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N° 2107

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 janvier 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE,
SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à interdire l’importation et l’exportation des trophées de chasse d’espèces protégées (n° 1895).

 

PAR Mme Sandra REGOL

Députée

——

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1895.


SOMMAIRE

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Pages

introduction

COMMENTAIRE des articles

Article 1er Interdiction de l’importation et de l’exportation de trophées d’espèces classées

Article 2 (nouveau) Interdiction de la promotion, de la publicité et de la propagande de la chasse des espèces protégées

examen en commission

liste des personnes auditionnées

 


–  1  –

   introduction

En juillet 2015, la mort du lion Cecil, mâle dominant du parc de Hwange au Zimbabwe, provoquait un émoi international. Poursuivi pendant quarante heures par un chasseur américain, blessé à l’arc puis abattu au fusil, l’animal succombait à une pratique que son histoire contribua à dénoncer : la chasse aux trophées.

La chasse aux trophées est une pratique récréative consistant à poursuivre et abattre un animal pour obtenir tout ou partie de son corps aux fins d’exhibition. Le plus souvent pratiquée par de riches Occidentaux, cette chasse s’attaque aux spécimens les plus gros, forts, âgés ou rares, prisés pour la valeur décorative de leurs cornes, tête, peau, dépouille ou défenses. 

La France, sixième importateur de trophées de chasse européen avec pas moins de 752 trophées appartenant à 36 espèces différentes importés entre 2014 et 2018, participe activement à ce marché. Elle se classe dans les premiers importateurs de certaines espèces comme l’éléphant d’Afrique ou l’hippopotame, et même première d’Europe en ce qui concerne les léopards, guépards ou lynx d’Eurasie.

Une étude de l’organisation Humane Society International/Europe pointait en 2021 l’impact « particulièrement négatif » de la chasse aux trophées pour la survie des espèces ([1]). À l’heure d’une crise globale de la biodiversité, le prélèvement de spécimens pour le simple plaisir de quelques-uns s’avère d’autant plus injustifiable qu’il contribue à amoindrir la population d’espèces en danger de disparition.

Alors que notre droit reconnaît, grâce aux cadres international de la convention de Washington dite « Cites » et européen du règlement CE n° 338/97, la nécessité de préserver certaines espèces considérées comme en danger, il en permet paradoxalement toujours l’importation, sous formes de trophées, sur notre territoire. L’opinion publique se mobilise à juste titre contre cette situation inadaptée aux enjeux actuels de la biodiversité : 91 % des Français soutiennent l’idée d’une loi contre l’importation des trophées de chasse ([2]).

Récemment, la réglementation française a évolué dans le sens d’une meilleure prise en compte de ce sujet, avec la loi n° 2023‑610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

En outre, de nombreux pays européens tendent à modifier leur législation pour prévoir une interdiction de l’importation des trophées de chasse, au premier rang desquels le Royaume-Uni ou la Belgique.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente proposition de loi qui vise, d’une part, à sanctionner l’importation, l’exportation ou la réexportation de tout ou partie d’un animal d’une espèce inscrite aux annexes A, B et C du règlement CE 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces et d’autre part, la publicité en faveur de la pratique de la chasse d’un animal de ces espèces.

 

 


–  1  –

   COMMENTAIRE des articles

Article 1er
Interdiction de l’importation et de l’exportation de trophées d’espèces classées

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article unique de la proposition de loi initiale visait à punir de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende deux nouvelles infractions inscrites à l’article L. 415-3 du code de l’environnement : d’une part, l’importation, l’exportation ou la réexportation de tout ou partie d’un animal protégé par le droit européen ; d’autre part, l’interdiction de la publicité de la chasse de ces espèces.

Cet article a été modifié par la commission pour préciser la définition des trophées de chasse, aménager la liste des espèces pour lesquelles l’importation, l’exportation ou la réexportation de trophées de chasse est interdite, et supprimer le dispositif encadrant la publicité de la chasse d’espèces protégées, celui-ci étant déplacé dans le nouvel article 2 inséré par la commission.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les rÈgles actuelles rÉgissant l’importation et l’exportation des espÈces

1.   Le commerce des animaux est encadré par le droit international et européen

a.   La convention de Washington, dite « CITES »

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, signée à Washington le 3 mars 1973 et connue sous son acronyme anglais « Cites », est en vigueur depuis le 1er juillet 1975. Elle vise à assurer que le commerce international des plantes et des animaux, vivants ou morts, ainsi que de leurs parties et produits dérivés, ne nuise pas à la conservation de la biodiversité. La convention règlemente aujourd’hui le passage des frontières pour plus de 40 900 espèces animales et végétales inscrites dans ses annexes.

L’Union européenne est officiellement partie à la Cites depuis 2015, mais la plupart des États membres étaient déjà signataires de la convention avant son adhésion. L’Allemagne a ratifié la Cites en 1976, le Danemark en 1977, la France en 1978, l’Italie en 1979, l’Autriche en 1982, la Belgique en 1983, l’Espagne en 1986 et la Pologne en 1989.

Avant de devenir officiellement parties via l’adhésion de l’Union européenne, les États membres ont adopté des positions communes sur les propositions de la Cites, notamment le règlement cadre CE n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce et le règlement relatif aux permis n° 792/2012 ([3]).

b.   Le règlement CE n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages

Le règlement CE n° 338/97 précité définit les modalités de contrôle des échanges transfrontaliers impliquant des espèces vivantes ou mortes, ou parties d’espèces (objets et articles). Il prévoit des niveaux de protection différents selon les espèces, en fonction de leur classement en annexe A, B, C ou D, qui dépend du degré de menace pesant sur elles. Le régime applicable à l’exportation et à l’importation est fonction du classement de l’espèce concernée à l’une des annexes.

Toutes les espèces inscrites à la Cites sont réparties dans les quatre annexes du règlement de base. Actuellement, plus de 6 100 espèces animales et 32 300 espèces végétales sont couvertes par le règlement au sein de l’Union européenne.

L’annexe A du règlement regroupe les espèces les plus menacées. Elle inclut les espèces inscrites à l’annexe I de la Cites et certaines espèces des annexes II et III de la même convention, auxquelles l’Union européenne souhaite accorder un statut de protection plus élevé. Pour ces animaux et ces plantes, les échanges commerciaux de spécimens sont strictement interdits, tandis que la circulation au sein de l’UE d’animaux vivants qui appartiennent à cette catégorie exige une autorisation préalable.

Les annexes B et C du règlement répertorient les espèces des annexes II et III de la Cites. Les spécimens d’une espèce figurant aux annexes B et C peuvent faire l’objet d’un commerce s’ils ont été obtenus légalement et si le volume des échanges ne porte pas préjudice aux populations sauvages. La circulation d’animaux vivants appartenant à ces catégories est soumise à des règles en matière de certification et de logement et de soin adéquats.

Classification

Exemples d’espèces

ANNEXE A

Condor des Andes, bison des forêts, yack sauvage, rhinocéros, tapirs, éléphant d’Asie et d’Afrique, puma, guépard, panda, orang-outan…

ANNEXE B

Cygne à col noir, hippopotame nain, morse, hyène brune, pangolin, ours, loutre…

ANNEXE C

Sarcelle d’hiver, buffle d’Asie, fouine, belette de Sibérie, bongo…

L’annexe D comporte des espèces non inscrites à la Cites pour lesquelles l’Union européenne assure une surveillance des volumes d’importation. Au sein de l’Union européenne, l’utilisation commerciale (détention ou transport en vue de la vente, vente, achat, décoration d’un local commercial ou exposition à des fins publicitaires) de spécimens de l’annexe A est interdite, sauf dérogation prenant la forme d’un certificat intra-communautaire, délivré au cas par cas. L’utilisation commerciale de spécimens de l’annexe B est conditionnée à la capacité pour le détenteur de prouver l’origine licite des spécimens.

L’Union européenne interdit l’importation de six espèces depuis 2015 : le lion, l’éléphant d’Afrique, l’ours polaire, le rhinocéros blanc, l’hippopotame et le mouton argali.

2.   Le droit français est plus protecteur que le droit de l’Union européenne

a.   Le droit français prévoit l’application de la Cites et du règlement européen CE n° 338/97

L’application de la Cites et des modalités du règlement CE n° 338/97 est assurée par l’arrêté du 30 juin 1998 fixant les modalités d’application de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction et des règlements (CE) n° 338/97 du Conseil européen et (CE) n° 939/97 de la Commission européenne.

Documents nécessaires à l’importation, l’exportation
et la réexportation d’une espèce aux termes de l’arrêté du 30 juin 1998

Annexe

Importation en France

Exportation

Réexportation([4])

A

Permis Cites d’exportation délivré par le pays tiers d’origine et permis Cites d’importation délivré par la France

Permis Cites d’exportation français.

Si l’espèce est inscrite à l’annexe I, un permis d’importation est exigé par le pays de destination. Sinon, le permis d’importation n’est nécessaire que si la réglementation nationale du pays importateur le prévoit

Certificat Cites de réexportation français.

Si l’espèce est inscrite à l’annexe I, un permis d’importation est exigé par le pays de destination. Sinon, le permis d’importation n’est nécessaire que si la réglementation nationale du pays importateur le prévoit

B

Permis Cites d’exportation délivré par le pays tiers d’origine et permis Cites d’importation délivré par la France

Permis Cites d’exportation français et permis d’importation si la règlementation du pays importateur le prévoit

Certificat Cites de réexportation français et permis d’importation si la règlementation du pays importateur le prévoit

C

Permis Cites d’exportation délivré par l’État ayant demandé l’inscription à l’annexe III et notification d’importation rédigée par l’importateur

Permis Cites d’exportation français

Certificat Cites de réexportation français

D

Notification d’importation

Aucun document exigé

Aucun document exigé

L’instruction des permis, assurée par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), dépend notamment du lieu d’origine, de la nature des spécimens et de l’utilisation qui en est faite : finalité scientifique, objet à usage domestique, commerce, présentation au public… À noter que l’arrêté du 21 décembre 2000 relatif à la procédure d’agrément des institutions scientifiques dans le cadre des échanges internationaux de spécimens d’espèces relevant de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction prévoit des dispositions dérogatoires plus souples que le droit commun pour les échanges non commerciaux entre institutions scientifiques.

En application de la loi n° 2016‑1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l’article L. 415‑3 du code de l’environnement prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros en cas d’absence de permis ou de certificats requis par la règlementation « Cites ». Les infractions sont constatées par les agents visés à l’article L. 415‑1 du code de l’environnement, notamment les agents de l’Office français de la biodiversité, les services vétérinaires départementaux, la gendarmerie et les douanes. Si cette infraction est commise en bande organisée, l’article L. 416‑6 du code de l’environnement prévoit une peine maximale de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.

b.   Des dispositions complémentaires prévues par le droit français

Conformément à l’article 14 de la Cites qui autorise un État partie à adopter des mesures plus strictes que celles prévues par la convention et à l’article 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui permet des exceptions à la libre circulation des marchandises au nom de la protection des animaux ([5]), la France a adopté des mesures supplémentaires pour permettre la protection des espèces.

C’est ainsi que la France a de facto interdit l’importation de trophées de lion, la ministre de l’environnement Mme Ségolène Royal, ayant annoncé, dans une lettre adressée à la Fondation Brigitte Bardot du 12 novembre 2015, que la France ne délivrerait plus de permis d’importation de trophées de cette espèce. Cette décision faisait suite au scandale provoqué par la mort du lion Cecil au Zimbabwe, abattu illégalement par un chasseur Américain, qui l’avait attiré à l’extérieur du parc national Hwange en juin 2015.

L’article 26 de la loi n° 2023‑610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a en outre donné de nouvelles prérogatives aux agents des douanes, désormais autorisés à prétendre être des acheteurs afin de sanctionner les personnes important illégalement ces trophées. Introduite par un amendement de votre rapporteure adopté à la quasi-majorité (113 voix pour et 1 contre), modifiant l’article 67 bis‑1 du code des douanes, cette disposition complète les prérogatives des agents des douanes en étendant la pratique du « coup d’achat », qui n’était possible que pour les stupéfiants et le tabac manufacturé, aux « espèces de la faune et de la flore sauvage inscrites aux annexes du règlement CE n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et flore sauvages par le contrôle de leur commerce, ainsi que les produits et les parties de ces spécimens ».

On relèvera que des démarches allant dans un sens similaire sont engagées dans d’autres États. Au Royaume-Uni, la Chambre des communes a adopté début 2023 une proposition de loi interdisant l’importation des trophées de chasse. Le texte a toutefois été rejeté par la Chambre des Lords.

En Belgique, l’interdiction de l’importation des trophées de chasse est également à l’étude. Trois députés de la Chambre des Représentants de Belgique, M. Kris Verdduyct et Mmes Melissa Depraetere et Melissa Hanus ont proposé en 2020 d’interdire l’importation des trophées de chasse d’espèces relevant de l’annexe A du règlement CE n° 338/97 et de six espèces relevant de l’annexe B. En mars 2022, la Chambre des Représentants belge a adopté à l’unanimité une résolution appelant le gouvernement à agir en ce sens. La ministre fédérale belge du climat, de l’environnement, du développement durable et du green deal a par la suite déposé un projet de loi interdisant ces importations, adopté en commission par les députés et qui devrait être examiné le 25 janvier 2024 en séance.

B.   Les règles régissant la publicité et la promotion de la chasse des espèces inscrites aux annexes du rÈglement

Le droit français prévoit l’interdiction de la publicité sur certains produits mais il n’existe aujourd’hui aucune interdiction portant sur la promotion ou la publicité en faveur de la pratique de la chasse.

La protection de l’environnement, érigée en objectif à valeur constitutionnelle dans la décision du 31 janvier 2020 rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques, peut justifier une interdiction de certains contenus publicitaires. Le Conseil constitutionnel a estimé, qu’il était possible, dans un objectif de protection de l’environnement, de porter atteinte à des libertés constitutionnellement garanties. Il avait ainsi jugé qu’ « en faisant ainsi obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l’environnement et quand bien même, en dehors de l’Union européenne, la production et la commercialisation de tels produits seraient susceptibles d’être autorisées […], le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d’entreprendre et les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de la santé » ([6]).

Si la publicité est protégée par le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre ([7]), des restrictions peuvent y être apportées au nom d’autres objectifs d’intérêt général comme la santé publique ou, plus récemment, la protection de l’environnement.

L’exemple le plus emblématique d’une telle restriction est l’interdiction de la promotion de l’alcool et du tabac au nom de l’objectif de santé publique. La loi n° 91‑32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Evin », interdit ainsi toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et encadre fortement celle en faveur des boissons alcoolisées. Ces dispositions, inscrites dans le code de la santé publique (articles L. 3511‑3 et L. 3511‑4 pour le tabac, articles L. 3323‑1 à L. 3323‑6 pour les boissons alcoolisées), ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui a jugé qu’elles ne dénaturaient pas le principe de liberté d’entreprendre ([8]), considérant que « la liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue ; […] il est loisible au législateur d’y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée ».

Plus récemment, dans un objectif de protection de l’environnement, le législateur a interdit la publicité en faveur des énergies fossiles, à l’article 7 de la loi du 22 août 2021 dite « climat et résilience », (le dispositif est codifié aux articles L. 229‑61 à L. 229‑67 du code de l’environnement).

En suivant un raisonnement juridique analogue, le législateur peut donc interdire la publicité en faveur de la pratique de la chasse d’un animal inscrit aux annexes A, B et C du règlement CE 338/97, dans un objectif de protection de l’environnement.

II.   Le dispositif proposÉ

Le code de l’environnement établit à la section 2 du chapitre V du titre Ier de son livre IV, la liste des sanctions pénales applicables en cas d’atteinte au patrimoine naturel. En particulier, l’article L. 415-3 du code de l’environnement établit la liste des actes punis de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

L’article unique de la proposition de loi propose d’introduire deux nouvelles infractions pouvant donner lieu aux mêmes peines :

 l’importation, l’exportation ou la réexportation de tout ou partie d’un animal d’une espèce inscrite aux annexes A, B et C du règlement CE 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ou un produit de cette même espèce ;

 la promotion, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, en faveur de la pratique de la chasse d’un animal d’une espèce inscrite aux annexes A, B et C du règlement CE 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce.

L’ensemble des associations rencontrées lors des auditions et l’Union internationale pour la conservation de la nature en France ont apporté leur soutien officiel au dispositif de la proposition de loi.

III.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’amendement de réécriture globale CD34 de la rapporteure pour prévoir l’introduction d’un nouvel alinéa au début de l’article L. 412‑1 du code de l’environnement, qui encadre les activités soumises à autorisation ou à déclaration pour l’utilisation du patrimoine naturel.

Fruit d’une solution de compromis, cet amendement introduit une définition du trophée de chasse, entendu comme tout ou partie d’un animal ou un produit obtenu d’un animal d’une espèce non domestique prélevée dans son milieu naturel ou dans un enclos au cours d’un acte de chasse, que l’animal ait été élevé en captivité ou non. L’article prévoit désormais l’interdiction de l’importation, l’exportation et la réexportation de trophées d’une espèce inscrite aux annexes A ou B du règlement (CE) n° 338/97. Contrairement à la version initiale de l’article, l’annexe C n’est plus concernée par cette interdiction.

La sanction de la publicité, de la promotion ou de la propagande de la chasse d’un animal inscrit aux annexes A, B ou C du règlement CE n° 338/97 n’apparaît plus dans l’article. Elle est désormais inscrite à l’article 2 de la proposition de loi, mais avec un régime de sanction minoré.

*

*     *

Article 2 (nouveau)
Interdiction de la promotion, de la publicité et de la propagande de la chasse des espèces protégées

Créé par la commission

 

L’article 2 de la proposition de loi, créé par la commission, prévoit l’insertion d’un nouvel article L. 415‑3‑2 dans le code de l’environnement. Il sanctionne de trois mois de prison et 75 000 euros d’amende la promotion, la publicité ou la propagande en faveur de la chasse d’une espèce inscrite aux annexes A, B, ou C du règlement (CE) n° 338/97.

L’article 2 résulte de l’adoption par la commission d’un amendement CD36 de la rapporteure. Il introduit un nouvel article L. 415‑3‑2 dans le code de l’environnement, qui sanctionne de trois mois de prison et 75 000 euros d’amende la promotion, la publicité ou la propagande en faveur de la chasse d’une espèce inscrite aux annexes A, B, ou C du règlement (CE) n° 338/97.

Ce dispositif remplace celui initialement proposé au troisième alinéa de l’article unique de la proposition de loi, qui a été supprimé du fait de l’adoption de l’amendement CD34 de rédaction globale de la rapporteure.


  1  

   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 24 janvier 2024, matin, la commission a examiné, sur le rapport de Mme Sandra Regol, la proposition de loi visant à interdire l’importation et l’exportation des trophées de chasse d’espèces protégées (n° 1895).

Mme Sandra Regol, rapporteure. Cette proposition de loi a pour seule ambition de mettre en cohérence notre droit, entre l’adoption, en juin dernier, d’une disposition dans le code des douanes et les engagements de la France en matière de biodiversité et de protection des espèces. Sa technicité a permis un travail transpartisan ; et l’adoption à l’unanimité moins une voix dans l’hémicycle de mon sous-amendement précisant le code des douanes en matière de protection des espèces protégées a facilité les discussions. Je remercie les députés de tous les groupes d’avoir bien voulu discuter avec nous, en particulier M. Pierre Cazeneuve, avec qui nous avons passé beaucoup de temps pour parvenir à une proposition efficace qui rassure tout le monde.

Ce texte ne porte pas sur la chasse : il traite uniquement de l’importation et de l’exportation de dépouilles entières, ou par morceaux, d’espèces protégées. Un cadre législatif existe en Europe et en France, où il est d’ailleurs mieux-disant. Néanmoins, des failles juridiques béantes permettent à ce commerce de continuer à prospérer. Il suffit de voir les chiffres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites) : la France, par exemple, est championne de l’import de guépards ou de lynx d’Eurasie. La proposition de loi vise à corriger ces failles. M. Gabriel Attal, qui était alors ministre délégué aux comptes publics, nous avait apporté son soutien, en rappelant qu’il était impératif de corriger aussi le code de l’environnement.

L’enjeu est de réussir à définir ce que sont les espèces menacées. Certaines, dont il reste à peine quelques exemplaires, sont déjà dans un état critique d’extinction ; la survie d’autres est fragilisée et elles risquent de se retrouver demain également en voie d’extinction. Une définition existe dans les annexes I – pour les situations les plus critiques –, II et III de la Cites, traduites au niveau européen par les annexes A, B et C du règlement du Conseil du 9 décembre 1996. Nous avons fait le choix de ne pas nous appuyer sur des listes d’espèces, celles qui « touchent au cœur », qui nous font mettre plus de morale que de science dans nos choix de protection, parce qu’elles sont plus « mignonnes » ou que l’on en parle plus. Nous avons fait le choix de nous appuyer sur des données scientifiques, de sorte que le futur législateur ne soit pas limité par une liste.

Nous avons auditionné des scientifiques de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui nous ont apporté leur soutien sur la version initiale du texte, de sorte que la France ne soit plus responsable de l’importation et de l’exportation de dépouilles d’espèces en danger ou en situation critique d’extinction. Il nous importe que la France ne puisse plus être désignée comme responsable, parce que nous avons une haute vision de notre pays et de ce que son image véhicule dans le monde. C’est important aussi parce que, l’an dernier, un Français a tué un addax. Peut-être ne savez-vous pas ce que c’est – une sorte d’antilope –, et cela n’aurait rien d’étonnant, puisqu’il en reste à peine quelques dizaines de spécimens en liberté dans le monde. Pourtant, l’an dernier, la Cites a émis un permis pour importer ce trophée. C’est de cela que la France est responsable en n’agissant pas. Nous n’agirons pas contre la chasse dans les pays concernés – nous n’en aurions pas le droit – ni contre la chasse. Mais nous n’avons pas les mêmes raisonnements quand il s’agit de notre pays, puisque nous considérons qu’il ne faut pas chasser une espèce en danger. Pourquoi en serait-il autrement hors de notre territoire ?

Certains m’ont opposé qu’il fallait préserver les revenus de pays en voie de développement. Cependant, les études menées sur les personnes travaillant dans l’industrie des trophées de chasse montrent l’inverse : à l’échelle du continent africain, 15 000 à 18 000 personnes sont concernées et leurs revenus seraient inférieurs au revenu moyen de leur pays. Ce n’est donc ni une activité qui permet de faire vivre le pays, ni une activité offrant un minimum vital aux travailleurs.

On m’a aussi rétorqué que cette façon de faire donnait une valeur aux espèces menacées, qui les protégeait des prédations locales. En réalité, la seule valeur est celle de la spéculation : plus une espèce est sur le point de disparaître, plus son prix pour une chasse aux trophées est élevé. Le système est vicié : plus l’espèce est en danger, plus elle vaut cher. La chasse d’espèces moyennement en danger coûte plusieurs milliers d’euros, mais si vous voulez chasser un rhinocéros blanc, répertorié à l’annexe B, il vous en coûtera au minimum 300 000 euros par chasseur. Nous parlons d’une spéculation folle sur la disparition totale de certaines espèces.

Nous ne pouvons et nous ne devons pas agir sur la législation des pays concernés : c’est leur décision. Mais nous pouvons agir sur ce que font les Français, ici et ailleurs. Le texte inscrit la chasse aux trophées dans le droit pour nous permettre de légiférer dessus. Nous vous proposons aussi de définir un cadre issu des négociations menées avec les uns et les autres. Nous rappelons enfin que la publicité est un moyen de valoriser ces pratiques – je parle aussi bien des sollicitations sur les réseaux sociaux pour aller chasser un rhinocéros blanc ou un hippopotame nain que des influenceurs et influenceuses qui aiment à poser avec ces animaux en voie de disparition. Peut-être serait-il bien de faire de la prévention.

En conclusion, la proposition de loi ne va rien changer pour la majorité des Françaises et des Français. Elle va peut-être changer un petit peu la façon qu’a une centaine de personnes de vivre ses loisirs. Mais elle va changer beaucoup pour les espèces en train de disparaître. C’est pour cela que je vous invite à voter les amendements de compromis et de réécriture que je vous propose, qui incluent les espèces relevant de l’annexe B du règlement européen et qui, après bien des compromis, comme le veut le jeu parlementaire, excluent celles relevant de son annexe C, pourtant très importante. Nous nous sommes concentrés sur les espèces les plus en danger, ce qui est le strict minimum.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Cette proposition de loi est une ode à la complexité du monde et de la politique. Sous un sujet consensuel en apparence – personne, ici, ne soutient ceux qui vont tuer des tigres, des guépards ou des rhinocéros – se cache une controverse scientifique et éthique complexe sur la réalité de l’impact de la chasse aux trophées sur la conservation des espèces. Cette chasse, en donnant une valeur très forte aux animaux, a paradoxalement contribué, en Namibie ou au Botswana, à les préserver et à renouer une relation entre les populations et ces magnifiques espèces.

Nous avons évidemment abordé cette discussion dans un esprit d’ouverture. Je tiens à remercier très sincèrement Mme la rapporteure pour nos très longs échanges. Nous avons, il me semble, trouvé un certain nombre de compromis permettant de cibler le problème : l’attribution des permis d’importation liés à des trophées de chasse. Pour le reste, nous y reviendrons au cours du débat.

M. Emmanuel Blairy (RN). Je vous dois un aveu. En tant qu’amoureux de la nature et soucieux de la biodiversité, lorsque j’ai lu le titre de la proposition de loi, j’étais plutôt convaincu : il était évident que l’on ne pouvait ni importer ni exporter des animaux d’espèces protégées. Mais, en découvrant l’exposé des motifs, en étudiant le texte et en travaillant sur le sujet, on s’aperçoit que les finalités visées sont déjà satisfaites.

Pour le reste, madame la rapporteure, j’ai quelques questions. Si la proposition de loi est adoptée, comment pourrons-nous importer le fonds d’une exposition composé de spécimens d’une espèce protégée, morts naturellement ? Un animal mort ne participe plus, par définition, à la pérennité de son espèce. Connaissez-vous l’Afrique ? Avez-vous conscience que les chasses aux trophées constituent dans de nombreux pays, comme au Cameroun, une source de revenus dans les lieux les plus reculés qui souffrent d’un manque d’infrastructures ? Avez‑vous connaissance de la lettre signée par le ministre de l’environnement de la Namibie et quatre-vingt-dix scientifiques, qui alertent la France sur les dangers de l’adoption de la proposition de loi ? Avez-vous interrogé les taxidermistes sur le sujet et connaissez-vous d’ailleurs leur métier, leur passion et leur respect pour les animaux ? Enfin, cette proposition de loi peut être considérée comme une forme d’ingérence étrangère, qui aurait des répercussions importantes sur nos relations avec des pays d’Afrique, sur les plans politique, économique et environnemental.

Cette proposition de loi, c’est l’émotionnel qui prend le pas sur la science. Elle met paradoxalement la biodiversité en danger.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Nous discutons ici des pires pratiques de l’être humain : tuer un être vivant par pur plaisir et sans aucun motif. La biodiversité s’effondre partout dans le monde. La sixième extinction de masse, née des effets de l’activité humaine, comme nous le rappelle la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), est en cours. Pour ne citer qu’un chiffre, 68 % des populations vertébrées ont disparu entre 1970 et 2016. Cela n’empêche pas des voyous en col blanc de dépenser des dizaines voire des centaines de milliers d’euros pour assassiner des animaux rares et menacés, contribuant ainsi activement à l’accélération de l’effondrement du vivant.

Cette pratique dégradante pour la condition humaine est un vestige du colonialisme, où le continent africain, principal lieu de quête aux trophées de chasse, servait et sert toujours de terrain de jeu pour de riches Occidentaux violents et dominateurs. C’est l’interdiction de l’importation et de l’exportation de tous les trophées de chasse qu’il faudrait mettre en œuvre, alors que la France est le deuxième plus grand importateur au monde, derrière les États-Unis.

Le groupe La France insoumise soutient cette proposition de loi, qui revêt une charge symbolique forte.

M. Emmanuel Maquet (LR). Avec la crise mondiale du vivant, il est évidemment tentant de croire que la pratique décriée des trophées de chasse est responsable, à elle seule, de la menace qui pèse sur certaines espèces protégées. Néanmoins, comme souvent, la réalité est plus complexe. Avec la Cites et le règlement européen qui lui est dédié, l’introduction des trophées est déjà strictement encadrée par des permis d’importation et d’exportation, assurant que la chasse ne met pas en péril les effectifs menacés. De manière assez contre-intuitive, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a reconnu elle-même que la chasse aux trophées, quand elle est bien gérée, contribue à la conservation des espèces et de leurs habitats. En effet, en permettant de dégager des revenus, elle peut, dans certains cas, constituer une incitation au maintien de la faune sauvage, avec parfois plus d’efficacité que les actions traditionnelles. La supprimer pourrait être une fausse bonne idée.

En tant que législateur, nous devons anticiper les effets délétères que pourrait avoir une interdiction des importations, sans avoir bâti une stratégie de revenus alternatifs, reposant par exemple sur des crédits biodiversité, un réel plan de développement de l’écotourisme ou une aide au développement mieux inspirée. Il est ainsi étonnant de noter que, si les comités d’experts de l’UICN et de WWF, le Fonds mondial pour la nature, ont reconnu l’intérêt de la chasse aux trophées et le droit des peuples à décider de la manière dont ils utilisent leurs ressources naturelles et protègent leur faune, les antennes françaises de ces organisations défendent un point de vue inverse.

Nous nous appuyons sur les avis éclairés cités précédemment et ne voterons pas l’interdiction générale des trophées de chasse ainsi que de leur publicité. Nous préconisons plutôt un renforcement des contrôles contre le braconnage illégal et les trafics, comme votre excellent amendement, adopté en juin dernier dans le cadre du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, le permet, madame la rapporteure.

M. Jimmy Pahun (Dem). Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour, pour évoquer la protection de la biodiversité, notamment des espèces les plus en danger. La Cites, comme le règlement européen, nous proposent un cadre juridique complet, qui vient assurer une première protection des espèces les plus menacées. On pourrait logiquement penser que la mesure proposée dans ce texte apporte une pierre supplémentaire à l’édifice de leur protection. Mais, face à un sujet plus complexe qu’il n’y paraît, je souhaiterais vous faire part de quelques remarques.

Bien que cela soit contre-intuitif, des associations environnementales ont fait part de leurs craintes quant à la réduction des revenus fournis par certaines de ces chasses, lesquels permettent aux populations locales d’assurer une meilleure protection de la biodiversité. Ensuite, contrairement à son titre, le dispositif proposé par la proposition de loi ne prévoit pas de se limiter précisément aux trophées de chasse, bien qu’il faille reconnaître qu’il n’en existe pas de définition précise. Enfin, se pose la question du périmètre de l’interdiction. Bien que je ne cautionne pas cette pratique, toutes les espèces présentes dans les annexes B et C du règlement européen de 1996 ne me paraissent pas présenter un caractère de vulnérabilité tel qu’il nécessiterait l’interdiction de toute exportation de trophée.

Aussi, c’est au niveau européen qu’il convient d’agir, car la proposition de loi se trouverait dans tous les cas limitée par la liberté de circulation sur notre continent. L’adoption de ce texte permettrait cependant d’envoyer un message à l’heure où d’autres pays réfléchissent à une interdiction similaire. Il nous apparaît cependant nécessaire de bien concentrer celle-ci aux trophées de chasse et aux espèces les plus en danger, comme le proposent certains amendements. S’ils sont adoptés, nous voterons la proposition de loi.

Mme Chantal Jourdan (SOC). La proposition de loi vise à arrêter d’encourager certaines pratiques de chasse néfastes à la biodiversité, problématiques sur le plan éthique et qui ne bénéficient qu’à un nombre très restreint de personnes. L’économie générée par cette activité ne permet ni de protéger des espèces en voie de disparition, ni d’assurer des retombées économiques pour les populations locales. Plusieurs études, dont celles de l’université Queen Mary de Londres, démontrent que les animaux victimes de la chasse aux trophées sont presque toujours les spécimens les plus aptes sur le plan de l’évolution. Leur mort peut poser à terme des problèmes pour la survie d’une espèce déjà fragile. Par ailleurs, une étude de 2017 portant sur la contribution du tourisme cynégétique à l’économie de huit pays africains a montré que le secteur de la chasse surestimait nettement sa contribution, puisqu’elle représentait alors 0,03 % du PIB, quand, dans ces huit pays, les recettes du tourisme étaient estimées entre 2,8 et 5,1 % du PIB. Il s’agit bien d’une économie de l’accaparement : l’argent généré par ces chasses ne ruisselle pas vers les populations locales.

Enfin, le braconnage ne régresse pas malgré la pratique du tourisme cynégétique. Une étude de 2020 a conclu que le braconnage des éléphants n’avait pas diminué depuis 2011. Alors que la France est parmi les premiers importateurs européens de trophées de chasse, il est important d’envoyer un message fort. Il existe d’autres possibilités ciblées et efficaces pour encourager la conservation écologique, notamment en soutenant les organismes de prévention et de réintroduction des espèces.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la proposition de loi.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, pour votre initiative. La chasse aux trophées consiste à payer pour pouvoir abattre un animal et en ramener tout ou partie comme trophée pour orner les murs d’une maison ou le sol d’un appartement. Entre 2014 et 2018, environ 15 000 trophées de chasse provenant de soixante-treize espèces de mammifères inscrites à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction ont été importés en Europe, selon un rapport de Human Society International publié en 2021. L’Union européenne est ainsi le deuxième plus grand importateur mondial de trophées de chasse. La France, avec 4 024 trophées de chasse importés de 2004 à 2018, se situe en sixième position derrière l’Allemagne et l’Espagne, notamment. Pour tenter de limiter la chasse d’espèces protégées, certains pays comme le Royaume-Uni ou la Belgique envisagent d’interdire leur importation ou exportation.

La proposition de loi s’inscrit dans cette démarche et est soutenue par le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, à l’encontre de la proposition de l’UICN internationale. Cette divergence de vues doit nous inciter à la vigilance. Un rapport publié en 2018 par l’UICN pointait que, dans certains cas, la chasse aux trophées pouvait s’inscrire dans une pratique raisonnée et une gestion adaptée, conduisant par la mobilisation des bénéfices obtenus à des impacts positifs sur la conservation des espèces, la lutte contre le trafic illégal et le suivi de la gestion de la faune.

Ces cas de bonne gestion ne sont malheureusement pas implantés à large échelle et la chasse aux trophées concourt, en l’état, de manière significative, à la mise en danger d’espèces menacées d’extinction et de notre biodiversité. C’est pourquoi le groupe Horizons votera en faveur de la proposition de loi, en souhaitant toutefois restreindre le dispositif juridique à l’import-export des trophées de chasse, sans quoi il pourrait avoir un effet négatif sur de nombreux secteurs qui ne sont en rien liés à la chasse des espèces menacées.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La chasse aux trophées est une chasse bien particulière. Elle ne consiste pas à chasser pour se nourrir, mais à payer pour ramener une partie d’un animal en trophée : la tête d’un lion, la défense d’un éléphant, la peau d’un léopard. Pour être parfaitement honnête, avant d’être députée, j’étais convaincue que la chasse aux trophées était déjà interdite pour les espèces protégées. Nous avons toutes et tous en tête l’image d’un chasseur le pied sur la carcasse de la bête qu’il vient d’abattre. Je croyais que c’était un loisir d’une autre époque. Mais j’ai découvert qu’il est toujours possible de chasser à l’étranger des espèces en voie de disparition pour en rapporter des trophées. J’ai découvert qu’à côté des textes pour protéger les espèces menacées, nous avions mis en place des passe‑droits pour autoriser leur chasse. On a donc le droit de prendre un avion pour aller tuer des animaux en voie de disparition pour le simple plaisir de les ramener en trophée ; et on peut même en faire de la publicité. Des sites proposent en toute simplicité de tuer une girafe, classée en annexe B du règlement européen, pour 2 265 euros ; un crocodile, classé en annexe B, pour 4 525 euros ; une hyène, pour 2 265 euros, ce qui n’est pas si cher.

Nous vivons la sixième extinction massive du vivant. Les scientifiques estiment que la disparition actuelle des espèces va mille fois plus vite qu’elle ne le ferait sans les activités humaines. À cet égard, la chasse aux trophées est un loisir obsolète. Quand on veut protéger une espèce, on commence logiquement par arrêter de tuer les individus qui la composent. Le groupe écologiste votera bien évidemment pour cette proposition de loi.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Les corrections apportées par cette proposition de loi sont salutaires. Réservée à quelques amateurs fortunés, la chasse aux trophées est une pratique de chasse récréative particulièrement controversée et très lucrative pour les opérateurs, qui facturent jusqu’à 300 000 euros les safaris qui ont lieu principalement en Afrique, où plus de la moitié des pays autorisent la chasse dite sportive. L’Afrique subsaharienne reste une destination de choix, puisqu’elle abrite des grands fauves connus sous le nom de big five : éléphants, rhinocéros, lions, buffles et léopards.

Certains ont mis en avant la contribution de cette activité à la conservation des espaces naturels et à l’économie locale. Ses détracteurs, dont nous sommes, soulignent au contraire les risques que cette chasse fait peser sur la conservation de certaines espèces et font valoir que dans huit grands pays d’Afrique, les chasseurs de trophées contribuent tout au plus à 0,03 % du PIB et à 0,76 % des emplois dans le secteur du tourisme. Nous nous rangeons d’autant plus volontiers à ces arguments que la chasse aux trophées nous semble bien souvent empreinte d’une forme de nostalgie coloniale, indifférente aux évolutions du monde et à la disparition à vitesse accélérée de la biodiversité.

Quelques interrogations subsistent toutefois, madame la rapporteure. Pouvez-vous nous confirmer que votre texte n’aura pas d’incidence sur la procédure d’agrément des institutions scientifiques dans le cadre des échanges internationaux non commerciaux de spécimens d’espèces protégées ?

Les élus de ma sensibilité, vous le savez, ne sont jamais avares lorsqu’il s’agit de gêner les pratiques de classe de grands bourgeois cyniques. C’est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Des têtes de lion n’ont pas leur place dans un salon. Une peau de léopard n’est pas un tapis, pas plus qu’une corne de rhinocéros n’a vocation à servir de cendrier. Dire cela, ce n’est pas condamner l’ensemble des chasseurs, mais prendre conscience que la survie de certaines espèces est menacée et qu’il faut les protéger. C’est particulièrement le cas pour celles d’entre elles qui sont menacées d’extinction. Lorsqu’il ne subsiste que quelques milliers, voire quelques centaines d’individus en vie, comment justifier la pratique de la chasse ?

D’autres espèces sont protégées sans être en voie d’extinction. Paradoxalement, celles-ci pourraient gagner à être chassées, comme l’affirment plusieurs ONG, à commencer par WWF. Autoriser la chasse aux trophées est en effet de nature à permettre une meilleure conservation de la biodiversité. Lorsque cette pratique est correctement assurée et n’excède pas les quotas, elle peut être respectueuse de l’environnement. Les revenus qu’elle engendre permettent aussi de réduire les conflits entre les hommes et les animaux, de soutenir des communautés rurales mais aussi et surtout d’investir dans la protection de la faune. Tout est une question d’équilibre.

Pour nous, il est impératif d’interdire l’importation des trophées de chasse d’espèces protégées figurant aux annexes A et B du règlement européen. Nous estimons que les dérogations sont possibles, en revanche, pour celles inscrites à l’annexe C, qui ne sont pas en danger immédiat d’extinction – cela nous semble un moindre mal. Dans certains pays, comme en Namibie, la chasse aux trophées a permis de rétablir des populations d’animaux sauvages.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Guy Bricout (LIOT). Ma première réaction a été de soutenir la proposition de loi. Cependant, après avoir lu de nombreux avis, j’ai changé de position. Les pays d’Afrique –pour lesquels les États-Unis n’ont pas permis le retour des trophées ont été délaissés par les chasseurs américains, ce qui a entraîné de lourdes conséquences économiques. La Grande‑Bretagne envisage de revenir sur sa position. Les Belges n’ont pas encore pris de mesure générale. Cette chasse est réglementée : les animaux qui sont tirés sont sélectionnés. Elle rapporte des devises qui permettent de payer les gardes et d’entretenir les réserves. Si les pays d’Afrique autorisent le tir, faut-il laisser les trophées sans destination ? Les soutiens de ce type de chasse s’appuient sur un rapport de l’UICN d’avril 2016, qui indiquait qu’avec une gouvernance et une gestion efficace, la chasse aux trophées peut avoir, et a effectivement, des impacts positifs. Pouvez-vous nous indiquer si l’UICN, que vous avez auditionnée, a toujours la même position ?

Mme Sandra Regol, rapporteure. Il existe de nombreuses controverses entre les quelque 9 000 scientifiques qui contribuent aux travaux de l’UICN. L’UICN France soutient fermement le texte, dans sa version initiale, qui concerne les espèces figurant aux annexes A, B et C du règlement européen. Comme je l’ai dit, je retirerai, par voie d’amendement, l’annexe C du champ du texte. La position de l’UICN France s’explique par le fait que la loi ne concernera que l’importation de trophées de chasse en France, ce qui n’aura pas d’effet global. Le comité d’études scientifiques de l’UICN était divisé. Une étude de 2016, qui a été mise en valeur par WWF, a montré l’impact positif de la chasse aux trophées. D’autres études mettent en avant, au contraire, un effet négatif. Il leur a fallu trancher.

J’ai essayé de me départir de toute réaction émotionnelle et de me fonder exclusivement sur les données scientifiques. Les animaux figurant à l’annexe B ne sont pas en danger critique d’extinction mais leur survie est menacée. Ils sont en bonne santé sur certains territoires alors qu’ils ont quasiment disparu, ou sont en voie de disparition, dans d’autres régions. C’est cette moyenne qui est prise en compte par l’UICN. Cela concerne, par exemple, le rhinocéros blanc, dont la chasse est facturée 300 000 euros, la girafe ou encore le lion d’Afrique – le lion d’Asie étant, lui, à l’annexe A. En 2019, une étude de la revue Science a montré qu’il fallait dix ans, à partir du moment où l’on constate qu’une espèce est en danger, pour l’inscrire sur les listes de l’UICN. Cela signifie qu’au moment où elle est classée à l’annexe B, elle est déjà en danger critique d’extinction.

Le texte rend possible le contrôle des flux et va ainsi dans le même sens que le sous-amendement que nous avions adopté, à mon initiative, sur le projet de loi relatif à la douane. Le seul moyen d’instaurer ce contrôle est d’établir une interdiction, comme nous l’ont indiqué les associations, l’UICN, le Museum national d’histoire naturelle (MNHN) et quelques personnes travaillant pour la Cites. Si l’on n’applique pas strictement l’interdiction déjà existante, on n’arrivera à rien. Par ailleurs, il serait inutile de ne viser que l’annexe A. L’annexe B est le dernier stade auquel on peut intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Si nous ne faisions rien, la France se rendrait responsable de l’extinction totale d’espèces. Le choix nous appartient.

À l’échelle du continent africain, on compte 15 000 à 18 000 emplois liés à ces chasses, qui procurent un revenu inférieur au salaire moyen. En revanche, les personnes qui travaillent dans le commerce durable, qui effectuent des safaris‑photos, qui accueillent les touristes venus découvrir des lieux sauvages, gagnent, elles, plutôt bien leur vie. L’un des premiers pays exportateurs de trophées de chasse est l’Afrique du Sud. Il y a quelques années, 56 % de sa population pensait que mettre fin à cette activité augmenterait l’attractivité économique et touristique. En 2023, 68 % des Sud-Africains pensent que cette pratique met en danger l’économie locale et leur qualité de vie, et souhaitent qu’on la remplace par des activités plus durables.

Le Museum nous a expliqué qu’il ne fait plus appel depuis très longtemps à des dépouilles venant d’autres pays. Celles qu’il utilise viennent généralement de zoos. Le MNHN bénéficie également d’une dérogation établie en 1991 au profit de la recherche et des musées. Le texte ne concernera donc pas ces institutions.

Mme Huguette Tiegna (RE). Nous avons besoin de précisions complémentaires. Souvent, les députés votent des propositions de loi sans être certains de leur applicabilité, puisqu’ils ne disposent pas d’étude d’impact. Quelques années après, des difficultés se présentent. Au-delà des éléments recueillis lors des auditions, avez-vous des informations à nous communiquer sur cet aspect des choses ? La mise en œuvre de la loi ne dépend-elle pas de la qualité de la collaboration entre la France et les pays concernés ?

M. Emmanuel Blairy (RN). Vous évoquez 15 000 à 18 000 emplois sur l’ensemble du continent africain, mais seuls six à sept pays sont concernés, au premier chef le Zimbabwe et la Namibie. Qui sommes-nous pour savoir ce qui est bon pour les peuples africains ? J’ajoute que l’activité dont on parle n’est en rien colonialiste puisqu’elle contribue à l’économie et à la souveraineté de ces pays.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Les services de l’Assemblée se sont assurés de l’applicabilité du texte, tant sur le plan de nos engagements européens qu’à l’échelon local.

La proposition de loi n’aura aucun impact sur la situation des pays africains ou extra-européens, ni sur les liens entre la France et des pays tiers. Elle ne traite que de l’import‑export, à nos frontières, de dépouilles d’animaux appartenant à des espèces en danger. Elle soulève la question de la responsabilité de la France mais ne contient évidemment aucune disposition relative aux autres pays – telle n’est pas la fonction du législateur français. Nous souhaitons être perçus comme un pays qui assume ses responsabilités de pays d’accueil de la COP21, de défenseur de la biodiversité. Pour ce faire, il faut cesser d’autoriser, à titre dérogatoire, un très petit nombre de personnes à ponctionner des espèces en voie de disparition à l’étranger. Ces personnes auront toujours le droit de chasser ailleurs, mais ne pourront plus se distinguer socialement en exposant les dépouilles dans leur salon.

Avant l’article unique

Amendement CD25 de M. Pierre Cazeneuve

M. Pierre Cazeneuve (RE). Cet amendement visait à définir précisément le trophée de chasse pour éviter des effets de bord. Toutefois, à la suite de nos discussions, Mme la rapporteure a accepté le principe de l’incorporation de la définition des trophées dans le texte et vous soumettra par voie d’amendement une définition un peu différente de celle que je proposais. En conséquence, je retire mon amendement.

La chasse aux trophées est aujourd’hui très encadrée, puisqu’elle nécessite un permis dérogatoire, qui est accordé de manière très limitée. La Cites encadre le commerce de tous les animaux, en imposant des règles spécifiques pour ceux qui sont le plus menacés. La proposition de loi ajoute une protection supplémentaire, circonscrite aux trophées de chasse, pour un petit nombre d’espèces. Il faut saluer le travail de la Cites, qui témoigne d’une coopération internationale efficace.

L’amendement est retiré.

Article 1er : Interdiction de l’importation et de l’exportation de trophées d’espèces classées

Amendements de suppression CD1 de Mme Danielle Brulebois et CD28 de M. Emmanuel Blairy

Mme Danielle Brulebois (RE). Nous sommes tous favorables à la protection des espèces en danger ; nous aimons tous les éléphants, les lions et les rhinocéros et voulons les sauver. Mais, au-delà de l’émotion, notre rôle de député est d’approfondir les sujets sur la base d’analyses scientifiques et de nous fonder sur l’avis d’experts, surtout lorsqu’on ne dispose pas d’étude d’impact. Or plusieurs associations, dont WWF, nous ont fait part de leur avis défavorable sur cette proposition de loi. Par ailleurs, ce texte contredit l’esprit de la Cites et le règlement européen. La protection des espèces menacées est en effet un sujet de compétence communautaire. Il est essentiel que les adaptations réglementaires soient décidées à l’échelle de l’Union européenne afin qu’elles s’imposent aux vingt-sept États membres et ne donnent pas lieu à des divergences de régime. Le texte ne devrait être examiné qu’une fois les discussions communautaires achevées.

De surcroît, on reproche aux Français de surtransposer régulièrement les directives européennes. Enfin, la directrice de l’expertise du MNHN et le responsable de l’expertise du patrimoine naturel nous ont indiqué que le texte est en contradiction directe avec le règlement européen et qu’il aurait un impact socioéconomique négatif considérable sur les populations ainsi que sur la conservation des espèces dans le monde entier. Telles sont les raisons justifiant cet amendement de suppression.

M. Emmanuel Blairy (RN). Constructifs, nous retirerons notre amendement pour permettre le débat.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Je suis évidemment défavorable à cet amendement, d’autant plus, madame Brulebois, que vous avez mis en avant le facteur émotionnel. Or j’ai insisté sur le fait que notre démarche consistait à travailler exclusivement sur des données scientifiques. Sur la base de ces chiffres et de ces analyses, je vous propose un choix dont je peux comprendre qu’il ne soit pas partagé, mais n’opposons pas l’émotion à la science.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Cet amendement témoigne de l’absence d’unanimité sur l’impact réel de la chasse aux trophées sur la conservation des espèces. Le débat est parfaitement légitime. Cela étant, la rédaction de la proposition de loi, qui était initialement très large, a été recentrée sur les trophées de chasse, à l’exclusion des musées et de l’activité scientifique. Nous avons souhaité préciser la rédaction et proposerons, par voie d’amendement, de limiter la mesure aux espèces les plus menacées. J’invite chacun à adopter cet esprit de compromis.

Mme Danielle Brulebois (RE). Je n’avais pas pour intention de m’opposer à cette initiative, que je trouve louable, mais d’en limiter les effets de bord. Compte tenu du travail de M. Pierre Cazeneuve et des modifications rédactionnelles proposées, je retire l’amendement.

Les amendements sont retirés.

Amendement CD34, deuxième rectification, de la rapporteure, et sousamendement CD35 de M. Pierre Cazeneuve, amendement CD24 de M. Pierre Cazeneuve (discussion commune)

Mme Sandra Regol, rapporteure. À la suite de nombreuses discussions, nous avons choisi, afin d’éliminer tout doute quant à son objet, de faire figurer dans le texte une définition des trophées de chasse et de modifier l’emplacement de la disposition, qu’il est proposé d’insérer à l’article L. 412-1 – au lieu de l’article L. 415-3 – du code de l’environnement. Par ailleurs, nous avons circonscrit l’interdiction d’importation et d’exportation aux espèces les plus en danger figurant aux annexes A et B du règlement européen. La Cites comprend, elle, des annexes I, II et III. L’annexe I, qui désigne les espèces en danger critique d’extinction, équivaut peu ou prou à l’annexe A du règlement européen. L’annexe II, qui comprend les espèces en danger d’extinction ou en voie de l’être, correspond à l’annexe B.

Un sous-amendement a été déposé pour supprimer la référence à l’annexe B. Or il est essentiel de protéger dès aujourd’hui un certain nombre d’espèces menacées qui figurent à l’annexe B et qui se trouveront demain en danger critique, ce qui justifiera leur inscription à l’annexe A. Il est très difficile d’avoir un effet réel sur les espèces se trouvant à l’annexe A. En revanche, nous pouvons avoir un impact sur les espèces qui pourraient se trouver, à l’avenir, en danger critique et qui sont actuellement inscrites à l’annexe B. Un débat scientifique aura lieu sur le contenu de cette dernière, qui comprend des centaines d’espèces. Certaines d’entre elles, qui sont présentes en nombre inférieur à la normale – sans atteindre un niveau critique – dans plusieurs régions, ont disparu dans d’autres endroits, où il est important d’agir.

Sachez que la Cites accorde des dérogations, donc des permis d’importation, par pays. En choisissant de conserver la mention de l’annexe B, nous choisissons d’être, je le souligne, minimalement-disants.

Les pays abritant une espèce qui est en danger dans un pays voisin demeurent libres de fixer des quotas supérieurs à ceux de ce dernier pays. En effet, chaque pays exportateur d’animaux rares et en danger d’extinction détermine et livre à la Cites les quotas de ces animaux qu’il est prêt à voir chasser par d’autres.

Nous ne proposons pas de contraindre ces pays à agir autrement mais affirmons seulement que, quand on est Français, quand on est un enfant du pays des Lumières, on a une responsabilité : celle de ne pas accroître la pression qui pèse sur les espèces en voie de disparition, à savoir les espèces mentionnées dans les annexes A et B du règlement européen.

Telles sont donc les modifications contenues dans l’amendement que je défends. L’ajustement proposé de l’alinéa 2 relève de la légistique.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Je défendrai en même temps le sous-amendement CD35 et l’amendement CD24.

Nous en venons au cœur du sujet. J’approuve la modification rédactionnelle ciblant le problème des permis de chasse proposée par Mme Regol, qui permet l’adoption d’une formulation bien plus précise et circonscrite que la formulation initiale.

Le débat porte à présent sur la mention soit de l’annexe A seule, soit des annexes A et B. Encore une fois, il existe une controverse scientifique relative à l’effet réel du commerce des trophées de chasse ; or il faut toujours se montrer modeste et humble s’agissant de questions qui font l’objet de controverses scientifiques.

À partir du moment où il n’est pas certain que l’interdiction proposée aurait un effet positif sur la conservation des espèces, je pense que nous devons limiter autant que possible le champ d’application de la loi en discussion, afin de nous laisser le temps d’évaluer la réalité d’un tel effet.

C’est la raison pour laquelle notre proposition initiale n’avait trait qu’aux animaux relevant de l’annexe A. En effet, cette annexe recense déjà 700 espèces d’animaux : nous ne sommes pas dans l’épaisseur du trait. Ces 700 espèces sont celles qui sont réellement menacées d’extinction.

Comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, vous avez choisi de vous fonder non sur des listes fixes d’animaux, mais sur des annexes, en raison du caractère dynamique de ces dernières.

Vous avez par ailleurs évoqué le rhinocéros blanc. Je n’ai pas envie de tuer des rhinocéros blancs : comme tout le monde, je trouve ça dégueulasse et je ne le cautionne pas.

Pour autant, les rhinocéros blancs étaient mentionnés à l’annexe A parce qu’ils étaient en grand danger. Or, depuis trente ans, leur population, parce qu’elle est protégée, a connu une augmentation importante : ils sont aujourd'hui 120 000 en Afrique du Sud. Cette espèce est désormais mentionnée en annexe B, ce qui illustre le dynamisme de ces annexes.

Je le répète : je ne dis pas qu’il est bon de tuer des rhinocéros blancs. Je constate simplement que l’organisme international compétent, sur le fondement de données scientifiques, considère que cette espèce n’est plus en danger d’extinction. Il faut faire confiance aux organismes internationaux.

Vous indiquiez par ailleurs que certains animaux figurant à l’annexe B pouvaient être en grand danger à un endroit précis et pas du tout à un autre. Là aussi, vous avez raison. Je reprends l’exemple du rhinocéros blanc. Au Rwanda, il n’en existe plus guère, alors qu’il en vit énormément en Afrique du Sud.

Il est bien évident que la Cites prend cette réalité en compte : si le rhinocéros blanc figure désormais dans l’annexe B, les critères de délivrance des permis de chasse prennent en compte les contextes locaux. Ainsi, au Rwanda, pas un rhinocéros blanc n’est « flingué », passez-moi l’expression, et la France ne délivre aucun permis d’aller tirer des rhinocéros blancs au Rwanda. Si de tels permis devaient être délivrés, ce serait uniquement pour l’Afrique du Sud.

L’analyse scientifique opérée par les organismes compétents permet, de cette manière, de prendre en compte l’évolution des espèces en fonction des territoires concernés.

Il existe donc une controverse. Votre message, madame Regol, est louable et clair. Je comprends et soutiens votre démarche. Grâce à votre proposition, nous espérons protéger un peu mieux 700 animaux en danger : ce sont des guépards, des éléphants, l’immense majorité des lions, les panthères, les tigres. Grâce à votre amendement, on ne pourra plus, en France, se voir délivrer de permis autorisant à tirer ces animaux et à les ramener sur notre sol.

Je pense qu’il faut faire confiance aux scientifiques et aux conservateurs, qui distinguent annexe B et annexe A, et s’en tenir à cette dernière afin d’éviter tout effet de bord. L’annexe B comprend en effet des loups, certains types de moutons, de pintades, des boas, des crocodiles, qui ne sauraient faire l’objet du même traitement et dont la classification n’a pas le même usage que celle des espèces de l’annexe A.

L’amendement CD24 tend à réécrire l’article unique afin qu’il ne fasse mention que de l’annexe A. Au vu de nos discussions je me rallie à l’amendement CD34, deuxième rectification, de Mme la rapporteure et retire le mien.

Néanmoins nous ne voterons l’amendement CD34, deuxième rectification, que si notre sous-amendement CD35 est adopté. Ce sous-amendement limite la portée de l’amendement de Mme la rapporteure, conformément à notre souhait initial.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Chaque annexe recense plusieurs centaines d’espèces. Toutes ne sont pas concernées par le texte, à l’exemple des espèces en danger critique d’extinction en Europe, en France ; or nous ne proposons de légiférer que sur l’importation, l’exportation ou la réexportation de trophées venus de pays tiers. Le nombre d’espèces de l’annexe A sur lesquelles porte notre travail est donc bien inférieur à 700 ; il ne porte également que sur quelques centaines d’espèces de l’annexe B.

Nous en sommes à la sixième extinction de masse des espèces. Donc, malheureusement, oui : plusieurs centaines d’espèces sont en danger critique d’extinction ou sont en voie de le devenir. Si le texte ne fait mention que de l’annexe A, cela reviendra à dire que nous n’aurons rien fait, que nous ne serons pas à la hauteur de nos engagements.

Je suis une femme de compromis. Pour cette raison, la proposition ne mentionne pas l’annexe C, sa nouvelle formulation fait figurer la définition des trophées de chasse et l’assise sur le fondement de laquelle nous apportons des changements au code de l’environnement a également été modifiée.

Dans une négociation entre parlementaires, deux parties font des efforts afin de s’accorder sur une solution qui soit bonne, non pour nous, mais pour la France. À ce stade de notre négociation, nous avons déjà admis des compromis s’agissant de ce qu’il est acceptable de faire subir à des espèces en voie de disparition.

La seule formulation équitable, qui rassure celles et ceux qui ont peur de ce que subiront les populations locales, qui craignent que des espèces ne disparaissent du fait des fusils français, la seule formulation, donc, qui soit capable de nous mettre partiellement d’accord, c’est celle que je vous propose dans l’amendement CD34, deuxième rectification.

Le passage du rhinocéros blanc de l’annexe A à l’annexe B répond aux questions posées sur l’impact de nos décisions. Oui, une espèce peut passer très rapidement d’une annexe critique à une annexe qui l’est moins ; l’inverse, en revanche, prend dix ans, car il faut du temps pour mesurer la pression qui s’exerce sur une population donnée. Or, dix ans, c’est peut-être le temps qu’il lui faudra pour disparaître.

C’est pourquoi je vous invite à rejeter le sous-amendement CD35, même si j’entends les interrogations de M. Cazeneuve et la crainte suscitée par le nombre d’espèces concernées.

Nous sommes confrontés à une question de responsabilité scientifique, compte tenu de la controverse que vous avez tous relevée. Mondialement, nous nous trouvons un peu démunis face à la disparition des espèces, car, je le répète, la sixième extinction de masse est en cours.

Chacun cherche des moyens d’agir. Vous pouvez être pour ou contre celui que je vous propose, mais il est étayé par plusieurs rapports scientifiques. En l’occurrence, nous nous appuyons sur la classification du comité français de l’UICN. Spécialiste en cette matière, il s’est prononcé sans réserve sur la version initiale de la proposition de loi, celle qui mentionne les trois annexes A, B et C du règlement européen.

Ouverte au compromis, je vous propose de nous en tenir aux seules annexes A et B, ce qui est donc, je le répète, en deçà de l’objectif soutenu par l’UICN. Il est difficile d’aller plus bas encore. Ôter l’annexe B du texte, c’est lui ôter toute opérabilité.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). En ce qui nous concerne, nous nous opposons tant au sous-amendement CD35 qu’à l’amendement CD34, deuxième rectification. La sixième extinction de la biodiversité à laquelle nous assistons se produit à un rythme supérieur, je le rappelle, à celui de l’extinction des dinosaures. Les grands mammifères sont particulièrement touchés.

La spécificité des extinctions en cours – qui n’est pas sans lien avec la question des trophées de chasse – est que 96 % d’entre elles sont dues à la présence humaine.

Les débats portant sur la suppression de la mention de l’annexe C, voire de l’annexe B, ont de mon point de vue quelque chose de lunaire, car nous savons que la sixième extinction de masse s’amplifiera du fait du changement climatique. De nombreuses espèces se trouvant dans l’annexe C basculeront donc dans l’annexe B ou dans l’annexe A. En outre, l’effondrement des effectifs d’une population animale est souvent si rapide qu’il échappe à toute prévision.

La question se poserait différemment avec des animaux dont se nourrissent les populations humaines ; mais nous parlons ici de trophées, et les trophées ne sont pas une nécessité mais un luxe. Il est absolument urgent d’en finir avec ces pratiques prédatrices.

De plus, nous n’interdisons pas les trophées eux-mêmes, mais leur seule importation, autrement dit la complicité de ces pratiques prédatrices : c’est ainsi que nous ferons évoluer les mentalités qui voient les grands animaux sauvages comme des trophées. L’interdiction étendue aux annexes A, B et C fait donc partie de la bataille que nous avons à mener pour les nouvelles générations. Il y a un espoir car la protection, quand elle est totale, fonctionne, comme l’illustre, entre autres, le cas des éléphants d’Afrique.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Au risque de vous étonner, le groupe Écologiste-NUPES n’est pas non plus favorable à la réécriture proposée, car nous sommes très attachés à la rédaction actuelle du texte, celle qui englobe les trois annexes.

Celles-ci ont en effet été créées en raison des différents stades de menace qui pèsent sur les espèces concernées. Une espèce passe d’une catégorie à une autre quand la menace qui pèse sur elle s’aggrave.

Ainsi, les espèces de l’annexe A ont beau se compter par centaines, elles n’en sont pas moins en danger critique d’extinction. Les espèces de l’annexe B sont menacées, celles de l’annexe C le sont aussi – certes un peu moins, mais, si l’on ne fait rien, elles finiront aussi par se trouver en danger critique d’extinction. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons conserver la rédaction actuelle.

Je dirai un mot sur le fait que cette rédaction concerne des centaines d’espèces, un fait dont on a tiré argument pour s’opposer à elle. Si la proposition porte sur des centaines d’espèces, cela tient à l’activité humaine qui les menace partout sur la planète. Nombreuses sont celles qui ont déjà disparu, à une vitesse inouïe, mille fois supérieure au rythme naturel de l’évolution. Cette responsabilité nous engage à agir en conséquence.

Le présent texte est un tout petit pas. Mais, si nous supprimons la mention de l’annexe B, il ne s’agira même plus d’un pas : nous resterons sur place.

Cela dit notre groupe, tout aussi discipliné que le groupe Renaissance, suivra l’avis de la rapporteure. Nous voterons donc l’amendement CD34, deuxième rectification, et rejetterons bien sûr le sous-amendement CD35.

L’amendement de la rapporteure n’en constitue pas moins un énorme recul par rapport à la proposition initiale, qui n’est elle-même qu’un tout petit pas puisque, rappelons‑le, elle ne concerne que l’importation et l’exportation des trophées de chasse.

M. Emmanuel Blairy (RN). Tout le monde est convaincu de l’importance de la protection des espèces, mais on peut diverger sur les moyens d’y parvenir.

J’en viens à la preuve par les chiffres. Une expérience a été réalisée au Zimbabwe, qui a démontré que la population de lions y était passée de 25 individus en 1999 à plus de 500 en 2012. La population d’éléphants, elle, est passée de 35 individus en 1997 à près de 750 en 2015. Nous parlions du rhinocéros blanc : sa population est passée de 2 000 individus en 1968 à près de 20 000 en 2015, en raison de la mise en place de quotas de chasse.

Partout dans le monde, lorsque l’on régule les populations animales, on les préserve du braconnage. On indiquait plus tôt que certaines espèces, dans certains territoires, sont menacées. C’est vrai : elles sont menacées parce qu’elles ne sont pas ou sont moins régulées.

Il en va ainsi au Mali et en Côte d’Ivoire. Dans ces pays, la régulation est parfois la seule manière de conférer aux États des moyens d’action. Sans régulation, sans trophées de chasse, l’État ne peut jouer aucun rôle ; d’où le braconnage. Ainsi, des terroristes islamistes ont tué des dizaines, voire des centaines d’animaux. À partir du moment où il n’existe pas de régulation, de protection, de garderie, de conservation d’une espèce, cette espèce disparaît. Les chiffres le démontrent, et ils sont têtus. Nous voterons contre les amendements en discussion.

M. Hubert Ott (Dem). J’aimerais comprendre l’intérêt qu’il y a à autoriser l’importation de trophées d’espèces qui, inscrites à l’annexe B, ne vont par définition pas très bien. Sans vouloir porter atteinte à la respectabilité de ceux qui voient quelque chose de sympathique dans le trophée de chasse, il est loisible de s’interroger : est-il encore défendable à notre époque, si sourcilleuse vis-à-vis d’un certain nombre de principes et prompte à la moralisation ?

Nous appelions certaines friandises, il n’y a pas si longtemps, des têtes-de-nègres. L’usage de ce terme a été interdit. La problématique que nous abordons aujourd'hui n’est-elle pas plus profonde que celle qui s’est nouée autour de ces pâtisseries ?

M. Pierre Cazeneuve (RE). Le Botswana, par exemple, a interdit la chasse aux trophées pendant un certain temps. Il en a résulté une hausse drastique du braconnage et une énorme pression sur les troupeaux d’éléphants.

Nous abordons ces questions d’un point de vue très ethnocentré, voire parisianocentré. Nous regardons les éléphants comme nous le montrent les documentaires, comme des animaux magnifiques – ce qu’ils sont, j’en suis d’accord. Mais, pour les Botswanais, un éléphant, c’est de la viande, du gibier ; un éléphant, ça pose un certain nombre de problèmes pour les infrastructures et les récoltes.

Nous touchons peut-être ici à la limite du capitalisme, mais la valeur économique que donne la chasse aux trophées à l’espèce considérée modifie le rapport des populations humaines avec elle et incite à la protéger, donc à combattre le braconnage ; d’où la controverse scientifique dont nous parlions. Nous ne sommes pas ici sur le terrain de la morale : nul ne soutient la chasse aux grands mammifères. Simplement, et pour la raison que je viens de dire, il est légitime que nous débattions du juste niveau d’interdiction de la chasse aux trophées.

Nous proposons d’en rester aux espèces exposées au plus grand danger. Encore une fois, ce n’est pas l’épaisseur du trait : ce sont les tigres, les panthères, les éléphants, une immense partie des lions, les rhinocéros noirs, etc.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Monsieur Cazeneuve, je n’ai pas du tout compris votre démonstration. À vous entendre, les populations du Botswana ne chasseraient plus les éléphants pour les manger dès lors qu’ils représentent des trophées de chasse ? Et si la chasse aux trophées est interdite, alors les éléphants seront chassés pour être mangés ? Il me semble que nous atteignons, avec votre raisonnement, l’extrême limite de la contorsion.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Je vais vous l’expliquer.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Vous vous êtes déjà longuement expliqué…

Je ne comprends pas bien en quoi l’on protège mieux des animaux quand il est permis de les tuer pour s’emparer de leurs têtes, de leurs peaux ou de je ne sais quelle autre partie de leur corps que quand il est interdit de transporter de tels trophées ou de les importer. L’argument me paraît d’autant plus tordu que, d’après les études citées par Mme la rapporteure, les revenus que rapporte la chasse aux trophées sont, dans les pays concernés, inférieurs au revenu moyen. Je ne crois donc pas que ces activités apportent quelque soutien que ce soit aux populations locales.

Encore une fois, nous prenons ici position, en notre qualité de législateur français, sur l’interdiction de l’importation, de l’exportation ou de la réexportation de trophées issus d’espèces en danger critique d’extinction ou menacées. Nous ne sommes pas en train de dire aux Botswanais ou aux Sud-Africains ce qu’ils doivent faire dans leur pays. Ce n’est pas notre rôle. Il est néanmoins de notre responsabilité d’interdire l’importation de trophées issus d’espèces qui pourraient disparaître dans les années à venir.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Les mêmes arguments pour et contre ont souvent été répétés, mais une question centrale résume notre débat : quel est l’intérêt de supprimer la mention de l’annexe B ? Pour le moment, je n’ai entendu aucun argument qui justifierait cette suppression. D’après les études scientifiques – y compris celles qui tendent à montrer que les trophées de chasse sont un moyen de protéger certaines espèces par la valeur qu’ils leur confèrent –, les espèces classées dans les annexes A et B sont en danger direct ou indirect, immédiat ou proche. Le périmètre de danger étant le même, les objections faites à une mention de l’annexe B peuvent aussi valoir contre une mention de l’annexe A. Même si je ne suis évidemment pas d’accord avec eux, je comprends fort bien que certains n’approuvent pas notre proposition de légiférer en cette matière ; mais arguer d’une différence entre l’annexe A et l’annexe B n’a guère de sens.

Au demeurant, d’autres études prouvent l’effet sur le braconnage de la variation à la hausse ou à la baisse des quotas, en Tanzanie et en Namibie. Chaque fois que le prix des trophées de chasse augmente, le braconnage augmente également. En effet, lorsque l’on spécule sur des espèces, on parvient à les préserver en raison de l’intérêt de certains – en particulier les éleveurs venus d’Europe pour développer les élevages concernés et vendre très cher la chasse qui les accompagne –, mais l’on rend aussi intéressante l’organisation de la chasse de ces bêtes, à des fins de survie ou de profit. Ceux qui l’organisent ne gagnent pas les énormes sommes de la chasse aux trophées, mais des sommes importantes tout de même, issues de la vente des parties ou de l’intégralité des dépouilles. C’est bien naturel : quand une activité devient extrêmement lucrative, elle attire évidemment les activités illicites, en l’occurrence le braconnage.

Il existe pourtant des activités licites permettant la protection des espèces. Le fonctionnement vertueux du système des parcs naturels, outils touristiques et sources de fierté locale, illustre la possibilité de protéger la nature et de développer l’économie d’un seul et même mouvement et de façon durable.

La fondation Jane Goodall, qui travaille sur les grands primates et aide des villages entiers à vivre mieux, a constaté que jamais aucun des quelque 150 villages qu’elle a aidés n’a regardé la chasse aux trophées comme un moyen de se faire de l’argent, de développer une activité économique ou de vivre mieux, pour ses habitants ou pour la nature. J’ai également cité des sondages montrant qu’en Afrique du Sud, le pays qui exporte le plus de trophées de chasse, la population considère que la suppression de cette pratique renforcerait l’attractivité et l’économie locales. Nous n’avons pas le pouvoir d’interdire ces exportations – seule l’Afrique du Sud peut le faire –, mais nous devons saisir l’occasion de stimuler l’économie touristique de ce grand pays. Le tourisme d’observation, qui prend la forme de safaris-photos où aucun animal n’est tué, est une activité durable permettant de développer d’autres marchés.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Avec quelques collègues de différents groupes, nous nous sommes réunis pour adopter une position commune et nous avons décidé, dans un esprit de compromis, de retirer à ce stade le sous-amendement CD35 et l’amendement CD24 visant à limiter le dispositif aux espèces inscrites à l’annexe A. Nous réitérons cependant nos inquiétudes et nos doutes légitimes quant à l’impact réel de la proposition de loi sur la préservation de la nature, a fortiori si l’on ajoute quelques centaines d’espèces dans son champ d’application. Nous continuerons de réfléchir, d’ici à la séance, à la meilleure façon d’encadrer cette disposition. Il conviendra de demander les études nécessaires afin de s’assurer que notre action ne s’avérera pas néfaste à la préservation des espèces.

M. Guy Bricout (LIOT). Mme la rapporteure a indiqué que la majorité de la population sud-africaine était opposée l’exportation des trophées. Pourquoi les pays concernés ne légifèrent-ils pas pour interdire cette pratique ? Ce serait beaucoup plus simple !

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je salue la décision de M. Cazeneuve, qui a beaucoup œuvré pour chercher un compromis avec Mme la rapporteure. Cependant, cette disposition mérite indéniablement une étude d’impact qui nous permette de comprendre parfaitement les enjeux attachés au choix de telle ou telle annexe.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Monsieur Cazeneuve, je vous remercie pour votre décision car il n’est jamais facile de retirer ses amendements. Je reste évidemment ouverte à toute discussion ou négociation jusqu’à l’examen du texte en séance, comme je l’ai été avant la tenue de cette réunion de commission. J’essaierai de retrouver les études qui étayent ma position – les plus récentes comme les plus anciennes, car il est parfois intéressant de voir comment les choses ont évolué.

Monsieur Bricout, le sondage que j’ai évoqué montre que la population sud-africaine pense que son pays serait plus attractif sans trophées de chasse. Je ne sais pas si elle demande l’interdiction de cette pratique et je ne connais pas les raisons politiques pour lesquelles une telle mesure n’est pas adoptée. Je ne peux pas non plus affirmer que cette activité se maintiendra quoi qu’il arrive en Afrique du Sud, parce que je ne travaille pas sur les relations bilatérales entre la France et ce pays et que je n’ai pas à m’ingérer dans ses affaires, n’étant pas sud-africaine. J’essaierai d’obtenir quelques informations supplémentaires sur le débat public autour de cette pratique dans ce pays – la question y est forcément discutée, sinon il n’existerait pas de sondages locaux, répétés année après année, qui montrent un accroissement du nombre de personnes pensant que leur pays irait mieux sans ces trophées.

Le sous-amendement CD35 et l’amendement CD24 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CD34, deuxième rectification.

En conséquence, l’article unique est ainsi rédigé et tous les autres amendements se rapportant à cet article tombent.

Article 2 (nouveau) : Interdiction de la promotion, de la publicité et de la propagande de la chasse des espèces protégées

Amendement CD36 de la rapporteure et sous-amendement CD37 de M. Pierre Cazeneuve

Mme Sandra Regol, rapporteure. J’ai déjà évoqué l’impact important de la publicité pour les trophées de chasse et de la promotion de cette pratique par les influenceurs sur internet. La rédaction actuelle de mon amendement, qui vise à appeler l’attention de tout un chacun sur la nécessité de prévenir le commerce des trophées de chasse en se souciant de l’image qui en est donnée, n’est pas tout à fait aboutie : elle a donc vocation à être améliorée. Nous proposons des sanctions très inférieures à celles qui punissent actuellement les infractions au code de l’environnement. Il s’agit d’une piste de travail. Compte tenu des études portant sur l’impact de la publicité et des influenceurs, un sujet dont nous avons eu l’occasion de débattre dans l’hémicycle, ce volet pénal me semble incontournable.

En pratique, les sanctions prévues en cas de non-respect de la législation relative à la publicité sont malheureusement très peu appliquées. Si nous voulons qu’elles le soient un minimum à l’encontre de ceux qui dépassent les bornes, et que la France envoie un message de fermeté contre la promotion de pratiques aboutissant à l’extinction de certaines espèces animales, nous devons adopter cet article additionnel visant à préciser les sanctions existantes.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Je retire mon sous-amendement, qui n’a plus lieu d’être compte tenu de la modification de l’article unique. Du reste, nous nous sommes engagés à rediscuter de toutes ces questions d’ici à l’examen en séance afin de clarifier le texte.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Si l’article unique porte sur les espèces inscrites aux annexes A et B, la disposition relative aux sanctions contre la publicité devra concerner les mêmes annexes. Il faudra donc, de toute façon, la retravailler, mais si nous voulons le faire sereinement, mieux vaut qu’elle figure déjà dans le texte qui sera examiné en séance.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement.

Titre

Amendements CD18 de M. Christophe Barthès et CD22 de M. Emmanuel Blairy

M. Emmanuel Blairy (RN). C’est sans conviction que je soutiens ces amendements d’appel, en cohérence avec la position que nous défendons depuis tout à l’heure.

Mme Sandra Regol, rapporteure. Je suis défavorable à ces deux amendements, qui reposent sur des positions qui ne rejoignent pas les miennes et ne correspondent pas aux dispositions de la proposition de loi, même modifiée.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


  1  

   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Union internationale pour la conservation de la nature en France

M. Sébastien Moncorps, directeur

Table ronde

– Fondation Droit animal, éthique et sciences *

Mme Nikita Bachelard, chargée d’affaires et des relations publiques

– Quatre Pattes

Mme Clémence Scialom-Ouard, chargée des programmes France

– Born Free Foundation

Mme Elodie Cantaloube, EU Policy officer

Table ronde

– Human Society International Europe

Mme Capucine Meyer, consultante chargée de la représentation d’intérêts et du plaidoyer

– Jane Goodall Institute

Mme Galitt Kenan, directrice

Mme Roxane Batt, co-responsable du pôle « Plaidoyer »

– Fondation Brigitte Bardot *

Mme Lorène Jacquet, responsable « Campagnes et plaidoyer »

Muséum national d’histoire naturelle

Mme Nirmala Seon-Massin, directrice de l’expertise du Muséum

M. Arnaud Horellou, chef d’équipe « Soutenabilité des prélèvements », responsable de l’autorité scientifique Cites France

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) « La chasse aux trophées en chiffres. Le rôle de l’Union européenne dans la chasse aux trophées à l’échelle mondiale », Humane Society International/Europe, 2021.

([2]) « Le regard des Français sur la chasse aux trophées », Ifop pour Humane Society International/Europe, juin 2023.

([3]) Règlement d’exécution (UE) n° 792/2012 de la Commission du 23 août 2012 établissant les règles relatives à la forme des permis, des certificats et autres documents prévus au règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce, et modifiant le règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission.

([4]) Réexportation : expédition vers un pays ou territoire hors Union européennes d’un spécimen précédemment importé dans l’Union européenne.

([5]) Le droit à la libre circulation des marchandises originaires des États membres et en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres constitue l’un des principes fondamentaux du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. À ce titre, les articles 34 et 35 du TFUE interdisent les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives. L’article 36 du traité permet toutefois aux États membres de prendre des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives sous réserve que celles-ci soient justifiées par des considérations non économiques à caractère général, notamment la moralité publique, l’ordre public ou la sécurité publique.

([6]) Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, considérants 9 et 10.

([7]) Décision du Conseil constitutionnel n° 81‑132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation.

([8]) Décision du Conseil constitutionnel n° 90‑283 DC du 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.