N° 1980

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification du Traité d’entraide judiciaire en matière pénale

entre la République française et la République du Kazakhstan,

PAR Mme Laurence VICHNIEVSKY

Députée

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir le numéro : 1284


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. le Kazakhstan : un partenaire stratégique en Asie centrale

A. un pays qui a initié un processus de réforme de ses institutions

1. Un processus de modernisation politique et économique engagé par le président Kassym-Jomart Tokaïev

2. Un système judiciaire marqué par des avancées récentes mais qui mériterait d’être plus indépendant

3. Des droits et des libertés encore insuffisamment protégés

B. un partenaire croissant en ASIE CENTRALE

1. Des échanges humains et culturels plus nombreux

2. Un partenariat économique renforcé

3. Une coopération judiciaire ponctuelle

II. un traité qui répond à une demande kazakhstanaise de renforcement de notre coopération judiciaire en matière pénale

A. les dispositions du traité

1. Un champ de coopération large mais qui exclut l’extradition

2. Des motifs de refus conçus comme des garanties pour la partie française

3. Des dispositions qui devraient renforcer l’efficacité de l’entraide

B. des conséquences juridiques et administratives limitées pour la France

1. Des mécanismes déjà prévus dans notre droit interne

2. Un nombre de demandes jusqu’ici peu élevé

Examen en commission

annexe N° 1 : TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE N° 2 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

 


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   introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 1284 autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale conclu avec la République du Kazakhstan. Ce texte a été signé le 28 octobre 2021 par l’ambassadeur de France au Kazakhstan, M. Didier Canesse, et par le procureur général du Kazakhstan, M. Gizat Nurdauletov.

Dans un contexte d’internationalisation de la criminalité, et notamment de la criminalité économique et financière, ce traité doit permettre aux deux États de disposer d’un cadre juridique plus clair et plus complet pour leur coopération judiciaire en matière pénale. Le texte inclut, par exemple, des dispositions relatives au recours à la visioconférence, aux saisies et confiscations, ou à la protection des données personnelles.

Plus généralement, ce traité contribue à renforcer la relation bilatérale entre les deux pays, une relation de plus en plus stratégique.

Il est nécessaire de souligner que le traité prévoit de nombreuses garanties pour la partie française, le Kazakhstan ne pouvant pas être qualifié d’État de droit, malgré les réformes institutionnelles engagées récemment, et les droits humains demeurants insuffisamment protégés.

 


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I.   le Kazakhstan : un partenaire stratégique en Asie centrale

Avec 2,7 millions de kilomètres carrés, le Kazakhstan est le géant géographique de l’Asie centrale. Il représente aussi la première économie de la région.

Depuis 2019, le pays s’est engagé dans un cycle de réformes institutionnelles et économiques, accélérées à la suite du mouvement de protestation socio-économique intervenu au début de l’année 2022. Ces réformes doivent être saluées, même s’il est important de rappeler que les institutions du pays ne peuvent pas être qualifiées de démocratiques.

Le Kazakhstan revendique une diplomatie multivectorielle, axée sur la diversification de ses partenariats et prônant le multilatéralisme et la résolution pacifique des conflits. La France a souhaité en tirer parti, en signant un traité de partenariat stratégique en juin 2008 (entré en vigueur en 2010) et, plus récemment, en multipliant les visites à haut niveau. Le président Kassym Jomart Tokaïev s’est ainsi rendu à Paris, les 28 et 29 novembre 2022, et le président Emmanuel Macron à Astana, le 1er novembre 2023. En 2024, le président kazakhstanais sera invité d’honneur du Forum de Paris sur la paix.

A.   un pays qui a initié un processus de réforme de ses institutions

Le Kazakhstan ne partage pas les conceptions françaises de l’État de droit et des droits humains, même si certaines évolutions encourageantes doivent être présentées.

1.   Un processus de modernisation politique et économique engagé par le président Kassym-Jomart Tokaïev

Depuis le 19 mars 2019, le Kazakhstan est dirigé par M. Kassym-Jomart Tokaïev, d'abord à titre intérimaire à la suite de la démission de son prédécesseur Noursoultan Nazabarbaïev, puis en tant que président élu à l’issue du scrutin du 9 juin 2019.

Depuis son arrivée au pouvoir, le président Kassym-Jomart Tokaïev a conduit une politique de réformes encadrées. Le premier bloc de réformes, annoncé le 20 décembre 2019, prévoyait l’autorisation des manifestations sur la voie publique, la création d’un statut de l’opposition parlementaire, la facilitation du processus de création de nouveaux partis politiques, l’abolition de la peine de mort, ainsi que des mesures de transparence budgétaire, économique et financière.

En janvier 2022, des troubles ont éclaté dans plusieurs villes du pays, dont Almaty. Un mouvement de protestation socio-économique déclenché par la hausse du prix du gaz naturel liquéfié, a été suivi par un mouvement à caractère insurrectionnel. Ces événements ont été marqués par une forte répression de la police et l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) a envoyé un contingent pour maintenir paix, à la demande des autorités kazakhstanaises.

À la suite de ces évènements, le président Kassym-Jomart Tokaïev a indiqué vouloir moderniser la vie politique et économique de son pays. Le 16 mars 2022, il a exposé un programme de réformes devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès. L’objectif affiché était de dynamiser le débat public et de passer d’un régime « hyper présidentiel » à un régime doté d’« un président fort, un Parlement influent et un gouvernement responsable ».

Ces annonces ont été suivies par l’organisation d’un référendum constitutionnel le 5 juin 2022, au cours duquel les Kazakhstanais ont approuvé à plus de 77 % des voix l’adoption d’un paquet d’amendements à la Constitution : réduction de certains pouvoirs du président ([1]), modification du mode de scrutin pour l’élection de la chambre basse du Parlement (le Majilis), diminution du nombre de sénateurs nommés par le président (10 sur 50, contre 15 auparavant), élection au suffrage universel de certains maires et gouverneurs, création d’une Cour constitutionnelle ([2]), interdiction d’appartenir à un parti politique pour certains fonctionnaires (juges, militaires, hauts fonctionnaires).

Néanmoins, dans les faits, le président conserve encore une place prépondérante. L’article 40.3 de la Constitution, qui lui donne un pouvoir très large de coordination des activités du gouvernement, n’a pas été modifié ([3]).

Des élections présidentielles anticipées se sont tenues le 20 novembre 2022. Le président a été réélu dès le premier tour avec 81,31 % des voix. De nouveaux amendements constitutionnels avaient été adoptés en septembre 2022, en prévision de ce scrutin : ces amendements prévoient l’extension de la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans et interdisent désormais la possibilité d’un second mandat consécutif.

Enfin, un renouvellement anticipé du Parlement et des assemblées locales est intervenu le 19 mars 2023, à la suite de l’annonce de la dissolution du Parlement par le président de la République le 19 janvier. Le seuil d’enregistrement des partis politiques a été abaissé à 5 000 adhérents, contre 20 000 pour les précédentes élections (2021). Les candidats indépendants ont été autorisés pour la première fois à se présenter. Au final, le parti Amanat qui soutient le pouvoir est arrivé largement en tête, en emportant plus de la majorité des suffrages (53,9 % des voix) et en devançant les six partis concurrents, même s’il a affiché un recul historique (70 % des suffrages avaient été obtenus lors de la législature précédente).

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a effectué une mission d’observation lors de ce scrutin, a jugé l’organisation globale des élections satisfaisante, en dépit de la constatation d’irrégularités. Le rapport final d’observations pointe l’absence de réel pluralisme politique ([4]).

2.   Un système judiciaire marqué par des avancées récentes mais qui mériterait d’être plus indépendant

Au Kazakhstan, l’institution judiciaire est composée de tribunaux locaux, de tribunaux spécialisés et de la Cour suprême ([5]). De plus, l’organisation du parquet est hiérarchique et centralisée ([6]). Il est dirigé par le procureur général, placé sous le contrôle direct du président de la République, ce qui ne garantit pas une indépendance ([7]).

Le code pénal et le code de procédure pénale sont entrés en vigueur en 1997. Un nouveau code pénal a été adopté le 3 juillet 2014, amendé à plusieurs reprises en 2019 et 2021, notamment afin de supprimer toute référence à la peine de mort.

Le code pénal reconnaît certains principes essentiels (principe non bis in idem ; non rétroactivité de la loi pénale ([8])), de même que le code de procédure pénale. Ce dernier prévoit, par exemple, que la procédure pénale assure « la protection contre les accusations et les condamnations injustifiées, la restriction illégale des droits et libertés de l’homme et du citoyen et, en cas d’accusation ou de condamnation illégale d’une personne innocente, sa réhabilitation immédiate et complète, ainsi que la contribution au renforcement de l’État de droit, à la prévention des infractions pénales et à l’instauration du respect de la loi. » Le code de procédure pénale prévoit la présomption d’innocence.

Au Kazakhstan, toute personne âgée de 16 ans et plus peut être déclarée responsable pénalement de toutes les infractions pénales. Pour certaines infractions énumérées, la responsabilité pénale est abaissée à l’âge de 14 ans.

Le droit pénal kazakhstanais distingue les infractions pénales en quatre catégories : les infractions mineures (peine maximale encourue de deux ans d’emprisonnement), les infractions de gravité moyenne (peine maximale encourue de cinq ans d’emprisonnement), les crimes graves (peine maximale encourue de douze ans d’emprisonnement) et les crimes particulièrement graves (peine maximale encourue supérieure à douze ans jusqu’à la perpétuité).

Les sanctions pénales pouvant être prononcées vont des peines d’amende à l’emprisonnement, en passant par les travaux généraux et la restriction de la liberté individuelle ([9]). La peine de mort n’est plus appliquée dans le pays. Le 23 septembre 2020, il a en effet signé le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, marquant ainsi son choix d’abolir définitivement la peine de mort pour tous les crimes. Le Parlement a autorisé sa ratification le 24 mars 2022.

La justice kazakhastanaise semble encore touchée par la corruption. D’après le classement 2022 publié par l’organisation non-gouvernementale (ONG) Transparency International, le Kazakhstan se situe au 101ème rang sur 180 pour l’indice de perception de la corruption. Le pays reste ainsi confronté à la corruption, même si des initiatives contribuent à lutter contre le phénomène. Le gouvernement poursuit une stratégie nationale anti-corruption pour la période 2015-2025, avec pour objectif de réduire le niveau de corruption dans plusieurs domaines : le secteur public, les autorités judiciaires et policières, le secteur privé. Le président Kassym-Jomart Tokaïev souhaite accélérer ces réformes.

Dans un rapport publié en 2017, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne certaines avancées en matière de lutte contre la corruption, notamment dans le domaine judiciaire, et invite le pays à harmoniser sa législation en la matière. La France souhaite y contribuer. En novembre 2022, l’Agence française anticorruption (AFA) a signé avec Antikor, son homologue kazakhstanais, un protocole d’accord visant à accroître leur coopération bilatérale.

3.   Des droits et des libertés encore insuffisamment protégés

La situation des droits de l’Homme et de l’État de droit fait l’objet d’un dialogue approfondi avec l’Union européenne (UE) dans le cadre des enceintes UE/Kazakhstan. La 14ème édition du dialogue sur les droits humains UE-Kazakhstan s’est tenue à Bruxelles en mars 2023, parallèlement au 20ème sous-comité sur la justice et les affaires intérieures. Rappelant la nécessité de faire la lumière sur les évènements de janvier 2022, l’Union a salué les réformes mises en œuvre pour un « Kazakhstan juste », notamment l’établissement d’une Cour constitutionnelle et la création du poste de Haut-commissaire aux droits humains.

Toutefois, les droits et les libertés de la population kazakhstanaise ne sont pas encore suffisants, ni protégés suffisamment.

En matière de lutte contre les violences conjugales, les droits et les protections des victimes sont encore largement perfectibles, même si des initiatives ont été mises en œuvre. En 2021, le ministère de l’intérieur a, par exemple, annoncé le renforcement des effectifs des unités chargées spécifiquement de la protection des victimes de violences domestiques.

Le Kazakhstan n’a pas rejoint la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestiques (dite « convention d’Istanbul »), adoptée le 7 avril 2011 et entrée en vigueur le 1er août 2014. Selon l’ambassade du Kazakhstan en France, le pays respecterait déjà 70 % des stipulations de ce texte et le gouvernement serait actif sur la question. À la suite de discussions avec une mission du Conseil de l’Europe et des représentants de la société civile, le gouvernement aurait proposé des évolutions législatives au Parlement, le 23 novembre 2023.

Enfin, si le pays a dépénalisé l’homosexualité en 1998 ([10]), les discriminations à l’égard des personnes LGBTQ+ sont encore nombreuses. En 2015, le Parlement kazakhstanais avait approuvé un projet de loi « contre la propagande des orientations sexuelles non traditionnelles », inspiré par la législation russe, mais ce dernier avait ensuite été invalidé par le Conseil constitutionnel.

B.   un partenaire croissant en ASIE CENTRALE

Le Kazakhstan est un partenaire diplomatique stratégique de la France en Asie centrale, et cet aspect s’est renforcé depuis la guerre en Ukraine. Le Kazakhstan, bien que demeurant très proche de la Russie, s’est en effet positionné très prudemment sur ce dossier, craignant notamment un éventuel impact sur sa frontière.

Le pays représente également de nombreux enjeux pour la France en matière de relations culturelles, économiques et judiciaires.

1.   Des échanges humains et culturels plus nombreux

En France, on dénombre 2 530 ressortissants kazakhstanais résidants sur le territoire (97ème communauté extra-européenne) ([11]). Cette population a augmenté de 38 % par rapport à 2016 et est principalement composée d’étudiants : 60 % des premiers titres de séjour délivrés en 2020 étaient des visas étudiants.

Au Kazakhstan, 308 Français sont enregistrés. Parmi eux figurent des ingénieurs et des cadres, plusieurs grandes entreprises du CAC40 étant implantées dans le pays. Des étudiants français sont également présents à Almaty, grâce à un accord de coopération universitaire avec l’université Al-Farabi. En 2024, une « université franco-kazakhstanaise » ˗ c’est-à-dire un regroupement de plusieurs programmes de coopération bilatérale entre des universités françaises et kazakhstanaises ˗ doit être créée.

Le réseau culturel français au Kazakhstan est constitué de quatre alliances françaises (Almaty, Astana, Chymkent et Karaganda), qui accueillent un total de 2 000 étudiants.

En outre, le 1er novembre 2023, les présidents français et kazakhstanais ont signé un accord en matière de coopération éducative visant à ouvrir des écoles françaises à Astana et à Almaty.

Enfin, la coopération scientifique et technique est structurée autour de deux instituts franco-kazakhstanais de formation et de recherche : l’Institut Sorbonne-Kazakhstan (ISK) et le Centre géo-énergies ([12]).

2.   Un partenariat économique renforcé

Avec un produit intérieur brut (PIB) d’environ 206 milliards d’euros en 2022 et une croissance économique de 2,7 % en moyenne sur la période 2018-2022 selon la Banque mondiale, le Kazakhstan est la première économie d’Asie centrale (50 % du PIB régional). Cette économie repose essentiellement sur l’extraction d’hydrocarbures (environ 60 % des exportations en valeur en 2020), le pays étant le premier producteur d’uranium au monde et l’un des premiers producteurs de pétrole. Le Kazakhstan cherche toutefois aujourd’hui à diversifier ses activités.

Le pays constitue le premier partenaire économique et commercial de la France en Asie centrale. En 2022, il était le 58ème client de la France et son 33ème fournisseur. Selon les douanes françaises, les exportations françaises vers le Kazakhstan, d’un montant total de 868 millions d’euros, étaient majoritairement composées de matériel de transport (36,4 %), de produits pharmaceutiques (10,3 %), de produits chimiques, parfums et cosmétiques (10,1 %) et de machines industrielles et agricoles ou diverses (8,8 %). Les importations, d’un montant de 4,37 milliards d’euros, concernaient essentiellement les hydrocarbures naturels et les autres produits des industries extractives (93,4 %) ainsi que les produits métallurgiques et métalliques (4,4 %).

Le Kazakhstan est un fournisseur de pétrole brut et d’uranium stratégique pour la France, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la situation au Niger. Il représente également un enjeu croissant en matière de terres rares, des métaux indispensables pour la transition énergétique.

Plusieurs grands groupes français (TotalEnergies, Aéroports de Paris, Air Liquide, Lactalis, Alstom, Thales, Décathlon, Vicat) sont implantés au Kazakhstan, dans le secteur des hydrocarbures, des industries extractives, de l'aéronautique, du ferroviaire, de la distribution et de l’agroalimentaire.

Dans une déclaration conjointe publiée le 1er novembre, président français et le président kazakhstanais « sont convenus de poursuivre la diversification et l'approfondissement de la coopération économique entre nos deux pays, qui sont l’un pour l’autre des partenaires importants (…) ». En outre, « rappelant les objectifs de la feuille de route économique bilatérale 2021-2030 ([13]), les présidents sont convenus de promouvoir le renforcement des échanges et des coopérations dans le domaine de l’énergie, de l’énergie nucléaire ([14]) et de l’industrie, ainsi qu’en matière de minerais stratégiques dans le prolongement de la déclaration d’intention signée sur le sujet. Ils sont également convenus de promouvoir le renforcement de la coopération dans le secteur agricole. »

Les deux présidents se sont également « félicités de la signature de l’accord intergouvernemental relatif aux activités du groupe Agence française de développement (AFD) au Kazakhstan. (…) Des premiers travaux dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et de la santé seront engagés, avec pour perspective l’ouverture d’un bureau de représentation à Astana. »

3.   Une coopération judiciaire ponctuelle

Le Kazakhstan est confronté à différents types de criminalité. Il constitue, par exemple, à la fois un pays « source » et un pays de transit pour le trafic d’êtres humains, notamment à des fins sexuelles à destination du Moyen-Orient, de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est, et à des fins domestiques en Russie, au Bahreïn, au Brésil, en Corée du Sud, en Turquie et aux Émirats-Arabes Unis. Le pays est également confronté au trafic de stupéfiants, à la fois comme producteur de cannabis et d’éphédrine, et comme territoire de transit pour l'héroïne afghane à destination de la Russie. Enfin, le pays fait face à une criminalité économique et financière croissante.

En parallèle, le Kazakhstan est aussi menacé par le terrorisme islamiste ([15]), notamment du fait de sa proximité géographique avec l’Afghanistan et le Pakistan. La porosité des frontières kazakhstanaises contribue à accentuer les risques.

Dans ce contexte, la coopération judiciaire entre le Kazakhstan et la France apparaît constituer un enjeu.

Sur le plan multilatéral, la France et le Kazakhstan sont parties à plusieurs conventions internationales de coopération judiciaire en matière pénale, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), dont, pour ne citer que quelques exemples, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ([16]), la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 ([17]), la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 ([18]) et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003 ([19]).

Sur le plan bilatéral, la France et le Kazakhstan sont liés par deux textes signés le 6 octobre 2009 à Astana : l’accord relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité et l’accord relatif à la lutte contre la corruption.

Toutefois, les deux pays n’avaient jusqu’ici conclu aucun des trois types d’accords bilatéraux traditionnels pour la coopération judiciaire : en matière d’entraide judiciaire en matière pénale, d’extradition de personnes recherchées et de transfèrement de personnes condamnées. Aujourd’hui, les demandes qui concernent ces domaines sont donc examinées au cas par cas, en s’appuyant sur la courtoisie internationale et l’offre de réciprocité qui s’y rattache.

Le besoin opérationnel pouvait apparaître jusqu’ici relativement limité. Les demandes échangées sont peu nombreuses et proviennent majoritairement du Kazakhstan.

Selon les chiffres transmis par le ministère français de la justice, depuis 2012, 9 demandes d’entraide dites « actives » et 29 demandes d’entraide dites « passives » ont été enregistrées par la France ([20]). Actuellement, 6 demandes d’entraide actives (en matière de cybercriminalité) et 15 demandes passives sont en cours.

L’ambassade du Kazakhstan a communiqué à la rapporteure des chiffres un peu plus élevés : 39 demandes passives de coopération judiciaire transmises à la France depuis 2013, dont 15 qui attendraient encore une réponse. La France a transmis au moins 17 réponses.

Selon les informations fournies par le ministère français de la justice, les faits à l’origine des demandes d’entraide kazakhstanaises concernent essentiellement des infractions à caractère économique et financier. Ces dossiers portent, par exemple, sur des atteintes à la probité dans le domaine des industries extractives ou des faits de corruption d’agents publics étrangers, avec des montants perçus indûment parfois élevés. En outre, ces affaires sont particulièrement suivies dans le cadre de l’évaluation de la France réalisée par le groupe de travail de l’OCDE sur la lutte contre la corruption. Ainsi, le bon déroulement des investigations participe au respect par la France de ses engagements internationaux en matière de lutte contre la corruption et à sa réputation internationale dans ce domaine.

Toutefois, s’agissant des demandes d’entraide émanant des autorités kazakhstanaises, le ministère de la justice français a indiqué à la rapporteure qu’il existait parfois des difficultés quant à la qualité de la traduction en langue française, susceptibles de générer des problèmes d’interprétation des faits à l’origine de la demande et de la teneur des investigations sollicitées. Ces difficultés pourraient expliquer l’écart dans l’évaluation du nombre de demandes entre le ministère de la justice et les autorités kazakstanaises.

 

 


II.   un traité qui répond à une demande kazakhstanaise de renforcement de notre coopération judiciaire en matière pénale

Le 21 décembre 2017, les autorités kazakhstanaises ont demandé par note verbale l’ouverture de négociations relatives à un traité bilatéral d’entraide judiciaire en matière pénale, d’extradition et de transfèrement des personnes condamnées, une demande réitérée en entretien par l’ambassadeur du Kazakhstan le 19 juin 2018. Si la France n’y a tout d’abord pas répondu favorablement, en raison d’un intérêt opérationnel limité, elle est finalement revenue sur sa position le 8 juillet 2019. La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a alors donné son accord pour que des travaux techniques soient engagés sur un projet de traité d’entraide judiciaire en matière pénale ([21]), en excluant néanmoins l’extradition et le transfèrement en raison des problématiques liées au respect de l’État de droit et des droits fondamentaux au Kazakhstan. Un projet de traité a été proposé par la France en novembre 2020. Les négociations n’ont pas posé de difficultés ([22]) et le traité a pu être signé le 28 octobre 2021 par l’ambassadeur de France au Kazakhstan, M. Didier Canesse, et par le procureur général du Kazakhstan, M. Gizat Nurdauletov.

En sollicitant la France sur ces sujets, le Kazakhstan souhaitait améliorer l’efficacité de la coopération judiciaire avec la France. Mme Gulsara Arystankulova, ambassadrice du Kazakhstan en France, a également indiqué à la rapporteure que ce type de coopération bilatérale était très commun pour son pays. Le Kazakhstan a en effet signé 73 accords et traités de coopération judiciaire en matière pénale (29), d’extradition (21) ou de transfèrement (23) ([23]).

La France souhaite surtout institutionnaliser davantage et renforcer les échanges entre les autorités judiciaires françaises et kazakhstanaises, afin d’établir un climat favorable à la résolution d’affaires de nature variée. De plus, l’entrée en vigueur au 1er mars 2020 de l’accord de partenariat renforcé entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République du Kazakhstan, d’autre part, constituait un élément de contexte favorable, cet accord stipulant que les parties renforcent leur coopération judiciaire dans le domaine pénal, notamment pour les mécanismes d’entraide judiciaire.

Il s’agit du premier accord bilatéral de ce type signé par la France avec un pays d’Asie centrale ou du Caucase.

A.   les dispositions du traité

Le traité du 28 octobre 2021, composé de trente-deux articles, apporte une meilleure sécurité juridique à la coopération judiciaire en matière pénale. En outre, il promeut les techniques modernes de coopération, en matière d’obtention d’informations bancaires, d’utilisation de la vidéoconférence pour les auditions ou encore de protection des données personnelles.

1.   Un champ de coopération large mais qui exclut l’extradition

L’article 1er du traité définit le champ de l’entraide. Il énonce l’engagement des parties à s’accorder « l’entraide judiciaire la plus large possible » dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression est, au moment où l’entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. L’entraide est également accordée dans certaines procédures particulières.

De manière classique, sont exclus du champ du traité l’exécution des décisions d’arrestation et d’extradition, l’exécution des condamnations pénales (sauf pour l’exécution des mesures de confiscation) et les infractions pénales strictement militaires, qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

2.   Des motifs de refus conçus comme des garanties pour la partie française

L’article 2 précise les restrictions qui « doivent » être apportées à l’entraide, ainsi que celles qui « peuvent » l’être. L’entraide doit, par exemple, être refusée si la partie requise « a des raisons sérieuses de croire que l’entraide a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de sexe, de religion, de nationalité, d’origine ethnique, d’appartenance à un groupe social déterminé, d’idéologie ou d’opinions politiques, ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons ». L’entraide doit également être refusée « lorsque la personne mise en cause doit être jugée dans la partie requérante par une juridiction n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ou par une juridiction instituée pour son cas particulier ».

Il est intéressant de noter que l’entraide doit également être refusée « si l’infraction visée dans la demande est punie, conformément à la législation de la Partie requérante, de la peine capitale ou de toute autre peine contraire à l’ordre public de la partie requise, sauf si la partie requérante donne des assurances jugées suffisantes par la partie requise que cette peine ne sera pas requise et que si elle est prononcée elle ne sera pas exécutée. » Cette garantie est habituellement prévue uniquement dans les traités d’extradition

L’entraide judiciaire peut être refusée si la partie requise estime que son exécution porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à l’ordre public. L’entraide peut aussi être refusée si elle a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l’origine de la requête ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation de la partie requise.

En même temps, il est important d’éviter que les parties limitent la portée du traité en invoquant des motifs de refus discrétionnaires. Pour cette raison, le texte précise que l’entraide judiciaire ne peut pas être rejetée au seul motif que la demande se rapporte à une infraction que la partie requise qualifie d’infraction fiscale ou lorsque la partie requise dispose d’une législation fiscale différente de celle de la partie requérante.

De même, de manière notable, le secret bancaire ne peut être invoqué comme motif de refus. L’article 15 du traité prévoit même les modalités d’obtention d’information dans ce domaine.

3.   Des dispositions qui devraient renforcer l’efficacité de l’entraide

Le traité identifie les autorités compétentes pour émettre et recevoir les demandes d’entraide judiciaire et pour mettre en œuvre ses stipulations ; il institue aussi des mécanismes de consultation à différentes étapes, ce qui devrait permettre d’assurer une meilleure exécution des demandes.

Les autorités compétentes sont, du côté français, le ministère de la justice, et, du côté kazakhstanais, le parquet général (articles 3 et 4). Avant ce traité, la France pouvait avoir des difficultés à s’assurer que la demande d’entraide relève de la bonne autorité, notamment lorsqu’elle semblait émaner d’une agence nationale. Ces deux articles précisent désormais clairement l’autorité compétente au Kazakhstan.

L’article 3 précise également que la partie requise exécute rapidement les demandes transmises par la partie requérante. Cette exigence est importante pour la partie kazakhstanaise puisque les réponses françaises prennent parfois beaucoup de temps, voire n’arrivent jamais.

Il est toutefois important de noter que les demandes sont transmises d’autorité centrale à autorité centrale. Le traité ne prévoit pas la possibilité, en cas d’urgence, d’une transmission d’autorité judiciaire à autorité judiciaire. Si cette disposition est nécessaire en raison des problématiques liées à l’État de droit au Kazakhstan, elle ne permet pas de réagir très rapidement, notamment dans les cas de criminalité économique.

Le traité encadre ensuite précisément les demandes d’entraide. Il permet aux deux parties de bénéficier de standards communs.

L’article 5 définit le contenu de la demande d’entraide (autorité en charge de la procédure, exposé sommaire des faits, dispositions légales applicables aux faits en cause, identité et nationalité de la personne faisant l’objet de la procédure, description des mesures d’entraide demandées, etc.). Il précise également qu’elle doit être formulée par écrit.

En application de l’article 6, les demandes d’entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise, laquelle « exécute la demande d’entraide dès que possible, en tenant compte des échéances de procédure ou d’autre nature indiquées par la partie requérante ». Si la partie requise y consent, les autorités de la partie requérante ou les autorités mentionnées dans la demande peuvent assister à l’exécution de la demande et interroger un témoin ou un expert ou les faire interroger ([24]). Lorsque la demande ne peut pas être exécutée en tout ou partie, la partie requise en informe sans délai la partie requérante et indique les conditions dans lesquelles la demande pourrait être mise en œuvre.

S’il lui paraît nécessaire d’entreprendre des investigations non prévues initialement ou qui n’avaient pas pu être spécifiées au moment de la demande initiale, la partie requérante peut présenter une demande d’entraide complémentaire (article 7).

L’article 8, qui traite de la comparution de témoin ou d’expert dans la partie requérante, énonce la règle traditionnelle selon laquelle « le témoin ou l’expert qui n’[a] pas déféré à une citation à comparaître dont la remise a été demandée ne peut être soumis, alors même que cette citation contiendrait des injonctions, à aucune sanction ou mesure de contrainte, à moins qu’il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la partie requérante et qu’il n’y soit régulièrement cité à nouveau ».

L’article 9 est relatif aux immunités. Un témoin ou un expert comparaissant, à la suite d’une citation, devant les autorités judiciaires de la partie requérante ne peut être poursuivi, détenu ou soumis à une restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise. De même, une personne poursuivie pour certains faits ne peut être soumise par la partie requérante à une restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise et non visés par la citation. Ces immunités cessent lorsque la personne concernée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante pendant quinze jours consécutifs après que sa présence n’était plus exigée, est demeurée sur ce territoire ou y est retournée après l’avoir quitté.

Les témoins et experts peuvent être entendus par vidéoconférence, moyennant un certain nombre de règles protectrices : présence d’un représentant de l’autorité compétente de la partie requise et éventuellement d’un interprète, établissement d’un procès-verbal, etc. (article 10 ([25])).

Les articles 11 à 13 concernent les règles applicables aux transferts temporaires de personnes détenues aux fins d’entraide ou d’instruction. Ils prévoient eux aussi des garanties pour les personnes concernées.

L’article 11 stipule que toute personne détenue dans la partie requise et dont la comparution personnelle en qualité de témoin ou aux fins de confrontation est demandée par la partie requérante se trouve transférée temporairement sur le territoire de celle-ci, sous deux conditions : son consentement écrit et son renvoi dans le délai indiqué par la partie requise. L’article 11 prévoit également plusieurs motifs de refus du transfèrement, dont la prolongation de la détention provoquée par le transfèrement.

En outre, l’article 12 indique qu’« en cas d’accord entre les parties, la partie requérante qui a demandé une mesure d’instruction nécessitant la présence d’une personne détenue sur son territoire peut transférer temporairement cette personne sur le territoire de la partie requise, avec son consentement écrit ».

La personne transférée sur le fondement des articles 11 ou 12 reste en détention sur le territoire de la partie dans laquelle elle est transférée, à moins que la partie sur le territoire de laquelle elle est détenue ne demande sa mise en liberté (article 13).

L’article 14 est consacré à l’envoi et la remise d’actes judiciaires et de procédure.

L’article 15 détaille les possibilités d’obtentions d’informations en matière bancaire. Sur demande de la partie requérante, la partie requise fournit, dans les meilleurs délais, les renseignements souhaités concernant les comptes de toute nature, détenus ou contrôlés, dans les banques situées sur son territoire, par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale dans la partie requérante. Le suivi, pendant une période déterminée, des opérations bancaires réalisées sur un ou plusieurs comptes spécifiés dans la demande peut également être sollicité.

L’article 16 dispose que « la partie requise exécute, dans la mesure où sa législation le lui permet, les demandes de perquisitions et de saisies ainsi que les décisions définitives de confiscation prononcées par une autorité judiciaire, qui lui sont adressées par la partie requérante ». Elle informe ensuite celle‑ci du résultat de leur exécution. Si les biens dont la saisie ou la confiscation est demandée se trouvent dans la juridiction de la partie requise, celle-ci prend les mesures nécessaires pour empêcher qu’ils ne fassent l’objet de transactions ou de transferts avant qu’une juridiction de la partie requérante n’ait pris une décision définitive à leur sujet (article 17).

L’article 18 traite des demandes d’interceptions de télécommunications. Elles peuvent être présentées dans deux cas : lorsque la cible se trouve sur le territoire de la partie requérante et que celle-ci a besoin de l’aide technique de la partie requise pour pouvoir intercepter les communications ou lorsque la cible de l’interception se trouve sur le territoire de la partie requise et que les communications de la cible peuvent être interceptées sur ce territoire.

L’article 19 prévoit la possibilité pour une partie de dénoncer à l’autre partie des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de celle‑ci, afin que des poursuites puissent être diligentées sur son territoire ; la partie requise fait connaître la suite donnée à cette dénonciation. De plus, l’article 20 prévoit un échange spontané d’informations : les parties peuvent, sans qu’une demande ait été présentée en ce sens, se transmettre ou échanger des informations concernant des faits susceptibles de sanctions pénales.

Les articles 21 et 22 prévoient respectivement les échanges d’extraits de casier judiciaire et d’avis de condamnation.

L’article 23 assure le respect des principes de confidentialité et de spécialité. La partie requise doit en effet « [respecter] le caractère confidentiel de la demande et de son contenu, dans les conditions prévues par sa législation ». En cas d’impossibilité de le faire, la partie requise doit en informer la partie requérante qui décide s’il faut néanmoins donner suite à l’exécution. En sens inverse, « la partie requise peut demander que l’information ou l’élément de preuve fourni (…) reste confidentiel ou ne soit divulgué ou utilisé que selon les termes et conditions qu’elle aura spécifiés ».

L’article 24 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises. Il prévoit en particulier que ces données ne peuvent être exploitées que pour la procédure concernée (ou les procédures judiciaires et administratives qui lui sont directement liées) ou pour prévenir un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique. La mention de ces garanties est nécessaire du fait que le Kazakhstan n’a pas fait l’objet d’une « décision d’adéquation » de la part de la Commission européenne, qui aurait permis de reconnaître que ce pays assure un niveau adéquat de protection des données personnelles.

L’article 25 institue une dispense de légalisation des pièces et documents transmis en application du traité.

Enfin les articles 26 à 32 reprennent les stipulations traditionnelles en matière de frais, d’interprétation, de consultations réciproques, de règlement des différends, d’application dans le temps, de modifications, d’entrée en vigueur et de dénonciation.

Le Kazakhstan a déjà notifié à la partie française la promulgation de la loi de ratification du traité par le président Kassym-Jomart Tokaïev le 15 février 2023. Conformément à l’article 32, le traité entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception par le Kazakhstan de la notification par la France de l’accomplissement de sa procédure de ratification.

B.   des conséquences juridiques et administratives limitées pour la France

1.   Des mécanismes déjà prévus dans notre droit interne

Les stipulations du traité sont déjà prévues par le droit français, à la suite de transpositions du droit européen. En effet, comme le rappelle l’étude d’impact : « [ces stipulations] sont largement inspirées des mécanismes de coopération qui prévalent déjà au sein de l’Union européenne et dans le cadre du Conseil de l’Europe. Elles reprennent, pour l’essentiel, les dispositions classiques de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de son protocole additionnel du 17 mars 1978. Les éléments les plus modernes (articles 10, 11, 12, 15 et 18) s’inspirent des stipulations de la convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne, de son protocole additionnel en date du 16 octobre 2001 ou encore du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale en date du 8 novembre 2001. L’ensemble de ces mécanismes ont d’ores et déjà été intégrés dans l’ordre juridique interne français. »

2.   Un nombre de demandes jusqu’ici peu élevé

De fait, le traité du 28 octobre 2021 permet à la coopération bilatérale franco-kazakhstanaise en matière pénale de disposer d’un cadre juridique beaucoup plus précis et complet. Il pourrait ainsi encourager les acteurs judiciaires à exprimer des demandes de coopération.

Néanmoins, ces demandes resteront probablement d’un nombre raisonnable.

L’étude d’impact indique d’ailleurs que « l’entrée en vigueur du traité ne générera aucune charge administrative notable pour la partie française ». Elle précise que « pour la France, c’est le bureau de l’entraide pénale internationale (BEPI) de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice qui traitera l’ensemble des demandes échangées par les deux pays. Ce bureau est d’ores et déjà en charge de la transmission aux autorités centrales des États étrangers ou à la mission des conventions et de l’entraide judiciaire du ministère de l’Europe et des affaires étrangères des demandes émises ou exécutées par les autorités judiciaires françaises ».


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   Examen en commission

Le 6 décembre 2023, la commission examine le projet de loi autorisant la ratification du Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour-Soultan le 28 octobre 2021

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La République du Kazakhstan est très grande en superficie – c’est le neuvième plus grand pays au monde – et plus modeste en termes de population, avec 19,5 millions d’habitants. Elle est située à la fois en Europe et en Asie car traversée par l’Oural, zone de délimitation entre les deux continents.

Les autorités ont fait face à un mouvement insurrectionnel d’origine socio-économique en janvier 2022, qui a été réprimé assez fortement. Le 16 mars 2022, le président Tokaïev a annoncé un programme de réformes politiques et institutionnelles devant le Parlement, qui a donné lieu à une révision constitutionnelle à l’été puis, il y a environ un an, à des présidentielles anticipées.

Le 1er novembre dernier, le président de la République française s’est rendu en visite officielle au Kazakhstan, afin d’y développer nos partenariats. En matière de coopération judiciaire, la France et le Kazakhstan sont parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ont conclu des accords en matière de lutte contre la criminalité ou contre la corruption. En revanche, aucun accord ne lie nos deux pays dans le domaine de l’entraide judiciaire, ni en matière pénale, ni pour l’extradition de personnes recherchée. Les demandes bilatérales sont peu nombreuses : depuis 2012, seulement neuf demandes ont émané de la France, dont six en cours, et vingt-neuf du Kazakhstan : on est dans la mécanique de précision, si j’ose dire.

Un traité ayant pour objectif de fixer le cadre juridique de la coopération judiciaire bilatérale de nos deux États en matière pénale a été négocié à partir de 2019 et signé le 28 octobre 2021 à Nour-Soultan. C’est ce texte dont il nous est demandé, à travers ce projet de loi, d’autoriser l’approbation.

Présidence de M. Jean-Paul Lecoq, vice-président de la commission.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Situé en effet au carrefour de l’Europe et de l’Asie, le Kazakhstan est appelé à prendre une importance géostratégique considérable au cours des mois et des années à venir.

Nous sommes saisis d’un traité de coopération judiciaire en matière pénale, conclu entre le Kazakhstan et la France en octobre 2021. Précisons d’emblée qu’il ne concerne ni l’extradition de personnes recherchées, ni le transfèrement de personnes condamnées, comme c’est souvent le cas.

Le Kazakhstan est un partenaire grandissant de la France en Asie centrale. Depuis 2008, nos deux pays sont unis par un traité de partenariat stratégique très étendu qui concerne notamment la politique, l’économie et les affaires culturelles. Les visites se multiplient à très haut niveau depuis deux ans : le président Tokaïev est venu à Paris en novembre 2022 ; le président Macron est allé à Astana en novembre 2023 ; l’année prochaine, le président kazakhstanais sera l’invité d’honneur du Forum de Paris sur la paix.

Le contexte de la guerre en Ukraine a été déterminant dans le resserrement des liens entre nos deux pays, faisant apparaître le caractère stratégique de cette relation. Le Kazakhstan est le seul Etat de cette région à avoir parlé de guerre, même s’il l’a fait très prudemment car il est toujours très lié à la Russie. Au-delà de ce contexte particulier, le Kazakhstan manifeste depuis longtemps sa volonté de se rapprocher de notre pays ; l’ambassadrice, que j’ai auditionnée, a beaucoup insisté sur ce point. Il est aussi un fournisseur de matières premières – uranium, pétrole, gaz liquide, terres rares – absolument déterminant pour la souveraineté énergétique de la France. Premier partenaire économique et commercial de la France en Asie, le Kazakhstan est le cinquante-huitième client et le trente-troisième fournisseur de la France. Une diversification de nos échanges est en cours dans des secteurs tels que celui de l’écologie, notamment par le biais de partenariats dans le domaine de l’eau. Le Kazakhstan est aussi un partenaire dans les domaines de la culture et de l’éducation. L’Alliance française y a quatre centres – à Almaty, Astana, Chimkent et Karaganda – et deux écoles vont y ouvrir très prochainement : l’une à Astana et l’autre à Almaty.

En matière judiciaire, la coopération bilatérale est limitée, comme le confirment les données citées par le président Jean-Louis Bourlanges, mais elle est pertinente. Le Kazakhstan est confronté à des types de criminalité qui existent ailleurs mais qui prennent une ampleur particulière dans ce pays immense et de transit : trafics d’êtres humains, notamment à des fins sexuelles ; trafics de stupéfiants ; criminalité économique et financière ; terrorisme. La porosité des frontières favorise le développement de ces criminalités.

Pourtant, jusqu’en 2021, nous n’avons signé que des conventions spécialisées de l’ONU avec le Kazakhstan ; aucune convention d’entraide judiciaire. La coopération était restreinte, fondée sur le principe de la réciprocité et de la courtoisie diplomatique internationale. Cette situation n’était pas satisfaisante, même si l’intérêt d’un tel traité demeure beaucoup plus important pour le Kazakhstan que pour la France : depuis 2012, notre pays n’a émis que neuf demandes d’entraide, contre vingt-neuf pour le Kazakhstan. C’est d’ailleurs ce dernier qui a insisté à plusieurs reprises, depuis un premier refus opposé par la France en 2017 en raison du faible intérêt opérationnel d’une telle convention, pour parvenir à cet accord. Les négociations ont repris à la demande du Kazakhstan et des échanges ont eu lieu en 2020 et 2021.

Les dispositions de ce traité sont assez classiques, sauf une.

L’article 1er définit le champ d’application de la coopération, qui est très large mais exclut les décisions d’arrestation et d’extradition, l’exécution des condamnations pénales et les infractions pénales strictement militaires.

Les articles 3, 4 et 5 définissent les autorités compétentes, les modalités de communication et de transmission. Si ces dispositions sont assez classiques, je tiens cependant à souligner que les transmissions se feront d’autorité centrale à autorité centrale : le ministère de la justice pour la France ; le parquet général pour le Kazakhstan. Or, d’après mon expérience de praticienne, en cas d’urgence, les conventions d’entraide prévoient souvent une transmission directe entre les autorités judiciaires, c’est-à-dire de juge à juge. En des temps anciens, nous avions obtenu cela grâce aux travaux effectués dans le cadre de la Commission européenne. Vous comprendrez sans que je vous fasse un dessin que les transmissions directes sont plus efficaces, surtout en matière économique et financière. Si l’on attend l’appréciation des administrations centrales respectives sur un blocage de fonds, par exemple, ces fonds ont eu le temps de faire cinq fois le tour de la planète avant que le juge puisse effectuer la demande d’entraide. L’article 3, qui précise que la partie requise exécute rapidement la demande d’entraide, est important pour le Kazakhstan, la France en ayant exécuté très peu.

L’article 6 précise les modalités d’exécution.

Enfin, me traité offre la possibilité de recourir à toutes les techniques modernes de coopération : les auditions en visioconférence ; les demandes d’information en matière bancaire ; les saisies-confiscations ; les écoutes téléphoniques.

J’en viens à l’aspect le plus important de mon avis : le traité présente de nombreuses garanties pour la France. Si le président Tokaïev a engagé des réformes politiques et économiques depuis son arrivée au pouvoir en mars 2019, et surtout depuis les événements de 2022, le régime de ce pays pourrait encore être qualifié d’hyperprésidentiel ; il reste quand même autoritaire. L’article 40.3 de la Constitution permet au président de la République de coordonner le gouvernement, ce qui veut tout dire. En outre, les droits et les libertés de la population kazakhstanaise ne sont à ce jour ni suffisants, ni assez protecteurs, notamment en ce qui concerne les violences faites aux femmes et les personnes LGBT. À cet égard, l’article 2 doit nous rassurer car il prévoit de nombreux motifs de refus d’entraide et les formulations choisies sont très protectrices.

Ce texte permettra de disposer d’un cadre juridique plus précis et plus complet, tout en protégeant les personnes concernées par les demandes d’entraide. Il a un effet préventif important, peu de conséquences juridiques et administratives pour la France. Enfin, malgré les nombreuses réserves que j’avais en tant qu’ancienne commissaire aux lois, je pense qu’il faut adopter ce projet de loi compte tenu de l’intérêt judiciaire et politique que présente ce traité. Il permettra à nos deux pays d’avoir une relation plus institutionnelle et à la France de conforter sa place de partenaire privilégié dans cette région du monde.

M. Jean-Paul Lecoq, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Claire Guichard (RE). Notre relation bilatérale avec le Kazakhstan a beaucoup évolué depuis 1992 et l’établissement de liens diplomatiques avec ce pays. La signature d’un traité de partenariat stratégique en 2008, puis celle de la feuille de route pour la coopération économique 2021-2030, ont été des étapes importantes qui ont élargi nos domaines de coopération à la transition énergétique, l’urbanisme durable, l’agriculture, la santé ou encore le numérique. Le Kazakhstan est ainsi progressivement devenu un partenaire clef de la France en Asie centrale, l’un de nos principaux fournisseurs de pétrole et d’uranium.

La visite effectuée en novembre dernier par le président de la République française en Asie centrale marque l’approfondissement de nos relations bilatérales. Ce rapprochement est particulièrement à l’œuvre dans le domaine économique, notamment en matière énergétique, d’approvisionnement en matériaux critiques, d’infrastructures de transport, de santé, de souveraineté agroalimentaire et de défense.

Dans votre rapport, vous évoquez le processus de modernisation politique et économique engagé depuis 2022, qui doit se poursuivre et être encouragé. Par ce traité, la France et le Kazakhstan s’engagent à s’accorder mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux, et à organiser les modalités de transmission de ces demandes entre autorités centrales. Je ne vais pas énumérer tous les ponts qui font vivre notre relation bilatérale mais plutôt insister sur le fait que ce dynamisme souligne l’importance d’y ajouter le traité d’entraide judiciaire en matière pénale, que nous examinons aujourd’hui. En votant pour ce texte de ratification, nous consolidons notre coopération judiciaire dans un contexte d’internationalisation de la criminalité, notamment économique et financière.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Merci, chère collègue, pour votre position.

M. Jérôme Buisson (RN). Le Kazakhstan est, pour notre pays, un partenaire dont l’importance va croissant, aux niveaux tant stratégique qu’économique. Son importance sur le marché des produits énergétiques dont nous avons besoin, tels que le pétrole et l’uranium, n’est plus à démontrer. Votre rapport, d’une grande qualité, a souligné la présence d’un grand nombre de groupes français sur le marché kazakh, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

En raison de sa géographie, le Kazakhstan est un pays clef pour la stabilité de la région, l’Asie centrale, qui a subi l’offensive de mouvements islamistes fondamentalistes. Chacun de nos pays représente donc pour l’autre un partenaire lui permettant de diversifier ses relations. La visite, effectuée en novembre dernier par le président de la République au Kazakhstan, atteste l’intérêt mutuel croissant que se portent nos deux pays. Les enjeux sécuritaires, en Asie centrale en général et au Kazakhstan en particulier, rendent nécessaire la conclusion d’un accord judiciaire entre nos deux Etats, afin de faciliter les procédures d’entraide. En effet, cette région carrefour de l’Eurasie est sujette à divers trafics, tels que ceux des drogues et des êtres humains, en sus d’être touchée par le terrorisme islamiste qui fait pleinement rage dans d’autres pays de la zone, en particulier l’Afghanistan et le Pakistan.

Nous approuvons le principe guidant la conclusion de ce traité : passer d’une coopération ponctuelle, par définition plus lente car effectuée au cas par cas, à une coopération institutionnalisée avec des procédures et des interlocuteurs clairement définis. Nous considérons que ce traité d’entraide judiciaire présente les garanties nécessaires au respect de la souveraineté de nos deux États, ainsi que des principes de l’État de droit, ce qui en réduit néanmoins le champ. Il définit notamment le cadre des demandes d’entraide, facilite les demandes d’information, de saisie, de confiscation, d’interception de communications et améliore les techniques utilisées, sans prévoir l’extradition.

Nous voterons donc pour ce texte qui facilitera les procédures d’entraide sans porter atteinte à notre souveraineté.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Merci, cher collègue, pour le sens de votre vote.

Alors que la portée opérationnelle d’une telle convention me paraissait encore limitée, je me suis passionnée pour ce sujet. Les personnes auditionnées ont d’ailleurs insisté sur l’aspect préventif d’une telle convention. En effet, les criminels sont tentés de déposer des fonds ou de blanchir de l’argent dans des pays qui ne sont liés par aucune convention et fonctionnent sur le principe de la réciprocité.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). La France a déjà été sollicitée, en décembre 2017, pour un accord d’entraide judiciaire avec le Kazakhstan. La ministre de la justice de l’époque s’y était opposée en raison de son faible intérêt opérationnel. Par ailleurs, en août 2017, un accord de partenariat renforcé et de coopération entre l’Union européenne et le Kazakhstan avait été soumis à l’Assemblée nationale.

Présidente du groupe d’amitié France-Kazakhstan, j’emploierai un langage diplomatique en m’appuyant sur le travail et les interventions antérieures de certains de nos collègues. À l’époque, plusieurs députés, dont Jean-Luc Mélenchon et Jean-Paul Lecoq, entre autres, avaient souligné des contradictions de taille, notamment le traitement brutal des prisonniers politiques au Kazakhstan ou encore le non-respect des droits fondamentaux.

Il est vrai que des changements sociaux et politiques sont intervenus ces six dernières années, comme l’abolition de la peine de mort en 2021. Ce n’est pas une étape mineure : chaque fois que des progrès sociaux et humains ont lieu quelque part dans le monde, nous devons le souligner. D’autres réformes ont été annoncées par Kassym-Jomart Tokaïev, président depuis 2019 : par exemple, l’autorisation des manifestations sur la voie publique.

Toutefois, l’étude d’impact de ce projet de loi mentionne, dans un euphémisme, le « difficile traitement judiciaire » des manifestations qui ont éclaté en janvier 2022, les cas avérés des tortures à l’encontre des manifestants par les forces de l’ordre n’étant que « peu judiciarisés ». En outre, l’ONU et Amnesty international ont alerté sur l’autorisation d’ouvrir le feu sans sommation sur les manifestants, sur l’arrestation arbitraire de journalistes et de plus de 2 000 manifestants, ou encore sur l’interruption de l’accès à internet pendant cinq jours à l’occasion de ces manifestations. La ratification du traité dont il est question aujourd’hui avait alors été suspendue.

L’étude d’impact mentionne, comme en 2017, le peu d’intérêt opérationnel du traité. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a même demandé au ministre de la justice de préciser les raisons qui justifient les négociations avec le Kazakhstan. Les éléments transmis au ministère de l’Europe et des affaires étrangères sont souvent cités dans l’étude d’impact mais n’y apparaissent pas : pourrait-on avoir des précisions ?

Vous avez mentionné les partenariats économiques et stratégiques avec le Kazakhstan, premier producteur d’uranium mondial, l’un des premiers fournisseurs de pétrole de la France. Doit-on comprendre qu’il s’agit moins de définir le périmètre juridique, institutionnel et politique que le cadre commercial et économique de l’entraide ? Nous pensons, comme vous, qu’il est nécessaire de redéfinir le pouvoir quand il est qualifié d’hyperprésidentiel.

La visite d’Emmanuel Macron au Kazakhstan ne saurait être le seul motif de la reprise des négociations concernant ce traité. Vous avez évoqué des garanties qui ont permis de le faire : quelles sont-elles ?

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Vous avez raison : en 2017, l’accord a été refusé en raison de son faible intérêt opérationnel. Les négociations ont repris en 2019. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères nous dit aujourd’hui que l’adoption de ce projet de loi pourrait avoir un effet de levier, la signature d’un tel traité entraînant une meilleure transmission des demandes d’entraide entre les États.

Depuis 2019, des changements sont intervenus, avec une volonté de réforme très conséquente. Ce n’est pas parfait : le régime n’est pas démocratique et, comme ancienne commissaire aux lois, je trouve que nos standards sont assez peu comparables. Ainsi, une Cour constitutionnelle a été créée, ce qui est positif, mais cinq de ses huit membres sont désignés par le président de la République. Celui-ci conserve donc énormément de pouvoir.

J’ai toutefois noté, lors des auditions, que le Kazakhstan allait dans la bonne direction. Le dialogue sur les droits humains avec l’Europe a permis de constater que des progrès avaient été accomplis par le Kazakhstan, progrès dont il a été indiqué qu’ils devaient se poursuivre. Les événements de 2022, en particulier, doivent être étudiés avec attention ; ils sont encore relativement récents et il est difficile, en 2023, d’avoir un retour précis sur la manière dont les émeutes ont été traitées sur le plan judiciaire. Toutefois, cette volonté a été exprimée au sein du dialogue et des réformes institutionnelles assez conséquentes ont été entreprises.

S’agissant des manifestations, tout n’est pas parfait mais la situation s’est améliorée : alors qu’une autorisation était nécessaire jusque-là, une déclaration suffit désormais, sous réserve que cela n’entraîne pas de troubles à l’ordre public. Certes, ce n’est pas satisfaisant car il est toujours possible d’utiliser cet argument pour interdire une manifestation mais cela va tout de même dans le bon sens. Je crois qu’il vaut mieux aider un pays qui progresse plutôt que de refuser de lui tendre la main parce que nos standards ne sont pas équivalents.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Madame la rapporteure, votre rapport, passionnant complet et instructif nous permet de saisir comment le Kazakhstan, au travers de réformes institutionnelles mais aussi de la modernisation économique et politique et du développement d’une offre complète en matière d’énergie, devient un partenaire stratégique pour notre pays.

Cependant, aucun accord ne lie actuellement la France au Kazakhstan dans le domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale, c’est-à-dire la transmission et l’exécution de commissions dérogatoires internationales et de demandes d’entraide internationale qui permettent aux autorités judiciaires de chaque État de se porter mutuellement assistance dans les enquêtes qui concernent des infractions pénales au sein de leur pays. Aussi convient-il de ratifier ce traité d’entraide, afin que nous disposions d’un cadre de coopération bilatérale, notamment pour le traitement de dossiers aux enjeux économiques et financiers importants. Le groupe Démocrate votera donc pour l’adoption de ce projet de loi.

J’ai toutefois une question à vous poser, Madame la rapporteure. Vous relevez dans votre rapport que les droits et la protection des victimes de violences conjugales et des personnes LGBTQIA+ demeurent limités et sont soumis à des tentatives de déstabilisation. En effet, en 2015, le Parlement du Kazakhstan avait approuvé un projet de loi contre la propagande des orientations sexuelles non traditionnelles, inspiré de la législation russe, finalement invalidé par le Conseil constitutionnel. Le pays n’a pas encore rejoint la convention du Conseil de l’Europe relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul.

À la suite de discussions avec une mission du Conseil de l’Europe et des représentants de la société civile, écrivez-vous, le Gouvernement aurait proposé des évolutions législatives au Parlement le 23 novembre 2023. Pourriez-vous nous préciser quel est le contenu de ces évolutions ? Tout comme le Conseil de l’Europe, la France pourrait-elle appeler à une protection totale de ces victimes au Kazakhstan ?

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Vous soulevez deux questions sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé et appelé l’attention de nos interlocuteurs : les violences faites aux femmes et les droits de la communauté LGBT.

Il faut relever, tout d’abord, que l’homosexualité n’est plus réprimée au Kazakhstan depuis 1998. Ce n’est pas le cas dans les pays qui entourent le Kazakhstan ; cela vaut aussi pour la peine de mort, abolie au Kazakhstan mais toujours appliquée dans la région. Le pays est sans doute sociologiquement plus proche du projet de texte qui a été déclaré inconstitutionnel, la culture patriarcale incitant à une sexualité classique et traditionnelle, mais il n’y a pas de répression en la matière.

S’agissant des violences faites aux femmes, un projet de loi déposé au Parlement en 2020 prévoyait un alourdissement des sanctions et la création de services spécialisés ; il traitait vraiment ce sujet avec énergie. Ce projet de loi a été retiré mais on nous a indiqué en audition que le débat était très vif actuellement dans le pays car un ancien ministre a assassiné sa femme dans un restaurant il y a quelques semaines. Il est vraisemblable que le texte retiré, qui créait de nouveaux outils pour lutter contre les violences faites aux femmes, soit à nouveau présenté au Parlement.

Il faut noter également l’existence d’un haut-commissaire aux droits humains au Kazakhstan, qui est une sorte d’ombudsman. Tout cela est très récent ; il faut mettre à l’épreuve ces institutions nouvelles.

M. Alain David (SOC). Nous avions eu un débat comparable lors de la discussion d’un précédent texte d’entraide judiciaire. Il est toujours plus délicat d’aborder ce type de traités avec des pays dans lesquels les droits de l’Homme ne sont pas suffisamment protégés et les garanties démocratiques aléatoires. La France a conclu un partenariat stratégique avec le Kazakhstan. Ce type d’accord pose la question de la pertinence de nouer des relations, même limitées, même imparfaites, avec des Etats n’appartenant pas au bloc occidental des pays développés.

En l’occurrence, les échanges économiques et culturels se renforcent avec ce pays de l’Asie centrale et il n’est pas hors de propos d’imaginer accompagner cela d’une coopération judiciaire, notamment dans la lutte contre les trafics ou le terrorisme. Dès lors que le traité exclut l’extradition de nos ressortissants, nous ne voyons pas d’objection au vote de ce texte. Les députés socialistes voteront donc favorablement.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. J’ai omis de répondre sur la non-signature de la convention d’Istanbul concernant les violences faites aux femmes. Il nous a été indiqué par l’ambassadrice du Kazakhstan que cette convention pourrait être signée d’ici à 2025.

M. Xavier Batut (HOR). Le projet de loi autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan revêt, à plusieurs titres, une importance particulière dans les relations entre nos deux nations. Jusqu’à récemment, il n’existait aucune convention de coopération judiciaire ni aucune convention d’extradition. Or il est nécessaire de formaliser une collaboration qui, bien que rare, devient de plus en plus importante compte tenu des enjeux économiques et financiers qui lient nos deux pays. Le Kazakhstan occupe en effet une position prépondérante en tant que première économie d’Asie centrale, riche en hydrocarbures et en matières premières, et premier exportateur mondial d’uranium, faisant de ce pays un partenaire économique majeur pour la France dans la région. La nécessité d’un accord de coopération judiciaire devient évidente à la lumière de ces réalités.

Certes, bien que le nombre actuel de demandes de coopération soit relativement faible, des préoccupations persistent quant à la capacité du Kazakhstan de garantir le même niveau de protection des droits fondamentaux que celui auquel la France s’est engagée en signant diverses conventions internationales. Cependant, les réformes entreprises par le président ces dernières années sont des signaux rassurants, même si nous devons rester vigilants quant à leur mise en œuvre à plus long terme.

L’accord que nous examinons prévoit des clauses suffisamment robustes pour garantir que la coopération judiciaire entre nos deux nations respecte les normes élevées de l’État de droit que la France défend avec ardeur. Il encadrera également l’utilisation des techniques modernes de coopération.

En formalisant cette coopération judiciaire, nous renforçons ainsi les bases d’une relation fructueuse entre la France et le Kazakhstan, tout en veillant à ce que nos valeurs communes en matière d’État de droit et de respect des droits fondamentaux demeurent au cœur de cette collaboration. Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de ce projet de loi.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Deux demandes d’entraide judiciaire formulées par la France sont en cours et elles concernent la cybercriminalité. Nous avons également obtenu satisfaction dans une affaire qui ne relève pas du champ du traité, avec l’extradition d’un ressortissant ukrainien dont l’arrestation avait été demandée au Kazakhstan. Cela montre que ce pays souhaite être considéré en Europe comme un partenaire stable et fiable. Il a d’ailleurs signé avec de nombreux États européens des accords d’entraide du même type que le traité qui nous est soumis.

Comme l’a indiqué l’ambassadrice du Kazakhstan, les évolutions politiques – comme d’ailleurs les changements culturels à l’égard de l’homosexualité – ne se feront pas en deux temps trois mouvements dans ces Républiques d’Asie centrale qui ont obtenu leur indépendance il y a une trentaine d’années. Ces pays connaissent encore des soubresauts, ce qui est assez logique. Il faut donc les accompagner autant que nous le pouvons, tout en prenant les garanties adéquates.

M. Jean-Paul Lecoq, président. J’interviens à présent en tant que représentant du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES.

Un accord de partenariat et de coopération renforcé a été conclu entre l’Union européenne et le Kazakhstan, et ratifié en 2017. Mon groupe avait voté en faveur de cette ratification car le respect des droits humains devait constituer la contrepartie de l’ouverture du marché européen. À l’époque – et cela semble être encore le cas –, cet État ne respectait absolument pas la liberté de la presse et les opposants étaient emprisonnés. Le changement de président à la tête du Kazakhstan ne semble pas avoir porté ses fruits en matière de pluralisme, a fortiori lorsque l’on voit comment les manifestations de janvier 2022 ont été réprimées par les militaires.

Selon l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les élections législatives de mars dernier ont été bien menées. Mais, en amont, les partis d’opposition avaient fait face à de nombreuses difficultés pour présenter des candidats et pour faire campagne. Cette démocratie de façade est donc inquiétante. L’influence de l’Union européenne serait-elle inexistante ?

L’accord de partenariat de 2017 stipulait que la coopération entre l’Union européenne et le Kazakhstan devait être contrôlée, notamment grâce à une coopération interparlementaire. Pourriez-vous faire le point sur l’organisation de cette dernière et sur ses résultats ? Combien de prisonniers politiques ont été libérés depuis 2017, comme cela avait alors été promis ? Quelles ont été les discussions avec le commissaire aux droits de l’Homme ? Des réformes et des gestes politiques ont-ils été effectués, surtout depuis 2022, pour apaiser les tensions sociales et politiques dans le pays ?

Si l’accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne n’a pas été renforcé, pourquoi continuer à accorder notre confiance à ce pays ? Pour l’uranium ? Le Kazakhstan est un fournisseur majeur de la France pour ce métal indispensable à notre mix énergétique, a fortiori depuis que nous avons été expulsés du Niger. Peut-être faudrait-il chercher là les raisons de la souplesse de notre diplomatie… ?

J’attends beaucoup de vos réponses, madame la rapporteure, car mon groupe n’a pas encore décidé de manière ferme de ce que sera son vote.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Je ne dispose pas de toutes les réponses aux questions que vous posez mais une mission de députés sur place permettrait probablement de répondre à certaines d’entre elles. Je sais que le Sénat est très actif en ce qui concerne l’Asie centrale.

Depuis 2019, le Kazakhstan a pris des décisions qui vont dans le bon sens, même si tout n’est pas parfait. Il est certain que le pluralisme politique n’est pas assuré lorsque les partis politiques doivent être autorisés par le ministère de la justice. Mais des candidats indépendants ont malgré tout pu se présenter lors des élections législatives de 2023, à l’occasion desquelles le parti au pouvoir a obtenu 53 % des suffrages – contre plus de 70 % lors des élections précédentes. Ce sont quand même de petits signes.

Il y a, bien entendu, matière à critiquer ; je ne peux pas vous dire le contraire. Nous n’avons pas les mêmes standards. Mais je pense qu’il est préférable d’accompagner les pays qui cherchent à se doter d’institutions moins autoritaires, par exemple en acceptant de ratifier ce traité, lequel offre par ailleurs toutes les garanties de respect de notre propre État de droit.

J’espère que mes modestes observations auront éclairé votre choix.

M. Jean-Paul Lecoq, président. D’ici à l’examen en séance publique, il serait intéressant de savoir combien de prisonniers politiques ont été effectivement libérés grâce à l’accord de partenariat et de coopération renforcé, destiné à renforcer les liens commerciaux. Cela nous permettrait d’assurer, en quelque sorte, le service après-vente d’un accord dont la ratification a été discutée au sein de notre commission.

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Article unique (autorisation de la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour-Soultan le 28 octobre 2021)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 


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   annexe N° 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

 

Article unique

 

Est autorisée la ratification du Traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour-Soultan le 28 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 1284).


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   ANNEXE N° 2 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

 

 

-          S.E. M. Didier Canesse, ambassadeur.

 

 

 

-          S.E. Mme Gulsara Arystankulova, ambassadrice ;

 

-          M. Rustem Umurzakov, conseiller juridique.

 

 

 

-          M. Mathieu Combe, sous-directeur du Caucase et de l’Asie centrale, direction de l’Europe continentale ;

 

-          Mme Violette Lagleize, rédactrice Kazakhstan, sous-direction du Caucase et de l’Asie centrale, direction de l’Europe continentale ;

 

-          Mme Milca Michel-Gabriel, magistrate, chargée de mission du chef du service des conventions, des affaires civiles et de l’entraide judiciaire, direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;

 

-          Mme Claire Giroir, conseillère juridique, mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.

 

 

-          M. Philippe Olivier, magistrat, rédacteur au bureau de la négociation pénale européenne et internationale, direction des affaires criminelles et des grâces.

 


([1]) Le président ne peut plus annuler les décisions des collectivités territoriales régionales et municipales. Il ne peut plus appartenir à un parti politique et sa famille proche ne peut pas exercer de fonctions politiques.

([2]) La Cour constitutionnelle est composée de huit membres, dont quatre juges et le président nommés par le président de la République, et trois juges nommés par le Parlement.

([3]) « The President of the Republic ensures the coordinated functioning of all branches of government and the responsibility of the authorities to the people. » La Constitution est disponible en anglais sur Internet : https://www.akorda.kz/en/official_documents/constitution

([4]) L’enregistrement des partis politiques, prérogative du ministère de la justice, relève d’un régime d’autorisation. Le Kazakhstan compte, depuis les élections législatives de mars 2023, sept partis politiques légalement enregistrés.

([5])  Loi constitutionnelle sur le système judiciaire et le statut des juges du 25 décembre 2000.

([6])  La loi constitutionnelle sur les procureurs du 5 novembre 2022.

([7]) En outre, cinq membres de la Cour constitutionnelle, quatre juges et le président, sont nommés par le président de la République.

([8])  Une loi pénale plus douce s’applique immédiatement aux faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. De la même manière, la loi pénale plus douce s’applique immédiatement aux peines en cours d’exécution.

([9])  Des peines accessoires peuvent s’y ajouter (confiscation, perte des droits civils et politiques, expulsion).

([10])  Le code pénal soviétique criminalisait les relations sexuelles entre hommes.

([11]) Chiffre exprimé hors binationaux et hors immigration irrégulière.

([12]) L’ISK, créé en 2014, s’appuie sur un triple partenariat, avec l’université de Poitiers, l’université de Lorraine et l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), et se décline en deux doubles diplômes et deux diplômes universitaires (864 étudiants en 2021). Le « Centre géo-énergies », créé en 2010 par l’université de Lorraine et l’université Al-Farabi, est l’un des principaux établissements universitaires du Kazakhstan (24 000 étudiants).

([13]) La feuille de route pour la coopération économique 2021-2030, signée le 12 mai 2021 à Nour-Soultan, a défini de nouveaux secteurs pouvant approfondir la relation économique bilatérale, tels que la transition énergétique, la ville durable, l’agriculture, la santé et la transition numérique.

([14])  L’entreprise Électricité de France (EDF) fait partie des candidats pour le projet de première centrale nucléaire du Kazakhstan, dont la construction doit être confirmée par référendum d'ici la fin de l'année 2023.

([15]) Les services de sécurité kazakhstanais ont annoncé avoir déjoué trois attentats en 2019 et quatre en 2020. Le comité de sûreté nationale estime à 700 le nombre de ressortissants kazakhstanais répertoriés et identifiés comme extrémistes, en capacité de passer à l'action sur le territoire ou à l'extérieur.

([16]) La convention de New York de 1984 contre la torture est un traité international qui prohibe le recours à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle définit les principes qui doivent guider les États dans les méthodes employées pour appliquer cette interdiction aux niveaux national et international, notamment en effectuant des enquêtes et en traduisant en justice les responsables présumés.

([17]) Cette convention vise à renforcer les dispositions de la précédente en définissant un certain nombre de moyens légaux de lutte contre le crime organisé et le trafic illicite (saisie des capitaux issus du trafic de drogue, etc.).

([18]) Entrée en vigueur en 2003 et complétée par trois protocoles, cette convention stipule l’engagement des parties à prendre une série de mesures contre la criminalité organisée, notamment en reconnaissant certaines incriminations pénales (participation à un groupe criminel organisé, blanchiment d’argent, corruption et entrave à la justice) et en adoptant certains cadres en matière d’extradition, d’entraide mutuelle en matière pénale et de coopération policière.

([19]) Ayant un caractère global, cette convention traite tous les aspects relatifs à la lutte contre la corruption : la prévention, l’incrimination, les règles de droit pénal et de procédure pénale, la coopération internationale, le recouvrement d’avoirs, l’assistance technique et l’échange d’information. Elle pose notamment le principe de la restitution des avoirs à l’État ayant formulé la demande de coopération.

([20]) Les demandes actives ont été transmises par la France au Kazakhstan et les demandes passives, du Kazakhstan vers la France.

([21]) Les autorités kazakhstanaises avaient au préalable à nouveau réitéré leur demande, le 18 février 2019.

([22])  Trois sessions de négociation ont été organisées les 11 décembre 2020, 11 mars 2021 et 26 avril 2021, en visioconférence ; les deux délégations ont agréé un projet de traité le 28 avril 2021.

([23]) L’Espagne a signé avec le Kazakhstan des conventions sur ces trois domaines.

([24]) Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, le droit français ne permet pas à une autorité étrangère de procéder elle-même à des auditions sur le territoire français mais uniquement d’assister à l’exécution de la demande d’entraide.

([25])  En France, la possibilité d’auditionner des personnes par vidéoconférence est prévue par l’article 706-71 du code de procédure pénale. Les effets de cet article ont été étendus à l’entraide pénale internationale par l’article 694-5 du code de procédure pénale. L’usage de la vidéoconférence pour la comparution d’un prévenu devant le tribunal correctionnel, s’il est détenu, est possible depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011.