller chercher celles et ceux qui sont éloignés des soins et qui sont particulièrement concernés par ces consultations de prévention ?

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). La semaine dernière, nous avons appris que le Gouvernement prévoyait d’instaurer la gratuité des préservatifs et le remboursement des protections hygiéniques pour les jeunes de moins de 26 ans. Parallèlement à ces mesures, sur lesquelles vous voulez sans doute capitaliser, vous prévoyez d’augmenter les contrôles sur les arrêts maladie et de ponctionner l’Unedic pour financer le service public de l’emploi. Bref, à chaque PLFSS, vous entretenez l’asphyxie de nos services publics.

Vos mesures d’affichage ne suffiront plus à masquer les résultats réels de votre politique. Nos hôpitaux et nos Ehpad publics s’enfoncent dans une impasse financière. Le déficit structurel des hôpitaux va bientôt représenter le double de ce qu’il était avant la crise sanitaire et il va continuer de se creuser, du fait de l’explosion du coût de l’énergie. Les fermetures de lits vont s’intensifier, contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre. Une enquête de la Fédération hospitalière de France menée auprès des établissements en psychiatrie montre que 58 % d’entre eux vont voir leurs capacités diminuer et que 24 % sont déjà contraints de fermer 10 à 30 % de leurs lits. Les besoins augmentent mais vous poursuivez la politique de sous-financement chronique de notre système de santé. Quand allez-vous enfin sauver notre bien commun qu’est l’hôpital public ?

Mme Michèle Peyron (RE). Depuis 2018, à la suite d’une mission gouvernementale qui m’a été confiée, je me suis engagée pour la protection maternelle et infantile (PMI) et, d’une manière générale, pour la petite enfance. L’une des principales recommandations de mon rapport était la cotation des actes de puériculture et la Cour des comptes a fait la même recommandation dans un rapport de 2021.

La loi du 7 février 2022 prévoyait la remise d’un rapport sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices parmi les actes pris en charge par l’assurance maladie ; il n’a toujours pas été remis. Des négociations conventionnelles sont-elles en cours en vue de l’intégration des actes de puériculture dans la nomenclature générale des actes professionnels ?

Ma seconde question concerne l’entretien post-natal précoce, qui constitue une avancée majeure pour le repérage de la dépression du post-partum. Remboursé à 70 %, il doit avoir lieu entre la quatrième et la huitième semaine suivant l’accouchement. Or le taux de recours à cet entretien est très bas, notamment chez les femmes les plus précaires. Comment lutter contre le non-recours ?

Mme Isabelle Valentin (LR). De nombreux acteurs de terrain se plaignent du manque d’ambition de votre PLFSS. Même s’ils ont conscience que des moyens supplémentaires ont été décidés, tous nous disent que la moitié de ces moyens finance de l’administratif, au lieu de financer le soin.

L’hôpital est en crise, puisqu’il manque aux seuls hôpitaux 1,9 milliard d’euros pour 2023 : 1,5 milliard au titre de l’inflation et 400 millions pour les revalorisations des gardes de nuit.

Trois enjeux majeurs attendent le secteur médico-social : il faut redresser sa situation budgétaire, considérablement dégradée ; atteindre l’objectif de recrutement de 50 000 personnes d’ici 2027 ; transformer le secteur, notamment en matière de gouvernance et de financement. À ce stade, le PLFSS ne relève pas ces défis. Des efforts importants doivent être faits pour doter les établissements de ressources budgétaires suffisantes, développer les formations, mettre à jour les référentiels et revaloriser les métiers du médico-social de façon équitable entre privé et public. Comment envisagez-vous cette réforme d’ampleur ?

M. Paul-André Colombani (LIOT). Monsieur le ministre, je tiens d’abord à vous remercier publiquement pour les interventions et les arbitrages qui ont permis de sauver la maternité de Porto-Vecchio.

Cela étant dit, je suis en profond désaccord avec les propos que vous avez tenus à propos du « délit statistique » des médecins libéraux. Les choses sont différentes, selon qu’on les observe depuis son bureau de la Cnam ou qu’on les expérimente dans la vraie vie.

Il y a quelques semaines, un médecin généraliste a été convoqué devant la commission paritaire de son département, parce que son taux d’arrêts maladie avait largement augmenté. Mais cela faisait suite au départ et au non-remplacement de ses associés et de certains médecins de son territoire rural.

Avec les articles 7 et 27 de ce PLFSS, il n’y aura plus de commission paritaire, si bien que le médecin ne pourra plus se défendre, et il se verra retirer ses cotisations sociales. La mobilisation des médecins libéraux, à partir de vendredi, risque d’être historique. Quelle réponse pouvez-vous leur faire ?

M. Didier Martin (RE). Aurons-nous encore des médecins traitants dans quelques années ? Il faut garantir l’attractivité du métier, de bonnes conditions d’exercice et un bon niveau de rémunération si nous voulons garantir l’accès des Français à une médecine de proximité, inscrite dans le temps et dans la confiance. Je rappelle que nombre de patients souffrant d’une affection de longue durée n’arrivent pas à trouver un médecin traitant.

Les médecins généralistes ont effectivement déposé un préavis de grève pour vendredi. Il faut entendre leur exaspération et leur demande de revalorisation. Si l’on veut sauver la médecine libérale et le rôle du médecin généraliste, il est urgent de reprendre le dialogue et de trouver des solutions.

Il est essentiel, enfin, de faire de la prévention, notamment auprès des jeunes, car veiller à la santé des jeunes, c’est réduire les dépenses de santé pour les décennies à venir. J’aimerais donc vous entendre, monsieur le ministre, au sujet du pass santé jeunes.

Mme la ministre. Monsieur Mournet, le Gouvernement accueillera favorablement votre amendement sur l’accueil familial. Quant à l’amendement relatif au dispositif tremplin, je peux vous dire que le Gouvernement lèvera le gage, mais il faudra réfléchir à la manière de le mettre en œuvre – peut-être au travers d’une expérimentation ?

Madame Peyron, en matière de PMI, on a eu tendance à privilégier l’aspect sanitaire et il importe à présent de renforcer la dimension pédagogique, ce qui ira de pair avec une revalorisation des métiers du secteur de la petite enfance. Avec la rapporteure générale, nous réfléchissons aux moyens de renforcer le recours à l’entretien post-natal précoce. Cet entretien est essentiel, car il permet de déceler à la fois les éventuelles difficultés de post-partum des femmes et celles des enfants. J’insiste sur le fait qu’il importerait que les deux parents se rendent à cet entretien, dans une logique de responsabilisation du second parent.

Madame Valentin, il faut effectivement recruter massivement dans le secteur médico-social. Nous manquons de professionnels et la pénurie entretient la pénurie, car la charge de travail pèse sur ceux qui restent, avec un risque de burn-out ou le sentiment de maltraiter les personnes dont ils devraient prendre soin – les résidents en Ehpad ou les enfants dans les crèches. Nous investissons 2,1 milliards d’euros sur la période 2021-2025 dans le seul secteur médico-social. Il y a aussi un vrai travail culturel à faire : les métiers du médico-social, qui nécessitent pourtant une formation et de la technicité, n’ont pas été suffisamment reconnus et valorisés, alors que ce sont ceux qui permettent à notre société de tenir. Pendant le covid, des crèches sont restées ouvertes pour que le personnel soignant puisse continuer à travailler et on l’a oublié, précisément parce qu’on a trop tendance à oublier le médico-social. Vous avez devant vous deux ministre qui travaillent main dans la main pour réduire cet écart entre le sanitaire et le médico-social.

Les moyens des Ehpad ont été renforcés de 100 millions d’euros en 2023, afin de soutenir ceux d’entre eux qui rencontraient des difficultés conjoncturelles ; on a introduit le bouclier tarifaire ; on a remis 100 millions en fonds de soutien exceptionnel et installé les commissions départementales, sous l’égide des ARS, pour réunir financeurs et créanciers. L’enjeu est d’évaluer ce qui relève de difficultés conjoncturelles et de problèmes structurels. Il est clair que certains établissements ne correspondent plus à ce que devraient être nos Ehpad : il importe de les repenser et d’en faire, soit des Ehpad de demain, soit l’une des solutions intermédiaires que je décrivais tout à l’heure. Ces évaluations vont avoir lieu ; j’ai demandé aux ARS que les parlementaires soient tenus informés de leurs conclusions et que, s’il y a des cas critiques dans votre circonscription, vous puissiez être associés à ces réunions.

M. le ministre. Monsieur Mournet, je pense que la question des centres experts en psychiatrie nécessite d’être retravaillée. Il ne fait aucun doute que le modèle développé par la fondation de coopération scientifique FondaMental est intéressant. Mais nous devons aussi avoir une réflexion plus globale sur la prise en charge de la santé mentale, et c’est dans ce cadre que nous pourrons envisager l’éventuelle généralisation de ce dispositif. Permettez-moi d’y réfléchir encore pendant quelques jours, avant d’y revenir avec vous.

Madame Erodi, je crois vous avoir répondu : au 1er janvier 2024, l’expérimentation relative au cannabis thérapeutique sera prolongée. La DGS et l’ANSM, dont vous dites qu’elles sont prêtes, sont des administrations qui sont sous mon autorité : je vais donc voir directement avec elles. La question n’est pas idéologique ; il se trouve seulement que le cannabis à usage thérapeutique n’est pas un traitement à proprement parler, puisqu’il n’y a pas d’autorisation de mise sur le marché européen.

Madame Vidal, les rendez-vous de prévention aux âges clefs sont en effet un dispositif essentiel, sur lequel nous avons pris du retard. Nous en sommes au stade de l’expérimentation à l’échelle des Hauts-de-France. Il faudra réfléchir au contenu de la consultation, aux professionnels qui pourront la donner et à son tarif.

Madame Amrani, il y a bien de l’affichage : sur la fiche de paie des salariés dont la rémunération bénéficie de la plus forte augmentation depuis vingt-cinq ans.

Madame Peyron, la nomenclature des actes des infirmières puéricultrices libérales et en PMI n’a pas évolué. C’est l’ensemble des infirmières puéricultrices, libérales, en PMI en milieu hospitalier qu’il nous faudra considérer.

Monsieur Colombani, je ne crois pas qu’il y ait de délit statistique. J’ai dit « à patientèle équivalente ». Les articles 7 et 27 sont de nature très différente. L’article 7 concerne la fraude et l’article 27 les conditions dans lesquelles on peut suspendre des indemnités journalières.

Monsieur Martin, j’adresserai dans quelques jours une lettre de cadrage au directeur général de l’assurance maladie, pour rappeler la place centrale du médecin traitant. Après avoir insisté sur le soin non programmé, nous devons nous reconcentrer sur le médecin traitant. Le problème de l’attractivité est une évidence, et nous ne sommes pas au bout du chemin pour ce qui est des questions financières.

En conclusion, au-delà du PLFSS 2024, nombre de sujets méritent que l’on y travaille.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses et votre temps. Comme vous l’avez dit, la commission a de nombreux travaux en cours, des missions, des rapports d’évaluation, notamment de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

 

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Comptes rendus de l’examen des articles
du projet de loi

  1.   Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17 heures 15 (article liminaire à article premier)

 

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14047899_652eac830d9ec.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-pour-2024-17-octobre-2023

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous commençons l’examen des 2 860 amendements déposés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Parmi eux, 121 ont été retirés, 25 étaient des doublons, 16 étaient inopérants et 5 relevaient du domaine réglementaire. Pour le moment, 126 autres ont été déclarés irrecevables conformément à l’avis rendu par le président de la commission des finances.

L’an dernier, 712 amendements avaient été examinés au stade de la commission. Nous en examinerons vraisemblablement au moins deux fois plus cette année.

Je souhaite que nous prenions le temps du débat, et je dois d’ores et déjà vous prévenir que nos discussions devraient se poursuivre au-delà de ce qui était prévu jusqu’ici, c’est-à-dire jeudi à vingt heures.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Merci de ces éléments. On peut se demander pourquoi nous assistons à une telle inflation d’amendements. Vous pourriez peut‑être nous rappeler combien d’amendements ont été examinés en séance l’année dernière...

M. Jérôme Guedj (SOC). Le bureau de la commission a prévu sept séances. Envisagez-vous d’ouvrir les séances du jeudi soir, voire du vendredi matin ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Oui. Notre objectif est bien d’examiner tout le texte, quitte à aller plus vite sur certains amendements. Les députés restent évidemment libres de leur parole, mais prenons aussi conscience de la charge de travail qui incombe à Mme la rapporteure générale.

M. Thibault Bazin (LR). Si tant d’amendements ont été déposés en commission, c’est aussi parce que nous savons bien que nous ne pourrons pas débattre en séance publique de sujets qui nous tiennent à cœur.

Je regrette l’absence du Gouvernement, car nous souhaitons lui adresser des questions qui nous sont posées dans nos territoires.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Beaucoup d’amendements ont été déposés dès le stade de la commission : ils pourront ainsi être débattus, ce qui ne sera plus possible par la suite puisqu’on nous annonce des 49.3. Nous sommes prêts à travailler longtemps, mais pourrez-vous demander au Gouvernement si les amendements adoptés en commission seront repris dans le texte sur lequel il engagera sa responsabilité ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Notre Règlement interdit au Gouvernement d’être présent en commission lors de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Mais je vous rappelle que nous avons longuement entendu les ministres la semaine dernière.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. En raison de la réforme de la loi organique, nous avons aussi eu quinze jours de plus pour travailler les amendements.

J’ajoute que plus de la moitié d’entre eux sont issus de propositions que nous avons tous reçues.

Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2023 et 2024

Amendements de suppression AS106 de M. Sébastien Peytavie, AS156 de M. Jérôme Guedj, AS842 de M. Pierre Dharréville et AS1785 de Mme Joëlle Mélin

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet article n’est qu’une photographie qui présente le solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2023 et 2024. Il inscrit ce projet de loi dans la trajectoire des finances publiques imposée par un 49.3 il y a quinze jours de cela, c’est-à-dire dans une trajectoire d’austérité pour les quatre prochaines années.

D’un autre côté, nous voyons dans nos circonscriptions la désertification médicale, la crise de l’hôpital public, la crise de la santé mentale, l’insuffisante préparation des établissements de santé au réchauffement climatique, le vieillissement de la population – mais il n’y a toujours pas de loi sur le grand âge.

Pourtant, vous choisissez de ne pas investir dans notre système de soins et d’accompagnement. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet article est prévu par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dite « loi Mesnier ». Ce dernier indiquait, avec la franchise qui le caractérise, que ce tableau liminaire devait permettre à la sécurité sociale de s’inscrire dans le cadre global de la programmation des finances publiques. C’est là une sérieuse difficulté.

Loin d’éclairer les données financières transmises au Parlement, cet article présente un état des lieux biaisé. Les soldes positifs mis en évidence paraissent un peu risibles : les excédents de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui correspondent à l’amortissement de 18,3 milliards d’euros de dette en 2023, conduisent mécaniquement à un solde positif, alors que la sécurité sociale accuse un déficit de 8,8 milliards la même année. Nous aurions préféré une estimation du coût de la réforme des retraites, passée en force au printemps dernier, et bien plus onéreuse qu’il n’y paraît.

Par ailleurs, l’article liminaire ne dit rien de la soutenabilité des dépenses ; il donne uniquement une information figée pour 2023 et 2024 et laisse à penser que, les dépenses sociales augmentant plus vite que le PIB entre 2023 et 2024, elles ne sont pas soutenables – ce qui n’est pas démontré à long terme.

Bref, cet article est le reflet de votre philosophie des dépenses sociales, qui transparaît dans une fiche publiée sur le site vie-publique.fr : il s’agirait, lit-on, d’un texte destiné à « maîtriser les dépenses sociales et de santé ». Non, c’est un texte qui doit financer la sécurité sociale !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). On constate dans cet article liminaire une stabilité des dépenses entre 2023 et 2024 en points de pourcentage du PIB. Or il est indéniable que les besoins sociaux et les besoins en santé augmentent, sous l’effet du vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques, de la crise de l’hôpital public...

Depuis 2022, le solde est redevenu positif ; il l’est encore en 2023 comme en 2024. Mais c’est un trompe‑l’œil. Ce que nous dit ce tableau, c’est que des économies drastiques seront à nouveau réalisées. L’exposé des motifs l’indique : les excédents de la Cades contribuent largement à ce solde positif. Ce sont autant de ressources qui devraient être affectées à l’assurance maladie. Notre assemblée avait d’ailleurs adopté un amendement en ce sens au PLFSS 2023, mais le Gouvernement ne l’a pas retenu dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. La part des dépenses sociales et de santé serait bien différente de celle annoncée ici. On constaterait aussi plus nettement l’absence de ressources nouvelles pour la sécurité sociale et l’ampleur des économies imposées.

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article liminaire devrait nous permettre de disposer d’une vision financière globale des administrations de sécurité sociale.

Mais le reclassement effectué en 2011 par l’Insee de la Cades et du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) est un artifice trompeur destiné à masquer un système fondé en partie sur le financement par la dette, puisque la Cades prélève un impôt pour rembourser le principal de la dette, donc des dépenses passées.

L’absence de comptabilisation des dépenses engagées pour financer la retraite des fonctionnaires – 48 milliards d’euros – est problématique. Les 26 milliards de subventions qui proviennent de l’État, de la Caisse nationale des allocations familiales, de la Caisse nationale de l’assurance maladie ou de l’Unedic financent les déficits des régimes spéciaux – 7,5 milliards –, les exonérations ciblées de cotisations – 4,7 milliards –, les avantages famille du régime général des salariés privés– 10,4 milliards – et les périodes non cotisées à l’Agirc-Arrco des chômeurs – 3,4 milliards. Même légitimes, ces dépenses publiques qui financent des dépenses publiques de retraites doivent être éliminées des recettes des régimes de retraites prises en compte dans la loi de financement.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Cet article présente une photographie des comptes sociaux, qui va au-delà des seuls régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et englobe la Cades, l’assurance chômage et les régimes complémentaires. On peut certainement débattre de ce périmètre, mais ce qui me paraît important, c’est de disposer d’un point de comparaison d’une année sur l’autre.

C’est la première fois depuis longtemps que le solde est positif – et il l’est même sans la Cades et le FRR.

Les dépenses sociales vont continuer leur progression : elles augmenteront de 30 milliards en 2024. Certes, le pourcentage du PIB est le même, mais celui-ci croît.

Il est vrai, toutefois, que nos dépenses doivent rester soutenables : j’aurai certainement l’occasion de le rappeler lors de l’examen de ce projet de loi.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je ne vois pas comment on peut s’opposer à une information !

Je précise aussi que le soin ne représente que 20 % de notre santé : l’essentiel des déterminants de santé, c’est ce que nous respirons, ce que nous buvons, ce que nous mangeons, ainsi que nos comportements.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS480, AS481, AS478, AS474, AS471 et AS468 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). Avec ces amendements d’appel, j’aimerais évoquer des sujets qui ne sont pas traités dans le projet de loi. Il y a des promesses qui ne sont pas tenues ; je pense aux aidants ou aux familles. Le travail de nos soignants doit être vraiment revalorisé ; on pourrait par exemple payer davantage les consultations réalisées entre dix-huit et vingt heures en semaine, ou le samedi matin.

L’amendement AS480 demande un assouplissement des mesures qui limitent l’accès au conventionnement pour les infirmiers diplômés d’État lorsque ces derniers désirent exercer exclusivement dans un centre de soins non programmés situé dans une zone qualifiée de surdotée. Nous ne sommes pas opposés à la régulation mais ces centres permettent de désengorger les urgences, et s’ils sont souvent en zone surdotée c’est parce qu’ils sont installés au cœur des métropoles, à proximité des urgences.

L’amendement AS481 vise à élargir les compétences des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie au champ des personnes handicapées, en y associant les caisses d’allocations familiales.

L’amendement AS478 tend à permettre le financement par la prestation de compensation du handicap des frais liés à l’exercice du droit au répit. Sur ce sujet, il faut passer des belles paroles aux actes. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le soutien aux aidants est très intéressant ; il pointe des obstacles législatifs. Levons‑les.

L’amendement AS474 vise à ajouter aux cas d’emploi de la dotation de la branche autonomie les actions permettant la mise en place d’un service de suppléance ponctuelle de l’aidant. Là encore, c’est un sujet très concret issu du rapport de l’Igas.

L’amendement AS471 concerne les proches aidants et les personnes atteintes de pathologiques chroniques, et traduit la seizième recommandation du rapport de l’Igas.

L’amendement AS468, toujours dans le même esprit, appelle à reconnaître les plateformes d’accompagnement et de répit comme services médico‑sociaux éligibles directement à l’objectif de dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

J’espère que vous entendrez ces appels, mais surtout que vous les relaierez auprès de la ministre.

Mme la rapporteure générale. Voilà une excellente bande-annonce pour cette semaine ! Ce sont des amendements d’appel, qui sont inopérants.

Avis défavorable, ce qui ne veut pas dire que je suis défavorable à vos propositions sur le fond.

M. Thibault Bazin (LR). J’en déduis que vous allez militer pour que ces propositions soient reprises par le Gouvernement lors du 49.3, et je vous en remercie. Je retire les amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendements AS497, AS498, AS496, AS495, AS494, AS493, AS492 et AS491 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). Cette série d’amendements d’appel porte sur la politique familiale.

La branche famille est largement excédentaire. Or la natalité actuelle est la plus faible depuis l’après-guerre, ce qui devrait nous inquiéter puisque nous tenons à notre système de retraites par répartition, qui repose sur le renouvellement des générations et sur le travail.

Sous la présidence de François Hollande, l’universalité de la politique familiale a été remise en cause et le quotient familial a été abaissé de 834 euros. Ces mesures ont malheureusement été confirmées par la suite. Pire, depuis 2017, le pouvoir d’achat des familles a encore été pénalisé par le rabot sur la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), pour un montant allant jusqu’à près de 546 euros pour un couple dont chaque membre travaille pour un revenu équivalent au Smic. En 2020, la majoration d’indemnités journalières en cas de maladie pour les parents de trois enfants et plus a été rabotée, sous couvert d’égalitarisme ; mais les mères de trois enfants ont un taux d’emploi inférieur à celui des mères d’un ou deux enfants. Ce n’est pas un bon message si nous voulons le renouvellement des générations, qui n’est pas assuré par notre taux de fécondité actuel. En ce qui concerne enfin le logement, la quotité finançable par le prêt à taux zéro a été divisée par deux dans 95 % du territoire.

L’amendement AS497 vise à étendre le crédit d’impôt pour la garde d’enfants hors domicile, qui n’est actuellement ouvert que pour les enfants de moins de 6 ans. De nombreux parents continuent d’avoir besoin d’une solution de garde après cet âge, que ce soit avant l’école, durant la pause méridienne, après l’école, le mercredi ou pendant les vacances scolaires.

L’amendement AS498 incite à s’interroger sur l’opportunité d’expérimenter le versement de l’allocation de rentrée scolaire sous la forme de bons d’achat afin de lutter contre le dévoiement de cette aide. C’est une question de justice et d’efficacité, valeurs auxquelles le groupe LR est très attaché.

L’amendement AS496 pose la question de la fusion des prestations familiales en une prestation unique afin de limiter les démarches administratives, coûteuses en temps et en énergie. Il pourrait également s’agir d’un moyen pour lutter contre le non-recours aux droits.

L’amendement AS495 propose une prime voiture pour les familles nombreuses, sur le modèle du bonus écologique. Les constructeurs sont de moins en moins incités à produire des véhicules pour les familles, et il devient parfois difficile pour celles-ci de se déplacer.

L’amendement AS494 vise à rendre la Paje plus accessible en supprimant la condition de ressources, c’est-à-dire en revenant sur le coup de rabot qui a frappé les classes moyennes.

L’amendement AS493 vise à revenir sur la baisse du quotient familial. Le montant que nous proposons a été mis à jour en fonction de l’inflation.

L’amendement AS492 tend à étendre le principe d’universalité des allocations familiales : elles seraient versées dès le premier enfant. Une mission d’information de notre commission s’est déjà penchée sur ce sujet.

L’amendement AS491 vise également à rétablir l’universalité des allocations familiales.

Si je présente ces amendements ici, c’est parce qu’aucun article ne porte sur la politique familiale : nous ne pourrons plus évoquer ces sujets par la suite, puisque le PLFSS n’offre aucune accroche pour cela. Tout ce que je vous présente est chiffré et documenté. Il faut rétablir une politique familiale ambitieuse.

Mme la rapporteure générale. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Le rapporteur de la branche famille répondra à vos questions.

M. Thibault Bazin (LR). J’attendrai donc l’avis du rapporteur de la branche famille.

Mme la rapporteure générale. Vos amendements sont inopérants car vous les avez déposés à l’article liminaire. Avis défavorable si vous ne les retirez pas.

M. Thibault Bazin (LR). Il n’y a pas si longtemps, dans l’hémicycle, on nous a expliqué que ce serait bientôt le grand soir de la politique familiale ; la semaine dernière, la ministre nous a même parlé du rétablissement de l’universalité des allocations familiales. C’est un choix politique que vous devez assumer : on ne peut pas, d’un côté, faire des annonces et, de l’autre, ne pas agir. Les amendements que j’ai déposés visent à savoir si vous avez entendu l’appel ; je comprends, par votre silence, qu’il n’en est rien.

Mme la rapporteure générale. La ministre, lors de son audition, a été très claire sur la politique familiale. Tous les engagements qui ont été pris, notamment sur le service public de la petite enfance, sont financés dans le présent texte. Les dépenses s’élèveront à 58 milliards d’euros en 2024, contre 56 milliards en 2023.

M. Yannick Neuder (LR). Nous voudrions savoir si l’universalité des allocations familiales sera rétablie ou non. L’audition de la ministre n’a pas permis de clarifier ce point. S’il devait y avoir un 49.3, cette mesure pourrait-elle se voir inscrite dans le texte ?

Mme la rapporteure générale. Je ne répondrai pas à la place de la ministre, que vous pourrez interroger en séance.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article liminaire non modifié.

PREMIÈRE PARTIE : Dispositions relatives aux recettes et À l’Équilibre gÉnÉral de la sÉcurité sociale pour l’exercice 2023

Article 1er
Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépense pour 2023

Amendements de suppression AS107 de M. Sébastien Peytavie, AS158 de M. Jérôme Guedj, AS843 de M. Yannick Monnet et AS1786 de Mme Joëlle Mélin

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Ni l’article liminaire, ni l’article 1er ne prévoient un quelconque investissement pour rendre notre système de soins résilient face aux enjeux environnementaux et pour garantir à tous un accès à des soins de qualité. Le coût de l’inflation – 1,5 milliard d’euros – n’est pas pris en compte, pas plus que celui des mesures de revalorisation du travail de nuit et des gardes – 400 millions d’euros. Un abondement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 1,9 milliard d’euros est nécessaire ; or cela n’est absolument pas envisagé.

M. Jérôme Guedj (SOC). Notre système de sécurité sociale a besoin d’une réforme structurelle, et non d’une gestion comptable. Depuis trente ans, les choix des gouvernements successifs ont mis à mal le financement de la sécurité sociale ; seules les exonérations de cotisations sociales enflent, alors que leur effet est quasi nul. De nombreux défis attendent la sécurité sociale, dont celui du financement de la branche autonomie, qui n’est toujours pas à la hauteur.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Alors que l’Ondam pour 2023 avait été revalorisé dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), l’article 1er procède à un nouvel ajustement. Volontairement sous-évalué, cet outil démontre son inefficience. De plus, il demeure très éloigné des besoins réels, notamment pour la branche maladie, au point que nous en venons à douter de la sincérité de ce budget.

L’existence de l’Ondam est la traduction d’une politique d’austérité. Plutôt que de raisonner à partir de la dépense, nous devrions partir des besoins et, en cas de nécessité, obtenir de nouvelles recettes. Voilà à quoi sert la sécurité sociale. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous ne croyons pas à la sincérité des comptes rectifiés pour 2023. Les problèmes structurels de la branche famille, dénoncés par la Cour des comptes en mai 2023, n’ont pas été corrigés. Les comptes ne reflètent pas la réalité, en particulier l’incapacité de certains organismes à récupérer les indus, qui s’élèvent à 5,8 milliards d’euros en 2022.

De plus, cette rectification des tableaux d’équilibre exclut plus de 70 milliards d’euros de subventions fléchés vers le système des retraites, qu’il faut mécaniquement reporter vers le déficit de l’État. Loin d’une polémique académique, il s’agit de sommes empruntées pour que l’État, par des opérations comptables, puisse afficher des comptes de la sécurité sociale en équilibre. Cela n’a rien d’efficient, raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 1er.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

L’année 2023 a confirmé la très forte réduction du déficit : il a diminué de moitié, passant de 19,7 milliards d’euros en 2022 à 8,8 milliards en 2023. Cette amélioration est pour partie le résultat de la disparition progressive des dépenses liées à la crise du covid, mais elle découle aussi de la forte augmentation des recettes grâce à la politique que nous menons en faveur de l’activité économique. En 2023, les recettes ont augmenté de 5,2 %.

Vous dénoncez une trajectoire d’austérité alors que les dépenses ont augmenté de 3,2 % en raison du financement de nouvelles mesures – allocation de soutien familial, revalorisations salariales dans le secteur public, mise en place du service public de la petite enfance.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ce budget n’est pas en phase avec les besoins : l’hôpital public va mal, tout comme le système de santé en général. Le problème n’est pas seulement celui de l’équilibre des comptes. Les bons choix n’ont pas été faits. Vous dites avoir diminué la dette, mais à quel prix social, à quel prix pour la santé ?

M. Thibault Bazin (LR). Le déficit va diminuer pour partie en raison de la disparition des dépenses liées au covid-19, qui n’a rien de structurel. Il faudra être vigilant sur l’évolution des comptes.

Par ailleurs, le PLFRSS a détérioré la branche vieillesse de 400 millions d’euros. Quant à l’Ondam qui a été voté, on n’a pas retrouvé le volume de dépenses correspondant dans les établissements.

Mme Annie Vidal (RE). L’article 1er procède à des ajustements de prévisions fondés sur les recettes et les dépenses réelles. Les comptes de la sécurité sociale sont soumis à des aléas liés à l’emploi et à la fiscalité ainsi qu’aux besoins de la population. Il ne me semble pas très cohérent de refuser de valider ce qui a été réalisé.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Ce budget est présenté avec un Ondam inférieur aux besoins de financement. Cela fait des mois que nous vous alertons sur la situation critique de l’hôpital et sur la diminution du financement global de la sécurité sociale au regard des besoins supplémentaires liés au vieillissement de la population. Vous faites des économies budgétaires sur la santé et sur la qualité de vie des personnes. L’hôpital est à deux doigts de craquer : où est le budget qui permettrait de rassurer les acteurs de l’hôpital public, des Ehpad, etc. ?

M. Yannick Neuder (LR). Alors que nous avons neutralisé les dépenses liées au covid‑19, 50 % des hôpitaux, 60 % des Ehpad et 40 % des structures privées demeurent en déficit. L’objectif est de ne pas reproduire la même erreur, pour ne pas avoir à choisir entre payer la note d’électricité ou prodiguer des soins. Des initiatives existent, par exemple en Bretagne, où nombre de maires veulent abonder le budget de leur Ehpad pour que les résidents ne soient pas mal soignés.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’article 1er n’est qu’une simple photographie de l’année 2023, retraçant ce qui a été exécuté. Nous pouvons toujours estimer que ce n’était pas suffisant et débattre des besoins futurs, mais il n’est pas rationnel de contester un constat.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Si nous ne voulons pas approuver la photographie, c’est parce qu’elle est floue. Vous ne cessez de rectifier l’Ondam et les chiffres qui nous sont soumis aujourd’hui ne sont sans doute pas les bons.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je souscris à l’argument de la rationalité. Le problème, c’est que le déficit de la sécurité sociale sera plus élevé que prévu et que toutes les tendances montrent que cela continuera de se dégrader. La situation est intenable dans les Ehpad, fortement affectés par l’inflation, notamment salariale, alors que le prix de journée est bloqué – il se décide au niveau départemental.

Mme la rapporteure générale. Nous aurons le débat sur le déficit des établissements à l’article 2, relatif à l’Ondam. L’article 1er porte sur le solde ; je maintiens donc mon avis défavorable.

Lorsqu’un déficit atteint un tel niveau, cela nous oblige non seulement à trouver des moyens supplémentaires mais également à concevoir une réforme. C’est ce que nous faisons dans ce texte, qui contient plusieurs réformes, notamment sur le financement des établissements.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS844 de M. Pierre Dharréville, amendements AS490, AS488, AS489, AS486, AS487 et AS485 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement vise à corriger le tableau d’équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

M. Thibault Bazin (LR). Mes amendements visent à appeler votre attention sur des dépenses et des recettes qui auraient pu être différentes. L’article 1er est en quelque sorte un budget modificatif ; ce n’est pas une photographie figée : il reste prévisionnel, et doit être confronté aux mesures annoncées depuis le printemps. Concernant le service public de la petite enfance, celui-ci n’aura pas d’impact sur 2023 puisque les mesures prévues n’entreront pas en vigueur avant 2024. S’agissant de la branche autonomie, vous avez fait des annonces sur les aidants mais nous n’en trouvons pas la traduction budgétaire. Le Gouvernement prévoit-il de les concrétiser d’ici à la fin de l’année ? C’est dans ce but que je vous propose, à l’amendement AS488, d’étendre aux personnes handicapées les dispositifs prévus pour la perte d’autonomie, ou encore, à l’amendement AS489, de permettre le financement des frais liés à l’exercice du droit au répit par la prestation de compensation du handicap. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour les deux mois à venir, tant du point de vue des recettes que des dépenses ?

Il n’y a pas grand-chose dans votre texte sur la lutte contre la fraude. Il ne s’est rien passé depuis l’annonce, en 2022, du lancement de la carte Vitale biométrique, alors que l’on sait bien qu’il existe de nombreuses fraudes. En luttant contre toutes les fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales, nous pourrions réaliser des économies et ainsi financer les dépenses dont nous avons tant besoin.

Mme la rapporteure générale. Nous débattrons de certains sujets évoqués par M. Bazin dans la suite de l’examen du texte. Demande de retrait.

L’amendement de M. Dharréville vise à diminuer le remboursement de la Cades. L’avis est défavorable car les 18 milliards d’euros sont déjà remboursés : nous ne pouvons pas revenir dessus. Avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Les réformes envisagées, concernant notamment la tarification à l’activité, pourront sans doute améliorer le financement du système. Toutefois, vous ne prévoyez pas de réforme de la tarification de l’activité médico-sociale. Le reste à charge pour les familles ayant une personne en Ehpad est extrêmement important – on parle de plus de 1 000 euros par mois en moyenne. Par ailleurs, la neutralisation de l’inflation à hauteur de 1,5 milliard d’euros n’est pas prise en compte dans le PLFSS 2024, ce qui nous inquiète.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). S’agissant du transfert de la dette covid vers la Cades, je rappelle que notre amendement avait été adopté en séance l’année dernière. Nous sommes opposés à ce transfert, qui a eu un coût pour la sécurité sociale. Si nous décidions qu’il devait en aller autrement, la régularisation nous permettrait de voir l’avenir différemment.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’année dernière, l’amendement de M. Dharréville a été adopté dans l’hémicycle, mais il n’a pas été repris dans le texte pour lequel le 49.3 a été engagé. Il permettait de revenir sur la décision probablement la plus incroyable de ces dernières années : l’affectation à la Cades de la totalité de la dette covid. L’objectif, inédit, était d’amortir sur une durée très ramassée – neuf années – le capital et les intérêts, donc de mobiliser des ressources très importantes qui devraient servir à financer les besoins les plus urgents, dont l’hôpital et l’autonomie, qui ont pâti du sous-financement des années antérieures, lequel a permis la diminution de la dette sociale. Nous demandons que leur soient affectés les 18 milliards d’euros d’amortissement de la dette sociale en 2023.

Ainsi, la question de la dette sociale est cruciale, car elle mobilise les ressources de la Cades, une fraction de contribution sociale généralisée, un bout du Fonds de réserve pour les retraites et la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le choix qui a été fait est de pure orthodoxie budgétaire. Un autre était possible.

Nous soutenons un amendement qui a été voté l’année dernière, mais nous répéterons aussi son message pour les années à venir. Il ne faut pas éluder le débat ni se soumettre à la tyrannie de la gestion de la dette sociale. Ce choix était stupide ; le maintenir est dangereux.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Rappelons qu’à l’origine de la Cades, il y a l’incurie budgétaire, dont certains ici ont été responsables, et qui avait entraîné un lourd déficit du budget de la sécurité sociale. Il a été choisi de préserver la Cades ; vous, vous voulez dépenser son argent, qui était fait pour rembourser la dette. Un peu d’humilité, s’il vous plaît !

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). C’est un peu fort de café de dire cela alors que vous alourdissez la dette de la sécurité sociale ! Ce que vous dites que l’on a fait auparavant, c’est ce que vous faites maintenant !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS506, AS505, AS501, AS503, AS504, AS502, AS500 et AS499 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). L’article 1er est une sorte de budget modificatif. Je regrette qu’il n’y ait pas eu de PLFRSS au vu de l’inflation constatée et des difficultés dans nos établissements concernant les professionnels. Ici, il s’agit du prévisionnel. Il faudrait pouvoir le comparer – ce qui n’est pas aisé avec le document qui nous est transmis – à ce qui était projeté l’année dernière. En octobre 2022, on nous annonçait un déficit de 7,6 milliards d’euros en fin d’année ; en réalité, on en arrive à 9,6 milliards : le déficit s’aggrave. Pour la branche maladie, on devait en être à moins 6,5 milliards ; en fait, ce sera moins 9,5 milliards.

De plus, nos établissements misaient sur le taux d’évolution de l’Ondam pour anticiper les moyens qui leur seraient dévolus, mais ce n’est pas un indicateur fiable dans la mesure où les dispositifs innovants ou les centres de ressources territoriales sont compris dans l’enveloppe.

Pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, il devait y avoir un excédent de 2,2 milliards d’euros ; on est à 1,9. Pour la branche famille, la prévision était un excédent de 1,3 milliard, contre 1 milliard seulement en définitive. Lors de l’examen du texte sur le plein emploi, la ministre nous a annoncé que 6 milliards iraient à cette branche pour financer les modes de garde, mais je ne les retrouve pas dans le prévisionnel.

Bref, vos actes budgétaires ne correspondent pas à vos paroles. Or il existe des besoins d’aide à l’investissement et au fonctionnement, notamment dans nos territoires ruraux, où il n’est pourtant pas toujours évident de respecter les taux demandés par les caisses d’allocations familiales, les taux d’occupation pouvant être beaucoup plus élevés dans les hypercentres où on laisse parfois son enfant pour une ou deux heures seulement.

Mme la rapporteure générale. Cet article n’est pas le budget modificatif. Il modifie les prévisions faites dans les lois initiale et rectificative de financement de la sécurité sociale pour 2023 en tenant compte des nouvelles mesures prises.

En ce qui concerne les 6 milliards d’euros pour la politique familiale annoncés par la ministre, ils s’entendent jusqu’en 2027.

M. Thibault Bazin (LR). J’ai bien dit que nous n’avions pas eu de budget modificatif et que je le regrettais. À la place, on se contente de constater le prévisionnel pour 2023. En ce qui concerne le service public de la petite enfance, heureusement, on n’a pas attendu la ministre dans nos territoires pour créer des multi-accueils ou des crèches, et je rends hommage aux communes et aux communautés de communes qui l’ont fait, ainsi qu’aux assistantes familiales. Mais le prévisionnel qui nous est présenté n’est pas cohérent avec les annonces que nous avons entendues. D’où nos amendements. On ne peut rien y faire, seulement le déplorer.

M. Fabien Di Filippo (LR). Il ne s’agit certes pas d’un budget rectificatif, mais de quelque chose de bien plus important : la base sur laquelle on va s’appuyer pour construire le budget pour 2024 et les évolutions à venir. Or, cette année, le déficit sera plus élevé que ce qui a été anticipé – y compris au printemps. L’année prochaine, le déficit de la sécurité sociale dépassera sans doute 11 milliards d’euros, et l’on parle désormais de 18 milliards à la fin du quinquennat !

Des collègues de la majorité ont beau prétendre se démarquer de pratiques passées qui consistaient à creuser les déficits, en réalité, malgré l’illusion due aux dépenses massives de sécurité sociale l’année du covid, qui ont donné l’impression que le déficit se réduisait un peu, il s’aggrave à nouveau très fortement. Et tous les indicateurs socio-démographiques et du système de santé montrent qu’il va s’aggraver encore à moins de décisions drastiques en matière de dépense sociale.

Thibault Bazin vous propose des pistes de réflexion à long terme pour sincériser le budget, tout en ayant pleinement conscience des sujets les plus importants, dont il faudra tenir compte.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). M. Bazin est un homme pressé, je le sais, mais il ne s’agit que du budget prévisionnel pour 2023. Par ailleurs, nous sommes déjà en octobre : les mesures que nous adopterons – peut-être – dans ce texte ne prendront sans doute effet que l’année prochaine.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je rappelle que nous avons modifié la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 quelques semaines après son adoption et que l’année n’est pas terminée. Les discussions que nous avons au sujet de certaines trajectoires peuvent donc donner des indications pour le bouclage.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Di Filippo, tout l’intérêt du PLFSS est de permettre, pour maintenir l’orientation des comptes de la sécurité sociale vers un équilibre, des baisses par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS291 et AS292 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Si nous n’avons pas pu réaffecter la totalité des ressources correspondant à l’amortissement par la Cades, ces amendements tendent à le faire au moins en partie – à hauteur de 9,2 milliards d’euros pour l’amendement AS291.

Nous vous avions déjà alertés l’année dernière, dans l’hémicycle, sur l’insuffisance de l’Ondam, notamment hospitalier : nous vous disions qu’il fallait dégager des ressources supplémentaires. Un amendement prévoyant 1,5 milliard d’euros en ce sens avait été voté, mais Gabriel Attal s’était alors fâché tout rouge, en nous expliquant qu’il était scandaleux de prendre des crédits sur les soins de ville pour financer l’hôpital, comme nous y étions contraints par les règles budgétaires. Un an après, que faites-vous ? Vous rectifiez les crédits – insuffisamment au regard des contraintes que fait peser l’inflation – et vous êtes un peu obligés, ce faisant, de reconnaître que nos alertes étaient fondées. Si elles avaient été écoutées, on aurait peut-être pu éviter de placer tous les gestionnaires hospitaliers, et ceux des Ehpad, dans des situations de tension jusqu’à l’adoption, en cours d’année, de budgets rectificatifs.

Il est important de dégager des marges de manœuvre en utilisant – je continuerai à le marteler – la gestion de la dette sociale comme levier pour financer la sécurité sociale. Un amortissement sur un temps si bref est une anomalie.

Amortir les déficits de la sécurité sociale, peut-être, cher collègue Isaac-Sibille, mais affecter la totalité de la dette liée au covid à la dette de la sécurité sociale et donc à la Cades était un choix politique, et non budgétaire ou technique.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Nous comprenons bien qu’il s’agit d’une photographie et que celle-ci est plus précise au dixième mois de l’année concernée que l’année précédente. Ce que nous aimerions, ce serait qu’on prenne en considération cette photographie, quel que soit son degré de flou, dans les prévisions pour l’année suivante. Or le 1,5 milliard dû à l’inflation n’est toujours pas pris en compte, et nous allons donc nous retrouver dans la même situation, c’est-à-dire avec un budget insincère qui ne permettra pas de faire face aux dépenses. Par ailleurs, la démarche que nous devons suivre est complètement schizophrène : nous ne souhaitons pas, comme nous devons le faire pour gager nos amendements, prendre des crédits sur les dépenses de ville, par exemple, pour financer l’hôpital.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er non modifié.

  1.   Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 21 heures 15 (article 2 à article 7)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14055692_652edad966bac.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--17-octobre-2023

Article 2
Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs

Amendements de suppression AS108 de M. Sébastien Peytavie, AS159 de M. Jérôme Guedj, AS845 de M. Pierre Dharréville et AS1787 de Mme Joëlle Mélin

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous demandons la suppression de l’article 2, qui rectifie l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) et ses sous‑objectifs, pour l’année 2023.

La rectification proposée n’est pas à la hauteur des besoins de financement qui remontent de l’ensemble des fédérations hospitalières. Selon ces dernières, le coût de l’inflation n’est pas totalement pris en compte, ni l’ensemble des mesures de revalorisation du travail de nuit et des gardes : au total, 1,9 milliard d’euros supplémentaires seraient nécessaires.

Il y a aussi un problème sur la forme : les rectifications successives de l’Ondam posent la question de la sincérité du budget. D’abord fixé à 100,7 milliards d’euros, l’Ondam hospitalier a été porté à 101,3 milliards en avril, pour atteindre finalement 102,5 milliards – soit un écart de 1,8 milliard avec le montant initial. Comment les hôpitaux peuvent-ils prévoir leur trajectoire financière avec un tel micmac budgétaire ? Ils ont besoin de stabilité et d’une trajectoire pluriannuelle pour relever les défis sanitaires de plus en plus pressants.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les révisions successives de l’Ondam posent un problème de lisibilité et de prévisibilité à long terme. Le Gouvernement pourrait au moins reconnaître que nous avions raison de l’alerter, l’année dernière, sur l’insuffisance des crédits de l’Ondam.

En ajoutant 1,2 milliard d’euros à l’Ondam hospitalier, vous êtes encore en dessous de ce qui serait nécessaire. Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), il faudrait une hausse de 3,2 milliards, répartis de la manière suivante : 1,5 milliard au titre de l’inflation, dont 1 milliard pour l’hôpital public compte tenu de l’évolution prévisionnelle des charges médicales, hôtelières et générales des hôpitaux publics de l’ordre de 15 % ; 1 milliard au titre des mesures de soutien du pouvoir d’achat des agents de la fonction publique ; 700 millions au titre de la revalorisation des sujétions pour les agents hospitaliers publics.

L’insuffisance caractérise aussi les sous-objectifs relatifs à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Les Ehpad rencontrent des difficultés criantes et les mesures d’aide exceptionnelles ne sont pas à la hauteur. Après une année 2022 déjà très difficile, 85 % des Ehpad publics sont en déficit : ces établissements seront bientôt à l’os.

Peut-être tiendrez-vous compte de nos remarques lorsque nous aborderons l’Ondam 2024.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). En une année, l’Ondam aura été corrigé trois fois : on est donc en droit de s’interroger sur le bien-fondé de cet objectif et sur ce qui préside à sa définition. L’Ondam, dont on sait pertinemment qu’il sera insuffisant pour faire face à l’inflation et à la hausse tendancielle des besoins et des dépenses de santé, est fatalement et systématiquement surexécuté.

En outre, les corrections apportées ne sont pas à la hauteur des besoins. La FHF a chiffré les besoins de financement supplémentaires à 3 milliards d’euros au moins pour que l’ensemble des établissements de santé puissent boucler leur budget en 2023. Et je signale qu’un certain nombre d’établissements qui ont fait plus d’actes qu’avant la crise du covid sont en déficit : c’est le cas de l’hôpital de Martigues. S’ils ne bénéficient pas de cette rallonge budgétaire, ces établissements vont entamer l’année 2024 avec un déficit aggravé, ce qui va encore les fragiliser.

Dans le détail, un peu plus de 1 milliard d’euros serait nécessaire pour absorber les seuls effets de l’inflation. Un autre milliard manque pour compenser intégralement les mesures de soutien du pouvoir d’achat dans la fonction publique, appliquées à compter du 1er juillet par les établissements publics de santé, et 400 millions seraient nécessaires pour financer jusqu’au 31 décembre les mesures adoptées à l’été 2022 pour rendre attractif le travail de nuit et les gardes. Enfin, 500 millions sont attendus pour les établissements et les services médico-sociaux, afin de compenser les mesures de revalorisation salariale annoncées par le Gouvernement, mais aussi l’impact de l’inflation, qui n’est pas couvert par une hausse suffisante des tarifs hébergement ou dépendance.

Cet article démontre toute l’incohérence de l’Ondam et ses effets pernicieux sur notre système de santé. Pour ces raisons, nous demandons sa suppression.

Mme Joëlle Mélin (RN). Comme nos collègues, nous demandons la suppression de cet article, car la rectification de l’Ondam et de ses sous-objectifs ne nous convient pas, malgré les différents rattrapages auxquels vous avez procédé. Le Gouvernement est totalement déconnecté des besoins de notre système de santé.

Lors de la discussion générale, j’ai évoqué l’état dramatique de la néonatologie, où l’on déplore 1 200 décès de bébés, qui auraient pu être évités. Ce chiffre est très inquiétant et à peine croyable.

Pour le seul Ondam hospitalier, les coûts de l’inflation ne sont pas intégralement financés – la FHF estime qu’une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard d’euros serait nécessaire – et il manque 400 millions pour financer la revalorisation du travail de nuit et des gardes. En conséquence, un abondement de l’Ondam hospitalier de 1,9 milliard s’impose.

Une fois de plus, l’Ondam n’est absolument pas à la hauteur des besoins des Français.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Je ne suis pas certaine que l’on puisse faire un lien direct entre l’Ondam et le nombre de décès de bébés.

L’article 2 augmente l’Ondam pour 2023 de 2,8 milliards d’euros pour tenir compte de la reprise de l’activité de soins en ville, de la hausse de certaines dépenses, comme les indemnités journalières, et des mesures de revalorisations salariales annoncées en cours d’année. L’Ondam, qui atteint ainsi 247,6 milliards, est en hausse de 4,8 %. À titre de comparaison, il a augmenté de 5,1 % entre 2019 et 2022 et de 2,3 % entre 2010 et 2017. La progression de cette année est donc importante.

J’ai, comme vous, entendu les réserves des fédérations hospitalières. Le ministre a dit qu’il s’engageait, à la fin de l’exercice des établissements, à travailler avec eux sur leur éventuel déficit, en leur proposant des moyens de gestion.

Supprimer cet article reviendrait à supprimer cette hausse de 2,8 milliards de l’Ondam.

M. Thibault Bazin (LR). Nous sommes face à un cas de conscience. On ne peut pas nier qu’avec une revalorisation de l’Ondam de près de 3 milliards d’euros, dans le but de financer notamment les revalorisations salariales et les indemnités journalières, la rectification proposée par le Gouvernement va dans le bon sens. Toutefois, cette hausse paraît insuffisante. Faut-il voter cet article parce qu’il va dans le bon sens, ou bien le supprimer parce qu’il est insuffisant ?

L’année dernière, nous avons eu le même débat et il s’est un peu tendu lorsque nous avons dit que nous trouvions l’Ondam insuffisant. Nous avons même voté un amendement, contre l’avis de la rapporteure générale et du Gouvernement. Or, lorsque vous avez fait adopter le texte par 49.3, vous avez finalement revalorisé l’Ondam plus qu’on ne le demandait. Pourquoi ne pas partir sur de bonnes bases ? Puisque nous constatons tous que cette évolution va dans le bon sens mais qu’elle n’est pas suffisante, pourquoi ne pas décider ensemble d’une rectification de l’article 2 ? On voit bien que l’inflation va durer et que les hypothèses qui ont servi de base à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) il y a quelques semaines ne sont peut-être plus les bonnes.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression – il y en avait déjà assez –, mais nous voterons ceux de nos collègues, car si les revalorisations salariales sont une bonne nouvelle, elles sont insuffisantes. Vous nous dites, madame la rapporteure générale, que s’il s’avère que la rectification de l’Ondam est insuffisante, comme les fédérations hospitalières le disent, le ministre fera peut-être quelque chose à la fin de l’exercice ! Toutes les fédérations et toutes les oppositions vous disent que cette réévaluation est insuffisante : pourquoi ne pas les écouter ?

Mme Laurence Cristol (RE). Pour revenir sur les propos de Mme Mélin, certes, on ne peut qu’être préoccupés par le décès de 1 200 bébés en 2021 et il faut tout faire pour que ce chiffre baisse. Cela dit, il est stable depuis 2015 et la littérature scientifique identifie des causes très diverses : le nombre de grands prématurés, l’âge de la femme au moment de l’accouchement, le recours à la procréation médicalement assistée, les grossesses multiples, le tabagisme, l’obésité, etc. Le phénomène est multifactoriel et on ne peut pas laisser dire que ce chiffre s’explique uniquement par des raisons socio-économiques ou un manque de moyens.

Mme Michèle Peyron (RE). Depuis 2013, le taux de mortinatalité est stable : il oscille entre 8,8 et 8,9 décès pour 1 000 naissances. C’est toujours trop, mais vous ne pouvez pas manier les chiffres de cette manière, madame Mélin.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). En matière de santé, comme dans tous les domaines, il faut avant tout partir des besoins. Or la FHF nous alerte sur l’insuffisance des moyens de l’hôpital, à un moment où celui-ci est en crise. Nous allons voter pour ces amendements de suppression, non pas parce que nous sommes contre l’augmentation de l’Ondam, mais parce que cette augmentation n’est pas suffisante pour faire face à la crise de l’hôpital.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Nous sommes tous d’accord pour dire que l’Ondam est un outil de régulation des dépenses de santé insatisfaisant. Les sénateurs ont montré que cet outil, qui a été inventé au milieu des années 1990, ne correspond plus aux besoins de notre système de santé. Sans doute faudra-t-il un jour être ambitieux collectivement et inventer un autre mode de financement de notre système de santé – et pas seulement de l’hôpital. L’Ondam, avec ses enveloppes fermées, cloisonne le financement, alors qu’on est désormais dans une médecine de parcours.

Je prends un peu pour moi les hommages que vous avez rendus à la FHF et je les transmettrai à celui qui m’a succédé. N’oubliez pas que la somme de 1,5 milliard d’euros que demandent les fédérations ne concerne pas que l’hôpital : 500 millions concernent les cliniques privées. Enfin, monsieur Dharréville, l’Ondam a été rectifié cette année comme il l’est chaque année depuis quinze ans.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous vous alertons sur le manque de moyens de l’hôpital, nous vous parlons de la mortalité infantile, et vous nous répondez : « Circulez, y a rien à voir. » Depuis 2005, la mortalité infantile ne recule plus dans notre pays. La France, en la matière, est passée de la troisième à la vingtième place en vingt ans au sein de l’Union européenne. Les professionnels de la néonatologie expliquent eux-mêmes que cette situation est due au manque de moyens et vous ne voyez pas le rapport ! Il faut regarder la vérité en face. Et, pour changer les choses, il faut investir davantage.

Mme Joëlle Mélin (RN). Ce n’est ni mon style ni mon intention de faire une mauvaise polémique sur une question aussi grave. Ma position est absolument apolitique et je vous demande de l’entendre ainsi. Je n’ai fait que reprendre une étude très sérieuse de la Société française de néonatologie, qui indique que 72 % des services de néonatologie manquent de moyens humains ou de lits. Je ne fais que relayer ce que je lis : je n’ai pas d’opinion personnelle sur le sujet et j’aimerais que tout le monde soit aussi neutre que moi face à ces données. Du reste, le groupe Rassemblement National va demander la création d’une mission sur le sujet, afin d’aboutir, je l’espère, à des solutions consensuelles.

Mme Annie Vidal (RE). Supprimer l’article 2 reviendrait à supprimer 247,6 milliards d’euros dans le budget de la sécurité sociale.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je suis corapporteure, avec Philippe Juvin, d’une mission « flash » sur la mortalité infantile. Nous avons déjà auditionné un certain nombre de pédiatres, de chercheurs et d’obstétriciens. Notre travail n’est pas terminé mais, pour l’heure, il n’a pas été question du manque de moyens de l’hôpital ; d’autres facteurs ont été mis en lumière.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je me félicite d’entendre notre collègue Frédéric Valletoux dire que l’Ondam est un outil dépassé. Je souhaite, moi aussi, que nous trouvions d’autres manières d’envisager le financement de notre système de santé. Cela fait longtemps que nous le disons et j’avais fait des propositions en ce sens, comme la création d’un Ondec : objectif national de dépenses d’exonérations de cotisations. Je me réjouis qu’il y ait un début de remise en cause de cette manière de voir et j’espère qu’elle aura des suites.

Mme la rapporteure générale. Il faudrait certainement revoir le mode de financement de l’ensemble du système, et pas seulement de l’Ondam. Mais, quoi qu’il en soit, il faudra continuer de veiller à l’équilibre de nos comptes sociaux, si nous voulons que le système soit pérenne. C’est mon rôle, en tant que rapporteure générale, de le rappeler.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS654 de M. Jérôme Guedj et AS1132 de M. Frédéric Mathieu, amendements AS790 de M. Sébastien Peytavie, AS533 et AS656 de M. Jérôme Guedj, amendements identiques AS910 de Mme Isabelle Valentin et AS1656 de M. Thibault Bazin, amendement AS792 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Puisque nous n’avons pas obtenu la suppression de l’article 2, nous proposons par l’amendement AS654 de le corriger par une augmentation du montant de l’Ondam hospitalier, en vue de financer les surcoûts liés à l’inflation et les revalorisations salariales. Il faut également renforcer les opérateurs de la branche autonomie : près de 85 % des Ehpad publics sont en déficit, ce qui met en péril la qualité de l’accompagnement et de la prise en charge dans ces établissements. Nous proposons donc de relever les moyens du sous-objectif relatif aux établissements et services pour personnes âgées de 200 millions d’euros.

Il importe de revaloriser le montant de l’Ondam pour 2023, car ce sera la base de calcul pour l’Ondam de 2024.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Il s’agit de donner aux établissements de santé les moyens de faire face à l’inflation et d’augmenter convenablement le point d’indice de leurs fonctionnaires. Pour une fois, nous avons un budget qui fait consensus – consensus contre lui. Toutes les fédérations hospitalières, tous les syndicats et les associations disent que les moyens ne sont pas suffisants et considèrent que ce budget acte un plan d’économies majeur. Par l’amendement AS1132, nous proposons tout simplement de donner aux établissements de santé des moyens suffisants pour qu’ils puissent tourner correctement.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Selon les fédérations hospitalières, l’Ondam hospitalier est insuffisant et ne permettra pas de faire face à l’inflation, notamment à la flambée des coûts de l’énergie. Les directeurs d’établissement, dans ces conditions, n’ont aucune visibilité à moyen terme, et tous les hôpitaux sont en difficulté. Tel est l’objet de l’amendement AS790.

M. Jérôme Guedj (SOC). Quel que soit leur statut juridique, tous les acteurs que nous avons rencontrés – la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), la FHF, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires, Unicancer et la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile – pointent les mêmes difficultés : un coût de l’énergie – chauffage et électricité – explosif et des revalorisations insuffisamment financées par l’État en 2023, qui se traduiront par une perte de pouvoir d’achat pour les salariés.

Revient ainsi la question de l’attractivité des métiers. C’est le serpent qui se mord la queue : il est inutile de créer des postes parce qu’on n’arrive pas à recruter, mais si l’on n’arrive pas à recruter, c’est parce que les conditions de travail et de rémunération sont dégradées, entretenues par un Ondam notoirement insuffisant.

Il faut à la fois garantir, à court terme, des conditions de travail acceptables pour le personnel hospitalier et, à moyen et plus long terme, l’attractivité des métiers. C’est pourquoi nous proposons, avec l’amendement AS533, de débloquer des financements supplémentaires : 1,5 milliard d’euros pour les dépenses relatives aux établissements de santé ; 300 millions pour les établissements et services pour personnes âgées ; 170 millions pour les établissements et services pour personnes en situation de handicap.

Par l’amendement de repli AS656, nous proposons d’augmenter l’Ondam hospitalier pour 2023 de 1,5 milliard d’euros. Cet abondement minimum sera la base nécessaire au taux de progression que vous envisagez pour 2024, pour que l’Ondam ne soit pas sous-doté d’emblée.

Mme Isabelle Valentin (LR). La désertification médicale touche tous nos départements et nous avons besoin de chaque établissement, qu’il soit public ou privé. La FHP appelle notre attention sur ce qu’elle considère comme une profonde injustice dans le traitement des professionnels de santé : ceux qui exercent dans le privé sont moins bien rémunérés que leurs collègues du public. Les démissions se multiplient, ce qui fragilise l’accès aux soins pour les patients.

M. Thibault Bazin (LR). La dure réalité des établissements de santé, on l’observe dans nos territoires : les déficits s’aggravent, les fortes inquiétudes se traduisent par l’absence d’investissements, le gel des remplacements et les fermetures de lits. C’est un cercle vicieux qui nuit à l’accès aux soins. L’Ondam, on ne peut le nier, a augmenté en même temps que l’inflation : il est passé par étapes de 238,3 milliards d’euros dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 à 247,6 milliards aujourd’hui. Sans remettre en question cette évolution globale, je m’interroge sur la ventilation des sous-objectifs.

Avec cet amendement d’appel, nous proposons de flécher 229 millions d’euros sur le secteur privé, qui n’a pas bénéficié de la même revalorisation des heures de nuit et de week‑end que le secteur public. Je pense en particulier aux établissements de santé privés d’intérêt collectif, qui remplissent des missions de service public et assurent aussi l’accès aux soins dans certains territoires, ce qui justifie qu’ils soient traités équitablement.

Surtout, l’enjeu est de mieux dépenser : actuellement, on dépense des sommes considérables pour se procurer une énergie de plus en plus chère, au lieu d’investir dans la rénovation des bâtiments pour faire des économies d’énergie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les Ehpad publics connaissent exactement les mêmes difficultés que le milieu hospitalier. Ils sont confrontés à une dégradation inédite de leur équilibre budgétaire en raison d’un effet de ciseaux entre l’évolution de leurs charges, affectées par les mesures de revalorisations salariales et les effets de l’inflation, et celle de leurs recettes, liées aux taux d’évolution des tarifs fixés par les conseils départementaux. Il importe, par l’amendement AS792, d’augmenter leurs moyens.

Mme la rapporteure générale. Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Vous ne cessez de répéter que le montant de l’Ondam est insuffisant. Je l’entends, mais remettons les choses en perspective : de 2008 à 2012, la droite a augmenté l’Ondam de 10 milliards d’euros ; de 2012 à 2017, la gauche l’a augmenté de 20 milliards ; et nous, nous l’avons déjà augmenté de 52,2 milliards en cinq ans. C’est tout de même une somme, même s’il faudrait sans doute réfléchir à des transformations pour dépenser mieux

M. Thibault Bazin (LR). Vous avez émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements mais ils n’avaient pas tous le même objet.

J’aimerais revenir sur un paradoxe : nous n’avons jamais autant dépensé pour l’assurance maladie mais, sur le terrain, la situation financière n’a jamais suscité autant d’inquiétudes, voire d’angoisses. Les déficits qui s’annoncent ont de quoi inquiéter. On a du mal à mesurer l’impact de la tarification à l’activité. Les crédits non reconductibles posent également un problème de lisibilité : tout le monde attend que l’agence régionale de santé (ARS) les distribue avant le 31 décembre et cela ne responsabilise pas les acteurs. Une réforme structurelle s’impose.

 

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Madame la rapporteure générale, les chiffres que vous nous présentez pour recontextualiser les choses sont intéressants, mais il serait encore plus intéressant d’avoir des pourcentages, car 1 milliard d’euros d’aujourd’hui n’a pas grand‑chose à voir avec 1 milliard d’il y a dix ans. Je ne dis pas cela pour défendre ce qui a été fait précédemment, car ce n’était déjà pas bien, et nous le disons depuis très longtemps. Les dépenses de santé ne cessent d’augmenter, c’est vrai, du fait notamment du vieillissement de la population et de l’apparition de nouveaux moyens de faire face à la maladie, mais on reste toujours très en dessous de ce qui serait nécessaire.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les données macroéconomiques occultent la réalité que vivent les établissements. Pierre Dharréville a raison, les politiques menées au cours des dernières années ont contribué à mettre à l’os une partie du service public hospitalier. Mais il y a une donnée nouvelle : c’est le niveau de l’inflation et les conséquences qu’il a mécaniquement sur l’ensemble des établissements.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Depuis le début de ce débat, nous cherchons des critères objectifs pour apprécier le niveau de l’Ondam. Vous nous avez donné des chiffres, madame la rapporteure générale, mais il faut les mettre en rapport avec la réalité du terrain. Or M. Dharréville a très bien expliqué que la crise de l’hôpital est la conséquence des politiques menées depuis des années.

Nous aussi, nous avons des critères objectifs à vous soumettre : les demandes formulées par les fédérations hospitalières et le niveau de l’inflation. Ce qu’il faut, c’est trouver de l’argent pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Il serait intéressant d’avoir un débat sur les exonérations de cotisations sociales : sur ce sujet aussi, votre bilan est bien pire que celui de vos prédécesseurs.

Mme Isabelle Valentin (LR). Nos dépenses de santé augmentent effectivement ; la question est : où va l’argent ? Une réforme utile consisterait à réduire la part de l’administratif et à mettre plus de soignants auprès des populations. C’est ce qui remonte des hôpitaux et des Ehpad.

Mme Annie Vidal (RE). La crise de l’hôpital existe, certes, et elle est exacerbée par l’inflation, mais elle date du plan de réduction drastique de Marisol Touraine, qui appartenait, me semble-t-il, à un gouvernement de gauche.

Mme Joëlle Mélin (RN). La notion de maîtrise médicalisée des soins date de la convention de mai 1980, que l’on doit à Raymond Barre, et qui a été appliquée sous la présidence de François Mitterrand. La maîtrise médicalisée, qui n’est ni plus ni moins qu’une maîtrise comptable, a maintenant quarante ans. Elle nous a plongés dans une sorte de spirale qui nous aspire vers le bas. Ces quelque 250 milliards d’euros, on aimerait savoir comment ils vont être utilisés, et même comment ils vont être gérés, quand on lit par exemple dans les rapports de certification de la Cour des comptes que 5,8 milliards ont été perdus dans la branche famille !

M. Laurent Panifous (LIOT). Nos hôpitaux et établissements médico-sociaux publics connaissent depuis des années une situation déficitaire structurelle. Dans un contexte de mécanisme inflationniste, la hausse des salaires qui a été décidée et les rattrapages de l’inflation opérés sont une bonne chose, mais ils ne suffisent pas. Il semblerait donc juste que le PLFSS tienne compte de ce rattrapage.

Pour bien connaître le public et le privé, je rappelle qu’à salaire net égal, celui du privé représente 20 % de plus. On mesure la difficulté à boucler son budget que peut rencontrer un gestionnaire d’Ehpad public, pour qui 75 % des charges sont des salaires.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). La prévention, on le sait, coûte toujours moins cher que le curatif. Or, en diminuant les budgets et en allégeant les charges depuis des décennies, on a fait toujours plus de curatif, et donc toujours plus cher. Pour revenir à un système qui nous coûtera moins cher, il va d’abord falloir corriger les erreurs et, pour cela, investir massivement. Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à racler l’os, à essayer de faire encore des économies.

Mme Caroline Janvier (RE). Alors que la France est au quatrième rang de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour la part de richesse nationale consacrée aux dépenses de santé, les Français perçoivent une baisse de la qualité de ce service public. Les dépenses ont certes été multipliées par 3,5 depuis 1950, mais n’oublions pas que ces dépenses sont financées par des cotisations et qu’il est irresponsable de ne pas se demander comment on finance cette augmentation. Surtout, la vraie question est celle de la qualité de la dépense publique, et donc de l’organisation de notre système de soins, que nous ne réglerons pas dans un texte budgétaire.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Les 2,8 milliards d’euros qui viennent abonder l’Ondam 2023 pour l’hôpital traduisent aussi le choix qu’a fait le Gouvernement d’accompagner, et donc de sauver, la médecine de ville, qui traverse une crise profonde et dont la dépense a augmenté très rapidement en 2023.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Vous nous disiez tout à l’heure que les économies réalisées sur l’hôpital étaient de la faute de Marisol Touraine, et donc du quinquennat de François Hollande. Or qui était conseiller, puis ministre de l’économie, de François Hollande ? Emmanuel Macron ! Le macronisme n’est donc qu’une accélération de ce qui s’est fait ces dernières années. Vous pouvez nous dire que vous investissez assez et que ce n’est pas de votre faute, mais les chiffres montrent que 60 % des infirmières veulent changer de métier et que deux tiers des soignants sont en burn-out. En outre, 70 % des infirmières pensent que les mesures du Ségur de la santé sont insuffisantes. Vous pouvez, certes, ne rien changer et laisser les infirmières changer de travail.

Mme Monique Iborra (RE). Tous les gouvernements ont tenté des économies à l’hôpital, mais le champion en la matière a été Nicolas Sarkozy, avec la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et l’instauration de l’hôpital entreprise. Il est vrai que les socialistes qui lui ont succédé n’ont pas corrigé le tir. Ce que nous pouvons nous reprocher globalement, c’est de financer sans jamais réaliser les réformes nécessaires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS847 de M. Yannick Monnet, AS375 de M. Thibault Bazin et AS851 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Sur la base de son observatoire des prix, la FHF estime que les effets de l’inflation nécessitent un nouvel abondement de l’Ondam hospitalier, d’environ 1,5 milliard d’euros pour l’ensemble des établissements de santé, dont un peu plus de 1 milliard au titre des seuls établissements publics de santé. Par ailleurs, l’extension des mesures transitoires mises en place à l’été 2022 en matière de travail de nuit et de gardes implique d’abonder à nouveau l’Ondam à hauteur de 400 millions.

Quant au secteur médico-social, il est nécessaire de rectifier le montant de l’Ondam 2023 des établissements et services pour personnes âgées, en relevant l’objectif de 200 millions d’euros afin de permettre la compensation des mesures de revalorisation salariale et des impacts de l’inflation qui ne sont pas couverts par une hausse suffisante de leurs moyens. De la même manière, l’Ondam des établissements et services médico-sociaux pour personnes en situation de handicap nécessite une hausse de 100 millions.

En raison de l’article 40 de la Constitution, une réduction de l’objectif de dépenses des « autres prises en charge » a dû être opérée par les signataires de cet amendement : nous n’avons pas d’autre moyen d’attirer l’attention sur ce problème, mais nous ne préconisons nullement une telle réduction.

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement vise à adapter les financements prévus à la réalité des dépenses des établissements. Ce n’est pas, en effet, parce que les objectifs nationaux de dépenses sont maîtrisés que les dépenses elles-mêmes le seront. Si les dépenses de personnel dues aux revalorisations et les dépenses d’énergie et d’approvisionnement augmentent plus que l’Ondam, cela se traduira par un déficit et un creusement de la dette.

Dans la réalité, il manquera 1,5 milliard d’euros pour les établissements de santé, 300 millions pour la contribution destinée aux établissements et services pour personnes âgées et 170 millions pour les établissements et services pour personnes en situation de handicap. Prenons garde à la fiction selon laquelle l’Ondam maîtriserait la dépense, alors que les hausses de dépenses sont beaucoup plus importantes. Le réveil risque d’être difficile, car on croit toujours que les établissements publics sont immortels, mais quand la trésorerie ne suit plus, ces établissements sont de plus en plus nombreux à demander à l’ARS des lignes de trésorerie exceptionnelles, de plusieurs millions d’euros, hors comptabilité, pour pouvoir finir l’année.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement, qui est un amendement de repli, vise à n’abonder l’Ondam hospitalier 2023 que pour compenser les coûts de l’inflation. En effet, si l’Ondam hospitalier a bien été abondé de 740 millions d’euros en 2022 et de 800 millions en 2023 au titre de l’inflation, force est de constater que l’impact pour les établissements de santé est en réalité beaucoup plus important, du fait notamment de l’augmentation des coûts de l’énergie, comme le montrent plusieurs études.

L’article 40 de la Constitution nous a contraints, là aussi, à recourir à un jeu de vases communicants. Aussi insatisfaisant cela soit-il, c’est une manière d’essayer d’obtenir des réponses de votre part, madame la rapporteure générale, et de celle du ministre, pour savoir comment mieux soutenir les établissements confrontés à ces difficultés.

Mme la rapporteure générale. J’entends, moi aussi, les acteurs concernés et je suis alertée quant aux déficits des établissements. Nous avons fait le tour du débat sur l’Ondam. Je propose le retrait des amendements pour aborder cette question en séance la semaine prochaine.

M. Thibault Bazin (LR). Peut-être pourrait-on inverser les choses. Comme l’a dit monsieur Guedj, les organisations sont plutôt unanimes pour dire que la rectification engagée n’est pas suffisante, certains établissements ne disposant pas de l’autofinancement nécessaire pour engager les investissements attendus au titre du Ségur de l’investissement. Une structure pour l’autisme m’a ainsi fait part de ses difficultés, tandis qu’un établissement de santé a dû, lui aussi, reporter cet investissement, voire l’annuler.

Peut-être pourrez-vous, madame la rapporteure générale, porter cet amendement auprès du Gouvernement la semaine prochaine, lors de l’examen du texte en séance publique.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Madame la rapporteure, nous n’arrivons pas au terme de ce débat sur l’Ondam. Il me semble même que nous le commençons tout juste, car un accord unanime se dégage pour dire que les montants prévus ne sont pas suffisants, ce que vous admettez vous-même en rapportant – ce dont je vous remercie – les propos des différents acteurs.

Si certains acteurs nous disent que ce n’est pas suffisant et qu’ils ont envie de faire mieux, il va falloir trouver de l’argent. Ne pourrions-nous pas ouvrir le débat sur les 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales qui nous ont mis dans cette situation ? Nous convenons tous qu’il faudrait faire plus. On peut refuser le déficit mais, alors, il faut trouver l’argent pour respecter les besoins du terrain.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je maintiens mon amendement qui, s’il était adopté, serait un signal fort et obligerait M. le ministre à prendre d’autres décisions que celles qu’il nous propose dans ce texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS408 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Compte tenu des exigences de recevabilité, il s’agit d’un amendement d’appel. Dans son rapport de juillet 2023 sur les soins palliatifs, la Cour des comptes, que notre commission a auditionnée, indique que « [l]es soins de support proposés en hôpital de jour sont pris en charge par l’assurance maladie, ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils sont prodigués en ville. Or, la majorité des professionnels rencontrés a souligné l’intérêt des soins de support pour les patients relevant d’un parcours palliatif, sans qu’apparaisse de justification claire à cette différence de traitement selon que le patient bénéficie d’un hôpital de jour ou reste à domicile. » La Cour a donc proposé que, « sur le modèle du forfait d’intervention précoce mis en place pour les enfants souffrant de troubles du spectre de l’autisme, un forfait “soins de confort” pour les patients relevant d’un parcours de soins palliatifs [puisse] être expérimenté ».

Or je n’ai rien vu dans le PLFSS sur les soins palliatifs, que vous déclarez, la main sur le cœur, vouloir développer. Nous avons un problème avec le modèle de financement de ces soins, notamment pour les soins de ville. C’est un vrai choix de société et une évolution rapide s’impose, tant en établissement qu’en ville. Il faut que les actes suivent les paroles et cet amendement d’appel vise précisément à permettre cette évolution. Je suis prêt à travailler avec vous, madame la rapporteure générale, d’ici à l’examen du texte en séance publique, pour muscler notre jeu face au Gouvernement.

Mme la rapporteure générale. Comme vous, monsieur Bazin, je suis consciente de l’intérêt des soins palliatifs. Les ministres se sont exprimés à ce sujet et le PLFSS prévoit, en chiffres, la poursuite des engagements de l’ancien plan « soins palliatifs ». Un plan sera annoncé pour 2024 ; je vous engage à attendre les annonces qui seront faites prochainement à ce propos.

M. Thibault Bazin (LR). Il y a un problème de méthode. Des annonces sont faites durant l’année mais ne sont pas prévues dans le PLFSS. Nous pouvons certes adopter des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) mais, depuis le printemps, après la crise des retraites, nous avons entendu chaque jour une annonce chiffrée qu’on n’a retrouvée ni dans le projet de loi de finances ni dans le PLFSS.

Il faut anticiper. Les ministres ont jusqu’au 24 décembre pour dire combien coûtera ce déploiement supplémentaire, afin que nous puissions l’intégrer dans le texte. Au demeurant, puisse que cet amendement est un amendement d’appel et que le sérieux s’impose lorsqu’il s’agit des finances de notre pays, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Article 3
Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie et de la branche autonomie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé et de la contribution de la branche autonomie aux agences régionales de santé

Amendement de suppression AS160 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à assurer un financement suffisant au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, qui est le levier de la modernisation du système, et notamment des mesures annoncées lors du Ségur de la santé.

Par ailleurs, le fonds d’urgence destiné aux Ehpad annoncé par Aurore Bergé et présenté par l’exposé des motifs comme non pérenne, est, avec 100 millions d’euros, insuffisamment doté par rapport à des besoins que tous les acteurs du secteur évaluent au minimum à 230 millions.

Madame la présidente, je saisis l’occasion de vous signaler, à propos de la modernisation des établissements, que le 19 juillet, M. Cyrille Isaac-Sibille et moi-même avons écrit, en qualité de coprésidents de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), à M. François Braun, alors ministre de la santé, et à M. Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics, pour indiquer que nous ne disposions d’aucune visibilité sur les 19 milliards d’euros annoncés lors du Ségur de la santé, qu’il s’agisse des 13 milliards de reprise de dettes des établissements de santé ou des 6 milliards d’investissements du quotidien, dont nous ignorons ce qu’ils signifient à long terme pour les établissements hospitaliers et les Ehpad.

N’ayant pas reçu de réponse à cette demande, ni même d’accusé de réception, je vous saisis de cette question pour que nous puissions disposer de ces éléments d’information dont nous aurons besoin dans les prochaines années.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable à la suppression de cet article, qui flèche les 100 millions d’euros de financements d’urgence pour la branche autonomie. Quant aux investissements liés au Ségur, les 102 millions prévus ne sont que décalés jusqu’à leur mise en œuvre, et non pas supprimés.

M. Stéphane Viry (LR). Madame la rapporteure générale, vous comprendrez notre frustration face aux effets de l’article 40 de la Constitution. La création d’un fonds exceptionnel de soutien à la modernisation de l’hôpital, dans le respect du Ségur, suppose d’y affecter l’argent nécessaire. Or, alors que le montant qui serait nécessaire pour sauver un système qui fait eau de toute part et qui fait honte à la France est estimé par tous les experts à 230 millions d’euros, vous fixez un montant de 100 millions et nous ne pouvons pas l’amender.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 non modifié.

Article 4
Rectification du montant M de la clause de sauvegarde pour 2023

Amendements de suppression AS109 de M. Sébastien Peytavie, AS852 de M. Pierre Dharréville et AS2227 de M. Damien Maudet

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Mon amendemen tend à supprimer le cadeau fait aux industries pharmaceutiques. Selon l’Observatoire des multinationales, pendant la crise sanitaire, 100 % des entreprises du CAC40 ont bénéficié des aides publiques de l’État et ont versé de manière agrégée 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit l’équivalent de 140 % de leurs profits en 2020, et 80 % de ces entreprises ont eu recours au chômage partiel.

Sanofi, le géant pharmaceutique, dont le chiffre d’affaires était de 33,77 milliards d’euros en 2014, dont 7 % réalisés en France, bénéficie depuis 2008 de 125 à 130 millions d’euros par an d’abattements fiscaux au titre du crédit d’impôt recherche mais, dans le même temps, n’a cessé de diminuer son potentiel de recherche et développement. D’après les syndicats, Sanofi a supprimé 2 000 emplois dans ce secteur ces dernières années.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Depuis plusieurs années, le montant M est revu à la hausse, laissant plus de marge aux entreprises pharmaceutiques. Les justifications pour augmenter le seuil de déclenchement de cette contribution M sont l’inflation et le prix plus élevés des produits innovants. Le montant M, qui était fixé à 23,99 milliards en 2021, est relevé à 24,9 milliards par l’article 4, au lieu de 24,6 initialement prévus dans le PLFRSS. Cette disposition a des effets financiers sur la branche maladie : pour 2023, elle représente une baisse de recettes de 120 millions. Selon l’étude d’impact, il s’agit là d’un New Deal entre les pouvoirs publics et les entreprises du médicament, qui s’engageraient à consentir en 2024 des efforts plus importants de baisse de prix et de régulation des volumes de ventes sur les marchés français.

Accroître la motivation financière des industriels et favoriser leurs marges ne nous semble pas relever d’un New Deal, et il ne s’agit pas là d’une mesure qui transforme en profondeur le marché du médicament. Au contraire, elle le perpétue. Or les effets pernicieux de ce marché tel qu’il fonctionne aujourd’hui ont des conséquences que les patients vivent plus durement chaque année, comme la pénurie récurrente de médicaments matures, qui devrait nous conduire, non pas à considérer que ce sont les patients qui abusent et, subséquemment, à augmenter les franchises ou à vendre les médicaments à l’unité, mais à nous interroger sur les modalités de production. C’est ce qu’a fait la sénatrice Laurence Cohen dans un rapport rendu voilà quelques semaines et qui, je l’espère, inspirera certaines décisions.

Il y a trente ans, nous produisions en Europe 80 % des principes actifs des médicaments. Aujourd’hui, 60 % à 80 % de ces principes actifs sont importés. En France, on dénombre 270 sites de production pharmaceutique, dont la grande majorité sont des PME. Ne serait-il pas envisageable de créer un pôle public du médicament, garant de la transparence et de prix justes, qui déciderait d’investir massivement pour tenter de répondre aux besoins ?

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Au titre de la clause de sauvegarde, on paie chaque année de plus en plus cher pour les médicaments, augmentation corrélée avec celle des dividendes de l’industrie. Sans doute y a-t-il un lien de cause à effet entre le fait que nous payions plus et que les industries distribuent davantage de dividendes à leurs actionnaires. On est ainsi passé de 25 à 30 milliards d’euros en trois ans.

Cette clause fixe un seuil au-delà duquel on demande à l’industrie, quand elle a été trop gourmande, de rembourser une partie de ce qu’elle a perçu. En relevant ce seuil, vous faites cadeau de 300 millions d’euros à l’industrie pharmaceutique. Celle-ci compte certes des TPE et des PME, mais nous nous interrogeons sur l’opportunité de ce mécanisme pour les gros de ce secteur. En effet, alors que la période du covid-19 aurait dû être une opportunité historique, sur fond de débat sur les brevets et les biens publics mondiaux, de réguler le secteur et de stopper les délocalisations, on a enregistré quarante milliardaires de plus dans le secteur et des dividendes records, et nous sommes pris aujourd’hui dans une sorte de chantage à la production – certes défini en quelque sorte d’un commun accord –, les producteurs nous menaçant de ne pas produire comme nous le voulons si nous ne relevons pas les seuils.

Cette proposition vient de la task force mandatée par Élisabeth Borne et qui regroupait six personnes dont M. Collet, ancien de président du lobby Les Entreprises du médicament (Leem), une personne venue de Dassault Systèmes, une autre de IQVIA, qui écrit des analyses pour l’industrie du médicament, et une autre enfin du Boston Consulting Group. J’ai le sentiment que cette task force était en service commandé : des gens qui ont organisé depuis des années la délocalisation nous proposent aujourd’hui des solutions miracles consistant à leur donner plus d’argent. Nous devons avoir avec l’industrie pharmaceutique une autre relation, qui ne consiste pas à donner, à saupoudrer sans être sûrs que cela produira des résultats concrets.

Mme la rapporteure générale. Replaçons cet article 4 dans le contexte. L’année dernière, nous avions demandé un rapport du Gouvernement pour pouvoir travailler sur ce système qui, nous en convenions tous, était à bout. La clause de sauvegarde, destinée à ne se déclencher que dans certains cas, en était arrivée à se déclencher systématiquement et réduisait la possibilité de mener des négociations dans le cadre du Comité économique des produits de santé (Ceps), notamment en vue de baisses de prix. Il a donc été proposé pour 2023 une baisse de 300 millions d’euros du montant M, ce qui se traduit par une baisse de 120 millions des recettes de l’assurance maladie, en contrepartie d’une baisse de prix avec, en 2024, une économie de 850 millions et, en volume de ventes, une économie estimée à 300 millions.

La contribution de l’industrie était de 159 millions d’euros en 2019, de 779 millions en 2021 et de 1,6 milliard en 2022, augmentation liée notamment à celle du volume et des prix élevés des médicaments innovants. Nous devons, comme le prévoient des articles que nous examinerons ultérieurement, favoriser la négociation entre le Ceps et l’industrie pharmaceutique pour obtenir notamment davantage de baisses de prix et une diminution du volume, ce qui permettra d’améliorer les comptes de l’assurance maladie.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). On voit bien là le résultat de négociations que nous appelions de nos vœux l’an dernier par le biais de divers amendements. La contribution des entreprises du secteur du médicament demeure et nous avons seulement modifié légèrement le montant M. Nous soutiendrons donc cette évolution qui va dans le bon sens, car elle est le fruit des négociations menées pour retrouver de la souveraineté sanitaire. On peut se demander si ce sera suffisant, car on voit bien que d’autres évolutions sont nécessaires dans cet environnement concurrentiel. C’est notamment le cas pour les principes actifs, dont la plupart sont fabriqués à l’extérieur. Il ne suffit pas d’un claquement de doigts pour tout restructurer et nous ne sommes pas si proches des objectifs.

En matière d’investissement pour la recherche, nous espérons une amélioration de l’accès en France. Derrière les entreprises du médicament, il y a des talents, des salariés, et pas seulement des capitaux et des actionnaires. Ce sont des entreprises qui créent de la valeur en France et qui méritent tout notre soutien. C’est du gagnant-gagnant pour la France et les patients français.

M. Jérôme Guedj (SOC). La politique du médicament et le financement de celui‑ci accusent des problèmes de cohérence. Parallèlement aux dispositions qui s’appliquent au montant M, le ministre de la santé a annoncé, fin août-début septembre, l’autorisation d’augmenter de 10 % le prix de certains médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, notamment des antibiotiques comme l’amoxicilline, pour éviter les situations de pénurie. D’un côté, on autorise cette augmentation – dont je n’ai d’ailleurs trouvé aucune trace dans l’Ondam – et, de l’autre, on prend une mesure qui a sans doute pour objet de compenser celles qui, à l’article 36, prévoient une obligation de moyens pour trouver un repreneur pour les laboratoires commercialisant des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. La politique du médicament fait donc un mouvement de yo-yo et donne le sentiment que ce sont plutôt les acteurs que l’autorité régulatrice qui donnent le tempo. Entre l’industrie pharmaceutique qui nous demande de l’autoriser, en raison de la pénurie, à augmenter de 10 % le prix du médicament et les mesures que vous préconisez, nous avons un vrai souci de pilotage.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). L’argument selon lequel les médicaments coûtent plus cher et qu’il faudrait donc que nous en augmentions le prix, puis, pour être compétitifs, payer toujours plus, est-il fondé ? Payer plus cher les médicaments, est-ce l’assurance de pouvoir en disposer ? Pas tout à fait. La Suisse, par exemple, où l’on paie les médicaments 40 % plus cher qu’en France, connaît quand même une pénurie. C’est une question de stratégie commerciale. Un rapport de la Cour des comptes indique ainsi que « les entreprises pharmaceutiques ont aussi fait évoluer leur stratégie en matière de prix. Dans la négociation, leurs objectifs se sont déplacés de la mise en avant d’un retour sur leurs dépenses investies en recherche et développement vers des demandes de prix établies en fonction de la capacité à payer des acheteurs publics. » Plus nous ferons monter le tarif, donc, plus ils nous en demanderont.

Si vous voulez équilibrer les négociations, peut-être pourrait-on commencer par savoir, pour chaque médicament, combien nous avons déjà investi de recherche publique, combien nous avons déjà payé, pour éviter de payer après coup au prix fort.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS1796 de Mme Joëlle Mélin et AS2507 de Mme Caroline Fiat (discussion commune)

Mme Joëlle Mélin (RN). La clause de sauvegarde est prise sur le chiffre d’affaires et correspond donc à une fiscalité cachée. Si l’on doit faire payer sur les profits, voire sur les superprofits, les industries pharmaceutiques françaises – qui, du reste, sont rarement françaises seulement –, cela peut se faire autrement que par ce système un peu compliqué. Si quelques produits innovants, peu nombreux, font augmenter le chiffre global, tout le reste se maintient à des prix anormalement bas. Ainsi, si vous voulez de l’amoxicilline, n’allez pas à Menton, mais à Vintimille !

Le décalage entre les besoins de santé et les montants M et Z est destructeur – je pense en particulier aux génériques et aux biosimilaires, qui ont déjà payé leur part à l’économie globale. Dans le cadre de la mission Borne, le PLFSS prévoit de corriger rétroactivement le montant M pour 2023, tout en utilisant des chiffres de 2021 très inférieurs à la réalité en raison de la crise sanitaire. Nous souhaitons donc porter le montant M à un niveau plus réaliste en raison des besoins de santé de la population, et corriger aussi le montant Z.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Nous voulons, avec l’amendement AS2507, changer le dogme et cesser de faire des cadeaux à l’industrie pharmaceutique. Grâce au rapport de la commission d’enquête sénatoriale, nous savons que la négociation entre l’État et les grands laboratoires est déséquilibrée. Le chantage consistant à menacer d’interrompre la commercialisation et le déremboursement ne permettent pas de lutter contre les pénuries de médicaments, qui nous guettent. Il est donc urgent de lutter pour la transparence des prix et la création d’une production publique.

Les laboratoires rackettent la sécurité sociale et le Gouvernement ne fait strictement rien pour l’empêcher. Pis encore, sous couvert de la clause de sauvegarde, il réduit les montants restitués. Nous souhaitons donc instaurer un système inverse, en indexant sur l’inflation le montant à partir duquel la clause de sauvegarde se déclenche, afin d’accroître les ressources de l’assurance maladie.

Mme la rapporteure générale. Ces deux amendements qui veulent, d’un côté, faciliter les choses à l’industrie pharmaceutique et, de l’autre, lui taper un peu plus dessus, me laissent penser que notre texte est plutôt équilibré.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis heurté par certains propos excessifs. N’oublions pas que, derrière ces entreprises, il y a des salariés qui subissent l’inflation. Il y a assez de fractures dans notre pays. Il est évident que nous aimerions produire davantage en France et qu’il y a des choses à améliorer, mais l’adoption de l’amendement de La France insoumise mettrait dans une situation très difficile des entreprises qui produisent en France, qui ont des salariés et qui subissent les effets de l’inflation et de l’augmentation du coût de l’énergie et des approvisionnements. Alors que nous visons une souveraineté sanitaire, nous devons être exigeants sans pour autant méconnaître ceux qui travaillent dans ces entreprises.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Madame le rapporteure générale, votre réponse ne peut me satisfaire. Si vous voulez une meilleure solution, je rappelle qu’une proposition de loi relative au pôle public du médicament a été déposée durant la précédente législature. Vous m’aviez alors accusée, lorsque j’évoquais une pénurie de médicaments, de vouloir apeurer les Français. Or cette pénurie est arrivée. Peut-être auriez-vous dû voter différemment sur cette proposition de loi, ou du moins l’amender, au lieu d’en supprimer les articles les uns après les autres, sans discussion.

Monsieur Bazin, ne vous inquiétez pas, nous rencontrons les salariés, notamment dans les manifestations et, souvent, nous rédigeons nos amendements avec eux, car ils nous racontent ce qui se passe et ce qu’il faut faire pour sauver leur industrie, qui leur tient à cœur.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur Bazin, même si certaines PME ne sont pas dans la même situation que Sanofi ou d’autres grandes entreprises, j’aimerais que les richesses produites par ces dernières soient partagées avec les salariés. Or le médicament est aussi l’un des biais de la marchandisation de la santé. Il faut donc regarder de très près comment le budget de la sécurité sociale finance la fabrique du médicament. C’est la raison pour laquelle nous sommes plusieurs à nous interroger sur ce qui s’y passe, et cela d’autant plus que nombre de salariés, chercheurs ou ouvriers, ont été licenciés et qu’on voit fermer des sites de production et de recherche dans notre pays. C’est le cas à Sisteron, où deux bâtiments qui sont en mesure de produire fermeront prochainement. Dans le contexte de pénurie que nous connaissons, cela pose question.

M. Yannick Neuder (LR). La clause de sauvegarde peut susciter bien des discussions, mais il serait intéressant, dans une perspective de souveraineté sanitaire, de distinguer entre les médicaments produits à 100 % en France ou en Europe et ceux dont les principes actifs sont importés d’Asie ou d’ailleurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 4 non modifié.

 

La réunion est suspendue de vingt-deux heures quarante-cinq à vingt-deux heures cinquante-cinq.

Après l’article 4

Amendements identiques AS221 de M. Jérôme Guedj, AS976 de M. Stéphane Viry et AS1523 de M. Pierre Dharréville

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous sommes conscients que la marge d’évolution du texte est assez ténue. Nous examinons en effet le soixante-cinquième amendement et aucun de ceux qui précèdent n’a été voté. Or ces amendements identiques déposés par un communiste, un socialiste et un héritier du gaullisme se réclament d’un principe qui pourrait nous rassembler et interpeller le Gouvernement à propos des exonérations de cotisations sociales – question qui, heureusement, s’invite plus largement que par le passé dans le débat public. De fait, ces exonérations, déjà très importantes, ont doublé dans les dix dernières années pour les allégements généraux, passant de 37 à 77 milliards entre 2013 et 2023.

Cet amendement, qui pourrait être considéré comme un amendement de repli, tend à ce que toute nouvelle mesure de réduction ou d’exonération de cotisations soit compensée par la suppression, dans la même proportion, d’une mesure existante de réduction ou d’exonération de cotisations sociales. C’est un premier pas vers une révision générale, dont nous aurons l’occasion de reparler à la faveur de certains amendements visant des exonérations inutiles. Il s’agit ici de dire : « Ça suffit ! »

L’exposé des motifs de l’amendement de M. Viry renvoie à l’obligation de compensation des exonérations de cotisations sociales qui se sont éteintes. Trahissant, en effet, la « loi Veil » de 1994, vous avez décidé en 2019 de ne pas compenser la désocialisation des heures supplémentaires, privant ainsi la sécurité sociale de 2,5 milliards d’euros, soit près d’un tiers du déficit que nous connaissons cette année.

Nous voulons donc interpeller le Gouvernement. Si cet amendement, une fois adopté, est repris après l’adoption du texte au moyen du 49.3, nous aurons fait œuvre utile.

M. Stéphane Viry (LR). Cet amendement est destiné à défendre la protection sociale telle qu’elle existe depuis toujours en France. Le principe en est que ce sont les cotisations sur le travail qui financent la solidarité et les revenus de remplacement.

Je souscris aux exonérations de cotisations visant à soutenir la compétitivité économique, mais pas au préjudice de la protection sociale qui assure la cohésion nationale. C’est la raison pour laquelle mon amendement tend à instaurer la règle – déjà rappelée par la loi à plusieurs reprises – selon laquelle toute nouvelle décision d’exonération de cotisations doit être automatiquement compensée intégralement.

La Mecss se penche sur l’efficacité des exonérations de cotisations sociales et il faudra bien trancher ce débat. Mais de grâce, si une seule chose devait être retenue de ce PLFSS, ce devrait être que désormais l’État n’équilibre plus son budget sur le dos de la protection sociale. Nous devons adresser ce message ensemble.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous sommes au cœur du financement de la protection sociale et de la sécurité sociale. On voit bien que les exonérations de cotisations, notamment lorsqu’elles ne sont pas compensées, pèsent sur les recettes de la sécurité sociale, ce qui empêche de répondre aux besoins de la population.

Le coût de l’ensemble des mesures d’exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale, qu’elles soient compensées ou non, a atteint 67,5 milliards d’euros en 2022. Il est estimé à 73,2 milliards en 2023 et devrait s’élever à 76 milliards en 2024. Le montant des exonérations ciblées non compensées augmente depuis 2021. Il s’est élevé à 2,3 milliards en 2021, en hausse de 19 % par rapport à 2020, et à 2,5 milliards en 2022, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2021 ; il devrait atteindre 2,65 milliards en 2023, soit une hausse de 4 % par rapport à 2022, et 2,8 milliards en 2024 – plus 5 % par rapport à 2023.

Ces exonérations massives et toujours plus importantes sont autant de cotisations qui manquent à la sécurité sociale. L’amendement AS1523 propose d’enrayer cette spirale inflationniste.

Mme la rapporteure générale. Je remercie M. Guedj d’anticiper sur la discussion des amendements après l’article 10, que nous examinerons probablement demain.

Je considère que vous avez présenté trois amendements d’appel. Je partage votre souhait de mieux maîtriser le développement des exonérations de cotisations sociales, ce qui implique de mieux en connaître les effets de ces dernières. Je rappelle que le nouveau cadre organique relatif aux LFSS prévoit que chaque niche sociale doit faire l’objet d’une évaluation tous les trois ans.

La Première ministre a indiqué hier, en conclusion de la conférence sociale, qu’une mission sera très prochainement confiée à des experts pour analyser les interactions entre exonérations, salaires et prime d’activité. Cela complétera le travail réalisé par Marc Ferracci et Jérôme Guedj dans leur rapport d’information sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ce n’est pas un amendement d’appel. Le principe que nous proposons pourrait rassembler largement dans l’hémicycle. Le montant des exonérations de cotisations a atteint le montant considérable de 80 milliards d’euros. Ça suffit ! On met en danger l’équilibre du système, mais aussi sa philosophie. Comme l’a dit Stéphane Viry, la sécurité sociale est financée par les cotisations. On assiste à une entreprise de déligitimation et il faut y mettre un coup d’arrêt. Cessons de financer par l’impôt ce qui doit relever des cotisations.

Cet amendement permettra de mettre un terme à une sorte de foire sans fin aux exonérations.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il ne faut pas retomber dans l’ornière d’une vision comptable trop stricte. Les exonérations de cotisations sont par essence destinées à être productives. Il peut y avoir de bonnes niches comme il y a de bonnes dettes. Ce qui compte n’est pas tant de savoir si le manque à gagner est compensé à l’euro près – même s’il s’agirait d’une bonne manière –, mais bien si le dispositif a porté ses fruits.

Le rapport d’information de M. Ferracci et M. Guedj a heureusement permis d’avoir une idée des effets des exonérations, mais les rapporteurs sont arrivés à des conclusions opposées.

Il ne faut pas adopter une vision trop rigide de la compensation des pertes de recettes. Il faut surtout évaluer l’effet des exonérations, comme cela commence heureusement à être fait.

M. Stéphane Viry (LR). Soit notre collègue du Rassemblement National ne comprend pas le système des exonérations, soit elle admet que l’on démantèle la protection sociale en ne la finançant pas faute de compensation de ces mêmes exonérations. Une clarification politique s’impose manifestement.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous soutiendrons cet amendement de bon sens. Si l’on veut continuer à procéder à des exonérations de cotisations, il faut les compenser.

J’ai beaucoup de mal à comprendre la position du Rassemblement National, qui se présente comme le défenseur de la protection sociale et des hôpitaux, mais qui accepte que l’on puisse vider les caisses de la sécurité sociale. Il est très intéressant de voir comme, des Républicains, des Communistes, des Écologistes, des socialistes et des Insoumis, nous sommes nombreux à être d’accord avec ces amendements, et comme il existe une forme d’arc des partisans de la poursuite des cadeaux non compensés et de la baisse de la protection sociale, qui va du Rassemblement National à Renaissance.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous allons avoir un débat sur les exonérations de cotisations sociales et leur efficacité. Peut-être n’avons-nous pas été suffisamment clairs lors de la présentation de notre rapport d’information : il existe un consensus relatif sur l’inefficacité de certaines d’entre elles et un autre sur l’effet positif de certaines autres, notamment sur les bas salaires ; un questionnement demeure sur l’efficacité d’autres encore.

L’objet de l’amendement, et Stéphane Viry a eu raison d’insister sur ce point, est d’alerter sur le fait que de précédentes exonérations ne sont pas compensées par le budget de l’État. Les 2,5 milliards d’euros au titre des réductions de cotisations sur les heures supplémentaires, c’est la sécurité sociale qui se les mange – pardonnez-moi l’expression.

Nous proposons que toute nouvelle exonération soit compensée par la suppression d’exonérations existantes.

Mme la rapporteure générale. La réduction des cotisations sur les heures supplémentaires a en effet entraîné une baisse de recettes de 2,5 milliards d’euros pour la sécurité sociale, mais, en contrepartie, l’augmentation de la masse salariale – et donc des cotisations – a rapporté 15 milliards.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS404 et AS405 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). Ces amendements concernent la situation des entreprises de la répartition pharmaceutique. J’ai déjà eu l’occasion de mettre en garde au sujet des difficultés rencontrées par les grossistes répartiteurs. L’ensemble du secteur a subi un déficit de 66 millions d’euros en 2019 – sachant qu’ils n’ont pas la liberté tarifaire et qu’ils assurent des missions de service public : approvisionner l’ensemble des pharmacies et maintenir des réserves de médicaments. Ils ont été d’une grande aide pendant la covid.

Ces entreprises ont bénéficié d’un plan de soutien de 30 millions d’euros pendant trois ans, de 2020 à 2022, ce qui a permis de limiter leur déficit à 3,1 millions cette dernière année. Mais ce plan a pris fin et le secteur va de nouveau faire face à un déficit de plusieurs dizaines de millions. Ces grossistes font face à des dépenses en énergie importantes liées à la conservation des médicaments et ils n’ont pas forcément bénéficié des boucliers tarifaires, car leur chiffre d’affaires était trop important.

L’amendement AS404 propose donc de réduire à 1 % le taux de la contribution sur les ventes en gros (CVEG), ce qui représenterait un gain de 60 millions pour les entreprises du secteur et leur permettrait d’être à l’équilibre. L’amendement de repli AS405 ramènerait ce taux à 1,2 %, ce qui aurait pour effet de diminuer leurs charges de 35 millions. Je ne suis pas certain que cela soit suffisant, mais cela participerait à limiter la casse.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Même si les grossistes répartiteurs constituent un maillon essentiel de la chaîne du médicament, la LFSS 2022 a déjà diminué le taux de la CVEG. Il me semble que nous pouvons en rester là.

M. Thibault Bazin (LR). Les grossistes assurent des missions de service public. Ils livrent tous les jours les 21 000 officines de pharmacie dans les meilleures conditions. Si rien n’est fait, ils vont faire face à un déficit de plusieurs dizaines de millions. Ils emploient beaucoup de salariés, qui livrent très tôt le matin mais aussi le soir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2292 de M. Stéphane Lenormand

M. Laurent Panifous (LIOT). Compte tenu de la saisonnalité de plusieurs activités à Saint-Pierre-et-Miquelon et des conditions climatiques particulières, il est proposé, à titre dérogatoire, d’exonérer totalement de cotisations patronales les employeurs confrontés à une rupture d’activité saisonnière entre le 1er novembre et le 31 mars.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Les employeurs du tourisme et du bâtiment et travaux publics (BTP) bénéficient déjà d’une exonération de cotisations sociales à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette exonération est intégrale pour les salaires allant jusqu’à 1,3 Smic dans le BTP et pour ceux allant jusqu’à 1,5 Smic dans le tourisme.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS256 de M. Yannick Neuder, AS389 de M. Thibault Bazin et AS965 de M. Stéphane Viry

M. Yannick Neuder (LR). Cet amendement a pour objet de faire passer de 2,21 milliards d’euros à 2,35 milliards le montant de la clause de sauvegarde pour les dispositifs médicaux en 2023.

On sait que le montant Z va entraîner le déclenchement d’une clause de sauvegarde – et donc une contribution des entreprises du secteur des dispositifs médicaux – dont le montant sera compris entre 60 et 150 millions d’euros, alors que l’étude d’impact du PLFSS avait annoncé que son rendement serait théoriquement nul.

Une telle contribution serait insoutenable et injuste pour les entreprises de ce secteur, constitué principalement de très petites et petites et moyennes entreprises. La croissance particulière des dispositifs médicaux sur la liste en sus est purement conjoncturelle, car elle résulte des retards accumulés dans les traitements depuis 2020.

Avec un montant Z fixé par le Gouvernement à 2,1 milliards d’euros, le déclenchement de la clause de sauvegarde serait biaisé du fait du rebond de croissance des dispositifs médicaux après le covid.

M. Thibault Bazin (LR). La clause de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie relative aux dispositifs médicaux était une forme de filet de sécurité. Il faut prendre en compte le caractère conjoncturel de certaines évolutions, comme cela a d’ailleurs été fait pour le montant M concernant les médicaments.

Il s’agirait d’adapter légèrement le dispositif de régulation, puisque nous proposons seulement de passer de 2,21 à 2,35 milliards d’euros. Cela permettrait de prendre en compte la part de croissance purement conjoncturelle. Ce secteur est constitué à 93 % par des PME, dont certaines interviennent à domicile. Nous aurons besoin d’elles dans le cadre du virage domiciliaire et il faut les accompagner dans cette période d’inflation.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Il ne faut pas modifier le montant Z. D’autres dispositions sont prévues en faveur des dispositifs médicaux, dont la baisse de la TVA pour la télésurveillance. Un équilibre a été trouvé.

M. Thibault Bazin (LR). À combien estimez-vous le gain de cette mesure de baisse de la TVA par rapport à ce que nous proposons pour faire évoluer le montant Z ?

Depuis que nous avons commencé la discussion des amendements, vous n’avez émis que des avis défavorables, madame la rapporteure générale. Serez-vous favorable à l’un de nos amendements d’ici à la fin de l’examen de ce texte ?

La commission rejette les amendements.

 

Puis elle adopte la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 non modifiée.


DEUXIÈME PARTIE :
Dispositions relatives aux recettes et À l’Équilibre gÉnÉral de la sÉcuritÉ sociale pour l’exercice 2024

TITRE Ier – DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Chapitre Ier  Renforcer les actions de lutte contre la fraude aux cotisations

Article 5
Réforme de la procédure de l’abus de droit, sécurisation du dispositif d’avance immédiate et adaptation de son calendrier

Amendement AS2509 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement vise à supprimer le dispositif d’avance immédiate de crédit d’impôt pour les plateformes de mise en relation des particuliers et d’autoentrepreneurs proposant des services à la personne.

Le dispositif de crédit d’impôt pour les aides à la personne profite en premier lieu aux ménages les plus aisés. Plus de 50 % des bénéficiaires se situent dans les trois derniers déciles, tandis que seulement 22 % des bénéficiaires ne sont pas imposables. De surcroît, cet article repousse une nouvelle fois le bénéfice de l’avance immédiate de crédit d’impôt pour ceux qui en ont réellement besoin, c’est-à-dire les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Nous dénonçons cette avance immédiate de crédit d’impôt qui, non seulement, bénéficie davantage aux classes aisées mais contribue de surcroît à la casse du salariat et à la dégradation des conditions de travail dans le secteur des services à domicile.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Sur la forme, la rédaction de votre amendement ne produit pas l’effet que vous recherchez.

Sur le fond, il ne me semble pas opportun de rendre plus difficile la mise en relation des particuliers avec les personnes qui proposent des services à domicile. Cela constituerait une source de complexité accrue, alors que nous essayons plutôt de simplifier leurs relations.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1108 de M. Laurent Panifous et AS301 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement porte sur la mise en place de l’avance immédiate du crédit d’impôt pour les bénéficiaires de l’APA ou de la PCH. Les personnes aux revenus modestes bénéficient déjà de ce dispositif, qui leur permet de ne pas faire l’avance de trésorerie. Pour les autres bénéficiaires, l’entrée en vigueur a été reportée à plusieurs reprises. Nous proposons que celle-ci intervienne le 1er janvier 2025, et non le 1er juillet 2027, comme le prévoit le texte.

M. Jérôme Guedj (SOC). La contemporanéisation du crédit d’impôt est manifestement difficile à mettre en œuvre pour ceux qui en ont probablement le plus besoin. Elle est expérimentée depuis deux ans et l’étude d’impact indique que sa généralisation pour l’APA ou la PCH se heurte à des difficultés techniques liées aux systèmes d’information des conseils départementaux et des organismes prestataires, ainsi qu’au faible taux d’équipement informatique des bénéficiaires. On repousse donc le délai d’application de façon un peu exagérée.

Comme le relève l’exposé sommaire de l’amendement AS2509, le premier bilan de la contemporanéisation montre que ceux qui en bénéficient le plus sont les utilisateurs du chèque emploi service universel (Cesu) – parmi lesquels les catégories socioprofessionnelles aisées sont largement surreprésentées. Il est légitime d’exercer une pression sur les conseils départementaux et l’ensemble des acteurs concernés afin d’aller plus vite. Mon amendement est moins ambitieux que celui de M. Panifous, puisque je propose une application en 2026. Si l’on constatait ensuite que cela n’est pas possible, vous décalerez cette date. Mais essayons d’avancer, car il s’agit d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat des bénéficiaires de l’APA et de la PCH, dont on peut considérer qu’une partie d’entre eux en ont vraiment besoin.

Mme la rapporteure générale. Nous aurions tous préféré que cela démarre plus vite. Mais les systèmes informatiques des conseils départementaux et de l’Urssaf doivent être interconnectés, ce qui ne sera pas possible d’ici à la fin de 2025. C’est pourquoi la date d’application a été repoussée. Mais il s’agit d’une date butoir. Les travaux sont en cours et le dispositif sera appliqué dès que possible.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis d’accord avec la rapporteure générale : il faut prendre son temps pour que les choses soient bien faites.

Un point m’inquiète davantage. On indique en annexe de ce texte que le plafond de l’avance immédiate va être ramené de 6 000 à 1 200 euros, ce changement devant être effectué par décret.

Cela signifie qu’un employeur qui utilise le Cesu ne bénéficiera plus que d’une avance immédiate limitée à 1 200 euros et qu’il récupérera le reste seulement l’année suivante, par le biais du mécanisme classique du crédit d’impôt. C’est une source énorme de complexité supplémentaire pour les particuliers employeurs, alors que l’objectif initial était de simplifier. Objectivement, la fraude ne vient pas forcément d’eux.

Cette baisse à 1 200 euros est-elle le prélude d’une diminution de ce crédit d’impôt ? On sait que ce montant n’est pas suffisant par rapport aux besoins de la plupart des particuliers employeurs. Je suis donc inquiet.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Puis elle adopte l’article 5 non modifié.

 

Article 6
Renforcement des obligations des plateformes numériques pour garantir le paiement des cotisations dues par leurs utilisateurs

Amendements de suppression AS303 de M. Jérôme Guedj et AS2510 de Mme Ségolène Amiot

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet article vise à lutter contre la fraude aux cotisations sociales des microentrepreneurs des plateformes numériques.

Actuellement, il revient au microentrepreneur de payer ses cotisations et contributions sociales à l’Urssaf. L’article prévoit d’inverser cette responsabilité en la confiant à la plateforme, qui devra effectuer les versements à l’Urssaf pour le compte du microentrepreneur. La subordination de ce dernier s’en trouverait renforcée sans pour autant que lui soit accordée la présomption de salariat à laquelle devrait conduire la démarche déroulée jusqu’au bout.

C’est en cela que l’article est critiquable : il prétend lutter contre la fraude des microentrepreneurs, mais il accentue leur lien de subordination avec les plateformes numériques, sans engager le combat mené à l’échelle européenne pour la présomption de salariat de ces microentrepreneurs.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Comme vient de le dire Jérôme Guedj, si cet article renforce la subordination, on attend la présomption de salariat.

Selon certaines estimations, 300 000 personnes travailleraient pour des plateformes avec un statut de microentrepreneur qui ne correspond pas à la réalité. Les considérer comme des salariés permettrait de rapporter 1,45 milliard d’euros de cotisations supplémentaires, soit bien plus que les 200 millions que vous essayez d’attraper avec cet article.

Autre aspect critiquable, le montant de 7 500 euros prévu pour la sanction est identique que le défaut de transmission soit constaté de la plateforme à l’Urssaf ou de l’autoentrepreneur à la plateforme. Nous aurions pu déposer un amendement pour corriger une telle disproportion, mais la question pourrait être résolue dans le cadre du 49.3, si Jupiter veut bien m’écouter...

Enfin, pour beaucoup de microentrepreneurs ce statut ne leur permet pas de vivre. Leur revenu moyen est de 590 euros bruts et le revenu médian de 300 euros. Si certains ne payent pas leurs cotisations, c’est tout simplement pour une question de survie. C’est le seul travail qu’ils trouvent et il est assez malhonnête de ne pas s’attaquer aux plateformes qui les exploitent.

Cet article est disproportionné, déplacé au vu du contexte inflationniste et indécent si l’on considère votre inaction sur la question de la présomption de salariat. C’est pourquoi par l’amendement AS2510, nous vous invitons à le supprimer.

Mme la rapporteure générale. Cet article fait partie du plan de lutte contre la fraude, mais il constitue aussi une mesure de simplification administrative pour les 10 % de microentrepreneurs qui exercent leur activité par le biais d’une plateforme.

Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous estimez qu’il y a présomption de salariat. Le modèle retenu pour les microentrepreneurs équivaut à celui des artistes-auteurs, qui avait été modifié à l’initiative de Thomas Mesnier il y a quelques années. Ces derniers ne sont pas pour autant considérés comme des salariés des diffuseurs d’œuvres.

Ensuite, l’article prévoit bien des pénalités distinctes pour les microentrepreneurs et pour les plateformes, puisque la sanction peut atteindre 5 % du chiffre d’affaires pour ces dernières.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). J’ai du mal à comprendre la logique de ces amendements.

Comme la rapporteure générale, j’estime qu’il s’agit d’une simplification administrative bienvenue pour les microentrepreneurs.

Quant à l’accroissement de la subordination aux plateformes, c’est une bonne nouvelle pour ceux qui espèrent que le juge requalifiera leur emploi en estimant qu’ils sont des salariés. Pour cela, il prend en compte un faisceau d’indices. Si la loi élargit ce dernier, la jurisprudence pourra en tenir compte.

Quoi qu’il en soit, les choses seront probablement revues dans le cadre des discussions européennes.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). En réalité, la jurisprudence qui permet de requalifier en emploi salarié existe déjà. D’autant plus qu’une fabuleuse députée européenne, Leïla Chaibi, a beaucoup œuvré pour que la présomption de salariat des travailleurs des plateformes soit reconnue. Le Parlement européen a adopté une préconisation qui va dans ce sens. Malheureusement, le Gouvernement français freine des quatre fers.

D’un point de vue purement financier, la reconnaissance du statut de salarié permettrait de rapporter 1,45 milliard d’euros de cotisations prélevées à la source par rapport aux 200 millions que l’article est censé potentiellement rapporter au titre de la lutte contre la fraude. Vous êtes donc très loin du compte et vous privez la sécurité sociale d’une manne.

M. François Gernigon (HOR). Il ne faut pas fustiger le statut de microentrepreneur. J’ai rencontré lundi, à la maison de la création et de la transmission d’entreprise d’Angers, une couturière qui bénéficiait auparavant du RSA et qui a choisi ce statut pour faire de la création quand son temps le lui permet. Elle le double avec un contrat salarié à temps partiel et elle s’y retrouve très bien. Que des plateformes interviennent contribue à simplifier les démarches administratives.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Je peux parler du sujet, car j’ai travaillé pour une plateforme en tant que microentrepreneur. En fait de liberté de choix, on nous imposait d’aller à tel endroit en un temps donné et nous étions payés moins que le Smic. Il suffisait d’une ou deux erreurs pour être exclu de la plateforme.

Certaines personnes sont peut-être satisfaites du statut de microentrepreneur, mais elles sont extrêmement minoritaires. Le modèle économique des plateformes est fondé sur l’exploitation des travailleurs grâce au statut de microentrepreneur, qui permet en outre de licencier plus facilement.

Par ailleurs, la plupart de nos concitoyens ne sont pas disposés à saisir le juge pour mener une bataille qui leur coûtera des milliers d’euros contre des plateformes qui sont des multinationales. C’est une fiction juridique. Nous demandons au Gouvernement d’agir. Tel est le sens de cet amendement.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). En réalité, des personnes choisissent le statut de microentrepreneur parce qu’il est flexible et leur permet de revenir de manière assez libre sur le marché du travail. Pour d’autres, c’est une véritable contrainte.

Il va falloir que nous nous penchions sur les conditions de travail et de rémunération des travailleurs des plateformes pour lesquels existe un faisceau d’indice laissant à penser qu’ils sont en fait des salariés en raison des liens de subordination. C’est le cas de ceux qui viennent nous livrer les soirs de match, dont on connaît les conditions de travail.

C’est aussi une source de dépenses pour l’État, puisqu’ils bénéficient des aides à la création d’entreprise alors que ce n’en sont pas vraiment, mais aussi de problèmes de recouvrement des cotisations sociales.

Bruno Mettling, président de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, travaille sur cette question, qui s’apparente à du servage moderne dans le cas de certaines plateformes.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). À la lecture de cet article, j’ai eu le même sentiment que Marc Ferracci : cela renforce la présomption de salariat.

En revanche, il ne faut pas exagérer la liberté de choix du statut de microentrepreneur. Il faut voir dans quelles conditions les gens créent une activité de ce type. C’est un peu la corde qui soutient le pendu.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS2511 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Cet amendement de repli vise à modifier les plafonds de pénalités applicables aux microentrepreneurs et aux plateformes, afin qu’ils ne soient pas identiques.

En premier lieu, nous déplorons que le législateur n’ait pas connaissance de la procédure applicable pour prononcer ces pénalités, ni de leur barème, leur détermination étant renvoyée à un décret.

En second lieu, il est scandaleux de prévoir qu’une sanction pécuniaire identique de 7 500 euros pourrait être appliquée aux travailleurs indépendants comme aux plateformes. En 2022, Deliveroo a été condamné à verser presque 10 millions à l’Urssaf pour avoir dissimulé plus de 2 000 emplois de livreurs à vélo entre 2015 et 2016. Ce sont bien les plateformes, et non les livreurs, qui se rendent coupables de fraude.

En réalité, des plateformes se gavent sur le dos de pseudo-travailleurs indépendants, qui leur sont en fait subordonnés et qui souffrent de ne pas être reconnus comme des salariés.

Mme la rapporteure générale. Une pénalité de 7 500 euros est bien prévue pour les plateformes comme pour les microentrepreneurs s’ils ne transmettent pas les informations requises. Mais les plateformes peuvent se voir infliger une pénalité supplémentaire pouvant aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires si elles ne respectent pas l’obligation de précompte.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Ce sont les plateformes qui fournissent les informations concernant les livreurs. Vous allez punir ces derniers d’une amende, alors que c’est la plateforme qui n’aura sciemment pas donné les bonnes informations.

Faisons attention. On ne peut pas infliger la même amende à une plateforme qui engrange des millions d’euros chaque mois en omettant de déclarer ses travailleurs et à un livreur à vélo qui galère tous les soirs de match – peut-être pour livrer chez vous, mais pas chez moi car j’ai des principes – pour gagner 300 ou 400 euros par mois.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous ne sommes pas toujours d’accord et il peut arriver que nous trouvions que certaines propositions de la majorité sont immorales. En l’occurrence, je veux croire qu’il s’agit d’une erreur et que vous saisissez le caractère disproportionné de l’amende de 7 500 euros pour les travailleurs des plateformes.

Avec cet amendement, nous vous tendons la main pour coconstruire et avancer ensemble, comme l’a promis la Première ministre. Madame la rapporteure générale, n’y a-t-il pas moyen de modifier le texte pour prévoir une sanction plus adaptée ? Nous aimerions en discuter.

Mme la rapporteure générale. Comme cela n’a pas été forcément compris, je répète que la sanction peut aller jusqu’à 7 500 euros pour le microentrepreneur qui n’aurait pas transmis les informations requises à la plateforme. La même sanction s’applique à la plateforme qui ne les aurait pas transmises à l’Urssaf. En outre, si la plateforme ne prélève pas les cotisations, elle peut subir une pénalité allant jusqu’à 5 % de son chiffre d’affaires.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 non modifié.

 

Article 7
Annuler la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux en cas de fraude

Amendement de suppression AS1789 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). L’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale dispose que les conventions conclues entre les syndicats représentatifs des professionnels de santé et l’assurance maladie fixent les conditions dans lesquelles les caisses d’assurance maladie participent au financement des cotisations dues par les professionnels de santé et celles dans lesquelles leur participation peut être partiellement ou totalement suspendue.

Il appartient au législateur de respecter le dialogue social instauré par le biais des négociations conventionnelles. Afin de respecter l’équilibre ainsi établi entre les professionnels et l’assurance maladie, il convient de renvoyer les modalités de sanction des professionnels aux négociations conventionnelles. Tel est l’objet de l’amendement de suppression.

Mme la rapporteure générale. Je suis défavorable à la suppression de l’article.

Les exonérations de cotisations ont été introduites en 1960 pour inciter les professionnels à adhérer au système conventionnel. Leur coût, qui n’est pas neutre pour l’assurance maladie, est compris dans l’Ondam des soins de ville.

Les droits des professionnels de santé sont pleinement respectés. L’annulation de la prise en charge d’une partie de leurs cotisations ne peut intervenir qu’en cas de pénalité financière, de sanction prononcée par le conseil de l’ordre ou de condamnation pénale. Dans ces trois cas, le respect du contradictoire est assuré, ce qui permet au professionnel de faire valoir sa position. De surcroît, l’annulation de la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations est limitée à la part des revenus obtenus par fraude.

La mesure est donc pleinement adaptée et proportionnée à la faute commise.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS304 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). La prise en charge par l’assurance maladie d’une partie des cotisations de certains professionnels de santé – médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers libéraux, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes – représente un coût de 3 milliards d’euros.

Il y a quelques semaines, Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie, a présenté un bilan de la lutte contre la fraude, détectée à hauteur de 320 millions d’euros et estimée à 1 milliard d’euros. Dans 70 % des cas, elle est le fait de professionnels de santé. Des sanctions ordinales, des pénalités financières et des condamnations pénales sont prévues.

Le présent article a le mérite de rappeler qu’aucune disposition ne prévoit le remboursement des exonérations de cotisations que la collectivité, c’est-à-dire les assurés sociaux, a accepté de prendre en charge pour les inciter à s’inscrire dans les dispositifs conventionnels.

Les employeurs condamnés pour travail illégal – si tant est que l’on puisse faire l’analogie – doivent rembourser les exonérations de cotisations dont ils ont bénéficié. D’après le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations et de contributions sociales que nous avons mené dans le cadre de la Mecss, près de 30 millions d’euros ont été récupérés par ce biais.

L’article 7 va dans le bon sens. Toutefois, il dispose à l’alinéa 3 : « L’organisme d’assurance maladie peut procéder à l’annulation de tout ou partie de cette participation sur la part des revenus obtenus frauduleusement ». Pourquoi écrire « peut procéder » ? Quiconque a fraudé doit rembourser les exonérations de cotisations sociales dont il a bénéficié. Cette peine complémentaire me semble être le minimum minimorum s’agissant d’une fraude avérée.

La demande de remboursement ne doit pas être facultative. Fraude détectée, remboursement imposé : cela doit être systématique.

Mme la rapporteure générale. Avis favorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). La participation aux cotisations des professionnels de santé par les caisses d’assurance maladie est un avantage qui est au fondement des conventions qu’ils ont conclues. Si un professionnel de santé a fraudé, qu’il rembourse, certes, mais par le biais d’un déconventionnement, ou de sanctions pénales ou civiles.

Il ne faut pas toucher aux accords conventionnels au motif de priver un professionnel d’un avantage personnel. Le registre n’est pas le même.

Mme la rapporteure générale. La seule visée de l’article 7 est de faire en sorte que les professionnels ayant fraudé remboursent les cotisations versées en leur nom par l’assurance maladie pendant la période au cours de laquelle ils ont fraudé. Cela semble cohérent.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS305 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Dans un même souci de cohérence, le présent amendement vise à améliorer encore la rédaction de l’alinéa 3, qui prévoit « l’annulation de tout ou partie de cette participation ». « Tout ou partie », cela va de 0 % à 100 % et introduit de surcroît un mécanisme discrétionnaire qui me semble inadapté.

Nous parlons d’un professionnel de santé qui a fraudé délibérément. La fraude, en l’espèce, consiste à facturer des prestations inutiles, à surfacturer des prestations ou, le plus souvent, à facturer des prestations fictives. Nous en connaissons des exemples parlants qui ne soulèvent aucune difficulté d’interprétation. La sanction va du déconventionnement à la sanction ordinale, voire à la plainte pénale.

De même que les employeurs condamnés pour travail illégal doivent rembourser la totalité des exonérations de cotisations sociales dont ils ont bénéficié, les professionnels de santé ayant fraudé devraient rembourser la totalité des cotisations versées pour eux par l’assurance maladie.

Cette mesure est aussi bénéfique pour les professionnels de santé. Il ne s’agit pas de les stigmatiser, mais de rétablir une forme de confiance et de séparer le bon grain de l’ivraie, en visant la minorité d’entre eux qui fraudent. J’ai lu çà et là qu’une telle mesure jette l’opprobre sur tous les professionnels de santé. Tel n’est pas le cas. Dans ce secteur d’activité comme dans les autres, des gens fraudent ; ils doivent être sanctionnés avec la plus grande sévérité.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1802 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). L’amendement vise à compléter l’alinéa 3 par les mots « après avis motivé de la commission des pénalités ». Celle-ci, dont il importe de rappeler l’existence, est du domaine de la convention. Elle est – du moins à ce jour – l’organe efficace pour lutter contre la faute des professionnels de santé.

Certes, il faut que les gens ayant fraudé soient contrôlés. Ils sont, soit dit en passant, plus faciles à contrôler que leurs patients, ce qui fait dire à certains que la fraude est majoritaire parmi les soignants. Toutefois, il existe des organes internes permettant de contrôler les professionnels, de statuer sur la gravité des fraudes et de dégager une solution conventionnelle.

Mme la rapporteure générale. L’amendement est satisfait. Le professionnel de santé peut saisir la commission des pénalités dans un délai d’un mois à compter de la notification des faits, avant qu’une pénalité financière soit prononcée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS766 de Mme Justine Gruet, AS1180 de M. Thibault Bazin et AS1790 de Mme Joëlle Mélin

Mme Justine Gruet (LR). Les conventions conclues entre les syndicats représentatifs des professionnels de santé et l’assurance maladie fixent les conditions dans lesquelles les caisses d’assurance maladie participent au financement des cotisations dues par les professionnels et celles dans lesquelles la participation peut être partiellement ou totalement suspendue. Il appartient au législateur de respecter ce dialogue social instauré par le biais des négociations conventionnelles.

Le présent amendement vise à rétablir les conditions d’un dialogue équilibré entre les professionnels et l’assurance maladie en confiant la fixation des modalités de sanctions des professionnels aux négociations conventionnelles.

M. Thibault Bazin (LR). Nous en venons à un point qui peut susciter des frictions. Le non-respect du paritarisme, que nous évoquerons lorsque nous aborderons l’Agirc-Arrco, est une vraie question.

Nous sommes favorables à la lutte contre la fraude aux exonérations sociales, lesquelles sont définies dans des conventions signées entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé. Il semble logique que la convention établissant les modalités d’exonération prévoie aussi les modalités de contrôle.

Notre amendement de précision ne vise pas à contester le principe qui sous-tend l’article, mais à faire en sorte que les modalités de remboursement des exonérations indues soient, comme l’avantage que celles-ci représentent, définies par la négociation conventionnelle. Une telle disposition est non seulement logique, mais aussi respectueuse du paritarisme et du dialogue social.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je constate que nous avons tous les mêmes sources et les mêmes réflexions. Nous devons absolument revenir au mode conventionnel.

Mme la rapporteure générale. La procédure prévue par l’article 7 assure l’association des représentants des professionnels de santé, qui peuvent saisir la commission des pénalités, où siègent des représentants des professions médicales, au sujet des actes litigieux qui leur sont reprochés.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). Je m’interroge sur l’articulation de ces amendements avec ceux de notre collègue Guedj que nous venons d’adopter, en vertu desquels l’organisme d’assurance maladie procède – et non « peut procéder » – à l’annulation de toute – et non « tout ou partie de » – la participation de l’assurance maladie.

Ces amendements, au fond, soulèvent la question de la participation de la puissance publique. Je crois profondément au dialogue social et aux conventions collectives. Toutefois, s’agissant d’un régime de contrôle et de sanction, lesquels sont l’apanage de la puissance publique, celle-ci conserve, me semble-t-il, une forme de légitimité.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne contestons pas le rôle de contrôle de l’État, auquel nous croyons profondément. Il s’agit d’en laisser la fixation des conditions au dialogue social. Il ne faut pas entrer dans la qualification individuelle. Par principe, les modalités des exonérations de cotisations sont fixées dans les négociations conventionnelles ; en cas de fraude, ce qui a été prévu dans cette négociation s’applique, de sorte que les avantages et les contrôles obéissent aux mêmes conditions.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS306 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Les sanctions conventionnelles sont prévues par la convention ; les pénalités sont décidées par le comité des pénalités. L’idée est d’introduire, en sus du remboursement des cotisations qui auraient dû être versées, une pénalité proportionnelle à leur montant, de 10 % ou de 15 % par exemple, et appliquée automatiquement.

Mme la rapporteure générale. L’amendement prévoit des pénalités cumulatives pour un même fait. Avis défavorable.

 

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

 

 

 

 

 


  1.   Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 9 heures 30 (après l’article 7)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14060204_652f879913d43.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--18-octobre-2023

 

Après l’article 7

Amendement AS2854 de Mme Stéphanie Rist

Mme la rapporteure générale. L’amendement vise à informer les ordres concernés des fraudes commises par des professionnels de santé et détectées par la caisse locale d’assurance maladie.

Cette mesure fait suite à l’audition des ordres ; elle favorisera la coopération entre les caisses d’assurance maladie pour lutter contre la fraude.

M. Thibault Bazin (LR). Cet excellent amendement s’inscrit dans la continuité du travail de Mme Fadila Khattabi sur la loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, qui doit répondre aux dérives financières qui ont été constatées. Lors de la discussion, nous nous étions demandé si tous les acteurs nécessaires participaient bien aux échanges d’informations prévus : la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) bien sûr, pour ce qui est des fraudes à l’assurance maladie, mais aussi d’autres organismes pour tout ce qui est lié aux exonérations de charges, comme les caisses spécifiques des professionnels libéraux. Là aussi, il me semble que les deux aspects doivent être représentés.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La précision est sans doute utile ; toutefois il est surtout urgent de déployer des centres de santé à but non lucratif. Une partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés sont nés de la décision de 2018 d’autoriser les centres à but lucratif, ce qui dénature les choses. Les centres mutualistes et municipaux notamment ont besoin de soutien car ils participent à lutter contre les déserts médicaux.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Bazin, il est vrai que l’amendement ne concerne que les caisses d’assurance maladie. Je vous propose d’y travailler en vue de l’examen en séance. Et, monsieur Dharréville, nous devons en effet réfléchir au financement de l’ensemble des centres de santé.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1208 de M. Frédéric Mathieu

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement vise à reverser à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) une partie des bénéfices des Ehpad qui n’augmentent pas les salaires et n’embauchent pas.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Dans le cadre du Ségur de la santé, nous avons consacré 2,2 milliards d’euros à la revalorisation des rémunérations du personnel des Ehpad ; en outre, nous avons défini une trajectoire qui prévoit le recrutement de plus de 50 000 personnes d’ici à 2027.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Vous nous avez reproché de vouloir beaucoup dépenser mais dès que nous défendons des solutions pour remplir les caisses, vous émettez un avis défavorable ! Lors de l’examen de la troisième partie, je soutiendrai des mesures entraînant des dépenses et vous nous opposerez le manque de moyens : je vous rappellerai alors les recettes que vous aurez refusées !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS853 de M. Laurent Panifous, AS1059 de M. Stéphane Viry, AS1774 de M. Pierre Dharréville et AS2492 de M. Sébastien Peytavie

M. Laurent Panifous (LIOT). Ces amendements ont été élaborés avec la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap).

Les établissements non habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement pratiquent des tarifs libres, dont l’évolution est encadrée. En application de l’arrêté du 23 décembre 2022 relatif aux prix des prestations d’hébergement, ils ont ainsi pu augmenter leurs prix de 5,14 %, en raison de l’inflation, quand les établissements habilités ou majoritairement habilités sont strictement contraints par des arrêtés des conseils départementaux : selon les collectivités, leurs prix ont été augmentés de 0 à 3 % seulement.

Les présents amendements visent donc à créer une redevance pour garantir une solidarité entre les établissements. En effet, une personne qui n’a pas les moyens de financer son séjour en Ehpad ne peut résider dans un établissement non habilité. Une forme de solidarité s’impose donc : une redevance versée par les établissements à tarifs libres, équilibrée mais pas confiscatoire, me semblerait assez juste.

M. Stéphane Viry (LR). Je sais que ces amendements heurtent certains établissements lucratifs – ils me l’ont abondamment écrit hier. Toutefois, la question de la différence de traitement se pose, dès lors que la prise en charge doit être de même qualité, pour respecter la dignité des résidents.

Pour certains établissements, la loi prévoit des tarifs réglementés, encadrés par les conseils départementaux ; d’autres peuvent aller chercher de la marge. Dans l’intérêt de la filière et des usagers, il faut trouver un système capable d’harmoniser les situations et de susciter une concorde nationale.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Sur proposition de la Fehap et de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), ces amendements identiques visent à assujettir à une redevance les établissements non habilités à l’aide sociale pratiquant des tarifs libres. Il faut mieux partager l’argent investi dans l’accompagnement et l’hébergement des personnes en perte d’autonomie. Le tarif hébergement représente 55 % des ressources des Ehpad ; la hausse du taux d’évolution permet de l’augmenter. Pour les établissements habilités, elle est déterminée par le conseil départemental. Pour les autres, un arrêté annuel établit le plafond du taux applicable aux tarifs des contrats en vigueur, mais ils déterminent librement les prix dans les nouveaux contrats.

Selon nous, il est nécessaire de réviser le modèle des Ehpad, en particulier après l’affaire Orpea. Les décisions prises dans l’urgence ne valent pas solde de tout compte. Nous dénonçons la possibilité de faire du profit au détriment des personnes en perte d’autonomie, particulièrement vulnérables.

La redevance ainsi créée soutiendrait les établissements à but non lucratif, notamment les Ehpad publics, dont par ailleurs il faut augmenter la capacité d’accueil, pour ne plus s’en remettre toujours davantage au secteur privé.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous connaissons la situation des Ehpad – M. Dharréville vient de citer l’affaire Orpea. Une grande réflexion sur le modèle de financement des Ehpad est indispensable, en particulier s’agissant des prix libres du secteur privé lucratif.

Mme la rapporteure générale. S’agissant des établissements privés, nous avons voté l’an dernier des mesures visant à améliorer la transparence et à augmenter les contrôles et les sanctions financières.

Nous l’avons souligné hier, il faut éviter de prendre des décisions susceptibles d’aggraver encore les difficultés financières que connaissent tous les établissements de santé et médico-sociaux, qu’ils soient à but lucratif ou non lucratif, car elles pourraient entraîner leur fermeture.

J’entends que vous appelez à débattre du financement de l’ensemble du système, en particulier du reste à charge. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 37, relatif à la branche autonomie.

Avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Qu’il provienne d’une occupation du domaine public, de licences de téléphonie mobile ou de concessions d’autoroute, tout profit issu d’une délégation d’exploitation de la puissance publique donne lieu au paiement d’une redevance. Dans le cas des Ehpad, les gestionnaires perçoivent, outre cette autorisation, des financements publics, comme le forfait soins – en moyenne 24 000 à 28 000 euros par établissement.

Les opérateurs privés ont entamé une réflexion sur les sociétés à mission et l’affaire Orpea a suscité des débats sur les bénéfices de la gestion censément désintéressée. Dans cette perspective, je vous invite à voter ces amendements identiques.

Monique Iborra (RE). La réflexion sur le financement des Ehpad et le reste à charge n’est pas nouvelle : c’est une question primordiale. Des réformes sont nécessaires, en particulier sur l’aide sociale, mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) n’est pas le bon vecteur. Je réitère donc ma demande, soutenue par de nombreux députés, y compris de la majorité, d’un projet de loi relatif au grand âge.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Certes une loi grand âge est nécessaire, mais elle n’est pas encore là, et nous ne savons pas ce qu’elle contiendrait. Je suis donc favorable à prendre une décision dès aujourd’hui.

L’arrêté annuel relatif aux prix des prestations d’hébergement en 2023 a prévu pour les établissements du secteur privé lucratif un taux d’évolution de 5,14 %, tandis que celui des établissements habilités à l’aide sociale ne dépassait pas 3 %. À quoi servent donc les 2,14 points supplémentaires ?

Mme Laurence Cristol (RE). Nous partageons tous l’ambition de garantir la bienveillance dans les établissements. L’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France reprendra en novembre. Elle contient deux mesures visant les Ehpad privés. Premièrement, ils pourront adopter la qualité de société à mission, afin de moraliser le secteur. Deuxièmement, 10 % des bénéfices annuels seront réaffectés à la qualité de vie des résidents.

Mme Joëlle Mélin (RN). Un consensus se dégage. Les membres du groupe Rassemblement National ont également à cœur d’aller le plus loin possible s’agissant du grand âge.

Je fréquente les milieux des maisons de retraite et de la gériatrie depuis plus de quarante‑cinq ans. Il y a bien longtemps qu’on aurait dû résoudre le problème, car les signes étaient visibles, mais on a laissé faire jusqu’au scandale Orpea. Maintenant il y a urgence absolue. Nous devons tous chercher des solutions concernant la dépendance, mais aussi des moyens pour que chacun anticipe l’avenir en prenant conscience qu’il ne faut pas disposer seulement de revenus pour la retraite, mais aussi d’un lieu d’hébergement, d’un bon environnement, de personnes pour le seconder et d’une famille qui accepte la vieillesse.

M. Yannick Neuder (LR). Voilà plus d’un an que nous soulevons le problème des Ehpad et du financement de la cinquième branche. Personne n’est contre une loi « bien‑vieillir », mais aucune mesure ne saurait améliorer concrètement la prise en charge si elle n’est pas assortie d’un financement sérieux. Sans crédits, les politiques publiques ne sont qu’incantations.

Le reste à charge moyen d’un résident en Ehpad s’élève à 1 000 euros par mois. Certes, de nouvelles recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) seront affectées à la branche autonomie à partir du 1er janvier, mais le compte n’y est pas pour le financement d’une cinquième branche. Nous devons en débattre rapidement.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous soutenons ces amendements. La loi relative au grand âge et à l’autonomie, nous l’attendons depuis le rapport d’information sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes que j’ai écrit avec Mme Iborra, en 2018. Elle nous a été promise tous les six mois – par M. Macron, par Mme Buzyn, par M. Véran, par tous les ministres qui ont suivi... La proposition de loi « bien‑vieillir » ne contient aucune mesure équivalente à celle que nous défendons ici. On y trouve deux dispositifs satisfaisants, mais rien de comparable avec une loi grand âge et autonomie.

Enfin, madame Mélin, on ne peut pas tout mettre sur le dos du scandale Orpea. Les parlementaires avaient déjà publié une pléthore de rapports auparavant.

M. Thibault Bazin (LR). Nous allons devoir relever un défi démographique, s’agissant aussi bien du nombre de personnes âgées que de leur qualité de vie. Il suscite de nombreuses attentes, en particulier celle du virage domiciliaire. Nous ne pourrons cautionner des faux-semblants : la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France ne comporte ni programmation, ni financements ; or le problème ne concerne pas que la gouvernance. Dépourvue d’étude d’impact, réécrite, cumulant les demandes de conférences, elle constitue un ensemble illisible, au point que M. Jean-Christophe Combe, alors ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, était mal à l’aise en nous écoutant faire la liste des articles qui ajoutaient des prescriptions sans en supprimer. Si nous ne faisons rien, ce texte sera une usine à gaz. Il faut une véritable loi grand âge.

M. Laurent Panifous (LIOT). S’il existe des établissements non habilités à l’aide sociale, il faut que d’autres soient habilités pour accueillir les personnes qui ne peuvent financer leur hébergement. Les amendements visent juste à créer une redevance pour rééquilibrer le système : il ne s’agit aucunement de morale.

Mme Caroline Janvier (RE). Adopter ces amendements mettrait les Ehpad privés à but lucratif en danger. Eux aussi connaissent des difficultés, d’une autre nature, à la fois structurelles et conjoncturelles. Leurs coûts augmentent, à cause de l’inflation et des problèmes de recrutement, qui les obligent à recourir à l’intérim, plus onéreux. Nous devons élaborer une réforme plus approfondie du modèle économique des Ehpad, à but lucratif et non lucratif.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS873 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). La pénurie médicale durera ; je défends donc une mesure en faveur des centres de santé. Depuis 2017, le Gouvernement diminue les impôts des entreprises, au détriment des associations à but non lucratif. L’abattement instauré sur le montant de la taxe sur les salaires ne produit pas les effets escomptés. Cela crée une distorsion, notamment lorsque les associations sont en concurrence avec des entreprises pour obtenir un marché.

La Cour des comptes elle-même considère que la taxe sur les salaires est un impôt ancien, qu’il faut réformer : elle fait peser de lourdes charges sur les associations, alors qu’elles remplissent souvent des missions de service public de proximité, essentielles à notre quotidien. C’est le cas des centres de santé à but non lucratif, dont l’équilibre financier est souvent fragile.

Cet amendement vise à appeler le Gouvernement à réformer la taxe sur les salaires pour les associations à but non lucratif.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Tel que l’amendement est rédigé, il tend à supprimer le barème en vigueur, déjà progressif, sans le remplacer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2799 de M. Frédéric Zgainski, amendements identiques AS248 de M. Dino Cinieri, AS452 de M. Yannick Neuder, AS968 de M. Stéphane Viry, AS1164 de M. Thibault Bazin et AS2707 de M. Frédéric Valletoux, et amendement AS951 de M. Paul Christophe (discussion commune)

Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement AS2799, élaboré avec la FNMF, vise à améliorer les échanges entre les Cpam et les organismes complémentaires dans un but de lutte contre la fraude. Les possibilités de coopération s’étendraient de la suspicion ou détection de la fraude jusqu’au déclenchement des procédures pouvant en découler. Les échanges seraient réciproques et passeraient, si besoin, par un ou plusieurs intermédiaires conjointement désignés pour faciliter la procédure.

Pour lutter contre la fraude sociale, il faut mobiliser tous les acteurs. Grâce à cette mesure, les échanges seront plus rapides et efficaces, pour garantir la pérennité du système de protection sociale. Son application sera subordonnée à un avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et de la Haute Autorité de santé (HAS).

Mme Isabelle Valentin (LR). Les organismes de sécurité sociale et les complémentaires devraient partager leurs données pour lutter contre la fraude avec plus d’efficacité et de rapidité. Aussi l’amendement AS248 vise-t-il à améliorer les dispositions régissant leurs échanges.

M. Yannick Neuder (LR). Peu de sujets du texte rassemblent tous les bancs, et c’est le cas de la lutte contre la fraude. Les organismes complémentaires, qui sont de plus en plus sollicités – reste à charge zéro, soins optiques et dentaires, prothèses auditives notamment – n’échangent pas assez avec la sécurité sociale. Mon amendement vise à autoriser la communication réciproque d’informations, afin de renforcer la coopération et de mieux dépister la fraude.

M. Stéphane Viry (LR). Lors de l’examen du PLFSS 2023, le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, avait inscrit la lutte contre la fraude sociale au rang des priorités. Mon amendement vise à améliorer le dispositif, en impliquant tous les acteurs, mais peut-être Mme la rapporteure générale pourrait-elle déjà dresser un bilan des mesures en vigueur depuis un an. Le pays est-il mieux armé pour pourfendre ceux qui cherchent à tromper la solidarité nationale ?

M. Thibault Bazin (LR). Toutes les mesures de la feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques » n’ont pas trouvé de traduction juridique, ce qui rend le suivi difficile. L’objet de mon amendement est d’appliquer la mesure 31, relative au renforcement de la coopération entre l’assurance maladie et les complémentaires santé. On constate des dérives dans les domaines de l’optique, de l’audiologie et des soins dentaires, pour des sommes pouvant atteindre plusieurs millions d’euros dans certains centres de santé. Cet argent pourrait être réinvesti dans de bonnes causes.

Mme la rapporteure générale. S’agissant du bilan tout d’abord, selon la Caisse nationale de l’assurance maladie, 150 millions d’euros de fraudes avaient été recouvrés au 30 juin 2023, soit 30 % de plus que l’année précédente. D’autre part, nous avons financé 1 000 équivalents temps plein dans les organismes de sécurité sociale.

Lorsqu’une fraude est détectée, la Cpam en informe l’organisme d’assurance complémentaire de l’assuré, s’il est identifié. Vos amendements tendent à élargir considérablement le champ d’application de cette mesure, en associant les mutuelles, les sociétés d’assurance et les institutions de prévoyance et surtout en incluant toutes les informations relatives à la suspicion et à la détection de fraude. Toute suspicion déclencherait le partage de l’ensemble des données de santé des personnes et d’activité des professionnels. Je comprends et je partage votre préoccupation, mais vos rédactions vont trop loin.

Avis défavorable sur tous les amendements.

M. Thibault Bazin (LR). Les fraudes reposent sur toute une ingénierie juridico-financière et sont souvent innovantes. Nous connaissons des néocentres de santé qui font partie d’un agglomérat très organisé ou adoptent une structure associative, par exemple. Dès la suspicion, il faut donc pouvoir partager une grande quantité de données pour détecter un éventuel faisceau d’indices permettant d’approfondir la recherche. En effet, c’est lors des croisements de fichiers que les dérives apparaissent. Je comprends que la transmission de données soulève des inquiétudes, mais il faut être en mesure d’agir. Peut-être serait-il judicieux de saisir une autorité judiciaire pour éviter les abus.

M. Stéphane Viry (LR). Vous nous dites en fait que nous avons raison mais que nous sommes trop ambitieux. Sur un tel sujet, il ne faut pas nous retenir ! Le fait que ces amendements soient soutenus par des députés de nombreux bancs manifeste une volonté politique d’avancer. Certains savent ruser, trouver les interstices où se glisser ; les échanges de données offriront les indices nécessaires pour les repérer. Il suffit d’instaurer des garanties, en respectant les principes du contradictoire et de la défense. Toutes les enquêtes n’aboutiront pas, mais nous nous donnerons les moyens de supprimer la fraude.

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous pouvons nous enorgueillir que notre société organise d’importants transferts sociaux pour assurer la protection de tous. Toutefois, les risques réels ou supposés de fraude suscitent des remises en cause de cette solidarité. Toute mesure visant à améliorer l’efficacité de la lutte est donc pertinente.

Il est vrai que les transferts de données comportent des risques : c’est pourquoi l’amendement AS2799 prévoit de saisir la Cnil et la HAS pour avis. Et il n’est pas question de transmettre toutes les données, mais seulement les informations utiles. Un décret pourrait préciser leur périmètre.

Mme Isabelle Valentin (LR). La majorité des personnes sont honnêtes mais une petite minorité profite du système. On sent chez les premiers l’émergence d’un ras-le-bol. Adopter ces amendements enverrait un signal fort, témoignant que leur colère a été entendue.

Mme la rapporteure générale. Je vous rejoins : nous devons aller aussi loin que possible pour lutter contre les fraudeurs, qui ne sont évidemment pas majoritaires. Le plan « fraude » y pourvoit et il faut accélérer les mesures. C’était le sens de mon amendement AS2854.

Cependant, je ne suis pas favorable à l’adoption de ces amendements tels qu’ils sont rédigés : ils autoriseraient à transmettre des données de santé et des données relatives à l’activité de professionnels à des organismes à but parfois très lucratif. Il faut vraiment poursuivre le travail, d’autant que la rédaction actuelle utilise des termes vagues, comme « suspicion » et « abus » ; cela pourrait aboutir à un gigantesque partage de données.

M. Paul Christophe (HOR). Nous sommes d’accord sur le fond. J’entends votre objection, et vous avez compris la nécessité d’améliorer la transparence, les contrôles et les sanctions s’il y a lieu. J’accepte votre invitation à améliorer ma rédaction, en vue de la séance ou d’autres futurs travaux, et je retire mon amendement.

M. Yannick Neuder (LR). Vous avez expliqué qu’en cas de suspicion, la Cpam informe les mutuelles. Le circuit est-il assez balisé pour garantir que la réciproque est vraie ? Je comprends qu’il ne faille pas autoriser le partage de l’ensemble des données de santé et d’activité avec des organismes complémentaires, afin d’éviter de provoquer des démarches commerciales abusives. En revanche, dès lors qu’il y a une suspicion de fraude, nous pourrions sécuriser les retours de l’organisme complémentaire vers l’assurance maladie, laquelle est à même de conduire le contrôle. Cette solution pourrait mettre tout le monde d’accord et j’accepte de retravailler dans ce sens.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je suis heureuse que l’on avance vers le retrait de ces amendements : l’intention est bonne mais le transfert de données à des entreprises privées exerçant de multiples activités comporte un risque majeur.

Toutefois, j’insiste sur le fait que jamais un plan de lutte contre la fraude n’a abouti. En 2007, le président Sarkozy en avait fait un objectif majeur de son quinquennat. Or les recouvrements restent inférieurs à 1 milliard d’euros, alors que Dominique Tian évaluait déjà l’ampleur de la fraude à 10 milliards et qu’elle est désormais bien supérieure. Il s’agit d’un enjeu majeur : donnons-nous les moyens. Je suis volontaire pour retravailler avec vous ces amendements.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je serais curieux de connaître l’opinion des acteurs concernés. Le marché des complémentaires est vaste et tous les acteurs ne sont pas semblables ; par ailleurs, ils possèdent leurs propres mécanismes de contrôle. Nous parlons de données de santé, qui sont très personnelles. La sécurité sociale ne partage pas ses données, même relatives à la santé au travail. Il ne serait pas cohérent de le lui demander pour lutter contre la fraude. Nous ne voterons pas ces amendements.

Mme Anne Bergantz (Dem). J’appuie les interventions de MM. Christophe et Neuder. Nous sommes nombreux à vouloir renforcer la lutte contre la fraude ; une meilleure coopération entre l’assurance maladie et les complémentaires constitue une piste intéressante. Nous souhaitons retravailler notre proposition en vue de l’examen en séance.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Neuder, sur la mesure 31 de la feuille de route, tous les aspects techniques ne sont pas encore opérationnels mais le travail avance.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement AS1681 de M. Franck Allisio

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La coordination des services antifraude est déterminante pour la conduite de leurs enquêtes. Le présent amendement vise donc à améliorer l’échange d’informations entre les services de lutte contre le travail dissimulé, en les plaçant sous la supervision du procureur de la République et du représentant de l’État de chaque département. Ceux-ci s’assureront de la bonne coordination des acteurs, parfois nombreux.

Mme la rapporteure générale. L’amendement est satisfait : les comités opérationnels départementaux antifraude coordonnent déjà la lutte contre le travail dissimulé.

Je vous propose de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1684 de M. Franck Allisio

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les Urssaf jouent un rôle majeur dans la lutte contre la fraude sociale ; elles mènent un travail remarquable. Afin d’améliorer les outils dont elles disposent, le présent amendement vise à les autoriser à prendre des mesures conservatoires préventives lorsque des profils de fraudeurs sont détectés. Il s’agit d’une mesure simple, apte à garantir qu’aucun fraudeur ne pourra soustraire des biens ou liquidités à une sanction.

Mme la rapporteure générale. En cas de constatation de travail illégal, les Urssaf peuvent déjà prendre l’ensemble des mesures conservatoires prévues au code de procédure civile pour recouvrer les cotisations.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS696 de M. Julien Bayou

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS731 de M. Sébastien Peytavie et AS1141 de M. Frédéric Mathieu

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’augmenter les sanctions prévues en cas de fraude aux cotisations patronales. Le Gouvernement voulant lutter contre la fraude, il serait bon qu’il s’y attaque : la fraude aux cotisations patronales coûte chaque année entre 7 et 25 milliards d’euros aux caisses de sécurité sociale, soit trois à douze fois plus que la fraude aux prestations sociales, évaluée entre 1,9 et 2,6 milliards – montant inférieur à celui du non-recours, qui s’élève à 3 milliards par an.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Depuis de nombreuses années, le Gouvernement contrôle la fraude à deux vitesses : les plus pauvres sont sans cesse traqués, mais le laxisme s’impose envers les plus puissants, en particulier s’agissant de la fraude aux cotisations patronales – la Cour des comptes l’a montré en 2020. Quand la fraude aux prestations sociales versées par les caisses d’allocations familiales représente entre 1 et 2,3 milliards – contre quelque 5 milliards pour les non-recours – le coût de la fraude aux cotisations patronales est estimé entre 10 et 11 milliards, soit cinq à dix fois plus. Par l’amendement AS1141, Nous voulons donc durcir les sanctions appliquées aux patrons délinquants.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Votre rédaction écrase des mesures de l’article L.133-4-2 du code de la sécurité sociale, qui permet d’exonérer des entreprises de cotisations sociales. Je ne suis pas sûre que ce soit votre but.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1200 de M. Frédéric Mathieu

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement vise à augmenter les sanctions pour fraude aux cotisations sociales patronales. C’est sur cette dernière que le Gouvernement devrait plutôt se concentrer : selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, elle aurait coûté entre 10 et 11,2 milliards d’euros en 2022. Dans sa lutte contre la fraude sociale, le Gouvernement devrait cibler la non-déclaration du travail salarié et la dissimulation d’activité. En février 2020, la Cour des comptes pointait le laxisme des pouvoirs publics envers la fraude aux cotisations patronales. Or le nombre d’inspecteurs et de contrôleurs du travail stagne à un niveau faible depuis plus de dix ans. La nature et le montant des sanctions actuelles ne permettent pas de lutter efficacement contre cette fraude.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS154 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous cherchons des ressources pour financer les branches de la sécurité sociale qui en ont besoin. Selon le principe des petits ruisseaux qui peuvent faire de grandes rivières, en attendant la réforme structurelle de la loi sur le grand âge, l’amendement vise à abaisser le plafond de l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au titre des frais professionnels, actuellement fixé à quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). Il est inspiré du « rapport Vachey », « La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement », qui indique que « le plafonnement à 4 Pass de cet abattement pour frais professionnels conduit à offrir un avantage en réduction de la CSG et de la CRDS pour des salariés ayant des rémunérations élevées ».

Nous proposons de ramener le plafond de cet abattement démesuré à 1 Pass, soit environ 41 000 euros au lieu des 164 544 actuels. Cette mesure rapporterait environ 150 millions d’euros par an : certes, cela ne financera pas la branche autonomie, mais nous pourrions arriver à des montants bien supérieurs en multipliant les dispositions de cette nature – suffisamment pour couvrir les besoins des Ehpad. Expliquez-moi en quoi cette mesure d’équité du rapport Vachey pose un problème.

Mme la rapporteure générale. Cet abattement d’assiette vise à assurer l’égalité devant la charge publique entre salariés et indépendants, notamment en permettant à ces derniers de déduire leurs frais professionnels des prélèvements sociaux. Or le plafond actuel de 4 Pass paraît justifié, d’autant que certains revenus sont exclus de l’abattement – stock‑options, attributions d’actions gratuites, épargne salariale. L’abattement ne concerne en fait que les salaires et les primes qui leur sont attachées ainsi que les revenus des artistes-auteurs et des allocations de chômage. Il faut continuer d’en permettre une application large.

Avis défavorable.

Mme Caroline Janvier (RE). Vous proposez en fait d’augmenter les prélèvements obligatoires pour une catégorie d’actifs, en l’occurrence les indépendants. Cela me semble une mauvaise approche d’aller chercher des recettes catégorie par catégorie sans entrer dans le fond du débat, qui reste entier : comment financer ce cinquième risque ? Comment faire contribuer les salariés mais aussi les retraités et les entreprises ? Ce serait une mauvaise manière de répondre à l’enjeu de financement de l’autonomie par de petites mesures.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Mais 164 000 euros d’exonération, ce n’est pas une paille ! Nous sommes très loin du salaire moyen annuel. Il y a moyen d’être plus raisonnables, tout en rendant les cotisations plus équitables entre indépendants et salariés.

M. Jérôme Guedj (SOC). Pour financer la branche autonomie, arrêtons de mentir aux Français : tôt ou tard, il faudra une augmentation des prélèvements obligatoires.

Deuxièmement, la mesure ne toucherait que les salaires supérieurs à 3 428 euros brut mensuels, soit 13 % des salariés.

Troisièmement, vous avez augmenté la CSG de 1,7 point en 2018, en contrepartie de la suppression des cotisations salariales chômage et maladie, sur lesquelles il n’y avait pas d’abattement. Paradoxalement, vous avez donc accru cet avantage, puisque ni le taux ni le plafonnement de l’abattement n’ont été modifiés à ce moment-là. Si vous l’aviez fait en 2018, je n’aurais rien à dire.

M. Yannick Neuder (LR). Soyons prudents. Nous sommes les champions d’Europe des prélèvements obligatoires, ce qui grève et le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises.

Sur le financement de la cinquième branche et de l’autonomie, je rejoins M. Guedj sur le fait qu’il faudra instaurer une forme de prélèvement obligatoire, dont la modalité sera à discuter. Ce pourra aussi être un système assurantiel. L’assiette sera également à discuter ; elle sera peut-être généralisée à l’ensemble de la population en âge de s’assurer, pour amoindrir le risque financier de sa dépendance à terme. Ce sujet sera au cœur des discussions lors de l’examen de la loi sur le grand âge.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2753 de M. Karim Ben Cheikh

M. Karim Ben Cheikh (Ecolo - NUPES). C’est un amendement d’appel, déposé tous les ans, relatif à une injustice fiscale et sociale qui touche les Français établis hors de France. Il vise à exonérer les résidents hors Union européenne de la CSG-CRDS. En effet, ceux qui résident au sein de l’Union europénne le sont.

Les non-résidents contribuent à notre régime de sécurité sociale alors même qu’ils n’en bénéficient pas, même lorsqu’ils sont de passage en France. Pis, lorsqu’un non-résident hors Union européenne est atteint d’une maladie grave qu’il ne peut faire soigner dans son pays de résidence, il ne peut être soigné en France.

Le plus souvent, ils sont soumis à une double contribution. En effet, en plus de cotiser sur les revenus de source française, ils sont souvent dans l’obligation légale de cotiser à la sécurité sociale du pays de résidence.

Enfin, la seule caisse de sécurité sociale qui leur soit accessible, la Caisse des Français de l’étranger (CFE), ne bénéficie d’aucune fraction de CSG, alors même qu’elle est en difficulté financière.

Mme la rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière. L’exonération que vous mentionnez résulte de la mise en conformité avec le droit européen. Je crois nécessaire de maintenir le statu quo en la matière, afin de ne pas rétrécir démesurément l’assiette de la CSG et de la CRDS, dont je rappelle qu’elles sont des recettes majeures pour notre protection sociale.

Avis défavorable.

M. Karim Ben Cheikh (Ecolo - NUPES). Cela ne répond pas à la question du financement de la couverture sociale ou au moins de la CFE. C’est une caisse de sécurité sociale dotée d’une délégation de service public qui ne reçoit quasiment aucun financement de l’État, même quand elle est en difficulté, comme actuellement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2762 de M. Jean-Paul Mattei

Mme Marina Ferrari (Dem). C’est un amendement de coordination avec l’amendement I-5274 déposé sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Les plus-values immobilières hors résidence principale sont soumises à l’impôt sur le revenu (IR) et aux prélèvements sociaux lorsqu’elles sont réalisées à l’occasion de la cession d’un bien immobilier ou d’un droit relatif à un immeuble. La plus-value imposable est calculée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat, avec éventuellement un abattement pour durée de détention ainsi que différentes majorations du prix de vente, liées par exemple aux dépenses de travaux.

Le montant de l’impôt dû, après abattements, est égal à 19 % de la plus-value au titre de l’IR et à 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, soit à 36,2 % de la plus‑value imposable. L’abattement pour durée de détention diffère entre l’IR et les prélèvements sociaux. En conséquence, la plus-value immobilière est exonérée au bout de vingt‑deux ans au titre de l’impôt sur le revenu et au bout de trente ans au titre des prélèvements sociaux. Ce mécanisme conduit à bloquer la production de logements, en incitant les gens à retenir leurs biens.

Le groupe Démocrate souhaite supprimer ces abattements pour durée de détention, en les remplaçant par un abattement équivalent à l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction de l’inflation pour déterminer la plus-value imposable. Dans le même temps, nous souhaitons appliquer, de la même manière que sur les plus-values mobilières, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), aujourd’hui à 30 %. Ce système nous paraît beaucoup plus juste.

Toutefois, le caractère systémique d’une telle mesure demande un temps d’adaptation pour tous les acteurs. L’amendement propose ainsi de faire évoluer dans un premier temps le régime des plus-values uniquement pour les terrains à bâtir. Du 1er janvier 2024 au 1er janvier 2026, la durée de vingt‑deux ans serait fixée pour une exonération totale de taxation sur les plus-values de terrains à bâtir, pour créer un choc d’offre ; à compter du 1er janvier 2026 serait appliqué un abattement fondé sur le coefficient d’érosion monétaire avec application du PFU.

Mme la rapporteure générale. Je sais tout le travail réalisé dans ce domaine de la fiscalité patrimoniale. Permettez-moi de vous répondre sur la forme : cet amendement n’aura de sens que lorsque celui déposé sur le PLF aura été adopté. Je vous propose de le retirer pour le redéposer en séance.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne savons pas s’il y aura un 49.3 sur le PLF et si l’amendement Mattei sera repris. Nous ne le saurons sans doute pas avant l’échéance prévue pour le dépôt des amendements sur le PLFSS.

Je suis d’accord sur le principe de cet amendement : inciter à garder les biens plus longtemps contrevient à la nécessité de libérer le foncier. En revanche, je suis gêné par le fait qu’il s’agisse d’une exonération que vous compensez – ce à quoi vous contraignent les impératifs de recevabilité – par l’augmentation du prix du tabac. On sait très bien que cela ne tient pas : ce n’est pas le bon financement.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce sujet tient particulièrement à cœur au président de notre grouoe. Le système actuel incite à garder longtemps les biens alors que, d’une part, on a intérêt à ce qu’ils tournent, et que d’autre part c’est une forme de rente du capital stérile, sans acte de production. Nous sommes favorables à tout ce qui inciterait à la rotation – et développerait donc les ressources fiscales. Je rejoins à ce propos Jérôme Guedj, qui disait que nous ne pourrions pas faire plus à périmètre égal de prélèvements.

M. Yannick Neuder (LR). Nous sommes intéressés par cette mesure. Mais pourquoi vingt-deux ans ? Il faut raccourcir ce délai, pour produire un choc d’offre.

Mme Marina Ferrari (Dem). Nous reportons simplement à 2026 la suppression de la durée de détention actuelle de vingt‑deux ans, pour laisser aux propriétaires le temps de s’organiser.

M. François Gernigon (HOR). Je suis assez d’accord avec ce qui s’est dit sur la durée de détention, d’autant qu’on ne tient pas compte du coefficient d’érosion monétaire, alors que l’inflation revient. Qui plus est, faciliter la vente de biens immobiliers, c’est aussi faire revenir de l’argent dans le circuit économique, ce qui favorise la consommation et le réinvestissement et contribue au développement du marché du logement. J’espère que nous en reparlerons en séance.

L’amendement est retiré.

Amendements AS223 et AS224 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous n’allons pas faire la révolution fiscale en commission des affaires sociales. Néanmoins, c’est l’endroit pour provoquer des débats. La CSG est devenue l’un des principaux financeurs de toutes les branches de la sécurité sociale. Mais elle est un prélèvement proportionnel, alors que notre système sociofiscal, si l’on veut être fidèles à l’article XIII de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, doit tenir compte des facultés contributives de chacun. Ce qui fait la justice fiscale et sociale, c’est la progressivité du financement. Or le financement de la sécurité sociale n’est pas assis sur un financement progressif. C’est pourquoi, depuis des années, nous proposons d’instaurer une CSG progressive, payée dès le premier euro, avec sept taux allant de 0 % pour les revenus bruts annuels inférieurs à 4 907 euros jusqu’à 13,2 % pour les revenus bruts annuels supérieurs à 79 817 euros. À terme, l’introduction d’une progressivité du taux de CSG doit nous permettre, même s’il faudra passer par une révision constitutionnelle, de faire fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG, pour avoir un prélèvement simple, progressif et juste.

Le second amendement maintient les taux réduits qui existent déjà.

Mme la rapporteure générale. Il n’est pas nécessaire de changer le barème de la CSG pour garantir la progressivité et l’équité de notre système fiscal. Par ailleurs, vous ne précisez pas quel serait le produit de la CSG après ce bouleversement du dispositif – rappelons qu’elle rapporte 120 milliards d’euros chaque année à la sécurité sociale.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). Ce débat est dans l’air depuis longtemps. Mais il y a d’autres outils pour rendre notre système de prélèvements obligatoires plus progressif. La CSG n’a pas été conçue pour être progressive, à la différence de l’IR depuis le début du XXe siècle. La complexité liée à un prélèvement à la source serait difficile à surmonter et pose de nombreuses questions, pour savoir par exemple s’il faudrait appliquer la CSG au niveau individuel ou familial.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La CSG n’est pas faite pour être progressive, à moins d’en faire un nouvel impôt sur le revenu.

M. Thibault Bazin (LR). Cette proposition était aussi défendue par le candidat Mélenchon, qui proposait même quatorze tranches de CSG. Nous y sommes profondément opposés. Le système de protection sociale n’est pas l’IR.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1282 de M. Pierre Dharréville, amendements identiques AS895 de M. Sébastien Peytavie et AS1517 de M. Yannick Monnet, amendement AS1185 de M. Laurent Panifous, amendements identiques AS212 de M. Jérôme Guedj et AS896 de M. Sébastien Peytavie, et amendement AS1183 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Même si je ne suis pas un grand fan de la CSG – je préfère la cotisation – l’amendement AS1282 vise à en faire quelque chose de mieux, en corrigeant des défauts qui nous semblent évidents. Nous souhaitons ainsi mettre plus à contribution les produits du patrimoine ou placement. En 2018, la CSG sur les revenus du capital a été augmentée de seulement 1 point, contre 1,7 pour les revenus d’activité et de remplacement, afin de financer la baisse des cotisations sociales chômage et maladie. Cela ne nous semble pas défendable.

L’amendement AS1517 vise également à mieux mettre à contribution les revenus du capital, en augmentant la CSG.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement AS895 vise à augmenter le taux de CSG sur les revenus du capital. Ce taux n’a augmenté que de 1 point en 2018, contre 1,7 pour les revenus d’activité ou de remplacement. Le faire passer de 9,2 à 12 % rapporterait 3 milliards d’euros aux caisses de la sécurité sociale. Voici ce que rapporterait une petite augmentation, à comparer à votre décision de faire travailler les gens deux ans de plus pour une économie de 7 milliards.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nous savons tous qu’il faut 9 milliards d’euros à échéance 2030 pour financer la branche autonomie. Comme il ne nous semblait pas envisageable d’alourdir les charges portant sur les revenus du travail, mon amendement AS1185 vise à porter de 9,2 à 11,2 % le taux de CSG sur les revenus du capital. C’est un bout du chemin.

M. Jérôme Guedj (SOC). Encore des amendements convergents ! Mon amendement vise à relever le taux à 10,6 % pour les revenus du capital, qui ont été moins touchés en 2018. Le profit serait d’environ 1,5 milliard d’euros. Cette mesure est dans l’esprit du « rapport Vachey », qui soulignait que la taxation des revenus du patrimoine à l’échelle collective constitue l’un des leviers importants pour financer la sécurité sociale – à l’échelle collective, donc, et non individuelle, car il s’agit d’exprimer la solidarité nationale.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Faire passer, par l’amendement AS896, le taux de CSG sur les revenus du capital à 10,6 %, ce qui n’est pas insoutenable, rapporterait 1,5 milliard d’euros ! Une somme qui serait plus que bienvenue au service des hôpitaux, par exemple.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement AS1183 propose d’augmenter de 0,35 point la CSG sur les revenus du capital. L’objectif est de trouver des ressources, pour répondre à la promesse des fameux 50 000 postes en Ehpad. C’était un signal très positif qui avait été donné il y a un peu plus d’un an. Mais, après une première tranche à 3 500 postes, on nous en annonce seulement 6 000. Inutile de dire que ce n’est absolument pas à la hauteur de l’ambition initiale. Notre amendement permettra de créer 12 000 postes chaque année jusqu’en 2027.

Mme la rapporteure générale. Le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale indique que les prélèvements sociaux sur les produits du capital sont très dynamiques. Ils rapportent 17,2 milliards d’euros de CSG et de CRDS en 2023, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à 2022. Nous devons ces résultats au rebond de notre économie après la crise. Aussi, il ne semble pas opportun d’alourdir un prélèvement d’ores et déjà dynamique.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Augmenter la taxe aux taux proposés permettrait un gain estimé entre 1,5 et 3 milliards d’euros de recettes – mais toutes choses égales par ailleurs. Or lorsqu’on augmente une taxe, il y a toujours des externalités. Les capitaux circulent ! Il serait donc possible que votre mesure ne rapporte pas autant.

Par ailleurs, les prélèvements obligatoires sur le capital représentent une part importante de notre PIB – 10,5 % pour une moyenne de 8,8 % dans la zone euro ou de 8,5 % dans l’Union européenne. Les recettes de taxation sur le capital représentent 23 % des prélèvements obligatoires en France contre 20 % en moyenne. Il faut prendre ces éléments en considération, car se jouent là des questions de concurrence et d’attractivité.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’augmentation des revenus du capital et des dividendes distribués ne serait-ce que l’année dernière est considérable. Chaque année voit apparaître de nouveaux records ! La flat tax a même contribué à cette augmentation. Nous voulons rendre ces richesses utiles pour le bien commun. Nous avons besoin de moyens pour faire face aux questions de santé et sociales qui se posent. Il faut aller chercher l’argent où il est. Nous rétablissons en réalité un ordre des choses qui n’aurait jamais dû être entaillé.

La commission rejette successivement les amendements.

La réunion est suspendue de onze heures à onze heures quinze.

Amendement AS286 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de trouver des ressources, mais aussi de fiscalité comportementale. L’addiction aux paris sportifs et aux jeux de hasard et d’argent est un fléau. Les dépenses relatives aux jeux sont en significative augmentation ces dernières années. Des mesures de régulation sont impératives, pour des raisons sociales et sanitaires, écrit la sénatrice Raymonde Poncet Monge dans un rapport. C’est pourquoi il vous est proposé de remettre à niveau la CSG sur les paris sportifs et les jeux de hasard, en faisant passer son taux de 6,2 à 9,2 %. Les recettes seraient attribuées à la branche vieillesse.

Mme la rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière. La CSG sur les jeux est très dynamique. Son produit dépassera 600 millions d’euros cette année contre 445 millions en 2021.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS63 de M. Yannick Neuder

Mme Isabelle Valentin (LR). Les bailleurs ruraux ont un rôle important pour le renouvellement des générations en agriculture et l’installation des jeunes. L’amendement vise à protéger le foncier non bâti agricole de l’artificialisation des sols ou des grands projets photovoltaïques qui recouvrent des hectares entiers. Nous proposons de baisser à 3,8 % le taux de la CSG sur le revenu foncier tiré de la location des terres par un bailleur rural à un jeune qui s’installe.

Mme la rapporteure générale. La justification d’un seuil dérogatoire à la CSG relève de conditions de revenus spécifiques. Or votre abaissement de taux s’appliquerait à l’ensemble des exploitants agricoles, qu’ils soient riches ou pauvres, pourvu qu’ils louent leurs terres.

Avis défavorable.

Mme Isabelle Valentin (LR). Des agriculteurs très riches, il n’y en a pas beaucoup. La filière est en souffrance. On manque d’installations. Si l’on n’accompagne pas les jeunes en matière de foncier, notre souveraineté alimentaire est en danger.

M. Thibault Bazin (LR). La question n’est pas d’aider les riches ou les pauvres mais d’aider les jeunes, qui ne sont pas riches quand ils s’installent, d’autant qu’ils le font de moins en moins dans le cadre d’une transmission. Il faudrait vraiment répondre à cet enjeu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1514 de M. Pierre Dharréville et AS233 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement veut mettre à contribution les bénéficiaires de retraites chapeaux conséquentes, à partir de 10 000 euros, le montant de la pension moyenne étant de 1 531 euros brut ou 1 420 net par mois.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a quelques mois, nous essayions de vous faire la démonstration qu’il était possible de trouver des financements pour la sécurité sociale, en l’occurrence pour la branche vieillesse, sans avoir à recourir à un impôt sur la vie de deux années supplémentaires, grâce à une palette de mesures de justice sociale et fiscale. La question des retraites chapeaux défraie régulièrement la chronique. La liste est longue : 1,7 million d’euros par an pour Franck Riboud, ancien PDG de Danone, parti à la retraite en 2014 ; 3 millions pour l’ancien PDG de L’Oréal, parti en 2011 ; 1,3 million pour le patron d’Airbus, Tom Enders, parti en 2020 ; 800 000 euros pour le PDG d’Engie, Gérard Mestrallet, parti en 2018. On perpétue une forme d’inégalité qui est très difficile à admettre, avait déclaré l’ancien président d’Orange, il y a dix ans. La taxation plus juste des retraites chapeaux apparaît saine. Aussi, nous vous proposons de faire passer le seuil de taxation à 21 % de 24 000 à 12 000 euros mensuels.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Ces retraites sont déjà taxées de façon progressive.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS232 de M. Jérôme Guedj et AS732 de M. Sébastien Peytavie

M. Jérôme Guedj (SOC). Dans le même esprit, il s’agit de faire passer le taux de taxation de 21 % à 30 %. Le rendement serait, de mémoire, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Les retraites chapeaux sont des retraites exceptionnelles que seuls touchent les dirigeants des grandes entreprises. Avec l’amendement AS732, un taux de taxation à 30 % permettrait d’augmenter les recettes et de dissuader d’avoir recours à ce dispositif. Nous n’avons pas de chiffres précis sur le nombre de bénéficiaires de ces retraites, dont nous avions proposé la suppression lors de l’examen de la réforme des retraites. En revanche, nous savons que 42 milliards d’euros d’encours y ont été dédiés, selon la Fédération française de l’assurance.

Mme la rapporteure générale. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS211 de M. Jérôme Guedj, AS734 de M. Sébastien Peytavie et AS1518 de M. Pierre Dharréville

M. Jérôme Guedj (SOC). Même si nous nous exposons une nouvelle fois à voir balayer d’un refus lapidaire notre recherche de justice, il est question dans cet amendement de l’allégement de la fiscalité sur les actions gratuites, qui a été voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. C’est un allégement qui pèse lourd : 125 millions d’euros pour la sécurité sociale, 25 millions pour la suppression de la cotisation sociale salariale et environ 200 millions pour la partie patronale.

Sont concernés aussi des secteurs qui ont défrayé la chronique : ainsi, l’ancien directeur général d’Orpea, M. Yves Le Masne, limogé à la suite du scandale, a bénéficié d’actions gratuites, sans doute financées par le détournement de fonds issus des dotations de l’État sur lequel une procédure judiciaire est en cours.

Dans un double souci de moralisation et de rendement, il vous est proposé de porter le taux de la cotisation patronale à 30 %.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Par l’amendement AS734, la taxation de la distribution d’actions gratuites, dont les encours sont encore supérieurs à ceux des retraites chapeaux, est une mesure de justice fiscale indispensable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ces amendements ont pour objet de revenir sur une mesure adoptée précipitamment par l’Assemblée nationale afin d’encourager la distribution d’actions gratuites, avec pour effet de priver la sécurité sociale de ressources nécessaires. Il s’agit d’un outil de contournement des salaires qui profite à un nombre restreint de salariés, souvent très bien rémunérés, et sape le financement de la sécurité sociale. Nous y sommes très défavorables.

Mme la rapporteure générale. Malgré la baisse du taux, cette ressource reste très dynamique. Selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, ses recettes ont progressé de 8,5 % entre 2022 et 2023 et son rendement dépassera 1 milliard d’euros en 2024. En outre, l’allégement de la fiscalité a amélioré le pouvoir d’achat des salariés.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Les exemples cités par la NUPES sont scandaleux mais il en est des vertueux : des salariés modestes, parfois même des saisonniers, reçoivent des actions gratuites.

La distribution d’actions gratuites permet de partager, outre les bénéfices, la gouvernance – elles sont assorties d’un droit de vote – et d’assurer une stabilité du capital, sans qu’aucune contrepartie ne soit demandée aux salariés, à la différence des stock-options. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Nous sommes très attachés à l’actionnariat salarié.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). C’est un leurre : le pouvoir de décision est inexistant. Ce que veulent les salariés, c’est des hausses de salaire, lesquelles contribuent au financement de la protection sociale, là où la distribution d’actions gratuites soustrait des ressources. Madame la rapporteure générale, si la ressource est dynamique, profitons-en !

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous avons une vraie différence philosophique. Je suis partisan d’un capitalisme social. Lorsque les salariés sont intéressés à la vie de l’entreprise – les actions gratuites y contribuent – cela donne un autre sens au travail. Je respecte votre rapport au travail, mais c’est une très mauvaise idée de s’attaquer à l’actionnariat salarié. Il me semble préférable de développer une société du travail dans laquelle le nombre de chômeurs régresse.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS240 de M. Jérôme Guedj et AS1515 de M. Yannick Monnet

M. Jérôme Guedj (SOC). Alors que les recettes font défaut, les entreprises profitent, sinon de cadeaux, au moins de largesses de l’État. Depuis la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, elles peuvent ainsi verser à leurs salariés des compléments de rémunération sur lesquels elles ne paient pas de cotisations. En outre, les sommes versées sont déductibles de leur bénéfice imposable. Cela représente un manque à gagner significatif.

Nous proposons donc de revenir sur ces mesures, d’une part en rétablissant le forfait social sur les versements au titre de l’intéressement dans les entreprises de 50 à 250 salariés, et d’autre part en rehaussant de 16 % à 20 % le forfait social sur les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les actions gratuites que vous défendez sont en partie financées par la sécurité sociale, puisque vous réduisez la contribution sociale qui y est attachée.

Pour prolonger le débat avec M. Turquois, nous sommes partisans de donner des droits aux salariés, y compris dans la gestion des entreprises, vous préférez les donner aux actionnaires et vous avez même fortement réduit les droits des salariés dans la dernière période.

L’amendement AS1515 vise d’une part à rétablir le taux du forfait social de droit commun de 20 % pour les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite et d’autre part à réintroduire la contribution sociale à la charge des employeurs de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement. La rémunération doit servir à financer notre protection sociale commune.

Mme la rapporteure générale. Nous avons fait le choix politique de soutenir le partage de la valeur au sein des entreprises et d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, ce qui est aussi une manière d’apporter des recettes à notre protection sociale. Vos amendements fragiliseraient cette politique ; donc avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous ne parviendrons pas à clore ce débat aujourd’hui. Je me permets néanmoins de contester votre présentation trompeuse, madame la rapporteure générale. Tout montre que les politiques que vous avez menées depuis 2017 n’ont pas amélioré le partage de la valeur. Les inégalités explosent. Dans la conférence sociale, le Gouvernement ne met pas sur la table les arguments qui permettraient d’aboutir à une hausse des salaires. Parler de partage de la valeur sans parler des salaires, c’est ahurissant.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS746 et AS747 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Ces amendements ont pour objet de créer une contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) dont le produit serait affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav).

Depuis le précédent quinquennat, les entreprises ont bénéficié de 18 milliards d’euros de baisses d’impôts de production, sans contrepartie. Le Gouvernement a déjà annoncé une diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de plus de 8 milliards, dont les collectivités locales et la sécurité sociale seront les principales perdantes. Dans un contexte où les superprofits ne connaissent toujours pas la crise, contrairement à la majorité des Français, les entreprises ont assez bénéficié de cadeaux fiscaux comme celui-ci.

Dans l’amendement AS747, la contribution rapportera le double de l’actuelle C3S, soit 9,2 milliards d’euros.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable à l’augmentation d’impôts qui est proposée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS749 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement tend à rétablir le prélèvement supprimé au début du quinquennat d’Emmanuel Macron sur les hautes rémunérations en l’affectant à la Cnav.

Les 10 % les mieux payés touchent au moins trois fois plus que les 10 % les moins bien payés. Le 1 % des mieux rémunérés perçoivent un salaire net d’au moins 9 600 euros mensuels, soit l’équivalent de sept mois de salaire des 10 % les moins bien payés. Ces inégalités de revenus ont directement à voir avec les inégalités de santé. Les 10 % les plus pauvres ont ainsi un risque 1,4 fois plus élevé de développer une maladie cardiovasculaire et trois fois plus de risques de contracter un diabète que les 10 % les plus riches.

Pour corriger cette injustice, nous devons doter suffisamment notre système de soins pour garantir l’accès aux soins pour toutes et tous.

Mme la rapporteure générale. Vous supprimez des mesures que nous avons adoptées pour améliorer la compétitivité de nos entreprises en cherchant à aligner notre fiscalité sur celles des pays voisins. La compétitivité est à la fois un gage de souveraineté de notre pays mais aussi un moyen de créer des emplois et de réindustrialiser.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS196 de M. Jérôme Guedj, AS1205 de Mme Ségolène Amiot et AS1516 de M. Pierre Dharréville

M. Jérôme Guedj (SOC). Pour financer la branche autonomie, a été créée la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA), au taux de 0,3 %, en contrepartie de la journée de solidarité envers les personnes âgées, ce jour de travail gratuit fourni par les salariés. Il vous est proposé de doubler le taux de cette contribution qui rapporte actuellement 4 milliards d’euros. Nous assumons de relever un prélèvement obligatoire pour financer la branche autonomie.

Nous déposerons en séance un amendement qui tient à cœur de Monique Iborra pour corriger cette CSA. En effet, plusieurs revenus y échappent. On pourrait l’étendre aux revenus d’activité des travailleurs indépendants ainsi qu’aux compléments de salaires aujourd’hui exonérés – l’épargne salariale par exemple. On pourrait aussi assujettir à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie les revenus de remplacement qui sont aujourd’hui exonérés – les indemnités journalières ou les allocations chômage.

Mis bout à bout, ces prélèvements représentent la somme de 2,5 milliards d’euros dont nous avons besoin à court terme pour améliorer le financement de la branche autonomie. C’est de simple justice : le « rapport Vachey » s’étonnait que les revenus d’activité ne soient pas soumis aux mêmes contributions que les revenus du travail.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Les énormes besoins en personnels mis en évidence par le rapport de Mmes Fiat et Iborra sur les Ehpad ne vont pas se financer tout seuls.

Le Gouvernement et la majorité viennent de faire un très beau cadeau aux entreprises en leur offrant deux années de travail supplémentaires de leurs salariés, lesquelles pourraient servir à financer la cinquième branche. Nous attendons encore que le Président de la République honore sa promesse de doter la cinquième branche qu’il a créée des financements nécessaires. Nous vous proposons donc des ressources pour financer les Ehpad.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La création de la branche autonomie ne s’accompagne pas des financements suffisants pour faire face aux besoins, qui sont identifiés dans différents rapports et qui ne cessent de s’amplifier – 6 milliards d’euros supplémentaires par an seront nécessaires à partir de 2024 et 9 milliards à partir de 2030. Les objectifs de dépenses pour 2024 de la branche sont fixés à 39,9 milliards, en augmentation de 5,2 % par rapport à 2023.

Le conseil de la CNSA a manifesté de sérieuses réserves sur le PLFSS puisque dix‑huit voix en ont pris acte tandis que quatorze s’y opposaient, ses membres estimant que, « au regard des enjeux liés au vieillissement de la population et à l’inclusion, il ne leur paraît pas possible de répondre aux besoins croissants des personnes sans une progression plus importante des dépenses de la branche et de nouvelles recettes ». Ce constat est partagé par le Haut Conseil des finances publiques qui note dans son dernier avis que la trajectoire des dépenses des administrations de sécurité sociale présente une hausse en moyenne de 0,8 % sur la période 2024-2027 qui « ne laisse cependant pas apparaître de surcoût progressif lié aux dépenses de dépendance, malgré la hausse des besoins liés à la perte d’autonomie découlant du vieillissement de la population ». Les membres du conseil de la CNSA demandent que le Gouvernement « prenne enfin la mesure des besoins ».

À compter de 2024, la branche autonomie bénéficiera de financements supplémentaires correspondant aux recettes de CSG provenant de la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Il en résulte qu’elle sera financée quasi exclusivement – à 90 % – par la CSG, c’est-à-dire par les salariés et les retraités, les employeurs ne contribuant qu’à hauteur de 6 % par le biais de la CSA.

L’amendement propose donc un financement plus ambitieux, plus adapté aux besoins et plus juste, mettant à contribution plus fortement les employeurs. Nous avions déjà soulevé, lors de la création de la branche, la question de son financement, sans parler de sa gouvernance.

Mme la rapporteure générale. La CSA est très dynamique – les recettes augmenteront de 7,5 % en 2024 selon la CCSS. Il ne me semble pas nécessaire de doubler le taux de cette contribution ; donc avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). J’insiste sur la nécessité de prendre en considération les effets sur la création d’emplois et d’entreprises des amendements qui sont ici proposés.

Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie vient de publier son quatrième rapport. Celui-ci met en évidence les effets positifs sur la création d’entreprises des mesures que nous avons adoptées au début du premier quinquennat. Les chercheurs constatent que, dans les secteurs les plus exposés aux réformes, le taux de création d’entreprises est plus important et que les entrepreneurs reviennent et quittent moins la France.

Il importe de rester cohérents et de conserver notre logique : les créations d’emplois et d’entreprises sont autant de garanties de ressources futures pour notre protection sociale.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je ne suis pas non plus un farouche partisan de l’alourdissement de la fiscalité sur le travail, car il pénalise les entreprises et surtout les travailleurs. Les amendements ont néanmoins le mérite de poser une question intéressante : comment finance-t-on les besoins en matière d’autonomie ?

La majorité s’est souvent vantée de la création de la cinquième branche mais celle-ci n’est pas financée. L’année prochaine, pour la première fois, le nombre de personnes de plus de 65 ans sera plus élevé que celui de personnes de 15 ans ou moins. Vous refusez les mesures destinées à encourager la natalité. On peut par ailleurs s’attendre à un tour de vis en matière d’immigration, compte tenu des difficultés sécuritaires et sociales qu’elle pose. Comment donc comptez-vous financer la branche autonomie ? Par un système assurantiel individuel, par des impôts supplémentaires ? Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une branche qui n’est absolument pas financée, compte tenu des difficultés que connaissent les établissements d’accueil des personnes âgées et du rythme de vieillissement de la population.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Parler de réforme de la fiscalité du capital, comme l’a fait à l’instant Marc Ferracci, c’est employer de jolis mots pour désigner des cadeaux au patronat, aux actionnaires, bref à ceux qui n’en ont pas besoin. Ces mesures accroissent les inégalités et conduisent à un sous-financement de l’État et de la sécurité sociale. Au bout du compte, qui paye ? Ceux qui n’ont pas droit à ce qui devrait leur être garanti. Quand on diminue la contribution de ceux qui ont les moyens de payer, on augmente celle des autres !

Mme Caroline Janvier (RE). La question est la suivante : comment trouve-t-on 9 milliards d’euros à horizon 2030 ? Je vous rejoins, monsieur Guedj : il faudra augmenter les prélèvements d’une façon ou d’une autre. Mais ensuite, comment répartit-on l’effort entre les actifs et les salariés, entre les salariés et les employeurs, entre les revenus du capital et les revenus du travail ? Toutes ces questions ont été posées par Laurent Vachey dans son rapport dont nous avons longuement débattu ici. Nous ne les avons pas tranchées et nous n’avons sans doute pas suffisamment associé les Français à ce débat.

Mme Monique Iborra (RE). La question de savoir comment résoudre le problème de la démographie est posée depuis longtemps déjà, sans que nous ayons trouvé la réponse.

On ne peut pas dire que les Français n’ont pas été consultés. Ils l’ont été très largement pendant le précédent quinquennat et ils ont choisi la solidarité, pas les assurances.

Enfin, on ne peut aborder l’autonomie uniquement sous l’angle du financement : il faut commencer par élaborer une politique.

M. François Gernigon (HOR). C’est une question de sémantique et de curseur. Nous savons que des milliards d’euros seront nécessaires mais s’agit-il d’impôts, d’assurances, de solidarité nationale ? Où place-t-on le curseur entre travail et capital ? Nous devons nous mettre enfin autour de la table pour en parler ; arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt.

M. Thibault Bazin (LR). Notre système de protection sociale repose en grande partie sur le travail et la création de valeur.

C’est d’abord par le travail que nous financerons les nouveaux risques. Outre les inévitables arbitrages et les priorités à définir, il conviendra parallèlement de lutter contre les fraudes et les abus afin de s’assurer du bon usage des deniers publics. Nous devons nous garder d’une vision statique qui nous entraînerait dans le cercle vicieux du déclin de notre pays conjugué à celui de notre système de protection sociale.

Mme Justine Gruet (LR). Nous avons sur ce sujet une responsabilité politique importante. Chaque année, nous repoussons les décisions que nous avons à prendre.

Ne pourrions-nous pas nous interroger sur le poids respectif des branches de la sécurité sociale ? La branche maladie est gratuite pour l’ensemble des Français, quels que soient leur lieu de résidence, leurs revenus ou leur état de santé, alors que la branche autonomie n’est pas financée comme elle le devrait : le reste à charge pour les familles dépend du niveau de dépendance, des revenus et aussi des territoires.

À force de repousser les décisions, le mur se rapproche. Si nous voulons garantir à nos ainés une bienveillance et un accompagnement correct, nous devons être capables de prendre les décisions maintenant.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Di Filippo, c’est notre majorité qui a créé la cinquième branche, que d’autres avant nous avaient envisagée sans s’y risquer.

À court terme, cette branche reste excédentaire, malgré les engagements que nous avons pris et qui représentent des dépenses importantes – 50 000 postes supplémentaires. En revanche, il est vrai qu’à moyen et long terme, en raison de la démographie, nous aurons à trouver des financements. C’est un débat de société qui porte d’abord, selon moi, sur la réforme de la prise en charge de nos aînés plutôt que sur un impôt supplémentaire, comme l’amendement le propose.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS153 de M. Jérôme Guedj, AS1511 de M. Pierre Dharréville et AS188 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS153 vise à créer une contribution de 1 % assise sur les revenus des capitaux mobiliers pour financer la cinquième branche de la sécurité sociale, ainsi que le préconise le « rapport Vachey ».

La création de la branche autonomie ne s’est pas accompagnée d’un financement pérenne de la perte d’autonomie – le « rapport Libault » faisait état d’un besoin de financement de 6 milliards d’euros à partir de 2024 et de 9 milliards en 2030. C’est l’un des combats de Jérôme Guedj qui trouve un prolongement dans la proposition de loi visant à garantir le droit à vieillir dans la dignité et à préparer la société au vieillissement de sa population que le groupe Socialistes avait déposée.

La petite contribution proposée ici rapporterait 1,5 milliard d’euros par an, un montant bien inférieur à l’économie réalisée par les grandes fortunes grâce à l’instauration de la flat tax en 2017. Le Gouvernement a fait le choix politique de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). On peut en faire un autre, celui de créer une nouvelle contribution de solidarité pour l’autonomie, assise sur les revenus du capital mobilier. France Stratégie le confirme, la suppression de l’ISF n’a pas d’effets démontrés sur l’économie. Cessons de protéger coûte que coûte les revenus du capital et assumons ce choix !

Je rappelle un chiffre : 62 % des dividendes ont été perçus par 0,1 % des foyers. La création de cette contribution permet donc de réduire les inégalités. J’ajoute que le montant des dividendes supérieurs à 1 million d’euros compte pour un quart du total en 2020, soit deux fois plus qu’en 2017. Bref, le ruissellement n’existe pas.

Nous vous proposons donc de mettre à contribution le capital en créant un cercle vertueux de solidarité au profit de nos personnes âgées mais aussi de nos jeunes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement vise à créer une contribution de solidarité assise sur les dividendes distribués. C’est la moindre des choses, au vu des chiffres qui viennent confirmer régulièrement la bonne santé de l’actionnariat et la vigueur des dividendes. Cette mesure rapporterait 2 milliards d’euros à la branche autonomie.

Les membres du conseil de la CNSA estiment que les mesures du PLFSS2024 « pour structurantes qu’elles soient, ne peuvent, à elles seules, garantir aux Français la capacité de vieillir chez eux, à domicile, en habitat intermédiaire ou en établissement en étant soutenus dans leur autonomie au juste niveau ». L’Assemblée nationale doit prendre ses responsabilités, puisque le Gouvernement ne le fait pas, pour financer les besoins.

M. Jérôme Guedj (SOC). Comme Marc Ferracci, j’ai parcouru le rapport de France Stratégie et une donnée m’a effrayé : 1 % des foyers fiscaux, c’est-à-dire 400 000 sur 40 millions, concentrent 96 % des dividendes déclarés. Un tiers – contre 22 % l’année dernière – des revenus financiers supérieurs à 1 million d’euros sont réservés à 4 000 foyers fiscaux, soit 0,01 %. Face à une telle concentration des dividendes versés, alors que nous cherchons à partager l’effort commun pour financer la branche autonomie, mon amendement AS188 vise à dégager 2 milliards d’euros.

Démontrez-moi que cette somme n’est pas absolument indispensable demain matin pour revaloriser les salaires, pour recruter enfin dans des proportions suffisantes ! Ce ne sont pas les 6 000 postes que vous créez qui rendront ces métiers attractifs : en deux ans, avec 9 300 postes pour 7 500 établissements, vous aurez créé 1,2 équivalent temps plein travaillé par Ehpad. Pour éviter une crise du vieillissement et de l’attractivité ainsi que des maltraitances systémiques et institutionnelles dans les établissements, le choix est clair : prendre 2 milliards d’euros à ces 400 000 ménages qui concentrent 96 % des dividendes distribués pour financer des mesures de solidarité – dont ils bénéficieront puisqu’eux aussi ont des parents en Ehpad !

Mme la rapporteure générale. Monsieur Guedj, personne ici ne dira qu’il n’a pas besoin de 2 milliards d’euros supplémentaires pour l’autonomie, ou pour les hôpitaux, ou pour les médecins de ville, ou pour les infirmières – et j’en oublie forcément.

Je rappelle que les dividendes sont déjà taxés. Mon avis est défavorable.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Je ne fais pas partie de ceux qui opposent capital et travail. Nous avons besoin d’entreprises avec des capitaux solides et des actionnaires à long terme pour investir et créer de l’emploi. J’ai toujours en tête ce théorème de Helmut Schmidt selon lequel les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. En effet, pour qu’il y ait partage de la valeur, encore faut-il qu’il y ait travail.

En revanche, l’hyperconcentration des dividendes qu’évoque Jérôme Guedj doit poser question, surtout quand les salaires ne paient pas et ne permettent pas de vivre dignement. Cet amendement d’appel permettra de lancer le débat, je l’espère, en séance.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous allons évidemment voter cet amendement.

Hier vous nous reprochiez de dépenser sans compter les milliards et vous nous demandiez où nous les trouvions. Voici 1,5 milliard d’euros ! Depuis ce matin, nous vous soumettons de nombreuses solutions de financement et vous les refusez systématiquement. Si vous ne votez pas ces amendements, ne venez plus nous dire qu’il n’y a pas d’argent.

L’année dernière, l’Assemblée avait adopté à l’unanimité un amendement demandant au Gouvernement de remettre un rapport sur le ratio entre résidents et soignants dans les Ehpad. Nous n’en avons toujours pas vu la couleur, et c’est un scandale.

M. Marc Ferracci (RE). Le rapport de France Stratégie met en évidence les effets des réformes de la fiscalité du capital sur la création d’entreprises, donc sur la création d’emplois. Pour paraphraser le fameux théorème de Helmut Schmidt, les emplois qui sont créés aujourd’hui par ces réformes, ce sont les cotisations de demain et les prestations d’après-demain pour notre système de protection sociale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS192 de M. Jérôme Guedj et AS736 de M. Sébastien Peytavie, amendements AS151 de M. Jérôme Guedj et AS1216 de M. Frédéric Mathieu, amendements identiques AS152 de M. Jérôme Guedj et AS1255 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est l’aberration de l’article 40 appliqué au PLFSS : on peut trouver des recettes supplémentaires, baisser les dépenses mais pas les accroître. Il vous est donc proposé des recettes supplémentaires pour améliorer l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qu’il soit hospitalier ou médico-social.

Après les dividendes et le scandale de leur hyperconcentration, un autre sujet pose question : les successions et donations. Je ne suis pas allé puiser dans la littérature gauchiste mais dans le « rapport Vachey », qui préconise d’instaurer un prélèvement sur les transmissions de patrimoine.

Je ne reviens pas sur l’hyperconcentration, là encore, du patrimoine. Je note simplement que le rendement des droits de mutation à titre gratuit est très faible – de l’ordre de 16 à 17 milliards d’euros pour une assiette taxable de 280 milliards par an. Il faut donc rappeler, pour tordre le cou à une légende, que seule une petite minorité des successions donne lieu au paiement de droits de succession.

La contribution exceptionnelle que nous proposons par l’amendement AS152 ne concerne ni les classes populaires, ni les classes moyennes, ni même les classes moyennes supérieures, mais les successions les plus importantes. Avec un taux de 1 % de l’actif net taxable dès le premier euro, elle permettrait de dégager les ressources indispensables pour financer la branche autonomie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). À sa création en 2020, la cinquième branche n’a pas fait l’objet d’un financement dédié, en dépit des importants besoins – le « rapport Libault » les chiffre à 6 milliards d’euros annuels à partir de 2024 et à 9 milliards à partir de 2030.

Reprenant une proposition du « rapport Vachey », mon amendement tend à instaurer une contribution assise sur les droits de succession et de donation. Cette solution présente l’avantage de ne pas taxer les actifs pour financer des prestations qui s’adressent majoritairement aux personnes âgées. Selon la Fédération hospitalière de France, trois Ehpad publics sur quatre sont en déficit, pour un total de 500 millions d’euros.

L’héritage profite d’abord aux plus riches, ceux qui non seulement ne contribuent pas assez au financement de la sécurité sociale mais sont également les plus à même de fuir les établissements publics et de se soigner dans les cliniques privées. 13 % des héritages dépassent 100 000 euros et notre système fiscal favorise les plus importants.

M. Jérôme Guedj (SOC). Avec le taux de 1 % prévu par l’amendement AS151, le rendement de cette contribution devrait atteindre 500 ou 600 millions d’euros par an. Pour un héritage de 120 000 euros après abattement, pour un enfant en ligne directe, la contribution s’élèverait à 200 euros, et pour un neveu à 700 euros.

Le patrimoine moyen est de 200 000 euros mais ce montant est très déformé par les successions bien plus importantes – de plusieurs millions ou dizaines de millions d’euros. Ce sont elles qui fourniront l’essentiel du produit de la contribution.

C’est de l’anti-ruissellement, si j’ose dire, puisque nous prenons l’argent là où il se concentre. Les effets de la mesure sont suffisamment lissés pour qu’elle ne pose pas problème.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Voici trois bonnes raisons de voter avec l’amendement AS1216 une taxation de 1 % sur les successions et donations de plus de 120 000 euros : la promesse faite par Emmanuel Macron de réformer les droits de succession et de donation, celle de financer de manière fiable la branche autonomie, et enfin la nécessité de trouver des financements. Notre proposition, à 1 % au-dessus de 120 000 euros taxables, est raisonnable.

85 % des Ehpad sont déficitaires, les soignants ont de plus en plus de difficultés à faire leur travail. Parallèlement, le rapport de MM. Mattei et Sansu sur la fiscalité du patrimoine montre nous sommes de plus en plus une société d’héritiers. Au cours des vingt dernières années, le patrimoine des plus pauvres a diminué de 50 % tandis que celui des plus riches augmentait de 120 % – c’est l’effet de l’hyperconcentration des patrimoines. Compte tenu des besoins de financement de nos services publics, nous vous présentons une taxation qui ne semble pas excessive pour récupérer un peu d’argent.

M. Jérôme Guedj (SOC). Avec l’amendement AS152, il s’agit toujours de créer une contribution sur les successions et donations, dont les modalités seront précisées par décret. On pourrait d’ailleurs introduire, ainsi que le propose le « rapport Vachey », une nouvelle tranche de 25 % pour la transmission de patrimoines entre 290 000 et 550 000 euros. Cela rapporterait de l’ordre de 200 millions d’euros.

Vous le voyez, on peut être inventif sans être confiscatoire. L’idée d’une telle contribution, qui n’a pas d’impact sur les petites successions, je le rappelle, est très répandue ; elle est notamment soutenue par la CFDT.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement AS1255 propose une piste pour financer notre système de protection sociale, en particulier sa branche autonomie – une contribution sur les successions et les donations les plus élevées dont les modalités sont renvoyées à un décret.

La volonté de trouver des financements pérennes pour la branche autonomie est partagée. Nous le savons, nous devrons faire des choix politiques qui seront peut-être difficiles, notamment entre un système assurantiel, que je ne souhaite pas, et la solidarité. Mais, dès lors que le diagnostic est partagé – la nécessité de trouver des moyens pour accompagner nos aînés – qu’attendons-nous pour prendre des décisions, quelles qu’elles soient ? Si nos propositions de financement ne conviennent pas, que la majorité et le Gouvernement en présentent d’autres pour trouver les 9 milliards d’euros nécessaires et qu’ils prennent une décision !

Mme la rapporteure générale. Vous connaissez notre engagement à ne pas augmenter les taxes ni les impôts. Je maintiens mon avis défavorable.

Mme Caroline Janvier (RE). Les amendements en discussion visent à réduire les inégalités, qui se manifestent davantage dans le patrimoine que dans le revenu. Mais les recettes de la sécurité sociale proviennent de plus en plus de prélèvements obligatoires plutôt que de cotisations, lesquelles représentent désormais 58 % seulement de ses ressources. Certains ici déplorent largement cette situation, qui dévoie le mécanisme de la sécurité sociale, initialement censée être financée par des contributions sociales ouvrant droit à des prestations – d’aucuns parlent même de revenu différé. Or l’idée est bien de considérer la cinquième branche comme un autre risque couvert par ces prestations.

M. Thibault Bazin (LR). Encore des nouvelles taxes ! Au moins, vous êtes constants. Mais ce n’est pas ainsi que l’on financera durablement notre système de protection sociale : c’est par la création de valeur, par le travail.

Les recettes issues des droits de succession ont déjà augmenté de 120 % entre 2010 et 2022. Elles sont beaucoup plus élevées en France qu’ailleurs, à l’exception de la Corée du Sud et du Japon. L’impôt sur les successions représente 0,7 % du PIB en France alors que la moyenne européenne est à 0,2 %. Bref, nous taxons déjà beaucoup les successions et donations.

Je suis très attaché à la transmission. Des personnes ont constitué un patrimoine à la sueur de leur front : c’est un atout pour leur retraite, et un moyen d’aider la nouvelle génération à mettre le pied à l’étrier. Les classes moyennes seraient pénalisées par ce qui est proposé puisque dans la plupart des cas, la valeur de leur résidence principale est supérieure au seuil de 120 000 euros.

M. Jean-François Rousset (RE). Taxer, toujours taxer, augmenter les impôts... C’est Monsieur Plus ! Nous, nous croyons à un modèle de société qui permet de créer des emplois et de la valeur ajoutée, lesquels financeront à long terme notre protection sociale.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Vous nous mettez dans une drôle de situation : vous dites qu’on ne peut pas investir dans les services publics faute d’argent, mais vous ne voulez pas de nos solutions pour en trouver. En fait, vous ne voulez juste pas financer les services publics !

On nous parle de ceux qui ont constitué leur patrimoine à la sueur de leur front, mais ne nous racontons pas d’histoires : là, il s’agit des 10 % de donations dont la valeur est la plus élevée dans le pays ! Vous privilégiez ces 10 % au détriment des 90 % restants, vous préservez ces donations en sacrifiant le financement des services publics : c’est un choix. N’enrobez pas cela de grandes déclarations, arrêtez de parler de sueur sur le front et assumez vos choix.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Selon l’Observatoire de l’économie de la Fondation Jean-Jaurès, l’imposition du capital en France est supérieure à la moyenne européenne, « ce qui reflète avant tout un degré de socialisation plus élevé des dépenses sociales », et « la fiscalité du capital française se caractérise par une imposition plus forte de la détention du patrimoine, concentrée sur l’immobilier, que dans les autres pays ». Nous avons atteint un taux que nous ne devons pas dépasser si nous voulons pouvoir nous comparer aux autres pays européens.

Mme Joëlle Mélin (RN). J’entends bien qu’il faut trouver des financements puisque l’argent manque, mais nos collègues de gauche ne nous proposent pas de solutions : ils parlent à leur clientèle électorale captive. En ce qui concerne les successions, si vous alliez un peu plus sur le terrain, vous verriez qu’avec la flambée des prix de l’immobilier dans certaines régions, ce ne sont plus seulement quelques privilégiés qui risquent d’être touchés par vos taxes, mais des classes moyennes, des commerçants, des artisans qui ont passé leur vie à constituer un patrimoine pour se mettre à l’abri. Taxer toujours plus le patrimoine, c’est participer au grand déracinement.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Puisque l’on veut nous comparer à d’autres pays européens, la France est celui qui offre le plus de services publics, destinés à l’ensemble de la population ; ce choix, celui de la solidarité, a un coût. C’est aussi le pays où le nombre de millionnaires et de milliardaires a le plus fortement progressé. Taxer les 10 % d’héritages les plus élevés ne concerne pas des gens qui auraient gagné cet argent à la sueur de leur front, mais ceux qui ont déjà hérité de leurs parents ; il ne s’agit pas du fruit du travail, mais de celui du capital accumulé et transmis.

Si nous voulons conserver le modèle social et solidaire pour lequel nous avons opté, il faut absolument voter ces amendements.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Que mettons-nous en commun ?

Nous mettons en commun ce qui, par l’intermédiaire du budget de l’État, va nous donner des services publics qui garantissent une égalité de droits. Or les services publics sont dans une situation très difficile. Quand on compense les exonérations de cotisations par de l’argent qui pourrait contribuer à les financer, c’est un problème. Il y a dans la fonction publique, à l’école, à l’hôpital et ailleurs, une crise à laquelle il faut s’attaquer.

Et nous mettons en commun ce qui, par le biais de la protection sociale, va nous permettre de nous protéger et de nous assurer mutuellement.

Vous, vous réduisez la part que nous mettons en commun, vous en remettant à chacun pour assumer seul son destin.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS767 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Notre système de soins se fissure de toutes parts, mais, il y a quinze jours, le recours au 49.3 a permis de limiter nos dépenses de santé à 22 % du PIB pour les quatre prochaines années. On se condamne ainsi à ne pouvoir investir, notamment pour la transition écologique dans les établissements.

Selon Oxfam, depuis 2020, la fortune des milliardaires français a augmenté de 200 milliards d’euros, c’est-à-dire de 58 %. Le monde compte un nouveau milliardaire toutes les vingt-six heures. Tandis que la fortune des dix milliardaires les plus riches du monde doublait pendant la pandémie, près de 160 millions de personnes tombaient dans la pauvreté. En France, la fortune des milliardaires a augmenté plus rapidement durant la crise sanitaire qu’en dix ans dans la période antérieure. Le montant de cette augmentation suffirait pour quadrupler le budget de l’hôpital public ou signer un chèque de 3 500 euros pour chaque Français. Rappelons que M. Patrick Pouyanné s’est plaint que son salaire de 6 millions d’euros, soit 4 300 Smic, soit bien moins élevé que celui de ses homologues américains...

Devant l’explosion des inégalités, nous proposons une contribution de solidarité sur la fortune des milliardaires.

Mme la rapporteure générale. Le même amendement, présenté lors de l’examen de la réforme des retraites, a eu un impact dans ma vie personnelle : quand je suis rentrée chez moi, mes jeunes enfants me sont tombés dessus. « Mais oui, maman, c’est simple, il suffit de prendre aux milliardaires pour que tu règles le problème, et comme ça tu ne vas pas nous faire travailler plus ! » J’ai dû leur expliquer que ces milliardaires sont déjà taxés en France plus qu’ailleurs, et que les mettre à contribution n’apporterait pas de ressources pérennes à la sécurité sociale, contrairement à ce que vous laissez croire : il suffit que trois ou quatre d’entre eux quittent le pays, par exemple parce qu’ils trouvent qu’ils y sont trop taxés... On se heurte à la réalité !

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Prendre sur l’argent des milliardaires pour financer notre système est du bon sens. Le rapport Sansu-Mattei confirme d’ailleurs que les plus grandes fortunes de France parviennent à ne payer que 2 % d’impôt, comme le disait Gabriel Zucman ; ce constat n’est pas réservé à la gauche.

Le Rassemblement National vient de prendre la parole pour la première fois depuis le début de la matinée... pour dire qu’il ne veut pas taxer les 10 % les plus riches pour financer les services publics. Ce n’était donc pas par erreur qu’il a proposé hier de ne pas compenser les exonérations de cotisations sociales. Vous êtes prêts à ne pas financer les services publics pour continuer de faire des cadeaux aux plus riches !

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Madame la rapporteure générale, votre réponse montre un manque de confiance sidérant envers les milliardaires de notre pays. Ils sont pourtant généreux : quand Les Restaurants du Cœur en ont eu besoin, ils ont sorti le chéquier, ils n’ont pas fui ! Si vous leur demandez de partager leur richesse avec notre sécurité sociale qui en a tant besoin, ils le feront. Par cet amendement, nous le leur demandons gentiment. Tous les Français participent à l’effort national ! Vous ne faites pas confiance aux Français.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vu le niveau de revenu des intéressés, leur demander une contribution supplémentaire est légitime et serait utile au pays. Ils ne vont pas être contents ? Mais le budget que nous sommes en train de voter fait-il beaucoup d’heureux parmi tous ceux qui sont dans le besoin ? Il faut faire la part des choses.

J’entends vos arguments, madame la rapporteure générale, et je ne veux pas m’immiscer dans vos relations avec vos enfants. Je me demande si je ne vais pas déposer pour la séance un amendement visant à ce que nous signions ensemble une lettre de remerciements à tous les millionnaires pour leur générosité et leurs bienfaits.

M. Jérôme Guedj (SOC). Dire que les milliardaires sont déjà taxés est un argument qui doit être battu en brèche.

Je n’ai pas de problème avec le fait qu’il y ait des milliardaires en France, même si ce n’est pas mon idéal de société. Ce qui m’intéresse, c’est qu’ils contribuent. L’Institut des politiques publiques, qui n’est pas un ramassis de gauchistes, indique dans une étude passionnante datée de juin 2023 et dont Antoine Bozio est l’un des auteurs : « Nous documentons que le taux effectif d’imposition, tous impôts directs compris, est progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenus, y compris pour la majorité des 1 % de revenus les plus hauts. Mais au sein des 0,1 % des foyers fiscaux les plus riches, le taux d’imposition global devient régressif, passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches (les “milliardairesˮ). »

M. Jean-François Rousset (RE). Il faut sortir des clichés. Si nous avons des milliardaires en France et s’ils restent fidèles à notre pays, c’est parce qu’ils croient aux réformes que nous avons mises en route.

Pourquoi les plus riches participent-ils au financement d’associations comme Les Restaurants du Cœur ? Parce qu’ils ont envie de flécher leur argent. Cela peut s’entendre.

On parle beaucoup de dépenses, mais ne pourrait-on pas faire mieux à moyens constants ?

M. Christophe Bentz (RN). Notre collègue qui a taclé le Rassemblement National n’avait pas bien écouté Joëlle Mélin, ou ne l’a pas comprise. Ce que nous vous reprochons, c’est de vouloir augmenter l’imposition partout : participation, droits de succession, cotisations... Vous demandez ce que nous proposons ? Une taxe sur les surprofits. J’espère que, pour une fois, vous dépasserez votre sectarisme et que vous voterez nos amendements en ce sens.

Mme Caroline Janvier (RE). Une remarque sur l’emploi par M. Guedj du terme « gauchiste ». Par pitié, ne vous victimisez pas comme le RN ! Nous n’avons évidemment rien contre les partis de gauche. Vous reprenez là un terme qu’utilise souvent le RN lui‑même.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). On nous dit que les plus riches peuvent avoir envie de flécher leur argent. Mais dans une démocratie, c’est la collectivité, par l’intermédiaire du Parlement, qui décide de la manière de distribuer l’argent. Ce n’est pas à quelques-uns de le faire sous prétexte qu’ils sont les plus riches.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS241 de M. Jérôme Guedj et AS753 de M. Sébastien Peytavie

M. Jérôme Guedj (SOC). Je poursuis mon raisonnement. En France, les milliardaires sont une centaine. Ils détiennent un patrimoine cumulé de 544 milliards d’euros, qui a significativement progressé ces trois dernières années. Je vous l’ai dit, ils ne sont pas taxés au même niveau que les 1 % de revenus les plus élevés – le taux d’imposition, qui est de 46 % pour les 0,1 % les plus riches, tombe à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches, c’est‑à‑dire la centaine de milliardaires que compte le pays. L’impôt sur le revenu devient dégressif au-delà d’un certain seuil parce que les personnes concernées savent l’optimiser. Je le répète, je n’ai pas de problème avec le fait qu’il y ait des milliardaires : je veux seulement qu’ils contribuent au moins comme les autres, et pourquoi pas un peu plus.

On me répond que si c’est pérenne, ils vont se barrer ? Alors prenons une mesure ponctuelle ! Une taxe de 2 %, ne serait-ce que pour une seule année, c’est 12 milliards d’euros ! Cette somme permettrait de dégager des ressources pérennes pour la sécurité sociale, par exemple si on l’affecte au remboursement de la dette sociale.

Au bout du bout, ce sont vos enfants qui ont raison, madame la rapporteure générale : leurs milliards, les milliardaires ne les emporteront pas dans la tombe, ils ne leur servent à rien, ils en sont eux-mêmes convaincus. Plutôt que de s’en remettre à la philanthropie individuelle et au comportement vertueux de chacun, employons l’outil de la redistribution. C’est ce que nous faisons comme législateur : organiser le partage des richesses pour pouvoir financer les services publics qui en ont besoin.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). En France, 4 800 000 personnes vivent avec moins de 940 euros par mois ! L’inégalité de patrimoine entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches se traduit par un rapport de 1 à 162 : pour 1 euro de patrimoine des premiers, il y en a 162 pour les seconds. Pour les 5 % les plus riches, c’est 235 et pour les 1 %, c’est 508 ! Dans ces conditions, comment faire société ? Vous aimez cette société, dites‑vous ; moi, je n’aime pas cette inégalité. Le mot « égalité » est gravé en lettres d’or à tous les frontons, et cette notion de notre devise n’est pas théorique : ce doit être une inégalité de fait, de revenu. La cotisation sur la fortune est absolument indispensable.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Guedj, je n’ai pas tout à fait dit ce que vous me faites dire – je n’ai probablement pas été assez claire. Je n’ai pas dit que la taxation des milliardaires était proportionnelle, mais qu’ils étaient plus taxés dans notre pays que dans d’autres, en moyenne.

Ce débat est intéressant parce qu’il soulève la question, un peu taboue en France, de la différence entre solidarité et charité – nous avons tous remercié les milliardaires de ce qu’ils ont apporté aux associations dans le besoin.

Mon avis est néanmoins défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je félicite vos enfants pour leur bon sens, madame la rapporteure générale. La taxation des milliardaires est inférieure de 20 points à celle du Français moyen. Ces 20 points représentent 30 milliards d’euros. Nous voulons simplement avoir non un impôt régressif, qui frappe plus ceux qui ont moins, mais un impôt progressif ou seulement égal, c’est-à-dire qui touche au moins autant ceux qui ont plus. Ce bon sens permettrait de financer nos hôpitaux, mais aussi notre police ou notre économie, et d’instaurer une ambiance de bienveillance les uns envers les autres, pour que nous nous sentions appartenir à la même nation et à la même humanité.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne suis pas du tout favorable au modèle défendu par Sandrine Rousseau, qui me rappelle l’éloge de la paresse. Elle considère le travail comme une valeur de droite ; je ne suis pas d’accord. À ce sujet, je partage le point de vue de notre collègue Fabien Roussel. Notre système de protection sociale permet de financer par le travail la couverture de risques qui peuvent tous nous toucher, quels que soient notre condition et notre patrimoine. Il y a entre nous une vraie différence idéologique. Les mesures que vous proposez sont symboliques, mais ne financeront pas notre système de protection sociale. Si tout le monde arrêtait de travailler, celui-ci s’écroulerait. Les services publics ne tourneraient plus.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Moi, j’adore la valeur travail mais ici, c’est de rentiers que l’on parle : ils ne travaillent pas. Si vous êtes contre le droit à la paresse, taxez-les pour qu’ils travaillent !

La commission rejette les amendements.

Amendement AS752 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Oxfam a publié fin juin un nouveau rapport intitulé CAC40 : des profits sans lendemain ? L’ONG y observe que les écarts de rémunération entre dirigeants et salariés se sont creusés entre 2009 et 2018. Les versements aux actionnaires ont connu une hausse de 70 % pendant la même période, tandis que la rémunération des PDG augmentait de 60 %, trois fois plus vite que le salaire moyen au sein de ces entreprises et cinq fois plus vite que le Smic.

Avec 44,3 milliards d’euros de dividendes versés en 2021, la France est championne d’Europe en la matière. Nous ne croyons pas au discours selon lequel les dividendes seraient un outil de rémunération supplémentaire qui profiterait à l’intégralité des salariés. En réalité, 62 % des dividendes ont été reçus par les 0,1 % des foyers les plus aisés, soit 39 000 foyers, dont 31 % par les 0,01 % les plus riches, soit 3 900 foyers. Les entreprises du CAC40 pratiquent le gavage généralisé de leurs actionnaires avec la bénédiction du Gouvernement. Pour ce qui est de la redistribution des dividendes, c’est l’abondance et l’insouciance les plus totales, sans le moindre ruissellement.

Mme la rapporteure générale. Nous avons eu ce débat à de multiples reprises. Les dividendes sont déjà soumis au PFU, dont le taux est de 17,2 % en ce qui concerne notre protection sociale.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS244 de M. Jérôme Guedj et AS750 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Pour financer la sécurité sociale, nous avons proposé une contribution pérenne sur les dividendes, compte tenu de l’explosion de leur montant – 70 milliards d’euros l’an dernier. Puisque nous nous comparons souvent, il s’agit là d’une spécificité française.

Ici, c’est une contribution exceptionnelle que nous proposons, dont le produit serait versé à la Cnav. Mais si vous estimez que la réforme des retraites a équilibré la Cnav, affectons-la donc à la CNSA ! Les raisons en sont connues : l’ampleur des besoins de la branche autonomie, et la nécessité de constituer des réserves pour avoir la visibilité qui est indispensable à une loi de programmation. Il faut partir des besoins et dégager les ressources nécessaires pour les trois, cinq ou huit années à venir afin de recruter les personnels et les affecter.

Le même débat a lieu dans le cadre du PLF grâce à nos amis du MoDem, et l’amendement déposé à ce sujet a été voté comme l’an dernier. La demande de taxer les superdividendes émane des bancs les plus divers.

Madame la rapporteure générale, je vous le dis avec toute l’affection que j’ai pour vous : je suis triste de vous voir dans le rôle de celle qui refuse les ressources supplémentaires que nous cherchons à apporter à la sécurité sociale, au nom d’arguments qui sont ceux de Bercy et non ceux de Ségur.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je citerai non pas Oxfam, qui est tout de même un peu une ONG de gauchistes, mais UBS-Crédit suisse : selon elle, la France est la troisième puissance mondiale en nombre de millionnaires, juste derrière la Chine et les États‑Unis, et loin devant le Japon ou l’Allemagne. Pourtant, nous ne sommes que la sixième ou septième puissance mondiale. Et en plus, ces millionnaires ont bénéficié à fond du mandat Macron !

Nous ne proposons qu’un petit réajustement. Ainsi, madame la rapporteure générale, vous pourrez dire à vos enfants que vous avez taxé un peu plus les plus riches, et ils seront fiers de vous !

Mme la rapporteure générale. Monsieur Guedj, je ne parlerai pas de fierté à propos de la politique que nous menons, car il reste beaucoup à faire, mais, en tout cas, je l’assume. Elle ne vient pas de Bercy et elle produit des résultats, comme le montre France Stratégie. Le montant de l’impôt que nous avons collecté sur les dividendes a augmenté malgré la baisse du taux, grâce à la relance de l’activité économique que nous avons obtenue et à l’élargissement des assiettes.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Selon le journal patronal Les Échos, « les dividendes atteignent de nouveaux records. Après une année 2022 historique, la tendance est encore à la hausse pour les dividendes mondiaux. » Les dividendes sont en hausse de 5 % dans le monde, mais la France fait mieux : 13 %. Or les deux tiers de ces dividendes vont non pas aux 10 %, ni aux 1 %, mais aux 0,1 % les plus riches. Les uns se gavent, les autres – la masse de la population – se rationnent. Injustice supplémentaire : ceux qui touchent le plus sont les moins taxés !

Ce que nous proposons ici est loin de l’équilibre, de la justice sociale : c’est juste une plume dans la balance. On travaille à vous rendre populaire dans votre propre famille, madame la rapporteure générale, acceptez cet amendement !

M. Thibault Bazin (LR). Je comprends le symbole, tout en me demandant s’il n’y a pas chez Mme Rousseau une obsession au sujet de ceux qui ont mené de belles aventures entrepreneuriales. Mais, pour notre souveraineté industrielle, nous aurons besoin de personnes qui investissent. Et pour qu’elles aient envie de le faire, il faut qu’elles espèrent un retour. Les dividendes sont un moyen de rémunérer le risque pris.

Je précise que nous sommes très attachés à l’actionnariat salarié. Mais il ne faut pas mener un combat contre les riches, dont certains ont fait bénéficier notre pays de leur richesse : il faut surtout qu’il y ait moins de pauvres, et c’est par le travail que nous y parviendrons.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Il ne s’agit pas de taxer ceux qui réussissent, mais les superdividendes. M. Mattei, qui fait partie de votre majorité, a commis un rapport sur le sujet et fait voter l’an dernier un amendement en ce sens, qui a été adopté démocratiquement mais balayé d’un revers de main par le 49.3. Il a d’ailleurs également été voté cette année dans le cadre du PLF.

Vous avez demandé aux Français de travailler deux ans de plus pour financer un déficit supposé de 10 milliards d’euros. Les dividendes représentaient l’an dernier 80 milliards, soit huit fois plus, et vous ne voulez même pas y toucher un petit peu !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ceux qui sont visés par ces amendements ne manquent de rien. On peut donc bien leur demander quelques efforts ! Il y a deux poids, deux mesures : à son arrivée, la majorité n’a eu aucune difficulté à raboter l’aide personnalisée au logement ou à augmenter la CSG, qui touche tout le monde. Mais quand il s’agit de s’attaquer aux dividendes, cela devient problématique.

Votre politique a légitimé ces logiques au sein de la société. Je ne crois pas qu’elle produise des résultats, madame la rapporteure générale. Il n’y a qu’à voir le budget de la sécurité sociale, la situation de l’hôpital public, la branche autonomie : ça ne va pas ! Les dividendes ne rémunèrent pas le travail, mais l’argent. Rémunérons plutôt le travail.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). On nous a dit que si la taxation était pérenne, les milliardaires allaient fuir. Maintenant qu’elle est proposée à titre exceptionnel, vous ne voulez toujours pas l’essayer. C’est incompréhensible. Que nous reste-t-il à vous proposer ?

M. Paul Christophe (HOR). M. Guedj m’a fait douter en disant que les milliardaires payaient proportionnellement moins d’impôt sur le revenu que les autres contribuables. Pourtant, dans notre système très progressif, plus le revenu fiscal de référence est élevé, plus le contribuable paie une part importante d’impôt sur le revenu.

En fait, l’étude citée est biaisée : les auteurs ont choisi d’ajouter au revenu des bénéfices de société non distribués, créant ainsi la notion de revenu économique. Celui-ci prend en compte les profits issus des sociétés dont les foyers sont actionnaires à plus de 10 %, mais qui n’ont pas été perçus et ne peuvent donc être soumis à l’impôt sur le revenu – et la France ne taxe que les revenus perçus. En revanche, ces profits sont soumis à l’impôt sur les sociétés, certes au taux de 25 % alors que celui de l’impôt sur le revenu pourrait être de 45 %.

La commission rejette les amendements.

 

 


  1.   Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15 heures (après l’article 7 (suite) à après l’article 10)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14071466_652fd51d45574.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--18-octobre-2023

Après l’article 7 (suite)

Amendements identiques AS742 de M. Sébastien Peytavie et AS1960 de M. Victor Catteau, amendements AS784 de M. Sébastien Peytavie et AS1209 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les cadeaux fiscaux successifs du Gouvernement aux entreprises, dans l’espoir que la prophétie du ruissellement se réalise, ont largement montré leurs limites. Année après année, les records de profits des multinationales françaises s’enchaînent, sans qu’aucune mesure ambitieuse soit prise pour les limiter. Entre 2018 et 2022, les bénéfices des 120 plus grosses capitalisations françaises ont progressé de 45,5 %, passant de 112 à 163 milliards d’euros – les bénéfices de Total se sont élevés à 18,8 milliards d’euros au premier semestre de l’année 2022. Pendant que l’hôpital s’effondre, Total et les entreprises du CAC40 génèrent toujours autant de bénéfices, en pillant nos ressources naturelles avec le concours des fonds publics.

Le Gouvernement nous dit que notre système va mal, que nous devons faire des économies en décalant l’âge de départ à la retraite, en plafonnant les dépenses de sécurité sociale et en doublant les franchises de médicaments. Nous disons que les Français ont assez souffert.

M. Victor Catteau (RN). Les surprofits n’ont pas été dégagés par les entreprises grâce à leur compétitivité, à leur innovation ou à leurs performances ; ils sont dus à des contextes extraordinaires. La crise sanitaire a bien profité à la grande distribution, alors que beaucoup de petits commerces avaient dû fermer. La guerre a permis à Total de tirer un gain de 20 milliards d’euros, dont 3 milliards sous forme de dividendes.

À l’heure où l’on recherche de l’argent pour financer le système de sécurité sociale, il faut aller le chercher là où il est, et reprendre l’idée lancée par le MoDem d’une taxation des surprofits.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement AS1209 est défendu.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Ces amendements sont les premiers d’une longue série, visant à créer des contributions exceptionnelles sur les profits de certaines entreprises. J’y apporterai une réponse commune, car les dispositifs que vous proposez sont très proches.

Tout d’abord, nous sommes tournés vers une solution européenne, que nous avons mise en œuvre en France : elle nous a permis de récupérer plus de 3 milliards d’euros, au titre des prélèvements sur la rente des producteurs d’électricité. Nous avons également soutenu la redistribution des profits de ces entreprises à leurs salariés, dans le cadre de la loi transposant l’accord national interprofessionnel de février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.

Ensuite, je rappelle que le financement de la protection sociale est assis à la fois sur les cotisations et sur les impôts et taxes affectées. Ces recettes sont très dynamiques : elles ont augmenté de 5,2 % cette année et leur croissance se poursuivra l’année prochaine à un rythme proche. La création de nouvelles taxes n’est donc pas nécessaire.

Enfin, vos amendements visent à établir des contributions dont l’application serait limitée à une période très brève – jusqu’en 2025 en général. Or les besoins de financement de la protection sociale sont permanents. Il est illusoire de prétendre couvrir des besoins pérennes par des prélèvements exceptionnels, dont la mise en œuvre est bornée dans le temps.

Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Marc Ferracci (RE). Ces amendements ne permettent pas de surmonter la difficulté à définir ce que sont les superprofits. Si on les fonde sur des résultats pluriannuels moyennisés ou sur des écarts aux résultats des entreprises, cela couvre un grand nombre de cas où les profits sont légitimes, fondés sur l’innovation, sur un management de qualité et sur la construction d’avantages comparatifs et concurrentiels. Le fondement même de la notion de superprofits est donc fragile.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS777 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Depuis des décennies, les combustibles fossiles sont à l’origine de marées noires, d’explosions et d’incendies qui empoisonnent l’environnement. Les compagnies pétrolières et gazières minimisent les conséquences de ces catastrophes environnementales et humanitaires et insistent sur leurs efforts de nettoyage. Or l’environnement peut mettre des décennies à se remettre, et la plupart des dégâts sont irréversibles.

La face immergée de l’iceberg, ce sont les 10 millions de personnes qui meurent chaque année à cause de la pollution de l’air due aux énergies fossiles ; c’est la totalité des écoles de la banlieue lyonnaise, qui dépassent les seuils de particules fines définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; ce sont nos enfants, qui souffrent, ou souffriront plus tard de maladies cardiovasculaires, d’insuffisance respiratoire ou de cancers ; ce sont plus de 12 millions de personnes qui souffrent d’affections de longue durée en France.

L’industrie du pétrole est pleinement responsable non seulement du déclenchement du réchauffement climatique, mais aussi de l’accroissement des maladies chroniques liées à la pollution, donc des tensions croissantes sur notre système de soins.

Mme la rapporteure générale. J’ai déjà détaillé les arguments pour lesquels mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS779 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les prix de l’alimentation n’ont jamais été aussi hauts depuis les années 1980, contraignant 79 % des Français à réduire leurs achats alimentaires – certains suppriment un repas dans la journée.

Alors qu’une partie de la population ne mange plus à sa faim, les géants de la distribution continuent d’augmenter leurs marges. Selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, si la hausse des marges pour l’industrie des pâtes n’a été que de 6,6 %, celle de la grande distribution a flambé – plus 57 %. Au premier trimestre 2023, Carrefour affichait une progression de ses revenus de 8,3 % dans l’alimentaire, tout en annonçant la suppression de 1 000 emplois en France. Le groupe prévoit de verser 409 millions d’euros de dividendes en 2023, contre 380 millions d’euros en 2022.

Non seulement ces entreprises ont répercuté sur le consommateur l’intégralité de la hausse des matières premières et de l’énergie, mais elles ont accru leurs profits. L’inflation est une aubaine pour les multinationales, qui accroissent davantage leurs bénéfices en accusant la hausse des prix.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit toujours du débat sur les superprofits. Avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes d’accord avec la NUPES pour taxer les surprofits.

Lors des travaux de la commission des finances vendredi dernier, deux personnes comptaient les votes lorsqu’ils étaient serrés, comme cela a été le cas il y a quelques minutes. Sans remettre votre décompte en cause, madame la présidente, serait-il possible de prendre quinze à vingt secondes pour nous assurer du résultat du vote ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Le compte est effectué par moi-même et par les administrateurs ; il est donc vérifié. En cas de doute, je procède plus lentement, mais cela n’a pas été nécessaire sur le vote que vous évoquez.

M. Thibault Bazin (LR). La confiance et le respect n’excluant pas le contrôle, j’avais moi-même compté les voix : le résultat était bien celui que vous avez indiqué.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS783 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les files d’étudiants qui attendent pour obtenir un panier-repas mesurent plusieurs mètres de long. Les Restaurants du cœur nous ont alertés, il y a quelques semaines, des grandes difficultés qu’ils rencontraient. Entre février 2022 et août 2023, l’association relève une augmentation de 50 % du prix du sucre, de 38 % de celui de la farine et des pâtes, et de 30 % de celui du beurre.

Le Fonds monétaire international (FMI) lui-même l’a confirmé, la hausse des bénéfices des entreprises représente près de la moitié de l’augmentation des prix en Europe au cours des deux dernières années. Les économistes du FMI ont établi que les entreprises ont augmenté les prix bien au-delà de ce que leurs coûts de production exigeaient. Entre fin 2021 et début 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 % à 48 %.

Bruno Le Maire demande poliment aux industriels d’arrêter de s’enrichir sur le dos des Français, et on augmente la franchise des médicaments, on fait la chasse aux arrêts maladie. Les Français en ont assez de payer la facture. Ils ne peuvent ni manger à leur faim, ni accéder à des soins de qualité. Quelle dignité y a-t-il, pour la septième puissance mondiale, à ce que des millions de personnes ne puissent plus satisfaire leurs besoins essentiels ?

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il y a quelques mois, le Gouvernement disait ne pas savoir ce qu’étaient les superprofits, ignorait les notions de profits ou de dividendes exceptionnels. Manifestement, la volonté politique a manqué pour s’y attaquer – autrement, nous aurions réussi à nous mettre d’accord sur une définition des superprofits. Au reste, il serait déjà bien de discuter des profits tout court.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). La première des préventions est de pouvoir manger à sa faim. Il y a une certaine schizophrénie à refuser de mettre le premier sou pour assurer le minimum à tous nos concitoyens et concitoyennes en sachant que les conséquences de cette inaction coûteront bien plus cher. Si on laisse les choses se dégrader, des personnes développeront des pathologies bien plus lourdes et il faudra les prendre en charge à l’hôpital, où il n’y a déjà plus de place.

M. Thibault Bazin (LR). On ne peut pas envoyer le message qu’une entreprise qui fera du résultat sera surtaxée. Si une entreprise ne fait pas de bénéfices, elle meurt. D’ailleurs, un chiffre d’affaires élevé n’est pas toujours synonyme d’un résultat élevé. Certaines entreprises ont des chiffres d’affaires très élevés, mais des résultats très mauvais. Dans les secteurs en croissance, la moyenne des années 2017, 2018 et 2019 est, à mon avis, biaisée, surtout avec l’inflation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS780 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les superprofits des industries agroalimentaires et pétrolières et de la grande distribution ne sont pas visés pour rien : ces entreprises contribuent à accentuer les inégalités et à abîmer la planète et la santé des personnes. Elles doivent contribuer à notre modèle de soins de demain.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

À propos de la prévention par le mieux-manger, je veux saluer le programme Mieux manger pour tous lancé par la ministre des solidarités et des familles. Dans mon beau département du Loiret, il se traduit par 265 000 euros pour des associations, avec des durées de subventions pouvant aller jusqu’à trois ans.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS776 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à instaurer une cotisation exceptionnelle sur les superprofits des sociétés de transport de marchandises.

Pour peu qu’on s’intéresse à l’espérance de vie en bonne santé ou sans incapacité, et à la manière de garantir et de financer notre système de soins, on est amené à demander qui pollue et qui produit quoi en matière agroalimentaire. Ce n’est pas pour rien que nous ciblons toute cette industrie, avec ses modèles financiers qui posent question, la qualité de ses productions et ses conséquences sur la santé.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS773 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’instaurer une taxe sur les fonds de pension, qui ne se sont jamais autant enrichis. La réforme des retraites a ouvert la porte à la capitalisation supplémentaire de notre système de retraite. Quand on affaiblit le système de retraite, on encourage les retraites parallèles avec ces fonds de pension pour garantir des pensions plus importantes. Au moment de la réforme, les sites spécialisés ont enregistré une augmentation de 80 % de demandes pour des plans d’épargne retraite.

Mme la rapporteure générale. Vous voulez encore créer un impôt supplémentaire. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Dans le secteur de l’agroalimentaire, précédemment visé, il ne faut pas globaliser. Il comprend des systèmes vertueux, comme les coopératives. Certains chiffres d’affaires peuvent être élevés sans forcément donner de gros résultats, et ces derniers peuvent être réinvestis.

Votre proposition s’agissant des plans d’épargne retraite n’est pas forcément bienvenue dans la mesure où l’entreprise abonde ces plans. Elle pourrait se retourner contre les salariés, notamment ceux de la classe moyenne, qui cherchent à se constituer une retraite.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS771 de M. Sébastien Peytavie et AS243 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La réforme des retraites a précisément été injuste pour les classes moyennes. Nous sommes opposés à cette réforme, adoptée en force à l’aide du 49.3, et à ses conséquences sur les fonds de pension.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je cherche, moi aussi, des ressources : sur les dividendes, sur les retraites chapeaux, sur les distributions gratuites d’actions, sur les superprofits... Ce qui motive cette proposition de contribution exceptionnelle sur les fonds de pension, c’est le montant total des actifs de cette retraite supplémentaire : 250 milliards d’euros, soit 4 % du stock du stock d’épargne financière des Français, selon la Banque de France ; 7 milliards de retraites supplémentaires sont versés chaque année, pour 330 milliards versés par le régime de retraite par répartition.

Mettre ces fonds de pension à contribution serait une mesure de salubrité économique. Selon la sénatrice Raymonde Poncet Monge, « ces fonds sont des acteurs de la délocalisation, c’est-à-dire du chômage, de l’optimisation fiscale, donc de la baisse des recettes de l’État. Ils sont aussi responsables d’investissements essentiellement polluants, là où les taux de rentabilité à court terme sont les plus importants. » L’amendement à la fois donnerait des ressources supplémentaires à la sécurité sociale et encadrerait l’utilisation des fonds de pension.

Mme la rapporteure générale. Nous avons déjà longuement débattu de ces questions à l’occasion du dernier projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) et du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Mon avis est toujours défavorable. Essayons de privilégier la discussion qui porte sur des amendements nouveaux.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1202 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Les fonds de pension ont le vent en poupe : BlackRock est le premier bénéficiaire des dividendes du CAC40, et tous les dividendes en croissance proviennent majoritairement des capitaux issus des plans épargne retraite des Français. Pour garantir cette augmentation, ces fonds délocalisent les usines, licencient des salariés et optimisent fiscalement leurs bénéfices.

C’est pourquoi cet amendement vise à instaurer une contribution, à hauteur de 10 % des bénéfices de ces entreprises – ceux réalisés en France ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. Elle serait reversée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), afin de financer décemment le travail essentiel des métiers du lien, notamment celui des auxiliaires de vie sociale.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS187 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Madame la rapporteure générale, ce n’est pas parce que des amendements reviennent régulièrement qu’ils ne méritent pas la confrontation. Le travail en commission consiste aussi à convaincre et à persuader.

Cet amendement aurait dû faire partie de la discussion commune sur la mise en place d’une redevance sur les lits dans les Ehpad non majoritairement habilités à l’aide sociale. Concrètement, il concerne ceux des établissements qui font le choix d’une tarification libre et qui bénéficient chaque année d’une revalorisation décidée par décret : ils ne sont donc pas soumis aux arrêtés des conseils départementaux, dont les taux de revalorisation sont sensiblement inférieurs, se situant entre 0 % et 3 %. Aurélien Rousseau nous a dit être inquiet quant à la financiarisation de l’accompagnement et de la prise en charge des personnes malades ; la financiarisation dans le champ de la prise en charge des personnes âgées est tout aussi problématique.

Par analogie à la redevance qui existe dans des domaines où les acteurs économiques détiennent une autorisation publique de générer de la rentabilité et du profit – les concessions autoroutières et les licences de téléphonie, notamment –, mettons en place cette redevance pour le secteur des Ehpad, afin de dégager des ressources consacrées à la modernisation du parc des Ehpad publics. Cela permettrait d’alimenter le fonds d’aide à l’investissement de la CNSA et, plus largement, d’améliorer la médicalisation et la présence de personnels supplémentaires dans les Ehpad.

Mme la rapporteure générale. Nous en avons effectivement déjà débattu. Il ne me semble pas nécessaire d’alourdir les charges des Ehpad, même si la discussion sur le financement est nécessaire, à moyen et long termes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1204 de Mme Caroline Fiat

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement d’appel vise à instaurer une cotisation exceptionnelle de 100 % sur les dividendes des Ehpad privés lucratifs, afin de financer la branche autonomie.

Les résidents d’Ehpad subissent des conditions de vie particulièrement dégradées, notamment dans les Ehpad privés lucratifs, où le taux d’encadrement est moins bon que dans les établissements publics. Début 2022, le scandale Orpea nous confirmait l’horreur des dérives des Ehpad privés lucratifs. Avec cet amendement, nous espérons mettre fin à ce modèle délétère.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement a le mérite de la clarté. À combien de fermeture d’Ehpad conduirait une taxation à 100 % ? Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous déposons cet amendement chaque année, et nous ne désespérons pas de vous convaincre. Il s’agit non pas de faire fermer ces établissements, mais de les faire reprendre par le secteur public. Personne ne doit gagner d’argent sur le dos des résidents ou au détriment de la santé. Nous choisissons de taxer à 100 % les dividendes sur la maltraitance institutionnelle. Nous voterons cet amendement avec conviction, pour ensuite faire adopter une loi sur le grand âge.

M. Thibault Bazin (LR). La réalité est qu’avec le vieillissement de la population, nous avons besoin de places en Ehpad. Les investissements publics sont insuffisants et l’argent n’est pas magique. Comment inciter des personnes à investir dans la rénovation ou la construction d’établissements si on leur promet de capter tous leurs bénéfices ?

Les abus que vous évoquez ne sont pas commis par tout le secteur privé ; des salariés y travaillent de manière vertueuse et s’occupent des personnes avec exemplarité. Heureusement, l’ensemble du secteur lucratif n’est pas à jeter à la poubelle, comme vous semblez le dire. Il offre aussi des solutions à des familles ; gardons-nous de les faire souffrir à travers ces attaques.

M. Yannick Neuder (LR). Ce n’est pas parce qu’une structure est privée que les enfants sont maltraités et les personnes âgées mal soignées, et les structures cliniques ne pensent pas qu’à faire des profits. On ne peut pas opposer le système public et le système privé ; dans certains territoires, le privé apporte la seule offre disponible.

Madame Fiat, en tant qu’aide-soignante, vous ne pouvez pas vous réjouir à l’idée que ces structures ferment : qu’adviendrait-il de tous les résidents ? Certes, les structures privées n’ont pas à faire des bénéfices au détriment du bien-être de leurs résidents, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les amener à fermer en captant tous leurs profits.

M. Fabien Di Filippo (LR). Mettons en place cette taxe à 100 % et 100 % des Ehpad privés fermeront : personne ne développe une activité sans perspective de profit.

Autant d’Ehpad associatifs ou publics que d’Ehpad privés connaissent des difficultés – pour le dire pudiquement – dans la prise en charge des personnes âgées. Il ne faut pas s’en tenir à la caricature d’un groupe dominant le parc des Ehpad privés, révélée par une récente étude. Votre philosophie parfaitement assumée du tout-public aurait, madame Fiat, des conséquences dramatiques, à court terme, et, dans le contexte de vieillissement de la population, à long terme également.

M. Marc Ferracci (RE). Cet amendement extrêmement dogmatique aurait pour conséquence de supprimer toute offre privée d’Ehpad – mieux vaudrait une loi de nationalisation des Ehpad. Vous voulez nationaliser le système, mais nous n’avons pas les moyens de l’assumer avec de l’argent public. Vous nous direz sûrement qu’il suffit de prendre l’argent là où il se trouve... Vous vous préoccupez bien peu du bien-être des gens, qui ont besoin de places en Ehpad et qui verraient leur situation dégradée par le retrait de l’offre privée.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Souvenez-vous de l’affaire Orpea ! La question n’est pas le privé ou le public, mais le but lucratif. Où est la vertu quand des structures font des bénéfices sur l’accueil des personnes âgées, alors que, parallèlement, des gens qui n’ont pas de moyens n’ont pas de place en Ehpad ? C’est ce système qui fait de l’argent sur les vieux – pour le dire trivialement – que nous contestons. De telles structures n’ont pas leur place dans l’accueil du grand âge. Des établissements publics ou associatifs doivent reprendre progressivement la main, en ayant les moyens d’accueillir correctement les gens.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Si les entreprises privées à but lucratif cessent leur activité, les structures et les personnels pourront être repris par le public. D’ailleurs, ces structures fonctionnement principalement avec de l’argent public ; c’est notre argent, à toutes et tous, qui leur permettent de faire des bénéfices. Ce n’est pas normal, sachant que nous en avons besoin pour créer plus de places et pour offrir un meilleur accueil à nos personnes âgées. Il faut revoir notre système en considérant que, non, on ne fait pas de bénéfices sur le dos de la santé, des vieux ou des enfants.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous pourrions tout aussi bien avoir ce débat à propos des cliniques privées, qui connaissent des mouvements de financiarisation et de regroupement. La question est de savoir comment encadrer et réguler, voire moraliser, le secteur des Ehpad, dans lequel 20 % à 22 % des opérateurs sont privés. Des dispositions ont déjà été prises pour remédier aux failles du système, dont certains ont profité pour se rendre responsables d’abus de détournement de fonds publics.

Le système privé n’est d’ailleurs pas très solide, puisqu’il a nécessité une intervention indirecte de la puissance publique. Peut-on parler de nationalisation quand la Caisse des dépôts et consignations est mise à contribution pour renflouer Orpea, notamment pour sauver les emplois et les places offertes ? Cela pose au moins la question du bénéfice raisonnable dans ces établissements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS781 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Depuis hier, nous avons mis en évidence le manque de recettes pour répondre à l’ensemble des besoins ainsi que les problèmes démographiques.

Le présent amendement propose de taxer les robots. La richesse qu’ils produisent est une chance et elle doit être mise au service de l’ensemble de la population.

Le remplacement du personnel de caisse par des caisses automatiques offre une rentabilité plus importante aux commerces alimentaires, pour ne citer qu’eux. En contrepartie, il est légitime qu’une petite partie de la richesse produite en économisant sur le coût du travail grâce à ces caisses automatiques soit reversée au système de sécurité sociale.

Mme la rapporteure générale. La fameuse taxe sur les robots est un impôt supplémentaire que vous allez faire supporter aux commerces. Cela risque d’alourdir les coûts de fonctionnement des magasins alimentaires, qui sont répercutés sur les prix et les salaires.

Avis défavorable.

M. Stéphane Viry (LR). Vos arguments relèvent un peu du cliché, madame la rapporteure générale.

Nous débattons de la protection sociale, qui est financée par des cotisations assises sur les salaires. On a assisté depuis des décennies à des destructions d’emplois liées à la robotisation de l’industrie, puis à la numérisation et bientôt à l’intelligence artificielle. Elles ont peut-être été compensées par des créations d’emplois dans d’autres secteurs, mais ce phénomène a privé la sécurité sociale de cotisations.

L’idée de taxer les robots avait été évoquée lors du débat sur le projet de réforme des retraites. Cette question mérite d’être étudiée. L’amendement propose une expérimentation limitée puisque l’imposition ne porterait que sur les caisses automatiques des grandes surfaces, notamment alimentaires, et qu’il ne prévoit pas de taxer la numérisation des métiers ou l’intelligence artificielle. Le dispositif pourrait certes être adapté, mais on ne peut pas considérer qu’aucune question ne se pose et qu’on peut faire durablement l’impasse de cette réflexion pour le financement de la protection sociale.

M. Marc Ferracci (RE). Cet amendement fait l’impasse sur la pénibilité de certains métiers. Les caisses automatiques permettent aussi de remplacer un travail extrêmement pénible et qui est à l’origine de beaucoup de troubles musculo-squelettiques.

Si on élargit le débat sur la taxation des robots à l’ensemble de l’économie, on est conduit à aborder la question de l’augmentation de la productivité, sans laquelle on ne peut pas parler de partage de la valeur ajoutée.

La France est l’un des pays où le taux de robots est le plus faible. Ce taux s’élève à 930 robots pour 10 000 salariés en République de Corée, à 371 en Allemagne, à 255 aux États‑Unis et à 194 en France. Le décrochage de la productivité que nous connaissons n’est pas sans lien avec ce retard. Cela pèse sur notre capacité collective à créer des richesses pour financer la protection sociale. Il faut donc faire très attention à ce problème.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est en quelque sorte l’inverse du théorème de Helmut Schmidt : les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain qui ne seront pas forcément les emplois d’après-demain.

Je veux bien entendre l’argument de la pénibilité. Le progrès technologique a en effet permis d’alléger un certain nombre de tâches éprouvantes, mais la difficulté est que le processus schumpétérien de destruction créatrice n’est pas vérifié. Les caissières de supermarché qui ont été remplacées par des automates et licenciées ne sont pas certaines de retrouver un emploi, et donc d’alimenter les caisses de la sécurité sociale.

Il est nécessaire de faire contribuer au financement de la protection sociale ceux des robots qui se substituent à de la main-d’œuvre qui cotise. Cela va dans le sens d’une refonte du financement de la protection sociale qui mettrait à contribution les investissements dans la robotisation.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Compte tenu des évolutions de la société, du rapport au travail et de la démographie, il faut réfléchir à un autre mode de financement de la sécurité sociale.

M. Ferracci a évoqué notre retard par rapport à la Corée en matière de robots. Mais ce phénomène n’est pas lié à une taxe qui frapperait ces derniers. Son argument n’est donc pas suffisant pour épuiser le débat.

Il est de notre devoir d’anticiper les évolutions futures, ce que l’on ne peut pas faire si l’on s’en tient aux schémas de financement établis.

M. Nicolas Turquois (Dem). On évoque le remplacement des caissières par des robots, mais on peut multiplier les exemples au cours des cent cinquante dernières années. Avec un tracteur, un agriculteur remplace les cent paysans dont on avait besoin il y a un siècle.

Le financement de la protection sociale est assuré non seulement par les cotisations sur les salaires, mais aussi par la contribution sociale généralisée (CSG), qui est assise sur l’ensemble des revenus.

L’utilisation des robots va détruire des emplois dans les prochaines années, mais elle va aussi en créer. Cet amendement n’a pas de sens au regard de l’histoire économique.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La question n’est pas là. Vous êtes obnubilés par les dépenses ; nous le sommes par les recettes. Nous tenons à un financement de la sécurité sociale par les cotisations et nous essayons tout simplement d’en élargir l’assiette.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1798 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). J’avais déjà déposé cet amendement l’an dernier et on m’avait demandé de le retirer afin que le sujet soit étudié dans l’année. Or il n’y a eu aucune suite. Je le présente donc de nouveau.

Il propose d’instaurer un prélèvement sur les bénéfices des plateformes en ligne qui diffusent des contenus à caractère pornographique. Des travaux ont été menés dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique afin de protéger les enfants. Il n’en reste pas moins que ces derniers sont parfois exposés à la pornographie de manière involontaire. Des études menées par des pédiatres il y a plus de vingt ans avaient déjà montré que ce premier visionnage avait des conséquences équivalentes à un viol.

Le produit de ce prélèvement serait affecté à l’assurance maladie, afin d’aider la prise en charge des troubles de la santé mentale des enfants concernés et d’éviter ainsi la reproduction de certains comportements dans l’avenir.

Mme la rapporteure générale. Créer un tel prélèvement ne semble pas être la meilleure manière de lutter contre l’exposition des enfants à la pornographie.

En revanche, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, qui a été adopté en première lecture hier, permet de contrôler efficacement l’âge des personnes qui se connectent à ces plateformes. Il est dommage que votre groupe se soit abstenu.

Avis défavorable.

M. Victor Catteau (RN). Nous ne nous sommes pas abstenus sur l’article auquel vous faites référence. Surtout, nous avions déjà déposé cet amendement l’année dernière – et vous étiez alors d’accord avec nous. Il aurait été bien que vous reconnaissiez la cohérence de notre groupe.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS242 de M. Jérôme Guedj, AS774 de M. Sébastien Peytavie et AS1512 de M. Yannick Monnet

M. Jérôme Guedj (SOC). Toujours dans la perspective de permettre à la sécurité sociale de remplir ses missions, l’amendement tend à assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution pour l’assurance vieillesse – ou pour toute autre de votre choix. Un décret fixerait les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Avec l’amendement AS774, la création d’une contribution sur les revenus financiers des sociétés financières et non financières serait une mesure d’utilité publique, car les activités spéculatives sont très polluantes. Elles contribuent, en outre, à l’inflation. Enfin, puisque vous aimez la valeur travail, il n’y a aucune raison de favoriser les revenus financiers.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Établie au même taux que les cotisations patronales et salariales du secteur privé, cette contribution de justice sociale procurerait 30 milliards d’euros de recettes nouvelles, ce qui permettrait largement de financer les retraites – et même de revenir sur la mauvaise réforme que vous avez imposée aux Français.

Ce PLFSS montre d’ailleurs bien l’inefficacité de cette dernière en matière de réduction du déficit, ce que nous n’avons cessé de répéter. En effet, le déficit de la branche vieillesse devrait s’accroître jusqu’à 14 milliards d’euros en 2027. Le Conseil d’orientation des retraites a estimé que la situation du système de retraite se détériorerait entre 2022 et 2032, avec un déficit qui passerait à 0,5 ou 0,8 point de PIB selon le scénario retenu. Le déficit devrait ainsi s’établir entre 7,5 et 10 milliards en 2027, pour grimper ensuite entre 12, 5 et 20 milliards à l’horizon de 2032.

L’adoption de notre amendement permettrait donc de sécuriser le système de retraite.

Mme la rapporteure générale. Je ne voudrais pas laisser croire qu’il n’y a pas de fiscalité pour ce que vous appelez les revenus financiers. Ils font l’objet du prélèvement forfaitaire unique.

Avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Sans vouloir créer une polémique, je souhaite revenir sur les derniers propos de Mme Rousseau. On peut avoir des divergences politiques au sujet du niveau de taxation des profits des entreprises, mais il n’est pas avisé de dire que certains d’entre nous défendent la valeur travail. Cela suppose que d’autres ne la défendraient pas.

Or cette valeur constitue le fondement de la société et du modèle éducatif français, et on la remet en cause si l’on n’encourage pas les jeunes à faire des études pour obtenir un travail qui leur plaît. La liberté au sein de la société s’acquiert davantage par le travail que par la revendication de droits. Je trouve dommage que vous véhiculiez un tel message.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Mais nous n’avons pas les mêmes valeurs, monsieur, et c’est pour cela que nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs.

Par-delà la question de la valeur travail, on assiste à la transformation de notre système de protection sociale. Il est actuellement fondé sur la notion de welfare, c’est-à-dire sur un universalisme unique au monde, qui assure la richesse de notre système tout en lui donnant la capacité de résister aux crises. Or on est en train de passer à un système de workfare, où l’on doit mériter la solidarité.

Nous sommes radicalement opposés à cette révolution silencieuse qui conduit à abandonner l’universalisme des droits. C’est, par exemple, le cas dans le projet de loi pour le plein emploi, qui permet de ne plus rien verser à des personnes qui étaient titulaires du RSA.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS2301 de M. Sébastien Peytavie et AS860 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Mon amendement tend à taxer la publicité pour les jeux d’argent et de hasard.

Le chiffre d’affaires des opérateurs de jeux d’argent est issu à hauteur de 40 % des sommes misées par des personnes qui jouent de manière excessive ; ce taux s’élève à 60 % pour les paris sportifs. Les Français ont parié la somme record de 615 millions d’euros pendant la Coupe du monde de football de 2022 et les compétitions prévues en 2024 risquent de confirmer cette tendance – sachant que La Française des jeux est partenaire officiel des prochains jeux Olympiques.

Parallèlement, le budget publicitaire des plateformes de jeux d’argent et de hasard a augmenté de 26 % entre 2019 et 2021. Les campagnes publicitaires pour les paris sportifs sont intenses pendant les compétitions de football et de rugby, et bientôt lors des jeux Olympiques.

Avec cette taxe qui abondera les caisses de la sécurité sociale, les opérateurs de jeux s’acquitteront du coût des dommages induits par leurs activités et financeront la prévention.

M. Jérôme Guedj (SOC). Mon amendement a le même objet. Il permettra d’obtenir des ressources supplémentaires, mais aussi de répondre à des objectifs de santé publique. On connaît la nocivité de l’addiction à ces jeux.

Nous pouvons nous appuyer sur les exemples de politiques menées en Europe pour inciter à ne pas jouer, grâce à des lois qui permettent de contrôler davantage la publicité pour les jeux d’argent et le parrainage. En Belgique, la publicité pour les paris sportifs à la télévision, à la radio et sur internet est interdite pendant la diffusion des compétitions sportives, en direct ou lors des rediffusions. En Italie, la publicité pour les paris sportifs est interdite depuis avril 2019. Quant aux opérateurs britanniques, ils ne peuvent pas faire de la publicité pour ces paris à la télévision.

Ce que nous proposons est destiné à prévenir des comportements addictifs qui posent des problèmes au même titre que le tabac, l’alcool ou la drogue. Les ressources nouvelles permettront notamment de financer des actions d’éducation à la santé en matière d’addiction.

Mme la rapporteure générale. Il est en effet nécessaire de lutter contre la croissance de l’addiction à ces jeux.

Beaucoup d’amendements qui vont suivre tendent à augmenter des taxes pour lutter contre des comportements. Nous ne souhaitons pas adopter cette méthode, ce qui ne veut pas dire que notre commission ne doit pas travailler sur la manière de combattre les addictions.

Avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Je note que les jeux Olympiques vont aussi être parrainés par des grandes marques de l’agroalimentaire, dont les produits ne correspondent pas aux recommandations en matière de diététique ou de prévention des maladies cardiovasculaires ou du diabète.

Je ne sais pas s’il faut légiférer de la même façon pour les paris sportifs, mais on voit qu’il faut prendre en considération les conséquences négatives des addictions mentales et de la malbouffe pour la santé publique. Nous devons trouver les moyens adaptés pour expliquer aux consommateurs que certaines choses ne sont pas bonnes pour leur santé.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Taxer les opérateurs de jeux est intéressant, mais ce n’est au fond qu’une maigre compensation de la disparition d’un outil efficace d’encadrement des jeux d’argent. La Française des jeux était en effet une entreprise publique jusqu’à ce que vous la bradiez en 2019. Nous avons d’ailleurs perdu beaucoup d’argent, car ses bénéfices ont progressé de 107 % depuis lors. Ils ont été reversés à hauteur de 80 % aux actionnaires.

Cette privatisation était-elle un bon choix ? Si La Française des jeux était restée publique, au lieu de dilapider ses bénéfices en les versant aux actionnaires, nous aurions pu les utiliser pour mettre en place des actions de prévention. Le maintien du contrôle public aurait permis de prendre en compte l’objectif de limitation des addictions alors que, dans une entreprise privée, on sait qu’il s’agit seulement de faire plaisir aux actionnaires.

Mme la rapporteure générale. Ces catégories de jeux font déjà l’objet d’une fiscalité spécifique, dont les taux sont nettement plus élevés que celui de la taxe que vous souhaitez créer. À titre d’exemple, le taux des contributions publiques sur le produit brut des jeux atteint 46 % pour les paris sportifs et 67 % pour les loteries.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS229 de M. Jérôme Guedj et AS2421 de M. Sébastien Peytavie, amendements identiques AS703 de Mme Corinne Vignon, AS872 de Mme Josiane Corneloup, AS1839 de M. Matthieu Marchio, AS2553 de M. Hadrien Clouet et AS2591 de Mme Sabrina Sebaihi, amendements identiques AS1910 de Mme Mireille Clapot, AS2551 de Mme Karen Erodi et AS2796 de Mme Maud Petit (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). En matière de santé et de perte d’autonomie, tout le monde est d’accord pour dire que la prévention doit s’appuyer sur les leviers essentiels que sont l’activité physique adaptée, la consultation de diététiciens ou d’autres formes de thérapies non médicamenteuses que la Haute Autorité de santé a parfaitement identifiées. Les organismes de protection complémentaire, dont notamment les mutuelles, remboursent certaines de ces actions. Il faut inciter davantage ces acteurs de la prévention à les intégrer dans leurs contrats.

À cet effet, mon amendement tend à instaurer un taux réduit pour la taxe de solidarité additionnelle (TSA) en faveur des organismes de protection complémentaire qui couvriraient ces actions de prévention. Cette proposition s’inspire du travail réalisé par Régis Juanico au cours de la précédente législature pour lutter contre la sédentarité.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Par cet amendement, nous proposons de ramener à 5 % le taux de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) sur les contrats d’organismes complémentaires prenant en charge des séances de diététique, de psychologie et d’activité physique adaptée.

La santé mentale n’est pas suffisamment prise en compte par notre système de soins. On a pu s’en apercevoir lors de la crise de la covid, pendant laquelle de nombreux jeunes se sont trouvés en très grande difficulté. La Mutualité française nous a précisé que 460 000 personnes ont bénéficié des séances de psychologie remboursées. Ce dispositif a changé trois fois de nom, le dernier étant Mon soutien psy, ce qui témoigne de sa faible portée. Comme l’ont montré les auditions menées dans le cadre du travail réalisé, en conclusion du Printemps social de l’évaluation de 2023, par Éric Alauzet, Pierre Dharréville et moi-même, ce dispositif a raté sa cible : toutes les personnes qui en auraient besoin n’y ont pas accès.

Mme Corinne Vignon (RE). Une part importante des signataires de contrats d’organismes complémentaires bénéficie d’une aide pour payer sa cotisation, notamment par le biais de l’obligation pour l’employeur de participer à son financement. Ce n’est pas le cas pour d’autres publics.

Pour pallier cette différence de traitement et alléger la charge pesant sur les personnes concernées – retraités, chômeurs privés de la portabilité de leur contrat de prévoyance, jeunes sans emploi –, il est proposé de baisser le taux de la TSA applicable aux contrats non éligibles à un avantage fiscal ou non pris en charge par l’employeur.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS872 a pour objet de rendre davantage accessible l’assurance complémentaire pour les populations les plus fragiles en diminuant la fiscalité.

M. Matthieu Marchio (RN). Nous proposons d’ajuster le taux de la TSA à 7,04 % pour les contrats ne bénéficiant pas d’avantages fiscaux ou de prise en charge par l’employeur. Cette réduction de la taxe soulagerait directement les ménages concernés, en augmentant leur pouvoir d’achat et en garantissant un accès équitable aux soins.

La santé est un droit fondamental. Il est du devoir du législateur de veiller à ce que chacun en bénéficie, quel que soit son statut professionnel ou sa situation économique. Avec cet amendement, nous agissons en faveur d’une société plus équitable où chaque individu a la possibilité de se protéger contre les aléas de la vie sans subir de charges excessives.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Encore une fois, nous souhaitons favoriser la prévention. Il s’agit, par l’amendement AS2553, de faciliter l’accès à des organismes complémentaires, et donc le remboursement de thérapies non médicamenteuses pour les personnes les plus fragiles. Cela leur permettrait, ainsi qu’à la société, de faire des économies à terme en évitant d’en arriver au stade des soins curatifs.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Si plusieurs dispositifs permettent de baisser le coût des mutuelles pour les salariés ou pour les travailleurs non salariés, une partie importante de la population continue de payer cher sa couverture maladie. Cela concerne les retraités, les jeunes sans emploi et les chômeurs ayant perdu la portabilité de leur ancienne mutuelle.

Par l’amendement AS2591, nous proposons donc de baisser cette taxe à 7,04 % pour l’ensemble des personnes ne bénéficiant pas d’un financement de l’employeur, de manière à réduire le coût pour les assurés. Cette mesure permettrait d’ouvrir au plus grand nombre l’offre complète de soins, ce qui contribuerait activement à la prévention et à la politique de santé publique.

Mme Mireille Clapot (RE). Cet amendement a été travaillé avec la Mutualité française et il s’inspire du rapport d’information sur l’évaluation des politiques de prévention en santé publique, rédigé lors de la précédente législature par Marie Tamarelle-Verhaeghe et Régis Juanico.

Les Français veulent de plus en plus être incités à pratiquer des activités de prévention. Bouger et mieux manger permet de prévenir des maladies chroniques comme l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension artérielle et certains cancers. L’activité physique sur prescription et le recours à un diététicien constituent des thérapies non médicamenteuses qui pourraient être favorisées par une fiscalité réduite sur les contrats proposés par les mutuelles.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Mon amendement s’inscrit dans l’ambition du virage préventif en prévoyant une fiscalité spécifique de 10,27 % sur les garanties des complémentaires santé prenant en charge certaines actions de prévention, comme l’activité physique ou des séances de diététiques.

Dès 1948, l’OMS a défini la prévention comme « l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». Elle est donc essentielle. Or elle est pratiquement inexistante et, lorsqu’elle existe, elle repose sur une forme de culpabilisation qui la rend inefficace.

Notre groupe souhaite donner la priorité à une véritable prévention, ô combien importante, car la santé ne se résume pas à des soins techniques.

Mme Maud Petit (Dem). En France, 20 millions de personnes – soit 35 % de la population – souffrent de maladies chroniques et sont couvertes par le régime général, ce qui représente un coût important. Des thérapies non médicamenteuses, validées scientifiquement, existent désormais ; elles ont prouvé leur efficacité pour lutter contre l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension artérielle et certains cancers.

Afin de soutenir les actions de prévention et de souligner l’importance d’une approche préventive de la santé, nous proposons une taxation spécifique de 10,27 % sur les garanties des complémentaires santé prenant en charge certaines actions de prévention, comme l’activité physique ou des séances de diététique. Ce taux a été calculé en prenant en compte la différence entre les sommes collectées au taux actuel et le coût des actions de prévention pour les complémentaires santé.

À l’heure où le Gouvernement répète qu’il souhaite favoriser la prévention, l’adoption de cet amendement serait un beau premier pas dans cette direction.

Mme la rapporteure générale. Il faut en effet progresser en matière de prévention. C’est ce que nous faisons depuis six ans, et nous continuons à le faire dans ce PLFSS. J’espère que notre discussion pourra aller jusqu’aux articles qui portent sur les mesures de prévention – le projet prévoit d’y consacrer 150 millions d’euros.

Cependant, les réductions de taux de TSA proposées dans ces amendements entraîneraient une baisse importante des recettes de la sécurité sociale. En outre, des taux réduits existent déjà pour cette taxe, afin de favoriser les contrats responsables et solidaires. Je ne peux donc y être favorable, même si nous devons continuer à étudier comment financer davantage la prévention.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Financer la sécurité sociale par une taxe sur les mutuelles pose ô combien un problème.

Jean-Paul Benoît, président de la Fédération des mutuelles de France, a déclaré dans le journal La Marseillaise que les mutuelles sont plus taxées que les produits de luxe. C’est un fait : plutôt que d’aller chercher des ressources en revenant sur des exonérations de cotisations, on a choisi de taxer les mutuelles. Cela conduit mécaniquement à une augmentation des cotisations demandées par ces dernières, car il faut bien trouver les fonds pour payer cette taxe.

Il faut vraiment s’interroger sur ce qui constitue une imposition déguisée et un mode de financement injuste de la sécurité sociale.

Mme Sandrine Josso (Dem). Le dispositif au départ dénommé Mon parcours psy et qui est devenu Mon soutien psy a été conçu pour évoluer de manière continue, en bonne intelligence avec tous les acteurs de la santé mentale. D’autres pays, comme la Belgique, ont mis en place des dispositifs similaires et ils les ont adaptés au fur et à mesure. Nous avons plus à gagner à nous demander comment améliorer ce dispositif qu’à le critiquer.

M. Jean-François Rousset (RE). Le rôle des mutuelles est très important en matière de prévention. Une bonne mutuelle acceptera d’y consacrer d’importants moyens pour ne pas avoir d’importantes dépenses ultérieures. C’est une démarche naturelle de bonne gestion qui ne mérite peut-être pas de faire l’objet d’incitations en matière de taxation.

D’ailleurs, les mutuelles devraient proposer de véritables parcours de soins, de la petite enfance jusqu’au séjour en maison de retraite, afin d’enseigner comment mieux se nourrir à chaque stade de la vie pour prévenir l’obésité et les problèmes bucco-dentaires.

Bref, les taxes ne me semblent pas le bon vecteur pour aborder le sujet.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Pour améliorer le dispositif Mon soutien psy, il faut au préalable savoir pourquoi il ne fonctionne pas et pourquoi 90 % des psychologues refusent d’y participer. Ils n’en veulent pas, car ils ne sont pas d’accord avec l’obligation faite au patient de consulter préalablement un médecin. Ils contestent également le nombre de séances remboursées et leur tarif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1203 de Mme Caroline Fiat

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). De nombreuses aides à domicile nous disent qu’elles aiment leur métier mais qu’elles ne parviennent pas à en vivre, notamment en raison de leur faible salaire qui, selon le ministère du travail, s’élève en moyenne à 700 euros.

Ce type d’emploi relève très largement du temps partiel subi, alors que nous avons besoin d’un nouveau mode de fonctionnement et d’un service public de l’aide à domicile. Les entreprises qui abusent des contrats à temps partiel et qui ne font pas tout pour que les aides à domicile puissent être payées au Smic doivent s’acquitter d’une taxe.

Mme la rapporteure générale. La diminution du temps partiel subi est l’un des enjeux de la conférence sociale qui s’est tenue lundi et il appartient aux organisations syndicales de s’en saisir.

Avis défavorable.

M. François Gernigon (HOR). Nous avons besoin d’une véritable politique territoriale pour organiser l’accompagnement à domicile. C’est le sens de l’article sur le service public territorial de l’autonomie de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France.

Mme Sandrine Josso (Dem). J’invite M. Peytavie à une réunion qui aura lieu ce soir, à l’Assemblée nationale, avec une association de psychologues qui s’engagent dans Mon soutien psy. Il me paraît plus sain de contribuer à améliorer ce dispositif plutôt que de le critiquer.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’aurais aimé pouvoir en débattre. Le rapport que nous avons rendu avec mes collègues Peytavie et Alauzet met en lumière l’échec de Mon soutien psy.

Nous sommes confrontés à un problème d’efficacité dans l’utilisation de l’argent public. Il faut parfois un an pour avoir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique et nous dépensons de l’argent pour un dispositif qui ne fonctionne pas et qui est très critiqué par les professionnels. Il faut en tirer les leçons et cesser de prétendre que ce n’est pas un échec.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1196 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous proposons de créer une cotisation spécifique sur les revenus dépassant cinq plafonds annuels de la sécurité sociale, ce qui équivaut à 18 330 euros mensuels et à 219 000 euros par an.

L’État organise la faillite de la sécurité sociale en réduisant l’ensemble des cotisations qui abondent ses fonds. Il est fondamental de favoriser son financement pérenne en supprimant l’ensemble des exonérations de cotisations qui ont des visées incitatives. De nombreux leviers existent pour permettre à la sécurité sociale de retrouver une bonne santé, sans contraindre les budgets qui pèsent sur les établissements publics.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

La réunion est suspendue de seize heures vingt-cinq à seize heures quarante.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Compte tenu du rythme de discussion des amendements, il sera difficile de terminer l’examen du texte vendredi soir. Est-il possible de reporter à dimanche, treize heures, le délai de dépôt des amendements pour la séance publique ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Depuis hier, nous avons étudié 212 amendements et il est encore prématuré de définir une date de fin d’examen. Nous sommes passés à une prise de parole par groupe, puis nous passerons à l’expression d’un pour et d’un contre par amendement, quitte à revenir à une prise de parole par groupe sur certains sujets.

Mme Caroline Janvier (RE). Nos discussions se poursuivront dans la nuit de vendredi à samedi mais le délai de dépôt des amendements pour la séance publique ne peut pas être reporté, des milliers d’amendements devant être traités en vue de la séane. Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’accélérer.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. L’objectif est bien d’achever l’examen du texte.

 

Chapitre II – Simplifier le recouvrement social et le financement de la sécurité sociale

Article 8
Simplification de l’organisation du recouvrement

Amendements identiques AS1945 de M. Victor Catteau et AS2785 de M. Nicolas Turquois

Mme Anne Bergantz (Dem). L’article 1er de l’ordonnance du 23 juin 2021 relative au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage donne la possibilité aux branches professionnelles et aux organisations interbranches de recourir aux Urssaf et aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour recouvrer les contributions conventionnelles de formation professionnelle et de dialogue social.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2024, les opérateurs de compétences (Opco) n’auront plus la possibilité de recouvrer les contributions conventionnelles de dialogue social versées en application d’un accord collectif.

L’amendement AS2785 vise à maintenir la possibilité, pour les branches professionnelles et les organisations interbranches qui le souhaitent, de confier aux Urssaf le recouvrement des contributions conventionnelles de formation professionnelle et de dialogue social, que cet article prévoit de supprimer.

Mme la rapporteure générale. Il était en effet prévu que les Urssaf transmettent les sommes recouvrées à France compétences pour les contributions à la formation professionnelle ainsi qu’à l’Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN) pour les contributions au dialogue social, lesquelles auraient eu la mission de répartir ces sommes entre les différentes branches. Selon les informations recueillies auprès des services, les partenaires sociaux en charge de la gestion de l’AGFPN n’ont pas estimé être techniquement en mesure de jouer ce rôle. Pour ces raisons, il paraît plus sage de ne pas poursuivre cette réforme, dont le but était de simplifier le recouvrement et non de le complexifier.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Nous voterons en faveur de l’article 8 non modifié, qui va dans le sens de ce que nous avions voulu faire dans le PLFSS 2023 en supprimant le transfert du recouvrement des cotisations retraites de l’Agirc‑Arrco vers les Urssaf pour 2022.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’amendement vise à permettre que les Urssaf ou les MSA continuent de recouvrer les cotisations de formation professionnelle. Nous avions un appel pour l’ensemble de nos cotisations sociales et nous devrons répondre à autant d’appels qu’il y a d’Opco, ce qui compliquera la vie des agriculteurs.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je me félicite de ce recul gouvernemental, qui fait suite au rejet de cette disposition par les acteurs sociaux. J’espère que cela augure d’autres prises de conscience. Je me réjouis donc que l’on ait renoncé à priver l’Agirc-Arrco de sa propre capacité de recouvrement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Louons en effet la sagesse du Gouvernement, qui résulte de la mobilisation des partenaires sociaux de l’Agirc-Arrco ! Puissiez-vous entendre ces derniers, et les parlementaires qui relaient leurs inquiétudes, s’agissant de l’utilisation de leur réserve !

Mme la rapporteure générale. La contribution légale due par l’ensemble des branches reste recouvrée par l’Urssaf. Il s’agit uniquement ici des contributions conventionnelles. Le travail qui a été réalisé n’a pas permis d’opérer la distinction entre différentes branches.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 8 non modifié.

Après l’article 8

Amendement AS1621 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement vise à instaurer une garantie financière pour les entreprises de sécurité privée afin de garantir le paiement des cotisations sociales dues et de fiabiliser ces entreprises.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement propose des pistes intéressantes mais, en l’absence d’étude d’impact précise, il est difficile d’en apprécier les conséquences.

Par ailleurs, vous renvoyez un grand nombre d’éléments essentiels à l’opérationnalité de votre proposition à un décret. L’avis du Gouvernement serait utile pour nous permettre de statuer. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon, avis défavorable.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous débattons d’un texte alors que, dans l’hémicycle, la Première ministre agite le 49.3. Je demande une suspension de notre réunion. Il n’est pas possible de continuer à examiner ce PLFSS quand tout le travail réalisé en commission sur le projet de loi de finances est bafoué.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Il n’y aura pas de suspension.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne peux précisément évaluer les conséquences d’une telle disposition. Vous connaissez ce fléau que sont les entreprises éphémères. Je cherche à sécuriser les cotisations sociales dues par des entreprises qui, par délégation, exercent des missions de sécurité publique.

Il est fort probable que nous ne puissions pas avoir l’avis du Gouvernement à ce propos. Pourriez-vous lui faire part de cet enjeu important, surtout à la veille des jeux Olympiques ?

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS849 de M. Frédéric Maillot et AS1981 de M. Olivier Serva

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement AS849 vise à prendre en compte des spécificités de nos territoires d’outre-mer.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il convient d’envoyer un signal clair aux cotisants ultramarins rencontrant des difficultés de paiement de leurs charges sociales : le poids de leur dette n’augmentera pas s’ils s’engagent à régler leurs cotisations courantes tout en résorbant leur passif. Par l’amendement AS1981, il s’agirait d’offrir l’opportunité aux cotisants ultramarins, durant deux années, de négocier avec les caisses de recouvrement compétentes des plans d’étalement de la dette de six à soixante mois en fonction des situations.

Mme la rapporteure générale. Je m’engage, monsieur Bazin, à vous faire part du point de vue du Gouvernement.

Ces mesures exceptionnelles étaient liées à la crise du covid. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je m’insurge à mon tour contre la banalisation du 49.3, que nous confortons en poursuivant notre réunion.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. J’ai déjà répondu à cette objection.

La commission rejette les amendements.

Article 9
Simplification du schéma de financement du système de retraite dans le cadre de l’extinction des régimes spéciaux

Amendements de suppression AS110 de M. Sébastien Peytavie, AS919 de M. Pierre Dharréville, AS1304 de M. Paul-André Colombani, AS1613 de M. Thibault Bazin et AS2512 de M. Frédéric Mathieu

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Quelle coïncidence que la discussion de cet article sur les retraites au moment même où un nouveau 49.3 s’apprête à tomber !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je renouvelle mon désaccord avec votre décision de ne pas interrompre nos travaux.

Cet article vise à assurer l’équilibrage des régimes spéciaux fermés suite à l’utilisation du 49.3, contre l’avis unanime des Français. Ces fermetures créent des déficits puisque le nombre de cotisants sera moindre et que les pensions devront continuer à être versées. Pour combler ce manque de ressources, le Gouvernement prévoit de se servir largement dans les caisses de l’Agirc-Arrco, dont les ressources sont issues des cotisations des salariés du secteur privé afin de financer leur retraite complémentaire.

En décidant de ponctionner ces excédents, vous procédez à un détournement et, une fois encore, le Gouvernement s’attaque à la gestion paritaire. La contribution de l’Agirc-Arrco sera fixée dans une convention approuvée par les ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget « au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite ». Cela revient à méconnaître la contribution de fait de ce régime à l’équilibre global du système. Cette décision des ministres est une intrusion sans précédent dans la gestion paritaire.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet article pourrait en effet servir de base à une éventuelle ponction de l’Agirc-Arrco. Les partenaires sociaux gèrent les caisses des retraites complémentaires et le Gouvernement ne peut décider, au prétexte que celles-ci sont bien gérées, d’en ponctionner une partie. C’est à lui d’assurer l’équilibre du régime général.

M. Thibault Bazin (LR). Cet article concerne le financement des régimes spéciaux : réserves, dotation d’équilibre de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), convention entre cette dernière et l’Agirc-Arrco, avec une contribution de celle-ci au titre des nouveaux cotisants. Confirmez-vous que des cotisations Agirc-Arrco ne serviront pas à financer d’autres éléments de la réforme des retraites ? Je pense, par exemple, à la revalorisation des petites retraites, au financement du cumul emploi-retraite ou à la suppression du malus. Il importe de sanctuariser les cotisations de l’Agirc-Arrco. L’interprétation de la rédaction de cet article doit rassurer tous les salariés du secteur privé. C’est le sens de mon amendement d’appel.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Le 49.3 se banalise : nous n’avons pas pu entendre la Première ministre et elle a parlé devant un hémicycle vide.

L’article 9 prévoit de nouvelles modalités de financement des principaux régimes spéciaux en vue d’assurer leur fermeture, imposée par un coup de force lors de la réforme des retraites. Il permet d’assurer le transfert de nouveaux cotisants vers le régime général tout en finançant la clause du grand-père. Par l’amendement AS2512, nous nous opposons à ce que le régime général se substitue à l’État dans le rôle d’équilibreur en dernier ressort des régimes fermés de manière brutale, antidémocratique et unilatérale sur décision d’un seul homme.

Il prévoit la création d’une convention entre le régime général et l’Agirc-Arrco, dans le but annoncé de compenser les gains issus de l’affiliation d’assurés qui auraient dû relever des régimes fermés. La rédaction de ce nouvel alinéa est bien imprécise au regard de la menace de hold-up brandie par Olivier Dussopt, qui souhaite récupérer 1 à 3 milliards d’euros par an sur les caisses de retraite du secteur privé d’ici à 2030 pour financer le relèvement des petites pensions.

Enfin, l’article prévoit la fixation du montant de ladite contribution par simple décret ministériel passé le délai du 30 juin : nous refusons une telle logique.

Je ne vous cache pas que ce 49.3 nous démotive un peu pour défendre nos amendements, mais nous ne lâcherons rien.

Mme la rapporteure générale. Il est en effet prévu que l’État transfère à la Cnav les ressources consacrées à l’équilibrage des régimes spéciaux. Ce PLFSS ne prévoit aucun montant puisque l’intégration financière n’entrera en vigueur qu’en 2025. Les services nous ont indiqué que ce montant serait calculé au regard des montants prévus dans les missions budgétaires Régimes sociaux et de retraite et Conseil et contrôle de l’État. Il nous appartiendra, en tant que législateurs, de le définir dans les textes budgétaires pour 2025.

La fermeture des régimes spéciaux entraîne l’affiliation au régime général des futurs employés des secteurs concernés. Or l’affiliation au régime général entraîne l’obligation légale d’être affilié au régime de retraite complémentaire de l’Agirc-Arrco, dont le nombre de cotisants augmentera donc sans que cet organisme doive verser des retraites complémentaires en plus. Rien n’est plus normal que de faire participer l’Agirc-Arrco dans la mesure où le régime général sera amené à équilibrer ces régimes, y compris pour la partie correspondant à la retraite complémentaire. C’est d’ailleurs le cas pour le financement du régime de la SNCF.

Le report de l’âge légal de la retraite et la réforme que nous avons voulue entraîneront des gains pour les régimes de retraites complémentaires des salariés du privé, estimés à 1 milliard selon l’Agirc-Arrco et à 1,2 milliard d’euros selon l’État.

Le principe qui a présidé à la réforme était que l’ensemble des gains financiers devait être affecté au redressement de la situation financière du système de retraite. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’État versera 194 millions d’euros à la sécurité sociale dès 2024, au titre du rendement de la réforme pour le régime de la fonction publique d’État. Ce montant augmentera au fur et à mesure de la montée en charge de la réforme.

Cet article prévoit que l’Agirc-Arrco négociera une convention avec la Cnav pour envisager une contribution au financement des éléments de solidarité au sein du régime, notamment à la revalorisation des petites pensions. Dans la rédaction actuelle du texte, la compétence du Gouvernement pour fixer le montant de la contribution en cas d’échec des négociations ne concerne que la contribution au financement de la fermeture des régimes spéciaux et rien d’autre. L’Agirc-Arrco reste décisionnaire pour savoir comment elle souhaite contribuer au financement d’autres éléments de solidarité.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit bien là d’un détournement des cotisations.

Avant la réforme, le Gouvernement a-t-il discuté avec les dirigeants de l’Agirc‑Arrco ? D’après mes informations, non. Un problème démocratique se pose donc. Les cotisations de l’Agirc-Arrco ne sont pas faites pour cela. Le Gouvernement n’a pas trouvé un trésor de guerre qu’il pourrait utiliser à sa guise.

Enfin, vous passez sous silence les nouvelles dépenses que cette réforme engendrera pour l’Agirc-Arrco avec le cumul emploi-retraite et la suppression du malus de 10 %.

M. Thibault Bazin (LR). La question de la solidarité financière a été évoquée avec les partenaires sociaux dans un PowerPoint en novembre-décembre, lequel ne valait pas accord.

Le rendement de 1 milliard d’euros est brut : il convient d’y soustraire la suppression du malus, pour 500 millions, et le cumul emploi-retraite, pour 300 millions. Le gain net s’élève seulement à 200 millions. J’entends ce que vous dites à propos de la rédaction actuelle du texte mais un chantage profondément malsain n’en est pas moins réel : des droits sont créés pour les salariés du secteur privé et il n’y a aucune raison de leur imposer une solidarité financière par ailleurs. À nos yeux, c’est une ligne rouge à ne pas franchir.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La convention prévue à l’article 9 ne visera qu’à mettre en œuvre l’extinction des régimes spéciaux. À partir du moment où l’Agirc-Arrco commencera à percevoir des recettes – les cotisations des nouveaux affiliés – sans avoir à supporter les dépenses correspondantes, puisqu’elle ne versera pas les pensions des retraités actuels des régimes spéciaux, il est normal de rétablir l’équilibre comptable. Il n’est absolument pas question des régimes complémentaires du privé : c’est à l’article 10 que cette question pourra être évoquée.

M. Arthur Delaporte (SOC). À l’instar de M. Dharréville, je réprouve votre volonté d’utiliser le PLFSS pour ponctionner une nouvelle fois les cotisations des salariés, dans la continuité de la réforme des retraites. Quoi qu’en dise M. Isaac-Sibille, l’article 9 ouvre la possibilité de ponctionner l’Agirc-Arrco. Reconnaissez-le, vous allez récupérer les cotisations des salariés pour payer les pensions des retraités. Mais je vois votre gêne collective... Derrière tout cela, il y a des travailleurs et des retraités. Assumez ce que vous êtes en train de faire, ou alors votez nos amendements de suppression.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Les cotisations auxquelles vous voulez toucher sont celles des salariés. Dans le cadre de cette réforme des retraites, alors que des dizaines – pour ne pas dire des centaines – de solutions ont été proposées pour financer un éventuel déficit, vous décidez finalement d’aller chercher l’argent là où les gens ont cotisé en vue de leur retraite. En somme, vous faites les poches des salariés. Tout à l’heure, l’une de nos collègues a parlé, à juste titre, de salaire différé : c’est en réalité le salaire des travailleurs que vous ponctionnez au lieu d’aller chercher l’argent là où il est.

Mme la rapporteure générale. L’article 9 ne permet pas à l’État de ponctionner l’Agirc-Arrco. Nous ne prenons pas les cotisations des salariés du privé, mais les sommes que les nouveaux entrants versent à l’Agirc-Arrco alors que cette caisse ne leur délivre pas encore de pension.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS647 de M. Yannick Neuder

M. Thibault Bazin (LR). Votre réponse est très claire, madame la rapporteure générale : la convention évoquée à l’alinéa 22 concerne l’extinction des régimes spéciaux. Elle n’a rien à voir avec la demande adressée par le Gouvernement à l’Agirc-Arrco de participer au financement des mesures nouvelles en prélevant ses excédents – et non ses réserves ou son rendement. Cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à l’opportunité de faire contribuer l’Agirc-Arrco au financement des régimes spéciaux comme celui de la SNCF.

Au-delà de cette question, je ne voudrais pas que l’on se dirige vers un prélèvement des excédents de l’Agirc-Arrco. Ce n’est pas ainsi qu’avait été présenté le financement des mesures nouvelles, lesquelles ont d’ailleurs été ajoutées à la réforme au fur et à mesure, en janvier et février. Le PLFRSS a été déposé en janvier et, lorsque les mesures nouvelles y ont été introduites, la concertation initiale était achevée. Je comprends bien que l’article 9 ne permet pas de ponctionner les excédents de l’Agirc-Arrco, mais je souhaiterais que le Gouvernement s’engage à ne pas le faire.

Mme la rapporteure générale. Je précise à nouveau que la convention mentionnée à l’article 9 concerne « la solidarité financière au sein du système de retaite » : elle pourrait donc contenir des mesures globales. Cependant, au vu de la rédaction de l’article, l’État ne peut ponctionner les recettes de l’Agirc-Arrco que pour ce qui concerne les régimes spéciaux.

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (LR). L’Agirc-Arrco a pratiqué une gestion vertueuse, ramenant ses dépenses internes de 2,1 à 1,3 milliard d’euros. J’aimerais que l’État soit capable de réaliser les mêmes efforts au lieu de chercher çà et là des recettes supplémentaires. Préservons l’autonomie de cette caisse ! C’est la première fois que l’État s’immisce dans les négociations entre patronat et salariés dans le cadre de l’Agirc-Arrco. L’état d’esprit dans lequel il engage cette démarche me gêne profondément.

M. Nicolas Turquois (Dem). Arrêtons d’agiter des fantasmes ! Prenons l’exemple des gaziers, dont le régime spécial est fermé : les salariés de ce secteur cotisent désormais à l’Agirc-Arrco, qui n’a pas de retraite à financer. Il faut bien prévoir le financement de ces régimes fermés : c’est le seul objet de la convention prévue à l’article 9 qui, contrairement à ce que laisse entendre l’exposé sommaire de votre amendement, ne permet en aucun cas de toucher aux réserves accumulées dans les caisses de l’Agirc-Arrco.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1872 de Mme Caroline Colombier

M. Victor Catteau (RN). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Les alinéas 21 et 22 nous inquiètent. Vous évoquez la solidarité globale, madame la rapporteure générale, mais vous savez bien qu’au niveau maastrichtien, les excédents des uns compensent les déficits des autres : les transferts sont donc inutiles.

Monsieur Turquois, si les comptes de l’Agirc-Arrco deviennent déficitaires parce qu’on y a prélevé des recettes, il faudra bien ponctionner les réserves de la caisse ! Alors que vous estimez à 1 ou 1,2 milliard d’euros le bénéfice tiré par l’Agirc-Arrco de la réforme des retraites, la ponction que vous voulez opérer représenterait 800 millions d’euros. Le solde n’est pas loin d’être négatif.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). N’agitez pas de chiffon rouge : l’article 9 ne concerne absolument pas l’excédent qui pourrait résulter, pour l’Agirc-Arrco, de la réforme des retraites.

Je ne comprends pas votre position, monsieur Bazin. Puisque vous étiez tout à fait favorable à l’extinction des régimes spéciaux, vous devriez voter des deux mains cet article, qui permet précisément de financer cette mesure. Il est en effet nécessaire de financer les pensions lorsqu’il n’y a plus de cotisants ; aussi l’article 9 permet-il le transfert de droits de l’Agirc‑Arrco à la Cnav, qui va continuer de payer les pensions.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS922 de M. Yannick Monnet, AS1306 de M. Laurent Panifous, AS1459 de M. Sébastien Peytavie et AS1819 de Mme Laure Lavalette

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous l’avons dit tout à l’heure : la méthode du Gouvernement, qui bafoue le paritarisme et considère que les cotisations des salariés lui reviennent de droit, est inacceptable, d’autant qu’il n’a jamais fait part de ses intentions à l’Agirc-Arrco.

Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités face aux conséquences d’une réforme qu’il a imposée contre l’avis de la majorité des Français. Les effets de la fermeture des régimes spéciaux étaient prévisibles. Il y avait d’autres voies, d’autres moyens, mais le Gouvernement n’a rien voulu entendre. Alors aujourd’hui, de nouveau, il impose sa volonté et attaque à coups de mensonges. La manière dont les ministres cherchent à discréditer les partenaires sociaux en criant au scandale et en les accusant de mettre en péril la sécurité sociale et, plus largement, la crédibilité des finances publiques est inadmissible.

Les partenaires sociaux ont commencé à négocier le mois dernier, conformément à l’accord du 17 novembre 2017, qui prévoit une négociation sur les règles de pilotage du régime tous les quatre ans, en vue notamment de revaloriser les pensions. La revalorisation des pensions à un niveau proche de l’inflation – 4,9 % – décidée par les partenaires sociaux n’est donc pas une mesure nouvelle, mais une mesure prévue depuis quatre ans.

Le calcul est très simple : quand vous exigez 1 milliard d’euros de l’Agirc-Arrco, vous lui demandez l’équivalent de 1 % de revalorisation des pensions des salariés du privé. Si les partenaires sociaux se soumettaient à votre demande, ils seraient contraints d’annoncer à 13 millions de retraités qu’en 2024, leurs pensions seraient sous-indexées de 1,04 %.

L’accord national interprofessionnel (ANI) conclu par les partenaires sociaux le 16 octobre, dans le cadre de cette négociation, intègre les conséquences de votre réforme. Il supprime le coefficient de solidarité de l’Agirc-Arrco, autrement appelé « bonus-malus », qui minorait la retraite des anciens salariés du privé de 10 % pendant trois ans s’ils partaient juste à l’âge du taux plein. Le coût de cette disposition, qui n’a plus de raison d’être puisque l’âge de départ à la retraite a été reculé de deux ans, est évalué à au moins 700 millions d’euros par an. Les partenaires sociaux se sont également alignés sur les dispositions prises par le Gouvernement en accordant de nouveaux droits dans le cadre du cumul emploi-retraite.

Enfin, il n’existe pas de cagnotte extraordinaire : l’Agirc-Arrco a toujours choisi de disposer de six mois de réserves. Les hypothèses économiques du Gouvernement reposent, comme toujours, sur des extrapolations très optimistes.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Notre amendement AS1306 vise à supprimer les alinéas 21 et 22. Nous craignons en effet que le Gouvernement cherche à revenir sur des accords conclus avec les partenaires sociaux et que ces alinéas puissent servir de base à une ponction des réserves de l’Agirc-Arrco, contrevenant ainsi au principe du paritarisme pourtant inscrit au cœur de notre système de protection sociale.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Notre amendement AS1459 vise également à supprimer les alinéas 21 et 22, qui offrent au Gouvernement la possibilité de ponctionner les excédents de l’Agirc-Arrco. Il est certes tentant de ponctionner les importantes réserves de la caisse, qui s’élèvent à 5 milliards d’euros, mais agir ainsi reviendrait à rendre obligatoires de futures réformes des retraites. En effet, ces dernières deviendraient nécessaires dès que la situation se tendra.

Vous avez déjà prélevé 1,3 milliard d’euros chez les bailleurs sociaux, et vous refusez toujours de taxer les superprofits et les retraites chapeaux. Que cherchez-vous donc ? À force de vous voir toujours taper sur les mêmes, nous nous demandons vraiment où vous voulez aller.

M. Victor Catteau (RN). Il n’aura pas fallu attendre un an avant que les déséquilibres créés par la réforme des retraites d’avril 2023 soient mis en lumière. Dès le budget suivant, vous comprenez qu’en plus de l’injustice qui frappe ceux qui ont commencé à travailler tôt, qu’en plus de la baisse attendue des pensions effectives en raison de l’allongement de la durée de cotisation, vous contraindrez en réalité tous les actifs à régler la note de votre réforme.

Par l’amendement AS1819, le groupe Rassemblement National dénonce un pillage illégitime et déraisonnable des excédents du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco par le Gouvernement, qui pourrait prélever 1 à 3 milliards d’euros par an. Cet argent n’est pas à vous. Il résulte de décennies de cotisations de millions de retraités du privé ; il est le fruit du travail de millions de salariés, à qui vous annoncez qu’ils n’en toucheront pas le plein bénéfice. Il ne s’agit pas d’une cagnotte dans laquelle vous pourriez prélever pour ajuster vos déficits et financer une réforme que personne ne souhaitait et que notre assemblée n’a pas pu voter.

Ces dispositions ne tiennent compte d’aucune des règles de prudence qui s’imposent à la bonne gestion d’une telle caisse de retraite. Nous appelons tous les groupes de notre assemblée à s’unir contre ce prélèvement forcé et à voter ces amendements tendant à supprimer les alinéas 21 et 22.

Mme la rapporteure générale. Vous avez tout à fait le droit de voter ces amendements pour marquer votre opposition à la réforme des retraites, mais ne dites pas de choses fausses. L’article 9, dont la rédaction très claire ne permet pas à l’État de ponctionner les éventuels excédents de l’Agirc-Arrco pour financer la solidarité, ne comporte aucun piège. Il prévoit simplement un rééquilibrage, dans la mesure où les salariés nouvellement affiliés à l’Agirc-Arrco du fait de la fermeture de leur régime spécial paieront des cotisations sans que la caisse ait encore à leur verser de pension.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je salue la précision de vos explications. Cependant, contrairement à ce qu’a indiqué M. Isaac-Sibille, il ne s’agit pas de voter pour ou contre l’extinction des régimes spéciaux. Nous devons nous prononcer ici sur la manière de procéder pour rééquilibrer les flux financiers entre les différents régimes. D’ailleurs, le dernier PLFRSS n’a pas vraiment supprimé les régimes spéciaux, puisqu’il ne concernait que l’assurance vieillisse et que d’autres branches de ces régimes demeurent.

Si nous adoptons les alinéas 21 et 22, dont j’ai bien compris qu’ils étaient limités aux régimes spéciaux, le Gouvernement pourrait-il s’engager à ne pas aller au-delà et à ne pas prévoir de contribution de l’Agirc-Arrco visant à financer, par exemple, les allégements de charges, qui représentent tout de même 8 milliards d’euros ? Ce point est essentiel pour nous.

M. Éric Alauzet (RE). Certains partisans de ces amendements laissent entendre que nous pourrions ponctionner les excédents liés à la bonne gestion de l’Agirc-Arrco ou les réserves de la caisse. C’est totalement faux. Des recettes de 1 milliard d’euros ont été générées par la réforme des retraites, à laquelle les auteurs de ces amendements se sont tous opposés. S’il n’y avait pas eu de réforme, ce milliard n’existerait pas. Vous défendez donc quelque chose que vous n’auriez pas voulu créer. Pire : si nous votions la retraite à 60 ans, ce n’est pas un mais plusieurs milliards que l’Agirc-Arrco perdrait. C’est une pantalonnade : vous mentez aux Français, vous faites croire aux allocataires de l’Agirc-Arrco que vous les défendez alors que c’est l’inverse. Je rappelle d’ailleurs que c’est la réforme des retraites qui a permis à l’Agirc‑Arrco de revenir sur la minoration des pensions entre 62 et 64 ans.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’alinéa 22 mentionne la conclusion d’une convention portant sur « la solidarité financière au sein du système de retraite » avant de mentionner la compensation des régimes spéciaux. Cet ordre a toute son importance car il permet au Gouvernement de faire à peu près ce qu’il veut. Afin de sécuriser les choses, je vous inviterai à adopter notre amendement de repli AS2513, que nous examinerons dans quelques minutes et qui vise à préciser que les prélèvements opérés dans les caisses de l’Agirc-Arrco ne pourront pas aller au-delà de la compensation liée à l’extinction des régimes spéciaux.

M. Nicolas Turquois (Dem). À entendre les uns les autres, je crois percevoir une confusion, qui est peut-être volontairement entretenue. L’Agirc-Arrco bénéficie effectivement de ressources supplémentaires liées à la réforme des retraites : puisque les assurés sociaux partent à la retraite plus tard, ils cotisent plus longtemps et commencent à toucher leur pension plus tard. Mais ce n’est pas l’objet de l’article 9, même si je ne cache pas que la question fait l’objet de discussions entre le Gouvernement et l’Agirc-Arrco. L’article 9 vise uniquement à organiser les transferts de trésorerie rendus nécessaires par l’extinction des régimes spéciaux – j’ai déjà pris l’exemple du régime gazier, qui doit toujours verser les pensions de ses retraités alors que les salariés de ce secteur cotisent désormais à la Cnav ou à l’Agirc-Arrco.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS2513 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous proposons de modifier l’alinéa 22 afin de garantir deux points essentiels.

En premier lieu, la convention liant le régime général et l’Agirc-Arrco doit prévoir une compensation strictement limitée aux conséquences financières de l’affiliation d’assurés qui auraient dû relever des régimes fermés. En l’état, l’alinéa permet l’ouverture d’une convention au titre de « la solidarité financière au sein du système de retraite ». Si l’accord conclu le 4 octobre prévoit la constitution, au premier semestre 2024, d’un groupe de travail paritaire chargé de réfléchir à la mise en place d’un mécanisme de solidarité en faveur des petites pensions, nous craignons un passage en force d’Olivier Dussopt pour ponctionner les réserves de l’Agirc-Arrco au détriment des négociations paritaires. Il apparaît donc primordial de sécuriser la rédaction de l’alinéa 22.

En second lieu, nous refusons tout passage en force du Gouvernement dans cette affaire : il convient donc de supprimer la possibilité de décider une telle contribution de l’Agirc‑Arrco par décret. La dernière réforme de l’assurance chômage a bien montré que le Gouvernement était disposé à contourner le paritarisme. Les réserves de l’Agirc-Arrco sont le trésor commun des assurés affiliés, pas une marge de manœuvre financière entre les mains d’Olivier Dussopt.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Voilà l’amendement dont je parlais il y a quelques minutes, qui permet de sécuriser la rédaction l’article 9. En l’adoptant, vous prouveriez votre bonne foi et rassureriez tous ceux qui ont voté les amendements de suppression quant à votre refus d’aller piocher à volonté dans les caisses de l’Agirc-Arrco.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, elle rejette l’amendement AS2248 de M. Pierre Dharréville.

Elle adopte ensuite l’article 9 non modifié.

 

Article 10
Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale et avec le budget de l’État

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement AS2519 de Mme Caroline Fiat.

Amendements identiques AS460 de M. Yannick Neuder, AS538 de M. Thibault Bazin, AS970 de M. Stéphane Viry et AS1422 de M. Laurent Panifous

Mme Isabelle Valentin (LR). Nous avons travaillé l’amendement AS460 avec l’Assemblée des départements de France. L’augmentation des ressources de la CNSA doit s’accompagner d’une progression des concours aux départements en faveur des solidarités, non d’une stagnation. Dans mon département, la Haute-Loire, la population âgée de plus de 75 ans va s’accroître de 33 % d’ici à 2028. Nous avons quarante-neuf Ehpad proposant quelque 3 900 places, dont 3 700 places d’hébergement permanent, 56 places d’hébergement temporaire et 90 places en accueil de jour, avec un taux de remplissage de 98 %. L’engagement de l’État devrait être majeur.

M. Thibault Bazin (LR). Nous avions débattu l’an dernier de l’évolution des moyens des départements et des concours dont ils bénéficient de la part de la CNSA. Des actions nouvelles avaient été décidées : je pense notamment aux deux heures hebdomadaires de lien social pour les personnes âgées, l’une des rares mesures dont nous avions pu débattre dans l’hémicycle, financée par une augmentation de 0,9 % du concours de la CNSA.

Depuis, les départements ont toujours plus de personnes à accompagner – notre collègue Monique Iborra nous avait alertés quant au défi du vieillissement de la population. Il convient donc d’augmenter les ressources de la CNSA afin qu’elle puisse soutenir davantage les départements. Or l’article 10 ne prévoit qu’une sorte de stagnation des moyens, puisque les augmentations d’un côté sont compensées par des baisses de l’autre.

Cette évolution contredit notre souhait que les départements déploient des services autonomie au cours des deux prochaines années, que ces services concluent des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, qu’ils montent en qualité. On ne peut pas, d’un côté, vouloir un changement qualitatif, une revalorisation des prestations, un accompagnement le soir et le week-end et un peu de répit pour les salariés, et de l’autre ne surtout pas toucher aux financements. La commission des affaires sociales devrait donc se rassembler pour demander au Gouvernement de modifier légèrement l’article 10.

Mme Justine Gruet (LR). Je rejoins les propos de M. Bazin, de même que ceux de Mme Bergé lors de son audition la semaine dernière : la coexistence de deux financeurs publics dans le secteur médico-social – l’agence régionale de santé pour les soins et les départements pour l’hébergement – entraîne nécessairement des disparités territoriales. Par l’amendement AS970, nous souhaiterions renforcer l’équité entre les territoires en donnant plus de moyens aux départements, ce que l’article 10 ne semble pas faire.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Par l’amendement AS1422, il faut à tout le moins maintenir les concours de la CNSA aux départements pour la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Mme la rapporteure générale. Nous avons effectivement débattu de cette question l’année dernière, et la LFSS 2023 prévoit une montée en charge de la participation de la CNSA au titre des dépenses d’APA jusqu’en 2028. Nous reparlons ce matin du financement global, mais l’article 10 est un article de tuyauterie : je suis donc défavorable à ces amendements.

Mme Caroline Janvier (RE). La répartition de l’effort entre la caisse de sécurité sociale qu’est la CNSA et les collectivités que sont les départements est un point important du débat.

Nous avons déjà prévu et financé certaines mesures dans le cadre des précédentes lois de financement. Le déploiement en est très aléatoire et très disparate en fonction des territoires, ce qui est normal s’agissant d’une compétence départementale. Je pense par exemple à la dotation complémentaire de 3 euros au profit des services d’aide et d’accompagnement à domicile : les retours des structures médico-sociales permettent de constater que les départements ne la mettent pas en œuvre de la même façon.

Par ailleurs, la fusion des sections « soins » et « dépendance » des Ehpad, dont nous reparlerons lors de l’examen de l’article 37, nécessitera une remise à plat des négociations entre la CNSA et les départements et, plus globalement, une réforme des concours de la première aux seconds. En effet, le système est devenu très confus et ne fait pas l’objet d’un pilotage précis.

M. Thibault Bazin (LR). Effectivement, nous touchons là au vrai sujet : qui finance ? Quelle est la contribution de chacun ? Nous sommes attachés à ce que la compétence soit exercée à un échelon de proximité ; du reste, les départements disposent d’une réelle expertise et connaissent les acteurs de leur territoire. En revanche, il y a une véritable attente concernant les ressources. Il s’agit là d’une question de solidarité nationale car les départements ont des niveaux de ressources différents. Il faut maintenir les concours de la CNSA pour l’APA et la PCH, et même augmenter les premiers. Il faut aussi fixer très clairement un objectif de répartition des dépenses par moitié entre la branche et les départements à l’horizon 2030. Cela donnerait de la visibilité et permettrait à tous les acteurs de travailler ensemble plutôt que d’opposer les départements et l’État.

Et, oui, la fusion des sections des établissements va être un sacré travail !

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1400 de M. Paul-André Colombani, AS1460 de M. Sébastien Peytavie et AS2514 de Mme Ségolène Amiot

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous souhaitons supprimer la disposition prévoyant une moindre compensation des allégements généraux de cotisations sociales à l’Unedic, dont le montant est fixé à 2 milliards d’euros pour 2023. Le Gouvernement, estimant que les résultats financiers du gestionnaire de l’assurance chômage résultent des réformes engagées par l’État, entend effectuer un prélèvement exceptionnel. Cependant, si l’Unedic est désormais excédentaire – elle devrait l’être de 5 milliards en 2024 – elle est aussi largement endettée. Dès lors, il apparaît injuste de la priver d’une partie de son excédent budgétaire pour combler le déficit de l’État.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 10 sanctuarise le hold-up opéré par le Gouvernement sur l’Unedic pour financer la réforme de France Travail, organisme dont l’absence de moyens supplémentaires a été largement dénoncée par le groupe Écologiste, de même que l’absurde obstination à vouloir transformer le nom de Pôle emploi. La CGT rappelle que cette ponction, ce sont des milliards en moins pour améliorer les droits des salariés, alors que seulement un tiers des chômeurs sont effectivement indemnisés et que, parmi ce tiers, quatre sur dix perçoivent une somme inférieure aux minima sociaux. C’est une façon de plus de marcher sur les partenaires sociaux et une énième atteinte au paritarisme.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Le Gouvernement considère l’assurance chômage comme une source de financement de la politique de l’emploi. La ponction de l’Unedic le montre encore davantage.

Dans le document de cadrage pour la négociation des nouvelles règles de l’assurance chômage, le Gouvernement s’est donné pour objectif de prélever 12 % à 13 % des recettes de l’Unedic, contre 11 % actuellement, pour financer France Travail. Ce prélèvement retire de l’argent aux chômeurs qui n’ont pas bénéficié de leurs droits. Nous y sommes opposés car l’assurance chômage est d’abord un revenu de remplacement en cas de perte d’emploi.

Cette ponction est injustifiée, d’autant que nous ne connaissons toujours pas les effets de la mise en place de France Travail sur les créations d’emplois. Aussi souhaitons-nous par l’amendement AS2514 supprimer l’alinéa 19, celui-là même qui permet au Gouvernement de priver l’Unedic de ressources qui pourraient financer le réseau France Travail.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

La réforme de l’assurance chômage a permis de générer des excédents. Nous ne retirons rien aux chômeurs qui, grâce notamment à nos efforts en matière de formation, seront plus nombreux à trouver un emploi. Du fait de ses excédents, il est normal que l’Unedic contribue au financement des politiques de l’État en faveur de l’emploi.

M. Nicolas Turquois (Dem). Plus il y a d’emplois, moins il y a de chômeurs et plus les finances de l’Unedic s’améliorent – il y a plus de cotisations chômage et moins de prestations chômage. C’est un cercle vertueux, les politiques en faveur de l’emploi ont un effet direct sur le déficit de l’Unedic. Pour forcer le trait, imaginons qu’il n’y ait plus que dix chômeurs en France : partagerait-on l’excédent de l’Unedic entre ces dix personnes ? Cela n’a aucun sens ! C’est aux politiques de l’emploi qu’il faut s’intéresser.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS2515 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). La ponction sur l’Unedic prend la forme d’une diminution de la compensation des exonérations de cotisations chômage, pour un montant fixé par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget. Dans son document de cadrage relatif à la négociation des nouvelles règles de l’assurance chômage, le Gouvernement s’est donné pour objectif de prélever de 12 % à 13 % des recettes de l’Unedic pour le financement de France Travail d’ici à 2026, contre 11 % actuellement pour Pôle emploi. Cette ponction supplémentaire représente 11 milliards d’euros d’ici à 2026, dont 2 milliards dès 2023.

Notre amendement vise à corriger la modification apportée par le Gouvernement à l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale afin de garantir la compensation intégrale, par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), des pertes de cotisations résultant des allégements généraux pour l’Unedic. Dans la mesure où l’Acoss compense déjà ces pertes, l’amendement n’opère qu’une précision rédactionnelle visant à souligner la nécessité de protéger l’assurance chômage, normalement gérée de manière paritaire, des convoitises d’Olivier Dussopt.

Mme la rapporteure générale. Il ne s’agit pas d’une précision rédactionnelle ! Nous avons déjà eu ce débat : avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il est inadmissible de ponctionner les excédents de l’Unedic pour alléger les déficits de l’État. De manière plus générale, du fait de tous ces transferts, les cotisations ne représenteront plus 51 % ou 52 % du financement de la sécurité sociale, mais beaucoup moins puisqu’elles céderont la place à toutes sortes de taxes et de contributions. Encore, si l’on dédiait la totalité d’une taxe au financement de la sécurité sociale, pourquoi pas... Mais on ne fait que du saupoudrage : on prend d’infimes portions de taxes, dont le produit risque de varier d’année en année. Cette voie me paraît tout à fait incertaine. Il serait beaucoup plus pertinent de remettre à plat le financement de la sécurité sociale, comme nous le disons depuis ce matin, au lieu de décider à la va-vite d’un tel système de vases communicants, très complexe pour des comptes que l’on sait par ailleurs insincères, et dont on ne distinguera même plus l’impact dans quelque temps.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS2516 et AS2517 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Il s’agit d’instaurer un plafond pour la non-compensation des pertes de cotisations chômage de l’Unedic, dans le but de limiter la participation de l’organisme au financement de France Travail. En effet, la rédaction de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale proposée dans ce PLFSS ne garantit pas un tel plafond. Le premier amendement tend à le fixer à hauteur de 1 % des pertes de cotisations, et le second à hauteur de 2 %.

Mme la rapporteure générale. Il ne s’agit pas pour l’État de faire des économies, puisque ces crédits sont redéployés pour la formation et pour poursuivre la diminution du chômage que nous avons obtenue ces dernières années.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS920 de M. Pierre Dharréville et AS2518 de Mme Ségolène Amiot

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’article 10 procède également à une révision des modalités de compensation des allégements généraux de l’Unedic. Actuellement, l’Unedic est intégralement compensée par l’Acoss des pertes de recettes dues à la réduction des contributions patronales d’assurance chômage depuis janvier 2019. En contrepartie, une fraction de TVA est affectée chaque année par la loi de finances à l’Acoss. Afin de renforcer le financement des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle – en d’autres termes : afin de financer France Travail – l’article réduit la compensation de l’Unedic au titre de ces allégements généraux.

Concrètement, le montant de cette minoration de la compensation sera déterminé par un arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget – mais, précise l’étude d’impact, selon le contenu de la lettre de cadrage transmise aux organisations syndicales et patronales. Or cette dernière, adressée en août dernier dans le cadre de la négociation tripartite, est d’une rare violence et tout à fait explicite : pour financer France Travail, les recettes de l’Unedic seront réduites de 2 milliards d’euros dès 2023, puis, pour la durée de la convention, entre 2,5 et 2,7 milliards en 2024, entre 3 et 3,2 milliards en 2025, et entre 3,5 et 4 milliards en 2026.

Comme pour l’Agirc-Arrco, la méthode est inacceptable et constitue une remise en cause radicale du paritarisme. Au-delà du fait que les projections macro-économiques du Gouvernement et celles relatives à l’Unedic sont sérieusement contestées, ce choix de financement, ce mélange des genres, ce détournement d’argent public normalement destiné à l’assuranciel pose de sérieux problèmes. Tel est le sens de notre amendement AS920.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Nous proposons donc de supprimer la répercussion de la baisse des compensations des exonérations de cotisation à l’Unedic sur le volume des recettes affectées à l’Acoss par l’État.

Le Gouvernement a choisi le rapt organisé de l’assurance chômage dans le but de financer France Travail. Nous sommes opposés à la casse du service public de l’emploi permise par France Travail, nous sommes contre la régression sociale que constitue le conditionnement du RSA par quinze heures d’activités hebdomadaires et nous refusons qu’elles soient financées par l’instauration d’une taxe sur les chômeurs.

Agitant le mirage du plein-emploi, le Gouvernement stigmatise les plus précaires d’entre nous et poursuit sa politique de casse sociale, qu’il décide de financer sur le dos des privés d’emploi. C’est un véritable tour de passe-passe et une double peine cruelle pour les plus fragiles.

Mme la rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit d’une décision scandaleuse, déjà évoquée voilà quelques jours lors du débat autour de France Travail. Il s’agit en effet de mettre de force l’Unedic à contribution et de lui faire les poches une deuxième fois pour financer le service public de l’emploi.

Tout à l’heure, M. Turquois nous a raconté une fable où il n’y avait plus que dix chômeurs. Pourtant, les dernières estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques sont très loin de faire apparaître une baisse du chômage – c’est un scénario qui n’existe pas.

Surtout, les cotisations d’assurance chômage ont une destination bien précise. On a pris l’habitude de faire contribuer l’Unedic au financement du service public de l’emploi, mais cela atteint désormais des niveaux exorbitants. C’est inacceptable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS612 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement de repli vise à augmenter les concours destinés à l’APA par rapport au précédent PLFSS.

À compter de 2024, la CNSA bénéficiera d’un transfert de 0,15 point de CSG. Compte tenu de cette augmentation de recettes, l’article 10 révise à la baisse les pourcentages des concours de la CNSA à l’APA et la PCH, pour les maintenir dans les faits à leur niveau actuel.

Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, a déclaré avoir engagé une réflexion sur le devenir des fonds de concours, mais il nous apparaît indispensable que la hausse des ressources de la CNSA conduise à une augmentation du montant de ses concours plutôt qu’à la stagnation prévue. Je propose donc de supprimer les alinéas 25 à 30 de l’article.

Mme la rapporteure générale. Défavorable. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Dans cet article comme dans le PLFSS d’une manière générale, vous faites n’importe quoi avec les cotisations : d’un côté, vous décidez des exonérations massives et de l’autre, vous employez ce qui reste à d’autres usages que ce qui est prévu. Ce système de tuyauterie devient incompréhensible et porte atteinte aux fondements, à la philosophie même de notre système de protection sociale.

M. Nicolas Turquois (Dem). La philosophie première de France Travail n’est pas de donner une indemnité aux chômeurs, mais de faire en sorte qu’ils retrouvent du travail. Dans cette optique, la contribution de l’Unedic est fondamentale et tout à fait conforme à l’esprit initial de la sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 non modifié.

La réunion, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). La Conférence des présidents a décidé que, si une motion de censure était déposée à la suite de l’engagement par la Première ministre de la responsabilité de son gouvernement, elle serait débattue vendredi à vingt et une heures trente. J’ai fait valoir que cela perturberait les travaux de la commission des affaires sociales et l’obligerait à terminer très tard l’examen du PLFSS, mais je n’ai pas eu gain de cause. Madame la présidente, suspendrons-nous les travaux de notre commission durant l’examen de la motion ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Il reste un peu plus de 1 000 amendements à examiner, ce qui nous conduira à travailler jusqu’à vendredi soir, peut‑être tard dans la nuit. Nous verrons demain où nous en sommes.

Après l’article 10

Amendement AS1145 de M. Damien Maudet

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement vise à abroger les dispositions issues de la LFSS 2018 actant la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réductions de cotisations. Entre 2013 et 2017, le CICE a coûté à la collectivité 90 milliards d’euros, soit plus de 18 milliards par an – c’est-à-dire quatre fois les recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune ou quatorze fois le budget annuel du centre hospitalier universitaire de Toulouse chaque année. Depuis 2013, le nombre d’emplois créés a été d’environ 100 000 : chaque emploi a donc coûté 160 000 euros par an. À ce prix-là, autant embaucher directement !

Depuis 2019, la majorité a transformé le CICE en exonérations de cotisations sociales pérennes. Le système n’en est pas plus efficace. D’après le Conseil d’analyse économique, rattaché à Matignon, le passage du CICE à des exonérations de cotisations a coûté presque 40 milliards d’euros en 2019. Il reste encore impossible de prouver clairement les effets du CICE sur le comportement des entreprises depuis la bascule, qui a « essentiellement consisté à transformer la créance de l’État auprès des entreprises en des actifs plus liquides, l’année précédant le choc de la crise sanitaire », comme l’indique le rapport de l’Institut des politiques publiques de 2022.

Il est grand temps de mettre fin à cette gabegie.

Mme la rapporteure générale. Cet amendement ne tourne pas juridiquement. J’en suggère donc le retrait. Nous aurons tout à l’heure le débat sur les allégements de cotisations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS25 de M. Philippe Juvin

Mme Isabelle Valentin (LR). Il s’agit de pérenniser le système spécifique d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TO‑DE) pour l’agriculture. Notre souveraineté alimentaire exige une agriculture compétitive. Or le coût du salariat agricole en France est très élevé par rapport à ce qu’il est dans les autres pays européens. Ce soutien est donc nécessaire à nos agriculteurs.

Mme la rapporteure générale. Sur ce point, notre commission a remporté une belle victoire en prolongeant l’exonération jusqu’en 2026. Nous n’avons donc pas besoin de l’inscrire dans le PLFSS 2024.

Nous allons, par ailleurs, évaluer cette exonération dans le nouveau cadre organique. Il me semble important d’attendre cette évaluation avant de prolonger et généraliser la mesure.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1936 et AS1942 de M. Timothée Houssin

M. Christophe Bentz (RN). Les amendements sont défendus.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS21, AS24 et AS26 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (LR). Tous les territoires de France connaissent une pénurie de médecins. Si la suppression du numerus clausus peut être une réponse, ses effets ne seront que tardifs. Il est donc important de maintenir en exercice le plus longtemps possible les médecins en place. Dans ce contexte, il est tout à fait anormal que les médecins libéraux en cumul emploi‑retraite continuent à payer des cotisations retraite ne leur ouvrant aucun droit supplémentaire. C’est le sens des amendements AS21 et AS24.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS26 propose une exonération fiscale limitée en faveur des médecins retraités, en doublant quasiment le plafond actuel pour une activité de remplacement.

Dans la mesure où une part non négligeable des médecins diplômés en activité en France s’apprêtent à partir en retraite au cours des prochaines années, ce dispositif apporterait une première réponse d’urgence à la détresse qui frappe une grande partie de nos territoires. Il s’agit d’instaurer une forme de compagnonnage entre un médecin à la retraite et un jeune médecin installé ou cherchant à s’installer en exercice libéral, suivant un double objectif de transmission du savoir et de continuité de la prise en charge et du suivi des patients.

Mme la rapporteure générale. L’article 26 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit que, dès le 1er janvier 2024, les médecins qui reprendront une activité professionnelle se créeront de nouveaux droits à la retraite.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2054 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement, travaillé avec l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, tend à ce que les avantages annexes – tickets-restaurants, chèques-vacances, chèques cadeaux – octroyés par les établissements et services d’aide par le travail (Esat) aux travailleurs handicapés soient exonérés de cotisations sociales dans les mêmes conditions que pour les salariés.

Les nouvelles contraintes pesant sur les établissements pourraient en effet se répercuter négativement sur les travailleurs. Cette mesure vise donc à continuer à valoriser l’effort des travailleurs handicapés tout en préservant la stabilité financière des Esat.

Mme la rapporteure générale. Un amendement similaire a été déposé par M. Peytavie sur le projet de loi pour le plein emploi. Le ministre Olivier Dussopt y a répondu le 3 octobre en séance, faisant valoir que l’inscription de cette mesure risquait paradoxalement de fragiliser ce droit pour les salariés. Il s’est engagé à étendre ce droit aux travailleurs en Esat.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS856 de M. Jean-Pierre Taite

Mme Josiane Corneloup (LR). Pour le calcul des cotisations et contributions, la situation des chefs d’exploitation d’entreprise agricole est appréciée au 1er janvier de l’année civile. Cette règle conduit à exonérer de cotisations la première année en cas d’installation postérieure au 1er janvier : les cotisations ne sont dues qu’à compter de l’année suivante. À l’inverse, les exploitants agricoles sont redevables de la totalité des cotisations pour l’année de cessation d’activité. Ce principe, qui n’existe dans aucun autre régime de protection sociale, alourdit les charges sociales au moment de la cessation d’activité. Il est donc nécessaire de le faire évoluer vers un calcul au prorata.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable, car il s’agit d’une mesure de protection des droits sociaux de l’agriculteur. En supprimant une partie des cotisations dues, l’agriculteur risquerait de ne pas pouvoir valider l’ensemble de ses trimestres sur l’année considérée, ce qui pourrait avoir des conséquences très préjudiciables.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS551 de M. Thibault Bazin et AS62 de M. Yannick Neuder (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement tend à rendre cumulables deux dispositifs : l’exonération partielle de cotisations sociales des jeunes agriculteurs, et la modulation des taux des cotisations – maladie et maternité d’une part, prestations familiales d’autre part – en fonction des revenus des chefs d’exploitation, prévue aux articles L. 731‑25 et L. 731‑35 du code rural et de la pêche maritime.

Face au défi du renouvellement des générations, il serait bon que les jeunes agriculteurs bénéficient du cumul de ces deux dispositifs, comme c’est le cas pour l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise. Sinon, on aboutit à cette situation paradoxale que, dans des groupements agricoles d’exploitation en commun familiaux (Gaec), à compter de la troisième année, de jeunes agriculteurs sont à revenu égal redevables de cotisations plus élevées que leurs aînés. Vous pourriez militer, madame la rapporteure générale, pour que cet amendement soit repris par le Gouvernement lorsqu’il aura recours au 49.3.

M. Yannick Neuder (LR). Le but de ces amendements est effectivement de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs et de leur permettre de vivre de leurs revenus.

S’il existe des aides pour leur installation, notamment régionales, assurer ensuite la pérennité de leurs revenus est problématique. Toutes les taxes qu’ils paient sont autant de pouvoir d’achat en moins. Mon amendement permet donc le cumul du taux réduit de cotisation et de l’exonération pour les jeunes agriculteurs qui sont chefs d’exploitation, comme dans le cas des Gaec. Le fait que de jeunes agriculteurs doivent s’acquitter de cotisations supérieures à celles de leurs aînées pose en effet problème.

Mme la rapporteure générale. Nous avons soutenu les agriculteurs en allégeant dans la loi « pouvoir d’achat » les cotisations maladie de tous les travailleurs indépendants. La même loi a permis aux jeunes agriculteurs de bénéficier de l’exonération de cotisations sociales et de choisir leur taux réduit de cotisation. Je reste cohérente en émettant un avis défavorable sur ces amendements.

M. Thibault Bazin (LR). Cela n’apporte pas de réponse à cette anomalie qui fait que de jeunes agriculteurs, à revenu égal dans un Gaec familial, paient davantage de cotisations que leurs aînés. Permettre le cumul serait en outre un bon message en faveur de la transmission agricole. Nous allons persévérer et proposer à nouveau l’amendement en séance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2784 de M. Laurent Esquenet-Goxes

M. Nicolas Turquois (Dem). Les chefs d’exploitation agricole bénéficiaires du RSA sont soumis à des cotisations forfaitaires. Cet amendement vise à mettre fin à cette situation. Je préférerais encore que ce soient les revenus de leur travail qui leur permettent de sortir du RSA, mais cette exonération peut être utile à court terme.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement touche à un sujet que nous pourrions aborder en séance. Mais n’oublions pas – et cela vaut aussi pour la question de M. Bazin – que les cotisations sont aussi des droits supplémentaires et des recettes pour la sécurité sociale.

Je propose le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS444 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Il est important de soutenir les entreprises de la production agricole, qui se trouvent souvent dans une situation très difficile et auxquelles vous allez imposer des taxes supplémentaires, avec la redevance pour pollution diffuse, la fin de l’exonération du gazole non routier ou l’augmentation des prélèvements des agences de l’eau. Cela commence à faire beaucoup.

Le ministre Le Maire a annoncé des compensations, mais qui ne toucheront pas exactement ceux qui seront pénalisés : il y aura des gagnants et des perdants. Mieux vaudrait éviter qu’il y ait des perdants.

Mme la rapporteure générale. Les amendements déposés après l’article 10 touchent à de nombreuses questions que nous souhaiterions tous régler, mais je m’en tiendrai à mon rôle de maintien de l’équilibre des comptes sociaux.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS61 de M. Yannick Neuder et AS101 de Mme Justine Gruet, et amendement AS1777 de Mme Angélique Ranc

M. Yannick Neuder (LR). Mme la rapporteure générale a rappelé ce beau succès collectif qu’est l’exonération de charges pour les agriculteurs employant un TO‑DE. Ce dispositif, qui a été une vraie soupape pour les agriculteurs, est reconduit jusqu’au 31 décembre 2025. Mon amendement vise à en étendre l’application au secteur des travaux agricoles et du paysage, notamment pour les forestiers, qui connaissent les mêmes contraintes en matière de recrutement de main-d’œuvre.

Mme Justine Gruet (LR). À l’origine, les entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux bénéficiaient de l’exonération de cotisations sociales pour l’embauche de travailleurs occasionnels. Depuis la loi de finances pour 2015, le dispositif est limité aux agriculteurs employeurs de main-d’œuvre à titre individuel ou collectif et aux travaux forestiers, à l’exclusion des tâches réalisées par des entreprises de travaux forestiers.

Mon amendement vise à inclure les 21 000 employeurs de main-d’œuvre des secteurs des travaux agricoles et du paysage dans le champ de cette exonération. En redevenant éligibles à l’exonération, les entreprises bénéficieraient d’un coup de pouce fiscal estimé à 30 millions d’euros, dépense somme toute limitée pour un effet de levier très important en termes de compétitivité et d’emplois créés.

Mme Angélique Ranc (RN). Les entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux représentent 15 % des salariés de la production agricole et font partie intégrante du cycle de production agricole. Or, depuis la loi de finances pour 2015, le dispositif d’exonération des cotisations sociales est limité aux agriculteurs employeurs. Mon amendement vise donc à inclure ces 21 000 employeurs dans le champ de l’exonération.

Mme la rapporteure générale. Il sera intéressant de voir l’évaluation de ce dispositif. En attendant, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS443 de M. Thibault Bazin et AS2266 de M. Serge Muller (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). Après nous être battus pour le maintien pendant trois ans du dispositif TO‑DE, nous pourrions l’améliorer en en portant le seuil de dégressivité de 1,20 à 1,25 Smic. Après les taxes proposées par la NUPES après l’article 7, le groupe Les Républicains propose d’améliorer la compétitivité des entreprises. Je suis certain que nous pouvons continuer d’y travailler, surtout si nous pouvons dégager des marges d’économies, notamment grâce à la lutte contre la fraude et d’autres mesures que nous vous avons proposées.

M. Serge Muller (RN). Mon amendement a pour objet d’améliorer le système spécifique d’exonération de cotisations et contributions sociales patronales pour l’embauche de TO‑DE du secteur agricole, en passant d’un seuil de dégressivité de 1,20 à 1,25 Smic, ce qui correspondrait mieux à la réalité des rémunérations des salariés concernés.

Le contexte de dumping social que créent nos concurrents européens, notamment l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, dans un grand nombre de filières agricoles permet chaque année la conclusion de plus de 900 000 contrats avec un poids de charges réduit. Le coût employeur d’un salarié qui touche le salaire minimum est inférieur de 35 % en Espagne, de 68 % en Italie et de 30 % en Allemagne à ce qu’il est en France.

Cette réforme prend tout son sens dans ce contexte de concurrence avec des pays européens qui ont fait des choix sociaux différents, en vue de pouvoir continuer à produire en France tout en assurant les standards sociaux de notre pays.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS2789 de M. Pascal Lecamp et AS2053 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Nicolas Turquois (Dem). Au titre du dispositif TO‑DE, les agriculteurs bénéficient d’une exonération partielle de cotisations sur leurs salariés. En revanche, un salarié embauché en commun par une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma), qui est le prolongement même de leurs exploitations, n’ouvre pas droit à cette exonération.

L’amendement AS2789 veut mettre fin à cette anomalie. Cette mesure de soutien à la mise en commun aura certainement la faveur de nos collègues du groupe GDR.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement a le même objet. On observe en effet une rupture d’égalité selon que ces travailleurs sont embauchés par des Cuma ou par des groupements d’employeurs associatifs, lesquels bénéficient de l’exonération.

Mme la rapporteure générale. Je ne peux que souligner l’intérêt de l’examen des niches sociales prévu tous les trois ans. Nous mènerons ce travail au printemps à l’occasion de l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2023. Il sera très intéressant de voir l’évaluation de ce dispositif pour lequel nous nous sommes tous mobilisés. Il s’agira de viser des exonérations efficaces, qui ne se résument pas à un coût pour la sécurité sociale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1154 de Mme Caroline Fiat, amendements identiques AS917 de M. Jérôme Guedj et AS1152 de M. Frédéric Mathieu, amendements AS1524 de M. Pierre Dharréville et AS1155 de Mme Caroline Fiat

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Le Gouvernement continue à pratiquer le deux poids, deux mesures systématique. Alors que la « loi Veil » de 1994 impose à l’État de compenser les exonérations de taxes, vous vous en affranchissez systématiquement depuis plus de trois ans. Il serait à tout le moins opportun, lors de la création d’une réduction ou d’une exonération, de la compenser par la diminution ou la suspension d’une autre. Il y va de l’avenir de notre système social.

Vous oubliez également de dire qu’une exonération est un manque à gagner pour les finances de notre sécurité sociale. D’un côté vous exonérez sans aucune compensation, de l’autre vous déclarez irrecevables les amendements visant à rééquilibrer les finances de la sécurité sociale, en invoquant l’article 40 de la Constitution. Nous voudrions que vous arrêtiez d’exonérer à tout-va pour déplorer ensuite que les caisses soient vides. Par l’amendement AS1154, nous demandons donc la suppression de cette énième exonération.

M. Jérôme Guedj (SOC). Mon amendement, fidèle à l’esprit de la « loi Veil » de 1994 qui prévoit la compensation de toute exonération décidée par le gouvernement, vise à ce que toute décision en ce sens soit compensée par la suppression d’une autre mesure de réduction ou d’exonération de cotisations, d’un montant équivalent.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Il faut limiter les exonérations de cotisations sociales. En effet, le volume des allégements sociaux s’emballe. Ceux qui visent les salaires inférieurs à 3,5 Smic sont passés de 1,1 point de PIB en 2004 à 2,8 points en 2022. Pour le seul régime général, le montant des exonérations a doublé en moins de dix ans.

Il convient à tout le moins de plafonner le volume global d’exonérations pesant sur le financement de la protection sociale. Par l’amendement AS1152, nous proposons donc une règle de compensation prescrivant que toute nouvelle mesure de réduction ou d’exonération soit compensée par la réduction ou la suppression, dans les mêmes proportions, d’une autre niche sociale.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement pose un principe de non-prolifération des exonérations en prévoyant que chaque nouveau dispositif donne lieu à la suppression d’un dispositif existant pour un montant équivalent. Cela nous semble être une mesure de santé publique et budgétaire pour la sécurité sociale. Il est temps d’assainir tout cela.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement AS1155 prévoit lui aussi, par souci de non-prolifération, que chaque nouveau dispositif donne lieu à la suppression d’un dispositif existant pour un montant équivalent.

Mme la rapporteure générale. Le rapport de Jérôme Guedj et Marc Ferracci montre que certaines exonérations sont très efficaces. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2755 de M. Karim Ben Cheikh

M. Karim Ben Cheikh (Ecolo - NUPES). La Caisse des Français de l’étranger (CFE) est une caisse de sécurité sociale destinée aux Français établis hors de France. Bien qu’elle soit chargée d’une mission de service public et universelle – contrairement aux assurances, elle doit prendre en charge toutes les personnes, quel que soit leur âge ou leur état de santé – elle ne perçoit aucun financement de l’État, en dehors de la catégorie aidée. Elle est donc structurellement déficitaire.

Afin de garantir la pérennité de cette caisse, nous proposons qu’une fraction de CSG contribue à son financement.

Mme la rapporteure générale. Vous appelez notre attention sur la situation de la CFE, dont je constate qu’elle reste excédentaire, même si elle peut connaître des déséquilibres ponctuels. Je ne suis pas favorable, par ailleurs, à ce que l’on retire des ressources à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), comme vous le proposez.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2754 de M. Karim Ben Cheikh

M. Karim Ben Cheikh (Ecolo - NUPES). Il s’agit toujours de la CFE, dont le déficit est structurel, contrairement à ce que vous dites, madame la rapporteure générale, ce qui explique d’ailleurs qu’elle revoit son offre de couverture à la baisse.

Ainsi, la catégorie aidée – soit celle qui s’adresse aux personnes les plus vulnérables – est proposée à un niveau de cotisation tellement élevé qu’elle a perdu 30 % de ses adhérents en dix ans. C’est la seule qui suscite un financement de l’État, mais qui est cinq fois inférieur à la participation des personnes vulnérables concernées – elles sont 2 000. Bref, ce financement est presque inexistant. La CFE est donc bien structurellement déficitaire. Or, dans la mesure où elle a une mission de service public, je ne vois pas pourquoi elle n’aurait pas la compensation correspondante.

Mme la rapporteure générale. Les réserves de cette caisse s’élevaient tout de même à 175 millions d’euros en 2022. Il faut peut-être, d’ici l’année prochaine, se pencher sur les problèmes précis que vous soulevez, mais je répète que je ne souhaite pas réduire les recettes de la Cades, qui a encore 140 milliards de dette sociale à amortir.

Avis défavorable.

M. Karim Ben Cheikh (Ecolo - NUPES). Je vous invite, madame la rapporteure générale, à soutenir la demande de plusieurs députés des Français établis hors de France de tenir des assises de la sécurité sociale, afin de trouver des solutions pour la couverture sociale des Français résidant à l’étranger.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS245 de M. Jérôme Guedj et AS2531 de Mme Ségolène Amiot.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je propose que le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui gère l’argent provenant notamment des excédents de cotisations sociales, ne puisse pas investir dans des secteurs polluants. Il s’est engagé à réduire l’empreinte carbone de son portefeuille mais il ne le fait pas à un rythme assez soutenu.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Le FRR a pour mission d’investir, au nom de la collectivité, les moyens financiers que lui confie l’État afin de participer au financement des retraites. Alors que ce fonds doit assurer la protection sociale pour les générations à venir, il contribue au réchauffement climatique en investissant des centaines de millions d’euros dans des activités très polluantes, ce qui paraît antinomique. Il détient des investissements directs dans les grandes entreprises mondiales pétrolières et dans le charbon.

Afin que des entreprises comme TotalEnergies et Monsanto ne profitent plus de l’argent qui doit garantir nos retraites, nous proposons d’interdire au FRR les investissements dans les secteurs polluants.

Mme la rapporteure générale. Depuis sa création, le FRR intègre les enjeux liés au changement climatique dans sa stratégie d’investissement. Il mobilise 2,51 milliards d’euros pour la transition énergétique et écologique. Je ne suis pas favorable à l’interdiction que vous voulez introduire.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1311 de M. Philippe Lottiaux

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1139 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Cet amendement vise à créer une contribution pour inaptitude lorsque les entreprises enregistrent un taux de licenciement pour inaptitude anormalement élevé.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1147 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Parmi les plus inutiles des exonérations sociales figurent les allégements de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic, pour un coût de 1,6 milliard d’euros en 2022. Ce qu’on appelle le « bandeau famille » n’a aucun effet significatif sur l’emploi, ni sur la compétitivité. Nous proposons donc, au minimum, de revenir sur les allégements de cotisations sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement, en réalité, concerne plutôt le bandeau maladie que le bandeau famille mais comme il est le premier à porter sur les allégements généraux de cotisations, j’en profite pour exposer ma position sur le sujet.

Jérôme Guedj et Marc Ferracci ont effectué un travail approfondi sur ces allégements généraux dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss). Leur rapport montre que l’efficacité des allégements de cotisations sur l’emploi est avérée sur les salaires les moins élevés mais qu’en revanche, on peut légitimement douter de leur efficacité sur l’emploi et la compétitivité au-delà de 2,5 Smic.

Le rapport conclut en recommandant la suppression des exonérations de cotisations portant sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic, c’est-à-dire le « bandeau famille », sur lequel nous aurons un débat dans quelques minutes. Cette suppression pourrait dégager des marges de manœuvre budgétaire de l’ordre d’1,6 milliard d’euros par an. Cette mission étant le fruit d’un travail transpartisan, je crois qu’il convient de s’en tenir à ses conclusions, sans aller plus loin. Ainsi, j’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui excèdent les recommandations formulées dans le rapport.

Cela étant, je précise que la suppression du bandeau maladie que demande cet amendement aboutirait à renchérir le coût du travail de plus de 24 milliards d’euros pour nos entreprises.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il est dommage de ne pas tenir compte des conclusions d’un rapport parlementaire, alors que des rapporteurs de bord différent se sont mis d’accord après de longues semaines de travail.

M. Thibault Bazin (LR). On a parfois la mémoire courte : on ne se souvient pas toujours du lien entre les exonérations et les créations d’emploi. Pourtant, si on renchérissait de plus de 24 milliards d’euros le coût du travail en France, cela aurait des conséquences énormes qui pénaliseraient à l’évidence nos entreprises à l’international. On ne peut pas se le permettre.

S’agissant du niveau des seuils, il importe de maintenir une échelle des salaires et un ascenseur social dans les entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS215 et AS231 de M. Jérôme Guedj, et amendement AS900 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS215 vise à conditionner les allégements de cotisations patronales liés au CICE pour les salaires versés au-delà de 1,6 fois le Smic, en posant, pour les entreprises d’une certaine taille, des obligations en matière sociale, environnementale et fiscale.

Ces obligations concerneraient en l’occurrence l’égalité entre les hommes et les femmes, les délocalisations et la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans notre rapport, nous avions cependant conclu qu’il ne fallait pas imposer trop vite des conditions trop contraignantes, car la situation n’est pas mûre. Il s’agit donc plutôt d’un amendement d’appel, qui a vocation à ouvrir une réflexion. Mais je ne peux que relayer la position unanime des organisations syndicales, qui se sont encore exprimées en ce sens hier à la conférence sociale. Du reste, la Première ministre envisage elle-même d’imposer des conditions aux branches qui ne respecteraient pas les minima conventionnels. Il faudra y revenir dans un texte ad hoc.

L’amendement AS231 a le même objectif et fixe trois conditions cumulatives pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 1,5 milliard d’euros ou dont le bilan excède 2 milliards.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les dispositifs d’exonération de cotisations d’assurance maladie dont bénéficient les employeurs se sont multipliés, sans toutefois démontrer leur efficacité, et les organismes de sécurité sociale continuent à être privés de recettes dont ils ont besoin.

Nous sommes attachés au principe contributif. Financer notre sécurité sociale à la hauteur de ses besoins implique un effort de solidarité nationale de la part de ceux qui s’enrichissent sur le dos des Françaises et des Français. Adopter la vision de la pleine santé pour le financement de notre modèle de protection sociale, c’est considérer l’impact sur la santé environnementale des plus grandes entreprises polluantes. Nous ne pourrons améliorer le bien‑être et la santé de la population sans renforcer les sanctions contre les entreprises qui la détruisent au quotidien par des activités climaticides. Nous proposons donc de subordonner, pour les multinationales, les allégements de cotisations patronales au respect d’obligations en matière sociale, environnementale et fiscale.

Mme la rapporteure générale. Vous dites, monsieur Guedj, que ce sont des amendements d’appel, mais vous disiez assez clairement dans votre rapport qu’instaurer une conditionnalité des allégements généraux serait très complexe.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS230 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous proposons d’éteindre progressivement, sur deux ans, l’allégement de cotisation patronale d’assurance maladie sur les salaires au-dessus de 1,6 Smic.

Il s’agit, là encore, d’un amendement d’appel. Il n’est pas établi avec certitude que les exonérations touchant les salaires compris entre 1,6 et 2,5 Smic ont un effet positif sur l’emploi et la compétitivité, alors qu’elles tournent autour de 22 milliards d’euros. Il faudrait procéder à une évaluation plus approfondie de cette disposition et mesurer l’impact de ces allégements par branche, par secteur d’activité et par taille d’entreprise.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1161 de M. Frédéric Mathieu et AS1535 de M. Pierre Dharréville

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous proposons l’extinction progressive, sur deux ans, des allégements de cotisation patronale d’assurance maladie.

Cet allégement grève la sécurité sociale d’environ 22 milliards d’euros chaque année. Pendant ce temps, les établissements de santé sont obligés de faire des économies en plein cœur d’une crise inédite.

Si le Gouvernement a des marges de manœuvre pour diminuer de 8 milliards d’euros les impôts des entreprises, il doit aussi pouvoir financer correctement notre système de santé en ciblant les dépenses sociales et en diminuant leur volume global, estimé à 90 milliards par la Cour des comptes en 2019.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’allégement de cotisation patronale d’assurance maladie représente un coût annuel moyen de 22 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Ce dispositif, qui est accordé aux entreprises sans contreparties, a montré son inefficacité en termes de créations d’emplois. Du reste, la sécurité sociale n’a pas à être instrumentalisée pour financer des politiques d’emploi, qui relèvent des politiques publiques. C’est injuste et cela délégitime la cotisation sociale patronale.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

Amendements AS219 et AS216 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS219 impose des contreparties sociales et environnementales aux baisses de cotisations patronales d’assurance maladie pour les salaires versés au-delà de 1,6 Smic. Nous proposons que la réduction de cotisations puisse être minorée en fonction de plusieurs critères : le nombre de fins de contrat de travail ; la nature du contrat de travail et sa durée ; la politique d’investissement de l’entreprise ; l’impact de l’entreprise sur l’environnement ; la taille de l’entreprise.

L’amendement AS216 introduit d’autres conditions : l’obligation d’atteindre, avant le 1er janvier 2024, un index d’égalité entre les femmes et les hommes inférieur à 75 points ; l’absence de versement de dividendes au titre de l’année 2023 ; l’obligation de ne pas délocaliser les activités de l’entreprise.

C’est une manière d’ouvrir une réflexion sur la nature des contreparties qui pourraient être demandées aux entreprises. Il est vrai que notre rapport a souligné la complexité de cette question mais, il y a quelques semaines, vous avez demandé des contreparties aux bénéficiaires du RSA : je ne vois pas pourquoi ce qui peut s’appliquer au versement d’une prestation sociale ne pourrait pas s’appliquer au calcul d’une exonération. Le big data permet d’analyser un grand nombre d’informations relatives aux entreprises. Cela n’aurait donc rien d’une usine à gaz.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

J’ajoute que, dans votre second amendement, il me semble que vous souhaiteriez que l’index atteigne un niveau « supérieur » à 75 points.

M. Jérôme Guedj (SOC). En effet, je vous remercie.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS941 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement, issu de propositions formulées par la Fédération hospitalière de France (FHF), vise à élargir aux Ehpad et aux unités de soins de longue durée du secteur public la réduction pérenne de cotisations sociales dont bénéficient les seuls Ehpad des secteurs privés, lucratifs et non lucratifs. Vous connaissez ma position sur les exonérations de cotisations sociales, mais j’estime qu’il y a, sur cette question, une distorsion problématique.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement me surprend un peu, car vous voulez étendre une exonération que vous avez par ailleurs appelé à supprimer. Les Ehpad privés payent des taxes locales et subissent des charges que ne subissent pas les Ehpad publics. Votre proposition me paraît donc assez injuste.

Avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement est essentiel. Il y a quelques semaines, nous avons répondu, avec Monique Iborra, à l’invitation de la FHF Occitanie. Elle nous a présenté une étude sur les disparités de coûts entre Ehpad publics et privés : ce qui est établi, c’est que pour un Ehpad public qui recrute une aide-soignante, le coût du travail est de 20 % supérieur à un Ehpad privé commercial, parce qu’il ne bénéficie pas des exonérations de cotisations sociales. Je regrette de ne pas avoir déposé moi-même cet amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Il faut comparer ce qui est comparable. Les Ehpad publics et les Ehpad privés ont des fonctionnements totalement différents, les uns ne payant pas certains impôts, les autres bénéficiant d’exonérations de cotisations. Je ne suis pas sûr que la solution consiste à accorder des exonérations aux Ehpad publics. Je crois toutefois que ce qui nous rassemble, c’est le souci d’équité. À cet égard, il faut noter que les mesures du Ségur de la santé se sont appliquées plus rapidement dans le public que dans le privé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS217 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à supprimer le même allégement de cotisations patronales pour les entreprises qui distribuent des dividendes dont le montant est excessif. L’exonération de cotisations sociales doit aller de pair avec un partage de la richesse.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS892 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il est injuste de faire peser tout le poids d’un hôpital en détresse financière et d’un système de protection sociale en verrouillage constant sur ceux qui rencontrent le plus de difficultés d’accès aux soins.

La CGT a proposé plusieurs pistes pour financer la réforme des retraites, dont nous pouvons aussi nous inspirer pour augmenter le financement de la sécurité sociale : la suppression des exonérations de cotisations pour les entreprises du CAC40, qui rapporterait 5,5 milliards d’euros ; une surcotisation pour les emplois précaires – CDD et intérim –, qui rapporterait 1 milliard ; ou le déplafonnement des cotisations pour les salaires supérieurs à 27 500 euros par mois, qui rapporterait également 1 milliard. Il existe de nombreuses solutions.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Je ne comprends pas bien vos calculs. L’augmentation de 0,1 point que propose l’amendement rapporterait 900 millions d’euros. À titre de comparaison, la réforme des retraites permet de réduire le déficit de la branche vieillesse de 6,3 milliards à l’horizon 2027. Pour arriver au même résultat avec la mesure que vous proposez, il faudrait augmenter les cotisations d’une manière trop importante, ce qui nuirait au coût du travail et à l’activité économique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS150 de M. Joël Aviragnet et AS1136 de Mme Caroline Fiat, et amendement AS1137 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Cet été, dans mon département du Tarn, l’assurance maladie a lancé une campagne de contrôles pour réduire le nombre d’arrêts maladie. Vingt médecins ont déjà été contactés. Les arrêts maladie seraient trop nombreux et coûteraient trop cher.

Comment peut-on fermer à ce point les yeux sur la question de la santé au travail ? Selon le dernier baromètre Malakoff Humanis, les troubles psychologiques sont à l’origine de 20 % des arrêts maladie. Parmi les salariés, 44 % sont en situation de détresse psychologique et, pour 74 % d’entre eux, ce malaise est lié à leurs conditions de travail. Le nombre de burn‑out et de cas d’épuisement professionnel a doublé entre 2020 et 2022. Il est donc normal que le nombre de prescriptions d’arrêts maladie augmente aussi.

Au lieu de faire la chasse à ces arrêts maladie, le Gouvernement devrait adopter la mesure que nous proposons dans l’amendement AS1136 : faire contribuer davantage au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) les entreprises qui mettent sous pression leurs salariés au point qu’ils en arrivent à un burn-out.

M. Jérôme Guedj (SOC). La question de la santé mentale des travailleurs doit être prise au sérieux. L’amendement AS150 introduit une sorte de malus, en faisant davantage contribuer les entreprises de plus de cinquante salariés dont la proportion d’arrêt maladie pour burn‑out est supérieure à un certain seuil. Nous proposons également de prévenir ces troubles en déployant, sous l’égide de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, un plan national de formation à la prévention des troubles psychiques au travail et à l’impact de l’organisation du travail sur l’état de santé des travailleurs, avec un abondement spécifique par la puissance publique du compte personnel de formation.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Mon amendement propose de faire davantage contribuer au financement de la branche AT-MP les entreprises de plus de cinquante salariés qui pratiquent des licenciements boursiers, c’est-à-dire des entreprises en bonne santé qui licencient uniquement pour faire des économies et verser davantage de dividendes à leurs actionnaires.

La mortalité des chômeurs est trois fois supérieure à celle des personnes en emploi, et on estime le nombre de morts par an à plus de 14 000, notamment du fait d’un nombre élevé de suicides. Il est temps que les entreprises qui tuent des gens pour des raisons financières contribuent au financement de la branche AT-MP.

Mme la rapporteure générale. La question de la santé mentale au travail est essentielle mais, dans la mesure où la branche AT-MP est excédentaire, je ne crois pas que la solution consiste à accroître ses ressources.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Si cette branche est excédentaire, c’est aussi parce que nombre de maladies professionnelles ne sont pas reconnues comme telles. C’est notamment le cas des maladies psychiques et du burn-out. Il devient vraiment urgent de faire en sorte que les personnes concernées soient prises en charge et que la responsabilité de l’entreprise soit reconnue, quand elle existe.

J’en profite pour dire ma surprise de voir que certains de nos amendements ont été considérés comme des cavaliers budgétaires alors qu’ils n’en sont pas. Je pense par exemple à celui qui proposait de faire contribuer Sanofi à l’indemnisation des victimes de la Dépakine par le financement de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui avait pourtant été jugé recevable l’année dernière, mais je pourrais évoquer une vingtaine d’autres qui ont subi le même sort. J’ai bien compris qu’il faut avancer, mais pas au prix de la démocratie.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Pour information, c’est le président de la commission des finances qui, au titre des dispositions organiques relatives aux LFSS, a jugé votre amendement irrecevable. Ce n’est pas un déni de démocratie.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il est vrai qu’un licenciement peut avoir des conséquences très graves et conduire au suicide, ce qui est évidemment dramatique, mais je suis un peu surpris par cet argumentaire. Lors de l’examen du projet de loi pour le plein emploi, des membres du groupe de Mme Amiot nous reprochaient de chercher des moyens de favoriser la reprise d’emploi en disant que parfois, le travail tue. À présent, c’est la perte de travail qui tue. Je suis persuadé qu’il faut favoriser l’accès à un travail de qualité et lutter contre les licenciements abusifs, mais prenons garde aux mots que nous employons.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS148 de M. Jérôme Guedj et AS737 de M. Sébastien Peytavie

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’instaurer un malus sur les cotisations dues au titre de la branche AT-MP pour les entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée. Un rapport d’enquête parlementaire recommande de procéder ainsi, notamment pour les entreprises n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle. Il s’agit de les inviter à s’inscrire dans un cercle plus vertueux.

D’après ce rapport, de 5 % à 15 % des 300 000 cancers diagnostiqués chaque année, soit de 15 000 à 45 000 cas, sont des cancers professionnels. Or seuls 2 000 cas sont reconnus comme tels. De même, le nombre d’affections psychiques dues aux accidents du travail est très sous-évalué.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). En France, les chiffres sont alarmants. D’après une enquête de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, 34 % des salariés français seraient en burn-out, dont 13 %, soit plus de 2 500 000 personnes, en burn-out sévère.

Au lieu de faire la chasse aux arrêts maladie, le Gouvernement devrait s’interroger sur les multiples raisons qui poussent une personne à en poser un : travail aliénant, management qui pousse à bout, organisation du travail ciblant exclusivement la productivité au détriment de la santé mentale des travailleurs et des travailleuses...

Nous pourrions aller à la racine du problème en misant sur l’élimination des causes de burn-out, de maladie cardiovasculaire et de diabète. Cela suppose d’avoir une vision transversale de la pleine santé et d’agir sur la prévention dans l’alimentation, le travail, le sport et la qualité de vie. L’absence de mesures ambitieuses pour lutter contre le burn-out a de nombreuses conséquences sur des personnes et sur notre système de santé.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Le taux des cotisations AT-MP varie d’ores et déjà en fonction de la sinistralité.

M. Thibault Bazin (LR). L’an dernier, la commission m’a fait l’honneur de me nommer rapporteur thématique sur la branche AT-MP, dont j’ai constaté qu’elle dégageait un excédent et qu’elle ne semblait pas manquer de cotisations. C’est un système vertueux qui influence les entreprises à la sinistralité élevée. Je vérifierai avec intérêt si le rapport thématique de mon successeur préconise la disposition prévue par les amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1140 de M. Frédéric Mathieu

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement vise à lutter contre les taux anormalement élevés de rupture de contrat parmi les salariés seniors.

Fin 2021, la proportion des salariés âgés de 55 à 64 ans occupant un poste s’élevait à 56 %. Les entreprises ont une responsabilité dans le maintien en emploi des seniors. Or elles sont nombreuses à considérer les seniors comme des salariés jetables. Ainsi, 63 % des actifs âgés de 44 à 55 ans en recherche d’emploi n’ont pas été sollicités par des recruteurs au cours des six derniers mois, contre 26 % parmi ceux qui sont âgés de 18 à 34 ans.

Prendre des mesures réellement ambitieuses pour l’emploi de qualité des seniors suppose de sanctionner les entreprises dont le taux de rupture de contrats de seniors est anormalement élevé.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1703 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement vise à relever le taux de cotisations versées au titre de la branche AT-MP des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée. Il présente l’intérêt non seulement de dégager des fonds pour la réparation, mais aussi d’avoir des vertus dissuasives, de prévenir les risques professionnels et de participer à la promotion du travail.

Cette mesure est issue de mon rapport d’enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination. La Cour des comptes l’a également préconisée par la suite. Il s’agit de donner une véritable efficacité préventive aux cotisations AT-MP.

Madame la rapporteure, la variation du taux des cotisations dues au titre de la branche AT-MP est modeste. C’est bien le problème.

Monsieur Bazin, que la branche AT-MP soit excédentaire alors même que la santé au travail et le mal-être professionnel sont des problèmes qui prennent de l’ampleur devrait nous intriguer. Il y a largement matière à dépenser l’argent des cotisations. Au demeurant, une compensation s’opère vis-à-vis de la branche maladie, même si elle est insuffisante et effectuée un peu à l’aveugle : on sait en effet que certaines maladies professionnelles sont remboursées par l’assurance maladie alors même qu’elles devraient l’être par la branche AT-MP, qui, elle, est exclusivement financée par des cotisations patronales.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1156 de Mme Ségolène Amiot, AS1158 de M. Hadrien Clouet et AS2297 de M. Marc Ferracci, amendements identiques AS716 de M. Jérôme Guedj, AS903 de M. Sébastien Peytavie, AS1307 de M. Marc Ferracci, AS1494 de M. Laurent Panifous, AS1520 de M. Pierre Dharréville et AS1529 de M. Yannick Monnet, amendements identiques AS330 de M. Jérôme Guedj et AS1157 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement AS1156 vise à limiter le champ d’application de l’allégement de cotisations familiales aux salaires inférieurs à 1,6 Smic.

Étendu aux rémunérations les plus élevées sur la préconisation du rapport Gallois dans le but d’augmenter la compétitivité, le « bandeau famille » sur les salaires élevés n’a eu aucun effet sur l’emploi ni sur l’industrie. En outre, la réduction des cotisations familiales sur les salaires bénéficie surtout aux grandes entreprises : 270 entreprises concentrent environ 30 % des allégements sur les rémunérations comprises entre 2,5 Smic et 3,5 Smic. Chaque année, cet allégement inefficace prive la sécurité sociale de plus de 4 milliards d’euros, soit deux fois les besoins des hôpitaux et des établissements publics de santé pour réellement compenser l’inflation en 2023.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). L’amendement AS1158 vise à circonscrire l’allégement des cotisations sociales aux seuls bas salaires. Le rapport d’information de Jérôme Guedj montre que cet allégement est efficace sur ces derniers, mais non sur les hauts salaires.

M. Marc Ferracci (RE). L’amendement AS2297 vise à créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois sans coût pour les finances publiques et sans augmenter le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises.

Il s’agit de supprimer le « bandeau famille » pour les salaires compris entre 2,5 Smic et 3,5 Smic, dont le rapport d’information que j’ai rédigé avec Jérôme Guedj a confirmé l’inefficacité. La ressource ainsi dégagée, d’environ 1,6 milliard d’euros, serait utilisée pour renforcer les allégements de charges sur les salaires bas et intermédiaires, qui sont compris entre 1 Smic et 1,64 Smic.

Le point de sortie des allégements généraux est donc décalé de 1,6 à 1,64 Smic. À ce niveau de salaire, toutes les évaluations et les études économiques montrent que la réduction du coût du travail crée de l’emploi. Il s’agit donc d’améliorer l’efficacité de la dépense publique tout en soutenant les bas salaires, sur lesquels on peut espérer un report d’une partie de l’exonération.

Par ailleurs, l’amendement permet de limiter les effets de trappe à bas salaires. En effet, décaler le point de sortie des allégements généraux en réduit la pente. Or plus cette pente est forte, plus les effets de trappe à bas salaires sont probables. Concrètement, avec cet amendement, les entreprises auront moins à perdre en matière d’exonérations lorsqu’elles augmenteront les salaires.

Créer des emplois et rester fidèles à nos engagements de ne pas augmenter le taux de prélèvements obligatoires tout en améliorant l’efficacité de la dépense publique : telles sont les finalités de l’amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS716, que je cosigne avec Sacha Houlié dans une démarche transpartisane alors que, l’an dernier, nous avions défendu séparément deux amendements identiques, vise à supprimer les exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic. Le rapport d’information sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales que j’ai rédigé pour la Mecss avec Marc Ferracci confirme l’inefficacité du « bandeau famille » sur les rémunérations comprises entre 2,5 Smic et 3,5 Smic, soit entre 4 200 et 6 000 euros brut par mois, pour un coût de 1,6 milliard d’euros.

C’est l’amendement le plus fidèle aux conclusions de notre rapport, madame la rapporteure générale. Il ne fait que décliner en droit la suppression du « bandeau famille » au‑delà de 2,5 Smic. Il ne dit rien de la réaffectation de la ressource ainsi rendue disponible, contrairement à l’amendement que vient de présenter Marc Ferracci. Nous nous en tenons au constat de l’inefficacité de cet allégement de cotisations. La protection sociale a besoin de ressources, nous les déployons. Elles seront affectées en fonction du débat que nous avons chaque année lors de l’examen du PLFSS.

Puisque cet amendement est parfaitement fidèle à un rapport dont notre commission avait autorisé la publication à l’unanimité, je vous invite à l’adopter.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). En 2019, le Conseil d’analyse économique publiait une note intitulée « Baisses de charges : stop ou encore ? ». Ses auteurs, économistes de renom, recommandaient l’abandon des exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic, au motif qu’elles sont sans effet sur l’emploi et la compétitivité. Il semble donc judicieux de supprimer les exonérations de cotisations sur les rémunérations comprises entre 2,5 Smic et 3,5 Smic.

M. Marc Ferracci (RE). L’amendement AS1307 est un amendement de repli, identique aux deux qui viennent d’être présentés.

Les conclusions de notre rapport d’information comportent des constats et des recommandations. En l’espèce, la recommandation, Jérôme Guedj l’a bien dit, est de supprimer les allégements de cotisations sur les salaires compris entre 2,5 Smic et 3,5 Smic. Le constat est que ces allégements sont efficaces sur les bas salaires, raison pour laquelle je vous ai présenté tout à l’heure l’amendement AS2297.

L’amendement AS1307, donc, ne préjuge pas de l’affectation de la ressource dégagée, qui avoisinera 1,5 ou 1,6 milliard d’euros. Il ne s’en inscrit pas moins dans la logique d’amélioration de la dépense publique à laquelle nous sommes très attachés.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement AS1494 vise à supprimer la réduction de 1,8 point du taux de cotisation d’allocations familiales sur les rémunérations comprises entre 2,5 Smic et 3,5 Smic. Cette recommandation figure dans le rapport d’information de la Mecss, mais aussi dans la note du Conseil d’analyse économique « Baisses de charges : stop ou encore ? », qui la juge sans effet sur l’emploi et la compétitivité. Les économies réalisées pourraient utilement profiter à notre système de sécurité sociale, en premier lieu à la branche autonomie.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement vise à revenir sur une exonération de cotisations sociales patronales dont il a été démontré qu’elle n’a pas les effets promis, ce qui n’est pas tout à fait une surprise. Prenons-en acte.

Le premier amendement présenté par Marc Ferracci me surprend un peu : il consiste à dire que, si l’on supprime une exonération de cotisations, il faut en créer une autre. C’est le contraire de ce que nous disons depuis le début. Il n’est pas nécessaire de créer une exonération de cotisations. Par ailleurs, l’efficacité de cet amendement contre les effets de trappe à bas salaires mérite d’être examinée de plus près.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS330 est un amendement de repli. Si une sortie sèche vous effraie, chers collègues de la majorité, nous proposons d’étaler la mesure sur trois ans, en ramenant progressivement le plafond de salaire de l’exonération de 3,5 à 2,5 Smic d’ici le 1er janvier 2026.

Cet amendement est lui aussi fidèle aux conclusions du rapport d’information de la Mecss, qui préconise d’accompagner la disparition des exonérations soit par une sortie en sifflet, soit par des mesures spécifiques à certains secteurs d’activité qui pourraient en pâtir particulièrement, tels que l’industrie, où les niveaux des rémunérations sont plus élevés.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement AS1157 est identique. Le plafond serait fixé à 3,2 Smic en 2024, 2,8 en 2025 et 2,5 en 2026. Mais nous préférerions que les amendements précédents soient adoptés.

Mme la rapporteure générale. D’abord, un constat : le coût des allégements généraux, fonction du Smic, augmente.

Je me range aux conclusions de l’important travail de nos collègues Guedj et Ferracci. Abaisser le point de sortie du « bandeau famille » de 3,5 Smic à 2,5 Smic dégagerait 1,6 milliard d’euros. Dès lors, la question de ce qu’il convient de faire de cette somme se pose. Les amendements n’y apportent pas tous la même réponse. Je suis favorable à sa réallocation à la réduction dégressive sur les bas salaires prévue par l’amendement AS2297. Avis défavorable pour les autres amendements.

M. Thibault Bazin (LR). Ces amendements m’inquiètent beaucoup. J’ai l’impression que le rapport d’information de la Mecss s’est concentré sur l’emploi en oubliant la compétitivité. Très clairement, la suppression de ces exonérations est une augmentation des prélèvements obligatoires et des charges.

En dépit des exonérations dont ils bénéficient actuellement jusqu’à 3,5 Smic, les cotisations sociales dont s’acquittent les employeurs sont supérieures de 6 milliards d’euros à celles versées par leurs homologues allemands. Le risque pour notre compétitivité est réel.

Par ailleurs, notre système de protection sociale est progressif : plus le salaire est élevé, plus le taux de cotisations sociales, en pourcentage de salaire brut, est élevé. La disposition proposée ne risque-t-elle pas de diminuer la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence ? Ce ne sont pas toutes des cabinets d’experts-comptables ou des notaires !

Quant au gain de 1,6 milliard d’euros attendu, il ne tient pas compte de la diminution des recettes issues de l’impôt sur les sociétés qu’induira l’augmentation des charges. N’a-t-il pas été surestimé ?

Enfin, les allégements s’élèveraient à 7,8 % en deçà de 2,5 Smic et passeraient à 0 au-delà. Cela ne risque-t-il pas d’accentuer les effets de seuil ? On risque de dissuader les employeurs d’augmenter les salaires.

M. Sacha Houlié (RE). Tous les rapports établissent la nécessité de faire quelque chose au sujet des exonérations de cotisations. Rappelons les ordres de grandeur : 80 milliards d’euros sont consacrés à des exonérations de cotisations, dont 1,6 au titre du « bandeau famille ». Les salaires compris entre 2,5 Smic et 3,5 Smic vont de 4 368 à 6 115 euros brut mensuels. Sur ces salaires, les allégements de charges sont sans effet sur l’attractivité ou la compétitivité.

C’est pourquoi leur suppression est préconisée. Leur réaffectation peut être discutée, mais en tout état de cause, il convient de réformer cette exonération de cotisations qui, depuis 2019 au moins, n’a pas fait la preuve de ses effets.

M. Jérôme Guedj (SOC). Madame la rapporteure générale, vous avez dit que vous soutiendriez ceux des amendements qui sont fidèles aux conclusions du rapport d’information de la Mecss. Or le rapport ne tranche nulle part sur l’utilisation des ressources ainsi dégagées. L’an dernier, j’avais proposé de les affecter à la branche autonomie, mais je n’ai rien proposé de tel cette année.

Vous excipez de nos travaux la création d’une nouvelle exonération de cotisations sociales, pour renforcer les exonérations de charges sur les bas salaires. Vous faites donc un arbitrage en faveur de ces dernières, plutôt que d’affecter des ressources supplémentaires à la sécurité sociale.

Si l’objectif est de créer de l’emploi, je vous assure que les 1,6 milliard d’euros ainsi dégagés peuvent y contribuer, par exemple dans les Ehpad ou dans les hôpitaux. Cela correspond aux crédits nécessaires pour améliorer le taux d’encadrement, comme le préconise le rapport d’information sur les Ehpad rédigé par Monique Iborra et Caroline Fiat.

M. Marc Ferracci (RE). Le rapport d’information de la Mecss et les travaux sur lesquels il s’appuie soulèvent la question de la compétitivité des entreprises. Des évaluations ont notamment été menées, dans le cadre des travaux de France Stratégie sur le CICE, sur les salaires compris entre 2,5 Smic et 3,5 Smic. Elles n’ont décelé aucun effet sur la compétitivité des entreprises, en particulier sur leur capacité à gagner des parts de marché à l’export.

Sans doute faut-il approfondir la réflexion. Toutefois, en l’état actuel, les éléments sur l’effet de ces exonérations sur l’emploi et la productivité sont peu probants.

Quant aux ressources de la sécurité sociale, les allégements généraux sont intégralement compensés, modulo les 2,5 milliards d’euros dont on parle. Il ne s’agit pas de renforcer les ressources de la sécurité sociale de telle ou telle façon.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous voyons là au contraire une occasion d’augmenter les ressources de la sécurité sociale, qui en a besoin : comme nous le savons tous, elle saurait sans aucun problème quoi faire de 1,6 milliard d’euros. Saisissons cette occasion au lieu de redistribuer cette somme en exonérations dont nous n’avons pas besoin. Dans ce domaine, nous avons déjà atteint des niveaux trop élevés.

Les créations d’emplois promises sont tout à fait hypothétiques. L’effet sur les salaires, lui, est certain. S’agissant de ceux compris entre 1 Smic et 1,6 Smic, le niveau d’exonération est d’ores et déjà considérable. Il ne reste plus grand-chose à supprimer.

Je suis radicalement opposé à la redistribution telle qu’elle est prévue par l’amendement AS2297.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). En tant que coprésident de la Mecss, je me réjouis que les travaux menés par Marc Ferracci et Jérôme Guedj soient débattus et trouvent un aboutissement dans le cadre du PLFSS.

À titre personnel, je suis favorable à l’amendement AS2297. Marc Ferracci a rappelé que les allégements généraux sont compensés : si nous n’affectons pas ces 1,6 milliard d’euros, ils iront dans les caisses de l’État et non dans celles de la sécurité sociale, ce qui serait dommage. Favoriser l’emploi en répartissant mieux les exonérations de charges pour qu’elles soient plus efficaces est préférable à un tour de passe-passe.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je m’interroge sur l’amendement AS2297. Si l’exonération des cotisations familiales sur les salaires élevés n’a guère d’effet en matière d’attractivité – c’est l’employeur qui parle –, Pierre Dharréville a raison de rappeler que les charges sur les salaires compris entre 1 Smic et 1,6 Smic sont déjà faibles. Dès lors, pourquoi accentuer l’effort ? J’aimerais entendre l’analyse de Marc Ferracci sur ce point.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous serions un peu frustrés si l’amendement AS2297 était adopté. En effet, nous sommes tous d’accord : le rapport de nos deux collègues est excellent, la sécurité sociale a besoin de recettes nouvelles et les exonérations de charges sur les salaires élevés sont sans effet sur la compétitivité et l’attractivité. C’est donc les amendements suivants qu’il faut voter.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il y a un consensus autour d’un amendement, et on nous demande d’en voter un autre. Pourrait-on juste s’en tenir au travail transpartisan mené pour la Mecss, et plus généralement apprécier le travail des parlementaires à sa juste valeur ? Sinon, à quoi bon ?

Quant à la somme dégagée, si elle est utilisée pour compenser les 2,5 milliards d’euros d’exonérations non compensées, elle sera utile à la sécurité sociale.

M. Yannick Neuder (LR). Madame Fiat, le consensus porte sur l’inefficacité des exonérations de charges sur les salaires élevés. L’amendement AS2297 ajoute un allégement sur les bas salaires pour favoriser l’emploi, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Jérôme Guedj plaide pour l’affectation de la ressource dégagée aux Ehpad. Mais soyons clairs : le problème des Ehpad, bien plus que le financement, est le manque de personnel formé ! Dans nombre d’entre eux, des postes sont vacants. Les choses ne sont pas aussi simples que vous les présentez.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Guedj, vous écrivez dans l’avant-propos de votre rapport : « plus une exonération concerne un niveau de rémunération proche du Smic, plus elle est susceptible d’avoir des effets bénéfiques sur l’emploi ». Le choix de rediriger ces 1,6 milliard d’euros vers la réduction dégressive sur les bas salaires me semble cohérent avec cette affirmation. Mon avis favorable à l’amendement AS2297 est fidèle à votre rapport d’information.

La commission rejette successivement les amendements AS1156 et AS1158.

Puis elle adopte l’amendement AS2297.

En conséquence, les amendements AS716 de M. Jérôme Guedj, AS903 de M. Sébastien Peytavie, AS1307 de M. Marc Ferracci, AS1494 de M. Laurent Panifous, AS1520 de M. Pierre Dharréville, AS1529 de M. Yannick Monnet, AS330 de M. Jérôme Guedj et AS1157 de Mme Ségolène Amiot tombent.

Amendement AS1526 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement s’inscrit dans l’éternel débat que nous avons sur la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires, ou « allégements Fillon ». Fixer un minimum de contreparties les rendrait plus efficaces. Sinon, ils ne sont rien d’autre qu’un chèque en blanc. Nous proposons de les conditionner avec différents critères, comme l’impact de l’entreprise sur l’environnement ou sa politique salariale et d’investissement.

Mme la rapporteure générale. Nous avons déjà eu le débat sur la conditionnalité des exonérations. Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Tout de même, madame la rapporteure générale, en quoi soumettre une aide à des conditions pose-t-il problème ? Toutes les collectivités locales de France, de droite et de gauche, le font. Quiconque est soucieux de l’usage de l’argent public vérifie qu’une aide donnée sert à quelque chose et est conforme à l’intention de départ. Qu’est-ce qui vous empêche, philosophiquement, de conditionner les allégements de charge ? Je ne comprends pas le blocage intellectuel que vous faites sur ce point.

Mme la rapporteure générale. D’abord, je vous engage à lire le rapport de Marc Ferracci et Jérôme Guedj. Ensuite, les exonérations de charges s’appliquent à de très nombreuses entreprises et de très nombreux salariés. Fixer des conditions introduit dans le dispositif de la complexité et de la rigidité, au détriment du développement économique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1527 de M. Pierre Dharréville et AS1160 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement offre l’occasion de réparer le mauvais coup qui vient d’être porté par l’adoption de l’amendement AS2297. Il s’agit de supprimer de manière progressive le dispositif Fillon d’allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires, qui certes a un coût pour les finances sociales, mais pour soutenir la création d’emplois peu qualifiés et mal rémunérés. En somme, il tire tout vers le bas, en plus de délégitimer la cotisation sociale.

J’ai été assez heurté de la façon dont l’amendement AS2297 a été adopté. Chers collègues de la majorité, que vous assumiez votre volonté de produire de nouveaux allégements est votre droit. Moi je la conteste. Mais s’appuyer, pour ce faire, sur un rapport qui visiblement ne dit pas tout à fait cela, ou dont à tout le moins l’un des deux auteurs ne l’entend pas de cette façon, je trouve que ce n’est pas bien, pour ne pas dire plus. Ne faites pas dire au rapport ce que manifestement il ne dit pas tout à fait.

Nous avions l’occasion de prendre une décision soutenue au-delà des rangs de la majorité. Vous en avez pris une autre. Je le regrette, d’autant que cette démarche jette le doute sur l’issue des rapports parlementaires que nous produisons.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Notre amendement vous donne une seconde chance, au cas où vous rejetteriez celui de M. Dharréville : il propose de supprimer le dispositif Fillon de façon progressive, de 2024 à 2027, si le faire d’un coup vous fait trop mal.

D’après le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, la croissance des allégements généraux de cotisations devrait être encore soutenue en 2023, à hauteur de 12 %. En 2024, la croissance des produits devrait être deux fois moindre : la croissance des cotisations devrait ralentir, et elles devraient progresser moins que la croissance attendue de l’assiette, les allégements généraux progressant à nouveau davantage que l’assiette.

Par ailleurs, d’après le Haut Conseil des finances publiques, « la prévision de cotisations sociales apparaît toutefois un peu élevée, car quasi identique à celle de la masse salariale alors que la revalorisation du Smic devrait être encore importante en 2024 et pousser de ce fait les allégements de cotisations à la hausse ».

La sécurité sociale ne souffre pas d’un problème de dépenses mais d’un assèchement tendanciel de ses ressources savamment orchestré. Nous proposons de revenir sur les cadeaux faits aux entreprises sans aucune contrepartie.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). J’indique à Pierre Dharréville que la visée de l’amendement AS2297 n’est pas de créer des allégements de charges, mais des emplois, ce qui est assez différent. Cela, nous l’assumons.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne voterai pas ces amendements, par cohérence avec ma position sur les allégements de charges sur les bas salaires, dont je considère qu’ils ont une efficacité – sans penser pour autant qu’il faut les intensifier. Que Pierre Dharréville et moi ayons des désaccords peut arriver.

Mais je tiens à faire part très sincèrement de mon amertume. Depuis un peu plus d’un an, chers collègues de la majorité, vous nous dites que nous devons, sur certains sujets, travailler de façon transpartisane et si possible constructive. Cela a fonctionné cahin-caha, même si nous avons plus souvent eu des 49.3 que des propositions transpartisanes adoptées. Et puisque, dans cet état d’esprit, Marc Ferracci et moi-même avons travaillé ensemble et sommes tombés d’accord sur une mesure, arrivant à la conclusion, et l’assumant, que nous divergerons probablement sur l’affectation de la ressource dégagée, une forme de respect de ce travail parlementaire transpartisan aurait peut-être consisté à déconnecter les deux sujets.

Vous avez le droit de créer une exonération de cotisations sociales. C’est un choix, assumez-le – peut-être aurait-il fallu demander au Gouvernement de l’inscrire dans son texte initial. Mais se fonder pour cela sur un travail qui nulle part ne propose une telle mesure, c’est le dénaturer.

Nous avons voulu évaluer ces exonérations de charges car nous avions le sentiment qu’elles ne l’étaient pas assez. Vous avez abouti à une nouvelle exonération de cotisations sociales. J’espère que vous n’invoquerez pas à tort et à travers les conclusions du rapport que nous avons élaboré ensemble. En tout cas, il préconise bien de commencer par évaluer les exonérations de charges et identifier celles qui dysfonctionnent ou ne sont pas assez efficaces avant d’envisager d’en créer d’autres.

Je vous dis donc, et à Marc Ferracci au premier chef, toute mon amertume.

La commission rejette successivement les amendements.


  1.   Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 21 heures 15 (après l’article 10 (suite) à après l’article 11)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14081350_65302b177d550.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--18-octobre-2023

Après l’article 10 (suite)

Amendement AS2008 de M. Frédéric Cabrolier

 

M. Frédéric Cabrolier (RN). La réduction générale des cotisations patronales, dite Fillon, bénéficie à l’employeur pour tous les salariés qui gagnent moins de 1,6 Smic brut. L’assiette de calcul de cette réduction comprend le salaire, mais aussi les primes ou les rémunérations des heures supplémentaires. L’inclusion des primes dans le calcul de la rémunération annuelle peut avoir pour conséquence d’annuler totalement ou partiellement le droit à la réduction. Du coup, les employeurs rechignent à donner des primes ou à augmenter les salaires.

L’amendement vise donc à exclure les primes reçues par les salariés de l’assiette de rémunération qui sert au calcul de la réduction.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Sur le fond, je suis défavorable ; en outre, la rédaction de l’amendement aboutirait à l’inverse de ce que vous voulez.

M. Thibault Bazin (LR). L’effet des seuils sur les pratiques salariales des employeurs, en raison des conséquences sur leurs charges, est aussi en question dans l’amendement Ferracci que nous avons adopté et sur lequel j’aimerais avoir une étude d’impact. Il supprime les exonérations de cotisations familiales sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic, pour mieux renforcer les exonérations sur les salaires compris entre 1 et 1,64 Smic – un pouillème ! Cela ne risque-t-il pas de dissuader les employeurs d’augmenter les salaires au-delà de 1,64 et de 2,5 Smic ?

Mme la rapporteure générale. Monsieur Cabrolier, vous souhaitez retirer les primes de l’assiette de calcul du seuil de salaire qui détermine l’éligibilité à la réduction dégressive. Autrement dit, vous souhaitez que la réduction dégressive s’applique sur tous les salaires jusqu’à 1,6 Smic déduction faite des primes. Mais le dispositif de l’amendement aboutit au résultat inverse, puisqu’il conduit à retirer les primes du calcul du montant de la réduction en elle-même, qui dépend de la rémunération de chaque salarié. Autrement dit, si on adoptait votre amendement, la réduction dégressive continuerait de s’appliquer sur les salaires jusqu’à 1,6 Smic prime incluse, mais le calcul du montant de la réduction n’intégrerait plus les primes, ce qui diminuerait le montant total de la réduction pour l’employeur.

M. Frédéric Cabrolier (RN). La dernière phrase de l’exposé sommaire est claire : « exclure les primes reçues par les salariés de l’assiette de rémunération qui sert de base de calcul pour déterminer le montant de la réduction générale ». Je ne demande pas que les primes soient déduites du montant de la réduction. Nous allons étudier l’amendement d’encore plus près et nous le redéposerons.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1144 de Mme Caroline Fiat, amendements identiques AS740 de M. Sébastien Peytavie et AS1151 de M. Frédéric Mathieu, amendement AS214 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Les salaires des femmes sont inférieurs de 24,4 % à ceux des hommes en moyenne. À situation égale, l’écart de rémunération est de 15,5 % ; il a atteint 16,5 % en 2021. On estime ainsi que les femmes, comparées à leurs collègues masculins, travaillent gratuitement de début novembre à la fin de l’année.

Les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres et la course à la précarisation les frappe de plein fouet. Discriminées dans le travail, elles le sont aussi après leur carrière : elles touchent déjà des pensions en moyenne inférieures de 40,5 % à celles des hommes et la réforme des retraites adoptée l’an passé les pénalise encore davantage, comme l’a dit M. Riester.

Malgré les lois successives en matière d’égalité professionnelle, les écarts de salaire ne se réduisent pas. À ce rythme, ce n’est pas avant 2234 que les femmes devraient gagner autant que les hommes, selon l’économiste Rebecca Amsellem. Celle-ci promeut un principe d’éga-conditionnalité selon lequel l’accès aux subventions publiques, auxquelles on peut assimiler les exonérations de cotisations, doit être réservé aux structures respectant strictement l’égalité salariale.

L’égalité salariale, nécessaire par principe, permettrait aussi d’investir pour l’hôpital, les Ehpad et les retraites.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). En France, les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes en moyenne. À partir du 3 novembre, de ce fait, elles travaillent bénévolement jusqu’à la fin de l’année. Elles représentent 80 % des travailleurs et travailleuses pauvres et des travailleurs et travailleuses à temps partiel, et la course à la précarisation les frappe de plein fouet.

Les entreprises ne font pas leur juste part pour réduire les inégalités professionnelles. C’est déplorable. Il est inadmissible de laisser cette injustice perdurer.

Il faudrait attendre 257 ans pour atteindre l’égalité économique entre les femmes et les hommes dans le monde, et la France n’est qu’à la quinzième place du classement du Forum économique mondial sur l’égalité professionnelle femmes-hommes. Or les dernières mesures d’incitation du Gouvernement ont brillé par leur mollesse et leur inefficacité.

Nécessaire par principe, l’égalité salariale améliorerait aussi les conditions de vie de nombreuses personnes et permettrait de renflouer les caisses de la sécurité sociale, dont les comptes ont été gravement mis à mal par les mesures d’austérité et d’exonération des gouvernements successifs. La CGT rappelle ainsi qu’atteindre ne serait-ce que l’égalité salariale générerait 5,5 milliards d’euros de cotisations sociales pour notre système de retraite.

Il est inacceptable que les entreprises qui refusent de s’engager puissent s’enrichir davantage sur le dos des femmes par les exonérations de cotisations sociales. Nous proposons donc que l’exonération soit subordonnée à la conclusion d’un accord d’égalité professionnelle afin de dissuader fiscalement les entreprises de pratiquer la discrimination.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement AS1151 est un amendement de repli par rapport à l’amendement AS1144 : la condition pour bénéficier des subsides
 exonérations de cotisations ou subventions – ne serait plus l’égalité hommes-femmes, mais simplement la conclusion d’un accord en faveur de celle-ci. Si ma mémoire est bonne, le même amendement avait été adopté l’année dernière, mais écarté lors du 49.3. Certes, conclure un accord ne coûte rien et n’engage que ceux qui y croient.

En France, les femmes sont majoritairement plus diplômées que les hommes et plus compétentes dans le domaine scolaire et professionnel. Pourtant, nous restons 24 % moins bien payées. Nous n’avons pas le droit de laisser cette inégalité perdurer et nous devons trouver tous les moyens possibles pour arriver enfin à l’égalité, notamment salariale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Savez-vous que la conditionnalité du bénéfice des exonérations de cotisations sociales existe déjà ? C’est la loi du 3 décembre 2008 qui a introduit la possibilité d’une pénalité sur le montant des exonérations quand une entreprise ne respecte pas l’objectif de négociation annuelle sur les salaires et l’organisation du temps de travail. En réalité, elle est rarement utilisée : selon l’Urssaf, seules 74 à 325 entreprises par an ont été sanctionnées. Mais le principe a déjà été posé.

L’obligation d’avoir un plan relatif à l’égalité professionnelle est prévue par le code du travail, mais n’est assortie d’aucune sanction. Il ne s’agit que de contrôler formellement l’existence du plan – il se peut que son contenu ne soit que roupie de sansonnet. C’est très facile à vérifier, cela n’a rien d’une usine à gaz. Pas de plan ? Pas d’allégements généraux. Je peux vous assurer que cette mesure sera puissamment incitative, au moins pour que l’on se mette autour de la table afin d’écrire le plan.

Mme la rapporteure générale. Comme l’année dernière, je serai défavorable aux amendements relatifs à la conditionnalité des allégements généraux.

Je rappelle l’engagement très clair de la Première ministre à renforcer l’égalité hommes-femmes dans son discours de clôture de la conférence sociale.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’égalité femmes-hommes finance les retraites ! Si les femmes étaient payées au même niveau que les hommes, elles cotiseraient davantage : plus de problème de financement du système de retraite. À travail égal, salaire égal : c’est ce que nous demandons depuis des années. L’amendement est de bon sens ! Comment ne pas le voter ?

Mme Caroline Janvier (RE). Ce n’est pas parce que nous sommes en désaccord avec la solution que vous proposez que nous sommes opposés à la défense de l’égalité femmes-hommes. Ne caricaturez pas nos positions. Nous pensons que la conditionnalité des exonérations de cotisations n’est pas le bon outil pour remédier à cette situation. Quant à dire que cet amendement pourrait résoudre le problème des retraites...

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Pas l’amendement : l’égalité salariale !

Mme Caroline Janvier (RE). Il faut arrêter de dire n’importe quoi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1150 de M. Hadrien Clouet

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Je suis désespérée du vote qui vient d’avoir lieu. Est-ce si difficile de renvoyer à une simple négociation ? Je doute de votre volonté d’arriver un jour à l’égalité hommes-femmes.

Le présent amendement tend à supprimer les exonérations de cotisations pour les entreprises qui augmentent les salaires à un rythme inférieur à celui de l’inflation. Nous voulons pousser les entreprises à jouer le jeu et à permettre à leurs salariés de garder au moins le même pouvoir d’achat tout au long de leur carrière ou jusqu’à une évolution de salaire. Rester dans une entreprise qui ne le ferait pas, c’est perdre de l’argent en travaillant.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Christophe Bentz (RN). Madame la présidente, la recevabilité des amendements pose un problème inédit. Au moment où nous parlons, 1 426 amendements ont été jugés irrecevables ; 765 sont encore en cours de traitement ; il ne nous en reste que 158 à débattre. Le problème se pose aussi en commission des finances : sur les 450 amendements déposés par le groupe Rassemblement National, il n’en est resté que 36. Je veux bien que nous ayons fait quelques erreurs. Mais l’opposition en général a déposé beaucoup d’amendements qui ont été déclarés irrecevables, parmi lesquels certains dont le contenu avait été jugé recevable l’an dernier. Avoir si peu d’amendements nous laisse très peu de temps pour défendre nos positions. Je pense que toutes les oppositions sont concernées. Nous aimerions des éléments d’explication.

Mme Michèle Peyron, présidente. À la minute où je vous parle, il reste 908 amendements à examiner. Les oppositions ne sont pas les seuls groupes dont des amendements aient été déclarés irrecevables : c’est aussi le cas de toutes les composantes de la majorité. Le taux d’irrecevabilité n’est pas plus élevé que l’année dernière. Enfin, c’est le président de la commission des finances qui se prononce : la rapporteure générale et moi-même n’y sommes pour rien.

M. Thibault Bazin (LR). Il est surprenant que cela survienne en plein examen du texte, alors que nous avons préparé nos interventions. C’est beaucoup de gâchis. Pourriez-vous demander au président de la commission des finances qu’il se prononce dans des délais respectueux de notre travail et de celui de nos collaborateurs ?

Mme la rapporteure générale. Je comprends, et j’aimerais moi aussi connaître les irrecevabilités de l’ensemble des amendements dès le début. Mais nous avons déposé près de 3 000 amendements sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), deux fois plus que l’année dernière pour le même nombre d’articles. J’ai vu la quantité de travail de tri que cela implique pour les services. Mathématiquement, il faut plus de temps que l’année dernière pour passer les amendements en revue. La situation s’explique par le délai et nous sommes tous dans l’embarras.

Mme Michèle Peyron, présidente. Moi-même, j’ai déposé des amendements identiques à ceux de l’année dernière et qui, cette année, ont été déclarés irrecevables.

Amendement AS1143 de M. Frédéric Mathieu

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Par cet amendement, nous proposons que les exonérations de cotisations sociales soient subordonnées au respect d’obligations sociales et environnementales.

Depuis début 2020, notre pays a traversé une crise sanitaire d’envergure mondiale, mettant notre société en difficulté sanitaire, mais également économique et sociale, caractérisée par une inflation historique du fait d’une guerre et d’effets d’aubaine spéculatifs.

Au premier semestre 2023, les bénéfices nets des entreprises du CAC40 continuent leur progression ; ils ont augmenté de 15 % sur un an pour atteindre 75 milliards d’euros. Pendant ce temps, environ 14 % des Français sont en situation de privation matérielle et sociale. Ce sont 10 % des Français qui ne peuvent pas se chauffer correctement, tandis que 9,6 % ne peuvent payer à temps leurs loyers, intérêts et factures ; 25 % prévoient de se restreindre sur le chauffage et le budget destiné à l’alimentation, un niveau record depuis 1985.

Nous ne sommes pas égaux face à la crise. Plan de relance, France 2030, prêts garantis par l’État, baisse des impôts de production, sans oublier le célèbre crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi : les grandes entreprises ont été perfusées d’argent public, sans aucune contrepartie sociale, économique ou environnementale. En revanche, rien de substantiel pour soutenir les plus fragiles et la consommation populaire, et si peu pour les investissements directs, pourtant indispensables à la bifurcation écologique. C’est dans la droite ligne de la politique budgétaire menée par Emmanuel Macron pendant ce dernier quinquennat : des cadeaux pour le capital, rien pour le peuple.

Au vu de la situation économique et dans un souci de justice fiscale et sociale, notre amendement vise à établir une réelle conditionnalité des aides publiques. En cas de non-respect des conditions, les entreprises seront contraintes à des sanctions reversées au budget de la sécurité sociale.

Mme Michèle Peyron, présidente. Une observation : vous n’êtes pas obligés de lire tout l’exposé sommaire des amendements. Si vous le faites, on ne va pas y arriver.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit une fois encore d’un amendement instaurant une conditionnalité des allégements généraux ; comme je l’ai dit, j’y suis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Madame la présidente, sans vouloir remettre en cause votre présidence, et avec tout le respect que je vous dois, chacun défend ses amendements comme il l’entend dans le temps qui lui est imparti, que ce soit en lisant l’exposé sommaire, un texte qu’il a préparé ou en citant des exemples réels ou fictifs. S’il y a bien un domaine dans lequel nous sommes libres, c’est la manière de défendre ses amendements.

Mme Michèle Peyron, présidente. Je suis tout à fait d’accord avec vous. C’était simplement une observation.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Elle était franchement déplacée !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS220 de M. Jérôme Guedj, AS1149 de Mme Ségolène Amiot et AS1525 de M. Yannick Monnet

M. Jérôme Guedj (SOC). Par sa rédaction maximaliste – abroger l’article du code de la sécurité sociale qui prévoit l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires –mon amendement vise à ouvrir le débat. Acceptons-nous encore que cette désocialisation des heures supplémentaires soit la seule exonération de cotisations sociales non compensée ? C’est une perte de recettes sèche pour la sécurité sociale. Cette question est également posée dans le rapport d’information que j’ai présenté avec Marc Ferracci.

On objecte que ce dispositif crée une dynamique. Cela reste à démontrer. La désocialisation des heures supplémentaires ne se traduit pas par de l’emploi supplémentaire ; au contraire, elle incite à ne pas recourir à des salariés en plus.

Nous ne pouvions pas déposer un amendement en ce sens, car il aurait été irrecevable ; mais expliquez-nous pourquoi vous aggravez le déficit de la sécurité sociale de 2,5 milliards d’euros parce qu’en 2019 vous avez prévu de ne pas compenser cette exonération, au mépris de la loi de 1994 et du principe de compensation posé par ailleurs dans la loi organique.

C’est le principe du salaire différé : tout revenu, y compris celui que l’on tire des heures supplémentaires, de la distribution gratuite d’actions, des retraites chapeaux ou des primes d’intéressement – même si nous préférons le salaire –, doit contribuer au financement de la sécurité sociale par l’intermédiaire des cotisations sociales, qu’elles soient salariales ou patronales.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Amendement AS1149 de Mme Amiot et plusieurs de ses collègues : « article additionnel ; après l’article 10, insérer l’article suivant, deux points : “L’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est abrogé, point.ˮ »

Exposé sommaire : « par cet amendement, virgule, nous proposons de supprimer l’exonération de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires qui fait perdre de l’argent au système de retraite, point. Pour justifier sa réforme des retraites, virgule, le Gouvernement a agité le chiffon rouge de la faillite du système, point. La réalité, virgule, c’est qu’il a imposé une régression sociale en dénonçant des déficits qu’il contribue lui-même à aggraver, point.

Il en va ainsi de l’exonération de cotisation vieillesse sur les heures supplémentaires que l’État ne compense pas à la sécurité sociale, point. Chaque année, virgule, ce sont près de 2 milliards d’euros qui manquent au système de retraite, point. Pour éviter une augmentation générale et significative des salaires, virgule, le Gouvernement préfère toujours passer par des voies détournées au détriment du salaire socialisé et de la sécurité sociale, deux points : en témoigne la loi sur le partage de la valeur votée le printemps dernier, point.

Nous proposons une solution simple, deux points : éradiquer les niches sociales en tout genre et les exonérations inefficaces, point. Pour commencer, supprimons la niche sur les heures supplémentaires, point. »

Je suis très fière de lire des exposés sommaires travaillés durement par nos collaborateurs et nous-mêmes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous avons toujours contesté la désocialisation des heures supplémentaires. Elles devraient au contraire donner particulièrement lieu à cotisation, car l’augmentation du temps de travail n’est pas bonne pour la santé. En outre, comme l’a dit Jérôme Guedj, l’exonération a plutôt tendance à peser sur l’emploi qu’à l’encourager. C’est le sens de l’amendement AS1525.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Ces amendements sont contraires à la politique que nous menons en faveur du développement des heures supplémentaires et qui permet d’augmenter l’activité et le pouvoir d’achat, donc, indirectement, d’apporter des recettes à la sécurité sociale.

M. Thibault Bazin (LR). On a la mémoire courte. Au moment des « gilets jaunes », il y a eu de grandes attentes en matière de pouvoir d’achat, et l’exonération était la mesure qui permettait d’augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs de la classe moyenne. Nous en avions débattu avec Pierre Dharréville, et nous avions demandé au Gouvernement la garantie qu’elle serait compensée. Il s’y était engagé. Je ne comprends donc pas pourquoi on laisse penser qu’il n’y aurait pas de compensation. Simplement, il s’agit d’autres flux : ce sont des financements du budget de l’État qui opèrent cette compensation. Il y a même un article qui traite des compensations !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Pour augmenter le pouvoir d’achat, il faut augmenter la rémunération du travail. Vous avez fait l’inverse en désocialisant les heures supplémentaires : vous avez privé les salariés d’une partie de la rémunération – la cotisation sociale. Par un jeu de vases communicants, vous avez supprimé la cotisation et fait comme s’il s’agissait d’une augmentation de salaire.

J’ai l’impression que Thibault Bazin s’est fait enfumer par le Gouvernement. En réalité, il n’y a pas de compensation de la désocialisation des heures supplémentaires, et c’est un problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS225 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Fidèle à l’idée selon laquelle toute forme de rémunération doit être contributive au financement de la sécurité sociale, cet amendement propose d’assujettir les dividendes à l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Nous avons dit et redit que nous voulions les taxer de manière exceptionnelle, mais il s’agit ici seulement de faire entrer dans le droit commun de l’assiette les 80 milliards d’euros de dividendes versés. C’est, depuis la loi de financement la sécurité sociale (LFSS) de 2009, un débat passionnant, que nous rouvrirons lors de l’examen du texte en séance publique.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Cet amendement aurait la conséquence paradoxale d’augmenter les prélèvements sociaux sur l’actionnariat salarié sans modifier les prélèvements versés aux actionnaires non‑salariés, ce qui ne me semble pas être ce que vous visez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS226 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement, que nous avions déjà déposé lors de l’examen de la loi sur le partage de la valeur ajoutée et de la réforme des retraites, vise à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale sur l’intéressement, les réserves de participation et les abondements dans le cadre des plans d’épargne salariale. La désocialisation de ces formes de rémunération prive d’environ 3,5 milliards d’euros le financement de la sécurité sociale. Ç’aurait également pu être, à l’époque, l’une des ressources alternatives permettant le financement de la branche vieillesse, plutôt que l’ajout de deux années de travail supplémentaires.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1206 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement a pour objet d’intégrer l’intéressement à l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Plutôt que d’augmenter les salaires face à l’inflation, le Gouvernement prévoit en effet de les comprimer davantage avec sa réforme des retraites : selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le relèvement de deux ans de l’âge légal de départ entraînerait une baisse des salaires de 3 % à terme. La thèse de la boucle prix-salaires, selon laquelle la hausse des salaires gonflerait l’inflation, est erronée et démentie par un groupe de recherche du Fonds monétaire international.

Le Gouvernement s’obstine pourtant en substituant aux salaires des dispositifs de rémunération désocialisés : prime de partage de la valeur, participation et intéressement. Nous proposons, au contraire, d’augmenter les salaires et de soumettre à cotisations les revenus par lesquels le Gouvernement prétend les remplacer.

Mme la rapporteure générale. Cet amendement aurait pour effet de dissuader l’employeur de verser des sommes au titre de l’intéressement, des réserves de participation et de l’abondement de plans épargne retraite, ce qui est contraire à notre politique.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1207 de M. Frédéric Mathieu

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement a pour objet de soumettre les revenus d’intéressement à l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Selon l’OFCE, le relèvement de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite entraînerait une baisse des salaires de 3 % à terme. La thèse de la boucle prix-salaires, selon laquelle la hausse des salaires gonflerait l’inflation, est totalement fausse et démentie par le FMI, qu’on peut difficilement accuser d’être de gauche.

Plutôt que de s’obstiner à maintenir des salaires bas, à octroyer des primes mal ou pas du tout garanties et à exonérer ces primes et les heures supplémentaires, nous proposons de soumettre à cotisations tous les revenus, y compris l’intéressement.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS763 de Mme Christine Pires Beaune

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à garantir aux établissements et services d’aide par le travail (Esat) un accompagnement et un soutien financier pour assurer aux travailleurs de ces Esat le droit à bénéficier d’une complémentaire santé à adhésion obligatoire, prévu dans le projet de loi sur le plein emploi – auquel la NUPES s’oppose par ailleurs. Cette mesure a été chiffrée à 36 millions d’euros.

Mme la rapporteure générale. Il conviendrait de réécrire cet amendement, dont la rédaction ne tourne pas. En tout cas, avis défavorable.

Mme Christine Le Nabour (RE). Le Gouvernement, pleinement conscient des nouveaux droits ouverts aux travailleurs en Esat – que l’on ne peut du reste qu’approuver – a demandé à l’Inspection générale des affaires sociales un rapport sur les surcoûts correspondants, afin de pouvoir agir pour protéger les Esat, sur lesquels cette mesure aura une incidence.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mme Le Nabour reconnaît qu’il y aura un surcoût, lequel a été chiffré, je le répète, à 36 millions dans l’étude d’impact. Peut-être cette dernière est-elle lacunaire ou erronée, mais toujours est-il que nous vous proposons de voter cet amendement pour envoyer un signal indiquant aux Esat que les surcoûts seront compensés.

L’amendement peut être retravaillé avant l’examen du texte en séance, mais il sera au moins un signe de la volonté de notre commission de transcrire dans le PLFSS une mesure qui devrait entrer en vigueur dans les prochains mois. Il se peut que l’amendement ne « tourne » pas assez bien, car les députés de l’opposition n’ont pas assez d’administrateurs à leurs côtés pour les aider, mais si vous mettez à notre disposition quelques-uns d’entre eux, nous pourrons rédiger un meilleur amendement. Vous pouvez aussi le sous-amender dès maintenant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS978 de M. Stéphane Viry

Mme Justine Gruet (LR). Cet article additionnel prévoit un dispositif d’exonération transitoire des cotisations sociales des employeurs publics sur toutes les couvertures de protection sociale complémentaire. Il doit permettre aux employeurs de la fonction publique des trois versants devant désormais participer de manière obligatoire à la protection sociale complémentaire de leurs agents de garantir à ces derniers un haut niveau de couverture en santé, dans une période de crise inflationniste qui affecte fortement leur capacité de financement. Il y va également de l’équité de traitement entre les employeurs de la fonction publique et du respect du principe d’égalité entre les agents publics.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS72 de M. Yannick Neuder, AS197 de M. Jérôme Guedj, AS421 de M. Thibault Bazin, AS953 de M. Paul Christophe, AS1062 de M. Stéphane Viry et AS1320 de M. Hadrien Clouet

Mme Isabelle Valentin (LR). Compte tenu des difficultés de recrutement que rencontrent les métiers du domicile, l’amendement AS72 vise à alléger la fiscalité sur les véhicules mis à la disposition permanente des intervenants à domicile par leur employeur afin d’effectuer leurs tournées au domicile notamment des personnes âgées en perte d’autonomie. En effet, lorsqu’un employeur met à la disposition permanente d’un salarié un véhicule dont il est propriétaire ou locataire, l’utilisation privée qui en est faite représente un avantage en nature, soumis à cotisations et considéré comme un revenu imposable pour le salarié.

L’amendement tend donc à exclure des bases de cotisations de sécurité sociale et, en conséquence, de la base de revenu imposable les véhicules mis à disposition par les structures d’aide à domicile à leurs salariés sans distinction des périodes d’utilisation professionnelles et non professionnelles. Cette mesure permettra d’améliorer le pouvoir d’achat de ces salariés de première ligne et d’augmenter grandement leur employabilité.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS197 vise à alléger la fiscalité pour inciter les employeurs à investir dans les véhicules des intervenants à domicile. Dans le contexte du virage domiciliaire auquel nous assistons, les aides à domicile sont à la peine, faute de pouvoir financer leur véhicule. Cette mesure a donc pour objet de leur permettre d’effectuer leurs tournées dans les meilleures conditions sans que cela leur coûte.

L’année dernière Mme Astrid Panosyan-Bouvet, M. François Ruffin et moi-même avons accompagné un conflit social du groupe Domidom, filiale d’Orpea, une grève de quarante-cinq jours des aides à domicile, qui se battaient notamment parce qu’elles payaient, et même très cher, pour aller travailler. Elles ont finalement obtenu une revalorisation de leurs indemnités kilométriques, mais cela ne suffit pas, car il leur faut, par exemple, en raison des trajets incessants qu’elles effectuent, changer les plaquettes de frein tous les six mois.

M. Thibault Bazin (LR). La mesure proposée est un levier d’amélioration de l’employabilité des intervenants à domicile, de l’attractivité de leurs métiers et de leur pouvoir d’achat, ainsi qu’un levier de valorisation, ces salariés témoignant qu’ils se sentent considérés et respectés lorsqu’on leur confie un véhicule. Ce petit coup de pouce ne déstabilise pas les budgets de l’autonomie, a de l’importance dans nos territoires où ces salariés ont besoin de se déplacer et multiplient les petits trajets pour intervenir tôt le matin, à midi et le soir. La distinction entre les trajets à caractère professionnel et personnel est d’ailleurs assez difficile à définir lorsque les journées sont aussi hachées et que s’y ajoutent des contraintes familiales.

M. Paul Christophe (HOR). Nous avons déjà débattu de cette question l’année dernière. Cet amendement d’appel vise à sensibiliser à l’attractivité des métiers, en particulier celui des intervenants à domicile, qui suppose des déplacements. Il y a une différence entre l’utilisation d’un véhicule que l’on doit retirer sur son lieu de travail et la possibilité de le conserver à domicile sans être assujetti à la fiscalité y afférente. Alors qu’il est beaucoup question aujourd’hui des métiers de l’aide à domicile, l’accompagnement de la fiscalité générée par l’usage d’un véhicule a toute sa place dans nos débats.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement AS1062 est défendu.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Sans répéter les arguments pertinents qui viennent d’être exposés, j’évoquerai, quant à moi, l’écologie à l’appui de l’amendement AS1320. En effet, le fait de ne pas pouvoir conserver le véhicule de l’entreprise oblige à des trajets inutiles, consommateurs de carburant et écologiquement coûteux, pour aller le chercher, puis le ramener le soir pour récupérer sa propre voiture et rentrer chez soi. Dans très peu de temps, les véhicules en vente seront systématiquement électriques, mais leur prix n’est pas encore celui des véhicules thermiques et il ne sera donc pas facile pour les aides à domicile de devenir propriétaires d’un véhicule électrique. Si donc nous pouvons aider les entreprises à mettre à leur disposition des véhicules propres pour accomplir les trajets nécessaires pour leur travail, il faut le faire.

Mme la rapporteure générale. Je reconnais moi aussi l’utilité des professions de l’aide à domicile dans nos territoires et l’importance que revêt leur attractivité. Pour ce qui est toutefois de la forme de l’amendement, la notion de « véhicule terrestre motorisé » peut s’appliquer aussi bien aux trottinettes électriques qu’aux tracteurs, aux machines agricoles, aux engins de chantier et même à des tondeuses autoportées. Quant au fond, si je reconnais l’intérêt qu’auraient des mesures efficaces pour améliorer l’attractivité de ces métiers – question qui pourrait du reste être étendue à d’autres professions –, je ne peux néanmoins émettre un avis favorable, car les amendements ne donnent aucune notion du coût ni de l’efficacité de cette mesure, susceptible de creuser un déficit important dans les comptes de la sécurité sociale.

Avis défavorable, donc.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure générale, vous êtes douée pour dire non ! Objectivement, toutefois, on imagine bien qu’un service d’aide à domicile ne mettra pas à la disposition de ses salariés des véhicules qui ne seraient pas adaptés à leurs missions. Or la mise à disposition est une pratique vertueuse qui se déploie de plus en plus largement dans ce secteur.

Pour ce qui est du coût et de l’efficacité, la première efficacité tient à la fidélisation et à l’attractivité des métiers – et, précisément, les salariés se sentent positivement considérés. Sur le plan budgétaire, toutefois, les services d’aide à l’autonomie sont aujourd’hui en difficulté.

Mme Annie Vidal (RE). Je suis, intellectuellement, tout à fait en phase avec cet amendement, que j’avais déposé l’année dernière mais qui, pour les mêmes raisons que cette année, n’avait pu connaître d’issue favorable. Il reste que la question de l’attractivité est bien réelle. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France, dont nous reprendrons l’examen dans la semaine du 20 novembre, prévoit, à son article 7, une enveloppe de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie destinée aux départements pour accompagner tous les services à domicile qui appliquent des aides à la mobilité. C’est notamment le cas de services d’aide à domicile qui s’équipent de flottes de véhicules électriques pour leurs professionnels. Cette enveloppe sera renouvelée tous les ans.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Bazin, de nombreuses entreprises, y compris dans ma circonscription, prêtent ainsi des véhicules mais, pour pousser le raisonnement plus loin, faut-il ajouter un nouveau coût pour la sécurité sociale, alors que cette pratique a déjà cours ? Je rappelle par ailleurs qu’il existe des exonérations ciblées, qui sont d’ailleurs les plus élevées de cette catégorie, pour les dépenses liées à l’embauche d’aides à domicile pour les personnes âgées. Je maintiens mon avis défavorable tant que la mesure n’aura pas été étudiée en termes de coût et d’efficacité.

La commission rejette les amendements.

 

La réunion, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.

 

Amendements identiques AS149 de M. Jérôme Guedj et AS1135 de Mme Caroline Fiat

M. Arthur Delaporte (SOC). Lamendement AS149 vise à moduler le taux des cotisations à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT MP) en fonction de la survenance de pratiques pathogènes. Avec la flexibilisation du droit du travail, les horaires atypiques et la précarité se sont développés. C’est notamment le cas du temps partiel, du travail de soirée et du travail de nuit – le nombre de travailleurs de nuit a ainsi doublé.

Le travail nocturne, découpé ou irrégulier, a des conséquences de mieux en mieux documentées sur les individus. On apprend ainsi que les maladies cardiovasculaires, ainsi que le diabète et l’obésité, sont favorisés par la désynchronisation avec le rythme naturel de repos.

L’amendement a donc pour objet de décourager les entreprises d’adopter de telles pratiques pathogènes. Peut-être pourra-t-il contribuer à lutter contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Cet amendement identique vise lui aussi à dissuader les entreprises d’adopter des pratiques pathogènes. Il prévoit en effet une modulation du taux de cotisations de la branche AT-MP en fonction de la survenance de ces pratiques. Une liste sera dressée par les organismes compétents sur la base des études très fiables réalisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail pour l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, en qui nous pouvons avoir toute confiance.

Mme la rapporteure générale. Nous avons eu ce débat tout à l’heure. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1134 de M. Frédéric Mathieu

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Mercredi 11 octobre, un travailleur intérimaire de 35 ans est mort sur son lieu de travail à Paris lors de sa première journée de travail. C’est la terrible réalité des intérimaires, qui sont deux fois plus exposés aux accidents du travail que les salariés en CDI. Le système de bonus-malus instauré par le Gouvernement sur les contrats courts est bien insuffisant, car il ne concerne que 18 000 entreprises, sur plus de 8 millions que compte notre pays.

Afin de renforcer la sécurité sanitaire des intérimaires, le groupe La France insoumise demande la prise en compte du taux de recours à l’intérim dans le calcul des cotisations AT‑MP, afin de dissuader les entreprises d’embaucher en intérim.

Au demeurant, nos discussions sont tout simplement inutiles, puisqu’il semblerait que le recours au 49.3 soit désormais devenu la règle dans notre assemblée. Cela laisse penser que nos débats ne sont finalement que distraction.

Mme la rapporteure générale. Cet amendement aurait pour effet qu’une entreprise vertueuse qui recourrait à l’intérim en cas de nécessité serait pénalisée par rapport à une autre qui serait moins vertueuse mais qui n’aurait pas recours à l’intérim.

Avis défavorable.

M. Victor Catteau (RN). De petites entreprises qui n’ont parfois pas l’argent pour payer du personnel sur une plus longue durée et embaucher sur des CDD ou des CDI seront pénalisées par ce dispositif, ce qui est tout à fait injuste et ne favorisera pas l’emploi dans les très petites entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1138 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Dans la même veine, nous souhaitons augmenter les cotisations AT‑MP pour les entreprises qui recourent à la sous-traitance. En effet, la sous-traitance permet souvent aux entreprises de se déresponsabiliser : alors que l’entreprise donneuse d’ordre est censée être responsable des salariés et de leurs conditions de travail, y compris en sous-traitance, ce n’est, dans les faits, pas le cas. Afin de prévenir les risques psychosociaux, les maladies professionnelles et les accidents, il convient d’inciter ces entreprises à recourir le moins possible à la sous-traitance.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

La France est déjà, dans ce domaine, en avance sur les autres pays européens. Je vous renvoie à ce propos au rapport de Mmes Sophia Chikirou et Mireille Clapot au nom de la commission des affaires européennes. Nous attendons, en la matière, des mesures européennes.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement AS1146 de Mme Caroline Fiat.

Amendements AS1893 et AS1895 de M. Jiovanny William (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de prendre en compte la situation particulière des entreprises de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS2366 de M. Benoit Mournet

M. Benoit Mournet (RE). L’amendement a pour objet de simplifier le régime de retraite des marins de l’Établissement national des invalides de la marine pour réduire ses coûts de gestion. Une vingtaine de catégories servent de fondement à la liquidation des pensions mais certaines sont obsolètes. Il est proposé de limiter le nombre de catégories aux cinq les plus utilisées, qui concernent 95 % des pensions.

Mme la rapporteure générale. Avis favorable, la commission des finances, saisie pour avis, ayant adopté cet amendement ce matin.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS854 de M. Jean-Pierre Taite

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement a pour objet d’accorder aux indépendants la possibilité de se verser une prime défiscalisée, sur le modèle de la prime de partage de la valeur instaurée en 2022 pour les salariés. Cette prime, versée une fois par an, serait plafonnée à 5 000 euros.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1432 de M. Emmanuel Mandon

M. Emmanuel Mandon (Dem). L’amendement vise à proposer un soutien à l’embauche d’élus locaux par une réduction de cotisations patronales. Il est en effet difficile de concilier l’exercice d’un mandat avec une activité professionnelle, nombre d’employeurs étant sur la réserve face à des salariés qui assument un mandat électif.

Mme la rapporteure générale. Je partage votre objectif. Mais le mécanisme que vous proposez créerait un effet d’aubaine très important, rendant ces exonérations inefficaces.

Avis défavorable. Poursuivons la réflexion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1743 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à encourager la pratique du sport en entreprise.

Mme la rapporteure générale. Il est en partie satisfait : une entreprise qui met une salle de sport à disposition de ses salariés bénéficie déjà d’une exonération. Il ne me paraît pas nécessaire d’en modifier le taux.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS979 de M. Stéphane Viry

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement vise à exonérer les employeurs territoriaux d’une part de leurs cotisations sociales s’ils mènent des investissements leur permettant de présenter un taux d’absentéisme de leurs agents inférieur à un seuil déterminé par décret.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Je ne crois pas que des exonérations permettront de lutter contre l’absentéisme des agents de la fonction publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1159 de M. Frédéric Mathieu

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement vise à instaurer une expérimentation intitulée Objectif 32 heures, qui consiste en l’exonération de cotisations pour les salariés travaillant 32 heures payées 35. Ce dispositif, déjà expérimenté par des entreprises de toutes tailles, entraîne une baisse du taux d’absentéisme, permet une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et une meilleure santé des salariés – bref, le bonheur au travail. Alors que les salariés traversent une crise de sens et que nombre de branches connaissent des difficultés pour recruter, c’est une option qu’il faut étudier.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

Chapitre III – Améliorer la lisibilité de la régulation macroéconomique des produits de santé

Article 11
Simplification des mécanismes de régulation macroéconomique des produits de santé

Amendements AS1883 de Mme Caroline Colombier, AS2119 de M Damien Maudet et AS2508 de M. Frédéric Mathieu

Mme Joëlle Mélin (RN). L’amendement AS1883 est défendu.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Les amendements AS2119 et AS2508 sont défendus.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2157 de M. Paul Christophe

M. Paul Christophe (HOR). La LFSS 2023 dispose que les médicaments acquis par l’Agence nationale de santé publique sont intégrés, à compter de 2024, dans l’assiette de la contribution M. L’amendement vise à renoncer à cette intégration car les dépenses en réponse aux crises sanitaires ne peuvent légitimement être soumises à la clause de sauvegarde.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Toutefois, les traitements contre le covid seront exclus de l’assiette de la clause pour 2024.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1576 de M. Thierry Frappé et AS1792 de Mme Joëlle Mélin

M. Thierry Frappé (RN). Les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires permettent d’économiser annuellement 2 milliards d’euros. En faisant peser sur eux un poids déraisonnable, la clause de sauvegarde menace la pérennité d’approvisionnement pour les patients français. Un plafonnement est certes prévu pour les entreprises du médicament générique mais il sera exceptionnel, temporaire et est déjà considéré comme insuffisant.

L’exemption de la clause de sauvegarde constitue une urgence économique, fiscale et industrielle pour les laboratoires qui commercialisent ces médicaments. Il convient de l’adopter pour ne pas mettre en péril notre indépendance sanitaire.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

Amendement AS402 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Il paraît injuste d’intégrer les médicaments financés par Santé publique France dans le périmètre de la clause de sauvegarde car ces produits ne sont ni régulés, ni compris dans les dépenses d’assurance maladie. L’amendement a pour objet d’y renoncer.

Mme la rapporteure générale. Santé publique France n’aura que peu d’investissements à réaliser en 2024. Un équilibre a été trouvé l’année dernière avec les modifications que nous avions apportées à la clause de sauvegarde.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Les hypothèses regardant les investissements de Santé publique France ne sont que prévisionnelles. Qui peut dire quels stocks stratégiques il lui sera demandé de constituer en 2024 ? Le risque zéro n’existe pas et il ne faudrait pas que l’intégration dans la clause de sauvegarde pénalise cette agence.

Mme la rapporteure générale. Nous avions prévu 900 millions d’euros pour 2023 et nous avons dépensé exactement ce montant.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS403 de M. Thibault Bazin et AS2159 de M. Paul Christophe (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). L’article 11 supprime, à partir du 1er janvier 2026, le caractère progressif de la contribution des entreprises du médicament. Nous proposons au contraire de le préserver car la clause de sauvegarde s’apparente à un impôt : supprimer sa progressivité par tranches pénaliserait les entreprises, au moment même où l’on cherche à leur redonner des marges de manœuvre pour produire en France et investir dans la recherche.

M. Paul Christophe (HOR). Il s’agit d’assurer la cohérence des périmètres dans le calcul de la croissance des entreprises servant de base à la répartition de la contribution M. Des dépenses de l’Agence nationale de santé publique sont imposées, et cela ne concerne pas que le covid. Il est difficile dans ces conditions de justifier une politique de régulation.

Mme la rapporteure générale. La modification des paramètres de la clause de sauvegarde se fait à rendement constant. Il s’agit d’une mesure de simplification.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1863 de M. Yannick Neuder

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement vise à créer une troisième tranche tenant compte du lieu de production des médicaments. Cela permettrait d’intégrer la contrainte pesant sur tout titulaire d’une autorisation de mise sur le marché et sur toute entreprise pharmaceutique exploitant un médicament en France de constituer un stock de médicaments.

Mme la rapporteure générale. Je maintiens mon souhait de préserver l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS311 de M. Jérôme Guedj

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer le plafonnement du montant dû au titre de la clause M à 12 % du montant total remboursé par l’assurance maladie. Ce plafond ne nous semble pas pertinent compte tenu de la concentration du secteur et des superprofits réalisés par les entreprises du médicament – 27,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires au premier trimestre 2022 pour Pfizer et, au premier trimestre 2020, un résultat net d’activité en hausse de 15,9 % par rapport à la même période de l’année précédente pour Sanofi. Il convient de ne pas se fixer une règle aussi arbitraire, qui priverait la sécurité sociale de ressources précieuses.

Mme la rapporteure générale. La suppression du plafond a été jugée inconstitutionnelle. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Reconnaissez-vous au moins qu’il y a des superprofits indécents ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS401 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Le calcul de la clause de sauvegarde reposant sur un chiffre d’affaires net, il conviendrait, par cohérence, que le plafond soit pérennisé sur la base d’un chiffre d’affaires net, c’est-à-dire minoré des remises – c’était le cas en 2023 – et non sur un chiffre d’affaires brut. Tel est l’objet du présent amendement.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. L’évolution consiste précisément à passer du chiffre d’affaires au montant remboursé.

M. Thibault Bazin (LR). Le montant remboursé tient-il compte des remises ? Le secteur souhaite une clarification sur ce point.

Mme la rapporteure générale. Je vous propose de retirer votre amendement pour que l’on puisse étudier cette question d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS2160 de M. Paul Christophe

M. Paul Christophe (HOR). L’amendement a pour objet de mettre des données à la disposition des entreprises et de leurs syndicats représentatifs afin d’améliorer la prévisibilité du montant futur de la contribution.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable car notre objectif est de simplifier le mécanisme de la clause de sauvegarde. Or votre amendement contribuerait à le rigidifier.

M. Paul Christophe (HOR). Je ne vois pas en quoi la communication de données pourrait entraîner une complexification.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS52 de M. Yannick Neuder, AS392 de M. Thibault Bazin, AS867 de Mme Josiane Corneloup et AS2696 de M. Frédéric Valletoux

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement vise à aligner les taux de reversement des clauses applicables aux secteurs des dispositifs médicaux (DM) et des médicaments. Le montant total de la contribution en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde des DM serait égal à 90 % de la différence entre le montant remboursé par l’assurance maladie et le montant Z.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’objet est de fixer le montant total de la contribution en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux à 90 % du dépassement du montant Z, et non plus 100 %.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

L’harmonisation ne porte pas sur les taux : on bouge l’assiette mais on reste à rendement constant. Il n’est pas nécessaire de bouger le taux applicable aux dispositifs médicaux.

M. Thibault Bazin (LR). Nos amendements visent précisément à soutenir le secteur des dispositifs médicaux, déjà affecté par des coups de rabot budgétaires.

La commission rejette les amendements.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements identiques AS50 de M. Yannick Neuder, AS864 de Mme Josiane Corneloup et AS2681 de M. Frédéric Valletoux

Amendements identiques AS51 de M. Yannick Neuder, AS866 de Mme Josiane Corneloup et AS2684 de M. Frédéric Valletoux

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement a pour objet de prévoir que, lorsqu’un dépassement du montant Z est constaté, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) remette un rapport qui en identifie les causes.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable car ces amendements sont quasi satisfaits. Cette question relève plutôt des annexes du PLFSS.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS2158 de M. Paul Christophe

M. Paul Christophe (HOR). Nous avons bien compris que vous n’aviez pas de marge de manœuvre et qu’il fallait atterrir sur le chiffre de 900 millions d’euros. Toutefois, l’asymétrie dans le mode de calcul pourrait être préjudiciable aux entreprises françaises. Un taux de 90 % est quasiment confiscatoire.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1797 de Mme Joëlle Mélin et AS2520 de M. Hadrien Clouet, amendements identiques AS257 de M. Yannick Neuder et AS390 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Joëlle Mélin (RN). Le montant M ayant été gravement sous-évalué l’an dernier, nous proposons de lui appliquer l’augmentation annuelle de 4,5 % promise par le Gouvernement aux industriels. Il en va de même pour le montant Z. À défaut de supprimer la clause de sauvegarde – qui serait un vrai progrès –, donnons enfin à ces industries un montant plus conforme à la réalité de la demande de soins en France.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je propose de demander une modeste contribution aux laboratoires pharmaceutiques. En attendant le pôle public du médicament, cela aurait le mérite de freiner les appétits de leurs actionnaires.

M. Thibault Bazin (LR). Nous proposons d’augmenter de 4,5 % le montant Z afin de prendre en compte la situation conjoncturelle. La Cnam a montré qu’il n’y avait pas eu de dérapage des dépenses dans le secteur des dispositifs médicaux : cela mérite d’être souligné.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Les deux premiers amendements, l’un visant à augmenter le montant et l’autre à le baisser, prouvent que nous avons atteint l’équilibre. Concernant les dispositifs médicaux, le montant connaît déjà une augmentation cette année.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Puis elle adopte l’article 11 non modifié.

Après l’article 11

Amendements identiques AS1793 de Mme Joëlle Mélin et AS2526 de Mme Caroline Fiat, et amendement AS1794 de Mme Joëlle Mélin (discussion commune)

Mme Joëlle Mélin (RN). Mon amendement AS1793 vise à rétablir la règle de révision annuelle des droits d’accise sur le tabac en vigueur avant l’adoption de la LFSS 2023, donc à rétablir le plafond de 1,8 %. En septembre, la Première ministre a annoncé qu’aucune hausse de la fiscalité du tabac n’interviendrait en 2024. C’est inexact puisque l’accise est désormais indexée sur l’inflation. Ainsi, le paquet de cigarettes a augmenté de 70 centimes en moyenne en 2023 et devrait augmenter encore de 40 à 60 centimes en 2024.

La pression fiscale ne peut plus constituer le principal outil de lutte contre le tabagisme. La contrefaçon flambe : cinq usines clandestines ont été récemment découvertes en France et il existe un véritable marché parallèle.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Pendant la crise de 2020 liée au covid, les frontières étaient fermées. On s’est aperçu que toutes les personnes qui étaient censées avoir arrêté de fumer depuis que le prix du paquet de cigarettes avait été porté à 10 euros retournaient acheter du tabac chez les buralistes. Elles n’avaient pas arrêté de fumer : elles allaient acheter leurs cigarettes à l’étranger. Les habitants de Meurthe-et-Moselle, par exemple, les achètent au Luxembourg.

Cinq usines de contrebande ont été découvertes en 2023 ; M. Darmanin en a visité une pour montrer un démantèlement. Les cigarettes qu’elles fabriquent sont très toxiques, et sont vendues à la sauvette, y compris à des mineurs. Favoriser ce commerce est donc particulièrement dangereux.

Comme je l’avais expliqué à Mme Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, seule une politique européenne serait vraiment efficace contre le tabagisme. Il faut que tous les pays de l’Union européenne fixent un prix exorbitant au paquet de cigarettes, par exemple 20 euros.

Mme Joëlle Mélin (RN). Mon amendement de repli AS1794 tend à plafonner à 1,8 % la révision annuelle de l’accise sur le tabac, sans modifier les dispositions relatives au tabac à chauffer ni l’évolution des droits sur les tabacs à rouler. Mme Fiat l’a montré, la fiscalité comportementale ne fonctionne pas.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable sur tous les amendements.

Nous avons adopté ces mesures lors de l’examen en commission du PLFSS 2023, dans le cadre d’une politique de santé publique, qui inclut la lutte contre la fraude. En un an, nous avons saisi 649 tonnes de tabac de contrebande, soit une augmentation de 61 %.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). S’il y a autant de vendeurs à la sauvette, c’est que leur commerce rapporte de l’argent. Plus vous augmenterez le prix du tabac, plus les usines de contrefaçon se développeront. Chaque année, vous avancerez un plus grand nombre de démantèlements, parce qu’elles pousseront comme des champignons, alors qu’elles représentent un grave danger. Pour que tout le monde arrête de fumer, il faut une vraie politique de santé publique européenne et un prix prohibitif dans tous les pays.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous voterons contre ces amendements. Le tabac provoque 13 % des décès en France – 200 morts par jour. Toutes les études attestent une corrélation directe entre les prix et la consommation : sur les graphiques illustrant leur évolution, les courbes se croisent. La hausse doit être continue et renforcée.

S’agissant des disparités européennes, il faut encourager l’harmonisation en ce sens, et non abandonner une politique de santé publique efficace. J’ajoute que seuls les départements frontaliers sont concernés par l’évitement que vous décrivez, Mme Fiat – ce n’est pas le cas du Calvados, par exemple.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement AS2780 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement est issu des travaux sur la fiscalité comportementale appliquée aux boissons que M. Thierry Frappé et moi avons menés pour le Printemps social de l’évaluation.

La France est le quatrième pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques en consommation d’alcool par personne. L’alcool provoque 41 000 décès par an ; avec le tabac, il est le principal facteur de la perte d’années de vie en bonne santé ; il est directement ou indirectement responsable de plus de soixante maladies. Les taxes sur les alcools rapportent 4 milliards d’euros par an, quand l’alcool coûte chaque année 8 milliards à l’assurance maladie. Son coût social est estimé à 102 milliards – violences intrafamiliales, violences faites aux femmes, arrêts de travail, accidents du travail, accidents de la route.

Les droits d’accise sont plafonnés et indexés sur l’inflation de l’année n‑2. Pour éviter un décrochage des prix, le présent amendement vise à déplafonner les droits et à les indexer sur l’inflation de l’année n‑1, comme nous l’avons fait l’an dernier pour le tabac.

Sur une bouteille de vin, le montant de la taxe s’élève à 3 centimes ; il augmenterait de 0,003 centime. Les accises frappant surtout les alcools forts, l’incidence sur les vins et les autres produits plus largement consommés en France serait donc négligeable. Si les arbitrages sur ce sujet ont été négatifs, la réforme fait partie des projets du Gouvernement.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je remercie M. Isaac-Sibille pour son travail. Sa proposition est fondée sur des données scientifiques. Nous avons besoin d’une fiscalité comportementale, en particulier sur l’alcool, dont la taxation est trop faible. La hausse du prix des bières a fait baisser les ventes de 3 % dans la distribution et de 8 % dans les débits de boissons ; il s’agit donc d’une mesure efficace.

En 2015, 41 000 décès étaient attribuables à l’alcool – 30 000 chez les hommes, 11 000 chez les femmes – dont 16 000 par cancer. L’alcool tue : nous devons agir.

J’ajoute que le texte prévoit de diminuer de 12 % la dotation attribuée à Santé publique France. Nous devons absolument nous mobiliser pour empêcher cela.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis défavorable à l’amendement. Certes, il faut lutter contre les pratiques à risque et les consommations excessives. Toutefois, on ne peut pas dire que l’alcool tue comme si n’importe quelle boisson alcoolisée, même ingérée en quantité raisonnable, était mortelle. Beaucoup de personnes boivent raisonnablement de l’alcool sans commettre de violences – c’est heureux ! D’autres sont violents sans en boire. Il faut faire attention au message qu’on envoie. Il existe des campagnes visant à promouvoir la modération, afin d’encourager les comportements responsables, par exemple dans le cadre de la sécurité routière. Le combat est essentiel, mais hausser les taxes n’est pas une mesure pertinente.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2028 de Mme Caroline Janvier

Mme Caroline Janvier (RE). On peut dire que l’alcool tue, puisqu’il est responsable de 40 000 morts par an en France. Le présent amendement relève également de la fiscalité comportementale. Il vise à déplafonner l’augmentation de l’accise sur les tabacs, afin de permettre la généralisation de l’usage du cannabis thérapeutique. L’expérimentation en cours prendra fin le 25 mars. Il faut trouver une solution pour les 3 000 patients qui en bénéficient et pour les 300 000 qui attendent depuis des années de pouvoir recourir au cannabis thérapeutique.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS285 de M. Jérôme Guedj et AS2305 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Élaboré avec l’association Addictions France, l’amendement AS285 vise à créer une accise sur les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées, dont le produit serait reversé à l’assurance maladie, afin de prévenir l’alcoolisme des jeunes. MM. Isaac-Sibille et Frappé ont montré l’effet massif de la fiscalité sur l’alcool.

Avec ces boissons, les industriels de la bière ciblent les jeunes de 18 à 25 ans ; les mineurs sont susceptibles d’être également attirés. Comme les prémix, elles masquent le goût de l’alcool par des arômes et leur conditionnement est conçu pour attirer l’œil et donner un aspect « tendance ». Or plus la consommation d’alcool est précoce, plus le risque de conséquences socio-sanitaires graves augmente – notamment celui de mourir, monsieur Bazin. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un décès sur vingt dans le monde est lié à l’alcool. Les enfants peuvent être indirectement victimes, en particulier en cas d’alcoolisation fœtale.

Lors de l’examen de la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, nous avons remarqué que les influenceurs faisaient de la publicité hors du cadre de la « loi Évin », avec un effet sur les jeunes. Les alcooliers encouragent la consommation des jeunes, ce qui pose un problème.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les industriels produisent des bières aromatisées, sucrées et édulcorées à destination des jeunes de 18 à 25 ans ; elles sont parfois consommées bien plus tôt. Comme dans les prémix, ils tendent à masquer le goût de l’alcool. Le conditionnement est conçu pour attirer les jeunes. Tout un travail est fait pour les engager à consommer de l’alcool. On peut boire avec modération, mais plus on commence à boire jeune, plus les risques d’addiction sont élevés et plus les effets sont délétères.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Il y a un an, dans cette même salle, nous avons adopté un amendement similaire. Nous étions convenus que ces bières aromatisées visaient les jeunes, pour les habituer à l’alcool, tout en en cachant le goût, afin que leur corps s’accoutume et en réclame davantage. Il est dommage que le recours au 49.3 ait fait disparaître la mesure. Si nous adoptons l’un des amendements en discussion commune, il risque de pareillement disparaître la semaine prochaine. Néanmoins, l’enjeu est tel que nous devrions le voter.

Mme Michèle Peyron (RE). J’ai travaillé sur ce sujet avec Mme Audrey Dufeu, en prévision de l’examen du PLFSS 2021. Nous nous étions attaquées – c’est le terme juste – aux prémix. Du chemin a été parcouru depuis. Je voterai contre ces amendements, parce que la précipitation ne permet pas toujours d’arriver à bonne destination.

La commission adopte l’amendement AS285.

En conséquence, l’amendement AS2305 tombe.

Amendement AS2781 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les maladies chroniques sont à l’origine de 80 % des dépenses de l’assurance maladie ; elles coûtent des milliards. Le présent amendement vise à instaurer une contribution sur les produits alimentaires, proportionnelle à leur teneur en sucres ajoutés. En 2018, dans son rapport d’enquête sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance, Michèle Crouzet recommandait de définir dans la loi des objectifs précis de diminution du taux de sucre dans chaque catégorie de produits, en suivant les recommandations de l’OMS.

Le sucre est le premier facteur d’obésité Le lien entre la surconsommation d’aliments industriels, ultratransformés en particulier, et l’apparition de maladies chroniques est avéré. La prévalence de l’obésité augmente ; en 1997, l’OMS l’a qualifiée d’épidémie mondiale. Les maladies chroniques font payer un coût humain à leurs victimes, et un coût économique et financier considérable aux sociétés. Je vous propose donc d’en faire porter la charge aux industriels, trop peu soucieux de l’incidence de leurs produits sur la santé publique.

Mme la rapporteure générale. L’enjeu pour la santé publique est réel, mais le Danemark a mené une expérience en ce sens. La mesure étant inefficace et difficile à appliquer, il l’a abandonnée en moins d’un an. Le travail doit être poursuivi.

Avis défavorable.

Mme Caroline Janvier (RE). L’OMS prévient que le nombre de personnes obèses a triplé depuis 1975. Un Français sur deux est sujet au surpoids ou à l’obésité, pathologie responsable de maladies cardiovasculaires et de diabète. Les facteurs sont connus : la sédentarité et l’alimentation, industrielle en particulier. Il faut s’attaquer au sucre. Je suis très favorable à cette proposition.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS2779 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Une contribution sur les boissons contenant du sucre ajouté, appelée taxe soda, a été créée en 2012, pour en réduire la consommation. Le présent amendement vise à la simplifier et à la rendre plus efficace.

D’après l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, la consommation de soda en France a fortement augmenté depuis les années 1960. Elle atteint 50 litres par an et par personne, accroissant notamment les risques de maladies coronariennes et de diabète de type 2. Or l’UFC-Que Choisir estime que la taxe a une incidence limitée : le prix d’une canette de 33 centilitres d’un soda contenant 100 grammes de sucre par litre n’a augmenté que de 5 centimes. Les achats des Français n’ont diminué que de 3 ou 4 litres par an, ce qui équivaut à moins d’un gramme de sucre par jour et par personne. Pourtant, l’OMS considère que la taxe soda lutte efficacement contre l’obésité. En France, l’outil fiscal est donc mal utilisé : les paliers sont trop nombreux pour que la mesure soit lisible et efficace.

Mme la rapporteure générale. La taxe soda est en cours d’évaluation. Nous en reparlerons probablement lors de l’examen du prochain PLFSS. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). C’est singulier : vous objectez à la réforme une évaluation en cours, alors même que vous avez argué des évaluations en cours pour justifier l’adoption du texte pour le plein emploi !

En application de notre Règlement, je sollicite une évaluation de l’impact du présent amendement par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Les boissons sucrées contribuent largement à dégrader la santé des mineurs, dentaire en particulier. Le problème est particulièrement aigu dans les départements ultramarins. Nous devons agir.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS793 et AS465 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Ces amendements visent à instaurer un prix minimum de vente pour les boissons alcoolisées. Comme l’OMS et la Cour des comptes, Fabrice Étilé, auteur du rapport « Effets économiques et épidémiologiques de politiques de prix des boissons alcoolisées », soutenu par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives et l’Institut national du cancer, recommande d’engager une réflexion en ce sens.

Potentiellement compatible avec le droit de l’Union européenne, cette politique aurait une forte incidence sur les consommateurs excessifs. L’Écosse l’applique depuis mai 2018 : les décès liés à l’alcool ont diminué de 13,4 %, les hospitalisations de 4,1 %, celles dues à une maladie chronique liée à l’alcool de 7,3 %. Adopter cet amendement peut changer la santé des gens.

Par ailleurs, Santé publique France participe à prévenir la consommation d’alcool. Or son budget pour 2024 va diminuer de 12 %. Cet après-midi, le groupe d’études VIH et sida, présidé par Mme Brigitte Liso, a visité Sida Info Service ; leurs représentants se sont inquiétés de cette baisse qui pourrait les obliger à licencier. Je vous mets en garde : de nombreux autres opérateurs et associations seront concernés, alors qu’ils agissent en faveur de la prévention en santé.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Jean-François Rousset (RE). Encore une fois, on parle de taxes, et non de prévention et d’éducation. Toutes les addictions, au sucre, à l’alcool, au tabac, touchent les gens dès leur jeune âge, en particulier dans les milieux faiblement dotés. Les personnes qui ont reçu une solide éducation et qui jouissent d’un niveau de vie élevé sont les plus à même de s’autoréguler. Hausser le prix du tabac ne dissuadera pas les fumeurs mais diminuera encore le pouvoir d’achat de personnes qui n’ont déjà pas les moyens de se nourrir normalement et qui choisiront en priorité les produits dont ils sont dépendants – le sucre, l’alcool, le tabac.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faut que nous nous saisissions de l’enjeu que constitue l’alcool, aussi bien pour des raisons de santé que comportementales. Les gendarmes et les policiers le constatent, près de 60 % des affaires auxquelles ils sont confrontés ont un lien direct ou indirect avec l’alcool.

Soyons courageux sur ce sujet et envoyons un signal fort. Cela nous honorerait d’avancer dès ce soir.

La commission adopte l’amendement AS793.

En conséquence, l’amendement AS465 tombe.

Amendements AS2777 et AS2778 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je me réjouis que la commission ait bien pris conscience de l’ampleur du sujet. Nous pouvons être fiers ce soir.

Le premier amendement vise à instaurer un prix minimum pour les bières de plus de 11 degrés. Je le dédie à Axel Kahn qui s’était battu en faveur de cette mesure. Ces bières de plus de 11 degrés vendues en canettes de 50 centilitres ont pour seul but d’alcooliser la jeunesse. Chacune représente 5 grammes d’alcool, sachant qu’elles sont vendues par pack.

Le second amendement prévoit quant à lui la mise en place d’un prix plancher pour la vente de ces mêmes bières à fort degré d’alcool lors des périodes dites de « happy hours ».

Ces mesures incitatives visent à lutter contre l’alcoolisation des jeunes. Je rappelle que les producteurs de ces bières sont généralement installés dans les pays nordiques. La mesure n’affectera donc pas notre économie.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Paul Christophe (HOR). Je trouve hypocrite et simpliste de considérer que les gens vont arrêter de consommer si on augmente les prix.

Souvent, ils se priveront d’autres produits pour continuer à consommer ceux dont ils ont envie. Et ce sont parfois les enfants que vous voulez protéger qui seront in fine les victimes de ces privations. Par ailleurs, l’augmentation des tarifs entraîne une modification des habitudes de consommation. Au lieu de consommer sept bières au cours de la semaine, ils en boiront cinq le samedi – ce qui occasionnera les désordres évoqués précédemment.

Surtout, ce débat met en évidence les carences en matière d’éducation comportementale. Si des personnes s’adonnent à l’alcool, c’est aussi parce que nous sommes défaillants – comme nous pouvons l’être en ce qui concerne le tabac.

J’observe que ceux qui disaient vouloir lutter contre le tabac sont aussi ceux qui sont prêts à encourager l’usage du cannabis.

Mme Caroline Janvier (RE). Augmenter les prix n’est certes pas le meilleur outil. Mais la hausse de la fiscalité permettra de percevoir des recettes supplémentaires pour financer les politiques de prévention qui sont encore trop limitées en France – qu’il s’agisse de l’alcool ou d’autres substances dont on connaît les dangers.

Ce soir nous avons envoyé un signal très clair pour signifier que nous ne sommes pas satisfaits de ce qui est fait pour lutter contre la consommation d’alcool. Il faut faire reculer l’âge où l’on commence à consommer et mettre en place une politique de prévention.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS416 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Depuis plusieurs années, la France connaît des risques de pénurie de médicaments dérivés du plasma, du fait de l’accroissement de la demande mondiale en hémoglobine et de la rareté de la matière première qui compose ces médicaments.

Seuls certains de ces derniers sont exonérés de la contribution spécifique sur le chiffre d’affaires versée par les entreprises pharmaceutiques au profit de la Cnam. Ne sont pas concernés par cette exonération les produits qui obtiennent une autorisation de mise sur le marché dans le cadre d’une procédure centralisée européenne, soit une grande partie des médicaments dérivés du plasma qui sont aujourd’hui disponibles sur le marché français. Ces derniers restent assujettis à cette contribution de manière discriminatoire.

Nous avions évoqué ce point lorsque nous avions abordé les enjeux auxquels doit faire face l’Établissement français du sang ; les évolutions proposées semblaient faire l’objet d’un consensus. D’ailleurs dans un courrier daté du 4 avril 2023, le Gouvernement s’était engagé à « mettre fin à l’exclusion d’assiette », avec l’objectif de placer « tous les laboratoires opérant sur ce marché dans une stricte égalité juridique » et d’« homogénéiser les conditions d’accès au marché pour les médicaments dérivés du plasma ».

Malheureusement, nous ne retrouvons pas trace de cet engagement dans ce PLFSS. C’est dommage. Cet amendement propose donc de joindre les actes à la parole. Cela irait dans le bon sens, d’autant qu’il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit en effet d’un engagement du Gouvernement.

Cette mesure répond en outre à un impératif d’égalité juridique, puisque la différence qui est faite entre les médicaments dérivés du sang selon l’origine du plasma utilisé crée une inégalité de traitement fragile sur le plan du droit européen.

Il s’agit aussi d’un enjeu d’attractivité de la France et d’accès à ces produits de santé indispensables.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS861 de M. Jérôme Guedj et AS2283 de M. Sébastien Peytavie

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS861 vise à harmoniser la fiscalité sur les alcools. Il a été travaillé avec l’association Addictions France.

Les recettes tirées de la taxation de l’alcool ne couvrent que 42 % du coût des soins engendrés par sa consommation. Pourtant, l’alcool est la deuxième cause de cancer évitable et la première cause d’hospitalisation en France. La fiscalité française sur les boissons alcooliques pose un vrai problème car elle est fondée sur le type d’alcool plutôt que sur son volume, alors que l’OMS recommande d’agir sur le prix de tous les alcools. Ainsi, seuls ceux titrant plus de 18 degrés sont concernés par la cotisation qui alimente la branche maladie de la sécurité sociale.

Cet amendement vise à étendre le champ de cette cotisation sur les boissons alcooliques à tous les alcools. Cela aura évidemment une incidence sur les prix des boissons les moins chères, qui sont les plus consommées par les jeunes mais aussi par les consommateurs excessifs. Cela permet de toucher exactement la cible visée et d’alimenter en cotisations la sécurité sociale pour lui permettre de faire face aux dépenses liées à l’alcool.

J’ajouterai que la malheureuse campagne organisée par le ministère de la santé – autour de slogans comme « Boire aussi de l’eau si on consomme de l’alcool, c’est la base » ou « Ne pas insister si tes potes ne veulent pas consommer, c’est la base » – a complètement manqué sa cible.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cette campagne de publicité était vraiment catastrophique.

S’agissant de l’amendement, il a été très bien défendu par Arthur Delaporte.

Suivant l’avis de la rapporteur générale, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS2027 de Mme Caroline Janvier et AS2295 de M. Sébastien Peytavie, amendement AS855 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Caroline Janvier (RE). Cet amendement concerne l’expérimentation de l’usage médical du cannabis, qui avait été prévue par la LFSS 2020.

Le lancement de cette expérimentation avait été retardé de deux ans par la pandémie. Elle arrivera à son terme à la fin de mars 2024. Elle ne concerne que 3 000 patients, alors qu’ils sont 300 000 à attendre de pouvoir en bénéficier pour soulager leur douleur neuropathique ou parce qu’ils sont en soins palliatifs en oncologie. Il ne faut pas laisser ces patients sans solution.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS855 vise à supprimer le plafonnement à 1,75 % par an du relèvement des taxes sur les boissons alcooliques.

Je regrette que l’amendement précédent n’ait pas été adopté, parce qu’il était selon moi encore plus pertinent. Celui-ci a également été travaillé avec l’association Addictions France. Il permettra d’abonder le budget de la sécurité sociale pour financer des programmes de prévention. Santé publique France en a bien besoin.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

 

 

 


  1.   Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 9 heures 30 (après l’article 11 (suite) à après l’article 19)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14083851_6530d8e69a0ed.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--19-octobre-2023

 

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Mes chers collègues, au rythme actuel il nous faudrait vingt-sept heures trente pour achever l’examen des amendements. Nous devons donc continuer à accélérer nos travaux. Je donnerai la parole à un orateur pour et à un orateur contre, sauf sur certains articles qui nécessiteraient un peu plus de débat.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Un amendement demandant un rapport sur le ratio entre soignants et résidents dans les Ehpad a été déclaré irrecevable parce qu’il constituerait une injonction. Je demandais, il est vrai, que ce rapport nous soit remis sous vingt‑quatre heures, car il existe depuis le mois de mai – nous avions adopté l’an dernier un amendement en ce sens. J’avais d’abord demandé gentiment, dans une lettre recommandée, que nous puissions avoir connaissance du rapport. Le Gouvernement ne doit pas avoir peur que l’on se rende compte que Monique Iborra et moi avions raison : nous le savons déjà... Madame la présidente, madame la rapporteure générale, pouvez-vous demander, dans le cadre de vos fonctions, que ce rapport nous soit communiqué ?

Par ailleurs, nous n’abuserons pas des prises de parole mais nous aimerions qu’elles soient davantage possibles, lorsque c’est nécessaire, sur la troisième partie du texte.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Oui, c’est prévu, et j’ai entendu votre autre demande.

Après l’article 11 (suite)

Amendements AS858 de M. Jérôme Guedj et AS299 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous proposons de taxer la publicité en faveur des boissons alcooliques. Je n’ai pas besoin de rappeler les ravages causés par l’alcool en France – 41 000 morts par an. Cette taxe, qui permettra de financer le Fonds de lutte contre les addictions, s’inscrit dans l’esprit de la loi Évin, qui a encadré, sans l’interdire, la publicité en faveur des boissons alcoolique. Nous devons faire de la prévention une priorité en matière de santé publique. À cette fin, le taux de la taxe sera de 3 % du montant, hors TVA, des dépenses de publicité.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’alcool est à l’origine de 41 000 morts par an, comme vient de le dire Jérôme Guedj. Si nous voulons qu’il y ait vraiment de la prévention, il faut arriver à responsabiliser tous les acteurs, notamment les industriels. C’est pourquoi nous souhaitons taxer les publicités relatives à l’alcool.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. De nombreux amendements ont été adoptés hier afin d’envoyer un message concernant la santé publique, ce qui correspond tout à fait au rôle de notre commission. Je suis néanmoins défavorable à la taxation qui nous est proposée, non parce qu’il ne faudrait pas taxer, mais parce que nous ferions mieux de travailler sur des propositions plus générales dans le cadre d’un véritable plan d’action publique. Il est un peu trop simple de dire qu’on va instaurer une taxe.

M. Jérôme Guedj (SOC). Comme de nombreux amendements allaient déjà dans le sens d’une fiscalité comportementale l’an dernier, un travail a été mené sur cette question dans le cadre du Printemps social de l’évaluation. Une des conclusions est qu’une telle taxation a une efficacité en matière de santé publique et permet, accessoirement, de dégager des ressources, non pour résorber le déficit de la sécurité sociale, mais pour financer des actions de prévention. Ce travail, dont Cyrille Isaac-Sibille a été un des artisans, n’a pas montré qu’il fallait systématiser la fiscalité comportementale. Ne continuons donc pas à procrastiner dans ce domaine.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne suis pas favorable à ces amendements. Il ne faut pas croire qu’il n’existe pas de taxation sur les boissons alcoolisées : elles sont déjà soumises à la TVA et aux droits d’accise. Je pense plutôt que la publicité peut être un vecteur pour des messages de santé publique. Il faut encourager une consommation responsable au lieu de taxer, car ce n’est pas efficace à l’égard de certains publics.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2776 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’idée que je défends a déjà été proposée hier, sous une autre forme, par Jérôme Guedj et Arthur Delaporte, et elle correspond à une des préconisations formulées dans le cadre du Printemps social de l’évaluation. Je pense, par ailleurs, que M. Bazin lui réservera un accueil favorable, puisqu’il ne s’agit pas d’une taxe. L’idée est d’imposer un prix minimum par gramme d’alcool, comme les Écossais le font depuis quatre ans.

Cette mesure présente plusieurs intérêts. Elle touche l’ensemble des alcools de manière équitable, qu’il s’agisse de la bière, du vin ou des alcools forts. Le fait qu’il s’agisse d’un prix minimum permet, par ailleurs, de respecter la filière vinicole, qui est importante dans notre pays – il y a, en effet, une dimension culturelle, celle des traditions. Ce ne sera pas bon pour l’État, en revanche, je le reconnais, puisqu’il ne bénéficiera pas d’une taxe, à la différence de ce que prévoyaient les amendements précédents.

On dit souvent qu’il faut des décennies pour que la prévention porte ses fruits. Or la mesure adoptée en Écosse il y a quatre ans a déjà des effets perceptibles : les morts attribuables à l’alcool ont diminué de 13 % et les hospitalisations de 4 %, notamment chez les personnes les plus défavorisées.

Mme la rapporteure générale. Votre demande est satisfaite par un amendement adopté hier, qui avait été déposé par M. Guedj.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le mien est différent : la différence de prix reviendra non à l’État, mais au producteur. Les François boiront moins, mais mieux.

Mme la rapporteure générale. En tout cas, cet amendement est incompatible avec celui précédemment adopté.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1795 de Mme Joëlle Mélin et AS2527 de Mme Caroline Fiat, et amendements identiques AS94 de M. Philippe Juvin et AS2215 de M. Serge Muller (discussion commune)

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous demandons une évaluation de l’impact de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 en ce qui concerne la consommation de produits du tabac achetés en dehors du réseau des buralistes. Nous avons parlé hier des méfaits de ce tabac potentiellement frelaté et des conséquences pour les finances publiques. Il nous serait agréable d’avoir un premier rapport assez rapidement, avant la fin de l’année 2024, puis des rapports annuels.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je sens que je n’arriverai pas à vous convaincre davantage qu’hier. L’amendement est défendu.

M. Thibault Bazin (LR). J’entends les arguments relatifs à la fiscalité comportementale, mais ses effets sont encore plus limités dans les zones transfrontalières. En Lorraine, la consommation de tabac liée au marché parallèle a ainsi augmenté de 40 %, ce qui accroît les problèmes de santé publique. Nous en avions discuté avec Bercy dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 et 2019, et des plans de lutte avaient vu le jour. Il serait très intéressant qu’on fasse le point. Si une seule demande de rapport devait être retenue dans le cadre du recours au 49.3, ce serait celle-là, objet de l’amendement AS94. Nous avons besoin de connaître, département par département, les rendements fiscaux.

M. Serge Muller (RN). Le prix du paquet de cigarettes le plus vendu est passé de 7,50 euros en 2017 à 11,50 euros en 2023, ce qui a contribué à une explosion du marché parallèle, qui représenterait entre 20 % et 40 % de la consommation totale. Cette évolution a des répercussions graves sur la santé publique, car elle facilite l’accès à des produits moins chers, y compris pour les mineurs, et conduit à des problèmes de sécurité, du fait du développement de réseaux criminels, qui a été illustré par la découverte, en quatorze mois, de plusieurs usines de contrefaçon de cigarettes dans notre pays. Mon amendement prévoit donc une évaluation de l’impact, sur le comportement des fumeurs comme sur l’émergence de réseaux parallèles, de l’augmentation des droits d’accise sur le tabac. Madame la rapporteure générale, je vous demande un avis de sagesse sur cet amendement qui fait consensus.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable : nous pouvons tout à fait travailler nous-mêmes sur la question dans le cadre du Printemps social de l’évaluation. Les coprésidents de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, ici présents, seront ravis de se saisir de ce sujet, qui est effectivement important, en particulier dans les zones transfrontalières.

La commission rejette successivement les amendements.

TITRE II – CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article 12
Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Amendements de suppression AS111 de M. Sébastien Peytavie, AS161 de M. Jérôme Guedj, AS924 de M. Yannick Monnet et AS2528 de M. Frédéric Mathieu

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 12 approuve, s’agissant de 2024, un montant de 7,1 milliards d’euros pour la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. Nous souhaitons vous alerter sur le montant réel de ces exonérations qui grèvent les comptes de la sécurité sociale. Selon l’annexe 2 au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022, le montant des mesures d’exonération non compensées pour les régimes obligatoires de base s’élevait à 2,5 milliards, soit 3,6 % du total des exonérations. Le Gouvernement n’a eu de cesse d’augmenter les non-compensations, ce qui grève le budget annuel et renvoie l’image de contributions à deux vitesses. Compenser seulement de manière partielle des exonérations de cotisations revient à nous priver de ressources essentielles pour le financement notre système de protection sociale. Comme nous ne pouvons souscrire à l’estimation pour 2024, qui est bien loin du compte, nous appelons à supprimer l’article 12.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai senti une certaine incrédulité lorsque nous avons débattu des exonérations de cotisations sociales : je confirme donc que 96,7 % d’entre elles sont compensées et que le reste, qui n’est pas compensé, contrairement à l’esprit et à la lettre de la loi du 25 juillet 1994, dite « loi Veil », représente 2,485 milliards d’euros.

La demande de suppression de cet article ne vise évidemment pas à ne pas compenser ce qui est compensé, mais à appeler l’attention sur la nécessité d’une compensation de la totalité des exonérations, notamment celles relatives aux mesures de désocialisation.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Une mauvaise décision a été prise hier lors de l’adoption de l’amendement de notre collègue Ferracci.

Notre amendement de suppression, qui est également d’appel, vise à souligner le poids exorbitant et croissant de l’ensemble des mesures d’exonération de cotisations de sécurité sociale, qu’elles soient compensées ou non. Les seuls allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires représentent 88 % du montant de toutes les exonérations de cotisations à la sécurité sociale en 2023. L’envolée du coût des exonérations semble hors de contrôle depuis le milieu des années 2010, notamment sous l’effet de la pérennisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ce qui creuse un manque à gagner pour les organismes sociaux qui n’est plus intégralement compensée par l’État.

Depuis 2021, le montant des exonérations ciblées non compensées est en augmentation. Il s’est élevé cette année-là à 2,3 milliards d’euros, ce qui représentait une hausse de 19 % par rapport à l’année précédente, en lien avec le rebond de la masse salariale. En 2022, ce montant est passé à 2,5 milliards d’euros, soit une hausse supplémentaire de 10 %. Il devrait atteindre 2,65 milliards en 2023, ce qui représente une hausse de 4 %, et 2,8 milliards en 2024. Nous pensons que ces milliards seraient bien utiles aux caisses de sécurité sociale. Ils correspondent à peu près à la somme que réclament les établissements de santé pour boucler leurs budgets en 2023.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Notre amendement AS2528 vise, dans la même veine, à lancer une alerte sur toutes ces exonérations de cotisations sociales, qui représentent à chaque fois un manque à gagner pour la sécurité sociale. Vous faites le choix d’assécher ses comptes, et le manque à gagner n’est pas toujours compensé : il a manqué à peu près 2,5 milliards d’euros en 2022. Cette manière de faire est dramatique, car elle creuse le trou de la sécurité sociale, et on sait très bien à qui vous demanderez ensuite de le rembourser : à l’ensemble des Français. Vous devez assumer vos choix en compensant les exonérations de cotisations sociales.

Mme la rapporteure générale. Nous en avons déjà débattu hier. L’adoption de ces amendements reviendrait à refuser les compensations et à faire perdre 7,1 milliards d’euros dont nous avons besoin.

M. Thibault Bazin (LR). Le tableau figurant à l’annexe 4 est vraiment très intéressant. Il permet de savoir, mesure par mesure, ce qui est compensé ou non. Ce sont les heures supplémentaires qui sont problématiques.

Il existe un flux, fixe, qui repose sur la TVA, mais quel sera le niveau des exonérations en 2024 ? C’est très difficile à déterminer. Le montant de 7,1 milliards d’euros qui est prévu peut être inférieur au chiffre réel. Pourrait-on faire un point d’étape en 2024 ?

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1142 de M. Frédéric Mathieu

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Cet amendement permettrait de donner à l’État la possibilité de revenir sur les exonérations accordées aux entreprises, c’est-à-dire de garder la main. Nous dénonçons l’octroi d’exonérations sociales à tout-va : elles ont explosé depuis que vous êtes aux responsabilités. C’est un problème, a fortiori quand ces exonérations ne sont pas compensées. Vous mettez à mal les cotisations grâce auxquelles la sécurité sociale est censée fonctionner.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). L’amendement adopté hier n’a aucun lien avec la question des compensations. Le renforcement des allégements généraux sur les salaires compris entre 1 et 1,64 SMIC ne met nullement en péril le financement de la sécurité sociale, puisque tout est compensé. La question des compensations concerne les heures supplémentaires : ne mélangeons pas tout.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Je m’inscris en faux contre ce qui vient d’être dit.

Concrètement, cet amendement permettra à l’État, s’il le souhaite, de revenir sur n’importe quelle exonération, qu’elle concerne ou non les heures supplémentaires. C’est une idée saine et simple. En effet, si l’on se rend compte qu’une exonération n’est pas justifiée ou qu’elle cesse de l’être parce qu’elle ne porte pas les fruits escomptés, il faut pouvoir revenir en arrière, notamment pour financer notre système de santé. Une liste serait établie en amont et personne ne serait pris au dépourvu.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 non modifié.

 

Article 13
Tableaux d’équilibre pour 2024

Amendements de suppression AS112 de M. Sébastien Peytavie, AS162 de M. Jérôme Guedj, AS295 de M. Pierre Dharréville et AS1799 de Mme Joëlle Mélin

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier devrait progresser de 3,2 % en 2024, ce qui est largement inférieur à ce qu’il faudrait pour couvrir l’inflation et les dépenses d’investissement. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu’un abondement de 2 milliards d’euros est nécessaire.

Si la branche autonomie est présentée comme excédentaire, il ne faut pas exagérer : selon la FHF, trois Ehpad publics sur quatre sont déficitaires, à hauteur de 500 millions d’euros au total, et il faudrait relever l’Ondam de 700 millions pour les personnes âgées et de 100 millions pour les personnes handicapées.

Ce texte, en l’état, ne peut être considéré comme un projet de loi d’investissement dans notre système de soins et d’accompagnement.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’article 13 tend à approuver les recettes et les dépenses des régimes de sécurité sociale. Or nous n’avons pas encore pu évoquer un « loup » dont le ministre nous a parlé lui-même : dans quelle mesure l’Ondam intègre-t-il un doublement des franchises médicales ? Le ministre nous a dit que le débat devait avoir lieu et qu’une trajectoire de responsabilisation de 1,3 milliard d’euros était prévue dans le cadre de l’Ondam, mais aucun article du PLFSS ne prévoit le doublement des franchises, qui passeraient de 50 centimes à 1 euro par médicament. L’amendement que nous avons déposé est d’appel : nous ne souhaitons pas supprimer tous les financements, mais la « responsabilisation » qui est prévue, en théorie. Je souhaite que chacun des groupes puisse s’exprimer à ce sujet.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Notre amendement de suppression dit notre désapprobation du tableau d’équilibre, par branche, pour 2024. Le budget de la sécurité sociale repose, en effet, sur un Ondam très contraint : sa progression de 3,2 % est insuffisante pour couvrir l’évolution tendancielle des dépenses de santé et répondre à l’ensemble des besoins, en particulier durant une période d’inflation élevée. Cela dénote une approche purement comptable, guidée non par la volonté d’apporter une réponse aux besoins mais par celle de suivre les règles fixées par les traités européens, notamment la limitation du déficit public à 3 % du PIB.

Cet article cache, en outre, 3,5 milliards d’euros d’économies qui se feront au détriment des Françaises et des Français, qu’il s’agisse de la refonte des arrêts maladie ou du doublement des franchises médicales, lequel ne figure même pas dans le projet de loi, mais sera imposé à tous par la voie réglementaire. Le ministre a dit très clairement qu’il était pour qu’on en discute, mais il n’a pas réellement précisé ses intentions. Cela pose un problème démocratique important : nous débattons du budget de la sécurité sociale, et donc de la santé, sans avoir de telles informations et même sans pouvoir prendre de décision en la matière. Nous demandons donc quelles sont les intentions de la majorité et du Gouvernement, et nous aimerions nous prononcer, même si j’ai bien compris que ce n’était pas à l’ordre du jour.

Toutes les caisses de sécurité sociale, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale d’assurance vieillesse, l’Urssaf, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie se sont prononcées contre ce budget. Toutes ont souligné son manque d’ambition face aux défis auxquels la sécurité sociale et la protection sociale sont confrontées. La FHF estime ainsi que l’Ondam devrait augmenter de 5,1 milliards d’euros. Alors que les besoins sont immenses en matière de grand âge, par exemple, le PLFSS ne prévoit que très peu de mesures nouvelles en la matière. De même, la branche accidents du travail et maladies professionnelles demeure excédentaire, mais les problèmes de sous-déclaration ne sont pas remis en cause.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous demandons également la suppression de cet article. À l’image du socle comparatif – les chiffres concernant l’année 2023 –, les prévisions pour 2024 sont sujettes à caution. Elles ne reflètent absolument pas la réalité des comptes et tous les périmètres de la comptabilité nationale ne sont pas pris en considération. Selon certains économistes – et cette idée semble faire peu à peu son chemin –, 40 milliards d’euros de subventions ne seraient pas comptabilisés, au bas mot ; le montant pourrait même aller jusqu’à 74 milliards.

Outre que le système comptable est relativement insincère, nous refusons le tableau d’équilibre parce qu’il se fonde sur des projections économiques totalement fantaisistes. L’inflation est ainsi estimée à 2,5 % alors que nous partons de 5 % – l’évolution prévue paraît difficile en six mois. Par ailleurs, le Gouvernement table sur une croissance de 1,4 %, quand les économistes s’accordent sur un maximum de 1 %.

Mme la rapporteure générale. On peut parler de responsabilité à propos de cet article, et c’est effectivement le bon cadre pour débattre des franchises. Le Gouvernement fait preuve de responsabilité avec la revalorisation de nombreux professionnels, notamment pour améliorer l’attractivité des métiers, avec l’augmentation de la valeur du point d’indice et avec la hausse de certaines dépenses, en lien avec l’inflation – la progression est de 5,1 %. Et si les recettes augmentent aussi, c’est parce que le Gouvernement et la majorité ont fait preuve de responsabilité en menant des réformes qui renforcent l’activité économique.

S’agissant des franchises, vous avez parlé, de même, de responsabilisation au sens où contribuer davantage aux dépenses de santé pourrait faire partie d’une sorte de responsabilité citoyenne. Le ministre a été très clair : les franchises ne relèvent pas forcément du domaine législatif – c’est d’ordre réglementaire. À ce stade, le texte sur lequel nous sommes appelés à voter ne comporte pas de dispositions relatives aux franchises, mais le ministre a dit lors de son audition qu’il fallait, dans un esprit de responsabilité, réduire concrètement le nombre de médicaments avalés par les Français – il est bien supérieur à celui des pays voisins, alors que les pathologies et la démographie sont quasiment identiques.

La baisse du volume des médicaments consommés nécessite un engagement de la part de l’industrie pharmaceutique – nous en avons déjà un peu parlé hier et d’autres articles du texte permettront d’y revenir – et des professionnels de santé, avec qui des discussions vont commencer dans le cadre des négociations conventionnelles. Par ailleurs, la question du reste à charge pour les citoyens ne doit pas être taboue. Si l’on regarde les pays comparables, notre reste à charge est un des plus faibles qui soit. Cela dit, le débat va au-delà des franchises et concerne toute notre société. Que sommes-nous prêts à dépenser pour notre santé ? Et comment augmenter notre richesse pour pouvoir dépenser plus dans ce domaine ? Il n’y a pas, à ce stade, de mesures d’économies liées aux franchises dans le texte, je l’ai dit, mais nous pouvons en débattre dans le cadre de cet article, si vous le souhaitez.

M. Thibault Bazin (LR). Les tableaux d’équilibre sont obligatoires. Néanmoins, c’est plutôt d’un déséquilibre qu’il s’agit : on observe une dégradation par rapport aux projections de l’an dernier. Par ailleurs, si nous n’avons jamais autant dépensé, cela ne se voit pas sur le terrain : il faudrait arriver à mieux dépenser. Les investissements dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et les Ehpad doivent permettre, par exemple, de réduire les factures énergétiques. Nous devons aussi investir dans la famille : ce sont les cotisants de demain et donc la pérennisation de notre système par répartition, notamment pour la branche vieillesse, qui sont en jeu. Enfin, je m’interroge sur certaines dépenses : les fonds d’investissement régionaux multiplient les études réalisées par des cabinets de conseil, alors qu’on aurait surtout besoin de revaloriser les soins de ville.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ce n’est pas une politique de santé que vous décrivez, madame la rapporteure générale, c’est une politique d’économies budgétaires. Votre levier, c’est d’augmenter le reste à charge, contre lequel nous nous sommes toujours battus. Nous pensons que la santé doit être remboursée intégralement. Le droit à la santé doit être acquis et la capacité de financement ne doit pas entrer en ligne de compte. On peut mener des politiques de prévention et d’éducation à la santé pour consommer et avaler moins de médicaments, mais ce n’est pas ce que vous êtes en train de faire.

Nous devons savoir avant le vote du PLFSS quelles sont les intentions réelles du ministère.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est important d’avoir le débat sur les franchises ! La rapporteure générale nous dit qu’il n’y a pas de franchises dans le texte, alors que le ministre a déclaré que l’option était sur la table. Quand nous l’avons questionné sur le rendement envisagé, il nous a répondu qu’il pourrait aller jusqu’à 800 millions d’euros en année pleine. N’allons pas voter un texte qui risque de provoquer un doublement des franchises, en prétendant ne pas être au courant. Dans nos circonscriptions, c’est nous qui serons accusés d’avoir voté une telle trajectoire.

Mme la rapporteure générale. Je n’ai pas compris de la même façon les propos du ministre lors de son audition. Il a dit, je crois, qu’il fallait diminuer le volume des médicaments. On peut voir aussi, selon les engagements pris lors des négociations conventionnelles avec les professionnels de santé, si la prescription et la consommation globales de médicaments diminuent en cours d’année.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS829 de M. Jérôme Guedj et AS1197 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Miracle de la recevabilité, je peux vous présenter cet amendement d’appel qui vise à compenser à l’euro près à la sécurité sociale l’exonération de la part salariale de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Son coût est de 2,485 milliards d’euros. Marc Ferracci ne pourra pas me dire que ces exonérations sont compensées. Ce serait un signal fort de notre commission.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale. Une fois les dépenses effectuées par l’assurance maladie notamment, une partie de la dette covid a été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), venant gonfler le montant de la dette que cette caisse est censée rembourser. Ainsi, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) a été prolongée après 2024 pour poursuivre son amortissement stérile.

Le remboursement de la dette sociale par la Cades est loin d’être anodin : 16 milliards d’euros supplémentaires sont immobilisés pour rembourser une dette que l’État pourrait faire rouler s’il l’avait reprise. Cela ne changerait pas le ratio d’endettement du pays puisque, selon les définitions européennes, la dette sociale est déjà prise en compte dans le total. Cette somme permettrait, par exemple, de supprimer tout reste à charge sur les dépenses de santé.

Par l’amendement AS1197, nous proposons donc que les recettes de la Cades soient redirigées vers la sécurité sociale et que la dette sociale soit reprise par l’État.

Mme la rapporteure générale. Vous voulez réduire l’objectif d’amortissement de la Cades, ce qui ferait porter notre dette aux générations futures. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). S’agissant de l’amendement de M. Guedj, pour avoir découvert l’ampleur de la non-compensation des exonérations des heures supplémentaires dans un rapport que j’ai corédigé, même après avoir interrogé les différents acteurs, j’avoue avoir eu un peu de mal à comprendre quelle a été la genèse de cette décision. Pour faire vivre le débat et sans soutenir l’amendement, je souhaiterais que nous puissions échanger avec le Gouvernement sur les raisons d’un tel choix.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). La Fédération nationale de la mutualité française parle de 7,5 milliards d’euros non compensés depuis 2019. Cela interroge. Je ne voterai pas l’amendement de Jérôme Guedj, mais nous devons pouvoir discuter et de la trajectoire et des atterrissages.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1198 de Mme Ségolène Amiot

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Cet amendement de bon sens vise à réaffecter à notre système de retraite les 16 milliards d’euros de dette sociale, qui seront ainsi remboursés en 2024. Je suis là pour régler toutes vos difficultés ! Remerciez-moi au lieu de soupirer. Il est injustifiable de priver les régimes de retraite de 16 milliards, alors que l’État pourrait reprendre la dette covid et la faire rouler sans changer son ratio d’endettement.

Mme la rapporteure générale. La Cades amortit des dépenses déjà faites. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 non modifié.

Article 14
Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse

Amendements de suppression AS1800 de Mme Joëlle Mélin et AS2156 de Mme Caroline Fiat

Mme Joëlle Mélin (RN). Il faut une bonne fois pour toutes reposer le problème de la Cades, réfléchir à son rôle et au fait que, alors qu’elle devrait être fermée depuis longtemps, elle renaît sans cesse de ses cendres. Madame la rapporteure générale, vous avez mentionné la Cades en disant que ce ne seraient pas nos enfants qui paieraient la dette actuelle. Bien sûr que si ! Nous réalimentons en permanence un puits sans fond. Cet usage de la Cades est tout à fait problématique. Je sais qu’il est pratique, puisque, étant adossée à la Caisse des dépôts et consignations, elle n’apparaît pas dans les chiffres du pacte de stabilité : c’est un magnifique tapis sous lequel on a mis un maximum de poussière. Nous souhaiterions faire apparaître qu’elle prélève authentiquement un impôt pour rembourser un principal de dette.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). L’amendement AS2156 vise à supprimer l’article 14 fixant les objectifs d’amortissement de la dette sociale par la Cades, soit 16 milliards d’euros, et les prévisions de recettes pour le Fonds de réserve pour les retraites et le Fonds de solidarité vieillesse. Le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale. Une fois les dépenses effectuées par l’assurance maladie notamment, une partie de la dette covid a été transférée à la Cades, venant gonfler le montant de dette que cette caisse est censée rembourser. Ainsi, la CRDS a été prolongée après 2024 pour poursuivre son amortissement stérile.

Le remboursement de la dette sociale est loin d’être anodin : 16 milliards d’euros supplémentaires sont immobilisés, soit une privation de ressources supérieure au déficit anticipé pour 2024. Sans cette affectation, les administrations de sécurité sociale seraient excédentaires à hauteur de 0,6 % du PIB l’année prochaine, soit de 4,8 milliards d’euros. Autrement dit, la sécurité sociale pourrait couvrir largement son déficit et même, mieux, couvrir les besoins, au lieu de rembourser une dette largement contestable puisque liée à des décisions de l’État, qui pourrait la faire rouler s’il l’avait reprise. Cela ne changerait pas le ratio d’endettement du pays puisque, selon les définitions européennes, la dette sociale est déjà prise en compte dans le total.

Mme la rapporteure générale. L’article 14 fixe l’objectif d’amortissement de la dette sociale à 16 milliards d’euros en 2024. La loi du 7 août 2020 a défini une trajectoire de 136 milliards d’euros d’amortissement qui prend fin en 2033. Je souhaite que, dans les mois et années qui viennent, nous puissions avoir une réflexion d’ensemble, cohérente et réaliste au sujet de la stratégie d’amortissement de la Cades et de retour à l’équilibre de nos comptes sociaux.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS927 de M. Yannick Monnet

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le grand frère de cet amendement avait été adopté l’année dernière. Nous avions décidé de refuser de faire porter à la sécurité sociale la dette covid, qui doit incomber au budget de l’État et qui coûterait moins cher ainsi. L’amendement n’a pas été repris dans le texte du 49.3, au déclenchement duquel il a d’ailleurs peut-être participé. En 2024, ce seront encore 16 milliards d’euros qui seront affectés au remboursement de la dette sociale, ce qui est irresponsable au regard des besoins que nous connaissons. Nous proposons donc de réaffecter ce montant aux caisses de la sécurité sociale.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2530 de M. Frédéric Mathieu et AS312 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement AS2530 vise à modifier le montant de l’objectif de remboursement de la dette sociale de la Cades afin de garantir une sécurité sociale à l’équilibre. À cette fin, nous proposons de libérer 11,2 milliards d’euros en affectant seulement 4,8 milliards à la caisse, ce qui démontrera que le déficit de la sécurité sociale est artificiellement creusé par le Gouvernement, celui-ci ayant décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale. Une fois les dépenses effectuées par l’assurance maladie notamment, une partie de la dette covid a été transférée à la Cades, venant gonfler le montant de dette que cette caisse est censée rembourser. Ainsi, la CRDS a été prolongée après 2024 pour poursuivre son amortissement stérile.

En 2020, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a émis l’avis que la sécurité sociale ne devait pas être affectée par des décisions circonstancielles des différents ministères et plaidé pour un retour à une relation claire et stable entre l’État et la sécurité sociale.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’analyse également comme un choix politique majeur d’avoir prolongé la Cades et de lui avoir affecté intégralement les 136 milliards d’euros de la dette covid, transformée de fait en dette sociale, avec amortissement du capital et des intérêts sur neuf ans. Un autre choix était possible : la faire rouler dans la dette de l’État, en considérant que cette dette procédait d’une situation absolument exceptionnelle, dont une partie des décisions incombait à l’État. Si le montant avait été affecté à un fonds exceptionnel d’aides d’État financé par les emprunts d’État, cela aurait coûté 1,5 milliard d’euros d’intérêts chaque année. Là, ça coûte 14 à 15 milliards d’euros. Votre choix vous a notamment empêchés de faire la loi grand âge, qui devait être financée en partie par l’affectation d’une partie de la CRDS. C’est pourquoi, en compensation, vous avez obtenu la création de la cinquième branche, une coquille sympathique mais sans financement. On connaît l’histoire !

Mme la rapporteure générale. Là où je vous rejoins, c’est que c’est un choix politique. Vous oubliez quand même de dire que 31 milliards d’euros ne relèvent pas de la dette covid. Je souhaite vraiment que nous puissions réfléchir à la Cades et à la stratégie d’amortissement de la dette.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). C’est en effet un choix politique d’instrumentaliser la sécurité sociale pour lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien et de la charger de cette dette qui n’est pas la sienne. Le déficit pèse sur sa capacité à répondre à de nouveaux besoins. Et ensuite vous nous expliquez qu’il faut maintenir un haut niveau d’exonérations et qu’il faut des franchises médicales. Cette perspective n’est pas sérieuse.

Mme Annie Vidal (RE). La dette sociale se crée quand il y a une accumulation de dépenses qui ne peuvent être couvertes par les recettes. C’est ce qui s’est produit avec les 31 milliards d’euros et les trois années covid, qui ont été à l’origine de dépenses supplémentaires conséquentes – et justifiées – et de baisses de recettes. Nous sommes bien dans le cadre dans la dette sociale.

Qu’elle doive ou non revenir à l’État, on peut en discuter, mais un point me paraît fondamental : la responsabilisation de la dette sociale, avec le remboursement du capital et des intérêts, forme le socle de l’autonomisation du budget de la sécurité sociale. Je suis très attachée à ce que le budget de la sécurité sociale reste autonome, parce que c’est ce qui permet à la sécurité sociale d’être un amortisseur social et financier.

Mme Joëlle Mélin (RN). La France est le seul pays européen qui se permette d’avoir un organisme centralisateur, l’ancien Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui autorise à creuser des déficits et à contracter des dettes.

Par ailleurs, sur les 136 milliards d’euros, 31 milliards correspondaient à un transfert contracté sur l’année 2019.

M. Paul Christophe (HOR). Vous nous accusez d’avoir créé la cinquième branche de la sécurité sociale. J’ai l’impression que c’est toujours le même procès en paternité. On ne l’avait pas promis et on l’a fait. Si vous parlez de coquille vide, c’est parce que vous faites de la politique, parce que l’on a transféré quelques recettes à l’intérieur de la Cades – rappelons les revalorisations applicables aux services d’aide et d’accompagnement à domicile, celles liées au Ségur. Il ne vous a pas échappé que l’on a fléché 0,15 % de CSG à l’échéance 2024, ce qui représente entre 2,4 et 2,6 milliards d’euros.

Vous voulez prendre les recettes de la Cades, mais elles sont pour parties adossées sur la CRDS. Je sais que vous aimez bien utiliser la CRDS, tantôt pour boucher le trou de la sécu, tantôt pour financer les retraites, et maintenant pour l’autonomie. Mais la CRDS est, par définition, destinée au remboursement de la dette sociale. C’est une taxe affectée.

À faire rouler la dette, ce seront les générations futures qui seront roulées à la fin.

M. Thibault Bazin (LR). Ce transfert de 136 milliards d’euros de dette sociale a fait débat. Mais une donnée a changé par rapport à 2020 : les taux d’intérêt augmentent de manière très importante. Plus c’est long, plus c’est coûteux. On émet beaucoup de dette – 38 milliards en 2022, un peu plus de 30 milliards cette année. Une partie de la dette des hôpitaux a été reprise, et je me pose une nouvelle fois la question de l’investissement patrimonial dans des bâtiments parfois superbes. Ne faudrait-il pas les sortir de l’assurance maladie pour qu’ils entrent dans le patrimoine de l’État, dans la mesure où il s’agit d’immobilier ?

Mme Monique Iborra (RE). C’est un choix politique. Quand on a fait le choix politique d’augmenter les salaires, ne fallait-il pas le faire ? Il le fallait, d’autant que cela n’avait pas été fait depuis de longues années. Ce choix catégoriel a été financé par la cinquième branche, c’est évident. Je continuerai à défendre une loi grand âge, mais faisons d’abord les réformes qui s’imposent, regardons les besoins et passons ensuite aux chiffres et aux annonces de milliards qui restent subjectives, d’autant que rien n’a été arrêté.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je voudrais clarifier mon propos. La cinquième branche a été créée par un amendement parlementaire. Nous connaissons tous le fonctionnement de la Ve République. Aussi, pensez-vous sérieusement que la création d’une cinquième branche de sécurité sociale par le biais d’un amendement parlementaire n’illustre pas ce que j’évoquais ? Vous voyez bien que ce n’était pas la volonté première de ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Vous avez compensé l’affectation des crédits de la Cades qui devaient financer la loi grand âge, en vous disant que, puisque la loi grand âge n’était pas dans les tuyaux, vous pouviez créer cette coquille – je ne demande d’ailleurs qu’à la remplir par la définition d’objectifs et l’affectation de moyens. Ne racontez pas une histoire qui ne correspond pas à la réalité de ce que nous avons tous vécu, vous ici et d’autres depuis l’extérieur.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Vous racontez une histoire que vous n’avez pas vécue ! Nous sommes plusieurs dans cette commission à avoir vécu la création de la cinquième branche. Je suis très fier d’avoir été le député qui a déposé le premier amendement. C’est grâce à la pression de la commission et des parlementaires que le Gouvernement a accepté. L’histoire du covid et de la Cades, c’est venu après. Ne refaites pas l’histoire en disant que c’était une négociation ! Vous ne l’avez pas vécue.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je l’ai un peu vécue, de là où j’étais à ce moment‑là.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est ici que cela se passait !

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 14 non modifié.

 

Article 15
Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes

La commission adopte l’article 15 non modifié.

 

Article 16
Approbation de l’annexe A

Amendements de suppression AS113 de M. Sébastien Peytavie, AS165 de M. Jérôme Guedj, AS928 de M. Pierre Dharréville, AS1801 de Mme Joëlle Mélin et AS2532 de Mme Caroline Fiat

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous sommes au cœur du réacteur, puisque cet article est le reflet de la loi de programmation des finances publiques qui est passée en force, avec un 49.3, et qui vient mettre le budget sous enveloppe fermée et bloquer toute évolution budgétaire autour du soin et de la santé pour les quatre prochaines années. Les prévisions de croissance nous semblent douteuses, tout comme la sincérité du budget. Alors qu’il a fallu augmenter à trois reprises l’Ondam cette année, le définir pour les quatre prochaines années pose problème et ne répond pas aux besoins d’investissement ni pour l’hôpital d’aujourd’hui ni pour celui de demain.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous sommes en effet dans le dur. Mais le dur, malheureusement, ne répond pas aux besoins sanitaires du pays, probablement parce que le mode de régulation ne se fait pas par les besoins mais par la maîtrise comptable – ce à quoi se réduisent les PLFSS avec vous. L’Ondam est insuffisant. La trajectoire pluriannuelle des régimes obligatoires de base est inadaptée face à la crise multiforme des hôpitaux et des acteurs de santé, y compris en soins de ville. Les effets de l’inflation sur les secteurs sanitaires et médico-sociaux ne sont pas suffisamment pris en compte, ce qui se traduit par une baisse en valeur réelle des dépenses considérées.

Quand l’ensemble des fédérations, des collectifs et des acteurs de santé, qu’ils soient publics, privés ou associatifs, demandent une progression annuelle de l’Ondam d’au moins 4 % pour faire face au vieillissement démographique, aux mutations technologiques et à la croissance des affections de longue durée, vous devriez entendre leur message. Au-delà des chiffres, il y a les chocs exogènes auxquels les acteurs, particulièrement l’hôpital public, sont confrontés : le financement partiel du Ségur qui n’a toujours pas trouvé de règlement, le surcoût énergétique qui représente une charge considérable pour les établissements, l’inflation et les effets qui s’y rattachent, avec notamment des surcoûts pour les opérations de travaux. Nous n’avons toujours pas de visibilité sur les demandes de programmation des investissements envisagés. Soit vous corrigez cet Ondam, soit nous sommes obligés de rejeter l’article.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). En réalité, l’autonomie du budget de la sécurité sociale et de la sécurité sociale elle-même est chaque année toujours plus une fiction. Lorsque l’on charge la sécurité sociale d’une dette qui n’est pas la sienne, c’en est le témoignage le plus éloquent. En plus, ces intérêts servent à financer les banques.

L’amendement dit notre désapprobation du rapport figurant en annexe A. Il est la justification des différents articles d’équilibre par branche dont nous avons précédemment demandé la suppression. Il comporte également les projections jusqu’à 2027. Ces dernières, ne serait-ce qu’au regard d’un Ondam toujours plus restreint, puisqu’il est en baisse constante dès 2025 à 3 % puis à 2,9 %, traduisent la poursuite de la politique d’austérité que nous connaissons. De plus, la branche vieillesse voit son excédent se creuser à 14 milliards d’euros en 2027, ce qui suffit à montrer toute l’inefficacité de la réforme des retraites imposée au pays. Pour mémoire, le Conseil d’orientation des retraites estimait que, de 2022 à 2032, la situation du système de retraite se détériorerait avec un déficit allant de moins 0,5 point à moins 0,8 point de PIB en fonction de la convention et du scénario retenus. Ce déficit devait ainsi s’établir entre moins 7,5 et moins 10 milliards d’euros en 2027.

Pour toutes ces raisons nous ne pouvons approuver le rapport.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous demandons également la suppression de l’article. La question à se poser devant la trajectoire budgétaire pour les trois ans est de savoir si l’on est capable de construire solidement. Or, à y regarder de plus près, cette trajectoire est la plus inquiétante et la moins solide depuis 1997, hors périodes de crise. Elle n’est pas maîtrisée. D’ores et déjà, le déficit de 10 milliards d’euros est envisagé à 18 milliards dans les années à venir. Aucune visibilité et surtout pas sur un retour à l’équilibre ! La trajectoire ne prend absolument pas en compte le moindre aléa. Imaginons n’importe quelle catastrophe sanitaire, nous ne serions pas solides. Les prévisions macroéconomiques sont trop à court terme et irréalistes. La croissance pour 2024 est estimée à 1,4 point, alors que tout le monde s’accorde pour dire que 1 point serait le maximum. De même, l’inflation à 2,5 points est irréaliste – passer de 5 à 2,5 serait un exploit. Les indicateurs étant irréalistes, nous ne pouvons pas souscrire à cette projection.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Impossible de voter cette trajectoire budgétaire, sinon irréaliste, en tout cas bien en dessous des besoins. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. Tous les syndicats, les associations, les organisations sont contre votre trajectoire budgétaire : la FHF dit qu’il manque de l’argent ; à l’assurance maladie, personne n’a voté pour ce texte ; France Assos Santé dit que ça ne suffit pas et que ça ne répond pas aux enjeux structurels majeurs pour refonder notre système de santé ; la CGT, la CFDT, la Fédération nationale des infirmiers, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, l’Union nationale des syndicats autonomes et la Mutualité française, tous sont contre. Personne à part vous ne pense que ce budget va répondre aux besoins. Nous ne pouvons pas le voter, parce que notre but est de faire en sorte que tout le monde puisse être soigné et que notre hôpital soit robuste. Vous nous proposez tout l’inverse. C’est le sens de l’amendement AS2532.

Mme la rapporteure générale. Cette trajectoire est un point de repère. Nous ne faisons pas d’économies, nous ralentissons l’augmentation des dépenses. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le problème, c’est que ce point de repère n’est pas bon ! Nous avons déjà dit à quel point votre budget a suscité la réprobation de l’ensemble des organismes concernés. Au-delà de vos arguments politiques, que répondez-vous à ces organismes ? Tenez-vous, au moins partiellement, compte de leurs propos et de leurs votes ? Nous avons le sentiment que non et que vous ne changez rien. Ce n’est pas acceptable.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Aucun des acteurs ne croit à votre budget ! Que répondez-vous à cela ? Vous dites que vous ralentissiez la hausse des dépenses mais, tous les ans, les besoins structurels augmentent. Quand on ne les suit pas, cela veut dire qu’on fait des économies. Que pensez-vous de l’analyse de la FHF ? Du vote de la Cnam ? De ce que disent les syndicats et les associations ?

Mme la rapporteure générale. Les dépenses augmentent de 5,1 % en 2024.

Ce que nous avons à répondre, c’est que nous faisons preuve de responsabilité : si l’on veut préserver la sécurité sociale, il faut maîtriser les dépenses. Il y a trois choses à faire : des réformes pour améliorer l’efficacité des dépenses ; accroître le PIB pour pouvoir, en proportion, augmenter les dépenses ; responsabiliser ceux qui sont chargés de tenir les engagements.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1243 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il s’agit d’un amendement d’appel visant à supprimer la projection pluriannuelle de l’Ondam jusqu’en 2027.

Le Gouvernement s’est engagé envers Bruxelles à limiter la hausse des dépenses publiques à 0,6 % par an. Les dépenses évoluent beaucoup moins vite que les besoins – nous l’avons vu pour l’Ondam des établissements de santé. L’Ondam n’augmentera que de 2,3 %, 2,7 % et 2,6 % dans les prochaines années – bien malin celui qui peut prédire l’inflation, mais on imagine aisément qu’elle sera supérieure à la progression de l’Ondam. Le taux pour cette année ne permettra même pas de couvrir la hausse des charges.

La FHF évalue à 15 % la hausse des charges médicales, hôtelières et générales des hôpitaux publics. Les Ehpad et les hôpitaux sont dans une impasse financière. Leur situation, déjà catastrophique, va s’aggraver si le Gouvernement tient ses promesses.

La suppression de la trajectoire pluriannuelle aurait une valeur symbolique.

Mme la rapporteure générale. Je ne peux pas vous laisser donner des chiffres faux : la hausse de l’Ondam sera de 3,2 % en 2024, 3 % en 2025 et 2,9 % en 2026. Cette trajectoire reflète le ralentissement attendu de l’inflation. Elle montre aussi que nous continuons d’augmenter les dépenses, nous ne faisons pas d’économies. Enfin, ce sont les acteurs que vous nous reprochez de ne pas écouter qui demandent une projection pluriannuelle.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous voterons l’amendement parce que la trajectoire pluriannuelle est profondément désespérante. Là où il y aurait besoin de donner du souffle à l’hôpital public et à notre système de santé, vous le maintenez sous la ligne de flottaison.

Madame la rapporteure générale, vous avez mis en avant votre esprit de responsabilité. Est-ce à dire que les conseils d’administration de la Cnaf et de la Cnam en sont dépourvus ? À leur décharge, les responsabilités que devraient exercer ces instances leur ont été progressivement retirées au fil des lois ayant organisé l’étatisation de la sécurité sociale, que nous condamnons. Vous ne pouvez pas leur dénier leur responsabilité : lorsqu’ils disent des choses, ces organismes savent très bien de quoi ils parlent.

M. Frédéric Valletoux (HOR). La FHF a toujours présenté des chiffres dont le sérieux et la qualité ne peuvent être mis en doute.

Le Gouvernement a largement accompagné les hôpitaux ces dernières années afin de ne pas les mettre en difficulté, n’hésitant pas à aller au-delà des prévisions affichées chaque année. Il faut saluer cet effort.

Mme la rapporteure générale. La responsabilité dont je parle est politique. C’est celle que nous prenons lorsque nous affirmons vouloir maîtriser nos dépenses et contenir les déficits en dessous des 3 %. Je n’engageais aucunement la responsabilité des directeurs de caisses.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS2364 de M. Jérôme Guedj et AS2637 de M. Thibault Bazin

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est l’amendement « respect de la parole donnée ».

Au moment de la réforme des retraites, l’engagement avait été pris par le Gouvernement de compenser la hausse de 1 point de la contribution employeur versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), confrontée à un déficit. Élisabeth Borne elle-même s’était engagée devant les représentants des collectivités locales.

Or la loi a été adoptée, si l’on peut dire, le 14 avril 2023 et depuis cette date, aucune mesure de compensation n’a vu le jour. Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin sur l’état des finances locales, prises en étau entre l’inflation et la crise énergétique, d’un côté, et de l’autre, l’augmentation de la cotisation. C’est la raison pour laquelle les élus nous alertent.

L’amendement est symbolique puisqu’il vise à rappeler dans l’annexe A l’obligation de compensation. C’est une invite, adressée à l’exécutif, à respecter la parole qui a été donnée aux élus locaux.

M. Thibault Bazin (LR). Le Gouvernement s’est engagé, dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2003, à compenser intégralement la hausse de 1 point de la cotisation versée par les employeurs publics à la CNRACL.

Or, alors que la réforme est mise en œuvre, la compensation n’est toujours pas effective et ses modalités restent inconnues à ce jour. L’amendement a pour objet de compléter l’annexe A afin de rappeler au Gouvernement ses engagements.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement d’appel. Je vous propose d’en discuter en séance.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous soutenons les amendements.

Vous prétendez avoir une attitude responsable. Si j’en crois la définition, cela signifie « qui réfléchit, sérieux, qui prend en considération les conséquences de ses actes ». En quoi est-ce responsable de sous-financer les besoins de santé ? Selon France Bleu Limousin, les chiffres explosent au centre hospitalier universitaire de Limoges, des soignants disent qu’ils font des transfusions au milieu des couloirs. En quoi est-ce responsable de sous-financer l’hôpital et d’empêcher les soignants de soigner, faute de moyens ? Expliquez-moi !

Mme la rapporteure générale. Devant une situation si compliquée et si triste, à mes yeux, ce serait tellement bien s’il suffisait de mettre de l’argent pour qu’il n’y ait plus de gens dans les couloirs des urgences.

Mais l’argent ne suffit pas, regardez les dépenses que prévoit le PLFSS. La situation est largement imputable à la démographie médicale. Arrêtez ce discours caricatural !

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). J’ai travaillé pendant quinze années aux urgences. Le nombre de patients n’a cessé d’augmenter. On ne peut pas dire que des moyens humains et financiers n’ont pas été donnés. Ce secteur a constamment bénéficié d’une hausse des effectifs. Les financements ne sont pas la seule réponse, d’autres mesures sont nécessaires. Ainsi, le manque de médecins traitants explique largement la fréquentation, à des niveaux inédits, des urgences.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS830 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Je regrette, madame la rapporteure générale, que vous ayez renvoyé le débat à la séance. Notre parole aurait plus de poids auprès des ministres si nous avions adopté les amendements, au demeurant très modestes.

L’amendement concerne la non-compensation des exonérations des heures supplémentaires. J’ai entendu tout à l’heure les doutes de M. Ferracci et de Mme Panosyan‑Bouvet sur l’ampleur de ces exonérations non compensées. Je vous propose de marquer la volonté de la commission des affaires sociales d’en finir, à un moment ou à un autre, avec cette anomalie.

Mme la rapporteure générale. Je comprends qu’un travail va être mené sur le sujet. Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). « L’argent ne suffit pas », dites-vous ; cela vaut « l’État ne peut pas tout » que nous avons entendu à une certaine époque. Souvenez-vous comment cela s’est fini.

Le salaire des infirmières, le salaire des aides-soignantes, les équipements sont bien une question d’argent. J’en conviens, il y a un déficit conjoncturel de professionnels de santé mais vous n’attirerez pas les candidats avec des cacahuètes.

Le déficit peut avoir deux causes potentielles : soit il y a trop de dépenses, soit il n’y a pas assez de recettes. Selon vous, il faut maîtriser les dépenses pour maîtriser le déficit ; pour nous, le problème tient au manque de recettes. Vous préférez renoncer à soigner des gens et à équiper nos hôpitaux. C’est là notre désaccord de fond.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS836 de M. Arthur Delaporte

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est un amendement très important, qui concerne l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Pourquoi pénaliser un dispositif qui marche ?

Nous nous accordons tous sur les effets positifs de cette expérimentation. Portée avec opiniâtreté depuis 2017 par ATD Quart Monde, rejointe par des grands acteurs de la lutte contre l’exclusion – Emmaüs, le Secours catholique, le Pacte civique, la Fédération des acteurs de la solidarité –, elle se déroule, avec des résultats probants, dans dix territoires pilotes et cinquante-huit territoires supplémentaires ont été choisis pour développer de nouveaux projets.

Que nous disent les responsables du projet, parmi lesquels notre ancien collègue député Laurent Grandguillaume ? Le budget de 69 millions d’euros alloué dans le projet de loi de finances pour 2024 n’est pas suffisant pour financer les embauches prévues dans les cinquante-huit territoires retenus, ni pour étendre l’expérimentation à de nouveaux territoires. La Première ministre s’était pourtant engagée, lorsqu’elle était ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, à ne laisser aucun territoire au bord du chemin.

C’est évidemment un amendement d’appel, mais un appel tonitruant. La lutte contre le chômage ne relève pas directement des politiques de sécurité sociale, quoique chaque fois qu’une personne retrouve un emploi, elle cotise à la sécurité sociale. Nous devons exprimer avec force notre inquiétude, voire notre désapprobation. Je crois qu’aucun d’entre vous ne doute de la pertinence de Territoires zéro chômeur de longue durée.

Mme la rapporteure générale. Devant le vent de contestation sur la recevabilité, j’explique brièvement pourquoi cet amendement a été déclaré recevable. L’amendement relève certes du budget de l’État, mais il porte sur l’annexe et n’a donc pas de portée financière.

En matière de politique économique, je suis d’accord avec vous, lorsque le chômage baisse, les cotisations augmentent. C’est tout l’intérêt de l’article liminaire que vous avez voulu supprimer.

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (RE). L’expérimentation mérite une évaluation. Dans le territoire dans lequel je suis élue, alors que le but de l’expérimentation est de redonner un travail aux personnes les plus éloignées de l’emploi, les embauches auraient pu être faites par Pôle emploi puisqu’elles concernaient des métiers en tension – bouchers, boulangers, maçons, etc. Il faut donc vraiment se pencher sur le respect de l’objectif affiché initialement.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Un projet de territoire zéro chômeur de longue durée doit être lancé dans le pays Monts et Barrages dans ma circonscription.

On peut évidemment fixer des règles pour s’assurer que le dispositif est conforme à son ambition initiale, mais chacun voit bien que ces projets réussissent à ramener vers l’emploi des personnes qui en étaient très éloignées. J’ai été surpris de voir à quel point les bénévoles et les salariés étaient impliqués et les bénéficiaires, très éloignés de l’emploi. Ce sont des personnes auxquelles on a donné la possibilité non seulement de se réinsérer, mais aussi de retrouver une dignité. Elles ont pu imaginer des projets dont elles ne se pensaient pas capables. Je ne conteste pas le besoin d’évaluation, mais les expérimentations fonctionnent et les 20 millions d’euros supplémentaires que réclame l’amendement sont justifiés.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures vingt-cinq.

Amendement AS1252 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’idée de l’amendement est née de la présentation par Agnès Firmin Le Bodo du plan interministériel pour la sécurité des professionnels de santé.

En 2022, 20 000 signalements de violences ont été recensés dans les établissements de santé – il s’agit d’injures, d’invectives, parfois de violences physiques. Le plan comporte des mesures intéressantes en matière de sensibilisation du public, de formation des soignants, de prévention des violences et de sécurisation de l’exercice des professionnels, notamment la création d’un délit d’outrage sur les professionnels de santé.

J’ai été alerté sur des cas d’établissements de santé qui, confrontés à des patients, ou à leur entourage, violents ou à tout le moins plus que désagréables, sont contraints de recourir à des vigiles pour assurer la sécurité des professionnels de santé et leur permettre de poursuivre leur mission.

L’amendement vise donc à demander une étude économique, juridique et financière sur la possibilité de faire supporter par le patient violent ou son entourage les coûts liés au recours aux organismes de sécurité. Il n’y a pas de raison que ce soit la sécurité sociale et l’hôpital public qui supportent ces coûts.

Mme la rapporteure générale. Je vous rejoins complètement. J’avais moi-même défendu des amendements pour renforcer les sanctions contre les auteurs de violences faites aux soignants, qui, comme toutes les violences, sont inadmissibles.

J’ai travaillé, il y a quelques années déjà, dans un hôpital gardé par des policiers. Ce sont des conditions de travail difficiles et insécurisantes.

Je ne donnerai pas un avis favorable à ce que je considère comme un amendement d’appel, mais je suis ouverte à un travail sur le sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS540 de M. Thibault Bazin, AS603 de M. Jérôme Guedj et AS1430 de M. Laurent Panifous

M. Thibault Bazin (LR). La perte de confiance dans les responsables politiques tient au décalage entre la parole et les actes, budgétaires notamment. Parfois, il vaut mieux ne rien annoncer plutôt que de faire semblant. Face aux défis démographiques qui nous attendent, nous devons nous rassembler pour préciser comment nous entendons y faire face financièrement et écrire une nouvelle page de l’histoire de notre système de protection sociale.

Les départements, qui sont les acteurs de proximité en matière d’autonomie, bénéficieront des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – c’est très bien. Mais le taux de compensation moyen par la CNSA des dépenses engagées par les départements est aujourd’hui de plus ou moins 40 %.

Par cet amendement, je vous propose de fixer l’objectif de concours à hauteur de 50 % en 2030. Cela n’a pas d’effet immédiat, mais cela donne la visibilité nécessaire pour programmer les investissements humains et matériels, et ainsi structurer le virage domiciliaire.

M. Jérôme Guedj (SOC). Le taux de couverture de 40 % masque des disparités très importantes puisqu’il dépend d’une série de critères, parmi lesquels le potentiel fiscal des départements, le taux de recours à l’allocation personnalisée d’autonomie ou à la prestation de compensation du handicap. Le taux de compensation peut ainsi n’être que de 10 %, le reste étant financé par les ressources propres du département, notamment la fiscalité sur laquelle l’autonomie des départements s’est émoussée au fil du temps.

Je suis attaché à la complémentarité entre le département et la CNSA. Je ne suis pas favorable à une recentralisation des prestations. Pour que ce couple continue à fonctionner, il faut garantir une répartition équitable, car l’insuffisante compensation fragilise l’action des départements. Nous aurons à aborder ce sujet dans le volet financier d’une loi de programmation sur le grand âge.

M. Paul-André Colombani (LIOT). La démographie va connaître des bouleversements dans les années qui viennent. En 2030, plus de 20 millions de personnes auront dépassé 60 ans. Nous devons en tenir compte dans la trajectoire financière. C’est la raison pour laquelle l’amendement AS1430 tend à homogénéiser les concours de la CNSA autour de 50 % à l’horizon 2030.

Mme la rapporteure générale. Je suis défavorable à ces amendements.

Je ne conteste pas le fait que les départements ont besoin de ressources plus importantes. Mais nous aurions intérêt à écouter ce qu’a dit Mme Iborra tout à l’heure – et qui s’applique à nombre d’autres domaines de la sécurité sociale : travaillons à la gouvernance et à la transformation de notre système d’accueil des personnes âgées, qu’il soit en ambulatoire, en virage domiciliaire ou en établissement, avant de fixer la part des dépenses assumées par chacun. Commençons par définir les besoins avant d’inscrire des pourcentages de financement.

Mme Monique Iborra (RE). Depuis très longtemps, la politique du grand âge est l’objet d’un tête-à-tête entre les départements et les services de l’État, qui se résume finalement à un problème d’enveloppe budgétaire. Il faut sortir de cette logique. On sait bien qu’il faut de l’argent, que les départements ont certaines compétences et l’État, d’autres.

Les départements ne sont pas sur un pied d’égalité car ils n’ont pas tous les mêmes capacités. Sans une analyse des besoins et des réformes nécessaires, nous créons nous-mêmes les inégalités que nous cherchons à combattre. Il faut arrêter.

M. Yannick Neuder (LR). Madame Iborra, nous partageons votre constat. Nous faisions déjà le reproche à la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France d’ignorer les modalités de financement et de ne pas avoir mis les acteurs autour d’une table.

Certains sujets pourraient être évoqués. Nous l’avons fait hier par le biais d’amendements instituant un prélèvement obligatoire de solidarité nationale pour le financement de la cinquième branche. On pourrait aussi discuter d’un système assurantiel. Nous restons dans l’attente de propositions du Gouvernement alors qu’une mission transpartisane avait été envisagée par le prédécesseur de Mme Bergé.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l’article 16 et l’annexe A non modifiés.

Puis elle adopte la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, modifiée.


TROISIÈME PARTIE : Dispositions relatives aux dÉpenses pour l’exercice 2024

TITRE Ier – DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Chapitre Ier – Poursuivre la transformation du système de santé pour renforcer la prévention et l’accès aux soins

Article 17
Déploiement de la campagne de vaccination HPV dans les collèges et suppression du ticket modérateur de certains vaccins

Amendement AS314 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous soutenons l’article 17, qui vise à faciliter la campagne de vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV) dans un cadre scolaire et à supprimer le ticket modérateur de certains vaccins. En la matière, la France accuse un important retard par rapport au Royaume-Uni, à la Suède ou à l’Australie.

L’amendement vise à laisser aux syndicats représentatifs et à l’assurance maladie six mois pour négocier les modalités de la rémunération des professionnels de santé réalisant les campagnes de vaccination contre le HPV. Pour l’instant, les montants sont déterminés d’autorité par le Gouvernement dès le 1er janvier 2024. Pour être un succès, cette campagne doit s’appuyer sur des professionnels de santé pleinement investis.

Mme la rapporteure générale. Le très bel article 17 concerne le financement de la campagne de vaccination contre le papillomavirus – virus qui entraîne des risques de cancer, notamment des cancers ORL ou gynécologiques.

La campagne a été lancée en octobre dans les collèges. Vous avez dû constater qu’elle est bien accueillie. Je salue l’initiative du recteur et de la directrice de l’agence régionale de santé de ma région, qui ont conduit une expérimentation dans laquelle il a été proposé aux parents lors de la première injection de regarder où en étaient les rappels des autres vaccins pour pouvoir les faire lors de la seconde injection.

Vous souhaitez que la rémunération des professionnels donne lieu à une négociation mais de multiples professionnels sont impliqués dans cette campagne, parfois même des retraités, pour lesquels le recours à une convention ne serait ni simple ni efficace.

Votre amendement pose aussi la question du financement de la prévention. Les dépenses ont leur place ici puisque les recettes, ou plutôt les cas évités, font partie du financement de la sécurité sociale.

Avis défavorable à votre amendement.

M. Yannick Neuder (LR). Je salue la campagne de vaccination contre le papillomavirus pour les jeunes adolescents, garçons et filles.

Je l’ai mise en place dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, il y a deux ans, en la finançant sur ses fonds propres. J’avais été étonné de l’accueil très positif que recevaient les messages de prévention. Nous avons mené une étude avec les centres de cancérologie, dont il ressort que 160 cancers du col ont ainsi été évités.

La seule petite critique que j’émettrai porte sur le coût pour les industries pharmaceutiques de la campagne de vaccination. Alors que celle-ci est commandée par Santé publique France, elle ne donne lieu à aucune déduction de la clause de sauvegarde. Ce sont donc en quelque sorte les industriels qui paient la campagne ! On pourrait de manière générale tenir compte dans les clauses de sauvegarde des demandes nationales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1803 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous souhaitons que les organisations syndicales représentatives soient associées à la rédaction du décret qui déterminera les modalités de rémunération des professionnels de santé.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2691 de M. Philippe Schreck

Mme Joëlle Mélin (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1309 de M. Stéphane Viry

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS313 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de demander un rapport sur l’opportunité d’élargir la campagne de vaccination contre le HPV au-delà des collèges, pour s’assurer que le maillage scolaire soit totalement efficace. Les jeunes concernés peuvent aussi être sensibilisés par des clubs sportifs, des associations, des maisons des jeunes et de la culture ou des centres sociaux.

Aurélien Rousseau a pointé l’angle mort que constitue le choix d’une partie des collèges privés de France de ne pas prendre part à la campagne de vaccination, du fait d’une certaine frilosité dans la circulaire qui leur ouvrait cette possibilité. Les collégiens qui fréquentent ces établissements pourraient donc échapper à la campagne de vaccination. Si nous voulons que tous les jeunes, indépendamment de l’établissement dans lequel ils sont scolarisés, puissent être vaccinés, je souhaite, si ce n’est rendre obligatoire la campagne dans les établissements privés sous contrat, la proposer en d’autres lieux où les jeunes peuvent être touchés.

Mme la rapporteure générale. Je trouve l’idée intéressante. On pourrait aussi examiner l’opportunité de vacciner les enfants plus tôt pour évacuer certaines critiques, infondées, liant cette vaccination, qui intervient en cinquième, aux relations sexuelles. On sait que le vaccin est plus efficace pour les femmes quand il est injecté avant la première relation sexuelle.

À titre personnel, avis favorable.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). APF France handicap a appelé notre attention sur le fait que les établissements recevant des personnes en situation de handicap et les instituts médico-éducatifs risquaient de ne pas bénéficier de cette campagne de vaccination. Il importe de bien les prendre en compte.

La commission adopte l’amendement.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Madame la présidente, nous avons accepté ce matin d’aller plus vite sur les amendements relatifs aux recettes, parce que nous estimions que le débat avait eu lieu. Nous avons toutefois souligné que nous souhaitions, sur la partie relative aux dépenses et sur des sujets qui nous paraissent essentiels, pouvoir intervenir davantage qu’à raison d’un pour et un contre. Le papillomavirus est un sujet important et il est frustrant de ne pas pouvoir nous exprimer à ce sujet. Si vous nous invitez à aller vite sur les dépenses, cela ne va pas créer une très bonne ambiance.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. J’ai indiqué tout à l’heure que je prendrais, sur chaque amendement, un pour et un contre. M. Peytavie avait demandé la parole avant vous et je la lui ai donnée. Mme la rapporteure générale a, en outre, émis un avis favorable sur cet amendement. Nous pouvons donc avancer.

Amendement AS1505 de M. Laurent Panifous

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le groupe LIOT salue la décision du Gouvernement de soutenir la campagne vaccinale contre l’infection au papillomavirus dans les collèges, à destination des enfants âgés de 11 à 14 ans. Cette campagne est la bienvenue, mais elle gagnerait à être encore plus diffusée, grâce à des mesures de sensibilisation susceptibles de toucher un maximum de jeunes et d’éviter les angles morts. Nous proposons qu’un rapport examine cette possibilité.

Mme la rapporteure générale. L’intérêt d’élargir la campagne de sensibilisation aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ne fait pas de doute ; je ne pense pas utile de faire un rapport à ce sujet. J’espère que nous obtiendrons la levée du gage d’ici à la séance. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Ma collègue Caroline Fiat vient de quitter la salle en colère, car elle aurait souhaité s’exprimer sur cette question importante. À quoi sert le Parlement quand on sait, par ailleurs, que ce texte sera adopté par 49.3 ? Accepter qu’il y ait une prise de parole par groupe sur cet amendement n’aurait pas tellement allongé le débat. Ce coup de force me paraît inutile.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je ne vois pas où est le coup de force : la rapporteure générale avait émis un avis favorable sur l’amendement et tout le monde était d’accord.

Après l’article 17

Amendement AS1228 de Mme Caroline Fiat

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, a annoncé en grande pompe une campagne de vaccination contre le papillomavirus. C’est une excellente nouvelle, sachant qu’à la fin de 2021, seulement 45,8 % des jeunes filles de 15 ans étaient vaccinées, et à peine 6 % des garçons du même âge.

Or les élèves scolarisés dans les établissements privés sous contrat se trouveraient dans ce qu’il a appelé un « petit angle mort », puisque cette vaccination contre le papillomavirus pourrait ne pas leur y être proposée. Pour nous, la campagne de vaccination doit être obligatoire dans tous les établissements. Ce sujet de santé publique ne saurait être traité à la carte ; il n’y a pas de « petit angle mort » possible en la matière. La France a déjà pris beaucoup de retard et il n’est pas admissible que des chefs d’établissement s’opposent à cette campagne de prévention.

Hélas, nos discussions sont tout simplement inutiles, puisqu’il semblerait que le 49.3 devienne la règle à l’Assemblée nationale et que les débats ne soient plus possibles sur des sujets aussi importants pour la santé de notre jeunesse. Je le déplore vivement.

Mme la rapporteure générale. Je suis très défavorable à votre amendement, car je crois que c’est vraiment notre rôle de parlementaires d’aller voir comment se passe cette campagne et de faire remonter les difficultés éventuelles. Par ailleurs, nous pourrons revenir sur cette question dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Ces établissements privés sont sous contrat avec l’État et touchent de l’argent public. Or le contrat, c’est aussi de veiller à la santé et à la sécurité des élèves et de transmettre des messages de prévention.

Le papillomavirus est la première cause du cancer du col de l’utérus. Une fois encore, ce sont les femmes qui paient le prix de choix politiques, en l’occurrence ceux des chefs d’établissement qui refusent de participer à une campagne nationale de prévention.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 18
Gratuité des préservatifs pour tous les assurés âgés de moins de 26 ans sans prescription

Amendement AS2501 de Mme Émilie Chandler

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS2347 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Une prise en charge ambitieuse de la contraception pour les moins de 26 ans ne doit pas être restreinte à un seul type de contraception.

La contraception dite masculine ne se résume pas aux préservatifs. Depuis plusieurs années, la recherche s’intéresse enfin à de nouveaux moyens, tels que les anneaux thermiques ou les slips chauffants, qui permettent de réduire significativement la production de spermatozoïdes en augmentant de 2 degrés la température des testicules. La contraception hormonale masculine existe aussi depuis trente ans ; elle a fait l’objet d’un protocole validé par l’Organisation mondiale de la santé et expérimenté sur 1 500 hommes.

De plus en plus d’hommes envisagent de recourir à ce type de contraception, afin d’éviter à leur partenaire de supporter seule la charge mentale de la contraception. D’ailleurs, outre cette charge mentale, la contraception est aussi une charge financière pour les femmes, puisqu’après 26 ans, les contraceptifs ne sont remboursés qu’à 65 %. Dans un souci d’égalité et de santé publique, le Parlement a pleinement son rôle à jouer pour promouvoir une répartition plus égalitaire de la charge mentale contraceptive.

Mme la rapporteure générale. Je salue le remboursement des préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans – cette mesure fonctionne. Pour que des moyens contraceptifs soient pris en charge, il faut que les industriels en fassent la demande et que le dispositif qu’ils proposent soit homologué par la HAS. À ma connaissance, les dispositifs que vous évoquez ne l’ont pas encore été.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Je trouve vraiment dommage que vous ne soyez pas favorable, au moins sur le principe, à la prise en charge de la contraception masculine. Cette position me paraît à la fois déplacée et décalée, étant donné le contexte actuel. Certains de ces dispositifs ont le mérite d’être durables : on peut les garder toute sa vie, contrairement aux plaquettes de pilules contraceptives qu’il faut acheter chaque mois.

Il serait temps de lâcher la bride aux femmes et d’encourager les hommes à se préoccuper de la contraception. Ce serait d’ailleurs un message fort à envoyer aux industriels que la prise en charge de leurs produits pour les jeunes de moins de 26 ans. La contraception féminine n’emporte pas seulement une charge mentale et financière, elle laisse des traces sur le corps des femmes. À long terme, la pilule contraceptive n’est pas neutre.

Mme la rapporteure générale. Quand vous appelez à favoriser l’implication de l’homme dans la contraception, je ne peux que vous suivre. En revanche, on ne peut pas rembourser des dispositifs dont on n’a pas évalué l’efficacité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1768 de Mme Émilie Chandler et AS2708 de Mme Brigitte Liso

M. Freddy Sertin (RE). Sur proposition du Président de la République, tous les jeunes de moins de 26 ans peuvent désormais obtenir des préservatifs gratuitement en pharmacie. L’article 18 ne mentionne pas explicitement les préservatifs féminins, également appelés préservatifs internes. Par l’amendement AS1768, nous proposons donc de préciser que cette prise en charge concerne à la fois les préservatifs externes et internes.

Neuf femmes sur dix connaissent l’existence des préservatifs internes, mais deux tiers d’entre elles pointent le manque d’information à leur sujet. Cet amendement vise donc à lutter contre la méconnaissance du préservatif féminin en France, qui explique aussi sa sous‑utilisation. Cette précision permettrait de renforcer la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST).

Mme Brigitte Liso (RE). Les préservatifs féminins, dits internes, restent assez peu connus, alors qu’ils pourraient permettre notamment aux travailleuses du sexe de se protéger lorsque leur client ne souhaite pas le faire. Et, pour une simple question d’équité, il faudrait que les deux types de préservatifs soient remboursés.

Mme la rapporteure générale. Il ne me paraît pas absolument indispensable de préciser que la mesure concerne à la fois les préservatifs internes et externes mais, si cela vous semble important, je peux émettre un avis favorable sur ces amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS2350 de M. Sébastien Peytavie

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement a le même objet que les précédents et je ne comprends pas pourquoi il n’a pas été examiné avec les deux autres : il s’agit de préciser que le remboursement concerne aussi bien les préservatifs internes que les préservatifs externes. Il importe effectivement de mieux faire connaître les préservatifs internes. Ils ont l’intérêt d’être totalement maîtrisables par les femmes et sont aussi plus fiables, moins sujets à la déchirure que les préservatifs externes.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Cet amendement n’a pas été examiné avec les autres parce qu’il ne porte pas sur le même alinéa.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS2713 de Mme Brigitte Liso

Mme la rapporteure générale. Tout en saluant votre travail sur ces questions, madame Liso, je vous indique que votre amendement est satisfait, dans la mesure où ne peuvent entrer dans le cadre de l’article 18 que les préservatifs inscrits sur la liste de produits et de prestations.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS315 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Pourquoi arrêter la gratuité des préservatifs à 26 ans, alors qu’on sait que 62 % des personnes qui ont découvert leur séropositivité avaient entre 25 et 49 ans ? Garantir l’accès gratuit au préservatif sans barrière d’âge renforcerait considérablement la prévention. Cette mesure n’aurait pas un coût énorme : peut-être 10 ou 15 millions d’euros, sachant que la gratuité pour les jeunes de moins de 26 ans coûte 3,9 millions. Nous demandons un rapport pour étudier l’opportunité de supprimer cet âge limite.

Mme la rapporteure générale. Les préservatifs sont déjà remboursés, quel que soit l’âge de la personne, sur prescription. On peut aussi se procurer des préservatifs gratuitement auprès d’associations ou de centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD).

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Les préservatifs sont prescrits aux personnes qui risquent directement de transmettre une maladie ou d’être contaminés, du fait d’une fragilité. Quand on voit ce que coûtent la prophylaxie pré-exposition, le traitement post‑exposition et les traitements contre le HIV, mettre des capotes à disposition gratuitement partout, pour tout le monde est une évidence. Et c’est le seul moyen d’éradiquer, un jour, le sida et toutes les IST.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS2354 de M. Sébastien Peytavie et AS1507 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Faciliter l’accès aux droits sexuels et reproductifs est une question de santé publique. L’État doit donc investir pour faciliter l’accès à tout type de contraception, en particulier pour les jeunes générations. Dans cette optique, démocratiser l’accès à des modes de contraception moins utilisés, comme les préservatifs internes, mais aussi la contraception hormonale ou thermique masculine, est non seulement une question de santé publique, mais aussi d’égalité. Parce que la contraception ne doit pas être seulement l’affaire des femmes, nous vous appelons à étudier la possibilité de renforcer la recherche, la prévention et la formation des professionnels sur la diversité des méthodes contraceptives.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Par l’amendement AS1507, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant l’opportunité d’étendre la gratuité des préservatifs aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), c’est‑à‑dire aux plus précaires et aux plus fragiles.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous voterons ces amendements. Je trouve que la proposition de notre collègue Jérôme Guedj a été balayée un peu vite. On sait qu’il y aura un 49.3 sur le texte ; nous pourrions au moins nous mettre d’accord pour demander un rapport sur l’opportunité de rendre les préservatifs gratuits pour tous, sans limite d’âge.

L’argument des préservatifs gratuits sur prescription n’est pas pertinent dans un contexte de désertification médicale : s’il faut attendre dix jours pour obtenir un rendez-vous, cela complique un peu les choses...

Il serait bon que la commission des affaires sociales montre qu’elle est favorable à l’accès de tous aux préservatifs. Pour l’heure, nous demandons seulement un rapport, mais cela permettrait d’avoir des données précises pour prendre de bonnes décisions l’année prochaine. Cette mesure serait peu coûteuse, mais elle aurait des effets considérables.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2543 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Nous vous offrons une seconde chance de demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité de rendre l’accès aux préservatifs gratuit pour tous, sans limite d’âge.

Quand, selon une étude, 10 % des femmes déclarent être tombées enceintes de manière imprévue entre 30 et 49 ans, cela signifie qu’une grande partie de la cible n’est pas couverte, ne serait-ce que sur la question de la contraception. Et l’importante recrudescence des cas de syphilis, de chlamydia, mais aussi de HPV – parce que les générations qui n’ont pas été vaccinées sont exposées au papillomavirus – montre que ce n’est pas mieux s’agissant des IST.

En outre, les campagnes de prévention ne sont pas diffusées partout en France. En particulier, elles ne le sont pas dans les lieux de privation de liberté. On croit à tort que la sexualité y est interdite – ce n’est pas le cas – et on en déduit que l’accès à des préservatifs n’y est pas nécessaire. Or c’est précisément dans les milieux clos que se propagent le plus les IST. Il me tient à cœur que les campagnes de prévention aillent jusque dans les prisons, les centres de rétention administrative et les hôpitaux psychiatriques.

Mme la rapporteure générale. Pour y avoir travaillé, je peux vous assurer qu’il y a un accès aux préservatifs dans les centres pénitentiaires. Peut-être faut-il faire davantage d’information, mais ils sont déjà à la disposition des détenus et gratuitement.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Notre désaccord montre combien il serait utile que nous disposions d’un rapport sur la question.

À propos des préservatifs gratuits sur prescription, imaginez-vous que M. X et Mme Y, désireux d’avoir un rapport sexuel bien que mariés ou en couple chacun de son côté, vont aller voir leur médecin traitant, qui est aussi celui de leur conjoint ou leur conjointe, en lui disant : « J’ai prévu de le ou la tromper ; merci de ne pas le lui dire et de me prescrire des préservatifs » ? Ils n’iront jamais, car la réalité de la vie, c’est ça, et ils vont avoir une relation à risque. Au lieu de considérer qu’ils n’ont qu’à être fidèles, mettez les préservatifs gratuits !

M. Jean-François Rousset (RE). Soyons un peu précis s’agissant du contraceptif testiculaire. C’est un dispositif qui agit dans le temps, puisque l’élévation de la température agit progressivement sur la formation des spermatozoïdes et entraîne un défaut de fertilité. Cela n’a rien à voir, ni avec les contraceptifs féminins, ni avec les préservatifs, qui protègent des maladies sexuellement transmissibles. Proposer ou imposer à un homme de porter un jean très serré – puisque des études américaines, dans les années 1960, ont montré que c’était très efficace –, c’est engager ce pauvre garçon dans une contraception de longue durée, qui sera problématique s’il tombe amoureux et s’il a envie d’avoir un enfant.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18

Amendement AS1364 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Nous souhaitons préciser le champ d’application de l’article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, afin de sécuriser l’accès des hommes transgenres à la prise en charge de la contraception d’urgence.

Certains de ces hommes ont encore un utérus et un cycle menstruel ; surtout, ils sont les personnes qui risquent le plus d’être violées. Du fait que la loi ne les mentionne pas explicitement, le dispositif étant destiné aux femmes, les hommes transgenres qui ont modifié la mention de leur sexe à l’état civil en sont exclus alors même qu’ils peuvent avoir besoin d’un contraceptif d’urgence, surtout s’ils ont été violés.

Sont aussi concernées les personnes nées intersexes, avec deux appareils génitaux. Elles ne sont pas aussi rares qu’on le croit, puisqu’elles représentent près de 1 % des naissances. Toutes les personnes qui ont un utérus doivent pouvoir bénéficier d’un moyen de contraception d’urgence.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement est satisfait, je l’avais déjà indiqué l’année dernière. J’en profite pour rappeler, notamment aux jeunes, que la contraception d’urgence ne saurait remplacer la contraception habituelle. Je le dis, parce qu’il y a un risque de dérive, maintenant qu’elle est remboursée : si elle l’est, c’est pour des cas qui doivent rester exceptionnels.

M. Yannick Neuder (LR). Cet amendement est intéressant et il me donne l’occasion d’appeler l’attention sur le fait que les personnes transgenres ont des maladies spécifiques. Ainsi, les femmes transgenres présentent un taux de cancer de la prostate beaucoup plus important que la normale. Le nombre de personnes transgenres augmentant, il est de plus en plus fréquent que les maladies liées à leur sexe d’origine soient oubliées dans leur prise en charge. Quand une femme transgenre va consulter son médecin, celui-ci ne va pas forcément penser à vérifier son taux de PSA pour dépister un cancer de la prostate. Pourtant, les femmes transgenres gardent une prostate.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Notre amendement est peut-être satisfait mais nous recevons beaucoup de témoignages de personnes qui nous disent qu’il ne l’est pas dans les faits, dans leur vie de tous les jours : il doit donc y avoir une faille quelque part.

Durant l’examen du projet de loi relative à la bioéthique, les débats étaient plus dignes et on n’a pas entendu de rires et de sarcasmes, comme à l’instant, lorsque notre collègue a défendu son amendement. Ces questions ne prêtent vraiment pas à rire.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Vous ne pouvez vraiment pas dire qu’il y a eu des rires et des sarcasmes.

Mme la rapporteure générale. Je comprends que vous preniez ce sujet à cœur, il est effectivement important, mais nous sommes en train d’écrire la loi et votre amendement est satisfait. Que l’on soit un homme ou une femme – et donc un homme ou une femme transgenre –, on a droit à ce remboursement.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 19
Lutter contre la précarité menstruelle

Amendement AS901 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Les propos de M. Rousset sur la contraception testiculaire témoignent d’une méconnaissance totale du sujet, car ces dispositifs sont réversibles et n’ont aucune conséquence sur la santé des hommes. Si nous ne vivions pas dans un système patriarcal, ce type de contraception serait utilisé depuis déjà longtemps, et très largement.

Mon amendement vise à étendre la prise en charge des protections périodiques aux protections réutilisables. On estime que les protections périodiques coûtent 5 360 euros à chaque femme en moyenne au cours de sa vie, ce qui est considérable. Avec l’inflation, près de 4 millions de personnes sont en précarité menstruelle. Il est donc absolument nécessaire d’élargir le socle de remboursement de ces protections périodiques. Pour l’avoir appliqué pour la première fois dans une université, à Lille, je peux vous dire que les files d’attente étaient plus longues que celles de l’aide alimentaire, ce qui montre combien ce type de dispositif est nécessaire.

Mme la rapporteure générale. L’article 19 est un très bel article de notre PLFSS. Votre amendement est totalement satisfait, puisqu’il est déjà prévu que cette prise en charge concerne les protections réutilisables inscrites sur la liste des produits et prestations, qui peuvent concerner différentes formes de protections – culottes menstruelles et coupes, notamment.

M. Yannick Neuder (LR). Madame Rousseau, je crois que vous n’avez pas très bien compris ce qu’a dit notre collègue Jean-François Rousset tout à l’heure. Il faut distinguer la question de la contraception et celle de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Ce que notre collègue a dit, c’est que le réchauffement testiculaire est efficace et réversible comme moyen de contraception, au même titre que les jeans serrés, mais qu’il ne protège pas contre les maladies sexuellement transmissibles. La seule mesure de contraception relativement irréversible chez l’homme est la vasectomie, et elle n’a pas été évoquée. Le message, c’est qu’il vaut mieux utiliser un préservatif, parce qu’il permet à la fois d’éviter les grossesses non désirées et de lutter contre les maladies sexuellement transmissibles. Inutile d’en faire un plat.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Ce n’est pas exactement ce qui a été dit. En l’occurrence, ce genre de contraception, qui est encore très peu connu et qui suscite beaucoup de fantasmes et de peurs, peut être intéressant pour des personnes qui ont des relations sexuelles avec un nombre de partenaires limité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS2365 de M. Sébastien Peytavie et AS2547 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les menstruations ne concernent pas uniquement les femmes : certains hommes transgenres et personnes non binaires peuvent aussi avoir leurs règles. Il serait totalement injuste de les exclure de ce dispositif, dans un contexte où les personnes transgenres sont particulièrement victimes de précarité. En effet, 64 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, et 33 % doivent se contenter de moins de 600 euros par mois.

Parce que notre rôle de parlementaires est de légiférer pour toutes et tous, sans distinction de genre, nous appelons à ce que la promotion de la santé menstruelle n’exclue pas les hommes transgenres et les personnes LGBTQ+ concernées par les règles. Aussi mon amendement propose-t-il une rédaction inclusive de l’article 19.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement AS2547 vise à remplacer le mot « assurées » par le mot « personnes ». Nous sommes en train d’écrire la loi et nous voulons la rendre inclusive.

Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, toutes les personnes menstruées sont concernées par l’article 19. Or le terme « assurées », au féminin, désigne non les personnes porteuses d’un utérus mais celles dont la carte d’identité précise qu’elles sont une femme. La rédaction actuelle de cet article est donc discriminante pour toutes les personnes intersexes et transgenres – autrement dit, pour toutes les personnes qui ont un utérus, mais pas forcément le genre féminin inscrit sur leur carte d’identité.

Vous nous disiez tout à l’heure, madame la rapporteure générale, que la loi allait déjà dans ce sens. Je suis donc à peu près certaine que la rédaction de l’article 19 résulte d’une inattention, que mon amendement n’est, en quelque sorte, que rédactionnel et qu’il fera consensus.

Mme la rapporteure générale. La rédaction de l’article 19 peut effectivement poser question. Cependant, celle que vous proposez engloberait absolument tout le monde : je n’y suis donc pas favorable. Je propose que nous réfléchissions à une autre rédaction d’ici à la séance.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Qu’est-ce qui vous pose problème, précisément ?

Mme la rapporteure générale. On pourrait imaginer, par exemple, que des hommes achètent des protections périodiques pour les revendre ensuite... La rédaction que vous proposez englobe décidément trop de monde : je réitère donc ma proposition d’y réfléchir ensemble d’ici à la séance.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Malgré tout le respect que j’ai pour vous, madame la rapporteure générale, vous êtes d’une mauvaise foi absolue. Revendre un produit gratuit, c’est quand même un peu ridicule ! Par ailleurs, votre vision du monde est sexiste : les hommes ne sont ni plus honnêtes ni plus malhonnêtes que les femmes. Vous chipotez, peut-être pour satisfaire une frange transphobe de votre électorat. Honnêtement, mon amendement ne coûte rien. Vous avez dit vous-même, il y a quelques minutes, que la loi n’était pas discriminante : faisons donc en sorte qu’elle ne le soit pas.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Merci, madame Amiot.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Il me reste dix-sept secondes.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Non, pas pour insulter Mme la rapporteure générale comme vous venez de le faire.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Je n’ai insulté personne.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Vous avez dit qu’elle était transphobe, ce qui est faux. Vous avez complètement détourné son avis.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1471 de M. Sébastien Peytavie et sous-amendement AS2864 de Mme Stéphanie Rist

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a relevé en 2018 la présence d’un certain nombre de composés chimiques toxiques, notamment de perturbateurs endocriniens, dans les serviettes hygiéniques. On y retrouve notamment le fameux glyphosate, dont l’utilisation est à l’origine du scandale Monsanto, ainsi que des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des phtalates, y compris dans les tampons féminins. Ces substances sont considérées comme cancérogènes, reprotoxiques ou mutagènes ; dans tous les cas, elles figurent dans la longue liste des perturbateurs endocriniens. Le manque de transparence lié à l’absence d’informations sur les matériaux de fabrication des protections pose un réel problème. Nous demandons donc que les consommateurs puissent bénéficier d’une explication précise s’agissant des produits contenus dans les protections hygiéniques.

Mme la rapporteure générale. L’Anses se prononce déjà sur les enjeux sanitaires et environnementaux des protections féminines ; son avis me paraît effectivement utile. En revanche, un avis de la HAS, compétente en matière de produits de santé, ne me semble pas adapté. Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, je donnerai un avis favorable à votre amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS2369 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’intégrer les associations expertes en santé menstruelle dans le processus de définition des critères de référencement des protections. Ce sont ces associations qui ont appelé à davantage de transparence dans la composition de ces produits et qui ont dénoncé l’application honteuse d’un taux de TVA de 20 % sur les protections menstruelles, avant que ce taux soit ramené à 5,5 %.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2371 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Si les protections périodiques lavables améliorent sans aucun doute le confort pendant les règles, il a été constaté, dès leur apparition, une indisponibilité généralisée des tailles au-delà du XL. Alors qu’avoir ses règles est encore un tabou et que la précarité menstruelle touche 4 millions de personnes en France, on ne vit pas ses règles de la même manière selon son poids. Il faut que toutes les tailles de protection soient disponibles.

Mme la rapporteure générale. Une telle précision ne me semble pas utile, d’autant qu’elle risque d’être interprétée de manière restrictive. Si les industriels proposent les protections inscrites sur la liste des produits référencés dans de grandes tailles, elles seront évidemment remboursées.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS317 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Dans le même esprit que l’amendement défendu tout à l’heure par M. Peytavie, mon amendement vise à s’assurer que les protections périodiques réutilisables remboursables répondent à des critères écologiques, autrement dit qu’elles ne portent pas atteinte à l’environnement.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement est satisfait : l’inscription des articles sur la liste des produits remboursables est conditionnée au respect de spécifications techniques et de normes relatives à leur composition et à leur qualité.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2548 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Nous vous proposons de faire d’énormes économies en interdisant les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et les perturbateurs endocriniens dans les protections hygiéniques. Cela permettrait de réduire le nombre de cancers causés par l’exposition à ces substances, le nombre d’actes de procréation médicalement assistée rendus nécessaires par l’altération de la fertilité des couples ainsi que le nombre de maladies provoquées par les pesticides présents dans les protections hygiéniques jetables. Si l’on mettait devant vous ces produits absolument immondes, en quantité équivalente à ce que contiennent toutes les protections portées par une femme en une année, aucun d’entre vous n’accepterait de les ingurgiter ou de les poser sur sa peau ; c’est pourtant ce que l’on impose à toutes les femmes qui utilisent ces protections. Il est grand temps d’arrêter de se voiler la face, de responsabiliser les industriels et de cesser d’empoisonner les femmes.

Mme la rapporteure générale. Le dispositif de votre amendement ne correspond pas tout à fait à ce que vous venez d’expliquer. Demande de retrait, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Yannick Neuder (LR). Nous avons bien compris le sens de votre amendement, mais en le défendant, vous avez fait un raccourci que je ne m’autoriserais pas. L’Anses n’a pas établi de lien de causalité entre l’exposition des femmes à ces substances, dans les quantités qu’elle a relevées, et l’apparition d’un cancer. Par honnêteté intellectuelle, il faut être prudent dans les termes que l’on emploie. Je ne me prononce pas en faveur de ces substances toxiques, mais je rappelle qu’il existe un effet de seuil : tant qu’un individu est exposé à une dose inférieure à ce seuil, cela n’entraîne pas une mutation susceptible de provoquer un cancer.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je veux bien qu’il existe des effets de seuil, mais imaginez que je mette tous ces produits devant vous et que je vous demande de vous les appliquer sur la peau, pour voir si vous atteindrez ou non ce seuil fatidique et si vous développerez ou non un cancer... Les industriels jouent avec la santé des femmes. Certaines me diront sans doute qu’elles ont porté des serviettes hygiéniques toute leur vie sans avoir jamais eu de cancer. Mais heureusement ! De même, certaines personnes ont fumé toute leur vie sans avoir jamais été atteintes d’un cancer du poumon.

Maintenant que nous savons que les serviettes hygiéniques contiennent des produits toxiques, allons-nous continuer à autoriser leur fabrication ? Ensuite, ces protections sont jetées et on retrouve des traces de ces substances partout dans la nature...

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2368 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’année qui vient de s’écouler a été marquée par des pénuries d’amoxicilline, de paracétamol et de pilules abortives. Dans ce contexte, il convient d’assurer une planification des modalités de distribution des protections menstruelles réutilisables. Alors que ce dispositif concernera quelque 10 millions de personnes, nous ne pouvons pas prendre de risque.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1462 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). D’après un récent sondage, 31 % des femmes menstruées de 18 à 50 ans seraient concernées par la précarité menstruelle. Les plus jeunes, âgées de 18 à 24 ans, seraient même 44 % à éprouver des difficultés financières à se procurer un nombre suffisant de protections périodiques. Ni la protection de la santé des femmes ni celle de l’environnement ne peuvent être réduites à une question de prix. C’est pourquoi le groupe Écologiste-NUPES est favorable à un remboursement intégral des protections hygiéniques réutilisables, à tous les âges de la vie. Il s’agit d’une question de santé publique.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2372, AS2373 et AS2375 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 19 prévoit la prise en charge, par l’assurance maladie, des protections hygiéniques réutilisables pour les personnes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la C2S. Nous devons cependant prendre en compte le tabou encore omniprésent sur les menstruations ainsi que la banalisation des violences sexistes et sexuelles dans tous les domaines. Chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Neuf jeunes femmes âgées de 12 à 24 ans sur dix affirment avoir déjà subi des violences conjugales.

Par l’amendement AS2372, nous proposons que les protections menstruelles réutilisables s’accompagnent systématiquement d’un document de sensibilisation sur la santé sexuelle, gynécologique et reproductive, sur la notion de consentement ainsi que sur la lutte contre les violences sexistes, sexuelles ou dirigées contre les personnes LGBTQ+. Cette notice préventive devrait également mentionner les coordonnées d’associations de planification familiale et de lutte contre les violences et le harcèlement.

Les amendements AS2373 et AS2375 sont des amendements de repli. Le premier limite le contenu de la notice à des informations de sensibilisation sur la santé menstruelle et gynécologique et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, tandis que le second ne retient que les informations de sensibilisation sur la santé menstruelle et gynécologique.

Mme la rapporteure générale. Je vous remercie de rappeler l’importance de ces sujets. Nous devons mieux faire connaître les nombreuses mesures mises en place ces dernières années en faveur des femmes victimes de violence : je pense, par exemple, à l’accès aux pharmacies et aux signaux faits avec les doigts pour lancer une alerte, ou encore à la création d’un numéro de téléphone dédié. Cependant, le contenu des notices ne relève pas du domaine de la loi.

Avis défavorable, donc.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS985 de M. Stéphane Viry, AS1765 de Mme Émilie Chandler, AS1821 de Mme Fatiha Keloua Hachi et AS2376 de M. Sébastien Peytavie

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS985 est défendu.

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement AS1765 est défendu.

M. Jérôme Guedj (SOC). Par l’amendement AS1821, nous souhaitons que toutes les personnes menstruées de moins de 26 ans puissent bénéficier de cette mesure. Il convient donc de supprimer l’alinéa 17, qui rend facultative la prise en charge des protections périodiques par les complémentaires santé.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Comme l’a expliqué M. Guedj, l’alinéa 17 rend facultatives certaines prises en charge complémentaires. Nous demandons sa suppression afin que toute personne ayant recours à des actes de préservation de la fertilité ou d’assistance médicale à la procréation, quelle qu’en soit la raison, puisse systématiquement bénéficier d’une prise en charge.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

Amendement AS2397 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet amendement de repli fait écho aux réticences exprimées tout à l’heure par Mme la rapporteure générale alors que nous défendions l’inclusion dans ce dispositif des personnes transgenres, intersexes et LGBT ayant des menstruations. Nous déplorons que la rédaction actuelle de l’article 19 exclue un certain nombre de personnes dont la reconnaissance dans la loi et dans notre société doit être pleinement garantie. Si vous souhaitez lever le tabou sur la précarité menstruelle, il faut également lutter contre de nombreux stéréotypes transphobes encore bien présents. Nous proposons donc de compléter l’article 19 par un alinéa qui, bien qu’insuffisant, précise au moins que la modification de la mention du sexe à l’état civil ne fait pas obstacle au bénéfice de ces dispositions.

Mme la rapporteure générale. Mon avis est cohérent avec celui que j’ai déjà donné tout à l’heure et qui a été mal interprété par certains de nos collègues, si j’en crois certaines insinuations sur lesquelles je n’ai pas envie de revenir.

Je vous demande de retirer votre amendement, qui n’a plus de sens dès lors que nous essaierons de faire évoluer la rédaction de l’article 19. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS318 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). De même que nous contestions tout à l’heure la limite d’âge pour bénéficier de la prise en charge des préservatifs, parce que la prévention des IST ne s’arrête pas à 26 ans, nous considérons que la précarité menstruelle va bien au-delà de cet âge.

Faut-il instaurer la gratuité intégrale de l’ensemble de ces dispositifs ? En France, 100 millions de préservatifs sont vendus chaque année, dont 41 millions seulement en pharmacie ; la moitié sont distribués gratuitement par des collectivités locales, des CeGIDD ou des centres de protection maternelle et infantile, par exemple. Les préservatifs Eden et Sortez couverts, les deux marques distribuées dans le cadre du dispositif de prise en charge, ne coûtent pas très cher, de l’ordre de 15 ou 17 centimes l’unité : il ne serait donc pas incongru de prévoir la gratuité de certains modèles. Ceux qui préfèrent du haut de gamme, des produits lubrifiés ou nervurés, pourront toujours se les payer ! Pour en revenir à la précarité menstruelle, on pourrait aussi assurer la gratuité des protections pour une partie de la population afin de prévenir des problèmes de santé publique liés à une mauvaise prise en charge des menstruations. C’est un beau débat !

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2244 de M. Laurent Panifous

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2546 de M. Frédéric Mathieu

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). La précarité menstruelle touche de nombreuses jeunes femmes – on a dit tout à l’heure que 44 % d’entre elles étaient concernées. L’association Règles élémentaires, quant à elle, estime à 4 millions le nombre de femmes victimes de précarité menstruelle en France en 2023 – un chiffre qui a doublé depuis 2021, en partie en raison de l’inflation. Or 75 % de ces femmes sont âgées de plus de 25 ans. À ces femmes se déclarant déjà en situation de précarité menstruelle s’ajoutent 1 200 000 personnes craignant de s’y retrouver, dans les douze prochains mois, du fait de l’augmentation du coût de la vie.

Au vu de l’objectif visé par l’article 19, rien ne justifie d’exclure 75 % des femmes en situation de précarité menstruelle de la possibilité d’obtenir le remboursement des protections périodiques réutilisables. Nous demandons donc la suppression de la limite d’âge de 26 ans et l’élargissement du dispositif à l’ensemble des personnes ayant besoin de protections périodiques. Pour des raisons de recevabilité financière, notre amendement prend la forme d’une demande de rapport.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Ma réponse à M. Guedj a sans doute été un peu lapidaire car je ne voulais pas ouvrir un grand débat. La question de la généralisation de la gratuité peut effectivement se poser, mais dans le cadre du financement de la prévention, qui pourrait être décalé. Il faudrait analyser du point de vue économique les bénéfices d’une telle mesure.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Après l’article 19

Amendement AS1461 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant notamment l’opportunité de relever l’âge d’accès à la prise en charge à 100 % de la contraception d’urgence et du dépistage des IST.

Mme la rapporteure générale. J’ai admis tout à l’heure que la question pouvait se poser s’agissant de la contraception d’urgence. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1365 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Les CeGIDD assurent la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement ambulatoire des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites et des autres IST, ainsi que l’accompagnement des patients dans la recherche de soins appropriés et la prévention des autres risques liés à la sexualité. Ils peuvent rencontrer des difficultés à exercer leurs missions, qui constituent également des freins, notamment au dépistage, pour les patients : temps d’attente trop long, encombrement de la salle d’attente qui rend difficile l’anonymat pourtant imposé par l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, manque de personnel qui empêche la bonne prise en charge des patients, en particulier l’écoute et le conseil en matière de santé sexuelle. Nous demandons donc un rapport dressant un état des lieux de la situation de ces centres afin de pouvoir, ensuite, répondre aux attentes des personnels et des patients.

Mme la rapporteure générale. Cette demande peut s’inscrire dans le débat sur l’opportunité de décaler le financement de la prévention. Avis favorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Pourrez-vous faire en sorte que les amendements adoptés par notre commission après avis favorable de votre part soient retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement engagera sa responsabilité ? L’année dernière, vous avez été brillante dans cet exercice.

La commission adopte l’amendement.


  1.   Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 15 heures (article 20 à article 27)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14090664_65312626d27a3.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--19-octobre-2023

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous avons examiné 528 amendements. Il en reste 707. Au rythme actuel, il nous faudrait environ vingt‑cinq heures pour les examiner, et même un peu plus au rythme que nous avons suivi ce matin. Je consacrerai une suspension à faire le point avec les responsables des groupes sur la manière de procéder. Plusieurs possibilités s’offrent à nous, dont celle de retirer certains amendements pour pouvoir débattre de sujets plus importants.

M. Victor Catteau (RN). Le délai de dépôt des amendements pour la séance est resté figé au 20 octobre à dix-sept heures. Dans la mesure où l’examen en commission va se poursuivre plus longuement que prévu, le délai va-t-il être repoussé à samedi ?

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous sommes d’accord pour un point d’étape dans la journée. Quant à retirer des amendements, vu qu’il n’y aura pas de débat en séance, je peux d’ores et déjà vous dire non. En revanche, je ne dis pas non tout de suite à l’idée de dire « Défendu » pour certains amendements ; nous en discuterons.

On entend déjà parler de prolonger la réunion de ce soir. Nous préférerions revenir demain puisqu’une motion de censure est examinée demain soir, ce qui fera venir les soutiens du Gouvernement comme les partisans de la motion.

Pour le délai de dépôt des amendements, nous pensions qu’il était fixé à samedi 21 à treize heures.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Pour l’instant, le délai de dépôt n’est pas modifié. Je ne peux pas dire qu’il ne le sera pas. Cela relève de la Présidente de l’Assemblée nationale. Pour le projet de loi de finances, la présidente a décalé le délai parce que la commission des finances avait pris plus de temps que prévu.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). On me dit que mon groupe n’a plus que vingt‑six amendements à présenter. Je vous confirme donc que nous n’en retirerons aucun.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Cela me paraît très peu.

 

Article 20
Évolution des rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie

Amendement de suppression AS166 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous sommes favorables à l’instauration des rendez‑vous de prévention, mais inquiets des modalités prévues, notamment de financement. Vous ne voulez pas les fixer dans le cadre conventionnel, considérant que ce serait compliqué, mais nous sommes attachés à la négociation conventionnelle, qui permet d’associer les acteurs à la démarche.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Avis défavorable. Je trouverais vraiment dommage qu’une mesure que nous avons votée l’année dernière ne puisse entrer en vigueur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1885 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet amendement nous a été suggéré par le conseil national de l’ordre des médecins. Par essence, le généraliste joue le rôle de centralisateur auprès de son patient ; la coordination qu’il assure tombe sous le sens. C’est pour l’avoir oublié que l’on a permis une dispersion de spécialiste en spécialiste ou que l’on a imposé le passage chez le généraliste avant d’aller chez le spécialiste, alors que c’était une évidence.

Nous sommes réticents face à la mise à l’écart des discussions conventionnelles s’agissant des rendez-vous de prévention. La prévention est indispensable ; nous avions voté le dispositif l’an dernier.

Mme la rapporteure générale. Beaucoup d’amendements concernent le contenu que vous voulez donner à ces rendez-vous. Je vais donc expliquer une fois pour toutes ce qu’il en est en pratique, et je me contenterai ensuite de rappeler mon avis défavorable.

Le dispositif que nous avons voté organise des rendez-vous de prévention dite primaire. L’assurance maladie détectera les publics en fonction de leur âge : à différents âges clés de la vie, ils recevront chez eux un pré-questionnaire à remplir, puis iront voir l’un des professionnels de santé visés à l’article 20 et échangeront avec lui à partir de leurs réponses au pré-questionnaire. Celles-ci pourront déclencher des alertes rouges qui conduiront à envoyer directement la personne chez le médecin. D’autres éléments pourront amener à l’orienter vers une association d’aide aux victimes ou qui se consacre aux addictions, par exemple.

Monsieur Guedj, nous ne voulons pas rouvrir des négociations conventionnelles alors que certaines viennent de se terminer et que le sujet n’est pas une consultation médicale assurée par d’autres professionnels qu’un médecin, mais un rendez-vous de prévention. C’est une nouveauté, un véritable virage.

Je donnerai donc un avis défavorable à énormément d’amendements portant sur cette question, non parce que je serais opposée aux aspects que leurs auteurs souhaitent voir aborder lors des rendez-vous, mais parce qu’ils ne relèvent pas du cadre du dispositif voté l’année dernière et repris dans cet article.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1766 de Mme Émilie Chandler

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1426 de M. Michel Lauzzana

Mme Annie Vidal (RE). Il ne s’agit effectivement pas de consultations classiques mais bien de rendez-vous de prévention, qui doivent être l’amorce d’un véritable virage préventif. Notre amendement, travaillé avec le collectif Majeur et vacciné, propose d’y intégrer la promotion de la vaccination, assortie d’une information adaptée aux situations individuelles.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). S’il ne s’agit pas de consultations stricto sensu qui appelleraient des discussions conventionnelles sur la rémunération, leur contenu continuera d’être constitué de conseils classiques de prévention.

Je voudrais vous alerter à ce sujet. Au cours des années de covid, que j’ai vécues au Parlement européen, le glissement a été très sensible. Jusqu’où l’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne devait-il s’appliquer ? L’Europe considérait qu’il relevait du droit de chaque État de s’occuper de son système de santé, mais que la prévention était une prérogative européenne. Je vous alerte sur une perte de souveraineté nationale concernant un pan entier de notre activité médicale. Les rendez-vous de prévention ont toujours existé et ces nouveaux dispositifs ne devraient pas ouvrir la porte à des décisions qui ne seraient pas souveraines.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1236 de Mme Sandrine Rousseau

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2782 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS2406 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

Mme Anne Bergantz (Dem). Le surpoids et l’obésité sont un véritable sujet de santé publique. La prévalence de l’obésité chez les 18-24 ans a été multipliée par quatre depuis 1997 ; un Français sur deux est en surpoids, avec les conséquences que l’on sait sur les pathologies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires, métaboliques, articulaires ou respiratoires, sur certains cancers et au niveau psychologique et social.

On constate une forte implication du gradient social. Les inégalités sociales de santé ont des répercussions tout au long de la vie. Elles entraînent chez les populations vulnérables ou précaires l’acquisition de mauvais comportements en santé, qui s’installent dès l’enfance. Pour prévenir le surpoids et l’obésité, il convient de renforcer la culture de la santé parmi la population, pour permettre aux individus d’acquérir de bons comportements.

L’amendement AS2782 tend donc à inscrire dans le cadre des rendez-vous de prévention le repérage des situations de surpoids et d’obésité et l’orientation des personnes concernées vers les professionnels adaptés.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il faut accorder une attention particulière aux besoins de santé des femmes, mais aussi d’autres populations qui peuvent être particulièrement éloignées des soins et nécessiter des accompagnements spécifiques en santé : les personnes LGBT, celles en situation de précarité ou en situation de handicap.

Chez les personnes en situation de précarité, des signes de vieillissement précoces peuvent apparaître : les besoins en matière de prévention peuvent donc se manifester de façon anticipée pour ces populations par rapport aux tranches d’âge prévues dans l’article 20.

Il est également essentiel que ces rendez-vous de prévention se caractérisent par une démarche d’« aller vers » pour être réellement efficaces.

Mme la rapporteure générale. Vous avez tout à fait raison, et c’est le sens même de ces rendez-vous : l’« aller vers » les personnes les plus éloignées du système de soins, le fait de s’adresser à toute une génération, à un âge clé, en n’oubliant personne. Le problème de l’obésité sera pris en compte dans les questionnaires. C’est aussi pour cela qu’il faut un ensemble de professionnels qui ne se limite pas aux médecins.

Mon avis est néanmoins défavorable : ne dressons pas une liste au risque d’oublier toujours quelque chose.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous soutenons l’amendement AS2406.

Je vous confirme que mon groupe n’a plus que vingt‑trois amendements à discuter et dix en traitement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1482 de Mme Sandrine Rousseau

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à prendre en compte l’impact environnemental dans les consultations de prévention. En effet, les modifications environnementales ont des conséquences de plus en plus nettes sur la santé humaine et se traduisent par le développement accru de troubles parfois majeurs.

Mon collègue Nicolas Thierry a lancé une exploration pour trouver des Pfas – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées –, les polluants éternels. Nous sommes plusieurs députés du groupe Écologiste à avoir été testés et j’ai lancé moi-même un test dans ma circonscription, sur une quinzaine de personnes. Tout le monde est contaminé. Il est important d’intégrer cette dimension aux rendez-vous de prévention.

Mme la rapporteure générale. Je comprends l’objet de votre amendement, mais sa mise en pratique n’est pas si simple.

Je salue le travail en cours de notre collègue Isaac-Sibille à ce sujet dans le cadre de la mission que le Gouvernement lui a confiée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2689 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). La prévention en santé mentale est une priorité pour résorber les difficultés d’accès aux soins en psychiatrie et pédopsychiatrie.

Le contenu et les modalités des consultations de prévention seront précisés par voie réglementaire, mais une vigilance toute particulière doit être accordée aux troubles psychiatriques et aux addictions.

Il faut accompagner la formation et la sensibilisation de l’ensemble des professionnels qui sont en lien avec les jeunes. Les démarches fondées sur la psychoéducation et le développement des formations de premiers secours en santé mentale doivent être promues à tous les niveaux de la société.

Cet amendement a été travaillé avec l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux et la Fédération Addiction.

Mme la rapporteure générale. Au sein de cette commission, nous sommes tous alertés à ce sujet et motivés pour y travailler, vu l’urgence. Cependant, nous avons déjà adopté cette mesure l’année dernière : l’amendement est entièrement satisfait.

Demande de retrait.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Merci de nous permettre d’aborder cette question importante alors que le texte nous laisse peu de prise pour cela. Nous devons nous en préoccuper de manière beaucoup plus décisive. Notre société est sous tension, beaucoup de personnes ne vont pas bien, mais elles n’ont pas accès aux soins dont elles auraient besoin, que ce soit en addictologie ou en psychiatrie. On leur dit qu’on ne peut pas les prendre, qu’on ne peut même pas leur donner une date, qu’il n’y a pas de place avant des mois ; alors elles vont de plus en plus mal. On ne peut pas s’en satisfaire. Le dispositif Mon soutien psy n’est absolument pas une solution ; je regrette qu’on n’en tire pas les conclusions au bout d’un an de fonctionnement et après le rapport que nous avons présenté à son sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1816 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet amendement a été préparé avec différentes associations de médecins, de jeunes médecins et de médecins généralistes, qui s’inquiètent de la forme qui va être donnée à la disposition dont nous discutons, particulièrement du court‑circuitage total des discussions conventionnelles. Le caractère pluridisciplinaire peut rendre difficile la fixation du tarif ou du mode de rémunération, mais, alors que le but était de simplifier les choses, on crée une exception qui, comme toujours, n’en restera pas une très longtemps.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2658 de M. Philippe Schreck

Mme Joëlle Mélin (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS319 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous souhaitons que le montant des tarifs des rendez‑vous de prévention soit fixé dans le cadre des négociations conventionnelles. Il s’agit de sécuriser le résultat compte tenu de la démultiplication des interlocuteurs concernés – plusieurs catégories socioprofessionnelles auxquelles on pourrait même en ajouter d’autres. L’important est que les professionnels de santé adhèrent au dispositif.

Mme la rapporteure générale. L’objectif est la mise en place opérationnelle des rendez-vous. De nouvelles discussions avec tous les ordres prendraient du temps. Surtout, il faut considérer la prévention comme multiprofessionnelle et caractérisée par des recettes parallèles au financement habituel des actes et des consultations classiques.

M. Jérôme Guedj (SOC). On nous soumet un article qui complète celui de l’an dernier ; on a l’impression que rien ne s’est passé dans l’intervalle. On nous a dit que des rendez‑vous étaient instaurés, mais pas un seul n’a été convoqué pendant l’année en cours.

De même, rien n’a été négocié avec les acteurs pour mettre en œuvre une autre disposition de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) votée l’an dernier : les deux heures de lien social pour les personnes âgées à domicile.

Cette absence de mise en œuvre par les administrations des mesures que nous votons pose un problème au législateur que nous sommes. Elle nous oblige à légiférer à nouveau sur le même sujet.

Mme la rapporteure générale. Instaurer ce que nous n’avons pas réussi à mettre en place auparavant, c’est tout l’enjeu de cet article que vous vouliez supprimer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1577 de M. Thierry Frappé

M. Victor Catteau (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS2324 de Mme Annie Vidal et AS2654 de Mme Maud Petit

Mme Annie Vidal (RE). Les rendez-vous de prévention peuvent être de très bons outils de santé publique afin de prévenir l’apparition de troubles, notamment ceux du mouvement qui entraînent la perte d’autonomie. Il semblerait donc pertinent d’ajouter les kinésithérapeutes aux professionnels qui en seront chargés – médecins, infirmiers, sages‑femmes et pharmaciens.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement AS2564 est défendu.

Mme la rapporteure générale. Merci de soulever cette question, qui revient souvent chez les professionnels, notamment les kinésithérapeutes eux-mêmes. Ces rendez-vous doivent être très généralistes : on procède de la tête aux pieds. Ils ne ciblent pas un organe ou l’activité physique, par exemple. Il ne semble donc pas opportun d’ajouter à la liste des professionnels spécialistes d’un organe.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je soutiens l’amendement.

Les kinésithérapeutes sont des professionnels de santé. Ne me dites pas qu’un professionnel de santé ne voit qu’une partie du corps ! On lui demande de regarder de loin le patient qui entre dans son cabinet, pour le voir de la tête aux pieds, justement.

La commission adopte les amendements.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, elle rejette les amendements identiques AS1394 de M. Jérôme Guedj et AS1878 de M. Yannick Neuder.

Amendements identiques AS1543 de M. Pierre Dharréville et AS1881 de M. Yannick Neuder

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Notre amendement AS1543 vise à maintenir la fixation des tarifs des rendez-vous de prévention par les négociations conventionnelles.

M. Yannick Neuder (LR). Ces rendez-vous ont été vivement réclamés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 ; vous avez accédé à cette demande ; je m’étonne qu’un an plus tard le problème budgétaire ne soit pas réglé, et je m’étonne plus encore que les tarifs de ces consultations, alors que l’on espère qu’elles susciteront une large adhésion des professionnels de santé, soient exclus du champ des négociations conventionnelles à venir.

Mme la rapporteure générale. Nous avons eu des difficultés à mettre en place ces rendez-vous. L’un des moyens d’y arriver est l’instauration d’un tarif unique. Je le répète, il ne s’agit pas de consultations, mais d’une vision nouvelle de la prévention. L’article va permettre de les rendre enfin opérationnels. En passant par chacune des négociations conventionnelles, nous n’y parviendrons pas mieux que l’an dernier.

Mme Joëlle Mélin (RN). Est-ce qu’il ne sera pas tout aussi compliqué de ne pas en passer par les négociations conventionnelles ? Quelle sera la forme choisie ? Un acte forfaitaire pour x personnes ? En 1980 sont apparus les premiers services de soins infirmiers à domicile. Ils ont été déficitaires dès le premier jour, car ils impliquaient plusieurs intervenants pour une somme forfaitaire insuffisante. Va-t-on reproduire ce schéma ? Des dispositifs innovants, pourquoi pas ; encore faut-il donner à une ou plusieurs personnes les moyens de fonctionner grâce à un travail valorisé, reconnu, et à un vrai partage des tâches dans un cadre budgétaire valable.

Amendement AS814 de M. Élie Califer

M. Jérôme Guedj (SOC). Par cet amendement de repli je propose que les modalités de rémunération dérogatoires au cadre conventionnel des professionnels de santé prennent en compte les problématiques relatives à la tension médicale des outre-mer et des déserts médicaux.

Par ailleurs, je suis très heureux de l’adoption de l’amendement de Mme Vidal sur les kinésithérapeutes, car il est nécessaire d’élargir le champ des acteurs de la prévention.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2409 de M. François Gernigon

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à intégrer le dépistage et la prévention des surdités dans les rendez-vous de prévention aux âges clés.

Il est important d’être sensibilisé à la perte d’audition dès l’âge de 25 ans, car les jeunes écoutent souvent de la musique avec un casque à un volume élevé. À 45 ans, le rendez‑vous permettrait notamment d’évaluer la perte d’audition liée aux conditions de travail. À 65 ans, rappelons que 65 % des individus sont touchés par cette infirmité qui affecte la socialisation.

Mme la rapporteure générale. Demande de retrait ; à défaut avis défavorable. Il n’est pas souhaitable de modifier dans la loi le contenu de ces rendez-vous, qui est déjà déterminé à partir d’un questionnaire.

M. Yannick Neuder (LR). Je trouve dommage de ne pas avoir une discussion sur la rémunération des rendez-vous de prévention au prétexte que leur mise en place prend du retard ou que des négociations particulières seront menées. Priver les professionnels de santé d’une telle discussion ne favorisera pas l’acceptabilité.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

Après l’article 20

Amendement AS1368 de Mme Ségolène Amiot

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement vise à garantir l’accessibilité des rendez-vous de prévention aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME). Il n’implique pas la création d’une nouvelle charge puisque le premier alinéa de l’article L. 1411‑6-2 du code de la santé publique précise que « tous les adultes de 18 ans ou plus bénéficient de mesures de prévention sanitaire et sociale, qui comportent notamment des rendez-vous de prévention ».

L’AME est un dispositif précieux qui doit être renforcé. Lui adjoindre un volet prévention permettrait un repérage précoce des pathologies de ses bénéficiaires, ce qui serait bénéfique pour leur santé individuelle, donc pour la santé publique et les finances publiques. Les détenteurs de l’AME cumulent en effet de nombreux facteurs de vulnérabilité et d’exposition aux risques de santé. L’accès à la prévention est donc indispensable pour ce public, qui méconnaît souvent le fonctionnement du système de santé français et a des difficultés à accéder aux structures de soins.

Mme la rapporteure générale. Si cet amendement n’a pas été déclaré irrecevable alors qu’il semble créer une dépense nouvelle, c’est parce qu’il est déjà satisfait par une disposition que nous avons votée l’année dernière.

Demande de retrait.

L’amendement AS1368 est retiré.

Amendement AS993 de M. Stéphane Viry

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2805 et AS2806 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

M. Nicolas Turquois (Dem). Les amendements sont défendus.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS2847 de Mme Stéphanie Rist, AS2674 de M. Frédéric Valletoux, AS2733 de M. Alexandre Holroyd et AS2803 de Mme Sandrine Josso

Mme la rapporteure générale. Mon amendement vise à ce que soit menée une expérimentation sur le dépistage du cytomégalovirus avant, éventuellement, de le rendre systématique. Ce virus n’est pas grave mais, en cas de transmission fœtale, il présente un risque, dont la fréquence est assez importante puisqu’il est la première cause de handicaps divers après infection virale : surdité, handicaps neurosensoriels, retard mental. Il existe un traitement pour éviter la contamination, mais son accès demeure inégalitaire puisqu’il dépend de la prescription du dépistage par le médecin.

M. Frédéric Valletoux (HOR). L’amendement a été très bien défendu par la rapporteure générale.

Mme Laurence Cristol (RE). L’amendement AS2733 est défendu.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce virus, qui peut être contracté autour de la période de conception par la mère lorsqu’elle est en contact avec des enfants, expose les enfants à des risques de surdité et de malformation. Son dépistage systématique représenterait effectivement une vraie avancée.

La commission adopte les amendements.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Ces amendements sont adoptés à l’unanimité.

Amendements AS127, AS126 et AS1099 de M. Jérôme Guedj, amendement AS1102 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS127 propose, à la suite du travail transpartisan de Régis Juanico et de Marie Tamarelle-Verhaeghe, que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la politique de prévention, d’information et de lutte contre la sédentarité. L’activité physique, et notamment l’activité physique adaptée, diminue la prévalence des pathologies liées à la sédentarité et participe à leur résorption. La possibilité du sport sur ordonnance a été instaurée par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, mais il n’est aujourd’hui pas remboursé par la sécurité sociale, même si des mutuelles et des collectivités locales le prennent en charge. Le sport sur ordonnance doit être remboursé car la sécurité sociale doit également être un outil préventif.

Par l’amendement AS126, je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de la prise en charge d’un test annuel de forme physique par l’assurance maladie, qui pourrait aboutir à la prescription de sport sur ordonnance.

Par l’amendement AS1099, je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité d’élargir la prescription d’activité sportive adaptée aux kinésithérapeutes. Aujourd’hui, ils peuvent la renouveler, mais ils ne peuvent pas faire la primo-prescription, ce qui est aberrant.

L’amendement AS1102, similaire au précédent, concerne les sages-femmes.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Guedj, je vous invite, ainsi que tous les autres députés mobilisés sur la prévention par le sport – et dont les amendements ont été déclarés irrecevables –, à évaluer la possibilité de prescription de sport, notamment d’activité physique adaptée, par diverses professions, ainsi que son remboursement – déjà autorisé, par exemple, pour le cancer du sein –, dans le cadre plus large de l’évaluation de la LFSS 2020 par la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), que vous coprésidez.

Avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La question de la prévention, et de son financement, est essentielle. Elle demande notamment que nous réfléchissions à l’implication des clubs de sport. Je pense notamment à la Fédération française de rugby, qui réalise un travail remarquable avec les femmes opérées d’un cancer du sein.

Les amendements de Jérôme Guedj posent également la question de la confiance que nous voulons donner aux kinésithérapeutes et autres professionnels, question d’autant plus importante que nous devons faire face à une pénurie de médecins.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Nous devons réaliser des avancées dans ce domaine, mais je suis contre ces amendements car lors de son audition, M. le ministre de la santé et de la prévention s’est engagé à nous présenter ses propositions pour une meilleure prise en charge de l’activité sportive adaptée. Il n’y a pas de raisons de ne pas lui faire confiance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2415 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous passons en moyenne 90 % de notre temps à l’intérieur. Un foyer devrait être synonyme de lieu sûr, mais l’air que nous y respirons est cinq à neuf fois plus pollué que l’air extérieur et cette pollution causerait chaque année 20 000 morts par an en France, soit six fois plus que les accidents de la route.

Cet amendement propose l’expérimentation d’équipes mobiles de santé environnementale, issues du modèle des équipes mobiles santé précarité. S’inscrivant dans une démarche pluridisciplinaire d’« aller vers », les équipes mobiles de santé environnementale se composeraient de professionnels de santé, tels que des médecins ou des infirmières, et d’experts en pollution. Le dispositif proposé s’inspire de celui d’ambulance verte de la cellule régionale d’intervention en pollution intérieure de Bruxelles.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je soutiens fortement cet amendement. Je rappelle en effet les bénéfices de la prévention de la pollution intérieure qu’on a pu constater lors de la crise du covid alors que l’habitude avait été prise d’aérer : la prévalence de maladies telles que la bronchiolite, la grippe ou la gastro-entérite avait alors fortement diminué.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1778 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). Selon une étude de Santé publique France avec l’institut de sondage BVA de janvier 2023, plus de quatre personnes sur dix ont présenté des signes d’états dépressifs ou anxieux au cours de l’année passée, ce qui représente un niveau élevé par rapport au seuil d’avant la pandémie de covid-19. Les jeunes adultes de 18-24 ans, les personnes précaires, celles déclarant des antécédents de troubles psychologiques sont celles qui sont le plus souvent concernées par les états anxieux et dépressifs, les pensées suicidaires et les problèmes de sommeil. Le contexte économique et géopolitique que nous vivons n’arrange rien. Selon une étude Ipsos de mai 2023, 80 % des Français concernés par une problématique de santé mentale ne consultent pas et 43 % pensent que leurs problèmes ne sont pas assez graves ou pensent pouvoir y faire face seuls. Pas moins de 34 % des Français interrogés disent ne pas consulter de spécialistes pour des raisons financières et les centres médico psychologiques, qui proposent des consultations gratuites, sont saturés.

Les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie sont l’occasion parfaite, notamment pour les plus jeunes, de bénéficier gratuitement d’une prévention de santé mentale basée sur un questionnaire préalablement rempli.

Mme la rapporteure générale. La promotion de la santé mentale est déjà inscrite dans la loi. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1732 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). Cet amendement propose de faire des rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie un moment crucial pour la prévention des maladies neurodégénératives. J’ai présenté devant vous, en juillet dernier, avec ma collègue Sandrine Josso, la synthèse de notre rapport sur les maladies chroniques dégénératives en France. La maladie d’Alzheimer touche plus de 1 million de personnes et ce seront 1,8 million de Français qui seront touchés en 2050. Chaque année, 25 000 nouveaux cas de Parkinson et environ 2 000 de la maladie du motoneurone sont détectés.

Ces maladies, pourtant de plus en plus fréquentes, sont mal connues et les patients sont particulièrement concernés par l’errance de diagnostic. De nombreuses associations alertent sur le retard de diagnostic et sur le manque de formation des professionnels de santé. Alors que les patients et les associations attendent toujours un nouveau plan de prévention des maladies neurodégénératives, les rendez-vous de prévention aux âges clés sont l’occasion de détecter les cas précoces, qui concernent 33 000 personnes pour la maladie d’Alzheimer, donc de pallier le manque de médecins, notamment de neurologues.

Mme la rapporteure générale. La prévention de ces maladies est un des enjeux des rendez-vous de prévention. L’amendement est donc déjà satisfait : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS147 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement propose une remise de rapport sur l’élargissement de la prescription de l’activité sportive adaptée et sur l’opportunité d’instaurer une fiscalité incitative pour les organismes complémentaires. Mme la rapporteure générale a suggéré que ce sujet soit évalué par la Mecss, qui, je le rappelle, est de plus en plus sollicitée. J’espère qu’un éventuel rapport de la Mecss sur le sport et la santé aboutira à des amendements, mais encore faudrait-il qu’on daigne les voter de façon consensuelle.

Mme la rapporteure générale. La commission devra également s’emparer de ce sujet. En attendant, avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Lactivité physique adaptée est importante pour beaucoup de pathologies, notamment cardiovasculaires, en prévention primaire ou secondaire, mais des demandes de rapport ne me semblent pas être le meilleur moyen pour favoriser son développement. Je fais confiance aux deux coprésidents de la Mecss.

Je rappelle que les soins de suite et de réadaptation (SSR) doivent faire l’objet d’un suivi à domicile et d’un accompagnement. Ce qui a été prescrit peut donc être amené à évoluer. N’oublions pas enfin que les actes prescrits sur ordonnance ont vocation à être remboursés. Nous devons donc nous poser la question du financement.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Avant de parler de prescription d’activités sportives, il faudrait allouer davantage de moyens aux SSR afin que les personnels puissent accompagner les patients vers l’autonomie.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 21
Mieux articuler les droits à la complémentaire santé solidaire avec le bénéfice de certains minima sociaux

Amendement AS320 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Par cet amendement je propose que le Gouvernement remette un rapport – seule solution qui m’est offerte, compte tenu des règles de recevabilité financière – sur la faisabilité et l’opportunité de notifier les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation de solidarité spécifique ne remplissant pas les conditions énoncées par l’article 21 de leur éligibilité à la complémentaire santé solidaire.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 21 non modifié.

 

Article 22
Inscription dans le droit commun des parcours issus des expérimentations de l’article 51

Amendements AS322 et AS321 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). L’article 22 va dans le bon sens, mais la méthode qu’il propose est trop verticale.

Avec l’amendement AS322, je propose donc que les principaux ordres professionnels rendent un avis sur l’ensemble des arrêtés prévus à cet article.

Avec l’amendement AS321, je propose que la Haute Autorité de santé (HAS) rende un avis sur le modèle qu’utiliseront les professionnels de santé lors de la rédaction de leur projet de parcours coordonné renforcé.

J’en profite pour regretter que, concernant l’examen du PLFSS, le Parlement soit réduit au rôle de chambre d’enregistrement de décisions prises par des directions d’administration centrale. Nous ne pouvons pas discuter de l’enveloppe financière : l’examen est réduit à des articles sympathiques, mais qui ne changent pas le système. J’espère que nous saurons sortir de ce piège pour débattre des besoins de la sécurité sociale et de leur financement.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Guedj, il me semble que nous avons eu, depuis le début de nos travaux, des débats intéressants, qui ont permis – l’avenir le dira – d’avancer sur plusieurs points. Il faut se garder de toute mauvaise foi.

L’article 22 vise à inscrire dans le droit commun des expérimentations issues de la base, en vue de mettre en œuvre des modes d’organisation proposés par les professionnels. L’avis des ordres professionnels est donc superflu.

L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Madame la rapporteure générale, des amendements sont certes défendus depuis le début de nos travaux, et vous faites certes l’effort d’y répondre. Toutefois, très peu recueillent un avis favorable. Dès que nous voulons entrer dans un débat technique ou aller plus loin, nous n’y arrivons pas.

Cela crée de la frustration. Vous devez entendre, soit dit sans aucune méchanceté à votre égard, la frustration du parlementaire, qui de surcroît sait que le débat en séance publique avec le Gouvernement n’aura pas lieu et s’entend dire qu’il faut aller plus vite. On nous demande de retirer nos amendements pour achever l’examen du texte ce soir. Pourquoi pas dès maintenant ? Pourquoi pas un 49.3 en commission ? Si je vais dans l’absurde...

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Madame Fiat, ce n’est pas honnête de dire cela. Je n’ai rien dit de tel.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). J’aimerais finir ma phrase, madame la présidente.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Dire que l’on vous a demandé de retirer vos amendements n’est pas honnête. Au début de la réunion, j’ai fait le point sur l’état d’avancement de nos travaux en indiquant que, si l’objectif commun est d’achever l’examen du texte ce soir, il faut que les groupes acceptent de retirer certains amendements. Point final. Personne ne vous a demandé de retirer vos amendements.

Par ailleurs, je rappelle que plusieurs amendements ont été adoptés, que le temps est laissé au débat, que nous en avons consacré beaucoup à plusieurs articles et amendements, qu’il a été assez rapidement décidé, de l’avis collectif me semble-t-il, d’entendre sur chaque amendement un orateur pour et un orateur contre, et que j’ai laissé plus de temps au débat lorsque c’était nécessaire.

À un moment donné, il faut qu’il y ait une honnêteté réciproque dans la façon dont les choses sont dites.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Puis-je finir ma phrase, madame la présidente ? Si je vais dans l’absurde...

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Cela commence bien !

Mme Caroline Janvier (RE). Madame Fiat, tout ne tourne pas autour de vous dans cette commission.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). La démocratie, ce n’est pas ça !

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous n’avons pas de leçon de démocratie à recevoir.

(Mme Caroline Fiat se lève et quitte la salle.)

M. Didier Le Gac (RE). Je suis assez d’accord avec M. Guedj, nous ne débattons pas comme nous le souhaiterions.

Toutefois, comme l’a rappelé Mme la présidente au premier jour de nos débats, le projet de loi de financement de la sécurité sociale fait l’objet, cette année, de 2 826 amendements, contre 1 607 l’an dernier, un millier il y a deux ans et 347 il y a dix ans. Nous gagnerions à nous concentrer sur les vrais débats. J’ai le sentiment, soit dit sans vouloir faire injure à quiconque, que ce n’est pas le cas de certaines de nos discussions.

La commission rejette successivement les amendements.

La réunion est suspendue de seize heures quinze à seize heures trente.

 

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Pour l’examen des 621 amendements restants, nous nous sommes mis d’accord collectivement sur plusieurs points.

Les groupes les plus gourmands en temps de parole, dont les amendements sont nombreux, ont accepté de retirer ceux qui leur semblent de moindre importance.

Nous entendrons, sur chaque amendement, un orateur pour et un orateur contre. Ceux qui appellent peu de débats seront défendus brièvement, voire d’un simple « Défendu ». En revanche, nous prendrons le temps du débat sur certains sujets, tels que la tarification à l’activité (T2A) et le grand âge, ou d’autres qui viendront en discussion.

M. Freddy Sertin (RE). Est-il envisageable d’achever l’examen du texte ce soir tard ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Tout dépend de l’état d’avancement des travaux en fin d’après-midi. L’idée n’est pas d’avancer à marche forcée, mais de travailler dans les meilleures conditions possible.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). La commission est-elle convoquée demain ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Pas encore, mais on peut considérer qu’elle le sera. Je ferai le point avec les représentants des groupes à vingt heures.

Amendement AS93 de M. Yannick Neuder

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS569 de M. Dino Cinieri

Mme Josiane Corneloup (LR). Cet amendement vise à supprimer la fixation unilatérale par l’administration des modalités d’organisation des parcours coordonnés renforcés et des modalités de rémunération des professionnels de santé qui s’y engagent. Une telle fixation unilatérale constitue un contournement inacceptable de la démocratie conventionnelle, alors même que la grande majorité des professionnels de santé ont démontré leur capacité à s’engager sur d’ambitieuses mesures concertées de santé publique.

Mme la rapporteure générale. L’article 22 vise à généraliser certaines expérimentations menées dans le cadre du dispositif « article 51 » selon la volonté des professionnels. Leur inscription dans le droit commun vise à aider les équipes d’autres territoires à les développer.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS815 de M. Elie Califer

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à tenir compte des enjeux de continuité territoriale dans les collectivités d’outre-mer.

Mme la rapporteure générale. Il est satisfait. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS2482 de Mme Sandrine Josso

Mme Maud Petit (Dem). Cet amendement vise à sécuriser le financement de l’activité physique adaptée en le faisant figurer explicitement dans le code de la santé publique. Il a été travaillé en collaboration avec le collectif des états généraux de la santé respiratoire.

Mme la rapporteure générale. Sans préjudice du travail qu’il faut mener sur l’activité physique adaptée, l’article 22 prévoit des parcours coordonnés renforcés, qui permettront de prendre en charge l’activité physique adaptée et de rémunérer les équipes.

L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS1833 de Mme Angélique Ranc et AS1908 de Mme Joëlle Mélin

Mme Joëlle Mélin (RN). Mon amendement vise à compléter l’alinéa 10 pour préciser clairement que, si la structure est chargée de la logistique, la coordination médicale incombe au médecin. Cela va sans dire, me direz-vous ; en réalité, c’est moins évident qu’il n’y paraît. Le conseil national de l’ordre des médecins souhaite que cette précision figure dans le texte.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

Amendement AS570 de M. Dino Cinieri

Mme Josiane Corneloup (LR). Cet amendement vise à supprimer la disposition selon laquelle les structures de coordination doivent s’assurer du respect par les professionnels de santé des dispositions de l’arrêté d’organisation des parcours coordonnés. En tout état de cause, les professionnels devront les respecter, ainsi que leurs règles professionnelles habituelles, sans qu’une structure ne doive y veiller.

Mme la rapporteure générale. Les professionnels de santé ne sont pas obligés d’intégrer les structures de coordination. Toutefois, il s’agit d’expérimentations issues des territoires, dont la validation induit un financement, le plus souvent par équipe ou par structure.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS323 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement de précision rédactionnelle vise à assurer la coordination des professionnels au sein du parcours coordonné renforcé, afin qu’ils y participent pleinement.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS324 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement vise à préciser que le forfait, dont l’introduction dans la rémunération des professionnels est une bonne chose, sera établi à la maille du patient et non à l’activité. Dès lors qu’il s’agit d’un forfait, il ne doit pas être lié au nombre d’actes réalisés.

Mme la rapporteure générale. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Sauf erreur de ma part, personne n’a mis en garde contre la financiarisation de ce futur marché.

Pour l’instant, il s’agit d’assurer les soins et leur qualité, ce qui est parfaitement légitime. Toutefois, par le passé, la financiarisation a petit à petit mis la main sur les Ehpad, les cliniques privées et les services délégués des hôpitaux publics.

Avec l’article 22, la financiarisation n’est pas loin. Nous avons, un peu partout, des centres de santé en grande difficulté financière. Les grands groupes lorgnent dessus, comme ils lorgnaient sur les laboratoires privés et les pharmacies avant d’arriver à leurs fins. Il faut avoir conscience qu’une telle évolution est possible.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1710 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). L’échelon de décision est un marronnier de nos débats, abordé notamment lors de l’examen des propositions de loi Rist et Valletoux.

La ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé s’est montrée favorable à la départementalisation des agences régionales de santé (ARS) il y a quelques mois. J’aimerais savoir si la majorité présidentielle l’est aussi.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

L’amendement s’inscrit dans une démarche de territorialisation des financements. L’article 22 vise au contraire à généraliser d’expérimentations menées dans les territoires présentant un intérêt pour les patients. Pour ce faire, il faut une décision nationale.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

Après l’article 22

Amendements identiques AS2852 de Mme Stéphanie Rist et AS2732 de Mme Laurence Cristol

Mme la rapporteure générale. Ces amendements permettent incidemment de lutter contre la financiarisation de la santé, contre laquelle Mme Mélin a mis en garde. Toutefois, cette notion recouvre beaucoup de choses.

Il s’agit d’améliorer la qualité de la prise en charge, au juste prix, des actes de radiothérapie, en proposant de transformer leur financement.

Mme Laurence Cristol (RE). Cela fait dix ans que nous avons conscience du caractère obsolète du modèle de financement de la radiothérapie, fondé sur une double tarification. Ce constat est partagé par les pouvoirs publics, les professionnels et les fédérations.

De nombreuses discussions ont eu lieu au cours des dernières années, notamment depuis 2014. L’expérimentation décidée alors, qui aurait dû prendre fin en 2018, a été poursuivie. La crise sanitaire et l’attention portée à d’autres chantiers ont conduit à suspendre l’avancement des travaux.

Il est temps d’inscrire dans la loi le principe d’une forfaitisation des actes de radiothérapie pris en charge pour un même patient par l’assurance maladie obligatoire, non seulement pour suivre les progrès en matière de radiothérapie, de confort et de qualité de vie du malade, mais aussi pour éviter une financiarisation excessive de cette activité.

La commission adopte les amendements.

Amendements AS466 et AS514 de M. Mickaël Bouloux

M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne voudrais pas que nous achevions l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sans avoir évoqué les orthophonistes, qui sont des acteurs essentiels de notre système de santé.

L’amendement AS466 vise à expérimenter le recours à la télé-expertise des orthophonistes. L’amendement AS514 vise à les autoriser à prescrire des substituts nicotiniques dans le cadre la lutte contre le tabagisme.

Mme la rapporteure générale. J’émets un avis favorable à l’amendement AS466 et un avis défavorable à l’amendement AS514.

La commission adopte l’amendement AS466.

Puis elle rejette l’amendement AS514.

Amendement AS665 de Mme Fanta Berete

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1212 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Cet amendement prévoit la remise d’un rapport sur le forfait patient urgences (FPU), instauré dans l’espoir de désengorger les services d’urgences.

Nous sommes malheureusement dans un contexte, que personne ne nie, de désertification médicale et de difficulté d’accès aux soins pour beaucoup de gens. Notre groupe aimerait savoir quel est le gain réel du FPU, sous l’angle non seulement du désengorgement des services d’urgences, mais aussi de son coût en matière d’accès aux soins, qui peut avoir des conséquences dramatiques.

L’été dernier, l’un de nos assistants parlementaires, aux urgences, s’est entendu dire : « Nous voulons vous hospitaliser, mais, faute de place, nous vous laissons rentrer chez vous. Si votre fièvre augmente, si vous vous sentez mal, revenez avec les pompiers ou le Samu. » On lui a facturé 18 euros. Il s’est présenté à trois autres reprises, toujours sans succès. Chaque fois, on lui a facturé 18 euros sans l’admettre, faute non de volonté ou de gravité de son problème, mais de place. Il a fini par revenir en état d’urgence extrême et a été opéré dans l’heure.

Telles sont les situations dramatiques qui surviennent, dans une absurdité totale. Le FPU partait sans doute d’un bon sentiment, mais il serait bon de l’évaluer correctement.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Il me semble que l’évaluation du FPU a été menée par le Sénat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1729 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). L’article 51 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 permet de déroger à plusieurs règles de financement de droit commun, applicables en ville comme en établissement hospitalier et médico-social. Sont éligibles les expérimentations comportant une innovation concernant la coordination du parcours de santé, la pertinence et la qualité de prise en charge sanitaire, sociale et médico-sociale, la structuration des soins ambulatoires et l’accès aux soins.

De nombreux projets remplissant ces critères se heurtent à des refus non motivés des ARS et des conseils départementaux. Tel est le cas, dans ma circonscription, du centre d’accueil de jour Les Pensées, à Ollioules. Cette structure, qui accueille des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, correspond exactement aux besoins du territoire. Elle est parfaitement viable économiquement.

Elle souhaite étendre son activité à l’accueil de nuit et offrir un accueil de courte durée répondant aux attentes des patients et de leurs aidants. L’établissement dispose d’un étage non utilisé, prêt à accueillir tout le matériel nécessaire à cet élargissement de son activité.

Ce projet d’extension s’inscrit dans le cadre du dispositif « article 51 ». Il a été refusé par le conseil départemental du Var et l’ARS sans motif. Le personnel et la directrice, quotidiennement interrogés par les patients et leurs familles, sont dans l’incompréhension la plus totale.

Le présent amendement prévoit la remise d’un rapport sur le nombre d’expérimentations éligibles non retenues et les raisons de leur rejet. Les porteurs de projets œuvrent quotidiennement pour un parcours de soins efficient dans les territoires. Il nous semble insupportable que les motifs de refus ne leur soient pas communiqués.

Mme la rapporteure générale. L’amendement est satisfait. Le rapport demandé est en ligne sur le site du Gouvernement. Il présente l’état d’avancement des expérimentations menées dans le cadre du dispositif « article 51 » et le résultat de leurs évaluations.

M. Yannick Neuder (LR). Sur les expérimentations menées dans le cadre du dispositif « article 51 », il faut être vigilant sur un point : de très bonnes initiatives du territoire peuvent faire l’objet d’un financement mixte. L’exemple donné par Mme Lavalette relève du champ du médico-social, qui fait l’objet d’un financement départemental.

Il faut veiller à ne pas associer à une décision de l’État au titre du dispositif « article 51 » les moyens d’un conseil départemental. Un échange entre l’État et le département, ainsi qu’un avis favorable des deux, est une condition nécessaire de la mise en œuvre des expérimentations décidées dans le cadre du dispositif « article 51 ».

Mme la rapporteure générale. Le dispositif « article 51 » permet d’expérimenter de nouveaux modes de financement. La question du financement est donc traitée d’emblée. Par la suite, des évaluations déterminent si le coût de l’expérimentation est supportable ou non par la collectivité locale concernée.

Mme Laure Lavalette (RN). Dans l’exemple que j’ai évoqué, le conseil départemental a émis un avis favorable et le financement est acquis. Seul manque un accord de l’ARS.

En réalité, de nombreux projets innovants ne s’inscrivent pas dans la logique du tout‑Ehpad promue par le Gouvernement, à tort selon moi. Nous allons droit dans le mur. Le rapport que j’ai rédigé avec Sandrine Josso à l’issue de notre mission « flash » sur les maladies neurodégénératives est pourtant très complet.

Je regrette que des projets innovants soient victimes du sectarisme du tout‑Ehpad. Manifestement, pour l’ARS, tant qu’il y a des places libres en Ehpad, aucun projet innovant n’est recevable. Toutes les études démontrent pourtant que l’Ehpad n’est pas l’alpha et l’oméga s’agissant de la prise en charge des maladies neurodégénératives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2308 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet amendement d’appel du groupe Écologiste - NUPES prévoit la remise d’un rapport permettant de tirer les leçons de l’échec du dispositif Mon soutien psy, en vue d’y mettre un terme et de réaffecter les crédits alloués à ce dispositif aux centres médico-psychologiques (CMP).

Ce dispositif pose plusieurs problèmes. Pour y entrer, il faut passer par un médecin généraliste. Il prévoit huit séances, ce qui est insuffisant pour quelqu’un qui commence à faire un travail sur lui. Quiconque a fait l’objet d’un suivi psychologique sait que proposer une amorce de huit séances sans prévoir la suite n’est pas sérieux. Par ailleurs, le format des séances ne permet pas de choisir entre plusieurs approches psychologiques.

Ce dispositif est rejeté par 90 % des professionnels, et ce n’est pas faute de lui avoir laissé du temps et de l’avoir fait connaître pour qu’il prospère.

La santé mentale est un défi majeur de santé publique. La psychiatrie, qui est historiquement le parent pauvre de l’hôpital, est en grande difficulté. Nous manquons cruellement de psychiatres.

Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie ont prévu l’augmentation de 800 équivalents temps plein (ETP) des effectifs des CMP en trois ans, soit environ 0,36 ETP supplémentaire dans les CMP pour enfants et 0,16 ETP supplémentaires dans les CMP pour adultes. La réallocation du budget du dispositif Mon soutien psy permettrait de créer 2 500 postes de psychologue.

Mme la rapporteure générale. S’agissant d’une demande de rapport, j’émets un avis défavorable.

Je souscris aux conclusions que vous avez présentées avec Éric Alauzet et Pierre Dharréville dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, au cours duquel le Gouvernement a annoncé la publication d’un rapport sur le dispositif Mon soutien psy, qui est attendue d’ici la fin de l’année.

Le groupe Renaissance a déposé des amendements, malheureusement déclarés irrecevables, visant à offrir la possibilité aux professionnels de santé des établissements scolaires d’orienter les élèves vers ce dispositif, ce qui permettrait de l’élargir. J’espère que nous obtiendrons, d’ici l’examen du texte en séance publique, la levée du gage.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Les demandes de rapport n’ont pas toutes pour objet d’augmenter la consommation de papier. L’amendement de notre collègue Peytavie met le doigt sur un point très douloureux : la difficulté à obtenir un rendez-vous en CMP, notamment en pédopsychiatrie. Or l’attente, c’est le mal qui s’enfonce et qui vous enkyste dans la maladie, surtout si vous êtes un enfant.

Il faut allouer davantage de crédits aux CMP pour les faire sortir de cette ornière. Compte tenu du bond du mal-être de la population française, notamment parmi les plus jeunes, constaté à l’issue de la crise du covid, une réponse ambitieuse s’impose. Elle n’est pas au rendez-vous.

M. Yannick Neuder (LR). Je soutiens l’amendement. Sous réserve de vérification, la proportion de 90 % des psychologues cliniciens rejetant le dispositif ne peut laisser indifférent. Quoi qu’il en soit, il faut allouer davantage de moyens aux CMP. Dans les déserts médicaux les plus étendus, qui sont parfois aussi vastes qu’une circonscription, les CMP sont les seuls lieux dédiés à la santé mentale.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS128 de M. Joël Aviragnet et AS438 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Joël Aviragnet (SOC). Nous demandons un rapport sur le dispositif Mon soutien psy – même si un tel document ne sera pas nécessaire pour constater qu’il ne fonctionne pas. Tout le monde le sait et le très faible nombre de professionnels qui ont intégré le dispositif – 5 % des psychologues seulement – le montre de manière éloquente. Ces mesures technocratiques, parisiennes, prises d’en haut sont inadaptées à la réalité du terrain, malgré les bonnes intentions. Personne ne s’y retrouve ; les jeunes ne sont pas pris en compte.

En parallèle, la demande en matière de santé mentale augmente, mais le nombre de médecins diminue. Les délais de prise en charge dans les centres médico-psycho-pédagogiques s’élèvent à six mois ; à cause de ce retard, les pathologies risquent de devenir chroniques.

Il est urgent de mettre fin à Mon soutien psy, ou de le rénover. Arrêtons en tout cas de faire comme s’il fonctionnait. Outre les problèmes déjà mentionnés, l’accès au dispositif dépend d’une prescription médicale. Pourtant, on le sait bien, que ce soit par expérience personnelle ou grâce aux témoignages des professionnels, ceux qui rencontrent des difficultés n’ont pas envie de les présenter à quinze professionnels différents !

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS438 est défendu.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Thierry Frappé (RN). Nous soutenons ces amendements. Le bilan de Mon soutien psy présenté par M. Peytavie dans le cadre de la Mecss a montré l’inefficacité de ce dispositif – qu’elle soit due aux professionnels, ou à la manière même dont le parcours est organisé. Il est temps d’y mettre fin et de réorienter les fonds qui y sont consacrés vers les CMP, qui en ont besoin, et plus largement vers la prise en charge des consultations psychologiques. La France est confrontée à un problème de santé mentale, qui ne relève pas forcément du champ de la psychiatrie. Il faut changer d’approche.

M. Joël Aviragnet (SOC). Je ne bloquerai pas la discussion à cause d’une demande de rapport. Toutefois, madame la rapporteure générale, vous ne pouvez pas vous contenter de rejeter ces amendements d’un mot. Tout le monde constate la prégnance de ce problème de santé publique. Nous ne pouvons faire comme si de rien n’était.

Mme la rapporteure générale. Nous avons déjà débattu de santé mentale tout à l’heure. Nous attendons un rapport du Gouvernement ; des rapports de parlementaires ont déjà été publiés. Ce n’est pas le rapport que vous demandez qui résoudra le problème de la santé mentale.

Maintenant que le constat a été formulé, il nous reste, en tant que parlementaires, à travailler à des propositions, que ce soit dans le cadre de la Mecss ou d’une proposition de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1359 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Nous demandons un rapport sur les conséquences de la pérennisation des maisons de naissance, décidée en 2021, à laquelle nous nous étions opposés alors.

Nombre de maternités et de services d’urgences ferment. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, la mortalité infantile augmente. C’est parfaitement anormal, dans un pays développé et qui continue de se développer. Cela doit nous alarmer.

Si nous ne pensons pas que les maisons des naissance soient, en tant que telles, la cause du problème, il faut mettre en parallèle leur ouverture avec la fermeture de maternités, qui a conduit à démédicaliser les naissances. Un rapport pourrait nous aider à comprendre : pourquoi continuer à financer les maisons de naissance alors que nous fermons les maternités ?

Cet été, pas loin de chez moi, en Vendée, deux nouveau-nés n’ont pas survécu, après être nés au bord de la route. Des cas similaires se sont produits dans de nombreux départements. Cela ne devrait pas arriver dans un pays comme le nôtre ; nous devons nous interroger sur la qualité et la quantité des soins mis à disposition de nos concitoyens et concitoyennes.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable à cette demande de rapport.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les demandes de rapport sont notre seule porte d’entrée pour traiter de questions essentielles.

Depuis le printemps, la maternité de Sarlat a dû fermer je ne sais combien de fois. Pendant ces fermetures, les femmes enceintes doivent se rabattre sur des maternités qui sont parfois situées à une centaine de kilomètres de leur domicile. Cette situation créera forcément des problèmes pour les grossesses à risque. Les maternités ne peuvent ouvrir que si au moins trois professionnels sont présents ; l’absence d’un seul professionnel peut donc poser de nombreux problèmes.

Revenons sur le délai de prise en charge en CMP : il est d’un an. C’est catastrophique ! Si les crédits consacrés à Mon soutien psy étaient réorientés vers les CMP, ils permettraient de créer 2 500 postes de psychologues, et donc de changer considérablement les choses.

La commission rejette l’amendement.

Article 23
Réforme des financements médecine-chirurgie-obstétrique des établissements de santé

Amendement AS2566 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Il faut exclure la T2A pour la prise en charge des affections de longue durée. Ces pathologies, qui nécessitent des actes à répétition, entrent donc mal dans les cases de la T2A. Cela crée parfois des situations absurdes où un même acte pourrait entrer dans plusieurs cases à la fois. L’inadaptation totale de la T2A à ces situations nous coûte extrêmement cher.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS339 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’article 23 compte parmi les articles essentiels de ce PLFSS, puisqu’il applique l’engagement du Président de la République de réformer la T2A – enfin ! Il est bon que nous en débattions ici : malheureusement, nous ne voyons pas en quoi le dispositif proposé bouleversera la situation.

Outre la tarification à l’activité, le financement des établissements de santé pourra désormais passer par « des dotations relatives à des objectifs de santé publique », ou par « des dotations relatives à des missions spécifiques et des aides à la contractualisation ». Vous élargissez ainsi le type de financement prévu pour la recherche, la formation et l’innovation dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements. Ainsi, cet article reste très timoré, alors que nous connaissons les effets dévastateurs de la T2A.

Je vous alerte : la majeure partie des recettes de l’hôpital continuera de provenir de la T2A. En outre, la réforme ici prévue du financement du champ médecine chirurgie obstétrique (MCO) aurait dû au moins s’appuyer sur la consultation des organisations nationales des professionnels de santé, des patients et des établissements de santé – bref, de tous ceux qui ont dénoncé les effets pervers de la T2A et n’ont pas souvent été associés à vos travaux.

Mme la rapporteure générale. C’est vrai, cet article est important parce qu’il transformera le financement des établissements. Les maternités et les services de réanimation, entre autres services dont l’activité ne peut par définition pas être programmée, seront financés à travers des dotations relatives à des missions spécifiques et sortiront donc de la tarification à l’activité, diminuant ainsi l’importance de ce type de financement dans les établissements.

Nous créons en outre les dotations relatives à des objectifs de santé publique, permettant une meilleure prise en compte globale des patients et de la population, comme vous le demandiez, madame Amiot.

Nous disposerons ainsi de trois compartiments de financement, qui permettront de financer l’hôpital de manière plus juste, plus équitable, au profit notamment de services fournissant des soins non programmés tels que les maternités. C’est important.

Monsieur Guedj, nous avons discuté de cet article avec les présidents des fédérations. Lors des auditions, le dispositif leur a plutôt semblé bienvenu. Le problème portait sur son calendrier – ils reviendront vers nous sur ce point. En effet, la transformation du financement de la psychiatrie, des urgences, des SSR, que nous avons votée, donne déjà beaucoup de travail aux équipes, sur des points parfois très techniques.

M. Nicolas Turquois (Dem). J’abonde dans le sens de Mme la rapporteure générale. Si la T2A a montré ses limites, elle a aussi son intérêt pour standardiser l’approche de certains actes médicaux dans l’ensemble du territoire. Elle doit évoluer, mais gardons-nous de provoquer un tremblement de terre. Nous devrons observer les effets cette réforme dans le temps, pour la faire évoluer ; les établissements doivent aussi s’approprier cette nouvelle philosophie de financement. Je penche donc pour une approche très progressive, plutôt que pour l’approche radicale promue par cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS337 et AS336 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous arrivons au cœur du problème. Le président Macron n’a cessé d’annoncer la fin de la T2A. En 2017, 2018, puis cette année, lors de ses vœux aux personnels soignants, présentés au centre hospitalier sud-francilien, à Corbeil‑Essonnes – j’y étais –, M. Macron a procédé à un mea culpa, reconnaissant l’échec de la méthode de sortie progressive et d’évolution de la T2A qu’il avait envisagée et annonçant clairement la sortie de cette tarification problématique dès le présent PLFSS. Pouvez-vous me confirmer que cet article la permettra ? L’étude d’impact ne permet pas de le dire.

La T2A représente actuellement 76 % du financement en MCO, alors qu’en 2018, le Gouvernement avait annoncé sa volonté de plafonner à 50 % la part du T2A dans le financement des établissements.

L’amendement AS337 vise donc à plafonner à 50 % la place de la T2A dans le financement des établissements, en complétant l’alinéa 36. Vous me reprocherez de ne pas prendre en compte, avec ce plafond unique, les différences entre les établissements. Mais, en même temps, le projet annoncé par le Président de la République de « sortir de la T2A », implique bien que ce mode de financement doit cesser d’être majoritaire, si vous voulez jouer sur les termes.

Si vous rejetez le premier amendement, le second, AS336, vise à renvoyer la fixation d’une quotité maximale pour la tarification à l’activité à un décret pris après avis de la Haute Autorité de santé. Il faudrait également un débat public. Les effets délétères de la T2A sont documentés. Le dernier rapport de la Cour des comptes était très sévère. Pour l’heure, vous modifiez les financements autres que la T2A. Vous ne changez que la vitrine.

Mme la rapporteure générale. Vous avez raison à l’échelle des établissements mais tort à celle de services donnés, tels que les services de maternité, qui sortiront intégralement de la T2A.

La T2A ne permet pas de répartir équitablement le financement entre les établissements pour les services de maternité ou de réanimation. Nous faisons donc sortir brutalement ces derniers de ce mode de tarification, comme l’a demandé le Président de la République lors de ses vœux. C’est important car la situation n’était ni juste ni équitable.

Pour d’autres services, un financement partiel par la T2A apparaît juste. Ce type de financement apparaît cohérent pour des actes faciles à compter et standardisés, comme les opérations de l’appendicite réalisées dans les services de chirurgie.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je ne suis pas sûr de bien comprendre les perspectives. La sortie de la T2A se poursuivra-t-elle ou non après la présente réforme ? Celle‑ci est cosmétique : elle portera la part de cette tarification de 57 % à 49 %. On ne saurait donc parler de sortie de la T2A ; seuls quelques services, mais non la majorité en sortiront. Pour notre part nous souhaitons changer la philosophie même du financement de l’hôpital public.

Par ailleurs, je ne suis pas certain que les financements que vous proposez en remplacement de la T2A soient satisfaisants. Le problème est que leur montant sera encadré par l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

En tout cas, la T2A a montré ses limites depuis longtemps ; il est temps d’en sortir. Or cette réforme est vraiment insuffisante. Le Président de la République décide de beaucoup trop de choses, et nous de pas assez. Nous devrions prendre des mesures beaucoup plus fortes.

M. Yannick Neuder (LR). La T2A permet seulement de répartir un budget global au sein d’un établissement. En outre, il faut bien mesurer l’activité ! Nous sommes tous d’accord, les actes qui ne peuvent être programmés doivent sortir de la T2A, mais pas trop brutalement non plus – je pense à ceux réalisés dans les services de réanimation et de gynécologie, ou dans le cadre de parcours complexes, en cas de greffe, ou encore dans le cadre d’activités de recours dans les centres hospitaliers universitaires, notamment.

Le paradoxe est qu’alors que tout le monde veut sortir de la T2A, des services qui n’y étaient pas soumis jusqu’à présent le seront à partir du 1er janvier, notamment ceux de réadaptation. C’est une fausse bonne idée ; je doute que les patients et les soignants y gagnent.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Nous le savons tous, la situation actuelle est très éloignée du « tout‑T2A », notamment à l’hôpital, contrairement à ce que l’on entend parfois. Si l’on dépasse le champ de la MCO, pour examiner le financement de l’ensemble des activités hospitalières, celui-ci n’est assuré qu’à un peu plus de 50 % par la T2A.

Par ailleurs je défends l’idée qu’il ne faut sortir que progressivement de ce mode de financement. Les systèmes de financement sont complexes, surtout quand ils couvrent des activités très différentes. Des à-coups liés à une réforme trop rapide pourraient déstabiliser les hôpitaux, qui assument des missions complexes. Préférons une sortie en sifflet. La T2A représentait entre 57 % et 58 % du financement de l’hôpital en 2019 ; actuellement, elle n’en représente que 52 % ou 53 %. Il faut continuer ainsi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1439 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). La réforme du modèle de financement de certaines activités prévue à cet article constitue une première étape positive, mais tout reste à construire, et nous ne savons rien des nouvelles modalités de financement. Il faudra être constructif.

À partir d’une telle ligne directrice, nous demandons que les objectifs de santé publique tiennent compte des besoins de santé spécifiques de chaque territoire. Je parle en connaissance de cause : l’âge moyen n’est pas le même partout ; les maladies chroniques n’ont pas la même prévalence partout non plus. La ruralité et l’insularité de certains territoires doivent être prises en compte. Nous demandons donc de préciser que les objectifs seront « territoriaux ».

Mme la rapporteure générale. Votre amendement est satisfait.

Trois compartiments financeront désormais les établissements de santé. Le premier est celui des dotations relatives à des missions spécifiques, qui concernera les maternités, les urgences. Le second est celui du financement à l’activité, pour les missions très encadrées par un protocole. Le troisième bloc de financement passera par des dotations relatives à des objectifs de santé publique ; il valorisera la prévention, la coordination des parcours des patients, l’amélioration du parcours de soins au sein d’un territoire donné, dont la spécificité sera donc prise en compte.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il vaut mieux préciser qu’il s’agit d’objectifs « territoriaux », comme y tend mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS2855 de Mme Stéphanie Rist, AS2676 de M. Frédéric Valletoux, AS2731 de Mme Laurence Cristol et AS2804 de Mme Sandrine Josso

Mme la rapporteure générale. Ces amendements visent à transformer le financement de la dialyse.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Cet amendement élaboré à plusieurs vise à ramener à un montant économiquement raisonnable le financement de la dialyse. La Cour des comptes l’a montré, elle compte parmi les actes en santé parmi les plus onéreux – on cite régulièrement le chiffre de 65 000 euros par an et par patient, indépendamment du coût du transport. Le prix d’une hémodialyse est même beaucoup plus élevé. Une personne greffée, outre qu’elle est en bien meilleure santé, coûte bien moins cher à la société. Le présent amendement vise à mieux encadrer le traitement de l’insuffisance rénale.

Mme Laurence Cristol (RE). Les séances de dialyse font l’objet d’un financement à l’activité qui peut s’avérer très rentable pour certaines structures. La Cour des comptes le rappelle dans son rapport public annuel 2020, malgré la diminution des tarifs de ces séances en centre ou en unité de dialyse médicalisée, « les structures privées de dialyse à caractère lucratif conservent des marges bénéficiaires très élevées ».

Des travaux ont été lancés il y a plusieurs années pour faire évoluer ces modalités de financement. Nous proposons ici d’inscrire dans la loi un financement forfaitaire des séances de dialyse. Ces forfaits seraient « déterminés au regard des modes de prise en charge et des caractéristiques des patients ».

Compte tenu des travaux préparatoires nécessaires à cette réforme et à d’autres chantiers en cours, en particulier la réforme du financement des activités dans le champ du MCO, nous proposons une entrée en vigueur de ces forfaits au 1er janvier 2026.

Mme Maud Petit (Dem). L’amendement AS2804 est défendu.

M. Jean-François Rousset (RE). Si les dialyses sont aussi fréquentes en France, c’est parce que les greffes sont rares. Il faudrait se demander pourquoi la France transplante peu de reins, de foies, et ainsi de suite, car ces actes permettent un gain financier important, tout comme la prévention.

Mme Joëlle Mélin (RN). Au dire de ceux qui travaillent dans les unités de dialyse, beaucoup de lits de ces structures sont occupés par des ressortissants étrangers, car ces soins complexes, lourds, ne peuvent pas forcément être dispensés dans leur pays d’origine. Cela peut s’entendre. Il faudrait toutefois s’assurer que ces soins donnent lieu à une action récursoire, soit au titre d’une entente particulière, soit au titre d’une convention internationale.

Mme la rapporteure générale. Ces amendements sont importants. Notre pays ne propose pas suffisamment de greffes. Nous pourrions mieux informer et mieux prendre en charge les patients, pour accompagner leur choix dans ce domaine.

Le privilège actuel accordé à la dialyse est probablement lié à son financement, nous proposons donc de le réformer. Votons tous pour ces amendements qui amélioreront la prise en charge des patients.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS453 de M. Yannick Neuder

Mme la rapporteure générale. Cet amendement est satisfait par ceux adoptés précédemment.

L’amendement est retiré.

Amendement AS334 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est révélateur de votre philosophie du financement de l’assurance maladie : en l’état actuel de l’article, le montant de l’enveloppe dédiée à la T2A sera fixé sans prendre en compte les besoins de santé, en s’appuyant uniquement sur les prévisions d’activité des établissements, l’inflation, et l’importance des dotations relatives aux objectifs de santé publique et aux missions spécifiques.

Nous proposons donc d’intégrer les besoins de santé de la population parmi les éléments à prendre en compte pour ce calcul, afin de replacer la mairie, ou plutôt l’hôpital, au milieu du village.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Cet amendement pose une question centrale. Lors des rencontres du Ségur, le ministre du budget d’alors était parti de l’objectif de contenir les dépenses. Au contraire, il faudrait d’abord définir les besoins des hôpitaux – qui sont en grande difficulté –, ceux de la population, en matière de santé psychique par exemple, ceux des jeunes, afin de déterminer le budget. Vous faites tout l’inverse. Dès lors, les besoins ne sont pas satisfaits et les soignants, comme le système de soins, continuent de souffrir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1448 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement reprend une demande forte des territoires insulaires corses et ultramarins. Pour notre groupe, c’est un marqueur important de ce PLFSS.

Cet article relatif au financement des activités MCO prévoit que l’État fixera le coefficient géographique s’appliquant aux tarifs nationaux pour les établissements implantés dans certaines zones, notamment en Corse et dans les territoires d’outre-mer, pour que ces territoires rattrapent le retard historique de leurs infrastructures de santé, et tenir compte des surcoûts liés à l’insularité. Les hôpitaux insulaires doivent accumuler des stocks de médicaments plus importants que dans l’Hexagone, leur personnel doit être davantage rémunéré et certains de leurs équipements, indispensables aux soins, sont plus difficiles à rentabiliser.

Je vous alerte : les coefficients géographiques en vigueur n’ont pas été revalorisés depuis 2017 et demeurent largement insuffisants. Le Gouvernement se déclare prêt à envisager leur revalorisation et il apparaît indispensable de cesser de naviguer à vue. Nous demandons donc de préciser qu’ils seront désormais fixés de manière annuelle, pour tenir compte des évolutions des besoins des établissements de santé – ce qui ne veut pas dire que nous demandons leur augmentation annuelle.

Mme la rapporteure générale. Nous en débattons tous les ans, sans que la discussion aboutisse. En effet, toute modification des coefficients géographiques ferait nécessairement des gagnants et des perdants.

Avis défavorable.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Sous prétexte qu’une modification ferait des gagnants et des perdants, vous faites perdre tout le monde. Les coefficients visés n’ont pas été revalorisés depuis des années. Il est indispensable de les faire évoluer. Cet amendement permettrait simplement d’en débattre et d’avancer chaque année.

Nous ne pouvons pas rester ainsi. Alors que l’Île-de-France bénéficie déjà d’un coefficient géographique de 7 %, 400 lits supplémentaires y seront ouverts prochainement, selon la volonté, louable, du ministre de la santé. Si nous révisions les coefficients à son détriment, les autres îles resteraient toujours comparativement défavorisées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1469 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je regrette de ne pas avoir pu appuyer l’amendement AS331 de M. Guedj pour y ajouter l’aspect environnemental. Nous avions déposé un amendement en ce sens, mais qui n’a pas été jugé recevable. Dans une perspective d’amélioration et de protection de la santé de la population, l’amendement vise à intégrer la notion d’espérance de vie sans incapacité – autrement dit : en bonne santé. Cette perspective permet d’aborder la question de la prévention et de souligner la nécessité de changer complètement notre rapport aux soins.

Mme la rapporteure générale. L’amendement est satisfait, car cette disposition fait partie du compartiment de financement relatif aux dotations destinées à des objectifs de santé publique visant la prévention et la promotion de la santé parmi les modalités de financement de ces établissements.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La prévention doit être véritablement ambitieuse, comme on le voit dans le domaine de l’environnement. L’espérance de vie augmente peut-être, mais pas l’espérance de vie en bonne santé sans incapacité, et la comparaison avec d’autres pays en la matière n’est pas à notre avantage. Viser une progression de l’espérance de vie sans incapacité est la seule manière d’avoir aujourd’hui un projet de société ambitieux.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS333 et AS332 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Puisqu’un décret est nécessaire pour fixer les modalités de l’allocation des montants des deuxième et troisième compartiments, ces deux amendements visent respectivement à ce que soit sollicité, pour le premier, l’avis des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé et, pour le second, celui de la HAS.

Mme la rapporteure générale. L’amendement AS333, qui cite exactement l’alinéa 62, est donc pleinement satisfait. Avis défavorable sur l’amendement AS332.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS191 de Mme Émilie Bonnivard et AS2810 de M. Freddy Sertin.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS191 est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

Amendement AS193 de Mme Émilie Bonnivard

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS335 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement tend à supprimer l’alinéa 106, lequel supprime la remise d’un rapport annuel au Parlement sur le financement des établissements de santé. En effet, s’il est un domaine dans lequel les parlementaires ont besoin d’être éclairés, c’est bien celui du financement des établissements de santé, car ni l’annexe du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, ni le rapport annuel de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, même si celui qui a été récemment rendu est intéressant, ne suffiront à les éclairer. Il convient donc de maintenir ce rapport annuel consacré à une question clé relative à l’hôpital public.

Madame la présidente, je saisis cette occasion, pour vous transmettre le courrier, jusqu’à présent sans réponse, que M. Cyrille Isaac Sibille et moi-même avons envoyé, en qualité de coprésidents de la Mecss, aux ministres de la santé et des comptes publics pour demander communication d’éléments relatifs à l’échéancier détaillé donnant une vision pluriannuelle des crédits engagés et payés au titre des 19 milliards d’euros prévus par le Ségur de la santé. De fait, personne ne dispose de cette information, alors que les données existent. Il est étonnant que ne nous connaissions pas les modalités d’affectation ni les bénéficiaires des 13 milliards d’euros de reprise de la dette des établissements de santé, ni l’emploi des 6 milliards d’investissements du quotidien, à propos desquels nous ne disposons que d’un échéancier partiel des décaissements, qui ne porte que sur 2,5 milliards et ne court que jusqu’à 2025, ce qui nous laisse dans l’ignorance quant à l’échéancier des établissements qui ont bénéficié des 3,5 milliards restants à ce titre.

Si donc vous avez un pouvoir en la matière, je vous remercie de relayer nos interrogations auprès des cabinets des ministres pour que nous obtenions une réponse avant de débattre dans l’hémicycle, d’ici à quelques jours, des financements des hôpitaux.

Mme la rapporteure générale. Grâce à Thomas Mesnier et à sa proposition de loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale que nous avons portée, nous disposons dans l’annexe 6, des informations sur la situation financière des établissements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS459 de M. Yannick Neuder

M. Yannick Neuder (LR). Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les erreurs médicamenteuses sont responsables de 50 % des effets indésirables graves et, surtout, de 10 000 à 30 000 décès évitables. Outre de lourds préjudices humains, ces erreurs se traduisent aussi par des préjudices pour le fonctionnement de l’hôpital, avec une augmentation moyenne de 2,9 jours des délais de séjour.

La HAS préconise de mettre en œuvre collectivement des actions afin de prévenir les erreurs médicamenteuses. L’amendement vise donc, à cette fin, à intégrer des indicateurs relatifs aux dispositifs mis en place pour lutter contre les erreurs médicamenteuses dans le calcul de la dotation complémentaire accordée aux établissements de santé relative à l’incitation financière à l’amélioration de la qualité.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS166 de M. Thibault Bazin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

 

Après l’article 23

Amendements identiques AS39 de M. Yannick Neuder, AS798 de M. Sébastien Peytavie, AS887 de M. Laurent Panifous, AS931 de M. Yannick Monnet, AS1632 de Mme Katiana Levavasseur, AS2321 de Mme Annie Vidal et AS2783 de M. Olivier Falorni

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement AS887 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mon amendement, issu de propositions formulées notamment par la Fédération hospitalière de France, la Fédération de l’hospitalisation privée et la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires, vise à ce que soient définis sur cinq ans au lieu de trois les objectifs, les activités et les ressources du système de santé. Il vise également à rendre impérative, alors qu’elle n’est aujourd’hui qu’une possibilité, la signature du protocole entre l’État et les représentants des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé publics et privés.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement AS1632 est défendu.

Mme Annie Vidal (RE). Mon amendement fait suite à une recommandation du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, qui propose que les textes relatifs à la santé puissent faire l’objet d’une pluriannualité de cinq ans, en cohérence avec la loi de programmation des finances publiques. De fait, ces textes, qui ont une portée de trois ans, sont les seuls qui n’ont pas cette prévisibilité à cinq ans. L’amendement tend aussi à rendre obligatoire la signature entre l’État et les principales organisations nationales des établissements de santé publics et privés des protocoles consacrés au suivi des activités de soin et des dépenses.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS2783 est défendu.

Mme la rapporteure générale. Nous avons chaque année ce débat sur la pluriannualité. Je comprends que les fédérations, qu’elles soient publiques ou privées, à but lucratif ou non, souhaitent une plus grande prévisibilité – que nous avons déjà, du reste, avec la loi de programmation des finances publiques ainsi que dans l’annexe A, qui indique la trajectoire de l’Ondam pour les prochaines années. Tous les ans aussi, l’Ondam est rectifié. La pluriannualité a certes du sens, mais, pour ce qui concerne la santé, une épidémie peut tout remettre en cause, comme on l’a vu récemment.

Avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La dimension de la temporalité est essentielle et, pour ce qui concerne le soin, le fait de décider annuellement comme nous le faisons ne permet pas d’avoir une perspective. Nous ne savons certes pas ce qui peut nous arriver, mais il est indispensable d’avoir une perspective, par exemple pour amorcer un mouvement dans le sens d’une transition écologique pour certains établissements ou pour définir de grands projets.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Ce débat très important mériterait presque que nous nous saisissions de cette question et construisions, au sein de notre commission, une modernisation du pilotage la politique de santé, politique publique importante par son objet comme par les volumes financiers importants qui s’y sont progressivement agrégés. Introduire dans le domaine de la santé une pluriannualité qui s’applique déjà dans tant d’autres est une amélioration que nous devons porter collectivement. Peut-être le bon véhicule n’est-il pas un amendement au PLFSS, mais du moins faut-il porter une volonté collective de modernisation réfléchie et posée du cadre de financement des politiques de santé, qui permettrait, trente ou quarante ans après les lois de financement de la sécurité sociale, une nouvelle avancée en la matière.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je souscris aux propos de M. Valletoux. La stratégie nationale de santé, en cours d’élaboration et qui doit être validée, est envisagée sur cinq, voire dix ans. Dans le cadre des questions au Gouvernement, j’ai interrogé le ministre pour lui permettre de présenter cette stratégie nationale de santé avant que nous n’abordions le PLFSS, car il est un peu bizarre de parler d’un texte budgétaire sans connaître la vision globale du ministre, ses objectifs et ses priorités. En effet, tous les acteurs sont inquiets, qu’ils soient hospitaliers, professionnels de santé ou financeurs.

Je plaide donc pour que la stratégie nationale de santé puisse être présentée par le ministre dans l’hémicycle et que nous puissions en débattre. Il serait bon que l’ensemble de la commission puisse soutenir cette initiative et qu’elle se concrétise dans les semaines qui viennent.

M. Yannick Neuder (LR). Je plaiderai moi aussi pour cette pluriannualité des financements. Comment expliquer, en effet, que la santé soit le seul secteur où l’on n’aurait pas de vision de la trajectoire du financement des activités ? En outre, compte tenu des modifications de tarification et de la T2A, que nous avons évoquées, l’ensemble des acteurs de la santé, qu’il s’agisse des soignants ou des directeurs d’établissement, auront besoin de stabilité financière.

Qui plus est, 50 % de nos établissements publics sont déficitaires et, chaque fois qu’ils veulent faire un investissement pour améliorer l’offre de soins et leurs équipements, on leur demande un taux de marge, qu’il est difficile de prévoir si l’on n’a aucune visibilité sur les recettes potentielles avec une évolution de la T2A sans pluriannualité des financements. J’ai donc du mal à comprendre pourquoi on ne le fait pas.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS441 de M. Thibault Bazin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS136 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à garantir que les projets d’investissement financés dans le cadre du Ségur ne conduisent pas à une diminution du nombre de lits ou à une réduction de la couverture territoriale et à un plus grand éloignement des citoyens de leurs établissements publics de santé. Il est inutile de rappeler que nous avons perdu, depuis plus de vingt ans, environ 79 000 lits d’hospitalisation. La durée moyenne de séjour s’est certes réduite, mais une réduction d’un quart de la capacité d’accueil, alors que la population s’accroît et que les maladies chroniques s’installent, est très problématique. Nous voulons donc introduire une condition à ces investissements.

Mme la rapporteure générale. Défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Depuis le virage ambulatoire pris voilà dix ans, l’Allemagne a pratiquement divisé par deux le nombre de lits. La majorité des actes chirurgicaux étant pratiqués en ambulatoire et la durée du séjour moyen ayant diminué, la notion de « lits » n’a plus grand sens. Mieux vaudrait compter les personnels soignants.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS137 de M. Jérôme Guedj et AS1247 de M. Hadrien Clouet

M. Jérôme Guedj (SOC). Mon amendement vise à supprimer les approches économicistes en retranchant les ratios d’analyse financière et de marges financières des critères d’attribution des crédits d’investissement du Ségur et à tenir compte précisément de l’offre de soins, notamment de sa couverture territoriale.

Je saisis cette occasion de dire que je suis d’accord avec M. Isaac-Sibille. Si vous voulez, avec nous, introduire des ratios de personnels soignants dans les établissements – et le problème se poserait dans les mêmes termes dans les Ehpad –, c’est la bonne manière de le faire. Du reste, une proposition de loi de notre collègue sénateur Bernard Jomier va exactement dans ce sens et nous pourrions donc peut-être la reprendre ici, dans une démarche transpartisane, à la faveur d’une niche. Nous ferions ainsi œuvre utile.

De la même manière, à la suite du rapport de Caroline Fiat sur les ratios dans les établissements, nous pouvons travailler ensemble pour définir des ratios de personnel dans les Ehpad, ce qui permettrait d’indiquer combien de temps de psychologue, de diététicien ou d’aide-soignant il faut compter. Partant des besoins, nous pourrons définir les financements correspondants.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Avec l’amendement AS1247, il s’agit de faire passer les besoins, les projets des établissements et les nécessités des populations avant les ratios d’analyse financière. Aujourd’hui, en effet, les crédits sont attribués si l’établissement se porte bien, et non pas s’il porte un projet. La dette des établissements hospitaliers est considérable – elle est en effet passée de 500 millions à 1 milliard d’euros avec la crise de la covid-19 – et les frais d’énergie de la dernière année n’ont rien arrangé. Il s’agit donc de faire passer les besoins avant les chiffres, les gens avant l’argent.

Monsieur Isaac-Sibille, vous proposez de ne plus parler de lits mais, concrètement, dans de très nombreux hôpitaux, trouver des lits devient un casse-tête si l’on veut éviter que des gens soient hébergés dans les couloirs. On ne peut pas ne pas compter les lits !

Mme la rapporteure générale. Bien sûr, monsieur Ruffin, que les lits comptent encore, mais c’est par manque de soignants et non pas de financement que ces lits n’existent pas. Avis défavorable.

Monsieur Guedj, les investissements du Ségur sont à l’échelon régional, adaptés aux besoins de chacun des établissements. Avis défavorable.

M. Jean-François Rousset (RE). Les ratios de soignants nécessaires pour un lit sont importants, mais la vraie question est de savoir combien de personnes – chirurgiens, anesthésistes et infirmières de bloc – sont nécessaires pour effectuer un acte. Nous sommes obligés de tenir compte des actes, et donc du paiement à l’acte, même si cela n’épuise pas la question. Si donc nous voulons vraiment savoir combien coûte un acte, il faut savoir quels sont le personnel et le matériel nécessaires pour le réaliser.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1552 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à demander une expérimentation en matière de gel du numerus apertus dans certaines régions, permettant ainsi d’analyser les effets de ce gel sur l’offre de soins au niveau du territoire national.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Frappé, si vous voulez plus de médecins, il faut écrire l’inverse. En revanche, si vous voulez moins de médecins, votre amendement fait l’affaire.

Avis défavorable.

Mme Laure Lavalette (RN). Vous avez tous bien compris que mon collègue voulait plus de médecins pour lutter contre la désertification médicale. Lorsque nous évoquions le numerus apertus, mon collègue Juvin citait en exemple d’efficacité la politique du Royaume‑Uni, où l’on a carrément doublé le nombre de médecins dès la première année.

Selon le groupe Rassemblement National, la procédure de recrutement devrait même prendre la forme d’un examen plutôt que d’un concours, de telle sorte que tous ceux qui veulent être médecin puissent le devenir. En effet, le passage du numerus apertus au numerus clausus n’a rien changé au nombre d’étudiants admis et il s’est essentiellement agi d’un effet de communication qui voulait faire oublier le dépit suscité par la réforme Vidal. Il est temps d’adopter une politique de recrutement de grande ampleur, car nous recrutons encore des médecins en Roumanie et nos enfants vont en Roumanie faire leurs études de médecine. J’espère que vous êtes conscients qu’il est temps de faire tout à fait différemment et de former nos propres médecins.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS134 de M. Jérôme Guedj est retiré.

Amendement AS409 de M. Thibault Bazin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS382 de M. Thibault Bazin, AS1838 de Mme Angélique Ranc et AS2588 de Mme Sabrina Sebaihi

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS382 est défendu.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement AS1838 est défendu.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement AS2588 est un amendement de repli tendant à demander au Gouvernement un rapport sur les iniquités de traitement entre les établissements de santé privés solidaires et les établissements publics de santé, qui ont les uns et les autres des missions de service public hospitalier et participent, à ce titre, à l’offre de soins et à la politique nationale de santé publique. Cette demande de rapport insiste donc sur les financements alloués à ces deux secteurs, ainsi que sur les revalorisations salariales y afférentes.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

La réunion, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.

Article 24
Régulation de la permanence des soins dentaires et modalités de fixation des rémunérations de la permanence des soins effectuée par les sages-femmes et les auxiliaires médicaux

Amendement AS1867 de Mme Caroline Colombier

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement AS1867 est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS340 de M. Guillaume Garot

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement vise à la remise d’un rapport sur l’impact du conventionnement sélectif des chirurgiens-dentistes sur l’accès aux soins. Les chirurgiens-dentistes ont en effet conclu une convention avec l’assurance maladie et, pour la première fois, on voit s’amorcer une forme de régulation de l’installation. Il serait donc intéressant que nous puissions avoir quelques éléments sur cette nouvelle mesure.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 24 non modifié.

 

Article 25
Élargir les compétences des pharmaciens en matière de délivrance d’antibiotiques après un test rapide d’orientation diagnostique

Amendements identiques AS826 de Mme Christine Loir et AS1578 de M. Thierry Frappé

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS826 est défendu.

M. Thierry Frappé (RN). Travaillé en collaboration avec la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), mon amendement intervient dans un contexte de pénurie médicale. L’évolution des compétences des pharmaciens vise à pallier les difficultés d’accès aux soins de la population. Si cette démarche ne peut remplacer entièrement l’expertise médicale, elle doit pouvoir bénéficier à la population dans des conditions garantissant la sécurité et la qualité des soins. Au même titre que pour l’activité de vaccination, cette nouvelle activité, exercée hors protocole, doit donc être encadrée à la fois par une condition de formation, justifiant l’acquisition de certaines compétences cliniques pour pouvoir poser un diagnostic et reconnaître les signes d’alerte, et par une garantie de transmission d’informations au médecin traitant, encore trop rare aujourd’hui, par exemple après une vaccination. L’amendement vise donc à préciser que le décret prévu en Conseil d’État précise les modalités de formation des pharmaciens et de retour d’information au médecin traitant.

Mme la rapporteure générale. Nous abordons un article très important pour les citoyens, car il améliorera leur accès aux soins en permettant aux pharmaciens de délivrer des antibiotiques pour une angine ou une infection urinaire. Quand on est une femme et qu’on a eu souvent l’expérience de se retrouver le dimanche en difficulté pour cause d’infection urinaire, on pourra dorénavant aller voir le pharmacien qui procédera à un test et, si celui-ci est positif et correspond aux recommandations qui lui sont faites, pourra délivrer un antibiotique.

Votre amendement évoque une formation, mais aucun professionnel de santé n’effectue d’actes auxquels il n’est pas formé ou qu’il ne se sent pas capable de faire, car ce que veut un professionnel de santé, c’est que les gens soient en bonne santé.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, elle rejette l’amendement AS1919 de Mme Joëlle Mélin.

Amendement AS1880 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Pour faciliter l’accès aux soins des patients souffrant d’une angine ou d’une cystite aiguë, il est important de simplifier le parcours de soins. L’article 25 offre aux pharmaciens d’officine la possibilité de mener des entretiens d’orientation et de délivrer des traitements, y compris antibiotiques, en se fondant sur les résultats de tests. Il convient toutefois de noter que cette mesure de simplification ne devrait être mise en œuvre que lorsque le patient ne peut accéder ni à un médecin ni à un régulateur de santé, que ce soit en service d’accès aux soins ou en permanence de soins.

Mme la rapporteure générale. Cet article permet de libérer du temps aux médecins et d’améliorer l’accès aux soins, ce dont nous avons besoin dans l’ensemble de nos territoires.

Avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Si la fiabilité des bandelettes est à peu près reconnue désormais pour la détection des infections urinaires, elle est en revanche très relative s’agissant de la détection des angines. Pour une fois, c’est sur mon expérience personnelle que je fonde mon propos : j’ai failli perdre ma nièce au début du mois de septembre. La personne qui a réalisé le prélèvement n’a sans doute pas été suffisamment attentive et le résultat du test s’est révélé faussement négatif. Il me semble donc urgent de vérifier que le matériel a bien été homologué et soumis aux organismes notificateurs européens, ce dont je ne suis pas certaine, et de s’assurer de sa traçabilité.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit de généraliser des expérimentations. Les tests ont bien été validés et autorisés. Certains ont même été utilisés pendant la crise du covid, notamment celui qui permet de détecter les angines, Je regrette ce qui est arrivé à votre nièce, mais peut-être la bandelette aurait-elle également donné un résultat négatif si le test avait été réalisé par des médecins dans un service d’urgences. Un dysfonctionnement est toujours malheureux, mais je ne suis pas certaine, en l’occurrence, qu’il puisse constituer un argument.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il suffit d’un seul !

La commission rejette l’amendement.

À la demande de la rapporteure générale, l’amendement AS1857 de M. Paul-André Colombani est retiré.

La commission adopte l’article 25 non modifié.

Après l’article 25

Suivant l’avis de la rapporteur générale, la commission rejette l’amendement AS1579 de M. Thierry Frappé.

Amendements identiques AS2849 de Mme Stéphanie Rist et AS2747 de M. JeanFrançois Rousset

Mme la rapporteure générale. L’amendement fait suite aux auditions de nombreux médecins qui nous ont fait part des difficultés liées au grand nombre de certificats d’aptitude sportive qu’ils doivent délivrer. À certaines périodes de l’année, leur activité s’en trouve embolisée. Nous proposons, pour libérer du temps médical, que d’autres professionnels puissent délivrer ces certificats.

M. Jean-François Rousset (RE). Mon amendement vise effectivement à expérimenter la possibilité, pour d’autres professionnels de santé que les médecins, de délivrer des certificats d’aptitude sportive. Il me semble de bon augure compte tenu de la pénurie de médecins. Je pense que les infirmiers en pratique avancée et les kinésithérapeutes, en particulier, pourraient délivrer ces certificats.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je comprends l’objectif recherché, mais cet amendement m’inquiète. La médecine sportive est en effet une vraie discipline. Trop souvent, d’ailleurs, les médecins généralistes qui établissent ces certificats ne sont pas eux‑mêmes formés. Souhaitez-vous autoriser cette expérimentation pour tous types de sports, y compris de haut niveau ? Tout comme la médecine du travail, celle du sport n’est pas une activité que l’on exerce en plus de la médecine de ville. Elle requiert des aptitudes particulières. Je ne suis pas médecin mais je sais, pour en avoir discuté avec plusieurs d’entre eux, que de nombreux médecins du sport ont suivi des formations spécifiques. Quel est le périmètre de votre amendement ?

M. Yannick Neuder (LR). Je me pose les mêmes questions. Ainsi, pour participer par exemple à un triathlon, il faut présenter un certificat d’aptitude sportive aux organisateurs. Que se passe-t-il si, pendant l’épreuve, la personne est victime d’un arrêt cardiaque ? Je me mets à la place de l’infirmière ou du kinésithérapeute qui aura rédigé le certificat ! Sans doute n’ai-je pas compris les modalités de l’expérimentation ; des précisions me semblent nécessaires sur ce sujet important.

Mme la rapporteure générale. C’est la raison pour laquelle nous proposons de passer par la voie d’une expérimentation, dont les conditions de mise en place seront définies avec les professionnels. Il ne serait pas choquant, par exemple, que dans une maison de santé menant des projets autour du sport et de la santé, la délivrance des certificats soit confiée aux professionnels compétents pour cela plutôt qu’au seul médecin généraliste. Nous souhaitons apporter une réponse aux médecins qui consacrent beaucoup de temps au renouvellement de certificats – et dont la plupart, monsieur Monnet, ne sont pas des médecins du sport.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). C’est bien ça le problème, et c’est dangereux.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS557 de M. Philippe Juvin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1302 de Mme Mélanie Thomin

M. Joël Aviragnet (SOC). Nous demandons, au travers de cet amendement, la remise d’un rapport sur la reconnaissance de la spécialité de dosimétrie au sein de la profession médico-technique de manipulateur en électroradiologie médicale, qui est préconisée par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de février 2021.

Mme la rapporteure générale. Merci d’évoquer cette profession, très peu présente dans nos débats alors qu’elle est indispensable au soin des patients et à la réalisation d’examens. Je ne suis pas certaine, cependant, qu’un rapport puisse faire avancer sa cause.

Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Joël Aviragnet (SOC). Je suis ouvert à toutes les mesures qui permettront de faire avancer les choses.

L’amendement est retiré.

 

Article 26
Possibilité pour les médecins du travail de déléguer aux infirmiers qualifiés en santé au travail la réalisation de certains actes pour le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé

Amendement AS1467 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nul ne peut nier les situations de souffrance et d’épuisement professionnel des agriculteurs et des agricultrices. Pour lutter contre ce phénomène, une aide au répit a été mise en place. Elle est ouverte aux demandeurs qui justifient d’un certificat médical faisant état d’un mal-être au travail, ou ayant obtenu l’aval d’un travailleur social. Ils sont alors éligibles à un dispositif de soutien pouvant inclure un remplacement pendant une période de sept à dix jours. Le présent amendement propose d’aller plus loin que le dispositif proposé, en prévoyant une orientation automatique vers le médecin en cas de détresse.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1468 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le présent amendement propose de systématiser l’information des travailleurs agricoles quant à l’existence de l’aide au répit proposée par la Mutualité sociale agricole (MSA), afin d’en généraliser le recours.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS341 de M. Jérôme Guedj

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement vise à prévoir un avis de la HAS sur la liste des actes pouvant faire l’objet d’une délégation à un infirmier en santé au travail, dans le cadre du renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude des salariés agricoles. Il s’agit de remédier à un oubli.

Mme la rapporteure générale. L’article 26 propose d’étendre aux salariés agricoles la délégation de tâches entre médecin et infirmier. Cette mesure figure dans la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, dont la présidente de notre commission a été la rapporteure.

Les infirmières du travail peuvent déjà réaliser des tâches habituellement dévolues au médecin du travail, sans que la HAS n’ait émis un avis. Nous n’avons été informés d’aucun problème particulier à ce sujet : au contraire, cela se passe plutôt bien. Il s’agit simplement d’offrir à la médecine du travail de la MSA cette possibilité de délégation que, jusqu’alors, elle n’avait pas.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article 26 non modifié.

 

Après l’article 26

Amendement AS2624 de M. Benoît Mournet

Mme Monique Iborra (RE). Les centres experts en santé mentale sont des plateformes de soins de recours et de recherche, destinées à améliorer le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des maladies psychiatriques les plus sévères que sont les troubles bipolaires, les dépressions, les schizophrénies et les troubles du spectre de l’autisme. Il existe aujourd’hui cinquante-trois centres calqués sur le modèle des centres maladies rares ou des centres mémoire. Déployés depuis 2010, ils ont permis d’obtenir de nombreux succès dans le domaine de l’amélioration du pronostic ainsi que de l’organisation des soins et de la recherche. Cet amendement vise à inscrire officiellement dans le code de la santé publique le rôle des centres experts en santé mentale existants sur le territoire national, qui ne sont reconnus aujourd’hui qu’à titre expérimental.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS805 de M. Jérôme Guedj et AS2498 de M. Guillaume Garot (discussion commune)

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement AS805 vise à flécher l’installation des médecins généralistes et spécialistes, ainsi que des chirurgiens-dentistes – pour lesquels c’est déjà le cas, me semble-t-il – vers les zones dans lesquelles l’offre de soins est insuffisante. Il s’agit de faire un premier pas vers la régulation de l’installation de ces professionnels, qui permettra à tout le moins d’enrayer la progression des inégalités entre territoires. Cet amendement poursuit le même objectif que celui déposé par le groupe de travail transpartisan piloté par notre collègue Guillaume Garot.

Mme la rapporteure générale. Je vous rappelle que la convention nationale signée par les chirurgiens-dentistes ouvre la voie à la régulation de leur installation. L’amendement est donc à moitié satisfait, s’agissant des chirurgiens-dentistes. Le sujet n’est pas le même, selon moi, pour les médecins, dans la mesure où les effectifs ne sont pas les mêmes : il est plus facile de réguler lorsqu’il n’y a pas de pénurie que lorsqu’il y en a une. C’est tout l’enjeu de nos débats depuis six ans au sein de cette assemblée !

Avis défavorable.

M. Joël Aviragnet (SOC). J’attendais impatiemment le motif que vous alliez invoquer. Vous savez aussi bien que moi que, dans les zones sous-dotées, il manque tout autant de chirurgiens-dentistes que de médecins généralistes. Je vous invite à consulter la carte réalisée par le ministère : ce que vous dites n’est pas vrai. Dès lors que la régulation est possible pour les chirurgiens-dentistes, vous ne pouvez plus dire qu’elle ne l’est pas pour les médecins généralistes.

Mme la rapporteure générale. Non, monsieur Aviragnet : compte tenu du nombre de chirurgiens-dentistes par rapport au nombre d’habitants en France, cette profession ne se trouve pas dans la même situation de pénurie que celle des médecins. Il est donc plus facile de la réguler. S’il n’y a plus de gâteau, vous ne pourrez pas le partager, même en rendant le partage obligatoire ! On ne peut pas réguler la pénurie, c’est mathématique.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous avons eu il y a quelques mois en commission et en séance publique ce débat essentiel dont l’issue s’est jouée à peu de chose près. Le territoire de notre pays est, à 80 %, un désert médical. Il existe de nombreuses aides à l’installation, dont le montant est élevé mais qui ne fonctionnent pas. Se pose également, au moins pour les dix prochaines années, un problème de démographie médicale. Partant de ce constat, notre groupe de travail transpartisan propose, au travers de l’amendement AS2498, de flécher l’installation. On parle de régulation, mais les mesures que nous proposons ne sont tout de même pas si terribles ! Il s’agit simplement d’empêcher l’installation dans les zones suffisamment dotées, sachant que nous allons vivre une situation très difficile pendant dix ans.

Je suis d’accord avec vous, madame la rapporteure générale : il n’est pas facile de partager un tout petit gâteau. Mais dans certaines zones, l’installation d’un médecin vingt ou trente kilomètres plus loin permettrait d’améliorer la couverture médicale et favoriserait la permanence des soins. Seul le fléchage que nous proposons permettra d’avoir une meilleure répartition des médecins sur le territoire, durant les dix prochaines années.

Mme la rapporteure générale. D’un point de vue théorique ou idéologique, je partage votre avis. Vos propos rejoignent d’ailleurs ceux de Mme Lavalette : nous devons former plus de médecins. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons discuter de régulation. En situation de pénurie, celle-ci risque en effet d’aggraver la situation. Formons davantage de médecins.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’un n’empêche pas l’autre !

Mme la rapporteure générale. Grâce à l’arrêt du numerus clausus, nous avons réussi à accroître de 20 % le nombre de médecins formés en France. Je suis néanmoins persuadée que nous n’en formons toujours pas assez. Travaillons donc à former davantage de médecins avant de parler de régulation.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je suis d’accord avec vous sur un point, madame la rapporteure générale : nous manquons de médecins. Nous voulons donc organiser la pénurie afin qu’elle soit douloureuse de la même façon à peu près partout. Tel n’est pas le cas aujourd’hui. On y viendra forcément à la régulation, d’autant que la profession est financée par la solidarité nationale. À titre personnel, je suis favorable à des mesures plus offensives et à une médecine plus administrée.

S’agissant de la formation des dentistes, sur les 3 000 dentistes formés chaque année, la moitié le sont à l’étranger – essentiellement en Espagne. Or au lieu d’affronter le problème, on prend des mesures inquiétantes, similaires à celle que l’on a prise au sujet des certificats d’aptitude sportive : on comble la pénurie non pas en réformant le système, mais en cachant la misère.

Mme Caroline Janvier (RE). Je suis cosignataire de l’amendement AS2498 et d’un certain nombre d’autres. Même si la démographie médicale est insuffisante, personne ne peut nier qu’il est plus facile de trouver un médecin à Nice qu’à Vierzon. Je connais des personnes qui vont jusqu’à faire des déplacements de plusieurs centaines de kilomètres – coûteux, donc réservés à une certaine catégorie de population – pour pouvoir consulter un médecin. Nous sommes dans une situation de crise. Toutes les semaines, des habitants de mon département m’alertent sur l’impasse sanitaire dans laquelle ils se trouvent en l’absence de médecin. À situation de crise, il faut des remèdes de crise : il convient donc, à tout le moins, de limiter l’installation des médecins dans les zones où les problèmes sont moins importants, voire peu importants, comme c’est le cas en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) par exemple.

M. Jean-François Rousset (RE). Nous avons déjà eu ce débat sur la coercition et l’obligation d’installation. Je ne vois pas comment on pourrait, en situation de pénurie, contraindre un médecin qui n’existe pas à s’installer ailleurs ! Les mesures que nous avons prises visent à gagner du temps médical. Nous souffrons en effet de pénurie de temps médical. Nous proposons aux médecins de partager les compétences et de se regrouper au sein de structures leur permettant de mieux travailler ; c’est exactement ce que demandent les jeunes étudiants. Il est vrai que nous ne formons pas assez de médecins, mais la coercition ne fonctionnera pas. Je vous rappelle qu’outre l’installation en médecine générale, les jeunes médecins ont chacun sept possibilités d’installation – notamment celle de quitter la France. La régulation peut sembler séduisante, mais sa mise en œuvre n’est pas possible.

M. Yannick Neuder (LR). De telles mesures de coercition sont effectivement difficiles à mettre en œuvre alors que 87 % du territoire sont concernés par la pénurie de médecins. Il faut d’ailleurs être prudent avant de considérer que certains territoires seraient plus dotés que d’autres : de nombreux médecins retraités s’inscrivent dans des ordres, si bien que les effectifs de ceux-ci sont faussés, notamment dans des départements comme celui des Alpes‑Maritimes.

Il faut certes former davantage de médecins mais il faut aussi imaginer des solutions pour rapatrier les étudiants, parfois broyés par le système, que nous n’avons pas su garder et qui partent faire leurs études à l’étranger ; leur formation serait en effet plus rapide. Enfin, il faut maintenir la liberté d’installation des médecins : cette semaine encore, dans mon département, deux jeunes médecins ont cessé leur activité parce qu’elles estimaient ne pas exercer dans de bonnes conditions.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Depuis un certain temps, nous défendons la mise en place de leviers de régulation pour garantir l’accès aux soins de toutes et tous, dans tous les territoires. Voilà l’état d’esprit dans lequel ont travaillé un certain nombre de parlementaires aux sensibilités variées. Le sujet est en train de mûrir, certes trop lentement à notre goût, et il faut continuer d’avancer.

Je voudrais ajouter, à l’intention de Caroline Janvier, qu’il existe des disparités entre territoires au sein de la région Paca : en dehors de la Côte d’Azur, on y trouve aussi des déserts médicaux – j’en sais quelque chose... Quoi qu’il en soit, il me semble possible de mettre en œuvre une forme de régulation.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Dès que l’on évoque cette question, on sort les grands mots et on entend parler de coercition. Détendons-nous ! Nous ne proposons pas de déplacer de force un médecin déjà installé : il s’agit d’empêcher de nouvelles installations dans les zones aujourd’hui dotées de davantage de médecins que d’autres – ce qui ne signifie pas qu’il y en a trop. Un tel mécanisme existe pour d’autres professions, et ce n’est pas un drame. Dans les endroits où il n’y a aucun médecin, en revanche, c’est la catastrophe !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous partageons le même constat : la situation est grave. Mais la mesure que vous proposez ne risque-t-elle pas d’aggraver le problème ? Il existe en France deux systèmes : l’un est dit « de ville » et l’autre, qui est administré, celui de l’hôpital. Vous dites qu’il y a plus de médecins à Nice qu’à Vierzon, mais n’y a-t-il pas également davantage de médecins à l’hôpital de Nice qu’à l’hôpital de Vierzon ? Le problème est donc le même au sein de la médecine administrée. Administrer donc totalement le système ne changera en rien la situation, voire l’aggravera.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Dans certains territoires, on ne trouve plus du tout certains spécialistes. Je vous mets au défi, par exemple, de trouver un gynécologue dans la Creuse : il n’y en a plus un seul, nulle part !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Et à l’hôpital ?

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Les femmes sont contraintes d’aller à Limoges ou à Poitiers pour consulter. Puisque nous sommes en octobre, parlons d’Octobre rose : lorsque j’ai voulu prendre un rendez-vous pour une mammographie dans mon département, autour de Nantes, on m’a proposé une date dans six à huit mois ! Ayant la chance de venir à Paris chaque semaine, je me suis renseignée ici aussi et j’ai réussi à obtenir un rendez‑vous en deux jours – en passant par Doctolib. Il existe donc bien des disparités entre territoires et, lorsqu’il n’y a aucun médecin, on ne peut pas l’inventer !

Mme la rapporteure générale. Vous avez raison : il est plus facile de trouver certains spécialistes à Paris, même par rapport à mon département du Loiret, mais les tarifs y sont parfois plus élevés que ceux que l’on pourrait trouver ailleurs en acceptant d’attendre plus longtemps.

En tout cas, M. Dharréville, qui habite à côté de Marseille, nous a alertés : n’allons pas chercher les médecins dans le Sud au motif qu’ils seraient trop nombreux, car il n’y en a plus assez !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je n’ai pas dit cela.

Mme la rapporteure générale. À Aix-en-Provence, par exemple, il n’est plus possible de trouver un médecin traitant. Il faut sortir des préjugés : nous n’avons pas assez de médecins globalement. Je ne dis pas, néanmoins, que l’on ne peut rien faire d’autre que de réguler la pénurie. Il faut par exemple déterminer l’orientation des internes. Faut-il en former autant dans certaines spécialités qu’en médecine générale, par exemple ? Ce ne sont pas des sujets faciles, car ils relèvent de l’autonomie des universités et sont à la main des doyens, mais nous devons y travailler : c’est ainsi que nous pourrons accroître assez rapidement le nombre de professionnels dans les territoires.

Il ne faut pas croire, en tout cas, qu’il y aurait assez de médecins quelque part. Quel député, d’ailleurs, accepterait que les médecins sortant de l’université ne s’installent plus dans son territoire, au motif qu’il y en aurait trop ? Y a-t-il un seul député pour considérer qu’il y a assez de médecins généralistes dans son territoire ? L’un des députés du quinzième arrondissement de Paris m’expliquait récemment qu’il était devenu impossible de prendre un rendez-vous avec un médecin traitant dans sa circonscription ! Regardez les chiffres : nous sommes dans le creux de la courbe démographique. Nous devons former davantage et orienter – mais c’est au niveau de l’université que cela se fait– les futurs médecins vers les spécialités nécessaires dans les territoires.

Mme Laurence Cristol (RE). Les expérimentations qui ont été faites au Canada et en Irlande n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Même si le numerus apertus a permis d’augmenter le nombre de professionnels de santé formés, nous sommes dans le creux de la démographie médicale pour une dizaine d’années encore. Dans l’Hérault, département prétendument sur-doté, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes. Obliger un médecin à s’installer dans un territoire n’est donc pas la solution, même si nous sommes d’accord pour dire qu’il existe une vraie difficulté d’accès aux soins dans notre pays.

M. Christophe Bentz (RN). Nous nous opposons avec vigueur à ces amendements. Le groupe de travail évoqué à propos de l’amendement de M. Guillaume Garot n’a rien de transpartisan puisque le RN n’y participe pas. Par ailleurs, vous voulez créer une autorisation d’installation délivrée par l’ARS, ce qui est pire que tout. Nous souhaitons réformer et départementaliser les ARS.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de faire œuvre de justice afin que chacun puisse consulter un médecin. Notre proposition est très populaire, non seulement chez les patients mais aussi chez les médecins, qui n’en peuvent plus. Ils veulent de la régulation.

M. Frédéric Valletoux (HOR). L’Assemblée a tranché ce débat en juin dernier en rejetant de façon nette ce type de mesure. Cela étant, puisque le constat est partagé, nous devons réfléchir à une répartition des futurs effectifs de médecins afin de ne pas reproduire les erreurs du passé.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2524 de Mme Caroline Fiat

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Il vise à supprimer la possibilité d’augmenter les franchises médicales par décret. En effet, de nombreux Français ont déjà renoncé à des soins ou à des équipements médicaux, dentaires ou optiques en raison du reste à charge. Par ailleurs, le rétablissement du principe de compensation systématique et intégrale des exonérations de cotisations sociales permettrait de récupérer 2,7 milliards d’euros, soit presque quatre fois plus que les économies attendues d’un doublement de la franchise.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On m’a indiqué que certaines caisses cumulaient le montant annuel de la franchise, à savoir 50 euros par an, sur plusieurs années lorsqu’il n’était pas consommé – elle s’élèverait ainsi à 200 euros au bout de quatre années. Pouvez-vous nous confirmer que le plafond est bien annuel et n’est pas cumulatif ? Il serait bon de le rappeler aux différentes caisses.

Mme la rapporteure générale. Nous sommes en train de nous renseigner sur ce sujet. Ma mère a justement reçu la semaine dernière un courrier lui notifiant que sa franchise cumulait trois années à 50 euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS155 de Mme Justine Gruet

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2673 de M. Frédéric Valletoux

M. Frédéric Valletoux (HOR). La dépression post-partum, qui concerne 10 % à 20 % des femmes ayant donné naissance, est mal suivie et présente des risques d’installation d’un état dépressif au-delà des premiers mois de l’enfant. Il est donc proposé de créer, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un parcours de soins dédiés, mis en place par l’ARS et associant tous les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge, afin de mieux accompagner les femmes concernées.

Mme la rapporteure générale. Je trouve cette expérimentation intéressante. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS135 de M. Joël Aviragnet

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement a pour objet la remise d’un rapport au Parlement sur l’effort à réaliser pour financer correctement les soins de psychiatrie. Depuis 2017, le budget de la psychiatrie augmente deux fois moins vite que l’Ondam. Ce sous‑financement chronique a des conséquences dramatiques, avec l’utilisation de méthodes inacceptables, comme la contention et l’isolement, en raison d’un manque de personnel et de moyens.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable car même si je suis consciente de l’urgence de la situation, je ne pense pas qu’un rapport permettra d’apporter des améliorations. Le secteur des soins sous contrainte nécessite des mesures spécifiques telles que permettre aux psychologues experts judiciaires de renouveler les certificats de soins sous contrainte à la place du médecin, puisqu’on en arrive à ne plus pouvoir soigner les patients par manque de psychiatres.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Plutôt que de demander un nouveau rapport, il conviendrait de commencer par appliquer les très bonnes préconisations du rapport d’information relatif à l’organisation de la santé mentale que j’ai corédigé en 2019.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS22 de M. Philippe Juvin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement a pour objet la remise d’un rapport dressant le bilan, pour l’année 2023, du dispositif exonérant de cotisations sociales les médecins retraités qui reprennent une activité et étudiant la possibilité d’étendre cette exonération à tous les professionnels de santé au-delà de cette date.

Par ailleurs, vous avez dit, madame la rapporteure générale, que le travail en retraite ouvrirait de nouveaux droits. Pouvez-vous nous préciser ce point ?

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS484 de M. Thibault Bazin

M. Yannick Neuder (LR). Puisque vous ne répondez jamais quand nous défendons nos amendements, nous ne les défendrons plus – ça nous fera gagner du temps !

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS808 de M. Jérôme Guedj et AS2339 de M. Hadrien Clouet

M. Jérôme Guedj (SOC). Mon amendement a pour objet la remise d’un rapport dressant le bilan du dispositif d’autorisation d’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) spécifique aux outre-mer et étudiant la possibilité de sa pérennisation.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Ce rapport demandé par l’amendement AS2339 vise à dresser un bilan de l’amélioration de l’accès aux soins et de la résorption de la précarité économique et administrative des Padhue dans les territoires concernés, et à évaluer les actions permettant de pérenniser le dispositif et de le généraliser à l’ensemble du territoire national.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Je vous renvoie à la proposition de loi de Frédéric Valletoux, qui traite de la prise en compte des Padhue.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1850 de M. Jérôme Nury et AS1894 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement est également issu des travaux du groupe transpartisan... (Protestations des commissaires du groupe Rassemblement National) ... du groupe de travail associant des parlementaires ayant envie de travailler ensemble. L’envie, c’est quelque chose qui se partage à deux, car une envie tout seul, c’est une imposition : ça s’appelle le consentement et ça vaut pour tous les domaines de la vie !

Nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport déterminant les mesures qui permettront de renforcer la participation des opérateurs de télémédecine à l’amélioration de l’accès aux soins dans les zones sous-dotées et de consolider sur l’ensemble du territoire une offre de télémédecine de qualité uniforme.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

 

Chapitre II – Garantir la soutenabilité de notre modèle social

Article 27
Diminuer les arrêts de travail non justifiés en améliorant et en facilitant les contrôles sur les prescripteurs et les assurés

Amendements de suppression AS167 de M. Jérôme Guedj, AS933 de M. Yannick Monnet, AS1032 de M. Stéphane Viry, AS1846 de M. Paul-André Colombani et AS1934 de Mme Sandrine Rousseau

M. Jérôme Guedj (SOC). L’article 27 confie au médecin diligenté par l’employeur un pouvoir de contrôle des arrêts de travail. Sur le rapport de ce dernier, l’employeur pourra remettre en cause un arrêt de travail en suspendant de manière automatique le versement des indemnités journalières (IJ). Il n’est pas très glorieux de faire de l’employeur le vérificateur ultime.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il est plus facile de culpabiliser les usagers que de prévoir des moyens à la hauteur des besoins. Nous demandons la suppression de cet article, qui remet en cause l’arrêt de travail au motif que la cause principale de la hausse des dépenses d’IJ serait les abus des assurés sociaux et des médecins prescripteurs. Or les causes de cette augmentation sont surtout structurelles. Selon le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le dépassement serait de 300 millions d’euros par rapport à l’objectif de la loi de financement rectificative pour 2023 et serait quasiment intégralement dû au contexte inflationniste persistant.

M. Yannick Neuder (LR). Un arrêt maladie consomme beaucoup de temps médical, tant pour le prescrire que pour le contrôler. Ne pourrait-on renforcer les moyens de la médecine du travail plutôt que de mobiliser un médecin pour contrôler ? En cas de désaccord entre ces deux médecins, comment l’arbitrage sera-t-il rendu ? Un troisième avis médical sera‑t‑il nécessaire ? Il faut certes lutter contre la fraude mais je ne sais pas si on a trouvé la bonne solution. Tel est le sens de l’amendement AS1032.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 27 supprime l’avis de la commission des pénalités financières, privant ainsi les médecins de la possibilité de se défendre de façon équitable en cas de mise en accusation par la sécurité sociale. De plus, la possibilité de mettre un terme aux arrêts de travail sur la base d’un rapport rendu par un médecin diligenté par l’employeur, et en l’absence d’un examen médical par le médecin-conseil, fait courir un risque important de conflit d’intérêts. Enfin, la possibilité de déléguer le contrôle des arrêts de travail à des infirmières ou à des auxiliaires médicaux, parfois par simple entretien téléphonique, contribue à mettre en danger certains salariés qui ne seraient pas examinés par un médecin.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le PLFSS aligne les dépenses sur les recettes : ne devrions-nous pas faire l’inverse ? Alors que l’augmentation des dépenses est en partie due à l’inflation, nous n’avons pas étudié la question du niveau de recettes nécessaire pour couvrir les dépenses dont nous avons absolument besoin. À l’heure où notre système de santé est en train de craquer, la première des ambitions d’un PLFSS doit-elle être de traquer les arrêts maladie prescrits par les médecins de ville ?

De plus, cet article rend possible la suspension des IJ à l’issue d’un contrôle mandaté par l’employeur. Cela constitue une dérive inacceptable vers une privatisation des contrôles de l’assurance maladie. Les indemnités journalières ne peuvent en aucun cas être supprimées sans avis systématique du médecin-conseil de l’assurance maladie. Cette disposition entraîne par ailleurs un risque élevé de fragiliser encore plus les salariés, notamment en cas de situation conflictuelle avec l’employeur.

Mme la rapporteure générale. L’article 27 vise à maîtriser le nombre d’arrêts de travail injustifiés. L’entreprise a déjà la possibilité de faire appel à un médecin agréé par l’ordre des médecins pour contrôler les arrêts maladie. Notre objectif est de simplifier la démarche de l’employeur puisque le médecin agréé pourra dorénavant suspendre directement le versement des indemnités journalières s’il considère que l’arrêt est abusif. Il s’agit de maîtriser l’augmentation des volumes d’arrêts maladie.

Avis défavorable.

Quant aux IJ, elles évoluent certes en même temps que le Smic mais le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale a précisé que cela ne suffisait pas à expliquer l’augmentation des dépenses au titre des IJ.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous sommes en désaccord sur le diagnostic : l’évolution du nombre d’arrêts de travail est conforme aux prévisions. Il faudrait d’ailleurs s’interroger : pourquoi tant d’arrêts de travail, et tant de différences entre les branches ? Cela nous éclairerait beaucoup, notamment sur le caractère professionnel de certaines maladies.

En réalité, dans le but de faire 190 millions d’euros d’économies, vous instaurez une procédure préjudiciable aux salariés en court-circuitant le médecin-conseil et en donnant raison au médecin des employeurs contre celui des salariés. Vous choisissez votre camp, d’une certaine façon. Plutôt que de culpabiliser les salariés, donnez davantage de temps au médecin-conseil ou augmentez leur nombre, mais ne dévoyez pas la procédure. Nous sommes vent debout contre cette mesure inacceptable.

Mme Joëlle Mélin (RN). En matière d’IJ, on ne comptabilise pas séparément la maladie, la maternité et les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Il serait intéressant de faire le distinguo entre ces trois catégories car si un mois d’arrêt peut sembler beaucoup pour une maladie, j’ai déjà vu des arrêts de 300 ou 400 jours pour des AT‑MP. Il serait utile de savoir quand les contrôles d’AT-MP doivent être déclenchés pour sortir des IJ et, le cas échéant, basculer en invalidité.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Je n’ai pas obtenu de réponse sur deux points que j’ai soulevés. Tout d’abord, vous supprimez les commissions paritaires qui permettent aux médecins libéraux de se défendre de façon équitable face à la Cnam. Je ne sais si vous avez réellement l’intention d’aboutir à une convention. Il faut clarifier ce point et laisser les partenaires sociaux négocier tranquillement.

Ensuite, le choix de recourir au médecin de l’employeur n’est pas satisfaisant car il fait courir un risque de conflit d’intérêts. Plutôt que de renforcer les moyens de contrôle de la sécurité sociale, vous préférez pratiquer la délégation de tâche : ce n’est pas une bonne chose non plus.

M. Thierry Frappé (RN). Actuellement, le contrôle des arrêts de travail est effectué par des médecins travaillant non pas directement pour l’employeur, mais dans des entreprises de contrôle médical. Leur contrat est d’ailleurs remis au conseil de l’ordre pour vérifier qu’il n’existe pas de problème déontologique.

Par ailleurs, il conviendrait de connaître le taux des arrêts injustifiés, ces derniers pouvant être révélateurs d’une situation conflictuelle au sein de l’entreprise que l’on pourrait résoudre autrement.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Le nouveau pacte de la vie au travail, promis au printemps dernier par le président Macron et la Première ministre, devait s’attaquer aux causes du mal-être au travail. Or vous nous proposez à la place une chasse aux arrêts maladie, alors que la première cause de la hausse des dépenses d’IJ est l’inflation, la deuxième est le recul de l’âge de départ à la retraite, qui entraîne une souffrance au travail provoquant des arrêts maladie, et la troisième est le mal-travail, qui coûte quelque 100 milliards d’euros par an. Plutôt que de vous attaquer à ces causes, vous choisissez de culpabiliser les salariés et de confier au médecin du patron le soin de décider si l’arrêt maladie est valable ou non. Cette mesure est vraiment scandaleuse.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’augmentation des IJ a des causes structurelles : l’augmentation du Smic, l’augmentation de la population active et son vieillissement. Mais nous constatons aussi que, d’un médecin à l’autre et d’une entreprise à l’autre, les pratiques peuvent être très différentes. Il est normal de se poser des questions car il s’agit d’argent public.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cette mesure dégrade la situation et relève d’un choix idéologique. J’imagine que vous avez dans le viseur la baisse de la productivité, qui touche tous les pays européens, particulièrement la France.

Cependant, mieux vaudrait s’interroger sur les causes des arrêts de travail. Des études ont-elles été menées sur les effets du confinement ? Durant cette période, beaucoup de personnes ont par exemple été exposées à des violences, susceptibles d’avoir une incidence à long terme. D’autre part, on constate une évolution du rapport à la santé. Le nombre des demandes de rendez-vous chez les médecins de ville explose. Pourquoi toujours appliquer des mesures autoritaires, répressives et culpabilisantes, sans prendre le temps d’analyser la situation ?

Supprimer l’article 27 redonnerait du sens au beau mot « politique ».

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1028 de M. Stéphane Viry, AS1118 de M. Paul-André Colombani, AS1283 de Mme Sandrine Rousseau et AS1580 de M. Thierry Frappé

M. Yannick Neuder (LR). Lors du précédent débat, les orateurs ont exprimé des points de vue différents mais ont abouti à un vote commun. Je voudrais éviter tout malentendu avec Mme Fiat ou avec Mme Rousseau, dont je ne partage pas les valeurs. Les membres du groupe Les Républicains sont favorables au contrôle pour détecter les fraudes ; nous nous interrogeons toutefois sur les modalités, en particulier sur la nécessité de recourir à un second médecin, alors que le temps médical est compté. Que se passera-t-il en cas de désaccord ?

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’alinéa 4 tend à supprimer l’avis de la commission chargée de se prononcer sur l’opportunité des pénalités financières, afin de réduire les délais d’instruction. La phase contradictoire de la procédure aura désormais lieu directement devant le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam). Cette mesure disproportionnée cristallise la colère des médecins, qu’elle plonge dans l’insécurité, puisqu’elle bafoue le principe du contradictoire : le professionnel mis en cause ne pourra plus se défendre équitablement devant la Cpam.

Il n’est pas question de défendre les fraudeurs, mais des procédures simples existent. Cet alinéa jette l’opprobre sur la profession ; le présent amendement tend à le supprimer.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Notre amendement vise à supprimer l’alinéa 4. Lorsque le taux d’arrêts maladie prescrits par un médecin est supérieur à celui de ses confrères du même département, on vérifie systématiquement qu’il n’administre pas de faux arrêts – je remarque en passant que quand les policiers ont revendiqué recourir aux arrêts maladie, il n’y a pas eu de contrôles de ce genre... Pourtant, un taux élevé peut s’expliquer par la patientèle, par exemple si elle est composée de beaucoup d’actifs mais d’un faible nombre de personnes âgées.

Pour les médecins concernés, la commission dite des pénalités est automatiquement saisie. Composée de représentants de la Cpam et de professionnels, elle rend un avis consultatif après avoir entendu le praticien.

L’alinéa 4 prévoit de supprimer l’avis de la commission, afin de réduire les délais d’instruction. Cette mesure bafoue le principe du contradictoire et le médecin, empêché de se défendre équitablement.

M. Thierry Frappé (RN). Élaboré avec la CSMF, notre amendement vise à supprimer l’alinéa 4. En effet, cet alinéa tend à renoncer à l’avis de la « commission des pénalités financières », réunie avant toute mise sous accord préalable, afin de réduire les délais d’instruction. Cela aboutit à organiser le contradictoire directement devant le directeur de la Cpam. Cette mesure bafoue le principe du contradictoire, comme le professionnel mis en cause, empêché de se défendre de manière équitable.

Mme la rapporteure générale. Le dispositif garantit le principe du contradictoire. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On peut envisager cette mesure avec confiance ou avec défiance. Ici, vous voyez le mal. En cas de problème de santé, le médecin ou le patient demandent fréquemment un second avis. Cela ne pose de problème à personne. Ce n’est pas une démarche de défiance.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Une procédure existe pour sanctionner les médecins qui doivent l’être. Le fraudeur n’y échappera pas. En revanche, si l’avis est supprimé, le médecin ne pourra se défendre sereinement. La commission paritaire permet précisément de mettre fin au contrôle si le reproche statistique est infondé. Pourquoi la supprimer ?

La commission rejette les amendements.

Amendement AS819 de M. Elie Califer

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit d’un amendement de repli visant à préciser que l’objectif de réduction des prescriptions prévues à l’article L. 162‑1-15 du code de la sécurité sociale sera « compatible avec la réalité sanitaire des territoires ». En effet, la réalité sanitaire change d’un territoire à l’autre, les ultramarins étant spécifiques.

Plus largement, il s’agit de protéger les Français et les médecins. Le dispositif repose sur la méfiance du corps médical, qu’il place sous un contrôle arbitraire.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1466 de M. Sébastien Peytavie, AS1875 de M. PaulAndré Colombani et AS2563 de Mme Ségolène Amiot

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement de repli AS1466 vise à supprimer les alinéas 11 à 21, relatifs au contrôle des arrêts de travail et à la suspension des IJ.

Pour de nombreux salariés en détresse, l’arrêt de travail constitue la seule échappatoire, en particulier depuis l’adoption de la réforme de l’assurance chômage, que la majorité constituée des groupes Renaissance et Les Républicains a votée main dans la main : désormais, l’abandon de poste vaut présomption de démission. Que reste-t-il aux salariés qui souffrent au travail ? La pénibilité n’est pas prise en compte et les salaires n’augmentent pas.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous n’entendons pas priver l’employeur de la possibilité de diligenter un médecin privé pour contrôler si l’arrêt de travail du salarié est justifié. Il est toutefois déraisonnable de prévoir que par un simple rapport établi à distance, ce praticien pourra mettre fin à l’arrêt de travail et aux indemnités journalières, car cela soulève un risque de conflit d’intérêt. En effet, l’employeur attendra du médecin ainsi diligenté qu’il dénonce l’arrêt de travail – il serait naïf de l’ignorer. Le médecin-conseil, lui, intervient en toute impartialité. La solution est simple : il faut augmenter les moyens humains au service du contrôle médical. À défaut, nous ne renforcerons pas le contrôle, nous ferons des économies au détriment des salariés.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS2563.

Ce n’est pas bien. Certains salariés sont malades à cause de leur travail. Au lieu de les soutenir, on les suspecte a priori de frauder.

En quarante ans, les conditions de travail des salariés se sont dégradées. En 1984, 12 % des salariés déclaraient subir au moins trois contraintes physiques, notamment porter une charge lourde ou marcher longtemps ; ils sont 34 %. Dans les études internationales comparant la pénibilité, le stress et les troubles psychiques, la France est à la ramasse par rapport à ses voisins. Et plutôt que de travailler à résorber les causes, vous traquez les salariés.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable ; la suppression des alinéas 11 à 21 rendrait l’article inopérant.

Monsieur Neuder, à la fin de la procédure, le médecin est reçu par le directeur de la Cpam. La décision sera prise selon les mêmes modalités ; seul le contradictoire est modifié.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Notre intention est bien de rendre le dispositif inopérant : nous considérons qu’il est indigne. De la part de la majorité qui a voté les ordonnances visant à réformer le droit du travail et la loi « retraites » – j’en passe et des pires –cette mesure ne nous surprend pas. À nouveau, elle porte un mauvais coup aux salariés. Elle participe à la lutte des classes, en donnant plus de pouvoir au médecin de l’employeur qu’à celui du salarié. En sus, vous culpabiliserez des gens déjà malades et en difficulté. Ce n’est pas raisonnable ; nous nous opposerons aussi fermement que possible à ce texte, en sachant que le couperet du 49.3 risque de s’abattre sur le débat en séance publique.

M. Nicolas Turquois (Dem). La création de l’arrêt de travail constitue une avancée sociale majeure, qui repose sur la confiance dans le système. Or il arrive que les salariés eux‑mêmes s’interrogent sur les arrêts répétés de certains de leurs collègues. Il faut objectiver les choses. Il est pertinent d’instaurer un double contrôle en vue de pérenniser le système. Je voterai contre ces amendements identiques.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS343 de M. Jérôme Guedj, AS935 de M. Pierre Dharréville et AS1406 de M. Stéphane Viry

M. Arthur Delaporte (SOC). Notre amendement AS343 vise à supprimer les alinéas 12 à 17, qui prévoient de renforcer les pouvoirs du médecin diligenté par l’employeur sur les arrêts de travail.

Personne ne conteste l’augmentation des dépenses d’IJ. Deux solutions s’offrent à nous. La première consiste à s’attaquer aux causes, en s’intéressant à la santé mentale et à la pénibilité. Entre 2010 et 2022, les indemnités versées au titre des AT-MP sont passées de 2 441 millions d’euros à 3 807 millions, révélant que le pays va mal et qu’il connaît un problème de santé au travail, en particulier de burn‑out. La seconde solution, c’est de casser le thermomètre : couper dans les dépenses et autoriser les médecins des patrons à outrepasser les prescriptions de ceux des salariés. Ainsi, l’employeur prendra une décision affectant la santé du salarié, qui relève de sa vie privée. C’est inacceptable. Vous remettez en cause les fondements mêmes de la sécurité sociale, la philosophie du Conseil national de la Résistance, qui voulait protéger les travailleurs.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le système actuel organise déjà des contrôles. C’est vous qui instaurez la défiance vis-à-vis des salariés, et des médecins qui leur prescrivent des arrêts de travail, quand ils en ont besoin.

Vous donnez au médecin de l’employeur le pouvoir de suspendre les indemnités journalières, sans l’avis du médecin-conseil, que vous dessaisissez. Selon nous, cet avis doit être systématique et incontournable. Cette mesure participera à fragiliser le salarié et privatisera les contrôles. Nous voulons une sécurité sociale protectrice, et vous l’affaiblissez, encore une fois.

M. Yannick Neuder (LR). Je défends l’amendement AS1406.

En l’état, en cas de désaccord, la commission intervient. Reviendra-t-il au médecin diligenté par l’employeur de prononcer le dernier avis sur la cessation du versement des indemnités journalières ? Ou bien est-ce la Cpam qui rendra la décision, après avis des deux médecins ?

Nous sommes favorables au contrôle. Arrêtons d’être naïfs : certains ont indûment recours aux IJ. Beaucoup de maladies se déclarent le lundi matin. La plupart des gens respectent leur activité professionnelle ; il est fréquent que ceux qui ne sont presque jamais en arrêt maladie s’étonnent que certains collègues souffrent plusieurs fois par an de maux de dos, de gastro-entérite, d’angine... Les contrôles sont d’autant plus complexes que la douleur est subjective – il est très difficile pour un médecin de savoir si une contracture musculaire paravertébrale est douloureuse. On peut avoir mal au dos sans souffrir de hernie discale.

Le législateur doit être juste. Nous devons coincer les profiteurs mais je réserve mon vote, en attendant les réponses de la rapporteure générale.

Mme la rapporteure générale. L’article 27 vise non seulement à simplifier les procédures de contrôle, pour gagner du temps médical, mais surtout à les renforcer.

L’employeur ne suspendra pas les IJ. La décision reviendra à un médecin, agréé par le conseil de l’ordre, lorsque celui-ci estimera que l’arrêt maladie est abusif. Si le patient n’est pas d’accord, il pourra saisir le service du contrôle médical. Ce recours le protège.

Certains sous-entendent que le médecin agréé sera de mèche avec l’employeur ou sera incité à multiplier les avis négatifs et les suspensions. Si un médecin agréé prononce davantage de suspensions que les autres, la caisse d’assurance maladie pourra s’autosaisir pour le contrôler, puisqu’il lui est loisible de le faire dans tous les cas. L’article comprend des garde‑fous.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Vous arguez le renforcement des procédures de contrôle, mais la décision sera unilatérale.

Le problème en France, c’est le présentéisme. Toutes les statistiques montrent que les Français vont beaucoup plus travailler en étant malades – 37 % au cours des douze derniers mois – que les autres Européens – 28 %. Il faut permettre aux gens d’être malades de temps en temps, non les pister.

Enfin, les arrêts de travail longs sont ceux qui coûtent cher à la sécurité sociale. Or personne ne fait semblant d’avoir besoin d’un arrêt long.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Comment travaillent les personnels de santé ? Le médecin chargé du contrôle pourra très bien appeler le médecin traitant pour avoir plus d’informations sur le patient et les raisons de la prescription et tomber d’accord avec lui. La décision ne tombera pas brutalement. Il s’agit toujours de savoir si l’on choisit la confiance ou la défiance.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1879 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il s’agit d’un amendement de repli. Le texte prévoit de déléguer le contrôle au médecin diligenté par l’employeur, parce que les services de contrôle médical manquent de moyens humains et qu’il n’est pas possible de recruter des médecins-conseils.

L’amendement vise à créer un agrément de l’assurance maladie, qu’elle délivrerait aux médecins ayant suivi une formation au contrôle. De fait, les médecins diligentés seront moins agréés par le conseil de l’ordre que par des boîtes privées. Je propose d’élargir un système qui existe déjà pour la fonction publique, puisque des médecins agréés exercent dans l’éducation nationale, par exemple. Leur indépendance nous garantit contre les conflits d’intérêts.

Mme la rapporteure générale. Les employeurs feront appel à des médecins agréés par le conseil de l’ordre. Tout médecin est soumis au code de déontologie médicale, qui garantit le principe de l’indépendance professionnelle.

Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Qui rémunérera le médecin chargé du contrôle ? Si vous n’avez pas la réponse, nous poserons la question au ministre lors de l’examen en séance.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Certes, le code de déontologie s’applique. Cependant, les médecins concernés seront recrutés par des entreprises privées, auxquelles les employeurs feront appel. Plus un médecin ira dans le sens de l’employeur, plus il sera diligenté, mieux il gagnera sa vie. C’est un conflit d’intérêts qui me rappelle de vieilles histoires, comme celle du médecin premier adjoint d’une commune de ma circonscription, qui contrôlait les salariés du privé placés en arrêt maladie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS344 de M. Jérôme Guedj

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à empêcher que le médecin effectuant le contrôle se prononce contre la durée de l’arrêt initialement prescrite. Nous sommes opposés à toute modification du cadre actuel du droit du travail.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Quand le salarié consulte un médecin, vous ne faites confiance ni à l’un ni à l’autre. En revanche, vous accordez tout crédit au médecin du patron, respectueux du code de déontologie, sous la tutelle du conseil de l’ordre – comme si tel n’était pas le cas du médecin traitant. Vous avez un raisonnement à double standard. Et en dernier ressort, le médecin du patron décide.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS345 de M. Jérôme Guedj

M. Arthur Delaporte (SOC). Si vous adoptez cet amendement, le texte passera peut-être le filtre du Conseil constitutionnel. Il vise à supprimer le caractère automatique de la suspension du versement des IJ lorsque le rapport du médecin diligenté par l’employeur conclut à un arrêt de travail injustifié.

L’automaticité revient à nier le travail du médecin à l’origine de la prescription et va à l’encontre du droit de recours de l’assuré. Elle est contraire à la philosophie de la sécurité sociale, assurance contre les risques ouverte à tous.

Mme la rapporteure générale. J’ai déjà expliqué quelles étaient garanties. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il m’est arrivé de procéder à des expertises pour la sécurité sociale. Quand la caisse n’est pas d’accord avec le médecin de l’assuré, elle désigne un expert, qui rend un avis. La procédure est exactement la même, mais plus simple.

La commission rejette l’amendement.

 

 


  1.   Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 21 heures 15 (article 27 (suite) à après l’article 36)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14094585_65317d395a98c.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--19-octobre-2023

 

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Depuis mardi après-midi, nous avons examiné 754 amendements. Il nous en reste 426.

 

Article 27 (suite)
Diminuer les arrêts de travail non justifiés en améliorant et en facilitant les contrôles sur les prescripteurs et les assurés

Amendements AS2565 de M. Hadrien Clouet, AS1443 de Mme Sandrine Rousseau et AS2564 de Mme Caroline Fiat (discussion commune)

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement AS2565 veut maintenir la possibilité actuellement offerte à l’assuré de demander à son organisme de prise en charge la saisine du service de contrôle médical aux fins d’examen de sa situation.

En vertu de l’article 27, les assurés sociaux en arrêt maladie se verraient refuser le droit de demander un second examen. De plus, la décision de suspendre le versement des indemnités journalières pourrait dépendre de médecins sensibles aux orientations ou aux pressions patronales.

Il convient de prévenir les abus que pourraient commettre des employeurs désireux d’éviter le versement d’indemnités complémentaires aux assurés sociaux en arrêt maladie en demandant au médecin de poser un diagnostic erroné ou excessivement sévère. Il faut donc réaffirmer la possibilité pour l’assuré social de bénéficier d’un second examen de sa situation.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit qu’un médecin mandaté par l’employeur peut contrôler les arrêts de travail émis par un autre médecin et suspendre le versement des indemnités journalières s’il trouve l’arrêt injustifié. L’amendement AS1443 vise à instaurer un délai minimal permettant à l’assuré de saisir le contrôle médical de l’assurance maladie avant la suspension des indemnités. Le dépôt de la saisine dans ce délai ferait surseoir à la suspension, et ce jusqu’à la décision du contrôle médical. Par ailleurs, il est inacceptable que le médecin contrôleur puisse évaluer a posteriori que l’état de santé de l’assuré ne justifiait pas un arrêt de travail alors même qu’il ne l’avait pas examiné. L’amendement vise également à supprimer cette possibilité.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’amendement AS2564 porte à trente jours le délai à compter duquel prend effet la suspension automatique du versement des indemnités journalières de sécurité sociale sur décision de l’organisme local d’assurance maladie après un contrôle médical effectué par un médecin à la demande de l’employeur. Il faut éviter la suspension abusive du versement des indemnités. Les assurés doivent être en mesure de se retourner et disposer d’un recours. Si l’on estime que le premier médecin s’est trompé ou a abusé de sa position, et si l’on considère que le second médecin a posé, à son tour, un diagnostic erroné, il faut disposer du temps nécessaire pour obtenir un troisième avis. Ce n’est pas à l’assuré d’assumer les conséquences financières d’erreurs médicales.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Nous en avons débattu en fin d’après‑midi. Mon avis demeure défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous vous donnons une nouvelle chance de renoncer à ce funeste projet et d’amoindrir les pouvoirs qui seront conférés au médecin diligenté par l’employeur. Alors que les dispositifs actuels fonctionnent, vous instituez une procédure ahurissante, qui aura des conséquences directes sur les salariés. Ce dispositif me paraît complètement infondé et je ne suis d’ailleurs pas certain qu’il soit stabilisé.

M. Thierry Frappé (RN). Dans le texte, le médecin contrôleur n’invalide pas l’arrêt de travail : il apprécie, au jour du contrôle, si l’état de santé est ou non compatible avec une reprise du travail. Il ne se prononce pas sur les jours précédents.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Si, sa décision est rétroactive !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS1030 de M. Stéphane Viry et AS1707 de Mme Katiana Levavasseur.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS1030 est défendu.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement AS1707 est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS454 de M. Yannick Neuder et AS1169 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’idée qu’un médecin mandaté par l’employeur puisse contrôler les arrêts de travail nous paraît particulièrement violente pour les personnes atteintes d’une affection de longue durée (ALD) ou d’une maladie chronique, et pour ceux qui présentent des facteurs de risque ou qui subissent une perte d’autonomie. En effet, leur employeur pourrait instrumentaliser la loi et procéder à des contrôles à tout-va. Nous souhaitons donc que des maladies comme le cancer – qui sont souvent cachées par peur du licenciement ou de la mise au placard – soient écartées du dispositif.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Ce sujet mériterait un minimum d’explications, madame la rapporteure générale. Une maladie de longue durée, un cancer, une endométriose, pour ne citer que ces exemples, rendent nécessaires des arrêts de travail réguliers, qui peuvent ne pas être compris par l’employeur. Ce dernier pourrait faire des demandes récurrentes de contrôle et solliciter une suspension des indemnités journalières si, à la date du contrôle, les douleurs ou les effets secondaires – d’une chimiothérapie par exemple – n’étaient pas discernables.

Mme la rapporteure générale. Ce n’est pas l’employeur qui va contrôler la personne mais un médecin indépendant, agréé par le conseil de l’ordre, qui sait pertinemment ce qu’est une ALD et la prend évidemment en compte au moment de donner son avis. Si je n’ai pas été plus explicite, c’est que nous avons déjà eu ce débat cet après-midi.

L’amendement AS454 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS1169.

Amendements AS1887 de M. Paul-André Colombani et AS1031 de M. Stéphane Viry (discussion commune)

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il s’agit de revenir sur la possibilité de déléguer l’exercice du contrôle médical aux membres de certaines professions médicales ou paramédicales. Il n’est pas concevable qu’un arrêt de travail puisse être suspendu sur la base d’un rapport, aussi fondé soit-il, ou d’une conversation téléphonique sans que le patient soit examiné par un médecin. En procédant de la sorte, on pourrait mettre le patient en danger dans l’exercice de sa profession.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS1031 est défendu.

Mme la rapporteure générale. Il s’agit d’une délégation de tâches qui s’inscrit dans le cadre d’une relation étroite entre le médecin de la sécurité sociale et l’infirmière. Je ne vois pas ce qui justifie votre inquiétude.

Avis défavorable.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il s’agit aussi du rapport réalisé dans le cadre du contrôle. Par exemple, lorsqu’on se fracture un poignet, on peut reprendre le travail, statistiquement, au bout de quarante-cinq à soixante jours. Le médecin-conseil considère que, si l’on a doublé ce temps de repos, le poignet est nécessairement consolidé. Mais ce n’est pas vrai pour tout le monde : chacun récupère différemment, et tout dépend de la profession exercée. Ce qui n’est pas grave pour un informaticien peut mettre la vie en danger d’un conducteur d’engin de chantier ou de bus.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1104 de M. Arthur Delaporte

M. Joël Aviragnet (SOC). Les indemnités journalières de l’assurance maladie ne sont ouvertes qu’à la condition d’avoir cotisé au moins 1 015 fois le Smic horaire au cours des six mois précédents ou d’avoir travaillé au moins 150 heures au cours des trois derniers mois. La pertinence de ce seuil devant être évaluée, nous demandons, par cet amendement, un rapport sur le sujet.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je voudrais revenir sur le caractère injuste et inefficace de ce que vous proposez. Injuste car les personnes concernées sont, pour beaucoup d’entre elles, malades à cause de leur travail. Pendant la période de versement des indemnités journalières, elles vont vivre avec l’inquiétude qu’on les leur reprenne a posteriori. Et inefficace car vous n’avez pas recherché les causes du mal-travail, les raisons pour lesquelles l’organisation du travail en France produit du mal-être et des troubles psychiques. Les troubles psychiques d’origine professionnelle ont été multipliés par six au cours des dix dernières années. Nous seulement on ne les considère pas comme une maladie professionnelle, mais on va sanctionner les gens !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 27 non modifié.

 

Article 28
Limitation de la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation et limitation de la prise en charge des prescriptions aux téléconsultations avec vidéotransmission ou échange téléphonique

Amendements de suppression AS115 de M. Sébastien Peytavie, AS168 de M. Jérôme Guedj, AS936 de M. Pierre Dharréville, AS1495 de M. Laurent Panifous et AS2568 de Mme Ségolène Amiot

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous proposons de supprimer cet article, qui limite à trois jours l’arrêt de travail prescrit ou renouvelé par le biais de la télémédecine. Pour de nombreux salariés, l’arrêt de travail est parfois la seule porte de sortie face à une situation de détresse. Dans aucun des textes que nous avons examinés récemment, en particulier ceux relatifs à l’assurance chômage et aux retraites, la question de la qualité de vie au travail n’a pu être discutée. Si la prescription d’arrêts maladie est en hausse, cela traduit un profond mal-être au travail. Le Gouvernement y répond par l’augmentation de la durée du travail pour toutes et tous.

M. Elie Califer (SOC). Cet article réduit les dépenses liées au versement des indemnités journalières sans qu’on se soit aucunement interrogé sur les causes de la croissance continue des arrêts de travail. On connaît pourtant l’existence de raisons liées à l’organisation du travail, à la souffrance au travail, à la pénibilité... Cette logique de la privation de l’accès aux soins et du versement des indemnités laissera de côté les 6 millions de Français qui n’ont pas de médecin traitant. Dans certaines zones sous-denses, le salarié n’aura d’autre recours que la télémédecine. Par l’amendement AS168, nous nous opposons à la réalisation de ces économies, de l’ordre de 100 millions d’euros, espérées par l’État.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). On a eu droit, il y a quelques jours, à la réforme « France Turbin ». Cet après-midi, vous nous avez expliqué qu’il fallait augmenter le nombre d’heures supplémentaires. À présent, par cet article, il s’agit de demander aux gens malades d’aller travailler quand même. Cette disposition, qui s’inscrit dans le droit fil de l’article que nous venons d’examiner, constitue une remise en cause de l’arrêt de travail en tant que tel. Elle repose sur l’argument erroné selon lequel l’augmentation des dépenses d’indemnités journalières proviendrait principalement de l’abus des patients.

Le Gouvernement prône la télémédecine, dans laquelle il voit un palliatif à la désertification médicale. Cela ne l’empêche pas de pénaliser les patients qui, n’ayant parfois pas d’autre choix, y ont recours pour faire reconnaître leur état de santé. Bien que je ne considère pas du tout la téléconsultation comme un outil ordinaire, je regrette cette mesure. Il faut retrouver le moyen d’assurer un suivi du patient par un médecin, ce que ne permettent pas nécessairement les plateformes, même si la téléconsultation peut aussi être pratiquée par le médecin traitant.

La disposition encadrant les prescriptions délivrées en téléconsultation ou en télésoin peut paraître louable, mais elle démontre surtout la nécessité d’encadrer les dispositifs de téléconsultation eux-mêmes, qui sont proposés par de nombreuses plateformes marchandes.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement AS1495 est défendu.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). La hausse du recours aux arrêts maladie est liée à la dégradation des conditions de travail et notamment aux risques psychosociaux pesant de manière croissante sur les salariés. Après avoir favorisé et encouragé la pratique de la téléconsultation, à laquelle nous nous étions opposés, le Gouvernement fait maintenant planer une suspicion de fraude au-dessus des patients, qui peinent à trouver un médecin disponible, ainsi que des médecins, accusés de complaisance – sauf lorsqu’il s’agit de policiers.

La limitation des arrêts maladie non seulement cède à la pensée de court terme, mais surtout fait fausse route. Elle inciterait en effet nos concitoyens à renoncer à leur droit à une prise en charge convenable, dans des délais raisonnables, et les conduirait à travailler malgré leur état de santé. Elle pousserait au présentéisme les salariés malades, favorisant la transmission des maladies et l’aggravation des pathologies. En définitive, cette mesure est mauvaise pour la santé individuelle, mais aussi la santé publique et les finances de la sécurité sociale.

En se focalisant sur la prescription d’arrêts de travail en téléconsultation, cet article ignore la situation de pénurie générale d’offre de soins. Il ne tient pas compte du fait que 11 % de nos compatriotes n’ont pas de médecin traitant – soit plus de 6 millions de Français –, que le nombre de médecins généralistes recule de 1 % par an depuis 2017 et qu’il n’y a pas de perspective d’amélioration de la densité médicale d’ici à 2033 – cette dernière est d’ailleurs en baisse dans 75 % des départements. Dans ce contexte, il est inenvisageable que chaque salarié puisse avoir accès à un rendez-vous physique avec un médecin dans un délai de trois jours – et même de deux jours pour le renouvellement d’un arrêt maladie, lequel doit être prescrit la veille.

Mme la rapporteure générale. Vous entendez ramener le débat vers l’article précédent, mais la problématique soulevée par l’article 28 est quelque peu différente. Rappelons d’abord que les téléconsultations représentent moins de 4 % du total des consultations. Par ailleurs, les auditions que nous avons conduites, avec Pierre Dharréville, dans le cadre de la mission « flash » sur les téléconsultations sur abonnement ont montré que la majorité des plateformes limitaient les arrêts maladie à trois jours : le stock d’actes concernés est donc limité. Enfin, l’article précise que, s’il est impossible de consulter un médecin ou si c’est le médecin traitant qui a demandé une téléconsultation, l’arrêt de travail peut être plus long. Bref, la limitation prévue par l’article ne s’appliquera que dans quelques cas. Il me semble logique que nous continuions à définir des règles encadrant les téléconsultations, comme beaucoup, parmi vous, l’avaient demandé.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). On ne comprend pas très bien votre objectif. Si le problème est minime, pourquoi nous proposer cet article ? Pour la morale ? Sincèrement, dans la période d’inflation que nous connaissons, je doute qu’une mesure répressive qui affecte la vie des Français puisse être morale. Le faites-vous pour agir contre la fraude, et donc réaliser des économies – puisque tel est, au fond, le sens de ce PLFSS ? Mais alors, pourquoi ne vous occupez-vous pas d’autres fraudes, comme la fraude fiscale, qui rapporteraient beaucoup plus ?

Cet article incompréhensible va pénaliser largement les 6 millions de Français – 11 % de la population – qui n’ont pas de médecin traitant, alors même que le nombre de médecins généralistes et de médecins du travail recule et que la densité médicale connaît une baisse dans 75 % des départements.

M. Nicolas Turquois (Dem). Pour faire œuvre utile, nous devons garder notre objectivité. Je regrette que l’on ait évoqué les policiers, qui n’ont rien à voir avec le sujet.

Nous devons nous interroger sur notre pratique des arrêts maladie, qui sont en hausse. Les dépenses s’accroissent principalement parce que le Smic augmente, la population active aussi, et parce que les Français travaillent jusqu’à un âge plus avancé. Cela étant, il est des pratiques sur lesquelles il faut se pencher. Il me paraît de bon sens de prévoir une consultation physique au-delà de trois jours d’arrêt maladie. Cela contribuerait à rationaliser les choses. Je m’opposerai à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS347 de M. Jérôme Guedj et AS2436 de M. Sébastien Peytavie

M. Joël Aviragnet (SOC). Je n’ai toujours pas compris comment peut faire une personne qui habite à la campagne et qui n’a plus accès à un médecin pour obtenir un arrêt de travail. À moins d’aller aux urgences ? J’aimerais avoir une réponse précise sur ce point.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Non seulement 11 % des Français n’ont pas de médecin traitant, mais il devient difficile pour l’ensemble de nos compatriotes d’obtenir un rendez-vous médical, comme le montre une enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. À chaque fois ou presque que l’on contacte un médecin, on s’entend dire qu’il ne peut pas accepter de nouveau patient. Même lorsqu’on a un médecin traitant, il faut compter de trois ou six jours pour obtenir un rendez-vous. Cet article va fragiliser les personnes les plus éloignées du système de santé. Quant à celles qui ont un médecin traitant, elles n’arriveront pas à respecter les délais légaux. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 1 et 2.

Mme la rapporteure générale. Il est pourtant clairement inscrit, à l’article 28, que l’impossibilité pour le patient de consulter un médecin pour obtenir une prolongation de l’arrêt de travail constitue une dérogation à la durée maximale de trois jours. Cela devrait vous rassurer.

L’essentiel est que, si un arrêt maladie plus long s’impose, un examen physique ait lieu. C’est indispensable pour protéger nos concitoyens. Je ne dis pas que ce soit facile partout ni pour tout le monde, mais il est souvent possible d’avoir un rendez-vous avec son médecin traitant dans les trois à six jours. Lorsqu’une communauté professionnelle territoriale de santé s’est organisée, on peut en obtenir un en vingt-quatre ou quarante-huit heures.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous savons que des gens sont maltraités au boulot. Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont été liquidés, un quart des sections d’inspection du travail sont privées de titulaire, les salariés français sont nettement plus susceptibles que leurs voisins d’être exposés à des produits toxiques, des charges plus lourdes, des gestes répétitifs. Et pour couronner le tout, la désertification médicale rend les prises de rendez-vous de plus en plus difficiles.

Vous nous dites qu’il suffira de justifier de ce qu’on n’a pas pu consulter un médecin pour bénéficier de la dérogation. Mais comment le patient pourra-t-il prouver techniquement que c’était le cas, après avoir passé une journée à courir après un médecin ?

Mme Laurence Cristol (RE). Les problèmes de démographie médicale ne se posent pas seulement dans la ruralité mais également dans les villes.

Si un arrêt de travail doit être prolongé au-delà de trois jours, c’est que la pathologie dont souffre le patient requiert un examen physique. C’est indispensable pour le protéger.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1992 de M. Olivier Serva

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cette mesure limitative ne doit pas être appliquée dans les territoires ultramarins car la télémédecine y est souvent le dernier rempart au non-recours au soin, comme l’ont bien compris les agences régionales de santé qui, désormais, présentent des programmes régionaux de télémédecine.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Vous nous expliquerez comment les ultramarins se rendront dans un département limitrophe...

Je viens de me connecter sur le site Doctolib. Dans ma commune de Couëron, les prochains rendez-vous disponibles chez un médecin généraliste sont le 2 novembre et le 1er décembre. Les autres médecins font savoir qu’ils ne prennent plus de nouveaux patients. Un rendez-vous est en revanche possible demain ou samedi à la pharmacie, en télémédecine. Sinon, je dois faire 52 kilomètres pour avoir un rendez-vous le 27 octobre. Bref, trouver un médecin dans les cinq jours, c’est impossible.

Mme la rapporteure générale. Mais c’est prévu dans le texte ! La limite est de trois jours sauf en cas d’impossibilité, justifiée par le patient, de consulter un médecin.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS447 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). Si l’on n’entend pas la souffrance de certains territoires, notamment ceux de l’outre-mer, il devrait être possible d’entendre celle des personnes en ALD. Cet amendement vise à les exclure de la limite des trois jours, de même que celles qui sont atteintes d’une maladie chronique, présentent des facteurs de risques ou sont en perte d’autonomie. Alors que, selon un rapport sénatorial, plus d’un Français sur dix n’a pas de médecin traitant, c’est une question de justice.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Encore un rendez-vous supplémentaire pour les personnes en ALD, ou atteintes d’une maladie chronique ! Une démarche en plus pour aller prouver qu’elles sont malades, en pleine période d’inflation. Leur exclusion d’une telle mesure tombe pourtant sous le sens.

Et, encore une fois, comment prouve-t-on, concrètement, qu’on n’a pas pu avoir de rendez-vous ? Y aura-t-il des vérifications, quelqu’un pour dire qu’on a menti ?

M. Nicolas Turquois (Dem). On peut tout de même admettre qu’un dispositif de solidarité soit contrôlé ! Ce sont les travailleurs qui cotisent pour que les malades soient pris en charge, y compris les personnes en ALD, qui sont peu concernées par cette mesure. Je ne comprends pas ce refus de l’idée d’un contrôle.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS788 de M. Jérôme Guedj et AS2437 de M. Sébastien Peytavie

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement AS788 engage le médecin de téléconsultation à orienter le patient vers une consultation en présentiel ou avec son médecin traitant s’il faut prolonger l’arrêt maladie. En effet, je n’ai toujours pas compris comment il sera possible de prouver qu’aucun rendez-vous n’a pu être pris. Je n’ai aucun problème avec les contrôles, c’est une question de faisabilité. Déjà qu’on n’entend parler que du manque de médecins dans les territoires, on ne va pas encore compliquer la vie des gens !

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). En effet, il convient d’offrir une solution à ces patients pour qu’ils puissent bénéficier d’une consultation rapide lorsque leur état de santé le nécessite afin de ne pas être pénalisés par la limitation de la durée des indemnités journalières.

Mme la rapporteure générale. Avis favorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’ai peu de goût pour le développement massif de la téléconsultation, car le moment arrive toujours où une consultation physique s’impose. Si vous, qui avez beaucoup travaillé à son développement, trouvez soudain que ce n’est pas une solution miracle, vous prêchez un convaincu. Sauf que vous ne l’entravez que pour les arrêts de travail ! Je ne peux m’empêcher de faire un lien avec l’article précédent.

Mme la rapporteure générale. La majorité des téléconsultations se font dans les métropoles, ce qui justifie un certain contrôle des arrêts maladie.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1853 de M. Jiovanny William

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il convient de soustraire d’office du champ d’application de cette mesure les patients les plus fragilisés dans leur démarche d’accès aux soins.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous voterons évidemment en faveur de cet amendement.

Je m’inquiète de l’absence de toute réponse à une question déjà posée cinq ou six fois : comment prouver l’impossibilité de consulter physiquement un médecin ? N’avez-vous rien prévu ? Taisez-vous délibérément quelque chose ?

M. Yannick Neuder (LR). Il n’est pas question ici d’ajouter des contraintes à des patients qui ne parviennent pas à trouver de médecin, mais d’éviter des abus bien réels. Certaines personnes, qui ne sont pas forcément malades, font jusqu’à dix téléconsultations pour trouver un médecin qui les mettra en arrêt de travail. Cet article vise à limiter ce type de fraude, qui de surcroît fait perdre du temps aux vrais patients comme aux médecins.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1503 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à étendre la possibilité de prolonger les arrêts maladie prescrits par téléconsultation aux arrêts maladie relatifs à la santé mentale. Le rétablissement, en effet, peut être long et il n’est pas nécessaire de consulter à nouveau systématiquement en présentiel. De plus, des personnes en burn-out ou en dépression peuvent avoir le plus grand mal à sortir de chez elles.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Monsieur Neuder, il est également possible d’accumuler les rendez-vous chez un médecin. Vous pouvez aller voir cent médecins sans que votre carte Vitale soit bloquée, à la différence des téléconsultations. Si un médecin ne répond pas à la demande précise du patient, ce dernier ira en voir d’autres. Il faut répondre à l’urgence qu’il éprouve si tel n’a pas été le cas lors d’une téléconsultation.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

 

Après l’article 28

Amendement AS1373 de M. Frédéric Mathieu

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). François Lescure, ancien président de l’association Les entreprises de télémédecine, ne veut plus que ces entreprises soient perçues comme des « plateformes commerciales alors que nous voulons être reconnus comme des offreurs de soins à part entière ». Nous proposons donc de diversifier l’offre de services de ces entreprises en interdisant la pratique unique de la téléconsultation. En effet, il serait contraire à la déontologie de laisser prospérer des entreprises exclusivement sur la dématérialisation du soin car le soin effectué en téléconsultation est globalement de moins bonne qualité, même s’il apporte parfois une réponse à ceux qui n’ont pas accès à un médecin. De plus, sa prise en charge par des entreprises lucratives engendre des coûts supplémentaires pour le patient et pour notre système de protection sociale.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’en reviens à l’opérationnalité de l’article 28, puisque vous ne nous avez toujours pas donné de réponses. Comment justifier dûment qu’on n’a pas pu avoir un rendez-vous chez un médecin ? Allez-vous mettre les gens sur écoute, consulter leur navigateur web ? Recevront-ils un formulaire envoyé par La Poste, bien après les trois premiers jours d’arrêt de travail ? À moins que vous n’en ayez aucune idée et que vous ayez rédigé cet article sur un coin de table.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS400 de M. Thibault Bazin, AS1582 de M. Thierry Frappé et AS1812 de Mme Joëlle Mélin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS400 est défendu.

M. Thierry Frappé (RN). Mon amendement prévoit, sur les remarques des représentants du site de médecins en ligne Medadom, que pour bénéficier de l’agrément du ministère de la santé, la société de téléconsultation devra se soumettre au processus de certification du référentiel Hébergeur de données de santé (HDS) et aux règles attachées à la norme ISO 27001. Ce socle garantit la confidentialité des données personnelles des utilisateurs et assure une transversalité des services pour une meilleure sécurité de l’information

Mme la rapporteure générale. Ces amendements sont satisfaits : un arrêté sera publié prochainement définissant les obligations techniques auxquelles devront se conformer les plateformes de téléconsultation. La certification HDS en fait partie.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Pour protéger les données de santé, qui sont très sensibles, il conviendrait d’aller au-delà de cette norme et de se diriger directement vers le SecNumCloud. Cet été, deux hôpitaux ont été piratés et Pôle emploi s’est fait voler les données de 10 millions d’allocataires.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS277 de M. Yannick Neuder, AS1496 de Mme Sandrine Rousseau et AS1811 de Mme Joëlle Mélin

M. Yannick Neuder (LR). Il s’agit d’interdire aux entreprises de téléconsultation de facturer aux patients des frais annexes autres que ceux fixés par les tarifs conventionnels. Il existe des systèmes de frais d’accès ou abonnements, souvent pratiqués par des filiales de groupes de santé étrangers.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il faut réguler les tarifs pratiqués par les sociétés de téléconsultation agréées. Alors que les Français constatent la dégradation de notre système de santé et que, faute de médecins, ils sont contraints de prendre des rendez-vous en distanciel, l’existence de frais de téléconsultation constitue une véritable double peine. Les plateformes justifient ces suppléments par le service de mise en relation ou par l’accès à l’outil de téléconsultation. Or ces frais peuvent être un frein pour les patients. Le principe d’accessibilité de la téléconsultation, voire de la prise de rendez-vous au sens large, est en péril. La télémédecine ne doit pas être un moyen de promouvoir un système de santé à deux vitesses, toujours plus profitable, en créant une charge financière pour les patients. Au contraire, elle devrait favoriser la réduction des disparités en matière d’accès aux soins, en particulier pour les populations vulnérables. C’est le sens de l’amendement AS1496.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le public et les professionnels de santé s’inquiètent de la monétisation de la téléconsultation à travers un système d’abonnement. Nous proposons que les plateformes ne puissent pas facturer aux patients des frais annexes autres que ceux fixés par les tarifs conventionnels. De tels frais sont souvent introduits par des filiales de groupes de santé étrangers, qui pourraient avoir une vision différente des enjeux de santé. En conséquence, la télémédecine ne devrait pas contribuer à une segmentation de notre système de santé ni imposer des coûts additionnels aux patients.

Mme la rapporteure générale. Un décret sur l’encadrement de ces dispositions, issu d’une concertation avec l’ensemble du secteur et non un seul opérateur, est en cours de préparation.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Selon les conclusions de l’excellente mission flash Dharréville-Rist, il faut agir vite. Ces amendements le permettent, d’autant que nous sommes globalement d’accord pour constater que des groupes financiarisés mobilisent une partie du temps médical disponible et le facturent dans le cadre de prestations dont la qualité, le volume et l’adéquation avec les pathologies ne sont en rien assurés.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS398 de M. Thibault Bazin, AS1497 de Mme Sandrine Rousseau, AS1581 de M. Thierry Frappé, AS1706 de M. Pierre Dharréville et AS1810 de Mme Joëlle Mélin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS398 est défendu.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Par l’amendement AS1497, nous proposons de réguler l’implantation des cabines de téléconsultation dans les structures commerciales lucratives. La téléconsultation ne doit pas être une activité annexe d’un magasin multi-commerces mais doit être effectuée par une entreprise dont l’objet social consiste en des actes de médecine.

De nombreuses questions se posent, notamment hygiéniques. Si les dispositifs ne sont pas correctement entretenus, ils pourraient être un foyer de germes et de bactéries, exposant les patients à des maladies contagieuses. La question de la confidentialité se pose également puisqu’il n’est pas possible de garantir dans une cabine en libre-service qu’un tiers non autorisé n’écoute ou n’interrompe une téléconsultation.

Il est dès lors essentiel de stabiliser le cadre de régulation de la téléconsultation afin de garantir aux patients une pratique médicale éthique et pertinente.

M. Thierry Frappé (RN). À l’occasion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, la télémédecine a connu un essor inédit et de nouveaux acteurs de téléconsultation sont apparus. On a vu apparaître des dispositifs de connexion – cabines, bornes, mallettes, chariots – sur tout le territoire, y compris dans des locaux commerciaux, des supermarchés et des gares. Ce modèle d’implantation a été dénoncé par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) dans son rapport Charges et produits pour 2024, en raison de l’incompatibilité de cette localisation avec l’exercice de la médecine.

Ces dispositifs posent des questions de sécurité, de salubrité et de confidentialité. Il paraît donc essentiel de stabiliser le cadre de la régulation de la téléconsultation pour garantir aux patients une pratique médicale éthique et pertinente.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous proposons, conformément à une recommandation de la Cnam, d’encadrer la téléconsultation en interdisant l’implantation de bornes et de cabines dans des lieux où elles n’ont rien à faire comme des locaux commerciaux, des supermarchés, des gares ou des aires d’autoroute. On assiste à une marchandisation inquiétante de la téléconsultation, qui va de pair avec une financiarisation de la médecine. Il faut se protéger contre cette tendance et encadrer le développement de la télémédecine par des entreprises qui cherchent avant tout à faire des profits. Agissons avant qu’il ne soit trop tard.

Mme la rapporteure générale. Je suis en complet désaccord avec vos amendements, qui me paraissent assez hypocrites. Vous voulez interdire l’implantation de bornes de téléconsultation dans certains lieux alors qu’on peut déjà faire une téléconsultation à la gare, ou au milieu d’Auchan, depuis son téléphone. Il faut réguler cette pratique, mais pas de cette manière. Pourquoi faudrait-il s’opposer à l’installation, avec des professionnels de santé, de bornes ou de cabines là où elles peuvent être utiles aux gens ? Quelqu’un qui prend le train tous les jours pour aller travailler peut trouver pratique d’utiliser une cabine à la gare ! Je ne vois pas où est le problème. D’ailleurs, encore une fois, c’est possible avec un téléphone. Je comprends que l’on puisse être contre la téléconsultation en elle-même, mais ce n’est pas l’enjeu ici.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vos propos illustrent parfaitement la contradiction que j’ai pointée à propos de l’article précédent : on essaie d’encadrer au maximum les arrêts maladie mais, dans le même temps, on encourage les téléconsultations dans le train.

Il faudrait un minimum de règles, par exemple que les médecins disent systématiquement à leurs patients de se trouver, au moment de la téléconsultation, dans un lieu garantissant la confidentialité de leurs échanges. Et vous, vous allez autoriser des entreprises qui ont des moyens considérables à installer des bornes dans des lieux publics où elles n’ont rien à faire. Ce faisant, vous allez favoriser la transformation de la médecine en produit de consommation. C’est une très mauvaise idée, y compris pour la sécurité sociale.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1109 de Mme Josiane Corneloup

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Vous dites, madame la rapporteure générale, que l’on peut déjà faire une téléconsultation au milieu d’Auchan. Personnellement, cela ne m’est jamais arrivé : quand je fais une téléconsultation, je préfère être chez moi. Mais je pourrais effectivement m’installer à côté des pastèques avec mon téléphone pour le faire. En revanche, installer une cabine et y faire passer les gens à la chaîne, cela peut présenter un risque sanitaire.

Quant à la personne qui fait une téléconsultation pour avoir un arrêt maladie parce qu’elle n’a pas obtenu de rendez-vous chez le médecin, comment va-t-elle prouver qu’elle n’en a pas trouvé ? Vous dites que vous voulez un débat serein, mais il ne peut pas l’être si vous ne répondez pas aux questions que nous ne cessons de vous poser.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Madame la rapporteure générale, vous êtes médecin : vous savez donc que les patients ne s’attendent pas toujours aux questions qu’on va leur poser au cours d’une consultation, et certaines peuvent être très intimes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1570 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). L’article 28 vise à lutter contre les abus d’arrêts de travail, qui sont, il est vrai, facilités par le recours à la téléconsultation. Toutefois, plus de 5 400 000 Français n’ont pas de médecin traitant en raison d’une démographie médicale désastreuse, à laquelle nous ne commencerons à remédier qu’en 2030 au mieux, en raison de la durée de la formation médicale. Le dispositif que nous proposons vise à offrir une solution à ces patients sans médecin traitant qui se font prescrire un arrêt de travail par téléconsultation. Il importe de ne pas les pénaliser alors qu’ils souffrent déjà de la désertification médicale.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Au cours d’une téléconsultation, les patients peuvent se voir poser des questions très intimes. Imaginons une femme qui consulte parce qu’elle a des douleurs pendant les règles : on lui demandera peut-être si elle a aussi des douleurs pendant les rapports sexuels, si ça la brûle quand elle va à la selle ou uriner, si elle a une éruption cutanée ou un rash au niveau du vagin... Souhaitez-vous, quand vous faites vos courses à Auchan, que ces questions vous soient posées et que d’autres puissent les entendre ? Seriez-vous à l’aise pour y répondre dans un tel cadre ? Je ne le pense pas et je ne pense pas que ce soit souhaitable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je voterai cet amendement. Je rappelle qu’une consultation médicale est un moment très particulier, un acte singulier et grave. Pour de la bobologie, on peut sans doute s’adresser à une personne qui donne des conseils en ligne, comme à la pharmacie – où le secret médical n’est pas respecté puisque chacun parle devant tout le monde. Mais on peut aussi avoir des choses importantes à dire. Les personnes que nos amis de gauche aiment à décrire en burn-out permanent, fragilisées, très fatiguées – on se croirait toujours chez Zola quand ils parlent – ont besoin de parler. Et il n’y a rien de pire que d’être déçu quand on n’a pas la réponse qu’on attendait.

Mme la rapporteure générale. J’ai parlé d’Auchan, mais il ne faut pas se focaliser sur cet exemple. Monsieur Dharréville, ne caricaturez pas mes propos. J’ai bien dit qu’il fallait une régulation, mais pas sous cette forme, parce que ce qui est proposé me semble hypocrite. Vous connaissez la situation, nous avons fait cette mission « flash » ensemble. Il y a des décrets, des arrêtés, des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) pour encadrer la téléconsultation.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Notre mission « flash » portait sur un sujet bien précis : les téléconsultations par abonnement. Les téléconsultations en général mériteraient des investigations supplémentaires. Vous dites que nos amendements sont hypocrites, mais je peux vous retourner la critique : vous dites qu’il faut réguler, mais vous ne proposez rien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS210 de M. Thibault Bazin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1127 de M. Yannick Monnet, AS1635 de M. Thibault Bazin et AS2770 de Mme Anne Bergantz

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). À défaut de régulation, on peut au moins essayer de protéger les patients de facturations abusives. Nous proposons de limiter le reste à charge pour les patients qui recourent à la téléconsultation et d’aligner les conditions de facturation sur celles des consultations en présentiel.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS1635 est défendu.

Mme Anne Bergantz (Dem). Une étude de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a montré que près d’un quart des opérateurs de télémédecine contrôlés présentaient des anomalies, telles que des défauts d’information, des pratiques commerciales trompeuses ou des pratiques entre opérateurs susceptibles de contrevenir au droit de la concurrence. Cet amendement vise à garantir que l’accès aux téléconsultations médicales reste financièrement soutenable pour les usagers, en spécifiant que la réalisation d’un acte de télémédecine ne peut donner lieu à la facturation à l’usager de frais supplémentaires, de frais d’accès ou de frais de service.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Dans la loi de financement de l’an dernier, nous avons déjà adopté des mesures de régulation : des décrets, des arrêtés et les recommandations de la HAS vont être publiés très prochainement.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). On a vraiment le sentiment que vous repoussez par principe tout ce qui ne vient pas de vous. Si nous proposons des mesures de régulation, c’est parce qu’il y a des abus. Et vous, vous ne proposez rien !

Mme Anne Bergantz (Dem). Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris, madame la rapporteure générale : des mesures ont été votées l’année dernière mais les décrets ne sont pas encore sortis, c’est bien cela ?

Mme la rapporteure générale. Dans la loi de financement pour 2023, nous avons effectivement voté des mesures de régulation de la téléconsultation. Des concertations ont eu lieu depuis et des décrets encadrant la téléconsultation devraient paraître. La HAS devrait également faire des recommandations.

La commission rejette les amendements.

La réunion est suspendue de vingt-deux heures trente à vingt-deux heures quarante.

Article 29
Réduire l’impact environnemental du secteur des dispositifs médicaux

Amendement AS2441 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps mes quatre amendements relatifs à l’article 29.

Cet article concerne une question qui, bien que fondamentale, est encore très peu abordée, à savoir la transition écologique des établissements de santé. L’enjeu est de taille, puisque les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé représentent plus de 49 millions de tonnes de CO2, soit 8 % de l’empreinte carbone en France. Il n’est évidemment pas question de réduire la quantité ou la qualité des soins proposés, mais le secteur de la santé doit jouer pleinement son rôle pour répondre aux défis environnementaux et énergétiques auxquels nous faisons face. Il y va de sa capacité à maintenir une offre de soins de qualité et à la hauteur des besoins de la population, dans un contexte d’urgence climatique sans précédent.

Il faut accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, dans un contexte d’inflation où les factures énergétiques peuvent peser jusqu’à 10 % du budget d’un établissement. Des mesures d’urgence s’imposent également pour réduire l’empreinte carbone de l’acheminement des médicaments dans les pharmacies. Quand on sait que les grossistes répartiteurs parcourent chaque année 180 millions de kilomètres, ce secteur a lui aussi grandement sa part de responsabilité dans les émissions carbone liées au secteur de la santé.

Nous proposons donc une série de quatre amendements destinés à accélérer la transition écologique dans le secteur de la santé. L’amendement AS2441 propose que les établissements de santé qui participent à l’expérimentation prévue à l’article 29 réalisent une étude de faisabilité sur l’installation de dispositifs visant à réduire leur empreinte carbone, tels que des équipements de protection d’énergies renouvelables. L’amendement AS2440 propose que ces établissements remettent à la fin de l’expérimentation un document mesurant la performance de la gestion des déchets. L’amendement AS2442 propose que le rapport d’expérimentation intègre, plus largement, une réflexion sur les moyens supplémentaires à mettre en œuvre pour réduire significativement l’empreinte carbone des établissements de santé. L’amendement AS2444, enfin, vise à étudier des mesures tendant à réduire la pollution liée à l’acheminement des médicaments en pharmacie, par le biais par exemple d’une obligation pour les grossistes répartiteurs de remettre un bilan carbone annuel ou de fixer un objectif annuel de réduction de l’empreinte carbone.

Mme la rapporteure générale. L’article 29 autorise les établissements de santé à déroger à titre expérimental, pendant deux ans, à l’interdiction de réemployer des dispositifs médicaux à usage unique. Vous proposez dans le présent amendement que les établissements fassent un rapport sur leur transition écologique. Il me semble que ce type de démarche gagnerait à être engagée de manière globale et coordonnée au niveau national. C’est d’ailleurs le sens de la feuille de route pour la planification écologique du système de santé qui a été élaborée sous l’égide du comité de pilotage pour la transition écologique du système de santé par la ministre Firmin Le Bodo.

Les engagements pris à l’occasion du comité de pilotage seront insérés dans une convention de planification écologique dès cet automne, autour de sept axes : bâtiment et maîtrise de l’énergie ; achats durables ; soins écoresponsables ; déchets du secteur ; formation et recherche en transformation écologique ; mobilités durables ; impact environnemental du numérique. Votre amendement étant satisfait, comme les trois suivants, je vous invite à les retirer.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, elle rejette l’amendement AS2440 de M. Sébastien Peytavie.

Amendement AS348 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). Nous demandons que la HAS rende un avis sur la liste des dispositifs médicaux à usage unique qui feront l’objet de l’expérimentation de recyclage. Dans la rédaction actuelle, le Gouvernement pourrait définir seul, par décret, un périmètre très large pour cette expérimentation. Or il est impératif que des experts scientifiques indépendants puissent se prononcer sur cette question.

Mme la rapporteure générale. La consultation de la HAS et, en son sein, de la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts), me semble aller de soi, de même que la concertation avec les établissements de santé et les industriels du secteur, préalablement à l’établissement de la liste.

Votre amendement me semblant satisfait, je vous invite à le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements AS1822 de Mme Laure Lavalette et AS2442 de M. Sébastien Peytavie.

Amendement AS260 de M. Yannick Neuder

M. Yannick Neuder (LR). J’ai adressé plusieurs courriers au ministre de l’environnement et au ministre de la santé au sujet de la réutilisation des dispositifs médicaux, qui sont restés sans réponse. Je me réjouis donc qu’une expérimentation soit prévue. Au-delà de ce que prévoit l’article 29, certaines mesures pourraient être prises par décret puisque l’Union européenne permet déjà aux ministres de la santé des États membres d’autoriser la réutilisation des dispositifs médicaux. Il a été rappelé que le secteur de la santé représente 8 % de l’empreinte carbone en France.

Afin que les industriels puissent s’adapter à ces bonnes dispositions, nous proposons de reporter leur entrée en vigueur. Nous demandons également qu’un décret en Conseil d’État détermine les critères qui seront pris en compte par la Cnedimts pour l’élaboration de son avis. Enfin, il semble important de préciser dans la loi que ces critères doivent garantir que les conditionnements préservent l’intégralité des fonctionnalités et de la sécurité des produits visés.

J’ajoute que l’article 29 pourrait également prévoir la collecte des métaux précieux qui entrent dans la composition de ces dispositifs, comme le platine ou l’or. Ce serait intéressant à la fois d’un point de vue économique et pour l’environnement.

Mme la rapporteure générale. Il faut concilier deux objectifs : que les dispositifs soient bons pour l’environnement et qu’ils soient sûrs pour les patients. L’objectif de cette expérimentation n’est pas de tirer un rendement de la remise prévue, mais d’inciter à des comportements vertueux.

Avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article non seulement a une vertu environnementale, mais nous permettra d’être mieux armés face à une nouvelle pandémie. Pendant la covid-19, les dispositifs médicaux ont été indispensables à toutes les étapes de la fabrication des vaccins – traitement du virus, inactivation, conditionnement, injection. Nous avons alors connu une pénurie de plastique et cet article doit nous éviter de revivre une telle situation.

M. Yannick Neuder (LR). Madame la rapporteure générale, je vous trouve un peu dure, car nos amendements me semblent plutôt aller dans votre sens. Nous avons pris une part importante à l’élaboration de cet article et j’estime que vous auriez au moins pu émettre un avis de sagesse sur cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1784 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur les remises que l’exploitant devra verser en cas d’inscription sur la liste des produits et prestations d’un produit de santé présentant un conditionnement inadapté ou dont l’utilisation est génératrice de déchets de soins supplémentaires ou de gaspillage par rapport à la prise en charge existante. Ce rapport doit notamment permettre d’évaluer la soutenabilité de cette disposition pour les exploitants.

L’article 29 pose la question du renouvellement du marquage CE. La mise sur le marché des dispositifs médicaux s’effectue dans un cadre réglementaire européen. La directive 93/42/CEE décrit les exigences de sécurité et de performances ainsi que les modalités de mise sur le marché qui s’imposent aux fabricants. Le fabricant doit constituer un dossier technique démontrant la qualité et la sécurité du dispositif et apposer le marquage CE sur les produits qu’il certifie après vérification de leur conformité aux exigences de la directive. S’il faut changer le conditionnement, il faudra changer le marquage CE, ce qui risque de prendre des années car on manque d’organismes de certification. Cet encombrement pourrait donc aggraver les pénuries existantes.

Il est demandé aux exploitants de nettoyer, désinfecter et stériliser et de s’assurer des caractéristiques techniques et fonctionnelles du dispositif, de remettre le tout sous emballage et de financer ainsi une toute nouvelle chaîne de retraitement sans contrepartie. Le Gouvernement semble décidé à ramener la France vers la souveraineté industrielle et Emmanuel Macron a présenté le 13 juin un plan de relocalisation pour l’entreprise du médicament. Mais nous devons nous assurer que les remises imposées ne seront pas trop contraignantes et ne dissuaderont pas les industriels qui auraient envie de s’installer en France de le faire.

Mme la rapporteure générale. Le délai de six mois pour la remise de ce rapport est beaucoup trop court. Mais sur le fond, votre demande est satisfaite puisque c’est une expérimentation qui est prévue, qui donnera lieu à une évaluation : on pourra donc s’assurer de l’efficacité du mécanisme des remises.

Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette ensuite l’amendement AS2444 de M. Sébastien Peytavie.

 

Puis elle adopte l’article 29 non modifié.

 

Article 30
Inciter au recours aux transports partagés

Amendements de suppression AS169 de M. Jérôme Guedj, AS938 de M. Pierre Dharréville, AS1583 de M. Thierry Frappé, AS1830 de Mme Laure Lavalette et AS2756 de Mme Joëlle Mélin

M. Joël Aviragnet (SOC). Il est peu probable que l’introduction d’un malus sur le remboursement des frais de transport sanitaire dans le cas où le patient aura refusé un transport partagé produise les économies escomptées. Pour que deux personnes aient besoin d’une ambulance au même moment et au même endroit, il faut une forte concentration de population. En tout cas, c’est très improbable à la campagne. Et il me semble que lorsque c’est possible, cela se fait déjà.

Si vous voulez faire des économies, nous avons des idées à vous soumettre, comme l’introduction d’une CSG progressive ou l’abrogation des exonérations de cotisations, qui pèsent 18 milliards d’euros sur la seule branche maladie.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement relaie les préoccupations formulées notamment par France Assos Santé. C’est toujours la même histoire ; c’est toujours aux mêmes qu’on demande de faire des efforts et à qui on fait payer les difficultés de la sécurité sociale, parce qu’on ne s’est pas donné les moyens de la financer correctement. Avec cet article, vous voulez ajouter des soucis à des gens qui ont déjà des problèmes de santé. Avant de décider d’une telle mesure, qui est tout de même très contraignante et qui peut être pénalisante, il paraîtrait plus utile de réformer l’offre de transport sanitaire, en réduisant les inégalités territoriales et en se penchant sur son financement et sur les situations de monopole. C’est sans doute un sujet auquel il faut réfléchir, mais je ne crois pas que vous le preniez par le bon bout.

M. Thierry Frappé (RN). Nous demandons la suppression de l’article 30 parce qu’il risque de remettre en cause le secret professionnel. Bien que les entreprises de transport sanitaire et les entreprises de taxis conventionnés soient tenues de le respecter, elles auront du mal à le faire si elles transportent plusieurs patients dans le même véhicule.

Mme Laure Lavalette (RN). Je crains qu’une fois encore les patients malades ou handicapés ne subissent les choix idéologiques d’un gouvernement qui cherche à faire des économies sur leur dos. Vous ne cherchez pas à inciter les patients à prendre des transports partagés mais à les punir s’ils ne choisissent pas d’y recourir, en laissant à leur charge la différence avec le coût du transport individuel, sans possibilité de remboursement par les assurances complémentaires. Les associations que nous avons auditionnées nous ont toutes dit qu’elles souhaitaient continuer de bénéficier d’un transport individuel. Ce transport partagé peut aggraver le non-recours aux soins, en allongeant les temps de trajet, notamment dans les déserts médicaux, et en créant de nombreux retards. Comme le disait Joël Aviragnet, ce sera également très compliqué dans les zones rurales.

Qui plus est, cela met à mal la vie privée du patient. Si les transports partagés ont vocation à récupérer plusieurs patients dans une même zone, vous serez peut-être avec votre voisin avec lequel vous n’avez pas du tout envie de parler du rash vaginal dont il a été question tout à l’heure. De nombreuses familles et associations nous ont aussi fait part de leurs craintes quant à certains patients souffrant de maladies neurodégénératives, comme celle d’Huntington, qui cause une forte anxiété.

Tout cela ressemble bien à l’ubérisation de la société dont vous avez envie. Nous disons non à cet Uber Pool de la santé.

Mme Joëlle Mélin (RN). La répétition est l’arme de la politique, alors je le redis : cette mesure est d’abord une atteinte sanitaire. Dès lors qu’il y a des maladies infectieuses avec des temps d’incubation, il est dangereux d’être dans un lieu clos – peut-être que le chauffeur sera protégé, mais pas les personnes à l’arrière. C’est aussi une façon de bafouer le secret professionnel – la seconde personne n’a pas besoin de savoir où la première a été déposée. Il sera impossible de respecter les horaires. Il y aura un surcroît de pénibilité pour des personnes âgées, fatiguées ou qui vont subir des soins lourds comme des radiothérapies. Enfin, ce n’est que la sacralisation, l’institutionnalisation de ce qui était jusqu’alors une pratique frauduleuse. Il est tout de même extraordinaire que ce qui était hier la fraude et qui a été pointé du doigt par la Cour des comptes devienne la règle. C’est vraiment l’exemple typique de la très mauvaise idée.

Mme la rapporteure générale. Je ne comprends pas ces amendements de suppression. Le premier objectif est de réduire l’impact environnemental des transports sanitaires. Ensuite, il est bien spécifié qu’il s’agit d’une incitation. Pour les malades dont vous parlez, madame Lavalette, il n’y aura évidemment pas d’obligation, puisque cela dépend d’une prescription : je remplis des bons de transport tous les lundis matin, il y a une case pour préciser si le transport peut être partagé ou non.

Il y a des patients qui demandent à prendre des transports partagés. J’ai fait un bon à un couple de patients pour aller de la même maison au même hôpital à la même heure, et le transporteur a décidé de faire deux trajets ! Il y a aussi des patients qui ont des rendez-vous itératifs, pour des dialyses ou des séances de rééducation. Quand vous allez dans un centre de rééducation pour votre genou, c’est parfois plus agréable d’être en covoiturage et je n’y vois pas de risque infectieux grave.

Certes, cela permet aussi une maîtrise des coûts, les transports représentant une dépense importante pour la sécurité sociale. Cela améliore aussi la réponse aux besoins de transport, puisque beaucoup de territoires en manquent. Il n’y a pas de raison de ne pas avoir envie de cet article.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Vous savez bien qu’un certain nombre de patients n’ont pas de médecin traitant. Bien souvent, la relation qui lie le médecin au patient n’existe pas. Encore, si vous en faisiez une option ! Mais non, vous sanctionnez. Cette disposition en dit long sur votre vision de la santé, complètement déshumanisée. La question du transport est fondamentale dans l’accès aux soins. Il y a des patients en ALD qui demandent à avoir toujours le même transporteur parce qu’une relation de confiance s’est établie. Il faut le prendre en compte !

M. Jean-François Rousset (RE). À mon sens, c’est plutôt une vision humanisée. Je connais plein de gens qui ont envie de faire du covoiturage, y compris pour aller en consultation. Dans mon territoire très rural, les ambulanciers ont du mal à recruter et trouvent ridicule d’être obligés d’envoyer deux chauffeurs et deux voitures au même endroit à la même heure. On peut prendre le problème à l’envers et contredire tous les arguments mais pour moi, cela va dans le bon sens. Plus les gens partagent leur vie, mieux la société se porte.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1584 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à favoriser le transport partagé, mais à condition qu’il reste optionnel. Si un patient est volontaire pour y recourir, il verra ses frais de transport pris en charge après application d’un coefficient de minoration du prix.

Mme la rapporteure générale. Cet article est l’occasion de redire que les transports ne sont pas un droit dans tous les cas. La sécurité sociale est une responsabilité collective et chacun doit œuvrer à préserver nos droits. Lors des consultations, certains demandent avec insistance des bons de transport alors qu’ils n’habitent pas loin ou sont tout à fait capables de rentrer par eux-mêmes. Si l’on veut continuer à bénéficier de transports remboursés par la sécurité sociale, il faut les réserver à ceux qui en ont besoin.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Beaucoup de gens savent que ce n’est pas un droit, dans la mesure où ils n’y ont pas accès. Je suis favorable à ce que l’on essaie d’encourager ce type de démarche. L’exemple du couple que vous avez cité relevait du bon sens. La logique voudrait que cela se passe comme vous l’avez dit. Mais le problème, c’est que vous le prenez immédiatement sous l’angle de la sanction.

Mme Laurence Cristol (RE). Tous les lundis, tous les vendredis, je fais aussi des bons de transport. Nous pouvons être fiers de notre système de protection sociale, qui permet à tout un chacun, handicapé, invalide, loin des centres hospitaliers, de bénéficier d’un transport sanitaire. Pour le préserver, il faut continuer à le structurer et à l’encadrer. Je rappelle que le bon de transport est une prescription médicale : le médecin évalue si la personne a besoin d’un transport allongé, assis, partagé ou autre. Cette prescription est en accord avec l’état du patient. Il est évidemment précisé qu’on ne recourra pas au transport partagé pour les personnes en longue maladie ou pour qui ce n’est pas adapté. L’article protège le patient.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS848 de Mme Sandrine Rousseau

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement prévoit que le transport partagé ne puisse rallonger le temps de trajet de plus de 45 minutes. Le risque de votre disposition est de créer des services publics de santé à deux vitesses entre ceux qui ont les moyens d’avancer les frais de transport et seront chez eux dans un temps respectable et ceux qui ne l’ont pas et devront subir un temps de trajet déraisonnable.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Exceptionnellement, je ne serai pas en accord avec mon collègue. Ayant été au siècle dernier chauffeure-ambulancière, je sais que les transporteurs sont parfois détournés vers un accident de la voie publique et que le patient doit hélas attendre après sa consultation, et même longtemps. De ce point de vue, l’amendement poserait problème. Quand on explique à nos patients en chimiothérapie ou en dialyse que l’on a eu une urgence vitale avant eux, ils ne nous en veulent pas. D’ailleurs, ils ne sont pas forcément opposés à l’idée d’être deux ou trois dans la voiture : j’ai connu des copines de dialyse, de chimio ou de radiologie qui voulaient absolument être ensemble ! Parfois, on fait même des détours pour les ramener chez elles après le café...

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS789 de M. Jérôme Guedj, AS939 de M. Yannick Monnet, AS1636 de M. Thibault Bazin et AS2455 de M. Sébastien Peytavie

M. Elie Califer (SOC). L’amendement AS789 de repli, travaillé avec APF France handicap, vise à exclure des pénalités les personnes à risque de développer des formes graves de covid et à préciser les conditions de confort, d’hygiène et de durée de trajet requises pour le bon déroulement du transport partagé. Les personnes qui sont atteintes de covid ont déjà une première sanction, pourquoi une seconde ? C’est une question de sensibilité. Il faut penser aux personnes. Les personnes fragiles préfèrent voyager seules. Ma mère, âgée, préférait un certain chauffeur, sans quoi elle ne bougeait pas de la maison. Il faut entendre cela et donner une petite souplesse.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Votre article s’inscrit dans la suite logique de la culpabilisation du patient. On dit aux gens que c’est de leur faute s’il y a un trou de la sécu et qu’ils doivent faire des efforts. Mais ce que vous oubliez, c’est que beaucoup de gens ne prennent pas de véhicule sanitaire léger (VSL) à cause d’une forme de stigmatisation. Beaucoup préfèrent se rendre à leurs soins en voiture personnelle parce que prendre un VSL, c’est dire qu’ils sont malades. Vouloir faire des économies sur ce sujet est affligeant. Le jour où l’on n’aura plus à se préoccuper que de ce problème, c’est que la sécurité sociale ira bien ! On se croirait revenu au temps d’une droite dure, avec des textes déshumanisés. C’est vraiment un mauvais état d’esprit.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS1636 est défendu.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il faut mettre des garde-fous. Il est évident que des personnes avec des maladies chroniques ou en situation de handicap doivent être exclues du dispositif. Il y a des fragilités à prendre en considération, à commencer par le risque de développer une forme grave du covid.

Mme la rapporteure générale. Les garde-fous existent, puisque le bon de transport est rédigé par le médecin. Monsieur Califer, le médecin de votre maman ne l’aurait pas forcée à prendre un transport partagé. Mais en consultation, j’ai aussi des patients qui refusent le transport partagé par principe, parce que c’est un droit – et c’est très régulier. La décision appartient au médecin, qui ne va certainement pas prescrire un transport partagé à un malade à fort risque covid.

Avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Malheureusement, les médecins méconnaissent souvent les risques liés au handicap – les préjugés fonctionnent dans les deux sens. C’est pourquoi il nous semble utile d’apporter ces précisions à l’article.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je répète que les bons de transport sont des prescriptions des médecins. Faisons-leur confiance. Ils tiennent évidemment compte de l’état de santé des patients.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS349 de M. Jérôme Guedj

M. Joël Aviragnet (SOC). C’est un amendement de repli visant à informer le patient qu’un reste à charge lui sera imposé en cas de refus du transport partagé. C’est un minimum, pour que la personne puisse éventuellement revenir sur son choix.

Mme la rapporteure générale. Demande de retrait ou avis défavorable, car dans les faits, votre amendement est satisfait.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Vous légiférez comme si chaque patient avait un médecin traitant avec lequel il entretenait une relation de confiance. Mais ce n’est plus le cas. Dans ma circonscription, 8 000 personnes n’ont pas de médecin traitant. Il leur faudra passer par des téléconsultations, au cours desquelles cette question ne sera pas traitée correctement.

M. Nicolas Turquois (Dem). Jusqu’alors, c’est plutôt le transport individuel qui était privilégié. Qu’il y ait une information pour que les gens s’approprient ce nouveau principe aurait du sens. Il y a peut-être une raison technique qui ne permet pas d’adopter l’amendement, mais il pourrait être utile, ne serait-ce que pour que les gens se rendent compte que ces transports ont un coût pour la sécurité sociale. Cela favoriserait peut-être le développement du transport partagé.

Mme la rapporteure générale. Ce point ne relève pas de la loi mais du règlement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 30 non modifié.

Après l’article 30

Amendements AS2459 de M. Sébastien Peytavie et AS251 de M. Max Mathiasin (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le refus des transporteurs de respecter leur mission d’accompagnement des patients pour lesquels les trajets sont directement pris en charge par la sécurité sociale porte atteinte à l’accès aux soins des personnes malades et en situation de handicap. Face à cette injustice grave, le groupe Écologiste rappelle que l’article L. 1110‑1 du code de la santé publique garantit l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé. L’article L. 1110‑3 précise quant à lui qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins.

Les transporteurs, taxis ou VSL invoquent de leur côté des difficultés liées au manque de personnel ou de moyens qui les obligent à prioriser certaines demandes. Ce tri des patients selon leur pathologie est insupportable. Le recours au transport sanitaire prescrit par un médecin et pris en charge par la sécurité sociale est un droit. La logique de rentabilité ne peut prévaloir sur l’accès aux soins.

M. Elie Califer (SOC). L’amendement AS251 veut répondre à un problème qui se pose depuis plusieurs années dans le transport des personnes à mobilité réduite. Actuellement, du fait des contraintes propres à nos territoires ultramarins, les entreprises de transport de personnes à mobilité réduite sont autorisées à transporter des personnes malades, blessées ou handicapées à la place d’un transporteur sanitaire. Nous souhaitons que ces conditions d’activité soient pérennisées sous leur forme actuelle, ces sociétés n’ayant pas les moyens d’investir dans des ambulances.

Mme la rapporteure générale. Je demanderai le retrait des amendements sur les expérimentations concernant les transports sanitaires. L’avenant 11 à la convention nationale des transporteurs sanitaires a été signé en avril dernier et comporte des mesures qui permettront d’améliorer la réponse aux besoins des patients.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Bonne nouvelle, nos débats sont suivis ! Je viens de recevoir trois messages pour alerter sur le fait que les aidants rencontrent de plus en plus de difficultés pour accompagner leur proche dans les transports sanitaires. Nous pourrions travailler ensemble à un amendement pour la seconde lecture. Trois messages ce soir, cela montre qu’il y a un vrai problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS250 de M. Max Mathiasin

M. Elie Califer (SOC). L’amendement vise, à titre expérimental, à prévoir un cadre juridique propre aux entreprises de transport de personnes à mobilité réduite de la Guadeloupe et le remboursement des frais de transport aux usagers. La reconnaissance dans la loi de la situation du système de transport sanitaire de la Guadeloupe n’entraînerait aucune remise en cause de la position des sociétés d’ambulance ou de taxis, tout en répondant de manière sécurisée et pérenne aux besoins de la population. Un grand nombre de sociétés de transport de personnes à mobilité réduite souhaiteraient pouvoir poursuivre leur activité sous un régime juridique propre, adapté à la structuration du système sanitaire en Guadeloupe. Nous devons prendre en compte la réalité des territoires.

Mme la rapporteure générale. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Chapitre III – Garantir et sécuriser l’accès des Français aux médicaments du quotidien et aux produits de santé innovants

Article 31
Rénovation du modèle de financement de l’Établissement français du sang

Amendement AS1442 de M. Jérôme Guedj

M. Joël Aviragnet (SOC). C’est une demande de rapport qui porte sur l’opportunité de sortir l’Établissement français du sang d’un financement assuré par le biais du sous-objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie intitulé « Autres prises en charge ». À la place, il y aurait un article dédié du PLFSS de l’année, comportant les prévisions de recettes et de dépenses. Les parlementaires seraient ainsi mieux informés et pourraient proposer des amendements.

Mme la rapporteure générale. L’article permet de transformer le financement de l’Établissement français du sang, dont le président a souvent été auditionné dans notre commission. Vous connaissez leurs attentes. C’est un amendement positif pour eux. Nous pourrons l’évaluer lors du Printemps de l’évaluation.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 31 non modifié.

 

Article 32
Préparations officinales spéciales en cas de pénuries

Amendement AS2460 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’hiver dernier a été marqué par des tensions inédites d’approvisionnement en amoxicilline et en paracétamol, notamment s’agissant des formes pédiatriques de ces médicaments essentiels. Au printemps, des tensions sur les pilules abortives sont apparues. Je ne prolonge pas l’énumération.

Avec cet amendement, notre groupe appelle à entamer au plus vite une réflexion sur la création d’un pôle public du médicament pour mettre fin à la gestion privée du marché du médicament. Il s’agit de réorienter notre politique vers un objectif : garantir notre souveraineté sanitaire, afin d’assurer l’accès aux soins pour tous.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Notre groupe votera bien entendu en faveur de cet amendement. Il est proposé de créer un pôle public du médicament pour assurer leur production sur notre territoire et faire face à la situation persistante de pénurie, sur laquelle on n’avance pas. Pourriez-vous détailler les arguments qui vous conduisent à vous y opposer ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 32 non modifié.

 

Article 33
Renforcer les leviers d’épargne de médicaments en cas de rupture d’approvisionnement

Amendement de suppression AS170 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). Nous demandons la suppression de cet article car il ne faut pas faire faire peser la responsabilité des ruptures d’approvisionnement sur les pharmacies – et in fine sur les patients – alors que ce sont les entreprises pharmaceutiques qui en sont à l’origine. Il convient d’imposer des contraintes sévères à ces entreprises pour qu’il n’y ait pas de ruptures d’approvisionnement.

Mme la rapporteure générale. Cet article prévoit des mesures nouvelles pour faire face aux pénuries de médicaments et il convient plutôt de le soutenir. Parmi les mesures proposées figure notamment la délivrance des médicaments à l’unité en cas de pénurie. Je ne vois pas en quoi ces dispositions mettraient les patients en difficulté. Il s’agit au contraire de garantir l’accès aux médicaments.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). En réalité, les pénuries s’aggravent et vous êtes conduits à prendre des mesures qui posent problème, car elles reposent sur des contraintes nouvelles pour les patients.

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française publié en juillet dernier formule un certain nombre de propositions. J’espère que certaines d’entre elles seront reprises. Je ne sais pas si la création d’un pôle public du médicament en fait partie, mais la situation actuelle de pénurie nous impose de faire quelque chose.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis un peu surpris qu’on veuille supprimer cet article de bon sens. Il est évidemment nécessaire de créer les conditions qui nous permettent de ne plus être confrontés à des pénuries de médicaments. Cela passe par la réimplantation d’usines en France et par la constitution de stocks. Tout cela relève d’une politique de long terme. Mais, dans le cas où nous devrions malgré tout faire face à une pénurie, il faut pouvoir s’organiser en conséquence – ce qui peut par exemple conduire le pharmacien à couper une plaquette de médicaments pour satisfaire deux patients plutôt qu’un.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS48 de M. Yannick Neuder et AS804 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit de tenir compte, selon une recommandation de la Fédération hospitalière de France, des différences qui existent entre les pharmacies d’officine et les pharmacies à usage intérieur (PUI) dans un contexte de pénurie. Si les premières ne disposent que de stocks limités, compte tenu de leurs délais d’approvisionnement, de leur répartition sur le territoire et de leurs modalités de dispensation, les PUI sont pour leur part tenues de sécuriser la dispensation des produits de santé pour des patients dont les pathologies sont plus lourdes, avec des prescriptions plus diverses et des délais d’approvisionnement plus longs.

Mme la rapporteure générale. Pour revenir sur la discussion précédente, la proposition de créer un pôle public du médicament figurait bien dans le rapport de la commission d’enquête du Sénat, monsieur Dharréville, et dans d’autres.

Les amendements identiques sont satisfaits, puisque l’article prévoit un décret en Conseil d’État qui permettra de tenir compte des différences entre les PUI et les officines.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Cet article comporte des aspects intéressants en matière de lutte contre le gaspillage ou contre la résistance aux antibiotiques, par exemple si ces derniers ne sont délivrés qu’après un test rapide d’orientation diagnostique (Trod). Mais je m’interroge sur ce qui a été envisagé concrètement si les médicaments ne sont plus remis au patient en boîte. Qu’en est-il de la traçabilité, et qu’est-il prévu pour les notices d’utilisation ? Cela devient une sacrée usine à gaz pour les pharmaciens, à qui l’on en demande de plus en plus. Ils n’y sont d’ailleurs pas forcément opposés, mais comment tout cela va-t-il être organisé ?

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS898 de Mme Josiane Corneloup et AS1564 de M. Thierry Frappé

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS898 est défendu.

M. Thierry Frappé (RN). Je retire mon amendement.

Mme la rapporteure générale. L’amendement vise à supprimer la délivrance à l’unité, qui pourra être rendue obligatoire par un arrêté du ministre, en cas de pénurie et pour certains médicaments.

La délivrance à l’unité existe déjà. Je reconnais que cette mesure complexifiera les choses pour les pharmaciens, mais elle n’est prévue qu’en cas de pénurie et est absolument nécessaire pour garantir l’accès aux médicaments.

Avis défavorable.

L’amendement AS1564 étant retiré, la commission rejette l’amendement AS898.

Amendements identiques AS350 de M. Jérôme Guedj et AS2462 de M. Sébastien Peytavie

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement AS350 est défendu.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous nous opposons à la faculté d’interdire la prescription par un acte de télémédecine de certains médicaments en situation de pénurie. Cette disposition nuit directement aux personnes qui sont privées d’un accès rapide à un médecin en présentiel, alors qu’elles ne sont nullement responsables de la pénurie de médicaments. Cela pose assurément un problème quand on sait 30 % de la population vit dans un désert médical et que 6 700 000 personnes n’ont pas de médecin traitant.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Certains traitements sont tout de même une question de survie. Or la liste des médicaments concernés est longue comme le bras. En tant que membre du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), je suis en permanence la liste des médicaments en pénurie : beaucoup d’entre eux sont vitaux et le fait qu’ils soient ou non prescrits à distance n’y change rien.

J’ai du mal à comprendre l’intérêt de cette mesure. On ne peut pas savoir à l’avance quels sont les médicaments qui manqueront. Si c’est celui qui vous sauve la vie, il ne pourra plus être prescrit à l’occasion d’une téléconsultation ? Je ne vois pas le lien.

Et, encore une fois : qu’en est-il des notices et de la traçabilité des médicaments en cas de délivrance à l’unité ?

Mme la rapporteure générale. On sait que les antibiotiques sont davantage prescrits en l’absence de Trod. Or ce test ne peut pas être réalisé dans le cas d’une téléconsultation. La mesure est donc destinée à faire face aux pénuries d’antibiotiques, comme le précisent bien les annexes du projet de loi.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1296 de M. Elie Califer

M. Elie Califer (SOC). Nous comprenons qu’il soit nécessaire de limiter la prescription de médicaments en période de pénurie, mais l’interdire dans le cadre de la téléconsultation peut être mal perçu par ceux dont la mission est de soigner. C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de supprimer cette possibilité d’interdiction.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Les ruptures d’approvisionnement en cortisone sont fréquentes. Va-t-on interdire aux médecins d’en prescrire ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2853 de Mme Stéphanie Rist

Mme la rapporteure générale. Cet amendement autorise l’ANSM à prendre des décisions de police sanitaire en cas de rupture d’approvisionnement, ce qui permet notamment de limiter la vente directe aux officines.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS1122 de Mme Josiane Corneloup et AS2768 de Mme Anne Bergantz

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS1122 est défendu.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le code de la santé publique prévoit qu’en cas d’urgence et dans l’intérêt du patient, le pharmacien peut dispenser un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit, ou ayant une dénomination commune différente de la dénomination commune prescrite. L’amendement propose d’élargir cette possibilité aux cas de rupture d’approvisionnement de médicaments, afin d’assurer la continuité des soins des patients.

En pratique, lorsque le patient se rend à la pharmacie, le pharmacien constate la rupture d’approvisionnement, contacte le médecin, qui lui demande quels sont les médicaments équivalents en stock, et délivre ensuite le médicament choisi. Mais le médecin n’est parfois pas joignable, ce qui oblige le patient à revenir. Ce qui est proposé par l’amendement permet d’éviter des pertes de temps pour tout le monde.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). L’idée n’est pas idiote, mais les médecins sont les premiers à préciser que tel ou tel médicament est substituable. Il est très important de maintenir cette pratique, parce que si cela n’est pas indiqué, c’est qu’il existe de bonnes raisons d’avoir choisi une molécule plutôt qu’une autre. Toute substitution doit être validée par le médecin qui suit le patient.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

Après l’article 33

Amendement AS906 de Mme Josiane Corneloup

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS19 de M. Philippe Juvin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS899 de Mme Josiane Corneloup

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

Article 34
Facilitation de l’ajout d’un acte à la nomenclature lorsqu’il prévoit l’utilisation d’un dispositif médical

Amendement AS559 de M. Philippe Juvin

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure générale. Demande de retrait.

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Il convient de souligner qu’en permettant aux entreprises exploitant des dispositifs médicaux de déposer directement une évaluation d’actes médicaux auprès de la HAS, cet article permet de contourner les conseils nationaux professionnels, les associations de patients et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. Cela fait quand même beaucoup. L’enjeu est à la fois technique et de santé publique. Cet article n’est vraiment pas une bonne idée.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 34 non modifié.

 

Après l’article 34

Amendement AS1575 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement demande au Gouvernement un rapport sur les besoins en matière de ressources humaines qu’engendrera l’article 34 pour la HAS. Les tâches d’évaluation supplémentaires qui lui sont ici confiées s’ajoutent au volume déjà conséquent des dossiers qu’elle traite.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

Article 35
Améliorer les dispositifs d’accès dérogatoires aux produits de santé innovants

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements identiques AS2464 de M. Yannick Monnet et AS2473 de M. Sébastien Peytavie, puis les amendements identiques AS2828 de M. Sébastien Peytavie et AS2833 de M. Yannick Monnet, l’amendement AS643 de M. Yannick Neuder, les amendements identiques AS2827 de M. Sébastien Peytavie et AS2832 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS2826 de M. Sébastien Peytavie et AS2831 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS2825 de M. Sébastien Peytavie et AS2830 de M. Yannick Monnet, et enfin les amendements identiques AS2824 de M. Sébastien Peytavie et AS2829 de M. Yannick Monnet.

Puis elle adopte l’article 35 non modifié.

 

Après l’article 35

Amendement AS912 de Mme Josiane Corneloup

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

Article 36
Soutien au maintien sur le marché des médicaments matures

Amendement AS351 de M. Jérôme Guedj

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS2474 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement propose de fixer à six mois au lieu de neuf le délai maximal dont dispose une entreprise pour remettre à l’ANSM le rapport faisant le bilan des actions engagées pour rechercher un repreneur.

Mme la rapporteure générale. Le dispositif prévu par cet article est progressif et équilibré. Le délai de neuf mois est indicatif et n’interdit pas des échanges et un accompagnement par les autorités avant son expiration.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS2477 de M. Sébastien Peytavie et AS352 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Mon amendement prévoit d’instaurer une sanction financière à l’égard des entreprises qui n’ont pas été capables de retrouver un repreneur après avoir suspendu la commercialisation d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur.

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement AS352 propose qu’en cas d’absence de repreneur d’une entreprise qui va cesser la production d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur, cette entreprise doit continuer à le produire pendant une durée permettant d’assurer la sécurité d’approvisionnement. En effet, l’article prévoit qu’en cas d’absence de repreneur, l’entreprise doit concéder à titre gracieux l’exploitation du médicament à une personne publique. Cette unique voie de sortie n’est pas forcément envisageable en pratique, notamment si aucune personne publique n’est capable de reprendre la production dudit médicament.

Mme la rapporteure générale. Ces propositions entraîneraient une censure de cet article, comme cela a été le cas pour les dispositions comparables de la loi « Florange ».

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS2481 et AS2480 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Depuis plusieurs années, les pénuries de médicaments s’accentuent et placent notre pays dans une situation de tension sanitaire permanente. Elles peuvent concerner aussi bien l’amoxicilline que les pilules abortives ou les traitements de pathologies cardiovasculaires. Pour mieux prévenir les pénuries, ces amendements imposent aux titulaires d’une autorisation de mise sur le marché de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur de rendre publique la liste de ces derniers.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable. Cela ne me paraît pas nécessaire, puisque le Gouvernement a publié en juin une liste des médicaments essentiels.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 36 non modifié.

 

Après l’article 36

Amendement AS2149 de M Damien Maudet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je veux alerter sur la déconnexion croissante entre le coût de production des médicaments et leur prix d’achat par la sécurité sociale.

Cela peut se constater pour beaucoup de produits. Ainsi, la production de 400 milligrammes d’ibuprofène revient à 5 centimes pour un prix de vente de 1,55 euros. Pour l’amoxicilline, le coût de production est de 1,3 centime pour 500 milligrammes et le prix de vente de 1,53 euros.

Le coût réel de production – rémunération des salariés, investissements, recherche et développement – ne correspond donc absolument pas au prix facturé à la sécurité sociale. Cela résulte d’un rapport de force déséquilibré, lié à l’absence de transparence sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

L’amendement propose donc d’imposer aux producteurs et aux laboratoires pharmaceutiques de dire enfin ce qu’il en est du coût de chaque étape de production, afin de pouvoir négocier dans des conditions plus équilibrées et de faire baisser les prix des médicaments.

Mme la rapporteure générale. Nous sommes tous partisans d’une plus grande transparence. En revanche, je ne suis pas favorable à un alourdissement du processus. Il est déjà encadré, les exploitants devant démontrer qu’ils se conforment à des conditions restrictives. Votre amendement risquerait de pénaliser les patients en retardant l’accès au médicament.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je suis un peu étonné par votre réponse, car le Président de la République s’est engagé auprès de l’Organisation mondiale de la santé à promouvoir la transparence du prix des produits de santé. L’amendement lui permet de tenir ses propres promesses.

Deuxièmement, on ne peut pas dire qu’imposer la transparence risquerait d’avoir un effet sur la production et de pénaliser les patients. La Suisse rencontre les mêmes pénuries d’amoxicilline que nous, alors que ce médicament y est vendu cinq fois plus cher qu’en France.

Les évolutions des prix tiennent avant tout à la position de monopole privé qu’ont acquise certains laboratoires pharmaceutiques, et au fait que la sécurité sociale est assez gentille pour leur acheter leurs produits à un prix excessif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS904 de Mme Josiane Corneloup

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2142 et AS2144 de M Damien Maudet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il s’agit de répondre aux difficultés liées aux délocalisations et au développement insuffisant des industries pharmaceutiques en France.

Lorsqu’une entreprise de ce secteur ferme, on lui applique le droit commun – plan social, tentative de reprise, etc. Nous proposons de considérer que les biens de santé, dont les médicaments, ne sont pas des produits comme les autres, parce qu’ils sont vitaux et constituent un bien commun.

L’amendement AS2142 impose donc à l’État, si un site de production est menacé de fermeture, de rechercher des solutions alternatives pour maintenir la production en France. Il doit chercher un repreneur et disposer à ce titre d’un droit de préemption. Bref il s’agit de garantir que la production reste en France. C’est évidemment un premier pas vers un pôle public du médicament que nous appelons de nos vœux.

L’amendement AS2144 va un peu plus loin. Il conjugue l’utile à l’agréable en proposant en dernier recours de nationaliser le site concerné. Nous pourrions le retirer si vous donniez un avis favorable au premier : nous sommes ouverts à la discussion.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2486 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). On estime que 70 % des maladies rares débutent pendant l’enfance. Elles constituent la première cause de maladie grave et chronique chez l’enfant, la première cause de handicap et la première cause de décès.

Dans 90 % des cas, il n’existe pas de traitement curatif. Il n’empêche que les enfants doivent souvent suivre de lourds traitements médicamenteux pour soulager les symptômes, ralentir l’évolution de la maladie ou améliorer leur qualité de vie. La majorité de ces traitements sont des spécialités dont l’autorisation de mise sur le marché a été donnée pour l’adulte, avec une forme galénique adaptée ce dernier.

Cet amendement, proposé par France Assos Santé, vise à permettre aux pharmaciens d’adapter ou de modifier la prescription d’une spécialité pharmaceutique dont la dose ou la forme galénique n’est pas adaptée à un usage pédiatrique, si aucune autre solution thérapeutique n’est disponible.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour avoir travaillé trente-cinq ans dans une pharmacie, je peux vous assurer que la plupart des médicaments se sont adaptés, au niveau galénique, aux nourrissons et aux enfants. De nombreuses spécialités existent sous forme de comprimés dispersibles, pouvant être dissous dans l’eau et versés dans un biberon. Cet amendement ne me semble donc pas utile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2793 de M. Nicolas Turquois

M. Nicolas Turquois (Dem). Cet amendement un peu technique vise à éviter les pénuries de médicaments.

Lorsque le brevet d’un médicament tombe dans le domaine public, ce sont souvent des fabricants étrangers qui prennent le relais, chacun d’eux occupant 2 % ou 3 % du marché. En cas de pénurie, aucun d’eux n’est capable de produire suffisamment pour approvisionner les officines dans les quantités nécessaires. Certains industriels français proposent qu’une fois tombé dans le domaine public, le princeps, c’est-à-dire le médicament d’origine, voie son prix ramené à celui des génériques : le pharmacien n’aurait donc plus d’obligation de substitution. Les laboratoires nationaux conserveraient ainsi une part de marché plus importante et seraient plus susceptibles de faire face à une éventuelle pénurie.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2323 de Mme Annie Vidal et AS35 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

Mme Annie Vidal (RE). Afin de favoriser l’entrée sur le marché des médicaments biosimilaires, mon amendement vise à les faire bénéficier d’un dispositif de substitution, à l’instar de ce qui existe déjà pour les génériques. Cette proposition rejoint la position de l’Agence européenne des médicaments.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS35 est défendu.

Mme la rapporteure générale. Cela relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L’amendement AS2323 ayant été retiré, la commission rejette l’amendement AS35.

Amendement AS871 de Mme Josiane Corneloup

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1272 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à durcir les sanctions dont sont passibles les entreprises pharmaceutiques qui ne réalisent pas en temps et en heure leur déclaration au Comité économique des produits de santé. Cette instance centralise les données relatives aux brevets détenus par les laboratoires, à l’argent public versé à ces derniers dans le cadre de leurs activités de recherche et développement ou encore aux prévisions de mise sur le marché – autant d’informations très importantes pour réguler l’activité des entreprises pharmaceutiques, contrôler les prix lorsque cela est possible, et comprendre qui contrôle quoi sur le marché.

La déclaration a été facilitée, de manière un peu excessive puisqu’elle peut être effectuée en quelques heures en ligne. Il n’empêche que certains laboratoires ne remplissent pas leurs obligations dans les délais impartis. Les sanctions actuelles ne nous semblant pas assez dissuasives, nous proposons de porter le taux de la pénalité financière de 0,05 % à 0,1 % du chiffre d’affaires des entreprises contrevenantes. Bien que cela reste très faible, cette décision permettrait de signifier aux laboratoires que la fête est finie et qu’ils doivent désormais effectuer leur déclaration dans les temps, comme tout le monde.

Mme la rapporteure générale. Cette proposition va à l’encontre des préconisations du rapport remis à la Première ministre sur la régulation des produits de santé. Par ailleurs, elle comporte des risques s’agissant de la production et de l’approvisionnement en médicaments.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 


  1.   Réunion du vendredi 20 octobre 2023 à 9 heures 30 (après l’article 36 (suite) à article 49)

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14095681_653229764c39f.commission-des-affaires-sociales--suite-de-l-examen-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite--20-octobre-2023

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Depuis mardi après-midi, nous avons examiné 910 amendements ; 269 amendements restent en discussion.

Après l’article 36 (suite)

Amendement AS2488 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le présent amendement vise à compléter les critères de fixation des prix du médicament, afin que le Comité économique des produits de santé (Ceps) prenne en compte les montants réels de recherche et développement publics.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. J’y suis défavorable : le prix de vente doit avant tout refléter le service médical rendu par le produit. Le Ceps dispose de pouvoirs étendus pour ce qui est de la négociation du prix. S’il ne parvient pas à un accord avec l’industriel, il peut imposer un prix.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1268 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Par cet amendement, nous proposons que la souveraineté sanitaire soit mieux prise en compte dans la fixation du prix des médicaments. Les pénuries de médicaments – anti-infectieux, traitements du système nerveux, anticancéreux – ont été multipliées par trente en seulement dix ans. Selon un reportage de Complément d’enquête du 9 septembre 2021, elles sont parfois organisées par les laboratoires pharmaceutiques pour faire monter les enchères. Les choix des industriels du secteur pharmaceutique nous ont placés dans cette situation de dépendance, du fait d’un recours croissant à la sous-traitance, d’une concentration de la production de certains principes actifs entre les mains de quelques fournisseurs asiatiques, et une production à flux tendus. Les gouvernements successifs ayant accepté passivement les délocalisations massives de l’industrie pharmaceutique, en Asie notamment, il incombe au Gouvernement d’y remédier.

Pour retrouver une réelle souveraineté sanitaire, il faut créer un pôle public du médicament, qui chapeaute la relocalisation planifiée de certaines filières pharmaceutiques. Pour commencer, le prix des médicaments doit davantage tenir compte du critère de la souveraineté, afin d’encourager la production locale.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable, même si nous souscrivons tous à l’objectif de sécuriser les approvisionnements. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 prévoit déjà de tenir compte de ce critère. Si vous rigidifiez le dispositif, vous risquez d’aggraver les tensions.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il est question de bloquer les prix de certains médicaments. Peut-être pouvons-nous essayer ces dispositions, quitte à revenir en arrière par la suite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2150 de M Damien Maudet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à mettre fin à l’effet de rente dont vivent certains laboratoires, qui se contentent de réassembler et de breveter des molécules existantes développées avec de l’argent public, sans en inventer de nouvelles – comme Sanofi l’a fait pour la tuberculose, par exemple. Il s’agit de plafonner les prix, c’est‑à‑dire de fixer les marges maximales autorisées dès lors que le laboratoire a reçu de l’argent public.

Ainsi, les laboratoires privés ne gagneront pas au grattage et au tirage. La sécurité sociale sera en outre débarrassée du prix des brevets, qui est excessif.

Mme la rapporteure générale. Le débat revient à chaque PLFSS. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que les années précédentes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le débat revient car il est nécessaire : la décorrélation est grande entre les coûts de production et de recherche, d’une part, et le prix payé par la sécurité sociale et, pour partie, par les patients du médicament, d’autre part. Parler de « grattage » et de « tirage » n’est pas exagéré car outre le prix fixé par le Ceps, il y a le financement par le crédit d’impôt recherche. Cela nous conduit à nous interroger sur l’utilisation de l’argent social et de l’argent public. Pour ce qui me concerne, je pose ces questions depuis 2017. Je souhaiterais que nous fassions avancer le débat car la situation actuelle n’est pas satisfaisante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1263 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI - NUPES). Cet amendement, issu d’une recommandation de la Cour des comptes, a pour objet d’instaurer des obligations périodiques de révision des prix des médicaments par le Ceps, afin de diminuer les rentes de l’industrie pharmaceutique.

En 2020, les entreprises du Big Pharma ont enregistré un chiffre d’affaires de 1 200 milliards d’euros. L’industrie pharmaceutique figure dans le trio de tête des secteurs productifs les plus rentables, y compris en France où, tous laboratoires confondus, le secteur dégage 35 % à 40 % de marge. Pourtant, ce ne sont ni les patients, ni la collectivité, ni même les salariés qui en bénéficient : seuls les actionnaires en tirent profit. C’est pourquoi nous proposons que, tous les trois ans, le Ceps puisse revoir à la baisse la tarification des médicaments. Si la Cour des comptes le recommande, nous pouvons lui faire confiance.

Mme la rapporteure générale. Vous voulez rendre obligatoire une révision des prix, alors qu’elle est effectuée régulièrement. Il faut laisser des marges de négociation au Ceps.

Avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Cette révision a lieu régulièrement. En revanche, elle peut s’effectuer à la baisse comme à la hausse, en fonction de l’évolution des facteurs économiques mondiaux et des données nationales, voire européennes.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous dites qu’il faut laisser une marge de souplesse dans la négociation. Votre argument ne semble donc pas s’opposer à notre proposition de révision périodique, qui vise finalement à multiplier les négociations. Vous donnez presque un avis favorable, malgré vous.

Mme la rapporteure générale. Non, ce n’est pas un avis favorable. Vous voulez obliger les acteurs à négocier à des dates précises. Au contraire, il faut laisser le Ceps à la manœuvre sur la question.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2471 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet amendement, issu d’une proposition du rapport d’information de Julien Borowczyk et Pierre Dharréville relatif aux dispositifs médicaux, a pour objet d’actualiser chaque année la liste des dispositifs médicaux innovants pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, elle rejette l’amendement AS1546 de M. Sébastien Peytavie.

Amendements identiques AS865 de M. Pierre Dharréville et AS1547 de M. Sébastien Peytavie

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement vise à assurer une réelle transparence des montants des investissements publics de recherche et développement dont les entreprises bénéficient pour de nouveaux médicaments. Il détaille les dispositions relatives à la transparence de ces investissements, qui figurent dans la LFSS 2021 – le dispositif mériterait d’ailleurs peut-être une évaluation.

La première modification permet d’accéder à l’information sur la généalogie des molécules par le biais des déclarations par les industriels des éventuels rachats de brevets ou d’entreprises qui leur ont permis d’obtenir leurs droits de commercialisation. Il permet donc d’inclure dans le dispositif les investissements publics qui ont bénéficié aux différents acteurs impliqués dans la recherche et développement (R&D) d’un produit de santé.

La deuxième modification précise la nature de ces investissements publics, incluant les investissements indirects – exonérations d’impôts ou de cotisations. Des aides telles que le crédit d’impôt recherche, le crédit d’impôt innovation ou le statut Jeune entreprise innovante constituent en effet la plus grande part de l’effort public de recherche et développement.

La dernière modification permet d’obtenir ces données médicament par médicament, dans un format plus adapté à des négociations de prix menées pour chaque produit.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La principale justification des industriels au prix élevé d’un nouveau médicament réside dans les montants élevés de recherche et développement investis. Or, selon le rapport de l’assurance maladie Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, une part non négligeable des dépenses de R&D provient de financements publics et le manque de transparence rend difficilement distinguable la part des investissements publics et privés pour le développement d’une nouvelle molécule. Cela rend plus difficile encore l’évaluation du fondement des demandes de prix avancées par les industriels.

Mon amendement vise donc à assurer une réelle transparence des montants des investissements publics de recherche et de développement.

Mme la rapporteure générale. Pour ce qui est de la transparence, les informations sur les opérations de fusion et de rachat sont confidentielles avant la réalisation de l’opération, et publiques, ensuite. Je ne comprends donc pas bien l’intérêt d’une telle transmission.

Par ailleurs, vous souhaitez que les montants de recherche et de développement soient individualisés pour chacun des médicaments pris en charge. Cela ne me paraît pas pertinent dans la mesure où les aides sont souvent versées pour un projet global.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS907 de M. Yannick Monnet et AS1548 de M. Sébastien Peytavie

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mon amendement tend à renforcer la transparence dans le domaine du médicament, en obligeant les laboratoires, au‑delà d’un certain niveau de prix revendiqué pour le médicament, à transmettre au Ceps non seulement les subventions de recherche et développement publiques mais également les coûts de R&D et de marketing ainsi que les bénéfices et les prix pratiqués dans d’autres pays.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Aujourd’hui, dans le secteur du médicament, l’opacité est une ressource. Au nom du secret industriel, il est impossible de savoir quelles sommes ont été investies pour la recherche, les essais cliniques, la mise sur le marché ou le marketing. C’est une aubaine pour les industriels puisqu’il en résulte des prix très élevés, sans qu’il soit possible, pour la représentation nationale et la société civile, de déterminer ce sur quoi ils se fondent. La transparence est une mesure non seulement de bonne gestion des fonds publics mais aussi de santé publique.

Mme la rapporteure générale. Concernant la cohérence entre le prix et les montants de R&D, le Ceps peut déjà imposer un prix. En outre, l’accord-cadre prévoit que les entreprises exploitant les brevets déclarent au Ceps les titres considérés et leurs dates d’échéance.

Je donne donc un avis défavorable aux amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1267 de M. Frédéric Mathieu

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Les États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont la France, se sont engagés en mai 2019 à favoriser la transparence sur les différents aspects des politiques du médicament. L’amendement AS1267, inspiré des travaux de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, tend à ce que les industriels justifient clairement le différentiel entre le prix du médicament existant et celui du nouveau médicament, notamment sur toutes les dépenses liées à la R&D et sur les coûts de production et de la matière première.

Contre l’avis de la rapporteure générale, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS2148 de M Damien Maudet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Depuis hier soir, nous évoquons la situation ubuesque de laboratoires pharmaceutiques qui reçoivent des aides publiques sans aucune condition, y compris lorsque leurs dépenses en recherche et développement baisse, que les emplois de ce secteur diminuent, qu’ils sont incapables de mettre au point un vaccin ou qu’ils réassemblent des molécules, pour faire du profit.

Vous ne voulez pas plafonner leurs marges, ni que la puissance publique intervienne et contrôle les bénéfices tirés de l’argent public. Cet amendement, de repli, vise à fixer une contrepartie minimale : les bénéficiaires de l’argent public doivent proposer un niveau de service médical rendu ou une utilité thérapeutique, approuvés par la Haute Autorité de santé. Sans eux, si l’argent public n’a servi qu’à enrichir les actionnaires, il devra être rendu.

Mme la rapporteure générale. L’amendement instaure une obligation pour l’industriel de justifier la différence de prix entre le médicament qu’il veut inscrire et les médicaments de la même classe thérapeutique sur le marché. Il est satisfait : cette condition est bien un critère dans la négociation du prix du Ceps.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). C’est une bonne raison de le satisfaire doublement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1770 de Mme Laure Lavalette

M. Victor Catteau (RN). Véritable avancée, l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 permet d’assurer une forme de sécurité d’approvisionnement grâce à une localisation des entreprises sur le territoire. Il est indispensable pour accompagner l’objectif d’indépendance sanitaire des industriels, partagé par tous les acteurs, en particulier les professionnels de santé et les patients. Au-delà des critères médicaux et administratifs, le Ceps peut tenir compte des considérations industrielles, essentiellement pour garantir une stabilité des prix dans certaines conditions ou pour attribuer des crédits de remise au titre du Conseil stratégique des industries de santé, en fonction des investissements productifs, mais sans connexion avec le prix des différents produits.

Par cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport portant sur la part d’augmentation des produits français dans les achats publics hospitaliers depuis le vote de cette avancée législative. Le levier de la commande publique est essentiel pour retrouver notre souveraineté et faire émerger des champions industriels français. Dans un objectif de renforcer la sécurité sanitaire et l’approvisionnement des hôpitaux, le G5 santé appelle à une localisation européenne de la production et à l’effectivité des circuits courts et locaux des produits de santé, proches des hôpitaux et des patients.

Le groupe Rassemblement National regrette la non-application de l’article 65 qui introduit ce critère industriel pour les dispositifs médicaux et les diagnostics in vitro – avec plus de 1 400 entreprises dont 93 % de start-up et PME, la filière représente 88 000 emplois directs en France, pour un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros. Depuis la pandémie, le renforcement du soutien à ce secteur est stratégique, alors que nous continuons d’être alertés par des professionnels.

Par cet amendement, nous appelons également à ce que le critère industriel soit appliqué à tous les produits de santé.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Chapitre IV – Renforcer les politiques de soutien à l’autonomie

Article 37
Réforme du modèle de financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans les départements volontaires

Amendement AS1638 de Mme Monique Iborra

Mme Monique Iborra (RE). Cet amendement vise à remédier à l’une des conséquences de la fusion des sections soins et dépendance dans les Ehpad, attendue depuis longtemps par l’ensemble des professionnels. Il s’agit de tenir compte de la sociologie des personnes hébergées en Ehpad, qui nécessitent beaucoup plus de soins que dans les maisons de retraite habituelles. La tarification des Ehpad par trois financeurs – les résidents, le conseil départemental et l’agence régionale de santé (ARS) – est kafkaïenne. La fusion de ces sections traduit une volonté de simplifier le dispositif, de le rendre plus lisible et d’en améliorer la gouvernance, pour préciser les responsabilités de chacun. Enfin, nous devons nous réjouir de cette fusion car la cinquième branche, que nous avons créée, peut prendre en charge le financement des Ehpad. Seul le directeur général de l’ARS territorialement compétente peut signer le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom), qui nécessitera des financements...

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Merci, madame Iborra.

Mme Monique Iborra (RE). J’arrête donc là mon propos, madame la présidente, mais c’est dommage car peu de personnes savent vraiment de quoi nous parlons.

Mme Caroline Janvier, rapporteure pour la branche autonomie. L’article 37 propose de fusionner les sections soins et dépendance, pour les départements qui le souhaitent, selon le principe de l’expérimentation. La réforme n’en est qu’à son début : la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) discute avec les cent un départements, pour confirmer ceux qui sont volontaires. L’amendement semble donc prématuré à ce stade ; naturellement, il faudra aller plus loin par la suite.

Défavorable.

Mme Monique Iborra (RE). Je demande simplement que le président du conseil départemental soit consulté. Cela ne change rien au dispositif.

Mme la rapporteure. Vous proposez de dessaisir le département dans la signature du Cpom, élément contractuel entre l’établissement et les deux autorités de tarif et de contrôle que sont l’ARS et le département. On passerait à un Cpom entre deux parties, après consultation du département. Cela me semble prématuré.

Mme Monique Iborra (RE). Il y a manifestement une erreur dans l’interprétation de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS803 de M. Sébastien Peytavie et AS940 de M. Yannick Monnet

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Compte tenu des délais requis pour que les départements décident d’évaluer s’ils souhaitent rejoindre l’expérimentation et réunissent les assemblées délibérantes, il s’agit de reporter la dérogation du 31 mars 2024 au 30 juin 2024. Cela permettra à un plus grand nombre de départements d’entrer dans le dispositif dès 2025.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Le dispositif laisse la possibilité à chaque département de conclure le contrat l’année suivante. Les délais prévus, qui satisfont les contraintes opérationnelles, semblent suffisants.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1637 de Mme Monique Iborra

Mme Monique Iborra (RE). Je reviens sur mon précédent amendement, auquel vous avez donné un avis défavorable. Le texte prévoit que le président du conseil départemental ne paraphe les Cpom que s’il le souhaite, ces contrats étant signés par le directeur de l’ARS : cela ne correspond pas tout à fait à ce que vous avez dit.

L’amendement AS1637 vise à simplifier le régime des autorisations des Ehpad. Actuellement, il en faut deux, celle du conseil départemental et celle de l’ARS, ce qui allonge les délais. Je propose que l’autorisation soit délivrée par le directeur général de l’ARS, après consultation du président du conseil départemental sur la création et la fermeture de places, compétence qui relève du département.

Mme la rapporteure. Vous proposez d’aller plus loin dans la réforme de la gouvernance et de tirer toutes les conséquences de la fusion des sections, en réservant aux ARS la compétence de délivrer, de renouveler ou de modifier un arrêté d’autorisation, opération nécessaire à chaque création ou extension d’un établissement. L’avis est défavorable car cette évolution me semble prématurée.

Mme la rapporteure générale. Le débat est important : avec la fusion des sections, les dépenses vont reposer sur l’ARS, donc sur la sécurité sociale. En tant que rapporteure générale, il m’importe de savoir qui décidera de ces dépenses. Il paraîtrait logique que celui qui paie ait la main sur la décision finale.

Là où je rejoins Mme la rapporteure, c’est que la réforme se déploiera en 2025 : il convient de laisser la CNSA et les départements préparer les évolutions de gouvernance. Nous serons vigilants pour le prochain PLFSS.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous allons soutenir cet amendement, déposé depuis 2018. Quand allons-nous adopter cette évolution ? 2030 ? 2040 ? 2050 ? L’amendement est bien rédigé et il reprend une proposition d’un rapport adopté à l’unanimité par cette commission, dont vous faisiez déjà partie, madame la rapporteure : il faut arrêter de tergiverser.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1639 de Mme Monique Iborra

Mme Monique Iborra (RE). Le reste à charge d’une personne dépendante est une préoccupation majeure ; nombreux sont ceux qui renoncent à rejoindre un Ehpad par impossibilité de faire face à cette dépense. L’amendement vise à expérimenter le financement par la nouvelle section d’une partie des charges relatives à l’emploi de personnel assurant l’animation de la vie sociale et l’administration générale, et de l’amortissement des biens meubles et immeubles, actuellement à la charge des personnes hébergées.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je soutiens cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS2429 de Mme Laurence Cristol

Mme Laurence Cristol (RE). La fusion des sections tarifaires des soins et de la dépendance est une mesure consensuelle, encore défendue récemment par un rapport de notre collègue Christine Pires Beaune. Afin d’aboutir à une plus grande clarification de la gouvernance des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD) par l’octroi aux ARS de la responsabilité exclusive de la prise en charge en établissement, l’amendement prévoit une clause de revoyure pour que le Parlement, le Gouvernement et les différentes parties prenantes de la politique de l’autonomie puissent se prononcer sur une généralisation du dispositif.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 37 modifié.

 

 

Après l’article 37

Amendement AS2074 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). L’amendement vise à restreindre l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), en la soumettant à une condition de résidence de cinq ans sur le territoire national, dans un objectif de bon sens économique et de dissuasion migratoire. Dans les prochaines décennies, le nombre de personnes poussées à quitter leur pays de naissance ne cessera de croître. La France, considérée comme un eldorado dans ces pays de départ, doit anticiper les flux afin de mieux les maîtriser : sans cela, les conséquences pourraient être dramatiques pour la sécurité de nos concitoyens comme pour les finances publiques de notre pays. Une immense majorité de Français est favorable à un référendum sur l’immigration ainsi qu’à un durcissement de notre politique migratoire. Le Gouvernement refuse de les entendre, mais notre commission devrait le faire.

Mme la rapporteure. L’avis est défavorable.

Le versement de l’APA est soumis à trois conditions : être âgé d’au moins 60 ans, résider en France de façon stable et régulière – les étrangers doivent posséder une carte de résident ou un titre de séjour – et subir une perte d’autonomie moyenne à forte. Votre amendement instaure un principe de discrimination, qui est évidemment contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne considèrent que toute personne résidant en France de manière stable et régulière a le droit de toucher des prestations, en application des principes d’égalité et de non-discrimination.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1458 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le scandale Orpea a mis en lumière des pratiques peu scrupuleuses dans les Ehpad, notamment celle de la rétrocommission, qui consiste à transférer l’argent public perçu dans les bénéfices de l’entreprise, sans que les résidents en voient la moindre trace dans leurs assiettes ou dans leur prise en charge par le personnel.

Pour lutter contre ces pratiques délétères, le présent amendement du groupe Écologiste-NUPES vise à ce que toute personne morale sanctionnée pour de tels faits soit exclue des financements publics de la CNSA.

Mme la rapporteure. L’avis est défavorable.

Nous avons encore besoin des Ehpad commerciaux car les places d’hébergement manquent. Si nous adoptions votre amendement, nous priverions de financement plusieurs établissements, déjà sanctionnés sur leur chiffre d’affaires en vertu de dispositions de la précédente LFSS ; cela conduirait à leur fermeture ou à l’augmentation du reste à charge, au détriment des usagers les plus modestes.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je suis étonné par votre réponse, car l’amendement de notre collègue Peytavie vise à ne plus allouer d’argent public à ces structures, mais cet argent non dépensé pourrait servir à prendre en charge les personnes qui en ont besoin.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1318 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous souhaitons sanctionner les Ehpad privés à but lucratif, que je vais rebaptiser « Ehpad commerciaux », pour reprendre votre terme, madame la rapporteure, qui est en effet le bon : ces établissements font commerce de la maltraitance institutionnelle de personnes âgées. Cela ne les empêche pas de percevoir de l’argent public. Si vous avez lu le rapport que j’ai rédigé avec Monique Iborra, vous savez que le taux d’encadrement des résidents est plus faible dans ces établissements que dans les autres. L’amendement vise à mettre un terme à cette ignominie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Les établissements commerciaux affichent non seulement le plus faible taux d’encadrement, mais également la rotation de personnel la plus grande. Ce constat traduit le mal-être des soignants dans ces structures – qui existe également dans les Ehpad publics et associatifs, mais à un degré moins élevé –, lequel découle de leur impossibilité à bien faire leur travail au service d’humains : cette situation est douloureuse pour eux et les incite à quitter très rapidement le métier. Vous refusez de tirer la leçon d’Orpea, entreprise qui aurait dû être nationalisée – acquisition qui n’aurait pas été onéreuse compte tenu du cours de Bourse –, et de mener une véritable réflexion sur la situation dans les établissements commerciaux : une fois de plus, le PLFSS est une occasion manquée dans ce domaine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS942 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Reprenant une proposition de la Fédération hospitalière de France (FHF), l’amendement vise à attribuer les financements du forfait relatif aux soins des Ehpad et des USLD dans un calendrier compatible avec les besoins des résidents ; il a pour objet de réduire le délai ente l’évaluation des besoins du patient et le financement des soins.

Mme la rapporteure. Vous proposez de modifier le calendrier de calcul et de versement des forfaits relatifs aux soins dans les Ehpad, mais le dispositif de votre amendement est différent de l’exposé sommaire de celui-ci. Son adoption ajouterait les USLD et les établissements de santé à la liste des établissements médico-sociaux financés par un forfait relatif aux soins, un forfait dépendance et des tarifs hébergement. Or les USLD sont déjà financées de cette manière et les établissements de santé le sont selon des modalités qui leur sont propres. Il ne me semble pas opportun de leur appliquer le fonctionnement tripartite des Ehpad.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je ne vois pas comment vous avez pu déclarer que la commission avait rejeté l’amendement précédent, AS1318, compte tenu de la composition de la salle.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Un membre des oppositions s’est abstenu, si bien qu’il y a eu quatorze voix pour et quatorze voix contre l’amendement, qui a donc été rejeté. Cessez de remettre en cause la présidence à chaque scrutin.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1463 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à accroître le nombre de professions finançables par la section des soins dans les domaines de l’accompagnement psychologique, de l’animation, de la vie sociale et culturelle, des loisirs, du bien‑être, du sport et de la promotion de la participation démocratique. L’OMS définit la santé comme un état de complet bien‑être physique, mental et social. La culture des équipes doit être repensée en dépassant le cadre du soin physique au contact d’autres professionnels ; l’objectif est de créer une culture d’équipe pluridisciplinaire centrée sur les attentes des résidents et de dépasser la prise en charge des seuls besoins primaires.

Mme la rapporteure. L’avis est défavorable car si la santé ne se résume pas à l’état physique et englobe l’état psychique, surtout à un âge où les maladies neurodégénératives se développent, le forfait relatif aux soins permet déjà d’assurer un suivi gériatrique et psychiatrique. Vous proposez d’ajouter des professionnels non médicaux, ce qui n’est pas opportun.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1641 de Mme Monique Iborra

Mme Monique Iborra (RE). L’amendement vise à donner la possibilité aux établissements publics et privés non lucratifs de moduler les tarifs d’hébergement pour les seules personnes ne relevant pas de l’aide sociale à l’hébergement en fonction des capacités contributives des résidents. La grille tarifaire figure dans le Cpom signé avec l’ARS.

Le président du conseil départemental de la Mayenne, qui préside le groupe de travail de l’Assemblée des départements de France consacré au grand âge, a expérimenté cette mesure, par ailleurs soutenue par les sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier et par notre collègue Christine Pires Beaune, ce qui lui confère un soutien transpartisan.

Mme la rapporteure. J’entends l’objectif de votre amendement, mais son effet pourrait se révéler contraire à celui que vous recherchez, puisque les établissements seraient incités à ne pas sélectionner les personnes ayant des ressources modestes ou moyennes et à privilégier des individus plus aisés pour accroître leurs recettes.

L’avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2132 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). L’amendement vise à restreindre l’attribution de l’allocation journalière du proche aidant en la soumettant à une condition de résidence sur le territoire national, toujours dans un objectif de bon sens économique et de dissuasion migratoire.

Mme la rapporteure. L’avis est, encore une fois, très défavorable, puisque vous proposez de discriminer les résidents en fonction de leur nationalité. Une telle idée est contraire aux fondements de notre modèle, qui reposent sur quelques textes fondamentaux comme la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ; je sais bien que beaucoup de personnes, vous les premiers, se permettent de remettre ceux-ci en cause, dans une posture très grave et attentatoire aux principes d’égalité et de non-discrimination.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2735 de Mme Servane Hugues et amendements identiques AS423 de M. Thibault Bazin, AS660 de M. Paul Christophe et AS959 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

Mme Annie Vidal (RE). La stratégie de mobilisation et de soutien « Agir pour les aidants » pour la période 2020-2022, reconduite en 2023, a promu la diversification et le développement de l’offre de répit, besoin fondamental pour les proches aidants. De nombreux rapports, celui de Joëlle Huillier et celui de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), ont invité le Gouvernement à lever les freins au répit en lançant une expérimentation, dérogeant au droit du travail, qui se termine le 31 décembre 2023 ; elle porte sur le relais à domicile et repose sur la venue d’un professionnel à domicile pour une durée comprise entre trente-six heures et six jours. Ses résultats sont exceptionnels, tant pour le binôme constitué de l’aidant et de la personne aidée que pour les professionnels qui disposent d’une offre d’organisation de travail différente.

L’objet de l’amendement AS2735 est de proroger l’expérimentation d’un an jusqu’au 31 décembre 2024 ; en effet, si nous voulons la généraliser, des négociations avec les organisations professionnelles sont nécessaires : il ne doit pas y avoir de rupture dans ce dispositif qui donne d’excellents résultats.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS423 est défendu.

Mme la rapporteure. J’émets un avis favorable à l’adoption de l’amendement AS2735, qui, à la différence des autres, précise le financement du prolongement de cette expérimentation. L’avis est défavorable sur les autres amendements.

La commission adopte l’amendement AS2735.

En conséquence, les amendements AS423, AS660 et AS959 tombent.

Amendements identiques AS916 de Mme Josiane Corneloup et AS1728 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS916 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mon amendement a pour objet de faire face au manque de médecins traitants dans les Ehpad ; il propose de prolonger l’expérimentation menée par l’ARS Île-de-France, qui consiste à financer des temps de médecins prescripteurs et des recrutements entre plusieurs Ehpad pour accélérer la prise en charge.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

Amendement AS2844 de Mme Caroline Janvier

Mme la rapporteure. Il vise à explorer les différentes réformes envisageables de la tarification des services d’aide à domicile, dont nous connaissons les difficultés, en demandant la remise d’un rapport portant sur les conséquences de l’instauration d’un tarif horaire pour financer ces services.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1588 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement est issu de propositions formulées par Nexem, principale organisation professionnelle représentant les employeurs du secteur social, médico-social et sanitaire privé à but non lucratif.

Il vise à disposer d’un rapport identifiant l’écart entre les besoins des établissements et des services sociaux et médico-sociaux en matière de revalorisations salariales liées au Ségur de la santé, d’une part, et les financements réels alloués par les autorités de tarification. Il présente des pistes pour rétablir les conditions d’un versement effectif de la rémunération des personnels concernés et pour assurer plus largement et durablement l’attractivité́ de tous les métiers des secteurs sanitaire, social et médico-social.

En effet, en 2022, certaines professions du soin, du médico-social et du social étaient éligibles au bénéfice des mesures de revalorisation prises dans le cadre du Ségur de la santé et des accords dits Laforcade ; or de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux ont déclaré qu’ils n’avaient pas reçu de leur autorité de tarification et de contrôle les crédits correspondants. La situation provoquée par ces décisions inégalitaires nécessite une remise à plat et l’ouverture de négociations collectives dans la branche.

Mme la rapporteure. Les revalorisations représentent 4,5 milliards d’euros de dépenses annuelles, mobilisées par différents dispositifs : le Ségur de la santé, l’avenant 43, les accords Laforcade, les accords issus de la conférence sociale de février 2022 et les revalorisations successives du point d’indice.

Comme vous, j’ai été alertée par les établissements et les services sociaux et médico-sociaux sur le fait que la longueur des délais de mise en œuvre de ces mesures avait engendré des problèmes de délai qui avaient créé des disparités entre établissements et même au sein de ceux-ci. Un rapport est en effet nécessaire pour faire le point, donc j’émets un avis favorable à l’amendement.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). En préparant le rapport sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP), j’ai constaté que la situation s’était nettement améliorée dans certains secteurs, comme le bâtiment. En revanche, le nombre de déclarations a massivement augmenté chez les professionnels de l’aide à domicile et des établissements pour personnes en situation de handicap ou pour personnes âgées. Ce décrochage est le symptôme que le secteur médico-social tout entier est en train de craquer.

Les revalorisations salariales suffiront d’autant moins à maintenir les établissements ouverts et l’aide à domicile debout que les salaires resteront assez faibles. Il est indispensable de trouver comment faire pour que les gens se sentent bien dans leur travail ; ce rapport doit y contribuer.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS2263 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). La mission sur la gestion des Ehpad du groupe Orpea menée par l’Igas et l’Inspection générale des finances (IGF) a souligné la nécessité de renforcer les outils dont l’État dispose pour améliorer le contrôle comptable et financier de ces établissements.

La LFSS 2023 contient des mesures visant à rehausser les exigences de transparence et de régulation financière des établissements et services médico-sociaux. En particulier, les autorités de contrôle et de tarification peuvent désormais contrôler les comptes des établissements et services, ainsi que ceux des gestionnaires et des groupes qui les possèdent.

Le présent amendement vise à s’assurer que ces mesures sont effectives.

Mme la rapporteure. Vous demandez un rapport sur l’application de l’article 62 de la LFSS 2023, relatif aux mesures de transparence et de contrôle des établissements. De nombreux rapports concernent déjà ce sujet, notamment ceux de février 2022 établis par les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, suivis de celui de l’Igas et de l’IGF publié en avril 2022. J’ajoute qu’il est trop tôt pour évaluer l’application d’un article adopté l’an dernier.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS2296, AS2258 et AS2255 de M. Serge Muller.

 

Article 38
Création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce auprès des enfants de 0 à 6 ans présentant un écart de développement

Amendements AS2606 de M. Sébastien Peytavie et AS1106 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Proposé par l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, l’amendement vise à articuler le nouveau service de repérage avec l’accompagnement à la santé des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance ou à la protection judiciaire de la jeunesse.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement AS2606.

En conséquence, l’amendement AS1106 tombe.

Amendement AS1739 de Mme Katiana Levavasseur

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1834 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à valoriser le temps de concertation disciplinaire.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Les principales recommandations des assises du travail, publiées en avril, concernent le dialogue professionnel ; il est nécessaire de pouvoir parler du travail sur le lieu de travail.

Dans le rapport d’information que j’ai rédigé avec M. Bruno Bonnell sur les « métiers du lien », je défendais prioritairement la création de groupes de parole. Il est nécessaire de prendre en compte ce temps collectif dans la rémunération, dans toutes les entreprises, afin d’associer les salariés à l’amélioration des conditions de travail, et non de leur imposer des changements d’en haut.

Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait. Le forfait global prévoit des temps de coordination et de remontée d’informations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1999 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à supprimer les mots « et avec des psychologues » de la première phrase de l’alinéa 13. La proposition est surprenante. En réalité, il s’agit d’un amendement d’appel pour débattre du dispositif MonPsy. Dès que nous adoptons une mesure relative au soutien psychologique, elle renvoie à ce dispositif. C’est-à-dire qu’il n’est pas d’abord fait appel au service public. Or les centres d’action médico-sociale précoce (Camsp) sont pluridisciplinaires ; un psychologue doit y être présent. Il faut s’assurer que les équipes sont complètes car c’est essentiel pour établir un bon diagnostic.

Les difficultés de recrutement peuvent inciter à se tourner vers des praticiens libéraux. Le coordonnateur, chargé de 100 ou 150 dossiers, doit alors faire le tour des psychologues libéraux pour récupérer les informations dont il a besoin, ce qui dégrade la qualité du travail accompli. Il faut être exigeant, organiser un véritable service public, avec une équipe à la hauteur.

Il ne s’agit donc pas de supprimer le recours aux psychologues libéraux mais de mettre en garde contre les risques induits.

Mme la rapporteure. Vous avez raison. Je soutiens fermement le modèle des Camsp. L’article leur donne toute leur place et transforme les plafonds en planchers. Jusqu’à présent, leur action était limitée et les listes d’attente étaient interminables. Le travail en équipe pluridisciplinaire doit être la règle, pour permettre la prise en charge la plus efficace.

Avis défavorable.

M. Thierry Frappé (RN). Les Camsp sont un acteur essentiel de la santé précoce des enfants : il faut absolument les maintenir. Les membres du groupe Rassemblement National voteront l’amendement.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’ai travaillé dans un service d’éducation spéciale et de soins à domicile avec APF France handicap. On pousse l’inclusion vers un système libéral dans lequel un animateur assume la coordination, alors que la qualité du travail pluridisciplinaire le rend précieux : il faut nous en donner les moyens.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS1071 de M. Stéphane Viry et AS2602 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS1071 est défendu.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’expertise et la qualité du travail des Camsp en matière de repérage et d’accompagnement précoce ne font aucun doute. Il aurait été intéressant de s’appuyer sur leurs données qualitatives et quantitatives, ainsi que sur celles des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), pour déployer le service le plus adapté aux besoins des enfants et des familles, mais la CNSA rencontre des difficultés techniques pour recueillir et analyser leurs rapports d’activité.

Depuis de nombreux mois, les associations dénoncent ces difficultés. La direction générale de la cohésion sociale a engagé des actions pour y remédier il y a plusieurs années, mais aucune n’a abouti.

Élaboré avec France Assos Santé, le présent amendement tend à demander un rapport sur les missions des Camsp et des CMPP et sur les difficultés qu’ils rencontrent.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Je ne sais pas si tout le monde a compris ce qui vient de se passer. En adoptant le précédent amendement, vous avez supprimé les psychologues du dispositif. J’avais compris que l’amendement de M. Peytavie était un amendement d’appel, visant à souligner l’importance de l’interdisciplinarité. Désormais, les enfants seront privés de psychologue. Certains amendements d’appel ne sont pas rédigés pour être adoptés et leur adoption a des effets bien plus néfastes que le dispositif.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 38 modifié.

 

Après l’article 38

Amendement AS2748 de M. Benoît Mournet

Mme Laurence Cristol (RE). Le droit permet de maintenir les jeunes en situation de handicap dans leur institut médico-éducatif (IME) en attendant une place dans une structure pour adultes. Ce dispositif a plus de trente ans. Il a sauvé nombre de jeunes et leur famille ; de provisoire, il est devenu durable, faute de places et de dispositifs adaptés. L’amendement vise à proposer systématiquement une orientation vers un dispositif de transition, afin de soutenir ces personnes en situation de handicap.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

On sait combien il est difficile de trouver des solutions pour les 10 000 jeunes relevant de l’amendement Creton, qui visait à offrir une solution provisoire en attendant la création de places dans des établissements pour adultes.

L’amendement AS2741, que nous discuterons dans un instant, complète le dispositif ; il vise à instaurer des accueils transitoires pour les personnes de plus de 16 ans.

La commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS2080 de M. Serge Muller.

Amendement AS2741 de M. Benoît Mournet

Mme Laurence Cristol (RE). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Avis favorable. L’amendement complète celui que nous venons d’adopter.

La commission adopte l’amendement.

La réunion est suspendue de dix heures quarante-cinq à dix heures cinquante-cinq.

 

Chapitre V – Moderniser l’indemnisation d’accident du travail ou de maladie professionnelle

Article 39
Réforme de la rente viagère attribuée en cas d’incapacité permanente

Amendements de suppression AS2856 de M. François Ruffin, AS2860 de Mme Stéphanie Rist, AS1115 de M. Pierre Dharréville, AS1806 de Mme Joëlle Mélin, AS1922 de Mme Angélique Ranc, AS1947 de M. Victor Catteau, AS2578 de M. Hadrien Clouet, AS2612 de Mme Laurence Cristol, AS2706 de Mme Sandrine Rousseau et AS2790 de M. Nicolas Turquois

M. François Ruffin, rapporteur pour la branche accidents du travail et les maladies professionnelles. L’article 39 tend à réviser les modalités d’indemnisation du déficit fonctionnel des accidentés du travail. Nous avons auditionné les syndicats, et assisté à une levée de boucliers. La CFDT a affirmé que la transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu en mai pour la branche AT-MP ne respectait pas l’esprit du texte qu’elle avait signé ; la CGT a objecté que le texte remettait en cause la faute inexcusable de l’employeur et que c’était très inquiétant ; la CGC a dénoncé une transcription infidèle au texte ; la CFTC s’est alarmée du plafond d’indemnisation ; FO y a vu le mépris institutionnalisé des victimes de sinistres d’origine professionnelle. L’article faisait donc l’unanimité contre lui, mais ce n’était rien encore à côté de la colère univoque des associations des victimes de l’amiante, des syndicats d’avocats de défense des salariés et de la Ligue contre le cancer. Seules les associations patronales étaient satisfaites.

Nous avons alerté le ministère du travail. Après des échanges avec les organisations syndicales, il a constaté que la transcription de l’accord n’était pas consensuelle et a consenti au retrait de l’article. Je salue l’initiative, qui évitera l’enlisement, d’autant qu’il s’agit d’un sujet sensible, puisque nous parlons de personnes accidentées, handicapées à cause du travail, ou qui souffrent de maladies professionnelles, par exemple de cancers.

Il m’est rarement arrivé de défendre un amendement qui fait l’unanimité. Je vous propose de supprimer l’article.

Mme la rapporteure générale. La transposition de l’ANI répondait à une demande des organisations. Je salue également la décision de retirer l’article puisqu’elles ont changé d’avis.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous nous annoncez, monsieur le rapporteur, sinon une bonne nouvelle, du moins la suppression d’une mauvaise nouvelle, puisque la disposition était problématique.

Par opposition à la rente en vigueur, elle reposait sur une logique de barémisation, qu’on a déjà observée à l’œuvre dans le cadre des licenciements – avec les résultats qu’on connaît. En cas de faute inexcusable de l’employeur, le présent article prévoyait des restrictions à l’indemnisation, favorisant l’employeur au détriment du travailleur. Le calcul retenu plafonnait la majoration, vidant de sa substance le dispositif, qui était double : réparer le préjudice et sanctionner les employeurs, afin de les inciter à engager des actions de prévention. Enfin, il consistait à faire payer à l’ensemble des employeurs la faute inexcusable d’un seul.

Cette disposition résultait d’une transcription abusive de l’ANI ; j’espère que nous n’aurons pas à la rediscuter.

Mme Joëlle Mélin (RN). Mon amendement vise à supprimer l’article. On nous soumet un projet de loi dépourvu d’évaluation, d’étude d’impact et de précisions sur le contenu des textes réglementaires d’application – nous ne pouvons donner quitus aux administrations centrales. La Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath) et d’autres associations suggèrent d’engager des états généraux de la réparation AT‑MP, incluant les partenaires sociaux, les associations de victimes, de praticiens et du droit, des parlementaires ainsi que des représentants de la Cour de cassation et du Conseil d’État.

Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont une bombe à retardement sur les plans financier et médical : les effets cocktail étant désormais reconnus, la notion de cancer multifactoriel risque de nous éclater à la figure, au détriment des patients et de leur famille.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS1922 est défendu.

M. Victor Catteau (RN). Il est impératif de supprimer cet article qui s’écarte des récentes avancées jurisprudentielles et qui réduit la portée de l’indemnisation des victimes d’accident du travail, notamment en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement AS2578 est défendu.

Mme Laurence Cristol (RE). Les conditions d’une transcription intégrale et fidèle de l’ANI n’ont pas été réunies. La meilleure décision serait de suspendre le processus et d’ouvrir de nouvelles discussions pour dégager un accord.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement AS2706 est défendu.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis favorable à la suppression de l’article, pour laisser le temps aux organisations professionnelles de s’entendre. Toutefois, le déroulement des événements n’est pas sans étonner. Les organisations syndicales avaient d’elles-mêmes proposé de rédiger un accord interprofessionnel. Le ministre avait vérifié auprès d’elles que la transcription était conforme à l’accord, conclu à l’unanimité, mais certains partenaires reviennent maintenant sur les conclusions.

M. le rapporteur. Il n’y a pas de surprise ; les organisations syndicales n’ont pas changé d’avis. Elles étaient d’accord sur le fond, à savoir l’instauration d’une rente calculée en fonction du déficit fonctionnel permanent, mais elles rejettent certains aspects de la transposition dans le texte, relatifs à la faute inexcusable de l’employeur, à la barémisation, à la diminution de la part professionnelle de la rente liée aux accidents du travail, au versement après consolidation. Avant d’éventuellement réexaminer le dispositif, une réflexion est nécessaire, ainsi que des discussions, car le sujet est très sensible. Il faudra associer les associations de victimes aux négociations, notamment la Fnath, la Ligue contre le cancer et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva).

Les organisations syndicales avaient signé un accord qu’elles considéraient comme un progrès pour les salariés ; or, quand nous les avons reçues, elles estimaient qu’il s’agissait davantage d’un cadeau au patronat : c’est la transposition qui pose problème, non le fond.

M. Didier Le Gac (RE). Je préside le groupe d’études sur l’amiante. L’Andeva, qui représente toutes les victimes de l’amiante, m’a très vite saisi. Sans vouloir polémiquer, il est un peu facile de dénoncer la transposition. Les partenaires sociaux ont unanimement approuvé l’accord puis, à la demande du Gouvernement, la transposition, avant de se rétracter : l’épisode n’est pas glorieux. Je rends hommage au ministre qui a reconnu que les conditions d’une transposition intégrale et fidèle n’étaient pas réunies. Il faut nous mettre d’accord avant l’an prochain ; or, les divergences sont profondes, en particulier s’agissant de la faute inexcusable de l’employeur. D’un côté, on veut accélérer l’indemnisation et éviter la judiciarisation à outrance ; de l’autre, on craint que les victimes soient lésées. Supprimons l’article et remettons l’ouvrage sur le métier.

M. Paul Christophe (HOR). Député du Nord, fortement concerné par l’amiante, j’ai évidemment été interpellé sur le sujet, notamment par la Fnath et par l’Association régionale de défense des victimes de l’amiante du Nord, dont je salue le président Pierre Pluta, qui s’investit depuis des années dans ce dossier. Par ailleurs, j’appartiens au groupe d’études sur l’amiante.

Il est vrai que le texte a fait un aller-retour entre les instances qui en ont entériné une première version, que nous nous accordons tous à juger insuffisante, et le Gouvernement. Les membres du groupe Horizons et apparentés soutiennent donc la suppression de l’article, en vue de parvenir à un dispositif consensuel, mais le sujet est très sensible et il est question de réparations de préjudices qui ne sont pas anodines.

M. Marc Ferracci (RE). Nous sommes tous d’accord : la suppression de l’article s’impose, pour que les acteurs parviennent à une solution.

Je ne crois pas que le problème réside dans l’infidélité de la transposition de l’ANI. Tous les négociateurs ont fait part d’une divergence d’interprétation sur le contenu même de l’accord. S’agissant par exemple de la faute inexcusable de l’employeur, tout le monde n’a pas la même interprétation du texte. Une clarification est donc nécessaire.

Rappelons que la concertation n’a pas été demandée par le Gouvernement, en application de l’article L. 1 du code du travail.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous serons satisfaits de voir l’article disparaître. Je me permets toutefois une taquinerie : vous soulignez que le contenu de l’ANI a donné lieu à des interprétations divergentes, ce que je ne remets pas en cause. En revanche, je constate que la transcription choisie satisfaisait plutôt les organisations d’employeurs mais pas du tout celles de salariés. Mais ce n’est pas une surprise pour moi.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 39 est supprimé et les amendements identiques AS1129 de M. Pierre Dharréville, AS1807 de Mme Joëlle Mélin et AS1948 de M. Victor Catteau, l’amendement AS2500 de Mme Astrid PanosyanBouvet, les amendements identiques AS535 de M. Thibault Bazin, AS547 de M. Jérôme Guedj, AS1094 de M. Laurent Panifous et AS2621 de M. Sébastien Peytavie, l’amendement AS2309 de Mme Astrid PanosyanBouvet, les amendements identiques AS1086 de M. Stéphane Viry, AS1955 de M. Victor Catteau et AS2759 de Mme Sophie TailléPolian, les amendements identiques AS537 de M. Thibault Bazin, AS555 de M. Jérôme Guedj, AS1096 de M. Laurent Panifous et AS2859 de M. Sébastien Peytavie, les amendements identiques AS2857 de M. François Ruffin, AS359 de M. Jérôme Guedj, AS1098 de M. PaulAndré Colombani, AS1949 de M. Victor Catteau, AS2318 de Mme Astrid PanosyanBouvet et AS2858 de M. Sébastien Peytavie ainsi que les amendements identiques AS1088 de M. Stéphane Viry, AS1957 de M. Victor Catteau et AS2758 de Mme Sandrine Rousseau tombent.

Après l’article 39

Amendement AS2729 de Mme Sandrine Rousseau

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Un amendement identique à celui du groupe Écologiste-NUPES avait été déposé par le groupe Les Républicains. Ils visent à instaurer une sanction financière en cas de faute inexcusable de l’employeur ; l’entreprise verserait la pénalité à la caisse primaire d’assurance maladie. Cela permettrait d’accélérer les indemnisations et de financer la sécurité sociale.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Chapitre VI – Poursuivre la transformation du système de retraites

Article 40
Adapter la réforme des retraites à Mayotte et à SaintPierreetMiquelon

Amendement AS1868 de Mme Caroline Colombier

Mme Sandrine DogorSuch (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, suppléant de M. Cyrille IsaacSibille, rapporteur pour la branche vieillesse, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS360 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). Malgré l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales de salariés et de plus de huit Français sur dix, le Gouvernement s’est obstiné à vouloir mener à son terme la réforme du système de retraite, que tous les Français jugent injuste. La loi reporte l’âge légal de départ et accélère plus vite que prévu le nombre d’années de cotisations nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Sans reformuler tous les arguments que nous avons défendus en leur temps, nous nous opposons à l’application du texte à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mme la rapporteure générale. La réforme des retraites prévoit une convergence progressive pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Votre amendement aurait l’effet inverse de celui que vous recherchez en rendant immédiat le décalage à 64 ans de l’âge légal.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 40 non modifié.

Après l’article 40

Amendement AS2584 de Mme Sabrina Sebaihi

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Afin de garantir la bonne compréhension de la réforme des retraites et plus largement du fonctionnement de notre système de retraites, l’État doit améliorer l’information dans le respect du principe d’accessibilité universelle inscrit dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Mme la rapporteure générale. Votre amendement est satisfait puisque la loi de 2005 s’impose à tous les organismes de retraite et les administrations publiques.

Demande de retrait sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement AS1316 de Mme Caroline Fiat.

AS1848 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Sandrine DogorSuch (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

 

TITRE II – DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Article 41
Dotations au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, aux agences régionales de santé et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux

Amendement AS171 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). L’amendement vise à supprimer l’article 41 qui réduit la contribution de l’assurance maladie au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) et aux ARS.

Alors que le FMIS est un outil clé pour mettre en œuvre les mesures annoncées lors du Ségur de la santé à l’été 2020 – 19 milliards d’euros de reprise de dette et d’investissements structurels –, le Gouvernement ne donne aucune explication sur la baisse de sa dotation.

Quant à la contribution aux ARS, elle baisse de 31,8 %, alors qu’elle permet de financer des dispositifs aussi pertinents que les groupements d’entraide mutuelle, les maisons pour l’intégration et l’autonomie des malades d’Alzheimer, ou encore les centres régionaux d’études et d’actions d’information en faveur des personnes en situation de vulnérabilité.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je saisis l’occasion d’évoquer l’insuffisance des moyens consacrés à la rénovation des d’établissements de santé. Nous sommes très loin des montants d’investissements qui seraient nécessaires pour accueillir dignement les personnes et offrir de bonnes conditions de travail aux personnels.

À l’hôpital de Martigues, devant lequel se tient en ce moment un rassemblement, le décalage entre l’ampleur des projets et la faiblesse des financements est énorme. On ne pourra pas tenir ainsi.

Je suis donc très inquiet de la réduction annoncée des fonds du FMIS, dont la distribution est déjà très inégalitaire selon les territoires. Dans ma circonscription, si rien n’est fait pour répondre aux besoins d’une population croissante, nous allons au-devant de graves problèmes qui viendront s’ajouter à ceux que nous connaissons déjà.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS361 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). Il s’agit de consacrer 500 millions d’euros par an à un plan d’investissement pour les Ehpad.

Il faut adapter l’offre médico-sociale aux enjeux démographiques, de transition énergétique et, bien sûr, de confort. L’adoption d’une loi de programmation permettrait de définir une stratégie de développement et de transformation de l’offre ainsi que les financements nécessaires, rompant ainsi avec la gestion au coup par coup de la branche autonomie.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1230 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement, qui est suggéré par Marine Martin, présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac), s’inscrit dans le prolongement de l’audition récente de Sébastien Leloup, directeur de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Il vise à demander un rapport sur les moyens de l’Oniam, dont on sait qu’ils ne sont pas suffisants pour pouvoir indemniser les victimes de la Dépakine.

Cette grave défaillance laisse des familles dans le désarroi le plus complet. Comble de l’injustice, le premier coupable de la situation, le laboratoire Sanofi, se décharge de toute responsabilité et refuse d’indemniser les victimes. L’argent public continue d’indemniser les victimes pendant que l’entreprise affiche des dividendes record.

Je salue le combat que mène l’Apesac depuis de nombreuses années. Malheureusement rien ne change. Puisque vous ne voulez pas obliger Sanofi à payer ce qu’elle doit aux familles, donnez les moyens à l’Oniam de les indemniser correctement et plus rapidement – il arrive que des victimes décèdent avant de pouvoir être indemnisées. Le rapport que nous demandons est un pis-aller tant nous voudrions voir Sanofi assumer ses responsabilités et payer.

Mme la rapporteure générale. J’émets un avis défavorable puisqu’il s’agit d’une demande de rapport mais le sujet pourrait être abordé dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je rappelle l’information essentielle que nous a fournie le directeur de l’Oniam lors de son audition : Sanofi a versé 0 euro aux 16 000 à 30 000 enfants souffrant de troubles à cause de la prise de Dépakine par leur mère enceinte.

Sanofi connaissait depuis les années 1980 les risques de troubles du développement. Pourtant elle n’a toujours pas versé un seul euro, n’hésitant pas à multiplier les recours pour allonger les procédures judiciaires.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 41 non modifié.

Après l’article 41

Amendement AS2141 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Il s’agit de conditionner le versement de l’allocation supplémentaire d’invalidité à la preuve de la résidence sur le terrtoire français depuis au moins cinq ans.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1558 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Afin de soutenir la filière française, l’amendement a pour objet d’instituer une préférence nationale dans le domaine de l’optique.

Alors que le marché extra-européen de l’optique ne cesse de se développer, il convient de réserver l’égibilité au reste à charge zéro aux lunettes fabriquées ou assemblées par des industries françaises.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’amendement AS516 de M. Mickaël Bouloux.

 

Article 42
Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Amendements identiques AS116 de M. Sébastien Peytavie, AS172 de M. Jérôme Guedj et AS943 de M. Yannick Monnet

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous avons souligné à plusieurs reprises l’état désastreux de notre système de soins. Un budget plus élevé et des embauches supplémentaires ne suffiraient pas à y remédier, certes.

Néanmoins, nous sommes en droit de nous interroger sur la sincérité du budget de la sécurité sociale. L’année dernière, il a dû être rectifié à trois reprises.

Si on écoute toutes les associations ainsi que la FHF, il apparaît évident que votre budget n’est pas sincère et ne couvre pas toutes les dépenses, notamment à cause de l’inflation et de l’augmentation des salaires.

M. Elie Califer (SOC). Avec l’amendement AS172, nos arguments sont identiques. Selon la FHF, l’Ondam 2024 devrait évoluer de 5 milliards d’euros. Celui que vous avez fixé ne permet pas de couvrir les besoins en santé de la population.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Grâce au 49.3, vous serez libres d’adopter l’Ondam de votre choix. Mais la suppression de l’article 42 serait néanmoins un signal fort. Elle marquerait notre opposition à un Ondam bien insuffisant par rapport aux besoins des populations.

Mme la rapporteure générale. Depuis le début de l’examen du texte, vous mettez en cause sa sincérité. Je m’inscris en faux. Que vous considériez que les moyens dédiés à cette branche ne sont pas suffisants, je peux l’entendre. Que vous parliez d’insincérité, je le conteste.

Le PLFSS détermine une trajectoire prévisionnelle, cohérente avec notre objectif de maîtrise des déficits publics. Heureusement, cette trajectoire peut être rectifiée, pour tenir compte de l’inflation par exemple. La sincérité n’est pas en question.

En ce qui concerne la branche maladie, le PLFSS prévoit pour 2024 une hausse des dépenses de 13,6 milliards d’euros, soit 5,7 %.

Mme Joëlle Mélin (RN). J’utiliserai, à mon tour, le terme d’insincérité.

Faire des projections à partir d’éléments improbables à tout le moins, selon les rapports de la Cour des comptes, est problématique. Vos prévisions d’inflation et de croissance notamment sont trompeuses.

Madame la rapporteure générale, ce que vous qualifiez de trajectoire s’appelle dans mon pays la diagonale du fou – l’édifice tient mais il repose sur un socle très fragile et, en l’occurrence, insincère. Nous voterons donc les amendements de nos collègues.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 42 est supprimé.

 

Article 43
Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs pour 2024

Amendements identiques AS117 de M. Sébastien Peytavie, AS173 de M. Jérôme Guedj, AS944 de M. Pierre Dharréville et AS1244 de Mme Caroline Fiat.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). S’agissant d’insincérité, la question n’est pas de savoir si vous pouvez rectifier ou non le budget puisque, par définition, vous n’allez pas arrêter de soigner les gens faute d’argent.

Mais, si l’on additionne l’inflation et les mesures légitimes que vous prenez notamment pour payer mieux le travail de nuit et les week-ends, le compte n’y est pas. C’est en ce sens que votre budget n’est pas sincère, toutes les fédérations le disent.

M. Elie Califer (SOC). Pardonnez-nous pour l’emploi du terme « insincérité ».

L’an dernier, nous avions dit, et la Cour des comptes également, que l’Ondam n’était pas suffisant. Il fallait donc s’attendre à la rectification à laquelle vous avez procédé en cours de route. Cette année encore, nous le disons, et la FHF aussi. Elle estime ainsi que l’Ondam devrait évoluer de 5 milliards d’euros et suggère une ventilation des crédits supplémentaires. Tel est le sens de l’amendement AS173.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de supprimer l’article parce que l’Ondam et ses sous-objectifs sont notoirement insuffisants pour répondre aux besoins de santé et sociaux.

Mme la rapporteure générale. L’Ondam 2024 s’élève à 254,7 milliards d’euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à celui rectifié de 2023, hors dépenses liées à la crise sanitaire. Autrement dit, cela représente une augmentation de 8 milliards d’euros à champ constant par rapport à 2023 et de plus de 54 milliards par rapport à 2019 – en cinq ans. Lorsque vous étiez au pouvoir, quelle que soit la majorité, on était bien loin d’une telle augmentation. En intégrant les dépenses de crise, la hausse de l’Ondam est de 2,9 %. Dans les deux cas, les taux d’évolution sont supérieurs à l’inflation prévue pour 2024, témoignant ainsi de notre volonté d’investir dans la modernisation du système de santé tout en maîtrisant les dépenses.

M. Yannick Neuder (LR). La discussion est vraiment très complexe.

J’en conviens, des milliards d’euros sont arrivés ces dernières années. Je souscris également à votre analyse sur l’efficience de soins : il n’est pas vrai que plus on dépense, mieux on est soigné.

Notre désaccord porte sur l’insincérité budgétaire que nous avions déjà dénoncée l’an passé – et les faits, ou plutôt les rectificatifs, nous ont malheureusement donné raison. Nous le répétons, dans une période post-crise sanitaire et d’inflation galopante, le compte n’y est pas. L’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics ou privés, font tous le même constat, étonnant, n’est-ce pas ? Cet Ondam pose vraiment problème.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 43 est supprimé et les amendements identiques AS659 de M. Jérôme Guedj et AS937 de M. Laurent Panifous, les amendements identiques AS529 de M. Jérôme Guedj et AS1865 de Mme Katiana Levavasseur, les amendements AS794 de M. Sébastien Peytavie et AS1246 de Mme Ségolène Amiot, les amendements identiques AS186 de Mme Émilie Bonnivard, AS1657 de M. Thibault Bazin, AS1720 de M. Jean-Carles Grelier et AS2396 de M. Freddy Sertin, l’amendement AS795 de M. Sébastien Peytavie, les amendements identiques AS911 de Mme Isabelle Valentin, AS1660 de M. Thibault Bazin, AS1721 de M. Jean-Carles Grelier et AS2411 de M. Freddy Sertin, les amendements AS797 de M. Sébastien Peytavie, AS373 de M. Thibault Bazin, AS448 et AS1274 de Mme Justine Gruet, AS1457 de Mme Julie Laernoes, AS834 de M. Jérôme Guedj, AS945 de M. Pierre Dharréville et AS1245 de Mme Ségolène Amiot, les amendements identiques AS1923 de Mme Isabelle Valentin et AS2058 de M. Thibault Bazin ainsi que les amendements AS2487 de M. Christophe Marion et AS1440 de M. Cyrille IsaacSibille tombent.

 

Article 44
Dotations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert au titre de la sousdéclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, et dépenses liées aux dispositifs de prise en compte de la pénibilité

Amendements identiques AS175 de M. Jérôme Guedj et AS946 de M. Pierre Dharréville

M. Elie Califer (SOC). L’amendement AS175 tend à supprimer l’article 44. Derrière cet article technique, se cache l’inaction du Gouvernement face à la recrudescence des accidents du travail, en particulier l’absence d’ambition en matière de prévention de ces accidents et le déni total envers l’impact de la pénibilité sur les corps et les vies des travailleuses et travailleurs.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous devons nous interroger sur les raisons de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. En reconduisant chaque année l’abondement de l’assurance maladie, nous n’allons pas assez loin. Il nous faut prendre à bras-le-corps cette question. C’est le signal que nous voulons envoyer par le biais de cet amendement.

M. François Ruffin, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Il existe une tricherie officielle dans la déclaration des accidents du travail. Tous les syndicalistes dans n’importe quelle entreprise vous expliquent comment la direction s’arrange pour déguiser un accident du travail en autre chose ou le masquer, et ainsi faire diminuer les statistiques.

Le système est devenu plus pervers encore puisqu’il s’agit de faire participer les collectifs du travail à l’invisibilisation des accidents – je vous alerte là-dessus. Ainsi, à la Sanef, la prime d’intéressement est-elle liée à l’absence d’accidents du travail. Lorsqu’un accident survient, les collègues viennent voir la personne concernée pour la convaincre de ne pas le déclarer sinon tout le monde perd sa prime. À l’Aérospatiale, il existe un bingo de l’accident du travail : les salariés cochent des croix et, quand on atteint un certain nombre de croix, on peut libérer son bingo et gagner, mais en cas d’accident du travail, on revient à zéro. Donc on vient voir le collègue en lui disant « s’il te plaît, ne te déclare pas ». Il y a une « sous-sous-déclaration », sans compter le fait que les troubles psychosociaux ne sont pas aujourd’hui inscrits dans les tableaux des maladies professionnelles.

D’après le sociologue Arnaud Mias, hors cancers liés aux expositions à l’amiante, moins de 300 cancers sont reconnus comme maladie professionnelle alors que les épidémiologistes les plus prudents estiment que le nombre de causes liées au travail est au moins vingt fois plus important. Autrement dit, 95 % des cancers professionnels ne sont pas reconnus. Il y a là une « sous-sous-sous-sous-sous-déclaration » manifeste.

Je suis favorable aux amendements, qui adressent un signal fort au Gouvernement pour qu’il prenne à bras-le-corps cette question. On ne peut pas combattre les accidents du travail, qui sont plus importants en France que dans les autres pays européens, si on ne les recense pas de manière honnête et exhaustive. Arrêtons de tricher. Arrêtons de laisser tricher.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 44 non modifié.

Après l’article 44

Amendements identiques AS1395 de M. Didier Le Gac et AS1845 de M. Pierre Dharréville

M. Didier Le Gac (RE). Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), créé en 2001 par une loi de financement de la sécurité sociale, a bien fonctionné jusqu’à présent, malheureusement si je puis dire, tant les victimes de l’amiante sont nombreuses dans notre pays. Ainsi, 100 000 victimes ont été indemnisées depuis sa création.

Aujourd’hui, le Fiva peine à atteindre tous les bénéficiaires potentiels. Cela a été mis en lumière encore récemment par un programme national de suivi du mésothéliome, le mésothéliome étant la traduction la plus courante, la plus malheureuse d’une exposition à l’amiante. L’étude montre qu’une demande d’indemnisation auprès du Fiva a été effectuée par seulement 55 % des sujets résidant dans les départements concernés.

Plus de vingt ans après la création du Fiva, il y a lieu de lutter contre le non-recours et d’en faire un axe prioritaire. C’est l’objet de l’amendement, qui vise à renforcer les moyens dont dispose le fonds pour détecter les personnes susceptibles de bénéficier de droits à l’indemnisation. Cela passera notamment par une meilleure transmission des données entre les différents organismes de gestion des prestations sociales.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je voudrais rendre hommage au travail qui a été effectué par notre collègue Didier Le Gac en tant que président du groupe d’études sur l’amiante, dont je suis membre également.

On ne peut pas se satisfaire de la situation. Il faut tout mettre en œuvre pour permettre aux victimes de bénéficier des droits auxquels elles peuvent prétendre. C’est la logique de l’amendement. Il faut absolument continuer à lutter contre ce fléau en recourant à tous les moyens nécessaires.

J’ai été fort marri d’entendre le directeur de l’Oniam, lors de son audition la semaine dernière, continuer à envisager une fusion avec le Fiva. J’espère que, dans l’esprit du Gouvernement, ce projet est vraiment derrière nous car c’est une très mauvaise idée. Il faut que l’amiante reste présent et visible dans le débat public.

M. le rapporteur. Avis évidemment favorable à cet amendement qui dit qu’il faut aller vers les malades professionnels qui s’ignorent. Comme je le disais en citant le sociologue Arnaud Mias, 95 % des cancers professionnels ne sont pas perçus par les malades eux-mêmes comme étant d’origine professionnelle, du moins ces malades ne font-ils pas valoir leurs droits en la matière. De la même manière, 75 % des troubles musculo‑squelettiques, pourtant caractérisés comme maladie professionnelle, ne font pas l’objet de déclaration.

Au lieu de rechercher les fraudeurs, mieux vaudrait rechercher tous les non-recours sur ce continent invisible des malades professionnels et des accidentés du travail.

La commission adopte les amendements.

 

Article 45
Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Amendements de suppression AS118 de M. Sébastien Peytavie, AS178 de M. Jérôme Guedj et AS947 de M. Yannick Monnet

M. Elie Califer (SOC). Derrière une augmentation de 8,1 % des crédits, en apparence élevée, ce PLFSS ne contient aucune mesure structurelle pour répondre aux enjeux majeurs de cette branche, comme vient de l’exposer M. Dharréville. Il n’évoque ainsi ni le nombre de morts sur le champ du travail, ni la réparation de la pénibilité, ni la prévention, ni le développement des pathologies mentales professionnelles.

Nous nous opposons à cette politique du Gouvernement, si éloignée des besoins des travailleurs et de la population, et demandons, par l’amendement AS118, la suppression de l’article 45.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les objectifs de dépenses 2024 de la branche AT-MP reposent sur une sous-déclaration chronique. L’amendement AS947 vise donc à remettre en question les objectifs affichés.

M. le rapporteur. La situation est paradoxale : alors que la France est mal classée par rapport aux autres pays européens pour ce qui concerne les troubles liés au travail, les maladies professionnelles et le stress, la branche accidents du travail et maladies professionnelles est excédentaire. Nous devrions, au contraire, tout dépenser pour chercher à pallier ce mal immense qui affecte non seulement la santé des travailleurs, mais aussi notre économie, et les services d’aides à domicile ou les Ehapd peinent à recruter.

Le coût du maltravail en France avait été chiffré à 100 milliards d’euros par un Xavier Bertrand, ancien ministre du travail. Or notre pays n’a aucune politique ambitieuse pour remédier à ce problème. Ainsi, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ne parvient même pas à obtenir le même budget qu’en 2012. Ce pôle intellectuel qui devrait nous fournir les connaissances nécessaires pour améliorer la santé au travail et qui devrait être le moteur de cette démarche n’a pas de budget pour 2024. C’est, sous un vernis de prévention primaire, le symptôme d’une absence de véritable politique dans ce domaine.

Je suis donc favorable à l’adoption de ces amendements de suppression, qui aura valeur d’alarme pour que l’on prenne cette question à bras-le-corps.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 45 est supprimé et l’amendement AS580 de M. Hadrien Clouet tombe.

 

Après l’article 45

Amendement AS1874 de Mme Caroline Colombier

Mme Laure Lavalette (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS2265, AS2264, AS2279 et AS2278 de M. Serge Muller (discussion commune)

M. Serge Muller (RN). Mon amendement AS2265, qui est un amendement d’appel, vise à restreindre les conditions d’attribution de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) en la soumettant à une condition de résidence de trente ans sur le territoire national au lieu de dix, dans le même objectif de bon sens économique et de dissuasion migratoire.

Les amendements de repli qui suivent tendent respectivement à fixer cette durée de présence sur le territoire national à vingt-cinq ans pour l’amendement AS2264, à vingt ans pour l’amendement AS2279 et à quinze ans pour l’amendement AS2278.

Mme la rapporteure générale. Je ne partage pas votre notion de la justice sociale. Vos amendements conduiraient à réduire le bénéfice de l’Aspa pour des personnes qui ont largement contribué à la richesse de notre pays. En effet, votre amendement le plus maximaliste conduirait à en retirer le bénéfice à une personne âgée qui aurait rédigé vingt-neuf ans en France. Cela ne me semble pas équilibré.

La loi dispose actuellement que le bénéfice de l’Aspa est conditionné à l’existence d’une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans une collectivité d’outre-mer. Concrètement, il faut séjourner au moins neuf mois dans l’année en France et justifier d’un titre de séjour autorisant à travailler d’au moins dix ans. Les ressortissants de certains pays bénéficient de règles dérogatoires résultant d’accords internationaux parfois très anciens et dont la remise en cause ne saurait passer par un simple amendement en loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, vous oubliez de préciser que les ressortissants de pays non membres de l’Espace économique européen ou de la Suisse doivent la plupart du temps justifier d’une activité professionnelle en France, même lorsque la règle des dix années ne s’appliquerait pas à eux. C’est le cas des ressortissants du Bénin, du Cap-Vert, du Congo, de Madagascar, du Mali, du Sénégal et du Togo, ainsi que de ceux du Maroc, de Tunisie, de Turquie et d’Israël lorsqu’ils ont la qualité de travailleurs migrants.

J’émets donc un avis vraiment défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1610 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Le système de retraite français repose sur le principe d’entraide intergénérationnelle. Il est primordial que les retraités actuels puissent jouir d’une retraite paisible sans avoir comme première préoccupation la fin du mois. Afin d’assurer une certaine pérennité aux retraités, il est donc nécessaire que l’État fixe l’évolution annuelle des pensions de retraite sur l’inflation.

Mme la rapporteure générale. L’amendement est satisfait, car les pensions sont déjà indexées sur l’inflation. Elles seront d’ailleurs revalorisées de 5,2 % dès le mois de janvier prochain.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1735 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). L’article 85 de la LFSS 2015 a supprimé l’universalité des allocations familiales en permettant une variation de celles-ci « en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants ». Or ces allocations doivent servir à compenser le coût de la charge de l’éducation des enfants. La comparaison ne doit donc pas s’établir entre deux familles ayant des revenus différents mais le même nombre d’enfants.

Ce choix dévastateur a envoyé un signal très négatif aux familles. Selon les estimations de l’Union nationale des associations familiales, les familles françaises ont reçu en moyenne 137 euros de moins par an et par enfant en 2020 qu’en 2010. Le contexte inflationniste actuel entraîne un renchérissement du coût de l’accueil du jeune enfant et cette baisse pèse donc très lourd.

La mise sous condition de ressources, présentée de façon mensongère comme une universalité, est un contresens majeur pour la politique familiale efficiente dont nous avons besoin. La politique familiale n’est pas une politique sociale. Elle ne doit pas servir à réduire les disparités de revenus, mais bien à encourager les familles à élever des enfants. Il s’agit là de l’avenir de notre pays, car c’est par la démographie que nous pourrons redresser les comptes sociaux.

Le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour la pérennité du modèle social de notre pays, où les femmes ont, je le rappelle, en moyenne 1,8 enfant, alors que leur désir à cet égard est évalué à 2,4. Toute la société doit s’interroger sur ce qu’il est possible de faire pour que ce désir devienne une réalité. Revenir sur la suppression de l’universalité des allocations familiales serait une belle première avancée concrète pour toutes les familles qui œuvrent pour la collectivité nationale.

L’amendement vise donc à demander au Gouvernement de remettre un rapport sur les conséquences qu’a eues sur la natalité l’article 85 de la LFSS 2015.

Mme la rapporteure générale. Nous débattrons de cette question avec le rapporteur thématique après l’article 46. Nous pourrons par ailleurs obtenir les informations faisant l’objet du rapport que vous demandez dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1711 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). Cet amendement se veut être un écho du collectif des Oubliés de la réforme de 2022-257. Avec son article 110, la LFSS 2022 a introduit de nouvelles règles de cumul entre la pension d’invalidité et les revenus d’activité, fixées par le décret n° 2022‑257 du 23 février 2022, qui prétendait faciliter l’intégration professionnelle, et donc sociale, des personnes invalides et handicapées. Le Gouvernement ne parvient vraisemblablement pas à atteindre l’objectif initial de maintien dans l’emploi et de retour vers l’emploi des personnes handicapées, dont certaines réduisent leur nombre d’heures, voire arrêtent de travailler.

Les personnes percevant une pension d’invalidité, qui subissent déjà le poids du handicap, se trouvent ainsi pénalisées sans certitude pour l’avenir, et parfois plus isolées qu’elles n’étaient. La perte serait d’environ 1 200 euros par mois pour les pensionnés perdants. Pour ceux dont la pension d’invalidité sera désormais égale à zéro, il en est fini de la rente prévoyance, des assurances de prêt et des points retraite.

Pour les pensionnés dont les ressources sont inférieures au plafond de la sécurité sociale, le lissage sur douze mois glissants au lieu des deux semestres précédemment retenus aura pour effet qu’en cas de versement par l’employeur d’une prime exceptionnelle ou d’une indemnité de licenciement qui porteraient ponctuellement leurs revenus au-dessus du plafond, la pension serait affectée pendant un an, au lieu d’un seul trimestre avant le décret. Le décret rectificatif de juillet dernier ne règle pas le problème pour les plus modestes, toujours menacés par l’épée de Damoclès d’un revenu exceptionnel ponctuel.

Par ailleurs, les chiffres de 8 000 perdants pour 60 000 gagnants, annoncés par le Gouvernement, n’ont vraisemblablement fait l’objet d’aucune étude et sont largement remis en cause par les associations. Nous avons été échaudés par le mensonge du Gouvernement qui annonçait que la pension de retraite minimale à 1 200 euros devait toucher à peu près 2 millions de personnes, alors que le nombre de bénéficiaires ne sera finalement que de 10 000 à 20 000.

Enfin, la logique gouvernementale consistant à prendre de l’argent à des invalides pour le donner à d’autres remet en cause le principe de prestation contributive. Nous demandons donc la remise d’un rapport détaillant le nombre de personnes bénéficiaires de la pension d’invalidité qui seraient effectivement perdantes.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme Laure Lavalette (RN). L’argument est convaincant ! Je vois bien que nous subissons, comme hier soir, un certain sectarisme : même lorsqu’une idée vous paraît bonne, si elle n’émane pas de votre famille politique, vous êtes incapables de manifester une once de bonne volonté, ne serait-ce que pour accepter un rapport. Cela en dit long sur l’état d’esprit de ce gouvernement.

Mme Christine Le Nabour (RE). Madame Lavalette, le Gouvernement, pleinement conscient de la situation, s’est attaché à modifier le décret et a porté le seuil à 1,5 fois le plafond de la sécurité sociale, de telle sorte qu’il n’y a plus aujourd’hui que 600 personnes concernées.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 46
Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2024

Amendements de suppression AS119 de M. Sébastien Peytavie, AS180 de M. Jérôme Guedj et AS948 de M. Pierre Dharréville

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Mon amendement a pour objet la suppression de cet article qui est, lui aussi, insincère et insuffisant.

M. Elie Califer (SOC). Derrière une augmentation des crédits de 7 %, en apparence élevée, ce projet de loi ne contient aucune mesure structurelle pour répondre aux enjeux majeurs de cette branche, comme la prise en compte de la pénibilité, des carrières longues, des carrières hachées, de la baisse du taux de remplacement et des inégalités de pensions entre les femmes et les hommes, et entre les bas et les hauts revenus, ou l’amélioration de l’emploi des seniors.

Par l’amendement AS180, nous nous opposons donc à cette politique du Gouvernement, si éloignée des besoins des assurés et proposons la suppression de l’article 46.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous restons opposés aux mesures instaurées voilà quelques mois par la LFSS rectificative. Les revalorisations prévues en 2024 ne rattraperont pas les absences de revalorisation ou les sous-revalorisations des années précédentes. Nous sommes donc en désaccord avec les objectifs fixés pour la branche vieillesse.

Mme la rapporteure générale, suppléant M. Cyrille IsaacSibille, rapporteur pour la branche vieillesse. Certes, vous direz que c’est toujours insuffisant, mais nous augmentons les dépenses, qui passeront de 275 milliards d’euros en 2023 à 293,7 milliards en 2024, soit une augmentation de plus de 15 milliards, et les pensions des retraités seront revalorisées.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Même si je sais que le rôle de l’opposition est de promettre la lune et plus encore, je tiens à souligner que c’est agir en responsabilité que de fixer des trajectoires de financement et de tenter d’équilibrer dépenses et recettes.

Il est clair que certains besoins de protection sociale ne seront pas satisfaits aujourd’hui, mais il faut tenir compte des moyens – qui, du reste, progressent. Je regrette donc ces amendements de suppression, qui sont des amendements d’irresponsabilité.

Mme Joëlle Mélin (RN). Au risque de jouer les anciens combattants, je rappelle que la notion de maîtrise médicalisée est apparue en mai 1980, sous Raymond Barre, et s’est maintenue sous François Mitterrand. La convention des médecins prévoyait expressément que les honoraires et les prescriptions seraient revalorisés en fonction des recettes disponibles de l’assurance maladie. Quarante ans plus tard, nous y sommes encore ! On prétend qu’il n’y a pas de ressources, alors qu’elles sont bien là, mais mal utilisées, de telle sorte que le système de santé, comme ceux des retraites et du soutien à la famille, est dans un état déplorable.

Nous soutiendrons donc ces amendements. Voilà quarante-trois ans que cela dure et il est urgent que cela s’arrête. Il faut changer de stratégie.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 46 est supprimé.

Après l’article 46

Amendement AS2659 de M. Loïc Kervran

M. Frédéric Valletoux (HOR). L’amendement est défendu.

M. Paul Christophe, rapporteur pour la branche famille. Avis défavorable, comme l’an passé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1869 de Mme Caroline Colombier, amendements AS1873 de Mme Caroline Colombier, AS2047, AS2022 et AS2402 de Mme Caroline Parmentier, et amendement AS1618 de Mme Katiana Levavasseur (discussion commune)

Mme Laure Lavalette (RN). Les amendements sont défendus.

M. le rapporteur. Conformément aux dispositions de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, le droit aux prestations familiales est aujourd’hui ouvert aux ressortissants étrangers en situation de séjour régulier sur le territoire français.

Philosophiquement, je suis évidemment contre vos amendements qui priveraient de nombreuses familles et, partant, de nombreux enfants d’aides financières précieuses et souvent indispensables à leur pleine intégration.

Du point de vue du droit, réserver les prestations familiales aux familles de nationalité française constitue par ailleurs une remise en cause du principe de non‑discrimination, au cœur de notre droit constitutionnel et de nos engagements internationaux. La Cour de cassation a consacré à plusieurs reprises le principe de non‑discrimination directement fondée sur la nationalité. Ce principe est également central à l’échelon européen, la Cour de justice de l’Union européenne ayant consacré l’égalité de traitement dans l’accès aux avantages sociaux pour tous les citoyens de l’Union, même sans titre de séjour et sans condition de ressources à l’installation.

Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2019 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). En juillet, le Président de la République a évoqué la nécessité de sanctionner financièrement les familles après une première infraction commise par un mineur. Malgré les émeutes de l’été, mettant en évidence la délinquance des mineurs, aucune action n’a été engagée. En effet, beaucoup d’émeutiers étaient âgés de 11 à 18 ans et nous avons été nombreux à nous demander où étaient leurs parents.

La responsabilité individuelle est trop souvent éludée au profit d’excuses externes. Face à la montée de la délinquance juvénile, il est essentiel de nous demander où nous en sommes en termes de responsabilité des parents. Nous avons été nombreux à penser que l’irresponsabilité de ces parents ne pouvait rester impunie : 65 % des Français, dans toutes les formations politiques, souhaitent des sanctions contre les parents des mineurs multirécidivistes.

Des vidéos ont circulé qui montraient des parents sermonnant leurs enfants qu’ils venaient récupérer sur les lieux d’émeute en pleine nuit. Ce comportement responsable aurait dû être celui de tous les parents de mineurs participant à ces actes délictueux.

Les allocations familiales font partie des prestations familiales destinées à prendre en charge les frais liés à l’entretien ou à l’éducation d’un enfant. Dans le cas où celui-ci serait condamné pour des troubles à l’ordre public, comme des dégradations de biens publics, des délits ou des crimes, il s’agit bien d’une défaillance éducative. Pourquoi donc maintenir cette aide financière ? En l’octroyant, l’État fait confiance aux parents pour guider leurs enfants vers une citoyenneté responsable. S’ils échouent, la communauté, par le biais de l’État, devrait avoir le droit de les rappeler à leurs devoirs.

À ceux qui nous diraient que cela vise en premier lieu les familles les plus précaires – argument revenu souvent dans l’hémicycle –, je répondrai que la pauvreté et la délinquance ne sont pas liées. Le penser reviendrait à dire que 9 millions de Français pauvres seraient de potentiels délinquants. C’est une logique que nous rejetons.

M. le rapporteur. Sans refaire le débat que nous avons déjà eu autour de votre proposition de loi, j’observe que vous voulez contrarier l’indépendance de la justice en proposant que la suspension du versement des allocations familiales soit automatiquement prononcée par le juge. Je m’inquiète à l’idée que, si vous deveniez décideurs, vous pourriez imposer au juge ses décisions.

En outre, sanctionner un enfant peut pénaliser les autres, puisque les allocations familiales sont proportionnelles et attribuées à partir du deuxième enfant. Vous pénaliseriez ainsi la famille pour l’enfant qui aurait commis un acte délictueux pour lequel il sera jugé et que le juge peut, le cas échéant, sanctionner. Pénaliser les autres enfants et réduire la somme qui allouée à une famille pour vivre dignement n’est sans doute pas un facteur d’intégration sociale.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai à l’esprit la situation d’une famille où la séparation des parents a profondément perturbé les enfants, lesquels ont fait, dans les semaines qui ont suivi, pas mal de bêtises dans leur village, proche du mien. La suppression des allocations devrait-elle s’appliquer automatiquement dans une telle situation liée à un choc psychologique ? Il faudrait parfois mettre de côté les aspects politiques et voir les drames qui se passent autour de nous. Il existe évidemment des problèmes d’éducation, mais d’autres situations peuvent parfois expliquer certains comportements.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements AS2298 et 2310 de Mme Laure Lavalette, faisant l’objet d’une discussion commune.

Amendements identiques AS1611 de Mme Katiana Levavasseur et AS2340 de Mme Laure Lavalette

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS1611 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements, puis l’amendement AS2352 de Mme Laure Lavalette.

Amendement AS2051 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). Cet amendement d’appel vise à apporter plus de souplesse dans la prise de jours de congés maternité et paternité pour répondre au besoin de flexibilité des parents. En permettant à la mère de céder jusqu’à sept jours de son congé maternité au père, et vice versa, on reconnaît l’importance de la diversité des situations familiales. Il est toutefois crucial de s’assurer que les parents ne subiront pas de pression indésirable, en particulier les mères qui pourraient se sentir obligées de céder une partie de leurs congés pour des raisons professionnelles. Les employeurs doivent être encouragés à soutenir ce choix sans le considérer comme une attente ou une norme.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS439, AS507, AS509, AS510 et AS513 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Yannick Neuder (LR). La suppression de l’universalité des allocations familiales en 2015 commence à montrer ses effets, avec un taux de natalité qui ne cesse de chuter. Nous vous proposons donc de rétablir notre politique de natalité dès le premier enfant, quels que soient les revenus, afin que le choix d’avoir un enfant ne soit pas remis en question par des difficultés financières.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La réforme de 2015 n’a pas remis en cause le principe de l’universalité des allocations familiales, qui sont versées à toutes les familles ayant au moins deux enfants. De plus, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures en faveur de la natalité, comme la politique des 1 000 premiers jours, et lancé des chantiers structurants concernant le service public de la petite enfance tels que la réforme du complément de garde, qui prendra effet au 1er janvier 2025, ou encore la réflexion sur le développement des modes d’accueil.

La ministre s’est engagée à ouvrir la réflexion sur la réforme de 2015. Au regard des nombreuses propositions que vous avez faites sur ce sujet, votre place sera dans le groupe de travail qui étudiera cette question.

M. Yannick Neuder (LR). La ministre a affirmé que la politique familiale était une de ses priorités mais il y a toujours un flou dans ses déclarations. Nous vérifierons donc, lors du prochain PLFSS, si elle revient sur ce sujet. Il serait d’ailleurs intéressant qu’elle se saisisse également des politiques relatives à l’autonomie car il faut soutenir les Français à tous les âges de la vie.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1631 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable à votre demande de rapport sur la prestation partagée d’éducation de l’enfant car un chantier est en cours au ministère sur ce sujet. Nous ne manquerons pas de vous y associer.

La commission rejette l’amendement.

Article 47
Objectifs de dépenses de la branche famille

Amendements de suppression AS120 de M. Sébastien Peytavie, AS182 de M. Jérôme Guedj et AS949 de M. Pierre Dharréville

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 47 n’est pas à la hauteur des besoins de la branche famille, qui sont énormes. Nous proposons donc de le supprimer.

M. Elie Califer (SOC). L’amendement AS182 est défendu.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous ne partageons pas les objectifs fixés, qui sont nettement insuffisants au regard des besoins. De plus, je rappelle que la branche famille est excédentaire.

M. le rapporteur. Vous nous reprochez de ne pas dépenser suffisamment mais vous voulez supprimer l’enveloppe – c’est paradoxal ! Voilà donc toute l’attention que vous portez à la branche famille. Je suis défavorable à la suppression de cet article et je vous demande solennellement de maintenir au moins ce budget de 58 milliards d’euros. Quant à ce que nous en ferons, nous pourrons toujours en débattre en séance – s’il est maintenu.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 47 est supprimé.

 

 

Article 48
Objectifs de dépenses de la branche autonomie

Amendements de suppression AS121 de M. Sébastien Peytavie, AS184 de M. Jérôme Guedj, AS950 de M. Yannick Monnet et AS2581 de Mme Ségolène Amiot

M. Elie Califer (SOC). L’amendement AS184 est défendu.

Contre l’avis de Mme Caroline Janvier, rapporteure pour la branche autonomie, la commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 48 est supprimé.

 

Article 49
Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)

Amendement de suppression AS185 de M. Jérôme Guedj

M. Elie Califer (SOC). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure générale, suppléant M. Cyrille IsaacSibille, rapporteur pour la branche vieillesse. Avis défavorable car les missions du Fonds de solidarité vieillesse sont essentielles pour la solidarité de notre système de retraite.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 49 est supprimé.

 

Après l’article 49

Amendement AS2029 de Mme Laure Lavalette

Mme Laure Lavalette (RN). Les personnes de nationalité étrangère présentes en France ayant fait l’objet d’une condamnation pénale doivent être exclues du droit au bénéfice des aides sociales, à l’exception bien sûr des soins urgents. Il est de notre responsabilité de garantir que ces aides bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin mais aussi de nous assurer qu’elles sont attribuées de manière juste et équitable.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1772 de M. Matthieu Marchio, les amendements AS1683, AS1679 et AS1680 de M. Franck Allisio, l’amendement AS1734 de M. Matthieu Marchio et l’amendement AS1676 de M. Franck Allisio

Mme Laure Lavalette (RN). Les amendements sont défendus.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1480 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à simplifier le droit en faisant en sorte que les personnes qui, de manière non intentionnelle, commettent des erreurs, ne soient plus poursuivies comme des personnes qui fraudent.

Mme la rapporteure générale. Dès lors qu’il est de bonne foi, un allocataire ne peut être sanctionné à raison d’une absence de déclaration ou d’une déclaration inexacte.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement AS2023 de Mme Laure Lavalette.

Amendements AS1882 et AS1633 de Mme Katiana Levavasseur, les amendements AS1678 et AS1677 de M. Franck Allisio, et l’amendement AS1624 de Mme Christine Loir

Mme Laure Lavalette (RN). Les amendements sont défendus.

Suivant l’avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1697 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement vise à expérimenter l’inscription du dossier médical du patient sur sa carte Vitale afin de lui éviter de refaire des examens quand il change de département.

Mme la rapporteure générale. En 2024, l’assurance maladie travaillera à la généralisation de la carte Vitale électronique, qui me paraît préférable à la solution que vous proposez.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS246 de M. Jérôme Guedj est retiré.

 

La commission rejette la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

 

Mme la rapporteure générale. Je suis un peu sidérée par ce vote. La troisième partie prévoit des dépenses telles que la campagne de vaccination contre le papillomavirus et la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans. Vous venez de supprimer un ensemble de mesures indispensables par irresponsabilité, parce que vous voulez toujours plus d’argent. Ce vote est une déception pour nos concitoyens.

Mme Laure Lavalette (RN). Je formule le vœu que le Gouvernement laisse le Parlement travailler et que nous aurons des débats riches en séance. Tout ne justifie pas la brutalité d’un 49.3 dégainé avant même l’examen des amendements.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je regrette que nous ne soyons pas parvenus à adopter certaines avancées. Vous pouvez certes les trouver insuffisantes mais l’évolution des sommes inscrites dans le PLFSS est majeure. Mme Lavalette vient d’exprimer sa crainte d’un 49.3 : je pense que c’est malheureusement ce qui pourrait arriver au vu de ce qui vient de passer.

M. Yannick Neuder (LR). On ne peut quand même pas résumer le PLFSS à la gratuité des préservatifs. Le compte n’y est pas : 50 % des hôpitaux, 40 % des établissements privés et 60 % des Ehpad sont en déficit ; nous n’avons obtenu aucune garantie sur l’universalité des allocations familiales, ni sur le financement de la branche autonomie. Quant au secteur libéral, on nous annonce une reprise des négociations mais tout cela est insuffisant pour nous permettre de voter le PLFSS 2024.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Le dialogue avait été constructif. Je regrette le jeu de massacre auquel nous avons assisté ces deux dernières heures. Ce vote nous conduit dans une impasse. J’imagine qu’il y a chez certains une satisfaction très politicienne à parvenir à démembrer le PLFSS, mais cela n’aura servi qu’à démontrer l’inutilité et l’immaturité de ce débat. Je souhaite donc que le 49.3 arrive très vite. Je le regrette car la situation est difficile pour les Français et pour les établissements de santé.

M. Marc Ferracci (RE). On ne peut pas, d’un côté, nous expliquer que le débat est nécessaire et, de l’autre, envoyer tous les signaux pour que le 49.3 tombe très vite.

 

La commission rejette l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.