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N° 1903

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 novembre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
 

visant à lutter contre les discriminations
par la pratique de tests individuels et statistiques (n°1494)

 

PAR M. Marc FERRACCI

Député

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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

I. les discriminations en France : Un phénomène massif aux conséquences lourdes

A. des discriminations perçues comme fréquentes mais des signalements encore rares

B. un problème de société aux implications sociales et économiques déterminantes

II. Une réponse insuffisante malgré l’existence d’un arsenal juridique etoffé pour lutter contre les discriminations

A. une progression des instruments juridiques en matière de lutte contre les discriminations

1. L’élargissement progressif des critères de discrimination

2. L’aménagement du droit de la preuve en matière de discrimination

B. Des limites juridiques et pratiques à sa mise en oeuvre

III. la proposition de loi répond à l’urgence d’améliorer la capacité des victimes de discrimination à défendre leurs droits

Examen De la proposition de loi

Article 1er Désignation d’un service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques

Article 2 Création d’un comité des parties prenantes au sein du service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques

Article 3 Procédures en cas de test statistique révélant des pratiques discriminatoires

Article 4 Gage financier

compte rendu des débats

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Nombreux sont nos concitoyens qui, à force de se voir refuser l’accès à un emploi ou à un logement, décident de changer de nom, de mentir sur leur âge ou sur leur adresse.

Nombreux sont celles et ceux qui sont contraints de se dépouiller d’une partie de leur identité pour pouvoir vivre dignement, car ils subissent des discriminations.

Nombreux aussi sont ceux qui se résignent, et poursuivent leur chemin sans que leur soit apportée de réponse à la hauteur de ce qu’ils subissent.

I.   les discriminations en France : Un phénomène massif aux conséquences lourdes

A.   des discriminations perçues comme fréquentes mais des signalements encore rares

Discriminer, c’est traiter une personne de manière moins favorable qu’une autre, dans une situation comparable, selon un critère qui ne justifie pas cette différence de traitement : le handicap, l’origine, l’état de santé, la nationalité, le sexe, ou l’âge par exemple.

Ce phénomène est perçu massivement par nos concitoyens. En 2020, selon l’Insee, 18 % des personnes âgées de 18 à 49 ans déclaraient avoir subi des discriminations, contre 14 % en 2009.

Le nombre de réclamations en la matière auprès du Défenseur des droits est en constante hausse. Elles touchent tous les critères (voir tableau ci-après) et tous les domaines, en priorité l’emploi (41 % des saisines), la fourniture de biens et services (15 %), l’éducation (7 %), le logement (6 %) et les services publics (6 %) ([1]).

La création de la plateforme AntiDiscriminations.fr par le Gouvernement, en février 2021, a provoqué une hausse des saisines de 26 % entre 2020 et 2022 ([2]), démontrant la nécessité de libérer la parole. Pourtant, au total, le nombre de réclamations pour discrimination ne concerne encore qu’un peu moins de 7 % du total des réclamations reçues par le Défenseur des droits, preuve de la nécessité d’offrir toujours plus de moyens aux victimes de discriminations pour s’exprimer et recevoir du soutien.

Répartition des réclamations reçues pour discrimination selon les principaux critères en 2022

Handicap

20 %

 

Grossesse

3 %

Origine

13 %

 

Convictions religieuses

3 % 

État de santé

11 %

 

Situation de famille

3 %

Nationalité

5 %

 

Identité de genre

2 %

Sexe

4 %

 

Lieu de résidence

2 %

Âge

4 %

 

Apparence physique

2 %

Vulnérabilité économique

3 %

 

Orientation sexuelle

2 %

Activité syndicale

3 %

 

Autre ou non renseigné

20 %

Source : Rapport annuel du Défenseur des droits, 2022

Les tests de discriminations figurent parmi les moyens d’évaluer et d’étudier les discriminations, mais aussi de les prouver devant les juridictions pénales ou civiles. Ils ont fait l’objet, au cours des dernières décennies, de nombreux travaux académiques et expériences de terrain, qui ont validé leur efficacité pour mettre en évidence les discriminations.

Comme l’a indiqué M. Jean-François Amadieu lors de son audition, les tests de discrimination pratiqués depuis les années 2000 « ont permis aux acteurs de sortir du déni, ont offert un bon moyen de faire évoluer les pratiques dans les entreprises et ont donné aux victimes le sentiment que les réalités qu’elles vivent sont prises en considération ». De nombreuses entreprises pratiquent volontairement ces tests en interne, mais cela ne suffit pas à en démocratiser l’utilisation au bénéfice des victimes.

B.   un problème de société aux implications sociales et économiques déterminantes

Les discriminations sont source de ressentiment chez les personnes qui les subissent, et favorisent le repli communautaire, autant que les tensions sociales. Cette violence symbolique que vivent nombre de nos concitoyens n’est pas acceptable en République.

Il s’agit également d’une source d’inefficacité économique, au moment où les entreprises et les pouvoirs publics peinent à recruter. En 2016, le coût économiques des discriminations sur le marché du travail a été estimé entre 4 % et 14 % du PIB à long terme ([3]). Elles privent les entreprises d’opportunités de recrutements et la société française de l’exploitation de ses talents, qui n’hésitent pas à s’exporter lorsque de meilleures opportunités s’offrent à eux.

Outre l’emploi, c’est l’accès à l’ensemble des biens et services – y compris publics – qui peuvent être source de discriminations : logement, école, université, soins, etc. Ces difficultés viennent généralement se superposer et aggraver la situation d’une partie de la population souvent déjà vulnérable.

II.   Une réponse insuffisante malgré l’existence d’un arsenal juridique etoffé pour lutter contre les discriminations

A.   une progression des instruments juridiques en matière de lutte contre les discriminations

1.   L’élargissement progressif des critères de discrimination

Les articles 225-1 à 225-1-2 du code pénal définissent la discrimination comme toute « distinction opérée entre les personnes physiques [ou morales] sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée » ([4]), « parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel » ([5]) ou « parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage » ([6]).

Par ailleurs, les discriminations sont également susceptibles d’engager la responsabilité civile des personnes qui les pratiquent – ou leur responsabilité administrative lorsqu’il s’agit des pouvoirs publics. Les discriminations sont ainsi interdites en matière d’accès aux soins ([7]), d’embauche ([8]), de contrôle d’identité ([9]).

La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a élargi considérablement les conditions d’engagement de la responsabilité civile en matière de discrimination, en reconnaissant la discrimination indirecte, à savoir « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner […] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes » ([10]).

2.   L’aménagement du droit de la preuve en matière de discrimination

La loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations avait prévu le renversement de la charge de la preuve en matière de discrimination dans l’emploi. L’article L. 122-45 du code du travail, devenu L. 1134-1, dispose ainsi qu’il « incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Ce renversement de la charge de la preuve dans le contentieux civil des discriminations a été consacré de manière générale par l’article 4 de la loi du 27 mai 2008 précitée. Il ne s’applique toutefois pas en matière pénale, pour des raisons liées aux exigences du procès équitable.

En revanche, l’utilisation des tests de discrimination dits « individuels » a été reconnue comme un mode de preuve loyal en matière pénale, d’abord par la jurisprudence ([11]), puis par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

L’article 225-3-1 du code pénal précise désormais que les délits en matière de discrimination « sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ».

Ces tests ont ensuite fait l’objet de la même reconnaissance en matière civile. La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a complété l’article 4 de la loi du 27 mai 2008 précitée, afin de reconnaître la possibilité d’utiliser le test de discrimination individuel dans tout contentieux en matière de discrimination, notamment à l’occasion des actions de groupe en matière de discrimination, créées par l’article 60 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

B.   Des limites juridiques et pratiques à sa mise en oeuvre

Malgré cet arsenal juridique, la perception des discriminations continue d’augmenter sans qu’une réponse juridique à la hauteur soit apportée. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a rappelé, lors de son audition, qu’en 2020, aucune condamnation pénale n’a été prononcée pour discrimination. La mise en œuvre de ce cadre juridique est, en effet, particulièrement compliquée et exigeante pour les victimes.

Dans son rapport de 2020 consacré spécifiquement aux discriminations liées aux origines, le Défenseur des droits notait ainsi que, « si le droit des discriminations s’est considérablement développé, le recours contentieux est une démarche lourde pour les victimes, et son impact reste limité comme outil de dissuasion et de lutte contre les discriminations » ([12]).

De fait, démontrer l’existence des discriminations et lutter efficacement contre ces comportements requièrent des actions spécifiques. Il ne s’agit plus d’ajouter de nouveaux critères aux vingt-cinq qui existent déjà dans le code pénal, mais d’améliorer l’efficacité des outils qui permettent de prouver les discriminations, de changer les pratiques et d’apporter des solutions, le plus en amont possible.

Le test de discrimination individuel, utilisé comme preuve pénale, est un outil sous-utilisé, bien que reconnu par la jurisprudence. Il est en effet exigeant à plusieurs titres : premièrement, la personne qui s’estime victime doit en prendre l’initiative et donc engager en son nom une procédure contentieuse, sans certitude quant à son aboutissement ; deuxièmement, la mise en place du test implique une grande réactivité et une certaine technicité pour que le résultat soit scientifiquement robuste ; troisièmement, le test qui se révèle positif ne permet pas automatiquement de qualifier l’infraction, puisque l’intentionnalité de celle-ci doit également être démontrée.

Aux côtés de ces procédures contentieuses, le test de discrimination statistique peut permettre de détecter des discriminations vraisemblables et de mener des actions préventives, afin de protéger tous les citoyens, y compris ceux qui n’osent pas se plaindre des discriminations donc ils sont victimes.

Parce qu’ils reposent sur des candidatures fictives, ces tests ne sauraient être admis comme preuve dans le cadre d’un recours juridictionnel et ils ne font, à ce jour, l’objet d’aucune reconnaissance légale. Ils peuvent pourtant trouver pleinement leur place dans un plan ambitieux de lutte contre les discriminations.

Or, aujourd’hui, quelques entreprises pratiquent le test de discrimination en interne, mais il n’existe pas de politique publique incitant les organisations à prévenir les discriminations et à corriger leurs modes de fonctionnement de manière durable, tout en les accompagnant dans ces efforts.

L’utilisation du « name and shame », à la suite de campagne de tests réalisés par des chercheurs ou des associations, sans qu’une discussion ait pu avoir lieu en amont sur la méthodologie des tests, ont conduit ces entreprises à contester les résultats et à envisager des recours juridiques, plutôt que de mettre en œuvre les solutions permettant de faire reculer effectivement les discriminations. Tout cela doit être réorganisé, car les outils existent déjà mais sont trop peu diffusés : anonymat, registre de candidature, entretien sans CV, etc.

III.   la proposition de loi répond à l’urgence d’améliorer la capacité des victimes de discrimination à défendre leurs droits

La présente proposition de loi vise donc à étendre la pratique de ces deux types de tests, afin de renforcer l’arsenal de lutte contre les discriminations dans notre pays et d’améliorer la connaissance des phénomènes de discrimination.

L’article 1er prévoit la création d’un service placé sous l’autorité du Premier ministre et ayant pour mission la lutte contre toutes les formes de discriminations. Ce service aurait vocation à être la Délégation Interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), dont les missions seraient étendues.

La proposition de loi confie à ce service la mission d’aider les citoyens qui en font la demande à réaliser des tests individuels pour démontrer devant le juge pénal qu’ils sont victimes de discrimination. Cet exercice exige une ingénierie qui n’est pas proposée aujourd’hui, malgré des besoins évidents.

Ce service serait également chargé de réaliser des tests statistiques sur des entreprises et des organismes publics, selon un programme de travail défini par le Gouvernement, et d’en assurer le suivi en lien avec les autorités administratives territorialement compétentes et le comité prévu à l’article 2.

Afin de garantir que des moyens suffisants et nouveaux seront dévolus à la Dilcrah pour assumer ces nouvelles fonctions, un amendement augmentant ses ressources d’un montant de 3 millions d’euros a été déposé par le groupe Renaissance et adopté en première lecture dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 ([13]).

L’article 2 prévoit la création, auprès du service précédemment décrit, d’un comité des parties prenantes, composé notamment de représentants des personnes morales susceptibles d’être testées, de chercheurs et de parlementaires. Ce comité serait chargé d’élaborer et de valider la méthodologie des tests, de formuler des recommandations générales et particulières à destination des organisations testées et de formuler des avis quant aux suites à donner aux tests statistiques révélant des discriminations, notamment en cas de sanction.

Ceci doit permettre de diffuser à l’ensemble des acteurs une culture commune de la lutte contre les discriminations et de consolider les connaissances en la matière, afin de faire progresser effectivement les pratiques. Les outils existants sont nombreux, mais souvent méconnus. Il est enfin indispensable que ce comité puisse mener des réflexions prospectives, compte tenu de la rapidité d’évolution des modes de recrutement – par exemple avec le recours aux réseaux sociaux ou aux algorithmes fondés sur l’intelligence artificielle.

L’article 3 accorde une reconnaissance légale aux tests statistiques, en prévoyant les suites qui peuvent y être données. La publication des résultats ne suffit pas à faire changer les comportements, et le rôle de la puissance publique est également de fournir des solutions, ainsi que d’accompagner les organisations dans la prévention et la correction des situations de discrimination.

Ainsi, lorsque le résultat d’un test statistique mettra en évidence la présence de discriminations, la personne morale disposera d’un délai de six mois pour négocier un accord ou élaborer un plan d’action visant à mettre en œuvre des mesures de lutte contre les discriminations.

Les tests de discrimination doivent s’insérer dans une stratégie globale, qui inclut notamment des actions de sensibilisation et de formation, mais aussi des sanctions. S’il existe bien des sanctions en matière pénale et civile pouvant résulter d’un test de discrimination individuel, il n’existe pas de sanctions associées aux résultats d’un test de discrimination statistique. La présente proposition de loi vise à inscrire dans notre législation les conditions de publication (name and shame) et de pénalité financière applicables aux personnes morales ayant fait l’objet d’un test mettant en évidence des discriminations et refusant pourtant de procéder aux ajustements nécessaires.

Lors de son examen par la commission des Lois, le texte a été enrichi, notamment afin de renforcer l’indépendance du comité des parties prenantes, par l’intégration de représentants des organisations syndicales et patronales représentatives. Dans le même but, le programme de test sera soumis à la consultation du Défenseur des droits. Enfin, l’article 3 a été réécrit pour clarifier la procédure et améliorer la sécurité juridique du processus, en y intégrant davantage de contradictoire.

 

Les tests de discriminations ne sauraient être une réponse unique et miracle aux discriminations qui existent en France. Ils peuvent néanmoins participer à une meilleure effectivité des droits des personnes victimes de discrimination et provoquer une prise de conscience dans certaines organisations. Victimes et organisations disposeront du soutien nécessaire de l’État, aux côtés de celui du Défenseur des droits et des associations, pour que les situations de discriminations auxquelles elles sont confrontées cessent dans notre pays, qui en a besoin pour sa cohésion sociale et son économie.

 

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   Examen De la proposition de loi

 

Article 1er
Désignation d’un service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la désignation d’un service, placé sous l’autorité du Premier ministre, pour œuvrer à la connaissance, à la prévention et à la correction des situations de discrimination via la réalisation de tests de discrimination individuels ou statistiques.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 45 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a reconnu la valeur des tests de discrimination en tant que preuve pénale, consacrant ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

L’article 180 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a complété l’article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, afin de reconnaître la possibilité d’utiliser le test de discrimination individuel en matière civile.

Les articles 225-1 du code pénal et 1132-1 du code du travail, qui dressent la liste des différents critères de discrimination reconnus par la loi, ont été complétés à plusieurs reprises. Le plus récent, introduit par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, interdit les discriminations fondées sur le statut de lanceur d’alerte.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur et de M. Aurélien Taché visant à assouplir l’intervention du Gouvernement sur la programmation des tests, en précisant qu’il ne fixe que des orientations et que celles-ci sont élaborées après consultation de la Défenseure des droits.

 

1.   L’état du droit

a.   Définition des tests individuels et statistiques

Selon Frédéric Burnier et Brigitte Pesquié, « le test de discrimination est un mode d’enquête destiné à établir l’existence de pratiques discriminatoires. Il est surtout connu et étudié dans sa dimension sociologique ou statistique de mesure de la discrimination. […] Il tend maintenant à devenir un mode de preuve devant la justice pénale » ([14]).

On distingue donc les tests individuels, qui ont vocation à démontrer qu’une personne est victime de discrimination, et les tests statistiques, qui cherchent à identifier des comportements discriminatoires généraux au sein d’une organisation. La méthode est comparable mais pas identique.

Dans les deux cas, il s’agit de reproduire la situation de discrimination (envoi d’une candidature, visite d’un logement, dépôt d’une demande de prêt, etc.), en faisant varier certains paramètres de façon à identifier la présence de discriminations fondées sur un critère interdit par la loi ([15]) (tel que, par exemple, l’origine, le sexe, les opinions politiques, l’« appartenance […], vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée », l’orientation sexuelle, le handicap, l’apparence physique, la situation de famille ou le lieu de résidence).

Cette technique d’enquête ne peut pas s’appliquer à toutes les situations de discriminations, par exemple lorsqu’elles s’exercent sur le temps long – c’est le cas des inégalités de salaires au cours d’une carrière – ou quand elles interviennent au milieu d’autres paramètres difficiles à quantifier – comme c’est souvent le cas pendant les entretiens d’embauche. Dans ce cas, d’autres méthodes quantitatives ou qualitatives peuvent être utilisées (étude de cohorte sur plusieurs années, comparaison de profils similaires, etc.).

Les tests statistiques procèdent généralement par sondage, par exemple en envoyant un grand nombre de candidatures concurrentes à partir de vrais ou de faux profils. Ils permettent d’identifier des récurrences pouvant laisser imaginer que des discriminations pourraient avoir lieu en cas de vraies candidatures.

Les tests individuels interviennent dans un contexte contentieux, pour prouver une situation concrète de discrimination dont sont victimes une ou plusieurs personnes. Dans le cas d’un recrutement, la démarche consisterait à envoyer sur un même poste quelques candidatures équivalentes en qualité pour voir si le refus est lié à autre chose qu’un critère normal de recrutement.

Si les tests statistiques ont une finalité principalement académique, les tests individuels peuvent avoir des conséquences lourdes et font donc l’objet d’un encadrement spécifique.

b.   Un aménagement du principe de loyauté de la preuve

Les discriminations se définissant comme des différences de traitement, la situation en cause ne peut donc être considérée comme une discrimination qu’à partir d’une comparaison avec d’autres situations. Or, « s’il est relativement facile de constater la réalité d’un refus de vente, d’un refus d’accès à une discothèque, d’un refus d’embauche, d’un licenciement, etc., il est infiniment plus délicat d’établir que ce comportement a pour cause certaine (même si ce n’est pas la cause exclusive) un des motifs discriminatoires interdits » ([16]). Le test individuel de discrimination tente de répondre à cette exigence.

Si ce mode de preuve n’est pas interdit, conformément au principe de liberté probatoire ([17]), il déroge toutefois à l’acception habituelle du principe de loyauté de la preuve selon laquelle sont écartées les preuves obtenues de manière déloyale. La Cour de cassation a encore récemment rappelé qu’« en application de l’article 9 du code de procédure civile et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la preuve obtenue par un stratagème se caractérisant par un montage, une mise en scène, une opération clandestine, est déloyale » ([18]).

C’est sur ce motif que la cour d’appel de Montpellier avait estimé, le 5 juin 2001, que le procédé du test était déloyal. Le tribunal et la cour d’appel avaient alors refusé d’examiner cette preuve car le test avait été organisé hors l’intervention d’un officier de police judiciaire ou d’un huissier de justice. Le 11 juin 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré au contraire que le test de discrimination ne pouvait être écarté des modes de preuve pour son caractère déloyal, ouvrant ainsi largement la voie à son utilisation.

Cette décision s’inscrivait dans la continuité de la jurisprudence européenne, puisque la Cour européenne des droits de l’Homme avait déjà estimé que l’obtention de la preuve n’était pas déloyale tant qu’elle ne faisait pas naître l’intention de commettre l’infraction. Dans une affaire concernant le rôle d’un agent infiltré, elle avait considéré qu’« une distinction devrait être opérée entre les cas où l’action de l’agent infiltré crée une intention criminelle jusqu’alors absente et ceux où l’intéressé serait déjà potentiellement disposé à commettre l’infraction. En l’occurrence, lesdits policiers se seraient bornés à révéler une intention criminelle existante, mais à l’état latent, en fournissant […] l’occasion de la concrétiser » ([19]).

Les tests de discrimination individuels ont donc d’abord été reconnus comme des preuves en matière pénale par la jurisprudence, avant d’être consacrés par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. L’article 225-3-1 du code pénal précise désormais que les délits en matière de discrimination « sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ».

Ces tests ont ensuite fait l’objet de la même reconnaissance en matière civile. La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a complété l’article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, afin de reconnaître la possibilité d’utiliser le test de discrimination individuel dans tout contentieux en matière de discrimination, notamment à l’occasion des actions de groupe en matière de discrimination, créées par l’article 60 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

Le rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur cette mesure indiquait : « Contrairement à la règle qui prévaut en droit pénal, l’article 9 du code de procédure civile prévoit qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. La précision apportée sera d’autant plus utile une fois entrée en vigueur l’action de groupe contre les discriminations, qui figure dans le projet de loi actuellement en navette relatif à la Justice du XXIème siècle, dès lors que le testing pourra efficacement être employé pour la répression au civil des discriminations de masse » ([20]).

c.   Un élément de preuve difficile à produire et à faire valoir

Pour être utile au plaignant et lui permettre de prouver la matérialité de l’infraction dont il est victime, ainsi que la culpabilité du suspect, le test doit être suffisamment robuste : « les juridictions ont manifesté dans ce secteur des exigences élevées quant à la preuve des faits et surtout de l’intention de leur auteur » ([21]).

La jurisprudence considère le test de discrimination comme un élément de preuve recevable et utile, mais rarement suffisant. Il faut généralement fournir d’autres éléments d’enquête pour démontrer l’intentionnalité de l’infraction commise. Les personnes visées par les tests contestent souvent la méthodologie retenue pour dévaloriser la preuve fournie.

La mise en œuvre du test de discrimination est également exigeante. Une circulaire du ministère de la justice du 26 juin 2006 précise que, si la personne de référence utilisée pour la comparaison peut être fictive, la personne discriminée doit être une personne physique réelle. Autrement dit une condamnation ne saurait reposer sur un test réalisé avec une série de faux profils, c’est-à-dire sans victime.

Cela limite la marge de manœuvre des associations souhaitant démontrer l’existence d’une discrimination de nature à entrainer des poursuites pénales, car elles doivent pouvoir s’appuyer sur une personne réelle. En pratique, il est donc nécessaire que la personne qui s’estime discriminée obtienne rapidement un profil de référence pour pouvoir disposer de la comparaison, même dans un délai restreint.

Il n’existe pas d’encadrement quant aux personnes compétentes pour réaliser ces tests. Dans le projet initial de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, l’article 225-3-1 du code pénal limitait les autorités qui pouvaient conduire ces tests de discrimination (officier de police judiciaire, huissier de justice ou agent assermenté de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ([22])). Au cours de la navette, le Sénat a décidé de supprimer cette mention, afin que toute personne, notamment les associations, puisse réaliser des tests de discrimination. À ce jour, outre la Défenseure des droits, les associations, les avocats et même les particuliers peuvent réaliser des tests individuels.

Malgré ces possibilités, le recours aux tests de discriminations individuels reste rare, en raison des difficultés à la fois pratiques pour les réaliser et juridiques pour les faire valoir. D’où la nécessité de renforcer l’accompagnement offert aux personnes victimes de discriminations qui, selon la Défenseure des droits, sont déjà très nombreuses à ne pas porter plainte. La Défenseure des droits, qui est compétente pour mener de tels tests, n’a malheureusement pas fourni de chiffres précis lors de son audition sur le nombre de tests individuels réalisés ni sur les critères de discrimination concernés. Elle a en revanche mis à disposition des usagers un guide dédié ([23]).

Les tests statistiques ne posent pas les mêmes difficultés et exigences dès lors que leur finalité, à ce jour, est essentiellement académique. Différentes études et baromètres existent, s’appuyant sur des universitaires, des associations ou des institutions comme le Défenseur des droits. Il s’agit d’un moyen d’information générale, mais pas encore d’un outil de politique publique au service d’une stratégie coordonnée de lutte contre les discriminations. La question de leur fiabilité se pose néanmoins dès lors que ceux-ci peuvent avoir des conséquences sur les personnes morales testées ([24]).

2.   Le dispositif proposé

L’article 1er prévoit la création d’un service – ou la désignation d’un service existant – pour « œuvrer à la connaissance, à la prévention et à la correction des situations de discrimination ».

Bien qu’une telle disposition puisse également relever du domaine règlementaire, rien ne s’oppose à la création, par la loi, d’un service placé auprès du Premier ministre. L’intervention du législateur est justifiée par les domaines concernés qui entrent pleinement dans le champ de l’article 34 (« droits civiques », « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », « droit du travail », « droit syndical »), ainsi que par les prérogatives importantes qui sont confiées à ce service, notamment en matière de sanction.

D’autres services ont ainsi pu être créés par la loi. C’est le cas de l’agence française anticorruption, créée par l’article 1er de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, ou encore du service créé par l’article 5 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants ([25]).

Le service désigné pourrait être la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), créé par un décret du 16 février 2012 pour appuyer le comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme institué en 2003 ([26]).

La DILCRAH a été placée auprès du premier ministre par le décret du 22 décembre 2016. L’adoption d’un amendement de votre rapporteur à l’occasion du projet de loi de finances pour 2024 devrait permettre le renforcement des moyens accordés à la DILCRAH, à hauteur de trois millions d’euros, pour exercer cette mission ([27]).

La présente proposition de loi étendrait considérablement le champ d’intervention de la DILCRAH, ce qui impliquerait certainement une redéfinition générale de ses prérogatives, par voie règlementaire.

Ce service remplirait six missions concernant, d’une part, les tests individuels et, d’autre part, les tests statistiques.

a.   Les tests individuels (1° et 2°)

Le confie au service un rôle d’information, de conseil et d’orientation des personnes souhaitant réaliser des tests individuels de discrimination. Sont concernées les différentes infractions pénales relatives aux discriminations :

– les discriminations visées aux articles 225-1, 225-2 et 432-7 du code pénal ;

– les discriminations relatives à l’exercice du droit syndical (article L. 2146-2 du code du travail) et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L. 1146-1 du code du travail).

 

Extraits du code pénal et du code du travail

Article 225-1 du code pénal

Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques [ou morales] sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi  2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. […]

Article 225-1-1 du code pénal

Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.

Article 225-1-2 du code pénal

Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage définis à l’article 225-16-1 ou témoigné de tels faits.


Article 225-2 du code pénal

La discrimination définie aux articles 225-1 à 225-1-2, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste :

1° A refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;

2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;

3° A refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;

4° A subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 ;

5° A subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 ;

6° A refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.

Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Article 432-7 du code pénal

La discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste :

1° A refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi ;

2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque.

Article L. 1146-1 du code du travail

Le fait de méconnaître les dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévues par les articles L. 1142-1 et L. 1142-2, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.

La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu’elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l’amende encourue.

Article L. 2146-2 du code du travail

Le fait pour l’employeur de méconnaître les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8, relatives à la discrimination syndicale, est puni d’une amende de 3 750 euros.

La récidive est punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros.

Le prévoit que le service ait la faculté de réaliser les tests de discrimination individuel à la demande d’une personne s’estimant victime de l’une des discriminations précédemment mentionnées. Combiné avec les prérogatives prévues au 1°, le service pourra produire dans des délais brefs une candidature contrefactuelle similaire à la sienne, adresser celle-ci à la personne morale testée et recueillir la réponse de cette dernière afin de mettre en évidence, le cas échéant, une présomption de discrimination. Le service pourra également mettre à disposition des personnes qui le saisissent des informations sur le déroulement d’un test, des modèles de candidatures contrefactuelles facilement mobilisables, une aide dans l’interprétation des résultats obtenus et des conseils quant aux suites pouvant y être données. Cette mission d’ingénierie est indispensable au déclenchement rapide des tests, et ainsi à un accroissement du recours à cette méthode de preuve.

Ce travail se déroulera en bonne intelligence avec les autres acteurs de la lutte contre les discriminations, qu’il s’agisse des associations, des syndicats ou du Défenseur des droits, qui pourront informer la personne sur l’existence de ce nouveau service public dédié spécifiquement à la réalisation des tests.

En ce sens, le dispositif prévu ne crée pas une concurrence et une confusion entre les rôles de chacun, mais plutôt une complémentarité en ce qu’il vise à renforcer la capacité à réaliser des tests. Ceci pouvant, à terme, réduire le non-recours aux droits, ce qui doit être l’objectif principal des politiques de lutte contre les discriminations.

b.   Les tests statistiques (3° à 5°)

Le confie à ce même service la mission de réaliser lui-même, ou par l’intermédiaire d’une association ou d’une autre organisation compétente, des tests statistiques ayant pour objectif de s’assurer de l’absence de discrimination « systémique » au sein d’une organisation. Toutes les discriminations sont visées, tant celles prévues dans le code pénal par les articles 225-1 à 225-1-2 que celles prévues par l’article L. 1132-1 du code du travail ([28]).

Ces tests ne répondent pas à des demandes individuelles, même si des signalements peuvent être pris en compte pour élaborer le programme du contrôle. Ce programme de contrôle est défini par le Gouvernement, en fonction des objectifs de politique publique qu’il se fixe. Il pourrait ainsi fixer des critères de discrimination ou des secteurs en particulier.

Dans son avis n° 23-06 du 13 novembre 2023, le Défenseur des droits a indiqué que « la proposition de loi va dans le sens des recommandations de la Défenseure des droits qui demande depuis plusieurs années que des campagnes nationales de testings, visant le champ de l’accès à l’emploi comme au logement ou d’autres biens et services, soient régulièrement réalisées ».

Une fois les contrôles menés, le service a également un rôle d’accompagnement et, le cas échéant, de sanction.

Le prévoit que le service assiste, à leur demande, les personnes visées par les tests pour corriger les situations de discriminations, notamment en leur fournissant des outils et des conseils pratiques d’amélioration des procédures interne.

Le précise que le service rend publics les résultats des tests statistiques dans les conditions prévues par l’article 3. Le II et le III de l’article 3 prévoient en effet que, lorsqu’une situation de discrimination est identifiée par un test, le résultat est rendu public si l’accord ou le plan d’action qu’elle doit mettre en place pour corriger la situation est insuffisant ou inexistant.

Enfin, le 6° de l’article 1er prévoit que le service élaborera un rapport annuel d’activité portant notamment sur les suites données aux tests statistiques et individuels de discrimination. Il ne s’agit pas de rendre publics l’ensemble des résultats des tests, ce qui est prévu sous certaines conditions par l’article 3, mais de présenter des statistiques globales sur l’efficacité de ces tests et d’en tirer des recommandations pour les pouvoirs publics.

3.   La position de la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements visant à assouplir l’intervention du Gouvernement sur la programmation de l’activité du service.

L’amendement CL68 du rapporteur visait à préciser que le Gouvernement ne fixe pas dans le détail le programme de contrôle – notamment les organisations visées – mais qu’il formule des orientations servant à préparer les appels à projet en matière de tests statistiques. Ces orientations peuvent notamment servir à identifier les secteurs ou les critères de discrimination érigés en priorité de politique publique.

L’amendement CL37 de M. Aurélien Taché proposait que ces orientations soient formulées après consultation de la Défenseure des droits. Ce pouvoir de consultation est de droit, puisque l’article 32 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits prévoit que ce dernier peut « être consulté par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat sur toute question relevant de son champ de compétence ». Cette consultation est d’autant plus utile que le Défenseur des droits dispose d’une connaissance transversale des questions de discriminations et qu’il saura faire remonter les difficultés identifiées sur le territoire par ses délégués.

Par ailleurs, la Commission a adopté deux amendements rédactionnels CL64 et CL62 à l’initiative du rapporteur.

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*     *

 

 

Article 2
Création d’un comité des parties prenantes au sein du service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à créer un comité des parties prenantes, chargé d’accompagner le service mentionné à l’article 1er dans l’exercice de ses missions, notamment en élaborant la méthodologie des tests et en assurant le suivi de leurs résultats.

Ce comité est composé de personnalités qualifiées dans le domaine des discriminations, d’élus et de représentants des personnes morales susceptibles d’être testées.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a apporté plusieurs modifications visant à renforcer l’indépendance du comité des parties prenantes. À l’initiative du rapporteur, elle a précisé que le comité ne décidait pas seul de la méthodologie retenue, que les personnes qualifiées qui y siègeront seront indépendantes et que le membre désigné par le Défenseur des droits devait être un représentant de ce dernier. Elle a par ailleurs adopté un amendement identique de Mme Clara Chassaniol, M. Olivier Serva, M. Philippe Latombe et M. Aurélien Taché visant à intégrer au comité des représentants des organisations représentatives des salariés et des employeurs.

1.   Composition du comité des parties prenantes

La composition du comité vise à garantir l’indépendance et l’impartialité des décisions qui seront prises. Il comprend :

– deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Ces élus, membres de la majorité et de l’opposition, pourront s’assurer de l’impartialité du fonctionnement du service, ainsi que du programme de contrôle élaboré par le Gouvernement ;

– des personnalités choisies en raison de leurs compétences en matière statistique, juridique, économique ou sociale, qui seront en mesure de garantir la fiabilité des tests au stade de leur élaboration et de l’analyse de leurs résultats, d’élaborer la méthode scientifique nécessaire et d’évaluer efficacement les procédures mises en œuvre dans les organisations testées ;

– des représentants des personnes morales publiques et privées susceptibles d’être testées, qui permettront la présence du regard des salariés et des employeurs sur le fonctionnement du service et aideront, par leur connaissance du terrain, à interpréter les résultats, à assister les personnes morales testées et à apprécier les efforts qu’elles fournissent ;

– un membre désigné par le Défenseur des droits, ce dernier disposant d’une expertise en matière de discrimination et présentant des garanties d’indépendance élevées.

2.   Prérogatives du comité des parties prenantes

Le comité des parties prenantes se voit confier deux blocs de compétences.

a.   Élaborer une doctrine générale en matière de tests de discrimination

Le comité aurait vocation à élaborer une doctrine générale en matière de conception et d’interprétation des tests de discrimination.

● À ce titre, il a un rôle d’animation des réflexions interministérielles sur la question de la lutte contre les discriminations, par l’organisation de concertations et de débats. Il peut formuler des recommandations concernant la lutte contre les discriminations, notamment à l’occasion de la publication du rapport annuel d’activité prévu au 6° du I de l’article 1er de la proposition de loi.

● Il a également pour mission de définir une méthodologie en matière de conception, de déroulement et d’analyse des tests de discrimination individuels ou statistiques, applicables aux projets de tests qui seront retenus. Ces derniers soulèvent effectivement de nombreuses questions juridiques, éthiques et scientifiques. Cette méthodologie pourra être utile au service mentionné à l’article 1er pour mener à bien ses missions, et le comité pourrait être sollicité pour se prononcer sur toute question nouvelle.

Cette méthodologie, applicable aux projets engagés par le service pour garantir la cohérence des résultats, n’empêchera aucunement la réalisation d’autres types de tests dans le champ académique, selon leur propre méthodologie.

b.   Rendre des avis et recommandations sur les tests réalisés

Le comité est également appelé à se prononcer sur les tests menés à partir du programme de contrôle élaboré par le Gouvernement et des saisines des personnes qui s’estiment victimes de discrimination.

● Avant les tests, il sera amené à valider la méthodologie retenue pour réaliser le test, afin que celle-ci soit adaptée au type d’organisation et de discrimination visées, et que les résultats du test fassent l’objet d’un consensus entre les acteurs.

 Après les tests, il émettra des avis sur les suites devant être données aux tests, en particulier lorsque ceux-ci aboutissent à la détection d’une situation de discrimination.

Lorsqu’il s’agit d’un test statistique, le comité peut rendre un avis sur les résultats et sur les mesures que la personne visée devra mettre en œuvre dans le cadre prévu par l’article 3 ([29]). Lorsque ses recommandations ne sont pas suivies et que les mesures prises sont insuffisantes, le service mentionné à l’article 1er peut saisir le comité pour avis, avant de rendre public le résultat du test ([30]) ou de prononcer une sanction financière ([31]).

3.   La position de la Commission

La Commission a apporté plusieurs modifications visant à renforcer l’indépendance du comité des parties prenantes.

Certains chercheurs ont exprimé leur inquiétude quant à la possibilité d’utiliser une méthodologie différente de celle élaborée par le comité dans le champ académique. L’amendement CL70 du rapporteur est venu préciser, comme cela était l’intention de l’auteur de la proposition de loi, que le comité ne participe à l’élaboration de la méthodologie que dans le cadre des tests qu’il finance et que cette méthodologie est établie dans le cadre d’un dialogue avec les personnes qui mèneront le projet de test statistique.

L’amendement CL82 du rapporteur indique que les personnes qualifiées qui seront désignées au sein du comité devront répondre à des critères d’indépendance, à l’égard des pouvoirs publics et des institutions qui pourraient recevoir des financements publics pour mener les tests.

L’amendement CL67 du rapporteur, préparé en lien avec la Défenseure des droits, vise à remplacer le membre désigné par le Défenseur des droits par un représentant de ce dernier, afin de l’associer plus étroitement aux travaux du comité des parties prenantes.

Enfin, les amendements CL29 et identiques, présentés par Mme Clara Chassaniol, M. Olivier Serva, M. Philippe Latombe et M. Aurélien Taché, visaient à compléter la composition du comité des parties prenantes par des membres choisis parmi les représentants des organisations syndicales et patronales représentatives. En effet, au regard des attributions de ce comité, il apparaît essentiel que les partenaires sociaux, au niveau national interprofessionnel, puissent être associés à ses travaux.

Le pouvoir règlementaire pourra déterminer si ces derniers seront présents dans leur intégralité ou bien selon une présence tournante dans le but de préserver l’équilibre de la composition du comité.

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Article 3
Procédures en cas de test statistique révélant des pratiques discriminatoires

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit les suites données à un test statistique laissant supposer l’existence de discriminations dans une organisation. Lorsqu’il s’agit d’une discrimination au sens du code du travail, l’employeur concerné doit négocier un accord ou prévoir un plan d’action pour corriger la situation. Lorsqu’il s’agit d’une discrimination au sens du code pénal, la personne concernée doit établir un plan d’action pour mettre fin aux discriminations constatées.

En cas d’absence de réaction ou d’insuffisance de la réponse adoptée, les personnes visées s’exposent à la publication des résultats du test, ainsi qu’à une amende administrative.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a prévu une obligation de prendre des mesures correctives en fonction d’un indicateur d’écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, sous peine de sanction financière.

       Modifications apportées par la Commission

Le présent article a fait l’objet d’une réécriture globale, visant à clarifier la procédure faisant suite à un test statistique positif en y intégrant l’obligation de contradictoire, en précisant le contenu des accords et plans d’action, en détaillant les conditions de déclenchement de l’amende administrative et en augmentant le montant maximal de celle-ci.

1.   L’état du droit

a.   Les tests statistiques ne sont pas utilisés dans un cadre contentieux

Le cadre juridique relatif à l’utilisation des tests individuels est précisément défini par la loi et la jurisprudence ([32]). Concernant les tests statistiques, leur utilisation à ce jour a principalement une visée académique ou journalistique, afin de démontrer la présence de discriminations dans un secteur ou une organisation et d’en informer le public.

Les tests statistiques offrent rarement la possibilité de démontrer l’existence d’une infraction pénale, en l’absence de plaignant associé au test. Ainsi, « même si certains tests statistiques ont pu conforter d’autres constatations et contribuer à étayer un faisceau d’indices concordants, ils ne sauraient à eux seuls établir la preuve d’une infraction. C’est une différence essentielle entre la matière civile et la matière pénale. » ([33]).

S’il existe bien des sanctions en matière pénale ([34]) et civile ([35]) pouvant résulter d’un test de discrimination individuel, il n’existe pas de sanctions associées aux résultats d’un test de discrimination statistique.

Toutefois, le développement récent des actions de groupe est venu brouiller la frontière entre test individuel et test statistique, puisqu’un groupe de personnes s’estimant victimes de discrimination peut désormais faire valoir ses droits collectivement, si nécessaire en s’appuyant sur des tests de discrimination ([36]). Pour ces personnes, les résultats d’un test statistique peuvent être utiles pour justifier la mise en demeure de la personne visée par l’action et, éventuellement, la réparation du préjudice subi. À ce jour, la jurisprudence ne fait cependant pas état de l’utilisation de tests de discrimination dans le cadre de cette procédure.

b.   Autres exemples de sanctions administratives

Les articles L. 1142-8 et suivants du code du travail prévoient déjà un mécanisme de contrôle et de pénalité, basé sur des indicateurs de discrimination – en l’occurrence en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, tout employeur d’au moins cinquante salariés doit publier des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et aux actions mises en œuvre pour les supprimer. En-deçà d’un certain niveau, cette question doit obligatoire être intégrée dans le cadre des négociations professionnelles ou faire l’objet d’un plan d’action.

Ce dispositif intervient en complément de la négociation obligatoire devant être engagée par l’employeur au moins tous les quatre ans concernant « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie et des conditions de travail » ([37]).

Lorsque, dans un délai de trois ans, l’entreprise ne s’est pas mise en conformité, elle encourt une pénalité dont le montant est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains versés aux salariés. Cette sanction s’applique également aux entreprises qui n’ont pas négocié d’accord, ni mis en place de plan d’action, en application de l’article L. 2242-8 du code du travail.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article vise exclusivement les suites données aux tests réalisés en application du 3° de l’article 1er de la proposition de loi, à savoir les tests statistiques.

● Le I définit les suites données par le service mentionné à l’article 1er aux tests statistiques révélant l’existence de pratiques discriminatoires.

En premier lieu, le service informe l’autorité administrative territorialement compétente, afin que celle-ci puisse enclencher la procédure contraignante prévue aux II et III du même article.

En second lieu, il a la faculté de rendre public, après avis du comité des parties prenantes, les résultats du test, ce qui constitue un premier niveau de sanction pouvant être déclenché en cas de non-respect des mesures prévues au II et III du même article.

● Le II et le III prévoient les mesures devant être prises par les personnes visées par un test de discrimination lorsque celui-ci permet d’identifier l’existence d’une situation de discrimination.

Le II s’applique aux discriminations dans l’emploi, telles qu’elles sont définies à l’article L. 1132-1 du code du travail. Le III s’applique aux discriminations au sens de l’article L. 225-2 du code pénal, à savoir toute distinction opérée sur un critère de discrimination ayant pour conséquence de refuser ou de subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service ; d’entraver l’exercice normal d’une activité économique ; de refuser d’embaucher, de sanctionner ou de licencier une personne.

Lorsque la discrimination est opérée par un employeur, il est mis en demeure par l’autorité administrative en charge du travail territorialement compétente, informée par le service mentionné à l’article 1er :

– soit d’engager la négociation d’un accord visant à prévenir ou corriger les discriminations ;

– soit, à défaut d’accord, d’établir un plan d’action visant à prévenir ou corriger les discriminations, après consultation du comité social et économique.

Article L. 1132-1 du code du travail

Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Lorsqu’il s’agit d’une discrimination au sens de l’article 225-2 du code pénal, l’autorité administrative met en demeure la personne morale visée de réaliser seulement le plan d’action précédemment mentionné.

Dans les deux cas, ces mesures doivent être prises dans un délai de six mois. Une exception est prévue pour permettre d’allonger ce délai de trois mois lorsque la négociation d’un accord est en cours et qu’il est en voie d’être conclu.

Les accords ou plans d’action doivent définir des objectifs et des mesures pour les atteindre, en s’appuyant sur l’avis du comité des parties prenantes et sur les recommandations particulières et générales qu’il formule, en application de l’article 2. Le 4° de l’article 1er prévoit également que le service peut assister, à leur demande, les organisations dans la correction de la situation. Comme l’ont indiqué plusieurs personnes du secteur des ressources humaines, les entreprises ont besoin d’une « boîte à outils » pour réduire leurs biais discriminatoires, par exemple le contrôle de leurs algorithmes de recrutement, la mise en place d’un registre des candidatures, la formation des recruteurs ou encore la mise en place méthode de recrutement alternatives (CV anonymes, sans CV, CV vidéo, etc.).

Un décret en Conseil d’État viendra préciser les éléments que doivent contenir l’accord ou le plan d’action.

L’accord ou le plan d’action sont ensuite transmis à l’autorité territorialement compétente et au service mentionné à l’article 1er, qui évaluent la pertinence des mesures prises.

Si le plan ou l’accord ne contient pas les éléments obligatoires sur lesquels il doit porter pour prévenir ou corriger les discriminations, les résultats sont publiés après un échange contradictoire.

Cette publication est une exception aux principes fixés par les articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui limitent la communication des documents administratifs.

● Enfin, le IV prévoit, en dernier recours, une procédure de sanction financière lorsque la personne visée par le test ne met en place aucune des mesures prescrites ou les met en place de manière manifestement incomplète.

Cette sanction prend la forme d’une amende administrative qui s’élèverait au maximum à 0,5 % des rémunérations et gains versés annuellement aux travailleurs salariés ou assimilés, au sens du premier alinéa des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime.

3.   La position de la Commission

L’article 3 a été intégralement réécrit par l’amendement CL76 du rapporteur. La nouvelle rédaction n’apporte pas de nouveauté, mais clarifie la procédure de sanction applicable afin de renforcer le contradictoire et la sécurité juridique.

Il est ainsi fait référence à l’existence d’une procédure contradictoire aux différentes étapes : au moment de la transmission du résultat du test, avant la publication de celui-ci et avant la sanction financière.

Pour renforcer la sécurité juridique, le champ des recommandations du comité est précisé, tout comme les domaines dans lesquels l’accord ou le plan d’action doivent intervenir, dans le but de faciliter le contrôle réalisé par l’autorité administrative. Les conditions de l’amende sont également détaillées.

Le rôle de l’autorité administrative est précisé, afin d’améliorer son rôle d’intermédiaire entre le service mentionné à l’article 1er et les personnes testées.

Enfin, l’amendement CL76 a été modifié par le sous-amendement CL87 de M. Aurélien Taché, visant à augmenter la sanction financière encourue de 0,5 % à 1 % de la masse salariale. Ce montant est ainsi aligné avec la pénalité prévue en matière d’inégalité salariale entre les femmes et les hommes par l’article L. 1142-10 du code du travail.

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Article 4
Gage financier

Le présent article prévoit un gage financier, visant à compenser la charge pour l’État résultant de l’application de la présente proposition de loi, notamment du fait de la création de nouvelles missions confiées aux services du Premier ministre et de l’externalisation de la réalisation des tests statistiques auprès d’acteurs expérimentés en la matière.

Cette compensation est réalisée par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

L’article a été adopté par la Commission sans modification.

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   compte rendu des débats

Lors de sa deuxième réunion du mardi 21 novembre 2023, la Commission examine la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (n° 1494) (M. Marc Ferracci, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/I9FdXg

M. le président Sacha Houlié. Nous poursuivons l’examen des propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de la semaine du 4 décembre en séance publique. Celle-ci, dont le rapporteur est M. Marc Ferracci, est le fruit d’une longue réflexion.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je n’ai pas l’habitude d’utiliser des témoignages personnels dans mon travail parlementaire, mais je vais faire une exception. Je voudrais vous parler de mon beau-père, Jean.

Jean a obtenu, il y a des années, une thèse de doctorat en physique, option mécanique des fluides. Il a par la suite publié de nombreux articles dans des revues scientifiques de niveau international. Il intervient aujourd’hui comme expert pour auditer l’efficacité des circuits de refroidissement de nos centrales nucléaires. Pour le dire simplement, Jean a très bien réussi sa vie professionnelle.

Le problème, c’est que Jean ne s’est pas toujours appelé Jean. Son prénom de naissance est Saïd. Après l’obtention de sa thèse, Saïd a cherché pendant plusieurs années un poste d’ingénieur en lien avec ses compétences. Pour pouvoir vivre, il a été serveur et a travaillé sur des chantiers. En désespoir de cause, Saïd a décidé de demander à modifier son état civil pour devenir Jean et a supprimé devant son nom de famille le préfixe Ben, qui signifie « fils de » en arabe. Il a obtenu en moins de quinze jours un entretien d’embauche, qui a débouché sur un recrutement. Ce n’est qu’après de longues années de vie professionnelle qu’il a repris son prénom de naissance.

Le cas de Saïd n’est pas isolé. Nombreux sont nos concitoyens qui, à force de se voir refuser l’accès à un emploi ou à un logement, décident de changer de nom, de mentir sur leur âge ou sur leur adresse. Nombreux sont ceux qui sont contraints de se dépouiller d’une partie de leur identité pour pouvoir vivre dignement, en raison des discriminations qu’ils subissent. Nombreux aussi sont ceux qui se résignent et poursuivent leur chemin sans que leur soit apportée une réponse à la hauteur de ce qu’ils vivent. Une telle violence symbolique n’est pas acceptable en République. C’est l’objet de cette proposition de loi.

Discriminer, c’est traiter de manière différente deux personnes dont la situation est comparable et qui ne se distinguent que par un critère : par exemple l’origine, l’âge ou l’adresse. Les discriminations remettent en question le principe d’égalité au fondement de notre pacte républicain. Elles sont source de ressentiment chez les personnes qui les subissent et favorisent le repli communautaire autant que les tensions sociales. Les discriminations sur le marché du travail ont par ailleurs un coût économique important, comme le montre France Stratégie, qui estimait, dans un rapport de 2016, que la suppression des discriminations en matière d’emploi augmenterait le PIB à long terme entre 4 % et 14 %.

En 2020, selon l’Insee, 18 % des personnes de 18 à 49 ans déclaraient avoir subi des discriminations, contre 14 % en 2009. S’agissant de l’emploi, plus d’un quart de la population active considère que les individus sont souvent ou très souvent discriminés au cours de leur vie professionnelle, quel que soit le critère envisagé. Par ailleurs, 42 % des personnes actives ont déclaré avoir été témoins de discrimination dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ces chiffres montrent que les discriminations ressenties restent intenses, ce que confirme une note du Conseil d’analyse économique publiée en juin 2020 synthétisant les études réalisées depuis vingt ans.

Ces résultats peuvent surprendre, car la France dispose d’un arsenal juridique très étoffé contre les discriminations, mais son application est particulièrement complexe. Dans son rapport de 2020 consacré spécifiquement aux discriminations liées aux origines, le Défenseur des droits notait que « si le droit des discriminations s’est considérablement développé, le recours contentieux est une démarche lourde pour les victimes et son impact reste limité comme outil de dissuasion et de lutte contre les discriminations ».

Démontrer l’existence des discriminations et lutter efficacement contre ces comportements requièrent des actions spécifiques. L’enjeu est moins d’ajouter un nouveau critère de discrimination aux vingt-cinq que mentionne déjà le code pénal que d’améliorer l’efficacité des outils permettant de changer les pratiques. Parmi eux figurent les tests de discrimination, qui ont fait l’objet depuis plusieurs décennies de nombreux travaux académiques et d’expériences de terrain, lesquels ont validé leur efficacité. Deux types de tests méritent d’être distingués

Le test statistique tout d’abord, généralement pratiqué par des chercheurs indépendants, qui consiste à adresser un nombre important de candidatures similaires, ne différant que par un critère de discrimination choisi, afin d’observer d’éventuelles différences de réponses. Parce qu’ils reposent sur des candidatures fictives, ces tests ne sauraient être admis comme preuve dans le cadre d’un recours juridictionnel. En revanche, la publicité des résultats, aussi connue sous l’anglicisme name and shame, peut conduire à changer les comportements des acteurs, mais cela suppose certaines conditions qui ne sont pas réunies.

Il est en particulier nécessaire d’organiser un dialogue entre les parties prenantes que sont les représentants des entreprises et de leurs salariés, les associations et les chercheurs, afin de partager en amont la méthode des tests et de définir les conditions de publication des résultats.

Il s’agit aussi d’accompagner les organisations dans leurs changements de pratiques. Ainsi, des tests statistiques ont récemment conduit à la publication des noms d’entreprises identifiées comme discriminantes, sans qu’une discussion n’ait pu avoir lieu en amont sur la méthodologie des tests. Ces entreprises ont donc contesté les résultats et envisagé des recours juridiques plutôt que de modifier leurs processus de recrutement.

Pour remédier à ce type de problème, ce texte propose un cadre permettant de discuter la robustesse des tests statistiques avant de les réaliser, afin que leurs résultats soient plus acceptables pour les différents acteurs. Les auditions ont montré que les partenaires sociaux souhaitent être pleinement associés à ce cadre.

Un autre enjeu est le développement de certains algorithmes qui, en exploitant l’intelligence artificielle (IA), conduisent à discriminer certains profils, sans que cela soit nécessairement voulu. Ce type d’algorithme se développe très rapidement dans les services de ressources humaines, et les auditions de chercheurs ou de directeurs des ressources humaines (DRH) ont souligné l’intérêt des testings statistiques pour repérer les biais qu’ils induisent.

Le test individuel à portée judiciaire consiste, quant à lui, à mettre en évidence une discrimination subie par une personne réelle, en adressant une candidature similaire à la sienne mais dépourvue du critère de discrimination. Parce qu’ils permettent d’établir un préjudice, ces tests sont admis par le code pénal comme une preuve de discrimination ouvrant droit à réparation.

Les tests de discrimination, statistiques ou individuels, se distinguent de la démarche des statistiques liées à l’origine, ou « statistiques ethniques », puisqu’ils ne reposent nullement sur la collecte systématique de données individuelles. Cette proposition de loi vise donc à étendre et sécuriser la pratique de ces deux types de tests et, ainsi, à renforcer l’arsenal de lutte contre les discriminations. Elle vise aussi à améliorer la connaissance des phénomènes de discrimination.

Son article 1er prévoit la création d’un service placé sous l’autorité du Premier ministre visant à lutter contre toutes les formes de discriminations. Il s’agirait de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), dont les missions seraient donc étendues. La proposition de loi confie à ce service la mission d’aider les citoyens qui en feraient la demande à réaliser des tests individuels pour vérifier s’ils sont victimes de discrimination. Il serait également chargé de réaliser des tests statistiques sur des entreprises et des organismes publics selon un programme de travail défini par le Gouvernement. Afin de garantir que des moyens suffisants seront dévolus à la Dilcrah pour assumer ses nouvelles fonctions, un amendement au projet de loi de finances pour 2024 augmentant son budget de 3 millions d’euros a été déposé par le groupe Renaissance et adopté en première lecture.

L’article 2 prévoit la création, au sein de ce service, d’un comité des parties prenantes, chargé d’élaborer et de valider la méthodologie des tests, de proposer la publication de leurs résultats et de formuler des recommandations à destination des personnes morales testées, afin de faire partager à l’ensemble des acteurs les mêmes pratiques et de consolider les connaissances en matière de lutte contre les discriminations pour faire progresser effectivement les pratiques.

L’article 3 donne une base législative à la diffusion des résultats des tests statistiques et donc à la publication des noms des organisations dont le comportement discriminatoire a été établi. Afin d’améliorer les pratiques des acteurs, cet article prévoit que, pour éviter la publication des résultats des tests, les personnes morales concernées aient la possibilité de définir par le dialogue social un plan de lutte contre les discriminations. À défaut, des sanctions pécuniaires s’appliqueraient.

Les tests ne sont pas une réponse miracle aux problèmes de discrimination. Tout d’abord, parce qu’ils reposent sur le principe de la candidature et ne sauraient identifier, par exemple, des discriminations qui ont cours dans le déroulement de la carrière professionnelle. Ensuite, parce que les tests doivent s’insérer dans une stratégie globale, qui inclut notamment des actions de sensibilisation, de formation, mais aussi des sanctions. S’il existe des sanctions pénales et civiles suite à un test de discrimination individuel, ce n’est pas le cas suite à un test de discrimination statistique. Ce texte vise à inscrire dans la loi de telles sanctions. Il sécurise ainsi juridiquement la publication des résultats des tests statistiques.

Tout n’a pas été tenté pour faire reculer les discriminations. Systématiser la pratique des tests est une voie prometteuse qui mérite d’être empruntée. Suite aux auditions et aux échanges avec un certain nombre d’entre vous, des amendements ont été déposés qui permettront, je l’espère, d’améliorer ce texte.

M. le président Sacha Houlié.  Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Clara Chassaniol (RE). Une enquête de l’Insee publiée en juillet 2022 révèle que de 2009 à 2019, le nombre de personnes déclarant avoir subi une discrimination est passé de 14 % à 18 %. Selon un rapport de 2020 du Défenseur des droits sur les discriminations et les origines, l’origine réelle ou supposée constitue le deuxième critère de discrimination après le genre et concerne 11 % de la population.

Ces discriminations sont des barrières invisibles empêchant certains de nos concitoyens de jouir pleinement de leurs droits. Les témoignages, les plaintes, les enquêtes illustrent combien ces inégalités sont flagrantes. Celles-ci s’expliquent par l’essentialisation des individus, dès lors qu’ils sont assignés à une identité supposée par un employeur, un bailleur ou toute autre personne leur refusant d’accéder à un service.

Le sentiment d’injustice engendre des blessures, des inquiétudes, une perte de confiance. Une violence sourde s’impose. Ces discriminations peuvent toucher chacun d’entre nous. Fort heureusement, la loi les condamne mais le non-recours au dépôt de plainte n’en demeure pas moins massif, si bien que nous sommes incapables d’identifier précisément le nombre de personnes concernées et, donc, de faire en sorte que la société apporte aux victimes une réparation.

Pour réparer, il faut prouver la discrimination. Les tests individuels permettent de le faire par le biais d’une candidature fictive similaire mais cette pratique est très limitée, bien que les associations, les avocats ou la Défenseure des droits puissent en réaliser. Nous soutenons donc la création d’un service public pour les intensifier afin d’apporter aux victimes un soutien rapide.

Cette proposition ajoute un cadre ambitieux aux tests statistiques, qui reposent sur l’envoi de nombreuses candidatures fictives dans le cadre d’une méthodologie élaborée par des chercheurs. Une précédente campagne massive de testing, organisée sous l’impulsion du Président de la République, a révélé les pratiques discriminatoires de plusieurs entreprises, les chances d’être recontacté après une candidature spontanée avec un patronyme maghrébin étant de 20 % à 30 % inférieures.

Un tel constat, toutefois, n’emportait pas de sanction ou une modification effective des choses. La question s’est alors posée de la légitimité de la publication des résultats compte tenu de l’utilisation d’une méthode alors controversée. Grâce au travail du rapporteur, ce texte permettra de réaliser des testing statistiques selon une méthodologie préalablement validée par un comité des parties prenantes, au sein duquel nous souhaitons ajouter des représentants des partenaires sociaux.

Des résultats de tests positifs aux discriminations pourront entraîner une amende administrative et une publication. Un tel encadrement permet de sécuriser le Name and Shame, bien que l’objectif ne soit pas de jeter l’opprobre mais d’engager un dialogue sur la base de recommandations. Ce texte permettra d’exercer une pression sur ceux qui discriminent, qui sont souvent victimes de stéréotypes inconscients. Il contraindra également les employeurs à repenser leurs processus de recrutement. En conséquence, l’ensemble de la société sera mieux préparé pour lutter contre les discriminations. Elles ne seront plus tolérées et il sera possible de les démontrer. Les pratiques devront donc évoluer et, avec elles, les mentalités.

Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui propose des solutions concrètes, encadrées et concertées afin que l’État soit un acteur engagé dans l’aide aux victimes et l’accompagnement des recruteurs. Nous le voterons avec fierté.

M. Thomas Ménagé (RN). « Inefficace et coûteux, le testing divisera encore plus les Français ». Ainsi s’exprime Jean-François Amadieu, sociologue et directeur de l’Observatoire des discriminations.

Pourtant, les députés Renaissance veulent créer un service auprès du Premier ministre chargé d’organiser et de financer ces testing. Sur la forme, nous nous étonnons que ce texte ait passé le cap de la recevabilité financière car il crée une charge, comme celui visant à abroger la réforme des retraites, lequel a, lui, été jugé irrecevable. La discrimination ne semble pas vous déranger quand il s’agit de discriminer les textes de vos opposants politiques en usant d’appréciation à géométrie variable de l’article 40 de la Constitution. Peut-être faudrait-il songer à un testing des propositions de loi pour confirmer votre sectarisme et vos discriminations politiques !

Alors que la dette publique et le taux des prélèvements obligatoires atteignent des records, vous nous demandez donc d’adopter la création d’un service qui engendre une dépense supplémentaire. Il est vrai que l’aile gauche de la Macronie ronge son frein face à une loi sur l’immigration difficile à avaler. Houlié, Khattabi, Gouffier Valente, Ferracci : les premiers signataires de ce texte ressemblent à une reconstitution du Parti socialiste au sein de Renaissance. En somme, nous assistons au retour du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), avec quelques années de plus ! Voilà une contrepartie qui arrive à point nommé et qui rajoute une énième contrainte aux entreprises françaises, déjà accablées par la bureaucratie, les obligations, les cotisations, les taxes et les impôts.

Nous voyons fort bien le piège grossier que tend cette proposition de loi, dont le titre est équivoque. Ce n’est pas le contenant qui compte mais le contenu. Certes, tous les partis politiques représentés au Parlement sont d’accord pour lutter contre les discriminations. Notre Constitution consacre l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Que l’on vive à la campagne ou en ville, que l’on soit d’origine étrangère ou non, que l’on soit en situation de handicap ou non, hétérosexuel ou homosexuel, jeune ou senior, toutes les discriminations doivent être condamnées.

La noble cause de la lutte contre les discriminations mérite mieux que ce texte mal ficelé, qui ne répond pas aux graves enjeux que nous connaissons. Il me rappelle l’expérimentation des CV anonymes, parfait exemple de la fausse bonne idée, qui s’est révélée catastrophique. Les candidats issus de l’immigration ou résidant en zones urbaines sensibles sont passés d’une chance sur dix pour obtenir un entretien à une chance sur vingt-deux, selon une étude de chercheurs du Centre de recherche en économie et statistique (Crest) et de l’École d’économie de Paris.

Plutôt que de s’assurer de l’efficacité de la politique pénale pour condamner réellement les discriminations, vous créez une usine à gaz en usant de la politique de l’empilement : à défaut d’agir vraiment, vous empilez de nouveaux gadgets. Cette politique ruineuse a malheureusement amené l’État à créer plus de mille agences, pour un coût estimé à 80 milliards.

Vous proposez de créer un nouveau comité Théodule, dont nous ne savons rien, et surtout pas son coût ni le nombre d’équivalents temps plein (ETP) qui y seront affectés. Pire : le texte crée un dispositif coercitif sans proposer les garanties minimales qui s’imposent dans un État de droit, même si le rapporteur n’a pas manqué de copier les amendements du Rassemblement national apportant un minimum de garanties quant au respect du contradictoire ou à l’indépendance du comité des parties prenantes, plagiat dont je me félicite dans l’intérêt de nos entreprises.

Avec ce texte, c’est l’administration qui, dans toute sa splendeur, infligera ou non des amendes à nos entreprises et à nos collectivités. La lutte contre les discriminations mérite la mobilisation de tous les acteurs et doit être pensée globalement. Les personnes qui se rendent coupables de discriminations doivent être sévèrement sanctionnées. Les tests sont déjà admis à titre de preuve. Demandons donc au juge d’être intransigeant à l’endroit de ceux qui opèrent des distinctions illégales entre les Français ! Notre groupe soutiendra un amendement – dont nous ne sommes pas à l’origine – visant à renforcer les sanctions en cas de discrimination.

Pour lutter contre ces dernières, les textes existent déjà. Leur application relève de la responsabilité du Gouvernement. C’est cela que nous demandons.

M. le président Sacha Houlié. Selon le Rassemblement national, les Français sont français en fonction de leur couleur de peau. Vous constatez des discriminations flagrantes, mais vous ne voulez pas les pénaliser.

Mme Bergé sera ravie d’apprendre qu’elle est membre du Parti socialiste, mais vous avez en revanche oublié M. Benjamin Lucas. Quant à l’aile gauche de la Macronie, elle va bien, je vous remercie. Quelle est la cohérence du Rassemblement national, lorsque Mme Diaz, cet après-midi, nous disait que les divergences avec le ministre de l’intérieur étaient insurmontables et que vous affirmez maintenant que nous serions tous d’accord pour lutter contre les discriminations ?

Enfin, à propos de l’article 40 de la Constitution, le Rassemblement national ne nous a pas habitués à une critique aussi ferme et résolue de la jurisprudence du président Coquerel. Je le lui dirai, ce qui fera de vous un opposant politique aussi déterminé que je le suis.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Tel est le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, auquel il est vrai vous vous référez moins souvent qu’à l’article 49, alinéa 3, que vous avez utilisé dix-sept fois.

Le racisme structurel existe bel et bien et votre proposition de loi y répond d’une manière hélas insuffisante. Vous créez un comité placé sous l’autorité de la Première ministre mais que se passera-t-il si quelqu’un comme Marine Le Pen arrive au pouvoir et qu’Éric Zemmour devient Premier ministre ? Nous avons besoin d’une structure indépendante et c’est précisément ce que nous vous proposerons de créer par voie d’amendement.

Par ailleurs, vous incluez dans ce comité les représentants des entreprises mais pas ceux des salariés, ce qui est un peu dommage puisqu’ils sont les mieux à même de proposer des solutions pour lutter contre le racisme.

La discrimination emporte des conséquences matérielles sur la vie des gens : ne pas avoir de logement si l’on est perçu comme une personne noire, ne pas avoir d’emploi parce que l’on est perçu comme une personne arabe, avoir un salaire plus bas parce que l’on est une femme ou ne pas avoir accès à un certain nombre de loisirs – boîtes de nuit, restaurants – faute d’avoir la couleur de peau qui convient. Elle emporte aussi des conséquences psychologiques profondes en favorisant l’idée qu’il existerait une différence entre vous et les autres.

La discrimination et le racisme sont la négation de l’idéal républicain et humaniste, selon lequel les êtres humains sont responsables de leurs actes et égaux en droits. S’il faut les juger, ils doivent l’être non sur ce qu’ils sont mais sur ce qu’ils font. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits et, selon la Constitution de 1793, ils sont égaux par la nature et devant la loi. Notre drapeau, de surcroît, a été adopté à la suite d’une grève antiraciste, lorsque les marins de Brest ont refusé de partir mater les révoltés contre l’esclavage en Haïti. Le Préambule de la Constitution de 1946, enfin, rappelle face aux régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine que tout être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.

Lutter contre les discriminations et le racisme, cela revient à fortifier notre idéal républicain et à entendre résonner en nous le plus intensément possible ces mots de Robespierre : liberté, égalité, fraternité. Aimé Césaire écrivait : « Si toi tu es un homme avec des droits, avec tout le respect que l’on te doit, eh bien moi aussi, je suis un homme, moi aussi, j’ai des droits. Respecte-moi ! À ce moment-là, nous sommes frères. Embrassons-nous ! Voici la fraternité ».

M. Philippe Latombe (Dem). Je salue la création de ce service chargé de lutter contre les discriminations. Même si nous disposons d’un arsenal législatif et réglementaire solide, nous savons que celles-ci persistent. Les victimes renoncent trop souvent à engager une procédure judiciaire, car il est difficile de prouver qu’elles subissent des discriminations. Finalement, le droit ne constitue pas un outil de lutte suffisamment efficace et ne permet pas de dissuader les auteurs de discriminations.

Alors que les tests contre les discriminations sont utilisés depuis longtemps dans d’autres pays et que leur efficacité a été largement prouvée, ce service constitue un nouvel outil intéressant. En intégrant des personnalités qualifiées, des représentants des entreprises et des administrations susceptibles d’être testées, des parlementaires et des représentants syndicaux – comme nous proposerons de le faire –, ce service ne vise pas seulement à réprimer les discriminations ; il a vocation à accompagner les victimes pour défendre leurs droits mais, aussi, les entreprises et les administrations dans la correction de ces discriminations. La publication de ces tests révélant au public la pratique de discriminations par une personne morale ou privée sera désormais possible et permettra de les prévenir voire, le cas échéant, de les corriger.

Notre groupe souhaite apporter quelques modifications au texte afin de l’adapter au développement de l’intelligence artificielle, dont nous ne pouvons pas nous priver pour réaliser ces tests. Cet outil nous permettra d’accélérer considérablement les délais de traitement mais nous devrons faire preuve de vigilance s’agissant des biais de ces algorithmes, que ce soit en apprentissage initial, avec les modèles dits de fondation, ou en spécialisation – fine-tuning – et, demain, en autoapprentissage.

Nous proposerons également un amendement visant à ce que ce nouveau service puisse informer des biais détectés la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et l’éditeur afin de les corriger et d’éviter les discriminations qui en découlent.

Ces amendements visent à ouvrir le débat afin qu’en séance publique, grâce à tous, nous disposions d’une proposition rédactionnelle adéquate et efficace.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Ce texte est doublement intéressant, et par son objet, et par son objectif.

Il s’agit d’instaurer un dispositif spécifique pour dépister et objectiver l’existence de discriminations afin d’y mettre un terme. Il s’agit donc de lutter contre les discriminations et en faveur d’une politique publique globale d’égalité réelle.

Nous sommes cependant perplexes quant à ses modalités, car le champ des discriminations retenues est étroit. De plus, les tests ne sont qu’une voie parmi d’autres, dont les audits, pour mettre en évidence les discriminations. Le champ des discriminations, en l’occurrence, se limite au monde du travail et les tests, individuels ou statistiques, se concentrent sur l’embauche, c’est-à-dire à un seul moment du parcours salarial.

Nous regrettons donc que les discriminations dans le domaine du logement ou de la santé ne soient pas incluses dans les prérogatives du futur service de l’État. De plus, le suivi des résultats débouche sur une invitation à mener des négociations au sein de l’entreprise, l’élaboration d’un plan par cette dernière, puis sa transmission à l’autorité administrative, et possiblement, la publication des résultats des tests en cas d’insuffisance des objectifs et des moyens. À quelles conditions une telle publication sera-t-elle effective ?

Le texte prévoit la création d’un comité des parties prenantes mais reste assez vague sur sa composition et sa finalité. Il sera chargé d’élaborer la méthodologie des tests et d’émettre des avis mais rien n’est dit de leur qualité et de leur devenir ? Il désigne également des catégories de participants mais sans préciser les équilibres.

La Défenseure des droits se félicite du sens de cette proposition de loi mais s’est montrée défavorable à l’idée de donner à un service de l’État des compétences définies, au motif qu’il ne présente aucune garantie d’indépendance. Une cinquantaine d’autorités administratives indépendantes ont été créées avec une double préoccupation : assurer la protection des libertés en soustrayant le contrôle de certaines activités à une administration soumise au pouvoir politique, notamment ministériel, et développer la réglementation et la surveillance d’activités dans de nouveaux secteurs sensibles sur un plan économique et social. Leur statut leur garantit leur indépendance et leurs membres ne sont pas révocables.

Cette question doit être centrale pour la création de cette nouvelle entité. Pourquoi créer une instance alors que des autorités administratives indépendantes peuvent déjà exercer de telles compétences ? Pourquoi faire compliqué quand il est possible de faire simple ? Notre groupe, en l’état, est réservé sur ce texte et n’entend pas le voter.

M. Philippe Pradal (HOR). « Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit », écrivait Saint-Exupéry dans Terre des hommes.

Manquement à l’égalité, les discriminations de toute nature entaillent le pacte républicain. Elles suscitent du ressentiment chez leurs victimes et favorisent replis communautaires et tensions sociales. Discriminer, c’est se priver de la diversité qui fait toujours la richesse d’un collectif.

Depuis 2017, la lutte contre les discriminations est une priorité de cette majorité : plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme annoncé par Édouard Philippe en 2018, plateforme Antidiscriminations.fr voulue par le Président de la République en 2021 et confiée au Défenseur des droits, plan contre la haine et les discriminations 2023-2026 dévoilé par la Première ministre en janvier dernier.

Pour autant, les plans se succèdent et les chiffres montrent combien certains états de fait demeurent. Les Français subissent des discriminations de multiples natures et en augmentation. Si cette proposition de loi ne prétend pas régler le problème à la racine, elle se propose de démontrer plus explicitement leur existence afin de mieux les combattre.

Le testing, qui est un outil puissant, demeure néanmoins trop méconnu ou mal utilisé. Il garantit des résultats fiables, ce qui est un prérequis plus que nécessaire à l’accompagnement des victimes et des entreprises. Il permet d’identifier des a priori qui pèsent lourd dans les décisions de recrutement et d’avancement. Entre autocensure et stéréotypes, il est de notre devoir de répondre à la promesse d’égalité des chances inhérente au pacte républicain.

En donnant un fondement législatif au principe de « mise au pilori », comme disent nos amis québécois, ce texte crédibilise la menace qui pèse sur les personnes morales ayant été testées positive à la discrimination. À ceux qui verraient là une volonté de contraindre les entreprises et les administrations, nous répondons qu’il s’agit d’un raccourci simplificateur. Loin de les handicaper, ce dispositif facilitera la vie des entreprises. Dans une démarche d’accompagnement, le comité créé au sein de la Dilcrah prévoit d’assister les mis en cause afin de corriger les situations de discrimination, notamment en leur fournissant des outils et des conseils pratiques d’amélioration de leurs procédures internes.

Comme le service public se doit d’être exemplaire, l’extension de l’application de ce texte aux administrations mais, également, une réflexion sur la possibilité d’une telle extension aux candidats aux marchés publics en cas de manquement réitéré à leur obligation de ne pas être testés positifs pourraient constituer une évolution significative afin d’ancrer dans la législation, y compris au sein de la commande publique, la nécessaire lutte contre les discriminations en tant qu’objectif prioritaire.

Soucieux d’organiser un outil de politique publique au service d’une stratégie efficace, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Coprésident, avec Mme Ségolène Amiot, du groupe d’études discriminations et LGBTQI-phobies, je suis très heureux que l’Assemblée nationale examine enfin une proposition de loi consacrée à ce sujet. Très peu a été fait depuis des années pour améliorer les politiques publiques de lutte contre les discriminations, toutes majorités confondues. Dans mon souvenir, le dernier texte en date est la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi Lamy, qui n’avait pas donné beaucoup de résultats, non plus que le CV anonyme, par exemple.

La présente proposition de loi est centrée sur le testing. Il existe déjà des statistiques avérant les discriminations. L’association SOS racisme, par exemple, a testé 136 agences immobilières et révélé que 66 d’entre elles, près de 50 %, acceptaient de discriminer des candidats au profil dit arabe ou noir ; un quart se montraient complices en laissant au propriétaire la possibilité de procéder lui-même à un tri discriminatoire des candidatures. S’agissant de l’emploi, au cœur du texte, 45 % des agences d’intérim acceptent de discriminer les candidats, à la demande du client. Quant au rapport entre la police et la population, c’est un domaine où les chiffres explosent : quelqu’un qui est perçu comme noir ou arabe sera contrôlé cinq, dix, vingt fois dans la même journée. Il est certes important de mesurer ce phénomène, mais il est déjà documenté.

Je m’intéresse surtout à ce qui se passerait après l’adoption du texte.
Si nous généralisons les tests, que ferons-nous lorsque nous aurons constaté qu’il existe des discriminations dans les entreprises et les agences immobilières, mais aussi peut-être dans les établissements de santé et à l’école ? L’emploi est important, mais il ne faut pas oublier les autres domaines. Pour une entreprise convaincue de discrimination, le dispositif prévoit une amende pouvant se monter à 0,5 % de la masse salariale. Je suis favorable à une sanction efficace, applicable à plusieurs secteurs. Selon moi, il faut créer un ministère dédié à la lutte contre les discriminations et lui octroyer un budget significatif – 1 milliard d’euros, si l’on est ambitieux. Nous n’en sommes pas là. Vous proposez de confier à une délégation interministérielle des moyens et des capacités de sanction – c’est un début.

Votre proposition de loi soulève de nombreuses questions sur le rôle de plusieurs acteurs, comme le Défenseur des droits. Spontanément, c’est à lui que j’aurais confié cette action, mais je viens aussi de souhaiter la création d’un ministère. Il faut étudier toute mesure volontariste. Nous verrons au cours du débat quels sujets seront abordés et jusqu’où nous pourrons aller, en particulier en matière de sanctions.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Il est ironique, sinon cocasse, d’examiner un texte de la majorité visant à redorer le blason d’un prétendu principe d’égalité au fondement du pacte républicain, au moment où l’actualité est consacrée à un projet de loi qui tend à institutionnaliser la suspicion à l’égard des personnes immigrées et à normaliser la traque des étrangers. On ne peut, d’une main, passer la corde au cou de ceux qui sont nés au mauvais endroit, au mauvais moment, avec la mauvaise couleur de peau, et, de l’autre, caresser dans le sens du poil la France multiculturelle. En 2022, plus de 48 % des immigrés vivant en France étaient nés en Afrique ; selon une enquête du Conseil représentatif des associations noires (Cran) menée en France hexagonale, 91 % des personnes s’identifiant comme noires disent être victimes de discrimination raciale dans leur vie quotidienne. En 2019-2020, près de 20 % de la population hexagonale déclarait avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années ; on monte à 24 % chez les immigrés et à 29 % chez les natifs d’outre-mer – cherchez l’erreur. Tocqueville écrivait que l’esclavage aboli, le préjugé de couleur demeurait : rien n’est plus vrai. Or la présentation à la queue leu leu de projets de lois relatifs à une immigration qui n’est ni massive, ni opportuniste, ni même souhaitée par ceux qui n’ont d’autre choix que de fuir contribue puissamment à la prolifération des stéréotypes raciaux.

Beaucoup estiment qu’il ne reste rien des anciennes structures coloniales et qu’il ne peut y avoir de racisme institutionnel, puisque les lois de la République sont les mêmes pour tous. Cette proposition de loi a au moins le mérite de soulever les cache-misère d’une France qui se dit daltonienne, mais qui ne trompe plus personne sur la hiérarchisation systématique des relations humaines, fondée sur des critères tout sauf universalistes. Oui, il faut reconnaître que le passé esclavagiste et colonial persiste dans nos structures contemporaines. Non, ce texte, même s’il va dans le bon sens, ne permettra pas de limiter l’influence des stéréotypes négatifs, que ce soit sur l’employeur, le bailleur, les forces de l’ordre ou le citoyen lambda.

Les limites des testings ont déjà été démontrées. Tout d’abord, ils ne permettent pas d’identifier les causes des comportements discriminatoires. Comment concevoir des dispositifs appropriés pour lutter contre les discriminations, si l’on en ignore les fondements ? De même, le name and shame, ou mise au pilori, peut se révéler efficace à court terme, mais non pour obtenir des changements structurels, ni pour lutter contre le renoncement. Dans l’Hexagone, moins d’un tiers des personnes qui se disent victimes de discrimination raciale portent plainte, moins de 10 % dans les territoires ultramarins. En 2020, le taux de relaxe des affaires à caractère raciste était deux fois supérieur à la moyenne des affaires d’atteinte à la personne. En 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a insisté sur la nécessité d’approfondir la formation des magistrats et des services d’enquêtes aux infractions à caractère raciste, afin d’améliorer le taux de réponse pénale du contentieux afférent.

Sur cette proposition de loi, je partage l’avis de la Défenseure des droits : des objectifs louables mais un manque d’ambition patent. En l’état actuel du texte, nous nous abstiendrons.

M. Olivier Serva (LIOT). Les fractures qui traversent notre société contribuent à accroître les discriminations. Celles-ci constituent autant d’atteintes à nos principes républicains d’égalité et de fraternité ; elles n’ont pas leur place dans notre société. Je remercie le rapporteur pour ce texte qui nous permet non seulement de débattre de sujets sensibles, mais aussi de nous donner les moyens de changer pas à pas le quotidien de nos concitoyens.

Beaucoup de chiffres ont déjà été versés au débat, mais notre groupe tient à alerter sur deux progressions inquiétantes. Premièrement, le sexisme est devenu la principale source de discrimination, devant les origines : 47 % des femmes indiquent avoir été discriminées en raison de leur sexe. Secondement, les citoyens ultramarins sont durement touchés également : 32 % sont victimes de traitements inégalitaires. Au-delà des propos haineux, ces discriminations tenaces pèsent sur la vie quotidienne des Français – car, oui, nous parlons de Français –, avec le risque de voir augmenter les poursuites judiciaires, mais aussi de les priver de logement, d’emploi, d’occasions diverses.

Ainsi, le groupe LIOT accueille favorablement cette proposition de loi qui vise à accroître le recours aux tests de discrimination et au name and shame, par publication des résultats d’enquête. Les peines prévues par le code pénal ne suffisent plus ; l’État doit recueillir des données, diffuser des bonnes pratiques et accompagner les victimes.

En l’état, le recours aux tests souffre d’un cadre législatif trop restreint. Notre groupe estime que les tests individuels et statistiques sont essentiels pour identifier les entreprises qui pratiquent la discrimination. Si nous voulons que les services de l’État déploient efficacement ces tests, il faudra leur octroyer des moyens. En revanche, je m’inquiète de la capacité de l’État à accompagner les victimes pour réaliser des tests individuels. Ces derniers revêtent une importance particulière : ils concernent des victimes bien réelles, et l’article 225-3-1 du code pénal les admet comme preuves de discrimination.

Le texte prévoit d’instituer un service centralisé. Dès lors, comment accompagner les victimes sur le terrain, dans les territoires ? Un réseau d’accompagnement local est-il prévu ?

Lorsqu’une entreprise discrimine des citoyens et refuse de prendre des mesures correctrices, il est nécessaire de publier son nom et ses pratiques – cela fait mal. S’attaquer à son image constitue la meilleure manière de la faire réagir : la sanction doit la conduire à prendre des mesures sans délai. La tolérance zéro doit être la règle. J’espère donc que l’examen en séance permettra de renforcer les sanctions, car la fermeté est nécessaire. Nous défendrons des amendements relatifs à la récidive. Les pratiques discriminantes violent le pacte républicain, créent des fractures entre les citoyens et ont un effet néfaste sur l’économie.

Si notre groupe attend le renforcement du volet répressif sur lequel nous attendons des réponses, il votera le texte.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je remercie Clara Chassaniol pour ses propos et pour l’émotion qu’elle y a mis : notre sujet est profondément humain.

Monsieur Ménagé, certains points de votre intervention me semblent inexacts. Vous n’étiez pas présent lorsque nous avons auditionné M. Jean-François Amadieu, mais il a clairement soutenu le testing, que lui-même pratique dans le cadre de l’Observatoire des discriminations. Il nous a enseigné les conditions d’utilisation des tests les mieux à même de changer les comportements. Il ne faut pas toujours prendre au pied de la lettre des phrases tirées de leur contexte ; parfois, venir aux auditions n’est pas inutile.

Le CV anonyme soulève des questions. Vous avez mentionné l’expérience du Crest. Pur hasard, je partageais alors le bureau des chercheurs qui l’ont menée. Paradoxalement, les personnes portant un patronyme maghrébin étaient davantage discriminées lorsque le CV était anonyme. Selon les chercheurs, les entreprises, volontaires pour participer à l’expérience, donc sans doute plus inclusives que d’autres, avaient l’habitude de trouver des circonstances atténuantes aux failles des CV – comme des discontinuités dans le parcours de formation ou d’emploi – lorsque le candidat était issu de l’immigration, par exemple. En supprimant le patronyme, on perdait la bienveillance. Gardons-nous des analyses trop rapides, en particulier concernant les recherches d’outils de lutte contre les discriminations.

À propos de la Dilcrah, vous dénoncez la création d’un nouveau « comité Théodule ». Or la Dilcrah existe déjà.

Le texte prévoit notamment de sanctionner les entreprises convaincues de discrimination par un test statistique. Il s’agit d’un progrès. On ne peut argumenter sur les sanctions sans mentionner celles que le texte instaure.

Monsieur Léaument, vous vous inquiétez de ce que deviendraient la Dilcrah et le comité des parties prenantes si Marine Le Pen et Éric Zemmour parvenaient au pouvoir. Je crains que, si cela arrive, des problèmes plus graves ne se posent.

Nous examinerons tout à l’heure plusieurs amendements identiques visant à adjoindre au comité des parties prenantes des représentants d’organisations syndicales représentatives au niveau national interprofessionnel. J’expliquerai pourquoi ce n’était pas prévu dans le texte initial.

La proposition de loi va évoluer. Je défendrai un amendement de réécriture de l’article 3 qui prévoit le processus de publication des tests, visant à expliciter la dimension contradictoire de cette procédure.

Monsieur Latombe, la question des algorithmes de recrutement est primordiale. Nous avons auditionné des DRH et des développeurs : les algorithmes de filtrage des CV peuvent conduire à des discriminations. Ils reposent sur l’exploitation de données individuelles par des mécanismes d’IA générative susceptibles de créer des biais. Les tests statistiques ont l’intérêt d’identifier les biais, donc d’inciter les entreprises à se pencher sur la conception des algorithmes de recrutement qu’elles utilisent. Nous aurons grand intérêt à articuler les deux champs.

Madame Karamanli, vous dénoncez les limites des tests : je les reconnais. Comme je l’ai souligné dans ma présentation, leur utilisation doit s’inscrire dans une stratégie globale. En revanche, le texte ne se limite pas à l’embauche ; les tests pourront concerner tous les domaines prévus à l’article 225-2 du code pénal, comme la fourniture d’un bien ou d’un service, ce qui inclut le logement et les prêts bancaires.

La proposition de loi prévoit que les avis du comité des parties prenantes viendront nourrir les délibérations relatives aux sanctions. Parmi ces dernières figure la publication des résultats des tests, très préjudiciable aux entreprises.
J’ai participé au testing de 2019 qui a abouti à pointer la discrimination à l’embauche, sur des critères d’origines, de sept entreprises du SBF120, l’indice de la société des bourses françaises : elles ont réagi vivement. L’avis du comité aura donc du poids, aussi devons-nous veiller à sa composition.

J’en viens au rôle de la Défenseure des droits. On ne peut m’accuser de vouloir, en tant que rapporteur, la contourner : une première version du texte, une proposition de loi organique, lui accordait une place centrale, avec en particulier l’organisation des tests individuels et statistiques. Nous avons longuement discuté avec Mme Claire Hédon et ses équipes, et nous sommes parvenus à un constat que je crois partagé : on ne saurait assigner au Défenseur des droits, autorité indépendante, des objectifs à atteindre, ni des priorités à respecter. Il s’agit de choix politiques, qui reviennent au Gouvernement. Aussi avons-nous choisi d’attribuer cette fonction à la Dilcrah.

Je ne veux pas parler à la place de la Défenseure, mais l’avis rendu est plutôt positif concernant le recours aux tests statistiques. Nous donnerons suite aux pistes d’amélioration qu’elle suggère. En revanche, elle est critique avec les tests individuels. Cependant, je souligne que l’on compte zéro condamnation pénale pour discrimination en 2020. Évidemment, la difficulté pour recourir aux tests n’est pas la seule explication. Toutefois, je constate qu’elle existe, et que la Défenseure n’est pas seule à pouvoir en organiser. L’avis dénonce leur manque de lisibilité. Pourtant, beaucoup d’acteurs les pratiquent : les associations, les avocats, des personnes physiques. Il s’agit seulement de renforcer la capacité de tester, aucunement de dessaisir le Défenseur des droits de ses prérogatives. Au contraire, les personnes qui auront prouvé l’existence d’une discrimination grâce à un test pourront ensuite recourir à son accompagnement juridique, dont on connaît la qualité.

Monsieur Pradal, je vous remercie de poser la question de l’évolution des sanctions. Celle des marchés publics est complexe, je vous propose de continuer à y réfléchir pour préparer l’examen en séance.

Monsieur Taché, Monsieur Serva, vous avez soulevé le problème de la récidive. Que se passe-t-il lorsqu’une entreprise élabore un plan d’action mais ne l’applique pas et ne change rien à ses pratiques ? En l’état, le texte ne répond pas suffisamment à la question. Aucun amendement n’y pourvoit, mais je suis ouvert aux réflexions ambitieuses sur ce point en vue de la séance, notamment s’agissant des entreprises convaincues deux fois de discrimination.

Je le répète, les tests pourront concerner le logement. Je ne suis pas hostile à donner plus de place au secteur ; cette préoccupation est en partie déjà satisfaite, mais en partie seulement. Là encore, nous pourrons en discuter pendant nos débats et en amont de la séance.

Monsieur Rimane, vous affirmez que le texte tend à « caresser dans le sens du poil la France multiculturelle ». Je ne me reconnais pas du tout dans cette formulation. À l’opposé d’une telle démarche, notre objectif est de faire prévaloir les principes républicains, au premier chef l’universalisme. Les discriminations ouvrent une brèche dans le pacte républicain – c’est la raison d’être du texte.

Beaucoup renoncent, mais cela ne signifie pas que nous devions renoncer. Donner massivement accès à des tests individuels, encore trop peu nombreux, mais qui constituent une preuve de discrimination, aidera de nombreuses personnes à ne plus se résigner.

Monsieur Serva, il s’agit de construire non pas un service centralisé, mais un service public qui mette des outils à la disposition d’acteurs multiples – associations, individus, avocats. Cela contribuera à l’autonomie des acteurs ; j’y suis très attaché.

Article 1er : Désignation d’un service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques

Amendement de suppression CL9 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Il vise à supprimer l’article, pour les raisons que j’ai évoquées dans mon intervention.

En écoutant M. Léaument, j’avais l’impression qu’il ne concevait la discrimination que fondée sur la couleur de peau et le racisme. Oui, cela existe ; il faut le condamner avec intransigeance, et nous soutiendrons le renforcement des sanctions en cas de discrimination. Toutefois, d’autres formes de discrimination existent, politique notamment. Le lendemain de mon élection, j’ai reçu un courrier de ma banque. Mes comptes étaient dans le vert, mais ils m’indiquaient ne pas vouloir maintenir de relations contractuelles. Nous sommes plusieurs députés du groupe Rassemblement national à avoir subi des discriminations de cette nature.

Monsieur le rapporteur, j’ose espérer que votre beau-père, qui n’appartient sans doute pas à la même génération que moi, ne rencontrerait pas aujourd’hui les problèmes qui furent les siens. Nous devons collectivement agir pour que les nouvelles générations ne connaissent pas les mêmes difficultés que les précédentes. Heureusement, la France évolue, le monde évolue, les politiques font leur possible pour que les mentalités changent.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Malheureusement, je dois démentir votre optimisme. Les demandes de changement d’état civil motivées par des discriminations restent un phénomène très préoccupant en France.

Les discriminations liées aux opinions politiques entrent dans le champ du texte : l’article 225-1 du code pénal énumère vingt-cinq critères de discrimination, au nombre desquels les opinions politiques. Il sera donc possible d’effectuer des tests sur ce critère.

S’agissant de votre amendement de suppression, j’aurais aimé vous demander quelles solutions vous proposez. Je pense qu’elles sont inexistantes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL17 de M. Carlos Martens Bilongo et CL31 de M. Aurélien Taché (discussion commune)

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Afin de mieux encadrer le texte, l’amendement CL17 vise à confier la tutelle du service créé à la fois au ministre en charge de la lutte contre les discriminations et à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Il s’agit de recourir aux tests pour lutter contre la discrimination. Selon nous, la tutelle directe de la Première ministre risquerait de discréditer les tests réalisés dans l’administration, faute d’une indépendance suffisante.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Je comprends que, pour ériger la lutte contre la discrimination au rang de priorité politique, on confie la charge à une délégation interministérielle de lutte contre les discriminations – à défaut d’un ministère de plein droit. Néanmoins, cela ne peut advenir au détriment des missions d’une autorité administrative indépendante aussi reconnue et importante que la Défenseure des droits. L’amendement CL31 vise donc à articuler le travail des deux instances. Vous avez insisté sur le fait que le texte n’enlevait rien aux prérogatives de la Défenseure, mais nous serions tous plus à l’aise si la coordination des services était explicite.

M. Marc Ferracci, rapporteur. La dimension interministérielle du service créé justifie de le placer sous la tutelle de la Première ministre.
La discrimination touche de nombreux domaines : logement, transports, économie. Il faudra donc mobiliser les compétences de plusieurs ministères pour élaborer la stratégie de test. Matériellement, la Dilcrah est déjà en lien étroit avec la ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui sera au banc pour représenter le Gouvernement lors de l’examen du texte en séance.

Monsieur Taché, je le répète, je suis très ouvert à toutes les formes de coopération avec la Défenseure des droits, qui sera représentée dans le comité des parties prenantes. Plusieurs amendements visent à renforcer son rôle ; je donnerai un avis favorable sur certains. De manière générale, il faut privilégier la coopération de tous les acteurs à la logique des prés carrés.

Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Fabien Di Filippo (LR). Il faut se référer à l’avis de la Défenseure des droits. Elle critique une partie du texte, notamment la possibilité de réaliser des tests individuels à visée contentieuse. En l’état, les réclamations de cette nature relèvent de son institution, qui propose une plateforme antidiscriminations et un numéro d’appel pour les victimes. Elle estime qu’elle ne doit pas être concurrencée dans ce domaine. Ainsi, le texte prévoit de créer un doublon technocratique, ce qui fera perdre en lisibilité.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). J’entends que vous êtes ouvert aux propositions et je comprends l’argument selon lequel il est nécessaire de créer un service placé sous l’autorité du Premier ministre afin d’assurer la coordination des différents ministères concernés.

Néanmoins, vous ne répondez pas à la question que nous posons : que se passera-t-il si des pratiques discriminatoires ont lieu dans des services qui relèvent directement du Premier ministre ? D’autant que lorsque de telles pratiques sont révélées par les tests, la publication des résultats reste facultative. Il n’y a pas d’obligation en la matière – nous avons d’ailleurs déposé un amendement qui prévoit de rendre cette publication obligatoire. On peut penser que l’autorité concernée par de telles révélations sur ses services aurait tendance à s’autoprotéger. On a notamment évoqué la question du racisme au sein des forces de l’ordre. Il peut y avoir une volonté de protéger un corps d’État dans lequel on sait que les pratiques discriminatoires sont extrêmement fortes, ce qui a d’ailleurs été dénoncé par l’ONU.

J’aimerais entendre votre réponse sur ce point, car je comprends que vous voulez bien faire – et nous aussi.

M. Marc Ferracci, rapporteur. J’ai évidemment lu avec beaucoup d’attention l’avis de la défenseure des droits, monsieur Di Filippo. Encore une fois, elle n’est pas la seule sur le créneau des tests individuels. Toute association dont l’objet social comprend la lutte contre les discriminations ou toute personne physique qui s’estime discriminée, évidemment assistée par un conseil juridique, peut faire des tels tests. La concurrence – pour reprendre le terme qui figure dans l’avis – existe déjà.

En revanche, il manque la capacité à réaliser des tests. Nous avons eu beaucoup de mal à obtenir le nombre de tests individuels réalisés par la Défenseure de droits, qui a indiqué lors de son audition qu’ils pouvaient être comptés avec les doigts des deux mains – et ce pour l’ensemble du pays. Cela signifie qu’on ne fait pas de tests individuels de discrimination en France. Telle est la réalité qui ressort de l’audition de la Défenseure des droits. Je ne jette la pierre à personne, je poursuis une logique de coopération.

Faire des tests est chronophage et coûte de l’argent. Le développement des tests statistiques va donner un effet de levier aux tests individuels. La logique est la même, mais les tests statistiques permettent d’utiliser des candidatures fictives, ce qui permet de multiplier les tests dans un domaine donné. Je souhaite que l’on aide les personnes et les associations qui en font la demande à réaliser des tests individuels. Elles pourront ensuite se tourner, le cas échéant, vers la Défenseure des droits pour obtenir une assistance juridique – ce dont je serai très content.
Il faut raisonner de manière coopérative et non pas concurrentielle.

Monsieur Léaument, vous soulevez très justement la question de l’indépendance du service placé sous la tutelle du Premier ministre.

J’appelle votre attention sur le fait que cette proposition prévoit des tests sur des personnes privées, mais aussi sur des personnes publiques. Le champ est large. Les administrations et les opérateurs de l’État pourront être testés sur leurs pratiques de recrutement, mais aussi sur d’autres choses. Il ne faut pas craindre de réticences envers la réalisation de tests, car ceux qui exercent la tutelle de services au sein de l’État sont déjà très contrôlés, notamment par les services d’inspection.

J’ajoute que la proposition prévoit un garde-fou supplémentaire avec le comité des parties prenantes. Peut-on sérieusement croire que des démarches de test pourront être interrompues alors qu’existe ce comité, composé de personnalités indépendantes – voire de représentants des partenaires sociaux, comme le proposent certains amendements ?

La proposition a pour but de permettre de faire beaucoup de tests, individuels et statistiques, mais certainement pas d’exempter certaines autorités politiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL21 de Mme Marietta Karamanli

Mme Marietta Karamanli (SOC). Cet amendement propose de supprimer les alinéas relatifs aux tests individuels, car ces derniers constituent une compétence première de la Défenseure des droits. Vous avez indiqué que plusieurs entités peuvent intervenir dans ce domaine, mais je rappelle que la Défenseure de droits est la seule qui peut participer aux poursuites judiciaires engagées à la suite des tests.

Vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas dessaisir la Défenseure des droits, monsieur le rapporteur. Je vous crois mais, avec ce texte, deux entités différentes auront la même compétence, ce qui risque d’être peu lisible pour les citoyens et les victimes tout en créant des difficultés de coordination.

Nous tenons vraiment à cet amendement. La Défenseure des droits a été très claire et très ferme s’agissant de ses attentes en matière de tests individuels.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Vous évoquez un risque, et il faut toujours y faire attention. Pour ma part, je m’appuie sur un fait : la Défenseure des droits ne réalise qu’un nombre ridiculement faible de tests individuels, ce qui ne répond absolument pas à la demande.

Il faut que nous soyons capables de tester bien davantage, tout simplement pour lutter contre un statu quo insupportable. Comme beaucoup d’orateurs l’ont relevé, la réponse pénale est insuffisante. Ce n’est pas seulement en raison du faible nombre de tests individuels, mais ces derniers constituent un mode de preuve, conformément à l’article 225-3-1 du code pénal. Pourquoi ne pas se donner collectivement les moyens d’en faire plus ?

Encore une fois, les personnes concernées ont tout loisir de confier à une association le soin de réaliser un test et, munies du résultat, elles pourront ensuite se tourner vers la Défenseure des droits pour bénéficier de l’accompagnement de ses juristes.

Je ne perçois aucun risque en matière d’efficacité dans le renforcement de la force de frappe des tests individuels.

Mme Marietta Karamanli (SOC). La Défenseure des droits s’oppose très clairement à ce texte et suggère qu’on lui confie la mission de réaliser les tests individuels, mais aussi les moyens dont elle a besoin pour cela. Nous ne pourrons pas progresser dans la lutte contre les discriminations si nous ne donnons pas à cette autorité indépendante les moyens nécessaires à son travail. Permettre à d’autres acteurs de réaliser des tests ne suffira pas, car il faut aussi pouvoir aider les victimes à engager des poursuites.

Nous avons donc beaucoup de doutes sur cet aspect-là et nous espérons que les positions pourront évoluer d’ici à la séance.

M. Marc Ferracci, rapporteur. La question des moyens de la Défenseure des droits est très légitime, mais nous n’en débattons pas avec cette proposition. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL33 de M. Aurélien Taché.

Amendement CL15 de M. Carlos Martens Bilongo.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NUPES). Le texte qui nous est proposé a pour ambition de systématiser la pratique des tests individuels et statistiques, afin de renforcer l’arsenal de lutte contre les discriminations dans notre pays. Il s’appuie sur une définition large, qui permet de viser l’ensemble des discriminations subies par les individus et les groupes d’individus, qu’elles soient directes ou indirectes.

Cependant, la liste prévue à l’article 225-1 du code pénal n’est pas exhaustive, même si elle a été élargie depuis une dizaine d’années. Pour aller plus loin, il conviendrait de se référer à la loi du 27 mai 2008. Cela permettrait au service de réaliser des tests sur l’ensemble des pratiques qu’il considérerait comme discriminatoires.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Le champ de la proposition est déjà très large. Il est particulièrement adapté aux testings réalisés par l’envoi de candidatures, en particulier grâce à la référence à l’article 225-2 du code pénal, qui vise notamment le fait de refuser l’accès à l’emploi ou au logement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL68 de M. Marc Ferracci

M. Marc Ferracci, rapporteur. Cet amendement résulte de l’audition de chercheurs, qui ont appelé mon attention sur l’intérêt de laisser davantage de marge de manœuvre au comité des parties prenantes et aux chercheurs dans leur démarche d’investigation et de choix des sujets de testings. Je propose donc de substituer la notion d’« orientations » établies par le Gouvernement à celle de « programme », qui est trop rigide.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL35, CL34, CL36 et CL37 de M. Aurélien Taché, et CL24 de Mme Marietta Karamanli (discussion commune)

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). L’amendement CL35 concerne les discriminations en matière d’accès au logement. Le champ de la proposition est effectivement assez large, mais il me semble qu’elle est beaucoup plus précise en ce qui concerne les discriminations à l’emploi. On ne peut s’empêcher de penser qu’elles constituent l’objet principal de la proposition. Vous avez indiqué dans votre exposé liminaire que vous veillerez, lors de l’examen des amendements, à ce que les organisations syndicales soient représentées au sein du comité des parties prenantes. Afin que la question de l’accès au logement soit bien prise en compte, l’amendement propose que les associations de locataires y soient également représentées.

L’amendement CL34 vise à s’assurer que les organisations syndicales soient bien dans le comité des parties prenantes.

L’amendement CL36 porte sur les discriminations dont sont victimes les étudiants. Puisque nous discutons de la composition du futur comité des parties prenantes, il s’agit d’y prévoir la présence des organisations étudiantes représentatives.

Ces trois amendements permettent donc de couvrir l’ensemble du champ des discriminations.

Enfin, l’amendement CL37 prévoit que le Défenseur des droits soit consulté sur le programme de tests. Nous avons été clairs sur le fait que nous souhaitons que le Défenseur des droits intervienne le plus possible dans le dispositif que vous proposez.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Par mon amendement CL24, je propose que le programme – ou les orientations, depuis l’adoption de l’amendement du rapporteur – soit établi par le Gouvernement après consultation du Défenseur des droits. Il est essentiel qu’il donne son avis.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Au préalable, je précise que l’article 1er ne concerne pas la composition du comité des parties prenantes. Il prévoit la consultation de tel ou tel acteur sur l’édification du programme de tests.

Avis favorable à l’amendement CL37 qui prévoit de consulter le Défenseur des droits, ce qui correspond au souhait également exprimé par Mme Karamanli dans l’amendement CL24.

Avis défavorable aux trois autres amendements de M. Taché, qui prévoient de manière trop précise la consultation de catégories d’associations intervenant dans des domaines particuliers. La Défenseure des droits pourra se faire l’interprète de leurs préoccupations, ce qui va dans le sens de la coopération que j’appelle de mes vœux.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Vous avez raison, il ne s’agit à ce stade que de consultations et nous aborderons la composition du comité des parties prenantes plus loin – vous connaissez déjà une partie de mes arguments sur la question.

Il est très opportun de prévoir la consultation de la Défenseure des droits, et nous sommes nombreux à avoir insisté sur le rôle qu’elle doit jouer.

Les amendements CL35, CL34 et CL36 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CL37.

En conséquence, l’amendement CL24 de Mme Marietta Karamanli tombe.

Amendement CL8 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Cet amendement précise que les tests respectent des méthodes scientifiques éprouvées et rendues publiques. Comme des entreprises et des collectivités risquent d’être sanctionnées, il est nécessaire qu’elles connaissent les règles du jeu. C’est une affaire de sécurité juridique.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je partage votre préoccupation de sécurisation juridique et méthodologique du contenu des tests. Mais tel est précisément le rôle du comité des parties prenantes prévu à l’article 2, dans lequel siégeront notamment des scientifiques qui pratiquent les tests.

Certains d’entre eux ont été auditionnés et publient dans des revues internationales, au sein desquelles la doctrine est très bien établie en matière méthodologique et statistique. C’est évidemment à cette doctrine que l’on se référera.

Avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL64 et CL62 de M. Marc Ferracci, rapporteur.

Amendement CL12 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Dans votre propos liminaire, vous avez mentionné le budget de la Dilcrah. Pourriez-vous fournir des éléments plus précis sur le coût du nouveau service ? Quelle sera la part de son budget consacrée aux testings ? Quels effectifs lui seront affectés ?

Il est normal que la représentation nationale soit informée en détail de la charge que représente la création d’un nouveau service.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Vous avez raison sur le principe.

Comme je l’ai indiqué précédemment, un amendement adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 a permis d’augmenter de 3 millions d’euros les moyens de la Dilcrah, afin notamment qu’elle réalise des tests. Trois ETP vont être créés au sein de cette délégation, sous réserve de confirmation par le Gouvernement.

Ces crédits ont vocation à financer des appels à projets de recherche, et donc les chercheurs indépendants qui dirigent les tests. Le coût d’un testing par une équipe portant sur un critère dans un domaine – par exemple, l’âge et le logement – représente entre 80 000 et 100 000 euros. Cela donne une idée de ce que l’on peut faire avec 3 millions d’euros, somme qui n’est pas négligeable et qui permettra de lancer un certain nombre de campagnes.

M. Thomas Ménagé (RN). Il s’agissait d’un amendement d’appel et je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Création d’un comité des parties prenantes au sein du service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques

Amendements de suppression CL10 de M. Thomas Ménagé et CL26 de Mme Marietta Karamanli

M. Thomas Ménagé (RN). Comme nous souhaitons supprimer l’ensemble du dispositif, cet amendement propose, par cohérence, la suppression de l’article qui crée le comité des parties prenantes.

Je ne comprends vraiment pas la rédaction retenue pour la composition de ce comité. Le nombre de députés et de sénateurs est indiqué et la Défenseure des droits désignera un représentant. Mais il n’est pas précisé quel sera le nombre des personnalités choisies en raison de leur compétence statistique, juridique, économique ou sociale en matière de tests de discrimination, ni celui des représentants des personnes morales publiques ou privées susceptibles d’être testées. Il n’y a aucune limite et c’est en quelque sorte « open bar ».

Je ne comprends pas les modalités de désignation de ces personnes et je trouve la composition du comité un peu fumeuse. Ne pourrait-on pas la détailler davantage ? Comme le note justement Mme Karamanli dans l’exposé sommaire de l’amendement CL26, le comité pourrait comprendre deux députés et deux sénateurs, un représentant désigné par la Défenseure des droits et des dizaines ou des centaines de prétendus experts.

Je voudrais obtenir des précisions sur ce point.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Mon amendement propose de supprimer cet article, mais pas pour les mêmes raisons.

La définition de la composition du comité des parties prenantes reste très générale. On sait quelles seront les catégories d’acteurs qui y seront représentés – parlementaires, statisticiens, représentants du Défenseur de droits et des entreprises testées –, mais nous aimerions que le nombre de certains d’entre eux soit davantage précisé. Le flou de l’article nous pose problème et le fait de renvoyer à un décret en Conseil d’État n’est en général pas ce que nous préférons dans cette commission.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je savais que je finirais par être rattrapé par l’exigence de précision de la commission des lois.

L’objectif d’un comité de ce type est de réunir des visions et des sensibilités suffisamment diverses et représentatives, tout en limitant le nombre de personnes à un niveau qui n’empêche pas de décider. Ce comité a, en effet, pour mission d’élaborer la méthodologie des tests, mais il doit aussi prendre des décisions importantes en ce qui concerne la publication des résultats.

De mon point de vue, il faudra limiter le nombre de ses membres, tout en respectant les équilibres et les sensibilités. Il appartient au Gouvernement de décider, puisqu’une bonne partie de la composition du comité sera déterminée par un décret en Conseil d’État.

À partir du moment où l’on décide que des parlementaires participent à un organisme extérieur, il est nécessaire de préciser leur nombre dans la loi – et encore, dans ce cas, n’avons-nous pas eu à demander l’avis du bureau des assemblées concernées, pour des raisons techniques et juridiques sur lesquelles je ne m’étendrai pas.

Bien entendu, les décrets clarifieront les choses. Encore une fois, le but est de conserver une forme d’agilité qui permette de décider – c’est du moins ce que je recommande en tant que rapporteur.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL70 de M. Marc Ferracci

M. Marc Ferracci, rapporteur. Cet amendement résulte, lui aussi, des auditions de chercheurs, lesquels se sont émus du fait que la rédaction de la proposition de loi confie au comité des parties prenantes le rôle d’élaborer la méthodologie des tests. Cela laisse supposer qu’il est également compétent en ce qui concerne la dimension statistique de cette méthodologie, alors que la plupart de ses membres ne sont pas des chercheurs.

J’en ai discuté de manière approfondie avec MM. Yannick L’Horty et Jean-François Amadieu, ce qui a permis de clarifier les choses. Il est évident que les questions de méthodologie statistique, telles que la taille des échantillons et les modalités de constitution des CV fictifs, doivent relever des seuls chercheurs.

En revanche, l’expérience montre que l’organisation d’une opération de testing gagne en qualité si l’on recueille les avis d’autres acteurs, par exemple des représentants des entreprises ou des salariés qui sont au fait des processus de recrutement.

C’est la raison pour laquelle l’amendement prévoit que le comité des parties prenantes « participe à l’élaboration » de la méthodologie des tests.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’article prévoit que le comité des parties prenantes émet des avis sur les suites devant être données aux tests de discrimination. Je trouve que c’est un peu vague, notamment au regard de la réponse que vous m’avez donnée précédemment sur l’indépendance du service par rapport à la Première ministre.

Vous aviez indiqué que le comité, du fait de la présence de personnalités indépendantes, serait à même de jouer en quelque sorte le rôle de contrepoids. Pour cela, il faudrait qu’il ne donne pas seulement un avis sur les suites à donner, mais qu’il puisse prendre des décisions plus contraignantes – y compris pour les services de la Première ministre.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Ce point est traité à l’article 3, dont je proposerai une nouvelle rédaction. Cet article détermine le rôle du comité dans la procédure d’examen des plans d’action des entreprises, laquelle peut conduire à la publication des résultats des tests ou à une amende.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL4 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Cet amendement devrait vous faire plaisir, monsieur le rapporteur : nous l’avons déposé parce que nous voudrions être certains que notre groupe soit représenté au sein du comité des parties prenantes. Cela prouve notre intérêt pour le dispositif que vous proposez.

Plus sérieusement, par-delà cet amendement de repli il serait utile, même si l’on conservait le format de deux députés et deux sénateurs, qu’une précision ou un engagement permette de s’assurer que l’un des députés est issu de l’opposition – et idéalement du premier groupe de cette dernière.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je ne saurais prendre un tel engagement, car la désignation des députés et des sénateurs qui siégeront au sein du comité relève de chaque président de chambre – ce qui sera d’ailleurs précisé par l’amendement rédactionnel qui suit.

Il est très commun que deux députés et deux sénateurs siègent dans un organisme extérieur et il n’y a pas de raison d’augmenter leur nombre. Si j’étais taquin, je dirais que nous avons déjà tous suffisamment de travail pour ne pas être sollicités par tant de comités Théodule – pour reprendre le terme que vous avez utilisé tout à l’heure.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL65 de M. Marc Ferracci, rapporteur.

Amendement CL82 de M. Marc Ferracci et sous-amendement CL88 de M. Thomas Ménagé

M. Marc Ferracci, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les personnalités désignées dans le comité des parties prenantes sont choisies pour leur compétence, mais aussi en s’assurant qu’elles présentent les garanties d’indépendance suffisantes.

L’indépendance s’apprécie évidemment à l’égard des pouvoirs publics. Cela répond peut-être à M. Léaument, qui s’inquiétait que des membres du comité puissent être enclins à refuser de tester des acteurs publics, voire des autorités politiques – même si je ne vois pas bien quelle forme pourraient prendre ces tests.

L’indépendance doit aussi s’apprécier du point de vue économique. J’insiste sur ce point, car les opérations de tests généreront des revenus pour certains acteurs – même si les équipes de chercheurs appartiennent plutôt à la sphère publique. Il est important que les personnalités qualifiées qui siègent dans le comité des parties prenantes n’aient aucun intérêt économique dans le testing.

M. Thomas Ménagé (RN). Je vous remercie d’avoir repris une partie de l’amendement CL6 déposé par notre groupe, qui prévoit notamment cette obligation d’indépendance.

Afin de travailler dans un esprit de coconstruction, je vous propose d’aller au bout de la démarche en adoptant notre sous-amendement CL88, qui ajoute l’obligation d’impartialité. De la sorte, l’ensemble de l’amendement CL6 aura été repris.

M. Marc Ferracci, rapporteur. S’il peut être utile de mentionner l’impartialité lorsqu’il s’agit de prendre une décision sur la publication des résultats, cela n’a, en revanche, pas beaucoup de sens en ce qui concerne l’élaboration de la méthodologie. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas repris ce terme.

La commission rejette le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL6 de M. Thomas Ménagé.

Amendements CL67 de M. Marc Ferracci et CL39 de M. Aurélien Taché (discussion commune)

M. Marc Ferracci, rapporteur. L’amendement CL67 fait suite à une remarque de la Défenseure des droits à propos de la rédaction initiale. Il est en effet plus conforme à l’esprit du texte de mentionner que le membre représentant le Défenseur des droits au comité des parties prenantes est une personnalité appartenant à l’institution elle-même, plutôt qu’une personne désignée par elle, qui peut venir de l’extérieur.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Par l’amendement CL39, nous proposons de doubler le nombre de représentants du Défenseur des droits.

M. Marc Ferracci, rapporteur. L’adoption de cet amendement créerait un précédent, dont d’autres membres du comité des parties prenantes pourraient se saisir pour demander, eux aussi, un doublement de leur représentation. Par ailleurs, je suis attaché à maintenir le comité des parties prenantes dans un format réduit. Le rôle des membres est de porter la voix des institutions qu’ils représentent ; leur nombre n’a qu’une importance relative, d’autant que le processus de prise de décision reste à définir : le comité privilégiera-t-il le consensus ou bien le vote ? Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CL67.

En conséquence, l’amendement CL39 tombe.

Amendements CL16 de M. Carlos Martens Bilongo, CL5 de M. Thomas Ménagé, amendements identiques CL29 de Mme Clara Chassaniol, CL71 de M. Olivier Serva, CL72 de M. Philippe Latombe et CL75 de M. Aurélien Taché (discussion commune)

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NUPES). L’amendement CL16 tend à supprimer du comité des parties prenantes les représentants des personnes morales susceptibles d’être testées, car elles y seraient à la fois juges et parties, et d’y intégrer des représentants des syndicats de travailleurs, plus susceptibles d’être discriminés.

M. Thomas Ménagé (RN). Il nous semble logique, et c’est l’objet de l’amendement CL5, d’intégrer des représentants des syndicats patronaux au comité, car la proposition de loi fait peser sur les entreprises de nouvelles obligations dont le non-respect est sanctionné d’une amende. Toutefois, je le retire au profit des amendements identiques CL29, CL71 et CL72, qui tendent à y inclure des représentants de syndicats de salariés.

Je remarque que cette coconstruction est l’œuvre de divers groupes parlementaires. Monsieur le rapporteur, n’hésitez pas à convier notre groupe – qui fait preuve de bonne volonté en retirant un amendement pour soutenir ceux qui vont dans le bon sens – à y participer.

Mme Clara Chassaniol (RE). L’amendement CL29 tend à faire en sorte que les organisations syndicales et patronales au niveau national interprofessionnel soient représentées au sein du comité des parties prenantes.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). J’observe que le groupe La France insoumise propose de faire siéger au comité des parties prenantes les représentants des travailleurs et le groupe Rassemblement national, les patrons. Il est encore une fois démontré que c’est nous qui sommes du côté des salariés et pas le Rassemblement national.

L’amendement CL5 est retiré.

Suivant les avis du rapporteur, successivement, la commission rejette l’amendement CL16 et adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CL41 de M. Aurélien Taché tombe.

Amendements CL40, CL42, CL43 et CL44 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). La gauche défend certes les travailleurs et je suis heureux que l’adoption des amendements précédents permette à leurs syndicats de siéger au comité. Je propose d’appliquer la même logique à d’autres catégories pouvant faire l’objet de discriminations, comme les étudiants ou les locataires

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je partage votre préoccupation d’assurer la représentation de secteurs ayant vocation à être testés, mais cela risque d’en embarquer beaucoup d’autres.

Le 3° de l’article me semble constituer un élément de souplesse qui pourrait permettre de contourner cette difficulté, en mentionnant des « représentants des personnes morales publiques et privées susceptibles d’être testées ». Il ouvre ainsi la possibilité d’intégrer les représentants des locataires ou de tout autre secteur au comité, mais de manière ponctuelle, en fonction des thématiques de testing. Nous pourrions réfléchir à une évolution de la rédaction permettant de prendre en compte explicitement le secteur du logement, mais, en tant que rapporteur, je veillerai à ce que nous n’ouvrions pas la boîte de Pandore en prévoyant la représentation d’une multitude de secteurs.

Il me semble également important que les associations luttant contre les discriminations, mentionnées à l’amendement CL44, soient représentées. Toutefois, il nous faut trouver une formulation permettant un certain niveau de représentativité, sans entraîner la présence d’un trop grand nombre d’associations. Je vous propose de travailler ensemble à la rédaction d’un amendement en ce sens pour la séance publique, et vous invite à retirer les amendements CL42, CL43 et CL44.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Je les retire, à l’exception de l’amendement CL40, car les locataires me semblent devoir être représentés de façon permanente, à l’instar des organisations syndicales.

Les amendements CL42, CL43 et CL44 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CL40.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Procédures en cas de test statistique révélant des pratiques discriminatoires

Amendement de suppression CL11 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). L’article 3 est le pire de cette proposition de loi. Les sanctions qu’il prévoit sont en contradiction avec la volonté d’attirer les investisseurs et de réindustrialiser le pays, et jettent l’opprobre sur les chefs d’entreprise, déjà accablés par toujours plus de normes et de taxes. Cela participerait à donner de notre pays une image catastrophique.

M. le président Sacha Houlié. Évitons la caricature : la France est, pour la quatrième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Que lutter contre les discriminations donnerait de notre pays une image déplorable, voilà bien un argument stupéfiant. Au contraire, beaucoup d’investisseurs étrangers y sont sensibles.

À l’heure où certains secteurs connaissent des tensions de recrutement, la lutte contre les discriminations contribue même à ce que les employeurs prennent conscience qu’en discriminant, ils se privent de talents et donc d’un potentiel de recrutement. Cela a été souligné lors des auditions des organisations patronales, auxquelles il me semble que vous n’avez pas assisté. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL76 de M. Marc Ferracci et sous-amendements CL78 de M. Aurélien Taché, CL79 et CL80 de Mme Marietta Karamanli, CL83 de Mme Eva Sas, CL86 et CL87 de M. Aurélien Taché, CL89 et CL90 de M. Thomas Ménagé, CL92 de M. Aurélien Taché, et amendement CL27 de Mme Eva Sas (discussion commune)

M. Marc Ferracci, rapporteur. Avec l’amendement CL76, je propose une nouvelle rédaction de l’article 3, qui n’en change pas la philosophie. Elle vise à clarifier les étapes précédant le name and shame et, le cas échéant, l’amende administrative. Surtout, elle introduit à chaque étape une procédure contradictoire, nécessaire en l’état de notre droit pour éviter les recours administratifs. Cette rédaction prend ainsi en compte des critiques formulées par certains intervenants lors des auditions ainsi que par certains groupes. Les acteurs de terrain l’ont, par ailleurs, validée.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Je suis très attaché à l’idée de contrôler les discriminations à l’accès au logement de la même manière que celles à l’accès à l’emploi. Le sous-amendement CL78 propose donc de reprendre la procédure prévue pour les discriminations à l’accès à l’emploi en imposant aux bailleurs ou aux agences immobilières de mettre en place, sous la supervision des autorités, un plan d’action détaillé dans les six mois pour prévenir ou corriger des discriminations. En cas de non-transmission de ce plan, des sanctions, qui restent à définir, s’appliqueraient.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Lorsque des discriminations sont constatées, la seule publication des noms n’est pas suffisante. Le service créé par la présente proposition de loi doit en informer la justice, afin que celle-ci procède aux poursuites si elle les estime nécessaires. C’est le sens du sous-amendement CL79.

Quant au sous-amendement CL80, il tend à transformer le plafond de l’amende en plancher, afin de donner une plus grande liberté au juge dans la fixation de son montant.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CL83 vise à imposer la publication des résultats issus des tests statistiques, ce qui contribuera à renforcer l’efficacité de la lutte contre les discriminations.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). La rédaction actuelle prévoit une amende administrative dont le montant ne peut excéder 0,5 % de la masse salariale. L’adoption du sous-amendement CL86 ferait passer ce montant à 5 % de la masse salariale et celle du sous-amendement CL87, à 1 %.

M. Thomas Ménagé (RN). Le sous-amendement CL89 est défendu.

Le sous-amendement CL90 aurait pour effet de donner aux personnes morales la possibilité d’apporter des observations lors de la publication des résultats de tests les concernant. Si elles se retrouvent ainsi jetées en pâture, elles doivent pouvoir se défendre publiquement.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CL92 prévoit la transmission systématique au procureur de la République des résultats des opérations de tests révélant l’existence de discriminations raciales afin que celui-ci puisse déclencher des enquêtes permettant d’établir si ces discriminations caractérisent l’infraction pénale prévue à l’article 225-1 du code pénal.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement CL27 tend à incorporer dans le code pénal la qualification de délit de discrimination pour les entreprises ou organismes dont les résultats des tests statistiques mis en place par le présent texte révèlent des pratiques discriminatoires.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Le sous-amendement CL78 est satisfait, puisque le texte fait référence à l’article 225-2 du code pénal, aux termes duquel une discrimination peut consister à « refuser la fourniture d’un bien ou d’un service », ce qui inclut la location de logement. Je suis sensible à votre préoccupation, monsieur Taché, et je réitère ma proposition de travailler à une rédaction permettant d’inclure explicitement la mention des discriminations à l’accès au logement dans une autre partie du texte.

Les sous-amendements CL79 et CL92 proposent la transmission systématique des résultats de tests au procureur de la République en cas de discrimination. Ils sont satisfaits, car les tests statistiques utilisent de faux profils et, dans ce cas, il n’y a pas de préjudice. Si ces tests révèlent une discrimination contre une personne réelle, celle-ci devra être portée à la connaissance du procureur en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale.

Le sous-amendement CL80 fixe une amende plancher, or il nous semble nécessaire de fixer un plafond pour une telle sanction.

Le sous-amendement CL83 déroge à la philosophie du texte : la publication systématique des résultats empêcherait les entreprises concernées d’élaborer un plan d’actions correctrices avant de le faire évaluer par le comité des parties prenantes. L’idée est de crédibiliser la menace d’une sanction, tout en accompagnant les entreprises afin de les inciter à changer leur comportement, notamment en mettant à leur disposition des outils – recrutement sans CV, modules de formation, détection des discriminations algorithmiques.

Le sous-amendement CL89 propose d’introduire la notion de démonstration, mais celle-ci n’existe que dans le cadre d’un recours juridictionnel, au cours duquel le juge s’appuie sur un faisceau d’indices pour établir la preuve. Or, et c’est la nouveauté de ce texte, il est prévu que des sanctions pourront être prononcées à partir de résultats d’un test statistique robuste, puisqu’issu du travail collégial du comité des parties prenantes.

Le sous-amendement CL90 ne me semble pas justifié, puisque rien n’empêche la personne morale mise en cause de publier ses observations, sur son site internet, dans la presse locale ou par tout autre moyen de communication.

Les sous-amendements CL86 et CL87 concernent le montant de l’amende. Il faut distinguer l’amende de première instance, prononcée à l’encontre d’une entreprise qui n’aurait pas fait diligence après un premier test positif, de l’amende de récidive. Le montant de 5 % de la masse salariale pour l’amende de première instance est excessif. En revanche, je suis favorable à la proposition de porter le montant de cette amende à 1 % de la masse salariale, par cohérence avec l’amende prononcée contre les entreprises n’ayant pas publié leur index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Quant au montant de l’amende en cas de récidive, je vous propose d’en discuter en séance publique.

J’émets donc un avis défavorable à tous les sous-amendements, à l’exception du sous-amendement CL87, auquel je suis favorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le name and shame est une bonne idée, mais, à force de rajouter des délais avant la publication des résultats – de trois, six ou neuf mois – elle a perdu de sa force. Nous souhaitions durcir les dispositions, mais je vois à regret qu’elles ont été adoucies.

Je suis sidéré d’entendre le Rassemblement national se lamenter de voir ces dispositions accroître la complexité de l’environnement des entreprises, alors que nous parlons ici d’un principe fondateur de la République. Je rappelle que l’article 1er de notre Constitution prévoit que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je suis étonnée par votre avis défavorable à notre sous-amendement, monsieur le rapporteur : dans vos propos introductifs, vous aviez dit que la publication globale des résultats serait une bonne solution.

Je prends acte de votre avis favorable au sous-amendement CL87, que j’interprète comme un signe de votre bonne volonté pour améliorer la rédaction du texte afin d’y faire figurer explicitement les discriminations d’accès au logement.

Mme Marietta Karamanli (SOC). De manière générale, je trouve que, jusqu’à présent, le dispositif n’est pas assez fort.

Sur quel fondement émettez-vous un avis défavorable au sous-amendement CL80 au motif qu’il n’est pas possible de fixer une peine plancher ?

M. le président Sacha Houlié. C’est à la fois une question de principe – nous sommes opposés aux peines planchers – et de droit : une telle disposition risquerait d’être censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Je reprends à mon compte les explications de M. le président.

La publication systématique des résultats risque d’être contre-productive. Le name and shame n’est efficace que s’il s’accompagne d’incitations au changement de pratiques, des travaux sociologiques le prouvent. D’ailleurs, la plupart des discriminations ne résultent pas d’une volonté consciente, mais de biais de représentation dont sont victimes certaines catégories de population.
La simple prise de conscience de ces biais n’est bien sûr pas suffisante – il faut des sanctions crédibles –, mais elle engendre des changements.

Mme Marietta Karamanli (SOC). L’inconstitutionnalité des peines planchers ne peut être invoquée ici, car elle ne s’applique qu’au droit pénal. Or, les sanctions dont nous débattons relèvent du droit administratif.

M. le président Sacha Houlié. La jurisprudence du Conseil constitutionnel implique que les sanctions administratives fassent l’objet d’un plafond et que les sanctions proportionnées.

M. Marc Ferracci, rapporteur. J’ajoute que l’absence de plafond ne favorise pas la sécurité juridique et économique, qui exige que les entreprises puissent avoir une visibilité sur d’éventuelles sanctions.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements CL78, CL79, CL80, CL83 et CL86, adopte le sous-amendement CL87 et rejette les sous-amendements CL89, CL90 et CL92.

Elle adopte l’amendement CL76 sous-amendé et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL27 tombe ainsi que l’ensemble des amendements à l’article 3.

Après l’article 3

Amendements CL56, CL57, CL58, CL60, CL59 et CL61 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Ces amendements visent notamment à durcir les sanctions prononcées à l’encontre d’une personne reconnue coupable du délit de discrimination prévu par les articles 225-1 et suivants du code pénal.

M. Marc Ferracci, rapporteur. Le diagnostic qui a motivé cette proposition de loi n’est pas que les sanctions sont trop faibles, mais que les condamnations pour discrimination sont inexistantes. Je ne suis pas opposé à une réflexion sur les sanctions, mais tant que la fréquence des condamnations n’aura pas été augmentée grâce à des tests, qui sont la seule manière d’obtenir réparation, cette réflexion sera inutile. Avis défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous voterons l’amendement CL56, qui augmente les peines du délit de discrimination, car nous pensons qu’il revient à la justice, et non à l’administration, de sanctionner les discriminations. En revanche, nous ne voterons pas l’amendement CL57 qui, lui, ne respecte pas le principe de proportionnalité.

M. Taché n’a pas parlé des autres amendements en discussion. C’est dommage, car ils révèlent toutes les lubies de l’extrême gauche et de la NUPES : l’un de ces amendements représente un danger grave pour notre sécurité puisqu’il propose de donner accès à des étrangers à des emplois de souveraineté ; un autre autorise le port du voile lors de compétitions sportives ; un autre enfin ajoute dans le code pénal une disposition visant à réprimer les discriminations au logement alors qu’elles sont déjà réprimées dans ce même code.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Monsieur Ménagé, je vous donne rendez-vous lundi prochain pour l’examen par cette commission du projet de loi sur l’immigration. Je défendrai alors avec vigueur la possibilité pour des personnes ne disposant pas de la nationalité française de travailler dans l’administration, car c’est un excellent vecteur d’intégration.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Et voilà, monsieur Ménagé, vous avez fait ce soir la démonstration que le Rassemblement national est raciste : vous voulez empêcher les femmes musulmanes voilées de faire du sport ; vous avez proposé de supprimer tous les articles d’une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations et vous êtes opposés au name and shame, alors que vous vous empressez de demander le nom des personnes impliquées dans les faits divers en présupposant qu’ils auront une consonance étrangère.

Vous continuerez à en faire la démonstration lors des débats sur le projet de loi sur l’immigration. Le Rassemblement national est raciste et ne fait pas partie de l’arc républicain. Pour notre part, nous défendons les vraies valeurs de notre pays, qui sont celles de la République !

La commission rejette successivement les amendements.

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (n° 1494) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


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Personnes entendues

Institutions

 Défenseur des droits

   Mme Claire Hédon, Défenseure des droits

   Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale

   Mme Sarah Bénichou, directrice de la promotion de l’égalité et de l’accès aux droits

   M. Jimmy Charruau, chargé de mission

   Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire

 Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine envers les personnes LGBT (DILCRAH)

   M. Olivier Klein, délégué interministériel

 Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)

   Mme Magali Lafourcade, secrétaire générale

   Mme Claire Lallemand, chargée de mission

   M. Thomas Dumortier, conseiller juridique

Universitaires

   M. Jean-François Amadieu, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

   M. Olivier Leclerc, directeur de recherche au CNRS

   M. Yannick L’Horty, professeur à l’Université Paris-Est

   M. Nicolas Moizard, professeur à l’Université de Strasbourg

   Mme Pascale Petit, professeure à l’Université Gustave Eiffel

   Mme Sophie Sereno, maître de conférence à l’Université Aix-Marseille

Avocats

   Mme Laëtitia Brahami, avocate

   M. Slim Ben Achour, avocat

Organisations représentatives des salariés et des agents publics

 CFDT

   M. Christophe Dague, secrétaire confédéral en charge des migrations, de la lutte contre les discriminations, de la coordination du Pacte du pouvoir de vivre et des questions démocratiques

 CGT

   Mme Myriam Lebkiri, secrétaire confédérale

   Mme Camille Hecquet, conseillère confédérale

 FO

   Mme Béatrice Clicq, secrétaire confédérale en charge de l’égalité femme/homme et de la lutte contre les discriminations

 CFE-CGC

   Mme Marielle Mangeon, déléguée nationale à l’économie

 UNSA

   M. Saïd Darwane, secrétaire général de la fédération des syndicats de services, activités diverses, tertiaires et connexe

Organisations représentatives des employeurs

 Medef

   Mme France Henry-Labordère, responsable du pôle social

   Mme Pia Voisine, directrice adjointe à la direction emploi et relations sociales

   Mme Inès Fontelas, chargée de mission égalité, diversité et inclusion

   M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques

 CPME

   M. Amir Reza-Tofighi, membre du comité exécutif

   Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe

   M. Philippe Chognard, conseiller de la direction des affaires sociales

   Mme Claire Richier, juriste à la direction des affaires sociales

Associations

 À compétence égale

   Mme Stéphanie Lecerf, directrice des ressources humaines

 SOS Racisme

   M. Dominique Sopo, président

 Mozaïk RH

   M. Saïd Hammouche, président

 ISM Corum

    M. Éric Cediey, président

 Association française des managers de la diversité

   M. Johan Titren, coprésident de l’Association française des managers de la diversité

 Association nationale des directeurs des ressources humaines

   Mme Audrey Richard, présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines

Représentants d’entreprises

 Associations françaises des entreprises privées (AFEP)

   Mme Julie Leroy, directrice des affaires sociales

 Schneider Electric

   M. Michael Fossat, vice-président

 Safran Groupe

   M. Vincent Mackie, directeur des affaires sociales

 L’Oréal Groupe

   Mme Margaret Johnston-Clarke, directrice monde de la diversité et de l'inclusion

   Mme Anne-Laure Thomas Briand, directrice France de la diversité et de l'inclusion


([1]) Rapport annuel du Défenseur des droits 2022, p. 44.

([2]) Plus de 18 000 appels ont été reçus sur le numéro 3928 entre février 2021 et décembre 2022.

([3]) France Stratégie, Le coût économique des discriminations, septembre 2016.

([4]) Article 225-1 du code pénal.

([5]) Article 225-1-1 du code pénal.

([6]) Article 225-1-2 du code pénal.

([7]) Article L. 1110-3 du code de la santé publique

([8]) Articles L. 1132-1 et suivants du code du travail.

([9]) Article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure.

([10]) Deuxième alinéa de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

([11]) Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juin 2002, n° 01-85.559.

([12]) Défenseur des droits, Discriminations et origines : l’urgence d’agir, p. 6.

([13]) Amendement n° II-4671 de M. Marc Ferracci.

([14]) Burnier Frédéric et Brigitte Pesquié. « Test de discrimination et preuve pénale », Horizons stratégiques, vol. 5, n° 3, 2007, pp. 60-67.

([15]) La liste des discriminations pénalement réprimées est fixée par les articles 225-1, 225-1-1 et 225-1-2 du code pénal et L 1146-1 et L. 2146-2 du code du travail.

([16]) Burnier Frédéric et Brigitte Pesquié. « Test de discrimination et preuve pénale », Horizons stratégiques, vol. 5, n° 3, 2007, pp. 60-67.

([17]) Article 427 du code de procédure pénale : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ».

([18]) Cour de cassation, 10 juillet 2021, n°20-14.670.

([19]) CEDH, Teixeira de Castro contre Portugal, 9 juin 1998, n° 25829/94.

([20]) Assemblée nationale, Rapport de la commission des Lois sur le projet de loi égalité et citoyenneté, Première lecture, 17 juin 2016, XVème législature, p. 710.

([21]) Burnier Frédéric et Brigitte Pesquié. « Test de discrimination et preuve pénale », Horizons stratégiques, vol. 5, n° 3, 2007, pp. 60-67.

([22]) La HALDE a ensuite été fondue dans le Défenseur des droits.

([23]) https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/2023-03/DDD_fiche-pratique_methodologie-test-discrimination_20200408.pdf

([24]) Voir commentaire de l’article 3.

([25]) Ce service est depuis devenu TRACFIN.

([26]) Décret n°2003-1164 du 8 décembre 2003 portant création du comité interministériel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans.

([27]) Amendement n° II-4671 de M. Marc Ferracci.

([28]) Voir article 3 de la présente proposition de loi.

([29]) II et III de l’article 3.

([30]) Alinéa 7 et 10 de l’article 3.

([31]) IV de l’article 3.

([32]) Voir commentaire de l’article 1er.

([33]) Burnier Frédéric et Brigitte Pesquié. « Test de discrimination et preuve pénale », Horizons stratégiques, vol. 5, n° 3, 2007, pp. 60-67.

([34]) Articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 2145-2, L. 1146-1 du code du travail.

([35]) Tests réalisés sur la base de l’article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

([36]) L’article 60 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

([37]) 2° de l’article L. 2242-1 du code du travail.