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N° 2077

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 janvier 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
 

visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national
non concédé (n° 1959)

PAR M. David VALENCE

Député

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

I. La mise à disposition de routes aux régions s’inscrit dans le cadre fixé par la loi « 3 DS »

II. Cette proposition de loi tend à lever un obstacle technique à la mise en œuvre opérationnelle de l’expérimentation

Commentaire de l’article unique de la  proposition de loi

Article unique (art. 40 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) Institution d’une faculté de délégation de signature par l’exécutif régional aux agents de l’État dans le cadre de la mise à disposition expérimentale de routes aux régions prévue par la loi « 3 DS »

Compte rendu des débats

PERSONNES ENTENDUES

 


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Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi s’inscrit dans le nouveau cycle de décentralisation ouvert par la loi dite « 3 DS » du 21 février 2022.

La décentralisation est un principe démocratique et républicain. Elle a pour objet d’améliorer le service rendu aux citoyens.

S’agissant du réseau routier national, ce nouveau cycle s’ouvre dans une logique de différenciation et de partenariat. Plutôt qu’un transfert fixé entièrement et précisément par la loi, est prévu un cadre dans lequel l’État propose aux collectivités d’exercer de nouvelles responsabilités, et en discute les modalités avec les volontaires selon les besoins propres à chaque territoire.

Il est donc proposé aux régions volontaires de s’engager dans la mise à disposition expérimentale de routes. Si elles n’exercent pas de compétence durable de gestion de routes, contrairement aux départements, les régions sont investies de responsabilités importantes en matière de mobilités. Il est donc pertinent qu’elles se saisissent de ce nouveau levier pour structurer de manière plus intégrée les grands axes de circulation au niveau du territoire régional qui dépassent la dimension d’une métropole ou d’un département. On constate d’ailleurs que les régions sollicitent la mise à disposition d’axes complets, alors que les départements et métropoles ont demandé le transfert de portions de voirie. Les politiques locales et le partage de la route peuvent donc être complémentaires plutôt que concurrents.

Le calendrier ambitieux prévu par la loi « 3 DS » n’a pu être respecté, mais les discussions entre l’État et trois régions volontaires avancent. Selon les projets de conventions et les conventions déjà élaborés, des routes pourraient être mises à disposition dès le 1er janvier 2025. Toutefois, un besoin opérationnel et technique incontournable est remonté du terrain. Pour la gestion des routes mises à disposition, les régions devront s’appuyer sur les services de l’État. Au regard du volume très élevé d’actes administratifs à prendre quotidiennement sur les routes, la loi doit prévoir explicitement une faculté de délégation de signature de l’exécutif régional aux services routiers de l’État.

Cette proposition de loi complète donc la loi « 3 DS » pour que l’expérimentation puisse être pleinement opérationnelle dès lors que ses modalités auront été arrêtés entre l’État et les collectivités concernées.

I.   La mise à disposition de routes aux régions s’inscrit dans le cadre fixé par la loi « 3 DS »

  1.   Les régions volontaires peuvent participer à une expérimentation de mise à disposition de fractions du réseau routier national

La France compte environ 1,1 million de kilomètres de routes. À la suite des différents actes de décentralisations, près de 380 000 kilomètres sont déjà gérés par les départements et plus de 700 000 kilomètres par les communes ([1]).

 

Type de réseau

Gestionnaire du réseau

Longueur du réseau

National non concédé

L’État via les directions interdépartementales des routes (DIR)

11 806 km

Départemental

101 départements

378 834 km

Intercommunal et communal

1 2520 EPCI et 35 000 communes

704 999 km

Source : rapport 2023 de l’Observatoire national de la route (ONR).

 

La loi dite « 3 DS » du 21 février 2022 ([2]) a entamé un nouveau cycle de transfert de parties du réseau routier national. Son article 38 a prévu que la propriété de certaines autoroutes, portions de routes ou de voies non concédées relevant du domaine routier national peut être transférée aux départements, à la métropole de Lyon et aux métropoles. Les départements sont en effet compétents en matière de voirie ([3]).

Cet article prévoit également que ces mêmes autoroutes, portions de routes ou de voies non concédées peuvent être mises à la disposition des régions volontaires, à titre expérimental.

L’article 40 de la même loi précise que cette expérimentation a une durée de huit ans. Cette durée apparaît comme un minimum. Selon la région Occitanie, auditionnée par votre rapporteur, et volontaire pour participer à l’expérimentation (voir plus bas), elle est plus efficace qu’une durée de cinq ans initialement prévue dans les premiers états de la loi « 3 DS » du fait des frictions liées à la prise de la compétence. En effet, les régions ne disposent pas d’une expérience ancienne en matière de gestion routière et d’une administration structurée en conséquence, ni d’une connaissance fine du réseau routier. Selon la région, cette durée est également nécessaire pour assurer une certaine visibilité aux agents concernés par l’expérimentation. Plus globalement, le temps des infrastructures de transports (projets, investissements, etc.) est un temps long.

Dans le cadre de l’expérimentation, le conseil régional est compétent pour aménager, entretenir et exploiter les sections routières mises à la disposition de la région dans le cadre de l’expérimentation. Elles sont mises à disposition avec leurs dépendances et accessoires, les biens servant exclusivement à leur aménagement, à leur gestion, à leur entretien et à leur exploitation, ainsi qu’avec les terrains acquis par l’État en vue de leur aménagement. La région est substituée à l’État pour les servitudes, droits et obligations correspondants. Les services de l’État qui participent à l’exercice de compétences liées à ces sections routières sont également mis à disposition à titre gratuit pour la durée de huit ans. Ces services recouvrent des services des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et, essentiellement, des directions interdépartementales des routes (DIR).

La liste des sections routières dont la propriété peut être ainsi transférée, ou qui peuvent être mises à disposition des régions, a été fixée par le décret du 30 mars 2022 ([4]). Elle comporte 406 autoroutes, routes ou portions de routes pour environ 10 000 kilomètres. Cette liste a fait l’objet d’une concertation avec les collectivités territoriales.

Les régions pouvaient demander au préfet de région la communication des informations dont il dispose sur l’état des portions routières concernées. Elles disposaient d’un délai de six mois à compter de la publication du décret (soit jusqu’au 20 septembre 2022) pour délibérer sur les autoroutes, routes ou sur les portions de voies énumérées dans ce décret dont elles souhaitaient demander la mise à disposition, la demande étant ensuite transmise au préfet de région. Trois régions seulement se sont portées volontaires : Auvergne Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie. On constate donc l’absence d’un « grand mouvement régional » en faveur de l’exercice de la compétence routière. Pourtant, bien que les régions ne disposent pas d’une expérience en la matière, elles exercent des responsabilités dans le champ des mobilités et elles auraient pu estimer pertinent de saisir cet outil supplémentaire d’organisation du trafic à l’échelle du territoire régional. Ainsi, la région Auvergne Rhône‑Alpes indique souhaiter, avec l’expérimentation, devenir complètement chef de file des mobilités sur son territoire, moderniser les ouvrages d’art et engager une « décarbonation de la route ».

Dans un délai de trois mois à compter de l’expiration du précédent délai de six mois, le ministre des transports devait notifier aux régions les mises à disposition retenues, au regard « notamment de la cohérence des itinéraires, de la cohérence des moyens d’exploitation et de maintenance, des conditions de l’exploitation desdites autoroutes, routes et portions de voies et de l’expertise technique des collectivités territoriales et de leurs groupements » (selon les termes de l’article 38 de la loi « 3 DS »). Cette notification est intervenue par la décision ministérielle du 4 janvier 2023 de M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports ([5]).

Cette décision prévoit ainsi la mise à disposition de 1 638 kilomètres de sections routières :

– à la région Auvergne Rhône-Alpes, deux portions de la route nationale 7, la route nationale 82, une portion de la route nationale 88, la route nationale 102, une portion de la route nationale 122 et les routes nationales 209 et 2102 ;

– à la région Grand Est, les autoroutes A 30, A 31, A 33 et A 313, et les routes nationales 4, 44 et 431 et une portion de la route nationale 52 ;

– à la région Occitanie, l’autoroute A 68, les routes nationales 20, 22, 125, 320, et une portion de la route nationale 88.

Un département et une métropole qui s’était manifestés ayant décidé par la suite de ne pas donner suite au transfert, 1 103 kilomètres de route seront par ailleurs transférés à 15 départements et 2 métropoles ([6]).

Au total, cette décision confie près de 3 000 kilomètres de routes aux collectivités territoriales volontaires, sur environ 10 000 kilomètres proposés par le décret du 10 mars 2022.

Pour gérer ces routes, environ 860 équivalent temps plein (ETP) pourront être mis à disposition des trois régions (plus de 800 depuis les DIR et les autres depuis les DREAL), selon la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). Il ne s’agit pas d’un transfert, donc l’autorité hiérarchique et la gestion administrative des agents en poste dans les services ou parties de services mis à disposition continuera de relever de l’État.

La cartographie sur la page suivante, issue du site internet du ministère des transports, montre les routes transférées ou mises à disposition par la décision ministérielle du 4 janvier 2023. On remarque que si les départements et métropoles ont sollicité le transfert de portions de voirie, les régions ont demandé la mise à disposition d’axes complets.

Une convention de base entre l’État et la région volontaire doit définir les grands principes et la date d’entrée en vigueur de la mise à disposition. Elle porte notamment sur :

– les modalités de pilotage de l’expérimentation ;

– les modalités de mise à disposition des moyens matériels de l’État ;

– les modalités de gestion du domaine public ;

– les modalités d’exploitation et d’entretien ;

– les modalités de poursuite des opérations du contrat de plan État région (CPER) sous maîtrise d’ouvrage régionale (voir plus bas) ;

– la liste des parties de services en DIR et en DREAL mises à disposition des régions pour l’exercice de la compétence et les modalités de mise à disposition des parties de services.

Elle devait être prise dans un délai de huit mois à compter de la notification de la décision ministérielle du 4 janvier 2023. Seule la convention avec la région Grand Est a été signée (19 octobre 2023). Des projets de convention ont été adoptés par délibération du conseil régional pour les régions Auvergne Rhône‑Alpes (20 octobre 2023) et Occitanie (14 décembre 2023). L’élaboration des conventions a été réalisée sous la conduite des préfets de région concernés. Elle a fait l’objet d’un travail conjoint entre les services des Régions et les services de l’État concernés par les mises à disposition, à savoir les directions interdépartementales des routes (DIR) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), avec l’appui juridique et technique de l’administration centrale du pôle ministériel.

Cette convention de base doit renvoyer à une convention complémentaire à prendre avant le début de la mise à disposition qui traiterait du détail de l’organisation administrative et notamment des délégations de signature, ce qui nécessite l’adoption et l’entrée en vigueur de la proposition de loi (voir plus bas).

Une démarche d’évaluation des résultats de l’expérimentation sera engagée conjointement par l’État et chacune des régions concernées, au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation. L’expérimentation doit prendre fin huit ans à compter de la loi « 3 DS », soit le 22 février 2030. Cette évaluation permettra au Gouvernement et au législateur d’apprécier l’opportunité du transfert définitif aux régions des portions de routes mises à disposition.

 

  1.   Les modalités de compensation financière sont encore discutées entre l’État et les régions volontaires et peuvent expliquer en partie l’absence de grand mouvement régional en faveur de cette expérimentation

Même parmi les régions qui ne concentrent pas leurs actions en matière de mobilité sur un prisme ferroviaire, et souhaiteraient investir le domaine routier, plusieurs raisons peuvent entraver la mise en œuvre de l’expérimentation.

 

  1.   Malgré un effort financier important de l’État pour la régénération du réseau routier national, des craintes ont été exprimées par les collectivités sur les dépenses à assumer pour les routes

L’article 150 de la loi « 3DS » prévoit que le droit à compensation correspond aux dépenses consacrées par l’État à la date du transfert à l’exercice des compétences transférées (principe du « coût historique »). Il est calculé sur le fondement de moyennes actualisées des dépenses exposées par l’État et constatées sur une période dont la durée varie selon qu’il s’agit de dépenses de fonctionnement (trois ans maximum) ou d’investissement (cinq ans minimum). Selon l’Observatoire national de la route (ONR), les dépenses de fonctionnement couvrent les dépenses d’entretien courant (curage de fossés, traitement de nids-de-poule, etc.) et les dépenses d’exploitation (comme la viabilité hivernale). Les dépenses d’investissement recouvrent la maintenance des réseaux, les équipements de la route et de petits travaux d’amélioration ([7]).

L’article 38 ajoute que la maîtrise d’ouvrage de l’ensemble des opérations routières sur le réseau routier national inscrites dans les contrats conclus entre l’État et la région en vigueur à la date de l’expérimentation est exercée par la région pendant la durée de l’expérimentation.

Des craintes ont pu être exprimées par la sphère locale sur ces modalités de compensation ([8]). En premier lieu, elles concernent la durée de la période d’évaluation qui pourrait apparaître insuffisante. S’agissant des dépenses de fonctionnement, la durée de trois ans ne prendrait pas en compte les années 2020 et 2021 marquées par la crise sanitaire peu propice aux travaux d’entretien et de maintenance. S’agissant des dépenses d’investissement, la durée de cinq ans est inférieure à la durée d’amortissement ou à celle retenue en matière de transfert entre communes et EPCI (sept ans), et la nature des charges d’investissement retenues n’est pas précisée par la loi.

Ces craintes sont alimentées par des rapports institutionnels faisant état du vieillissement ou de la dégradation de l’état du réseau routier, voire de l’accumulation d’une « dette grise » (défaut d’entretien du patrimoine routier qui entraînerait un report des dépenses ultérieures plus importantes de remise en état) ([9]).

Les régions Grand Est (qui a mené un audit du réseau national pour établir son propre calcul du droit à compensation) et Auvergne Rhône Alpes, ont ainsi demandé une compensation supérieure à celle calculée par l’État, notamment du fait de l’état des infrastructures. Pour la région Occitanie, si le montant des dépenses de fonctionnement à compenser est « stabilisé », celui des dépenses d’investissement est encore en discussion.

L’Observatoire national de la route (ONR) observe que les dépenses d’investissement de l’État sur le réseau national non concédé ont crû de 45 % entre 2013 et 2022, dont + 6 % en 2022, conformément aux objectifs d’amélioration de l’état du réseau fixés par la loi d’orientation des mobilités ([10]).

 

Évolution des dépenses d’investissement hors grands travaux par kilomètre pour le réseau routier national non concédé

Source : rapport 2023 de l’ONR, précité.

 

Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de près de 40 % en 2022 sur le réseau routier national non concédé.

 

Évolution des dépenses de fonctionnement hors personnel par kilomètre
pour le réseau routier national

Source : rapport 2023 de l’ONR, précité.

 

Au total, l’ONR estime que « la corrélation de cette croissance [des dépenses de fonctionnement] avec l’augmentation significative des dépenses d’investissement sur ce même réseau montre bien l’effort réalisé par l’État pur l’entretien et la régénération de son patrimoine routier. »

 

  1.   Les régions souhaitent que les financements par l’État des opérations routières prévues dans les CPER soient intégrés dans la compensation de la mise à disposition des routes concernées

Des interrogations ont aussi pu être exprimées sur l’articulation entre la compensation de la mise à disposition des routes et le financement des opérations routières prévues dans les nouveaux contrats de plan État‑régions (CPER). La nouvelle génération de CPER pour la période 2023‑2027 est en effet en cours de finalisation. Ces contrats définissent les actions que l’État et chacune des régions s’engagent à mener et à financer conjointement sur une période pluriannuelle et ont vocation à financer les projets exerçant un effet levier pour l’investissement local. Les projets contractualisés et les enveloppes financières font l’objet de négociations entre l’État et les régions. Les CPER comprennent notamment un « volet mobilités » pour prévoir le développement et la modernisation des infrastructures de mobilités, y compris routières. Les régions volontaires souhaitent donc que les financements étatiques des opérations routières soient fixés dans les CPER et préservés en cas de mise à disposition des routes, avant de s’engager pleinement dans l’expérimentation.

Dans la région Grand Est, qui participe à l’expérimentation, un protocole d’accord a été signé le 15 décembre 2023 entre la région et le ministre alors chargé des transports, Clément Beaune, et prévoit plus de 1,4 milliard d’euros engagés conjointement par l’État et la région. La convention complémentaire est en phase finale de rédaction et pourrait être adoptée avant le 31 mars (ce qui anticipe sur la modification législative prévue par la proposition de loi). En revanche, en Occitanie et en Auvergne Rhône‑Alpes, également volontaires, le protocole d’accord pour les mobilités du CPER n’a pas été signé. La région Auvergne Rhône Alpes indique que la convention complémentaire pourrait être adoptée au premier semestre 2024 sous réserve des discussions sur le CPER.

Services de l’État et régions concernées se trouvent donc à la date de rédaction du présent rapport dans une situation d’attente, dans la mesure où la signature des CPER conditionne la mise en œuvre de l’expérimentation. En tout état de cause, à ce jour, la mise à disposition ne pourra pas intervenir avant le 1er janvier 2025.

Il convient cependant de dissiper les inquiétudes en matière de financement par l’État des opérations prévues dans les CPER. Les engagements pris ne sont pas remis en cause par la mise à disposition des routes, a fortiori dans la mesure où ces routes, s’agissant des régions, ne sont pas transférées et restent partie intégrante du domaine de l’État.

 

  1.   La faculté pour les régions participantes de lever une écotaxe n’a été activée que par une seule région

Sur le fondement de l’article 137 de la loi du 22 août 2021 dite « climat et résilience » ([11]), le Gouvernement a pris une ordonnance le 26 juillet 2023 ([12]) pour permettre aux régions volontaires d’instituer une « écotaxe poids lourds », c’est-à-dire une contribution assise sur la circulation des véhicules de transport routier de marchandises empruntant les voies du domaine public routier national mises à leur disposition par l’expérimentation de la loi « 3 DS ».

Les routes qui peuvent être concernées par ces taxes sont les voies du domaine public routier national mises à la disposition de la région et qui supportent ou sont susceptibles de supporter un report significatif de trafic de véhicules de transport routier de marchandises en provenance de voies soumises à péages ou à une autre taxe (autre taxe régionale ou, le cas échéant, une taxe étrangère). Les régions pourront instituer la taxe et en fixer le tarif, en fonction des caractéristiques techniques ou environnementales des véhicules. Des tarifs réduits et des exonérations sont possibles. Les régions sont bénéficiaires des recettes et assurent la gestion, la collecte et le contrôle de la taxe.

À ce jour seule la région Grand Est a délibéré (le 23 septembre 2022) pour acter l’institution d’une telle éco-contribution visant les poids lourds sur le réseau dont elle a demandé la mise à disposition. Les recettes ainsi créées permettront à la région, d’après les réponses au questionnaire du rapporteur, « d’assumer les compétences conférées en tant que chef de file des mobilités, mais également de contribuer à réguler la répartition des flux de poids lourds en transit sur les différents axes, à remettre à niveau le réseau routier et assurer son développement au profit de l’attractivité économique du territoire ainsi qu’à contribuer au report modal de la route vers d’autres modes. »

 

II.   Cette proposition de loi tend à lever un obstacle technique à la mise en œuvre opérationnelle de l’expérimentation

  1.   Les facultés de délégation de signature du président du conseil régional à des services de l’État sont strictement limitées en l’état actuel du droit

Le président du conseil régional peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l’exercice d’une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l’absence ou en cas d’empêchement de ces derniers, ou dès lors qu’ils sont tous titulaires d’une délégation, à d’autres membres du conseil régional (article L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales – CGCT). Ces délégations subsistent tant qu’elles ne sont pas rapportées. L’un des vice‑présidents est ainsi habituellement chargé des mobilités. Le président du conseil régional est en outre le chef des services de la région (même article). En cette qualité, il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables des services de la région. Bien que ces deux délégations interviennent sous la surveillance et la responsabilité du président et ont donc un régime juridique semblable, la délégation de fonctions (propre aux exécutifs locaux, et en l’occurrence au conseil régional) n’est pas à proprement parler une délégation de signature qui a une portée davantage administrative.

Une possibilité générale et permanente de délégation de signature du président est également prévue au profit des chefs de services déconcentrés de l’État mis à disposition de la région (article L. 4231-1 du CGCT). Pour la préparation et l’exécution des délibérations du conseil régional, le président du conseil régional peut disposer d’agents de l’État et, dans ce cas, leur adresser des instructions, contrôler l’exécution des tâches confiées et, sous sa surveillance et sa responsabilité, leur donner délégation de signature.

À noter que la délégation de signature donnée aux chefs des services déconcentrés de l’État mis à la disposition de la région est limitée à « la préparation et l’exécution des délibérations du conseil régional » et ne joue que pour les missions confiées par le président à ces services, alors que celle opérée au profit des responsables des services de la région peut intervenir « en toute matière » (parmi les attributions du président du conseil régional).

Cette faculté de délégation de signature aux chefs des services déconcentrés de l’État a été précisée, s’agissant des régions, par un décret d’application de 1982 ([13]). Il dispose qu’elle s’exerce dans le cadre d’une convention annuelle entre le président du conseil départemental et le préfet.

Le Conseil d’État a néanmoins retenu une interprétation restrictive de cette disposition. Il a considéré qu’en cas de transfert de compétence, si l’exécutif régional pouvait donner des instructions aux services de l’État chargés de la mise en œuvre de la compétence transférée, il ne peut s’appuyer sur cette disposition générale, qui n’est pas propre à la mise en œuvre d’une politique ou au transfert d’une compétence, pour déléguer sa signature à des agents de l’État, une disposition législative express étant alors nécessaire ([14]). Il avait déjà jugé auparavant en ce sens s’agissant des départements ([15]). En tout état de cause, même s’il était possible de recourir à cette disposition, le Conseil d’État a jugé par ailleurs qu’elle n’autorisait une délégation qu’aux chefs des services de l’État ([16]), en cohérence avec le droit administratif des délégations qui ne permet pas de subdélégations implicites. Cette jurisprudence est sous‑tendue par le souci de ne pas permettre à une autorité administrative investie d’une compétence par la loi de s’en décharger trop aisément.

  1.   Des délégations et subdélégations de signature des exécutifs locaux aux services routiers de l’État sont cependant nécessaires pour la gestion du domaine routier mis à disposition

Pendant la durée de l’expérimentation, la loi « 3 DS » prévoit que sur les sections routières mises à disposition, le pouvoir de police de la circulation et celui de police de la conservation sont exercés par le président du conseil régional.

Cependant, la gestion quotidienne du domaine routier national suppose un volume quotidien élevé d’actes juridiques à édicter. Dès lors, elle entraîne nécessairement une « cascade de délégations » (donc des subdélégations) au sein des administrations concernées. Ce sont les 11 directions DIR qui gèrent le réseau national non concédé (1,1 % du linéaire national mais près de 19 % du trafic) ([17]). Les DIR disposent chacune d’un siège (avec la direction, le secrétariat général et des services techniques spécialisés). Elles sont structurées en districts (niveau intermédiaire) composées d’agents transversaux (comptabilité, secrétariat, agents techniques spécialisés). L’unité de base est enfin le centre d’entretien et d’intervention (CEI) qui assure l’entretien et les interventions de sécurité sur un linéaire d’environ 40 à 80 kilomètres ([18]). Toute opération de travaux sur la voie, même de faible ampleur, ou des événements climatiques, nécessitent un arrêté de limitation de circulation. En pratique, selon les informations transmises à votre rapporteur par la DGITM, entre 400 et 500 arrêtés de limitation de circulation sont ainsi pris chaque année, majoritairement par subdélégation aux chefs de service ou de district. Une DIR doit aussi passer annuellement plusieurs centaines à plusieurs milliers de bons de commande (actes d’adjudicateur) pouvant aller au niveau du CEI pour ceux de faible montant, et les actes d’ordonnateur correspondant (engagement de la dépense et constatation du service fait). Une DIR prend également annuellement environ 200 actes d’occupation du domaine public (permissions de voirie, autorisations et conventions d’occupation ou agrément des conditions d’accès au réseau routier), dont la signature est subdéléguée aux chefs de service ou de district.

La gestion des routes n’est cependant pas une compétence historique des régions. Contrairement à l’administration départementale, l’administration régionale n’est donc pas structurée en services routiers. La gestion des routes qui seront mises à disposition conduira donc nécessairement les régions à devoir s’appuyer sur les services de l’État. En effet, si l’ensemble des actes devait être renvoyés à l’exécutif régional, le caractère opérant du dispositif serait remis en cause. À compter du début de l’expérimentation, les services ou les parties de services de l’État qui participent à l’aménagement, la gestion, l’entretien ou l’exploitation des voies mises à la disposition des régions pour huit ans sont donc également mis à leur disposition à titre gratuit pour la même durée. Quatre DIR sont ainsi concernées par les trois régions volontaires pour l’expérimentation : DIR Est, DIR Centre-Est, DIR Massif Central, et DIR Sud-Ouest.

En l’état actuel du droit et comme on l’a vu, la possibilité pour l’exécutif régional de déléguer sa signature à des agents de l’État mis à disposition ne peut être mobilisée pour l’exercice d’une compétence transférée ou mise à disposition. En outre, elle n’aurait permis qu’une délégation aux chefs de services déconcentrés alors que, pour la gestion des routes, des subdélégations au sein même des services sont nécessaires. La région Auvergne Rhône‑Alpes estime ainsi qu’une nouvelle faculté de délégation est « absolument nécessaire pour répondre aux contraintes opérationnelles de la gestion de routes. En effet, cette gestion opérationnelle peut notamment nécessiter la mise en œuvre très rapide de restrictions de circulation à la suite de différents événements : conditions météorologiques, accidents... Seule une délégation permanente a priori, semblable à celle qui existe aujourd’hui au sein des services de l’État, permet de répondre à ce besoin opérationnel » (dans ses réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur).

La compétence routière des départements est déjà ancienne. En revanche, la mise à disposition de routes aux régions est une nouveauté en matière de décentralisation. Pour cette raison, ce blocage lié aux délégations de signature des exécutifs locaux aux services de l’État n’avait pas été identifié lors de l’examen parlementaire de la loi « 3 DS ».

  1.   La proposition de loi institue une possibilité de délégation et subdélégation de signature aux agents de l’État pour la gestion des routes mises à disposition

Ce texte lève l’obstacle opérationnel à la bonne mise en œuvre de l’expérimentation.

En premier lieu, dans la mesure où les routes mises à disposition resteront partie intégrante du domaine de l’État, il précise que le président du conseil régional exercera sur ces routes les attributions qu’il exerce sur le domaine régional. Cela recouvre principalement toutes les procédures d’utilisation du domaine public, telles les permissions de voirie, les déclarations de travaux ou servitudes sur les propriétés privées. Il est reconnu au président du conseil régional une compétence exclusive pour délivrer des autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public régional ([19]). Plus précisément, comme l’a précisé la direction générale des collectivités locales (DGCL) à votre rapporteur, cela pourra concerner : l’autorisation d’emprunt du sous-sol par des canalisations diverses, les conduits de distribution d’eau, d’assainissement, de gaz, d’électricité et de réseaux de télécommunication, l’autorisation d’implantation de distributeurs de carburant, et la concession des aires de service. Cela concerne également la conservation du domaine routier, notamment le dépôt de plainte, la représentation devant les tribunaux ou le recouvrement des dommages.

Le dispositif complète ensuite la loi « 3 DS » par une disposition législative qui confère explicitement au président du conseil régional ou à un vice‑président (voire à un membre du conseil régional) la faculté de déléguer, dans le cadre de l’expérimentation de mise à disposition des routes, sa signature aux services, parties de services ou agents de l’État qui exercent au sein de ces services des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel mis à disposition.

Les délégataires pourront eux-mêmes subdéléguer leur signature à des agents de l’État qui exercent au sein de ces services des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel au sein du service, ce qui est conforme aux exigences pratiques de gestion des routes. Il est en effet approprié, au regard de l’exercice quotidien des missions des services routiers, d’accorder les mêmes délégations et subdélégations que celles en vigueur dans les services de l’État.

Au total, un maximum de trois niveaux de délégation serait possible, sous réserve que la subdélégation ne soit pas interdite dans l’acte de délégation (en incluant la délégation de fonction du président du conseil régional à un vice‑président ou un membre du conseil). Concrètement, le président du conseil régional pourra déléguer des fonctions en matière de mobilités à un vice‑président, qui pourra déléguer sa signature aux directeurs de DIR et de DREAL, qui pourront subdéléguer leur signature à leurs agents.

L’expression « fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel » a été utilisée dans la jurisprudence administrative pour désigner tout agent qui, sans avoir la qualité de directeur ou de chef de service, est habilité d’un pouvoir décisionnaire engageant son service ([20]).

 


   Commentaire de l’article unique de la
proposition de loi

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article précise les attributions du président du conseil régional sur les routes mises à disposition et lui permet (ainsi qu’aux vice‑présidents ou, le cas échéant, un autre membre du conseil régional) de déléguer sa signature aux services, parties de services et agents de l’État dans le cadre de la mise à disposition expérimentale de routes aux régions prévue par la loi « 3 DS ».

Avec un avis favorable du rapporteur, la commission a adopté un amendement de M. Boris Vallaud et ses collègues membres du groupe Socialistes et apparentés, pour allonger de huit à seize mois le délai pour prendre la convention de base entre l’État et la région. Elle a aussi adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle a ensuite adopté l’article unique ainsi amendé.

 

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du lundi 22 janvier 2024, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé (n° 1959) (M. David Valence, rapporteur).

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M. le président Sacha Houlié. Nous examinons tout d’abord, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.

M. David Valence, rapporteur. Il arrive souvent que la loi soit bavarde, mais il arrive aussi qu’elle soit elliptique, voire lacunaire : c’est le cas de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS. Cette proposition de loi a pour objet de combler les lacunes de ses articles 40 et 41. L’article 40 ouvre la possibilité d’une mise à disposition, aux régions qui le souhaitent, de fractions du réseau routier national non concédé. Cette possibilité de différenciation et d’expérimentation, qui s’inscrit dans le cadre de la décentralisation, puisque les régions ne sont pas compétentes en matière de voirie, a été ouverte afin de compléter les outils de gestion des mobilités mis à la disposition des régions, qui sont cheffes de file en ce domaine. L’article 41 permet de déléguer la maîtrise d’ouvrage de projets futurs aux régions, mais également aux départements et aux métropoles.

La liste des sections susceptibles d’être transférées ou soumises à expérimentation, fixée par un décret du 30 mars 2022 – soit à peine un mois après la promulgation de la loi – totalise 10 000 kilomètres de voirie, sur un total d’un peu plus de 1 million de kilomètres de voies routières. Ces sections représentent l’ensemble du réseau routier national non concédé, à l’exception de l’autoroute A20 reliant Vierzon à Montauban – l’Occitane –, de l’autoroute A75, reliant Clermont-Ferrand à Béziers – la Méridienne – et de l’ensemble autoroutier reliant Dunkerque à Bayonne – la route des estuaires. Ce décret a fixé une période de six mois afin que les régions puissent délibérer avant de se positionner. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Grand Est ont manifesté leur volonté de bénéficier d’une mise à disposition de certaines de ces sections et la décision interministérielle du 4 janvier 2023 a identifié les 1 600 kilomètres d’autoroute pouvant être mis à leur disposition afin qu’elles puissent améliorer la qualité de service, par exemple en aménageant des voies réservées sur certaines sections autoroutières, ou accélérer la transition écologique, notamment en équipant les aires de service de davantage de bornes de recharge électrique. La faible réponse des régions, puisque seules trois sur douze ont manifesté leur intérêt, s’explique par des doutes sur les modalités de compensation financière de l’État, même si ses investissements dans le réseau routier ont crû de manière très significative ces dernières années, ainsi que l’Observatoire national de la route (ONR) l’a souligné.

La loi 3DS et les textes réglementaires prévoient la mise à disposition de personnel, par service plutôt qu’à titre individuel – environ 850 équivalents temps plein (ETP) sont concernés dans les trois régions –, mais elle ne contient aucune disposition autorisant le président de région à déléguer sa signature aux agents de la direction interdépartementale des routes (DIR). Cette délégation est pourtant indispensable à la gestion quotidienne des routes  : une interdiction de circulation, à la suite par exemple d’une traversée de gibier ou d’un accident de la circulation, demande une réponse opérationnelle qui aujourd’hui exigerait du président de région qu’il signe tous les actes nécessaires à sa mise en œuvre. L’impossibilité de déléguer sa signature aux fonctionnaires de l’État chargés du suivi de ces routes entraînerait donc une dégradation de la qualité du service.

Le code général des collectivités territoriales n’autorise la délégation de signature d’un exécutif local au profit d’agents de l’État que pour des actes délibérés par les assemblées régionales, départementales ou communales et la jurisprudence administrative a considérablement restreint le champ d’application de cette disposition. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie ont donc fait savoir qu’elles n’étaient pas en capacité de gérer les sections du réseau routier national mis à leur disposition sans une extension de la délégation de signature, qui ne peut être faite – le Conseil d’État l’a rappelé – que par voie législative. J’ai donc décidé de déposer cette proposition de loi. J’ai bien conscience qu’il ne s’agit pas du texte du siècle et je vous remercie, chers collègues pour votre présence, mais, en tant que législateur, nous devons veiller à la bonne application de la loi et à son effectivité.

Les discussions entre l’État et la région Grand Est sont très avancées : une convention de mise à disposition – portant sur les autoroutes A31, A30, A33 et A313 et les routes nationales RN4, RN44, RN52 et RN431 – a été signée le 19 octobre 2023. La loi est donc prête à être appliquée dans la région Grand Est. En revanche, les discussions avec les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie ne pourront aboutir dans le délai fixé par la loi – un amendement de M. Boris Vallaud propose d’ailleurs de l’étendre – car elles achoppent sur les investissements nouveaux, plutôt que sur la compensation de la maintenance et des travaux d’entretien courant sur le réseau.

Nous avons donc besoin de ce texte pour permettre aux régions de mener à bien cet exercice de différenciation et de décentralisation.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). La loi 3DS n’est peut-être pas assez bavarde, mais elle comprend 270 articles et crée plus de 60 nouveaux dispositifs pour faciliter l’action publique, l’expérimentation et la différenciation. Elle prévoit notamment la mise à disposition pour une période de huit ans aux régions qui le souhaitent d’une fraction du réseau routier national non concédé. Trois régions ont manifesté leur intérêt et une décision interministérielle en date du 4 janvier 2023 a déterminé les sections routières concernées. Nous soutiendrons d’ailleurs l’amendement CL6 de M. Boris Vallaud visant à étendre le délai initialement prévu pour la passation des conventions entre les régions et l’État de huit à seize mois.

Le bon exercice de la compétence ainsi reconnue aux conseils régionaux implique que le président de leur exécutif puisse déléguer sa signature à des agents de l’État en charge des services routiers pour des actes concernant les fractions du réseau routier national mises à disposition. Les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales ne prévoient de possibilité de délégation de signature du président du conseil régional à des agents de l’État que pour la préparation et l’exécution des délibérations de l’assemblée régionale. En dehors de ce champ restreint et hors dispositions législatives expresses, la jurisprudence constante du Conseil d’État exclut toute délégation des exécutifs locaux aux agents de l’État. Les régions qui ont activé le mécanisme prévu par le III de l’article 40 de la loi 3DS, notamment pour des raisons économiques liées aux compétences régionales, demandent que cette délégation de signature à des agents de l’État soit autorisée, faute de quoi elles ne s’estiment pas en capacité de gérer les routes qui auront été mises à leur disposition. Le texte propose donc de permettre au président du conseil régional ou à son délégataire de déléguer sa signature aux chefs de service ainsi qu’aux agents de l’État exerçant des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel. Il garantira ainsi la sécurité juridique et facilitera la délégation de signature aux services de l’État pour les actes d’utilisation du domaine public routier et la protection de ce dernier. Il propose également de préciser que le président du conseil régional exerce sur les routes ainsi mises à disposition les attributions de l’article L. 4231‑3 du code général des collectivités territoriales.

Il ne s’agit certes pas du texte du siècle, mais nous y serons favorables.

M. Alexis Jolly (RN). La centralisation et la décentralisation sont deux processus fonctionnant comme une respiration : un temps pour l’un, puis un temps pour l’autre, au bon moment. C’est un équilibre délicat entre le maintien de l’unité de la nation et le besoin d’adaptation des politiques publiques dans les territoires. Cette proposition de loi n’est toutefois pas le fruit d’une vision politique de redynamisation de la France et de développement plus efficace des territoires : elle s’inscrit dans le cadre de la stratégie purement comptable d’un État en déficit qui n’est plus capable d’assumer ses responsabilités et qui se défausse sur des collectivités qui sont, dans l’ensemble, bien gérées puisque soumises à des contraintes budgétaires beaucoup plus strictes. La logique décentralisatrice de ce gouvernement et de sa majorité consiste à transférer aux collectivités toutes les politiques coûteuses. Celles-ci n’ont alors d’autres choix que d’augmenter les taxes locales que l’État a bien voulu leur laisser. Le Gouvernement passe ainsi pour un bon gestionnaire, laissant aux élus locaux la responsabilité d’assumer la gestion publique devant leurs administrés.

Le transfert de routes non concédées aux régions n’est pas un projet raisonnable d’amélioration du service public. Le nouveau service routier régional créé par la loi 3DS fait en effet doublon avec celui de l’État et des départements, souvent constitué de portions routières particulièrement mal entretenues. L’État masque ainsi son échec à entretenir notre réseau routier et dilue sa responsabilité dans les budgets massifs des régions, aidé en cela par des présidents de région avides de récupérer des compétences pour flatter leur ego et jouer au substitut de l’État dans leurs grandes baronnies. Ce projet est par ailleurs hypocrite puisque les présidents de région vont donner délégation de signature aux agents de l’État mis à disposition de leur collectivité. Leur nouvelle compétence se trouvera donc gérée par les mêmes agents, dont seul le cadre statutaire change.

La volonté décentralisatrice qui sous-tend cette proposition de loi pose un problème politique et idéologique majeur. Elle consacre en effet le renforcement de la région au détriment de l’État qui s’inscrit au cœur du programme européen de démolition des États au profit de grandes régions dotées de toutes ses compétences. L’Union européenne veut que les régions reçoivent directement ses subventions, qui sont prélevées sur le budget des États et qu’elles soient ses interlocuteurs directs. La région est en effet beaucoup plus malléable que l’État et les grandes régions européennes ne sont que des entités administratives qui n’ont pas d’identité. Pour les fédéralistes européens, leur fonction est d’administrer les peuples sans contrainte et d’éviter que des hommes d’État ne leur mettent des bâtons dans les roues.

Nous sommes donc opposés à ce texte, car il favorise un nouveau processus décentralisateur au profit non pas des Français, mais de la Commission européenne, et organise l’abandon de l’État et de son rôle stratégique en matière d’aménagement du territoire.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « la loi est l’expression de la volonté générale ». Cette citation peut paraître incongrue dans le cadre de la discussion d’un texte sur la gestion du réseau routier, mais elle m’amène à me demander si les citoyens ont effectivement réclamé que certaines sections du réseau routier soient gérées par les régions et que la loi 3DS soit complétée sur le point technique de la délégation de signature.

La loi 3DS ouvre la possibilité aux régions de gérer pour une période de huit ans une partie du réseau routier national non concédé aux entreprises privées. Nous souhaitons que les autoroutes gérées par le privé soient nationalisées, car les péages coûtent de plus en plus chers et je m’inquiète que, à l’issue de cette période, les régions ne décident de privatiser les autoroutes et les routes dont elles ont la charge, ce qui ne servira pas l’intérêt général et ne constituera certainement pas l’expression de la volonté générale.

Je m’inquiète également de l’embrouillamini bureaucratique créé par la loi 3DS et par cette proposition de loi puisqu’il est prévu, d’une part, que la région et le département pourront se transférer mutuellement des compétences dans le domaine routier et, d’autre part, que les agents de l’État continueront à gérer les routes sous compétence régionale – pourquoi, dès lors, ne pas laisser l’État continuer à gérer ces routes ?

Ces textes posent également un problème financier car le transfert de gestion exige un transfert de financement. La région Occitanie estime ainsi que les conditions ne sont pas réunies pour la réussite de l’expérimentation et la région Auvergne-Rhône-Alpes a déclaré vouloir attendre le contrat de plan État-région (CPER) pour savoir si elle n’héritera pas de routes abîmées par des nids-de-poule. Tout cela donne l’impression que l’État se défausse de ses responsabilités sur les régions sans leur donner les moyens de les assumer.

Ce gloubi-boulga bureaucratique ne sert certainement pas l’intérêt du peuple français et transfère une propriété de la nation à des entités – les régions – qui ne la représentent pas dans son entier, n’en déplaise à Bruxelles.

M. Erwan Balanant (Dem). Les deux orateurs précédents ont défendu une vision très jacobine : je m’y attendais de la part de la France insoumise, mais j’ai été étonné par les propos de l’orateur du Rassemblement national.

Ce texte est un texte de bon sens qui vise à combler une lacune de la loi 3DS, sans doute pas assez pas bavarde, ce qui est assez rare pour être souligné. Le réseau routier concerné ne s’étend que sur 12 000 kilomètres – alors que le réseau total s’étend sur 1,1 million de kilomètres – mais concentre 19 % du trafic global. Il s’agit donc de dispositions importantes qui traduisent bien la volonté des Français puisque ceux-ci ont besoin de routes en bon état. En autorisant les présidents de conseil régional à déléguer leur signature aux agents de l’État des services routiers afin de gérer au quotidien la fraction du réseau transférée aux régions, cette proposition de loi permet de répondre au plus près aux besoins des citoyens. C’est la bonne façon de faire de la politique.

Notre groupe, qui soutient farouchement les politiques de décentralisation et de déconcentration, sera donc favorable à ce texte.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’article 40 de la loi 3DS permet, pour une durée de huit ans, d’expérimenter la mise à disposition aux régions volontaires de portions d’autoroutes et de routes non concédées et relevant du domaine routier national. Trois régions – Occitanie, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes – ont demandé à pouvoir bénéficier de ce dispositif, mais celui-ci n’est pas encore pleinement opérationnel, certaines coordinations juridiques ayant été oubliées dans la rédaction de la loi. Sa mise en œuvre implique en effet que le président de région puisse déléguer sa signature aux agents de l’État mis à disposition pour intervenir sur les portions de route relevant de sa compétence. Or le code général des collectivités territoriales ne le permet pas aujourd’hui. La proposition de loi vise à remédier à cet oubli et prévoit par ailleurs les subdélégations nécessaires, notamment pour les vice-présidents ou conseillers régionaux délégués chargés de cette compétence. Elle apporte également une précision sur les compétences domaniales du président de région sur ses voies et les routes.

La région Occitanie, avec laquelle nous avons travaillé sur ce texte, a confirmé que celui-ci répond aux difficultés rencontrées. Nous soutiendrons donc son adoption mais nous souhaitons y apporter des précisions, par trois amendements. Le premier propose une modification du délai pour la prise des délibérations relatives à la convention État-région afin de sécuriser juridiquement les délibérations prises en dehors du délai initialement prévu par la loi. Ces retards sont le fait de discussions prolongées, notamment, entre l’État et la région Occitanie. Le deuxième propose que la convention entre l’État et la région précise le périmètre exact du domaine et des installations mis à disposition, alors que la liste comprise dans la décision ministérielle ne comporte que l’identification des portions et de routes sans autre précision. Le troisième, et j’insisterai particulièrement sur ce point, propose que le versement de la soulte correspondant au montant des financements restant dus par l’État pour l’exécution des contrats passés par lui soit versée au premier semestre de chaque année pour limiter la charge de trésorerie pour les régions. Nous voterons donc pour cette proposition de loi en espérant que ces améliorations techniques venues du terrain soient adoptées.

M. Philippe Pradal (HOR). La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à rendre effective l’expérimentation prévue à l’article 40 de la loi dite 3DS, permettant aux régions volontaires de se voir mettre à disposition des portions du réseau national routier non concédé. Je rappelle que cette expérimentation était notamment demandée par Régions de France. Les régions, qui sont déjà autorités organisatrices de la mobilité, pourront ainsi, grâce à ce dispositif, mettre en place une politique de transport cohérente entre la gestion des infrastructures d’intérêt régional et l’organisation des services de transport associés. Trois régions – Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie – se sont portées candidates et les 1 638 kilomètres d’autoroutes et de routes concernées ont été déterminés par une décision gouvernementale du 4 janvier 2023.

Afin de permettre la pleine application de l’expérimentation, la proposition de loi permet aux exécutifs régionaux de donner délégation de signature aux agents de l’État en charge des services routiers mis à leur disposition. L’ajout de cette possibilité technique ne modifie en rien le champ et les modalités de l’expérimentation, mais permet simplement sa bonne exécution pratique. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce texte de bon sens. J’ajoute que nous avons, en tant que députés, le devoir d’intervenir sur tous les sujets – comme celui de la réglementation de l’intervention des autorités publiques pour interrompre la circulation, ce qui peut sauver des vies – que le droit met à notre charge, que nous les jugions importants ou pas.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Le présent texte introduit des dispositions techniques facilitant la mise en œuvre de la décentralisation d’une partie du réseau routier national non concédé au profit des régions. Cette possibilité a été créée par votre loi 3DS – à la fois bavarde et elliptique.

La première de ces dispositions concerne les délégations et subdélégations de signature du président de région, des vice-présidents et d’autres membres du conseil régional au profit des chefs de service et des agents du service routier, qui demeurent agents de l’État, travaillant sur les fractions du réseau routier national mises à la disposition de la région ; la seconde concerne l’exercice de l’autorité de gestion du président du conseil régional sur les fractions du réseau routier national non concédé mis à disposition conformément à l’article L. 4231‑3 du code général des collectivités territoriales.

Ces dispositions sont certes techniques, mais elles s’inscrivent plus largement dans le cadre de la politique de décentralisation des transports. À ce titre, elles mettent en lumière un éparpillement des compétences entre les différents échelons de collectivités – département, métropole de Lyon, métropole, région – empêchant toute cohérence dans la lecture de la répartition des compétences sur le réseau routier national et de leur financement. Je peux d’ailleurs témoigner, en tant que rapporteure spéciale pour les transports auprès de la commission des finances, qu’il est très difficile de parvenir à agréger les données pour évaluer le coût des transports, et pas seulement du transport routier. Cette analyse est tout aussi valable pour la répartition des compétences des collectivités de manière générale.

Le dispositif de mise à disposition du réseau routier a fait l’objet d’un faible engouement puisque seules trois régions sur douze ont manifesté leur intérêt. Dans le contexte actuel de raréfaction des ressources et de difficultés financières des régions – que la présidente de Régions de France a confirmé lors de son audition en commission des finances la semaine dernière, au cours de laquelle elle a notamment parlé de l’attrition de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui concerne toutes les régions –, cette mise à disposition représenterait pour les régions des investissements non négligeables, alors que les expériences précédentes montrent à suffisance la mauvaise compensation financière par l’État des compétences transférées. Bien que la proposition de loi apporte les ajustements pratiques nécessaires à la bonne mise en œuvre du transfert de compétences, les mesures proposées portent sur un texte qui, sur plusieurs aspects, émiette ces compétences et leur répartition, alimentant davantage encore le millefeuille territorial. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel publié le 10 mars 2023, a d’ailleurs regretté que la décentralisation ait perdu son souffle initial à la suite de l’abandon de la logique des blocs de compétence, principe cardinal des lois de décentralisation de 1982 et 1983. Les règles de la décentralisation forment aujourd’hui un maquis inextricable que la loi 3DS, fût-elle complétée par cette proposition de loi, continuera à alimenter. Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra.

Mme Émeline K/Bidi (GDR-NUPES). L’expérimentation prévue par la loi 3DS permettant la mise à disposition aux régions volontaires des autoroutes, des routes et des portions de voies non concédées, s’inscrit dans un mouvement de décentralisation progressive du réseau routier national. La Cour des comptes, dans un rapport publié en mars 2022 sur l’entretien des routes nationales et départementales, relève que le réseau routier français, le plus long et le plus dense d’Europe avec environ 1,1 million de kilomètres, est géré en grande partie par les collectivités territoriales : 380 000 kilomètres le sont par départements et plus de 700 000 kilomètres par les communes. Cette organisation résulte de différentes vagues de décentralisation et la loi 3DS poursuit ce mouvement en créant un nouveau cycle de transfert d’une partie substantielle du réseau routier national. La Cour des comptes souligne qu’il s’ensuit une fragmentation croissante de la compétence routière en France. Notre pays évolue vers un modèle complexe et assez rare en Europe, dans lequel les responsabilités sont réparties entre tous les niveaux de collectivités publiques, tandis que l’avenir des autoroutes concédées demeure incertain à l’échéance des contrats en vigueur. Or il ne semble pas que cette transformation et ces perspectives aient donné lieu à une réflexion sur le nouveau rôle de l’État en matière de politique routière. La Cour des comptes déplore l’absence d’une véritable politique routière alors que les expérimentations que vous envisagez sont conduites jusqu’en février 2030, ce qui représente un délai substantiel.

L’expérimentation de mise à disposition du réseau routier non concédé avait été justifiée, lors des débats sur la loi 3DS, par son importante dégradation mais celle-ci résulte de plusieurs années de sous-investissement de l’État malgré le rôle stratégique du réseau routier national non concédé en termes de trafic et de liaison logistique. Au moment de l’examen de la loi 3DS, le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR-NUPES) avait proposé la suppression de cette mise à disposition et avait dénoncé une forme de désengagement de l’État nuisible à l’unicité du réseau national et à l’égalité territoriale. En cohérence avec cette prise de position, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi technique qui vise à rendre effectif un dispositif auquel nous nous étions opposés.

M. David Valence, rapporteur. Je remercie M. Pradal d’avoir rappelé que la mise à disposition de fractions du réseau routier national non concédé au bénéfice des régions a été introduite dans la loi 3DS à la demande unanime de Régions de France, toutes régions et toutes sensibilités politiques de leurs présidents confondues, ces derniers indiquant – je le rappelle à l’intention de M. Léaument – qu’ils étaient interpellés chaque jour à propos du mauvais état de certaines parties de ce réseau. J’aurais aimé, monsieur Léaument, que vous soyez, comme moi, conseiller régional depuis neuf ans et interpellé vous aussi quotidiennement, à propos, par exemple, du mauvais état de la route nationale 4 – qui est l’une des routes les plus empruntées entre l’Est de la France et Paris –, notamment entre Stainville et Châlons-en-Champagne, dans le Grand Est. Vous vous seriez trouvé dans la même situation d’impuissance que les élus locaux : auriez-vous renoncé à la capacité d’agir si elle vous était donnée ou si vous pouviez vous en saisir ? L’honneur de la politique consiste à faire ce qu’il faut et à bien entretenir le patrimoine public.

Je remercie à ce propos l’oratrice du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’avoir rappelé qu’à quelques exceptions près, la quasi-totalité de notre réseau routier est déjà gérée par des collectivités territoriales, et que la nouveauté concerne des axes de très longue distance, qui traversent plusieurs départements et dont il convient, par souci de cohérence, de ne pas confier la gestion par petits bouts à différents départements. Je rappelle en outre que les régions sont également compétentes en matière de transport interurbain et de ferroviaire, donc de multimodalité, et qu’elles sont de plus en plus nombreuses à se positionner dans le domaine du transport de marchandises. C’est donc en toute cohérence que cette possibilité a été ouverte, à leur demande, dans la loi.

Comme M. Balanant, je suis étonné du jacobinisme exprimé, notamment, par les groupes La France insoumise et Rassemblement national. À entendre ce dernier, il y aurait d’un côté les bonnes collectivités, et de l’autre les mauvaises. Or, pour moi, en France, une collectivité est une collectivité. Allez donc expliquer, chers collègues, à la Wallonie, à la Bretagne, à l’État de Hambourg ou au Val d’Aoste qu’ils n’ont pas d’identité : vous les surprendrez ! Les régions ont leur identité et ont montré qu’en matière de transports, elles se situaient parfois à la bonne échelle pour gérer des déplacements sur de longues distances.

Madame Arrighi, nous avons souvent des échanges dans le cadre de votre travail de rapporteure spéciale pour les infrastructures et services de transports, et j’ai partagé certains de vos points de vue. Cependant, je tiens à préciser devant M. Rebeyrotte, responsable du groupe majoritaire pour l’examen de la loi 3DS, que je n’ai pas dit que cette loi était bavarde et elliptique, mais que les lois étaient souvent bavardes, et que celle-ci était elliptique.

En l’état actuel des textes européens et du droit français tel qu’il résulte de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ou loi climat et résilience, et de la loi 3DS, si l’on veut que les régions puissent lever l’écoredevance – ou écotaxe, car ce n’est pas du nom qu’il s’agit –, la seule possibilité est précisément de leur permettre de bénéficier de fractions du réseau routier national non concédé, et il conviendrait donc de faciliter l’expérimentation en la matière. J’en parle en connaissance de cause, en tant qu’élu d’une région traversée chaque jour par des milliers de poids lourds et sur laquelle l’abandon de l’écotaxe a eu des conséquences désastreuses, ces poids lourds ne s’arrêtant même pas pour faire un plein sur son territoire, pourtant étendu. Cette région Grand Est a activé le dispositif destiné à lever l’écoredevance mais, concrètement, si on ne lui permet pas de gérer ce réseau routier – ce qui suppose une délégation de signature au triple niveau du vice-président de région, du directeur régional et d’autres agents habilités, s’il le souhaite, par ce dernier –, cela n’aboutira pas.

Quant à l’idée que tout cela n’aurait pas d’utilité pratique et que les présidents de région ne seraient, selon la caricature qu’en fait le Rassemblement national, que de grands féodaux uniquement préoccupés d’accroître leur pouvoir, elle revient à sous-estimer l’attachement de centaines d’élus au bien public. Surtout, elle méconnaît les raisons pour lesquelles les trois régions volontaires se sont positionnées. Comme je l’ai dit, en effet, certaines d’entre elles visent à assurer la maîtrise d’ouvrage de certains projets qui sont complémentaires de projets existants, considérant qu’elles seront plus efficaces que l’État pour tenir les délais. D’autres pensent qu’elles seront plus efficaces dans la transition de la route – c’est là une question majeure, car chacun aura malheureusement constaté que, sur les aires de service du réseau routier national, l’équipement en bornes de recharge électrique est bon, voire excellent, sur les parties concédées, mais parfois inexistant pendant des centaines de kilomètres sur le réseau non concédé. L’État a beau avoir augmenté ses investissements dans une proportion très significative depuis cinq ans, comme le montre le rapport que vous avez reçu, le retard est tel et il y a tant de décisions à prendre pour savoir où et comment équiper le réseau, que les régions peuvent penser qu’elles le géreront mieux et plus vite.

Le principe de la différenciation de la décentralisation suppose aussi de leur laisser la liberté de se positionner. Si un automobiliste trouve difficile de payer pour circuler sur un réseau concédé, c’est précisément parce qu’il sait qu’il s’agit d’un bien public, et c’est la seule chose qui lui importe. Les gens qui empruntent tous les jours les routes ne se posent pas la question de savoir si c’est le département ou la commune qui les entretient : ils veulent qu’elles soient bien entretenues. Des régions nous disent qu’elles feraient mieux. Donnons-leur cette possibilité, et nous verrons.

Monsieur Léaument, au terme de la période d’expérimentation de huit ans, soit en février 2030, en l’absence d’actes législatifs, la gestion quotidienne du bien retournera dans le patrimoine de l’État, dont le bien lui-même n’est jamais sorti. En fonction du bilan qui pourra être tiré de l’expérimentation – sans doute en 2028-2029 –, il appartiendra au législateur de décider s’il souhaite la prolonger ou d’en rester là. C’est une sage perspective.

Je tiens enfin à préciser que le maquis dépeint par M. Léaument est parfaitement inexact. La loi 3DS ne prévoit aucunement que des régions délèguent la gestion des routes à des départements. Il est prévu que les départements et les métropoles puissent bénéficier d’un transfert mais, comme cela s’est fait à de très nombreuses reprises et sous tous les gouvernements, les départements ont récupéré une grande part de l’ancien réseau routier national. Le texte prévoit donc une nouvelle phase de transferts possibles, y compris vers les métropoles, comme cela a par exemple été le cas récemment dans l’Eurométropole de Strasbourg en vertu de textes plus anciens. Il prévoit aussi l’expérimentation pour les régions, mais il n’existe aucun lien entre les articles 38 et 40. Il est donc tout à fait inexact d’affirmer que la loi 3DS prévoit des délégations entre ces entités : ce n’est le cas ni dans la loi existante ni dans la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui.

Article unique (art. 40 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) : Institution d’une faculté de délégation de signature par l’exécutif régional aux agents de l’État dans le cadre de la mise à disposition expérimentale de routes aux régions prévue par la loi « 3 DS »

Amendements CL3 et CL4 de Mme Andrée Taurinya

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous sommes cohérents : puisque nous ne voulons pas de la délégation des autoroutes et des routes nationales aux régions, nous proposons de supprimer l’article unique.

Vous nous dites que les gens vous interpellent à propos de la nationale 4, mais nous pourrions prendre aussi l’exemple de l’autoroute A6, dont un tronçon, en direction de l’Essonne, présente des bosses qu’il conviendrait de réparer, car c’est vraiment galère, même en respectant les limitations de vitesse ! Quand je passe sur l’autoroute, je ne me dis pas qu’il faudrait que la région Île-de-France la gère pour que cela aille mieux, mais que l’État doit investir pour réparer cette autoroute. Quand je vois des nids-de-poule sur une route gérée par l’État, je me dis également que c’est celui-ci qui doit faire son travail, et non pas concéder la gestion de cette route à une région, et encore moins à une entreprise privée qui me rackettera ensuite chaque fois que j’aurai envie de l’emprunter, comme c’est le cas pour ceux de nos compatriotes qui sont obligés de le faire pour se rendre au travail ou ailleurs – sans parler des vacances, où il faut payer une taxe privée à ceux à qui les autoroutes ont été déléguées. Nous sommes tout à fait opposés à ce système et favorables à des routes nationales et à des autoroutes nationales gérées par l’État, sans délégation.

L’amendement CL4, quant à lui, vise à supprimer l’article 40 de la loi 3DS qui permet cette délégation aux régions. Cet article dispose en effet, en son V, que « pendant la durée de l’expérimentation, les départements peuvent transférer à la région la gestion d’une route départementale identifiée comme d’intérêt régional » et, en son VI, que « pendant la durée de l’expérimentation, la région bénéficiant de la mise à disposition peut transférer à un département qui en fait la demande la gestion d’une route mise à disposition à titre expérimental ». La loi permet donc bien de transférer la gestion d’une route à la région, qui peut elle-même en transférer la gestion au département, lequel peut également la transférer à la région. Tout cela n’a pas de sens et crée un embrouillamini total.

Vous nous dites qu’au terme des huit ans de l’expérimentation, il est prévu que nous légiférerions à nouveau, mais les débats auront lieu à l’intérieur des conseils régionaux, et non pas devant la représentation nationale, alors qu’il s’agit précisément de biens appartenant à la nation tout entière, et non pas à telle ou telle région.

Il est donc vrai qu’à cet égard je suis jacobin – je l’assume pleinement et je n’ai jamais menti à ce propos. Je vous rappelle toutefois que le jacobinisme était une décentralisation démocratique : selon la Constitution de 1793, si une partie des départements – je ne me souviens plus exactement de la proportion – s’opposaient à une loi, celle-ci ne s’appliquait pas. D’un point de vue démocratique, je suis donc favorable à un jacobinisme décentralisé de ce genre, mais pas à votre décentralisation bureaucratique et technique, qui ne mène à rien. Je le répète : jamais je n’ai entendu quiconque dire qu’il souhaitait que la route nationale soit déléguée à la région – il est possible que des présidents de région vous le disent parce qu’ils y trouvent intérêt, mais c’est pour vous demander ensuite de leur donner de l’argent. Il sera plus efficace de supprimer tout cela.

M. David Valence, rapporteur. Avis évidemment défavorable à ces deux amendements.

Vous contestez le principe même du pouvoir représentatif. En effet, le rôle des élus consiste à trouver des solutions aux aspirations des citoyens. Or ces solutions ne sont pas toujours visualisées ou énoncées en tant que telles, et nos concitoyens nous demandent simplement de trouver les moyens de réaliser ce qu’ils souhaitent voir advenir. Si l’on appliquait votre raisonnement, il n’y aurait plus de démocratie représentative et nous en arriverions aux sections locales et à la Terreur de 1793. Je ne crois pas – et c’est un professeur d’histoire qui parle – qu’on puisse regretter ce temps-là et ce jacobinisme terroriste.

J’assume le fait d’être girondin : il faut donner de la liberté et faire confiance aux collectivités, qui sont, je le rappelle, une partie de l’État. En science politique, en effet, l’État est la personne publique qui incarne le citoyen, et non pas seulement l’État central. Donner de la liberté aux collectivités pour leur permettre de mieux exercer des compétences touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens, et faire ensuite le bilan, modestement mais en responsabilité, au terme de huit ans, me paraît relever d’une bonne logique, et vouloir l’empêcher ne me semble pas être guidé par le souci de l’efficacité de l’action publique.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Nous voterons naturellement contre ces amendements.

Je rappelle comme vous, monsieur le rapporteur, que ces dispositions ne figuraient pas dans le texte initial de la loi 3DS : ce sont les auditions, et notamment celle de l’Association des régions de France, qui ont conduit à les ajouter, les présidents de région étant unanimement favorable à une expérimentation de cette solution pour de la voirie ou des axes routiers qui ont souvent une dimension économique. Leur motivation tient, du reste, moins à l’état des routes proprement dit qu’aux délais de leur remise aux normes, qui peuvent durer des années compte tenu du nombre de priorités que l’État doit gérer pour assumer, en outre, les extensions potentielles du réseau. Il est donc normal qu’un président de région puisse vouloir traiter dans des délais beaucoup plus courts un axe routier qu’il considère comme prioritaire, notamment pour des raisons économiques – et ce n’est pas vous, président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), qui me démentirez.

Contrairement aux orateurs des deux extrêmes qui se sont exprimés précédemment, nous considérons qu’il faut écouter les acteurs du terrain, au niveau tant local et régional que départemental.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Qu’une route soit communale, départementale, régionale ou nationale, l’usager, le citoyen, se moque de savoir qui la gère : ce qui lui importe est la qualité du service.

Vous ne serez pas surpris de notre attachement à la différenciation et à la décentralisation. De fait, il s’agit bien ici d’expérimentation, ce qui n’écarte pas les inquiétudes, du fait notamment des difficultés financières rencontrées récemment par les collectivités régionales. Faisons confiance aux élus territoriaux quant aux décisions qu’ils prennent, en particulier avec cette expérimentation qui nous montrera probablement si l’État a été à la hauteur des attentes des régions en matière d’accompagnement. Le moment venu, donc, nous jugerons de la pertinence qu’il y aurait à aller plus loin dans ce dispositif. À ce stade, en tout cas, puisque la loi l’autirise, il serait regrettable de ne pas permettre aux trois régions qui l’ont décidé de procéder à cette expérimentation.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Sans doute m’aura-t-on mal compris : je ne suis pas opposé à la démocratie représentative, mais je souhaite qu’il y ait davantage de démocratie directe et locale. L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que je lisais tout à l’heure, se poursuit ainsi : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. » Je souhaite, pour ma part, qu’ils le fassent des deux manières : personnellement et par leurs représentants.

Je souscris à l’idée qu’en général, nos compatriotes veulent que cela fonctionne : les routes doivent être sécurisées et il ne doit pas y avoir de nids-de-poule. Quant à savoir si la gestion doit relever de la région ou du conseil départemental, le système était jusqu’à présent assez organisé, avec des axes nationaux définis par l’État et des axes départementaux gérés par les départements, les communes devant quant à elles gérer le réseau sur leur territoire.

Le système actuel est assez simple et compréhensible, mais vous ajoutez ici une couche intermédiaire avec des schémas régionaux. Non seulement cette couche ne sert à rien mais, en outre, elle m’inquiète, car si, au terme de l’expérimentation de huit ans, on venait à se féliciter de la gestion par les régions, ces dernières, une fois investies de la délégation permanente, pourraient bien dire que, finalement, cette gestion leur coûte cher et qu’elles veulent privatiser certaines parties des routes dont elles ont la charge.

Je fais le pari qu’au bout du compte, ces routes et autoroutes seront privatisées, mais je pense que nos compatriotes ne le souhaitent pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL6, CL7 et CL5 de M. Boris Vallaud

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CL6 vise à porter du huit à seize mois le délai prévu pour la prise de délibération, afin d’éviter les contestations fondées sur le fait qu’un conventionnement serait intervenu hors délais.

L’amendement CL7, travaillé avec la région Occitanie, vise à préciser que la convention de mise à disposition entre l’État et la région définit le périmètre exact du domaine et des installations mis à disposition. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, si la décision ministérielle arrête la liste des routes transférées, en excluant parfois une portion de celles-ci, elle n’est que peu détaillée.

Quant à l’amendement CL5, sur lequel j’avais annoncé que j’insisterais tout particulièrement, il porte sur le calendrier des versements de l’État aux régions, dont nous souhaitons qu’ils interviennent le plus tôt possible, notamment dans le courant du premier semestre, afin que la trésorerie des régions procédant à l’expérimentation ne soit pas pénalisée par celle-ci.

M. David Valence, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CL6 qui, bien que le texte ne crée pas de sanction en cas de dépassement du délai, vise à sécuriser juridiquement cette option lorsqu’elle est activée, notamment pour les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie.

En revanche, et toujours pour des raisons de sécurité juridique, je demande le retrait de l’amendement CL7, relatif au périmètre exact du domaine ; à défaut, l’avis serait défavorable. Le décret précise en effet explicitement que ce périmètre est fixé par une décision ministérielle et l’introduction dans la loi de cette disposition fragiliserait la convention déjà conclue par la région Grand Est, à moins de discussions portant sur des axes routiers particuliers.

Je demande également le retrait de l’amendement CL5 et émettrai, à défaut, un avis défavorable, car les appels de fonds par les régions peuvent avoir des calendriers différents, et mon expérience d’élu régional m’a montré que les difficultés rencontrées par les régions Auvergne Rhône-Alpes et Occitanie dans leur dialogue avec l’État, et qui expliquent qu’elles n’aient pas encore signé de convention à ce jour, tiennent moins au montant de la compensation des coûts de fonctionnement et d’entretien courant des routes qu’aux modalités du financement et du choix des opérations à financer.

Ainsi, dans le cadre des conventions relatives aux trains express régionaux (TER), qui sont l’une des dépenses les plus significatives du budget des régions – avec un montant de 550 millions dans celle dont je suis élu –, certaines d’entre elles procèdent à d’importants appels de fonds et de trésorerie tout au long de l’année et d’autres seulement en début ou en fin d’année. Inscrire dans la loi l’obligation de verser dès le premier semestre l’intégralité de la compensation de l’État préjuge donc de la manière dont les régions gèrent leur trésorerie. Il faut, dans la convention qui sera pilotée, laisser aux régions le soin de discuter avec l’État de la manière dont ces versements se feront. La région Grand Est, pour sa part, a choisi, selon sa propre convenance, de répartir ces appels sur deux semestres. La disposition proposée par l’amendement est donc trop rigide et exprime trop de défiance vis-à-vis de l’État.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous comprendrez la défiance que j’ai parfois envers l’État, qui a parfois tendance à laisser traîner les versements pour soulager sa trésorerie. Je comprends, quant à moi, que les régions appliquent des modalités différentes de gestion budgétaire. L’amendement CL5 est en tout cas un amendement d’appel invitant à une grande vigilance dans la rédaction des conventions relatives aux modalités de versement, afin de nous assurer que, compte tenu du fort engagement des régions, l’opération ne se fasse pas au détriment de la trésorerie de celles d’entre elles qui ont montré leur volontarisme pour cette mesure. Il faudrait voir comment les conventions peuvent garantir l’engagement que vous évoquez.

Je comprends également, à propos de l’amendement CL7, l’argument selon lequel ce dispositif pourrait fragiliser une convention déjà signée par la région Grand Est, mais il me semble toutefois important et sécurisant pour les régions de préciser au mieux la liste des biens, terrains et équipements.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Le groupe Renaissance suivra le rapporteur. En effet, les deux derniers amendements sont consubstantiels à la convention, car les modalités dépendront du contenu de cette dernière. Faisons confiance à l’État et aux régions, même si cette question est très compliquée – la négociation de ces conventions est toujours du sport !

Pour ce qui est, en revanche, de l’amendement CL6, il peut en effet être bon de nous donner plus de temps pour conclure la convention et ne négliger aucun des problèmes soulevés. Il faut d’abord faire l’inventaire du domaine concerné, évaluer sa qualité, voir ce qu’il convient d’y faire évoluer et, éventuellement, les travaux neufs réalisés. Cela demande du temps et l’amendement me semble donc très judicieux.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous nous opposons à cet amendement qui vise à allonger la durée de l’expérimentation, puisque, précisément, nous sommes opposés à cette dernière. Après nous avoir dit que les régions et les présidents de région sont au plus près du terrain et savent ce qu’il faut faire pour les routes et les autoroutes, vous nous dites maintenant qu’on n’aura pas le temps – en huit ans ! – de voir ce qu’il faudra modifier sur les routes ni de réaliser les travaux nécessaires. Il y a là une incohérence dans l’argumentation.

M. Stéphane Delautrette (SOC). C’est le délai qui passe de huit à seize mois !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Au temps pour moi ! J’ai lu trop vite et j’ai cru que la durée de l’expérimentation passerait de huit à seize ans. Je retire donc ce que j’ai dit.

Nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. David Valence, rapporteur. Pour abonder dans le sens de votre correction, monsieur Léaument, je précise que l’extension du délai n’est pas une extension de la durée de l’expérimentation, mais du temps laissé pour négocier la convention. La fin de l’expérimentation interviendra bien au début de 2030, quoi qu’il arrive.

La commission adopte l’amendement CL6.

Elle rejette successivement les amendements CL7 et CL5.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL9 du rapporteur.

Elle adopte l’article unique modifié.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé (n° 1959) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


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   PERSONNES ENTENDUES

 

   Mme Sandrine Chinzi, directrice des mobilités routières

   M. Philippe de Camaret, directeur de projet 3DS de la direction des mobilités routières

   Mme Sandrine Chamouton, conseillère juridique de la direction des mobilités routières

   Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et des institutions locales

   Mme Hélène Martin, adjointe à la sous-directrice des compétences et des institutions locales

   M. Arnaud Jauréguiberry, responsable du portefeuille domanialité et voirie au bureau domanialité, urbanisme, voirie et habitat

 

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

   Région Auvergne-Rhône-Alpes

   Région Grand Est

 


([1]) Cour des comptes, rapport public thématique, mars 2022 : « L’entretien des routes nationales et départementales ».

([2]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([3]) Article L. 3213-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

([4]) Décret n° 2022-459 du 30 mars 2022 fixant la liste des voies non concédées du domaine public routier national qui peuvent être transférées aux départements et métropoles ou mises à disposition des régions dans les conditions prévues aux articles 38 et 40 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022.

([5]) Décision du 4 janvier 2023 déterminant la liste des autoroutes, routes et portions de voies qui sont transférées ou mises à disposition en application des articles 38 et 40 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([6]) Les départements sont les suivants : Aveyron, Côte d’Or, Haute-Garonne, Gers, Isère, Lot, Maine-et-Loire, Mayenne, Haute-Marne, Moselle, Pyrénées-Orientales, Rhône, Haute-Saône, Seine-et-Marne, et Vaucluse. Les métropoles sont celles de Dijon et Lyon.

([7]) Les grands travaux concernent des opérations conséquences qui modifient sensiblement les conditions de circulation (voies nouvelles, déviations, etc.)

([8]) La Gazette des communes, 17 mai 2022 : « Loi 3DS : Un transfert des routes nationales financièrement avantageux pour l’État »

([9]) Rapport d’information n° 458 du 8 mars 2017 de M. Hervé Maurey fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat : « Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger ». Lien. Rapport de la Cour des comptes sur l’entretien des routes nationales et départementales, mars 2022. Lien

([10]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi « LOM ».

[11] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924

[12] Ordonnance n° 2023-661 du 26 juillet 2023 prise en application des dispositions de l’article 137 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et de l’article 128 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047887568

([13]) Décret n° 82-331 du 13 avril 1982 relatif à la mise à la disposition du président du conseil régional de services déconcentrés de l’État dans la région.

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000516906/2024-01-18/

([14]) Conseil d’État, 21 mars 2007.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018005668

([15]) Conseil d’État, 30 avril 1997

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007978840

([16]) Conseil d’État, 11 mars 1998 (s’agissant d’une disposition jumelle relative à la mise à disposition d’agents déconcentrés de l’État au président du conseil général).

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007989293

([17]) Cour des comptes, rapport précité.

([18]) Certaines DIR disposent d’un deuxième niveau territorial (division d’exploitation ou service d’exploitation) regroupant plusieurs districts, et intégrant des agents de niveau technique plus développé, comme par exemple des Centres d’information et de gestion du trafic (CIGT).

([19]) CAA Nancy, 13 janvier 2005, n° 03NC00989

([20]) Délégation du président du conseil départemental aux subordonnés du médecin dirigeant le service départemental de protection maternelle et infantile, CE, 29 juin 2005, n°266686.