N° 1823
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 SEIZIÈME LÉGISLATURE |
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N° 79
SESSION ORDINAIRE DE 2023 - 2024 |
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2023. |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire (1) chargÉe de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation,
par M. Alexis IZARD Député
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par Mme Anne-Catherine LOISIER
Sénatrice |
(1) Cette commission est composée de : M. Guillaume Kasbarian, député, président, Mme Dominique Estrosi Sassonne, sénateur, vice-présidente, M. Alexis Izard, député, rapporteur, Mme Anne-Catherine Loisier, sénatrice, rapporteure
Membres titulaires : MM. Pierre Cazeneuve, Nicolas Meizonnet et Jérôme Nury, députés, Mmes Aurélie Trouvé et Anne-Laure Babault, députées, Mme Anne Chain-Larché, sénatrice, MM. Olivier Rietmann, Franck Montaugé, Christian Redon-Sarrazy et Frédéric Buval, sénateurs
Membres suppléants : MM. Frédéric Descrozaille, Grégoire de Fournas, Dominique Potier et Thierry Benoit, Mmes Mathilde Hignet et Delphine Batho, députées, MM. Pierre Cuypers, Franck Menonville, Jean-Jacques Michau et Vincent Louau, sénateurs, Mmes Marianne Margaté et Antoinette Guhl, sénatrices
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1ère lecture : 1679, 1690 et T.A. 169.
1813 Commission mixte paritaire
Sénat : 1ère lecture : 20, 38, 39 et T.A. 14 (2023-2024).
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Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Nous sommes réunis aujourd’hui dans un contexte particulier. Nous avons examiné, dans des délais contraints, un projet de loi préparé dans l’urgence, dont les conséquences sur nos industriels et sur les enseignes de la grande distribution seront quasiment immédiates ; elles sont même déjà en cours, certains industriels se préparant depuis déjà plusieurs semaines à l’envoi anticipé de leurs conditions générales de vente.
Ce n’est pas la première fois que nos deux assemblées travaillent ensemble sur le sujet des négociations commerciales. Depuis 2018, nous avons trouvé des compromis à trois reprises, sur les lois Egalim 1, 2 et 3. Aujourd’hui, vous serez d’accord avec moi pour constater la modeste ambition du projet de loi sur lequel nous devons trouver un compromis. Il porte une mesure unique, visant à avancer de quelques semaines les négociations commerciales de la grande distribution pour l’année 2024, au nom de la lutte contre l’inflation.
Je salue le travail des deux rapporteurs, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Alexis Izard, qui ont cherché, dans un esprit constructif, à améliorer ce projet de loi.
À l’issue de la première lecture dans nos chambres respectives, des divergences persistent. Les rapporteurs nous diront s’ils ont trouvé des points d’accord. Quel que soit le résultat, leurs échanges constants démontrent, une nouvelle fois, la qualité du dialogue institutionnel entre nos deux assemblées. Ce dialogue de qualité se poursuivra, je n’en doute pas, dans le cadre de discussions plus poussées et plus ambitieuses pour l’examen d’une future réforme du cadre des négociations commerciales que le Gouvernement comme le Parlement appellent de leurs vœux.
Je rappelle qu’il ne peut y avoir d’accord partiel en commission mixte paritaire (CMP) ; l’accord final, que nous devons trouver, devra porter sur l’ensemble du texte.
M. Guillaume Kasbarian, député, vice-président. – Le projet de loi que nous examinons ne correspond certes pas à une réforme globale et structurelle du cadre des régulations commerciales ; il ne vaut que pour cette année et n’avance les dates butoirs que de quelques semaines. Pour autant, il permettra aux consommateurs de bénéficier de la baisse de certains prix alimentaires constatée ces derniers temps. Par ailleurs, après le pic de 2022, la baisse d’un certain nombre d’intrants et de coûts de production devrait logiquement se répercuter sur les prix dans les supermarchés.
Tous les distributeurs ne tiennent pas le même discours, mais certains, parmi ceux que nous avons auditionnés, nous ont assuré de leur capacité à atteindre l’objectif de baisse de prix. En permettant aux consommateurs d’en bénéficier quelques semaines plus tôt, nous agissons en faveur du pouvoir d’achat.
Cependant, nous avons intérêt à viser une réforme plus ambitieuse du cadre des négociations. Si cela ne tenait qu’à moi, on aurait même déjà supprimé cette fameuse question des dates butoirs, en donnant aux acteurs économiques la possibilité de renégocier en cours d’année ; mais, ni les acteurs économiques ni les parties prenantes politiques ne semblent encore assez mûrs pour cette évolution.
La ministre a annoncé le lancement d’une mission gouvernementale associant députés et sénateurs sur le sujet ; espérons que cela aboutisse à une réforme plus ambitieuse, afin d’éviter de légiférer tous les six mois. En attendant, essayons d’obtenir un accord sur une réforme qui peut être bénéfique aux consommateurs.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Pour la quatrième fois en cinq ans, nous examinons un texte sur les négociations commerciales dans la grande distribution. Une fois n’est pas coutume, le texte propose une mesure unique : l’avancement des dates des négociations commerciales pour l’année 2024.
Nos deux assemblées ont cherché à améliorer le texte. Au Sénat, la protection des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) a été notre principale préoccupation. À l’Assemblée nationale, le principe de négociation anticipée des plus petites entreprises a été inscrit dans la loi ; c’est un principe que nous avons conservé, et même renforcé, au Sénat.
Toutefois, des divergences persistent entre nos deux assemblées. Ainsi, nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente concernant les modalités de différenciation. Selon nous, le seuil de différenciation – 350 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’échelle du monde – garantit une véritable protection des PME et ETI dans nos territoires. Un tel seuil permettrait d’éviter que des filiales de grands groupes ne s’immiscent parmi les très petites entreprises (TPE) et les PME lors de la phase anticipée des négociations. Au Sénat, en cohérence avec le principe de différenciation, nous souhaitons que ces filiales de grands groupes négocient dans la phase secondaire, avec l’ensemble des grands groupes. À ce stade, les députés n’ont pas souhaité reprendre ce principe d’un chiffre d’affaires à l’échelle du monde.
Pour le Sénat, il s’agit d’un projet de loi à l’ambition modeste, et le Gouvernement ne dit d’ailleurs pas autre chose. Depuis le début, nous insistons sur le fait qu’il ne résout en rien les nombreux problèmes des négociations commerciales ; je pense notamment à la question des centrales d’achat basées à l’étranger, de plus en plus nombreuses ces derniers mois, alors même que, dans le cadre de la loi Egalim 3, nous avions réaffirmé la nécessité de soumettre à la loi française l’ensemble des produits commercialisés en France. Malheureusement, les dérives se poursuivent. Avec ce projet de loi, nous ne légiférons que pour une part finalement limitée des produits commercialisés dans nos magasins.
Un autre sujet nous tient à cœur, celui de la transparence. Nous légiférons à l’aveugle, sans avoir de chiffres précis sur l’impact des dispositions. Les marges des industriels comme celles des distributeurs sont encore insuffisamment connues de nos assemblées. À ce titre, nous attendons avec impatience le rapport promis sur le seuil de revente à perte.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Au moment de l’augmentation spectaculaire du coût des matières premières, nous avons su faire avancer les négociations avec la grande distribution pour obtenir une hausse des prix. Aujourd’hui, alors que nous observons une baisse du coût de ces matières premières – moins 30 % pour le blé, une baisse également importante pour le café et d’autres produits encore –, nos concitoyens peuvent légitimement se demander pourquoi cette baisse ne se répercute pas sur les prix dans les grandes surfaces. Aussi, avec ce projet de loi, nous proposons d’avancer les dates de négociation entre les fournisseurs et la grande distribution.
Initialement, l’accent était mis sur les grandes entreprises françaises ; dans la mesure où leurs marges augmentaient, il leur revenait de rendre les prix plus accessibles pour nos concitoyens. Après les différentes auditions, il est apparu injuste de permettre aux grands groupes de négocier avant nos plus petites entreprises. Comme dates butoirs des négociations, l’Assemblée nationale a donc fixé le 31 décembre pour les plus petites entreprises qui en ont l’habitude, et le 15 janvier pour les autres. À titre personnel, j’avais défendu le principe d’une date unique, avec une convention pour les PME afin qu’elles puissent négocier plus tôt.
De son côté, le Sénat a souhaité une différenciation plus tardive, en proposant les dates du 15 et du 31 janvier, afin de laisser plus de temps à nos entreprises pour négocier.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Il s’agit aussi d’éviter des négociations compliquées pendant la période des fêtes de fin d’année.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Notre objectif, je le rappelle, est de proposer des mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation. Avec la rapporteure du Sénat, nous nous sommes entendus sur les dates du 15 et du 31 janvier.
Ensuite, s’est posée la question du seuil. L’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur d’un chiffre d’affaires par entité juridique, alors que le Sénat privilégie un chiffre d’affaires à l’échelle du monde. Le risque, si l’on raisonne à l’échelle du monde, est que certaines PME – notamment celles qui ont fait entrer un groupe international dans leur capital – se retrouvent dans la même catégorie que les grands groupes.
J’ai proposé un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros par entité, ce qui exclut les 44 plus grands groupes français du dispositif. Ainsi, les PME qui en ont l’habitude pourront négocier jusqu’au 31 décembre, les PME et les ETI jusqu’au 15 janvier, et les grands groupes jusqu’au 31 janvier. Cette position est en contradiction avec celle du Sénat ; nous aurons l’occasion d’en débattre.
Le Sénat a demandé des dates différenciées – 15 novembre et 1er décembre – pour l’envoi des conditions générales de vente, tandis que la position de l’Assemblée nationale s’attache surtout à la dimension d’urgence. Sur ce point, nous avons des possibilités d’accord.
Le Sénat a souhaité exclure les entreprises d’outre-mer du champ d’application ; nous nous sommes mis d’accord de manière à permettre aux entreprises d’outre-mer de négocier selon leurs habitudes. Nous avons également exclu les pharmacies du champ d’application.
Enfin, le Sénat a souhaité multiplier par cinq les sanctions en cas de non-respect des dates limites de négociations. Cette amende vient d’être augmentée dans le cadre de la loi Descrozaille. À titre personnel, je suis défavorable à l’idée d’augmenter une sanction qui n’aurait aucune incidence, dans la mesure où il s’agit d’une loi d’urgence et d’exception et que cette augmentation interviendrait trop tardivement.
Nos discussions mériteraient de s’inscrire dans un cadre plus large. La mission proposée par la ministre doit permettre de réexaminer l’intégralité des négociations commerciales.
Mme Anne-Laure Babault, députée. – Madame Loisier, s’agit-il de chiffres d’affaires combinés et consolidés à l’échelle du monde ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Nous prenons en compte l’ensemble des filiales au niveau mondial.
Mme Anne-Laure Babault, députée. – Cela aurait pu concerner les chiffres d’affaires consolidés à l’échelle de la France…
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Précisément, cela ne répondrait pas au problème et ferait rentrer dans la négociation anticipée un certain nombre de grandes multinationales et leurs filiales.
Mme Aurélie Trouvé, députée. – La France insoumise, ainsi que d’autres groupes parlementaires, a voté contre ce texte. Non seulement il ne s’agit pas d’une réforme majeure, mais celle-ci risque même d’accélérer la hausse des prix ; cela a été précisé dans beaucoup d’auditions, ainsi que par de nombreux dirigeants de la grande distribution. Beaucoup d’experts, notamment ceux de l’Institut Nielsen, s’attendent plutôt à une anticipation de la hausse des prix, dans la mesure où les coûts de production ne baissent pas, les prix de l’énergie demeurent élevés, et les marges ne sont encadrées par aucun mécanisme. Cela ne nous empêche pas d’appuyer l’amendement d’exemption concernant les entreprises d’outre-mer, ainsi que l’amendement proposé par le Sénat concernant le chiffre d’affaires consolidé à l’échelle du monde, car cela permet au moins de protéger les TPE et les PME.
Je remarque qu’un certain nombre de sénateurs sont allés dans notre sens, en se montrant sceptiques sur les conséquences de ce projet de loi.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Au Sénat, le scepticisme est partagé par tous : ce projet de loi est peu ambitieux et ses conséquences incertaines.
M. Franck Montaugé, sénateur. – Sans anticiper le résultat des travaux du groupe de travail annoncé par Mme la ministre, on débat depuis des années sur la formation et la répartition de la valeur depuis l’agriculteur jusqu’au consommateur. Tant que l’on ne mettra pas en évidence les mécanismes de production et de répartition, la situation restera opaque, en particulier pour le consommateur.
De plus, si l’on ne revient pas sur certains principes cardinaux de la loi de modernisation de l’économie de 2008, on ne parviendra pas à travailler dans l’intérêt du consommateur. Le groupe socialiste en est convaincu, de sorte qu’il a choisi de s’abstenir sur ce texte et qu’il devrait maintenir cette position à l’issue de ces discussions.
M. Jérôme Nury, député. – Ce texte ne révolutionnera pas le pouvoir d’achat des Français et je le regrette. Toutefois, il ne faudrait pas qu’il ait pour effet de contraindre les PME. Nous sommes très attachés au principe de différenciation qui contribuera à les protéger. Il est donc essentiel de fixer dans ce texte le seuil de 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, qui fera référence ultérieurement lorsqu’il s’agira de définir ce qu’est une PME ou une ETI.
Mieux vaut que la rédaction du Sénat soit redondante et que le mot « monde » y figure. Nous ferions ainsi preuve de prudence en protégeant les PME et les ETI, ce que nous souhaitons tous.
Mme Antoinette Guhl, sénatrice. – Le groupe écologiste a voté contre ce texte qu’on ne peut même pas qualifier de « rustine » contre l’inflation, car ce serait encore trop flatteur : il n’y a pas la trace d’une mesure efficace.
L’encadrement des marges, voilà ce qu’il aurait fallu porter ! Les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) bénéficient d’un taux de marge pour les distributeurs nettement plus important que les produits conventionnels. Nous ne pouvons que le regretter en tant qu’élus des territoires. Malheureusement, l’amendement que j’avais déposé sur ce sujet a été déclaré irrecevable.
Toutefois, nous avons tout intérêt à maintenir la différenciation entre les petites et les grandes entreprises et à conserver une rédaction qui mentionne le chiffre d’affaires « consolidé monde ». Peut-être faudrait-il spécifier le pourcentage de ce chiffre d’affaires dans le capital du groupe auquel l’entreprise est affiliée ? C’est un point qu’il reste à préciser, car on ne peut pas comparer le fonctionnement de deux PME réalisant 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, mais dont l’une travaille seule et l’autre est affiliée à un grand groupe. En différenciant leur situation, nous donnerions davantage de linéaire à nos petites entreprises dans les grandes surfaces. Le texte pourrait ainsi présenter une avancée intéressante.
M. Dominique Potier, député. – Tant qu’il n’y aura pas d’encadrement des marges, ce texte n’aura qu’une portée limitée.
Je soutiens l’amendement de la rapporteure pour le Sénat, qui vise à prévenir le risque que représente pour nos PME la concurrence des filiales des multinationales. Il faut lever ce risque, qui serait une absurdité totale.
Certains amendements du groupe socialiste visaient les outre-mer, hors La Réunion. Monsieur le rapporteur, ont-ils été pris en compte dans votre proposition de compromis ?
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le Sénat souhaitait exclure les collectivités des outre-mer du dispositif. Nous proposons de préciser la rédaction, en excluant les distributeurs établis dans les territoires ultramarins, afin qu’ils ne soient pas soumis aux dates de négociations anticipées pour les produits commercialisés dans les outre-mer. En revanche, les entreprises établies dans les outre-mer négocieront de manière anticipée si leurs produits ne sont pas commercialisés dans les territoires d’outre-mer.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’inclure dans la loi un principe de différenciation selon la taille des entreprises. Il reste à fixer le curseur pour préciser l’exercice de ce principe dans les phases de négociation.
examen des dispositions restant en discussion
Article 1er
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le Sénat a souhaité préciser que le texte s’appliquait à tout distributeur exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire. Il précisait également dans le deuxième alinéa qu’il s’appliquait aussi aux pharmacies, de manière à éviter qu’elles ne perdent un avantage comparatif sur certains produits comme les compléments alimentaires.
Dans la mesure où l’article 1er vise surtout la grande distribution, la proposition de rédaction n° 1 a notamment pour objet de retirer la mention des pharmacies d’officine, en supprimant ce deuxième alinéa.
Mme Anne-Laure Babault, députée. – Certaines marques, notamment de produits cosmétiques, sont commercialisées en pharmacie et en parapharmacie. La différenciation s’exercera-t-elle ?
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Rien n’empêchera les acteurs concernés de négocier plus tôt s’ils ont besoin de le faire.
La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – La proposition de rédaction n° 2 vise à reporter les dates limites d’envoi des conditions générales de vente (CGV) envisagées initialement, pour pallier un risque juridique. Elles seront fixées au 21 novembre et au 5 décembre, compte tenu du parcours législatif de ce texte dont la date de promulgation interviendra probablement mi-novembre voire après.
La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La proposition de rédaction n° 3 vise à préciser la rédaction pour exclure les distributeurs des outre-mer, et non pas toutes les entreprises, du dispositif.
La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Nous ne parvenons pas à trouver d’accord sur le critère du seuil de chiffre d’affaires pour déterminer le principe de différenciation. La proposition de rédaction n° 4 vise à supprimer les mots « consolidé ou combiné » pour se concentrer sur les entités. Il s’agit ainsi de clarifier la rédaction et d’éviter qu’une petite entreprise, dont une partie minoritaire du capital est détenue par un grand groupe, ne soit amenée à négocier avec d’autres grands groupes, dans des conditions désavantageuses pour elle.
En retenant un seuil de chiffre d’affaires fixé à 350 millions d’euros par entité, le texte permettrait d’exclure du dispositif les 44 plus grands groupes – soit un peu moins de 150 entreprises –, qui continueraient de négocier au 31 janvier, de respecter la notion de différenciation souhaitée par le Sénat et de garantir la baisse des prix sur une quantité de produits la plus large possible dans la plupart des rayons.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente sur ce sujet. Appliquer le seuil selon un critère par entreprise reviendrait à faire bénéficier du dispositif anticipé un certain nombre de grands groupes et de multinationales.
En outre, alors que dans le projet de loi initial 75 grands groupes étaient concernés, ils ne sont plus que 4. Est-ce à dire que 30 grands groupes basculeraient dans la phase de négociation anticipée dédiée aux PME ? Nous manquons d’information et faute d’éléments suffisants, nous voulons surtout nous assurer que les grands groupes et les multinationales ne bénéficieront pas de la période de négociation anticipée.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Ce point est crucial. Le seul fait qu’il soit difficile de déterminer quelles entreprises sont concernées par le dispositif justifie que l’on abandonne le critère du seuil de chiffre d’affaires consolidé pour privilégier un raisonnement par entité. Il est problématique que la personne chargée du contrôle ne soit pas capable de déterminer quelles entreprises sont concernées par les négociations anticipées. Le chiffre d’affaires par entité est très simple à établir à partir d’une liasse fiscale.
M. Jérôme Nury, député. – L’exposé des motifs mentionne que le seuil a été proposé par les deux rapporteurs.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Il s’agissait d’une première écriture optimiste…
M. Jérôme Nury, député. – L’Assemblée nationale s’est clairement prononcée en faveur du principe de différenciation, pour avantager les PME. À l’échelle de la France, il est évident que de nombreuses multinationales risquent de contourner le dispositif. Par exemple, il suffirait que l’entreprise Coca-Cola déclare un chiffre d’affaires – hypothétique –de 340 millions d’euros en France, quand il serait bien supérieur ailleurs, pour pouvoir bénéficier des négociations anticipées. En revanche, une entreprise normande qui serait forte d’un chiffre d’affaires de 360 millions d’euros, ne le pourrait pas. C’est absurde.
Il faut revenir à la rédaction du Sénat qui protège davantage les PME. L’enjeu est essentiel pour la suite. Je ne comprends pas la position du rapporteur de l’Assemblée nationale, d’autant qu’elle porte comme autre effet délétère d’encourager des délocalisations.
Mme Anne-Laure Babault, députée. – Plus une entreprise aura une structure juridique éclatée, plus elle pourra contourner le dispositif. L’entreprise vendéenne Sodebo, par exemple, a un chiffre d’affaires de plus de 350 millions d’euros de sorte qu’elle négociera au 31 janvier. Or, ses concurrents, qui sont pourtant principalement des marques détenues par le groupe Nestlé, négocieraient au 15 janvier. Il est clair que les PME ne sont pas suffisamment protégées.
Le principe de différenciation est le seul moyen de donner du poids au texte.
M. Frédéric Descrozaille, député. – Je me félicite de l’esprit positif qui préside à nos travaux.
Il faut rappeler l’objet de nos discussions, à savoir le contrôle que doivent opérer les services de l’État dans un délai de quinze jours. M. Izard mentionne l’insistance de ces services, qui mettent en garde contre la difficulté qu’ils auront à exercer ce contrôle si l’on raisonne par groupe consolidé plutôt que par entité.
En outre, nous pourrions envisager d’abaisser le seuil du chiffre d’affaires si nous choisissons de raisonner par entité, ce qui permettrait d’avantager les PME. Gardons à l’esprit que le contrôle doit se faire en quinze jours.
M. Christian Redon-Sarrazy, sénateur. – Je suis agacé par l’argument selon lequel on ne fera pas parce que l’on ne sait pas faire. Si nous souhaitons instaurer ce seuil, il faut organiser le dispositif dans cet objectif. À quoi servent les cadres financiers et les auditeurs que rémunèrent les groupes si l’on ne peut même pas connaître le chiffre d’affaires de leurs filiales ?
M. Vincent Louault, sénateur. – Nous ne pouvons pas faire fi du principe de réalité. Le groupe Tereos détient 100 filiales. Pour connaître l’architecture des filiales, il faut que les grands groupes déposent leurs comptes annuellement. Or, certains ne le font pas, dont Lactalis, qui préfère payer une amende plutôt que de respecter la loi.
Je comprends la position de M. Izard. Il ne nous reste qu’à abaisser le seuil de 350 millions d’euros pour résoudre la question. Obtenir le chiffre d’affaires des filiales et leur pourcentage dans le groupe reste très difficile : il m’a fallu trois semaines pour reconstituer l’architecture du groupe Tereos.
Mme Aurélie Trouvé, députée. – L’amendement de la rapporteure du Sénat me semble utile et nécessaire. Nous considérons que ce texte risque d’être voté au détriment des consommateurs et d’accélérer la hausse des prix ; il serait bon qu’il puisse au moins servir à protéger les PME françaises. La charge de la preuve est pour vous : montrez-nous qu’il ne pénalisera pas les PME françaises.
Il existe toute une palanquée de hauts fonctionnaires compétents pour nous fournir les données nécessaires et faire primer l’intérêt des PME.
Mme Anne Chain-Larché, sénatrice. – Sans porter atteinte au travail des rapporteurs, je souhaite rappeler que ce texte n’a pour ambition que l’année 2024. Il ne présente donc pas de risque très important, hormis celui de fragiliser nos entreprises. Le principe de différenciation doit être respecté, car il est dans la veine prudente du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – La validité du texte n’excède pas un an, de sorte qu’il peut avoir valeur d’expérimentation, ne serait-ce que pour le seuil de différenciation.
M. Pierre Cazeneuve, député. – Je suis d’accord sur ce point : nous pourrons constater sur le terrain si le principe de différenciation favorise la protection des petites entreprises en leur garantissant de meilleures négociations.
Nous faisons tous de la politique dans les territoires et il n’y a pas, d’un côté, ceux qui soutiennent les multinationales, et, de l’autre, les partisans des PME et des ETI. Évitons les mauvais procès.
Je reste sceptique sur le seuil tel qu’il a été fixé, car quand bien même les hauts fonctionnaires sont parfaitement compétents, encore faudrait-il que les données soient accessibles.
En outre, le dispositif n’est pas exempt d’effets de bord. Comment l’appliquer par exemple dans le cas d’un groupe qui produit de l’alimentaire, mais relève aussi d’un autre secteur ?
Autre cas qui pourrait donner lieu à un effet de bord : la petite entreprise Meuh Cola, dans l’Orne, qui détient un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, a suscité l’intérêt d’un fonds de pension américain. Alors que l’entreprise fonctionne indépendamment, selon une structure juridique et un pilotage qui lui sont particuliers, dès lors qu’elle sera intégrée à un grand groupe, elle se retrouvera noyée par rapport à des entreprises de plus grande taille comme Coca-Cola.
Mieux vaut rester prudent si l’on ne peut pas garantir avec certitude l’absence d’effet de bord de ce texte.
Mme Delphine Batho, députée. – Je veux souligner le manque de transparence de Bercy, qui ne répond pas aux questions des parlementaires. À aucun moment du débat à l’Assemblée nationale, nous n’avons pu obtenir la liste des 5 000 produits sur lesquels les prix sont censés être bloqués ou en diminution. De la même façon, j’entends que Mme la rapporteure pour le Sénat a demandé un certain nombre de précisions, qui n’ont pas été transmises. Bercy est le ministère le plus puissant en France. Il a les moyens d’obtenir les informations qu’il souhaite avoir !
Il n’y a pas de raison technique, surtout compte tenu de la durée d’application du texte, de ne pas retenir la proposition de rédaction du Sénat, qui correspond à l’intention du législateur d’éviter que les dispositions qui seront mises en place ne fassent subir aux PME et aux ETI une nouvelle forme de concurrence déloyale aggravée.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je crois que la notion de chiffre d’affaires par entité est une solution claire, qui répond à un certain nombre de craintes que ce texte peut susciter. En particulier, fixer un seuil trop haut reviendrait en quelque sorte à revenir sur la différenciation.
Une proposition de compromis pourrait effectivement consister à rabaisser ce seuil par entité à 150 millions d’euros, ce qui correspond aux 70 plus gros fournisseurs, contre 44 fournisseurs si le seuil est fixé à 350 millions d’euros. Cela est conforme à l’esprit initial du texte.
Ce compromis apporterait un peu d’éclaircissement au texte, sans changer véritablement les ambitions du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Vous ne pouvez dire que cela ne changerait pas les ambitions du Sénat. Nous sommes attachés au seuil de 350 millions d’euros.
Je veux revenir sur l’exemple d’une PME qui accepte un investissement venant d’un groupe étranger : pour raisonner en termes de groupe, il faut véritablement que le groupe ait le contrôle total de la PME. Ce cas de figure ne correspond pas du tout aux exemples qui ont été cités.
M. Guillaume Kasbarian, député, vice-président. – Mettons les choses à plat. Nous sommes sur un projet de loi one shot, qui vaut uniquement pour 2024. Je rejoins Mme Chain-Larché : nous ne prenons pas un énorme risque, ni dans un sens ni dans un autre, en avançant de quatre à six semaines des négociations commerciales entre les acteurs. Cela n’a rien d’une révolution.
Cela dit, il y a des choses que l’on sait, et d’autres que l’on ne sait pas. À cet égard, je comprends la position du rapporteur pour l’Assemblée nationale : nous savons calculer qui est concerné par un chiffre d’affaires à l’échelle de l’établissement – on trouve toutes les données fiscales nécessaires sur le site www.societe.com. Bercy est, de ce point de vue, assez transparent. Le ministère nous a dit que 92 entreprises seraient concernées si le seuil est fixé à 50 millions d’euros, 70 s’il est à 150 millions d’euros, et 44 s’il est à 350 millions d’euros. On sait donc calculer qui est concerné.
Or, dès que l’on envisage la structure capitalistique à l’échelle monde – je rejoins Vincent Louault –, on entre parfois dans une complexité sans nom. Certaines PME françaises ayant ouvert leur capital peuvent avoir des investisseurs français ou étrangers, dont tous, d'ailleurs, ne sont pas dans l’agroalimentaire. Certains peuvent être majoritaires et d’autres minoritaires. Certains peuvent être des conglomérats, des investisseurs institutionnels…
Je veux être certain que, si l’on raisonne à l’échelle monde, l'on sache qui est concerné et que les contrôles puissent être opérés sans contestation. Il faut éviter de retenir un dispositif qui, in fine, créerait du contentieux entre les acteurs et de la complexité pour les entreprises.
Par exemple, le confiseur Violier, à Pégomas, PME qui réalise 4,4 millions d’euros de chiffre d’affaires, a, parmi ses investisseurs, MV Holding, dont je ne connais rien des activités internationales. J’ignore si cette société n’a pas un énorme chiffre d’affaires…
Il faut se mettre à la place de celui qui contrôle. Dispose-t-il des données pour le faire ?
Il importe de clarifier, dans la loi, de qui l’on parle quand on parle d’un groupe. L’interprétation du texte ne doit laisser place à aucun doute. Au-delà du contrôleur de Bercy, il faut que les acteurs économiques eux-mêmes soient capables de savoir s’ils sont concernés ou non. Sinon, ils ne s’approprieront pas notre loi !
Je ne suis pas dogmatique, surtout sur un projet de loi qui, comme je le disais, fait courir un risque minime. Cela dit, tâchons de faire une loi qui soit claire pour les acteurs économiques !
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Nous faisons référence dans notre texte à un article de code de commerce relatif aux comptes consolidés qui prévoit d'ores et déjà que « le contrôle exclusif par une société résulte : soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance d’une autre entreprise. » Les choses sont claires.
En outre, le chiffre d’affaires consolidé et combiné qu’évoque le texte voté par le Sénat est une catégorie juridique stabilisée. Ce n’est pas une invention. Cette notion prévu par le code de commerce est également utilisée par le Conseil national de la comptabilité. Un certain nombre de garanties et de sécurités juridiques font donc tomber les arguments du rapporteur pour l’Assemblée nationale et du vice-président de notre CMP.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Faut-il restreindre le périmètre à l’agroalimentaire ? Non, car cela impacterait un certain nombre d’entreprises non alimentaires. Le projet de loi concerne les produits de grande consommation et non pas seulement les produits alimentaires.
La période d’expérimentation nous permettra de cerner les limites du dispositif.
Quoi qu’il en soit, il me semble plus prudent que nous nous dotions d’un dispositif qui préserve les entreprises françaises en tout cas de figure. C’est la colonne vertébrale de notre schéma.
Nos entreprises se retrouveront alors dans une phase de négociation qui leur sera favorable. Il ne faudrait pas qu’elles pâtissent de la concurrence avec des groupes qui bénéficient de toute la logistique et de l’appui de multinationales. Ne nous tirons pas une balle dans le pied ! Les entreprises françaises d'abord.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La notion de consolidation n’est pas si simple.
On le voit, par exemple, sur l’obtention de subventions : le périmètre consolidé risque de faire passer dans la catégorie des grandes entreprises les PME ou les ETI qui ont eu le malheur de faire entrer dans leur capital un fonds d’investissement ou un grand groupe industriel, en lien ou non avec leur activité, même si celui-ci n’en détient que 15 ou 20 %. N’étant plus considérées comme une PME au sens européen, elles sont alors empêchées de toucher les subventions qu’elles demandent.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – C’est la même logique qui nous anime.Ces entreprises bénéficient d’une logistique et d’un appui. Au reste, je rappelle que leur situation sera traitée quinze jours plus tard…
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le fonds d’investissement ne fait que demander un taux de rentabilité interne (TRI). Il n’apporte pas de soutien pour négocier les relations commerciales.
Mme Anne-Laure Babault, députée. – Je rappelle que la proposition des députés se fondait sur le seuil de 350 millions d’euros monde, parce que c’est la définition que retient une directive européenne.
L’objectif de nos échanges est de rééquilibrer les négociations et de donner un peu plus de pouvoirs et de poids aux PME. Or les sociétés rattachées à des filiales bénéficient de la puissance de négociation et de la logistique du groupe.
M. Vincent Louault, sénateur. – Excusez-moi d’insister, mais la difficulté en droit des sociétés, ce sont les mères et les filles !
Par exemple, Lu, qui vend à Leclerc, a des filiales qui vendent parfois à l’étranger. Or Lu peut être la fille d’une autre société mère ! La consolidation est donc vraiment compliquée.
Le flou risque, demain, de créer des contentieux, y compris dans le cadre d’une expérimentation, qui, à titre personnel, me met mal à l’aise.
M. Olivier Rietmann, sénateur. – J’ai l’impression que l’on me fait des démonstrations par l’absurde. La proposition du Sénat et de certains députés couvre l’immense majorité des cas, mais on nous dit qu’il ne faut pas aller dans ce sens, parce que les fonctionnaires de Bercy risquent, une fois ou deux, sur la totalité des négociations, de rencontrer un mouton à cinq pattes…
Cette façon de légiférer pose aujourd'hui de grandes difficultés aux entreprises de notre pays. Le jusqu’au-boutisme du législateur et, surtout, de la haute administration, qui veulent border les choses à l’extrême, conduit à une telle complexification que personne ne parvient à prouver qu’ils ont raison ou tort. Cette complexité coûte 60 milliards d’euros à la France par an.
Travaillons dans les grandes largeurs, et suivons la position défendue par le Sénat.
M. Pierre Cazeneuve, député. – On ne saurait nous faire un procès en complexité ! Notre proposition est limpide. Elle s’appuie sur des données connues et disponibles sur internet.
En regard, on nous propose une solution qui nécessite d’en passer par une consolidation. Ma crainte, avec ce genre de seuils, est qu’un certain nombre de grands cabinets d’avocats fiscalistes ne créent des sociétés-écrans. Je pense très sincèrement que cela va créer du contentieux.
Notre but, aujourd'hui, est le même : protéger nos PME et nos ETI. Mais, pour ma part, je me méfie des truands, qui, malheureusement, sont toujours plus malins que nous.
Mme Anne-Laure Babault, députée. – Je ne dis pas que cela me convient, mais l’option par société avec un abaissement du seuil est peut-être le compromis qui permettra que la CMP soit conclusive.
M. Guillaume Kasbarian, député, vice-président. – Faut-il abaisser le seuil ou garder un seuil unique à 350 millions ? Je ne suis pas dogmatique sur ce point. J’aimerais juste que l’on sorte de cette CMP avec un dispositif clair, qui permette de savoir qui est concerné et qui ne l’est pas.
Apportons les précisions nécessaires pour ne pas mettre des acteurs économiques en difficulté, parce que l’on aurait nous-mêmes créé de la complexité.
La réunion, suspendue à 19 h 15, est reprise à 20 h 20.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Je laisse M. le rapporteur pour l’Assemblée nationale nous présenter la proposition commune de rédaction des rapporteurs n° 4 bis.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Il s’agit d’un amendement de précision, qui complète la proposition du Sénat de porter le seuil à 350 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé.
Il vise à préciser ce seuil en renvoyant à l’article L. 233-16 de code de commerce, ce qui apportera un éclaircissement aux fournisseurs.
M. Jérôme Nury, député. – À l’échelle monde ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Oui, comme le Sénat l’a prévu.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat. – Il s’agit de préciser ce que l’on entend par « consolidé ».
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le sujet n’était pas simple, raison pour laquelle nous avons eu besoin de temps.
Nous aboutissons là à une solution claire, qui permet de rendre la loi intelligible. Les entreprises sauront si elles sont concernées ou non.
La proposition commune de rédaction n° 4 bis des rapporteurs est adoptée à l’unanimité.
M. Alexis Izard, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La proposition de rédaction n° 5 vise à revenir aux sanctions votées dans la loi Descrozaille voilà quelques mois. Restons cohérents, et ne jouons pas à la surenchère en multipliant par cinq – pour cette année seulement de surcroît, avec un retour à la normale l’année prochaine – le montant de l’amende qui frappera nos entreprises qui auront le malheur de ne pas avoir compris les différents seuils que nous avons votés.
Je propose de rétablir l’amende à 1 million d’euros, ce qui est déjà un beau montant.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Nous maintenons la position du Sénat, sachant bien évidemment qu’il ne s’agit que d’un plafond, et qu’il appartient à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de statuer.
M. Guillaume Kasbarian, député, vice-président. – Je soutiens bien évidemment l’argumentaire de M. le rapporteur pour l’Assemblée nationale. Multiplier par cinq une pénalité qui ne s’appliquera que cette année, pour ensuite la rediviser par cinq l’année prochaine nous paraît quelque peu baroque !
Cela dit, nous avons compris que certains sénateurs y tenaient beaucoup. Dans notre grande volonté de coconstruction avec le Sénat, nous retirons l’amendement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. – Ce point pourra également être évoqué dans le cadre du groupe de travail que Mme la ministre déléguée Olivia Grégoire souhaite mettre en place.
La proposition de rédaction n°5 est retirée.
L’article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l’ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation.
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Texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture |
Texte adopté par le Sénat en première lecture |
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Projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation |
Projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation |
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Article 1er |
Article 1er |
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I. – Les dispositions du présent article s’appliquent à tout distributeur de produits de grande consommation dans ses relations commerciales avec tout fournisseur, sans remettre en cause le principe d’annualité régissant les conventions commerciales mentionnées aux articles L. 441‑3, L. 441‑4 et L. 443‑8 du code de commerce ni l’accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante mentionné à l’article L. 410‑5 du même code. |
I. – Les dispositions du présent article s’appliquent à tout distributeur exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire dans ses relations commerciales avec tout fournisseur de produits de grande consommation, sans remettre en cause le principe d’annualité régissant les conventions commerciales mentionnées aux articles L. 441‑3, L. 441‑4 et L. 443‑8 du code de commerce, ni l’accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante mentionné à l’article L. 410‑5 du même code. |
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Elles s’appliquent également à toute convention entre un fournisseur et un distributeur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français, à l’exclusion de celles conclues avec une pharmacie d’officine définie à l’article L. 5125‑1 du code de la santé publique ou avec un groupement de pharmaciens d’officine. |
Elles s’appliquent à toute convention relative à des produits de grande consommation commercialisés sur le territoire français, y compris à celles conclues avec une pharmacie d’officine définie à l’article L. 5125‑1 du code de la santé publique ou avec un groupement de pharmaciens d’officine. |
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Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage. |
Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage. |
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II. – Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441‑3 et au B du V de l’article L. 443‑8 du code de commerce, les conventions mentionnées au I des articles L. 441‑4 et L. 443‑8 du même code et l’accord mentionné à l’article L. 410‑5 dudit code qui sont signés avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclus au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024. |
II. – Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à leur forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441‑3 et au B du V de l’article L. 443‑8 du code de commerce, les conventions mentionnées au I des articles L. 441‑4 et L. 443‑8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 31 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 1er février 2024. |
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Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441‑3 du code de commerce et au B du V de l’article L. 443‑8 du même code, les conventions mentionnées au I des articles L. 441‑4 et L. 443‑8 dudit code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 31 décembre 2023 et prennent effet au plus tard le 1er janvier 2024. |
Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à leur forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos, est inférieur à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441‑3 dudit code et au B du V de l’article L. 443‑8 du même code, les conventions mentionnées au I des articles L. 441‑4 et L. 443‑8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024. |
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Par dérogation à la deuxième phrase du V de l’article L. 441‑4 du même code, le prix convenu par les conventions mentionnées aux premier et deuxième alinéas du présent II est applicable à compter de la date où ces conventions prennent effet en application du présent article. |
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Par dérogation, le terme des conventions mentionnées au premier alinéa du présent II est fixé au jour précédant la date à laquelle doit être conclue au plus tard la nouvelle convention entre les parties en application, selon le cas, du IV de l’article L. 441‑3 ou du B du V de l’article L. 443‑8 du code de commerce, en 2025 pour les conventions d’une durée d’un an et, respectivement, en 2026 ou en 2027 pour les conventions d’une durée de deux ou trois ans. |
Par dérogation, le terme des conventions mentionnées aux mêmes premier et deuxième alinéas est fixé au jour précédant la date à laquelle doit être conclue au plus tard la nouvelle convention entre les parties en application, selon le cas, du IV de l’article L. 441‑3 ou du B du V de l’article L. 443‑8 du code de commerce, en 2025 pour les conventions d’une durée d’un an et, respectivement, en 2026 ou en 2027 pour les conventions d’une durée de deux ou trois ans. |
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Les conventions en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 prennent automatiquement fin : |
Les conventions en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 prennent automatiquement fin : |
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1° (nouveau) Le 15 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 16 janvier 2024 ; |
1° Le 31 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er février 2024 ; |
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2° (nouveau) Le 31 décembre 2023, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er janvier 2024. |
2° Le 15 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos, est inférieur à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 16 janvier 2024. |
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III. – Par dérogation au VI de l’article L. 441‑4 et au B du V de l’article L. 443‑8 du code de commerce, le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard deux mois avant le 15 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros ou avant le 31 décembre 2023 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros. |
III. – Par dérogation au VI de l’article L. 441‑4 et au B du V de l’article L. 443‑8 du code de commerce, le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard deux mois avant le 31 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, ou avant le 15 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos, est inférieur à 350 millions d’euros. |
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Par dérogation au C du même V, le distributeur dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception des conditions générales de vente pour soit motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, le refus de ces dernières ou, le cas échéant, les clauses des conditions générales de vente qu’il souhaite soumettre à la négociation, soit notifier leur acceptation. |
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IV. – Tout manquement aux dispositions du II du présent article est passible de l’amende administrative prévue au dernier alinéa de l’article L. 441‑6 du code de commerce. |
IV. – Tout manquement au II du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 5 000 000 € pour une personne morale, par infraction constatée. |
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Tout manquement aux dispositions du III du présent article est passible de l’amende administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 441‑6 du code de commerce. |
Tout manquement au III du présent article est passible de l’amende administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 441‑6 du code de commerce. |
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V. – Pour l’application aux conventions mentionnées au présent article du II de l’article 9 de la loi n° 2023‑221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les dates du 1er mars et du 1er avril sont remplacées, respectivement, par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024 lorsque le fournisseur réalise en France, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes supérieur ou égal à 350 millions d’euros ou par les dates du 31 décembre 2023 et du 31 janvier 2024 lorsque le fournisseur réalise en France, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 350 millions d’euros. |
V. – Pour l’application aux conventions mentionnées au présent article du II de l’article 9 de la loi n° 2023‑221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les dates du 1er mars et du 1er avril sont remplacées, respectivement, par les dates du 31 janvier 2024 et du 29 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, supérieur ou égal à 350 millions d’euros, ou par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, inférieur à 350 millions d’euros. |
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VI. – Les agents mentionnés au II de l’article L. 450‑1 du code de commerce sont habilités à relever les manquements aux dispositions du présent article dans les conditions et avec les pouvoirs mentionnés aux articles L. 450‑2 à L. 450‑10 du même code. |
VI. – (Non modifié) |
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VII (nouveau). – Par dérogation, le présent article ne s’applique pas aux collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution. |
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