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N° 1932

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à baisser le prix des billets des trains express régionaux
par une fiscalité allégée (n° 1798),

 

par M. Antoine Vermorel-marques

Député

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 Voir le numéro : 1798


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction : Une mesure qui apparaît à la fois nécessaire et consensuelle

I. Les trains express régionaux, un outil essentiel à la mobilité au quotidien mais malheureusement dégradé

II. UN CONTEXTE CARACTÉRISÉ PAR la situation économique difficile des autorités organisatrices de la mobilité

A. Les causes

1. Les péages ferroviaires

2. La crise énergétique

B. Les conséquences

III. La proposition du rapporteur s’inscrit dans LE PROLONGEMENT de nombreuses propositions en ce sens

A. Une modification d’inspiration transpartisane

1. Une mesure plébiscitée par le Sénat à de multiples reprises

2. Une mesure également portée par la majorité

B. Une mesure portée par un grand nombre d’acteurs de la mobilité

C. Une mesure également mise en place dans plusieurs États européens

IV. Un coût FINANCIER modeste

Travaux de la commission

Discussion générale

EXAMEN des articles

Article 1er Réduction du taux de TVA de 10 % à 5,5 % sur les trains express régionaux

Article 2 Modalités d’application

Après l’article 2

Article 3 Gage de recevabilité financière

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

 


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   Introduction : Une mesure qui apparaît à la fois nécessaire et consensuelle

La présente proposition de loi est simple : elle diminue le taux de TVA sur les trains express régionaux (TER) de 10 à 5,5 %. Les TER sont un outil essentiel de la mobilité dans tous les territoires, en particulier dans la ruralité. Ils permettent à nos concitoyens d’aller travailler, d’accéder aux loisirs et aux pratiques sportives, d’avoir accès aux soins et aux différents services publics. Ils sont un outil essentiel en matière d’aménagement et de maillage du territoire français. Force est de constater qu’en conséquence de leur absence dans beaucoup de territoires, la voiture est de facto indispensable.

En diminuant le taux de TVA de 10 % à 5,5 %, la présente proposition de loi permettra aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), si elles le souhaitent, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, de diminuer le prix des billets des TER pour les usagers. À défaut, cela leur conférera des marges de manœuvre financières accrues qui leur permettront, malgré la situation économique difficile qui est la leur, de poursuivre leurs investissements en faveur des transports du quotidien, notamment pour en améliorer la qualité de service.

Cette proposition d’inspiration transpartisane est portée depuis longtemps par de nombreux acteurs et différents courants politiques. À dessein centrée sur les TER afin de privilégier les déplacements du quotidien et de proximité, excluant de ce fait les TGV, elle présente un coût modique pour les finances publiques.

Le rapporteur rappellera tout d’abord que de nombreux biens et services bénéficient déjà d’un taux de TVA réduit. Pour certains, cette mesure apparaît pleinement justifiée ; pour d’autres, il semble aberrant que ces biens et services non essentiels bénéficient d’un taux inférieur à celui applicable aux billets des TER, outils de cohésion nationale et de transition écologique. Cette proposition de loi propose de corriger cette injustice.

I.   Les trains express régionaux, un outil essentiel à la mobilité au quotidien mais malheureusement dégradé

Selon les statistiques fournies par Région de France pour l'année 2022, également communiquées au rapporteur par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), les TER sont empruntés en moyenne par 1,15 million de voyageurs quotidiens hors Île-de-France chaque jour. La fréquentation des TER a progressé de 16,7 % entre 2019 et 2022. On compte ainsi une moyenne de 93 voyageurs par train.

Parmi les 1,15 million de voyageurs quotidiens, la part d’abonnés se situe à 35 % pour les abonnements travail ou tout public et à 24 % pour les abonnements scolaires ou étudiants, ce qui représente une proportion totale de 59 % d'abonnés.

La contribution des régions s’élève à 3,5 milliards d’euros par an. Grâce à cette contribution publique, le niveau de celle des usagers équivaut seulement à environ 30 % des charges des TER.

Le rapporteur exprime son attachement aux TER. Il rappelle qu’il s’agit d’un outil essentiel pour permettre une mobilité responsable écologiquement et accessible financièrement pour tous les citoyens, et notamment pour les actifs qui sont parfois dépendants de ce mode de transport pour se déplacer et rejoindre leur lieu de travail.

impact environnemental de divers modes de transports

(en émissions de grammes de gaz à effet de serre par passager et par kilomètre parcouru)

 

Émissions

Nombre de trajets qu’il est possible d’effectuer en TGV pour 1 trajet effectué par ce mode de transport, à émissions de gaz à effet de serre constantes

Train à grande vitesse (TGV)

2,9

1

Train d’équilibre du territoire (TET)

8,9

3

Train express régional (TER)

27

9

Véhicule particulier (émissions par véhicule et par kilomètre parcouru)

147

51

Avion long-courrier

152

52

Avion moyen-courrier

187

64

Avion court courrier

285

98

Source : rapport spécial n° 1745 annexe 15, p. 13.

Cependant, il souscrit à l’analyse du sénateur Didier Mandelli sur les problématiques auxquelles ils sont actuellement confrontés.

Les TER : essentiels mais en danger

« Les TER sont un élément essentiel du maillage de nos territoires. […] Grâce aux financements des autorités organisatrices régionales, l’offre TER a progressé de plus de 25 % depuis 1997, et le trafic a crû de plus de 50 %.

« Malgré ce rôle essentiel de maillage, notamment dans les territoires ruraux, où l’offre de mobilité est réduite, les TER souffrent aujourd’hui de nombreux maux, qui nous amènent à nous interroger sur leur pérennité. En effet, ils subissent une baisse de fréquentation qui s’explique essentiellement par le manque de régularité du réseau : des trains en retard ou supprimés, ou encore des incidents d’exploitation.

« Alors que nous évoquons l’intermodalité dans les transports et la nécessité de faire du transport ferroviaire la colonne vertébrale de cette dernière, une telle tendance ne peut que nous alarmer.

« Ce manque de régularité a une cause très claire, soulignée d’ailleurs par le récent rapport de la Cour des comptes : il s’agit de l’état très dégradé du réseau. En janvier 2019, SNCF Réseau indiquait que seuls 29 % de ces lignes régionales étaient jugées en bon état, tandis que plus de la moitié était touchée par des ralentissements, voire par une suspension de service. »

Source : intervention de M. le sénateur Didier Mandelli en ouverture du débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l’avenir des transports express régionaux, compte rendu intégral de la séance du 7 janvier 2020.

II.   UN CONTEXTE CARACTÉRISÉ PAR la situation économique difficile des autorités organisatrices de la mobilité

A.   Les causes

Dans une logique de chaînage vertueux, le rapporteur a lu avec intérêt le rapport de ses collègues Christine Arrighi et Eva Sas élaboré dans le cadre du printemps de l’évaluation. Ce rapport expliquait les raisons pour lesquelles « les AOM sont confrontées à une crise de ressources et une explosion de dépenses qui met en péril le financement de leurs dépenses de fonctionnement » ([1]).

1.   Les péages ferroviaires

La hausse du coût des péages constitue une des causes majeures de cette situation économique identifiée par les rapporteures spéciales.

Les péages ferroviaires

« La circulation d’un train entraîne le paiement à SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructures, de redevances d’utilisation de l’infrastructure, aussi appelées péages ferroviaires, prévues par une directive de 2012 ([2]), et qui représentent près de 90 % des ressources de SNCF Réseau ([3]). Les redevances sont de deux types.

« Les redevances visant à couvrir le coût directement imputable aux circulations ferroviaires, autrement dit le coût marginal d’utilisation des rails ([4]), dites redevances coûts marginaux, sont rendues obligatoires par le droit européen. En France, il s’agit notamment de la redevance de circulation (1 milliard d’euros) et de la redevance de circulation électrique (100 millions d’euros) ([5]). La première compense le coût marginal d’entretien et d’exploitation du réseau, la seconde le coût marginal d’entretien des installations électriques. Ces redevances ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des coûts de SNCF Réseau : les coûts fixes, notamment les frais de fonctionnement, peuvent dès lors être couverts soit par des majorations de redevance soit par des subventions publiques.

« Ainsi, les majorations de redevance visant à couvrir les coûts fixes de l’infrastructure ([6]), dites redevances coûts fixes, ne sont qu’autorisées par le droit européen, chaque État restant libre de les instaurer ou pas, et de faire en sorte qu’elles couvrent la totalité ou seulement une partie des coûts fixes de l’infrastructure. En France, il s’agit de la redevance de marché ([7]) et de la redevance d’accès ([8]). Le d) du 3° de l’article  L.  2111-10 du code des transports prévoit à cet égard que le contrat de performance détermine « la chronique ([9]) de taux de couverture par les ressources de SNCF Réseau du coût complet à atteindre annuellement ».

« Les redevances d’accès facturées par SNCF Réseau pour l’utilisation par les TER du réseau ferré national hors Île-de-France sont acquittées par l’État pour le compte des régions, pour un montant de 1,89 milliard d’euros en 2022, budgétés sur la sous-action 41-01 Infrastructures ferroviaires de l’action 41 Ferroviaire du programme 203 Infrastructures et services de transports. L’État s’acquitte également de redevances d’accès pour l’utilisation par les TET du réseau ferré. […] En revanche, les AOMR payent elles-mêmes la redevance de marché, ainsi que l’intégralité des redevances coûts marginaux. »

Source : rapport d’information n° 1304, pp. 17-18.

Le rapporteur a pris connaissance avec intérêt des chiffres précis communiqués par l’Autorité de régulation des transports aux rapporteures spéciales dans le cadre du travail qu’elles ont mené sur le projet de loi de finances pour 2024. Ils témoignent de la hausse du coût de ces péages, qui pèsera sur la situation économique des AOM, ce qui pourrait les conduire à augmenter le prix des billets des TER.

Évolution du montant des pÉages ferroviaires

Base : 100 pour le niveau en 2019 des péages des services librement organisés (TGV) par train-km

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Indice pour les péages des services conventionnés TER

79

81

83

85

88

95

101

106

Dont part acquittée par l’État

52

53

55

57

59

63

67

71

Taux d’évolution par rapport à l’année précédente

 

2,2 %

2,1 %

2,9 %

3,1 %

8,0 %

6,1 %

5,0 %

Source : rapport spécial n° 1745 annexe 15, p. 27.

2.   La crise énergétique

Les rapporteures spéciales pointaient la crise énergétique comme autre cause de la situation économique difficile des AOM. Elles relevaient que « l’impact du surcoût lié à la hausse du coût de l’énergie ne fait pas l’objet d’un consensus entre Régions de France et la SNCF, la première l’évaluant à 500 millions d’euros et la seconde à 850 millions d’euros. Contactée par les rapporteures spéciales, la DGITM a indiqué n’avoir pas conduit sa propre analyse sur le sujet » ([10]).

B.   Les conséquences

Lors du printemps de l’évaluation, les rapporteures spéciales avaient décrit les conséquences funestes de la situation économique difficile des AOM, dont les AOMR. Elles mentionnaient ([11]) à ce titre :

« – la baisse de l’offre, souvent en heures creuses, le soir ou le week-end ;

« – une augmentation tarifaire, même si augmenter les tarifs dans un contexte inflationniste et dans lequel la demande de transport public est forte n’est pas le premier choix des collectivités ;

« – le report des investissements et en premier lieu ceux relatifs au renouvellement du parc : dans certains cas, l’option de prolonger la durée de vie des véhicules gazole et de déroger aux objectifs de transition énergétique a pu être faite ;

« – la hausse de la participation du budget principal de la collectivité au budget annexe transport ou l’augmentation de la contribution des membres dans le cas d’un syndicat mixte ;

« – l’optimisation des coûts d’exploitation et notamment l’accroissement de la productivité interne des délégataires même si le contexte de pénurie des conducteurs n’est pas des plus favorables socialement. »

Ces conséquences n’apparaissent pas acceptables aux yeux du rapporteur. Il considère que la baisse du taux de TVA sur les billets de train constitue un moyen de les prévenir. En redonnant une marge de manœuvre financière aux AOMR, l’objectif est bien de dépasser l’objectif d’une stagnation tarifaire en dépit du contexte inflationniste, et de permettre une diminution du prix des billets des TER.

III.   La proposition du rapporteur s’inscrit dans LE PROLONGEMENT de nombreuses propositions en ce sens

A.   Une modification d’inspiration transpartisane

1.   Une mesure plébiscitée par le Sénat à de multiples reprises

Le Sénat a, à de multiples reprises, exprimé son souhait que le taux de TVA sur les trains soit abaissée de 10 % à 5,5 %.

Pour dresser un panorama des récentes expressions en ce sens, la réduction du taux de TVA applicable aux transports de voyageurs était l’une des recommandations d’une mission d’information du Sénat ([12]) datant de 2019.

En 2020, l’amendement n°I-241 du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain au projet de loi de finances pour 2021 proposant cette mesure a été adopté en séance publique le 13 novembre 2020.

En 2021, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat avait adopté cinq amendements identiques ([13]) au projet de loi « climat et résilience » ([14]), instituant un article nouveau 29 bis A, qui réduisait à 5,5 % le taux de TVA pour les billets de train ; l’article additionnel ainsi introduit avait ensuite été adopté en séance au Sénat.

Tout récemment enfin, le Sénat a, lors de l’examen en séance du projet de loi de finances pour 2024, adopté un amendement ([15]) de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, proposant d’abaisser à 5,5 % le taux de TVA sur les transports collectifs de voyageurs conventionnés.

2.   Une mesure également portée par la majorité

En 2018, Mme Laurianne Rossi, députée membre du groupe La République en marche, avait déposé un amendement en ce sens ([16]) au projet de loi de finances pour 2019. Le rapporteur partage pleinement les propos tenus par Mme Rossi pour défendre son amendement.

Plaidoyer pour une TVA à 5,5 % sur l’ensemble des transports collectifs par Mme Rossi, membre du groupe La République en marche

« [Cet amendement] vise à ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux transports collectifs du quotidien, qu’ils soient ferroviaires, routiers, guidés ou fluviaux, à l’exception des lignes à grande vitesse et des autocars interurbains. Il s’agit de consacrer ces transports publics, de proclamer qu’ils constituent un service public de première nécessité. En totale fidélité avec les priorités du Gouvernement, nous défendons collectivement une grande politique des mobilités du quotidien.

« Depuis 2012, ce taux de TVA a doublé : de 5,5 %, il est passé à 7 % en 2013 puis à 10 % en 2014. La France applique ainsi dorénavant aux transports collectifs l’un des taux de TVA les plus hauts ; inversement, je rappelle que quatre pays de l’Union européenne ont exempté les transports publics de TVA et que dix autres appliquent un taux inférieur à 10 %.

« Au-delà du signal envoyé à nos concitoyens, la mesure que nous proposons favoriserait le report vers des modes de transport collectifs et donnerait à nos autorités organisatrices de mobilité plus de capacités financières pour investir dans des infrastructures de transport vertueuses.

« Un ticket de métro est autant important qu’un ticket de cinéma ; or, sur ce dernier, le taux de TVA est de 5,5 %. »

Source : compte rendu des débats, 3ème séance du vendredi 19 octobre 2018.

B.   Une mesure portée par un grand nombre d’acteurs de la mobilité

Parmi les 70 recommandations des États généraux de la mobilité durable ([17]), élaborées en 2016, figurait celle de « baisser la TVA à 5,5 % en considérant les transports publics du quotidien comme un service de première nécessité ». Ces recommandations étaient le résultat d’une large démarche de consultation des acteurs de la mobilité et des personnes intéressées par la problématique, par le biais d’une consultation nationale en ligne et de réunions régionales publiques.

La réduction de la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 % figurait parmi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, dont le Président de la République s’était engagé à reprendre les propositions « sans filtre » ([18]), cet engagement ayant été réaffirmé par le Gouvernement devant la représentation nationale ([19]).

Le point de vue de la Convention citoyenne pour le climat

« Notre ambition est de faire en sorte que le train, peu émetteur de gaz à effet de serre, ne soit pas plus coûteux pour les Français que d’autres moyens de transport plus émetteurs, et qu’il soit plus utilisé. Au-delà des zones urbaines et des grandes lignes, nous constatons une difficulté pour accéder au train dans les zones rurales ou de moyenne densité. Nous souhaitons développer une offre de train sur l’ensemble du territoire et rendre plus attractive l’offre existante.

« Nous voulons que d’ici 2030, la part du train dans les déplacements augmente, au-delà des lignes à grande vitesse. Nous pensons qu’une action pour redynamiser le train et le rendre plus attractif est importante. Concrètement, nous proposons de réduire la TVA sur le train de 10 % à 5,5 %. Cela constituerait un manque à gagner pour l’État important, mais n’apparaît pas impossible. En outre, cette proposition s’inscrirait en ligne avec la récente décision allemande d’abaisser la TVA dans le cadre de son plan climat. »

Source : rapport de la Convention citoyenne pour le climat à l’issue de son adoption formelle dimanche 21 juin 2020, version corrigée du 29 janvier 2021, pp. 189 et 190.

Le Groupement des autorités responsables de transport (GART) proposait une baisse du taux de TVA à 5,5 % sur les transports publics dans le cadre de ses « sept propositions en faveur de la mobilité » présentées dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022.

Le point de vue du Groupement des autorités responsables des transports

« L’attractivité des services de mobilité passe à la fois par leur efficience et par leur prix. Chaque année, les AOM investissent en moyenne 10 milliards d’euros dans les équipements et les infrastructures, soit un tiers de leur budget. Rétablir le taux réduit de TVA pour les transports du quotidien leur apporterait des marges de financement nouvelles, sans augmentation tarifaire pour les usagers ni contribution supplémentaire des employeurs ou des budgets locaux. L’offre supplémentaire déployée permettrait d’encourager les modes alternatifs à l’autosolisme, relancer la fréquentation des transports du quotidien, et soutenir un secteur durement touché par la crise sanitaire. Des services de mobilité durables pour tous : c’est une nécessité absolue. Appliquons-leur donc le taux de TVA adapté à ce qu’ils sont : un produit de première nécessité.

« La fixation d’un taux réduit pour les transports du quotidien est permise par le droit européen. C’est d’ailleurs le cas en Belgique, en Allemagne, en Suède ou au Portugal. L’argument du manque à gagner pour les finances de l’État n’est pas recevable. Des solutions de financement de cette mesure existent, par exemple la taxation des liaisons aériennes intérieures ou celle du chiffre d’affaires des autoroutes. La baisse de la TVA contribuerait à proposer une offre de mobilité accessible, diversifiée et écologique qui bénéficierait aux territoires en termes d’emplois, d’équilibre territorial ou de pollutions évitées. Le véritable impact d’une mesure fiscale doit être évalué au regard des externalités positives qu’elle induit et non au seul « coût » qu’elle génère. »

Source : rapport précité ([20]), p. 2.

La proposition de baisser le taux de TVA sur les TER faisait partie des recommandations du rapport « Duron » ([21]).

Le point de vue du rapport Duron

« Compte tenu de la nécessité d'encourager les modes alternatifs à l'autosolisme, et plus conjoncturellement de relancer la fréquentation des transports publics suite à la pandémie, et de soutenir un secteur durement touché par cette crise, la mission préconise de baisser à 5,5 % la TVA sur les services de transport conventionné régionaux et locaux (train, bus, car, métro), sans exiger de contrepartie tarifaire de la part des AOM. Le montant de cette baisse est de l’ordre de 280 millions d’euros (train d’équilibre du territoire : 16 millions d’euros, services ferroviaires régionaux : 49 millions d’euros, transport public urbain : 65 millions d’euros, services de transport en Ile-de-France : 160 millions d’euros). En effet, outre qu'il serait illusoire d'espérer une baisse systématique des tarifs à la hauteur de la baisse de TVA (cf. le précédent malheureux de la restauration), l'objectif est bien d'aider les AOM à retrouver des marges de manœuvre financière pour investir (et, à court terme, pour retrouver l'équilibre et rembourser les avances remboursables consenties par l'État). Par ailleurs, lorsqu'au 1er janvier 2014, le taux intermédiaire de TVA, applicable aux transports, a augmenté de 7 à 10 %, nombre d'AOM n'ont pas répercuté cette hausse sur les tarifs. Outre l'économie directe pour le budget des AOM, cette mesure inciterait également les AOM à développer leurs recettes tarifaires, puisque tout nouvel usager rapporterait mécaniquement 4,5 % de recettes tarifaires en plus. Enfin, cette mesure bénéficierait davantage aux AO qui font participer le plus l'usager au financement des transports publics - les AO ayant fait le choix de la gratuité n'en tirant a contrario aucun bénéfice. Cela compenserait en partie l'effet inverse observé pendant la crise sanitaire, qui a plus durement touché les premières que les secondes. »

Source : rapport Duron, pp. 127-128.

Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a lui-même indiqué que la TVA à 5,5 % sur les transports en commun était une « excellente idée » ([22]).

Il s’agit aussi d’une idée portée par Mmes Christine Arrighi et Eva Sas, rapporteures spéciales du budget des transports pour la commission des finances ([23]).

Le rapporteur a auditionné M. Michel Neugnot, président délégué de la commission mobilité de Régions de France. Celui-ci s’est fait le porte-parole du consensus entre les régions en ce qui concerne l’allègement fiscal sur les transports publics de personnes. Selon lui, l’abaissement du taux de TVA permettrait aux autorités organisatrices de la mobilité de disposer de meilleures ressources pour répondre à la demande et améliorer l’offre de transports du quotidien. M. Neugnot a ainsi expliqué que les études menées auprès des usagers des trains mettaient en exergue une préférence pour l’amélioration du service. Les ressources dégagées par l’allègement fiscal sur les TER permettraient ainsi aux autorités organisatrices de réaliser un choc d’offre.

C.   Une mesure également mise en place dans plusieurs États européens

La possibilité d’instituer un taux de TVA réduit est prévue par la « directive TVA » ([24]), dans sa version actuellement en vigueur ([25]). L’annexe de la directive de 2022 modifie ainsi l’annexe III de la directive de 2006 et prévoit que peuvent faire l’objet d’un taux réduit de TVA, en application de l’article 98 de la directive, « le transport de personnes et le transport des biens qui les accompagnent, tels que les bagages, bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques, les véhicules automobiles ou autres véhicules, ou les prestations de services liées au transport de passagers ». L’article 98 prévoit que « les taux réduits sont fixés à un pourcentage de la base d'imposition qui ne peut être inférieur à 5 % ».

Certains États européens ont donc réduit la TVA sur les transports régionaux. C'est par exemple le cas de l'Allemagne, qui a abaissé ce taux en 2019 de 19 à 7 %. La Belgique, la Suède ou le Portugal ont également abaissé leur taux de TVA sur les transports régionaux.

IV.   Un coût FINANCIER modeste

Régions de France a chiffré le coût de cette mesure « entre 50 et 70 millions d’euros ».

Dans leur rapport du printemps de l’évaluation de 2023, Mmes Christine Arrighi et Eva Sas ont chiffré à 49 millions d’euros les gains annuels pour les AOMR d’une baisse du taux de TVA de 10 à 5,5 % sur l’ensemble des transports collectifs (ferroviaires et routiers) qu’elles gèrent ([26]).

La DGITM a, quant à elle, communiqué au rapporteur un coût pour l’État estimé « entre 50 et 60 millions d’euros », soit environ 4 % des recettes annuelles du TER, qui s’élevaient à 1,5 milliard d’euros en 2022. Contactée par le rapporteur, elle a expliqué que l’évolution du chiffrage par rapport à celui qu’évoquaient les rapporteures spéciales en juin 2023 s’explique par le fait que « les recettes sont revenues à des niveaux pré-crise sanitaire, ce qui explique l'augmentation des recettes de TVA par rapport au précédent chiffrage ».


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   Travaux de la commission

   Discussion générale

Au cours de sa séance du mercredi 29 novembre au matin, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à baisser le prix des billets des trains express régionaux par une fiscalité allégée (n° 1798) - (M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur).

Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Notre ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi visant à baisser le prix des billets des trains express régionaux (TER) par une fiscalité allégée. Nous avons nommé M. Antoine Vermorel-Marques rapporteur de cette proposition de loi. Le président a été conduit à écarter trois amendements : un amendement jugé irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, car proposant la suppression d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sans lien avec la proposition et deux amendements jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, car contrevenant au monopole de la loi de finances pour la création ou la modification d’une annexe générale au projet de loi de finances.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je remercie les membres de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ainsi que les membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour le travail préalable qu’ils ont réalisé sur cette proposition de loi qui transcende les clivages politiques. Pour la commission à laquelle j’appartiens, je remercie tout particulièrement Marc Le Fur, mais aussi les représentants de différents groupes politiques avec lesquels j’ai eu des échanges fructueux.

Plusieurs arguments plaident en faveur de la baisse de la TVA sur les billets des trains express régionaux.

Tout d’abord, les déplacements domicile-travail doivent être considérés comme un bien de première nécessité. La liberté de circulation est citée par la directive européenne sur la TVA en matière de transport de voyageurs. De nombreux autres pays européens, comme le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède et surtout l’Allemagne depuis 2020, ont mis en place un taux réduit de TVA sur les billets de train, en particulier sur les billets des trains express régionaux, en plus de l’abonnement unique que nous pourrons éventuellement aborder.

Cette proposition de loi semble aussi faire l’unanimité. Elle fait l’unanimité parmi les citoyens par la voix de la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi parmi les fédérations dont les acteurs du transport (Régions de France, Groupement des autorités responsables des transports [GART], etc.). La proposition est également soutenue au Sénat tant par Philippe Tabarot pour le groupe Les Républicains que par Jacques Fernique pour les écologistes et Olivier Jacquin pour les socialistes. Cette proposition de loi a été votée la semaine dernière au Palais du Luxembourg comme amendement au projet de loi de finances (PLF). Elle fait aussi l’unanimité à l’Assemblée nationale. En effet, sous la précédente législature, nos collègues de la majorité, Jean-Luc Fugit, Yannick Haury et Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, défendaient des amendements similaires. Sous l’actuelle législature, notre collègue Robin Reda a également déposé un amendement sur la même thématique.

Cette proposition de loi vise à encourager le report modal. Sur 17 millions de salariés réalisant quotidiennement des déplacements domicile-travail, seul un million utilise le train. Parmi les 16 millions qui ne sont pas des usagers du train, certains d’entre eux n’ont pas d’alternative à la voiture, mais d’autres auraient la possibilité d’utiliser un autre mode de transport. Le taux de remplissage de nos TER s’élève à seulement 30 % et la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) précise que le coût marginal du train reste plus élevé que le coût marginal de la voiture, à 8,2 centimes par kilomètre pour le train contre 8 centimes pour la voiture. Or, 57 % des Français déclarent qu’une baisse des tarifs du train les inciterait à le prendre davantage. La baisse de la TVA pourrait donc conduire à un choc de demande. Pour prendre l’exemple de ma circonscription, utiliser le train pour un trajet quotidien entre Roanne et Lyon conduirait à un gain de pouvoir d’achat de l’ordre de 200 euros par an.

L’insuffisance du report modal vers le train tient aussi à l’offre, notamment à la régularité et à la ponctualité des trains. La baisse de la TVA, en redonnant des recettes aux autorités organisatrices des mobilités, pourrait permettre de réaliser un choc d’offre en améliorant la régularité des trains.

Cette proposition de loi emporte toutefois un inconvénient qui est celui de son coût, seul argument qui nous est parfois opposé. Ce coût serait toutefois limité, de l’ordre de 50 à 250 millions d’euros. En outre, plusieurs sources de financement sont possibles, comme le montrent les amendements que vous avez déposés.

C’est également une mesure qui peut jouer sur la fréquentation des trains et donc augmenter les recettes fiscales, recettes qui viendraient compenser la baisse accordée sur la TVA.

Enfin, il serait étonnant d’annoncer un plan de 100 milliards d’euros en faveur du train en 2040, mais de ne pas être favorable à une mesure dont le coût serait de 250 millions d’euros en 2023.

Le transport représente 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Si cette proposition de loi permettait de reporter seulement 5 % des trajets en voiture vers le train, nous pourrions économiser 6 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent de deux millions de véhicules thermiques. C’est une mesure qui réconcilie le pouvoir d’achat et l’écologie et qui garantit à chacun que la transition environnementale peut être gagnante/gagnante : gagnante pour le pouvoir d’achat et gagnante pour le climat.

Mes chers collègues, je vous invite ce matin à prendre un train d’avance pour la transition écologique et, sans mauvais jeu de mots, je dirais à mes collègues de la majorité qui hésitent encore qu’il est toujours possible de prendre le train en marche ! Je vous remercie.

Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Merci pour cette présentation. Je laisse la parole au rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous pouvons partager les objectifs qui viennent d’être explicités par le rapporteur, mais la réalité est différente. Aussi, permettez-moi d’avoir un avis un peu différent du vôtre.

Concernant tout d’abord le coût, vous annoncez que le coût de 250 millions d’euros n’est pas significatif. Toutefois, en minorant les recettes de l’État de ce montant, vous demanderez aux Français de la ruralité de financer les transports des habitants des métropoles. Aussi, non seulement vous priverez nos finances publiques de 250 millions d’euros, mais vous ferez subventionner les transports des uns par l’absence de transport des autres.

En diminuant les recettes de l’État, vous obérez aussi les capacités de financement des infrastructures. Alors que la France porte un plan ambitieux d’investissement dans le domaine du ferroviaire, supprimer ces recettes revient à obérer les marges de manœuvre, alors même que de nombreux territoires du pays ont besoin d’infrastructures supplémentaires.

Contrairement à ce qui a été indiqué par le rapporteur qui mettait en avant que les opposants à sa proposition n’avançaient qu’un argument qui était celui du coût, vous constatez que j’en avance déjà deux et que j’en ajoute même un troisième en soulignant que le soutien au transport express régional devrait relever des régions. Dans la magnifique région où je réside – l’Occitanie – la présidente de région, Carole Delga, communique très régulièrement sur les mesures qu’elle prend pour abaisser le prix du train. Fixer le prix des billets des TER est de la responsabilité des régions et prendre une mesure consistant à abaisser la TVA ne peut que semer la confusion. Alors que nous cherchons tous à clarifier les responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales, prendre cette mesure reviendrait à ajouter de la confusion sur le partage des responsabilités.

J’avance même un quatrième argument en réaction à votre propos annonçant un choc de l’offre car une variation de 5 points du taux de TVA ne constitue nullement un choc. Nous savons que ce mode de transport est déjà extrêmement subventionné et rien ne dit qu’une baisse de la TVA de 5 points se traduira dans les prix. Nous en avons eu l’amère expérience par le passé avec des baisses de TVA ayant conduit les bénéficiaires à reconstituer leurs marges.

Mme Véronique Louwagie, vice-présidente.  Je vous remercie. Je laisse maintenant la parole aux orateurs des groupes.

Mme Eléonore Caroit (RE).  Merci de m’accueillir au sein de votre commission pour examiner la proposition de loi visant à baisser le prix des billets des trains express régionaux par une fiscalité allégée en réduisant le taux de la TVA de 10 à 5,5 %. Cette proposition est très attractive et s’apparente à une mesure de pouvoir d’achat. Cependant, en y regardant de plus près, nous nous apercevons malheureusement qu’elle manque d’efficacité.

Seulement 22 % des usagers du TER considèrent que les tarifs sont trop chers. En outre, contrairement aux autres pays que vous citez, les abonnements de TER sont remboursés en France par les employeurs à hauteur de 50 %. À mon sens, le problème n’est donc pas tant relié au coût qu’à la nécessité d’améliorer la qualité et la densité de l’offre de transports en commun. Une baisse de TVA représenterait un manque à gagner considérable pour l’État, estimé à 246 millions d’euros. Ce coût atteint plus d’un demi-milliard d’euros si nous élargissons la mesure aux autres transports publics. Dès lors, la mesure proposée risquerait de mener soit à un sous-investissement dans les infrastructures de transport, soit à la création de nouveaux impôts qui pèseraient sur nos concitoyens.

Par ailleurs, le Conseil des prélèvements obligatoires souligne l’efficacité très limitée des taux réduits de TVA. Ces mesures coûtent cher à l’État sans atteindre les objectifs attendus. Les expériences passées le montrent. Je pense notamment à la hausse de la TVA de 2014 sur les transports en commun, décision prise pendant le quinquennat du président Hollande, ou à la baisse de TVA dans la restauration, décision prise pendant la présidence de Nicolas Sarkozy.

Mes chers collègues, nous aussi nous croyons au transport durable, à l’investissement dans des infrastructures de transport et au besoin impérieux de développer une politique de transport efficace, mais il nous faut des mesures dont l’efficacité est réelle et pas des mesures dont l’efficacité reste à démontrer.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition de loi.

Mme Géraldine Grangier (RN). Les péages ferroviaires sont des redevances dont doivent s’acquitter les opérateurs ferroviaires, notamment le groupe SNCF, Trenitalia et bientôt Railcoop. Ces péages constituent la principale source de financement de SNCF Réseau. Ce modèle français est unique en Europe. 100 % de l’entretien et de la rénovation de nos réseaux structurants reposent sur les péages, tandis que d’autres pays européens ont fait le choix de subventionner le gestionnaire d’infrastructures pour maintenir des péages faibles. Le maintien de ces péages élevés permet de compenser les investissements réalisés, sachant que le mix ferroviaire français est largement tourné vers la très grande vitesse, très gourmande en investissement. Le montant des péages en France est l’un des plus élevés en Europe. Il s’élève à 9 euros du kilomètre. Le montant de ces péages peut d’ailleurs dissuader les concurrents de la SNCF à exploiter des lignes. On sait que de nouvelles hausses sont prévues pour les lignes à grande vitesse. La majoration pour les transporteurs s’élèvera à 7,6 % en 2024. Cette hausse prévisionnelle fait peser un risque inflationniste sur le prix des billets, qui ont déjà augmenté de 5 % au mois de janvier 2023. Dans un rapport du mois de mars de la commission des finances du Sénat, il a été critiqué le coût disproportionné des péages en France par rapport à nos voisins européens car ils constituent un frein majeur au développement du transport ferroviaire. Ce rapport recommande de remettre à plat le mode de financement du réseau, en s’inspirant des modèles ayant cours dans la plupart de nos partenaires européens. Nous avons aujourd'hui une tarification opaque issue du yield management, technique permettant de maximiser la recette par voyageur transporté et par kilomètre parcouru. La SNCF met en œuvre cette technique pour la tarification des billets du TGV depuis 1993. De nombreux rapports, notamment celui de la Cour des comptes, ont dénoncé le manque de lisibilité de ce mode de tarification, notamment la vitesse d’augmentation des prix en fonction de la demande. En concertation avec le ministre des transports, la hausse de 2023 a été estimée à 5 %. En réalité, elle risque d’être de 14,6 % selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et nous voterons pour cette proposition de loi.

M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). 13,3 millions, c’est le nombre de Françaises et de Français en situation de précarité en matière de mobilité, c’est-à-dire qui ne peuvent pas se déplacer dans des conditions satisfaisantes pour aller travailler, faire leurs courses, accéder à la santé. Au cours de la dernière année, l’inflation sur les biens alimentaires a atteint 25 %. Le seuil des 9 millions de pauvres est dépassé. Au niveau mondial, l’augmentation des températures est de + 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. En France, le transport est responsable de 32 % des émissions de gaz à effet de serre. 51 % de ces émissions du transport tiennent à la voiture. 74 % des trajets domicile-travail sont réalisés en voiture.

Ce constat appelle à développer les offres de transport moins émissives que la voiture individuelle et accessibles économiquement. L’enjeu est double : atténuer au maximum le changement climatique et garantir le droit à la mobilité pour les populations durement affectées par l’inflation et autres mesures austéritaires.

Cette revendication d’abaissement de la TVA à 5,5 % sur le train proposé aujourd’hui par le groupe LR est aussi portée depuis de nombreuses années par la France insoumise, mais nous plaidons pour qu’elle soit étendue à tous les transports en commun. Les produits bénéficiant d’une TVA à 5,5 % sont des biens de première nécessité. Or se déplacer est un bien de première nécessité, comme rappelé par le rapporteur, au même titre que l’alimentation ou l’énergie.

Pour La France insoumise NUPES, les débats sur ces sujets devraient être plus fréquents à l’Assemblée. Nous ferons notre possible pour que cet abaissement ne se limite pas aux seuls trains régionaux, mais concerne bien tous les transports collectifs terrestres.

M. Victor Habert-Dassault (LR). Dans la politique de transport française, un levier semble ne pas avoir encore été véritablement envisagé pour favoriser l’utilisation du transport ferroviaire : les mesures fiscales d’encouragement. Chaque jour, plus d’un million de personnes effectuent un trajet en TER. Or, pour un habitant de l’Oise, un abonnement annuel de TER pour effectuer le trajet Beauvais-Paris représente un budget de 2 280 euros. Ce que proposent Antoine Vermorel-Marques et Marc Le Fur, et plus largement le groupe Les Républicains, c’est de réduire le taux de TVA sur les billets des TER de 10 à 5,5 %. Le coût de cette mesure serait de 246 millions d’euros par an. Comparés aux 27 milliards d’euros d’économies par an que le groupe Les Républicains a proposées dans son contre-budget, c’est une goutte d’eau pour de grands effets.

Aujourd’hui, prendre un billet de TER est souvent plus coûteux qu’effectuer un trajet en voiture individuelle. En accompagnant la réduction des taxes sur les billets de train, nous pourrons encourager l’usage des transports ferroviaires sans mettre en péril le budget des Français. Nous voulons de l’écologie positive, celle qui encourage et permet aux Français de décarboner leurs habitudes sans perdre du pouvoir d’achat. C’est par l’incitation individuelle, et non par de brusques mesures coercitives que nous arriverons à faire des trajets de train un quotidien pour tous.

Cette mesure ne sort pas de nulle part. Elle a été proposée par la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi par les sénateurs à l’occasion des PLF pour 2021, 2022, 2023 et 2024, mais toujours refusée par le Gouvernement. Les externalités positives sont pourtant nombreuses. Pour l’environnement, ce sont une réduction du trafic routier, une baisse de la consommation en carburant et donc une baisse des émissions de particules fines. Pour l’usager, c’est un gain de pouvoir d’achat. Cette proposition de bon sens ne coûtera pas plus que certaines politiques de l’État, mais reste essentielle pour une politique globale du rail français.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

M. Luc Geismar (Dem). Le groupe LR nous propose aujourd’hui de faire baisser le prix des billets des TER en leur appliquant un taux de TVA réduit. Nous partageons le constat général posé par la proposition de loi (PPL). En effet, alors que le train est un moyen de transport moins polluant, il est crucial de réfléchir à des dispositifs qui sont efficaces pour renforcer son attractivité financière par rapport à la voiture ou à l’avion, dans un objectif de lutte contre le réchauffement climatique.

Toutefois, nous ne partageons pas la méthode qui nous est proposée. Envisager une baisse de la TVA sur les billets des TER pour en faire baisser le prix relève à notre sens de la fausse bonne idée, séduisante en apparence mais inefficace dans les faits. Les régions, en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité, fixent chacune individuellement les tarifs des billets sur les lignes de TER qu’elles organisent, en tenant compte des contraintes qui leur sont imposées par les négociations conventionnelles. Les régions pourraient donc en toute liberté décider de ne pas respecter la baisse de la TVA sur les prix, ce qu’elles feront certainement.

Nous avons constaté à diverses reprises dans l’histoire récente que la TVA était un très mauvais outil pour agir sur les prix. Par exemple, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, la baisse de la TVA sur la restauration a surtout profité aux restaurateurs et ne s’est pas traduite par une baisse équivalente des prix, loin sans faut. Finalement, la seule certitude que nous aurions avec l’adoption de cette PPL serait la perte sèche de recettes pour l’État. C’est quand même la bagatelle de 246  millions d’euros par an !

Au vu de l’inefficacité du dispositif proposé pour faire baisser le prix du billet de TER et du coût certain pour nos finances publiques, le groupe démocrate votera contre cette proposition de loi. Pour renforcer l’attractivité financière des TER, il faut continuer de rechercher des moyens opérants à un coût maîtrisé pour faire baisser les prix. Dans cette optique, la piste de la baisse des prix des péages ferroviaires est actuellement expertisée à la demande du Gouvernement.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Face à l’urgence climatique, la recherche de solutions pour faire baisser drastiquement nos émissions de CO2 s’impose. Le texte de notre collègue Antoine Vermorel-Marques vise cet objectif en proposant de faire baisser les prix des billets des train express régionaux via une baisse de la TVA de 10 à 5,5 %. D’emblée, je souhaite indiquer que les députés socialistes et apparentés soutiendront cette mesure.

Cependant, si nous la considérons souhaitable, une baisse de la TVA sur le TER demeure sans doute seulement une première étape.

Les tarifs des billets sont effectivement déterminés par les régions, mais il importerait que la représentation nationale se penche sérieusement sur le sujet. Par exemple, en Île-de-France qui regroupe 18 % de la population française, la situation devient insoutenable avec un pass Navigo qui augmente d’année en année parallèlement à un service qui se dégrade.

En somme, si la présente proposition de loi est probablement insuffisante et seulement une première étape, elle revêt néanmoins une ambition que le groupe des députés socialistes et apparentés ne peut que soutenir, d’autant que nous proposons depuis plusieurs années des mesures du même ordre, certes plus larges mais malheureusement balayées par les 49.3, comme chacun le sait.

Cette proposition de loi est donc un premier pas que nous soutenons car elle permet de combiner lutte pour le climat et pouvoir d’achat.

Mme Félicie Gérard (HOR). Nous étudions aujourd’hui la proposition de loi visant à baisser le prix des billets des trains express régionaux par une fiscalité allégée. À l’heure où la transition écologique s’impose à nous, il est primordial de mettre en place des mesures. En ce sens, encourager l’usage du TER afin de réduire les émissions de CO2 apparaît tout à fait pertinent. Nous saluons donc l’initiative.

Même si nous partageons l’objectif, nous émettons quelques réserves quant au choix de recourir à la baisse du taux de TVA de 10 à 5,5 % sur les billets des TER.

Tout d’abord, comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport sur la TVA rendu en février 2023, il est peu probable qu’une baisse de la TVA se traduise par une baisse du prix des billets. Si tel était le cas, cela aurait un effet limité sur la fréquentation des lignes. Le prix est un facteur important dans l’encouragement de l’utilisation d’un mode de transport plutôt qu’un autre, mais il n’est pas le seul déterminant. L’utilisation d’un mode de transport varie aussi selon le maillage territorial, la durée des trajets ou encore la qualité de l’offre. Par ailleurs, le choix de cibler uniquement les billets des TER apparaît contestable. Les Transilien, TGV et Intercités permettent également des allers-retours domicile-travail. Nous partageons l’objectif porté par cette proposition de loi, mais nous pensons que l’efficacité de la baisse de la TVA sur le prix des billets des TER reste à démontrer.

Par ailleurs, des investissements massifs dans le réseau ferroviaire sont nécessaires et à ce titre, l’État souhaite engager 100 milliards d’euros supplémentaires dans le transport ferroviaire d’ici 2040. Ce sujet donnera lieu à d’autres discussions sur lesquelles nous pourrons nous retrouver.

En attendant, pour les raisons évoquées plus haut, le groupe Horizon et apparentés votera contre ce texte.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Le dérèglement climatique est sans conteste le défi le plus puissant auquel l’humanité est confrontée. Dans notre pays, la décarbonation du secteur des transports, qui est à l’origine de près du tiers de l’ensemble des émissions nationales, représente un enjeu majeur. Notre politique publique des transports doit donc être envisagée sous le double prisme de ses impacts écologiques et sociaux, afin de favoriser la décarbonation du secteur. Cela passe inévitablement par un soutien marqué aux transports les moins émetteurs, tels que le transport ferroviaire.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cette approche incitative pour guider les usagers vers un mode de transport peu polluant. Nous l’avons déjà dit : partout où il y aura une volonté de décarbonation, les écologistes seront présents.

Ce texte remplit en partie l’une des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) qui proposait une baisse de la TVA sur les billets de train hors TGV, une mesure hélas rapidement écartée par le Gouvernement, malgré l’engagement du Président de la République de reprendre « sans filtre » les propositions de la CCC.

Avec les écologistes, nous proposons depuis le début de la législature des amendements pour réduire le taux de TVA sur tous les transports collectifs publics et privés de voyageurs, à l’exception du transport aérien. Il s’agit de mesures incitatives fortes, en phase avec des enjeux écologiques et sociaux, notamment en cette période inflationniste qui réduit fortement le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ces amendements présentés en commission n’ont jamais été adoptés ni compris par les membres de la commission, notamment ceux qui présentent aujourd’hui cette PPL que nous allons approuver.

Ce texte offre à nouveau l’occasion d’intégrer des mesures pour avoir une approche cohérente de notre politique publique des transports. Le double prisme des impacts écologiques et sociaux commande de rétablir une juste contribution du transport aérien. Nous en reparlerons lors d’un amendement, car ce secteur, fortement émetteur de CO2, continue de bénéficier d’un certain nombre d’avantages fiscaux injustifiés. Nos amendements permettront de tendre vers cette justice fiscale.

Nous soutiendrons cette proposition de loi, qui est un tout petit premier pas vers un report modal en faveur du train.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). La proposition de loi va dans le sens des propositions portées par les élus communistes qui souhaitent adapter la fiscalité aux enjeux environnementaux. Le droit à la mobilité comme moyen d’émancipation fondamentale de toutes et de tous, quel que soit son niveau de revenus ou son lieu d’habitation, doit être défendu. À l’heure de l’urgence climatique, il s’agit de considérer tous les transports publics comme un bien essentiel et donc de leur appliquer un taux de TVA de 5,5 %. Il s’agit là d’une mesure de bon sens, encourageant le recours aux mobilités douces tout en préservant le pouvoir d’achat des ménages.

Si rien n’est fait rapidement, l’offre de transports va chuter et les prix vont exploser. Malheureusement, c’est ce qu’il semble se dessiner en Île-de-France avec la perspective des Jeux olympiques et paralympiques. Au regard de la situation, il semble indispensable d’évoquer l’augmentation annoncée de l’offre de transports durant l’accueil des compétitions sportives. Le ticket de métro unitaire passera à 4  euros, contre 2,10 euros aujourd’hui. Un pass Navigo Paris 2024 sera créé, à un tarif unique de 70 euros la semaine, contre 30 euros actuellement. Enfin, une nouvelle augmentation de tous les abonnements du pass Navigo pourrait entrer en vigueur en janvier 2024. Ces augmentations ne doivent pas peser sur le budget des ménages, déjà fortement ponctionné par l’inflation. Les transports publics ne doivent pas devenir un luxe, mais un bien collectif, accessible à tout le monde. C’est la raison pour laquelle les élus communistes ont demandé l’augmentation du versement mobilité à l’approche des Jeux olympiques. Le groupe GDR sera particulièrement attentif aux enjeux du financement des transports publics. Plus qu’une simple prérogative des régions, le transport est un enjeu politique, économique et écologique.

Le groupe GDR votera pour cette proposition de loi.

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai plusieurs questions à poser au rapporteur.

Tout d’abord, vous avez indiqué que le coût budgétaire de la mesure serait compris entre 50 et 250 millions d’euros. Comment une estimation peut-elle aller du simple au quintuple ?

Je rappelle que le TER regroupe tous les transports régionaux, trains et cars, réalisés par SNCF Voyageurs, à l’exception de l’Île-de-France, de la Corse et des outre-mer. Pourriez-vous donc préciser le champ d’application de votre proposition ?

Sur le plan économique, cette mesure aura-t-elle des répercussions sur le consommateur ? Toutes les études démontrent que les petites mesures de baisse de taux sont captées et que le consommateur n’en bénéficie finalement pas. Avez-vous des estimations de report modal puisque certaines lignes sont saturées ?

En matière écologique, la Cour des comptes rappelait dans son rapport de 2019 sur les TER que, sur un total de 20 489 kilomètres de lignes de chemin de fer, 11 853 kilomètres étaient électrifiés. Avec ces lignes non électrifiées, beaucoup de TER sont des catastrophes écologiques. Comment l’appréhendez-vous ?

Beaucoup des habitants des zones rurales utilisent une voiture pour se déplacer faute d’offre. En Ardèche, par exemple, il n’y a aucun TER. Cette mesure va donc profiter plutôt aux métropoles. Pourriez-vous donc nous éclairer sur ce point et nous dire en quoi cette mesure ira dans le sens d’une plus grande justice sociale ?

Mme Véronique Louwagie (LR).  Je laisse maintenant la place aux questions de nos collègues.

M. Patrick Hetzel (LR). À mon tour, je voudrais soutenir cette proposition qui fait sens en alignant le taux de TVA des billets des TER sur celui appliqué aux biens de première nécessité. En effet, beaucoup de nos concitoyens ne peuvent pas faire autrement qu’utiliser les transports en commun. Cette proposition répond à une préoccupation de préservation du pouvoir d’achat, de démocratisation du rail et de décarbonation de l’économie. Par ailleurs, la France est l’un des pays européens où le prix du billet de train est le plus élevé. Cette situation doit nous interroger. Si nous voulons modifier nos politiques publiques, cette PPL va dans le bon sens.

M. David Valence (RE). Premièrement, le bénéfice d’une TVA réduite me semble surestimé. C’est en fait une goutte d’eau. Dans la région Grand Est, le budget dévolu chaque année à la SNCF est de plus de 560 millions d’euros. On parle d’une somme qui permettrait de faire rouler une centaine de trains supplémentaires si les régions réinvestissaient ces sommes à 100 % sur l’offre. À titre d’exemple, dans le périmètre de Strasbourg, avec la mise en place du service express régional métropolitain, nous faisons rouler cette année 640 trains de plus. La mesure serait donc assez diluée et assez peu efficace pour augmenter l’offre.

Deuxièmement, il est souvent utilisé l’argument qu’Île-de-France Mobilités a été récemment soutenu pour justifier la proposition. Cependant, les autres régions bénéficient d’une aide de l’État à laquelle l’Île-de-France ne peut prétendre, à savoir le paiement de la redevance d’accès. Il existe donc déjà un soutien très fort de l’État à l’offre TER.

Troisièmement, je pense que cette mesure aurait un intérêt dans le cadre d’un partenariat entre les régions et l’État pour assurer que les régions mettent en place plus de trains. Baisser le prix du billet alors qu’il est l’un des plus faibles d’Europe, contrairement à ce que vient de dire M. Hetzel, ne serait pas efficace. Il faut plus de trains. Ce serait donc une mesure intéressante, mais dans le cadre d’un partenariat.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Mon intervention ira dans le sens de celle de Charles de Courson, car nous devons en effet avoir la certitude que la baisse de TVA bénéficiera bien à l’usager avant de statuer. Nous savons pertinemment que des baisses de TVA sont souvent sans effet sur le consommateur ou disparaissent très vite. Notre attention doit donc porter sur le fait que la baisse des TVA puisse effectivement profiter aux usagers des transports.

M. Marc Le Fur (LR). En France, le train est cher et même très cher. L’exemple donné plus tôt sur le montant de l’abonnement annuel pour les trajets Beauvais-Paris à plus de 2 000 euros en est la preuve.

Il faut aussi rappeler que les TER n’ont pas retrouvé le trafic qu’ils connaissaient avant la crise de la covid-19. Cette baisse tient à un élargissement du télétravail, mais aussi au fait que les travailleurs ont pris d’autres habitudes et constaté que le train n’était pas si avantageux que cela. Aussi me semble-t-il que la proposition de loi est intéressante.

D’aucuns craignent enfin que les régions gardent pour elles l’avantage relatif de la baisse de TVA. Je crois que c’est une question qu’il faut effectivement se poser. Cependant, nous faisons face ici à un petit nombre d’opérateurs qui sont des responsables politiques que je n’imagine pas ne pas répercuter la baisse alors même que la décision est publique.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je suis surpris que Les Républicains portent cette mesure, qui repose sur une baisse des recettes. C’est peut-être le signe que des coupes budgétaires sont envisagées ailleurs ou qu’une augmentation des impôts sera envisagée pour compenser la perte de recettes.

Je souhaite également pointer un autre argument non encore cité, à savoir le manque de ciblage de la mesure. La réduction de la TVA sur les billets des TER va profiter à tous les usagers, indépendamment de leur niveau de revenus. Cela pourrait être considéré comme moins efficace qu’une mesure ciblée permettant d’aider les personnes les plus touchées par le coût des transports. C’est un argument supplémentaire pour rejeter la PPL.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme déjà indiqué par Mme Grangier, nous soutiendrons cette proposition de loi. Le seul conseil que j’ai à donner à mes collègues LR, c’est qu’il suffit de garantir par un amendement la rétrocession de la baisse du taux de TVA aux consommateurs. Une clause peut par exemple être intégrée dans toutes les conventions qui lient les régions à la SNCF. Une telle mesure permettrait d’avoir un débat sur le fond plutôt que de partir sur des accusations infondées et illogiques.

Il est évident que le transport public est un bien de première nécessité et que le taux de TVA doit être de 5,5 %. Il faut par ailleurs arrêter ces taux intermédiaires auxquels personne ne comprend rien.

Toutefois, au-delà de ce nouvel avantage fiscal accordé aux transports ferroviaires, et donc à la SNCF, il faudrait se pencher sur le coût du train alors que la structuration de ses coûts reste opaque. Pourquoi le train est-il si cher en France malgré les subventions massives accordées par les régions ? Elles ont été de 3  milliards d’euros d’après les derniers chiffres disponibles. Pour autant, le service est dégradé. Étant moi-même usager quotidien du train depuis 22 ans, je peux témoigner que la situation ne fait que s’aggraver. Les Français ne comprennent pas où va leur argent.

M. Pascal Lecamp (Dem). J’ai eu la chance de vivre dans une quinzaine de pays, dont cinq ou six pays européens. Qu’on me trouve des pays où le transport régional est moins cher qu’en France !

Mme Véronique Louwagie (LR). Je souhaite saluer les aspects vertueux de cette proposition de loi qui répond à deux enjeux : un levier de décarbonation, auquel nous sommes très attachés, mais qui a été peu relevé dans les débats ; et une mesure de pouvoir d’achat.

Le coût évalué à un peu moins de 250 millions d’euros a fait beaucoup débat. Pouvons-nous imaginer que ce coût soit pris en compte dans le montant qui a été annoncé par le Gouvernement de 100 milliards d’euros à échéance 2040, dont nous ne connaissons pas aujourd’hui la déclinaison ?

Pour nous assurer que cette baisse de TVA sera bien répercutée sur l’usager, pouvons-nous imaginer que des engagements avec la direction de la SNCF et les collectivités soient pris pour que cette mesure soit, au moins en partie, répercutée sur le prix des billets ?

Enfin, j’ai entendu un certain nombre de nos collègues indiquer qu’il faudrait aller plus loin. Je crois que l’on ne peut intervenir que de manière progressive et que la mise en place de ce dispositif serait une première pierre avant de bâtir une baisse de TVA plus large.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Vos interventions nombreuses témoignent du prestige qui entoure cette commission et de votre perspicacité.

M. le rapporteur général, vous évoquez la fracture territoriale et le fait que cette mesure serait financée par la France de la ruralité. Je suis désolé de vous dire que de nombreux territoires ruraux bénéficient aujourd'hui du TER. J’habite dans une circonscription où la défense des petites lignes, qui est d’ailleurs un combat partagé avec le Gouvernement, participe au maintien des infrastructures ferroviaires françaises. C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi cible davantage les TER que les TGV qui, eux, servent effectivement les grandes métropoles.

De nombreuses questions ont porté sur la traduction de la baisse de la TVA dans les prix. Cependant, contrairement à ce que nous avons connu par le passé dans la restauration, cette baisse bénéficiera en tout cas aux trains, soit par une baisse du prix du billet, soit par une augmentation des recettes des autorités organisatrices qui pourront alors les réinvestir. Pour les Français qui affirment qu’ils ne prennent pas le train car il est trop cher, cette baisse de la TVA permettrait de diminuer le prix des billets de train. Pour les Français qui ne prennent pas le train car il n’est pas suffisamment régulier ou ponctuel, cette mesure permettrait d’améliorer l’offre.

En réponse à Mme Caroit qui redoute que la variation de prix ne soit pas significative, je rappelle que lorsque l’Allemagne est passée en 2020 d’un taux de TVA de 19 à 7 %, la fréquentation des trains a augmenté de 10 %.

Mme Grangier, je suis tout à fait favorable au fait de remettre à plat les péages ferroviaires et de regarder comment la concurrence pourrait augmenter en France. Cependant, ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi et ce sujet nécessite un travail approfondi.

M. Carrière, une baisse de la TVA sur les TER, qui nous paraît être une priorité collective, constitue un premier pas vers une baisse de la TVA sur d’autres types de transports. Je vois que cette proposition crée beaucoup de débats et de remous. À titre personnel, je serais favorable à une baisse de la TVA sur l’ensemble des transports en commun terrestres, mais je vois que cette mesure-là ferait moins consensus que la première. Par conséquent, je préfère un premier petit pas qu’un grand pas qui n’aboutirait pas.

Pour répondre aux questions des collègues de mon groupe, je rappelle que le Gouvernement a pris l’engagement fort de mobiliser 100 milliards d’euros pour le train d’ici 2040. Je regrette cependant que nous ne puissions pas franchir un petit pas de plus en acceptant cette dépense supplémentaire de 250 millions d’euros dès maintenant.

Pour répondre à Luc Geismar, la baisse de la TVA permettra soit de réduire le prix des billets de train, soit d’abonder les recettes des autorités organisatrices de la mobilité. J’entends aussi la question de Mme Gérard qui demande si cette mesure aura un impact à la fois sur la demande et sur l’offre, et qui pose la question de l’élargissement de la mesure aux TGV et trains Intercités. Ce que je vous propose, c’est de mener une expérimentation pour un coût modeste, de l’ordre de 50 à 250  millions d’euros. Si cette expérimentation s’avère fructueuse, nous pourrons évidemment l’élargir à d’autres modes de transport.

Pour répondre à ma collègue Christine Arrighi, dont je salue le travail effectué sur cette question au cours des dernières années, je reconnais que la Convention citoyenne pour le climat militait pour une baisse de la TVA plus large que sur les seuls TER. Ce point rejoint aussi la remarque de Jean-Marc Tellier concernant la fiscalité environnementale, préoccupation que nous partageons. Ces problématiques sont souvent abordées dans le débat public, mais ne se traduisent malheureusement pas toujours en actes législatifs.

Pour répondre aux questions de Charles de Courson, tout d’abord concernant l’évaluation du coût, notre estimation s’appuie sur le chiffre d’affaires réalisé par la SNCF sur les TER, à savoir 5 milliards d’euros. La baisse proposée de la TVA aboutirait au montant de 246 millions d’euros. En revanche, sur la base des seules recettes d’exploitation (1,5 milliard d’euros), le même pourcentage de baisse de la TVA aboutirait à 70 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle le montant maximal de la mesure est de 246 millions d’euros, mais cette mesure pourrait représenter un coût moindre pour l’État, de l’ordre de 50 ou 70 millions d’euros, en fonction de l’assiette retenue pour effectuer le calcul. Pour ce qui concerne le champ d’application, je réaffirme que la mesure ne concernerait que le transport express régional ferroviaire même si je suis favorable, à titre personnel, à une baisse de la TVA sur l’ensemble des transports en commun terrestres.

Concernant le report modal, je pourrai vous transmettre le rapport qui montre que la baisse de la fiscalité sur les trains régionaux en Allemagne a conduit à enregistrer une augmentation de 30 % de la fréquentation des trains. Cependant, outre-Rhin, deux mesures ont été prises : la mise en place d’un abonnement unique et la baisse de la TVA.

Sur la question écologique, nous devons effectivement électrifier nos TER, mais je crois qu’il vaut mieux un TER plein qui roule au diesel qu’un TER vide qui roule au diesel !

Enfin, en matière de justice sociale, certains territoires ruraux sont connectés aux métropoles grâce aux TER – même si ce n’est pas le cas de tous, je le concède – et cette possibilité d’intermodalité est un enjeu majeur de cette proposition de loi.

M. Valence, je connais votre expertise en matière de transport ferroviaire. Vous parlez d’une goutte d’eau de l’ordre de 100 trains supplémentaires par région en concluant que la France a besoin de plus de trains. Cependant, je préfère 100  trains de plus par région dès maintenant plutôt que 100 milliards d’euros d’ici 2040.

M. Laqhila, vous vous étonnez que LR porte cette proposition de loi, mais j’ai envie de vous répondre que vous n’avez pas le monopole de l’écologie. Au sein de mon groupe, nous avons la chance d’avoir des personnes qui travaillent depuis très longtemps, dont Marc Le Fur et Philippe Tabarot au Sénat, sur la baisse de la TVA sur les transports en commun.

M. Tanguy, le coût du train en France est un enjeu majeur. Envisager la rétrocession aux consommateurs de la baisse de la TVA par voie d’amendement est une possibilité. Pour l’instant, aucun amendement ne porte cette initiative. Cela étant, je suis favorable à une baisse de la TVA, soit pour augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens, soit pour améliorer le confort et la régularité des trains.

En conclusion, après avoir annoncé la mobilisation de 100 milliards d’euros en faveur du train d’ici 2040, nul ne peut s’opposer à une augmentation du budget ferroviaire des régions de l’ordre de 250 millions d’euros dès maintenant.

 

 


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   EXAMEN des articles

Article 1er
Réduction du taux de TVA de 10 % à 5,5 % sur les trains express régionaux

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article retire les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional des services soumis à une taxe sur la valeur ajoutée de 10 %, pour les intégrer à la catégorie des services soumis à un taux de 5,5 %.

Modifications apportées par la commission

La commission des finances a rejeté cet article.

A.   l’état du droit

Les articles 278-0 à 281 octies du code général des impôts définissent différents taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le transport public de voyageurs est soumis au taux de 10 % ([27]). Ce taux, antérieurement fixé à 5,5 %, a été relevé successivement à 7 % en 2012 et 10 % en 2014.

B.   lE dispositif proposé

Le premier alinéa indique que la proposition de loi modifie le code général des impôts.

L’alinéa 2 précise que c’est tout d’abord l’article 278-0 bis qui est complété. Cet article concerne les produits et services pour lesquels le taux réduit de TVA à 5,5 % s’applique. L’alinéa propose de rajouter une catégorie de produits ou services bénéficiant de la TVA à taux réduit. Faisant suite à la numérotation par ordre alphabétique de A à N, l’alinéa 3 complète l’article 278-0 bis avec un nouvel item :

 « O. – Les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional, au sens de l’article L. 2121-3 du code des transports. »

L’article L. 2121-3 du code des transports définit les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional comme les « services publics de transport ferroviaire de voyageurs exécutés dans [le] ressort territorial [de la région] ou desservant son territoire ».

En conséquence, l’alinéa 4 supprime les transports ferroviaires de voyageurs d’intérêt régional de la liste figurant à l’article 279 du code général des impôts qui énumère les produits et services soumis au taux de TVA de 10 %. Il complète pour ce faire le b quater de l’article 279, qui inclut les « transports de voyageurs » parmi les services concernés par la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 10 %, par les mots «, à l’exception du transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional, au sens de l’article L. 2121-3 du code des transports. ».

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*     *

Amendement CF1 de M. Sylvain Carrière

M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). Un texte visant à appliquer une TVA de 5,5 % sur les TER est justifié puisque le droit de se déplacer est de première nécessité pour nos concitoyens, au même titre que se nourrir ou se chauffer. Pourtant, parmi les 35 000 communes que compte notre pays, seules 2  506 accueillent une gare à laquelle les TER marquent l’arrêt. C’est moins de 7 %. Je ne parle même pas des départements et régions ultramarins qui ne sont pas équipés d’un réseau ferré. Dès lors, restreindre cet abaissement au seul TER est un signal d’abandon supplémentaire envoyé aux populations rurales.

Pourquoi ne pas étendre la mesure au réseau de bus et d’autocars ou même à tous types de transports en commun terrestre ? Cette proposition a été portée et votée au Sénat de manière transpartisane. L’argument principal cité pour la refuser est celui du prix : 280 millions d’euros selon les sénateurs, un milliard d’euros selon certains comptables qui ne voient dans certaines mesures sociales que des dépenses !

Cependant, raisonner uniquement en matière de coût est une erreur, car 40 000 personnes meurent tous les ans en partie à cause de l’usage massif de la voiture.

Cet amendement, qui va sans aucun doute recevoir un avis favorable du rapporteur, vise à compléter cette proposition de loi, qui demeure un bel appel d’air à des transports plus écologiques.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suggère de procéder par étapes. Je considère que les trains régionaux sont des trains prioritaires, car ce sont des trains du quotidien. L’objectif est également de circonscrire cette proposition dans un coût modeste pour qu’elle puisse être adoptée. Au travers de la question du manque d’inclusivité des territoires ruraux se cache aussi la question de l’acceptabilité sociale de certaines taxes, en particulier de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui devait financer uniquement les transports en commun et la transition écologique. Or 80 à 90 % de cette taxe n’est pas dédiée à cet objectif. Nous pouvons donc imaginer que le financement de la proposition de loi passe par la TICPE et que ce prélèvement revienne vers les transports en commun. Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ou un avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis très surpris par la position du rapporteur, car tous les arguments avancés dont celui portant sur l’élasticité du prix, sont également valables dans l’hypothèse d’une extension de la mesure. On voit que votre proposition n’est pas cohérente et je vous encourage à voter contre.

Je souhaite ajouter deux remarques. Premièrement, j’observe que le rapporteur a lui-même fait l’aveu qu’il n’était pas absolument certain que la baisse de la TVA serait répercutée sur le prix. Au pire, cette mesure permettra de reconstituer les marges des régions, mais ce n’est pas l’objectif de la mesure. Deuxièmement, cette baisse de la TVA privera l’État et les collectivités territoriales de 250 millions d’euros de recettes alors que, justement, ce budget est nécessaire à l’État pour investir dans le transport ferroviaire et tenir son plan d’investissement de 100 milliards d’euros.

M. David Valence (RE). La proposition est confuse, d’abord car elle repose sur des constats erronés. Dire que les tarifs des TER sont élevés en France, c’est une contrevérité à l’échelle européenne. Tout le monde le sait : vous jouez sur la confusion entre les tarifs TGV et les tarifs TER. Les tarifs TER sont peu élevés. Dire que le trafic TER n’a pas repris est également faux et toutes les statistiques de fréquentation le démontrent, y compris en Bretagne M. Le Fur ! De même, annoncer que la baisse de la TVA se répercutera dans le prix payé par le consommateur est incorrect, car c’est penser que toutes les régions ont un budget annexe transport, ce qui n’est pas le cas de la plupart d’entre elles. L’effet de cette baisse sera donc noyé dans le budget général des régions. Enfin, je pense que vous ne savez même pas à quoi vous voulez utiliser cette baisse de TVA, car nous notons dans votre discours une confusion entre la baisse du tarif et l’augmentation de l’offre. On ne peut pas faire les deux, a fortiori avec une goutte d’eau dans la mer ! Une proposition de loi qui repose sur des bases floues et qui poursuit des objectifs confus doit être rejetée.

Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. En réaction à vos propos, il me semble que la baisse des tarifs peut participer à une augmentation du nombre d’usagers.

M. Patrick Hetzel (LR). Pour moi, il n’y a aucune confusion dans les propos du rapporteur qui affirme sans ambiguïté qu’il est favorable à une baisse de la TVA sur l’ensemble du transport ferroviaire. Ce n’est donc pas de l’ambiguïté, mais du pragmatisme. M. le rapporteur général, avec les propos que vous tenez, vous voulez en réalité torpiller la mesure parce que vous savez pertinemment que, pour dégager une majorité sur ce texte, il faut limiter sa portée aux TER. En agissant ainsi, vous faites preuve d’une malice incroyable, car vous savez pertinemment que, pour faire passer ce texte, il faut commencer par l’appliquer aux transports express régionaux. Tout cela est dans l’intérêt de nos concitoyens. Tout le reste, ce sont des arguties. M. Valence, permettez-moi de vous dire que c’est vous qui êtes confus pour une fois, hélas !

Mme Eléonore Caroit (RE).  Je peine à comprendre pourquoi il faudrait commencer par les TER qui restent l’un des moyens de transport en commun les moins chers. Effectivement, si cette mesure fonctionnait, ce qui reste à démontrer, si elle avait une répercussion sur les prix qui nécessiterait un garde-fou, si une contrainte était imposée aux autorités organisatrices, ce qui n’est pas le cas dans votre proposition de loi, il faudrait commencer par les moyens de transport les plus onéreux qui ne sont pas les TER.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Tout d’abord, l’ambiguïté ne réside ni dans notre groupe politique ni dans les autres groupes politiques d’opposition qui ont exprimé une position claire. Je rappelle que le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. Jean-Marc Zulesi, a déposé un amendement similaire tout comme notre collègue Robin Reda, membre du groupe Renaissance, pour la discussion du PLF pour 2024 ainsi que d’autres collègues de la majorité. Si ces amendements ont été déposés, c’est bien que le débat est clair.

Ce que je regrette, c’est que cette mesure qui fait consensus au Sénat et qui transcende nos appartenances politiques semble se heurter à un mur qui est celui d’une majorité relative, qui n’est pas cohérente d’ailleurs entre les deux chambres. En effet, certains de vos collègues sénateurs ont voté cette mesure mercredi dernier et certains de vos collègues députés déposent des amendements similaires au PLF 2024.

Je le répète : cette mesure bénéficiera aux trains, soit par une baisse du billet de train, soit par une augmentation de l’offre, car, à la différence d’autres mesures, cette baisse de la TVA concernera un acteur public.

J’exprime donc de nouveau le souhait que cette proposition soit adoptée dans le consensus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF13 de Mme Christine Arrighi et amendements CF2, CF3, CF4 et CF5 de M. Sylvain Carrière (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je ne sais pas si nous sommes confus ou non, mais, en tout cas, les écologistes sont très clairs dans leur discours en plaidant depuis très longtemps pour la mise en place d’une fiscalité allégée pour les transports collectifs publics et privés à l’exception du transport aérien.

Le secteur des transports représente environ 32 % des émissions de gaz à effet de serre. Le Haut Conseil pour le climat indique que le secteur des transports doit fortement accélérer son rythme de réduction des émissions pour respecter la trajectoire définie par la stratégie nationale bas-carbone. Il faut absolument développer une politique incitative en faveur des modes de transport les moins polluants et, à ce titre, étendre ce dispositif à tous les transports collectifs, publics et privés de voyageurs.

M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). L’amendement CF2 est un amendement de repli de celui que vous venez de rejeter.

Nos propositions sont fort logiques et permettez-moi de me livrer à une démonstration libérale des avantages massifs du train par rapport à la voiture en me focalisant, cette fois, sur le volet économique. Dans un article paru dans Les Échos en 2014, il était avancé que le coût des embouteillages en France s’élevait à 46 millions d’euros par jour, soit 17 milliards d’euros par an. C’est un résultat sans appel ! Cette évaluation prenait en compte le carburant gaspillé, l’usure accélérée des véhicules, bref des heures de production perdues si l’on utilise un vocabulaire libéral ! Au final, ce sont 677 euros perdus en moyenne par foyer et par an, bien loin de l’éventuel milliard de manque à gagner par une TVA abaissée, montant qui reste encore à être prouvé par ailleurs. Cette démonstration étant apportée sur le coût de la congestion, il faut ajouter le coût d’entretien des routes, la pollution atmosphérique et ses 40 000 morts annuels, ou encore la dépendance absolue à la « bagnole » qui tourne au carburant, dont personne ne maîtrise ici les prix.

En conclusion, inciter à prendre le train est essentiel. Des changements de comportement sont nécessaires. Il nous faut également garantir le droit à la mobilité de nos concitoyens. C’est le sens de l’amendement qui vise à abaisser la TVA à 5,5 % sur tous les trains. Ces arguments valent également pour l’amendement CF4.

Mme Farida Amrani (LFI-NUPES). Le train est un enjeu social et un levier écologique important. Cette PPL va donc globalement dans le bon sens. Pour celles et ceux qui sont comme moi attachés au service public et ont le sens de l’intérêt général, il est important de mettre le train au cœur de la transition écologique dont le pays a cruellement besoin. Avec l’amendement CF3, nous souhaitons l’extension de l’abaissement de la TVA à tous les trains Intercités qui sont des trains du quotidien. Cette mesure apparaît urgente à l’heure où 13,3 millions de personnes sont en précarité mobilité, que 4,3 millions de Français ne possèdent ni voiture individuelle ni abonnement à un transport collectif et surtout que le prix du carburant ne cesse d’augmenter. Cette mesure constituerait un premier pas pour la lutte contre le réchauffement climatique et pour la construction d’une mobilité sociale en France.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). L’amendement CF5 vise à réduire le taux de TVA pour les Intercités de nuit. Les trains de nuit permettent de voyager sans sacrifier une journée entière de trajet, tout en étant respectueux de l’environnement. En ce sens, ils constituent une alternative importante à l’avion. C’est malheureusement un mode de transport qui a progressivement été démantelé. Entre 1965 et 1980, le trafic des trains de nuit a doublé pour atteindre 16 % du trafic voyageur. En 1981, 550 gares étaient desservies par un train de nuit. En 2020, on n’en comptait plus que six. Aujourd’hui, il existe huit lignes de trains de nuit toutes au départ de Paris. Avec cet amendement, nous proposons de réduire le taux de TVA à 5,5 % pour les billets de trains d’Intercités de nuit. À titre d’exemple, un aller-retour Paris-Toulouse coûte 80 à 90 euros en avion, soit quasiment le même prix qu’en train de nuit à 88 euros. Nous devons nous donner les moyens de réussir la transition écologique. Nous ne pouvons pas culpabiliser nos concitoyennes et concitoyens en permanence. Il faut donc rendre le train plus attractif que l’avion ou interdire les lignes aériennes lorsqu’une alternative en train existe.

Je m’adresse à nos collègues de la République en marche : avec cet amendement, vous pouvez faire coup double et soutenir à la fois l’Élysée et Matignon, puisque le 14 juillet 2020 Emmanuel Macron appelait à redévelopper les trains de nuit et qu’Élisabeth Borne annonçait en 2018 que le Gouvernement portait des ambitions fortes pour les trains de nuit.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je partage votre souhait de rendre plus attractifs tous les trains, y compris les trains nationaux. Cela étant rappelé, je vous propose une nouvelle fois de procéder par étapes pour essayer d’assurer le plus large consensus possible pour franchir une première étape avant d’envisager un élargissement de la mesure. Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. David Valence (RE). Je m’exprime en tant qu’ancien vice-président de région délégué aux transports, élu régional et président de la commission transports. Aujourd’hui, les régions demandent davantage à avoir la capacité de lever un versement mobilité additionnel qui représenterait un produit plus important pour financer l’offre supplémentaire qu’elles ne réclament une baisse de la TVA qui aurait des effets nécessairement très limités. Je pense que Robin Reda et Jean-Marc Zulesi défendent cette mesure dans le cadre d’une contractualisation plus globale de l’État avec les régions. Ce n’est pas le cas du texte qui nous est proposé puisqu’il s’agit d’une mesure isolée et très ponctuelle. Je ne pense pas que cette mesure soit un bon service à rendre aux transports publics. Plus que d’une mesure opportuniste, nous avons besoin d’un débat beaucoup plus global.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. M. le rapporteur, je voudrais vraiment que vous nous clarifiiez votre position. Soit votre PPL a un effet positif sur l’utilisation des TER et, si tel est le cas, alors il faut élargir la mesure, soit elle n’a pas d’effets et il convient de le dire clairement. Vous la présentez comme si le menu incluait fromage et dessert ! En effet, vous avancez que la mesure aura un effet sur le prix des billets de train, ce que personne ne croit ici, tout en avançant que cette mesure permettra de renflouer les caisses des régions. Cependant, ce sera l’un ou l’autre, d’autant que nous parlons de 5 points.

Par ailleurs, vous dites que la mesure fait consensus, mais, bien évidemment, il est facile de faire consensus avec des cadeaux fiscaux ! Il est plus difficile de l’obtenir avec une politique d’investissement et de maîtrise de nos dépenses publiques.

Mme Eléonore Caroit (RE). L’efficacité de la mesure est le point essentiel de la discussion. Dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (loi SRU), des mesures ont permis aux usagers les plus démunis d’avoir accès aux transports en commun. Par exemple, l’article L.113-1 du code des transports pose le principe d’une réduction d’au moins 50 % du prix du titre de transport pour les personnes les plus démunies. Aujourd’hui, on ne voit pas en quoi cette baisse de la TVA, qui concernerait tous les voyageurs, permettrait aux personnes qui ne prendraient pas le train du fait de son tarif, ce qui reste encore à démontrer, de se reporter vers ce mode de transport. Aussi nous pensons que les mesures que vous proposez ne seront pas efficaces.

M. Mohamed Laqhila (Dem). L’amendement de Mme Arrighi veut éviter la distorsion du marché et une concurrence par rapport à d’autres modes de transport. Aujourd’hui, le marché est défendu par un parti de gauche plutôt que par vous !

Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. M. le rapporteur général, vous ne pouvez pas nous donner des leçons sur la maîtrise des dépenses publiques et la maîtrise des financements. Très sincèrement, je trouve que ce n’est pas correct.

Vous dites que la proposition n’est pas cohérente, car il faudrait aller plus loin, mais ce n’est pas un argument, car, pour avancer sur un certain nombre de sujets, il faut le faire de manière progressive. Le faire de manière ciblée sur les TER permet justement de passer par l’expérimentation et d’apporter une réponse aux Français en matière de pouvoir d’achat. C’est également une mesure qui permet de promouvoir le train.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Nous avons auditionné Michel Neugnot en charge des transports à Régions de France, lequel a émis un avis favorable à notre proposition.

Ma philosophie générale est de demander toujours plus à l’impôt et toujours moins aux contribuables. Je pense que nos avis se rejoignent sur ce point M. le rapporteur général.

Je souhaite également vous rappeler la position du gouvernement en citant le compte rendu de la séance du Sénat du mardi 10 janvier 2023. Lors des débats, Christophe Béchu a dit : « Je pense que le taux de TVA réduit de 5,5 % sur les transports est une excellente idée, en ce qu’elle permet de redonner du pouvoir d’achat ou du soutien à l’investissement dans les territoires ». Je ne comprends donc pas la position de la majorité. En effet, j’entends un avis défavorable des députés de la majorité, qui déposent des amendements similaires aux miens, ainsi que des députés membres de la commission des finances, dont fait partie le rapporteur général, mais un avis favorable à cette mesure de la part du ministre de la transition écologique en séance publique au Sénat. J’appelle vraiment au consensus général sur cette proposition qui nous réunit plus qu’elle nous divise et qui traduit en actes les propos du ministre de la transition écologique.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les membres de la commission des finances sont très attachés à l’équilibre budgétaire. Or les 250 millions d’euros nécessaires à cette mesure, c’est tout ce qui va manquer pour investir dans les transports. Nous ne pouvons pas laisser penser que l’argent tombe du ciel ! Ce sont des pertes de recettes qu’entraîne cette proposition de loi, alors que cet argent pourrait être fléché sur l’amélioration des transports. Plus qu’une mesure isolée, il nous faut favoriser une approche globale s’inscrivant dans un cercle vertueux.

Je souhaite également m’adresser à la présidente pour lui rappeler qu’elle préside la commission des finances. J’ai déjà formulé la même remarque à Éric Woerth et Éric Coquerel et je vous adresse le même reproche pour dire que vous présidez la séance et que vous n’avez pas à vous engager sur le texte.

Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Je l’entends bien.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je comprends mal les remarques qui viennent d’être entendues. En effet, lorsqu’il s’agit d’engager des milliards d’euros dans la transition écologique, le Gouvernement nous explique que c’est incontournable et vertueux tant sur le plan économique qu’environnemental, mais le même discours n’est pas tenu pour une mesure dont le coût serait de 250 millions d’euros. Rappelons que le taux réduit de TVA a été appliqué aux réparations et locations de vélos, entre autres. Si la volonté est bien de réussir la transition vers des modes de déplacements doux dans un contexte où les transports coûtent de plus en plus cher, il faut que les transports collectifs soient plus accessibles, sauf à demander aux Français de ne plus se déplacer. J’avoue que je peine à suivre ce raisonnement alors que, dans le même temps, le Gouvernement trouve qu’il est vertueux en matière environnementale de participer via un bonus à la réparation de nos pantalons !

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je comprends mal l’argument de mon collègue Mattei qui annonce que les 250 millions d’euros seraient prélevés du plan d’investissement global en faveur du train. Cet argent ne va pas disparaître, mais reviendra aux régions. C’est même une mesure qui joue en faveur de la décentralisation. Je ne vois pas en quoi cette somme qui reviendrait vers les régions serait alors mal gérée.

La commission rejette les amendements CF2, CF3, CF4, CF5 et CF13.

Amendement CF6 de M. Sylvain Carrière

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). L’amendement propose de réduire le taux de TVA pour les métros et les tramways. Cet effort demandé à l’État contribuera à la décentralisation. De plus, des efforts, il faudra en faire pour réduire notre empreinte carbone. Abaisser la TVA à 5,5 % revient à donner un signal fort, car pouvoir se déplacer est une priorité pour les Français.

Au-delà de la question du prix, c’est surtout le déploiement des réseaux de transport qu’il nous faut privilégier. Aux endroits où il n’y a ni métro ni tramway, la TVA ne rapporte rien. Par conséquent, étendre le réseau doit être la priorité, car c’est le report modal qui permettra à nos concitoyens de faire des économies. Cette extension est également une mesure cohérente, car le voyageur qui rejoint une ville grâce à un TER prendra nécessairement ensuite un métro ou un tramway pour atteindre sa destination finale. La mesure doit donc s’étendre à tous les transports en commun.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je partage votre souhait de rendre plus attractif l’ensemble des transports en commun, et en particulier les services de transport collectif et les trains urbains, mais je souhaite que le coût de cette mesure reste contenu afin de franchir une première étape et augmenter ses chances d’être adoptée. Par ailleurs, si nous parvenons à augmenter la fréquentation, et donc à améliorer le report modal vers le train, les recettes fiscales suivront la courbe du nombre de billets vendus.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. François Jolivet (HOR). Au cours des débats, j’ai entendu parler de TER, d’Intercités, de métros, de tramways, et je suis heureux pour ceux qui ont des trains sur leur territoire. Cependant, je n’entends pas parler ou très peu des cars. La fracture territoriale semble absente des préoccupations et j’ai l’impression que M.  le rapporteur a un problème avec la ruralité en ne parlant que des trains.

Je suis défavorable aux amendements présentés comme je serai défavorable à votre proposition qui n’est qu’un coup politique. Vous auriez dû proposer une TVA à zéro. C’eût été mieux !

M. David Valence (RE). En moyenne, un billet de transport en TER est subventionné à hauteur de 75 % en France. Finalement, ce qui nous est proposé, c’est un mouvement de finances publiques de l’État vers les régions, donc une forme de soutien de l’État à la production d’une offre ferroviaire sans aucune garantie ou sans aucun dialogue avec les régions. C’est une sorte de cadeau fait aux régions sur le principe du soutien aux transports publics. Toutes les personnes qui me connaissent en tant que président du Conseil d’orientation des infrastructures savent à quel point je me bats depuis des années pour le transport public. Toutefois, organiser ce mouvement de l’État vers les collectivités sans contrepartie ni contractualisation n’est qu’une mesure opportuniste, insuffisante pour définir une politique de transport public.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Cette mesure n’est pas un coup politique. L’Allemagne, la Suède, la Belgique, le Royaume-Uni ont modifié leur législation fiscale pour baisser la TVA sur les billets de transports en commun. Ces pays n’ont pas pris cette mesure pour faire un coup politique, pas plus que cette proposition de loi n’a cette visée.

Ceux qui me connaissent savent que je suis né dans un village de 500  habitants et que j’habite aujourd’hui dans un village de 3  000  habitants. Mon père est éleveur laitier et je connais la ruralité. Je trouve que vous avez une drôle de manière d’opposer la ville et la campagne. La fracture territoriale ne se résorbera pas si nous jouons sans cesse l’opposition entre les villages, les villes et les métropoles. Même lorsqu’il n’existe pas de gare TER à proximité de chez vous, il est possible de prendre qui un bus, qui la voiture pour rejoindre cette gare et poursuivre son voyage en train. C’est une drôle de conception de la ruralité que de dire que cette proposition de loi est soit contraire aux contribuables ruraux, car même en zone rurale la baisse de la TVA sur les TER peut représenter un avantage.

La commission rejette l’amendement CF6.

Amendement CF7 de M. Sylvain Carrière

M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). Avec cet amendement, nous proposons d’élargir les contours de la proposition de loi aux bus et aux autocars qui sont les moyens de transport les plus plébiscités par les personnes précaires ne possédant pas de voitures. Ce sont des modes de transport qui garantissent l’intermodalité en proposant des navettes entre les petits villages et les gares. Ces bus et autocars permettent de désenclaver les territoires qui ne possèdent pas d’infrastructures ferrées. C’est aussi le mode de transport collectif principal, si ce n’est unique, dans les départements ultramarins.

D’un point de vue écologique, l’Agence de la transition écologique (Ademe) rapportait que les bus sont en moyenne 30 % moins émissifs en gaz à effet de serre que les voitures. C’est exactement la réduction que le Haut Conseil pour le climat annonce qu’il faut suivre pour tenir nos engagements européens dans le secteur des transports. Certes, cet amendement ne permet pas de réduire la TVA sur tous les transports collectifs terrestres, comme nous l’aurions souhaité, mais il permet au moins aux plus précaires et aux plus dépendants d’en profiter.

M. Antoine Vermorel-Marques rapporteur. Comme pour les précédents, je souhaite le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Toutefois, l’article L. 2121-3 du code des transports confère aux régions deux compétences : les trains express régionaux et les bus en substitution des trains express régionaux quand il n’existe pas de desserte ferroviaire. Il pourrait être intéressant de travailler ensemble à un amendement d’ici la séance pour permettre une baisse de la TVA sur les bus de substitution aux TER.

M. Pascal Lecamp (Dem). J’habite dans la Vienne dans une ville de 3 000 habitants où il faut parcourir 25 kilomètres pour rejoindre la gare la plus proche qu’aucune ligne de bus ne dessert. Pourtant, le bassin de population regroupe 15 000 à 20 000 habitants. Cet exemple d’éloignement n’est pas isolé.

Le taux moyen de subvention des TER est de 75 % en France contre un taux de 39 % en Europe. Ce taux est de 55 % en Allemagne et de 46 % en Espagne contre 4 % aux Pays-Bas et 2 % au Portugal. La France a donc le train le plus subventionné d’Europe, mais aussi le plus cher puisqu’il revient à 22 centimes d’euro le kilomètre.

L’attractivité du TER ne sera assurée que par une augmentation de la fréquence, par une amélioration de la qualité du service, par une meilleure desserte des petites gares et par l’investissement dans des lignes nouvelles et des matériaux.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). J’entends les arguments de mon collègue David Valence qui nous dit que la baisse de la TVA devrait s’accompagner d’une contractualisation entre l’État et les régions. Je pense que c’est un amendement que nous pourrons porter ultérieurement afin de pouvoir flécher les investissements.

Par ailleurs, le TER n’est pas subventionné, mais c’est de l’argent collectivisé. Rappelons que le transport individuel coûte beaucoup plus cher à chaque Français que l’investissement dans des transports en commun. Aujourd’hui, un Parisien paie beaucoup moins cher ses transports que n’importe quel autre Français.

La commission rejette l’amendement CF7.

Amendement CF14 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES).  L’amendement vise à étendre le bénéfice du taux de TVA réduit aux autres transports collectifs, publics et privés, de voyageurs, à l’exception du transport aérien. Rappelons que le Gouvernement a laissé filer la TVA à 210 milliards d’euros, soit une progression de plus de 5 % par rapport à 2023, mais refuse que 0,15 % vienne financer la transition écologique. L’amendement propose par conséquent de financer la mesure par l’augmentation de la contribution sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, qui s’applique aux moyens de transport les plus polluants que sont l’aérien et le routier. Je ne doute pas que cet amendement sera accepté à la fois par ceux qui portent aujourd’hui la proposition, mais également par nos collègues de Renaissance.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Ce sera là encore une demande de retrait ou un avis défavorable. Je vois que le débat sur une fiscalité allégée sur les TER crée beaucoup de remous au sein de notre commission. Aussi, l’ouvrir à d’autres modes de transport en faisant financer la mesure par le secteur aérien ne pourrait qu’animer encore davantage le débat. Or, ce que je souhaite, c’est pouvoir parvenir à un consensus.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). M. le rapporteur, nous ne pouvons pas suivre votre raisonnement, même si nous voterons pour la PPL. En effet, nous voyons bien que deux visions s’affrontent au sein de cette commission avec, d’une part, ceux qui plaident pour une vision globale des mobilités et, d’autre part, ceux qui militent pour la politique des petits pas. Lorsque l’on sait que le secteur des transports est à l’origine de 32 % des émissions de gaz à effet de serre, nous ne pouvons pas vous rejoindre sur cette deuxième approche.

Par ailleurs, le Gouvernement promet de lancer un plan de 100 milliards d’euros, mais sans qu’il ne se traduise dans les faits pour l’instant. Si la démarche est progressive, alors lancez une loi de programmation du ferroviaire que nous attendons avec force.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Sans nullement faire preuve d’agressivité, je voudrais vraiment comprendre l’objectif de la PPL. Elle entraînerait une baisse certaine des recettes de l’État à hauteur de 250 millions d’euros. En revanche, je n’ai toujours pas compris si cette mesure se traduira par une baisse du prix pour les consommateurs, par une augmentation des recettes de la SNCF ou par une augmentation des recettes des régions. De ce point de vue, vos propos restent flous : à certains vous répondez que la mesure jouera sur l’élasticité des prix, à d’autres vous indiquez que la baisse de TVA se traduira par une augmentation des investissements des régions. Mais ce n’est pas vrai. En réalité, cette mesure se traduira par 250 millions d’euros de moins pour l’État.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. « Je pense que le taux de TVA réduit de 5,5 % sur les transports est une excellente idée, en ce qu’elle permet de redonner du pouvoir d’achat ou du soutien à l’investissement dans les territoires », disait Christophe Béchu, en janvier 2023 au Sénat. Mon avis est le même que celui ainsi exprimé par le ministre en charge de la transition écologique qui est membre de votre gouvernement, M. le rapporteur général.

La commission rejette l’amendement CF14.

Elle rejette l’article 1er.

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Article 2
Modalités d’application

Cet article prévoit que les modalités d’application de l’article 1er de la présente proposition de loi sont définies par un décret pris en Conseil d’État.

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Elle rejette l’article 2 (qui n’a pas fait l’objet d’amendements).

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Après l’article 2

Amendement CF8 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il importe de regarder les possibles conséquences de la démocratisation du TER en cas de très grand succès de la mesure, avec des conséquences qui pourraient aller jusqu’à l’engorgement de certaines lignes. En effet, si l’augmentation du nombre de voyageurs dans les TER est souhaitable, en particulier sur le plan écologique, il importe que ce mode de transport reste aussi confortable. Nous le constatons aujourd’hui à Paris avec une dégradation des transports collectifs. Une fois que cette proposition de loi sera adoptée, comme je l’espère, nous demandons qu’un bilan soit dressé pour en identifier les impacts et planifier de nouveaux équipements pour que les lignes de TER restent confortables.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF8.

Amendement CF18 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’amendement propose un suivi de l’effet de la baisse de la TVA sur le prix payé par les usagers, puisqu’il existe une incertitude sur la répercussion de cette baisse de la fiscalité dans le prix, comme signalé à plusieurs reprises au cours du débat. En effet, cette mesure doit envoyer un signal fort de prix sur la population afin d’encourager un report sur le transport ferroviaire. Notre amendement propose qu’un comité de suivi placé auprès de la Première ministre établisse un rapport public avant le PLF 2026 sur les effets de la politique publique de baisse de la TVA sur le transport ferroviaire. Cette décision permettrait d’aller dans le sens de l’expérimentation, mais aussi de rejoindre la préconisation de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Cet amendement conduirait à créer un article additionnel dans le cadre d’une niche et pourrait poser problème en matière de temps. Je propose donc un avis défavorable, même si je reste favorable aux outils de contrôle parlementaires.

La commission rejette l’amendement CF18.

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Article 3
Gage de recevabilité financière

La perte de recettes entraînée par la réduction du taux de TVA de 10 % à 5,5 % est estimée à 49 millions d’euros par le rapport « Duron ». Cet article propose donc, pour satisfaire aux exigences de l’article 40 de la Constitution, de compenser à due concurrence cette perte de recettes par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. L’article 3 est conditionné aux articles 1 et 2 qui ont été rejetés. Pour autant, cet article 3 ne tombe pas d’un point de vue formel. Je le soumets donc à la discussion.

Amendement CF19 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’amendement propose de rétablir un taux de TVA de 20 % sur les transports aériens intérieurs, car nous portons une vision globale sur les transports, les intermodalités et les reports modaux. Pour nous, cette approche globale est la seule approche possible en matière de transport. La pollution générée par le transport aérien est largement subventionnée en France, puisque le kérosène est complètement exonéré de TICPE et de TVA, contrairement aux autres modes de transport. La seule exonération de taxes sur le kérosène en France représentait, en 2019, un manque à gagner de 3,6 milliards d’euros, un montant qui serait deux fois plus élevé si le kérosène était taxé comme l’essence. De surcroît, la taxe de solidarité appliquée au trafic aérien intérieur est faible en comparaison d’autres taxes appliquées aux billets à l’étranger selon la Commission européenne. Cet amendement est par conséquent, non seulement une mesure de financement de la baisse de la TVA, mais aussi un premier pas vers une fiscalité environnementale sur les trajets en avion à la hauteur des enjeux écologiques.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Ce sera un avis défavorable au vu du rejet de l’article 1er.

La commission rejette l’amendement CF19.

Amendement CF20 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement permet de concrétiser davantage les propos de la Première ministre qui disait, en février 2023, lors de la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures et de la présentation du plan d’avenir pour les transports, qu’il fallait mettre les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, comme l’aérien, à contribution ainsi que ceux qui dégagent des profits importants comme les sociétés d’autoroutes. Cet amendement propose de compenser la dépense fiscale par une plus grande contribution sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, qui s’applique aux moyens de transport les plus polluants que sont l’aérien et le routier.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF20.

Amendement CF21 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement propose le financement de la dépense fiscale proposée dans ce texte par la suppression du tarif réduit de l’assise sur les produits taxables en tant que carburant ou combustible consommé pour les besoins de la navigation aérienne. Face au défi écologique que l’exposé des motifs de la proposition de loi détaille, nous ne pouvons plus appliquer au kérosène ce régime fiscal de faveur. Il s’agit d’une véritable subvention à la pollution du transport aérien qui représente une forte incitation à polluer. En cohérence avec les discours du Président de la République, de la Première ministre et du ministre des transports, il faut rétablir « une juste contribution du transport aérien et investir dans les solutions comme le train ».

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF21.

La commission rejette l’article 3.

En conséquence, les amendements CF11 et CF 17 tombent.

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La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

En conséquence, en application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

 

Sénat :

 M. Philippe Tabarot, sénateur ;

– M. Jacques Fernique, sénateur ;

– M. Olivier Jacquin, sénateur.

 

Régions de France :

– M. Michel Neugnot, président délégué de la commission mobilité.


([1]) Rapport d’information n° 1304, p. 9.

([2]) Directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.

([3]) MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, Rapport d’information sur la situation de la SNCF et ses perspectives, Sénat, n° 570, 9 mars 2022, p. 68.

([4]) 3. de l’article 31 de la directive de 2012 précitée.

([5]) Article 4 du décret n° 97-446 du 5 mai 1997 relatif aux redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national perçues par SNCF Réseau.

([6]) 1. de l’article 32 de la directive de 2012 précitée.

([7]) Article 6 du décret du 5 mai 1997 précité.

([8]) Article 6-1 du décret du 5 mai 1997 précité.

([9]) Au sens donné par le Larousse d’un « ensemble des valeurs qu’une variable statistique prend à différentes époques successives ».

([10]) Rapport d’information n° 1304, p. 20.

([11]) Rapport n° 1304, p. 21.

([12]) Rapport sénatorial n° 744 « La gratuité totale des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? » , déposé le 25 septembre 2019.

([13]) Amendements identiques COM-96, COM-459 rect. bis, COM-931 , COM-1129 et COM-1482.

([14]) Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, n° 551.

([15]) N° I-1077.

([16]) N° 2415, 3e séance du vendredi 19 octobre 2018.

([17]) États généraux de la mobilité durable, « 70 propositions pour la mobilité de tous les Français », p. 16 (p. 9 du document en ligne) https://www.gart.org/wp-content/uploads/2017/03/70-propositions-mobilit%C3%A9-Fran%C3%A7ais_EGMD_07032017.pdf

([18]) « Si ce qui sort de la Convention c’est un texte quasiment rédigé, précis et qui peut être appliqué, il sera appliqué sans filtre », 10 décembre 2020.

([19]) « Nous avons pris l’engagement, réaffirmé par le Président de la République, que les propositions de la convention seront reprises sans filtre. » (Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, le 15 janvier 2020, en réponse à la question au Gouvernement n° 2586 de M. Jean-Charles Colas-Roy.)

([20]) https://www.gart.org/wp-content/uploads/2022/04/Compilation_Sept-proposititons-du-GART-en-faveur-de-la-mobilite_Presidentielle-2022.pdf

([21]) Rapport sur le modèle économique des transports collectifs, M. Philippe Duron, juillet 2021.

([22]) Compte rendu de la séance du mardi 10 janvier 2023 du Sénat, débat sur l’instauration des zones à faibles émissions (ZFE) : « Je pense que le taux de TVA réduit de 5,5 % sur les transports est une excellente idée en ce qu’elle permet de redonner du pouvoir d’achat ou du soutien à l’investissement dans les territoires. »

([23]) Rapport spécial n° 1745 annexe 15 sur le projet de loi de finances pour 2024, p. 112.

([24]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([25]) Telle qu’elle résulte de la directive 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022 modifiant les directives 2006/112/CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée.

([26]) Rapport d’information n° 1304, 1er juin 2023, p. 25.

([27]) b quater de l’article 279 du code général des impôts.