N° 1979

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2023.

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales,

 

PAR Mme Béatrice PIRON

Députée

——

AVEC

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

Voir les numéros :

 Assemblée nationale : 1811.

 Sénat : 549 (2022-2023), 35, 36 et T.A 13 (2023-2024).


 


SOMMAIRE

introduction

I. Le Danemark et la Grèce constituent des partenaires économiques de premier plan avec lesquels le cadre conventionnel doit être modernisé

A. Le vide conventionnel actuel avec le danemark dans e domaine fiscal n’est pas soutenable

1. Le Danemark entretient avec la France des relations diplomatiques, financières et commerciales denses

2. La convention fiscale bilatérale de 1957 a été dénoncée de manière unilatérale par le Danemark en 2008

B. L’archaïsme de la convention fiscale bilatérale franco-grecque, jamais amendée depuis 1963, fait naître des difficultés d’application

1. La Grèce entretient avec la France des relations économiques, financières et commerciales riches et séculaires

2. La convention fiscale bilatérale de 1963, trop ancienne, fait naître des difficultés d’interprétation

II. Une actualisation bienvenue de notre réseau conventionnel intégrant les derniers standards de l’OCDE

A. La convention fiscale franco-danoise du 4 février 2022 résout la sensible question des pensions et intègre les dernières avancées internationales en matière de répartition des compétences et de lutte contre l’évitement fiscal

1. Le compromis portant sur le droit à imposer les pensions

2. L’intégration des derniers standards de l’OCDE

a. La définition de l’établissement stable

b. La clause générale anti-abus

c. La procédure amiable de règlement des différends

B. La convention fiscale franco-grecque du 11 mai 2022 remédie aux récentes difficultés d’application en rénovant le cadre fiscal bilatéral

1. Une actualisation bienvenue du cadre fiscal…

2. …qui minimise le risque de double imposition

a. De la méthode de l’exonération à celle de l’imputation : une modernisation bienvenue

b. Une simplification des règles de répartition des rémunérations publiques

III. Des conséquences économiques et budgétaires probablement positives mais mal maîtrisées par l’administration fiscale

A. D’indéniables avancées en matière de simplification et de sécurité juridique

1. Le cas des particuliers

2. Le cas des entreprises

B. l’absence d’éclairage budgÉtaire de la représentation nationale en matière de conventions fiscales n’est pas admissible

1. Ex ante, l’étude d’impact transmise au Parlement est fragmentaire en ce qui concerne l’incidence des conventions sur les recettes fiscales

2. Ex post, il est souhaitable que les conventions fiscales bilatérales fassent l’objet d’un suivi plus sérieux

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE 1 :  TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES auditionnÉes PAR La RAPPORTEURe

 

___

 

 


    

   introduction

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n°1881 autorisant l’approbation de la convention entre la République française et le Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales.

La convention signée avec le Danemark le 4 février 2022 vise à réparer une incongruité : ce royaume est le seul pays de l’Union européenne qui n’est actuellement pas lié à la France par une convention fiscale bilatérale. Depuis 2009 – date de la dénonciation unilatérale, par la partie danoise, de la précédente convention – le risque de double imposition est donc particulièrement fort pour les contribuables.

La convention signée avec la Grèce le 11 mai 2022 met, quant à elle, fin à des difficultés d’application nées de l’évolution des pratiques et des législations depuis la signature du traité précédent, en 1963, qui n’a fait l'objet d'aucun avenant.

Toutes ces conventions constituent donc des actualisations bienvenues de notre ensemble conventionnel dans le domaine fiscal.

Conformément aux recommandations de sa commission des finances, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation et la ratification de ces deux conventions le 26 octobre 2023.


I.   Le Danemark et la Grèce constituent des partenaires économiques de premier plan avec lesquels le cadre conventionnel doit être modernisé

A.   Le vide conventionnel actuel avec le danemark dans e domaine fiscal n’est pas soutenable

1.   Le Danemark entretient avec la France des relations diplomatiques, financières et commerciales denses

Le Royaume du Danemark est un partenaire économique important de notre pays. En 2021, les échanges bilatéraux de biens ont progressé de 14 % pour atteindre 6,6 milliards d’euros, soit leur plus haut niveau en dix ans. La hausse des exportations françaises vers le Danemark, de 19 %, supérieure à la hausse des importations (+ 9 %), permet à la France d’enregistrer un excédent commercial de 393 millions d’euros. Si cet excédent de 2021 est record, le Danemark est le seul pays nordique à l’égard duquel notre balance commerciale est traditionnellement positive.

Selon les données de la Banque de France, le Royaume du Danemark constitue le 12ème investisseur – le 1er nordique – en France, avec un stock supérieur à 6 milliards d’euros. Des acteurs économiques de ce pays emploient 40 000 personnes en France, au sein de plus de 400 filiales, notamment dans le secteur des services, de l’industrie manufacturière et de l’industrie pharmaceutique. Cette dernière est particulièrement dynamique, comme en témoigne l’investissement de 2,1 milliards d’euros du laboratoire Novo Nordisk, sur son site de production de Chartres, annoncé le 23 novembre 2023.

Le premier employeur nordique présent sur le territoire national est ainsi danois : il s’agit de l’entreprise ISS, acteur du marché des services aux entreprises et collectivités, qui emploie plus de 18 000 personnes en France.

À l’inverse, près de 220 entreprises françaises sont implantées au Danemark, employant 13 000 personnes dans les secteurs financiers, des transports, de la construction ou de l’énergie.

La relation qui unit la République française et le Royaume du Danemark excède ces liens purement économiques. Nos liens économiques, denses et croissants, s’inscrivent notamment dans le cadre de leur appartenance conjointe à l’Union européenne (UE) et à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Les deux pays partagent en outre de nombreuses convergences de vue, qu’il s’agisse de la lutte contre le réchauffement climatique ou de la promotion du droit international.

Les relations diplomatiques franco-danoises sont également assurées, au quotidien, par la présence au Danemark de 5 600 ressortissants français inscrits au registre consulaire et par la communauté danoise en France, forte de 3 000 personnes.

2.   La convention fiscale bilatérale de 1957 a été dénoncée de manière unilatérale par le Danemark en 2008

Le Danemark et la France ont conclu, le 8 février 1957, une convention fiscale bilatérale tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproques en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune.

La loi n° 58-184 du 21 février 1958 a autorisé la ratification de cette convention, qui est entrée en vigueur le 30 avril 1958.

Cette convention fiscale, qui a été appliquée pendant un peu plus de cinquante ans, a fait l’objet de critiques de la partie danoise à la fin des années 2000, au motif qu’elle présentait, à ses yeux, un déséquilibre dans les avantages reconnus aux parties.

Plus précisément, le gouvernement danois estimait que les stipulations de la convention de 1957 qui accordaient au seul État de résidence le droit d’imposition des pensions privées n’étaient pas satisfaisantes. En effet, alors que le droit fiscal danois prévoit une déduction fiscale pour les versements à des régimes de pensions, l’application de la convention rendait impossible le recouvrement direct de cet impôt différé auprès des retraités danois ayant quitté le Danemark pour la France.

Le Parlement danois a ainsi adopté une loi, en date du 20 février 2008, autorisant la dénonciation des conventions fiscales avec la France et l’Espagne ; une note diplomatique du 10 juin 2008 est venue porter cette dénonciation, avec effet au 1er janvier 2009, à l’attention de la partie française.

Depuis cette date, le Danemark est le seul pays de l'Union européenne qui ne dispose pas de convention fiscale bilatérale avec la France ; le régime fiscal des résidents français et danois est ainsi fixé par le droit interne des deux pays, sous réserve du droit de l’Union européenne.

En vue de clarifier le régime applicable et d’éliminer un maximum d’hypothèses de doubles impositions, l’administration fiscale française a publié une instruction administrative au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) le 2 août 2010.

Pour autant, et afin de sécuriser le cadre des relations économiques entre les deux pays, les gouvernements français et danois ont engagé, après s’être entendus à propos de la question des pensions, deux tours de négociations bilatérales en avril et mai 2021. Ces négociations ont permis d’aboutir à un projet de convention paraphé le 23 novembre 2021. La convention a finalement été signée à Paris le 4 février 2022. Elle a été approuvée par le Danemark, après autorisation de son Parlement, le 28 mars 2023. L’article 1er du projet de loi soumis à la délibération de l’Assemblée nationale a pour objet d’autoriser l’approbation, par la France, de cette convention.

B.   L’archaïsme de la convention fiscale bilatérale franco-grecque, jamais amendée depuis 1963, fait naître des difficultés d’application

1.   La Grèce entretient avec la France des relations économiques, financières et commerciales riches et séculaires

Les relations franco-helléniques sont riches et anciennes, comme en témoigne la création de l’école française d’Athènes dès 1846. Longtemps intellectuelles et artistiques du fait d’une importante francophilie chez l’élite grecque, elles ont peu à peu laissé la place à un renforcement des échanges économiques.

En 2022, le bilan des échanges franco-helléniques de biens a été marqué par une hausse de 38 % de nos exportations qui, couplée avec un recul des importations grecques, a conduit à une substantielle (+ 138 %) hausse de notre excédent commercial (2,3 milliards d’euros). La France est le 4ème fournisseur de la Grèce au sein de l’Union européenne, après l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ; elle est le 9ème investisseur au sein du pays. Les premiers éléments importés de Grèce par la France sont les produits pharmaceutiques, les métaux non ferreux, les fruits et légumes.

Sans surprise, le secteur du tourisme concentre l’essentiel des échanges bilatéraux de services. Les recettes touristiques en provenance de France ont représenté, en 2022, près de 1,3 milliard d’euros : environ 1 750 000 touristes français se sont rendus en Grèce.

La communauté française en Grèce regroupe environ 8 000 résidents inscrits sur les listes consulaires. Réciproquement, environ 35 000 citoyens grecs résident en France.

2.   La convention fiscale bilatérale de 1963, trop ancienne, fait naître des difficultés d’interprétation

La France et la Grèce sont liées, en matière d’imposition sur le revenu et d’élimination des doubles impositions, par une convention fiscale bilatérale signée le 21 août 1963 et entrée en vigueur le 31 janvier 1965.

Si cette convention est couverte par l’instrument multilatéral (IM) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle correspond à un modèle ancien qui n’est plus conforme à la pratique conventionnelle de la France, ni d’ailleurs aux standards internationaux les plus récents ; elle n’a fait l’objet, depuis 1963, d’aucun avenant.

L’instrument multilatéral

L’utilisation abusive des conventions fiscales est à l’origine de nombreuses pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert des bénéfices. L’instrument multilatéral, signé le 7 juin 2017 par 68 juridictions, est un outil contraignant ayant pour objet la mise en œuvre rapide des mesures proposées dans le cadre du plan BEPS (base erosion & profit shifting). Cet instrument, qui s’apparente à une convention fiscale multilatérale, offre la possibilité de mettre en œuvre des mesures visant à limiter les pratiques abusives des conventions bilatérales en évitant aux États d’avoir à renégocier une à une l’ensemble de leurs conventions fiscales. Il a été ratifié par la France le 26 septembre 2018, après autorisation législative figurant dans la loi n° 2018-604 du 12 juillet 2018.

Des négociations portant sur la rédaction d’une nouvelle convention se sont ouvertes, en 2019, à la demande de la France.

Les négociateurs français poursuivaient trois objectifs principaux :

– intégrer les derniers standards internationaux, notamment les définitions et les clauses issues des travaux du projet BEPS de l’OCDE ;

– mettre la France en conformité avec sa propre pratique conventionnelle, ayant naturellement évolué depuis 50 ans, en particulier en matière d’appréhension des revenus passifs et d’élimination des doubles impositions ;

– remédier à des difficultés d’application ayant émergé au cours des années récentes, notamment en clarifiant certaines clauses sur l’imposition des rémunérations publiques.

En effet, la Grèce a mis en place, en 2011, une contribution spéciale de solidarité assise sur les revenus qui n’entrait pas dans le champ de la convention de 1963. Au surplus, et à compter de 2020, le pays s’est saisi de la possibilité, offerte par la convention de 1963 mais jusqu’alors inappliquée, d’imposer les rémunérations publiques de source française. Cette situation a particulièrement concerné les personnels du lycée franco-hellénique Eugène Delacroix, à Athènes, qui se sont vu réclamer des arriérés d’impôt au titre des revenus perçus depuis 2014.

Si le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères a obtenu des autorités grecques des mesures de tolérance – notamment un étalement des paiements – cette situation nécessitait un règlement rapide.

Aussi, après deux tours de négociations, la nouvelle convention a été signée à Athènes le 11 mai 2022. Il s’agit, à la demande spécifique de la partie grecque au regard des dispositions de son droit interne, d’un traité – et non d’un accord international – au sens de l’article 52 de notre Constitution.

La convention a d’ores et déjà été ratifiée par la Grèce par une loi publiée le 25 octobre 2022. L’autorisation de sa ratification par la France est prévue à l’article 2 du projet de loi dont l’Assemblée nationale est saisie après le vote du Sénat.


II.   Une actualisation bienvenue de notre réseau conventionnel intégrant les derniers standards de l’OCDE

A.   La convention fiscale franco-danoise du 4 février 2022 résout la sensible question des pensions et intègre les dernières avancées internationales en matière de répartition des compétences et de lutte contre l’évitement fiscal

1.   Le compromis portant sur le droit à imposer les pensions

Un enjeu majeur de la négociation de la nouvelle convention fiscale avec le Danemark était constitué par la répartition du droit d’imposer les pensions qui avait, pour la partie danoise, motivé la dénonciation de la précédente convention, dont l’article 13 aboutissait à une déduction sans imposition des cotisations de pensions de retraités danois installés en France.

Cette dénonciation de la convention de 1957 créait un risque réel de double imposition des revenus correspondant à des pensions, tant pour des contribuables danois que français.

Pour atténuer ce risque, un régime transitoire a été prévu par le législateur danois. En application de celui-ci, les personnes installées en France avant le 28 novembre 2007 et ayant commencé à percevoir leur retraite avant le 1er janvier 2009 continuent d’être imposées selon les règles fixées par la convention de 1957, c’est-à-dire exclusivement dans leur État de résidence – en l’espèce, la France.

Toutefois, les contribuables n’étant pas couverts par ce mécanisme se sont trouvés exposés à un risque de double imposition. En effet, les Français établis au Danemark sont par principe imposables en France au titre de leurs pensions de source française, au titre des dispositions fiscales françaises ; ils le sont également au Danemark, en vertu du droit interne danois.

En outre, alors que l’administration fiscale française prévoit un crédit d’impôt au bénéfice des résidents français ayant des revenus de source danoise – à hauteur de l’impôt prélevé au Danemark sur lesdits impôts – le royaume danois a expressément exclu les pensions de ce dispositif. Aussi, les retraités danois résidents français – dont le nombre est estimé à 1 500 personnes – ne bénéficient pas plus du régime transitoire et sont également exposés à un risque de double imposition.

Le règlement de la question des pensions constituait donc un préalable aux négociations d’une nouvelle convention fiscale bilatérale.

Le modèle OCDE en matière de pensions ([1]), généralement suivi par la France, attribue au pays de résidence du contribuable le droit d’imposer les pensions privées. À l’inverse, les pensions publiques sont imposées par l’État de source ([2]).

Pour tenir compte de la volonté danoise, et notamment du fait que le système fiscal danois prévoit une déduction pour les versements à un régime de pension
– assimilable à un mécanisme consistant à différer l’impôt sur ces revenus – la convention du 4 février 2022 prévoit un régime atypique de partage du droit d’imposer les pensions privées, qui diffère du modèle OCDE.

En effet, le 1 de l’article 17 de la convention prévoit que les pensions privées sont en principe imposables dans l’État de résidence du contribuable. Néanmoins, le 2 du même article prévoit que de telles pensions sont également imposables dans l’État de source lorsque :

– soit les cotisations salariales ou patronales au régime de pension ont bénéficié d’une déduction fiscale dans l’État de source ;

– soit les pensions sont versées en application de la législation sur la sécurité sociale de l’État de source.

En pratique, cette exception introduite au 2 de l’article 17 aura pour conséquence que les pensions d’origine danoise versées aux retraités danois installés en France seront à la fois imposables par la France et par le Danemark.

Classiquement, la convention du 4 février 2022 prévoit une méthode de neutralisation de ce qui, sinon, s’apparenterait à une double imposition.

Ainsi, le 3 de l’article 22 de la convention prévoit, par l’État de source des pensions, une déduction d’impôt égale à l’impôt versé à l’État de résidence.

En application de ce mécanisme, les retraités installés en France qui reçoivent des pensions privées de source danoise imposables au Danemark continueront d’acquitter l’impôt sur le revenu français sur de telles pensions mais devront, en outre, acquitter l’impôt sur le revenu danois minoré du montant acquitté en France. En pratique, le montant perçu par le Trésor danois correspondra à la différence entre l’impôt dû au Danemark et l’impôt acquitté en France ; si l’impôt prévu par le barème fiscal danois est inférieur à celui prévu par le barème français, le Trésor danois ne percevra pas d’impôt.

C'est la première fois que ce mécanisme d'imposition, qui correspond à un crédit d'impôt inversé, est utilisé au sein d'une convention fiscale bilatérale.

 

2.   L’intégration des derniers standards de l’OCDE

La convention fiscale franco-danoise du 4 février 2022 s’inscrit dans la dynamique de modernisation du réseau conventionnel français et intègre, dès lors, plusieurs clauses directement inspirées de l’instrument multilatéral élaboré sous l’égide de l’OCDE.

a.   La définition de l’établissement stable

La définition d’établissement stable inscrite à l’article 5 de la convention est directement issue de la rédaction retenue par la convention modèle de l’OCDE ainsi que par l’instrument multilatéral.

Ainsi, l’article 5 de la convention prévoit une définition modernisée de l’« agent dépendant », défini comme une personne qui « conclut habituellement des contrats ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats » qui sont conclus sans modification importante pour l’entreprise et, soit sont au nom de l’entreprise, soit concernent une prestation de service ou le transfert de propriété de biens de l’entreprise.

Cette définition, qui se fonde sur le rôle effectif de l’agent plutôt que sur la dimension formelle de la signature des contrats, est conforme à l’approche par la substance poursuivie, de manière contemporaine, par les juridictions fiscales ; elle est plus robuste et permet de requalifier plus aisément un montage ayant pour objet de contourner les règles de répartition de la compétence fiscale.

b.   La clause générale anti-abus

La convention franco-danoise du 4 février 2022 contient, de manière nouvelle, une clause anti-abus.

La rédaction de cette clause, qui figure en son article 29, est à la fois conforme au modèle OCDE et à la définition contenue au sein de l’instrument multilatéral.

Rappelons que cette clause a pour objet de permettre à l’administration fiscale de refuser l’octroi d’un avantage conventionnel en présence d’un montage ou d’une transaction dont l’un des objets principaux est justement d’obtenir cet avantage, sauf à établir que l’octroi de cet avantage est conforme à l’objet de la convention. Cette stipulation permet à l’administration fiscale de mener une analyse casuelle des montages présentant des risques d’évitement fiscal.

c.   La procédure amiable de règlement des différends

L’article 24 de la convention franco-danoise prévoit l’application d’une procédure amiable modernisée en lieu et place de la procédure prévue à l’article 25 de la convention de 1957.

La nouvelle procédure – qui reprend, là aussi, les standards du modèle OCDE et de l’instrument multilatéral – donne la possibilité à toute personne qui estime être soumise à un risque de double imposition de saisir l’administration fiscale de l’un ou l’autre État partie, dans un délai de trois ans suivant la notification de la mesure incriminée.

Cette procédure amiable – qui ne se borne néanmoins à mettre à la charge des parties qu’une obligation de moyens – est également conforme à la procédure européenne qui figure à l’article 16 de la directive du 10 octobre 2017 ([3]), transposée aux articles L. 251 B à L. 251 ZH du livre des procédures fiscales.

B.   La convention fiscale franco-grecque du 11 mai 2022 remédie aux récentes difficultés d’application en rénovant le cadre fiscal bilatéral

1.   Une actualisation bienvenue du cadre fiscal…

La convention signée par la France et la Grèce le 11 mai 2022 intègre les derniers standards établis par l’OCDE, tant au sein de son modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune qu’au sein de l’instrument multilatéral. Pour autant, les deux parties ont fait le choix de conserver certaines stipulations issues de la convention de 1963 et qui dérogent aux modèles contemporains.

Il en est ainsi de la rédaction de l’article 5 concernant la notion d’établissement stable qui, si elle reprend la définition de l’OCDE, a fait l’objet d’un compromis entre les deux parties. À la demande de la France, un chantier de construction ou de montage peut constituer un établissement stable au-delà d’un délai de douze mois ; à la demande de la Grèce, les lieux d’extraction, d’exploration ou d’exploitation de ressources naturelles figurent parmi les installations d’affaires susceptibles de constituer un établissement stable.

Cet article intègre, plus classiquement, les notions d’agent dépendant et d’agent indépendant, qui étaient absentes de la convention de 1963. De même, il reprend la clause dite « anti-fragmentation » du modèle OCDE, destinée à éviter qu’une entreprise morcelle son activité dans un État afin de se soustraire à la qualification d’établissement stable.

L’article 7 de la convention stipule que les bénéfices réalisés par les entreprises sont imposés dans l’État de résidence, sauf dans les cas où l’activité est exercée dans l’autre État partie via un établissement stable. Cet article retient des stipulations antérieures à la mise à jour du modèle OCDE, en 2010. Ce choix, réalisé à la demande de la partie grecque, a été dicté par sa pratique conventionnelle et son droit interne ; il n’est néanmoins pas incompatible avec les standards les plus récents de l’OCDE.

L’article 8 de la convention s’écarte, ici aussi à la demande de la Grèce, du modèle OCDE, en faisait une distinction entre navigations aérienne et maritime internationales. Ainsi, les bénéfices de la navigation maritime internationale seront imposables dans l’État d’immatriculation des navires et non, comme dans le modèle OCDE, dans l’État où sont réalisés les bénéfices issus de cette activité. Cette distinction était déjà présente au sein de la convention de 1963 : la Grèce, nation d'armateurs, y est particulièrement attachée.

Enfin, à l’instar du choix opéré au sein de la convention franco-danoise, la convention franco-hellène, reprend, à son article 27, la clause générale anti-abus de l’instrument multilatéral, si utile aux administrations fiscales et au juge de l’impôt pour requalifier des montages abusifs.

2.   …qui minimise le risque de double imposition

a.   De la méthode de l’exonération à celle de l’imputation : une modernisation bienvenue

Le modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune propose deux méthodes pour éliminer les doubles impositions :

– la méthode de l’exonération : si le résident de l’État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l’État B, l’État A exonère d’impôt ces revenus. Il peut néanmoins les prendre en compte pour déterminer le montant de l’impôt à percevoir ;

– la méthode de l’imputation : si le résident de l’État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l’État B, l’État A accorde, sur l’impôt qu’il perçoit, une déduction sous la forme d’un crédit d’impôt, égal à l’impôt payé dans l’État B.

Concernant les revenus, la convention de 1963 avait retenu la méthode de l’exonération : les revenus imposables en Grèce font l’objet d’une exonération d’impôt en France, qui peut néanmoins les prendre en compte pour déterminer le montant de l’impôt.

S’agissant des dividendes et intérêts, la convention de 1963 prévoyait l’application de crédits d’impôts forfaitaires par la France. Cette méthode, tombée en désuétude dans la pratique conventionnelle nationale, est source de contentieux. Aussi, lors de la négociation de la convention de 2022, les parties ont fait le choix d’abandonner la méthode de l’exonération pour privilégier la méthode de l’imputation.

Le choix de la méthode de l’imputation offre plusieurs avantages. D’une part, celle-ci permet de rétablir l’équité fiscale entre les contribuables percevant uniquement des revenus de source française et les contribuables percevant des revenus issus d’un État étranger ; elle garantit ainsi que les revenus de source grecque soient pris en compte de la même manière que les revenus de source française dans la détermination du taux marginal d’imposition. D’autre part, la méthode de l’imputation permet d’éviter les situations de double exonération.

b.   Une simplification des règles de répartition des rémunérations publiques

Les stipulations de la convention de 2022 remédient à certaines situations précises de double imposition signalées à propos de personnes physiques résidant en Grèce et percevant des rémunérations publiques.

En premier lieu, la convention du 11 mai 2022 vient préciser le champ d’application bilatéral à l’égard de la contribution spéciale de solidarité grecque. Cette contribution, créée en 2011, n’entrait pas, à l’origine, dans le champ d’application de la convention de 1963. Or, une décision du Conseil d’État grec de décembre 2018 l’a assimilée à un impôt frappant le revenu.

Prenant en compte l’analyse de la jurisprudence grecque, le b du 3 de l’article 2 de la convention du 11 mai 2022 étend son champ d’application à cette contribution spéciale de solidarité.

En second lieu, la convention du 11 mai 2022 clarifie la situation des personnes physiques résidentes en Grèce et imposées sur des rémunérations publiques de source française.

À cet égard, le principe d’imposition exclusive dans l’État de source est affirmé. Il concerne directement les 2 000 pensionnés publics résidant en Grèce. L’article 18 de la convention précise néanmoins que les rémunérations publiques perçues par des personnes disposant de la nationalité de l’État de résidence, sans disposer en même temps de celle de l’État de source, font l’objet d’une imposition exclusive dans l’État de résidence.

 


III.   Des conséquences économiques et budgétaires probablement positives mais mal maîtrisées par l’administration fiscale

A.   D’indéniables avancées en matière de simplification et de sécurité juridique

1.   Le cas des particuliers

Le réseau de conventions fiscales de la France est irrigué par la volonté de protéger les contribuables au moyen de mécanismes d’élimination de la double imposition, lorsqu’il existe un risque que les revenus d’un particulier soient imposés à la fois dans l’État de source et dans l’État de résidence. De fait, l’existence d’une convention fiscale bilatérale est un élément de sécurisation juridique et fiscale, tant pour les ressortissants étrangers établis en France que pour les Français établis à l’étranger.

L’atténuation des barrières à la mobilité internationale permise par la signature d’une convention fiscale est d’autant plus nécessaire au sein de l’Union européenne, où la libre circulation des personnes est consacrée par l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TUE).

L’entrée en vigueur de la convention franco-danoise du 4 février 2022 doit ainsi permettre de sécuriser la situation fiscale des 3 000 contribuables danois installés en France, ainsi que celle des 7 200 ressortissants français installés au Danemark ; la solution négociée en matière de taxation des pensions privées instituera notamment un mécanisme robuste d’élimination des doubles impositions qui fait aujourd’hui défaut.

De même, l’entrée en vigueur de la convention franco-grecque du 11 mai 2022 devrait être à même de neutraliser les doubles impositions sur les revenus des particuliers. Le choix de l’imposition exclusive dans l’État de source des rémunérations publiques permettra, en particulier, de mettre un terme aux difficultés découlant de l’application de la convention de 1963.

2.   Le cas des entreprises

Si la France, le Danemark et la Grèce ont tous les trois ratifié l’instrument multilatéral de l’OCDE, l’entrée en vigueur de ces deux conventions bilatérales conclues par la France est un facteur de modernisation de la lutte contre l’évitement fiscal et de simplification.

S’agissant du Danemark, le passage d’une situation régie par la conjonction des deux droits internes à une situation réglée par une convention fiscale est un indéniable facteur de prévisibilité et de sécurisation.

L’exemple des prestations de service intra-groupe est à cet égard éclairant. Depuis le 1er janvier 2009, la France applique une retenue à la source (RAS) pour les sommes payées à des entreprises prestataires installées au Danemark. Si la réglementation fiscale en vigueur prévoit la possibilité, pour les entreprises concernées, de demander par voie contentieuse le reversement de la fraction de l’impôt payé en France qui excède celui auquel l’entreprise aurait été soumise si elle avait été résidente fiscale française, cette procédure, lourde, constitue une charge administrative importante. La convention fiscale du 4 février 2022, qui supprime la nécessité d’emprunter la voie contentieuse auprès de l’administration fiscale, est donc de nature à renforcer le développement des investissements croisés entre nos deux pays.

De même, la convention franco-danoise fixe un régime d’imposition des revenus passifs qui prévoit :

– une imposition exclusive des intérêts dans l’État de résidence ;

– une imposition exclusive des redevances dans l’État de source ;

– un partage de l’imposition des dividendes, qui sont imposés dans l’État de résidence sous réserve d’une retenue au bénéfice de l’État de source, au taux maximal de 15 % ([4]).

La clarification du régime fiscal applicable aux revenus passifs et la réduction du taux de RAS pour les dividendes doit permettre de stimuler les investissements croisés entre les deux pays pouvant aboutir, in fine, à un accroissement des recettes fiscales ; ce surcroît éventuel, trop indirect, n’est toutefois pas chiffré par l’étude d’impact du projet de loi.

L’imposition des revenus passifs a également été clarifiée par la convention franco-grecque du 11 mai 2022, qui met en place un partage modernisé de leur imposition.

Les intérêts sont imposés dans l’État de résidence sous réserve d’une RAS de 5 % au profit de l’État de source. Pour rappel, la convention de 1963 mettait en place des taux différenciés de 10 % pour les intérêts de source française et de 12 % pour les intérêts de source grecque.

Les dividendes sont également imposés dans l’État de résidence sous réserve d’une RAS de 15 %.

Les redevances, enfin, sont semblablement imposées dans l’État de résidence sous réserve d’une RAS plafonnée à 5 %.

B.   l’absence d’éclairage budgÉtaire de la représentation nationale en matière de conventions fiscales n’est pas admissible

1.   Ex ante, l’étude d’impact transmise au Parlement est fragmentaire en ce qui concerne l’incidence des conventions sur les recettes fiscales

Si l’étude d’impact annexée au projet de loi contient des développements étoffés concernant les relations économiques et commerciales entre la France et le Danemark, puis entre la France et la Grèce, ces éléments ne sont qu’une compilation de données économiques générales librement accessibles.

En revanche, cette même étude d’impact est singulièrement muette concernant les conséquences de la mise en œuvre des conventions faisant l’objet de ratification. Se bornant à considérer que ces conventions doivent permettre de « renforcer les échanges économiques et les investissements entre la France et le Danemark et entre la France et la Grèce », l’étude d’impact n’évalue pas, quantitativement, le renforcement qu’elle évoque – qui dépend certes, pour partie, d’effets comportementaux difficiles à prédire.

Plus grave, il est totalement fait l’impasse sur l’impact budgétaire de la mise en œuvre de ces conventions, qui ont pourtant des effets en matière de recettes fiscales. Cet état de fait est d’autant plus surprenant que la direction générale des finances publiques (DGFiP) est la direction « métier » du texte ; or, la DGFiP possède l’intégralité des données fiscales permettant de réaliser de telles simulations. Interrogés sur ce point, les services ont mis en évidence l’absence d'outil permettant d’agréger l’exhaustivité des revenus par contribuable.

La rapporteure considère que cette absence de chiffrage constitue à tout le moins un axe d'amélioration.

Il sera rappelé que la Cour des comptes relevait, dans un référé relatif aux conventions fiscales internationales ([5]), que l’expertise économique consacrée aux négociations fiscales internationales pouvait être renforcée pour conforter notre capacité de négociation et enrichir les dossiers législatifs transmis aux parlementaires.

La Cour des comptes soulignait, déjà, qu’avancer « sans évaluation solide de l’impact économique des négociations, donc quasiment à l’aveugle, est de nature à porter atteinte à la défense de nos intérêts. » Elle recommandait, à cet égard, qu’une telle mission d’évaluation économique pourrait être confiée à une cellule de haut niveau associant des spécialistes de la DGFiP, de la direction générale du Trésor, de la Banque de France, voire de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Cette proposition de cellule de haut niveau avait été favorablement accueillie le ministre de l’économie et des finances, ainsi que par celui des comptes publics, dans leur réponse commune au référé de la Cour, en date du 29 juillet 2019.

Quatre ans plus tard et en dépit de son intérêt évident en matière de souveraineté économique, cette cellule n’a toujours pas formellement vu le jour.

2.   Ex post, il est souhaitable que les conventions fiscales bilatérales fassent l’objet d’un suivi plus sérieux

Si l’évaluation préalable des conséquences économiques et budgétaires des négociations fiscales internationales est fondamentale, il convient également de ne pas faire l’impasse sur leur évaluation empirique.

En effet, pour déterminer l’efficacité de la politique fiscale française, un travail de suivi dans le temps de l’application des conventions bilatérales apparaît nécessaire. Une telle évaluation permettrait d’alimenter l’élaboration de notre politique fiscale dans les négociations à venir, constituant, en cela, un chaînage vertueux.

Malheureusement, il ne pourra être que constaté qu’aucune convention fiscale postérieure à l’entrée en vigueur de l’instrument multilatéral, en 2019, n’a été à ce jour évaluée.

Pour les ministères financiers, le bureau en charge du suivi de nos 125 conventions fiscales bilatérales, composé d’une dizaine d’agents, se limite à instruire les difficultés soulevées par les contribuables en matière de double imposition.

Outre la problématique du sous-dimensionnement humain, un tel suivi se limite aux difficultés juridiques qui s’élèvent de la pratique et confirme ainsi le prisme légaliste de notre approche des conventions fiscales, qui mériterait d’être enrichi par une démarche économique.

 

*

*     *


   EXAMEN EN COMMISSION

Le 6 décembre 2023, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. S’agissant de l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de deux conventions de non double imposition fiscale et de lutte contre la fraude, signées avec le Danemark et la Grèce, respectivement les 4 février et 11 mai 2022, je me bornerai à rappeler à titre liminaire que, à la différence du Sénat, au sein de notre Assemblée c’est la commission des affaires étrangères – et non celle des finances –, qui débat de l’approbation de ce type de conventions.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Le Danemark, membre de l’Union européenne (UE), est un partenaire commercial important de la France, avec laquelle, en 2022, le montant des échanges bilatéraux s’élevait à 7,4 milliards d’euros. Par ailleurs, 7 200 Français y sont établis ; plus de 400 filiales danoises, employant près de 40 000 personnes, sont présentes sur notre territoire ; la communauté danoise en France compte 3 000 personnes.

Avec la Grèce, la France entretient des relations économiques denses et dynamiques, qui ont augmenté de près de 90 % de 2018 à 2022. La France est le quatrième fournisseur de la Grèce au sein de l’UE. En 2022, la balance commerciale franco-grecque était le sixième excédent commercial de notre pays. La communauté française en Grèce compte 8 000 personnes ; 35 000 citoyens grecs vivent en France.

Ces deux États entretiennent avec la France de riches relations. Les deux conventions fiscales dont nous sommes saisis ne résultent pas de la même situation.

La convention signée avec le Danemark le 4 février 2022 vise à remédier à une incongruité. Ce royaume est le seul pays de l’UE qui n’est pas lié à la France par une convention fiscale bilatérale. Celle qui a été conclue en 1957 a été dénoncée unilatéralement par la partie danoise, qui estimait que ses stipulations accordant au seul État de résidence le droit d’imposition des pensions privées n’étaient pas satisfaisantes, ce qui a exposé les contribuables concernés à un risque élevé de double imposition.

La convention signée l’an dernier règle le problème au moyen d’un mécanisme original de crédit d’impôt inversé. Les retraités installés en France percevant des pensions privées de source danoise imposables au Danemark continueront d’acquitter l’impôt sur le revenu à ce titre en France ; ils devront en outre acquitter l’impôt sur le revenu danois minoré du montant acquitté en France. En pratique, le montant perçu par le Trésor danois correspondra à la différence entre l’impôt dû au Danemark et l’impôt acquitté en France. Si l’impôt prévu par le barème fiscal danois est inférieur à celui prévu par le barème français, il ne percevra pas d’impôt. Cette solution préserve les intérêts du Trésor public français.

Par ailleurs, cette convention intègre les derniers standards établis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment en matière de clause générale anti-abus, de procédure amiable de règlement des différends et de définition de l’établissement stable. Pour laisser au Danemark le bénéfice de l’exploitation de ses ressources naturelles, ce dernier est constitué à partir de douze mois d’existence.

La convention signée avec la Grèce le 11 mai 2022 met un terme à des difficultés d’application nées de l’évolution des pratiques et des législations depuis la signature, en 1963, du traité précédent, qui n’a fait l’objet d’aucun avenant. Les stipulations de la convention de 2022 clarifient la situation de double imposition des personnes physiques résidant en Grèce et percevant des rémunérations publiques de source française, telles que les personnels du lycée

Elle clarifie notamment la situation des personnes physiques résidentes en Grèce et imposées sur des rémunérations publiques de source française, comme les personnels du lycée franco-hellénique Eugène-Delacroix d’Athènes. Elle affirme le principe d’imposition exclusive dans l’État de source et concerne les 2 000 pensionnés publics résidant en Grèce.

Par ailleurs, elle intègre les dernières avancées en matière de droit fiscal international. Son article 8 précise le cas particulier de la navigation maritime internationale, en imposant ses bénéfices dans l’État d’immatriculation des navires. La Grèce, pays d’armateurs, y est particulièrement attachée.

Les entreprises sont également concernées par ces deux accords, qui sont un facteur de modernisation de la lutte contre l’évitement fiscal et de simplification. Les dividendes sont imposés dans l’État de résidence, sous réserve d’une retenue à la source de 15 %. Les redevances sont imposées dans l’État de résidence sous réserve d’une retenue à la source plafonnée à 5 %.

Le Danemark et la Grèce ont déjà accompli les procédures internes nécessaires à l’entrée en vigueur de ces conventions. Il nous incombe d’y procéder à notre tour, de sorte que ces deux textes puissent entrer en vigueur dès le 1er janvier 2024.

Je souhaite porter à l’attention de la commission l’absence de chiffrage budgétaire de l’étude d’impact du projet de loi, ce qui est d’autant plus surprenant que la direction générale des finances publiques (DGFIP) – qui est la direction « métier » du texte – possède l’intégralité des données fiscales permettant de réaliser de telles simulations et que l’inscription du mécanisme de crédit d’impôt inversé dans une convention fiscale bilatérale est une première. Interrogés sur ce point, les services de l’État ont argué de l’absence d’outil permettant d’agréger de façon exhaustive les revenus de chaque contribuable. Il y a là un axe d’amélioration.

Par ailleurs, aucune évaluation ni comparaison des conventions fiscales européennes n’a été réalisée depuis l’entrée en vigueur en 2019 de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), conclue dans le cadre de l’OCDE.

Nonobstant ces remarques, je vous invite à adopter le projet de loi.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Claire Guichard (RE). Ce projet de loi vise à approuver des conventions fiscales issues de négociations minutieuses. Il s’agit de renforcer notre coopération fiscale avec le Danemark et la Grèce tout en répondant aux défis contemporains et en protégeant les intérêts de nos concitoyens et de nos entreprises.

L’un des enjeux majeurs de la convention conclue avec le Danemark est la taxation des pensions. La convention y répond en adoptant un mécanisme novateur de crédit d’impôt inversé. Ce système permet à la France de maintenir son droit d’imposer intégralement les pensions des retraités danois résidant sur notre territoire, soit environ 1 500 personnes, et au Danemark de les imposer à hauteur de la différence entre l’impôt versé en France et celui qui aurait dû l’être chez lui. Cette disposition assure l’élimination du risque de double imposition pour les particuliers, notamment les retraités, simplifie la situation fiscale des entreprises opérant dans les deux pays et favorise les investissements bilatéraux grâce à la réduction des taux de retenue à la source pour les revenus passifs.

S’agissant de la convention avec la Grèce, les négociations engagées en 2019 visaient à résoudre deux problèmes fiscaux majeurs : la contribution spéciale de solidarité introduite par la Grèce en 2011 n’était pas couverte par la convention de 1963 ; la décision grecque de 2020 d’imposer les rémunérations publiques de source française a eu un impact considérable sur certains résidents français en Grèce, notamment les personnels du lycée franco-hellénique Eugène-Delacroix d’Athènes, qui ont reçu des demandes d’arriérés d’impôts pour les années précédentes. La nouvelle convention stipule que la Grèce renonce à la perception des arriérés d’impôts antérieurement réclamés. Par ailleurs, elle s’aligne sur les standards modernisés de l’OCDE.

Saluant les réponses concrètes apportées par ces conventions aux problèmes de nos concitoyens et de nos entreprises, notre groupe votera en faveur de l’approbation de ces conventions.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Chère collègue, je m’en réjouis.

M. Jérôme Buisson (RN). La Grèce et le Danemark sont des pays amis. Nous comptabilisons environ 6,6 milliards d’euros d’échanges avec le Danemark en 2021 et environ 5 milliards d’euros avec la Grèce en 2022. Par ailleurs, 5 600 ressortissants français résident au Danemark et 8 000 en Grèce ; 3 000 Danois et 35 000 Grecs résident en France.

Notre pays entretient des liens étroits – politiques, stratégiques, économiques, sociaux, culturels – avec ces deux partenaires ; président du groupe d’amitié France-Grèce, je ne peux qu’attester de la solidité des liens d’amitié que nous entretenons avec la Grèce. Ces liens économiques et la présence de part et d’autre de nombreux ressortissants rendent nécessaire la conclusion de conventions fiscales permettant une imposition juste et ne lésant aucune partie, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises.

Compte tenu de l’ancienneté, confinant à l’archaïsme, de la convention conclue en 1963 avec la Grèce, il importait d’en conclure une nouvelle. L’imposition des rémunérations publiques des ressortissants français par la Grèce a durement touché le personnel du lycée franco-hellénique Eugène-Delacroix d’Athènes. Cette situation ne pouvait durer. La convention n’en était que plus attendue.

Quant à la convention conclue avec le Danemark en 1957, elle a été dénoncée unilatéralement par la partie danoise en 2009 en raison de l’imposition des pensions privées que le gouvernement danois souhaitait conserver, au motif que les Danois bénéficient d’un allégement d’impôt sur leurs cotisations au régime de retraite. L’article 17 de la convention de 2022 prévoit un mécanisme permettant aux Danois de percevoir la différence entre l’impôt payé par les résidents danois en France et l’impôt auquel ils seraient soumis au Danemark. La position du gouvernement danois sur l’imposition des pensions privées est compréhensible.

Le projet de loi, que nous voterons, prouve qu’il est possible, si la volonté politique existe, d’agir et de faire respecter sa souveraineté, en matière fiscale comme migratoire – je ne détaillerai pas la politique danoise en la matière.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Je remercie votre groupe de son vote.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Si nous nous réjouissons que les conventions – conclues respectivement le 4 février 2022 à Paris et le 11 mai 2022 à Athènes – entre la France et le Danemark et entre la France et la Grèce pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôt sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscale démontrent la bonne tenue de nos relations avec ces partenaires historiques, nous demeurons sceptiques sur la seconde partie de l’intitulé de ces textes.

Si l’élimination de la double imposition, clairement détaillée par les États signataires, est un pas dans la bonne direction, nous sommes plus réservés sur l’apport de ces textes en matière de prévention de l’évasion et de la fraude fiscale. Quelques déclarations d’intention ne sauraient tenir lieu d’acte fort démontrant une volonté politique sincère de lutter contre l’évitement de l’impôt. La fraude et l’évasion fiscales sont pourtant des sujets majeurs pour notre pays. Ce fléau contemporain coûte de 80 à 120 milliards d’euros par an aux finances publiques, soit autant d’argent en moins pour l’école, l’hôpital, la lutte contre le dérèglement climatique ou la politique du logement. Il est donc intolérable de se contenter de demi-mesures et de vagues promesses s’agissant d’un enjeu aussi colossal pour notre pays.

Les deux conventions qui nous sont soumises complètent le formidable réseau de conventions fiscales internationales dont nous disposons. La France en a signé 125, ce qui est un record mondial. Cela nous donne une responsabilité. Grâce à la puissance de sa diplomatie fiscale, notre pays pourrait prendre la tête de la lutte contre l’évasion fiscale. Il est donc urgent d’ouvrir un grand chantier de renégociation de nos conventions fiscales internationales, pour y intégrer les normes anti-abus les plus draconiennes et les outils de lutte contre l’évitement de l’impôt les plus efficaces.

Le texte qui nous est soumis se contente de retranscrire les timides avancées obtenues lors des dernières négociations tenues dans le cadre de l’OCDE, qui se résument souvent à des promesses creuses. Quelles garanties avons-nous que ce projet de loi fera réellement progresser la lutte contre l’évasion fiscale ? Le doute est permis, d’autant que le Gouvernement n’en fait pas une priorité, comme en témoignent les continuelles suppressions de postes dans le contrôle fiscal.

Les clauses spécifiques au transport maritime ne sont pas identiques dans les deux conventions. Pourquoi ? S’il s’agissait réellement de lutter contre l’évasion fiscale, les deux textes offriraient les mêmes outils. Le Gouvernement peut-il garantir que CMA CGM – Compagnie maritime d’affrètement - Compagnie générale maritime –, le géant français du secteur, qui a réalisé des superprofits scandaleux au cours des dernières années tout en évitant largement l’impôt, ne réduira pas davantage sa facture fiscale grâce à ces conventions ?

La lutte contre l’évasion fiscale mérite mieux que des mesures symboliques.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Concernant vos doutes sur la prévention de la fraude fiscale, ces deux conventions comportent trente-deux articles pour l’une et trente pour l’autre, dont une dizaine sont relatifs au régime d’imposition des entreprises et à l’alignement sur les normes de l’OCDE. Dans l’une et l’autre, l’article 25 définit les échanges bilatéraux d’informations permettant de vérifier la conformité des déclarations et de lutter contre la fraude fiscale.

Concernant les dispositions spécifiques relatives aux armateurs figurant dans la convention conclue avec la Grèce, elle résulte de l’insistance de cette dernière, dont la flotte commerciale représente une force économique significative. Au demeurant, elles figuraient dans la convention précédente.

Si notre pays a signé un grand nombre de conventions fiscales internationales, c’est parce que les cas particuliers sont nombreux. Par ailleurs, chaque pays défend ses intérêts, ce qui oblige à la négociation.

M. Meyer Habib (LR). La communauté française au Danemark compte 7 000 de nos compatriotes ; 3 000 Danois vivent en France. Ce pays est un partenaire et un allié, en plus d’être le seul pays au monde Juste parmi les nations : j’ai eu l’honneur d’en accompagner le prince héritier au Mémorial de la Shoah, il y a quelques semaines. Il mérite une convention fiscale à la hauteur des enjeux économiques, fiscaux et commerciaux que nous partageons. La France est le neuvième client et le neuvième fournisseur du Danemark. Notre balance commerciale avec ce pays présente un excédent, ce qui est rare, de 257 millions d’euros. Notre pays est l’un des dix premiers investisseurs au Danemark, avec 11,2 milliards d’euros en 2019. Des entreprises telles que BNP Paribas, Capgemini et TotalEnergies y sont représentées. Il était urgent de conclure une convention. Nous voterons le projet de loi.

La Grèce, qui fait partie de ma circonscription, héberge une magnifique communauté française d’environ 20 000 personnes, dont 8 000 sont inscrites sur le registre des Français établis hors de France. La convention fiscale conclue entre la France et la Grèce en 1963 ne prévenait plus certains de nos ressortissants du risque de double imposition, comme je l’ai plusieurs fois indiqué à l’Exécutif, au point que plusieurs de nos compatriotes disaient vouloir quitter le pays. Mettre un terme à cette fiscalité punitive est une bonne chose.

La convention dont nous allons autoriser l’approbation réduit le risque de double imposition entre nos deux États et abandonne la méthode d’exonération, qui n’est pas satisfaisante, au profit de celle de l’imputation. L’imposition exclusive dans l’État qui verse les rémunérations publiques est conforme au droit international.

La rétroactivité de la convention, qui entraîne le remboursement des prélèvements réalisés à partir de l’exercice fiscal de 2015, exclut ceux réalisés précédemment. Plusieurs résidents m’ont alerté à ce sujet. Est-il possible d’inscrire une modification dans la convention ?

Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour rappeler qu’il faudra conclure un accord similaire avec l’Italie, afin de mettre un terme à l’imposition des pensions perçues par nos ressortissants qui y résident par le fisc italien.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. La rétroactivité de la convention a été accordée par les autorités hellènes. Elle s’applique jusqu’à l’exercice fiscal de 2015.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Le Danemark est un partenaire économique important pour notre pays. Il est déplorable qu’un vide conventionnel dans le domaine fiscal nous sépare, tant nos relations sont denses. La convention fiscale conclue en 1957 et désapprouvée par le Danemark devait être revue. Le groupe Démocrate se réjouit que les négociations entamées en 2021 aient donné lieu à la conclusion d’une nouvelle convention, d’ores et déjà approuvée par le Danemark.

Concernant nos amis hellènes, avec lesquels nous entretenons des relations également anciennes et profondes, la convention de 1963 n’a jamais été amendée, ce qui a fini pas soulever des difficultés d’application. Les négociations entamées en 2019, visant notamment à en adopter une nouvelle mouture intégrant les derniers standards internationaux en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, ont abouti à un accord d’ores et déjà ratifié par la Grèce, ce dont notre groupe se réjouit.

Le groupe Démocrate votera le projet de loi.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Vous m’en voyez ravie.

M. Alain David (SOC). L’absence de convention fiscale avec le Danemark depuis 2009 était une anomalie, d’autant que nos relations avec lui sont étroites ; l’examen de tels textes techniques offre l’occasion de faire le point sur nos relations extérieures, notamment du point de vue économique et culturel. La convention conclue avec le Danemark constitue un indéniable progrès pour les deux pays, en raison notamment du compromis obtenu sur l’imposition des pensions.

Dans le cas de la Grèce, il était manifestement nécessaire de revoir l’accord précédent, devenu archaïque. La ratification permettra de tenir compte des derniers standards de l’OCDE en matière de coopération fiscale et de lutte contre la fraude. Les quelque 8 000 Français inscrits sur le registre des Français établis hors de France bénéficieront d’une sécurité et d’une lisibilité accrues.

Le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Cher collègue, je vous en remercie.

M. Xavier Batut (HOR). Les relations économiques de la France avec la Grèce et le Danemark ne peuvent que bénéficier de règles fiscales claires permettant d’éviter toute double imposition. Les conventions fiscales bilatérales sont essentielles pour apprécier au cas par cas les spécificités fiscales des pays avec lesquels nous échangeons au sein du marché européen.

La dénonciation par le Danemark de la convention fiscale avec la France en vigueur jusqu’en 2008 a créé un vide juridique posant problème aux 5 600 ressortissants français qui y vivent. Par ailleurs, il fallait éviter aux retraités danois installés sur notre territoire national d’être doublement imposés sur leur pension. Quant à la convention fiscale signée avec la Grèce en 1963, elle n’avait jamais évolué, au point de devenir désuète face aux évolutions fiscales tendant à une augmentation du recours au prélèvement à la source et à l’évolution des rémunérations publiques.

La renégociation de ces conventions est aussi l’occasion de les adapter aux standards fixés au sein de l’OCDE, à l’élaboration desquels la France a contribué et qu’elle a adoptés en 2017 dans le cadre de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Ces standards participeront à la transparence des conventions bilatérales au bénéfice des acteurs économiques et à la rapidité de leur mise en œuvre.

Le groupe Horizons et apparentés votera le projet de loi.

Mme Béatrice Piron, rapporteure. J’en remercie votre groupe.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Le projet de loi portant approbation des conventions pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôt sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscale avec la Grèce et le Danemark est classique. Il fallait moderniser les deux régimes applicables. Nos partenariats avec ces deux pays de l’UE sont fondamentaux. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera l’approbation de ces deux conventions. La vétusté, pour l’une, le manque, pour l’autre, portaient préjudice à la visibilité nécessaire aux entreprises et aux citoyens. Il est bon d’y remédier.

Toutefois, d’après le suivi du groupe de travail de l’OCDE sur la corruption, qui rassemble quarante-quatre États et qui a mené une évaluation de la quatrième phase de mise en œuvre de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par le Danemark en 2023 et par la Grèce en 2022, ces deux États ont encore des efforts à faire pour combattre la corruption transnationale.

En mars 2023, soit tout récemment, le groupe de travail indiquait : « Le Danemark ne donne pas suffisamment priorité à la prévention à la détection des actes de corruption transnationale et à la sanction de leurs auteurs. […] Les auteurs du rapport font part de leurs préoccupations concernant les efforts déployés par le Danemark pour mettre en œuvre la convention et lui recommandent de s’attaquer aux lacunes que présente depuis longtemps son cadre juridique. ». Ces réflexions ont amené l’OCDE à proposer au Danemark sept pistes d’amélioration en la matière.

L’OCDE a par ailleurs exprimé « sa très grande préoccupation concernant la détection et la répression de l’infraction de corruption transnationale par la Grèce », indiquant qu’elles « doivent être améliorées de toute urgence ». D’après l’OCDE, il est « nécessaire de modifier très largement les dispositions législatives relatives à la responsabilité juridique des personnes morales ». Certes, la France est loin d’être parfaite.

Madame la rapporteure, dès lors que nous nous apprêtons à ratifier des conventions fiscales avec ces deux États, pensez-vous que ces lacunes amélioreront la lutte contre la corruption transnationale ? Existe-t-il des échanges entre la France et ces deux États pour améliorer mutuellement la lutte contre ces graves phénomènes que sont l’évasion et l’évitement fiscaux ?

Mme Béatrice Piron, rapporteure. L’OCDE a, en effet, rédigé un rapport sur la corruption transnationale, domaine dans lequel il nous reste des marges de progression. Le Danemark a été clairement informé de ce phénomène qu’il avait tendance à négliger, étant peu touché par la corruption interne. Grâce à son article 25, cette convention va permettre d’échanger des informations entre les pays et aider à la lutte contre la corruption et les fraudes transnationales, ce qui ne peut qu’améliorer la situation.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Après les interventions au titre des groupes, je vais donner la parole à M. Michel Guiniot, seul inscrit à s’exprimer à titre individuel.

M. Michel Guiniot (RN). La ratification de ces deux conventions est en effet importante pour actualiser nos fiscalités.

S’agissant de l’accord avec la Grèce, l’articulation des articles 29, 18 et 21 va permettre une avancée très notable : la Grèce renonce à percevoir les arriérés d’impôts qu’elle réclamait à des résidents français.

S’agissant de la convention fiscale qui nous lie au Danemark, j’émettrai quelques réserves. Alors qu’elle vise explicitement à éliminer la double imposition, l’article 17 prévoit l’imposition des retraites à la fois dans l’État de résidence du contribuable et dans l’État source de sa pension. Pour compenser la formalisation de la double imposition des retraites, l’article 22 prévoit que le résident de France a droit, sous réserve de certaines conditions et limites, à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français. Auriez-vous une idée de la charge que représente ce crédit d’impôt pour l’État français ?

À l’article 22, il est également prévu que lorsqu’un résident perçoit des rémunérations passives, en particulier des dividendes, l’État accorde une déduction d’un montant égal à l’impôt sur le revenu supporté dans l’autre État. Dans votre rapport, vous indiquez que le taux maximal est de 15 %, abattement qui représente une sacrée élimination de la double imposition pour les actionnaires résidents ! Pourriez-vous m’indiquer s’il est courant d’encourager particulièrement l’accueil d’actionnaires ? Je n’ai pas l’impression qu’il y ait un article similaire dans l’accord avec la Grèce.

Dernière remarque : selon votre rapport, il y aurait tantôt 5 600 tantôt 7 200 Français résidant au Danemark. Quel est le bon chiffre ?

Mme Béatrice Piron, rapporteure. Il y a 5 600 Français inscrits au consulat sur un total de 7 200 compatriotes vivant au Danemark.

Le crédit d’impôt, prévu à l’article 17, vise à éviter une double imposition en permettant de déduire l’impôt déjà payé en France de l’impôt payable au Danemark. Comme l’impôt danois est supérieur à l’impôt français dans la majorité des cas, les contribuables concernés ne paieront au Danemark que la différence entre les deux. La France conservant le gain de ce qu’elle a perçu, il n’y a donc aucune perte de recettes pour notre pays. L’Etat impose les retraités danois résidant en France comme n’importe quel résident français.

Quant à la clause de retenue à la source prévue à l’article 22, elle existe désormais dans toutes les conventions, y compris celle que la France a signée avec la Grèce. Le taux peut varier d’une convention à l’autre mais le principe, très classique, est reconnu par l’OCDE.

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Article 1er (autorisation de l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signée à Paris le 4 février 2022)

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 (autorisation de la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signée à Athènes le 11 mai 2022)

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi sans modification.


ANNEXE 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

Article 1er

(Non modifié)

 

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signé à Paris le 4 février 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

Article 2

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signée à Athènes le 11 mai 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                

N.B. : Les textes de l’accord et de la convention figurent en annexe au projet de loi (n° 1811).


ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES auditionnÉes PAR
La RAPPORTEURe

 

Pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

 

    Mme Fanny Rolland, rédactrice au service des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire de la direction des français de l'étranger et de l'administration consulaire ;

    Mme Paola Emerit, rédactrice Danemark, direction de l'Union européenne ;

    M. Corentin Perrochaud, rédacteur Grèce, direction de l'Union européenne ;

    Mme Claire Giroir, conseillère juridique, direction des affaires juridiques.

 

 

Pour le ministère de l'économie et des finances

 

    M. Florian de Filippo, chef du bureau E1, direction de la législation fiscale ;

    Mme Nathalie Gossement, adjointe au chef du bureau E1, direction de la législation fiscale ;

    M. Antoine Guici, chef de la section 1, direction de la législation fiscale ;

    Mme Mathilde Gallet, adjointe au chef de la section 1 ; direction de la législation fiscale ;

    Mme Milena Wittmann, rédactrice, direction de la législation fiscale ;

    Mme Stéphanie Attal, rédactrice, direction de la législation fiscale.

 


([1]) OECD, Model tax convention on income and on capital 2017, article 18.

([2]) Ibid. article 19.

([3])  Directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne.

([4]) Cette retenue est neutralisée lorsque le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient au moins 10 % de la société qui verse les dividendes, conformément au régime mère-fille de la directive européenne 2011/96/UE du 30 novembre 2011, transposé à l’article 216 du code général des impôts.

([5]) Cour des comptes, référé, 31 mai 2019, Les conventions fiscales internationales.