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N° 2015

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à poursuivre l’expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d’employabilité,

 

 

Par M. Nicolas TURQUOIS,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1972.

 

 

 

 


  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. une expérimentation destinée À favoriser l’accès d’un public exposé à la précarité professionnelle À un emploi stable

A. un dispositif qui accorde à ses bénéficiaires des garanties conçues pour renforcer leur employabilité

B. un dispositif régi par des règles juridiques peu contraignantes

C. un dispositif dont le déploiement demeure limité

II. l’objet de la proposition de loi : relancer une expérimentation pour une durée de quatre ans afin de garantir le bon déploiement du dispositif

Commentaire des articles

Article 1er Relancer l’expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d’employabilité

Article 2 Sanctionner la méconnaissance de la législation applicable au travail à temps partagé aux fins d’employabilité

Article 3 Gage de recevabilité financière

Travaux de la commission

ANNEXE N°1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNéES PAR LE RAPPORTEUR

Annexe  2 : contribution écrite reçue par le rapporteur

Annexe n° 3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen DE LA PROPOSITION DE LOI

 


  1  —

   introduction

 

 

Favoriser l’accès d’un public confronté à la précarité professionnelle à un emploi stable, tel est le sens du travail à temps partagé aux fins d’employabilité. Né d’une initiative de terrain lancée il y a un peu plus de dix ans, assis sur une base légale depuis 2018, il est mis en œuvre sur le fondement d’une expérimentation supposée prendre fin le 31 décembre 2023 ([1]).

Alors que l’échéance est désormais toute proche, la question de l’avenir du dispositif inscrit à l’article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel se pose inévitablement.

L’intérêt qu’il présente pour les parties prenantes, salariés ou entreprises utilisatrices, déjà mis en lumière par les rapporteurs de la mission « flash » chargée de l’évaluer pour le compte de la commission des affaires sociales ([2]), plaide en faveur de son maintien dans l’ordre juridique, à plus forte raison dans le contexte d’une hausse, même légère, du taux de chômage.

C’est pourquoi les députés du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), convaincus que la recherche du plein emploi doit continuer de guider l’action de la majorité présidentielle, ont décidé d’inscrire la présente proposition de loi à l’ordre du jour de la séance publique du 18 janvier 2024, en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution.

Le temps est compté. Il faut donc espérer que le Parlement légifère dans les délais les plus brefs de sorte que soit dissipée au plus vite l’insécurité juridique qui pourrait naître de l’absence de législation.


  1  —

I.   une expérimentation destinée À favoriser l’accès d’un public exposé à la précarité professionnelle À un emploi stable

Issu d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale, l’article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel autorise un entrepreneur de travail à temps partagé (ETTP) à conclure un contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE) avec une personne éloignée de l’emploi en vue de sa mise à disposition d’une entreprise utilisatrice, pour l’exécution d’une mission ([3]).

A.   un dispositif qui accorde à ses bénéficiaires des garanties conçues pour renforcer leur employabilité

Bien qu’il repose sur le même mécanisme que celui sur lequel repose le travail à temps partagé sous sa forme classique ([4]), le dispositif expérimental s’adresse à des femmes et des hommes qui rencontrent « des difficultés particulières d’insertion professionnelle » quand le dispositif de droit commun s’adresse, à l’inverse, à un public « qualifié » ([5]).

Peuvent en effet être signataires d’un CDIE :

– les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi depuis six mois au moins ;

– les attributaires des minima sociaux ;

– les personnes handicapées ;

– les personnes âgées de plus de 50 ans ;

– les personnes qui ont une formation de niveau égal ou inférieur au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d’études professionnelles (BEP) (niveaux de formation V, V bis et VI).

Le fonctionnement du travail à temps partagé
(article L. 1252-1 du code du travail)

« Le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.

« Chaque mission donne lieu à la conclusion :

« 1° D’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur dit " entreprise utilisatrice " ;

« 2° D’un contrat de travail, dit " contrat de travail à temps partagé ", entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé. »

Point essentiel, le dispositif offre à ses bénéficiaires un certain nombre de garanties, « gages d’une employabilité renforcée et facteurs d’une nécessaire sécurisation des parcours professionnels » ([6]).

En premier lieu, être titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), signé avec l’ETTP ([7]).

En deuxième lieu, être rémunéré à hauteur du dernier salaire horaire de base pendant les périodes sans exécution de mission (périodes dites d’« intermissions ») ([8]).

En troisième lieu, être formé durant le temps de travail. L’ETTP prend en charge les actions de formation, qui doivent être sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ([9]) ou par l’acquisition d’un bloc de compétences ([10]) ([11]). Il est également tenu d’abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié – à temps complet – à hauteur de 500 euros supplémentaires par an ([12]). L’intérêt de la mesure, aux dires des acteurs de terrain, réside dans le fait que le salarié, après quelques années de missions, dispose de droits suffisants pour suivre une formation (ou plus) à même d’enrichir ses compétences et de favoriser son maintien en emploi ([13]).

B.   un dispositif régi par des règles juridiques peu contraignantes

Le travail à temps partagé, dans sa version classique ou dans sa version expérimentale, aux fins d’employabilité, obéit à un cadre juridique peu contraignant.

● Cela se vérifie, d’abord, en ce qui concerne les conditions de sa mise en œuvre.

Il peut y être recouru en l’absence de motif particulier, ce qui limite considérablement le risque de requalification du contrat. Du reste, le dispositif institué à l’article 115 de la loi du 5 septembre 2018 apporte un élément de souplesse supplémentaire en comparaison du dispositif de droit commun : il n’est pas indispensable que l’entreprise utilisatrice soit dans l’incapacité de recruter le salarié en raison de sa « taille » ou de ses « moyens ». Par ailleurs, la durée des missions accomplies pour le compte de cette dernière n’est pas limitée par la loi, pas plus que le nombre de leur renouvellement. Le formalisme du contrat qui lie le salarié à l’ETTP ne répond, en outre, à aucune exigence légale ([14]).

Sur ces différents points, le travail à temps partagé se distingue du travail intérimaire, autre mécanisme de prêt de main d’œuvre à but lucratif, auquel il ne peut être fait appel que dans un ensemble de situations énumérées par les textes (le remplacement d’un salarié ou l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, par exemple ([15])), et jamais aux fins de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente du client ([16]), ainsi que pour un temps donné (même si tel n’est plus le cas pour la mission effectuée par un salarié titulaire d’un CDI intérimaire) ([17]).

● Cela se vérifie, ensuite, en ce qui concerne le régime de sanctions encourues en cas d’abus attestés.

Rien n’est prévu, dans la loi, s’agissant du travail à temps partagé alors que les prescriptions sont nombreuses et précises s’agissant du travail intérimaire, « au motif que la relation tripartite et le caractère temporaire de la mise à disposition du salarié [...] placent ce dernier dans une situation de relative précarité » ([18]), qui justifie qu’il fasse l’objet d’une protection spécifique. La législation prévoit donc des peines à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire (ETT) ou de l’entreprise utilisatrice qui méconnaîtrait les règles régissant cette forme de travail ([19]).

Cela dit, les éventuels abus dans le recours au travail à temps partagé peuvent être réprimés au titre du travail illégal ([20]), notamment du marchandage, aux termes de l’analyse livrée par le Gouvernement ([21]).

Exemples de peines encourues par l’entreprise de travail temporaire

Article L. 1255-2 du code du travail

« Est puni d’une amende de 3 750 euros, le fait pour l’entrepreneur de travail temporaire :

« 1° De recruter un salarié temporaire en ayant conclu un contrat ne comportant pas les mentions prévues aux 1° et 3° de l’article L. 1251-16 ou comportant ces mentions de manière volontairement inexacte ou sans lui avoir transmis dans le délai prévu à l’article L. 1251-17 un contrat de mission écrit ;

« 2° De méconnaître les dispositions relatives à la rémunération minimale prévues au premier alinéa de l’article L. 1251-18 ;

« 3° De méconnaître l’obligation de proposer au salarié temporaire un ou des contrats dans les conditions prévues à l’article L. 1251-34 ;

« 4° De mettre un salarié temporaire à la disposition d’une entreprise utilisatrice sans avoir conclu avec celle-ci un contrat écrit de mise à disposition dans le délai prévu à l’article L. 1251-42 ;

« 5° D’exercer son activité sans avoir fait les déclarations prévues à l’article L. 1251-45 ;

« 6° D’exercer son activité sans avoir obtenu la garantie financière prévue à l’article L. 1251-49.

« La récidive est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 euros.

« La juridiction peut prononcer en outre l’interdiction d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail temporaire pour une durée de deux à dix ans. Les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 1251-47 sont applicables. »

Exemples de peines encourues par l’entreprise utilisatrice

Article L. 1255-3 du code du travail

« Le fait pour l’utilisateur de conclure un contrat de mise à disposition ayant pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, en méconnaissance de l’article L. 1251-5, est puni d’une amende de 3 750 euros.

« La récidive est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 euros. »

Article L. 1255-10 du code du travail

« Est puni d’une amende de 3 750 euros, le fait pour l’utilisateur de recourir à un salarié temporaire :

« 1° Soit sans avoir conclu avec un entrepreneur de travail temporaire un contrat écrit de mise à disposition, dans le délai prévu à l’article L. 1251-42 ;

« 2° Soit en ayant omis de communiquer, dans le contrat de mise à disposition, l’ensemble des éléments de rémunération conformément au 6° de l’article L. 1251-43.

« La récidive est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 euros. »

C.   un dispositif dont le déploiement demeure limité

Le déploiement du dispositif n’a pas été immédiat et a rapidement été entravé par la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19, si bien que la prorogation de l’expérimentation pour une durée de vingt-quatre mois ([22]) s’est assez naturellement imposée. En réalité, il a fallu attendre l’année 2021, voire 2022, pour qu’elle entre véritablement dans sa phase de démarrage.

Aussi le recul est-il faible et les données très parcellaires, l’autorité administrative n’ayant été destinataire, en dépit de ce que prévoyait la loi ([23]), ni du nombre de contrats signés par les ETTP, ni d’aucun autre élément sur le parcours des personnes recrutées. Une situation qui s’explique par l’impossibilité technique pour les employeurs de transmettre ces informations par l’intermédiaire de la déclaration sociale nominative (DSN).

● Toujours est-il que 5 000 CDIE environ auraient été conclus depuis 2018 ([24]) et que 1 500 CDIE seraient en cours d’exécution ([25]), d’après les observations de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), à l’origine d’un rapport non publié à ce jour, relayées par les services du ministère du travail.

Près de 80 % des titulaires d’un contrat de ce type seraient inscrits à Pôle emploi depuis six mois au moins ou auraient une formation de niveau égal ou inférieur au CAP-BEP au moment de l’embauche. Très peu seraient bénéficiaires de minima sociaux ou en situation de handicap.

critère principal d’éligibilité au dispositif
à l’embauche des salariés en CDIE

 

Part des CDIE

Inscription à Pôle emploi depuis au moins six mois

38 %

Niveau de formation V, V bis ou VI

38 %

Âgé(e) de plus de 50 ans

15 %

Bénéficiaire de minima sociaux

2 %

Travailleur handicapé

1 %

Sans critère légal

6 %

Note : critère principal d’éligibilité au dispositif.

Lecture : 38 % des salariés en CDIE sont éligibles au titre de leur inscription à Pôle emploi depuis au moins six mois.

Source : direction générale du travail, sur la base des observations de l’Inspection générale des affaires sociales.

Plus des deux tiers auraient entre 25 et 50 ans et un cinquième aurait plus de 50 ans ([26]).

La très grande majorité (87 %) appartiendrait à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers, un sur dix à celle des employés. Ils exerceraient principalement dans le secteur de l’industrie (métallurgie, plastique, chimie, etc.) et, de plus en plus, dans celui des services (tri et distribution du courrier pour l’essentiel) ([27]).

Répartition des salariés en CDIE par secteur d’activité

Services postaux et autres services tertiaires                                                                                       39 %

Industrie                                                                                                                                    30 %

Transport/Logistique                                                                                                                          21 %

Bâtiment et travaux publics (BTP)                                                                                                    4 %

Agriculture                                                                                                                                         1 %

Autre                                                                                                                                                     5 %

Lecture : 30 % des CDIE sont conclus dans le secteur de l’industrie.

Source : direction générale du travail, sur la base des observations de l’Inspection générale des affaires sociales.

Près de 45 % des titulaires d’un CDIE seraient embauchés en CDI à l’issue de leur mission, dans l’entreprise utilisatrice pour la quasi-totalité d’entre eux, ce qui s’avère encourageant ([28]). Le manque de recul rend toutefois malaisée toute analyse portant sur l’incidence de l’exécution d’un CDIE sur l’insertion professionnelle durable des individus intéressés.

● L’insuffisance des données relatives au respect des obligations touchant à la formation empêche hélas de dresser un quelconque bilan dans ce domaine. Tout au plus sait-on que de nombreux ETTP ont éprouvé des difficultés pratiques pour procéder à l’abondement du CPF dans les conditions prévues au III de l’article 115 précité et que l’outil n’a quasiment pas été mobilisé pour financer une formation le temps de l’exécution du contrat.

Au demeurant, la règle selon laquelle « [l]’employeur s’assure de l’effectivité de la formation », énoncée au second alinéa du même III, est sans doute trop peu prescriptive pour revêtir une réelle portée opérationnelle.

II.   l’objet de la proposition de loi : relancer une expérimentation pour une durée de quatre ans afin de garantir le bon déploiement du dispositif

Le travail à temps partagé aux fins d’employabilité présente des avantages tant pour le titulaire du contrat, au regard des garanties théoriques qui lui sont accordées, que pour l’entreprise utilisatrice, au regard de la durée relativement longue de la mise à disposition du salarié à son profit et du faible degré d’insécurité juridique que l’exécution du contrat fait courir. Il n’engendre, au surplus, aucun coût direct pour la collectivité.

Il ne saurait donc être envisagé, dans le contexte économique actuel, de se priver d’un dispositif qui, au-delà de la souplesse caractérisant sa mise en œuvre, produit des résultats intéressants, à en croire les témoignages issus du terrain, qui méritent d’être confirmés.

C’est pourquoi l’article 1er de la présente proposition de loi, réécrit par la commission des affaires sociales, relance l’expérimentation pour une durée de quatre ans ([29]), une solution préférée à la solution initiale qui consistait dans la pérennisation dudit dispositif dès à présent.

Par cohérence avec ce qui précède, la commission a supprimé l’article 2, qui posait les bases d’un régime de sanctions pénales à l’encontre d’un ETTP ou d’une entreprise utilisatrice qui aurait méconnu la législation.

 


  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Relancer l’expérimentation relative au travail
à temps partagé aux fins d’employabilité

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er, entièrement réécrit par la commission, relance, pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la loi qui résultera de la présente proposition de loi, l’expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d’employabilité, qui a pour objet de favoriser l’accès des personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle à un emploi stable, mise en œuvre, jusqu’au 31 décembre 2023, sur le fondement de l’article 115 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

  1.   Le dispositif de la proposition de loi dans sa rédaction initiale

Initialement, l’article 1er conférait un caractère pérenne au dispositif du travail à temps partagé aux fins d’employabilité, mis en œuvre sous la forme d’une expérimentation depuis 2018.

À cette fin, il complétait le chapitre II – consacré au contrat conclu avec une entreprise de travail à temps partagé – du titre V du livre II de la première partie du code du travail par une section 4 composée d’un seul article, numéroté L. 1252-14, dans lequel auraient été rassemblées les dispositions propres au contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE).

● Aux I et II du nouvel article auraient figuré les précisions touchant au public éligible au dispositif d’une part, aux garanties accordées aux titulaires d’un CDIE d’autre part.

Comme à l’heure actuelle, celui-ci aurait pu être conclu entre un entrepreneur de travail à temps partagé (ETTP) et :

– un demandeur d’emploi inscrit à Pôle emploi depuis six mois au moins ;

– un bénéficiaire de minima social ;

– une personne handicapée ;

– une personne âgée de plus de 50 ans ;

– une personne ayant une formation de niveau égal ou inférieur au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d’études professionnelles (BEP) (niveaux de formation V, V bis et VI).

Comme à l’heure actuelle, le titulaire de ce contrat à durée indéterminée (CDI) aurait été rémunéré, pendant les périodes sans exécution de mission, à hauteur du dernier salaire horaire de base.

Du reste, il aurait eu accès durant son temps de travail à des actions de formation sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ([30]) ou par l’acquisition d’un bloc de compétences ([31]) et aurait vu son compte personnel de formation (CPF) abondé à hauteur de 500 euros supplémentaires par année de présence dans l’entreprise ([32]).

● Aux termes du III de l’article L. 1252-14, le travail à temps partagé aux fins d’employabilité aurait été explicitement soumis au régime juridique du travail à temps partagé de droit commun. Auraient ainsi été expressément applicables les dispositions des sections 2 – contrat de travail à temps partagé ([33]) – et 3 – contrat de mise à disposition et entreprise de travail à temps partagé ([34]) – du chapitre II précité, soit :

– l’article L. 1252-4, qui fait du contrat de travail à temps partagé un contrat à durée indéterminée ;

– l’article L. 1252-5, qui impose que le contrat contienne une clause de rapatriement du salarié – à la charge de l’ETTP – lorsque la mise à disposition s’effectue hors du territoire métropolitain ([35]) ;

– l’article L. 1252-6, qui assure au salarié mis à disposition une rémunération au moins égale à celle d’un salarié de niveau de qualification professionnelle identique ou équivalent occupant le même poste ou les mêmes fonctions dans l’entreprise utilisatrice ;

– l’article L. 1252-7, qui confie à l’entreprise utilisatrice, le temps de la mise à disposition, la responsabilité des conditions d’exécution du travail telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail ;

– l’article L. 1252-8, qui ouvre au salarié mis à disposition un accès aux moyens de transport collectifs et aux installations collectives, notamment de restauration, équivalent à celui dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice ([36]) ;

– l’article L. 1252-9, qui intègre la rupture du contrat de travail à temps partagé dans le champ d’application des règles de portée générale relatives à la rupture du CDI ([37]) ;

– l’article L. 1252-10, qui énumère les clauses que comporte a minima le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié par l’ETTP et l’utilisateur, à savoir :

– l’article L. 1252-11, qui nie tout effet juridique à la clause qui, dans un contrat de mise à disposition, interdirait le recrutement par l’entreprise utilisatrice du salarié à l’issue de sa mission ;

– l’article L. 1252-12, qui autorise l’ETTP à apporter aux entreprises utilisatrices auxquelles il est lié des conseils en matière de gestion des compétences et de la formation ;

– l’article L. 1252-13, qui oblige l’ETTP à justifier à tout moment d’une garantie financière permettant d’assurer, en cas de défaillance de sa part, le paiement des salaires et de leurs accessoires d’une part, des cotisations obligatoires dues à des organismes de sécurité sociale ou à des institutions sociales d’autre part.

  1.   Les modifications apportées par la commission

Sur proposition de Mme Fanta Berete (groupe Renaissance) et M. Stéphane Viry (groupe Les Républicains) ainsi que de Mme Anne Bergantz (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)), et avec l’assentiment très net du rapporteur, la commission a entièrement réécrit l’article 1er pour prévoir, en lieu et place de la pérennisation du dispositif, assurément prématurée, la relance de l’expérimentation pour une durée de quatre ans.

De l’avis quasi général, cette solution est apparue préférable au vu de l’insuffisance des données quantitatives et qualitatives disponibles pour évaluer l’expérimentation en cours comme du manque de recul pour en mesurer avec précision les effets.

Au demeurant, la commission a jugé pertinent que puissent à l’avenir conclure un CDIE les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi depuis un an au moins, plutôt que six mois, ce que prévoyait la proposition de loi à l’origine, de sorte que soient éligibles au dispositif les femmes et les hommes qui rencontrent véritablement des difficultés particulières d’insertion professionnelle. À l’occasion des débats, il a été admis qu’en séance publique, d’autres retouches pourraient être apportées aux critères d’éligibilité.

Enfin, la commission a introduit dans le texte, moyennant l’adoption d’un sous-amendement du rapporteur, une disposition tendant à soumettre expressément le travail à temps partagé aux fins d’employabilité au cadre juridique du travail à temps partagé de droit commun ([38]), ce que le législateur n’avait pas fait en 2018.

 

*

*     *

Article 2
Sanctionner la méconnaissance de la législation applicable
au travail à temps partagé aux fins d’employabilité

Supprimé par la commission

Dans sa rédaction initiale, l’article 2 définissait le régime de sanctions encourues par l’entrepreneur de travail à temps partagé (ETTP) et l’entreprise utilisatrice en cas de méconnaissance de certaines dispositions propres au travail à temps partagé aux fins d’employabilité.

À l’heure actuelle, il n’existe aucune disposition qui réprimerait pénalement le non-respect des règles régissant le travail à temps partagé aux fins d’employabilité.

  1.   Le dispositif de la proposition de loi dans sa rédaction initiale

Initialement, l’article 2 de la proposition de loi, inspiré de la législation applicable au travail intérimaire, comblait partiellement ce vide juridique moyennant l’introduction de deux articles dans une nouvelle section – la section 4 – du chapitre V du titre V du livre II de la première partie du code du travail.

Le premier, numéroté L. 1255-19, punissait de 3 750 euros d’amende le fait, pour un entrepreneur de travail à temps partagé (ETTP), de conclure un contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE) en méconnaissance de l’article L. 1252-14, où aurait été défini le régime juridique de ce contrat de travail ([39]).

Le second, numéroté L. 1255-20, punissait d’une amende du même montant le fait, pour une entreprise utilisatrice, de recourir à un salarié titulaire d’un CDIE sans avoir conclu avec l’ETTP un contrat écrit de mise à disposition dans un délai de deux jours ouvrables à compter de celle-ci ([40]). La récidive aurait été passible d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 euros.

  1.   Les modifications apportées par la commission

Sur proposition de M. Stéphane Viry (groupe Les Républicains) et de Mmes Fanta Berete (groupe Renaissance) et Anne Bergantz (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)), la commission, suivant l’avis favorable du rapporteur, a supprimé l’article 2 au motif qu’il était devenu sans objet du fait de la réécriture de l’article 1er et de l’abandon du principe d’une pérennisation du dispositif du travail à temps partagé aux fins d’employabilité au profit de la relance d’une expérimentation pour une durée de quatre ans.

Article 3
Gage de recevabilité financière

Adopté par la commission sans modification

L’article 3 prévoit un mécanisme de compensation de la charge pour l’État qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.

La proposition de loi est de nature à accroître une charge publique dans la mesure où l’abondement par l’employeur du compte personnel de formation (CPF) du titulaire d’un contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE) dans des conditions dérogatoires au droit commun pourrait indirectement entraîner une dépense pour l’État.

En conséquence, et pour permettre le dépôt du texte, l’article 3 gage la charge susmentionnée par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévus au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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*     *


  1  —

   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 20 décembre 2023, la commission examine la proposition de loi visant à la généralisation du contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité (n° 1972) (M. Nicolas Turquois, rapporteur) ([41]).

 

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Le travail à temps partagé aux fins d’employabilité est né d’une initiative de terrain, lancée il y a un peu plus de dix ans. Conçu pour favoriser l’accès à un emploi stable d’un public confronté à la précarité professionnelle, depuis l’entrée en vigueur de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, il est mis en œuvre dans le cadre d’une expérimentation supposée prendre fin le 31 décembre 2023.

À l’approche de cette échéance, la question de l’avenir du dispositif – issu d’un amendement déposé par Mme Fadila Khattabi – se pose de façon pressante.

Avant d’évoquer le contenu de la proposition de loi que le groupe Démocrate a choisi d’inscrire à l’ordre du jour de sa journée réservée, je voudrais présenter brièvement ce dispositif.

À l’instar du travail à temps partagé de droit commun, le travail à temps partagé à des fins d’employabilité repose sur une relation triangulaire de travail entre un salarié, un entrepreneur de travail à temps partagé (ETTP) – auquel le salarié est lié – et une entreprise utilisatrice – auprès de laquelle le salarié est mis à disposition pour l’exécution d’une mission.

En revanche, contrairement au travail à temps partagé de droit commun, il s’adresse à des personnes qui rencontrent des difficultés particulières d’insertion professionnelle, et plus précisément aux demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi depuis six mois au moins, aux bénéficiaires de minima sociaux, aux personnes handicapées ou âgées de plus de 50 ans ainsi qu’à celles qui ont une formation de niveau égal ou inférieur au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d’études professionnelles (BEP) – ce qui correspond aux niveaux de formation V, V bis ou VI

À tous, le dispositif offre un certain nombre de garanties.

Il leur permet d’être titulaires d’un CDI, baptisé contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE), signé avec l’ETTP, mais aussi d’être rémunérés à hauteur du dernier salaire horaire de base pendant les périodes dites d’intermission.

Les salariés sont en outre formés durant le temps de travail, l’employeur étant tenu de prendre en charge les actions de formation et d’abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié à temps complet à hauteur de 500 euros supplémentaires par an.

Le dispositif est régi par des règles juridiques peu contraignantes.

Il peut y être recouru en l’absence de motif particulier, ce qui limite le risque de requalification du contrat. Du reste, la durée des missions accomplies pour le compte de l’entreprise utilisatrice n’est pas limitée par la loi, pas plus que le nombre de renouvellements de celles-ci.

Sur l’ensemble de ces points, le travail à temps partagé se distingue du travail intérimaire, autre mécanisme de prêt de main-d’œuvre à but lucratif auquel il ne peut être fait appel que dans un ensemble de situations énumérées par les textes – le remplacement d’un salarié ou l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, par exemple – et pour un temps donné – même si tel n’est plus le cas pour la mission effectuée par un salarié titulaire d’un CDI intérimaire.

En résumé, le dispositif présente des avantages.

D’abord pour le salarié, auquel est proposé un CDI et une formation qualifiante – soit le contraire exact de ce que subissent les personnes éloignées du marché du travail, auxquelles il est au mieux proposé des CDD et qui n’ont pas accès à des formations leur permettant d’accéder à des emplois mieux rémunérés ; ensuite, pour l’entreprise utilisatrice, en raison de la durée relativement longue de la mise à disposition du salarié et du faible risque juridique de requalification du contrat. C’est le point de vue qu’ont exprimé notamment les représentants de La Poste et de Renault, que j’ai auditionnés.

Mon constat confirme celui de nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry, rapporteurs d’une mission « flash » chargée d’évaluer cette expérimentation. Comme eux, j’observe avec regret que les données sur le déploiement du dispositif sont peu nombreuses, l’autorité administrative n’ayant été destinataire – en dépit de ce que prévoyait la loi – ni du nombre de contrats signés par les ETTP, ni d’aucun autre élément sur le parcours des personnes recrutées. Cette situation résulte de l’impossibilité technique pour les employeurs de transmettre ces informations par l’intermédiaire de la déclaration sociale nominative (DSN). Cela est évidemment regrettable.

Toujours est-il que, selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) – qui a rédigé un rapport qui n’a pas encore été publié –, 5 000 CDIE environ auraient été conclus depuis 2018 et 1 500 étaient en cours d’exécution à la fin du premier trimestre de l’année 2023. Il faut relever que ces chiffres sont inférieurs à ceux communiqués par le Syndicat des entreprises d’emploi durable, qui rassemble l’essentiel des ETTP.

Quoi qu’il en soit, d’après les observations de l’Igas, près de 80 % des titulaires d’un contrat de ce type seraient inscrits à Pôle emploi depuis six mois au moins ou auraient une formation de niveau égal ou inférieur au CAP-BEP au moment de l’embauche. Très peu seraient bénéficiaires de minima sociaux ou en situation de handicap.

La très grande majorité appartiendrait à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers, et un sur dix seulement à celle des employés. Ils exerceraient surtout dans le secteur de l’industrie – métallurgie, plastique, chimie – et, de plus en plus, dans celui des services – tri et distribution du courrier, principalement.

Près de 45 % des titulaires d’un CDIE seraient embauchés en CDI à l’issue de leur mission, dans l’entreprise utilisatrice pour la quasi-totalité d’entre eux – ce qui est encourageant.

Après avoir rappelé ces éléments de contexte, il me faut maintenant évoquer les deux articles de la proposition de loi dans la rédaction retenue au moment du dépôt du texte.

L’article 1er pérennise le dispositif du travail à temps partagé aux fins d’employabilité. Il s’adresserait au même public que celui qui y est actuellement éligible et accorderait à ses bénéficiaires des garanties inchangées.

Le dispositif serait par ailleurs expressément soumis au régime juridique du travail à temps partagé de droit commun, ce qui signifie que seraient applicables les articles du code du travail qui régissent cette forme de travail.

L’article 2 prévoit des sanctions à l’encontre d’un ETTP ou d’une entreprise utilisatrice qui méconnaîtrait la législation applicable au travail à temps partagé aux fins d’employabilité.

Sans attendre la discussion générale et l’examen des amendements, je dois reconnaître que la pérennisation du dispositif semble prématurée compte tenu de l’insuffisance des données disponibles sur sa mise en œuvre et de l’impossibilité d’en faire une évaluation en bonne et due forme. Comme un certain nombre d’entre vous, il me semble préférable de proroger l’expérimentation pour une durée suffisamment longue, afin que son déploiement se poursuive dans de bonnes conditions.

Je veux dire également très clairement qu’il ne me semble pas judicieux – à l’inverse de certains d’entre vous – d’y mettre un terme, à plus forte raison dans le contexte d’une hausse du taux de chômage, même légère. Cela ne serait pas cohérent avec l’action que conduit la majorité présidentielle depuis 2017.

Cela étant dit, je considère que la prorogation de l’expérimentation doit être mise à profit pour apporter quelques corrections au dispositif.

À l’instar des rapporteurs de la mission « flash » précitée, j’estime que les critères d’éligibilité sont définis de façon trop large, ce qui a pour effet d’étendre la possibilité de conclure un CDIE à des personnes qui ne rencontrent pas toujours des difficultés particulières d’insertion professionnelle. Or cela ne correspond pas à l’esprit de la loi. J’observe que plusieurs amendements de réécriture de l’article 1er proposent de faire passer de six à douze mois la durée minimale de l’inscription à Pôle emploi nécessaire pour pouvoir conclure un contrat de ce type. Cette modification va dans le bon sens et j’y suis favorable, mais il faudra peut-être aller plus loin dans la voie du resserrement des critères au moment de l’examen du texte en séance publique.

Avec les services du ministère du travail, nous réfléchissons par ailleurs à la question des garanties supplémentaires qui pourraient être données aux titulaires d’un CDIE, afin de sécuriser davantage leur parcours professionnel.

Enfin, il est impératif qu’une solution soit trouvée pour que les données relatives à la mise en œuvre du dispositif parviennent effectivement à l’autorité administrative et qu’il puisse être évalué le moment venu. À défaut, nous nous retrouverions demain dans la situation dans laquelle nous sommes et ne serions pas en mesure de nous prononcer sur la pertinence de son éventuelle pérennisation. J’ai insisté sur ce point auprès du ministre du travail et je le ferai de nouveau dans l’hémicycle le 18 janvier.

Je forme le vœu que notre commission adopte cette proposition, en lui apportant les modifications que je viens d’évoquer.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je vais donner la parole aux orateurs des groupes.

M. Marc Ferracci (RE). Je salue le travail de notre collègue Nicolas Turquois sur ce sujet très important. Au fond, l’enjeu de cette proposition de loi consiste à sécuriser l’emploi, et en particulier pour ceux qui travaillent pour plusieurs employeurs. Le travail à temps partagé est, à cet égard, une solution pertinente.

Le dispositif qui fait l’objet de cette proposition avait été introduit à titre expérimental dans la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Comme l’a très bien dit le rapporteur, il se caractérise par des règles assez peu contraignantes au moment de l’embauche, tout en ayant pour ambition de permettre une inclusion durable grâce à la formation dispensée pendant le temps de travail et à des abondements du CPF.

Le groupe Renaissance partage un certain nombre des conclusions du rapporteur ainsi que de la mission « flash » conduite par nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry.

D’un point de vue quantitatif, le dispositif n’a pas encore atteint sa cible. Le nombre de CDIE conclus est faible. En outre, nous manquons de données pour évaluer avec précision tant la pertinence des critères retenus en matière de publics éligibles que les effets sur les trajectoires professionnelles. Je rappelle que ce dispositif avait pour ambition de favoriser une insertion professionnelle durable.

À la lumière de ces constats, notre groupe estime lui aussi que généraliser le dispositif serait très prématuré. Nous soutiendrons donc la proposition opportune du rapporteur qui vise à prolonger l’expérimentation pendant une durée suffisamment longue pour régler les problèmes de collecte des données – et en particulier pour permettre de modifier la DSN, afin que cette collecte soit systématique.

M. Victor Catteau (RN). En juillet dernier, nous avons examiné les conclusions de la mission « flash » portant sur le CDIE. Notre groupe était alors d’accord pour le prolonger, et non pas pour le généraliser – et notre position n’a pas changé.

Il est indéniable que ce type de contrat offre des opportunités intéressantes, tant pour les entreprises – auxquelles il fournit un cadre juridique plus souple, avec un coût moindre par rapport au CDI intérimaire – que pour les travailleurs – qui peuvent bénéficier de la sécurité offerte par un CDI.

Mais la flexibilité du CDIE ne saurait masquer ses défauts et les risques qu’il entraîne. Nous avons maintes fois été averti des désavantages de ce type de contrat. Les professionnels de l’intérim nous ont ainsi alerté sur les risques de concurrence inutile avec le CDI intérimaire, tandis que les organisations syndicales – mais aussi le ministère du travail – ont mis en garde sur le manque d’informations sur cette expérimentation. Il n’est en effet pas raisonnable de généraliser un dispositif au sujet duquel le Gouvernement et l’Igas ne nous ont fourni presque aucune réponse.

Par ailleurs, il apparaît également que ce dispositif rate une partie non négligeable de la cible qu’il visait à l’origine. Le CDIE devait en effet aider les personnes éloignées de l’emploi, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi depuis au moins six mois, les travailleurs seniors, les personnes souffrant de handicap, les bénéficiaires de minima sociaux ou encore les personnes ayant un niveau d’éducation inférieur au bac. Les conclusions de la mission « flash », mais aussi les informations fournies par les entreprises qui ont recours au CDIE, montrent que l’objectif d’insertion sociale par le travail n’est clairement pas la priorité de ces dernières.

En juillet dernier, le Rassemblement National avait manifesté son intérêt pour la prolongation de ce contrat ; mais nous étions opposés à la généralisation de ce dispositif tant que le Parlement ne disposerait pas de données suffisantes fournies par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous voterons en faveur d’une simple prolongation de l’expérimentation.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous examinons une proposition du groupe Démocrate dont le texte initial prévoyait de généraliser le CDIE, contrat que j’estime précaire. Mais nos collègues se sont rendus compte que ce n’était finalement pas une si bonne idée : ils nous proposent donc ce matin une prolongation de l’expérimentation. Cela permet d’accomplir la moitié du chemin, mais on pourrait aller encore plus loin en supprimant ce type de contrat.

Il s’agit en effet d’une forme d’intérim qui n’est pas justifiée par un besoin restreint et défini au préalable. Les données dont nous disposons montrent que la durée moyenne d’un CDIE est de trois ans. On ne voit donc pas ce qui justifie l’existence d’un contrat spécifique : un CDI serait parfaitement approprié. C’est un contrat au rabais, puisque le salarié ne bénéficie ni des avantages du comité social et économique de l’entreprise utilisatrice, ni des conventions collectives, ni des dispositions relatives à l’intéressement ou à la participation.

En outre, ce type de contrat ne concerne plus le public qu’il visait initialement, des travailleurs qualifiés. Le CDIE est devenu désormais un outil dit d’insertion professionnelle pour les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires de minima sociaux, les salariés dits peu qualifiés ou bien pour les personnes en situation de handicap. En dépit des proclamations, le CDIE concerne surtout des ouvriers qui ont traversé une période de chômage. On ne voit pas pourquoi il faudrait leur proposer autre chose qu’un CDI.

D’autant que, alors que la loi les y oblige deux fois par an, les entreprises utilisatrices n’ont jamais transmis les informations permettant d’évaluer le dispositif – nombre de contrats signés, nature des postes et personnes concernées. Aucune sanction n’a été prononcée. Quant à l’Igas, elle n’a toujours pas publié son rapport sur le sujet.

Bref, pour toutes ces raisons, nous sommes hostiles à ce dispositif.

M. Stéphane Viry (LR). Le 11 juillet 2023, ma collègue Fanta Berete et moi-même avons présenté les conclusions de la mission qui nous avait été confiée sur les conditions d’application du dispositif expérimental de contrat de travail à temps partagé à des fins d’employabilité.

Ces conclusions étaient positives et nous avons appelé à une prolongation de cette expérimentation tout en proposant, comme le rapporteur, de revoir les critères et les modalités d’application du dispositif. Notre constat avait fait l’unanimité : cet outil en faveur du retour à l’emploi méritait d’être prolongé, tout en corrigeant certains effets indésirables. Je ne reviens pas sur mes propos : il faut prolonger l’expérimentation. Je félicite le rapporteur d’avoir déposé cette proposition de loi qui permettra de le faire, une fois amendée.

Où en sommes-nous ?

Personne ne peut nier que le plein emploi doit être une ambition nationale. Personne ne peut nier non plus que l’objectif de lutte contre l’exclusion doit nous rassembler coûte que coûte et que des personnes ont des difficultés pour trouver leur place dans la société grâce au travail. Il faut impérativement trouver les moyens juridiques et les outils contractuels qui leurs permettent de trouver un emploi. La quête de l’insertion professionnelle exige d’innover en permanence.

Les résultats de l’expérimentation du CDIE depuis quelques années sont satisfaisants tant pour ses signataires que pour la collectivité nationale. Je me félicite donc de la proposition du rapporteur, que mon groupe soutiendra.

Un mot peut-être pour déplorer l’inertie du Gouvernement sur ce sujet. Il lui appartenait de reprendre la main avant le 31 décembre 2023. Le dispositif est certes issu d’une initiative parlementaire en 2018, mais ce n’est pas une raison pour se sentir vexé de ne pas l’avoir proposé.

Je me félicite que le Parlement occupe sa place dans la politique de l’emploi.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je me réjouis que notre commission examine ce matin cette proposition de loi de Nicolas Turquois, que le groupe Démocrate a inscrit à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Elle est dans la cohérence des réflexions et des travaux que mène mon collègue sur le plein emploi.

Le CDIE est un dispositif supplémentaire tendant à favoriser l’accès à l’emploi stable de publics confrontés à la précarité professionnelle. Il vise en effet, et c’est son originalité, les personnes les plus éloignées de l’emploi – même si l’on peut discuter d’une amélioration des critères.

La plupart des acteurs auditionnés ont mis en avant la souplesse du dispositif. Les deux entreprises qui ont eu le plus recours au CDIE ont souligné l’importance de la part de personnes âgées de plus de 50 ans qui en bénéficient. Cela prouve que le CDIE permet d’atteindre les publics visés.

Cependant, et comme cela a déjà été relevé, les données sont trop parcellaires pour généraliser la mesure. Il conviendra à l’avenir d’avancer sur le problème de la remontée des données.

Enfin, certains acteurs ont souligné qu’il était parfois complexe pour les responsables des ressources humaines de gérer une multiplicité de dispositifs extrêmement différents – CDI intérim, groupements d’employeurs et autres contrats aidés. Il faudrait que nous lancions prochainement une réflexion sur ce sujet.

Faute de texte en cours d’examen permettant de prolonger l’expérimentation du CDIE, le risque était grand de la voir prendre fin. Animé par la conviction que personne ne doit être laissé sur le bord du chemin de l’insertion professionnelle, le groupe Démocrate soutiendra cette proposition et présentera des amendements pour l’améliorer.

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur le rapporteur, vous souhaitez donc amender votre texte pour prolonger l’expérimentation du CDIE. Disons-le tout de suite : notre groupe considère qu’il est urgent d’attendre et qu’il faut continuer à expérimenter et à évaluer ce dispositif – notamment pour voir s’il permet d’améliorer l’insertion par l’emploi.

Il est cependant un peu singulier de discuter de cette question alors même que la réforme du RSA votée il y a quelques semaines va avoir pour conséquence de précariser encore davantage ceux qui travaillent de manière discontinue et dont la situation est la plus difficile. Il peut même en résulter une perte du bénéfice du RSA, ce qui laissera encore plus éloignés de l’emploi. Ne trouvez-vous pas que la philosophie du CDIE est contraire à celle de la réforme du RSA que vous avez votée ?

Pour conclure, je souhaite aborder la question de l’insertion par l’emploi des travailleurs étrangers en situation irrégulière. Chers collègues, vous avez en effet voté hier soir une loi qui va rendre leur régularisation par le travail encore plus difficile qu’elle ne l’est déjà, contrairement à toutes les promesses que vous aviez faites – et notamment celle de reconnaître qu’un contrat de travail constituait un élément du chemin vers l’intégration. Vous avez choisi de ne pas intégrer ces étrangers en les maintenant plus longtemps dans une situation de séjour irrégulier. Ils seront donc plus longtemps contraints de vivre dans la précarité et de rester à la merci d’employeurs peu scrupuleux, qui les feront travailler au noir.

Il faudra un jour que vous adaptiez vos principes face à ces contradictions.

M. François Gernigon (HOR). Lancé en 2018 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le dispositif relatif au CDIE avait été percuté de plein fouet par la crise de la covid-19, ce qui l’avait empêché de prendre son essor. La loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique avait donc décidé de prolonger son expérimentation pendant trois années supplémentaires. Nous arrivons au bout de ce délai, puisque l’expérimentation doit prendre fin le 31 décembre prochain.

L’avenir du CDIE a naturellement été évoqué lors de l’examen du projet de loi pour le plein emploi. La prolongation de son expérimentation avait même été proposée par des amendements des trois groupes de la majorité et par certains députés du groupe Les Républicains, tout en restreignant les critères d’éligibilité. Cependant, et ainsi que nous le pressentions, ces amendements avaient été considérés comme des cavaliers.

Je me réjouis donc que notre collègue Nicolas Turquois se soit saisi de la question dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe Démocrate. Cela nous permet de discuter de nouveau du sujet.

Le manque de données disponibles, souligné par les premières évaluations du dispositif, ne permet pas à ce stade de conclure au bien-fondé de sa généralisation. Nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry recommandaient du reste dans le rapport de leur mission « flash » de prolonger l’expérimentation.

Conformément à leurs conclusions et afin notamment de répondre aux craintes du secteur de l’intérim, le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi, sous réserve de l’adoption des amendements visant à maintenir le caractère expérimental du CDIE et à restreindre les catégories de personnes qui peuvent en bénéficier.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Comme cela a été relevé dans plusieurs interventions, le manque de recul sur ce dispositif inquiète.

Sans surprise, les représentants syndicaux que nous avons auditionnés sont sceptiques en raison du manque de données et s’inquiètent au sujet des salaires et de la formation. C’est pourquoi ils sont favorables à une prolongation de l’expérimentation, mais pas à la pérennisation du dispositif – en tout cas pas tant que celui-ci n’aura pas fait l’objet d’une véritable évaluation. On nous a soufflé que le rapport de l’Igas serait sur le bureau du ministre depuis le mois de juillet... Comment s’assurera-t-on du consentement libre et éclairé du salarié ? Nous n’avons pas, me semble-t-il, de réponse à cette question.

Il est urgent que l’on nous fournisse des chiffres sur le nombre de CDIE conclus, sur la part des femmes et des hommes et sur les formations suivies. Qu’en est-il des personnes en situation de handicap ? Les représentants syndicaux avaient des doutes sur la place qui leur était accordée.

Le flou est entretenu sur d’autres aspects. Je pense à la manière dont les sociétés d’intérim améliorent leurs marges commerciales en privilégiant le CDIE au détriment du CDI intérimaire – qui, lui, est contrôlé par les partenaires sociaux – alors que ces dispositifs visent le même public. Lorsque les dix-huit mois en intérim sont achevés, les personnes sont orientées vers le CDIE, qui bénéficie d’allégements de cotisations patronales – et qui est donc financé par la collectivité sans contrôle des entreprises concernées. Cela nous inquiète. L’utilisation de ce contrat doit faire l’objet de précision.

Le groupe Écologiste salue la prolongation de l’expérimentation et avait d’ailleurs déposé des amendements en ce sens. Nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le rapporteur.

Je terminerai en disant que cette matinée est particulière pour un certain nombre de parlementaires. Ce qui s’est passé hier soir me laisse un goût amer. Je me demande pourquoi j’ai fait barrage lors du second tour de l’élection présidentielle. Pourquoi ai-je voté pour ce Président de la République si c’était pour que soit adoptée une loi qui charrie des torrents de boue ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Dans le contexte que nous connaissons, c’est quasiment avec la nausée que je prends la parole ce matin. Les organisations syndicales qui ont été auditionnées ont déploré l’absence de données précises relatives aux personnes concernées, au niveau de formation d’entrée et acquis, à la durée moyenne des contrats, à la rémunération, etc. Elles regrettent que le rapport de l’Igas n’ait pas encore été rendu public. Elles se sont toutes opposées à la généralisation de ce contrat. Elles s’interrogent sur plusieurs points : le salaire est-il suffisant ? Le salaire de base est-il réellement maintenu entre deux missions ? Quelle est la qualité de l’accompagnement ? Le salarié a-t-il la possibilité de refuser un contrat ? Les entreprises à temps partagé n’appartenant à aucune branche, les avantages et les protections liés aux branches ne sont pas applicables à ces salariés, contrairement à ce qui a cours dans l’intérim. Par ailleurs, le bloc de compétences n’est pas synonyme d’acquisition d’une formation qualifiante.

On ne peut que s’interroger sur ce contrat peu contraignant mais aussi sur cette expérimentation peu concluante, qui dure depuis cinq ans. Je me demande s’il est opportun de la prolonger. Peut-être est-il temps de tirer un certain nombre de leçons. La loi de 2018 s’inscrivait, entre les ordonnances travail et la loi instaurant France Travail, dans une logique, que nous combattons, de contournement et d’abaissement du droit, qui emporte un risque d’instrumentalisation de ces nouveaux outils. Bref, nous sommes assez dubitatifs sur ce que vous nous proposez.

M. Laurent Panifous (LIOT). Le retour à l’emploi des personnes éloignées du marché du travail appelle des mécanismes adaptés d’insertion et d’accompagnement. C’est un travail fin et patient qui peut se révéler particulièrement ardu si l’on souhaite favoriser l’accès à un travail de qualité et lutter contre le temps partiel subi. Nous partageons l’objectif que vous visez par l’institution du CDI employabilité. Ce dernier offre des avantages indéniables aux entreprises, mais aussi aux salariés, qui peuvent bénéficier des protections attachées au CDI : protection sociale, accès au logement, maintien du salaire entre les missions. Le volet de la formation est également louable.

Toutefois, compte tenu de l’absence d’évaluation de l’expérimentation, nous ne souhaitons pas, pour l’heure, que le dispositif soit généralisé. Une évaluation permettrait d’expliquer le faible recours au CDIE, malgré des conditions d’accès très souples et attractives. Elle est d’autant plus nécessaire que les entreprises ne fournissent pas d’informations sur le recours à ce contrat, alors pourtant qu’elles sont tenues de les publier deux fois par an. Dans l’attente du rapport de l’Igas, nous ignorons le profil des salariés, la durée et le type des missions effectuées, les formations suivies, le nombre d’embauches. Nous ne savons pas dans quelle mesure ce dispositif permet une insertion durable. Certes, la mission « flash » conduite par Fanta Berete et Stéphane Viry nous a éclairés, mais il reste lacunaire, faute d’accès aux données.

La généralisation ne sera envisageable qu’après l’expérimentation, l’évaluation et d’éventuelles corrections. Nous proposerons donc des amendements visant à prolonger l’expérimentation et à tirer les conséquences des premiers retours, pour mieux sanctionner les éventuels abus et détournements.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Parallèlement à l’expérimentation menée depuis plusieurs années sur le CDIE, qui vise à favoriser l’inclusion et l’employabilité des publics rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle, nous constatons le développement du travail temporaire. Une partie de la nouvelle génération, qui ne souhaite pas s’engager et signer un CDI, préfère en effet ce type de contrat. Comment articuler et faire évoluer nos dispositifs au regard de ces évolutions sociétales ?

Stéphane Viry et Fanta Berete, à la suite de leur mission « flash » sur le CDIE, ont appelé à la poursuite de son expérimentation et à une évaluation sérieuse avant toute généralisation. Certaines structures professionnelles privilégient le CDI intérimaire, construit avec les partenaires sociaux. Quels sont, selon vous, les avantages comparatifs du CDI intérimaire et du CDIE, au regard de l’objectif d’inclusion et d’employabilité des publics éprouvant des difficultés d’insertion professionnelle ?

Mme Isabelle Valentin (LR). Le dispositif du CDIE permet aux entreprises d’externaliser leur main-d’œuvre sur le long terme et constitue un outil de réinsertion des salariés sur le marché du travail, avec des garanties qui sécurisent leur parcours professionnel. Il s’agit donc d’un système gagnant-gagnant. Son expérimentation a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2023 par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », qui fonctionne plutôt bien. Un amendement visant à proroger l’expérimentation au-delà de cette date, déposé sur le projet de loi pour le plein emploi, avait été déclaré irrecevable, avant son examen en commission, en application de l’article 98 du Règlement, car il ne traitait pas directement des relations contractuelles entre employeur et salariés. La question de la prolongation mérite pourtant d’être soulevée. Avez-vous des informations sur les formations qui ont été effectuées par les salariés, sur leur montée en compétences et sur le devenir des 7 000 contrats qui ont été signés ?

M. le rapporteur. Le sujet de l’emploi peut nous rassembler autour de certaines valeurs, économiques ou sociales. C’est par l’emploi, en effet, qu’on peut renouer avec la promesse d’intégration et d’ascension sociale.

L’expérimentation ayant commencé en 2018, j’avais proposé dans un premier temps la pérennisation du CDIE – cinq ans, cela commence à faire long, même si le covid a limité au début la promotion du dispositif. Mais les auditions ont mis en lumière le problème du manque de données. Je ne pouvais donc pas, en responsabilité, présenter un texte visant à pérenniser une mesure qui, par son caractère dérogatoire, emporte de nombreuses conséquences.

Pourquoi avons-nous toujours aussi peu de données ? Pourquoi les entreprises ne font‑elles pas remonter les informations ? Il faudrait que la DSN, qui doit être complétée pour chacun des salariés, comporte les données relatives aux CDIE. Le ministère nous a fait savoir que la création d’un module spécifique au CDIE au sein de la DSN nécessiterait deux ans. Je donnerai donc un avis favorable à un amendement visant à allonger de quatre ans la durée de l’expérimentation. Cette durée devrait nous donner le recul nécessaire pour disposer enfin des données que nous attendons.

Contrairement à ce qu’a dit Hadrien Clouet, le dispositif dont nous discutons n’est pas un contrat d’intérim : c’est un CDI. Or embaucher en CDI une personne de 57 ou 58 ans, qui plus est éloignée de l’emploi, constitue un risque pour l’employeur. C’est bien pourquoi on lui proposera davantage un CDD ou un contrat à temps partiel, et des fonctions qui n’exigent pas de qualification. Elle n’a aucune chance de se voir offrir un CDI, qui conditionne l’octroi d’un emprunt ou l’obtention d’une formation. L’intermédiation par le CDIE permet précisément de proposer un CDI, ce qui constitue une avancée notable. En contrepartie, le contrat sera partagé dans le temps entre plusieurs entreprises situées sur un même territoire. Mais la personne pourra bénéficier de formations pendant les périodes de travail et entre deux missions. Ces avancées ont justifié le dépôt de la proposition de loi.

Sur la concurrence entre l’intérim et le CDIE, les entreprises que nous avons auditionnées nous ont dit que le premier correspondait, pour un nombre important de salariés, à un choix de vie : ces personnes ne souhaitent pas s’engager dans la durée. Cela pose d’ailleurs des problèmes aux entreprises, qui hésitent à investir dans leur formation. Peu de personnes passent de l’intérim au CDI intérimaire. Les entreprises de l’intérim voient dans le CDIE une forme de concurrence déloyale car, disent-elles, les salariés susceptibles d’être recrutés ont le même profil. Je serai donc favorable à l’amendement qui vise à mieux cibler le public concerné. À l’heure actuelle, les personnes pouvant prétendre à un CDIE doivent être au chômage depuis au moins six mois et être âgées de plus de 50 ans – ce qui ne suffit pas à montrer l’éloignement de l’emploi. En redéfinissant la cible, on pourrait faire du CDIE un véritable outil d’insertion par l’activité sans concurrencer le CDI intérimaire. En tout état de cause, le CDIE n’est pas un CDI au rabais : il est proposé à des personnes à qui on ne propose pas un CDI habituellement.

Article 1er : Pérennisation du dispositif expérimental du travail à temps partagé aux fins d’employabilité

Amendements de suppression AS5 de M. Pierre Dharréville et AS16 de M. Victor Catteau.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement vise à supprimer votre proposition initiale, monsieur le rapporteur. J’ai bien entendu que vous souhaitiez la corriger mais, comme je l’ai dit, nous doutons de la pertinence du dispositif. On peut se demander pourquoi les données ne remontent pas. L’expérimentation menée depuis cinq ans est donc assez peu concluante. En outre, la nature des protections offertes par le CDIE demeure à nos yeux très problématique.

M. Victor Catteau (RN). Nous retirerons cet amendement puisque vous avez indiqué vouloir proroger l’expérimentation. Cela étant, la prolongation de quatre ans, qui s’ajouterait aux cinq ans écoulés, nous paraît excessive. Nous avons déposé un amendement pour la fixer à deux ans, comme le proposaient M. Viry et Mme Berete. Nous avions déposé un autre amendement qui visait à rendre éligibles au dispositif les personnes victimes de violences conjugales, mais il a été déclaré irrecevable.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Je le répète, je propose plutôt de conserver au dispositif un caractère expérimental. L’inscrire dès à présent dans le code du travail ne serait ni pertinent, ni raisonnable. Si l’insuffisance des données empêche de s’engager dans la voie de la pérennisation, elle ne plaide pas non plus en faveur de la suppression pure et simple de ce contrat. On a tout de même des retours positifs. Les salariés sont satisfaits de bénéficier d’un CDI à l’issue de leur mission. Les ETTP et les entreprises utilisatrices louent la flexibilité qui leur est offerte ainsi que la diversité des profils recrutés.

Monsieur Dharréville, je vous invite à réfléchir, d’ici à la séance, aux éléments de protection du salarié que l’on pourrait proposer. L’obligation de formation attachée au CDIE est largement respectée, mais il conviendrait de vérifier son effectivité dans certaines situations.

Monsieur Catteau, la longueur de l’expérimentation, que je ne conteste pas, est la conséquence du délai de deux ans nécessaire, selon le ministère, à la modification de la DSN. Je préfère que l’on utilise cet outil plutôt que de créer un formulaire supplémentaire. Si le ministère était capable de faire plus vite, peut-être pourrions-nous adapter le délai.

Enfin, la prise en compte des violences conjugales, qui est évidemment un sujet de préoccupation majeur, ne correspond pas à la philosophie de la loi, qui vise les personnes éloignées de l’emploi.

M. Stéphane Viry (LR). Monsieur Dharréville, vous semblez ne faire aucun cas du travail d’évaluation et de contrôle que nous avons mené avec Fanta Berete, pendant six mois, dans le cadre de la mission « flash ». Peut-être ses conclusions ne vous satisfont-elles pas, mais vous ne pouvez nier le fait que des députés se sont penchés sur le sujet avec les moyens dont ils disposaient. Je rappelle en outre que nos conclusions ont fait l’unanimité en juillet. Parler d’une absence totale de bilan de l’expérimentation menée depuis cinq ans me paraît très excessif. Je ne peux approuver ces amendements de suppression car les éléments, certes en nombre insuffisant, dont nous avons connaissance montrent que des résultats positifs ont été obtenus sur le plan du retour à l’emploi. On ne saurait reporter sine die la mise en œuvre de cet outil ni, à plus forte raison, le supprimer.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Le rapporteur nous a communiqué des informations très vagues, qui ne reposent sur rien de fiable. Il existe déjà de très nombreuses formes d’emploi : CDD, intérim, CDI intérimaire, auto-entrepreneuriat, avec parfois des prêts de main-d’œuvre. Avec le CDIE, s’agit-il d’offrir davantage de souplesse et de flexibilité aux entreprises en externalisant la main-d’œuvre, ou a-t-on affaire à un outil d’insertion, dont l’efficacité doit être évaluée ? Tant que demeurera cette ambiguïté, le dispositif ne pourra faire son entrée dans le droit du travail, qui comprend déjà suffisamment d’instruments pour précariser la main-d’œuvre.

Il faut parler non seulement d’emploi, mais aussi de travail. Il ne s’agit pas seulement de percevoir un salaire : il faut être en mesure de s’installer dans la vie, autrement dit de disposer d’un statut permettant de se construire et de chasser l’incertitude. Je rappelle que plus de 100 000 personnes, broyées psychiquement ou physiquement, quittent le marché du travail chaque année en raison de leur inaptitude. Plutôt que de se demander par quel mécanisme les réinsérer, mieux vaudrait faire en sorte d’éviter qu’elles soient s broyées par le travail.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Chacun s’accorde à dire que l’évaluation est insuffisante. Monsieur Viry, on ne peut pas rester dans l’approximation. Ce dispositif est censé structurer durablement la vie de gens en difficulté. Par cet amendement de suppression, nous appliquons le principe de précaution : des doutes subsistant, nous suggérons d’attendre une véritable évaluation. Les seuls éléments factuels dont nous disposons nous ont été fournis par les syndicats qui, lors des auditions, ont unanimement rejeté le dispositif. Cela doit nous alerter.

M. Fabien Di Filippo (LR). Depuis que ce contrat a été proposé, on a connu trois phases. La première, qui a commencé avant l’élection d’Emmanuel Macron, a été marquée par la reprise économique et une baisse continue du chômage. Au cours de la période suivante, qui a été celle du covid, le chômage a connu des évolutions contraires et soudaines. Les protections très fortes qui ont été appliquées empêchaient d’y voir très clair. On entre dans une phase beaucoup plus difficile ; on doit s’attendre à ce que le chômage remonte dans les années à venir. L’intérêt de cette expérimentation et l’utilité de ce dispositif en seront sans doute renforcés, car il faudra aider les personnes éloignées de l’emploi ou plus âgées à se réorienter et à retrouver du travail. Ce n’est pas le moment de briser tout cela.

Mme Fanta Berete (RE). Dans le cadre de notre mission « flash », nous avons rencontré une difficulté liée au faible d’informations consolidées disponibles. En conséquence, nous avons proposé une prorogation de l’expérimentation afin de donner une chance à ce contrat. Dans leur témoignage, des salariés bénéficiaires du CDIE ont expliqué que personne ne leur avait proposé de CDI sur leur territoire. Le CDIE leur a permis de souscrire un crédit, de construire des projets de vie. Le dispositif n’est peut-être pas parfait mais il permet du moins à ces personnes de reprendre leur destin en main.

M. le rapporteur. Il est faux de prétendre que les syndicats sont hostiles à ce dispositif. Lors des auditions, leurs représentants ont simplement souhaité avoir plus de données. Seul Force Ouvrière avait un peu plus de doutes.

De plus, la suppression de l’article interdirait la production de quelques données que ce soit.

Les propos de M. Ruffin, précisément, justifient l’existence du CDIE, lequel vise d’abord à proposer un CDI à des personnes auxquelles il n’en est jamais proposé en raison de leur éloignement de l’emploi. Elles se voient éventuellement proposer des CDD à temps partiel, parfois à leur détriment financier puisqu’elles doivent être mobiles pour aller au travail ou parce qu’elles doivent organiser la garde de leurs enfants. Le CDIE constitue donc une véritable avancée. De surcroît, à la différence des personnes qui sont en CDD avec un emploi à temps partiel, elles pourront bénéficier d’une formation.

Le CDIE n’est certes pas parfait, notamment parce qu’il cible trop largement son public et qu’il concurrence le CDI. Il convient donc de le cibler vers l’insertion par l’activité économique, comme nous le ferons par voie d’amendement. En outre, nous manquons de données, d’où mon insistance, auprès du Gouvernement, pour que la DSN permette à terme d’en avoir.

Avis défavorable.

L’amendement AS16 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS5.

Amendement AS6 de M. Hadrien Clouet, amendements identiques AS22 de Mme Fanta Berete, AS24 de Mme Anne Bergantz et sous-amendement AS26 de M. Nicolas Turquois, amendements AS3 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS9 et AS10 de M. Laurent Panifous, AS14 et AS11 de M. Victor Catteau (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les mots de M. le rapporteur ont sans doute dépassé sa pensée lorsqu’il a évoqué les réticences ou les difficultés pour embaucher un salarié âgé de 57 ans. Le code du travail et le code pénal, en effet, sont clairs : il n’est pas possible d’écarter quelqu’un d’une procédure de recrutement en raison de son âge, sous peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cet amendement d’appel vise à remplacer l’ensemble des contrats précaires par une nouvelle forme de CDI comportant une clause de terme, comme l’a proposé l’Association des juristes progressistes en 2017. En effet, il existe une « distance » juridique entre le terme d’un contrat et le licenciement, laquelle est artificielle et ne correspond pas à ce que vivent les personnes en contrat précaire. Il doit être possible de disposer d’une limite temporelle pour un contrat courant, par exemple, sur six ou huit mois, sans qu’elle rompe pour autant automatiquement le contrat à son échéance. Elle pourrait justifier un licenciement – dès lors que l’événement initial motivant la clause de durée a bien été réalisé – mais elle ouvre la voie à une prolongation systématique des contrats précaires.

Bref : nous proposons d’élargir à tous les emplois précaires la protection liée au licenciement, par exemple en matière de reclassement, de « cause réelle et sérieuse », etc. Nous nous opposons fermement à la multiplication des contrats de travail aux intitulés toujours plus folkloriques. Il convient au contraire de protéger au mieux chaque salarié, non à travers le contrat unique que la Macronie a essayé de nous vendre mais par le biais d’un contrat de travail unifié, conciliant à la fois le respect des exigences de notre économie et une parfaite sécurisation des salariés.

Mme Fanta Berete (RE). À l’issue de notre mission « flash », avec Stéphane Viry, nous avons recommandé une prolongation de l’expérimentation du contrat de travail à temps partagé à des fins d’employabilité. Nous avons également estimé que le déploiement de ce dispositif avait été freiné par la crise du covid-19 et qu’il méritait de prendre un nouvel élan.

En effet, le CDIE vise à favoriser l’accès à l’emploi d’un public confronté à la précarité professionnelle. Il est certes régi par des règles en effet un peu moins contraignantes pour les entreprises mais il constitue un gage de sécurité pour ses bénéficiaires et, surtout, il ne coûte rien à la collectivité.

Alors que le taux de chômage remonte légèrement, tous les leviers pour atteindre le plein emploi doivent être mobilisés. Cet amendement propose donc de prolonger l’expérimentation de ce dispositif pendant quatre ans afin d’intégrer les remontées du ministère concernant le point de technicité sur la DSN. Il convient également de recentrer ce contrat afin qu’il ne fasse pas concurrence au CDI traditionnel et qu’il soit réservé aux personnes qui sont au chômage depuis au moins un an.

Mme Anne Bergantz (Dem). Outre la prolongation de l’expérimentation, il convient en effet que ce dispositif cible les personnes les plus éloignées de l’emploi.

M. le rapporteur. Le sous-amendement, de précision, vise à ce que ce dispositif soit explicitement soumis au cadre juridique du travail à temps partagé de droit commun.

M. Laurent Panifous (LIOT). Les évaluations dont nous disposons ne permettent pas de juger de la totale pertinence et applicabilité de ce dispositif. Nous proposons donc que la recommandation de la mission « flash » visant à proroger l’expérimentation jusqu’en 2025 soit prise en compte et que des sanctions soient prévues en cas de recours abusifs au CDIE.

Un amendement de repli ne retient que la prolongation de l’expérimentation.

M. Victor Catteau (RN). Nos amendements visent à proroger l’expérimentation, respectivement, jusqu’en 2024 et 2025. Avec les rapports du Gouvernement et de l’Igas, nous bénéficierons ainsi d’un retour d’expérience permettant d’envisager ou non une pérennisation.

Notre amendement AS17, qui ne pourra vraisemblablement pas être soutenu, visait à cibler le dispositif en le réservant aux personnes inscrites au chômage depuis un an.

M. le rapporteur. J’observe qu’un certain nombre de députés appartenant à des groupes politiques différents proposent, suivant des modalités variées, la prorogation de l’expérimentation, ce à quoi je suis favorable.

Sur le fond, je suis favorable à la solution consistant à instaurer une nouvelle expérimentation pour une durée relativement longue. Il me paraît en effet nécessaire de donner aux ETTP et aux entreprises utilisatrices un minimum de visibilité. Or, une prorogation de l’expérimentation pour une durée trop courte ne permettrait pas d’escompter autre chose que des effets limités. Du reste, je crains que les services de l’État manquent de temps pour organiser, dans un délai trop contraint, l’indispensable remontée d’informations en vue de l’évaluation qu’il conviendra de conduire à terme.

Les amendements qui relancent une expérimentation pour une durée de quatre ans répondent donc à la préoccupation que je viens d’exprimer. Ils permettent d’aller au-delà du 31 décembre 2023, date à laquelle l’expérimentation devait prendre fin – ce qui placerait un certain nombre d’ETTP en difficulté – et, autre avantage, ils proposent de réserver le bénéfice du dispositif aux personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi depuis un an au moins, plutôt que six mois. Les travaux préparatoires à l’examen de ce texte ont montré que les critères d’éligibilité méritaient d’être revus afin que le travail à temps partagé aux fins d’employabilité s’adresse exclusivement à des personnes qui rencontrent des difficultés particulières d’insertion professionnelle.

M. Clouet propose une remise à plat de la législation relative au contrat de travail. Il ne sera pas surpris si je lui dis qu’une telle évolution excède largement le champ du texte !

L’amendement AS1, qui ne pourra vraisemblablement pas être discuté si les amendements AS22 et AS24 sont adoptés, vise à maintenir la formule selon laquelle l’employeur s’assure de l’effectivité de la formation du salarié. Tel sera bien le cas si le principe de la prorogation de l’expérimentation est retenu.

Je suis donc favorable à l’adoption des amendements AS22 et AS24, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement. Par cohérence, je suis défavorable à l’adoption des autres amendements.

La commission rejette l’amendement AS6.

Puis elle adopte le sous-amendement AS26 et les amendements AS22 et AS24 sousamendés.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé et les autres amendements ainsi que les amendements AS17 de M. Victor Catteau, AS1 et AS2 de M. Arthur Delaporte et AS4 de Mme MarieCharlotte Garin tombent.

Article 2 : Sanction de la méconnaissance de la législation applicable au travail à temps partagé aux fins d’employabilité

Amendements de suppression AS8 de M. Stéphane Viry, AS23 de Mme Fanta Berete et AS25 de Mme Anne Bergantz

M. Stéphane Viry (LR). Ce régime de sanctions constituait le corollaire de la généralisation du dispositif. Il devient sans objet dans le cadre d’une prolongation de l’expérimentation pendant quatre ans.

Mme Fanta Berete (RE). Compte tenu de l’adoption d’une nouvelle rédaction de l’article 1er, cet article n’a en effet plus de raison d’être.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3 : Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Titre

Amendement AS27 de M. Nicolas Turquois

M. le rapporteur. Il était difficile de maintenir dans le titre la mention d’une « généralisation » alors que l’expérimentation se poursuivra. Je propose donc de l’adapter.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, le titre est ainsi modifié.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Nous avons tous intérêt à promouvoir cette expérimentation dans nos territoires – même si nous devrons être vigilants sur de possibles effets de bord – afin que des personnes éloignées de l’emploi puissent bénéficier d’un CDI.

Je vous invite, pour la séance publique, à réfléchir au ciblage des publics éligibles et aux droits associés au CDIE.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2015_texte-adopte-commission#

 

 

 


—  1  —

   ANNEXE N°1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNéES PAR LE RAPPORTEUR

(Par ordre chronologique)

       Table ronde d’entrepreneurs de travail à temps partagé

– Syndicat des entreprises d’emploi durable (Seed) – M. Yves Ruellan, coprésident

– Mon CDI – M. Philippe Bazin, cofondateur

– PROMAN – M. Laurent Robert, directeur général

– Actual Leader Group – Mme Vanessa Vial, directrice

        Table ronde d’organisations patronales

 Mouvement des entreprises de France (Medef) *  Mme Garance Pineau, directrice générale, et M. PierreMatthieu Jourdan, directeur des relations sociales et de la politique de l’emploi, M. Adrien Chouguiat, directeur de mission au pôle affaires publiques, et M. Rayan Lallali, chargé de mission au pôle affaires publiques

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * – M. Amir Reza-Tofighi, membre du comité exécutif, Mme Claire Richier, juriste, et M. Adrien Dufour, responsable affaires publiques

        JTEKT – Mme Evelyne Darenne, directrice des ressources humaines

       Prism’emploi *  M. Gilles Lafon, président, Mme Isabelle EynaudChevalier, déléguée générale, Mme Camille Guézennec (The Adecco Group), M. Franck Bodikian (ManpowerGroup) et M. François Moreau (Groupe Randstad), membres du conseil d’administration

       La Poste * – M. Yves Arnaudo, directeur des ressources humaines et des relations sociales de la branche services courrier colis

        Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion

 Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  Mme Cécile Charbaut, sous-directrice des parcours d’accès à l’emploi

 Direction générale du travail (DGT)  Mme Aurore Vitou, sous-directrice des relations du travail, M. Théo Albarracin, chef du bureau des relations individuelles du travail, et Mme Astrid Emilien, chargée de mission


       Table ronde d’organisations syndicales de salariés

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) –Mme Chantal Richard, secrétaire confédérale en charge de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, ainsi que de l’assurance chômage

– Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGTFO) Mme Audrey Fabert, conseillère technique auprès de M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral, sur les sujets de l’emploi

– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. François Marbot, président du syndicat national de l’encadrement des services, et M. Johaquim Assedo, conseiller technique en charge de l’emploi

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – Mme Agnès Marchat, présidente de la section intérim

       Renault * – Mme Valérie Bourassin, directrice du développement des compétences, et M. Nicolas Tcheng, responsable des relations institutionnelles

       Mme Nicole Notat, administratrice de Mon CDI

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


—  1  —

   Annexe N° 2 :
contribution écrite reçue
par le rapporteur

 

            Union des entreprises de proximité (U2P)


—  1  —

Annexe n° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen DE LA PROPOSITION DE LOI

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

115

 

 


([1]) L’expérimentation, mise en place par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, a été prorogée pour une durée de deux ans par la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

([2]) Mission « flash » sur les conditions d’application du dispositif expérimental du travail à temps partagé à des fins d’employabilité conduite au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale par Mme Fanta Berete et M. Stéphane Viry.

([3]) I de l’article 115.

([4]) Le travail à temps partagé a été introduit dans notre droit par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

([5]) Article L. 1252-2 du code du travail.

([6]) Synthèse de la mission « flash » de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur les conditions d’application du dispositif expérimental du travail à temps partagé à des fins d’employabilité, Mme Fanta Berete et M. Stéphane Viry, juillet 2023, p. 2.

([7]) II de l’article 115.

([8]) Id.

([9]) Mentionné à l’article L. 6113-1 du code du travail.

([10]) Au sens de l’article L. 6113-1 du code du travail.

([11]) III de l’article 115.

([12]) Le second alinéa du III de l’article 115 précise que « [l]’abondement est calculé, lorsque le salarié n’a pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année, à due proportion du temps de travail effectué ».

([13]) Avec l’abondement de 500 euros supplémentaires, le montant maximal des droits inscrits sur le compte personnel de formation (CPF), fixé à 5 000 euros en application de l’article R. 6323-1 du code du travail (ou à 8 000 euros pour le salarié pas ou peu qualifié, en application de l’article R. 6323-3-1 du même code), est atteint plus rapidement. Cet abondement permet donc au salarié de suivre des formations plus fréquemment mais pas d’effectuer des formations plus coûteuses.

([14]) Le contenu du contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié entre l’entreprise de travail à temps partagé (ETTP) et l’entreprise utilisatrice est, en revanche, défini à l’article L. 1252-10 du code du travail.

([15]) Articles L. 1251-6 et L. 1251-7 du code du travail.

([16]) Article L. 1251-5 du code du travail.

([17]) Article L. 1251-12-1 du code du travail.

([18]) Rapport intermédiaire sur les conditions d’application du dispositif expérimental du travail à temps partagé à des fins d’employabilité remis par le Gouvernement au Parlement, avril 2022, p. 8.

([19]) Articles L. 1255-1 à L. 1255-12 du code du travail.

([20]) Article L. 8211-1 du code du travail.

([21]) Rapport intermédiaire sur les conditions d’application du dispositif expérimental du travail à temps partagé à des fins d’employabilité remis par le Gouvernement au Parlement, avril 2022, p. 9.

([22]) À l’origine, l’expérimentation devait prendre fin le 31 décembre 2021.

([23]) En vertu du IV de l’article 115, « [l]’entrepreneur de travail à temps partagé aux fins d’employabilité communique à l’autorité administrative, tous les six mois, les contrats signés, les caractéristiques des personnes recrutées, les missions effectuées et les formations suivies ainsi que leur durée, le taux de sortie dans l’emploi et tout document permettant d’évaluer l’impact du dispositif en matière d’insertion professionnelle des personnes mentionnées au I ».

([24]) Il s’agit du nombre de contrats conclus, entre le lancement de l’expérimentation et la fin du premier trimestre de l’année 2023, par les entreprises adhérentes du syndicat des entreprises d’emploi durable (SEED), qui regroupe l’essentiel des entreprises qui mettent en œuvre le dispositif, ainsi que par trois autres entreprises de travail à temps partagé (ETTP). Pour sa part, le SEED estime que le nombre de contrats conclus sur la même période s’élève à près de 7 000 (dont 6 000 conclus par les seules entreprises adhérentes du syndicat).

([25]) À la fin du premier trimestre de l’année 2023.

([26]) SEED, Le CDI aux fins d’employabilité, Un dispositif en plein essor, juillet 2023, p. 4. Ces données concernent uniquement les titulaires d’un CDIE conclu avec une entreprise adhérente du SEED.

([27]) Id.

([28]) 5 % des salariés titulaires d’un CDIE conclu avec une entreprise adhérente du SEED auraient été embauchés dans une autre structure que l’entreprise utilisatrice depuis le lancement de l’expérimentation, selon les informations transmises par le SEED.

([29]) À compter de la promulgation de la loi qui résultera de la présente proposition de loi.

([30]) Mentionné à l’article L. 6113-1 du code du travail.

([31]) Au sens de l’article L. 6113-1 du code du travail.

([32]) Dans le cas où le salarié n’aurait pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année, l’abondement aurait été calculé à due proportion du temps de travail effectué, sur le modèle de ce que prévoit le second alinéa du III de l’article 115 de la loi du 5 septembre 2018 dans sa rédaction actuelle.

([33]) Articles L. 1252-4 à L. 1252-9 du code du travail.

([34]) Articles L. 1252-10 à L. 1252-13 du code du travail.

([35]) La clause devient caduque en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, précise le second alinéa de l’article L. 1252-5.

([36]) Le second alinéa de l’article L. 1252-8 ajoute que, « [l]orsque des dépenses supplémentaires incombent au comité social et économique, celles-ci lui sont remboursées suivant des modalités définies au contrat de mise à disposition ».

([37]) Ces règles sont prévues au titre III du livre II de la première partie du code du travail.

([38]) Articles L. 1252-1 à L. 1252-13 du code du travail. Le dispositif sera mis en œuvre par dérogation au seul premier alinéa de l’article L. 1252-2, en vertu duquel « [e]st un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter ellesmêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens ».

([39]) Voir le commentaire de l’article 1er.

([40]) Il s’agit du délai prévu à l’article L. 1251-42 du code du travail.

([41]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14468637_6582a3eb6f74e.commission-des-affaires-sociales--generalisation-du-contrat-a-duree-indeterminee-a-des-fins-d-emplo-20-decembre-2023