N° 2244

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

SUR LA PROPOSITION DE LOI

visant à flécher l’épargne non centralisée des livrets réglementés
vers les entreprises du secteur de la défense nationale (n° 2094)

par M. Christophe PLASSARD

Député

——

 

 

 

 Voir le numéro : 2094

 


 

SOMMAIRE

___

Page

Introduction

I. La nÉcessitÉ de soutenir les entreprises du secteur de la dÉfense, confrontÉes À des difficultÉs d’accÈs aux financements privÉs

A. L’industrie de dÉfense, indispensable À notre autonomie stratÉgique, face au dÉfi de l’Économie de guerre

1. La base industrielle et technologique de défense, un élément clé de notre autonomie stratégique

2. Dans un contexte de montée des menaces, l’industrie de défense doit pouvoir accroître rapidement sa production

B. le secteur de la dÉfense confrontÉ À des difficultÉs d’accÈs aux financements privÉs persistantes

1. Un accès contraint aux financements bancaires, notamment pour les petites et moyennes entreprises

2. Un risque d’exclusion du secteur de la défense des investissements considérés comme durables

3. La nécessité de trouver des solutions innovantes

II. mobiliser l’Épargne des français pour soutenir l’industrie de dÉfense

A. Un volume important d’Épargne disponible, qui peut permettre d’investir dans les secteurs stratÉgiques

B. Un consensus sur la possibilitÉ de mobiliser l’Épargne rÉglementÉe pour soutenir l’industrie de dÉfense

1. Une proposition bien accueillie au sein du secteur et largement reprise

2. Une disposition qui, par deux fois, a reçu l’assentiment du Parlement et du Gouvernement

C. Les critiques de la proposition sont infondÉes et peu convaincantes

1. L’orientation des ressources collectées via les livrets d’épargne existants est préférable à la création d’un nouveau livret

2. La proposition de loi n’enlève aucun financement au logement social, à la transition écologique ou à l’économie sociale et solidaire

3. Les ressources mobilisées ne financeront aucune activité illégale, ni en France ni à l’étranger

4. La nécessité de sensibiliser chaque citoyen aux enjeux de la défense nationale

Travaux de la commission

Discussion gÉnÉrale

Examen des articles

Article unique Autoriser l’utilisation des encours non centralisés des livrets d’épargne réglementée pour financer l’industrie de défense

Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

 

 

 


   Introduction

I.   La nÉcessitÉ de soutenir les entreprises du secteur de la dÉfense, confrontÉes À des difficultÉs d’accÈs aux financements privÉs

Bien qu’essentielles pour l’autonomie stratégique française et européenne, et plus encore dans un contexte de montée des tensions au niveau international, les entreprises de l’industrie de défense font de plus en plus face à des difficultés d’accès aux financements privés.

A.   L’industrie de dÉfense, indispensable À notre autonomie stratÉgique, face au dÉfi de l’Économie de guerre

Les difficultés d’accès au financement rencontrées par l’industrie de défense sont contradictoires avec la logique d’économie de guerre dans laquelle le président de la République a voulu faire entrer le pays.

1.   La base industrielle et technologique de défense, un élément clé de notre autonomie stratégique

Pour bâtir son modèle d’armée, la France a fait le choix de s’appuyer quasi exclusivement sur une industrie de défense nationale, capable de produire les équipements nécessaires à ses engagements opérationnels.

Cette base industrielle et technologique de défense (BITD) est un secteur clé de notre économie. Structurée autour d’une douzaine de grands donneurs d’ordre, elle regroupe plus de 4 000 petites et moyennes entreprises et génère plus de 200 000 emplois en majorité non délocalisables. Elle contribue positivement à la balance commerciale et constitue un puissant vecteur d’innovation. L’industrie de défense s’étend bien au-delà de la seule production d’armes. Elle englobe aussi la production de matériels dans les domaines de la protection, du renseignement, du numérique, du cyber, du spatial ou encore de l’intelligence artificielle. Les productions militaires bénéficient d’ailleurs souvent aux technologies civiles.

Surtout, la BITD est un élément clé de notre autonomie stratégique. Elle contribue à la qualité de l’équipement de nos forcées armées, à notre liberté d’approvisionnement et à la liberté d’emploi de nos matériels. Elle nous évite ainsi d’être en tout ou partie dépendants de fournisseurs extérieurs susceptibles de faire passer leurs intérêts avant les nôtres.

Soutenir la BITD est donc un besoin vital. La disparition ou le rachat par un concurrent étranger d’un seul sous-traitant peut entraîner une perte de compétences ou un manque de maîtrise sur certains composants susceptibles d’entraîner des blocages pour l’ensemble d’une chaîne de valeur. De la même manière, la capacité de nos entreprises à exporter leurs équipements est indispensable au maintien de notre modèle d’armée en ce que les exportations permettent de générer des économies d’échelle et ainsi de réduire le coût des matériels acquis par la France.

Les Français ont conscience du rôle joué par la BITD. Selon un sondage publié en juin 2021 ([1]), 64 % d’entre eux ont une bonne image de l’industrie de l’armement, 75 % s’accordent pour dire que l’industrie de défense est indispensable pour assurer l’indépendance et la souveraineté de la France et 80 % pour dire que cette industrie doit rester autonome en matière d’équipements de défense.

2.   Dans un contexte de montée des menaces, l’industrie de défense doit pouvoir accroître rapidement sa production

La BITD est d’autant plus indispensable dans un contexte de remontée des tensions au niveau international.

Si la résurgence des conflits de haute intensité était pressentie, l’actualité récente – le conflit du Haut-Karabakh, les tensions entre le Guyana et le Venezuela, l’attaque d’Israël par le Hamas, la montée en puissance de régimes militaires dans les pays du Sahel, l’affirmation croissante de la Chine en mer de Chine méridionale, la quête d’armes nucléaires par la Corée du Nord – nous montre que, pour certains États, la force est redevenue un mode de règlement des conflits. Un récent rapport de l’International institut for strategic studies décrit ainsi « un environnement sécuritaire fortement volatil » et annonce « ce qui sera probablement une décennie plus dangereuse, caractérisée par un recours marqué, par certains, à la puissance militaire pour faire valoir leurs revendications » ([2]).

Surtout, avec l’agression de l’Ukraine par la Russie, la guerre est de retour sur le sol européen, et l’éventualité d’un affrontement majeur n’est plus si hypothétique. La Russie investit massivement dans la production d’armes et de matériels : les dépenses militaires du pays augmenteront de 63 milliards d’euros en 2023 à 106 milliards d’euros en 2024 et atteindront 6 % du produit intérieur brut. L’armée russe pourrait rapidement retrouver le niveau d’équipement qui était le sien avant le début du conflit. Les dirigeants des pays d’Europe centrale et orientale communiquent d’ailleurs publiquement sur la nécessité de se préparer face à la menace russe sur le flanc Est de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Le risque d’un basculement des États-Unis vers le Pacifique et d’un désengagement américain de l’Europe est quant à lui bien réel.

Dans ce contexte, la France – comme ses alliés européens – doit suivre deux impératifs. D’une part, elle doit accélérer le renforcement de ses armées et l’équipement de ses forces, en renouvelant ses capacités, en retrouvant de la masse et en intégrant dans son spectre des moyens de lutte dans les nouveaux espaces de conflictualité. D’autre part, elle doit aussi soutenir l’Ukraine, en lui livrant autant de matériels et de munitions que possible pour son effort de résistance sur son sol. Ainsi que l’a récemment redit le Président de la République : « nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner, et nous ne devons pas le faire, car alors la sécurité même de l’Europe et de tout le voisinage russe serait remise en cause » ([3]) ; « notre devoir est de rendre [une victoire russe] impossible » ([4]).

C’est en réaction à l’évolution du contexte stratégique que le Président de la République, le 13 juin 2022, a appelé l’industrie de la défense à entrer en économie de guerre ([5]), pour être en capacité de produire plus et plus vite de façon soutenable. Dans son rapport d’information réalisé en prévision de l’examen de la loi de programmation militaire ([6]) et dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2024 ([7]), le rapporteur avait mis en évidence les premiers résultats de cette économie de guerre, en termes d’accélération des cadences de production, de relocalisation de productions stratégiques ainsi que de simplification de l’expression des besoins des armées.

Récemment, le Président de la République a rappelé que les progrès observés tardent encore à se généraliser : certaines entreprises « ont pris des risques […], que ce soient des grands groupes internationaux qui ont su se remettre en cause, mais aussi et souvent les startups, les PME, ce sont celles qui sont en capacité de répondre à des besoins urgents pour nos armées, pour l’Ukraine ou pour d’autres pays partenaires. C’est bon pour la sécurité collective, c’est bon pour le développement de nos entreprises. D’autres ont tardé à comprendre le changement de contexte stratégique, l’importance de pouvoir livrer vite. Elles ont, depuis un an et demi, manqué parfois des contrats et je le regrette » ([8]).

Il est donc attendu des entreprises de la BITD, grandes ou petites, qu’elles augmentent leurs volumes de production, qu’elles réduisent leurs délais de production, qu’elles gagnent à la fois en innovation et en rusticité, lorsque cela est nécessaire, et qu’elles prennent davantage de risques en investissant sur leurs fonds propres et en commençant à produire sans attendre des contrats fermes. Dans le même temps, elles sont aussi confrontées à des concurrents aux intérêts divergents, qu’ils soient américains, européens ou nouveaux arrivants sur le marché (Corée du Sud, Turquie).

Dans ce contexte, le financement de la BITD est un enjeu majeur. Les entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense ne seront en mesure de produire davantage, plus rapidement, et dans la durée, que si elles disposent de financements solides.

B.   le secteur de la dÉfense confrontÉ À des difficultÉs d’accÈs aux financements privÉs persistantes

Face à la réticence croissante des établissements bancaires et financiers à soutenir le secteur de la défense, ce dernier fait face à un réel risque de sous-investissement.

1.   Un accès contraint aux financements bancaires, notamment pour les petites et moyennes entreprises

À la suite du cri d’alarme des industriels du secteur de la défense en 2020, le rapport de Françoise Ballet-Blu et Jean-Louis Thiériot de 2021 ([9]) avait pour la première fois mis en évidence une « frilosité » croissante de certains réseaux bancaires vis-à-vis du secteur de la défense. En début d’année dernière, le rapport d’information sur l’économie de guerre de votre rapporteur ([10]) avait montré que la plupart des constats dressés deux ans plus tôt demeuraient valables.

Pourtant, selon les représentants du secteur bancaire, les banques n’auraient aucune réticence à financer la défense. Les difficultés remontées tiendraient avant tout à la fragilité économique des entreprises concernées, à des problèmes conjoncturels et en tout état de cause à des cas particuliers qu’il serait impossible de généraliser. Ces considérations peuvent notamment jouer pour les entreprises de la filière terrestre, moins structurée que les filières aéronautique ou navale, soumis à une concurrence plus forte et donc présentant parfois moins de garanties.

Il n’en demeure pas moins que les spécificités du secteur de la défense – des cycles industriels plus longs que la moyenne, une dépendance vis-à-vis de la commande publique, un encadrement des ventes par l’État – n’en font pas une cible privilégiée par les investisseurs. Surtout, la complexité de la réglementation française et européenne combinée à une prudence croissante des banques vis-à-vis de tout risque de non-conformité tend à peser sur la capacité des entreprises de la BITD, notamment petites et moyennes, à obtenir des financements.

De premières avancées ont été récemment obtenues. Des référents défense ont été mis en place au sein des principaux réseaux bancaires, en lien avec un médiateur placé au sein de la direction générale de l’armement (DGA), auxquels les entreprises ont désormais la possibilité de s’adresser en cas de difficulté. Selon les informations transmises au rapporteur, le nombre de demandes remontées est jusqu’ici resté faible ; cela est en contradiction avec les échos qu’il a pu avoir du terrain, ce qui pose la question de l’accessibilité des référents pour les petites et moyennes entreprises.

Par ailleurs, des séminaires ont été organisés par l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) afin de permettre aux représentants du secteur bancaire et du secteur de la défense de partager leurs expériences et leurs contraintes, de converger vers des constats communs et de trouver des solutions ensemble. Si la première édition, en 2022, avait connu un certain succès, il semble là encore que ce format ne soit jusqu’ici pas parvenu à toucher les plus petites entreprises de l’industrie de défense.

Quant au faible nombre de cas qui remontent, force est de constater que la majorité des problèmes rencontrés par les petites et moyennes entreprises de la BITD ne donnent pas lieu à un signalement en bonne et due forme. Les raisons en sont diverses : certains refus de financement sont opposés avant même qu’un dossier ne soit ouvert, ce qui empêche toute remontée du problème. Dans certains cas, des solutions de contournement sont trouvées, parfois auprès de banques étrangères. En tout état de cause, aucun dirigeant d’entreprise n’a intérêt à attirer l’attention sur ses difficultés ou à entretenir de mauvaises relations avec son banquier.

2.   Un risque d’exclusion du secteur de la défense des investissements considérés comme durables

Les difficultés rencontrées par les entreprises du secteur de la défense pour accéder aux financements bancaires se doublent d’une tendance croissante des institutions financières à tenir compte de critères éthiques – souvent rassemblés sous le vocable générique de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) – dans leurs décisions d’investissement.

Si l’on peut comprendre et même soutenir ce mouvement vers une finance plus durable, il est en revanche plus difficile d’admettre que le secteur de la défense soit par principe exclu des investissements jugés acceptables. Pourtant, certains fonds d’investissement tendent à s’interdire toute participation dans des entreprises qui exercent tout ou partie de leur activité dans le secteur de la défense. Les institutions européennes elles-mêmes, dans le cadre des projets de « taxonomie verte » ([11]), de « taxonomie sociale » et d’« écolabel européen » ([12]), ont un temps eu pour projet d’exclure la défense des investissements considérés comme durables.

La défense est une condition de la durabilité de nos sociétés : il ne peut y avoir de transition écologique ou de garantie des droits et libertés si notre sécurité n’est pas garantie. En outre, la France, qui possède une doctrine militaire défensive – est-il besoin de le rappeler ? –, est exemplaire dans la façon dont elle gère la production et l’exportation de matériels : aucune entreprise française ne peut produire ou vendre des équipements militaires qui ne seraient pas autorisés par l’État dans le cadre des conventions internationales qu’il a souverainement ratifiées.

Il faut cesser d’être naïfs face à de tels projets d’exclusion, souvent soutenus par des organisations non gouvernementales aux financements plus ou moins transparents. Il peut y avoir, derrière les discours bienpensants contre la guerre et la vente d’armes – et malgré toute la bonne volonté des militants qui le plus souvent ne font que défendre leurs convictions personnelles – des stratégies d’influence menées par nos compétiteurs, qui ne cherchent qu’à affaiblir, sinon nos armées, du moins notre industrie de défense. Force est d’ailleurs de constater que la finance durable et le désinvestissement du secteur de la défense susceptible d’en résulter concernent exclusivement les pays européens, et ces derniers semblent être les seuls à ne pas s’en rendre compte.

3.   La nécessité de trouver des solutions innovantes

Afin de tenir compte des difficultés d’accès aux financements rencontrées par les entreprises de la BITD, le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour la période 2024-2030 rappelle que « [l]a vigueur de notre BITD dépend de la capacité de financement des entreprises qui la composent » et appelle à éviter toute exclusion de la défense de la finance durable : « [l]a BITD française comme européenne doit pouvoir bénéficier d’outils de financement favorables, y compris dans le contexte du développement de la finance durable. Ainsi, les futures normes en matière de taxonomie, d’écolabel ou de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ne doivent pas décourager l’investissement dans les entreprises de l’industrie de défense. À cet égard, une vigilance particulière devra être maintenue sur les projets de textes, notamment européens, qui pourraient avoir pour effet un durcissement des conditions d’accès des entreprises de la BITD aux financements et investissements. De même, les études d’impact des projets de loi pourront comprendre, lorsque cela s’avère justifié, une analyse des éventuelles conséquences sur le secteur de la défense ».

La défense des intérêts de l’industrie de défense doit également se faire auprès des institutions européennes, où les risques d’exclusion sont les plus grands : « Les instruments européens destinés au financement de projets dans le domaine de la défense devront prioritairement s’adresser aux entreprises de la BITD européenne. En cohérence avec la volonté d’autonomie stratégique, une évolution de la politique de la Banque européenne d’investissement lui permettant d’investir dans le secteur de la défense sera recherchée en intégrant dans le champ du financement les munitions et les armes ainsi que les équipements ou les infrastructures ». À cet égard, l’engagement des ministres de la défense des États membres de l’Union européenne pour une réorientation des fonds des investisseurs privés vers les actifs du secteur de la défense et une plus grande implication de la Banque européenne d’investissement dans les investissements en matière de défense est assurément un pas dans la bonne direction.

Dans son rapport d’information sur l’économie de guerre, le rapporteur a par ailleurs esquissé plusieurs propositions – complémentaires – visant à réorienter l’épargne privée vers l’industrie de défense, comme la création d’un label financier pour les entreprises stratégiques, la création d’un fonds de fonds spécifique, le renforcement des garanties par l’État aux entreprises de la BITD ou encore la mobilisation de l’épargne des particuliers vers le secteur de la défense. La proposition de loi sur laquelle porte le présent rapport est l’aboutissement de cette dernière recommandation.

II.   mobiliser l’Épargne des français pour soutenir l’industrie de dÉfense

La proposition de loi portée par le rapporteur vise à profiter de l’important volume d’épargne disponible en France pour soutenir la base industrielle et technologique de défense.

A.   Un volume important d’Épargne disponible, qui peut permettre d’investir dans les secteurs stratÉgiques

La France est l’un des pays où le niveau de l’épargne est le plus élevé. Selon les plus récents chiffres publiés par la Banque de France, qui concernent le deuxième trimestre de l’année 2023 ([13]) :

– le taux d’épargne des ménages s’élève à 17,7 % du revenu disponible brut. Ce taux est systématiquement au-dessus de 15 % et a même atteint 25 % lors de la crise liée à l’épidémie de covid‑19 ;

– le patrimoine financier (hors immobilier) des particuliers atteint 6 111,6 milliards d’euros, dont 3 693,5 milliards d’euros d’encours de produits de taux (numéraire et dépôts à vue, dépôts bancaires rémunérés, assurance-vie en euros, épargne retraite) et 2 351,2 milliards d’euros d’encours de produits de fonds propres (actions cotées ou non cotées, assurance-vie en unités de compte) ; à titre de comparaison, on peut rappeler qu’à la même date le montant de la dette publique s’élève à 3 046,9 milliards d’euros ([14]) ;

– au sein de ce patrimoine financier, l’encours des produits d’épargne réglementée des ménages (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne solidaire, plan épargne logement) représente 915 milliards d’euros.

Les derniers chiffres publiés par la Caisse des dépôts et consignations ([15]) confirment que la collecte sur le livret A et le livret de développement durable et solidaire demeure très dynamique. Au 31 décembre 2023, l’encours de ces deux livrets atteint 564,9 milliards d’euros. Il est de 11 % supérieur à son niveau de fin 2022 et en augmentation quasi constante depuis quinze ans.

Évolution de l’encours du livret A
et du livret de dÉveloppement durable et solidaire

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances d’après les données de la Caisse des dépôts et consignations.

L’épargne des livrets réglementés est et doit demeurer un placement liquide, susceptible de faire l’objet d’un retrait par chaque épargnant à tout moment. Il n’en demeure pas moins que, dans un contexte de fort endettement public et de contrainte sur le budget de l’État, l’épargne des ménages peut être mise à profit, tant qu’elle demeure placée, pour investir dans l’économie réelle et pour soutenir les secteurs les plus stratégiques. Cela est déjà en partie le cas.

En l’état actuel du droit, environ 60 % des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire sont centralisés dans le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Ces ressources sont utilisées par la Caisse principalement pour financer le logement social, mais aussi pour financer la politique de la ville ou encore des projets d’infrastructures menés par le secteur public local ([16]).

Les encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations demeurent au sein des établissements bancaires qui les collectent, mais ne sont employés qu’à des fins précises ([17]) :

– pour le financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, à hauteur de 80 % ;

– pour le financement de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique, à hauteur de 10 % ;

– pour le financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire, à hauteur de 5 %.

Compte tenu du volume d’épargne disponible et de sa croissance dynamique, des propositions ont été faites pour renforcer la lutte contre le réchauffement climatique en relançant l’industrie du nucléaire. La proposition de loi sur laquelle porte le présent rapport s’inscrit dans le même esprit en proposant d’orienter une partie des encours des livrets réglementés vers les entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense. Il ne s’agit bien évidemment pas de modifier la part des encours devant déjà revenir à la transition écologique ou à l’économie sociale et solidaire, qui demeurera inchangée.

B.   Un consensus sur la possibilitÉ de mobiliser l’Épargne rÉglementÉe pour soutenir l’industrie de dÉfense

Soutenue par un grand nombre d’acteurs du secteur de la défense, la réorientation d’une partie de l’épargne réglementée vers la BITD a par deux fois reçu l’assentiment du législateur, mais n’a pu aboutir pour des raisons de procédure.

1.   Une proposition bien accueillie au sein du secteur et largement reprise

L’idée de mobiliser l’épargne des Français pour contribuer au financement de l’industrie de défense était l’une des principales propositions du rapporteur dans son rapport d’information sur l’économie de guerre. Il y envisageait alors les deux alternatives suivantes : orienter une partie des ressources du livret A et du livret de développement durable et solidaire vers l’industrie de défense ou créer un produit d’épargne spécifique au secteur de la défense (livret réglementé, plan d’épargne « défense »).

Au cours des discussions qu’il a pu avoir avec divers représentants du secteur de la défense, durant et après sa mission, le rapporteur a pu constater que cette proposition était vue d’un bon œil par bon nombre d’acteurs, tant industriels que financiers, comme un moyen de consolider les financements des entreprises de la BITD mais aussi comme un signal positif envoyé aux établissements bancaires et aux sociétés de gestion d’actifs financiers.

Elle a également été largement reprise et débattue lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030. Dans un rapport d’information sur l’industrie de défense ([18]), les sénateurs Pascal Allizard et Yannick Vaugrenard ont notamment proposé d’« envisager la création d’un livret réglementé destiné au financement des entreprises de la BITD ».

2.   Une disposition qui, par deux fois, a reçu l’assentiment du Parlement et du Gouvernement

Cette proposition s’est d’abord concrétisée lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030. Si elle n’a pu être introduite dans le texte à l’Assemblée nationale, l’article 45 de la Constitution empêchant la discussion d’amendements ne présentant pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initialement déposé, elle a néanmoins fait l’objet de débats, notamment lors de l’examen du rapport annexé. Dans le texte adopté en première lecture par le Sénat, un article ([19]), introduit sur proposition de MM. Cambon, Allizard et Vaugrenard, proposait la création d’un « livret d’épargne souveraineté ». Dans le texte adopté par la commission mixte paritaire, ayant fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ce même article autorisait finalement l’utilisation des encours non centralisés du livret A et du livret de développement durable et solidaire pour financer l’industrie de défense. Cet article a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel, pour la raison précitée.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, la proposition a fait l’objet d’un nouvel amendement, déposé par le rapporteur, aux côtés de M. Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, ainsi que de M. Jean-Louis Thiériot, reprenant l’idée d’un fléchage des encours non centralisés des livrets réglementés vers les entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense. En première lecture, cet amendement a été repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité et a fait l’objet d’un vote conforme du Sénat. La disposition ([20]) a néanmoins été une nouvelle fois censurée par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elle ne relevait pas du domaine des lois de finances.

Il n’en demeure pas moins que la mobilisation de l’épargne réglementée au profit de l’industrie de défense a, par deux fois, reçu le soutien non seulement de l’Assemblée nationale et du Sénat mais aussi du Gouvernement ([21]). C’est pourquoi le rapporteur, aux côtés de MM. Gassilloud et Thiériot et des autres signataires, a déposé une proposition de loi spécifique, permettant ainsi d’éviter tout risque de censure par le Conseil constitutionnel pour des questions de procédure. C’est la version adoptée dans la loi de programmation militaire et dans la loi de finances pour 2024 qui est ainsi proposée : autoriser l’utilisation des encours non centralisés du livret A et du livret de développement durable et solidaire pour le « financement des entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense ».

Une proposition de loi similaire a été déposée au Sénat, dont la discussion est prévue prochainement, ce qui confirme le consensus autour de la mesure. Cela incite d’autant plus à une adoption rapide.

C.   Les critiques de la proposition sont infondÉes et peu convaincantes

Nombre de critiques soulevées à l’encontre de la mobilisation de l’épargne réglementée vers l’industrie de défense sont erronées. Le débat sur cette proposition de loi doit permettre de mieux informer le public sur les enjeux de la défense.

1.   L’orientation des ressources collectées via les livrets d’épargne existants est préférable à la création d’un nouveau livret

Si la création d’un nouveau livret d’épargne réglementée spécifique au secteur de la défense ou aux entreprises dites « stratégiques » ou « de souveraineté » était bien l’idée initiale du rapporteur, elle semble néanmoins devoir être écartée.

Le rapporteur note que la Fédération bancaire française elle-même y est opposée. Selon elle, la création d’un nouvel outil financier, sa distribution et sa promotion par les établissements bancaires est susceptible de prendre plusieurs années, ce qui ne permettrait pas de produire des effets rapides.

Surtout, la multiplication des livrets d’épargne réglementée n’est pas souhaitable, tant en termes de lisibilité pour les épargnants que de mutualisation des investissements ; en cloisonnant les ressources, on diminuerait les synergies et donc les rendements qu’il est aujourd’hui possible de dégager.

Enfin, un livret spécifique au secteur de la défense pourrait créer des effets d’éviction ou attirer l’attention sur des activités qui doivent rester confidentielles.

C’est pourquoi la proposition de loi va dans le sens d’une réorientation des ressources collectées via les livrets d’épargne réglementée existants.

2.   La proposition de loi n’enlève aucun financement au logement social, à la transition écologique ou à l’économie sociale et solidaire

Selon les opposants à la proposition de loi, la mesure viendrait détourner au profit de l’industrie de défense des ressources aujourd’hui utilisées pour financer le logement social. Cette critique est infondée. Seuls les encours centralisés par la Caisse des dépôts et consignations servent à financer le logement social. Or la proposition de loi porte sur les encours non centralisés, qui demeurent au sein des établissements bancaires et qui ne financent pas le logement social.

Si les encours non centralisés sont, eux, bien utilisés pour financer la transition écologique, à hauteur de 10 %, et l’économie sociale et solidaire, à hauteur de 5 %, il n’est pas question de modifier ces affectations : pas un euro ne doit être enlevé à ces politiques publiques qui sont elles aussi des priorités majeures. La proposition de loi vise uniquement à réorienter une partie des 80 % servant à financer les petites et moyennes entreprises, afin d’imposer que, parmi elles, figurent des entreprises du secteur de la défense.

Le rapporteur souligne que, dans les faits, cette réorientation vers les entreprises de la défense ne se ferait pas non plus au détriment des petites et moyennes entreprises déjà financées via les fonds des livrets réglementés : les encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire ne cessent d’augmenter d’année en année – 55 milliards d’euros supplémentaires rien qu’en 2023 – et il suffirait d’utiliser une partie des surplus de collecte pour en faire bénéficier l’industrie de défense.

3.   Les ressources mobilisées ne financeront aucune activité illégale, ni en France ni à l’étranger

Une autre crainte repose sur l’idée que les ressources des livrets réglementés pourraient être utilisées pour financer des activités illégales, alimenter des situations de guerre ou profiter à des pays qui ne respectent pas les droits de l’Homme.

Là encore, cette crainte est infondée. D’abord, il s’agit bien de financer des équipements de défense, et non d’attaque, pour nous permettre de nous protéger, de connaître nos adversaires, d’anticiper et de prévenir les menaces, de dissuader nos ennemis de nous attaquer ou d’attaquer nos alliés. Comment pourrions-nous livrer des moyens de défense à l’Ukraine ou à l’Arménie si nous ne nous donnions pas les moyens d’en produire ?

Surtout, la France dispose en la matière d’un cadre juridique solide et éprouvé. L’article L. 2335-2 du code de la défense prévoit que « l’exportation sans autorisation préalable de matériels de guerre et matériels assimilés vers des États non-membres de l’Union européenne [...] est prohibée ». La production et l’exportation de matériels de guerre sont donc interdites par principe et ne sont autorisées que par exception, au cas par cas, avec des contrôles stricts.

Notre pays a notamment choisi de ratifier des conventions internationales que tous ses alliés ou partenaires n’ont pas signées. Y est notamment interdite la production de mines antipersonnel (convention d’Ottawa de 1997), d’armes à sous-munitions (convention d’Oslo de 2008), d’armes chimiques (convention de 1993) ou encore d’armes biologiques (convention de 1972). Une entreprise qui produirait ce type d’armements sur le territoire national tomberait immédiatement sous le coup de la loi ; elle ne pourrait donc pas bénéficier de fonds provenant de l’épargne réglementée.

En outre, le contrôle des exportations d’armement est très structuré. Sous l’autorité du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la Commission interministérielle pour l’exportation des matériels de guerre (CIEEMG) instruit les demandes d’autorisation d’exportation et émet un avis préalable à la délivrance d’une licence d’exportation, en tenant compte de la situation intérieure du pays de destination finale et de ses pratiques en matière de respect des droits de l’Homme, des conséquences de l’exportation pour la paix et la sécurité dans la région concernée ainsi que du risque de détournement.

En pratique, nos règles et procédures assurent un haut niveau de contrôle sur les équipements exportés. Beaucoup de précautions sont prises. Une grande sévérité est imposée aux industriels. En 2023, la Cour des comptes estimait que l’organisation du soutien à l’exportation de matériel militaire était « globalement satisfaisante » et que le contrôle était « rigoureux » ([22]). À titre d’illustration, la France s’interdit d’exporter des armes de poing, ce que ne font pas l’ensemble de nos alliés, y compris européens ; or les armes de poing sont bien plus facilement détournées de leur usage souhaité que des équipements plus sophistiqués.

4.   La nécessité de sensibiliser chaque citoyen aux enjeux de la défense nationale

En définitive, la proposition de loi a également une portée symbolique, qu’il ne faut pas nier, ni négliger. C’est le principe selon lequel les institutions financières doivent financer la défense lui-même qui y est défendu. Il ne s’agit pas de viser en particulier les établissements bancaires ; au contraire, la mesure est destinée à les aider : ce n’est plus leur responsabilité qui sera engagée si le législateur lui-même leur demande de financer la défense. Partant, ce même signal sera également envoyé aux sociétés de gestion d’actifs financiers.

Enfin, mobiliser l’épargne réglementée doit aussi permettre de toucher chaque épargnant, chaque citoyen, pour lui faire prendre conscience que le monde a changé, que nos valeurs et nos modes de vie doivent être protégés, que nos ennemis doivent être dissuadés de nous attaquer ou d’attaquer nos alliés. À ce titre, investir dans notre défense est tout aussi honorable que financer le logement social, la transition écologique ou l’économie sociale et solidaire.

 


RÉpartition des ressources du livret A et du livret de dÉveloppement durable et solidaire
(ordres de grandeur)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Industrie de défense         /

1 % ~ 2 Md€                    /

2 % ~ 4 Md€                    /

- - - - - - - - - - - - - -           5 % ~ 10 Md€                  /

       /

Source : commission des finances d’après le total des encours arrêté au 31 décembre 2023 et, s’agissant des fonds centralisés, les données transmises par la Caisse des dépôts et consignations.

Ces estimations n’incluent pas les encours du livret d’épargne populaire (encours total de 71,9 milliards d’euros au 31 décembre 2023, dont 50 % sont centralisés), ni les fonds propres et autres ressources du Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations (41,3 milliards d’euros au 31 décembre 2022).


   Travaux de la commission

   Discussion gÉnÉrale

Au cours de sa réunion du mercredi 28 février, au matin, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à flécher l’épargne non centralisée des livrets réglementés vers les entreprises du secteur de la défense nationale (n° 2094) – (M. Christophe Plassard, rapporteur).

M. le président Éric Coquerel. Nous nous retrouvons après une semaine de suspension marquée par une actualité qui intéresse directement notre commission : la publication d’un décret d’annulation de 10 milliards d’euros de crédits pour le budget 2024. Nous recevrons la semaine prochaine, à la demande de M. le rapporteur général et de moi-même, les ministres concernés : ce sera l’occasion de leur adresser les questions que nous sommes plusieurs à nous poser sur la nécessité d’un PLFR – projet de loi de finances rectificative.

Une seule remarque : l’article 14 de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, indique qu’« avant sa publication, tout décret d’annulation est transmis pour information aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées ». J’ai donc été informé en recevant par porteur, à zéro heure vingt-huit dans la nuit du mercredi au jeudi, les décrets qui sont parus à deux heures du matin au Journal officiel. J’estime donc que le Gouvernement a trahi au moins l’esprit du texte. Je l’ai dit hier à la conférence des présidents, et je tenais à le redire devant vous.

Nous en venons maintenant à l’ordre du jour.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Bien qu’essentielles à l’autonomie stratégique française et européenne, les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) font toujours face à des difficultés d’accès aux financements privés, et ce malgré le bouleversement géostratégique survenu il y a deux ans avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, comme l’ont démontré plusieurs travaux parlementaires issus de tous bords politiques.

La BITD est pourtant un secteur clé, non seulement de notre modèle d’armée, mais aussi de notre économie : structurée autour d’une douzaine de donneurs d’ordres majeurs, elle regroupe plus de 4 000 PME (petites et moyennes entreprises) et génère plus de 240 000 emplois sur notre territoire. Il est donc vital de soutenir notre BITD : la disparition ou le rachat par un concurrent étranger d’un seul sous-traitant peut entraîner une perte de compétences ou une perte de maîtrise de certains composants essentiels à nos armées. Les Français sont bien conscients de ces enjeux, puisque 75 % d’entre eux s’accordent à dire que la BITD est indispensable à notre indépendance et à notre souveraineté. C’est pourquoi le rapport que j’avais présenté en avril dernier, en prévision des travaux sur la loi de programmation militaire (LPM), préconisait de mobiliser l’épargne des Français, au moyen notamment de la création d’un livret spécifique.

Cette préconisation a été suivie par l’adoption d’amendements à la LPM, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel qui a jugé qu’elle ne relevait pas de la LPM. Avec MM. Thomas Gassilloud et Jean-Louis Thiériot, nous l’avons donc reproposée sous la forme d’un amendement au projet de loi de finances pour 2024, amendement repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Mais, une nouvelle fois, le Conseil constitutionnel, sans se prononcer sur le fond, a censuré cette disposition en jugeant qu’elle ne relevait pas du domaine de la loi de finances et en nous invitant à déposer la mesure dans un texte spécifique. C’est chose faite, et je suis heureux de constater que cette mesure défendue par l’Assemblée nationale l’est aussi tant par le Gouvernement que par le Sénat, qui a déposé un texte similaire en l’inscrivant à son ordre du jour le 5 mars prochain.

Le présent texte vise donc à orienter les fonds non centralisés des livrets réglementés vers l’industrie de défense française. Je souhaite, à titre liminaire et afin d’éclairer nos débats, préciser à nouveau certains points.

Tout d’abord, comme son nom l’indique, notre industrie de défense, comme notre doctrine, est défensive. Il n’y a pas besoin d’être sémiologue ou diplômé de l’École normale supérieure pour le comprendre. Il est totalement erroné de dire que l’on financerait par notre proposition l’industrie de l’armement ou l’industrie de la guerre.

Certes, notre BITD comporte des entreprises produisant du matériel militaire, utilisé essentiellement à des fins défensives et avec un agrément gouvernemental, mais il s’agit aussi et surtout d’investir dans les nouveaux champs de la défense, tels que le renseignement, la protection, la cyberdéfense. Ces entreprises touchent également à l’industrie et aux technologies civiles. N’oublions pas que l’internet ou le GPS sont d’abord nés de l’industrie militaire avant de révolutionner nos vies civiles.

Cette proposition de loi ne saurait en aucun cas permettre le financement d’activités militaires illégales. La production et l’exportation de matériel militaire sont interdites par principe en France et ne sont autorisées que par exception, au cas par cas, avec un agrément empêchant toute production d’armes prohibées par les conventions internationales ratifiées par la France. Quant à l’exportation, elle n’est possible qu’après un haut niveau de contrôle par la commission interministérielle pour l’exportation des matériels de guerre (CIEEMG), s’assurant que la situation intérieure du destinataire final garantit le respect des droits de l’Homme, la sécurité de la région, et prévienne le risque de détournement.

La défense est une des conditions premières de la durabilité de nos sociétés démocratiques. On le voit partout dans le monde : les régimes autoritaires reprennent de la vigueur et n’hésitent plus à agir dans le mépris du droit international. Si notre sécurité n’est pas garantie par une politique de défense soutenue par une BITD souveraine, si nous ne dissuadons pas nos adversaires de nous attaquer, il ne pourra y avoir ni développement durable, ni même de politique de logement social.

Sur ce dernier point, je tiens à rassurer ceux qui s’inquiètent de ce que cette proposition de loi détournerait les fonds du livret A et du LDDS, le livret de développement durable et solidaire. Elle ne touche absolument pas au logement social. Le logement social est en effet financé par la Caisse des dépôts et consignations au moyen des fonds centralisés et isolés, lesquels représentent 60 % des 564 milliards d’euros d’encours des livrets. Cette proposition de loi ne concerne que les fonds non centralisés, soit les 40 % qui restent à la main des banques.

Dans ces fonds non centralisés, cette proposition ne touche pas non plus à la transition écologique ou à l’économie sociale et solidaire (ESS). Les fonds non centralisés sont déjà fléchés : 10 % sont dédiés à la transition écologique, 5 % à l’économie sociale et solidaire (ESS) et 5 % sont laissés à la pleine et entière disposition des banques. La proposition concerne donc les 80 % restant, qui sont fléchés vers les PME et dont le choix est laissé à la discrétion des banques : elles peuvent ainsi financer des PME étrangères et de n’importe quel secteur – y compris la malbouffe et les activités polluantes.

L’objectif de cette proposition de loi est de garantir qu’une partie de cet argent bénéficie aux PME de l’industrie française de défense. C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis favorable aux amendements qui iront dans ce sens, en ciblant la taille des entreprises ou leur situation géographique.

L’encours du livret A et celui du LDDS ont par ailleurs considérablement augmenté ces quinze dernières années. Ils ont gagné, rien qu’en 2023, 55 milliards d’euros. Nous n’enlèverons rien à ce qui est déjà utilisé, mais orienterons les surplus de collecte.

Enfin, cette proposition de loi aura pour effet d’envoyer un message fort aux investisseurs : oui, la France soutient son industrie de souveraineté. Nous ne laisserons pas tomber les établissements qui font face à des pressions extérieures visant à nous déstabiliser. L’Europe et le modèle démocratique sont à la croisée des chemins. Il est nécessaire d’assurer notre défense et cela passe par des mesures tant financières que symboliques.

M. le président Éric Coquerel. Je continue à considérer qu’il ne faut pas toucher au livret A, qui doit être réservé au financement du logement social et de ce qui relève de l’intérêt général, comme la transition écologique. Votre proposition de loi remet cela en question, contrairement à ce que vous affirmez.

Vous la motivez en invoquant les difficultés de financement rencontrées par les entreprises d’armement ; mais le vrai problème, c’est la souveraineté de notre industrie d’armement, qui a subi plusieurs privatisations. Il faudrait s’y attaquer, plutôt que de chercher à savoir comment jouer le jeu de la compétition avec les marchés financiers. Votre proposition de loi ne le fait pas, raison pour laquelle je n’y suis pas favorable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais saluer, monsieur le rapporteur, la constance de votre engagement sur ce sujet. Il y a presque un an, vous nous présentiez un rapport d’information sur l’économie de guerre dans lequel vous faisiez le constat que « le manque d’accès des petites entreprises aux financements privés demeure un obstacle majeur à l’innovation et à la transformation des PME en ETI (entreprises de taille intermédiaire) ». Vous proposiez en conséquence de mobiliser l’épargne des Français au bénéfice de notre industrie de défense, au moyen de l’épargne réglementée : c’est l’objet de votre proposition de loi.

Le Parlement a depuis adopté par deux fois un tel dispositif permettant d’étendre aux entreprises de défense française, notamment aux PME, l’emploi par les établissements bancaires des montants non centralisés collectés au moyen du livret A et du LDDS. Par deux fois, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition au motif qu’elle constituait un cavalier ; il est donc légitime que nous en soyons à nouveau saisis. C’est aussi l’occasion de la soumettre pour la première fois à un examen précis et détaillé.

La question de fond est cruciale, dans le contexte d’un monde en insécurité croissante. La guerre en Ukraine, à elle seule, nous impose d’avoir une réflexion sur la capacité de notre BITD à répondre, sur le court et le long terme, aux enjeux de production, de livraison et d’innovation. Une réponse assise sur le fléchage d’une partie de l’épargne réglementée est digne d’intérêt, car elle permet de mobiliser rapidement des fonds et contribue à une prise de conscience des enjeux de notre temps.

Le débat que nous allons avoir doit nous permettre de déterminer si le dispositif proposé est bien calibré. La question de la répartition de la partie non centralisée de l’encours de l’épargne réglementée doit être posée. Cette répartition est fixée par voie réglementaire : 80 % pour les PME, 10 % au moins pour les projets contribuant à la transition énergétique et 5 % au moins pour les personnes morales intervenant dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi ne change pas cette répartition. Faut-il la modifier – et si oui comment ? – pour faire de la place aux entreprises de défense ?

Si, de plus, le dispositif proposé vise plus particulièrement les PME de la BITD, il n’exclut pas pour autant les ETI et les grandes entreprises. Ces dernières connaissent-elles un manque de financement qu’un recours à l’épargne réglementée pourrait venir combler ?

J’aborde l’examen de ces questions sans idée préconçue, et je prendrai ma décision en fonction des débats que nous aurons.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Je souhaite simplement préciser un élément de vocabulaire. Monsieur le président, c’est de l’industrie de la défense qu’il s’agit, et pas seulement de l’armement. Sont donc également concernés la cyberdéfense, les satellites et l’espace, les télécommunications, etc.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexandre Holroyd (RE). Je remercie le rapporteur pour son engagement sur ce sujet essentiel. Il ne fait aucun doute que le financement de la BITD soulève des questions essentielles, du fait du retrait de certains investisseurs privés dans les années 2010, en amont de la guerre en Ukraine, et de certaines doctrines bancaires, dont l’effet est difficile à quantifier, tendant à mettre à l’écart le secteur de la défense.

L’outil proposé ici est-il pour autant le bon ? J’ai quelques doutes. Tout d’abord, l’épargne réglementée non centralisée peut déjà financer la BITD, puisqu’elle peut financer toutes les PME. Il s’agit donc de passer d’une simple possibilité à un fléchage. Or cela aurait des conséquences sur l’intégralité de l’épargne réglementée, puisque les conditions financières qui y sont associées, pour l’emprunteur comme pour l’épargnant, sont liées à l’optimisation du bilan de la banque. Si vous dégradez ce bilan en forçant l’utilisation d’une partie de l’épargne dans un secteur particulier, vous risquez d’augmenter le coût des autres engagements. Une telle segmentation sur un petit secteur – 4 000 ou 5 000 entreprises tout au plus – risque donc de dégrader l’utilisation du bilan des banques en les contraignant à essayer de prêter à des entreprises qui ne sont pas nécessairement désireuses d’utiliser une telle ressource.

Ensuite, je crois que ce dont les entreprises de la BITD ont vraiment besoin, ce sont de financements plutôt que de prêts, surtout si ces derniers sont indexés sur le taux du livret A, lequel peut être assez élevé, comme on le voit aujourd’hui : un financement sur le marché sera alors pour elles plus compétitif.

Ce sujet est important, et la commission des finances devrait s’en saisir, monsieur le président, afin de chercher l’outil le plus adapté au financement de la BITD.

M. Laurent Jacobelli (RN). Notre industrie de défense est un outil d’avenir. L’actualité nous le montre, qu’il s’agisse des tensions internationales ou de la volonté dont témoigne la LPM de renforcer l’équipement de nos armées. La BITD est un formidable atout pour la souveraineté française : principal fournisseur de nos armées, elle est aussi une véritable source d’innovation, et pas uniquement dans le domaine militaire. Il faut donc la soutenir, et ce d’autant plus qu’elle rencontre des difficultés de financement, liées, entre autres, à la montée en puissance de critères de responsabilité sociale et environnementale dans la gouvernance des entreprises, ainsi qu’à la réticence des investisseurs à s’associer au domaine de l’armement. L’existence de financements étrangers met enfin gravement en péril notre souveraineté.

Le programme de Marine Le Pen développait l’idée d’un fonds souverain pour réindustrialiser la France et soutenir les industries stratégiques, dont la BITD fait partie. Cette proposition de loi, si elle n’est pas parfaite, va donc dans le bon sens. Nous regrettons cependant que le spectre des entreprises aidées soit trop étroit. Nous voudrions le voir étendu à l’ensemble des entreprises de la BITD qui rencontrent toutes des difficultés de financement, quelle que soit leur taille : nos grands groupes aussi bien que nos ETI, comme nous avons eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la LPM. Si, comme je l’espère, vous acceptez nos amendements en ce sens, rien ne s’oppose à ce que notre groupe vote ce texte.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Cela fait des semaines que nous entendons le Président de la République tenir des propos de plus en plus inquiétants et ambigus : « réarmement civique », puis « académique », « démographique », et maintenant réarmement tout court. Le Président a même récidivé, avant-hier, en agitant l’idée que la France pourrait envoyer des troupes en Ukraine. Je voudrais poser des questions assez simples : sommes-nous en guerre ? Si oui, contre qui ?

Il faut poser ces questions avant d’examiner un texte comme celui-ci, qui va détourner l’épargne des Français pour financer la production d’armes – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Or les Français tiennent pour utile et essentielle cette épargne populaire, car elle finance les petites entreprises, l’économie sociale et solidaire, le logement social et la transition écologique. Ajouter l’armement à cette liste revient à en faire une priorité politique et budgétaire. Nous nous y opposons.

La défense éprouve des difficultés à se financer, certes ; mais j’ai une nouvelle pour vous, monsieur le rapporteur : c’est aussi le cas du social, de l’éducation, de l’écologie, du logement, en particulier quand M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, vient d’annoncer 10 milliards de coupes brutales dans les budgets des services publics. Vous nous dites que votre texte ne menace pas ces financements. Je crois, au contraire, qu’il fait courir le risque du retrait de l’épargne de beaucoup de personnes qui n’accepteraient pas que leurs économies financent le secteur de la défense.

Ce texte n’est pas seulement dangereux, il est aussi mal rédigé. Nous proposerons donc des amendements afin d’en améliorer la rédaction, tout en maintenant notre opposition.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je remercie M. le rapporteur pour cette proposition intéressante qui fait suite au travail important d’un de nos collègues du groupe Les Républicains.

Les 4 000 entreprises et 200 000 emplois – non délocalisables – que compte la BITD ne sont en rien négligeables, contrairement à ce que semblait dire M. Alexandre Holroyd.

Ce secteur stratégique est de plus confronté à des difficultés croissantes de financement sur les marchés, tant pour son développement que pour l’accompagnement de ses opérations à l’export. Dès l’été 2020, les industriels avaient poussé à ce sujet un cri d’alarme. Le Parlement y avait répondu en créant une mission flash que M. Jean-Louis Thiériot avait traduite dans des amendements à la LPM, malheureusement retoqués par le Conseil constitutionnel.

Ce texte est plus essentiel encore dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la montée en charge de la LPM. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains est favorable à cette proposition de loi portée par le groupe Horizons.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Nous partageons le constat à l’origine de cette proposition de loi. L’effort de guerre en faveur de l’Ukraine demande une mobilisation très soutenue de notre industrie de défense, tant pour aider les Ukrainiens dans leur lutte contre l’invasion russe que pour conforter notre outil de défense dans un contexte géopolitique devenu particulièrement dangereux. Cette mobilisation ne peut se faire sans capacités de financement. Or un certain nombre d’entreprises de notre BITD accèdent de plus en plus difficilement aux financements privés.

Nous avons cependant des réserves sur la méthode. Le fonctionnement du livret A et du LDDS permet déjà aux banques de prêter aux entreprises solvables de la BITD. Au moins 80 % des encours non centralisés sont déjà mobilisés pour financer les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), sans qu’aucun secteur ne soit exclu. Cette proposition de loi risquerait de déstabiliser des produits d’épargne réglementée en modifiant les objectifs prioritaires qui leur sont assignés : des projets sociaux et économiques consensuels, auxquels adhèrent très largement les Français, comme le financement du logement social.

Il faut réussir à lever les obstacles structurels auxquels se heurtent nos industries de défense terrestre, sacrifiées il y a plus de trente ans de cela. La coopération doit se faire, qui plus est, au niveau européen. Cette proposition de loi soulève de bonnes questions, mais des mesures plus adaptées au financement de la BITD pourraient être prises. En conséquence, notre groupe s’abstiendra.

M. Christian Baptiste (SOC). Ce texte vise à flécher une partie de l’encours non centralisée du livret A vers le financement d’entreprises militaires. Quand on sait que la France produit, en un mois, environ la même quantité de munitions, de missiles et de bombes que la Russie utilise en un jour, il devient évident que notre industrie de défense doit monter en capacité.

Mais nous doutons que la proposition de loi soit le bon véhicule pour ce faire. Tout d’abord, la lecture du rapport de la mission flash conduite par M. Jean-Louis Thiériot, cosignataire de ce texte, laisse une impression étrange. Les difficultés de financement des entreprises de défense ne concernent pas la douzaine de grands donneurs d’ordres comme Airbus, Safran ou Thales, mais quelques entreprises bien plus petites. Ces difficultés semblent ponctuelles et sont facilement compréhensibles : ces entreprises n’apportent pas toujours les garanties que les banques exigent, comme la garantie que leurs exportations se feront sans graisser aucune patte, ne concerneront pas des armes illégales, ne se feront pas en direction de pays violant les droits humains ou bien sous embargo. On ne saurait reprocher au secteur bancaire d’être trop vertueux.

Mais, même si ces difficultés étaient systémiques, l’obligation pour les banques d’affecter une partie de leur encours non centralisé du livret A aux entreprises de la BITD présenterait trois écueils, que j’expliciterai en défendant notre amendement.

S’il fallait réellement mobiliser l’épargne des Français en faveur des entreprises de la défense, nous préférerions de beaucoup l’approche préconisée par les sénateurs socialistes, notamment M. Rachid Temal : la création d’un nouveau livret – non défiscalisé – auquel les Français pourraient librement souscrire.

Mme Félicie Gérard (HOR). Dans un contexte de fortes tensions internationales, notre BITD est plus que jamais indispensable, tout comme le renforcement de notre armée, qui fait face à des grands enjeux, notamment avec le retour de la guerre sur le sol européen. Le secteur de la défense est pourtant confronté à des difficultés d’accès au financement privé. À ces difficultés, qui touchent notamment les PME, la proposition de loi de M. Christophe Plassard apporte une réponse simple et pragmatique.

Rappelons qu’une partie des fonds que nos concitoyens déposent sur leur livret A est centralisée par la Caisse des dépôts et sert, entre autres choses, à financer le logement social et la politique de la ville. L’autre partie, non centralisée, est gérée par les banques. La proposition de M. Christophe Plassard est que les entreprises de défense françaises, notamment les TPE et PME, puissent être financées par ces fonds non centralisés du livret A et du LDDS.

Tout comme nous incitons au financement de la transition écologique ou au financement de l’économie sociale et solidaire, nous devons inciter au financement de notre industrie de défense. Sans une défense forte et sûre, il ne saurait y avoir ni transition écologique ni protection des libertés. Le texte que nous étudions permet de soutenir notre industrie de défense par une mesure simple et pleine de bon sens ; le groupe Horizons et apparentés le votera donc.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, je ne serai pas de ceux qui vous remercient pour votre constance à nous proposer, encore une fois, de flécher l’épargne non centralisée des livrets réglementés vers les entreprises du secteur de la défense nationale. Cette proposition, déclarée deux fois cavalier budgétaire par le Conseil constitutionnel, aussi bien dans la LPM à l’été 2023 que dans le projet de loi de finances pour 2024, pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord, elle viole les principes fondamentaux de l’épargne réglementée. Son adoption fragiliserait le modèle économique et démocratique de l’épargne administrée, qui doit être orientée en priorité vers le logement – il est en crise, nous en parlons suffisamment dans cette commission – et vers d’autres investissements d’intérêt général, comme le renouvellement urbain – stades, crèches –, la rénovation énergétique des bâtiments, l’économie sociale et solidaire. La construction annuelle de logements sociaux connaît ces dernières années une baisse préoccupante, alors même que la demande est importante : on compte plus de 2 millions de demandeurs de logements sociaux, 4 millions de mal-logés et 300 000 personnes sans domicile fixe, selon les données de la Fondation Abbé Pierre et de l’Union sociale pour l’habitat. À cela s’ajoutent, dans nos territoires, des enjeux écologiques importants pour les particuliers comme pour les collectivités. Si, dès lors, il existe un surplus des livrets d’épargne réglementée, il convient de l’affecter à la construction de logements sociaux afin d’atteindre l’objectif initialement fixé par le Gouvernement de 250 000 constructions entre 2021 et 2022, ou bien de l’affecter aux investissements nécessaires à la protection des communes littorales devant faire face à la montée des eaux.

C’est pour moi l’occasion de parler de la remise en cause de la centralisation à 100 % des fonds du livret A auprès de la Caisse des dépôts et consignations, survenue en 2009, année de la généralisation de leur distribution dans tous les circuits bancaires. Nos concitoyens n’ont jamais choisi de financer l’armement par leur épargne réglementée : conformément à nos engagements auprès d’eux, nous voterons contre cette proposition de loi – et contre la prochaine que vous ne manquerez probablement pas, monsieur le rapporteur, de nous soumettre.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Cette proposition de loi vise à flécher les encours des livrets d’épargne vers le financement des TPE et des PME de l’industrie militaire. À cette fin, elle modifie l’affectation de la part de ces encours non centralisée à la Caisse des dépôts.

Nous nous y opposons farouchement, comme nous nous opposons à cette ambiance générale qui voudrait nous faire passer à une économie de guerre. Cette posture va-t-en-guerre, visant à développer l’industrie de l’armement, est particulièrement néfaste : plus il y a d’armes dans le monde, plus émergent les conflits, les guerres et les violences. La France est déjà l’un des premiers fournisseurs mondiaux d’armement, et ce marché, je tiens à le souligner, échappe à tout contrôle politique.

Ensuite, il ne nous semble pas souhaitable de modifier le modèle de gestion des encours des livrets. Ce modèle permet, d’une part, de garantir le fonds des épargnes et, d’autre part, d’affecter ce fonds à des projets qui, par leur nature, seraient sous-financés dans le circuit bancaire traditionnel. Le logement social et la politique de la ville, du fait de l’horizon long qui est le leur, ou l’investissement dans la transition écologique, du fait de sa rentabilité incertaine, sont de ceux-là : mais pas l’industrie de l’armement, qui peut déjà recevoir une partie de ces encours par le truchement de la part affectée par la loi au financement des TPE et PME, comptant pour plus de 30 % de l’encours total.

Une telle mesure, enfin, risquerait de détériorer le lien de confiance que les Français entretiennent avec ces livrets d’épargne.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous approuvons cette proposition de loi sur le fond. Nous avons déjà insisté à bien des reprises sur la nécessité de mieux orienter l’épargne domestique vers le financement de l’économie ainsi que vers la dette publique.

Nous proposerons un amendement visant à mieux diriger cette épargne vers les PME. L’article L. 221‑5 du code monétaire et financier oriente déjà l’épargne non centralisée vers les PME ; si bien que la proposition de loi risque de la flécher vers les grandes entreprises du secteur de la défense, ce qui irait à l’encontre de l’effet recherché.

M. Christophe Plassard, rapporteur. M. Holroyd a fait la remarque que les 4 000 entreprises concernées pèsent peu : dans ce cas les effets négatifs qu’il craint pèseront peu également !

Il est faux de penser, comme le fait Mme Marianne Maximi, que notre proposition viendrait fragiliser le logement social. Sur les fonds centralisés et destinés au logement social – 59,5 % de l’ensemble des fonds collectés, soit 335 milliards – plusieurs dizaines de milliards ne sont pas utilisés. Non seulement nous ne venons pas retirer des fonds destinés au logement social, mais ces derniers ne sont de toute façon pas entièrement consommés.

En effet, madame Arrighi, le Conseil constitutionnel a considéré le dispositif, lors de nos deux précédentes tentatives pour l’inscrire dans la loi, comme un cavalier législatif. Mais, dans ses conclusions, il nous encourageait à le présenter de manière séparée : nous suivons donc aujourd’hui ses recommandations.

Je voudrais enfin rassurer M. Castellani : les fonds seront bien destinés aux PME. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements.

 

 


   Examen des articles

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article unique de la proposition de loi autorise l’utilisation des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour financer les entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense.

Modifications apportées par la commission

Après avoir adopté quatre amendements, la commission des finances a rejeté cet article.

  1.   L’État du droit

En application de l’article L. 221-5 du code monétaire et financier, une quote-part des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire sont centralisés dans le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. En l’état actuel du droit, cette quote-part est fixée à 59,5 %. Ces ressources sont utilisées par la Caisse principalement pour financer le logement social, mais aussi pour financer la politique de la ville ou encore des projets d’infrastructures menés par le secteur public local ([23]).

Les encours du livret A ou le livret de développement durable et solidaire non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations demeurent au sein des établissements bancaires qui les collectent mais, en application du même article L. 221-5, ne peuvent être employés qu’à des fins précises :

– pour le financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement ;

– pour le financement de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique ;

– pour le financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

En outre, chaque année, lorsque le montant total des sommes déposées sur les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, les établissements bancaires sont tenus de consacrer au moins les trois quarts de l’augmentation constatée à l’attribution de nouveaux prêts aux petites et moyennes entreprises.

Par ailleurs, les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire doivent chaque année rendre public un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées. Afin de permettre la vérification du respect de ces obligations d’emploi, ils doivent aussi, une fois par trimestre, fournir au ministre chargé de l’économie une information écrite sur les concours financiers accordés à l’aide des ressources non centralisées.

L’utilisation des ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire et non centralisées auprès de la Caisse des dépôts et consignations est précisée à l’article R. 221-9 du code monétaire et financier. Ces ressources doivent être affectées :

– au financement des besoins de trésorerie et d’investissement des entreprises répondant aux critères retenus par la recommandation 2003/361/ CE de la Commission européenne du 6 mai 2003 pour définir les micro, petites et moyennes entreprises ;

– au financement de projets des personnes morales et des personnes physiques contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique qui participent soit à la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone définie à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement et par le décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone, soit aux objectifs de la transition énergétique fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie , grâce aux moyens énumérés à l’article L. 100-2 du même code ;

– au financement des personnes morales relevant de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

Le même article R. 221-9 du code monétaire et financier prévoit qu’un arrêté du ministre chargé de l’économie fixe la fraction minimale de la part non centralisée que les établissements doivent employer pour chacune des catégories de financement prévues. Il précise que cette fraction ne peut être inférieure à 50 % pour les petites et moyennes entreprises et à 5 % pour les autres financements. L’arrêté du 4 décembre 2008 ([24]), adopté en application de ces dispositions, fixe la part minimale des encours non centralisés revenant à chaque secteur de la manière suivante :

– 80 % des encours pour le soutien aux petites et moyennes entreprises ;

– 10 % pour les investissements dans la transition écologique ;

– 5 % pour l’économie sociale et solidaire ;

– les 5 % restants constituent une marge de manœuvre laissée à l’appréciation des banques.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article unique de la proposition de loi modifie la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 221‑5 du code monétaire et financier. Il prévoit que les encours non centralisés du livret A et du livret de développement durable et solidaire sont utilisés – en plus du soutien aux petites et moyennes entreprises, de la transition écologique et de l’économie sociale et solidaire – pour le « financement des entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense ».

La formulation retenue dans le texte déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale est celle adoptée dans la loi de programmation militaire puis dans la loi de finances pour 2024. Elle vise l’ensemble des entreprises qui exercent tout ou partie de leur activité dans l’industrie de défense, y compris si leur activité est duale, et englobe bien l’ensemble des donneurs d’ordre et des sous-traitants de premier, deuxième ou troisième rang. Elle inclut les grandes entreprises, mais précise, par son incise, que la priorité est donnée au soutien des petites et moyennes entreprises.

La proposition de loi, si elle était adoptée, nécessiterait des adaptations au niveau réglementaire. Il s’agirait en particulier de modifier l’article R. 221-9 du code monétaire et financier ainsi que l’arrêté du 4 décembre 2008 précité afin de fixer la part minimale des encours des livrets réglementés devant être affectés au financement d’entreprises de l’industrie de défense.

Il reviendra à l’autorité réglementaire de déterminer, dans les textes d’application de la loi, la part des encours non centralisés devant revenir spécifiquement aux entreprises du secteur de la défense. Chaque point de pourcentage ainsi mobilisé représentera plus de 2 milliards d’euros et pourra constituer une avancée significative.

Les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire auront chaque année à rendre compte de l’emploi des ressources investies au profit des entreprises de l’industrie de défense dans le rapport public prévu au quatrième alinéa de l’article L. 221‑5 du code monétaire et financier.

  1.   La position de la commission

La commission des finances a rejeté l’article unique de la proposition de loi, par dix voix pour et dix voix contre. Elle avait pourtant adopté deux modifications permettant d’améliorer le dispositif initialement proposé.

La commission a fait le choix de recentrer le fléchage des encours non centralisés des livrets réglementés vers les petites et moyennes entreprises ainsi que vers les entreprises de taille intermédiaire. Elle a ainsi adopté, avec un avis favorable du rapporteur, les amendements CF2 et CF11, présentés par les groupes LFI et LIOT, ainsi qu’un sous-amendement CF13 du rapporteur. Il s’agissait de revenir à l’esprit initial de la proposition faite lors des débats préalables à l’examen de la loi de programmation militaire, et donc d’exclure les grands groupes de l’industrie de défense, qui ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés de financement, et qui n’ont pas d’intérêt à bénéficier de prêts issus de l’épargne réglementée.

En outre, la commission a adopté, avec un avis favorable du rapporteur, l’amendement CF10, présenté par le groupe LR, qui impose au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2026, un rapport permettant de contrôler la bonne mise en œuvre du dispositif et d’en évaluer l’efficacité.

La commission a cependant renoncé à réserver le fléchage des encours non centralisés des livrets réglementés aux entreprises dont le siège social se trouve en France, malgré un sous-amendement CF14 présenté en ce sens par le rapporteur à l’amendement CF3 déposé par le groupe LFI.

*

*     *

Amendements de suppression CF1 de Mme Marianne Maximi, CF4 de M. Nicolas Sansu, CF9 de Mme Christine Arrighi et CF12 de M. Philippe Brun

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Si les industries de défense sont en difficulté, c’est parce que votre politique a consisté, depuis des décennies, à les privatiser. Leurs difficultés actuelles, c’est votre échec : celui du recours au privé et du culte de la compétitivité et de la rentabilité. Cette proposition de loi ne réglera pas les problèmes du secteur, qui continuera d’être soumis aux lois du marché et du libre-échange, au détriment de notre souveraineté industrielle et de notre autonomie militaire.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous dites, le financement de la défense sera en bonne partie prélevé sur les 20 % de fonds destinés à la transition écologique et à l’ESS. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article unique.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Nous demandons la suppression de cet article unique, qui prévoit de détourner vers les entreprises de la défense une partie des encours non centralisés des livrets réglementés.

Ces livrets financent des investissements absolument essentiels, à commencer par le logement – à travers l’épargne centralisée. Vu la crise qu’il traverse actuellement, il paraît préférable d’accroître l’effort en faveur du logement, plutôt que de favoriser l’industrie de l’armement. Pour ce faire, il suffit d’accroître la partie centralisée des encours, comme nous l’avons proposé à plusieurs reprises, et comme c’était le cas avant la généralisation des livrets.

Un autre poste essentiel de financement, sur la partie non centralisée cette fois, concerne la transition écologique et la sobriété énergétique. Or le marché bancaire ne finance pas volontiers ces secteurs, dont la rentabilité est faible ou incertaine. Il nous semble donc plus que jamais nécessaire de pérenniser et d’accroître le fléchage vers ces secteurs. Comme le notait la Cour des comptes dans un rapport de 2022, étendre l’usage des encours, c’est risquer d’aboutir à un saupoudrage des financements.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que ce texte ne réduira pas la part de l’épargne destinée au logement social et vous avez précisé que plusieurs dizaines de milliards des fonds destinés à celui-ci ne sont pas utilisés. Cet argument ne me semble pas pertinent, dans la mesure où il n’y a pas de traçabilité sérieuse de l’usage que font les banques de la partie non centralisée de l’épargne réglementée. Le jour où on pourra effectivement contrôler la manière dont sont employés ces fonds, on en reparlera – mais je ne serai toujours pas d’accord avec votre proposition.

Le cri d’alarme des bailleurs sociaux devrait du reste nous conduire à recentraliser au maximum cette épargne, au service de l’intérêt général et des priorités qu’elle est censée financier. Dans leur rapport, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont rappelé qu’il faudrait consacrer des milliards à la transition écologique, qui constitue la priorité.

M. Christian Baptiste (SOC). Nous demandons la suppression de cet article unique pour trois raisons.

Premièrement, il ne laisse pas le choix aux épargnants : leur livret A financera l’industrie de la défense, qu’ils le veuillent ou non. Une telle mesure pourrait être contre-productive : bien des épargnants risquent de vider leur livret A pour ne pas financer la production d’armes et les autres secteurs financés par celui-ci en pâtiront aussi : le logement, le social, les PME, les projets écologiques et les structures de l’ESS.

Deuxièmement, cela va fragiliser le soutien aux PME de notre pays. Ce n’est pas une opinion : c’est mécanique. L’encours non centralisé du livret A doit financer à hauteur d’au moins 80 % des PME, à hauteur d’au moins 10 % des projets écologiques et à hauteur d’au moins 5 % les acteurs de l’ESS, les 5 % restants permettant un ajustement. Si l’on ajoute à cette liste les entreprises de la défense, il faudra, de fait, réduire le financement d’autres secteurs, notamment des PME.

Troisièmement, cette proposition de loi représente un risque pour le système bancaire. En effet, les raisons pour lesquelles les banques ont des réticences à financer certaines entreprises militaires ne vont pas disparaître comme par magie avec ce texte : celui-ci n’apportera pas les garanties de vertu que les banques attendent des entreprises qu’elles financent ; il va seulement forcer les banques à les financer. Or, si on découvre un jour qu’une banque française a financé avec l’épargne de ses clients une entreprise qui vend des armes à un dictateur, elle aura bien du mal à sauver sa réputation en expliquant qu’elle a été contrainte par la loi à financer des entreprises militaires à l’aveugle, sans garanties suffisantes.

Parce que l’article unique représente une menace pour le livret A, pour les PME et pour notre stabilité bancaire, nous en demandons la suppression.

M. Christophe Plassard, rapporteur. J’ai déjà indiqué que ce texte ne porte pas sur les industries d’armement, mais de défense, et que la défense conditionne la durabilité de nos sociétés. J’ai montré aussi qu’il est faux de dire que cette proposition de loi détournerait des ressources actuellement affectées au logement social. De même, il n’est pas vrai que ce texte risque de favoriser des activités militaires illégales, puisque le commerce des armes est strictement réglementé.

J’ajoute qu’il ne s’agit en aucun cas de toucher aux 10 % fléchés vers la transition écologique, ni aux 5 % consacrés à l’économie sociale et solidaire ; la proposition de loi ne modifie pas cette répartition, qui est définie au niveau réglementaire. Sachez qu’à l’heure actuelle, les 5 % destinés à l’ESS représentent environ 10 milliards et les 10 % destinés à la transition écologique, 20 milliards environ. Si on fait l’hypothèse que 1 % des 80 % restants sera consacré aux industries de défense, cela représentera 2 milliard, montant sans commune mesure avec ceux que je viens d’évoquer – lesquels, je le répète, ne seront pas affectés.

On ne peut pas dire que cette proposition de loi nuira aux PME, puisqu’il s’agit précisément de financer des PME dans le secteur de la défense, ni qu’elle risque de détourner les épargnants du livret A et du livret d’épargne solidaire. L’idée selon laquelle cela pourrait nuire à leur réputation est l’argument qu’avancent les banques pour ne pas financer la défense. Or c’est précisément contre cette idée que ce texte entend s’élever : financer la défense, c’est prendre conscience que le monde a changé, c’est protéger nos valeurs et nos modes de vie ; c’est tout aussi honorable que de financer le logement social. J’irais même jusqu’à dire que financer notre défense, c’est garantir notre sécurité, dont tout le reste découle.

J’avais envisagé au départ de créer un livret spécifique mais cette idée a été écartée, car il est apparu que la création d’un nouvel outil financier, sa distribution et sa promotion par les établissements bancaires risquaient de prendre plusieurs années. Or nous avons un besoin rapide de financement. Par ailleurs, la multiplication des livrets d’épargne réglementée n’est pas souhaitable : on y perdrait en lisibilité pour les épargnants et en mutualisation des investissements ; en cloisonnant les ressources, on diminuerait les synergies et donc les rendements qu’il est possible de dégager.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme Véronique Louwagie (LR). Il me paraît important de nous référer aux travaux parlementaires existants sur ce sujet, en particulier à la mission flash sur le financement de la BITD que la commission de la défense a confiée à nos collègues Françoise Ballet-Blu et Jean-Louis Thiériot. Si cette mission flash a vu le jour, c’est parce que les industriels de la défense nous ont alertés à la fin de l’été 2020 sur la difficulté qu’ils avaient à financer leur activité. Cette mission a fait le constat d’une grande frilosité bancaire à l’égard du secteur de la défense, qui a d’ailleurs été dénoncée publiquement au Parlement par le délégué général pour l’armement, M. Joël Barre. Au-delà du secteur bancaire, la chaîne du capital-investissement est elle aussi apparue peu mobilisée vis-à-vis du secteur de la défense. Cette proposition de loi correspond à l’une des recommandations de la mission flash : nous voterons donc contre ces amendements de suppression.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous voterons également contre ces amendements de suppression parce que nous voulons que le débat ait lieu.

Madame Maximi, vous demandez si nous sommes en guerre. Je crains, hélas, que la guerre soit aux portes de l’Europe et je condamne la position des partis qui ont tendance à nier cette réalité. La guerre est aux portes de l’Europe et nous sommes européens.

Vous dites que nous avons privatisé des entreprises de défense : j’attends la liste ! Ce n’est absolument pas ce que nous avons fait. Nous menons au contraire, depuis quelques années, une politique de réindustrialisation de notre pays – la moindre des choses serait de le reconnaître ! – et nous avons enfin réussi à inverser la courbe des emplois industriels – même si ce n’est peut-être pas encore aussi spectaculaire qu’on le souhaiterait. J’espère que vous soutiendrez les mesures que nous prenons pour réindustrialiser notre pays !

M. Éric Coquerel (LFI-NUPES). Dire qu’il y a une guerre en Europe, ce n’est pas la même chose que dire que nous sommes en guerre ; d’où le débat suscité par la déclaration du Président de la République, qui a inquiété de nombreuses personnes et à peu près tous nos partenaires au niveau international.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Je suis convaincue que cette disposition risque de détourner nombre d’épargnants du livret A et vous n’avez aucun élément qui prouve le contraire. Vous dites, monsieur le rapporteur, que cette proposition de loi n’entamera pas les fonds dédiés à la transition écologique et à l’ESS, mais l’article L. 221‑5 du code monétaire et financier dispose tout de même que « chaque année, lorsque le montant total des sommes déposées sur les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, l’établissement de crédit concerné doit consacrer au moins les trois quarts de l’augmentation constatée à l’attribution de nouveaux prêts aux petites et moyennes entreprises ». Votre mesure va donc, de fait, réduire la part consacrée aux autres secteurs.

M. Laurent Jacobelli (RN). La loi de programmation militaire a prévu de renforcer nos armées et de leur donner à nouveau du matériel, après des années passées à toucher les « dividendes de la paix ». Ce matériel, il va falloir l’acheter, mais surtout le produire nous-mêmes, avec notre recherche et développement et notre BITD : cela va créer des emplois et nous permettre d’exporter, donc constituer de nouvelles sources de richesse pour la France. Une telle politique suppose des moyens et cette proposition de loi, même si elle n’est pas idéale, a le mérite d’en apporter. Nos forces armées ont besoin de matériel et il est préférable de le produire en France que de l’acquérir à l’étranger : cela garantira notre souveraineté tout en créant des emplois. Nous voterons donc contre ces amendements de suppression.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Je l’ai dit tout à l’heure, la répartition des fonds non centralisés est définie par voie réglementaire. L’arrêté du 4 septembre 2008 relatif aux règles d’emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu’aux informations permettant le suivi de ces emplois, détaille la ventilation de ces fonds. L’article 2 dispose que 80 % des fonds iront aux PME – c’est sur cette partie que porte la proposition de loi –, 10 % au financement de la transition écologique et 5 % à l’économie sociale et solidaire – nous ne touchons pas à ces deux dernières catégories telles qu’elles figurent dans cet arrêté.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CF2 de M. Aurélien Saintoul et CF11 de M. Michel Castellani, sous amendement CF13 de M. Christophe Plassard ; amendements identiques CF5 de M. Charles Sitzenstuhl et CF6 de M. Laurent Jacobelli ; amendement CF7 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur général, le ministère des armées et celui des finances ont donné leur aval, à la fin de la semaine dernière, à la cession du contrôle de Défense conseil international, ou DCI, au leader français de l’intelligence économique. Vous renoncez donc bien à des secteurs stratégiques que vous laissez tomber dans les mains du privé.

Dans sa rédaction actuelle, votre texte ne vise pas spécifiquement les petites et moyennes entreprises, si bien qu’il pourrait bénéficier à des géants de l’industrie comme Dassault ou Thales. Or, en 2022, Dassault Aviation a versé 249 millions de dividendes et Thales a augmenté les siens de 15 %. Il importe de clarifier la rédaction de cet article unique, afin d’éviter une catastrophe : nous proposons donc de substituer aux mots : « des entreprises, notamment petites et moyennes », les mots : « des petites et moyennes entreprises ».

M. Christophe Plassard, rapporteur. Je propose de compléter votre amendement en ajoutant : « ainsi que des entreprises de taille intermédiaire ».

M. Michel Castellani (LIOT). J’ai déjà dit un mot de mon amendement, qui vise à flécher l’épargne vers les petites et moyennes entreprises de façon explicite.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Je trouve moi aussi que la rédaction actuelle de l’article unique manque de clarté. Pour ma part, je considère que toutes les entreprises doivent pouvoir bénéficier de ce mécanisme, depuis celles du CAC40 jusqu’aux TPE : la précision « notamment petites et moyennes » n’apporte donc rien, car cela tombe sous le sens.

M. Laurent Jacobelli (RN). L’industrie de défense est effectivement un écosystème dans lequel de très petites entreprises et des grands groupes travaillent ensemble. Nous pensons que cette proposition de loi doit s’appliquer à toutes ces entreprises, car elles sont toutes essentielles pour notre industrie de défense et notre souveraineté et qu’elles sont toutes confrontées aux mêmes problèmes de financement.

L’amendement CF6 vise à supprimer la mention « notamment petites et moyennes », afin que toutes les entreprises soient intégrées au dispositif. Si cette mention est maintenue, je propose, avec l’amendement de repli CF7, d’étendre le dispositif aux entreprises de taille intermédiaire, qui sont un peu dans la zone grise : trop grosses pour bénéficier des aides et trop petites pour bénéficier des économies d’échelle et de financements importants.

M. Christophe Plassard, rapporteur. La proposition de loi vise clairement à aider les petites entreprises, et non les grands groupes qui n’ont pas de difficulté à trouver des financements – un certain nombre d’entre eux font d’ailleurs preuve de patriotisme financier en choisissant de travailler avec des banques françaises. C’est le sens de l’incise « notamment petites et moyennes », qui ne doit pas être supprimée : c’est pourquoi je suis défavorable aux amendements CF5 et CF6.

Je suis en revanche favorable aux amendements CF2 et CF11, qui proposent d’exclure du fléchage les grandes entreprises et de n’orienter l’épargne que vers les PME de l’industrie de défense. Je suis également favorable à l’amendement CF7, qui propose d’intégrer les ETI au dispositif, mais il est incompatible avec les amendements CF2 et CF11, que je propose de sous-amender, pour y inclure les ETI.

J’invite donc les auteurs des amendements CF5, CF6 et CF7 à les retirer au profit des amendements CF2 et CF11 sous-amendés. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je rappelle que l’article L. 221‑5 du code monétaire et financier vise déjà les PME : il est donc parfaitement inutile de le repréciser. En revanche, nous sommes opposés à ce que l’on mentionne spécifiquement, dans cet article, les entreprises de défense – qui n’en sont d’ailleurs pas exclues.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Monsieur le rapporteur, pourquoi n’avoir pas d’emblée écrit que le dispositif concernait les petites et moyennes entreprises, ainsi que les entreprises de taille intermédiaire, si tel est votre objectif ?

M. Alexandre Holroyd (RE). Je m’abstiendrai sur ces amendements et je souscris aux propos du rapporteur : les grandes entreprises ne souhaitent pas recourir à l’épargne réglementée : elles peuvent se financer à de bien meilleures conditions auprès de leurs banques et sur les marchés financiers. La question, en revanche, peut effectivement se poser pour les ETI.

M. Patrick Hetzel (LR). Si l’objectif de cette proposition de loi est de financer les PME et les ETI, il faut le dire clairement. Il est vrai que la question ne se pose pas pour les grandes entreprises, puisqu’elles disposent déjà de sources de financement. Il me paraît toutefois important d’insister sur le fait que les industries de défense sont une filière et qu’il faut tout mettre en œuvre pour que l’ensemble de celle-ci fonctionne.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Pour répondre à votre question, monsieur Sitzenstuhl, nous sommes repartis de la rédaction qui avait été adoptée dans la LPM et la loi de finances, afin que ce texte ait une certaine légitimité. Les amendements qui vous sont proposés visent à l’améliorer.

Il est vrai que l’arrêté vise déjà les PME, mais il nous paraissait important de flécher plus spécifiquement les entreprises de la défense.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements identiques CF2 et CF11 sous-amendés.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement CF3 de Mme Marianne Maximi et sous-amendement CF14 de M. Christophe Plassard

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Votre texte, parce qu’il est très imprécis, comporte des failles importantes. Avec cet amendement, nous voulons nous assurer que l’épargne des Français ne financera que des entreprises « dont le siège social se trouve en France et dont la totalité des projets et des activités qui relèvent de l’industrie de défense se trouvent sur le territoire national ». Il serait absolument scandaleux que l’épargne des Français finance des entreprises qui ne paient pas leur juste part d’impôt en France ou qui font de l’évasion fiscale.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Je suis favorable à la première partie de votre amendement, qui limite le fléchage aux entreprises implantées en France : cela correspond à notre objectif de soutenir les PME et les ETI françaises. En revanche, je trouve la deuxième partie de votre rédaction un peu vague, quand vous évoquez « des projets et des activités » qui devraient se trouver sur le territoire national. Parle-t-on uniquement de production ? Est-ce qu’une activité d’export empêcherait de bénéficier du fléchage ?

Je vous propose, avec mon sous-amendement, de ne retenir à ce stade que le critère du siège social situé en France. Vous pourrez, si vous le souhaitez, réfléchir à une nouvelle rédaction d’ici la séance.

M. Fabien Di Filippo (LR). Le déficit croissant de notre balance commerciale ne cesse d’appauvrir notre pays. Or le secteur de la défense est l’un de ceux qui continuent à donner des résultats à l’export : en 2022, la France a exporté pour 22 milliards d’armement. Cet amendement est très dangereux : s’il était adopté sans être sous-amendé, il exclurait du dispositif la quasi-totalité de nos entreprises de la défense.

M. Alexandre Holroyd (RE). Que se passera-t-il si, par exemple, une entreprise italienne rachète une PME française qui bénéficie de ce dispositif ? Tous les prêts qu’elle aura contractés devront-ils être remboursés de façon immédiate ? J’aimerais juste comprendre les implications pratiques de ce critère du siège social.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Je pense que c’est au moment de la signature du prêt que la question du siège social se posera ; le prêt ira ensuite jusqu’à son terme. Ces dispositions sont du domaine réglementaire et on peut très bien imaginer d’affiner le dispositif par la suite.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Dès que l’on tire un fil, des tas de questions se posent : que fera-t-on des prêts, mais aussi du crédit d’impôt recherche (CIR) ?

Je ne comprends pas l’objet de ce texte. L’article L. 221‑5 du code monétaire et financier flèche déjà l’épargne vers les PME : pourquoi le repréciser ? Mais pourquoi, aussi, mentionner spécifiquement les entreprises d’armement ? Pourquoi pas les boulangers ou les agriculteurs ? Cela n’a aucun sens, puisque le texte concerne déjà toutes les PME, y compris celles de la défense.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Amendement CF8 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il n’est pas toujours facile de définir ce qu’est une industrie de défense. Une entreprise qui produit des boulons pour le Rafale de Dassault Aviation fait-elle ou non partie de l’industrie de défense ? Pour bien prendre en compte toutes les TPE et les PME qui sont indispensables à nos grosses entreprises de l’industrie de défense, nous proposons de compléter l’article unique par les mots suivants : « et les entreprises dont le savoir-faire revêt un caractère stratégique pour celle-ci ».

M. Christophe Plassard, rapporteur. Votre amendement me paraît satisfait, puisque l’expression « industrie de défense », qui figure dans la proposition de loi, inclut bien l’ensemble des PME et ETI de la BITD, y compris les sous-traitants de rang 1, 2 et 3. Je m’en suis assuré auprès de la direction générale de l’armement (DGA). Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF10 de M. Jean-Louis Thiériot

Mme Véronique Louwagie (LR). Nous demandons que le Parlement remette au Gouvernement un rapport évaluant l’efficacité de la mesure proposée pour faciliter le financement des entreprises de notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Ce rapport évaluerait le montant du fléchage et, surtout, l’effet de ce texte sur le financement du secteur de la défense, à travers deux indicateurs : l’attitude des organismes bancaires et les types d’entreprises qui en bénéficient – petites, moyennes ou grandes entreprises, du secteur numérique, terrestre, aéronautique ou maritime, etc.

M. Christophe Plassard, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement montre la fragilité de cette proposition de loi, puisqu’il s’agit en quelque sorte de faire une étude d’impact a posteriori.

Mme Véronique Louwagie (LR). Je ne partage pas du tout votre analyse, monsieur le président. Il existe déjà une étude d’impact : c’est la mission flash sur le financement de la BITD. L’objet de cet amendement est d’évaluer les effets de cette proposition de loi : l’évaluation des politiques publiques est l’une de nos missions.

La commission adopte l’amendement.

Elle rejette l’article unique.

En conséquence, l’amendement CF15 est sans objet et l’ensemble de la proposition de loi est ainsi rejeté.

*

*     *

 

 

 


   Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

 

 

– Direction générale de l’armement : Mme Mathilde Herman, conseillère du délégué général pour l’armement ; M. Jean-Baptiste Kerveillant, sous-directeur de la protection et de la résilience des entreprises ; M. Nicolas Grangier, chef du service de la sécurité économique

 

 

– Fédération bancaire française : Mme Maya Atig, directrice générale ; Jérôme Pardigon, directeur du département des relations institutionnelles

 

 

 

 


([1]) Sondage Ifop commandé par le Conseil des industries de défense françaises, mené auprès d’un échantillon de 1 003 personnes âgées de dix-huit ans et plus et représentatives de la population française, juin 2021.

([2]) International institut for strategic studies (IISS), The military balance 2024, Chapter 1 : Era of Insecurity, 13 février 2024.

([3]) Conférence de presse du Président de la République du 16 janvier 2024.

([4]) Vœux aux armées du Président de la République du 19 janvier 2024 depuis la base navale de Cherbourg.

([5]) Discours du Président de la République du 13 juin 2022 prononcé lors de l’inauguration du salon international Eurosatory consacré à la défense et à la sécurité terrestres et aéroterrestres.

([6]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1023 de M. Christophe Plassard sur l’économie de guerre, déposé en application de l’article 146 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, enregistré à la présidence le 29 mars 2023.

([7]) Assemblée nationale, annexe n° 14 de M. Christophe Plassard au rapport n° 1745 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2024, enregistré à la présidence le 14 octobre 2023.

([8]) Vœux aux armées du Président de la République du 19 janvier 2024 depuis la base navale de Cherbourg.

([9]) Assemblée nationale, commission de la défense nationale et des forces armées, mission « flash » sur le financement de l’industrie de défense, rapport de Mme Françoise Ballet-Blu et M. Jean-Louis Thiériot, présenté le 17 février 2021.

([10]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1023 de M. Christophe Plassard sur l’économie de guerre, déposé en application de l’article 146 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, enregistré à la présidence le 29 mars 2023.

([11]) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.

([12]) Règlement (CE) n° 66/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 établissant le label écologique de l’UE.

([13]) Banque de France, « Épargne et patrimoine financiers des ménages – deuxième trimestre 2023 », Stat info, 10 novembre 2023.

([14]) Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), « Dette trimestrielle de Maastricht des administrations publiques – deuxième trimestre 2023 », Informations rapides, 29 septembre 2023, n° 250.

([15]) Caisse des dépôts et consignations, « Collecte mensuelle en décembre 2023 sur le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) », communiqué de presse, 23 janvier 2024.

([16]) Environ 30 % des ressources centralisées sont placées par la Caisse des dépôts et consignations, notamment pour garantir la liquidité des livrets réglementés en cas de retrait des épargnants.

([17]) La ventilation des ressources collectées entre les items mentionnées à l’article L. 221-5 du code monétaire et financier est précisée, au niveau réglementaire, à l’article R. 221-9 du même code et dans un arrêté du 4 décembre 2008.

([18]) Sénat, rapport d’information n° 637 de MM. Pascal Allizard et Yannick Vaugrenard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur « Renseignement et prospective : garder un temps d’avance, conserver une industrie de défense solide et innovante », enregistré à la présidence le 24 mai 2023.

([19]) Il s’agissait de l’article 25 bis dans le texte discuté en navette puis de l’article 52 dans le texte définitif.

([20]) Il s’agissait de l’article 49 quindecies dans le texte discuté en navette puis de l’article 197 dans le texte définitif.

([21]) Lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, en première lecture au Sénat, en séance, le Gouvernement a donné un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article introduit par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées saisie au fond.

([22]) Cour des comptes, « Le soutien aux exportations de matériel militaire », rapport public thématique, janvier 2023.

([23]) Environ 30 % des ressources centralisées sont placées par la Caisse des dépôts et consignations, notamment pour garantir la liquidité des livrets réglementés en cas de retrait des épargnants.

([24]) Ces fractions sont fixées par l’arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d’emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu’aux informations permettant le suivi de ces emplois.