N° 1910

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à répondre à la crise du logement chez les jeunes

PAR M. François PIQUEMAL

Député

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 Voir le numéro : 1771.


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SOMMAIRE

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  Pages

INTRODUCTION

I. Une crise gÉnÉrale du logement, qui affecte particuliÈrement les jeunes

A. une crise du logement abordable qui s’est encore aggravÉe

1. Un marché locatif bloqué

2. Qui favorise l’envolée des loyers

B. Avec un impact accentuÉ sur les jeunes

II. Des rÉponses À la crise du logement des jeunes insuffisantes, voire dÉgradÉes

A. Le sous-investissement dans les offres de logements accessibles

1. Le ralentissement du développement des logements locatifs sociaux

2. La progression trop faible des logements destinés aux jeunes

B. Un Encadrement des loyers timorÉ

C. DEs Aides personnelles au logement qui ne remplissent plus leur mission

1. Des aides personnelles au logement amoindries par des réformes successives

2. Une inadéquation croissante des aides versées à l’état du marché locatif

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article 1er (articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation) Augmentation des taux de logements sociaux dans les communes urbaines et sanctuarisation d’un volume de logements réservés aux étudiants et aux jeunes travailleurs

Article 2 (article L. 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) Instauration et généralisation d’un encadrement à la baisse des loyers

Article 3 (articles L. 823-1 et L. 842-2 du code de la construction et de l’habitation) Renforcement des aides personnelles au logement pour les moins de 25 ans

Article 4 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

liste des personnes auditionnÉes

liste des contributions reçues

 


 

   INTRODUCTION

Disposer d’un logement est un besoin essentiel ; c’est également, souvent, une condition déterminante pour mener les études que l’on souhaite ou trouver un travail. Mais accéder à un logement n’est pas chose aisée pour les jeunes Français, qu’ils soient à la recherche d’un emploi, travailleurs ou étudiants. Leurs ressources sont en effet plus faibles et plus précaires que les autres ménages. Selon l’Observatoire des inégalités, les 18-29 ans sont même la tranche d’âge la plus touchée par la pauvreté : 19 % d’entre eux – soit 1,5 million de jeunes – se trouvaient sous le seuil de pauvreté en 2019, soit 4 points de plus que l’ensemble de la population.

Or, leur situation s’est encore dégradée ces dernières années. Le marché locatif privé est presque bloqué aujourd’hui, alors que sont déjà saturés les parcs sociaux ainsi que les résidences et les foyers réservés aux jeunes. La concurrence entre demandeurs leur est encore plus défavorable et les loyers s’envolent à des niveaux insoutenables pour de petits budgets. La dépense de logement mobilise ainsi une part de plus en plus lourde de leurs ressources. Pour les étudiants, elle s’élèverait à 60,58 % en moyenne nationale. Le logement pèse plus que jamais sur la discrimination et la précarité dont souffrent les plus modestes de nos jeunes concitoyens.

Il y a donc urgence à agir, d’autant plus que depuis 2017, les politiques gouvernementales ont plus contribué à aggraver cette crise qu’à la résoudre : en réduisant les aides personnelles au logement et mettant en œuvre leur « contemporanéisation », et en désengageant toujours plus l’État de la production de logements locatifs sociaux, sans s’investir dans les logements dédiés à la hauteur des promesses présidentielles. Le résultat est qu’entre 2017 et 2022, moins de 30 000 logements étudiants ont été créés ; le parc étudiant à loyer abordable ne répondait qu’à 8 % des besoins à la rentrée 2022. Pendant ce temps, la production de logements sociaux a inexorablement reculé, passant de plus de 113 000 agréments en 2017 à 95 679 en 2022.

La présente proposition de loi ne prétend pas résoudre toutes les difficultés que doivent surmonter nos jeunes pour accéder à un logement. Elle propose de s’attaquer aux trois causes fondamentales de leurs difficultés : le manque de logements abordables, des loyers qui augmentent sans limite et la faiblesse de leurs ressources.

Ainsi, l’article 1er relève de dix points la part minimale de logements sociaux dans les communes urbaines, et réserve, au sein de ce parc, l’équivalent de 5 % des résidences principales de ces communes aux résidences universitaires et foyers de jeunes travailleurs.

L’article 2 propose de rendre obligatoire un dispositif d’encadrement des loyers et de le généraliser à l’ensemble du territoire national. Il définit en outre des plafonds de loyers en-deçà des loyers médians relevés par les observatoires locaux des loyers, afin de stopper l’emballement des prix du marché locatif privé.

Ce même article prévoit aussi la modération de la réduction de loyer de solidarité (dit RLS), qui est une des causes de l’affaiblissement des investissements des HLM dans de nouveaux logements – le relèvement des plafonds de loyers devant évidemment être compensé par une revalorisation à due concurrence des aides personnelles au logement.

Enfin, en réponse à la faiblesse monétaire particulière des jeunes, l’article 3 complète les aides personnelles au logement de tous les bénéficiaires de moins de 25 ans par un forfait mensuel de 150 euros, soit l’équivalent du premier échelon d’une bourse.

Ce sont des mesures fortes, qui demandent du courage. Mais la gravité de la crise du logement de nos jeunes l’exige.

 

 


I.   Une crise gÉnÉrale du logement, qui affecte particuliÈrement les jeunes

Les rapports sur le mal-logement publiés chaque année par la Fondation Abbé Pierre montrent que la crise du logement n’est pas une nouveauté, mais elle a pris une ampleur inédite depuis un peu plus d’un an, s’étendant désormais bien au‑delà des grandes métropoles (A). Parmi ses victimes, les jeunes, étudiants, travailleurs ou privés d’emploi, sont une des populations les plus touchées (B).

A.   une crise du logement abordable qui s’est encore aggravÉe

1.   Un marché locatif bloqué

Début 2012, la Fondation Abbé Pierre estimait à 3,65 millions le nombre de personnes privées de logement personnel ou vivant dans des conditions de logement très difficiles en France (17e rapport). Elles étaient 3,96 millions début 2017 (22e rapport). Ce nombre s’élèverait à 4,15 millions au début de cette année, sans compter les personnes modestes en situation de surpeuplement modéré (4,3 millions) ou celles en situation d’effort financier excessif (5,73 millions) ([1]).

De fait, la croissance démographique de la France, dont la population est passée de 46,62 millions d’habitants en 1960 à 68,1 millions en janvier 2023 et qui progresse encore de 0,3 % par an, et la multiplication des décohabitations ont généré des besoins massifs de nouveaux logements, que le développement de l’offre n’a pas réussi à suivre s’agissant des logements à prix abordables en zones tendues.

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite loi SRU) a certes obligé ces territoires en tension à développer une offre de logements sociaux (voir le commentaire de l’article 1er), mais elle reste insuffisante, et son développement connaît un net ralentissement ces dernières années (voir le II.A).

En outre, certaines évolutions sont venues aggraver ces tensions ces dernières années en réduisant sensiblement le parc locatif disponible, au point que des observateurs parlent d’« embolie du secteur locatif » ([2]) ou du « grand blocage du marché locatif » ([3]), soulignant également son impact particulier sur les étudiants et les jeunes actifs. Plusieurs phénomènes se conjuguent :

– en réduisant les capacités d’emprunt des ménages et en durcissant l’accès aux crédits à l’habitat, la hausse brutale des taux d’intérêt depuis 2022 a fortement ralenti l’accession à la propriété, contraignant de nombreux ménages à rester locataires. Ce sont autant de logements libérés en moins ;

– parallèlement, les nouvelles exigences légales en matière de performance énergétique des logements loués ont poussé les propriétaires des logements classés E, F et G à vendre leurs biens au départ de leurs locataires, sans que leurs prix encore très élevés ne permettent aux ménages modestes de les acquérir.

De fait, le prix de vente des logements a plus que doublé depuis 2000 : selon une étude publiée par le réseau Century 21 en janvier 2019, ils ont progressé de près de 125 % en 18 ans pour les appartements et d’environ 65 % pour les maisons, et même de 171 % en moyenne nationale pour un T2 ancien d’après l’Insee et les indices des notaires, alors que l’inflation a été de « seulement » 34 % sur la même période et que les revenus des ménages n’ont pas augmenté au même rythme, bien au contraire ([4]) ;

– enfin, la concurrence des locations saisonnières ne cesse de s’accentuer dans les agglomérations touristiques et les zones littorales, transformant un nombre croissant d’appartements en meublés touristiques. Plus de 800 000 locations saisonnières étaient recensées fin 2021 sur l’ensemble du territoire national, en hausse de 18 % par rapport à l’année précédente.

Cette évolution est tirée par le succès du système Airbnb et l’attrait de revenus complémentaires. Mais il est plus grave de constater que l’actuel cadre légal, réglementaire et fiscal encourage les propriétaires à retirer leurs biens du marché locatif durable : les exigences en matière de performance énergétique sont en effet inexistantes et la rentabilité nettement supérieure. On gagnerait 2,5 à 3 fois plus qu’avec une location classique, et les revenus bénéficient d’un impôt réduit. Le phénomène est particulièrement marqué en Île-de-France : le parc des résidences secondaires, des pied-à-terre occasionnels, des locations saisonnières à l’année et des logements transitoirement vacants a ainsi progressé plus vite que le parc occupé durablement, croissant de 525 000 en 2019 à 640 000 en 2023 en grande et petite couronne. Selon une étude de l’Institut Paris Région, les résidences principales représentaient 76,3 % des logements franciliens entre 2008 et 2013, mais plus que 66,5 % entre 2013 et 2019 ([5]).

La conséquence de ces évolutions est une véritable raréfaction des logements offerts à une location durable dans le secteur locatif privé : selon une enquête du Monde du 31 août dernier ([6]), l’offre de biens à louer aurait baissé de 46 % entre 2019 et le premier trimestre 2023, et de 29 % sur le site Bien’ici depuis 2021.

Les difficultés sur le parc locatif privé augmentent la pression sur le parc social, déjà saturé : 100 000 nouvelles demandes ont été déposées en 1 an, constatait l’Union sociale de l’habitat (USH) en octobre, portant à plus de 2,3 millions le nombre de ménages en attente d’un logement locatif social, un record.

Outre l’angoisse de trouver un logement et l’aggravation du mal-logement, ces difficultés ont également un impact très négatif sur le dynamisme économique du pays en limitant la mobilité des travailleurs. Selon l’enquête du Monde d’août précitée, les deux cinquièmes des entreprises seraient affectées par les problèmes de logement de leurs salariés. La pénurie de logements abordables dans leur bassin d’emplois est un important frein aux recrutements – tout en éloignant toujours plus leurs employés de leurs lieux de travail.

2.   Qui favorise l’envolée des loyers

La tension sur le marché locatif et la concurrence des meublés touristiques exercent une forte pression à la hausse sur les loyers, en particulier sur les petites surfaces, les plus demandées.

Le Monde relevait qu’au premier semestre 2023, les deux‑pièces faisaient l’objet de 40 % des demandes, mais seulement 34 % de l’offre au niveau national. Un décalage plus marqué encore en milieu urbain où 91 % des demandes concernent des T1 et T2, qui ne représentent eux-mêmes que 79 % de l’offre ([7]).

Face à de tels déséquilibres, les prix croissent. Selon l’Institut Clameur, au deuxième trimestre 2023, les loyers ont augmenté de 5,4 % sur un an pour les une‑pièce. Une étude, publiée en juillet par PriceHubble, sur les prix de location dans les grandes métropoles montre une hausse allant jusqu’à + 6,5 % en seulement un an pour les studios ([8]).

Hausses de loyer moyen des studios sur douze mois, charges comprises

Bordeaux

+6,2 %

Brest

+ 6,2 %

Lille

+ 4,0 %

Lyon

+ 3,3 %

Marseille

+ 4,6 %

Montpellier

+ 4,0 %

Nantes

+ 4,2 %

Nice

+ 6,6 %

Paris

+ 6,5 %

Strasbourg

+ 4,8 %

Source : PriceHubble.

De nombreuses villes connaissent ainsi une progression souvent supérieure au « bouclier loyer » mis en place par le législateur de 2022 pour limiter l’impact de l’inflation. L’indice de référence des loyers (IRL), qui fixe l’augmentation annuelle maximum du loyer autorisé pour un bail en cours, est en effet très déterminé par le niveau d’inflation. L’emballement des prix à la consommation depuis 2022 a amené le Gouvernement à proposer un plafonnement temporaire de la hausse de l’IRL, fixé à 3,5 % depuis le 16 août 2022 ([9]). Cette mesure a été reconduite jusqu’en 2024 ([10]). Néanmoins, malgré ce plafond de hausse, « le rythme annuel d’augmentation des loyers dépasse largement cet indice, notamment dans les villes avec la plus forte tension locative », constate PriceHubble.

L’encadrement des loyers mis en œuvre dans certaines grandes villes (Paris, Lille, etc.) n’a pas non plus suffi à modérer les appétits des bailleurs (voir le II.B et le commentaire de l’article 2).

En outre, le phénomène n’épargne plus les villes moyennes et petites, comme le montre l’étude publiée par la Fondation Abbé Pierre dans son rapport précité de février 2023 : le pouvoir d’achat des ménages pauvres et modestes les exclut de plus en plus souvent du parc locatif privé ou les condamne à des conditions de logement dégradées ou des taux d’effort peu soutenables.

La situation actuelle est d’autant plus critique que le taux d’effort des ménages s’était déjà sensiblement dégradé ces dernières années, de manière générale mais plus encore s’agissant des ménages à bas revenus des déciles 1 et 2. Pour les locataires les plus précaires, le taux d’effort net, avec les aides personnelles au logement, est ainsi passé de 26,2 % en 2002 à 33,6 % en 2013 – 28 % pour les locataires du parc social et 42 % pour ceux du parc privé ([11]).

B.   Avec un impact accentuÉ sur les jeunes

Dans la recherche d’un logement, les jeunes ([12]) partent avec plusieurs handicaps :

 Ils sont davantage victimes de la précarité économique que la population générale du fait de l’ampleur du chômage des jeunes (presque deux fois supérieur à celui des autres actifs), de leurs bas salaires et de la précarité de l’emploi. Et malgré ces tristes réalités, les moins de 25 ans sont toujours exclus du droit au RSA.

Selon l’Observatoire des inégalités, les 18-29 ans sont la tranche d’âge la plus touchée par la pauvreté : selon les données annuelles de l’Insee, 19 % d’entre eux – soit 1,5 million de jeunes – se trouvaient sous le seuil de pauvreté fixé à 60 % du salaire médian (de 1 102 €) en 2019 ([13]), soit 4 points de plus que l’ensemble de la population.

Et c’est sans compter les ménages étudiants dont on connaît mal les ressources. Pour approcher leur situation, l’Insee avait enquêté en 2014. Il en ressortait à l’époque que la moitié des jeunes vivant dans un logement autonome devaient composer avec moins de 939 € par mois, toutes aides comprises, et que 10 % des 18-24 ans qui avaient quitté le foyer familial touchaient moins de 365 €. Plus récemment, une enquête réalisée en 2020 par l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) évaluait à 919 € les ressources mensuelles moyennes des étudiants (avec les aides publiques dont ils peuvent bénéficier) ;

– Au-delà d’une pauvreté plus fréquente, le niveau salarial des jeunes est, sans surprise, très inférieur à celui des classes d’âges supérieur. En 2020, le revenu annuel salarial moyen des moins de 25 ans était à 7 490 €, celui des 25‑39 ans à 19 220 € et celui des 40-49 ans à 30 150 €.

À ces niveaux de ressources, la plupart ne peuvent prétendre qu’à des petites surfaces, qui sont aussi les plus recherchées et les plus fréquemment récupérées par le marché de la location saisonnière.

Ces constats, nos collègues, les députés David Corceiro et Richard Lioger, les faisaient dès décembre 2021, dans leur rapport d’information sur le logement et la précarité des étudiants, des apprentis et des jeunes actifs ([14]), qui soulignait déjà la place centrale du logement dans la précarité des jeunes Français.

Or, l’actuelle restriction du marché locatif privé, le durcissement de la compétition entre les demandeurs et la hausse des loyers viennent aujourd’hui frapper plus durement encore ces publics, sans qu’ils aient de véritables alternatives :

– En effet, le parc de logements réservés aux étudiants ou aux jeunes travailleurs s’est trop faiblement développé ces dernières années et il est saturé (voir le II.A.2) ;

– Bien que pouvant y prétendre, l’accès au parc social leur est difficile. C’est un autre constat du rapport d’information de MM. Corceiro et Lioger. Les données recueillies par nos collègues montrent une sous-représentation systématique des personnes âgées de 18 à 30 ans parmi les locataires du parc locatif social, alors qu’ils sont nettement surreprésentés parmi les demandeurs de ces logements. Les raisons en sont multiples : une mobilité incompatible avec les temps longs des démarches pour obtenir un logement social, la relative rareté des petits logements, qui ne représentent que 26 % du parc social, avec, en outre, des besoins spécifiques (une situation proche de leurs lieux d’études ou de travail ou un accès rapide aux transports en commun), le faible renouvellement des locataires du parc social et, bien sûr, une forte concurrence entre publics prioritaires sur l’offre de logements à très bas niveau de loyers (en dépit des mesures prises par la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – voir le II.A).

On peut craindre que l’augmentation des demandes adressées au parc social n’accentue ces difficultés, même si la part des T1 et T2 s’est nettement accrue dans les nouvelles opérations sociales ;

– Quant à une primo-accession à la propriété, nos collègues David Corceiro et Richard Lioger relevaient en 2021 que les perspectives s’étaient drastiquement réduites pour les ménages les plus modestes : les chances d’accès à la propriété d’un ménage du premier quartile de revenu par unité de consommation étaient déjà descendues à 33 % de celles d’un ménage du deuxième quartile en 2013, contre 71 % en 1984. Le durcissement actuel du marché immobilier laisse penser que faute de stabilité et de revenus suffisants, les chances des jeunes de pouvoir acheter sont encore plus réduites aujourd’hui.

Les jeunes sont donc très largement locataires du parc privé, et leur logement, avec le renchérissement du marché, mobilise une part toujours plus lourde de leur budget.

Pour les étudiants, cette dépense atteint des niveaux presque insoutenables. La dernière enquête sur le coût de la vie étudiante de l’UNEF ([15]) l’évalue à 60,58 % du budget mensuel moyen, relevant un loyer national moyen dans le parc privé de 570,69 € – 820,04 € en région parisienne – et de 394,83 € dans les CROUS. Dans la mesure où les autres charges (énergie, alimentation, vêtements, téléphonie, transports) ont également fortement augmenté depuis un an, le syndicat étudiant alerte les pouvoirs publics sur la dégradation des conditions de vie des étudiants, alors que déjà plus de quatre étudiants sur dix sauteraient régulièrement des repas et ont de plus en plus de mal à chauffer leur logement.

L’augmentation des prix touche désormais presque toutes les grandes villes universitaires, qui connaissent de fortes tensions sur le logement pour les étudiants.

Loyers moyens observés pour un studio dans les villes universitaires

https://www.locservice.fr/actualites/wp-content/uploads/2023/05/loyers-moyens-etudiants-villes-2023.jpg Source LOCService, mai 2023.

Nombre de demandes étudiantes pour une offre de logement

https://www.locservice.fr/actualites/wp-content/uploads/2023/05/tension-locative-etudiant-france-2023.jpgSource LOCService, mai 2023


II.   Des rÉponses À la crise du logement des jeunes insuffisantes, voire dÉgradÉes

Le bilan précédent souligne l’impérieuse nécessité d’une action vigoureuse et l’urgence à agir.

Pourtant, en dépit des alertes répétées des acteurs de la solidarité et des syndicats d’étudiants, en dépit des constats sans ambiguïté faits, dès 2021, par nos collègues de la majorité présidentielle, David Corceiro et Richard Lioger, en dépit des promesses faites par le candidat Emmanuel Macron en 2022, aucune mesure significative, courageuse, n’a été prise pour répondre à la crise aiguë du logement des jeunes et corriger ses causes fondamentales, le manque de logements accessibles (A) et la dérive des loyers (B). Les réformes des aides personnelles au logement (APL) de 2017 et 2021 ont même eu tendance à aggraver la situation (C).

A.   Le sous-investissement dans les offres de logements accessibles

Au total, le nombre de logements dépasse le nombre des ménages : en 2021, on comptait 30,4 millions de ménages pour environ 37,2 millions de logements ([16]). Mais si les logements ne manquent pas au niveau global, il y a de forts déséquilibres entre territoires et des tensions locales sur le marché du logement. Il y a plus fondamentalement une pénurie de logements accessibles, au moins dans les territoires tendus, sans que les dispositifs mis en œuvre par le Gouvernement n’apportent de réponses convaincantes – bien au contraire.

Certes, des mesures ont été prises pour améliorer l’accès des jeunes à un logement. Ces dispositifs ont le mérite d’exister, mais ils ne sont pas à la hauteur de la crise.

Parmi les outils mis en avant par le Gouvernement, le dispositif Visale – la caution gratuite proposée aux locataires de 18 à 30 ans et financée par Action Logement – facilite l’accès aux logements locatifs privés, mais ne modère pas la dépense de logement. La prime à l’installation à 1 000 euros est ponctuelle et l’aide Mobili-jeunes d’Action Logement est limitée à un an et n’est offerte qu’aux moins de 30 ans en formation alternante.

On peut également évoquer diverses dispositions de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – « loi ELAN » – qui concernent plus particulièrement les jeunes : le bail mobilité dans le parc privé, la faculté d’attribution prioritaire de logements sociaux à des jeunes de moins de 30 ans (voir l’article 109 de la loi ELAN et le commentaire de l’article 1er), l’encouragement à la colocation dans le parc social, etc.

Car le premier défi est le développement d’une offre de logements abordables. Or, dans le parc privé, il est fondé sur le volontariat des bailleurs qui conventionnent avec l’Agence nationale de l’habitat fin de proposer des loyers plafonnés aux locataires modestes. Mais ce dispositif, dit Loc’Avantage, reste limité et le nombre de logements concernés tend à reculer : en 2021, on n’en décomptait plus que 110 000, soit 26 % de moins qu’en 2017.

L’approche la plus efficiente est le développement de logements conçus pour être proposés à des loyers abordables, voire réservés aux publics les plus fragiles. Tel est l’objet des parcs locatifs sociaux et de l’habitat spécifique (résidences universitaires, logements-foyers, etc.) dont l’équilibre économique exige un soutien public significatif. Malheureusement, en matière d’offres de logements sociaux et de logements destinés aux jeunes, force est de constater le sous-investissement des acteurs ces dernières années, à commencer par l’État. On peut même parler d’un désengagement financier de sa part, qui se traduit directement par des productions nouvelles plus insuffisantes que jamais face à la croissance des besoins.

1.   Le ralentissement du développement des logements locatifs sociaux

Alors que les demandes continuent d’augmenter – l’USH recensait 2 053 000 ménages en demande active au 1er juillet 2016 ; ils étaient 2 423 000 fin 2022 –, l’offre de logements sociaux disponibles à de nouveaux locataires diminue inexorablement depuis plusieurs années ([17]),

Cela se traduit par une dégradation du taux d’attribution moyen des logements sociaux, déjà faible : il s’établissait à 14 % en 2018 ([18]) et ne représente plus que 12 % en 2021.

Cette dégradation est particulièrement marquée chez les demandeurs de moins de 30 ans, dont le taux d’attribution a chuté de six points entre 2016 et 2019, pour s’établir à 15 %, niveau que l’on retrouve en 2021 (source : Ancols) malgré l’augmentation de la part relative des T1 et T2 dans les nouvelles offres.

Pourtant, dans le même temps, la mise en service de nouveaux logements sociaux a sensiblement ralenti : selon le Répertoire du parc locatif social (RPLS) ([19]), la croissance annuelle du parc locatif social a été de 1,1 % entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2020, alors qu’elle était de 1,3 et 1,8 % sur les cinq années précédentes.

Ce ralentissement concerne essentiellement les mises en service en dehors de l’Île-de-France : elles ont ainsi reculé de 3 % par an en moyenne en zone B entre 2015 et 2021. Elles sont restées juste stables en Île-de-France, où les acquisitions de logements vendus en l’état de futur achèvement (VEFA) permettaient encore, en 2021, de compenser la diminution de la construction de logements par les bailleurs sociaux.

Cette tendance ne devrait pas se démentir dans les prochaines années avec un nombre de logements agréés en recul de plus en plus marqué : en effet, seuls 95 679 logements ont été agréés en 2022 ([20]), contre 105 453 en 2019, 113 041 en 2017 et 122 859 en 2016.

En tout état de cause, avec 190 454 logements agréés sur 2021 et 2022, on est loin de l’objectif affiché par le Plan de relance d’une construction de 250 000 nouveaux logements sur la même période.

Cette importante diminution (- 28 %) reflète le recul général de la construction de logements neufs – et avec elle, celle des VEFA qui représentent aujourd’hui plus de la moitié de la production de logements locatifs sociaux – liée à un net renchérissement du coût des opérations.

Elle résulte plus fondamentalement d’évolutions dont le Gouvernement est en grande partie responsable, dont, en premier lieu, la réduction des capacités financières des organismes HLM, « provoquée par des mesures d’économie adoptées au cours du précédent quinquennat pour faire baisser la dépense de l’État », rappelle la Fondation Abbé Pierre dans son rapport 2023 sur le mal-logement.

La loi de finances pour 2018 a ainsi remonté la TVA de 5,5 à 10 % sur les opérations de logements sociaux « PLUS » et « PLS », alourdissant leurs factures de 500 millions d’euros chaque année.

Par ailleurs, pour contrebalancer la baisse des aides personnelles au logement de 5 € par mois, décidée par le nouveau gouvernement de M. Emmanuel Macron dès l’été 2017, dans l’objectif d’alléger le budget de l’État, les organismes HLM ont été contraints de compenser cette diminution des APL en réduisant leurs loyers, par l’article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 (codifié à l’article L. 442-2-1 du code de la construction et de l’habitation).

Cet article instaure la « réduction de loyer de solidarité » (RLS, dont il est question à l’article 2) qui consiste en une remise de loyer forfaitaire en faveur des foyers les plus modestes logés dans le parc locatif social, qu’ils soient allocataires des aides personnalisées au logement ou non. La remise donne lieu simultanément à une baisse d’APL correspondant à 98 % du montant de la RLS.

Entrée en vigueur le 1er février 2018 à hauteur de 800 millions d’euros, la RLS ampute désormais les ressources des organismes HLM de 1,3 milliard d’euros par an. Ce sont autant de moyens qui font aujourd’hui défaut à la construction neuve, mais aussi aux travaux d’entretien et de rénovation thermique du parc social. Et malgré les dégâts que l’on constate déjà, ce niveau a été maintenu en 2023 et devrait l’être en 2024.

Dans le cadre du « pacte constructif » signé en avril 2019, les bailleurs sociaux ont obtenu quelques compensations financières, comme la baisse de leur contribution au Fonds national des aides à la pierre et le rétablissement du taux de TVA à 5,5 % pour certaines opérations sociales. Néanmoins la compensation reste limitée. L’Union sociale de l’habitat (USH) estime que ces deux réformes auront coûté 10,43 milliards d’euros en cinq ans aux organismes HLM ([21]).

Cela s’est mécaniquement répercuté sur le montant de leurs investissements dans le logement social, à la production ou à la réhabilitation, qui est passé de 16 à 14 milliards d’euros par an ces dernières années, d’après le Compte du logement 2021, en baisse de 10 % depuis 2017.

Il est à craindre qu’ils ne poursuivent leur rationnement avec une inflation qui renchérit encore les coûts de construction, tout en entraînant une forte hausse du taux d’intérêt du livret A, et donc des intérêts payés par les organismes de logements sociaux. L’augmentation du taux du livret A de 0,5 à 3 % leur a ainsi coûté 1,4 milliard d’euros en 2022, de même qu’en 2023 ([22]), et la note pourrait être encore plus lourde dans les prochaines années.

La réduction des investissements dans le logement social vient aussi du rationnement drastique des contributions de l’État au logement : à commencer par les subventions ou aides à la pierre. Leur baisse ne date pas de 2017, mais elle s’est inexorablement poursuivie, jusqu’à ce que la contribution de l’État se résume à quelques dizaines de millions d’euros pris sur les ressources d’Action Logement. Le Fonds national des aides à la pierre (FNAL) est aujourd’hui presque totalement alimenté par les contributions des organismes HLM et ses soutiens ne représentent plus guère qu’environ 8 % d’un investissement en PLAI et 0,66 % d’un investissement en PLUS.

De fait, les principales contributions de l’État passent par des dépenses fiscales et des « aides de circuit », via les prêts de très long terme de la Caisse des dépôts et consignations, et, bien sûr, par la sécurisation d’une partie des loyers du parc social (ses revenus) grâce aux aides personnelles au logement (APL). Or, comme on vient de l’évoquer, l’aide apportée par ces dispositifs – ainsi que par les APL, voir le C suivant – s’est nettement réduite.

2.   La progression trop faible des logements destinés aux jeunes

Il existe différents parcs de logements s’adressant spécifiquement aux jeunes, étudiants ou actifs. Toutefois, nos collègues David Corceiro et Richard Lioger constataient en 2021 qu’« en France, depuis au moins les années 1990, le nombre de logements pour les jeunes est systématiquement et structurellement déconnecté de la démographie et très en retard par rapport à elle » ([23]).

Il est vrai que la population âgée de 18 à 30 ans connaît une démographie dynamique. Les effectifs des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, en particulier, ont augmenté de plus de 50 % entre 1990 et aujourd’hui, sans que l’offre de résidences étudiantes ou universitaires n’ait suivi au même rythme. Selon l’Union étudiante, auditionnée par le rapporteur, le nombre de logements Crous aurait été multiplié par 2,3 entre 1963 et 2022, quand le nombre d’étudiants était multiplié par 10,5.

Alors qu’ils étaient près de trois millions, dont 700 000 boursiers, à la rentrée universitaire 2022, l’offre totale de logement dédiés sous la forme de « résidences », y compris les résidences privées à loyers libres, a répondu aux besoins de seulement 12 % d’entre eux. L’offre dédiée à caractère social (c’est‑à‑dire les logements en résidences respectant des loyers-plafonds, accueillant des étudiants sous plafonds de ressources, prioritairement boursiers), proprement dite, en accueillait 8 % ([24]).

Cette dernière est composée :

– de l’ensemble des résidences gérées par les 27 centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), conventionnées aux APL ou non (l’étudiant perçoit alors l’allocation de logement sociale – ALS). Les résidences gérées par les Crous sont pour partie propriété d’organismes HLM.

Selon l’Union étudiante, il y aurait 16 candidats étudiants, en moyenne, pour un logement Crous ; le rapport est de 62 pour 1 à Paris. Il faudrait plus de 600 000 logements Crous pour loger au moins un étudiant sur quatre ;

– et du parc HLM de logement étudiant social non géré par les Crous. Les résidences sont dans ce cas gérées ou bien par les organismes HLM eux-mêmes ou bien par des tiers ([25]).

Fin 2022, on dénombrait 173 170 logements dédiés propriétés du Crous ou gérés par un Crous et environ 60 000 logements conventionnés APL. Complétées par 110 000 à 140 000 résidences étudiantes privées, les résidences offraient ainsi un total de 340 000 à 370 000 places.

Selon les quelques données disponibles, les Crous auraient mis en service 40 000 « lits » sur les cinq années 2013-2017 ; et près de 30 000 logements sociaux étudiants auront été financés sur les cinq années suivantes (2018-2022), essentiellement réalisés par les organismes HLM. Enfin, pour l’année 2023, un objectif national de 10 000 agréments de logements étudiants sociaux a été fixé pour la métropole ([26]).

Quant aux jeunes actifs, ils peuvent accéder aux résidences sociales et bénéficient des outils d’accompagnement précédemment cités. Mais un habitat spécifique leur est également consacré : les foyers de jeunes travailleurs (FJT).

La branche Famille de la sécurité sociale finance aujourd’hui la gestion au sein de ces foyers d’environ 50 000 lits – dont le nombre évolue peu ([27]).

On constate pourtant qu’un certain nombre de collectivités territoriales se sont saisies des possibilités offertes par le dispositif de production obligatoire de logements sociaux, créé par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU – voir le commentaire de l’article 1er) pour augmenter leur offre de logements à destination des jeunes. En effet, l’inventaire SRU décompte les places en FJT, ainsi que les places dans les structures collectives comme les résidences étudiantes à condition qu’elles soient conventionnées à l’APL.

Mais force est de constater que le développement de ces parcs dédiés est encore faible, trop faible, et bien éloigné des annonces de M. Emmanuel Macron lors de sa candidature à sa réélection en 2022 de « construire 60 000 logements pour les étudiants et 20 000 logements pour les jeunes actifs » tout en mobilisant les bailleurs sociaux pour créer au sein du parc social 30 000 « logements jeunes ».

B.   Un Encadrement des loyers timorÉ

La loi permet aux collectivités des zones en tension locative d’expérimenter un dispositif d’encadrement des loyers sur leur territoire.

Après une première version définie par l’article 6 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite « loi ALUR »), le dispositif actuel procède de l’article 140 de la loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ([28]) – son fonctionnement est présenté dans le commentaire de l’article 2.

Ce n’est encore qu’une expérimentation. Les loyers ne sont pas fixés par l’autorité administrative, mais, à l’occasion d’une remise en location ou d’une première location, les bailleurs privés doivent respecter les limites des loyers de référence – le loyer médian et les loyers de référence majoré et minoré – établis à partir des niveaux de loyers constatés par les observatoires locaux des loyers dans la zone concernée. En cas de non‑respect de ces limites par le contrat de bail, les locataires peuvent engager des actions en contestation et des sanctions sont prévues.

Devant l’intérêt croissant des collectivités, cette expérimentation a été prolongée jusqu’au 21 novembre 2026 et son champ d’application ouvert à de nouvelles collectivités volontaires par l’article 85 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « loi 3DS ».

Plusieurs collectivités s’y sont engagées :

– la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019 ;

– la ville de Lille, à compter du 1er mars 2020 ;

– l’établissement public territorial Plaine Commune en Seine‑Saint‑Denis, à compter du 1er juin 2021 ;

– la ville de Lyon et la commune de Villeurbanne (Rhône), à compter du 1er novembre 2021 ;

– l’établissement public Est Ensemble en Seine-Saint-Denis, à compter du 1er décembre 2021 ;

– les villes de Bordeaux et Montpellier, à partir du début de l’année 2022.

Enfin, 24 communes de la Côte basque viennent d’être autorisées à la mettre en œuvre.

En raison de sa mise en œuvre récente, ses effets sont encore difficiles à évaluer. Les principales données disponibles à ce jour sont celles relatives aux actions engagées par les locataires et aux sanctions. En général elles sont recensées par les services de l’État ; mais depuis le 1er janvier 2023, il revient à Paris d’assurer le recueil des signalements, par les locataires, de dépassement du loyer plafond et d’appliquer les sanctions.

Le 26 septembre dernier, Paris a dressé le bilan de ses premiers mois de contrôle de l’encadrement des loyers.

Au total 1 181 signalements ont été recueillis, soit « quasiment dix fois plus que par l’État » qui en avait recueilli 120 en trois ans. Trois propriétaires ont reçu l’amende maximale de 5 000 euros ; quatre autres ont été sanctionnés financièrement et 45 dossiers ont été régularisés.

Près de 50 % des signalements ont concerné des studios ; on monte à 80 % en intégrant les deux-pièces. Et près de 3 signalements sur 5 sont des biens gérés par des agences immobilières.

Si les premiers résultats du dispositif sont modestes, le « 2e baromètre de l’observatoire de l’encadrement des loyers » de la Fondation Abbé Pierre montre néanmoins une légère amélioration du respect de l’encadrement à Paris en 2022, où l’on passe de 35 % en 2021 à 31 % d’annonces non-conformes. Pour 2023 et les prochaines années, on peut espérer que la prise en main par la Ville de son contrôle et l’application des premières véritables sanctions feront encore progresser ce taux.

Les autres territoires présentent aussi des bilans inégaux. Mais leur mise en œuvre est encore plus récente ; et le dispositif a été récemment consolidé : depuis cette année, le loyer-plafond doit être mentionné dans les annonces ainsi que dans les contrats de bail ; par ailleurs, la « loi Pouvoir d’achat d’août 2022 » prévoit que les logements comportant au moins un défaut de confort ne pourront plus appliquer de complément de loyer, cela facilitera la contestation des compléments de loyer abusifs.

Il reste qu’il faut se donner les moyens de réaliser des contrôles suffisants et d’appliquer les sanctions pour donner sa pleine efficacité au dispositif.

Mais il importe aussi de renforcer sa portée, pas seulement en l’ouvrant aux autres collectivités volontaires (Grenoble, Rennes, Strasbourg, la Métropole Aix-Marseille, etc.) mais en l’étendant à l’ensemble du pays car l’envolée des prix touche désormais des territoires qui ne sont pas nécessairement qualifiables de zones tendues.

Et pour contrer un renchérissement des loyers devenu insoutenable pour nombre de Français, il faut davantage d’ambition : rendre le dispositif obligatoire et modérer réellement les loyers en ne se contentant pas de se référer au loyer médian, qui ne fait que reproduire la tendance existante. Tel est l’objectif du dispositif proposé à l’article 2.

C.   DEs Aides personnelles au logement qui ne remplissent plus leur mission

Les aides personnelles au logement désignent trois types d’aides que sont l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement à caractère social (ALS) et l’allocation de logement à caractère familial (ALF). L’APL est l’aide octroyée en priorité. Elle s’adresse à toutes les personnes qui habitent dans un logement conventionné. L’ALF est réservée aux familles ayant un enfant à charge, un ascendant ou un proche parent infirme ainsi qu’aux jeunes couples sans enfant et non éligibles à l’APL. L’ALS vise les personnes dont les ressources sont faibles et qui ne peuvent prétendre ni à l’APL ni à l’ALF. D’après la CNAF, 29 % des allocataires d’une aide au logement ont moins de 30 ans.

Ces aides, non cumulatives, doivent permettre de réduire le taux d’effort des ménages les plus modestes. Il correspond au rapport entre la somme des dépenses liées à l’habitation principale et les revenus des ménages ([29]).

Mais ces aides personnelles au logement, si elles sont utiles, ne permettent plus aux jeunes d’avoir accès à un logement digne. Leur montant est aujourd’hui complètement décorrélé du niveau des loyers dans le parc privé. Non seulement il n’a pas suivi leur hausse, mais il a même été revu à la baisse.

1.   Des aides personnelles au logement amoindries par des réformes successives

Depuis 2017, plusieurs réformes sont venues modifier le montant des aides personnelles au logement ainsi que son mode de calcul, avec pour objet principal de réduire la charge pour le budget de l’État (qui porte l’essentiel de ces dépenses). De fait, l’ensemble des économies ainsi dégagées représenteront près de 4 milliards d’euros à partir de 2024 ([30]).

La première, et la plus parlante, est la réduction de cinq euros du montant de l’ensemble des aides personnelles au logement, entrée en vigueur le 1er octobre 2017 ([31]). On peut parler d’une « mesure d’économie sur le dos des plus pauvres » ([32]), même si la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) a neutralisé cette baisse pour les locataires du parc social. On a vu précédemment combien la RLS a affaibli les capacités d’investissement des bailleurs sociaux, tout en laissant les locataires du parc privé subir intégralement cet amoindrissement de l’aide. Les populations modestes sont perdantes dans les deux cas.

Dans sa contribution transmise au rapporteur, l’Union Étudiante condamne cette « coupure budgétaire », qui figure parmi les premières mesures prises par le Gouvernement du Président de la République alors récemment élu.

Puis, en janvier 2021, est entré en vigueur le calcul des APL en temps réel, également appelé « contemporanéisation ». Les aides au logement ne sont plus calculées tous les ans sur la base des revenus perçus deux ans auparavant mais tous les trois mois, sur la base des revenus des douze mois précédents. Cette mesure, présentée comme permettant de réduire le nombre de non-recours et un meilleur ajustement des aides à la situation des allocataires n’est pas dénuée de conséquences négatives.

Le premier bilan de son impact sur les allocataires révèle que 29,6 % des allocataires ont connu une variation négative de leur droit, d’un montant moyen de 73 euros. Une enquête de l’Union professionnelle du logement (Unafo) montre, de son côté, que les aides au logement des personnes qui habitent dans des résidences jeunes ont baissé de 10 % en moyenne en avril 2021, par rapport à l’année 2020, représentant une perte de près de 25 euros. Par ailleurs, ce nouveau mode de calcul prive les jeunes actifs du « filet de sécurité » dont ils bénéficiaient auparavant grâce à la prise en compte des deux années précédentes ([33]). Désormais, le montant de l’APL diminue dès la première année d’activité. Lors de son audition par le rapporteur, la Confédération nationale du logement (CNL) a souligné que « les jeunes sont lésés par ce nouveau mode de calcul ».

Enfin, si la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a permis de revaloriser les aides au logement de 3,5 % ([34]), en 2019 et 2020, le barème des APL n’a été revalorisé qu’à hauteur de 0,3 % alors même que l’inflation était de 1,8 % et 1,1 % sur les années précédentes.

Au final, le niveau global des aides versées a baissé en temps réel, comme le montre l’Insee dans son dernier rapport sur les inégalités et la pauvreté en novembre 2023. ([35])

Dépenses annuelles du Fonds national d’aide au logement et montant mensuel moyen par foyer allocataire d’une aide au logement, depuis 2011

Source : Drees, minima sociaux et prestations sociales, édition 2022

2.   Une inadéquation croissante des aides versées à l’état du marché locatif

L’efficacité des aides personnelles au logement est déterminée par deux tendances contraires : d’un côté, le montant moyen du loyer ne cesse de croître, de l’autre, le montant des aides au logement ne cesse de diminuer.

On a vu précédemment que la crise que traverse actuellement le secteur locatif, et dont les conséquences sont particulièrement fortes sur les jeunes, est structurelle. L’offre est insuffisante et par effet de marché, les loyers sont toujours plus élevés. Mais si ce constat fait consensus, force est de constater qu’en réduisant les aides, les mesures prises ne vont pas dans le sens d’une atténuation de ces charges.

Le diagnostic n’est pourtant pas nouveau. La Cour des comptes constatait déjà, en 2015, que l’efficacité sociale des aides au logement s’était dégradée. Du souci des pouvoirs publics de réduire le coût de ces aides a résulté une « déconnexion entre le montant de l’aide et l’évolution des loyers » ([36]). Cela se traduit par une couverture de plus en plus faible des dépenses de logement.

Le recul des APL couplé à une augmentation des loyers prive les jeunes d’un logement et d’un parcours résidentiel dignes. Il est désormais urgent de tirer les conséquences des réformes engagées et de l’évolution du marché afin d’agir.

 

 


   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article 1er
(articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation)
Augmentation des taux de logements sociaux dans les communes urbaines et sanctuarisation d’un volume de logements réservés aux étudiants et aux jeunes travailleurs

Supprimé par la commission

 

L’article 1er propose de rehausser de dix points la part minimale de logements sociaux dans les communes urbaines et de réserver, au sein de ce parc, l’équivalent de 5 % des résidences principales de ces communes aux résidences universitaires et foyers de jeunes travailleurs.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : l’obligation pour les communes urbaines de compter un quart de logements sociaux

1.   Des proportions minimales de logements sociaux

L’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), codifié aux articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH), fait obligation aux communes urbaines de compter un certain taux de logements sociaux parmi leur parc de résidences principales.

Ce taux, d’abord établi à 20 % en 2000, est fixé à 25 % pour la majorité des communes concernées depuis la loi du 18 janvier 2013 ([37]).

Si les communes de petite taille, rurales ou isolées ne sont pas concernées, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable a élargi l’application des obligations SRU aux communes non urbaines situées dans une intercommunalité majoritairement urbaine ([38]).

Sont « éligibles » les communes remplissant les deux conditions cumulatives suivantes :

– une condition minimale de population : la population municipale doit être supérieure ou égale à 3 500 habitants (mais supérieure ou égale à 1 500 habitants dans l’unité urbaine de Paris) ;

– une condition de localisation au sein d’un ensemble urbain, d’après laquelle la commune doit être située dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, ou être membre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants.

La loi de 2013 a toutefois maintenu le taux de 20 % pour les communes qui répondent à ces deux conditions mais appartiennent à une agglomération ou un EPCI où le parc de logements existant « ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande » (II de l’article L. 302-5).

La liste de ces agglomérations et EPCI est déterminée par décret, en début de période triennale, en fonction du rapport entre le nombre de demandes de logements sociaux et le nombre d’emménagements annuels dans leur parc social. Depuis le décret en Conseil d’État du 5 mai 2017 ([39]), cette « tension de la demande » est mesurée par un indicateur unique, le ratio de pression (dit aussi de tension) sur la demande de logements sociaux ([40]).

La même loi du 18 janvier 2013 a soumis au taux de 20 % les communes de plus de 15 000 habitants hors critères SRU (dites « isolées ») qui connaissent une forte croissance démographique (plus de 5 % de croissance entre deux recensements) et dont le parc de logements justifie un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande (II de l’article L. 302-5). On utilise également le ratio de pression pour identifier les nouvelles obligées.

Le III de l’article L. 302-5 identifie toutefois des cas où les obligations SRU ne s’appliquent pas, à savoir les communes situées dans une agglomération de moins de 30 000 habitants que leur isolement rend peu attractives, ainsi que les communes situées dans une agglomération ou un EPCI dans lesquels le taux de demandes de logements sociaux insatisfaites est inférieur à un taux fixé par décret en Conseil d’État.

A contrario, les communes exemptées des obligations SRU au titre de l’inconstructibilité de la moitié de leur territoire (III bis de l’article L. 302-5), mais qui connaissent un niveau élevé de tension du parc social ont l’obligation de prévoir une part de 25 % de logements sociaux au sein des programmes de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher qui interviennent sur leur territoire (III ter).

Ces taux sont des objectifs à atteindre pour les communes déficitaires. Le préfet de département, qui identifie les communes concernées par la loi et parmi elles celles qui sont en déficit de logements sociaux, évalue leurs objectifs de production à partir de l’inventaire des logements sociaux existants dans chaque commune, qui est réalisé tous les ans (article L. 302-6). Ces objectifs sont définis par période triennale, et recalculés à l’issue de chaque période. Depuis la loi du 21 février 2022 ([41]), la règle générale consiste en un objectif de production, par période triennale, de 33 % des logements à réaliser pour atteindre le taux SRU cible, mais ce rythme de rattrapage est modulé en fonction de la distance par rapport à l’objectif et adapté pour les communes nouvellement éligibles (article L. 302-8). Notons qu’il est possible de mutualiser ces obligations au niveau intercommunal dans le cadre d’un contrat de mixité sociale (article L. 302-8-1).

2.   L’accent mis sur la production des logements les plus abordables, sans distinction entre populations cibles

Les logements sociaux décomptés au titre de la loi SRU sont strictement énumérés au IV de l’article L. 302 5.

Ils peuvent être classés en quatre catégories : les logements familiaux classiques, les logements situés en structures collectives (logements-foyers de personnes âgées, de personnes handicapées, de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et résidences sociales, notamment étudiantes, conventionnés à l’aide personnelle au logement), les structures d’hébergement et les terrains familiaux locatifs aménagés au profit des gens du voyage.

Le droit actuel ne précise aucune proportion, même indicative, pour chacune de ces différentes catégories.

L’article L. 302-8 impose seulement une typologie des logements sociaux à produire pour rattraper leur déficit qui est fondée sur les différents prêts permettant le développement de logements sociaux :

– ainsi, la part, parmi les logements produits, des logements les plus abordables, ceux qui sont financés en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), doit être au moins égale à 30 % ;

– a contrario, la part des logements financés en prêt locatif social (PLS) – les plus chers des logements sociaux – ne peut être supérieure à 30 %, voire à 20 % si la commune compte moins de 10 % de logements sociaux et n’est pas couverte par un programme local de l’habitat ([42]).

Tout au mieux, l’article 109 de la loi ELAN de 2018 ([43]) ouvre-t-il la faculté de réserver un nombre déterminé de logements d’un programme de logements sociaux (qu’il s’agisse d’une nouvelle opération ou d’une opération d’amélioration des logements) à des jeunes de moins de trente ans dans le cadre de contrats de location d’une durée maximale d’un an, reconductibles. Mais cela reste optionnel.

3.   Des sujétions pour les communes déficitaires

Tant qu’elles n’ont pas atteint leur taux cible, les communes déficitaires sont contraintes de deux façons :

– Elles doivent s’acquitter d’un prélèvement annuel calculé en fonction de l’écart entre l’objectif de logements sociaux et leur nombre effectif, le prélèvement étant diminué des dépenses engagées par les communes en faveur du logement social et majoré en cas de mise en carence (article L. 302-7).

Ce prélèvement est égal à 25 % du potentiel fiscal par habitant ([44]) multipliés par la différence entre 25 % (ou 20 % selon la situation) des résidences principales et le nombre effectif de logements sociaux existants dans la commune l’année précédente.

Certaines communes sont toutefois exonérées de ce prélèvement : celles qui sont entrées depuis moins de trois ans dans le dispositif ; mais aussi celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de la cohésion sociale, ou qui perçoivent la troisième fraction de la dotation de solidarité rurale, dès lors que ces communes disposent de plus de 20 % ou de 15 % de logements sociaux sur leur territoire, selon le taux cible à atteindre.

La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale

La dotation de solidarité urbaine (DSU) bénéficie aux communes en difficulté dont les ressources ne permettent pas de couvrir l’ampleur des charges auxquelles elles sont confrontées. Elle constitue une dotation globale et libre d’emploi.

Seuls sont éligibles à la dotation les trois premiers quarts des communes de plus de 10 000 habitants et le premier dixième des communes comprises entre 5 000 et 9 999 habitants.

Les communes sont classées par ordre décroissant selon un indice synthétique de charges et de ressources déterminé par référence au potentiel financier, au nombre de logements sociaux, à la proportion de personnes couvertes par des prestations logement et au revenu moyen des habitants.

La dotation de solidarité rurale (DSR)

La dotation de solidarité rurale est également une dotation de péréquation communale, mais concerne l’ensemble des communes rurales. Elle est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d’arrondissement de moins de 20 000 habitants, afin de tenir compte des charges qu’ils supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural et de l’insuffisance de leurs ressources fiscales.

La DSR est constituée de trois fractions : la fraction « bourg-centre », la fraction « péréquation « et la réunion de ces deux fractions.

– enfin, les communes qui n’ont pas satisfait à leurs obligations de rattrapage, ou qui n’ont pas respecté la typologie des biens exigée, peuvent faire l’objet d’un arrêté préfectoral de carence à l’issue de la période triennale (article L. 302‑9-1).

La mise en carence entraîne la majoration du prélèvement SRU et ouvre l’obligation, ou la faculté, de mettre en œuvre certains outils coercitifs, tels que la reprise automatique par le représentant de l’État de la compétence de droit de préemption urbain (DPU) de la commune et la soumission de toute opération de construction conséquente envisagée dans une commune carencée à un taux de 30 % de logements sociaux.

II.   le dispositif proposÉ

1.   Le relèvement des taux de logements sociaux

Le dispositif SRU, avec ses objectifs contraignants et ses sujétions spécifiques, a montré son efficacité à soutenir le développement des parcs de logements abordables. Toutefois, ces offres, de logements sociaux et de logements spécifiques, restent très insuffisantes en zones urbaines.

Les organisations auditionnées par le rapporteur considèrent qu’il serait notamment nécessaire de construire un minimum de 250 000 logements sociaux par an pour répondre à la crise du logement, soit un rythme deux fois et demi supérieur au nombre d’agréments accordés ces dernières années (autour de 95 000, voir le II de l’avant-propos).

La crise actuelle est extrêmement grave et pour y répondre, notre pays et nos jeunes ont besoin d’une politique du logement abordable plus ambitieuse. Pour la réussir, il faut mobiliser – ou plutôt remobiliser – des ressources à la hauteur des besoins (voir le II de l’avant-propos) ; il faut aussi des leviers efficaces pour obliger les acteurs à s’investir.

La présente proposition de loi ne peut directement résoudre le désengagement financier de l’État, qui relève d’une loi de finances – même si elle propose, à l’article 2, d’adapter le dispositif de la réduction de loyer de solidarité (RLS) à l’augmentation des besoins financiers des bailleurs sociaux qui découleront des nouveaux quotas de logements sociaux.

En revanche, en renforçant les quotas communaux de logements sociaux, et par suite le niveau des prélèvements sur les ressources des communes déficitaires, la proposition de loi obligerait les communes concernées à se mobiliser davantage sur une politique publique fondamentale pour la lutte contre la précarisation de nos concitoyens et la désespérance sociale. Responsable de la bonne mise en œuvre de la loi, le pouvoir exécutif lui‑même serait contraint d’apporter davantage de moyens.

Le 1° de l’article 1er propose donc de porter de 25 à 35 % le quota de logements sociaux à atteindre dans les communes urbaines, et de 20 à 30 % celui des communes appartenant à des agglomérations ou des établissements publics de coopération intercommunale dont le parc est moins tendu (I et II de l’article L. 302‑5 du code de la construction et de l’habitation).

Et pour que ce relèvement ne reste pas purement symbolique, le b du 2° relève également de dix points (à 35 ou 30 %) les taux cibles pris en compte pour le calcul du prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’ont pas atteint leur quota (article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation).

Enfin, dans la mesure où la crise du logement abordable déborde aujourd’hui au-delà du cœur de métropoles, il n’est plus possible de réduire autant les sujétions des communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ou de la solidarité rurale (qui sont exonérées de tout prélèvement dès lors qu’elles atteignent 20 ou 15 % de logements sociaux). Il sera vraisemblablement nécessaire de renforcer ces dotations, mais il devient urgent que chaque commune d’un territoire en tension participe aux efforts pour développer le logement accessible.

En conséquence, le a du 2° relève aussi de dix points les seuils de logements sociaux à partir desquels ces communes sont exonérées du prélèvement pour déficit (article L. 302-7).

Avec le même souci de cohérence dans l’effort d’investissement attendu, le rapporteur a proposé, par amendements, les compléments suivants :

– corriger, par coordination textuelle, le taux cité au deuxième alinéa du II de l’article L. 302-5, qui serait porté de 25 à 35 % ;

– mais également relever de dix points le quota de 20 % fixé au troisième alinéa du II de l’article L. 302-5 pour les communes dites isolées dont la croissance du parc de logements justifie un effort de production pour les ménages modestes ;

– et enfin, relever de 25 à 35 % le quota de logements sociaux à prévoir dans les opérations d’immeubles collectifs des communes exemptées pour inconstructibilité mais non situées dans un territoire exempté (III ter de l’article L. 302-5).

2.   La sanctuarisation d’un pourcentage de logements réservés aux étudiants et aux jeunes travailleurs

Enfin, la proposition de loi pose le principe, au c du 1°, que 5 % du parc de résidences principales, inclus dans les nouveaux quotas de 35 et 30 % de logements sociaux, est consacré aux résidences universitaires et aux foyers de jeunes travailleurs.

Il s’agit de renforcer l’offre – aujourd’hui très déficitaire (voir le II de l’avant-propos) – de logements spécifiques réservés aux jeunes (que la loi décompte déjà comme logements sociaux).

III.   Les modifications apportÉes par la commission

La commission a supprimé l’article 1er.

 

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Article 2
(article L. 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989)
Instauration et généralisation d’un encadrement à la baisse des loyers

Supprimé par la commission

 

L’article 2 propose de rendre obligatoire, et généraliser à l’ensemble du territoire national, un dispositif d’encadrement des loyers, qui définit en outre des plafonds de loyers en-deçà des loyers médians relevés par les observatoires locaux des loyers.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

1.   Un encadrement des loyers expérimental

L’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN »  ([45]) ouvre, aux collectivités territoriales connaissant une forte tension locative, la possibilité d’expérimenter un dispositif d’encadrement des loyers.

Ce dispositif est facultatif et restreint à Paris et aux plus grandes métropoles, ainsi qu’aux établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat situés dans les « zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements » – telles que délimitées par l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 –, qui demandent sa mise en place.

Ce déséquilibre doit plus précisément entraîner « des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ». Un décret fixe la liste des communes comprises dans ces zones.

Un autre décret détermine, après instruction par les services de l’État, le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s’applique le dispositif. Ce périmètre est identifié par la réunion de plusieurs conditions : un écart important entre les prix du secteur locatif libre et les prix du parc social, un niveau de loyer médian élevé, un développement faible de l’offre de logements et des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements.

Le préfet du département fixe ensuite, chaque année par arrêté, trois valeurs de référence, qui encadrent les loyers fixés par bailleurs privés lors d’une nouvelle mise en location ou d’une relocation (les logements sociaux sont exclus de l’encadrement) :

un loyer de référence pour chaque catégorie de logements et dans chaque secteur géographique du périmètre de l’expérimentation. Ces catégories et secteurs sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif du périmètre.

Ce loyer de référence est égal au loyer médian établi à partir des niveaux de loyers constatés par les observatoires locaux des loyers pour chaque catégorie de logements et chaque secteur géographique ;

– un loyer de référence majoré, soit un montant correspondant au loyer de référence augmenté de 20 % ;

– un loyer de référence minoré, soit le loyer de référence diminué de 30 %.

Les bailleurs peuvent fixer librement leur loyer de base dans la limite du loyer de référence majoré. Le B du III de l’article 140 de la loi ELAN donne toutefois aux bailleurs le droit d’appliquer un complément de loyer, pour les logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant.

Les locataires peuvent engager une action en diminution de loyer en cas de dépassement du loyer de référence majoré, ou contester un complément de loyer, en saisissant la commission départementale de conciliation dans les trois mois de la signature du bail (voire le juge en l’absence d’accord).

Une action en diminution de loyer, mais aussi en réévaluation de loyer peut être engagée lors du renouvellement du contrat de location signé.

Le non-respect des limites de loyers expose les bailleurs à une procédure de mise en demeure par le préfet de département. Le représentant de l’État peut alors demander la mise en conformité des baux, ainsi que la restitution des trop-perçus.

Si la non-conformité des loyers pratiqués persiste, le préfet peut prononcer à l’encontre des bailleurs en infraction une amende administrative, qui ne peut excéder 5 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale (VII de l’article 140).

Initialement prévue pour cinq ans, l’expérimentation a été prolongée de trois ans, soit jusqu’au 21 novembre 2026 par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « loi 3DS ».

Cette loi a également introduit deux mesures visant à renforcer l’effectivité du dispositif expérimental :

– les annonces immobilières publiées par les professionnels doivent désormais contenir des informations sur l’encadrement des loyers et notamment le loyer de référence majoré applicable au logement ;

– et chaque futur locataire doit être informé du montant du loyer de référence majoré, du loyer de base et, le cas échéant, du complément de loyer exigé pour le bien qu’il s’apprête à louer dans une zone soumise à l’encadrement des loyers, y compris par les bailleurs particuliers.

2.   Un déploiement des observatoires locaux des loyers qui n’est que partiellement obligatoire

L’établissement des loyers de référence se fonde sur les données recueillies par les observatoires locaux des loyers (OLL).

Ceux-ci ont été créés par l’article 16 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Ils ont notamment pour mission de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée – à l’exception des loyers du parc locatif social. Les OLL relevant de cet article 16 sont agréés par le ministre chargé du logement. L’agrément leur permet notamment d’exiger des professionnels de l’immobilier la transmission d’informations relatives aux baux signés dans leur périmètre. Il est aussi une condition préalable pour l’utilisation des données de l’OLL pour fixer les loyers de référence.

L’article 16 dispose que les OLL peuvent être créés « à l’initiative » des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre compétents en matière d’habitat ou de l’État.

Leur mise en place n’est obligatoire que dans les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements – précisément celles où un dispositif d’encadrement des loyers peut être instauré. Cette obligation est posée par l’article 17 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989.

Selon les données transmises par l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil), interrogée par le rapporteur, il existe 34 OLL, dont 24 agréés au titre de l’article 16. Un 35ème est en cours de constitution. Ils sont le plus souvent créés à l’échelle de l’EPCI et portés par des agences départementales pour l’information sur le logement, des agences de l’urbanisme et l’OLAP à Paris. Une année de préfiguration, en moyenne, est nécessaire avant son lancement.

Ces 34 OLL couvrent 58 agglomérations, presque 2 800 communes, représentant 41 % de la population nationale et 4 millions de logements locatifs privés, soit un peu plus de 50 % du parc national.

Jusqu’à la révision du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants en août 2023 ([46]) toutes les agglomérations visées par l’article 17 étaient couvertes par un OLL (à l’exception de celles de Beauvais, de Meaux, de La Teste-de-Buch-Arcachon et de Saint-Nazaire). Depuis, certaines ne sont plus couvertes. Enfin, 28 agglomérations se sont dotées d’un OLL sans obligation.

II.   Le dispositif proposÉ

1.   L’instauration d’un encadrement des loyers à la baisse et obligatoire pour chaque commune

L’article 2 de la proposition de loi réécrit l’article 17 de la loi n° 89‑462, qui prévoit l’obligation faite aux zones d’urbanisation continue de plus 50 000 habitants en tension locative de se doter d’un observatoire local des loyers, pour définir un nouveau dispositif d’encadrement des loyers.

Celui-ci serait toutefois définitif et s’imposerait à l’ensemble des communes de France, qu’elles s’inscrivent dans une zone tendue ou pas.

Il distingue néanmoins deux régimes :

– dans les communes répondant aux mêmes critères de tension locative marquée que les zones d’urbanisation actuellement définies par l’article 17 – et dont la liste est fixée par décret –, le préfet du département fixerait, chaque année, un loyer de référence et un loyer de référence minoré (exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable) par catégorie de logement et par secteur géographique.

La catégorie de logement est fonction de la taille du logement et, le cas échéant, de son classement au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le secteur géographique dépend de la structuration du marché locatif du périmètre concerné, à l’instar de ce qui est fait pour l’actuel dispositif d’encadrement des loyers.

Le loyer de référence doit être inférieur au prix médian observé par l’observatoire local « de l’habitat » – il s’agit en fait d’un observatoire local des loyers tel que défini par l’article 16 de la loi de 1989 – dans la limite de 80 % de ce loyer médian. Il s’agit évidemment du loyer médian observé pour chaque catégorie de logements et secteur géographique.

Lors de la conclusion d’un contrat de bail (pour une première location ou une remise en location), les parties fixeraient librement le loyer de base (c’est-à-dire hors charges) mais dans la limite maximale du loyer de référence.

Le loyer de référence minoré est égal à 70 % du loyer de référence. Lorsqu’un loyer « en vigueur » (c’est-à-dire le loyer d’un bail en cours) est inférieur à ce loyer de référence minoré, le bailleur serait légitime à l’augmenter pour l’amener au niveau du loyer de référence minoré ;

– dans toutes les autres communes, le préfet du département fixe également un loyer de référence et un loyer de référence minoré selon les mêmes modalités (avec un montant inférieur au loyer médian dans la limite de 80 %) et pour les mêmes usages, ainsi qu’un loyer de référence majoré, égal à 120 % du loyer de référence, qui constituerait la limite maximale auquel le loyer de base peut être fixé « lorsque le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant » par rapport aux autres logements de même catégorie situés dans le même secteur géographique.

Il s’agit d’enrayer l’emballement des loyers que l’on observe depuis la reprise de l’inflation, mais plus encore de les ramener à des niveaux soutenables, sachant que les charges locatives ne sont pas encadrées et qu’une fois fixés les loyers de base pourront être revalorisés chaque année en fonction de l’indice de référence des loyers (IRL).

Dans sa rédaction actuelle, le dispositif nécessite toutefois certaines clarifications textuelles. Il faut en outre préciser que cet encadrement ne s’applique pas au parc social, et expliciter un présupposé de la généralisation de l’encadrement des loyers : l’obligation de couvrir l’ensemble du territoire national d’observatoires locaux des loyers. Cela suppose d’adapter en ce sens l’article 16 de la loi de 1989.

Par ailleurs, le rapporteur considère que plutôt que de définir un tout nouveau dispositif d’encadrement des loyers, qui nécessiterait d’abroger le dispositif expérimental de l’article 140 de la loi ELAN, il serait plus efficient d’adapter le dispositif de l’article 140. Cela permettrait de conserver, entre autres, ses dispositions prévoyant des sanctions en cas de non-respect des plafonds ainsi que les procédures d’action en diminution de loyer et de contestation.

Le rapporteur a donc proposé de réécrire, par amendement, le présent article 2 pour repartir de l’article 140 de la loi ELAN en pérennisant le dispositif et le généralisant à l’ensemble des communes françaises.

Il s’agirait toujours d’instaurer un encadrement à la baisse dans les communes en forte tension locative. Mais le rapporteur a proposé trois évolutions par rapport aux modalités prévues par la proposition de loi :

– dans ces communes, le loyer de référence serait directement fixé à 80 % du loyer médian ;

– dans les autres communes, le loyer de référence resterait égal au loyer médian, sauf pour les passoires thermiques (les logements classés F ou G au titre du DPE), pour lesquelles le loyer de référence serait fixé à 80 % du loyer médian.

Dans les deux cas, les loyers des logements classés en F ou G ne pourraient dépasser le niveau du dernier loyer appliqué au précédent locataire, comme le prévoit le II de l’actuel article 17 de la loi de 1989 ;

– enfin, la définition d’un loyer de référence minoré et la possibilité pour un bailleur d’augmenter un loyer faible jusqu’au niveau de ce loyer minoré seraient supprimées car elles conduisaient à des hausses de loyer dans des contrats en vigueur, ce qui n’est pas l’objectif de la proposition de loi.

2.   La compensation des investissements des bailleurs sociaux dans l’élargissement du parc par la minoration de la réduction de loyer de solidarité

Le présent article 2 propose par ailleurs (au III de la nouvelle rédaction de l’article 17 de la loi de 1989) de compenser les conséquences financières pour les bailleurs sociaux « résultant des articles de la présente loi » par une « minoration » de la réduction de loyer de solidarité.

Il s’agit plus exactement des répercussions de la présente proposition de loi, et précisément des charges qui découleraient pour les organismes de logements sociaux du relèvement des obligations de production prévu à l’article 1er.

La compensation se concrétiserait par un rehaussement des plafonds de loyer imposés, depuis 2018, aux bailleurs sociaux pour compenser la diminution parallèle des aides personnelles au logement et qui représentent une perte de revenus de 1,3 milliard d’euros par an (voir le II de l’avant-propos). Cette compensation pourrait aller jusqu’à l’annulation de ce plafonnement eu égard au caractère massif des investissements nécessaires.

Cela supposerait, évidemment, de revaloriser à due concurrence les aides personnelles au logement.

III.   Les modifications apportÉes par la commission

La commission a supprimé l’article 2.

 

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Article 3
(articles L. 823-1 et L. 842-2 du code de la construction et de l’habitation)
Renforcement des aides personnelles au logement pour les moins de 25 ans

Supprimé par la commission

 

L’article 3 propose de compléter le montant des aides personnelles au logement, soit l’aide personnalisée au logement, l’allocation de logement sociale et l’allocation de logement familiale, de 150 euros par mois pour tous les allocataires de moins de 25 ans.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : des aides personnelles au logement dÉfinies selon un barÈme rÉglementaire

L’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation définit deux types d’aides personnelles au logement : l’aide personnalisée au logement (APL) et les allocations de logement. Ces dernières correspondent à l’allocation de logement familiale (ALF) et à l’allocation de logement sociale (ALS). L’article L.821-2 du même code précise qu’elles ne sont accordées qu’au titre de la résidence principale, et ne sont pas cumulatives, en vertu de l’article L. 821-5.

L’article L. 823-1 du code de la construction et de l’habitation dispose que le montant des aides personnelles au logement est calculé en fonction d’un barème défini par voie réglementaire, qui prend en compte quatre dimensions spécifiques.

La première est la situation de famille du demandeur et le nombre de personnes qu’il a à sa charge.

Sont également prises en compte ses ressources ainsi que la valeur en capital de son patrimoine et celles de son conjoint et des personnes vivant dans son foyer. Plusieurs dispositions législatives sont prévues à ce titre. Les enfants rattachés au foyer fiscal de leurs parents ne bénéficient d’aucune aide au logement si ces derniers sont assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière (L.822-8). Des dispositions sont également prévues pour les demandeurs de moins de 25 ans disposant d’un contrat de travail autre qu’un contrat de travail à durée indéterminée (L.822-7).

Le montant du loyer payé est également pris en considération, dans la limite d’un plafond ainsi que les dépenses accessoires retenues forfaitairement.

Enfin, est appréciée la qualité du demandeur c’est-à-dire s’il est locataire, colocataire ou sous-locataire. Au titre de l’article L.822-2 du code de la construction et de l’habitation, les personnes éligibles doivent en effet être locataires, sous‑locataires, résidents en logement-foyer ou détenir au titre de leur propriété principale un local à usage exclusif d’habitation. La nature du logement – meublé ou non – est également prise en compte.

II.   Le dispositif proposÉ

Les aides personnelles au logement sont indispensables pour réduire le taux d’effort des ménages éligibles. Mais elles ne sont plus adaptées à la réalité du marché locatif, a fortiori depuis la diminution des montants versés et la hausse généralisée des loyers (voir le II de l’avant-propos).

L’article 3 de la présente proposition de loi vise à compléter les trois aides personnelles au logement pour tous les allocataires âgés de moins de 25 ans par un forfait unique de 150 euros qui leur serait automatiquement versé chaque mois, quel que soit le montant individuel de l’aide reçue.

Cette somme doit permettre aux jeunes, qui font partie des plus précaires, de mieux faire face à la hausse des loyers et des charges locatives. Le montant de 150 euros a été choisi parce qu’il est proche de l’échelon 0bis de bourse
– 1 454 euros pour l’année 2023-2024, versés sur 10 mois – ce qui permettrait d’octroyer à tous les moins de 25 ans l’équivalent d’un échelon de bourse. En sus, il se rapproche des augmentations maximales de loyers relevées par l’Union étudiante en Guadeloupe et à La Réunion ([47]).

Enfin, le seuil est fixé à 25 ans parce qu’il s’agit de l’âge permettant de demander le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA).

L’article 3 propose par ailleurs de faire de l’âge un cinquième critère de modulation du barème des aides personnelles au logement, et de créer un nouvel article L. 842-2-1 au sein du code de la construction et de l’habitation pour préciser que ce complément de 150 euros s’applique aussi aux ALF et ALS.

Mais ces précisions sont redondantes et leur maintien dans le texte peut créer de la confusion. Le rapporteur a donc porté en commission un amendement de simplification.

Cette allocation supplémentaire serait une première étape, qui pourrait, comme cela a été suggéré par la Confédération nationale du logement, être réévaluée aux fins de l’adapter à l’évolution des coûts de la vie.

Avec cette mesure, le rapporteur entendait apporter une réponse forte à la crise du logement des jeunes.

III.   Les modifications apportÉes par la commission

La commission a supprimé l’article 3.

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Article 4
Gage financier

L’article 4 insère un gage classique en créant une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, afin d’assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution.

La commission a rejeté l’article 4, devenu sans objet.

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de ses réunions du mercredi 22 novembre 2023, la commission a examiné la proposition de loi visant à répondre à la crise du logement chez les jeunes (n° 1771) (M. François Piquemal, rapporteur)

M. le président Guillaume Kasbarian. Cette proposition de loi est inscrite en neuvième et dernière position dans la niche du 30 novembre : nous verrons si elle a une chance ou non d’être examinée en séance.

Elle a fait l’objet de trente-cinq amendements, dont un qui était contraire à l’article 40 de la Constitution et treize que j’ai déclarés irrecevables en vertu de l’article 45 – la plupart portaient sur l’attribution des logements sociaux, question qui n’est pas abordée par le texte, ou fixaient des contraintes ne se rattachant pas au loyer pour l’ensemble du parc privé et social. Il nous reste donc vingt amendements à examiner.

Nous allons procéder à la discussion générale avant de lever la séance et nous étudierons les amendements à partir de quinze heures.

M. François Piquemal, rapporteur. Les vieilles histoires sont comme les vieux amis : il faut savoir leur rendre visite de temps en temps. Je commencerai donc avec une vieille histoire que j’ai lue et fait étudier à mes élèves quand j’enseignais au lycée, La Promesse de l’aube, de Romain Gary. Roman Kacew, de son vrai nom, était un enfant migrant, exilé, juif, qui a vécu en Russie, en Pologne puis en France. Son histoire et celle de sa mère sont à l’image du parcours de millions de Françaises et de Français venus des quatre coins du monde et qui ont fait la France, l’ont sauvée parfois, alors qu’ils avaient été confrontés à son visage le plus sombre, celui du racisme et de l’extrême droite.

Je ne peux que vous inciter à lire ce roman, qui raconte aussi un parcours de logement. Enfant, Romain Gary est expulsé avec sa mère de leur logement en Pologne pendant un hiver glacial. Arrivé en France, après Nice puis Aix-en-Provence, où il passe sa première année d’études, il part pour Paris, où il est confronté à la cherté de la vie. Pour se nourrir, il en est réduit à voler des croissants dans une brasserie, avec la complicité d’un serveur auquel il fait incarner dans son livre la part d’humanité qui peut exister en chacun de nous.

Ce livre parle d’humanisme. C’est bien de cela qu’il est question dans notre proposition de loi, qui vise à ne plus laisser des millions de nos jeunes dans la précarité. Il s’agit d’apporter des solutions fortes à une crise grave. Pour les jeunes, qu’ils soient étudiants, travailleurs ou privés d’emploi, l’accès au logement est plus difficile, car leurs ressources sont plus faibles et plus précaires que celles des autres ménages. Selon l’Observatoire des inégalités, les 18-29 ans sont la tranche d’âge la plus touchée par la pauvreté : 19 % d’entre eux, soit 1,5 million, se trouvaient sous le seuil de pauvreté en 2019.

Ils sont confrontés à un marché locatif presque bloqué, alors que les parcs publics comme les résidences et les foyers qui leur sont réservés sont déjà saturés. La concurrence entre demandeurs leur est particulièrement défavorable et les loyers s’envolent à des niveaux insoutenables pour des petits budgets. La dépense dévolue au logement mobilise ainsi une part de plus en plus lourde de leurs ressources. Pour les étudiants, elle s’élèverait, en moyenne nationale, à 60,58 % de leur budget, ce qui laisse très peu pour le panier alimentaire, sans parler des loisirs.

Certains préfèrent renoncer à leurs ambitions universitaires, évitant les villes où les loyers sont trop chers ; d’autres sautent des repas – nous avons tous en tête les images des files d’attente devant les distributions assurées par des associations humanitaires ; nous avions d’ailleurs proposé le repas à 1 euro pour les étudiants dans notre précédente niche. Certains vivent dans leur voiture, dans des campings, à la rue.

Il y a urgence à agir. Si la situation s’est aggravée ces dernières années, le constat n’est pas nouveau : un candidat à l’élection présidentielle, un certain Emmanuel Macron, promettait en 2022 de construire 60 000 logements pour les étudiants et 20 000 pour les jeunes actifs, tout en mobilisant les bailleurs sociaux pour créer au sein du parc social 30 000 « logements jeunes ». Au final, le nombre de logements créés pour les étudiants entre 2017 et 2022 n’atteint pas tout à fait 30 000 et ceux destinés aux jeunes actifs ont été très peu nombreux, pendant que la production de logements sociaux reculait inexorablement, passant de plus de 113 000 agréments à 95 679.

Avec notre proposition de loi, nous prenons le Président de la République au mot : développons enfin une offre abordable à la hauteur des besoins ! Et, parce que cela ne peut suffire – même en portant à 35 % la part de logements sociaux –, rendons accessible l’offre privée disponible.

Le texte ne prétend pas résoudre toutes les difficultés que doivent surmonter nos jeunes pour accéder à un logement. Il propose de s’attaquer à trois causes fondamentales de ces difficultés : le manque de logements abordables, l’augmentation des loyers et la faiblesse de leurs ressources.

Ainsi, l’article 1er consiste à relever de dix points la part minimale de logements sociaux dans les communes urbaines et à réserver, au sein de ce parc, 5 % pour des résidences universitaires et foyers de jeunes travailleurs.

L’article 2 tend à rendre obligatoire un dispositif d’encadrement des loyers, généralisé à l’ensemble du territoire national.

Enfin, le dernier article vise à compléter les aides personnelles au logement (APL) – durement atteintes ces dernières années – par un forfait de 150 euros mensuels pour tous les bénéficiaires de moins de 25 ans. Pourquoi 150 euros ? Parce que c’est le tout premier échelon d’une bourse.

Je ne peux conclure sans citer les mots de celui qui est en ce moment à l’affiche des salles de cinéma : l’abbé Pierre – après vous avoir conseillé une lecture, je vous recommande ce film. « C’est la vie qui doit créer la loi », disait-il, « et non pas la loi figer la vie ».

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Annaïg Le Meur (RE). La crise du logement, qui frappe de plein fouet l’ensemble des Français, touche encore plus sévèrement les étudiants, qui, par définition, n’ont pas les ressources nécessaires pour faire face à l’augmentation constante des prix des loyers.

Face à cette situation d’urgence, la Première ministre et le ministre chargé du logement ont annoncé la semaine dernière de nouvelles mesures pour intensifier la production et faciliter l’accès à un logement abordable pour tous. D’ici à la fin du quinquennat, 35 000 nouveaux logements d’étudiants seront créés. Le Gouvernement présentera également un plan ambitieux pour remédier à la crise du logement étudiant et nommera un délégué interministériel pour le mettre en œuvre. Vous l’avez dit, la question du logement ne doit pas freiner la poursuite des études ni l’accès à un emploi.

Le texte de La France insoumise manque sa cible en ne répondant à la crise du logement chez les jeunes que de manière démagogique, inefficace et coûteuse.

La trajectoire proposée à l’article 1er est à la fois irréaliste et totalement inadaptée aux besoins des étudiants et de nos territoires. L’objectif de production de logements à moyen terme est irréalisable et affaiblirait le dispositif SRU (solidarité et renouvellement urbains) dans son ensemble, aucune commune ou presque ne pouvant ni ne souhaitant atteindre cet objectif. Pourquoi fixer le même dans toutes les communes alors que peu d’aires urbaines comptent une proportion importante d’étudiants ?

L’article 2, sur l’encadrement des loyers, rompt avec les objectifs de l’expérimentation du dispositif telle que nous l’avons conçue dans la loi Elan (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Outre un changement d’objectif politique, cela représente un risque constitutionnel d’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle. Je rappelle, en effet, que l’encadrement des loyers repose sur une différenciation territoriale : le niveau des loyers est limité dans les territoires se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande. Il n’a donc pas vocation à être étendu à l’ensemble du territoire.

Enfin, l’article 3 coûterait à lui seul près de 1,8 milliard, en plus des 16 milliards de prestations déjà allouées en 2023. Il ciblerait les étudiants sans aucune distinction de revenu ou de situation. Ce n’est pas sérieux.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition de loi.

M. Frédéric Falcon (RN). Il faut d’abord pointer la lourde responsabilité de la majorité et d’Emmanuel Macron dans la crise du logement que subissent les Français. Depuis 2017, les gouvernements qui se sont succédé n’ont apporté aucune vision en matière de politique du logement, réduite à une simple ligne comptable dans le budget de l’État.

Les crédits alloués à l’accession à la propriété, à l’aide au logement ou aux bailleurs sociaux sont sans cesse rabotés. Les dispositifs de soutien à l’investissement sont ridicules. La construction de logements neufs en 2024 ne devrait pas dépasser le niveau de 1992, alors que la France comptait alors 12 millions d’habitants de moins, sans compter le flux migratoire de 400 000 entrées par an, légales ou illégales, qui, qu’on le veuille ou non, accroît la pression sur la disponibilité des logements. La communication à propos de la réforme du prêt à taux zéro, censée étendre le public éligible, est mensongère : la réduction aux seules zones tendues, l’exclusion des territoires ruraux, le fait que la maison individuelle, à laquelle les Français sont si attachés, sorte du dispositif montrent qu’il s’agit d’une escroquerie.

En réalité, dès son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a tout fait pour décourager l’investissement immobilier. Il ne souhaite plus que les Français deviennent propriétaires. Il est sous l’emprise d’une écologie punitive – zéro artificialisation nette (ZAN), normes de diagnostic de performance énergétique intenables qui font un carnage dans le marché locatif. Sans parler de l’absence de toute politique d’aménagement du territoire : le Gouvernement continue d’encourager la métropolisation – la concentration de l’activité, des capitaux et des hommes dans les grandes métropoles – jusqu’à l’épuisement du modèle.

La pression foncière est devenue telle que 12 % des étudiants renoncent à leurs études et les salariés à leur emploi, faute d’un logement. Cela aura des conséquences sur la croissance économique.

Chers collègues de La France insoumise, pourquoi ne cibler que les jeunes alors que la crise touche tous les Français – les plus modestes, bien sûr, mais désormais aussi les retraités et les classes moyennes, voire les classes moyennes supérieures ?

Votre texte donne la priorité à la construction de logements sociaux. Vous souhaitez porter à 35 % la part obligatoire de logements sociaux fixée par la loi SRU alors que de nombreuses communes peinent à atteindre l’objectif de 25 %. Et pourquoi pas 50 %, puisque vous n’expliquez pas par quels moyens vous comptez atteindre ce taux ? L’objectif nous semble totalement irréaliste.

Vous voulez réduire les loyers en les encadrant, mais les professionnels sont unanimes : l’encadrement des loyers dans des marchés sous tension n’a que peu d’effet, ou pas du tout. C’est une atteinte au droit de propriété que d’imposer la baisse des loyers de façon administrée, sans compensation pour les petits bailleurs – mais nous avons bien compris que vous regrettez de ne pas pouvoir les spolier !

Enfin, vous souhaitez augmenter les aides personnelles au logement pour les moins de 25 ans, créant ainsi une concurrence de pouvoir d’achat entre les locataires. Là encore, vous êtes dans l’affichage, si ce n’est le racolage, faisant complètement abstraction des effets pervers de cette disposition sur le marché locatif.

Ces mesures purement idéologiques font fi de toute considération économique et sont contre-productives. On le voit à Paris, dirigée par la NUPES : malgré les préemptions massives d’immeubles pour y créer du logement social et l’encadrement des loyers, les prix n’ont jamais été aussi élevés, franchissant le seuil des 10 000 euros le mètre carré.

Nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Deux mois après la rentrée universitaire, catastrophique pour de nombreux jeunes, la question du logement des jeunes est plus que jamais une urgence à traiter.

En ce qui concerne les étudiants, il n’y a pas assez de logements en Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires). Avec la démocratisation de l’enseignement supérieur, le nombre d’étudiants a été multiplié par dix depuis 1960, mais les logements Crous n’ont pas suivi. Emmanuel Macron avait pourtant promis de créer 60 000 logements étudiants entre 2017 et 2022, mais il n’en aura fait construire qu’un peu plus de 16 000. Encore une promesse non tenue. Du coup, les étudiants se logent dans le privé, où les loyers explosent.

Pourtant, les jeunes sont de plus en plus précaires. Nous nous souvenons tous des files d’attente devant les distributions alimentaires. Un étudiant sur deux est obligé de se salarier pour payer ses études et son logement. Les 18-29 ans sont la tranche d’âge la plus touchée par la pauvreté. Il y a 26 % de pauvres chez les jeunes : un quart ! C’est énorme et cela devrait tous nous alerter.

Étudiants, jeunes travailleurs, jeunes qui ne sont ni en études ni en emploi : même combat. Les loyers sont inaccessibles, et les propriétaires se servent de la situation pour louer trop cher des logements quelquefois insalubres. Après avoir payé les charges, le loyer et l’électricité de la passoire thermique de 13 mètres carrés sous les combles qui leur sert d’appartement, les jeunes survivent parfois avec moins de 50 euros par mois. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu ce genre de situation, mais 50 euros, c’est à peine plus que le prix du repas que vous irez manger au restaurant après avoir discuté de cette proposition de loi.

Face à la précarité étudiante, le Gouvernement et la majorité ont choisi de voter contre le repas au Crous à 1 euro et de réduire les APL. Ils ont choisi de ne pas construire de nouveaux logements, ou très peu, et de ne pas encadrer les loyers pour permettre à chacun d’avoir un toit. Certains jeunes dorment en camping, dans leur voiture ou même à la rue. D’autres doivent renoncer à leurs études ou à leur autonomie en retournant chez leurs parents, faute de pouvoir se payer un logement décent.

Cette proposition de loi est donc plus nécessaire que jamais pour endiguer enfin la crise du mal-logement chez les jeunes. J’espère que vous accorderez à la jeunesse la dignité qu’elle mérite et que vous agirez pour que tous les jeunes puissent se loger pendant ce qui devrait être les plus belles années de leur vie.

M. François Piquemal, rapporteur. Merci de mettre les points sur les i et de rappeler la situation. Comment nier l’urgence sociale à laquelle le texte vise à répondre ?

M. Vincent Rolland (LR). Soyons clairs : ce texte n’a pas vocation à répondre au problème du logement dans notre pays, il surfe sur les difficultés des jeunes à se loger – au passage, ils ne sont pas les seuls dans ce cas.

Quelles seraient les solutions, selon La France insoumise ? Premièrement, augmenter le pourcentage obligatoire de logements sociaux dans les communes, le faisant passer de 20 à 30 % dans celles de plus de 3 500 habitants et de 25 à 35 % dans celles de plus de 50 000. Poser cette question la semaine où les maires se réunissent en congrès pour évoquer les difficultés de leur mandat alors que les normes administratives sont toujours plus exigeantes, il fallait oser !

Deuxième solution, faire réguler plus durement les loyers par le préfet dans les zones à forte demande et verser une prime aux jeunes. Or, notre groupe ne cesse de l’expliquer, l’offre de logements fait cruellement défaut en France, à l’achat comme à la location : c’est sur cet aspect que nous devons agir ; mais vous ne trouvez rien de mieux à faire que de freiner encore les propriétaires qui voudraient investir.

Notre groupe s’opposera à ces mesures et appelle à légiférer par des dispositions plus justes et concrètes afin de faire baisser le prix des logements en augmentant l’offre disponible. Il faut assouplir le ZAN dans nos campagnes, au moins pour construire de nouveaux logements liés à la réindustrialisation, et desserrer l’encadrement des loyers, qui empêche les propriétaires de rentrer dans leurs frais s’ils réalisent des travaux de rénovation énergétique. Il faut un calendrier plus réaliste de mise en œuvre du classement découlant du diagnostic de performance énergétique, qui, en l’état, va aboutir à soustraire des logements au marché locatif. Et pourquoi ne pas miser sur un vrai prêt à taux zéro pour relancer l’offre, voire sur un abattement fiscal majoré quand un bien, meublé ou non, est loué à un étudiant ? Nous discuterons de tout cela dans le cadre de la proposition de loi de Thibault Bazin qui sera examinée lors de la niche LR du 7 décembre prochain.

M. François Piquemal, rapporteur. Votre intervention montre que nous avons des visions différentes du logement et, sans doute, de la société.

Notre proposition de loi concerne les jeunes et j’ai précisé, avec humilité, qu’elle ne prétend pas résoudre l’ensemble de la crise du logement. Je vous renvoie sur ce sujet à l’excellente proposition de loi de mon collègue William Martinet, qui est plus large.

Si les gens ne peuvent plus acheter de logement, ce n’est pas de notre fait. Le système est grippé. Tous les participants au volet logement du Conseil national de la refondation en sont sortis déçus. J’ai une pensée pour tous les professionnels de l’immobilier, exsangues à cause de la politique du vide qui est menée.

M. Éric Martineau (Dem). Merci de nous permettre d’aborder ce thème essentiel. Dans la Sarthe aussi, cette année, la presse a fait état des difficultés des étudiants à se loger ; j’espère que l’arrivée prochaine de deux nouvelles résidences étudiantes améliorera la situation. Mais mon groupe ne peut souscrire à vos propositions contre-productives.

Le relèvement des quotas de logements sociaux pénaliserait les communes qui respectent les règles, sans produire de conséquences pour les quelque 300 villes ayant moins de 10 % de logements sociaux, les pénalités étant plafonnées à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Notre action doit plutôt porter sur ces communes qui ne respectent pas les taux, en privilégiant les dispositions favorables à la mixité sociale.

À l’article 2, l’encadrement des loyers tel que vous le proposez ne respecte pas l’équilibre, préservé dans l’expérimentation actuelle, entre la nécessité pour le propriétaire de rentrer dans ses frais et le besoin d’agir en faveur des ménages fragiles. Quelles en seraient les conséquences sur les investissements privés dans le parc locatif, qui doivent être encouragés s’agissant d’un marché en grande tension ?

Enfin, le coût des mesures proposées à l’article 3 pourrait contribuer directement à l’inflation des loyers.

La question du logement n’en est pas moins essentielle à nos yeux. La crise actuelle du marché réduit notablement le pouvoir d’achat de nos concitoyens et freine leur accès à l’emploi. Nous devons donc relancer une politique incitative de l’offre et repenser nos règles fiscales et juridiques afin de stimuler un marché atone.

Concernant les jeunes, réjouissons-nous de l’annonce de la construction de 35 000 logements étudiants au cours des quatre prochaines années et encourageons les collectivités à libérer du foncier pour des projets consacrés à ce public. Plus largement, nous devons améliorer la connaissance par les jeunes des dispositifs auxquels ils sont éligibles. Il nous faudra également réfléchir à la manière de faciliter leur accès au parc social existant, structurellement inadapté à leurs besoins du fait de la longueur des procédures, et étendre la possibilité de colocation dans les logements qui leur sont destinés.

Nous espérons que les différents textes en préparation nous permettront de faire bouger les lignes. Le groupe Démocrate s’opposera à ce texte.

M. François Piquemal, rapporteur. Là encore, nous n’avons pas la même vision de la politique du logement. Mais nous sommes d’accord pour créer un choc de l’offre, et c’est ce que nous proposons ici.

Je reviendrai plus longuement sur la cible de 35 % de logements sociaux. Le proposer pendant le congrès de l’Association des maires de France relevait d’un hasard du calendrier, mais c’est une bonne chose, car certains maires sont méritants, d’autres non.

Attention, le premier moyen d’accéder au logement n’est pas de devenir propriétaire : il faut d’abord pouvoir louer un logement. Avant 1990, 30 % des acheteurs possédaient déjà un logement ; en 2008, le taux était monté à 66 %. Devenir propriétaire est de plus en plus l’affaire de gens qui le sont déjà, et il y a de moins en moins de néoaccédants. En outre, 50 % des logements en location sont détenus par 3,5 % des bailleurs.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous remercions le groupe La France insoumise de nous donner l’occasion de débattre des difficultés que les jeunes rencontrent pour se loger. Nous n’en serions pas là si le Président de la République avait tenu ses promesses.

La crise du logement frappe d’autant plus durement les jeunes que le nombre de logements destinés aux étudiants et aux jeunes travailleurs est insuffisant et que les loyers sont partout trop élevés pour ceux qui n’ont pas encore de revenus ou perçoivent un premier salaire.

Il serait donc utile de majorer les aides au logement de 150 euros, pour les aider à payer le loyer et d’autres dépenses de la vie quotidienne. Les images des files d’attente aux distributions alimentaires devraient tous nous interpeller. Toutefois, le montant de la majoration pourrait être pondéré selon les territoires, comme c’est le cas pour les APL.

S’agissant de l’encadrement des loyers, vous reprenez un dispositif de la proposition de loi visant à répondre à l’urgence sociale que les groupes de la NUPES avaient défendue en juillet 2022 pour répondre aux mesures du Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat. Toutefois, vous le durcissez, en minorant de fait les loyers de 20 % en zone tendue. Si nous partageons pleinement le constat que les loyers sont élevés et ont encore augmenté récemment, une telle diminution aurait nécessairement une forte incidence sur les bailleurs, qui ne sont pas tous des acteurs institutionnels ou des multipropriétaires. Certes, le durcissement des conditions de mise en location accroît le risque de déséquilibre, mais nous privilégions un encadrement renforcé, comme dans le texte de juillet de 2022.

En matière de politique de la ville, l’expérience de nos circonscriptions nous a enseigné qu’un taux trop élevé de logements sociaux limite les capacités d’action des communes pour satisfaire aux attentes des habitants. En effet, cela augmente les besoins de services publics, quand les ressources fiscales des collectivités souffrent d’une compensation insuffisante du mécanisme d’exonération de taxe foncière. Un taux de 35 % serait donc trop élevé. Il faut surtout remédier au profond déséquilibre entre les communes qui respectent la loi ou dépassent les objectifs fixés et celles qui ne le font pas, voire revendiquent de l’enfreindre. Ce texte risquerait d’accroître l’inégalité territoriale en matière de solidarité nationale. J’appelle à trouver des moyens de pousser les maires réfractaires à respecter la loi.

Je connais votre implication en faveur du logement, Monsieur le rapporteur. Les membres du groupe Socialistes et apparentés sont dans un état d’esprit constructif. La position du texte dans l’ordre du jour de votre niche nous conduit à ne pas déposer d’amendements, mais nous sommes volontaires pour continuer à travailler avec vous sur ce sujet. Nous nous abstiendrons sur le texte, mais nous voterons contre les amendements de suppression, afin d’avoir un véritable débat sur le logement et les jeunes.

M. François Piquemal, rapporteur. Je remercie M. Echaniz de se montrer constructif ; j’espère qu’il en ira de même pour tous les groupes, afin d’aller au fond du débat.

M. Luc Lamirault (HOR). Vous voulez résoudre la crise du logement pour les jeunes : le groupe Horizons et apparentés pense que vos solutions ne sont pas de nature à y parvenir. Elles sont trop nationales et ne prennent pas assez en considération les disparités locales ; elles sont trop coûteuses et risqueraient d’alimenter la hausse des loyers.

Nous avons tous conscience des difficultés que rencontrent nos concitoyens pour se loger à un prix abordable, dans un marché locatif qui connaît une forte tension. La hausse des taux d’emprunt, celle des coûts de la construction et la nécessité d’adapter le parc aux exigences sociales et environnementales contribuent à la crise, qui frappe nos jeunes avec plus de virulence encore.

Pour la surmonter, le Gouvernement a élaboré une nouvelle feuille de route. Elle contient un volet économique, avec un soutien à la production de logements abordables, le maintien du taux du livret A, l’élargissement du prêt à taux zéro et un plan pour le logement des étudiants ; un volet environnemental, avec une accélération de l’adaptation du parc à la transition écologique et démographique et un investissement de 4,6 milliards dans MaPrimeRénov’ en 2024 ; un volet social, consacré à protéger les plus vulnérables, en prévoyant l’accès à un logement décent et adapté et l’application des politiques sociales du logement et de l’hébergement ; et un volet territorial, avec des politiques locales du logement, adaptées aux spécificités de chaque territoire.

Le groupe Horizons et apparentés votera contre la présente proposition de loi.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, de nous donner l’occasion d’aborder un sujet majeur. Tout le monde ici convient que des difficultés structurelles font obstacle à l’accès au logement. On peut venir discuter en paix, en disant de façon factuelle que les engagements pris en 2017 n’ont pas été tenus et que cela participe grandement à la crise du logement qui frappe les Français, les étudiants en particulier.

L’année dernière, lors de sa journée de niche, le groupe Socialistes et apparentés avait défendu une proposition de loi visant à assurer un repas à 1 euro pour tous les étudiants. Cette mesure avait été appliquée par le Gouvernement pendant la crise du covid, mais avait été restreinte ensuite aux seuls boursiers, conduisant plusieurs groupes à soutenir notre proposition.

Nous considérons globalement la présente proposition de loi avec intérêt, même si sur certains points la manière de procéder nous semble contestable. Ainsi, on peut envisager le relèvement des seuils de la loi SRU, mais non sans concertation préalable avec les représentants des communes. Ensuite, nous préférerions de loin trouver des moyens dissuasifs de sanctionner ceux qui ne respectent pas la règle plutôt que de relever artificiellement des taux dont on sait qu’ils ne seront pas atteints. Il faut nous interroger sur notre capacité de coercition envers les plus récalcitrants à appliquer les objectifs fixés par le Parlement.

Vous prévoyez d’augmenter les aides au logement de 150 euros pour les jeunes. Nous validons le principe. Cependant, il s’agirait d’une dépense considérable ; il aurait été plus intéressant de cibler la mesure pour aider ceux qui en ont le plus besoin.

Quant à l’encadrement des loyers, la rédaction risque d’induire des effets de bords – nous y reviendrons.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Oui, il y a une crise du logement, qui pénalise aussi les étudiants et les jeunes actifs. Pour y remédier, vous proposez trois mesures qui ne résoudront pas le grippage de l’offre ni de l’investissement. Pire, elles pourraient aggraver la situation.

L’article 1er prévoit d’augmenter significativement la proportion minimale de logements sociaux dans les communes. Cela ne risque-t-il pas de créer des ghettos, puisque 100 % de la production nouvelle de logements serait ainsi destinée au parc social ? La diminution de la mixité qui en résulterait semble contraire à l’ambition du texte – n’oublions pas les émeutes de cet été.

L’article 2 tend à diminuer les loyers. Cela pourrait réduire encore le nombre de logements en location, donc pénaliser les jeunes. En effet, nombre de propriétaires devront effectuer des travaux coûteux afin d’améliorer les performances énergétiques de leur bien, condition pour continuer à les louer. L’encadrement des loyers que vous demandez réduirait leur capacité à financer ces travaux pourtant nécessaires à la transition écologique et profitables aux locataires, puisqu’ils favoriseraient les économies d’énergie.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Certains collègues considèrent qu’augmenter les seuils de la loi SRU, donc de logement social, pénaliserait les communes.

Nous n’avons pas la même vision du logement social. Celui-ci est une force. Il permet de loger les travailleurs essentiels et de lutter contre la spéculation immobilière. Les cas où les communes sont pénalisées, c’est lorsque les entreprises ne peuvent recruter, parce que les salariés ne parviennent pas à se loger ; lorsque les étudiants ne peuvent étudier, faute de logement proche de l’université ; lorsque des personnes sont sans abri. Remettons les choses dans l’ordre ! Les jeunes souffrent du manque de logement abordable, or le logement social est une solution pour en produire. Nous devrions nous féliciter de nous fixer des objectifs plus ambitieux en la matière.

M. François Piquemal, rapporteur. France Info a publié hier ce chiffre : moins de 50 % des communes atteignent les objectifs de la loi SRU. Des maires méritants tâchent de respecter la loi, de construire ou de rénover du logement public pour celles et ceux qui sont en difficulté ; mais d’autres ne font pas l’effort. Certains sont des hors-la-loi multirécidivistes, et leur comportement a des conséquences néfastes pour les habitants de leur ville et les communes limitrophes. Je salue les premiers et, comme vous, j’appelle à définir des sanctions contre les seconds. Je vous invite tous à consulter l’infographie sur le site de France Info pour savoir quelle est la situation de votre commune.

Il est faux de dire que le dispositif d’encadrement des loyers ne prend pas en compte les réalités locales : de même que l’article 1er prévoit des adaptations en fonction des tensions locatives et des contraintes locales, à l’article 2, je défendrai un amendement visant à distinguer les communes selon leur tension.

Monsieur Bazin, vous m’alertez sur le risque de créer des ghettos. Vous avez raison, il existe des ghettos – parfois de riches. À Toulouse, le maire Les Républicains M. Moudenc a fait inscrire dans le plan local d’urbanisme un critère d’emprise foncière pour la construction de logements sociaux, afin de préserver des îlots de spéculation dans le centre-ville où seuls certains peuvent se loger. D’autres vendent à la découpe des logements publics. Il serait bon pour quelques habitants des ghettos de riches d’avoir des voisins qui vivent d’autres réalités que la leur, comme des aides-soignantes ou des travailleurs du BTP, qui parfois habitent dans leur voiture – ceux qui construisent les logements ne peuvent parfois pas se loger ! Bref, c’est une question de répartition territoriale de l’offre de logement public : la mixité territoriale, comme on dit, doit s’appliquer partout.

Nous proposons donc de créer un choc d’offre de logement public. En encadrant les loyers à la baisse, on augmente le nombre de personnes qui auront accès au marché privé. Or il y a 2,4 millions de personnes qui attendent un logement HLM parce qu’elles ne parviennent pas à se loger à des conditions décentes dans le parc privé, trop cher. Je reçois des témoignages en cascade de personnes qui maquillent leur feuille de paie sur Photoshop ou InDesign pour obtenir un logement. Malheureusement, cette pratique illégale devient courante, pour survivre – chacun fait comme il peut, mais faut-il s’en satisfaire ?

Monsieur Falcon, j’ai réservé le meilleur pour la fin. Des collègues de tous bords ont dénoncé la politique du logement de M. Macron, faite de coupes rases, mais la vôtre est un véritable bingo de ce qu’il ne faut pas faire ! J’ai lu vos amendements avec attention. Vous voulez loger les jeunes dans des passoires thermiques, en proposant de ne pas sortir les logements classés F et G du marché pour les leur réserver. Vous êtes contre l’encadrement, donc contre la régulation et la baisse des loyers. Vous êtes opposés au développement du parc public. J’en viens à me demander si vous avez un problème avec le service public en général, alors qu’il y en a tant besoin. J’ai d’ailleurs observé que Fréjus et Perpignan étaient au nombre des communes qui ne respectent pas la loi SRU : je suis sûr que vous saurez convaincre leurs maires de se mettre en conformité avec la loi.

Vous êtes contre l’augmentation de 150 euros des APL. Vous avez déposé beaucoup d’amendements sur la préférence nationale, semblant ignorer qu’il y a des discriminations avérées dans l’attribution des logements, même publics – nous en avons eu un cas malheureux à Toulouse, il y a quelques années. Cerise sur le gâteau : vous avez déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 45, visant à loger les travailleurs saisonniers dans les internats, donc à dispenser les employeurs de les héberger. C’est particulièrement gratiné, sachant en outre que M. de Fournas, qui l’a cosigné, a lui-même logé des travailleurs étrangers sous une tente, dans son domaine. Le mal-logement, vous connaissez !

J’espère que nous aurons des discussions poussées sur chaque article : nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous reconnaissons tous qu’un débat de fond sur le logement est indispensable.

Article 1er (articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation) : Relèvement des taux de logements sociaux dans les communes urbaines

 

Amendements de suppression CE1 de M. Frédéric Falcon, CE10 de M. Lionel Tivoli et CE28 de Mme Annaïg Le Meur

M. Frédéric Falcon (RN). Le Rassemblement national est favorable à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui fixe la part des logements sociaux à 25 % du total des résidences principales d’une commune. Nous ne souhaitons pas revenir sur ce taux, mais nous ne voulons pas non plus alourdir la charge des communes, certaines d’entre elles manquant déjà de foncier disponible. Les communes sont aussi soumises à une accumulation de contraintes dans le domaine immobilier, l’augmentation du coût de construction ayant été amplifié par la réglementation environnementale 2020 (RE2020) et par l’inflation sur les matières premières. Fixer le taux de logements sociaux à 35 % nous semble hors de propos, d’où notre amendement de suppression de cet article.

M. Lionel Tivoli (RN). Cet article veut augmenter le taux de logements sociaux dans nos communes. Pour rappel, la loi SRU dispose déjà que les communes de plus de 3 500 habitants comprises dans une l’agglomération ou un EPCI (établissement public de coopération intercommunale) de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent disposer d’au moins 25 % de logements sociaux.

Renforcer cette loi, certes essentielle pour nos compatriotes mais si difficilement applicable par nos élus locaux, serait porter un coup à nos communes. Nombre d’entre elles n’ont déjà plus de terrains constructibles et sont obligées de revoir sans cesse leur plan local d’urbanisme pour atteindre le seuil demandé de logements sociaux. Par conséquent, augmenter ce taux de 10 points serait une catastrophe politique, sociale et environnementale. En réalité, ce texte démagogique instrumentalise le sort des jeunes à des fins électorales beaucoup plus larges. Il convient donc de supprimer cet article.

M. Antoine Armand (RE). Cet article est-il une cause du score électoral de LFI aux élections sénatoriales ou une vengeance ? Il suffit de discuter avec les élus locaux pour qu’ils vous parlent de la crise du logement et notamment de la situation des étudiants, qui nous inquiète tous et pour laquelle nous avons pris des mesures fortes. Faut-il augmenter des objectifs qui font déjà souffrir les élus locaux ? Ceux-ci sont soumis à des contraintes multiples, même si elles sont essentielles. En Haute-Savoie, nous devons respecter l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) et appliquer la loi SRU, la loi « montagne » et la loi « littoral » ! Nous appliquons ces textes nécessaires qui traduisent l’action du Gouvernement ; en revanche, il est totalement irresponsable et démagogique de modifier les objectifs de manière totalement déconnectée des capacités de collectivités, qui, pour la plupart, ne demandent qu’à construire des logements sociaux et se heurtent à des difficultés dont nous avons débattu ici. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. François Piquemal, rapporteur. Je regrette ce positionnement. On peut toujours dire qu’il est trop compliqué d’atteindre 35 % de logements publics, mais que fait-on alors pour les 2,4 millions de personnes en attente d’un HLM ? Quand on vous propose d’encadrer les loyers à la baisse, ou de revaloriser les aides personnelles au logement (APL), vous refusez ! Monsieur Tivoli, vous êtes élu dans une région où beaucoup de maires ne respectent pas la loi SRU. Ce sont des hors-la-loi et pour ma part, j’en ai assez du laxisme vis-à-vis de ces maires qui ne font pas d’efforts, contrairement aux autres.

Rappelons quelques chiffres. Le parc locatif social est saturé : les offres disponibles suffisent à peine à couvrir 12 % des demandes et il reste, je le répète, plus de 2,4 millions de personnes en attente d’un logement social. Pour ceux qui se logent dans le parc privé, le taux d’effort est de plus en plus important : les ménages les plus modestes consacrent en moyenne 42 % de leur revenu au logement et les ménages modestes 33 %, contre 28 % pour l’ensemble des locataires du privé. Quand je suis né, en 1984, les ménages dépensaient en moyenne 13 % de leur budget pour se loger ; ce taux atteint désormais 30 % en moyenne et dépasse 50 % dans les zones très tendues. Pour les jeunes, cible de notre proposition de loi – qu’ils soient étudiants, travailleurs ou en recherche d’emploi – ce taux d’effort peut atteindre 60 %.

Certains mettent en avant le manque de foncier et la nécessité de respecter l’objectif ZAN pour expliquer qu’ils ne peuvent plus construire. Encore faut-il savoir ce qu’ils ont fait du foncier existant. À Toulouse, par exemple, plusieurs terrains situés en pleine ville ont été vendus à des promoteurs immobiliers sans création de logements sociaux. Il ne s’agit pas de geler du foncier disponible mais d’optimiser les parcelles déjà artificialisées, autrement dit de faire de la planification, ce que la Datar (délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) pratiquait déjà en 1963 sous l’impulsion du général de Gaulle. On peut aussi préempter des logements vacants comme il en existe beaucoup dans les grandes villes, notamment à Nice. Il serait d’ailleurs bon de faire un audit précis de ces quelques 3,1 millions de logements vacants, pour déterminer comment l’État peut aider les communes à se les réapproprier.

Enfin, les difficultés à atteindre les taux cibles actuels s’expliquent parfois par la mauvaise volonté de certaines communes, et par une application insuffisante des sanctions à la main du préfet pour les y contraindre.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements de suppression de l’article.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Du Rassemblement national à Renaissance, quand il s’agit de qualifier la loi SRU et les objectifs de production de logement social, on parle de charge et de souffrance pour les communes. Je suis en total désaccord avec ce vocabulaire. Le logement social n’est ni une charge, ni une souffrance pour les communes, mais un moyen de loger les travailleurs essentiels et de combattre la spéculation immobilière.

Et les mêmes de décrire de pauvres maires qui ne parviendraient pas à respecter les objectifs de la loi SRU parce que des contraintes extérieures les en empêcheraient ! C’est donner dans la caricature et méconnaître la réalité de la loi SRU. Car tout n’est pas blanc ou noir dans cette loi, elle se décline en situations intermédiaires. Une commune peut atteindre ou même dépasser les objectifs légaux de 25 %, ce qui est très bien. Elle peut être en dessous de ce seuil, mais être de bonne volonté et s’engager à rattraper son retard en négociant avec le préfet un plan triennal qui tiendra compte de ses contraintes. Avec ces communes-là, que l’État doit soutenir davantage, nous n’avons aucun problème. Mais ce n’est pas le cas avec la troisième catégorie de maires, qui sont hors la loi, pour reprendre les termes de notre rapporteur : leurs communes sont déclarées carencées par le préfet lui-même, parce que ne se donnant pas les moyens de rattraper leur retard en matière de construction de logements sociaux. Il faut être plus sévère à l’égard de ces maires qui font preuve de mauvaise volonté.

M. Frédéric Falcon (RN). Votre discours de criminalisation des maires est particulièrement insupportable à une époque où les maires sont confrontés à de plus en plus de violences. Cette violence verbale, cette mise au pilori de maires qui font des efforts et exercent des mandats de plus en plus compliqués sont absolument insupportables.

Prenons l’exemple de Paris, ville très dense où il n’y a plus de surfaces constructibles. Dans cette ville NUPES, dirigée par Anne Hidalgo, la municipalité a préempté en masse des immeubles. Cela a-t-il permis de faire baisser la pression sur le foncier et d’améliorer la situation du logement à Paris ? Je ne le crois pas, puisque les classes moyennes sont toujours reléguées en périphérie et que les prix, que ce soit à la location ou à l’achat, ont atteint des niveaux stratosphériques. C’est donc un contre-modèle absolu.

La commission adopte les amendements et l’article 1er est supprimé.

En conséquence, les amendements CE24 de M. Hervé de Lépinau et CE31, CE32 et CE33 de M. François Piquemal tombent.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE4 de M. Frédéric Falcon

M. Frédéric Falcon (RN). Les bailleurs sont parfois réticents à louer aux étudiants, public très précarisé qui présente un risque d’impayés. Plutôt que de taper sur les propriétaires en imposant un encadrement des loyers, nous proposons avec cet amendement une incitation fiscale, sous forme de baisse d’impôts, afin que les bailleurs trouvent un bénéfice à louer aux étudiants et aux moins de 25 ans.

M. François Piquemal, rapporteur. D’abord, il n’est pas question de criminaliser les maires. Mais alors que certains s’efforcent de respecter la loi SRU, d’autres ne le font pas, sciemment et de manière répétée, ce qui n’est pas très équitable envers les premiers et revient tout simplement à se mettre hors la loi. Dans ce domaine, vous faites preuve de laxisme et d’angélisme et c’est plutôt nous qui sommes partisans de l’ordre !

Votre amendement tend à instaurer une déduction de 30 % sur les revenus locatifs pour le calcul de l’impôt sur les revenus en cas de location à un étudiant. J’ai rencontré voilà quelques jours un étudiant qui loue 900 euros une chambre de 9 mètres carrés : trouvez-vous cela normal ? C’est pourtant une moyenne basse des loyers parisiens pour cette surface. Il faut revenir à la raison, y compris pour ce qui concerne les loyers. Ce n’est pas en faisant des cadeaux fiscaux aux propriétaires – qui sont 3,5 % à posséder 50 % des logements en location – que vous ferez avancer les choses : la solution, c’est de baisser progressivement les loyers pour les ramener à des prix raisonnables. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE17 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CE8 de M. Lionel Tivoli (discussion commune)

M. Lionel Tivoli (RN). Les places en résidence universitaire ou étudiante sont de plus en plus précieuses compte tenu de l’augmentation annuelle du nombre d’étudiants. Si nous voulons nous attaquer au problème du logement chez les jeunes, et en particulier chez les étudiants, nous devons leur permettre de se loger à moindres frais. Nous devons donc aussi savoir avec exactitude le nombre de places manquantes, afin de mener les politiques adéquates pour les accueillir.

M. François Piquemal, rapporteur. Vous ne semblez pas avoir lu notre rapport, qui montre qu’il existe déjà des données chiffrées et étayées sur la situation du mal-logement des jeunes dans notre pays. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE21 de Mme Florence Goulet.

 

 

Article 2 (article L. 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Instauration et généralisation d’un encadrement à la baisse des loyers

 

Amendements de suppression CE5 de M. Frédéric Falcon et CE29 de Mme Annaïg Le Meur

M. Frédéric Falcon (RN). Monsieur le rapporteur, cette chambre de 9 mètres carrés à 900 euros est un exemple tout à fait scandaleux, mais qui traduit un déséquilibre entre l’offre et la demande. Si vous encadrez les loyers, certains bailleurs chercheront des moyens détournés pour retrouver des niveaux excessifs, et ils trouveront preneur. Nous sommes opposés à l’encadrement des loyers, qui est contre-productif – Paris, où il s’applique, en est l’exemple parfait – car de très nombreuses stratégies permettent de détourner la réglementation.

Ce problème renvoie à celui, plus large, de l’aménagement du territoire : pourquoi tout le monde veut vivre au même endroit, pourquoi toute l’activité est concentrée dans les grandes métropoles ? Il faut absolument travailler sur cette question, faute de quoi aucune mesure ne parviendra à résoudre la crise du logement, ni pour les jeunes, ni pour les autres.

M. Antoine Armand (RE). Les dispositions de l’article 2 risquent non seulement d’être anticonstitutionnelles, mais aussi de faire entrave à la loi Élan (loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Le dispositif instauré par cette dernière, que nous soutenons, a l’avantage de distinguer entre les communes tendues et les communes non tendues. En effet, imposer une baisse des loyers dans les communes non tendues est un non‑sens.

Par ailleurs, l’objectif que vous poursuivez de bonne foi est que nous construisions des logements sociaux – des logements tout court d’ailleurs, car il en faut de toutes les catégories. Si vous souhaitez rendre plus difficile pour les maires de construire des logements intermédiaires, si vous voulez, en exerçant une pression à la baisse sur les loyers, que les investissements nécessaires dans le logement ne soient pas rentables, continuez comme ça !

L’absence assez remarquable du groupe GDR, du groupe socialiste et des Verts pour discuter de cette proposition de loi est d’ailleurs révélatrice de la confiance qu’ils lui portent, alors qu’ils sont ordinairement prompts à vous suivre.

M. François Piquemal, rapporteur. Je note également l’absence du groupe Les Républicains, qui peut-être comptait voter avec nous et souhaite éviter de créer un malaise dans la perspective d’une alliance avec l’un ou l’autre des groupes présents.

Plus sérieusement, vous dites que l’encadrement des loyers à Paris n’a pas eu d’effet mais ce n’est pas un encadrement à la baisse : la mesure, qui n’est certes pas parfaite, est issue de la loi Élan et vise à limiter la hausse des loyers. Elle a limité la casse. Nous proposons pour notre part un véritable encadrement à la baisse pour faire revenir les loyers à des taux décents, en établissant une différence entre les zones tendues et les zones non tendues – c’est du reste l’objet de mon amendement suivant.

Le dispositif actuel repose sur le volontariat, les demandes d’expérimentation devant émaner des communes. Ainsi, lorsqu’un maire tel que M. Moudenc, à Toulouse, ne veut pas encadrer les loyers alors que sa ville remplit les critères, il n’y a pas d’encadrement pour les locataires. Nous voulons généraliser cette mesure pour que la loi et ses effets bénéfiques soient les mêmes pour tout le monde.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Depuis tout à l’heure, le Rassemblement national se fait le défenseur du chaos. Après avoir trouvé toutes les excuses du monde aux maires qui refusent de respecter les obligations de la loi SRU en matière de logement social, il se fait maintenant le défenseur des propriétaires bailleurs qui ont des pratiques illégales et ne respectent pas l’encadrement des loyers. C’est gonflé : on les entend toute la journée parler de sévérité et de respect de l’ordre républicain, mais quand il est question des communes qui refusent de créer du logement social ou des multipropriétaires, il n’y a plus personne ! C’est même plutôt la culture de l’excuse : ils nous expliquent pourquoi la loi ne doit pas être respectée.

Pourtant, il y a de bonnes lois en la matière. Outre la loi Élan sur l’encadrement des loyers et la loi SRU, je rappelle que des dizaines de milliers de ménages sont reconnus éligibles au droit au logement opposable (Dalo) par les tribunaux. Ils devraient être relogés par l’État, mais ce n’est pas le cas. Il serait donc temps que les services de l’État et le Gouvernement respectent la loi, notamment lorsqu’il s’agit de droits sociaux.

M. Frédéric Falcon (RN). Cher collègue, vous mentez. J’ai dit au début de cette réunion que nous étions favorables à la loi SRU et à ses contraintes, ainsi qu’à toutes les mesures de coercition telles que les amendes. En revanche, nous ne souhaitons pas aggraver les sanctions, car la situation est déjà assez compliquée. Il est donc absolument faux d’accuser le Rassemblement national de favoriser le chaos.

Notre vision du logement est toutefois entièrement différente de la vôtre, qui est assez collectiviste. Vos propositions me semblent bien insuffisantes pour résoudre la crise du logement et sont porteuses d’effets pervers qu’on voit dans le cas de la ville de Paris, qui a été pionnière dans l’instauration de certaines contraintes. Quelles que soient les horreurs que vous pourrez dire à propos du Rassemblement national, loin d’être opposés à la loi SRU, nous la défendons, mais nous ne voulons pas alourdir les contraintes pour les communes qui ont des difficultés à l’appliquer.

La commission adopte les amendements et l’article 2 est supprimé.

En conséquence l’amendement CE34 de M. François Piquemal tombe.

 

 

Article 3 (articles L. 823-1 et L. 842-2 du code de la construction et de l’habitation) : Renforcement des aides personnelles au logement pour les moins de 25 ans

 

Amendements de suppression CE6 de M. Frédéric Falcon et CE30 de Mme Annaïg Le Meur

M. Frédéric Falcon (RN). L’article 3 a le mérite, Monsieur le rapporteur, de souligner le problème de pouvoir d’achat des jeunes en matière d’immobilier. Nous considérons néanmoins qu’une augmentation des aides personnelles au logement s’accompagnerait d’effets pervers. Plusieurs études attestent du fait qu’elle contribue systématiquement à une hausse des loyers des petites surfaces. Il en résulterait également un problème d’équité entre les jeunes qui seraient éligibles à ces aides et les autres. Enfin, vous n’expliquez pas comment vous envisagez de financer cette mesure très onéreuse.

M. Antoine Armand (RE). On peut avoir un débat sur le niveau et le mécanisme des APL. La conviction de la majorité, c’est que les personnes qui ont besoin de ces aides doivent en bénéficier ; c’est ce à quoi nous nous engageons. C’est pour cette raison que nous avons mis en œuvre la contemporanéisation des APL, qui permet d’éviter que les revenus pris en compte soient ceux perçus deux ans plus tôt.

Le dispositif prévu à l’article 3 est en réalité anti-redistributif, puisqu’il prévoit de verser 150 euros de plus à tous les bénéficiaires des APL, quelle que soit leur situation financière. C’est d’autant plus grave que les APL sont plafonnées, si bien que les personnes les plus précaires percevront moins de 150 euros d’aide complémentaire tandis que les plus aisés toucheront bien 150 euros de plus. Je vous conseille donc, chers collègues, de voter sa suppression.

M. François Piquemal, rapporteur. Voilà M. Armand qui donne des leçons de redistribution ! J’espère qu’il n’a rien non plus contre l’universalisme des droits, car c’est bien l’objectif que nous poursuivons.

Récapitulons. Vous avez supprimé, chers collègues, l’article qui aurait permis de porter la part de logements publics dans les communes à 35 %, dont 5 % de foyers de jeunes travailleurs et de résidences étudiantes. Vous avez supprimé l’article qui visait à encadrer les loyers à la baisse. Maintenant, vous voulez supprimer l’article qui apporte une aide, en cette période de crise sociale, aux jeunes travailleurs, étudiants ou demandeurs d’emploi. Vous estimez que rien ne va dans notre proposition de loi, mais quelles sont vos solutions pour répondre à l’urgence ? J’ai hâte de voir arriver le texte que nous proposeront le Gouvernement et la minorité présidentielle en la matière !

La loi SRU a été présentée par plusieurs collègues comme une contrainte. Peut-être devraient-ils changer leur fusil d’épaule et considérer le logement public comme une chance, à la fois pour répondre à l’urgence et dans la perspective de la transition énergétique. Les logements publics pourraient être les logements pilotes de la bifurcation écologique et de la rénovation thermique que nous appelons de nos vœux. Cela nécessite des investissements mais croyez-moi, cela rapporte davantage à moyen et long terme que ce que coûte d’avoir 300 000 personnes à la rue, dont 3 000 enfants. Mais votre vision diverge nettement de la nôtre.

Les aides personnelles au logement sont aujourd’hui totalement déconnectées de la situation du marché locatif. Leur contemporanéisation, Monsieur Armand, a en réalité grandement fragilisé le modèle en amoindrissant la protection des locataires. D’après le premier bilan qui en a été réalisé, 29,6 % des allocataires ont vu leurs droits réduits. Dans le même temps, l’Union professionnelle du logement accompagné nous informe que les aides versées aux allocataires logés dans des résidences de jeunes ont diminué de 10 % entre 2020 et 2021. Le niveau global des aides a donc baissé alors que les loyers ne cessaient d’augmenter. La mesure que nous proposons à l’article 3 vise à rétablir un minimum d’équité et à apporter une bouffée d’oxygène aux jeunes. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Lorsque la majorité a réduit les APL de 5 euros en arrivant au pouvoir, en 2017, il ne me semble pas qu’elle ait précisé que cette réduction ne concernait qu’une catégorie de la population, Monsieur Armand. Vous venez pourtant de dire que l’on ne pouvait pas augmenter les APL pour tous car cela profiterait à l’ensemble de la population de la même façon ! Il serait bon d’être un petit peu cohérent.

La vérité est que cette année, vous aurez eu l’occasion d’offrir aux étudiants de manger pour 1 euro dans les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) et que vous l’aurez refusée, et que vous aurez aussi eu la possibilité d’augmenter significativement le montant des APL mais que vous l’aurez refusée également.

Je voudrais enfin dire à notre collègue Falcon, du Rassemblement national, que lorsqu’on est favorable à une loi, on veut qu’elle soit appliquée et qu’il y ait des sanctions à l’encontre de ceux qui ne la respectent pas. Être contre les mécanismes qui visent à faire respecter la loi SRU, c’est être contre la loi SRU.

M. Pascal Lavergne (RE). Ce matin, le président Kasbarian parlait de colonne vertébrale idéologique. Je crois que nous venons de prendre le Rassemblement national en flagrant délit de scoliose : après l’alliance des populistes voulant encadrer l’économie de ce matin, le RN se défend cet après-midi de toute vision collectiviste !

Sachez enfin, Monsieur Piquemal, que je préfère appartenir à la minorité présidentielle, comme vous l’appelez, plutôt qu’à une éventuelle minorité populiste.

La commission adopte les amendements et l’article 3 est supprimé.

En conséquence, l’amendement CE35 de M. François Piquemal tombe.

 

 

Article 4 : Gage financier

 

Tous les articles de la proposition de loi ayant été supprimés, l’article 4, devenu sans objet, est rejeté.

 

La commission ayant supprimé ou rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

 


   liste des personnes auditionnÉes

Table ronde Acteurs de la solidarité et représentants des locataires

Fondation Abbé Pierre *

Mme Pauline Portefaix, chargée d’études

Confédération nationale du logement (CNL)

M. Alain Gaulon, membre de la Commission administrative nationale (CAN)

M. Félix Fauvel, membre de la CAN

Mme Margaux Aldebert, chargée de mission logement et consommation

Droit au logement (DAL)

M. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole

Mme Micheline Unger, juriste

Mme Diane Beaudenon, juriste

Table ronde Représentants des étudiants et jeunes travailleurs

Union syndicale lycéenne (USL)

M. Gwenn Thomas-Alves, porte-parole

Union étudiante

Mme Eléonore Schmitt, porte-parole du syndicat

Mme Emmy Marc, secrétaire fédérale

   liste des contributions reçues

Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL)

Union nationale des locataires indépendants (UNLI) *

Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) *

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Fondation Abbé Pierre, les chiffres du mal-logement, rapport annuel n° 28, février 2023 https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-01/REML2023_CAHIER4_Les%20chiffresdumallogement.pdf

([2]) L’Humanité, Logement étudiant : les raisons d’une crise profonde, 28 août 2023.

([3]) Le Monde, 31 août 2023.

([4]) De 1965 à 2000, l’indice du prix de vente des logements est resté très stable par rapport au revenu par ménage, évoluant approximativement dans le même « tunnel ». Depuis 2002, en revanche, il est sorti de ce « tunnel », croissant fortement puis se stabilisant, au niveau national, à partir de 2008 à un niveau environ 70 % plus élevé. À Paris il a poursuivi sa hausse et ne redescend légèrement que depuis quelques mois, à un niveau supérieur de 240 %. Cf. les publications de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable.

([5]) Le Monde, L’Île-de-France veut plus de logements abordables, 23 mars 2023.

([6]) Le Monde, Le grand blocage du marché locatif, 31 août 2023.

([7]) Articles du Monde des 11 mai et 31 août 2023.

([8]) Étude réalisée à partir des annonces publiées sur les principaux portails immobiliers.

([9]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([10]) Loi n° 2023-568 du 7 juillet 2023 maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.

([11]) Voir notamment les Dossiers de la DREES n° 33, Conditions et dépenses de logement selon le niveau de vie des ménages, février 2019.

([12]) En janvier 2023, l’Insee recensait 4 241 357 Français de 18 à 29 ans, dont 2 374 014 de 18 à 24 ans.

([13]) Ils sont encore 12,3 % sous les 50 % du niveau de vie médian selon l’Observatoire des inégalités, 30 décembre 2022.

([14]) Rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, n° 4817, 15 décembre 2021.

([15]) UNEF, 19e enquête sur le coût de la vie étudiante, juillet 2023.

([16]) Ministère de la transition écologique te du logement, Chiffres clés du logement, édition 2022.

([17]) Dans son tableau de bord des attributions de logements sociaux en 2021, publié en juillet dernier, l’Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) constate que, malgré un rebond en 2021 par rapport à 2020, les volumes d’attribution de logement social continuent de baisser, à 436 000 logements attribués contre 489 000 en 2016.

([18]) Ancols, Tableau de bord 2019 des attributions de logements sociaux, juillet 2021.

([19]) Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, DataLab Logement construction, 12 décembre 2022

([20]) Effectifs en métropole, hors opérations ANRU. Source : bases publiques Sisal et RPLS.

([21]) Cf. Le Monde du 3 octobre 2023.

([22]) Ibidem.

([23]) Rapport d’information précité.

([24]) Ministère chargé du logement, Fiche Le logement des étudiants et des jeunes actifs, septembre 2023.

([25]) Au total, les organismes HLM sont propriétaires de 120 000 places en résidences universitaires et de 50 000 places en foyers de jeunes travailleurs et résidences pour jeunes actifs – auxquels s’ajouteraient 360 000 titulaires ayant moins de trente ans de baux classiques dans le parc de logements dits « familiaux ». Le parc social contribuerait ainsi, toutes solutions confondues, au logement d’environ 530 000 jeunes.

([26]) Ouverts à des financements en prêt locatif social et, en Île-de-France, en prêt locatif à usage social.

([27]) Le financement des projets de FJT se fait par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), et les opérations de construction sont le plus souvent menées par un organisme de logement social.

([28]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([29]) Insee, « Taux d’effort des ménages liés à l’occupation de leur résidence principale », 31 août 2021

([30]) Rapport d’information, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété (M. Daniel Labaronne et M. Charles de Courson), n° 1536, juillet 2023

([31]) Décret n° 2017-1413 du 28 septembre 2017 relatif aux aides personnelles au logement et au seuil de versement des allocations de logement

([32]) Propos du collectif « Vive l’APL » rapportés dans Figaro immobilier, « APL : la baisse de 5 euros est définitivement validée », 15/10/2018

([33]) L’Étudiant, « La réforme des APL entraîne une baisse des aides pour les jeunes », 21/06/2021

([34]) Rapport du compte du logement, 2022

([35]) Insee, « En 2021, les inégalités et la pauvreté augmentent », 14 novembre 2023.

([36]) Cour des comptes, Les aides personnelles au logement, juillet 2015

([37]) Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

([38]) Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

([39]) Décret n° 2017-835 du 5 mai 2017 relatif aux dispositions particulières à certaines agglomérations en matière de réalisation de logements locatifs sociaux et pris pour l’application de la loi n° 2017-86.

([40]) Ce ratio, mesuré à partir du système national d’enregistrement de la demande de logement social (SNE), est égal au rapport entre le nombre de demandes et le nombre d’attributions nouvelles dans les logements sociaux d’une commune.

([41]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([42]) Les logements financés en PLAI sont destinés à héberger des ménages qui rencontrent des difficultés d’insertion : les ressources de ces ménages doivent être inférieures (entre 55 et 60 %) aux plafonds de ressources pris en compte pour l’accès aux logements financés en prêt locatif à usage social (PLUS) – la catégorie intermédiaire –, sauf dérogation préfectorale.

Les plafonds de ressources applicables aux ménages candidats aux logements financés en PLS sont égaux à ceux du PLUS majorés de 30 %.

([43]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([44]) Le potentiel fiscal mesure la richesse fiscale potentielle d’une commune en tant qu’elle ressort des ressources de ses habitants, et permet de comparer la richesse des communes à l’échelle nationale. Il résulte de l’application du taux moyen national d’imposition aux bases communales des quatre taxes directes locales. Le potentiel fiscal par habitant s’obtient en divisant le potentiel fiscal de la commune par le nombre d’habitants, majoré d’un habitant par résidence secondaire et par place de résidence mobile.

([45]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([46]) Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts

([47]) L’Union Étudiante, « Logement étudiant. Hausse des loyers et explosion des charges : les étudiants, toujours plus plongés dans la précarité », juillet 2023