N° 2246

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 février 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
 

visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémite (n° 1727)

PAR M. Mathieu LEFÈVRE

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................ 7

I. FACE À UNE DYNAMIQUE PRÉOCCUPANTE, REPENSER la rÉponse pÉnale contre les infractions À caractÈre discriminatoire APPARAÎT comme UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ

A. Les ATTEINTES À CARACTÈre RACISTE ET DISCRIMINATOIRE AUGMENTENT EN France tandis que les discours de haine se maintiennent À des niveaux ÉlevÉs

1. Les actes à caractère raciste ou discriminatoire progressent chaque année dans notre pays

2. Les discours de haine se maintiennent à des niveaux élevés dans notre pays

B. PLUS DE 50 ANS APRÈS LA LOI PLEVEN et 30 ans aprÈs la loi gayssot, LE LÉGISLATEUR DOIT donc REMETTRE L’OUVRAGE SUR LE MÉTIER

1. Un cadre normatif solide de lutte contre le racisme et les discriminations existe d’ores et déjà

2. Internet et les réseaux sociaux nécessitent d’adapter en permanence notre arsenal législatif aux réalités

3. Le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine a fixé un cap que le législateur doit accompagner

II. LA PROPOSITION DE LOI INITIALE : DES MESURES PRAGMATIQUES POUR APPORTER UNE RÉPONSE PÉNALE PLUS DIRECTE ET PLUS FERME sans toucher aux Équilibres actuels

A. PERMETTRE AU TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE DÉCERNER UN MANDAT DE DÉPÔT OU D’ARRÊt CONTRE LES PRÉDICATEURS DE HAINE (ARTICLE 1Er)

1. Combler une lacune de la procédure pénale sur le sujet

2. Mettre un terme au dévoiement de la liberté d’expression, sans pour autant remettre en cause les équilibres actuels

B. ENVOYER UN MESSAGE DE FERMETÉ EN ÉRIGEANT EN DÉLITS LES PROVOCATIONS, DIFFAMATIONS ET INJURES NON PUBLIQUES À CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE (ARTICLE 2)

1. La réponse pénale est déjà au rendez-vous en matière de provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire

2. Il s’agit d’envoyer un message de fermeté associé à un principe d’exemplarité

III. LES PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION DES LOIS

Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er  (art. 465 du code de procédure pénale) Élargissement à l’apologie de crimes et à la contestation de crimes contre l’humanité des délits pouvant faire l’objet d’un mandat de dépôt ou d’arrêt délivré par le tribunal correctionnel

Article 2 (art. 13276, 13277, 225-16-4 [nouveau], 225-16-5 [nouveau], 225-16-6 [nouveau], 225167 [nouveau], 225201 [nouveau] du code pénal, art. 654 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Renforcement de la répression des provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire

Article 3 (nouveau) (art. 225-16-8, 225-16-9 [nouveau] du code pénal, art. 65­4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Création d’un délit d’apologie et d’un délit de contestation non publiques d’un crime contre l’humanité

Article 4 (nouveau) (art. 131, 24, 32, 33, 48, 484 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Circonstance aggravante lorsqu’une diffamation publique est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et diverses coordinations au sein de la loi du 29 juillet 1881

Article 5 (nouveau) (art. 7111 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale) Application de la loi en NouvelleCalédonie, Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna

Examen en commission

Personnes entendues

 


—  1  —

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

« Le racisme est une lèpre sans cesse renaissante et très vite contagieuse ». En s’adressant en ces termes à la représentation nationale le 7 juin 1972 ([1]), à l’occasion des débats sur la loi qui inscrira son nom dans la postérité, le garde des Sceaux René Pleven avait probablement conscience que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme demeurerait un combat plus de cinquante ans après son intervention.

Surtout, il savait que l’une des conditions sine qua none pour enrayer la dynamique des discriminations était qu’une répression ferme et systématique suive ces agissements mortifères. Face à ce qui n’est rien d’autre que des coups de boutoirs quotidiens et lancinants à la cohésion sociale et à l’unité de notre nation, la République doit répondre avec une sanction à la hauteur de ses valeurs et de notre conception de la justice.

Bien entendu, la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination est aussi une affaire d’éducation. Elle passe par l’école, la pédagogie, l’apprentissage de l’histoire, les rencontres, l’exemple. Parents, école, éducateurs, médias, entreprises, femmes et hommes politiques : chacun doit y jouer un rôle.

Celui du législateur est de s’assurer que les principes qu’il consacre sont garantis, que la loi qu’il vote est appliquée et que les individus qui la bravent sont sanctionnés à la hauteur du préjudice qu’ils font subir à la société. C’est aussi celui de modifier la législation pour la mettre en conformité, si nécessaire, avec les réalités de l’époque.

Plus de cinquante ans après la loi Pleven, plus de trente ans après la loi Gayssot, plus de sept ans après la loi « Égalité et citoyenneté », des adaptations apparaissent encore nécessaires pour que les auteurs de propos racistes, antisémites, négationnistes ou autres propos discriminatoires soient plus directement et sévèrement sanctionnés.

Tandis que, chaque année, 1,2 million de victimes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite, ce texte se propose d’apporter deux réponses pragmatiques, concrètes et fermes.

D’abord, des prédicateurs de haine, multirécidivistes, peuvent aujourd’hui se tapir dans l’ombre et échapper à la justice qui les a pourtant condamnés, car aucun mandat d’arrêt ne peut être actuellement délivré par le tribunal correctionnel si la personne est reconnue coupable d’un délit de presse. Le 15 avril 2019, la 13ème chambre du tribunal correctionnel de Paris condamnait ainsi l’essayiste Alain Soral à un an d’emprisonnement, assorti d’un mandat d’arrêt, pour contestation de crime contre l’humanité. Le parquet interjeta logiquement appel de ce mandat dépourvu de fondement juridique. L’odieux Soral, condamné à de multiples reprises pour des faits similaires, ne dort toujours pas en prison et continue de déverser sa haine aussi insupportable que lucrative.

La présente proposition de loi entend donc premièrement mettre fin à ce dévoiement des principes de la liberté d’expression. Elle souhaite permettre désormais au tribunal correctionnel de délivrer un mandat d’arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d’emprisonnement pour apologie de crimes ou contestation de crimes contre l’humanité.

Ensuite, notre société fait face à une désinhibition croissante des auteurs de provocations à la haine, de diffamations ou d’injures. Les réseaux sociaux portent une responsabilité dans cet état de fait, puisqu’ils sont venus ajouter une forme de facilité à l’ignominie. Si des propos ou écrits publics constituent des délits qui semblent suffisamment réprimés, la sanction aujourd’hui prévue pour leurs pendants non publics paraît sous-dimensionnée alors même qu’ils sont en constante augmentation. Une injure non publique à caractère raciste expose par exemple son auteur à une amende maximale de 1 500 euros. Cette difficulté est d’autant plus regrettable que la jurisprudence a une conception assez large de l’infraction non publique.

La présente proposition de loi entend donc secondement transformer en délit les contraventions actuellement prévues en matière de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, de diffamation et d’injure non publiques à caractère raciste ou discriminatoire. Cela permettra de condamner leurs auteurs à une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 euros.

Ce texte constitue un premier vecteur législatif pour appliquer l’ambitieux plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, présenté par le Gouvernement en janvier 2023. La Commission des Lois l’a très largement adopté après l’avoir opportunément renforcé.

Les élus de la Nation, quelle que soit leur appartenance politique, doivent pouvoir se retrouver sur son objectif et ses moyens car, pour citer à nouveau René Pleven, « ce ne peut être un débat partisan (…) parce qu’en luttant contre le racisme, la France reste tout simplement fidèle à elle-même ».

 

*

*     *

 


—  1  —

 

I.   FACE À UNE DYNAMIQUE PRÉOCCUPANTE, REPENSER la rÉponse pÉnale contre les infractions À caractÈre discriminatoire APPARAÎT comme UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ

La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discriminations doit tous nous rassembler. Il est insupportable et intolérable de constater que les actes à caractère discriminatoire augmentent ces dernières années dans notre pays.

Face à leurs auteurs, la société tout entière doit être mobilisée. Nos forces de l’ordre et nos magistrats, à qui votre rapporteur souhaite rendre un hommage appuyé, sont déjà chaque jour en première ligne pour réprimer ces agissements qui portent atteinte à la cohésion de notre nation.

L’explosion des actes antisémites sur notre sol que l’on constate depuis les attentats barbares du Hamas visant Israël le 7 octobre 2023 semble avoir fait franchir un nouveau palier à la violence qui traverse notre société. Cette situation nous oblige vis-à-vis de nos compatriotes juifs et, plus largement, de tous ceux qui subissent des discriminations.

Le Gouvernement a présenté, dès le début de l’année 2023, un nouveau plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Le ministre de l’intérieur et le garde des Sceaux s’emploient à assurer une réponse implacable de l’État. Il appartient désormais au législateur de prendre sa part de cet effort.

A.   Les ATTEINTES À CARACTÈre RACISTE ET DISCRIMINATOIRE AUGMENTENT EN France tandis que les discours de haine se maintiennent À des niveaux ÉlevÉs

1.   Les actes à caractère raciste ou discriminatoire progressent chaque année dans notre pays

Tous les acteurs auditionnés par votre rapporteur s’accordent sur le constat d’une augmentation des atteintes à caractère raciste, antisémite et discriminatoire en France.

Il est vrai que les données qui ont été communiquées à votre rapporteur illustrent une dynamique particulièrement inquiétante.

● Entre 2016 et 2023, les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont augmenté de plus de 56 %. Si l’on exclut l’année 2023, sur laquelle votre rapporteur reviendra plus spécifiquement infra, la hausse demeure tout de même de plus de 32 %. En dehors d’une stabilisation due au Covid-19 en 2020 et d’un reflux léger et hélas passager en 2022, ces atteintes augmentent ainsi chaque année, comme il ressort du graphique ci-après.

NOMBRE D’atteintes À caractÈre raciste, xÉnophobe et antireligieux entre 2016 et 2023 (crimes, dÉlits, contraventions)

Source : Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), bases statistiques des infractions enregistrées ou élucidées par la police et la gendarmerie entre 2016 et 2023.

Plus précisément, on constate, toujours entre 2016 et 2023, que les crimes et délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont augmenté de 47 % environ, contre plus de 70 % pour les contraventions présentant les mêmes caractères. Bien loin de permettre une quelconque nuance, ces chiffres illustrent au contraire la nécessité pour le législateur d’agir avec fermeté sur les actes contraventionnels.

L’audition de M. Olivier Klein, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, a permis de percevoir une granularité encore plus grande. D’après ce dernier, en 2021, 94 % des contraventions pour provocations, injures et diffamations commises en raison de l’appartenance présumée à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion étaient des contraventions de cinquième classe, c’est-à-dire des provocations, injures et diffamations non publiques.

● Sur la même période, les atteintes anti-LGBT + ont connu une augmentation encore plus massive, puisqu’elles ont plus que doublé (+ 152 % environ) en sept ans. La tendance illustrée par le graphique ci-après est hélas encore plus édifiante.

NOMBRE D’atteintes ANTI-LGBT entre 2016 et 2023 (crimes, dÉlits, contraventions)

Source : SSMI, bases statistiques des infractions enregistrées ou élucidées par la police et la gendarmerie entre 2016 et 2023.

La hausse est ici massivement portée par le champ contraventionnel (+ 280 %) et moins par le champ délictuel et criminel, qui progresse hélas lourdement aussi (+ 60 %).

Derrière ces chiffres édifiants se cachent des réalités humaines révoltantes. Votre rapporteur s’indigne et condamne ces dynamiques évolutives qu’il ne découvre pas, mais dont l’ampleur doit d’autant plus nous conduire à agir.

Il convient de préciser d’ailleurs que ces données n’analysent que très imparfaitement la réalité du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations en France. De nombreux acteurs auditionnés ont en effet insisté sur l’existence d’un important « chiffre noir » ([2]), expression qui désigne des actes non déclarés et qui échappent donc aux forces de sécurité et à la justice. Votre rapporteur appelle de ce point de vue à un renforcement de la formation des forces de l’ordre au dépôt de plaintes à caractère raciste et antisémite.

● L’année 2023 présente un caractère exceptionnel dramatique. Les attentats barbares perpétrés par le groupe terroriste du Hamas contre la population de l’État d’Israël et la légitime réponse militaire qui a suivi ont vu s’adjoindre au drame terrible qu’ils représentaient déjà une importation regrettable de ce conflit sur notre sol.

Cela s’est malheureusement traduit par une hausse édifiante du nombre d’actes antisémites en France. En un mois seulement, entre le 7 octobre et le 7 novembre 2023, 1 100 actes de cette nature ont été commis dans notre pays.

D’après un rapport ([3]) du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), croisant des données du ministère de l’intérieur et du service de protection de la communauté juive (SPCJ), le nombre d’actes antisémites est passé de 436 en 2022 à 1 676 en 2023 et 57,8 % de ces actes portaient atteinte aux personnes.

Les graphiques ci-après illustrent cette tendance.

Évolution du nombre d’actes antisÉmites mensuels en 2023

image.png

Source : Rapport du CRIF précité.

 

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ACTES ANTISÉMITES ANNUELS ENTRE 2012 et 2023

Source : Rapport du CRIF précité.

Votre rapporteur tient ici à condamner avec la plus grande fermeté cette situation, exprime sa colère face à ces actes ignobles et se réaffirme aux côtés de nos concitoyens juifs. Le combat contre l’antisémitisme et celui pour la République sont un seul et même combat.

Tous les acteurs auditionnés ont également signalé à votre rapporteur avoir, chacun dans leur domaine de compétence, constaté cette évolution. Elle pèse évidemment lourd dans l’augmentation conséquente des actes racistes, xénophobes et antireligieux que l’on constate entre 2022 et 2023, augmentation illustrée par le tableau ci-après.

Évolution des atteintes À caractÈre raciste, xÉnophobe et antireligieux entre 2022 et 2023

 

2022

2023

Évolution 2022/2023

Nombre d’atteintes constituant des crimes et délits

6 479

8 521

+ 31,5 %

Nombre d’atteintes constituant des contraventions

6 156

6 409

+ 4 %

Total des infractions

12 635

14 930

+ 18, 2 %

 Source : SSMI, bases statistiques des infractions enregistrées ou élucidées par la police et la gendarmerie entre 2016 et 2023.

● Le nombre de personnes mises en cause devant l’autorité judiciaire pour des infractions de provocations, injures ou diffamations publiques et non publiques assorties d’un motif discriminatoire est, quant à lui, passé d’environ 4 500 en 2016 à environ 5 500 en 2022. Dans le détail, il est passé de 1 900 mis en cause à 3 200 environ pour ce qui concerne les infractions non publiques et de 2 600 mis en cause à 2 400 environ pour les infractions publiques ([4]).

2.   Les discours de haine se maintiennent à des niveaux élevés dans notre pays

● Entre 2016 et 2023, les forces de sécurité intérieure ont enregistré en moyenne 215 cas annuels d’apologies publiques de crimes ou de délits ([5]). S’il est difficile de dégager une tendance, le tableau ci-après illustre toutefois une forte augmentation de ces infractions en 2023, probablement également liée au contexte de montée de l’antisémitisme évoqué précédemment.

Évolution du nombre d’infractions d’apologie publique de crimes ou dÉlits entre 2016 et 2023

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Nombre d’infractions

264

228

189

162

200

227

179

281

Source : SSMI, bases statistiques des infractions enregistrées ou élucidées par la police et la gendarmerie entre 2016 et 2023.

D’après les données communiquées par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice à votre rapporteur, le nombre annuel moyen de personnes mises en cause devant elle pour apologie publique de crime ou délit s’est élevé à 93 entre 2016 et 2022.

● Quant aux contestations des crimes contre l’humanité commis durant la Seconde guerre mondiale, leur nombre tourne autour d’une vingtaine par an.

Évolution du nombre d’infractions DE CONTESTATION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ COMMIS PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE entre 2016 et 2023

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Nombre d’infractions

19

18

19

31

23

13

15

19

Source : SSMI, bases statistiques des infractions enregistrées ou élucidées par la police et la gendarmerie entre 2016 et 2023.

D’après les données communiquées par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice à votre rapporteur, parmi ces chiffres, le nombre annuel moyen de personnes mises en cause devant elle pour contestation de la Shoah s’est élevé à 13 entre 2016 et 2022.

B.   PLUS DE 50 ANS APRÈS LA LOI PLEVEN et 30 ans aprÈs la loi gayssot, LE LÉGISLATEUR DOIT donc REMETTRE L’OUVRAGE SUR LE MÉTIER

1.   Un cadre normatif solide de lutte contre le racisme et les discriminations existe d’ores et déjà

Sans prétendre à l’exhaustivité, votre rapporteur tient à rappeler que de nombreuses lois importantes ([6]) sont d’ores et déjà venues participer de manière déterminante à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discriminations en matière pénale :

– la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, dite « loi Pleven », a notamment créé les délits de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence, d’injure et de diffamation à caractère raciste au sein de la loi du 29 juillet 1881 ;

– la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot », a notamment créé le délit de contestation des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde guerre mondiale à l’encontre notamment des juifs, connus sous le nom de Shoah ;

– la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe a érigé le mobile raciste en circonstance aggravante pour certains crimes et délits de droit commun. La liste de ces derniers a, par la suite, été étendue par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « Perben II », qui a également relevé le délai de prescription de l’action publique de trois mois à un an pour les infractions à caractère raciste relevant du droit de la presse ;

– la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations a notamment aligné la répression des discours à caractère sexiste ou homophobe sur le régime de la loi Pleven ;

– la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté a comporté de nombreuses mesures en matière de lutte contre les discriminations, comme la généralisation de la circonstance aggravante susmentionnée ou le remplacement de la notion « d’identité sexuelle » par celle « d’identité de genre », pour mieux lutter contre la transphobie. Elle a également étendu la répression de l’apologie et de la contestation de crimes contre l’humanité, notamment aux crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ;

– la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a rendu la procédure de comparution immédiate applicable à certains délits de presse, comme la provocation à la haine discriminatoire ou encore la contestation de crime contre l’humanité.

2.   Internet et les réseaux sociaux nécessitent d’adapter en permanence notre arsenal législatif aux réalités

L’une des raisons de l’explosion des infractions à caractère raciste ou antisémite est, bien entendu, la démocratisation toujours plus grande des réseaux sociaux et la désinhibition de plus en plus importante de certains de leurs utilisateurs. Internet est aussi un outil qui permet à des idéologues multirécidivistes de déverser leur haine auprès d’un auditorat sans cesse en progression, et ce, sans nécessairement être présents sur le territoire national.

La lutte contre la haine en ligne est un défi majeur et permanent pour les pouvoirs publics. Les technologies numériques rendent en effet plus rapides, plus faciles et plus massifs la diffusion publique de discours de haine et l’accès à une communication instantanée, publique ou privée, avec une personne aux fins de l’injurier, par exemple.

Le législateur ne découvre pas l’impact du numérique sur le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ; il a déjà agi sur ce sujet ([7]), en régulant l’activité des plateformes au niveau national avant même la mise en place d’une réglementation européenne commune. Tout en pointant des améliorations possibles, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a d’ailleurs déjà eu l’occasion de saluer la mise en œuvre, par les plateformes, de dispositifs visant à modérer les usages abusifs et préjudiciables de leurs services ([8]).

Il apparaît d’ailleurs que les Français auraient tendance à être davantage violents sur les réseaux sociaux que leurs voisins européens. Sans que l’on ne puisse considérer que cela soit significatif au regard de la courte période analysée, c’est en tout cas ce qui ressort du rapport du réseau social X (ex‑Twitter) sur le contrôle de ses contenus ([9]). Entre le 28 août et le 20 octobre 2023, les équipes de modération du réseau social ont dû supprimer 16 288 messages illicites en France ([10]), plus du double qu’en Espagne (7 743) ou en Allemagne (7 160). Même si la France compte davantage d’utilisateurs que ses deux voisins – 13 millions contre respectivement 10 et 8 millions – la proportion n’en demeure pas moins bien plus élevée et très inquiétante, surtout lorsque l’on sait que X ne compte que 52 modérateurs dédiés aux contenus en langue française, contre 82 pour la langue allemande, par exemple.

L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a aussi indiqué à votre rapporteur que 32 % des jeunes ont été confrontés à des vidéos ou articles remettant en cause la Shoah sur les réseaux sociaux.

Deux phénomènes particulièrement insupportables sont ainsi facilités par Internet :

– des prédicateurs de haine y développent une activité très lucrative. Ils y déversent des théories complotistes à grand renfort de révisionnisme, d’apologie de crimes ou de délits, d’injures ou de provocations à la haine. Alain Soral, Hervé Ryssen, Vincent Reynouard, Boris Le Lay ou Dieudonné M’Bala M’Bala en sont autant d’exemples. Votre rapporteur assume de citer leurs noms tout en dénonçant leurs méfaits, car il faut porter à la connaissance de tous le danger qu’ils représentent ;

– les injures ou provocations à la haine s’y multiplient donc. Si leur pendant public est le plus visible, il ne faut pas négliger l’importance de tous ces messages injurieux non publics que certaines personnes peuvent être amenées à recevoir. Des affaires très emblématiques illustrent ce phénomène : Mila, Eddy de Pretto, ou encore les tweets antisémites contre la première dauphine de Miss France 2021. Bien entendu, il va de soi qu’au-delà de ces situations très médiatisées, ce fléau est susceptible de toucher tout le monde.

Cette proposition de loi n’agit pas directement sur la régulation des réseaux sociaux. Comme indiqué précédemment, un cadre juridique existe déjà pour ce faire, et la mise en œuvre de la réglementation européenne est en cours. Il n’en demeure pas moins que ces phénomènes rendent nécessaire une évaluation régulière et pragmatique des écueils qu’ils induisent afin d’y répondre de manière très concrète. C’est ce à quoi votre rapporteur s’est employé.

3.   Le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine a fixé un cap que le législateur doit accompagner

Avant d’exposer les mesures présentes dans la proposition de loi, il importe de signaler qu’elle constitue un premier vecteur législatif de la mise en œuvre du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2023-2026).

Le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine

Présenté le 30 janvier 2023 par la Première ministre Élisabeth Borne, ce plan s’inscrit dans la continuité directe de celui élaboré par le Premier ministre Édouard Philippe en 2018.

Pensé dans un cadre interministériel par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) en concertation avec les associations, lieux de mémoire et autorités indépendantes concernés, il s’articule autour de cinq axes :

1. Affirmer la réalité du racisme et notre modèle universaliste ;

2. Mesurer les phénomènes de racisme, d’antisémitisme et les discriminations ;

3. Mieux éduquer et mieux former ;

4. Sanctionner les auteurs, au pénal, en civil et en disciplinaire ;

5. Accompagner les victimes.

Un comité de suivi de la mise en œuvre de ce plan a été installé en mars 2023 et une première réunion a eu lieu en juin de la même année. Les ministères concernés au niveau central et les comités opérationnels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et la haine anti-LGBT au niveau déconcentré sont à la tâche pour mettre en œuvre les plus de 80 mesures annoncées dans le cadre de ce plan.

Si de nombreuses mesures relèvent du pouvoir réglementaire, certaines d’entre elles nécessitent l’intervention du législateur ([11]). C’est notamment le cas, au sein de l’axe n° 4 « Sanctionner les auteurs, au pénal, en civil et en disciplinaire », de l’objectif stratégique 4.2 « Renforcer l’efficacité de la réponse pénale » qui comprend deux propositions principales :

– « prévoir la circonstance aggravante en cas d’infractions à caractère raciste, antisémite non publiques commises par des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public ;

– intégrer dans la loi du 29 juillet 1881 la faculté pour le tribunal, par décision spéciale et motivée, lorsque les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté, de décerner mandat d’arrêt contre le prévenu pour en permettre l’exécution des peines d’emprisonnement en cas de condamnations à caractère raciste ou antisémite, pour contestation de crime contre l’humanité ou apologie de crime contre l’humanité ou de crime de guerre ».

Cette proposition de loi s’emploie à mettre en œuvre ces deux mesures essentielles du plan.

II.   LA PROPOSITION DE LOI INITIALE : DES MESURES PRAGMATIQUES POUR APPORTER UNE RÉPONSE PÉNALE PLUS DIRECTE ET PLUS FERME sans toucher aux Équilibres actuels

Face à l’explosion des actes à caractère discriminatoire, à la diffusion toujours plus large et à la rentabilité toujours plus importante des discours de haine, votre rapporteur considère qu’il importe d’analyser sans cesse les manières de consolider notre riposte.

Cette proposition de loi vise ainsi à doter nos magistrats, qui font un travail remarquable au service de la justice et du droit, de nouveaux outils à la fois pour renforcer les sanctions face à ces comportements et s’adapter à leur évolution. Les taux de réponse pénale qui ont été communiqués à votre rapporteur illustrent parfaitement, si cela devait être nécessaire, que ce n’est pas de ce côté-là que le bât blesse.

Une approche concrète est à l’origine de ce texte. Les mesures qu’il propose, également promues par le Gouvernement et réclamées par de nombreuses associations antiracistes depuis des années, se fondent sur ce que votre rapporteur considère comme des lacunes ou des insuffisances de notre droit.

La responsabilité incombe alors au législateur de le changer. Les représentants du peuple, choqués qu’un mandat d’arrêt ne puisse être délivré contre un auteur de contenus haineux tel qu’Alain Soral malgré une condamnation à un an d’emprisonnement pour contestation de crime contre l’humanité, sont en droit de vouloir le rendre désormais possible. Les élus de la Nation, conscients du danger mortel que le racisme et l’antisémitisme « du quotidien » font courir à son unité et à sa cohésion, sont autorisés à ne plus vouloir qu’une injure raciste ou antisémite soit une contravention passible d’une amende maximale de 1 500 euros, mais devienne plutôt un délit pouvant coûter jusqu’à 3 750 euros d’amende.

Ce cheminement pragmatique se fait sans remise en cause des équilibres anciens et actuels du droit de la presse ou de la liberté d’expression. Il s’agit d’adaptations nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi qui, votre rapporteur l’espère, rassemblera l’Assemblée nationale tout entière.

A.   PERMETTRE AU TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE DÉCERNER UN MANDAT DE DÉPÔT OU D’ARRÊt CONTRE LES PRÉDICATEURS DE HAINE (ARTICLE 1Er)

1.   Combler une lacune de la procédure pénale sur le sujet

Lorsque le 15 avril 2019, Alain Soral fut condamné par la 13ème chambre du tribunal correctionnel de Paris à un an d’emprisonnement, assorti d’un mandat d’arrêt, pour contestation de crime contre l’humanité, le parquet interjeta logiquement appel de cette décision. Le code de procédure pénale ne permet en effet pas la délivrance d’un tel mandat lorsqu’un prévenu est condamné pour un délit de presse.

Cette décision, qui visait légitimement à faire appliquer le droit, choqua l’opinion publique. Plusieurs associations antiracistes publièrent même à cette occasion une tribune dénonçant un « Munich judiciaire » ([12]).

Il est certes logique et historique que les infractions de presse relèvent d’un régime procédural différent en matière de poursuites, de qualifications et de prescriptions compte tenu de leur nature même. En revanche, rien ne justifie ni historiquement, ni philosophiquement qu’une personne condamnée bénéficie d’un aménagement par rapport au droit commun en matière de recherche, d’interpellation et de mise en détention.

Votre rapporteur considère donc qu’il s’agit d’un vide juridique qu’il convient de combler, afin que des auteurs de délits graves à caractère raciste, antisémite ou négationniste cessent d’en profiter.

De manière très concrète, si l’article 1er de la proposition de loi est adopté, tout individu condamné demain pour certains délits de presse parmi les plus graves – apologie de crimes ou contestation de crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde guerre mondiale – pourra faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou de dépôt. Cette réponse plus directe mettrait ainsi un coup d’arrêt immédiat à la diffusion des discours de haine de ces individus, nuisant à leur commerce. Si un tel aménagement législatif avait alors été applicable, Alain Soral aurait, en raison des actes pour lesquels il a été poursuivi, dormi en prison dès le soir du 15 avril 2019.

Dans le cas d’individus qui vivent souvent reclus ou cachés, parfois à l’étranger, la possibilité d’émettre un mandat d’arrêt ([13]) apparaît indispensable. En tout état de cause, il ne s’agirait que d’un alignement, pour ces délits, avec le droit commun. Les autres conditions incontournables à l’émission d’un mandat d’arrêt ou de dépôt demeureraient les mêmes ([14]) et cela resterait, bien entendu, une faculté à la main du tribunal.

L’argument selon lequel très peu d’individus sont condamnés à un an d’emprisonnement ferme sur le fondement de ces délits correspond évidemment à la réalité. Pour autant, même si ne serait-ce qu’une seule personne est, grâce à ce dispositif, plus effectivement et directement punie et empêchée de nuire, votre rapporteur considèrera que le législateur aura fait œuvre utile.

2.   Mettre un terme au dévoiement de la liberté d’expression, sans pour autant remettre en cause les équilibres actuels

Avant toute chose, il convient de rappeler que la liberté d’expression, à laquelle votre rapporteur réaffirme bien entendu son attachement, n’est pas sans limites. Ce principe n’est pas nouveau, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen proclamant en effet que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

Le Conseil constitutionnel considère ainsi la liberté d’expression comme une liberté fondamentale mais accepte que des restrictions puissent lui être apportées à condition qu’elles soient « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi » ([15]). À plusieurs reprises, il a d’ailleurs été saisi du régime procédural applicable aux délits de presse ([16]), mais ne l’a jamais présenté comme intangible ou figé.

Surtout, les particularités du régime procédural applicable au droit de la presse ont avant tout pour vocation de protéger l’auteur des propos ou l’organe de presse qui les a diffusés, afin de limiter les cas de mises en cause. Une fois les propos soumis au juge – et donc a fortiori une fois le jugement rendu – la procédure se rapproche davantage de celle du droit commun. Le commentaire d’une décision du Conseil constitutionnel ([17]) est à cet égard très éloquent :

« L’équilibre que définit la loi entre l’exercice de la liberté d’expression et les conditions de la mise en cause de la responsabilité pour cet exercice est souvent présenté comme une succession de deux déséquilibres.

D’une part, le régime procédural est favorable à l’auteur des propos ou de l’organe de presse qui les a diffusés : l’introduction de l’instance est encadrée dans des conditions de fond (les cas de mise en cause sont limitativement énumérés, notamment la diffamation et l’injure), de délai (prescription trimestrielle) et de forme (prévues par les dispositions contestées) particulièrement rigoureuses et strictement définies.

D’autre part, la loi organise un régime de fond rigoureux pour l’auteur des propos ou l’organe de presse. Une fois franchies les barrières procédurales qui encadrent l’accès au juge, les conditions dans lesquelles l’auteur des propos incriminés ou l’organe de presse qui les a diffusés peuvent s’exonérer de leur responsabilité sont strictement encadrées (…) ».

Sur le fond, le Conseil constitutionnel a été amené à reconnaître la constitutionnalité de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, qui réprime la contestation des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde guerre mondiale, dans des termes qui soulignent la gravité toute particulière de ce délit. Il a en effet affirmé qu’« en réprimant les propos contestant l’existence de tels crimes, le législateur a entendu sanctionner des propos qui incitent au racisme et à l’antisémitisme » et que « les propos contestant l’existence de faits commis durant la seconde guerre mondiale qualifiés de crimes contre l’humanité (…) constituent en eux-mêmes une incitation au racisme et à l’antisémitisme » ([18]).

En tout état de cause, votre rapporteur n’entend évidemment pas remettre en cause les grands équilibres de la loi du 29 juillet 1881. C’est pourquoi il ne s’emploie pas à la modifier, par exemple en « sortant » certaines infractions de son cadre pour les soustraire à ses règles procédurales. Il s’emploie seulement à combler un manque au sein du code de procédure pénale dans le cas des délits les plus graves.

B.   ENVOYER UN MESSAGE DE FERMETÉ EN ÉRIGEANT EN DÉLITS LES PROVOCATIONS, DIFFAMATIONS ET INJURES NON PUBLIQUES À CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE (ARTICLE 2)

1.   La réponse pénale est déjà au rendez-vous en matière de provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire

Les provocations, diffamations et injures non publiques assorties d’un motif discriminatoire font d’ores et déjà l’objet d’une réponse pénale régulière et quasisystématique lorsque les affaires sont transmises à l’autorité judiciaire.

Ainsi, le taux de réponse pénale ([19]) pour ces trois contraventions tourne chaque année autour de 90 %. Comme l’a indiqué la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice à votre rapporteur, ce taux de réponse est similaire à celui qui est constaté pour les mêmes infractions commises en public.

Votre rapporteur ne recherche ainsi pas une réponse pénale plus systématique, mais une réponse pénale plus ferme.

2.   Il s’agit d’envoyer un message de fermeté associé à un principe d’exemplarité

En effet, si le taux de réponse pénale est comparable entre provocations, diffamations et injures publiques et non publiques, la nature de cette réponse pénale est différente à deux égards.

● En premier lieu, les provocations, diffamations et injures publiques font davantage l’objet de poursuites, tandis que celles qui ne sont pas publiques sont majoritairement sanctionnées par des procédures alternatives ([20]). Ainsi, en 2022, 59 % de ces infractions à caractère public ont fait l’objet de poursuites et 41 % de procédures alternatives. La répartition était inverse pour ce qui concerne les infractions non publiques (43 % de poursuites et 57 % de procédures alternatives).

● En second lieu, les peines prononcées par les juridictions pénales de première instance diffèrent évidemment dans leur niveau de sévérité, et ce, même si l’on ne se concentre que sur la question de l’amende ([21]), comme les tableaux ci‑après le démontrent.

Condamnations et peines prononcées pour des infractions contraventionnelles de 5ÈME classe de provocations, d’injures ou diffamations non publiques À CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE, par les juridictions de première instance

Année

Condamnations (infraction principale)

Ensemble des amendes

Amendes fermes

Montant moyen de l’ensemble des amendes fermes

2018

92

88

75

290 €

2019

168

174

153

302 €

2020

180

173

160

328 €

2021

269

272

251

326 €

Source : données communiquées par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

 

Condamnations et peines prononcées pour des infractions délictuelles de provocations, d’injures ou diffamations publiques À CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE, par les juridictions de première instance (AMENDES UNIQUEMENT)

Année

Condamnations (infraction principale)

Ensemble des amendes

Amendes fermes

Montant moyen de l’ensemble des amendes fermes

2018

150

85

69

1 250 €

2019

183

113

87

1 113 €

2020

197

120

103

634 €

2021

254

206

180

949 €

Source : données communiquées par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

Évidemment, ces différences sont en parfaite cohérence avec le cadre légal actuel. Elles justifient précisément la volonté de votre rapporteur de transformer les provocations, injures et diffamations non publiques à caractère discriminatoire en délits afin que l’amende maximale prévue soit augmentée, ce qui aura nécessairement un impact sur le montant des amendes effectivement prononcées.

Même si l’efficacité de la répression pénale passe avant tout par la certitude de la peine, le droit pénal a également un rôle d’affirmation des valeurs d’une société. Par ce qu’elle condamne et par le niveau auquel elle condamne, la Nation envoie des messages.

De manière très concrète, si l’article 2 de la proposition de loi est adopté, un individu tenant un propos provocant à la haine, injurieux ou diffamatoire à caractère discriminatoire, dans le cadre d’une « communauté d’intérêt » ([22]), par exemple dans un cadre professionnel, ou adressé directement à une personne ne risquera plus seulement jusqu’à 1 500 euros d’amende : celle-ci pourra atteindre jusqu’à 3 750 euros. La difficulté – signalée par plusieurs personnes auditionnées – qu’il peut parfois y avoir à qualifier des propos comme publics, alors qu’ils sont pourtant diffusés auprès d’une audience très large, par exemple sur un réseau social, justifie d’autant plus ce relèvement de la peine pour les infractions non publiques.

Par souci d’exemplarité, une circonstance aggravante est par ailleurs prévue si l’une de ces infractions est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public.

III.   LES PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION DES LOIS

La Commission des Lois, qui a très largement adopté cette proposition de loi, l’a également renforcée sur trois principaux volets :

– le dispositif de l’article 1er a été élargi pour faire en sorte que la délivrance d’un mandat d’arrêt ou de dépôt soit également possible en cas de condamnation pour d’autres délits de presse, tels que les provocations à commettre des crimes ou délits graves, les provocations à la haine, à la discrimination ou à la violence, les diffamations ou les injures publiques à caractère discriminatoire, ainsi que la contestation des autres crimes contre l’humanité, la proposition de loi initiale le prévoyant d’ores et déjà pour la Shoah ;

– le volet répressif de la délictualisation des provocations, diffamations et injures publiques à caractère discriminatoire s’accompagne désormais d’une dimension davantage pédagogique avec, d’un côté, des peines complémentaires parmi lesquelles le travail d’intérêt général et le stage de citoyenneté, auxquels votre rapporteur est particulièrement attaché, et, de l’autre, la proposition systématique d’une mesure de justice restaurative pour la victime et l’auteur ;

– enfin, deux nouveaux délits ont été créés afin de combler un manque qui affaiblissait jusqu’alors notre réponse pénale : l’apologie et la contestation non publiques de crimes contre l’humanité.

 


—  1  —

 

   Commentaire des articles de la proposition de loi

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie l’article 465 du code de procédure pénale, afin de donner au tribunal correctionnel la possibilité de décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt contre un prévenu condamné à une peine d’emprisonnement pour contestation de crimes contre l’humanité ou apologie de certains crimes, notamment de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a réécrit le dernier alinéa de l’article 465 du code de procédure pénale afin de modifier la procédure en cas d’arrestation à la suite d’un mandat d’arrêt délivré par le tribunal correctionnel dans l’hypothèse d’un jugement rendu par défaut.

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié l’article 397-6 du code de procédure pénale afin de rendre la procédure de comparution immédiate applicable aux délits prévus par les articles 24 et 24 bis ainsi qu’aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En pratique, cela a rendu possible la délivrance d’un mandat de dépôt pour certains délits de presse jugés en comparution immédiate ([23]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission des Lois a adopté trois amendements, dont deux identiques de Mme Caroline Yadan et M. Jérémie Patrier‑Leitus qui élargissent à d’autres délits de presse graves la faculté donnée au tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt.

  1.   L’état du droit
    1.   La faculté donnée au tribunal correctionnel de délivrer un mandat de dépôt ou d’arrêt est soumise à conditions

Un mandat est un acte judiciaire délivré par un magistrat ou un tribunal compétent aux fins de comparution ou d’arrestation d’un individu.

L’article 122 du code de procédure pénale définit cinq types de mandats. Les mandats de comparution ([24]), d’amener ([25]) et de recherche ([26]) ont pour fonction de permettre la comparution d’une personne. Les mandats de dépôt ou d’arrêt, dont traite la proposition de loi, visent quant à eux l’arrestation de l’individu.

Si le mandat est avant tout une prérogative du juge d’instruction ([27]), d’autres magistrats ont la faculté d’en délivrer. C’est notamment le cas du tribunal correctionnel pour ce qui concerne les mandats de dépôt ou d’arrêt en cas de condamnation.

  1.   La distinction entre mandat de dépôt et d’arrêt

La difficulté à différencier le mandat de dépôt et le mandat d’arrêt est un legs de l’histoire. Ils sont tous deux les héritiers du « décret de prise de corps », prévu par l’ordonnance criminelle de 1670, qui ordonnait l’arrestation et la détention d’une personne. La loi des 16 et 29 septembre 1791, première à introduire le terme de « mandat », ne connaissait que le mandat d’arrêt. La loi du 7 pluviôse an IX créa quant à elle l’expression « mandat de dépôt » pour désigner un ordre d’arrestation provisoire, dont la durée d’application était de 24 heures, délivré par l’accusateur public. Ce caractère provisoire distingua plus nettement les deux mandats à compter de la loi du 4 avril 1855 : le mandat d’arrêt permettait de détenir l’individu jusqu’à sa comparution devant la juridiction de jugement tandis que le mandat de dépôt était, quant à lui, temporaire. La loi du 14 juillet 1865 les rapprocha sur ce point, tout en précisant que le mandat d’arrêt est délivré contre un individu en fuite, tandis que le mandat de dépôt vise une personne déjà arrêtée. C’est cette distinction qui prévaut encore aujourd’hui.

● Le dernier alinéa de l’article 122 du code de procédure pénale définit le mandat de dépôt comme « (…) l’ordre donné au chef d’établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l’encontre de laquelle il est décerné (…) ».

Le mandat de dépôt suppose que la personne en question est déjà à la disposition de la justice.

● Le sixième alinéa de l’article 122 du code de procédure pénale définit quant à lui le mandat d’arrêt comme « (…) l’ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l’encontre de laquelle il est décerné et de la conduire (…) à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue ».

Le mandat d’arrêt est ainsi un titre de recherche, d’interpellation et de détention qui va au-delà du mandat de dépôt. Il ne peut être décerné que contre une personne en fuite ou résidant hors du territoire de la République ([28]). En pratique, il est aussi délivré contre une personne dont le domicile n’est pas connu.

  1.   Les conditions de délivrance de ces mandats par le tribunal correctionnel

L’article 465 du code de procédure pénale, qui rend possible la délivrance d’un mandat d’arrêt ou de dépôt par le tribunal correctionnel lorsqu’il condamne un prévenu pour la commission d’un délit, pose plusieurs conditions :

– condition tenant au délit pour lequel l’individu est condamné : il doit s’agir d’un délit de droit commun ou d’un délit d’ordre militaire prévu par le livre III du code de justice militaire ;

– condition tenant à la peine prononcée : elle doit être d’au moins une année d’emprisonnement sans sursis ([29]) ;

– condition tenant à la motivation : le tribunal doit décerner le mandat par une décision spéciale et motivée ([30]) lorsque les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

Dans l’intérêt d’une répression plus rapide et plus efficace, et par dérogation au principe de l’effet suspensif des voies de recours, l’exécution des mandats n’est suspendue ni par l’opposition ou l’appel, ni par la cassation.

Le mandat d’arrêt continue également de produire son effet même si le tribunal, sur opposition, ou la cour, sur appel, réduit la peine à moins d’une année d’emprisonnement. Il en est de même en ce qui concerne le mandat de dépôt dans la seconde hypothèse. Le tribunal ou la cour ont toutefois la faculté de donner mainlevée de ces mandats par décision spéciale et motivée.

Enfin, une personne arrêtée à la suite d’un mandat d’arrêt délivré dans le cadre d’un jugement rendu par défaut ([31]) est placée en rétention et doit être conduite, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation, au procureur de la République qui la traduit devant le juge des libertés et de la détention. Ce dernier peut la placer en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire jusqu’à sa comparution devant la juridiction de jugement ([32]).

  1.   La délivrance d’un mandat d’arrêt ou de dépôt n’est aujourd’hui pas possible pour les délits de presse

La possibilité donnée au tribunal correctionnel de délivrer un mandat de dépôt ou d’arrêt est donc notamment restreinte par la nature du délit pour lequel l’individu est condamné. Au départ limitée aux seules condamnations pour des délits de droit commun, elle s’est étendue à celles pour des délits d’ordre militaire.

  1.   La qualification de « délit de droit commun » exclut notamment les délits de presse

● Le tribunal correctionnel peut notamment délivrer un mandat de dépôt ou d’arrêt en cas de condamnation pour un « délit de droit commun ».

Cette notion renvoie à une distinction classique en droit pénal qui, à côté de la qualification des infractions selon leur gravité ([33]), les différencie aussi en fonction de la nature des comportements incriminés. On distingue ainsi généralement les infractions de droit commun des infractions douanières, fiscales, politiques, terroristes, militaires et de celles relevant du droit de la presse.

Du fait de leur nature particulière, ces infractions échappent, dans des dimensions différentes ([34]) et évolutives ([35]), au droit commun. Cela peut se manifester tant en termes de fond que de procédure.

● Les délits de presse figurent dans le chapitre IV ([36]) de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ces infractions sont soumises à des règles de poursuites et de répression dérogatoires du droit commun puisqu’elles constituent des limites à la liberté d’expression. C’est notamment le cas :

– en matière de prescription : les délits de presse ayant été pensés pour la presse papier, éphémère, le délai de prescription de principe est de trois mois. Afin de tenir compte de l’émergence d’Internet, il a toutefois été allongé à un an pour certains délits ([37]), notamment ceux à caractère discriminatoire ;

– en matière d’instruction : le juge est lié par la qualification du réquisitoire introductif ou de la plainte avec constitution de partie civile ([38]).

C’est donc aussi le cas en matière de délivrance de mandats d’arrêt et de dépôt, même s’il s’agit d’une dérogation procédurale qui paraît moins légitime. Une évolution récente, introduite par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 précitée, est venue tempérer ce constat.

L’impact relatif de la loi confortant le respect des principes de la République sur la délivrance de mandat de dépôts pour certains délits de presse

Comme évoqué précédemment, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 précitée a modifié l’article 397-6 du code de procédure pénale afin de rendre la procédure de comparution immédiate applicable aux délits prévus par les articles 24 et 24 bis ainsi qu’aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le premier alinéa de l’article 397-4 du code de procédure pénale précise que « dans le cas où le prévenu est condamné à un emprisonnement sans sursis, le tribunal saisi en application des articles 395 et suivants peut, quelle que soit la durée de la peine, ordonner, d’après les éléments de l’espèce, le placement ou le maintien en détention par décision spécialement motivée ». Le tribunal peut donc décerner un mandat de dépôt, à la suite d’une comparution immédiate, quelle que soit l’infraction pour laquelle la personne est condamnée et quelle que soit la durée de la peine prononcée.

La loi du 24 août 2021 a donc de facto rendu possible la délivrance d’un mandat de dépôt dans le cadre d’une condamnation pour certains délits de presse en comparution immédiate.

Toutefois, cette possibilité est limitée en pratique. L’article 395 du code de procédure pénale prévoit qu’un détenu peut être traduit devant le tribunal en comparution immédiate uniquement dans la mesure où la peine qu’il encourt est au moins égale à deux ans, sauf en cas de flagrant délit. Étant donné que seuls les délits prévus aux premier à cinquième alinéas de l’article 24 sont passibles d’une peine de plus de deux ans d’emprisonnement, les délits de négationnisme doivent, par exemple, faire l’objet d’une flagrance pour pouvoir être soumis à la procédure de comparution immédiate.

  1.   La liste des délits pouvant faire l’objet d’un mandat délivré par le tribunal correctionnel a déjà fait l’objet d’extensions

Le législateur a la faculté d’élargir la nature des délits pouvant faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou de dépôt.

Cela a pu se faire directement, par la voie d’une modification de l’article 465 du code de procédure pénale. Ainsi, alors que ce dernier ne prévoyait originellement cette possibilité que pour les délits de droit commun – ce qui a conduit le juge à l’écarter explicitement pour les infractions militaires ([39]) – le législateur ajouta cette éventualité pour « un délit d’ordre militaire prévu par le livre III du code de justice militaire » ([40]).

Cela a également pu se faire plus indirectement, en transférant l’incrimination d’un délit de la loi du 29 juillet 1881 au code pénal, afin qu’il ne soit plus considéré comme un délit de presse, mais comme un délit de droit commun. Ce fut le cas pour ce qui concerne l’apologie du terrorisme ([41]).

  1.   Le dispositif proposé
    1.   L’intégration de nouvelles infractions dans le champ de celles pouvant donner lieu à un mandat de dépôt ou d’arrêt du tribunal correctionnel

L’article 1er de la proposition de loi donne au tribunal correctionnel la possibilité de décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt contre un prévenu condamné à une peine d’emprisonnement pour les délits prévus et réprimés par le cinquième alinéa de l’article 24 et le premier alinéa de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, c’est-à-dire :

– l’apologie des crimes mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article 24 précité : il s’agit ainsi, par exemple, de l’apologie du meurtre, de l’assassinat, de l’empoisonnement, de la torture, du viol ; d’un vol commis avec usage ou menace d’une arme, ou encore d’une destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’un incendie ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ([42]) ;

– l’apologie des crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi ;

– la contestation de l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité « tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale », c’est-à-dire des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde guerre mondiale à l’encontre notamment des juifs, connus sous le nom de Shoah.

  1.   La définition des délits de presse en question

● L’incrimination de l’apologie de crimes a été progressive dans notre droit. Instituée par une loi de 1951 pour certains crimes ([43]), elle a été complétée par une loi de 1987 ([44]) pour ajouter les crimes contre l’humanité à la liste des infractions dont l’apologie est punie.

La jurisprudence définit la notion d’apologie comme une « glorification ou une justification valorisante d’un acte criminel ou de son auteur » ([45]).

Ces propos doivent revêtir un caractère public ([46]).

Distinction entre l’apologie et la provocation

L’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 réprime toute personne ayant provoqué à la commission d’une infraction lorsque cette provocation a été suivie d’effet, considérant cette personne comme complice d’une action qualifiée de crime ou délit. L’article 24 de la même loi réprime la provocation à certains crimes ou délits dans le cas où cette provocation n’a pas été suivie d’effet.

Dans les deux cas, la provocation se distingue de l’apologie en ce que la première suppose une volonté qu’un acte soit commis. La jurisprudence garantit la distinction entre les deux types d’infractions ([47]) que la doctrine a pu parfaitement résumer ainsi : « La provocation et l’apologie se rejoignent en ce qu’elles sanctionnent des propos dont on peut dire qu’ils constituent un outrage à la loi, la provocation poussant à la violer, l’apologie glorifiant sa violation » ([48]).

● Le délit de « négationnisme » a été introduit dans le droit français par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte, raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot », qui a créé un article 24 bis au sein de la loi du 29 juillet 1881.

Il s’agit de la négation, implicite ou explicite ([49]), ou de la minoration outrancière ([50]) des crimes commis pour le compte des puissances européennes de l’Axe avant ou pendant la Seconde guerre mondiale, par les membres des organisations déclarées criminelles par le Tribunal militaire de Nuremberg ou par toute autre personne condamnée par une juridiction nationale ou internationale ([51]).

Comme pour le délit d’apologie, ces propos doivent revêtir un caractère public.

La détermination de la condition de publicité

La publicité se compose d’un élément matériel et d’un élément intentionnel :

– en ce qui concerne l’élément matériel, l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 énumère de façon très large les modes de publication concernés : « discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, (…) écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, (…) placards ou (…) affiches exposés au regard du public, (…) tout moyen de communication au public par voie électronique » ;

– l’élément intentionnel suppose que le propos ait été « proféré », c’est-à-dire tenu « dans des circonstances traduisant une volonté de le rendre public » ([52]).

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que les chercheurs et historiens sont néanmoins protégés, puisque ces dispositions « n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire les débats historiques » ([53]).

  1.   Les autres conditions du mandat d’arrêt demeurent inchangées

L’article 1er de la proposition de loi ne change en rien les autres conditions posées par l’article 465 du code de procédure pénale pour délivrer un mandat d’arrêt.

Ainsi, cela demeure une faculté ouverte au juge, qu’il doit motiver en fonction des circonstances de l’espèce.

De même, aucun mandat de dépôt ou d’arrêt ne peut être, hors comparution immédiate, délivré si la personne est condamnée à moins d’une année d’emprisonnement.

L’article 465-1 de ce code sera néanmoins applicable, désormais, aux délits de presse susmentionnés, et le tribunal pourra ainsi délivrer un mandat de dépôt ou d’arrêt quelle que soit la peine d’emprisonnement prononcée lorsque les faits seront commis en état de récidive légale.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur ([54]), la Commission a adopté deux amendements identiques de Mme Caroline Yadan et M. Jérémie Patrier‑Leitus ([55]) qui élargissent la faculté donnée au tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt contre un prévenu condamné à une peine d’emprisonnement pour d’autres délits de presse :

– la provocation, dans le cas où celle‑ci n’a pas été suivie d’effet, à commettre certains crimes ou délits ([56]) ;

– la provocation à un crime ou délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ([57]) ;

– la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère discriminatoire ;

– la négation, minoration ou banalisation de façon outrancière de l’existence d’un crime de génocide, d’un crime contre l’humanité ([58]), d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre, lorsque ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;

– la diffamation publique à caractère discriminatoire ;

– l’injure publique à caractère discriminatoire.

*

*     *

 

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article délictualise la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, la diffamation et l’injure non publiques qui présentent un caractère discriminatoire.

Pour chacun de ces trois nouveaux délits, il prévoit une circonstance aggravante lorsqu’ils sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice de sa mission.

       Dernières modifications intervenues

Le décret n° 2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire a déjà renforcé la répression de ces trois infractions. Les diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire sont ainsi devenues des contraventions de la cinquième classe, comme l’étaient déjà les provocations.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission des Lois a adopté cinq amendements dont deux procèdent de la volonté de prévoir, à côté de la peine principale, des peines complémentaires et une proposition de justice restaurative.

  1.   L’état du droit
    1.   La définition des provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire
      1.   Les provocations, diffamations et injures à caractère discriminatoire

● La provocation est entendue comme « une action qui consiste dans le fait d’inciter autrui à faire ou à ne pas faire quelque chose » ([59]). Dans le cas d’espèce, il s’agit d’inciter quelqu’un à la discrimination, à la haine ou à la violence.

La diffamation renvoie, quant à elle, à « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » ([60]).

Quant à l’injure, il s’agit de « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » ([61]).

● La loi du 29 juillet 1881 comme le code pénal considèrent que la provocation à la haine ou à la violence, la diffamation et l’injure présentent un caractère discriminatoire lorsqu’elles visent une personne ou un groupe de personnes à raison :

– de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ;

– de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap.

Pour ce qui concerne la provocation à la discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap, la loi du 29 juillet 1881 et le code pénal font plus spécifiquement référence aux discriminations prévues aux articles 225-2 ([62]) et 432‑7 ([63]) du code pénal.

  1.   La qualification de « non publique » renvoie à des propos qui ne sont ni publics, ni strictement privés

La loi distingue – et sanctionne de façon différente ([64]) – les provocations, diffamations et injures selon qu’elles sont « publiques » ou « non publiques ». Le législateur n’a toutefois jamais clairement et directement défini cette distinction.

Les provocations, diffamations et injures publiques sont celles qui sont formulées avec l’un des moyens mentionnés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, c’est‑à‑dire les « discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, (…) écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, (…) placards ou (…) affiches exposés au regard du public, [ou] tout moyen de communication au public par voie électronique ».

La pluralité de destinataires ne saurait toutefois impliquer automatiquement une publicité du propos. La Cour de cassation est en effet venue préciser que si les destinataires d’un propos, par exemple diffamatoire, sont liés entre eux par une « communauté d’intérêt », la publicité n’est pas caractérisée et la diffamation sera qualifiée de « non publique » ([65]).

La notion de communauté d’intérêt

La notion de communauté d’intérêt est centrale pour distinguer des propos tenus publiquement ou non. La jurisprudence définit cette notion comme « un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations, des objectifs partagés ou des affinités amicales ou sociales » ([66]).

C’est au juge qu’il appartient d’apprécier l’existence ou non de cette communauté d’intérêt entre les personnes destinataires d’un propos.

Ont été, par exemple, considérés comme liés par un groupe d’intérêt : une assemblée générale d’actionnaires ; les salariés d’une même entreprise ; le chef d’un établissement scolaire et les membres de l’inspection académique ; les membres d’un parti politique ; ou encore les membres d’une association pour ce qui concerne le bulletin distribué à ses membres ([67]).

La notion a bien entendu été renouvelée avec l’émergence des nouvelles technologies et notamment des réseaux sociaux.

S’agissant d’un courrier électronique, le juge doit rechercher « l’identité de toutes les personnes ayant pu prendre connaissance du courriel » afin de déterminer s’ils sont tous liés par une communauté d’intérêt ([68]).

Dans le cas de propos diffusés sur un compte de réseau social accessible aux seuls « amis » et « contacts » d’une personne, c’est-à-dire aux seules personnes agréées par l’intéressée, « l’accès aux informations mises en ligne était limité à des membres choisis, en nombre très restreint, membres qui compte tenu du mode de sélection, par affinités amicales ou sociales, forment une communauté d’intérêts, exclusive de la notion de public » ([69]).

Il n’y a parfois pas d’ambiguïté pour différencier des injures publiques et non publiques face à des situations qui présentent pourtant des caractéristiques communes. Ainsi, des échanges à caractère raciste tenus entre onze fonctionnaires de police au sein d’un groupe de discussion Whatsapp ont été qualifiés d’injures non publiques (jugement du tribunal de police d’Évreux en date du 5 novembre 2021) tandis que des échanges présentant les mêmes caractères, également entre fonctionnaires de police, sur un groupe Facebook privé comptant 8 000 membres ont été qualifiés notamment d’injures publiques (jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 22 juin 2022).

Un propos tenu dans un cadre strictement privé visant une personne autre que le destinataire du message n’est, en revanche, pas incriminable. Des propos ou écrits ne peuvent ainsi être qualifiés de « non publics » que s’ils sont formulés « dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel » ([70]), ce qui suppose notamment que leur auteur n’ait pas souhaité les conserver secrets et que soit démontrée sa volonté qu’ils soient portés à la connaissance de tiers ([71]).

Cette exclusion s’explique par l’assimilation historique de ces infractions à des infractions de presse. Le propos tenu de manière strictement confidentielle n’est ainsi pas visé, afin de préserver le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression d’un individu.

Ce caractère confidentiel ne vaut toutefois que dans le cas où la personne visée n’est pas le destinataire des propos. L’infraction de diffamation ou d’injure non publique sera bien sûr caractérisée lorsque les propos litigieux visent directement le ou l’un des destinataires.

  1.   Les provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire sont actuellement des contraventions

● Les provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire sont des infractions sanctionnées moins sévèrement que leurs pendantes publiques.

PEINES MAXIMALES ENCOURUES POUR PROVOCATIONS, DIFFAMATIONS OU INJURES À CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE SELON LEUR NATURE PUBLIQUE OU NON PUBLIQUE

 

 

Provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

Diffamation

Injure

Publique

Cadre juridique

7ème et 8ème alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881

2ème et 3ème alinéas de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881

3ème et 4ème alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881

Peine maximale encourue

Un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende

Un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende

Un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende

Circonstance aggravante

Faits commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions : trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende

Aucune

Faits commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions : trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende

Non publique

Cadre juridique

R. 625-7 du code pénal

R. 625-8 du code pénal

R. 625-8-1 du code pénal

Peine maximale encourue

Contravention de la cinquième classe (1 500 euros d’amende, 3 000 euros en cas de récidive)

Contravention de la cinquième classe (1 500 euros d’amende, 3 000 euros en cas de récidive)

Contravention de la cinquième classe (1 500 euros d’amende, 3 000 euros en cas de récidive)

Circonstance aggravante

Aucune

Aucune

Aucune

Sources : code pénal et loi du 29 juillet 1881.

Les diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire sont plus sévèrement sanctionnées que celles dénuées d’un tel caractère, qui sont punies d’une contravention de la première classe ([72]).

● Les personnes coupables de provocations, diffamations ou injures non publiques à caractère discriminatoire encourent également différentes peines complémentaires ([73]) :

– interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

– confiscation d’une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

– confiscation de la chose qui a servi ou qui était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;

– travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures ;

– l’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de citoyenneté.

  1.   Ces trois contraventions ont déjà connu un renforcement récent de leur répression

Le décret n° 2017-1230 du 3 août 2017 précité est d’ores et déjà venu renforcer la répression des provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire, autour de trois volets principaux :

– le passage des diffamations et injures non publiques de contraventions de la quatrième classe (750 euros d’amende) à contraventions de la cinquième classe (1 500 euros d’amende) ;

– l’élargissement de ces infractions aux cas où elles sont commises en raison de l’identité de genre de la victime, afin de renforcer la lutte contre la transphobie ;

– l’ajout de la peine complémentaire de stage de citoyenneté pour l’ensemble de ces trois contraventions et de celle de travail d’intérêt général pour les diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   La délictualisation des infractions de provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire

L’article 2 de la proposition de loi renforce la répression des provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire, qui deviennent des délits punis de 3 750 euros d’amende.

En conséquence, il crée une nouvelle section 3 ter au sein du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, « Des atteintes à la dignité de la personne », intitulée « Des provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire » et composée de trois articles :

– l’article 225‑16-4, qui réprime la provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère discriminatoire ;

– l’article 225‑16-5, qui réprime la diffamation présentant les mêmes caractères ;

– l’article 225‑16-6, qui réprime l’injure présentant les mêmes caractères.

Les définitions de ces trois infractions ne sont pas modifiées. Le rehaussement de leur qualification, de contravention en délit, n’aura notamment aucune conséquence jurisprudentielle sur le critère de publicité. Seront ainsi plus sévèrement réprimés les provocations ou propos à caractère raciste ou discriminatoire diffusés entre des personnes liées par une communauté d’intérêt ou directement proférés envers une personne.

Cette délictualisation ne remet pas en cause l’échelle des peines. Les mêmes infractions commises publiquement demeureront toujours punies plus fermement.

  1.   La création d’une circonstance aggravante lorsque ces infractions sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Pour chacun des trois délits créés, il est prévu une circonstance aggravante lorsque ceux-ci seront commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.

La peine encourue, une amende de 3 750 euros, est alors portée à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende.

La mise en œuvre de sanctions renforcées pour les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public s’inscrit dans la logique du droit existant. La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a en effet déjà prévu une telle circonstance aggravante pour certains délits de presse, notamment la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence et l’injure publique.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

● La Commission a d’abord tenu à compléter l’éventail des peines pouvant être prononcées dans le cadre d’une condamnation pour des faits de provocations à la haine, diffamations ou injures non publiques.

En adoptant un amendement de M. Jérémie Patrier‑Leitus ([74]), elle a fait en sorte que le juge puisse toujours prononcer les peines complémentaires actuellement prévues ([75]) malgré l’érection en délits de ces trois infractions.

Dans une logique différente mais complémentaire, elle a adopté un amendement de Mme Cécile Untermaier ([76]) qui vise à prévoir, à l’image d’une disposition générale figurant déjà à l’article 10‑1 du code de procédure pénale, que la victime et l’auteur de l’infraction se voient proposer une mesure de justice restaurative.

● La Commission a également procédé à des coordinations ou harmonisations légistiques en adoptant :

– un amendement de M. Raphaël Gérard ([77]) visant à faire en sorte que les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre soient tout de même caractérisées si elles ont été attribuées à tort à la victime par l’auteur ;

– un amendement, également proposé par M. Raphaël Gérard ([78]), visant à exclure les trois délits créés du champ des infractions pouvant voir leurs peines encourues aggravées dans le cas où elles sont commises avec un caractère discriminatoire. Cette coordination était nécessaire puisque ces trois infractions ont déjà, dans leur caractérisation même, un élément discriminatoire ;

– enfin, un amendement de coordination de votre rapporteur ([79]) au sein de l’article 65‑4 de la loi du 29 juillet 1881, afin de garantir que le délai de prescription de l’action publique de ces trois infractions soit aligné sur celui des mêmes infractions commises en public.

*

*     *

 

Introduit par la Commission

Cet article additionnel est issu de l’adoption d’un amendement de Mme Caroline Yadan ([80]). Il vise à créer une nouvelle section 3 quater au sein du chapitre V du titre II du livre II du code pénal comprenant deux articles instituant deux nouveaux délits.

● Le nouvel article 225168 réprime l’apologie non publique des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs.

Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Sa rédaction et sa caractérisation s’inspirent, bien entendu, du délit d’apologie publique des mêmes crimes prévu au cinquième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

● Le nouvel article 225169 réprime, quant à lui, la contestation non publique de l’existence d’un crime contre l’humanité, sur le modèle de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ce délit est puni d’une amende de 3 750 euros.

● La création de ces deux nouveaux délits vise à mieux réprimer des faits qui ne sont aujourd’hui sanctionnés que lorsqu’ils sont commis publiquement.

En effet, l’apologie ou la contestation d’un crime contre l’humanité dans un cadre non public n’est aujourd’hui pas répréhensible. Cela pose un problème d’autant plus important au regard de la vision particulièrement restrictive de la jurisprudence sur l’élément de publicité ([81]).

Des faits graves, aujourd’hui non sanctionnés, pourront ainsi l’être demain, comme la contestation de l’existence de la Shoah dans le cadre d’une communauté d’intérêt, par exemple au sein d’une entreprise.

Votre rapporteur salue l’adoption de ce nouvel article qui renforcera la lutte implacable qu’il nous appartient de mener contre le racisme, et plus singulièrement l’antisémitisme.

● Pour chacune de ces deux infractions, sont prévues :

– trois peines complémentaires : l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, le travail d’intérêt général et l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté ;

– une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Les peines sont alors portées à trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour l’apologie non publique et à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour la contestation non publique.

Enfin, le II de l’article 3 de la proposition de loi ajoute un alinéa à l’article 65‑4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin de prévoir un délai de prescription de l’action publique résultant de ces deux nouveaux délits d’un an, aligné sur celui des mêmes infractions commises en public.

*

*     *

Introduit par la Commission

Cet article additionnel est issu de l’adoption de quatre amendements procédant à des modifications de la loi du 29 juillet 1881 poursuivant trois objectifs :

– à l’initiative de M. Raphaël Gérard, et parce que la République ne reconnaît aucune race, préciser que les délits à caractère raciste se fondent sur une « prétendue » race ([82]) ;

– également à l’initiative de M. Raphaël Gérard, faire en sorte – sur le modèle de ce qui a également été fait par la Commission au sein de l’article 2 de la proposition de loi – que les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre soient tout de même caractérisées si elles ont été attribuées à tort à la victime par l’auteur ([83]) ;

– à l’initiative de MM. Raphaël Gérard et Jérémie Patrier‑Leitus, prévoir une circonstance aggravante lorsqu’une diffamation publique à caractère discriminatoire a été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ([84]). La loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ne l’avait en effet prévue que pour ce qui concerne les provocations à la haine et injures publiques à caractère discriminatoire.

*

*     *

Introduit par la Commission

Cet article additionnel est issu de l’adoption de deux amendements identiques de MM. Raphaël Gérard et Philippe Dunoyer ([85]) et vise à prévoir l’application de la présente proposition de loi en NouvelleCalédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

*

*     *

 


—  1  —

 

   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 28 février, la commission examine la proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémite (n° 1727) (M. Mathieu Lefèvre, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/vf9nYO

M. le président Sacha Houlié. Cette proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour dans le cadre de la semaine de l’Assemblée nationale, à la demande du groupe Renaissance. Elle a été déposée le 12 octobre 2023 par Mathieu Lefèvre, Caroline Yadan et les membres du groupe Renaissance.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. C’est l’un de vos illustres prédécesseurs à la tête de cette commission, monsieur le président, qui a écrit : « Quand la France devient raciste, elle cesse d’être la France. […] Le racisme, voilà l’ennemi de la France. C’est en se délivrant moralement et politiquement du racisme que notre patrie retrouvera le secret de sa grandeur et de son rayonnement dans le monde ». Ces mots du gaulliste de gauche qu’était René Capitant ont été repris dans le journal antiraciste Droit et Liberté, il y a près de soixante-dix ans. Le centriste René Pleven s’était quant à lui adressé à l’Assemblée nationale, le 7 juin 1972, pour présenter la loi qui gravera son nom dans la postérité. Et le communiste Jean-Claude Gayssot était monté à la tribune le 2 mai 1990 pour proposer à la représentation nationale d’interdire la contestation de la Shoah.

Ces illustres personnalités avaient-elles alors conscience que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme demeurerait longtemps encore un combat à mener ? Entre 2016 et 2023, les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont augmenté de plus de 56 %. L’année 2023 a d’ailleurs marqué un tournant : ces mêmes atteintes constituant des crimes et délits ont progressé de plus de 30 % ; le nombre d’actes antisémites, qui était de 436 en 2022, est passé à 1 676, dont près des deux tiers portant directement atteinte aux personnes.

Cette explosion des actes antisémites sur notre sol, constatée au lendemain des attentats terroristes du Hamas visant Israël le 7 octobre 2023, est l’un des symptômes les plus nauséabonds des heures graves que traverse la France. Il est plus qu’intolérable de constater que les actes à caractère discriminatoire augmentent dans notre pays. Face à leurs auteurs, la société tout entière doit être mobilisée – le législateur également. Je tiens à rendre hommage à nos forces de l’ordre et à nos magistrats, qui font un travail remarquable. Tous les magistrats du parquet que nous avons auditionnés nous ont dit à quel point la répression de ces actes était une priorité pour eux. Je ne voudrais pas laisser croire que cette proposition de loi viendrait pallier une déficience de leur volonté car ils sont pleinement impliqués dans cette lutte.

En 2023, le Gouvernement a présenté un nouveau plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine pour la période 2023-2026. Plusieurs réunions interministérielles ont déjà eu lieu pour le mettre en œuvre. C’est désormais au législateur de prendre sa part de cet effort. D’où cette proposition de loi qui fait droit à l’axe 4 du plan de lutte, concernant la sanction des auteurs.

Cette proposition de loi, écrite avec ma collègue Caroline Yadan, que je remercie pour son implication, est née d’une approche concrète et pragmatique. Il s’agit de pallier ce que l’on peut considérer comme étant des lacunes ou des insuffisances de notre droit. Ainsi, des prédicateurs de haine multirécidivistes échappent à la justice, qui les a pourtant condamnés, car aucun mandat d’arrêt ne peut être délivré s’il s’agit de délit de presse. En 2019, le parquet avait dû interjeter appel du jugement de la treizième chambre du tribunal correctionnel de Paris qui avait condamné Alain Soral à un an d’emprisonnement, assorti d’un mandat d’arrêt : ce dernier était dépourvu de fondement juridique.

L’article 1er de la proposition de loi veut mettre fin à ce dévoiement des principes de la liberté d’expression. Il permet au tribunal correctionnel de délivrer un mandat d’arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d’emprisonnement pour apologie ou contestation de crime contre l’humanité. Cela ne remet absolument pas en cause les grands équilibres de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à laquelle je suis, comme vous tous, très attaché. Il aurait pu être envisagé de sortir ces infractions du périmètre de la loi de 1881 et d’en faire des délits de droit commun, comme cela a été le cas concernant l’apologie du terrorisme en 2014. Ce n’est pas le choix que nous avons fait.

L’article 2 tend à répondre à une désinhibition croissante des auteurs de provocations à la haine, de diffamations ou d’injures non publiques, la jurisprudence ayant par ailleurs une vision restreinte des propos ou écrits qu’elle considère comme publics. Si les propos ou écrits publics constituant des délits semblent suffisamment réprimés, la sanction actuellement prévue pour leurs pendants non publics paraît sous-dimensionnée compte tenu de leur très forte augmentation. L’article 2 vise donc à transformer les provocations, diffamations et injures non publiques à caractère raciste ou discriminatoire en délits. Par souci d’exemplarité, une circonstance aggravante est prévue si l’une de ces infractions est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, comme c’est déjà le cas pour les mêmes infractions commises en public.

Ce cheminement se fait sans remise en cause des grands équilibres du droit de la presse. Il s’agit d’adaptations nécessaires et proportionnées pour répondre à cette menace de plus en plus insidieuse et prégnante. Certes, la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination est aussi une affaire d’éducation, mais la réponse pénale affirme les valeurs républicaines que le législateur entend protéger.

Mme Caroline Yadan (RE). Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), 1,2 million de personnes en France subissent au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe chaque année. Pour 2023, le constat est beaucoup plus alarmant du fait de l'explosion qui dépasse les 1 000 % des actes et des propos antisémites, en lien avec l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël. La haine de l'autre s'exprime sur les murs de nos rues, dans nos universités, sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la sphère privée, au travail ou à l'école. Pourtant, la réponse pénale n'est pas toujours adaptée.

Le 15 avril 2019, la treizième chambre du tribunal correctionnel de Paris condamnait l'essayiste d'extrême droite Alain Soral à une peine d’un an de détention, assortie d'un mandat d'arrêt, pour contestation de crime contre l'humanité. Cette décision aurait dû mettre un terme à l'impunité de ce triste personnage, sanctionné à de multiples reprises pour des faits similaires. Il n'en a rien été. Le parquet a interjeté appel du mandat d'arrêt, estimant qu'il était dépourvu de fondement juridique. En effet, l'article 465 du code de procédure pénale ne prévoit la possibilité de décerner un mandat d'arrêt que s'il s'agit d'un délit de droit commun ou d'un délit d'ordre militaire et si la peine prononcée est au moins d'une année d'emprisonnement. En l'espèce, le prévenu avait été condamné pour une infraction non de droit commun, mais prévue et réprimée par l'article 24 bis de la loi de du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ce qui rendait l'exécution de ce mandat d'arrêt contraire à la loi. Ce vide juridique profite à de nombreux auteurs d'infractions graves à caractère raciste ou antisémite.

Pour mieux lutter contre ces faits, pour préserver notre pacte républicain et protéger nos concitoyens, la sanction pénale doit être plus efficace. Concrètement, l'enjeu de cette proposition de loi est de pouvoir sanctionner les idéologues qui sévissent notamment sur les réseaux sociaux sur internet – ces multirécidivistes qui sont rarement présents à leurs audiences et vivent à l'étranger pour échapper à leur condamnation, comme les sieurs Ryssen, Reynouard, Le Lay ou encore M'bala M'bala, pour ne citer que les plus sinistres d'entre eux. L’article 1er du texte de loi vise donc à permettre l'exécution immédiate de la peine d'emprisonnement par l'émission d'un mandat d'arrêt ou de dépôt, en cas d'infraction grave à caractère raciste ou antisémite.

En l'état actuel du droit, l'injure, la diffamation et la provocation à la haine à caractère raciste, antisémite, sexiste ou homophobe, lorsqu’elles sont non publiques, constituent une contravention de cinquième classe, qui expose son auteur à une peine maximale de 1 500 euros d'amende. Quand elles sont publiques, ces mêmes infractions à caractère discriminatoire sont punies d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Dans la pratique, la différence entre le caractère public ou non public est très ténue. Des propos répréhensibles sur un groupe WhatsApp peuvent, selon les cas, être considérés comme publics ou non publics. L'impact sur la victime, lui, est toujours violent. Dans l’article 2, nous proposons donc de transformer les provocations, injures et diffamations non publiques en délit, et de prévoir une circonstance aggravante lorsque ces infractions sont commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public.

Le groupe Renaissance proposera plusieurs amendements. Le premier vise à élargir le champ d'application de la loi. Le deuxième prévoit la possibilité pour certaines associations d’ester en justice pour les infractions prévues par l'article 2 de la proposition de loi. Le troisième et dernier propose de transformer la contestation et l'apologie non publiques de crime contre l'humanité en délits.

Notre groupe votera naturellement en faveur de cette proposition de loi, inspirée du dernier plan de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Je tiens à saluer le travail de grande qualité effectué par Mathieu Lefèvre sur ce texte que j’ai l’honneur de défendre à ses côtés.

M. Yoann Gillet (RN). Plus que jamais, la France doit faire face au racisme et, disons-le, à une recrudescence de l'antisémitisme d'un niveau inégalé. La haine et les agressions à l'égard des personnes de confession juive connaissent une ampleur particulièrement préoccupante. L'année 2023 en a été le triste théâtre. L'idéologie du Hamas est sur notre sol, ses manifestations violentes et ignobles en sont une preuve glaçante. Plus de 1 500 actes antisémites ont été commis en France au cours de la seule la période allant du 7 octobre au 15 novembre 2023, au point que nous avons dû descendre dans la rue pour dire non à cet antisémitisme. Certains ici n'étaient d’ailleurs pas présents à cette manifestation, sans doute par calcul politicien ou communautarisme – vous pouvez avoir honte. Pourtant, selon un sondage publié par l'Ifop le 28 septembre dernier, neuf étudiants de confession juive sur dix déclaraient avoir été victimes d’au moins un acte antisémite. Ces derniers mois et ces derniers jours encore, des manifestations dites pro-palestiniennes, appelant à la haine d'Israël et de l'Occident, ont eu lieu sur notre sol, le sol de la République française. C'est une véritable honte, et certains ici ont même de la sympathie pour cela.

Et vous, dans la majorité présidentielle, que faites-vous ? Absolument rien. Vous n'êtes que dans le paraître, comme les Français le savent bien. En laissant se propager cette haine, vous la laissez se multiplier, vous ne défendez pas la sécurité des victimes de ce racisme et les mettez en danger.

Sur le sol de la République, il est également courant d'entendre désormais s’exprimer un racisme anti-français quotidien banalisé. L’expression de cette haine de la France et de son histoire n’étant pas combattue par le Gouvernement, on peut cracher sur la France et les Français en toute impunité. Sur ce racisme-là, les associations sont aux abonnés absents. Pourtant, même votre ancien ministre de l'intérieur, feu Gérard Collomb, déclarait : « Aujourd'hui, on vit côte à côte, je crains que demain on vive face à face. » Oui, le racisme sous toutes ses formes et l'antisémitisme se retrouvent partout sur notre sol au quotidien. Alors que certains ici ferment les yeux par communautarisme, peur, lâcheté ou calcul politique, au Rassemblement national, nous pensons qu'il faut lutter avec acharnement contre tous ces fléaux. C'est une question de principe.

Il faut aussi avoir le courage de dire qu'à force de faire entrer sur notre sol une immigration massive non maîtrisée et d’abandonner toute idée de politique d'assimilation, vous fabriquez le terreau du communautarisme et de ce face-à-face annoncé par Gérard Collomb, qui ajoutait d’ailleurs que des quartiers entiers sont aux mains des islamistes radicaux. Il faut donc de toutes nos forces, sans avoir la main qui tremble, sanctionner les auteurs. Il est inacceptable que nos compatriotes ne puissent plus circuler dans certains quartiers sans avoir peur. Ces actes constituent une première étape de la rupture de notre pacte républicain.

Or nous ne pouvons que constater, une nouvelle fois, l’incapacité criante du Gouvernement à assumer pleinement ses responsabilités et à tenir ses engagements. Le pouvoir est aveugle et sourd ; il ne traite pas les problèmes qui affectent gravement le quotidien de nos compatriotes. Le Gouvernement ne sait pas où il va ni où il emmène les Français. En 2017, Emmanuel Macron prétendait servir les Français avec amour. Sept ans plus tard, nos compatriotes sont privés de leur sécurité, de leur liberté d'aller et venir, de la sérénité qui leur est essentielle. Ils restreignent d’eux-mêmes leur liberté par peur de ce qui pourrait leur arriver. La France est montrée du doigt dans le monde pour son laxisme. Ce texte médiocre n’y changera rien. Face à cette situation catastrophique, la Macronie est une fois de plus dans l'affichage.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). « La race n'existe pas, mais elle tue. » « La race n'existe pas, pourtant elle est partout. » Ces mots sont ceux de la sociologue française Colette Guillaumin dans L'Idéologie raciste, ouvrage publié en 1972. Quarante ans plus tard, la Défenseure des droits s'alarme car la discrimination raciste ne fait l'objet d'aucune politique publique d'ampleur.

Pourtant, le venin du racisme et de l'antisémitisme est partout. Des millions de citoyens sont exclus de la société et mis en danger dans leur intégrité physique et même morale. Les personnes d'origine étrangère ou perçues comme telles, les personnes assignées à une prétendue appartenance raciale sont davantage exposées au chômage ou à la précarité sociale et sanitaire. Année après année, le nombre d’actes et propos racistes et antisémites explose : le service statistique du ministère de l'intérieur et des outre-mer rapporte en 2023 une hausse de 13 % par rapport à 2019, alors même que de nombreux cas sont tus.

Malheureusement ce texte prend le problème à l'envers : à quoi bon mettre l'accent sur le renforcement de la réponse pénale quand les victimes ne peuvent même pas porter plainte et ne trouvent ni écoute, ni débouché judiciaire ? Encore et toujours, vous pensez inflation pénale, vous abordez la fin du processus quand il n'est même pas encore enclenché.

Je pense aux propos et actes non déclarés, le fameux « chiffre noir » : les victimes estiment que justice ne sera pas rendue, que les procédures seront trop lourdes ; elles savent que les faits sont trop souvent minimisés, que leur caractère raciste ou antisémite est maintes fois contesté lors des dépôts de plainte. Pire, la transformation des contraventions en délits va emboliser les tribunaux et rallonger les procédures dans un système judiciaire aux moyens insuffisants. Lors des auditions, nous avons d’ailleurs pu constater que les professionnels de la justice étaient majoritairement sceptiques.

Le plan national de lutte de 2023 est déjà un catalogue de mesurettes sans ambition, alors que le phénomène est systémique. La Défenseure des droits, que vous n'avez pas auditionnée, ne dit pas autre chose. De fait, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Face au racisme structurel, il faut installer un antiracisme structurant, qui passe par la fin du déni sur les causes historiques et structurelles du racisme et de l'antisémitisme. Je pense à cette tendance réactionnaire, répandue de l'extrême droite à la minorité présidentielle, qui caricature les antiracistes en wokistes, voire en racistes ou en racialistes, leur tort étant d'oser aborder frontalement les impasses d'un universalisme théorique et exclusif qui ne résiste pas à la réalité.

Oui, dans notre République, certaines politiques publiques ont entretenu et entretiennent encore des traitements différenciés. L'adoption de votre loi sur l’immigration, avec ses logiques nauséabondes de préférence nationale, est, selon une députée Renaissance, une victoire idéologique offerte « sur un plateau » au RN. Vous tentez désormais de vous racheter une conscience. À La France insoumise, nous appelons à la réalisation de notre idéal républicain, réellement universaliste et donc réellement antiraciste. Nous voulons un commissariat à l’égalité et un code de la discrimination, des moyens pour la Défenseure des droits, un accompagnement sérieux des victimes, un plan ambitieux au sein des institutions et des services de l'État, dans l'éducation, dans les médias, la culture et la recherche, afin d’éradiquer le racisme et l'antisémitisme. Il y a 1,2 million de personnes de plus de 14 ans qui déclarent avoir été victimes d'au moins une atteinte à caractère raciste. Êtes-vous prêts à agir réellement pour elles ?

M. Éric Pauget (LR). Avec 1 673 faits recensés en 2023, le nombre d'actes antisémites commis en France a été multiplié par quatre au cours de l'année écoulée. Pire : ils ont augmenté de 1 000 % depuis les attaques du 7 octobre dernier en Israël. Cette tendance est encore plus terrifiante quand on sait que 60 % de ces actes antisémites concernent des atteintes aux personnes, d'après un récent rapport du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). De même, le nombre d'actes racistes enregistrés par la police et la gendarmerie continue d'augmenter en France. Selon le ministère de l'intérieur et des outre-mer, les plus graves d'entre eux, à savoir les crimes et délits racistes, ont même connu une hausse de 29 % entre 2017 et 2022. Il est de plus à craindre que la prolifération des discours racistes, antisémites ou xénophobes sur les réseaux sociaux puisse banaliser et donc légitimer le passage à l'acte raciste. Si cette tendance se poursuivait, il s'agirait d'un profond recul pour la société française.

Le dernier bilan du ministère de la justice sur le traitement des infractions à caractère raciste démontre une volonté d'y répondre fermement. Toutefois et malheureusement, leur multiplication interroge aussi sur l'évidente nécessité de renforcer notre droit pénal pour lutter plus efficacement contre les fléaux qui gangrènent notre pays. C’est l’objet de cette proposition de loi qui veut améliorer l'efficacité des sanctions envers les auteurs de ces actes inadmissibles dont le nombre ne cesse de s'accroître, notamment pour ceux qui sont commis sur les réseaux sociaux et internet. Elle cible plus particulièrement certains idéologues multirécidivistes, rarement présents à leur audience ou vivant à l'étranger pour échapper à leur condamnation.

L’article 1er donne la possibilité au tribunal d'émettre un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt en cas de condamnation pour contestation de crime contre humanité ou apologie de crime contre humanité ou de crimes de guerre. L’article 2 transforme en délits les contraventions existantes en matière de provocation non publique à la discrimination et d’injure et de diffamation non publique à caractère raciste et antisémite. Il prévoit une circonstance aggravante lorsque l’infraction est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique.

Au cours de nos travaux, nous aurons à étudier plusieurs amendements déposés par le groupe Les Républicains, inspirés directement du droit allemand. Ils visent notamment à interdire l'accès à la nationalité française à toute personne condamnée pour actes antisémites, racistes ou xénophobes, ou à limiter la délivrance de titres de séjour aux étrangers condamnés pour ces mêmes faits.

Cette volonté de renforcer les sanctions s'inscrit dans la continuité de notre droit qui évolue depuis cinquante ans pour s'adapter aux actes à caractère raciste et antisémite et à leur mutation. De la création des délits spécifiques sur la violence raciale, votée sous le président Pompidou, à la loi Gayssot du 13 juillet 1990 réprimant le racisme, l'antisémitisme ou la xénophobie, nous avons toujours su nous adapter à l'évolution de ces faits pour garantir une réponse pénale systématique.

Dans le contexte actuel de flambée des actes et des propos antisémites, le renforcement des peines est bienvenu pour assurer l'efficacité de la justice dans la répression des discours haineux et des comportements discriminatoires. En conséquence, le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de loi.

M. Éric Martineau (Dem). Merci de m'accueillir au sein de cette prestigieuse commission des Lois : je suis particulièrement honoré d'y siéger durant quelques heures pour examiner deux textes importants, qui ne sont pas simplement déclaratoires ou symboliques. L’un participe à la lutte contre toute forme de discrimination liée à l'orientation sexuelle, l’autre au dévoiement de la liberté d'expression lorsque celle-ci concourt à la provocation à la haine, à la diffamation ou à l'injure discriminatoire ou antisémite.

Notre démocratie ne peut et ne doit pas trembler face à toutes les formes d'insulte ou de dérision concernant la mémoire des morts de la Shoah, qui sont des crimes majeurs contre l'humanité. La lutte contre toute forme de racisme doit être un combat prioritaire, mené sans relâche partout et par tous. C’est pourquoi nous devons nous féliciter de l’adoption en janvier 2023 du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026, qui s’inscrit dans la continuité de celui de mars 2018. La présente proposition de loi traduit une partie des quatre-vingts actions qu’il définit.

Chaque année, 1,2 million de personnes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite, chiffre qui justifie à lui seul la nécessité de mener des politiques publiques ambitieuses et volontaristes en la matière. À l'heure où les réseaux sociaux peuvent être des catalyseurs de haine ou de discours nauséabonds, nous devons avoir à l'esprit que ces propos peuvent engendrer des raids numériques, des agressions physiques ou verbales et des actes de vandalisme – bref, ils sont une rupture dans notre pacte social.

De tels propos ne peuvent avoir droit de cité, à plus forte raison lorsqu'ils sont tenus par des personnes dépositaires de l’autorité publique. Affirmons-le sans difficulté, sans nous en excuser. Affirmons qu'aucune banalisation en la matière n'est tolérable. Affirmons qu'aucune mise à mal de nos valeurs humanistes de tolérance et de respect pour toute femme et tout homme n'est acceptable. Affirmons que nous, législateurs, devons être les gardiens, les vigies en alerte face à toute tentative d'atteinte à cette promesse républicaine. Affirmons que la présente proposition de loi peut être un énième pas dans la lutte sans faille qu'il nous appartient de mener face au racisme et à l'antisémitisme.

L’article 1er permettra au tribunal correctionnel de délivrer un mandat d'arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d'emprisonnement pour contestation de crime contre l’humanité ou apologie de crime contre l’humanité ou de crime de guerre. Il s’agit de remédier au vide juridique qui permet à des auteurs de telles infractions de ne pas être inquiétés par la justice. Il est en effet intolérable que des criminels racistes soient protégés par une loi qui protège la liberté de la presse.

L’article 2 vise à transformer en délits les contraventions actuellement prévues en matière de provocation à la discrimination, d’injure et de diffamation à caractère raciste et antisémite lorsqu’elles sont non publiques. Cette disposition permettra de sanctionner plus sévèrement des propos provoquant à la haine, distillés dans le cadre d'une communauté d'intérêts. Il prévoit une circonstance aggravante lorsque l’infraction est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, manière de rappeler l'exemplarité sans faille attendue dans ce cas.

S’il est heureux de se doter d'un cadre normatif solide, il ne faut pas croire que la seule augmentation du quantum des peines permettra de venir à bout du phénomène. Ne négligeons pas les autres axes du plan gouvernemental : l'éducation et la prévention. À cet égard, nous pouvons saluer tous les acteurs institutionnels ou associatifs qui agissent en ce sens. Si la justice incarcère, elle doit aussi réparer et contribuer à renouer le dialogue. Il y va de la concorde nationale.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je ne peux commencer cette intervention sans remercier Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan pour leur travail et sans citer Robert Badinter, qui a mené une vie de lutte contre le racisme, parmi tant d'autres combats que nous lui devons. « Pour notre part, citoyens juifs de France, attachés indéfectiblement aux valeurs de la République, au nom de tous nos martyrs, nous lutterons sans trêve et par tous les moyens que la loi nous donne contre le racisme et l’antisémitisme, cette lèpre de l’humanité, qui demeure toujours et partout, l’expression de la barbarie », écrivait-il dans une tribune publiée dans Le Monde, le 12 février 2015. Il n'est pas besoin d'être juif ou d'appartenir à une communauté pour en défendre les droits : le principe humaniste et universaliste prévaut.

Nous regrettons ce constat inquiétant de la hausse des actes antisémites et racistes. Sans reprendre tous les chiffres, je rappelle que 281 affaires d’antisémitisme ont été signalées à la cour d’appel de Paris depuis le 7 octobre dernier, et que l'éducation nationale enregistre une explosion de ces faits dans les collèges et les lycées – d’où la nécessité d’agir aussi dans ce domaine.

Si le texte proposé ne pose pas de difficulté particulière, nous pouvons cependant nous interroger sur son efficacité. L'article 1er, qui donne la possibilité de décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d'emprisonnement pour contestation ou apologie de crime contre l’humanité, risque d'avoir une application limitée. C’est ce qui ressort des auditions. Est-ce une raison pour ne pas chercher à combler ce vide juridique ? Je ne le pense pas et je comprends l’intention des auteurs de la proposition de loi.

L'article 2 transforme les contraventions d'injure raciste ou discriminatoire non publique en délits. Par son caractère dissuasif important, la contravention a son utilité. Quand on transforme une contravention en délit, je redoute toujours que cela conduise à une forme d'impunité, le délit n’étant pas prononcé. Nous devons prendre la mesure de ce changement. C’est vrai, les injures non publiques proférées dans le cadre d’une communauté d'intérêts augmentent de façon préoccupante et il ne doit pas y avoir d’impunité, mais je ne suis pas sûre que la meilleure façon de lutter contre ce phénomène soit d’en faire un délit. On peut admettre cependant que l’exigence de lutter contre ce fléau justifie ce caractère délictuel.

Nous avons déposé des amendements sur ce point, car si l’on veut passer au délit, il nous semble indispensable d’instaurer aussi des dispositifs de justice restaurative. Dans ces affaires de racisme et d’antisémitisme, il faut mettre les auteurs et les victimes les uns en face des autres : la discrimination tombe alors d'elle-même, faute d’arguments rationnels. Il serait donc très utile de compléter cet article 2 par une obligation de justice restaurative, à condition bien sûr que la victime le souhaite. Enfin, je pense qu’il faut responsabiliser davantage les hébergeurs de sites et les réseaux sociaux.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR).  À mon tour, je veux saluer la qualité du travail que vous avez effectué, monsieur le rapporteur, avec Caroline Yadan.

« On a pensé que la bête était gavée de sang, avec les six millions de juifs morts en Europe. Pas du tout : elle renaît », disait Robert Badinter, qui a dédié une partie de sa vie au combat contre le racisme et l'antisémitisme. Nombreuses sont les personnalités qui ont porté avant nous, dans notre assemblée, la lutte contre l'antisémitisme et le racisme. Vous avez cité les plus éminentes, monsieur le rapporteur. Et pourtant, le combat contre l'antisémitisme et le racisme reste plus que jamais d'actualité et appelle une réponse pénale plus forte, plus ferme.

Les chiffres, rappelés par mes collègues, sont connus. Mais ne nous leurrons pas : ces discours de haine, qu'ils soient tenus en public ou en privé, constituent en réalité une première étape dans la brutalisation de la vie publique. Ils tendent à banaliser une violence qui pourra ensuite être exprimée par un passage à l'acte, pour des délits plus graves ou pour des crimes. Ils sont devenus désormais tellement répandus que l'on ne peut plus attendre que se produisent des atteintes graves à la personne pour prendre de véritables sanctions.

Les faits d'apologie du terrorisme sont en hausse depuis plusieurs années. Ils ont connu une nouvelle progression à la suite des attaques barbares perpétrées par les terroristes du Hamas contre le peuple israélien, d'une part, et du meurtre de Dominique Bernard, d'autre part. Comme le souligne M. le rapporteur, l'année 2023 a été d'une exceptionnelle violence. Depuis le 7 octobre 2023, la haine et les agressions antisémites connaissent une recrudescence particulièrement préoccupante : plus de 1 500 actes antisémites ont été commis en France entre le 7 octobre et le 15 novembre 2023, contre 436 actes de ce type recensés pour l'ensemble de l'année 2022.

Cette double augmentation des attaques antisémites et des infractions qui relèvent de l'apologie du terrorisme s'inscrit dans un contexte de banalisation des discours de haine, tendance inquiétante tant pour la sécurité de nos concitoyens que pour la cohésion de la société, qui nécessite un durcissement et un élargissement de l'arsenal juridique.

Notre droit n’est plus adapté pour faire face à ces formes de violence verbale ou écrite de plus en plus prégnantes dans la société, qui mettent à mal le pacte républicain. Un sentiment d’impunité s’est propagé, notamment du fait de la faiblesse des peines encourues en cas d’injure ou de diffamation non publique, en particulier lorsque ces dernières présentent un caractère discriminatoire. Comment accepter qu’une personne qui en insulte une autre, par courrier, en raison de sa religion ou de son orientation sexuelle, ne puisse faire l’objet que d’une amende de 38 euros ? Les peines doivent être dissuasives, sauf à n’avoir qu’une efficacité très limitée. Certaines personnes, qui sont parfaitement conscientes de ne s’exposer qu’à une contravention, ne mesurent pas les conséquences que peuvent avoir une lettre ou un message privé contenant des injures à caractère raciste, antisémite ou homophobe.

Notre droit doit assumer une fermeté sans faille en la matière. Même dans un cadre non public, de tels propos sont inacceptables. Nous ne pouvons admettre cette violence et en tolérer la banalisation. Le Gouvernement a pris pleinement la mesure de l’urgence à lutter contre les discours de haine, comme l’atteste le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, lancé le 30 janvier 2023 par la Première ministre Élisabeth Borne.

Convaincu de la nécessité de mieux réprimer les discours de haine, le groupe Horizons a déposé le mois dernier une proposition de loi reprenant l’article visant à délictualiser la provocation à la discrimination, l’injure et la diffamation non publiques, ainsi qu’à créer une circonstance aggravante sur le modèle de la proposition de loi que nous examinons ce matin. La fermeté envers les prédicateurs de haine suppose aussi qu’ils ne puissent échapper au droit commun en matière de recherche, d’interpellation et de mise en détention. Il est intolérable qu’Alain Soral, qui a été condamné à un an de prison au nom du peuple français, ne puisse faire l’objet d’un mandat d’arrêt. Face à l’antisémitisme et au racisme qui empoisonnent notre société, bafouent nos valeurs et abîment notre démocratie, nous devons être intraitables et renforcer notre arsenal législatif.

Pour l’ensemble de ces raisons, les députés du groupe Horizons soutiendront avec conviction la proposition de loi.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi et dans vos propos, vous avez ciblé nommément un certain nombre de personnes, ce qui met en lumière, me semble-t-il, les limites de votre texte. Le combat que nous avons à mener ne concerne pas seulement quelques individus, qui constituent la face immergée de l’iceberg, mais une culture dans son ensemble. Nous avons le devoir de changer la société, de mettre fin à la culture de la tolérance, à cette fenêtre d’Overton que l’on trouve aussi bien dans les grands médias, télévisuels et écrits, que sur les réseaux sociaux et aussi dans notre hémicycle. Il faut combattre la tolérance aux propos racistes et antisémites et à la haine de l’autre sous toutes ses formes, que cette altérité soit imaginée ou réelle.

Vous avez choisi d’appréhender l’altérité dans sa diversité. Vous vous êtes essayés à une définition du champ de l’intolérance, qui ne peut jamais être exhaustive, surtout pas dans la loi. Nous vous rejoignons sur le fait qu’aucune démocratie mature ne saurait accepter l’intolérance. Mais se battre contre cette peste qui s’est décomplexée et gangrène notre société exige de comprendre que la haine de l’altérité vient toujours des mêmes personnes. La haine du juif et la haine du musulman, depuis le Moyen-Âge, sont agitées par les mêmes personnes. Ce sont les mêmes individus qui organisent le rejet des droits des personnes LGBT ou des femmes. Il s’agit, à proprement parler, d’un projet politique.

C’est pour cela que la société doit être dotée d’outils de compréhension. Ce que les auteurs de ces propos prétendent, en enrobant la chose dans un beau discours, c’est qu’utiliser certains mots, condamner certaines populations, stigmatiser des personnes en se targuant d’avoir oublié sa propre histoire, ce n’est pas s’extraire de la légalité, cela ne remet pas en question nos fondamentaux démocratiques, ce n’est pas un danger pour notre République. Cette normalisation est l’ennemie de notre démocratie et est en train de la faire imploser.

Si la sanction est un outil parmi beaucoup d’autres, elle n’est pas synonyme de transformation. Voilà l’autre angle mort de votre texte. Il faut faire prendre conscience aux auteurs des faits que leur position les rend eux-mêmes victimes, car on se situe tous dans une relation d’altérité. Je rejoins là Cécile Untermaier sur la nécessité d’une justice restaurative, et j’espère que son amendement sera pris en compte.

Il faut donner des outils à chacun et à chacune d’entre nous. Nous sommes nombreux à recevoir en permanence des messages de haine, à voir circuler sur les réseaux privés de messagerie des appels à la haine et à la mort fondés sur une couleur de peau ou une religion, réelle ou imaginée – car il semblerait que, pour certains, être juif ou musulman ne résulte pas d’un choix ou d’une croyance, mais soit inscrit dans le sang. Peut-être pourrons-nous doter les associations et les réseaux, par voie d’amendement, d’instruments leur permettant d’y faire face.

Les écologistes ont une certaine envie de vous suivre, monsieur le rapporteur, et attendent de connaître le sort réservé à leurs amendements pour décider de leur vote.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Il est difficile de s’opposer à une proposition de loi qui vise à combattre toute forme de discrimination. Toutefois, c’est compréhensible avec un texte qui, comme le vôtre, se limite à des mesures répressives et revient à cracher en l’air et à s’autoproclamer vigie morale.

Le renforcement du dispositif de lutte contre la provocation, la diffamation et l’injure non publiques s’inscrit dans une histoire déjà longue : loi Pleven de 1972, loi Gayssot de 1990, création de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) en 2004, loi de 2017 sur la liberté et la citoyenneté… Les mesures visant à renforcer l’arsenal juridique ne manquent pas.

Chaque année, plus de 1 million de personnes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite. Pourtant, selon la dernière enquête « Trajectoires et origines », 55 % des personnes ayant déclaré avoir été victimes d’une discrimination fondée sur l’origine, la nationalité ou la couleur de peau n’ont pas effectué de démarches, pensant que ce serait inutile ; seulement 2 % d’entre elles ont porté plainte.

Le risque serait qu’au nom d’intentions prétendument humanistes et universalistes, l’État se contente de baffer là où il serait plus utile d’accompagner les personnes. Cet accompagnement devrait se faire par des peines qui ont du sens, des mesures alternatives tels que les stages de sensibilisation à la citoyenneté, à l’image du dispositif institué en 2004 par la loi Perben 2.

Le risque serait de prendre le problème à l’envers en votant des mesures relevant plus de l’affichage que de la recherche de l’effectivité. En effet, le droit pénal sanctionne déjà la provocation, la diffamation et l’injure non publiques à caractère raciste et antisémite. Si l’efficacité des peines contraventionnelles actuelles est limitée, ce n’est pas dû à la légèreté des sanctions mais au fait qu’elles sont insuffisamment appliquées. La priorité n’est donc pas de durcir les peines mais d’identifier les raisons du développement, au sein de la société, de formes inédites de racisme, du recours à des stéréotypes, de la suspicion, de la méfiance et du mépris. Le véritable courage serait de s’attaquer à certains de ces ressorts déjà connus.

La proposition de loi fait écho à un débat ancien, qui tient à la conciliation de certaines dispositions législatives avec la liberté d’expression et les droits de l’homme. Dans un contexte marqué par le fort ancrage de l’extrême droite dans la société française, il est nécessaire de renforcer la répression des discours racistes. Il y a, d’un côté, la stratégie visant à taper dans le porte-monnaie pour restreindre une liberté que tous appelaient à sacraliser en 2015 et, de l’autre, la nécessaire condamnation des conduites racistes et antisémites.

Ce texte d’affichage, qui aura très peu d’effets concrets, est toutefois porteur d’un enjeu symbolique. C’est pourquoi, à ce stade des débats, nous comptons nous abstenir.

On assiste à l’heure actuelle à un certain nombre de controverses. L’amalgame entre antisionisme et antisémitisme est de plus en plus assumé et revendiqué. Un nombre croissant de personnes cherchent à cliver le débat sur les problématiques raciales, pour mieux fracturer la société. Rappelons que la liberté d’expression, entendue au sens large, est la liberté de s’exprimer, de penser, de croire ou de ne pas croire.

M. Paul Molac (LIOT). Nous nous accordons tous sur le fait que les actes et paroles racistes ne doivent avoir aucune place dans notre société. En dépit d’une répression déjà forte, les actes racistes et antisémites progressent : quelque 6 500 crimes et délits à caractère discriminatoire ont été enregistrés en 2022 par les policiers et les gendarmes, soit une hausse de 5 % en un an. Si la guerre israélo-palestinienne ne contribue pas à apaiser les choses, on doit souligner aussi que certains États essaient de déstabiliser notre pays : ainsi les services russes ont-ils récemment fait apposer des étoiles de David sur les murs de plusieurs villes françaises. Ces États s’efforcent d’attaquer nos valeurs par des actes racistes, il faut en être conscients.

Alors qu’il est devenu courant de mettre en cause les juges, je tiens à souligner qu’en cette matière, la main de la justice n’a pas tremblé : chaque année, près de 3 700 affaires relatives à des discriminations et à des injures racistes sont traitées par les parquets et 90 % des personnes poursuivies sont condamnées, ce qui est un taux particulièrement élevé. Cependant, une sanction n’a d’intérêt que si elle est exécutée, ce qui n’est pas toujours le cas : certains individus condamnés pour des délits graves s’enfuient à l’étranger pour ne pas payer leur dette. L’un de ceux qui a été cités tout à l’heure, qui est breton, s’est par exemple exilé au Japon.

Notre groupe est favorable à l’extension de la possibilité de délivrer un mandat d’arrêt ou de dépôt aux délits d’apologie ou de contestation de crime contre l’humanité. C’est une des mesures du volet pénal du plan national contre le racisme. Cette avancée mettra fin au sentiment d’impunité.

J’en viens au cœur du texte, à savoir l’aggravation des peines pour injures et appels à la haine racistes non publics. Comme c’est trop souvent le cas en matière pénale, face à une répression qui ne produit pas tous les effets escomptés, on augmente le quantum des peines. C’est une solution de facilité qui répond souvent à une volonté d’affichage, mais dont les effets ne sont pas démontrés. Il est vrai qu’à l’heure du numérique, la frontière entre les sphères publique et privée devient plus perméable. Nous avons tous à l’esprit des affaires de policiers qui s’échangent des contenus racistes sur des groupes WhatsApp ou Telegram, ou des cas de harcèlement sur ces boucles.

Le renforcement des peines qui est prévu n’aura peut-être pas d’effet dissuasif, mais il est à tout le moins inspiré par un objectif louable. Notre groupe est favorable à la création d’une circonstance aggravante lorsqu’une injure ou un appel à la haine raciste est le fait d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. L’État ne peut pas être seulement un donneur de leçons : il doit être exemplaire.

Notre groupe soutiendra donc cette proposition de loi qui, bien que modeste, va dans le bon sens.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Merci à tous les orateurs. Ce texte est dépourvu de caractère partisan et n’a pas vocation à cliver.

La lutte contre les discriminations, au sens large, appelle naturellement, en priorité, une action pédagogique et éducative. Le texte ne nie en rien cette nécessité. Mais nous considérons que la réponse pénale est complémentaire et dissuasive, et qu’elle doit être extrêmement forte compte tenu de l’explosion de ce type d’actes.

Plusieurs d’entre vous, à commencer par l’orateur du Rassemblement national, ont affirmé que le Gouvernement restait les bras ballants face à ce phénomène. Le déploiement des forces de l’ordre, depuis le 7 octobre, pour protéger nos concitoyens de confession juive a été particulièrement important, à l’instar de la réponse pénale. Par ailleurs, je n’aurai pas l’indélicatesse de rappeler au Rassemblement national comment, pendant des années, il a contesté les lois Gayssot et Pleven, les qualifiant de « liberticides » – Marine Le Pen l’affirmait encore dans les années 2000.

La correctionnalisation des provocations, diffamations et injures non publiques à caractère raciste ou discriminatoire permettra d’introduire la circonstance aggravante que l’ensemble des associations antiracistes appellent de leurs vœux et qui me paraît indispensable eu égard au devoir d’exemplarité des personnes dépositaires de l’autorité publique.

Je suis d’accord sur le fait que de nombreuses personnes victimes de discriminations, au sens large, s’autocensurent, par peur de représailles ou parce qu’elles pensent que leur plainte ne donnera pas lieu à des poursuites. Ce n’est toutefois pas une raison pour ne pas renforcer notre arsenal répressif.

Il est certain qu’il sera difficile de faire exécuter le mandat d’arrêt ou le mandat de dépôt lorsque l’auteur d’une des infractions visées par le texte se sera rendu à l’étranger. N’y aurait-il qu’un seul cas, toutefois, que le législateur aurait fait œuvre utile. En revanche, la correctionnalisation des infractions à caractère non public concernera des milliers de personnes chaque année. En effet, les prédicateurs de haine utilisent des moyens détournés pour faire passer leurs messages et faire prospérer leur business, par exemple une chaîne YouTube privée ou un groupe WhatsApp fermé.

Enfin, madame Regol, nous ne changeons rien à la caractérisation ni au champ des infractions correctionnalisées.

 

Article 1er (art. 465 du code de procédure pénale) : Élargissement à l’apologie de crimes et à la contestation de crimes contre l’humanité des délits pouvant faire l’objet d’un mandat de dépôt ou d’arrêt délivré par le tribunal correctionnel

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL51 de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur.

Amendements identiques CL42 de Mme Caroline Yadan et CL46 de M. Jérémie Patrier-Leitus, sous-amendement CL55 de M. Raphaël Gérard, amendement CL17 de M. Raphaël Gérard (discussion commune)

Mme Caroline Yadan (RE). À la suite des auditions que nous avons menées, nous avons souhaité étendre la possibilité de décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt, si la peine est supérieure à un an d’emprisonnement, à l’ensemble des délits mentionnés aux articles 24, 24 bis, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, qui comprennent notamment la provocation à la haine, la contestation d’autres crimes contre l’humanité que ceux mentionnés à l’article 1er, la diffamation publique à caractère discriminatoire et l’injure à caractère discriminatoire.

M. Raphaël Gérard (RE). J’entendais, par mon sous-amendement, restreindre le champ de l’amendement à l’injure et à la diffamation publiques qui ont un caractère discriminatoire. Toutefois, compte tenu de vos précisions, madame Yadan, je le retire.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il est souhaitable d’élargir le champ des délits pouvant faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’un mandat de dépôt.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je suis favorable à cet élargissement. Les auditions que nous avons menées nous ont confortés dans l’idée qu’il faut éviter d’établir une hiérarchie dans la haine.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CL17 tombe.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

Article 2 (art. 225-16-4, 225-16-5, 225-16-6 [nouveau] du code pénal) : Renforcement de la répression des provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire

 

Amendement CL4 de M. Raphaël Gérard

M. Raphaël Gérard (RE). L’amendement a pour objet d’introduire les mots « vraie ou supposée », pour reprendre une formule d’usage dans le droit français de la lutte contre les discriminations. Cette rédaction offre davantage de garanties aux victimes en permettant d’appréhender l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à laquelle s’identifie la victime mais aussi celle qui peut être perçue par autrui. En effet, on peut être victime d’insultes ou d’actes antisémites sur la base de préjugés sans lien avec la réalité. À la suite des attentats du 7 octobre, nombre de nos concitoyens ont été inquiétés, molestés, insultés pour la seule raison qu’ils portaient un nom à consonance germanique qui pouvait laisser penser qu’ils étaient juifs alors que la plupart du temps, ils ne l’étaient pas.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je salue l’engagement constant sur ces questions de M. Gérard, qui a contribué à l’adoption de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. La modification qu’il propose est bienvenue, par cohérence avec l’évolution de notre droit, concernant notamment l’ethnie, la nation ou la race prétendue. De surcroît, nous avons intégré ces termes dans la caractérisation du délit que nous avons créé pour lutter contre les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL33 et CL34 de M. Éric Pauget

M. Éric Pauget (LR). Ces amendements visent à faire évoluer le code pénal et le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) en interdisant la délivrance et le renouvellement d’un titre de séjour à une personne de nationalité étrangère qui a été définitivement condamnée pour avoir commis un acte antisémite ou raciste.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Votre volonté est satisfaite par la loi « immigration », qui a modifié l’article L. 412-8 du Ceseda, aux termes duquel « Aucun document de séjour ne peut être délivré à un étranger qui refuse de souscrire le contrat d’engagement au respect des principes de la République ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations. »

De manière plus générale, par vos différents amendements, vous proposez d’introduire dans le code pénal des peines que l’on pourrait qualifier de complémentaires, infraction par infraction, ce qui risque de fragiliser la disposition balai. Celle-ci pourrait par exemple s’appliquer à l’injure non publique, mais pas à l’injure publique. Vos amendements, bien qu’ils visent un objectif louable, pourraient ainsi empêcher un refus de naturalisation pour des infractions plus graves en précisant explicitement qu’il s’applique pour les infractions dont nous parlons ici.

M. Éric Pauget (LR). J’entends votre objection. C’est pourquoi j’ai décliné ces amendements et ceux qui suivront de deux manières, en prévoyant l’insertion de certaines dispositions dans d’autres codes que le code pénal. Les amendements CL33 et CL34 ont trait à la délivrance de titres de séjour, tandis que les autres s’inspirent du droit allemand et concernent l’octroi de la nationalité.

M. le président Sacha Houlié. Comme l’a indiqué le rapporteur, les dispositions de la loi « immigration » « permettent de refuser la délivrance ab initio d’un titre ou d’en prononcer le retrait en cas d’infraction commise par un étranger, y compris en situation régulière.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL8 et CL10 de M. Éric Pauget

M. Éric Pauget (LR). Les actes antisémites ou racistes sont incompatibles avec les valeurs de la République. Ces amendements audacieux, qui s’inspirent du droit allemand, visent à empêcher la délivrance de la nationalité française à une personne définitivement condamnée pour de tels actes. L’amendement CL10 concerne les délivrances par décision de l’autorité publique.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Les actes que vous citez sont évidemment incompatibles avec les valeurs de la République. Toutefois, je crains qu’en mentionnant ces peines infraction par infraction, vous ne compromettiez leur application pour des infractions beaucoup plus graves. En vertu d’un principe général énoncé dans le code civil, on ne peut être naturalisé si on a commis certaines infractions ou si on a été condamné à une peine au moins égale à six mois d’emprisonnement. Si l’on commence à le préciser avec vos amendements, la précision ne figurera pas pour les injures publiques et il sera peut-être beaucoup plus difficile de refuser une naturalisation pour des faits pourtant plus graves.

Il faut aussi veiller à la proportionnalité des peines. Les infractions rendant impossible la naturalisation sont, outre celles qui donnent lieu à une condamnation à au moins six mois d’emprisonnement, les crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et les actes de terrorisme.

En outre, l’autorité publique pourra toujours refuser d’accorder la nationalité en cas d’actes incompatibles avec les valeurs de la République. La naturalisation n’est en aucun cas un droit absolu.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Beaucoup d’actes racistes et antisémites sont commis par des citoyens français, ce qui ne leur vaut pas, pour autant, une déchéance de nationalité. C’est la personne qui est en cause, non sa nationalité. Je m’opposerai à ces amendements.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il existe un principe selon lequel une condamnation, une fois effectuée, vaut rédemption. Les dispositions que vous proposez me paraissent donc inconstitutionnelles, et j’aurais aimé avoir le point de vue du rapporteur sur ce point. Nous sommes soucieux d’éviter l’adoption d’amendements qui pourraient être contraires à la Constitution. On nous oppose fréquemment l’irrecevabilité du fait des articles 40 et 45 de notre loi fondamentale, y compris pour des amendements intéressants, mais on laisse passer des dispositions de ce type sans que le rapporteur puisse se prononcer.

Et si l’on recherche l’exemplarité, pourquoi n’applique-t-on pas ce dispositif aux élus ? La représentation nationale peut-elle accueillir en son sein des personnalités condamnées pour de tels faits ? On ne peut pas appliquer une règle aux uns et en dispenser les autres.

Pour ces raisons, nous voterons contre les amendements, tout en en comprenant l’esprit.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL9 et CL11 de M. Éric Pauget

M. Éric Pauget (LR). Ces amendements de repli visent à introduire les dispositions précédemment exposées dans le seul code pénal.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL18 et CL19 de M. Éric Pauget

M. Éric Pauget (LR). Nous vous proposons de conférer au juge la possibilité de prononcer, à titre de peine complémentaire, l’interdiction de l’acquisition de la nationalité française en cas de condamnation définitive pour des actes antisémites ou racistes.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Si vous voulez créer cette peine complémentaire, il faudrait en faire un principe général et ne pas l’appliquer seulement à ces cas d’espèce. Défavorable.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous nous opposerons évidemment à ces amendements comme aux précédents, car nous ne saurions admettre la double peine. Je ne voudrais pas que l’examen de cette série d’amendements de M. Pauget conduise à renverser la perspective : les personnes dont on parle, qui ont fui leur pays et aspirent à acquérir la nationalité française, sont les premières victimes du racisme et de l’antisémitisme.

M. Éric Pauget (LR). J’entends vos objections formelles, monsieur le rapporteur, et peut-être devrons-nous retravailler la disposition sur ce point. Mais sur le fond, nous estimons – rejoignant ainsi la philosophie de la proposition de loi – que, si l’on veut adhérer aux valeurs de la République française, on ne peut pas être antisémite ou raciste. Nous parlons ici des personnes qui ont été définitivement condamnées par la justice. Nos propositions n’ont rien d’extraordinaire : les Allemands appliquent ces mesures de longue date.

Mme Caroline Yadan (RE). La disposition que vous proposez, monsieur Pauget, existe déjà puisque la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité prévoit que les postulants à la naturalisation doivent non seulement avoir une connaissance suffisante de l’histoire et de la culture française mais aussi « adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République ». La naturalisation ne pourra donc pas être prononcée en cas de condamnation pour des infractions à caractère raciste.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL12 et CL13 de M. Éric Pauget

M. Éric Pauget (LR). Ces amendements visent à permettre la déchéance de la nationalité française d’une personne binationale définitivement condamnée pour des actes antisémites ou racistes.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je n’oppose pas seulement des arguments de forme à vos amendements, monsieur Pauget, mais aussi des objections de fond, parmi lesquelles la nécessité de respecter la proportionnalité. La déchéance de nationalité est possible dans des cas très précis, pour des actes sans commune mesure avec ceux dont nous parlons, tout insupportables qu’ils soient. Ainsi, lors des débats relatifs à la loi « immigration », votre groupe avait proposé de l’étendre aux auteurs de crimes contre des personnes dépositaires de l’autorité publique. Avec vos amendements, une personne ayant proféré une injure non publique à caractère discriminatoire pourrait être déchue de la nationalité française, mais pas une personne condamnée pour crime.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Monsieur Pauget, nous sommes d’accord avec vous : il faut respecter les valeurs de la République pour faire France. Toutefois, quand on voit le Rassemblement national remettre en cause le droit du sol dans son programme politique, ou quand on voit un sacré paquet de députés voter pour des mesures remettant en cause l’automaticité du droit du sol lors des débats sur la loi « immigration », on peut se demander qui ne respecte pas ces valeurs. Dès sa fondation, en 1793, notre république a fait du droit du sol un de ses principes – les étrangers pouvaient acquérir la nationalité française au bout d’un délai d’un an, à l’époque ! En droit français, l’égalité se définit par rapport à la loi : tous les Français, Bernard Arnault, Vincent Bolloré comme n’importe quel autre, peuvent faire la loi par le vote et tous sont égaux dans le devoir de la respecter.

L’exemple du droit allemand n’est pas un bon exemple : jusqu’en 2000, seul le droit du sang prévalait, ce qui ne correspond pas à nos valeurs. Si vous voulez respecter les valeurs de la République française, cessez de reprendre le programme de Mme Le Pen, qui en est la négation. Je rappelle que le Rassemblement national est le descendant politique du régime de Vichy, qui a été le seul dans notre histoire à remettre en cause le droit du sol.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL20, CL21 et CL22 de M. Fabien Di Filippo.

Amendement CL35 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement vise à renforcer l’efficacité du dispositif : si la qualification délictuelle de l’infraction est retenue – et nous pensons qu’elle doit l’être –, la peine ne peut avoir le caractère automatique d’une contravention. Nous proposons donc de l’accompagner avec un processus de justice restaurative, si le juge et la victime en sont d’accord. L’instauration d’un dialogue est en effet une nécessité pour ce type d’infraction qui trouve son terreau dans le refus de la discussion et de la compréhension. Notre proposition aurait également l’avantage de donner de l’élan à la justice restaurative, qui en est au niveau zéro aujourd’hui en France, malgré les dires du garde des sceaux, alors qu’elle fonctionne bien au Canada et dans d’autres pays.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je suis sensible à vos arguments : le dialogue entre une personne reconnue coupable et une victime met rapidement au jour la bêtise absolue du racisme. Il existe toutefois une disposition générale dans le code de procédure pénale autorisant le juge à prononcer des mesures de justice restaurative. Faut-il le prévoir expressément pour certaines infractions ? Je laisse cette question à la sagesse des membres de cette commission, et je pense qu’il serait utile d’avoir ce débat en séance publique avec le garde des sceaux.

Mme Caroline Yadan (RE). Il faut impérativement développer la justice restaurative, dans notre droit et dans la pratique judiciaire. Ce n’est pas une simple médiation : en mettant en relation un auteur de faits délictueux avec une victime, soit dans la même affaire, soit dans des affaires différentes, elle permet à l’auteur de prendre conscience de la gravité des faits et à la victime d’entamer un processus de réparation. On constate qu’elle contribue à la diminution de la récidive.

Notre code de procédure pénale prévoit certes, en son article 10-1, des mesures de justice restaurative, mais comme une simple possibilité. Je pense comme Mme Untermaier qu’il faut que les victimes de certaines infractions – commençons par les infractions à caractère raciste – soient impérativement informées de cette possibilité. Notre groupe soutiendra donc cet amendement.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La justice restaurative, en mettant en relation l’auteur d’une infraction avec sa victime, a un effet pédagogique. Elle est particulièrement indiquée pour les infractions à caractère raciste et antisémite, comme pour les violences sexistes et sexuelles. Nous sommes donc favorables à ce que ce dispositif devienne obligatoire.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Il y a de la place dans notre société pour la justice restaurative. Notre groupe y est très attaché. Elle ne fonctionne pas dans tous les domaines, mais elle se prête particulièrement à des infractions intellectuelles comme celles qui présentent un caractère raciste et antisémite, en permettant d’en responsabiliser l’auteur. Il peut exister des difficultés juridiques – nous pourrons en discuter avec le garde des sceaux en séance publique – mais il faut absolument saisir cette occasion d’avancer. Nous y avions travaillé dans un précédent texte avec ma collègue Caroline Yadan. Nous sommes très favorables à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL50 et CL48 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ces amendements visent à compléter l'éventail des peines pouvant être prononcées dans le cadre d'une condamnation pour provocation à la haine, injure ou diffamation non publiques, en fixant une liste de peines complémentaires.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CL48 et demande le retrait de l’amendement CL50 car il ajoute deux peines complémentaires – interdiction des droits civiques et interdiction d’exercer une fonction publique – qui sont prévues pour des infractions d’atteinte à la personne plus graves.

L’amendement CL50 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL48.

Amendements CL6 de M. Raphaël Gérard et CL44 de Mme Caroline Yadan (discussion commune)

M. Raphaël Gérard (RE). Mon amendement a pour objet de permettre aux associations de lutte contre les discriminations d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les faits d'injure, de diffamation et de provocation à la haine non publiques visés par l’article 2. Cette mesure s'inspire de la loi Pleven du 2 juillet 1972, qui ouvre aux associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme la possibilité d’ester en justice pour des délits de cette nature.

Il existe aujourd'hui un continuum entre les injures publiques et les injures non publiques à caractère discriminatoire. Or la différence peut être très ténue. Certains groupes de discussion WhatsApp ou Telegram pouvant avoir une audience bien supérieure à des sites internet, des journaux ou des réseaux sociaux publics, une différence de régime procédural ne semble pas justifiée.

La mesure proposée faciliterait l'accès des victimes à la justice grâce au soutien et à l’accompagnement que leur apportent les associations, en particulier dans les situations de grande vulnérabilité. Je pense notamment au cas récent d'une femme juive orthodoxe victime de comportements antisémites au commissariat de Créteil lors de sa garde à vue.

Le risque d'engorgement des procédures judiciaires que certains nous opposent n’est pas un argument sérieux. Malgré le déferlement de propos haineux sur les réseaux sociaux depuis le 7 octobre, les associations n'ont pas engagé des milliers de procédures, alors qu’elles en ont la possibilité. Le Crif et la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) agissent en responsabilité et se consacrent aux situations à fort enjeu pour la société.

Mme Caroline Yadan (RE). Je voudrais citer quelques exemples dont nous avons eu connaissance grâce aux auditions : un salarié retrouvant un tract mentionnant Hitler dans son casier ; un supérieur hiérarchique se livrant à un salut suprémaciste ; un habitant retrouvant un tract homophobe dans sa boîte aux lettres ; des étudiants juifs ajoutés à un groupe WhatsApp dans le seul but d’y être injuriés. Mais très peu de plaintes sont déposées car les victimes se sentent seules et ont l’impression que leur démarche n’aura pas de suite. Elles ont besoin d’être accompagnées par les associations, dont c’est le rôle et qui font un travail formidable.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je suis réservé sur ces amendements. Le risque d’embolie judiciaire n’est pas négligeable. Par ailleurs, la capacité pour les associations d’ester en justice est déjà prévue, pour des infractions plus graves – discriminations ayant entraîné un refus d’emploi, un refus de bénéfice de la loi, une entrave à une activité économique ou une atteinte à l’intégrité de la personne. Il nous faut avoir cette discussion avec le garde des sceaux en séance publique.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). La logique de ces amendements est juste, mais je suis réservée sur leur périmètre. Lors des débats sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, nous avions présenté un amendement permettant aux associations de lutte contre le racisme et les discriminations d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour agir devant les juridictions pénales en défense des personnes physiques et morales dans des domaines bien plus larges que ce qui est proposé aujourd’hui. C’était un moyen de faciliter l’accès des victimes à la justice – angle mort de ce texte et de la justice en général. La discussion doit être élargie au-delà des infractions prévues par ce texte.

M. Ludovic Mendes (RE). Ces amendements sont vraiment importants. Des associations comme SOS Racisme ou Les maisons des potes, qui font un travail formidable, sont parfois bloquées par le système judiciaire. C’est grâce à elles que les évolutions de notre droit qui permettent de lutter contre les prêcheurs de haine ou contre les propos discriminatoires, dans les médias ou ailleurs, ont été obtenues. La nouvelle évolution proposée aujourd’hui s’impose. Les associations apportent un soutien exceptionnel aux victimes. Un avocat seul ne peut apporter un accompagnement aussi structuré. Elles possèdent aussi des dossiers complets sur certaines personnes, sur plusieurs années, qui permettront au juge de fonder ses décisions sur une accumulation de faits plutôt que sur un seul. Je sais que cette question soulève des discussions très complexes au sein du ministère de la justice, mais à titre personnel, je pense que nous devons trouver une solution pour faire adopter ces amendements.

Mme Caroline Yadan (RE). Je retire l’amendement CL44 pour continuer à y travailler, en espérant que nous trouverons une bonne rédaction à adopter en séance publique.

M. Raphaël Gérard (RE). Je retire l’amendement CL6 pour les mêmes raisons.

Les amendements sont retirés.

Amendement CL32 de M. Raphaël Gérard

M. Raphaël Gérard (RE). Cet amendement a pour objet de préciser que les circonstances aggravantes générales prévues par les articles 132-76 et 132-77 du code pénal ne seront pas applicables aux délits de provocation à la haine, diffamation et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire dont la création est proposée par l'article 2 de la présente proposition de loi. Le caractère discriminatoire est en effet un élément constitutif de ces infractions et ne peut donc être en plus retenu pour caractériser une circonstance aggravante.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL52 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination visant à garantir un délai de prescription d'un an pour les infractions transformées en délit par l'article 2 afin de les aligner sur les mêmes délits commis en public.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

Après l’article 2

 

Amendements CL43 de Mme Caroline Yadan et CL49 de M. Jérémie Patrier-Leitus (discussion commune)

Mme Caroline Yadan (RE). Mon amendement complète logiquement l’article 2 : il propose de transformer la contestation et l’apologie non publiques de crime contre l’humanité en délit, avec une circonstance aggravante lorsque l'infraction est commise par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il n’est aujourd'hui pas possible de retenir la contestation de crime contre l'humanité, faute de publicité, lorsqu’elle se manifeste par exemple sous la forme de lettres adressées à des professeurs, à des préfets, à des élus de la nation ou à des citoyens. Le présent amendement vise à sanctionner plus justement ce type de comportements qui entretiennent un climat délétère et qui peuvent contribuer, entre autres, à diffuser les opinions négationnistes et à renforcer les différentes formes de discrimination, aggravant ainsi les fractures divisant déjà la société française.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Il existe en effet un vide juridique empêchant la condamnation des auteurs d’apologie et de contestation de crime contre l’humanité non publiques. Je suis donc favorable à l’amendement CL43. En revanche, l’amendement CL49 ne vise que la Shoah et ne distingue pas entre l’apologie et la contestation.

L’amendement CL49 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL43.

Amendements CL7 et CL5 de M. Raphaël Gérard

M. Raphaël Gérard (RE). L’amendement CL7 a pour objet de remplacer les mots « une race » par « une prétendue race » dans la loi du 29 juillet 1881. Le législateur s’évertue à le faire de manière systématique dans l’ensemble des codes pour signifier son refus de cautionner l’existence de races au sein du genre humain.

Il s'agit d'abord d'une mesure de cohérence, pour aligner la rédaction du délit d'injure, de diffamation, de provocation à la haine publique à caractère raciste et antisémite sur celle des délits prévus par l'article 2.

Il s'agit surtout d'une mesure de grande portée symbolique. Je sais combien notre assemblée a la main qui tremble quand il s'agit de toucher à la loi de 1881, qui a un caractère totémique, mais ces modifications sont reprises de la loi Pleven de 1972, qui est l'une des lois fondatrices en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Cet amendement permet ainsi d'inscrire le présent texte dans sa filiation.

Il permet enfin de tenir l'engagement pris en 2019 par le Gouvernement de nettoyer son droit domestique de ce type de référence à la race, dans le cadre du rapport périodique du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations unies.

J’ai déposé plusieurs amendements du même type. Le CL5, ainsi, introduit les mots « vraie ou supposée ».

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Au-delà de la dimension symbolique, il est nécessaire d’affirmer ces valeurs et de maintenir une cohérence juridique entre la loi de 1881 et la présente proposition de loi. Avis favorable aux deux amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements identiques CL2 de M. Raphaël Gérard et CL47 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Raphaël Gérard (RE). À la suite de plusieurs affaires qui ont indigné nos concitoyens, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a créé une circonstance aggravante pour les injures ou provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère discriminatoire commises par des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public.

De la même façon, cet amendement a pour objet de créer une circonstance aggravante lorsque les faits de diffamation publique à caractère discriminatoire sont commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les personnes investies d'une mission de service public ont un devoir d'exemplarité. Elles doivent donc être condamnées plus lourdement, comme c'est déjà le cas pour l'injure publique.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Cette coordination est bienvenue : le texte crée une circonstance aggravante pour la diffamation non publique, elle doit a fortiori être étendue à la diffamation publique. Avis favorable.

Les amendements sont adoptés.

Amendement CL41 de M. Raphaël Gérard

M. Raphaël Gérard (RE). Je souhaite tirer la sonnette d’alarme quant au sentiment d’impunité qui grandit sur les plateformes comme Telegram. Comme le rappellent Laetitia Avia et Rachel-Flore Pardo dans Le Monde, cette application de messagerie privée, qui permet de transmettre massivement des informations grâce à des chaînes accueillant des centaines de milliers de personnes, est devenue un véritable incubateur de contenus. Ce constat est partagé par le Crif, qui a alerté sur le fait que des mouvements d'extrême droite utilisent ce moyen de communication pour diffuser des propos négationnistes et antisémites. Or, jusqu'à présent, Telegram se montre très peu coopératif en matière de modération des contenus haineux, même après notification d’une association de lutte contre l'antisémitisme reconnue comme signaleur de confiance.

Les pouvoirs publics doivent être vigilants quant à la prolifération de propos haineux via Telegram. Nous devons identifier des moyens de pression pour que les entrepreneurs de haine professionnels ne rouvent pas refuge sur ce type d'application, dans un contexte où le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique propose de renforcer les obligations des plateformes en la matière.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. L’obligation pour les plateformes de concourir à la lutte contre la haine existe déjà et cet amendement ne changerait donc pas grand-chose. Si l’Assemblée en est d’accord, je souhaite que la proposition de loi se concentre sur les auteurs des infractions plutôt que sur les médias ou les tiers, qui doivent faire l’objet d’un traitement séparé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL23 de M. Antoine Léaument

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cet amendement propose que le dépôt de plainte pour infraction à caractère raciste ou discriminatoire soit systématiquement accompagné d’une mention spécifique. Votre proposition de loi prend les choses par le mauvais bout en se concentrant sur les condamnations : le vrai problème, c’est que 1,2 million de personnes sont victimes chaque année d’actes racistes ou antisémites, mais que seules 12 000 plaintes sont déposées pour ces motifs. Il faut donc que les victimes se sentent en confiance pour le faire.

Mais organiser le dépôt de plainte manifeste un autre problème, celui du caractère systémique du racisme dans la société. La parole raciste et antisémite se libère, sur certaines chaînes de télévision par exemple. Il faut que les personnes qui ont des comportements racistes sans s’en rendre compte, tout comme les hommes machistes qui se disent féministes, en prennent conscience.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je partage votre avis sur le phénomène de sous-déclaration et d’autocensure, mais votre amendement se situe au stade de la plainte : c’est un moment où les barrières ont été levées. Je me demande également pourquoi réserver cette caractérisation à ces seules infractions : elle n’existe pour aucune autre plainte. Surtout, je trouve cet amendement infantilisant pour les personnes qui reçoivent les plaintes. Il est de nature à jeter un doute assez malsain. Enfin, je remarque, mais c’est sans doute une erreur rédactionnelle, que votre amendement ne mentionne pas l’antisémitisme.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je ne jette pas de doute, je constate simplement qu’il y a un problème dans le dépôt de plainte. Il s’explique par le manque de formation dans la police, dont le racisme a d’ailleurs été dénoncé par l’ONU. Les républicains que nous sommes doivent agir pour que les dépositaires de l’autorité publique que sont les gendarmes et les policiers reçoivent une formation très poussée.

Le dispositif que nous vous proposons est pour l’instant expérimental. L’essentiel est d’inciter les gens à aller porter plainte lorsqu’ils sont victimes de propos à caractère raciste ou discriminatoires, ou antisémites d’ailleurs, nous pouvons le préciser.

Mme Caroline Yadan (RE). À entendre M. Léaument et ses camarades, la France pratiquerait un racisme systémique. Ce n’est pas possible puisque notre droit protège, au contraire, de l’ensemble des infractions à caractère raciste. J’espère d’ailleurs moi aussi que l’absence de l’antisémitisme dans cet amendement relève d’un oubli.

Je rappelle que, pour toute plainte, la nature de l’infraction – injure, discrimination, provocation à la haine en raison de l’origine par exemple – apparaît dans le côté gauche du document. Votre amendement est donc inutile et pourrait entraîner des dérives.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL3 de M. Raphaël Gérard et CL31 M. Philippe Dunoyer

M. Raphaël Gérard (RE). Il s’agit d’étendre les dispositions de la proposition de loi aux territoires ultramarins.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Amendement CL24 de M. Antoine Léaument

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Les fonctionnaires de police et de gendarmerie reçoivent une formation aux violences sexistes et sexuelles leur permettant d’accueillir les victimes avec empathie et de mieux juger de la recevabilité de leur plainte. Une telle formation est souhaitable pour les infractions à caractère raciste ou antisémite. Je rappelle toute l’importance du fameux chiffre noir : seules 2 % des victimes vont déposer plainte, les autres anticipant que leur démarche sera jugée irrecevable ou orientée vers une main courante, ce qui n’est pas forcément souhaitable.

Aujourd’hui, le motif du dépôt de plainte ne caractérise pas les actes racistes, qui peuvent être antisémites, antitziganes ou négrophobes par exemple. Une telle caractérisation permettrait pourtant d’évaluer avec plus de précision la nature des actes racistes. Cet amendement propose que l’Inspection générale de l’administration établisse, en collaboration avec les associations de lutte contre les actes de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme, un rapport sur les raisons des refus de dépôt de plainte, bien trop nombreux dans ce domaine.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. De telles évaluations relèvent aussi de notre rôle de parlementaires. Il est par ailleurs un peu surprenant de demander au Gouvernement lui-même une évaluation menée par l’Inspection générale de l’administration.

Sur le fond, je ne souscris pas aux termes de « racisme systémique ». Votre amendement établit un lien assez fallacieux entre la qualité supposée de l’accueil et le refus de plainte – comme si c’était à cause de nos policiers et de nos gendarmes que les gens refusent d’aller déposer plainte. En réalité, il y a bien d’autres raisons, comme la peur de représailles, l’autocensure ou la méconnaissance de la loi.

Pour ces raisons de forme et de fond, je suis défavorable à cet amendement. Ce n’est pas un énième rapport qui nous permettra de lutter contre l’autocensure.

M. le président Sacha Houlié. Je rappelle que nous auditionnons désormais chaque année l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). L’IGPN dispose d’un service dédié au contrôle de l’accueil dans les commissariats, déployé complètement pour l’accueil des victimes de violences sexuelles et des personnes faisant l’objet d’injures racistes. Ce contrôle est retracé dans le rapport annuel de l’IGPN, que notre commission des lois examine. Vous pouvez aussi, au titre du contrôle sur place, aller voir ce qu’il en est à l’IGPN, comme nous l’avons fait voilà huit mois avec Thomas Rudigoz.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Au cours des dernières années, l’ensemble de la société, y compris les responsables politiques et les parlementaires, a pris conscience des discriminations sexistes et des violences sexuelles et a compris qu’un travail était nécessaire, de la part des individus comme de celle des institutions, pour reconnaître les formes de discrimination et de violences sexistes et sexuelles. La police n’est pas la seule institution concernée : on pourrait également citer la justice ou l’école. Nous avons tous connaissance d’incidents qui ne sont pas seulement anecdotiques, mais qui révèlent les difficultés que rencontrent les personnes victimes de ce type de violences pour déposer plainte et le manque de formation des agents qui recueillent ces plaintes.

Il en va de même pour le racisme et la discrimination. Il ne s’agit pas, en demandant davantage de formation, de mettre en cause les individus, mais de savoir quels moyens donner aux agents, dans l’exercice de leurs fonctions, pour accueillir la parole et accompagner les victimes.

Par ailleurs, nous ne sommes pas seuls à évoquer la dimension systémique de ces comportements : le Défenseur des droits parle de discrimination systémique et explique que le racisme condamne à une plus forte exposition au chômage, à la précarité sociale, à de mauvaises conditions de logement et à un moins bon état de santé.

M. Ludovic Mendes (RE). Je regrette que notre collègue de La France insoumise n’ait pas vu les évolutions intervenues ces dernières années. Depuis le 9 décembre 2020, une plateforme, créée par le Gouvernement sur proposition du président Macron, est spécifiquement consacrée à la lutte contre les discriminations, autour des associations et de la Défenseure des droits. Ce dispositif fonctionne très bien. La plateforme permet de vérifier, en amont, si on est ou non victime de discrimination, d’être accompagné par des agents spécialement formés en la matière et, si besoin, de bénéficier d’un accompagnement juridique. En complément, il existe dans chaque poste de police ou de gendarmerie un référent discrimination, ainsi que dans chaque cour d’appel.

Des évolutions sont certes nécessaires, mais elles ne passent pas par un rapport. Il existe un dispositif, qui se met progressivement en place depuis trois ans. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, car nous revenons de très loin. Mais vous ne regardez pas ce qui va bien. Plusieurs rapports, dont l’un, élaboré pour le ministre de l’intérieur, était consacré aux discriminations religieuses, rappellent ce dont je parle et montrent que la justice, la police et la gendarmerie ont pris cette question à bras-le-corps. Il n’y a pas de refus de prendre les plaintes mais, parfois, un problème pour caractériser la discrimination.

Nous devons assurer cet accompagnement et les amendements proposés par Caroline Yadan et Raphaël Gérard sur l’accompagnement des associations seront d’une importance primordiale pour l’examen du texte en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL26 de Mme Danièle Obono

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Puisque c’est le seul moyen dont nous disposons pour poser certaines questions et obtenir des réponses plus précises, cet amendement vise lui aussi à demander un rapport, portant sur la situation des formations au recueil des plaintes pour les infractions « à caractère raciste » au sein de la police nationale et de la gendarmerie. Je rappelle que le code pénal utilise cette dénomination faute de distinguer les termes de racisme, d’antisémitisme, d’islamophobie et de négrophobie. Peut-être voudriez-vous changer le code pénal, mais nous nous en tenons, pour notre part, aux formes actuelles du débat.

Selon l’enquête Cadre de vie et sécurité, entre 2013 et 2018, 25 % des victimes de menaces ou de violences physiques racistes et 5 % des victimes d’injures racistes, en moyenne, se sont rendues au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie, les chiffres étant de 14 % et 2 % pour ceux qui ont déclaré avoir formellement déposé plainte. Lorsque les victimes se déplacent, elles sont en effet parfois orientées vers un dépôt de main courante, pratique que la CNCDH critique depuis des années, et certaines abandonnent leur démarche.

Des progrès ont certes été réalisés, mais je rappelle qu’en 2021, la Dilcrah avait formulé douze recommandations dans une note sur le thème « police et racisme » qui visaient notamment à accroître le temps de formation initiale des gardiens de la paix, à intégrer les sessions de lutte contre le racisme dans la formation et à conditionner l’avancement de carrière au suivi des modules de formation.

Il faut suivre cette question avec plus d’attention et nous assurer que les avancées demandées depuis de nombreuses années par de nombreuses institutions soient réalisées.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Mêmes arguments : les questions abordées par ce rapport pourraient faire l’objet d’une mission d’information. Surtout, il est assez infantilisant de considérer que les forces de l’ordre ont besoin d’une formation spécifique pour pouvoir recueillir des plaintes de cette nature. Cela jette sur elles un soupçon dangereux et élude les autres causes qui pourraient conduire au non-dépôt de plainte. Je pense comme vous que certaines personnes se censurent, mais je ne crois pas pour autant que ce soit en jetant le soupçon sur les forces de l’ordre et en liant l’accueil dans les brigades de gendarmerie et les commissariats de police au dépôt de plainte que l’on obtiendra de meilleurs résultats.

Par ailleurs, et sauf erreur, vous n’avez déposé aucun amendement permettant, par exemple, de renforcer la connaissance de la loi à l’école ou de mieux comprendre pourquoi certaines personnes sous-déclarent ces infractions.

Ces amendements soupçonneux me semblent devoir recueillir un avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le fonctionnement de la gendarmerie – les processus sont un peu différents dans la police – repose sur des retours d’expérience et des formations fondées sur ces retours d’expérience. Il y a une étude perpétuelle de ce qui fonctionne bien pour que cela fonctionne mieux et de ce qui ne fonctionne pas pour que cela fonctionne enfin. Il n’y a rien d’infantilisant à adopter les techniques des forces de l’ordre pour continuer à avancer – peut-être même le feront-elles d’elles-mêmes.

Le problème, c’est votre réponse, qui présente ce fonctionnement normal comme une pratique infantilisante dès lors que l’idée vient de l’opposition. C’est aussi que vous considériez que le terme de racisme systémique signifierait que tout le monde est raciste ou que tout le monde tolère le racisme. S’il n’y avait pas de racisme systémique, vous ne seriez pas en train de défendre cette proposition de loi, nous n’aurions pas besoin d’outils supplémentaires et vous n’auriez pas à définir le champ global du refus de l’altérité, comme vous venez de le faire avec ce texte !

Le travail que vous avez fait consiste précisément à lutter contre l’aspect systémique de ces oppressions. Si, sur des sujets aussi importants qui touchent au soin de la cité et mériteraient un débat de politique avec un grand P, chaque mot doit donner lieu à un débat de politique politicienne, nous n’avancerons pas.

Ces amendements, qui sont nécessaires pour que nos institutions puissent avancer, ne coûtent pas grand-chose à la nation. On ne peut pas tout rejeter d’un revers de main en niant les problèmes. Alors qu’après 1945, on pensait pouvoir dire « Plus jamais ça ! », nous en sommes réduits aujourd’hui à renforcer l’arsenal des peines pour lutter contre l’antisémitisme. C’est bien que, oui, le racisme est systémique, endémique, et que nous devons lutter.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il ne s’agit pas de politique politicienne, mais les mots ont un sens. Vous parlez de chiffres noirs et d’enquêtes, mais on ne peut pas laisser suggérer ici que les forces de police ou de gendarmerie accueilleraient mal les plaintes concernant de tels délits.

Je vous rappelle, chers collègues de la NUPES, que, depuis le plan antisémitisme proposé par le Premier ministre Édouard Philippe, une journée nationale est consacrée à la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats, et que la Licra et la Dilcrah vont dans les écoles de gendarmerie et de police nationale. Une mission d’information pourrait fournir plus de statistiques et de chiffres, mais c’est une honte que de jeter le discrédit avec cet amendement « soupçonneux », pour reprendre le terme du rapporteur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL29 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Il porte sur la formation des magistrats au sein des pôles anti-discrimination. Nous reconnaissons que ces pôles ont permis une meilleure prise en compte du caractère raciste des infractions et le développement du réseau de sensibilisation et de prévention, mais nous regrettons qu’à ce jour, leurs magistrats n’aient reçu que peu de formation, voire aucune, au contentieux des infractions discriminatoires. Il y a une forme de déni à répondre que demander une meilleure prise en compte des phénomènes de racisme et d’antisémitisme dans notre société serait infantilisant.

La CNCDH regrette qu’aucune formation obligatoire n’ait été prévue jusqu’à présent pour les magistrats spécialisés de ces pôles – nous ne sommes donc pas les seuls à en parler. Cette situation entrave l’efficacité des pôles, qui pourraient être de véritables moteurs de la lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, selon une étude récente du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, les policiers reconnaissent eux-mêmes qu’ils manquent de formation, évoquant aussi le peu d’efficacité des contrôles d’identité. Lorsqu’on interroge les personnes concernées, elles peuvent se révéler très lucides – apparemment plus que nous ici.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Dans un souci de formation, le groupe Socialistes et apparentés avait déposé un amendement tendant à créer une nouvelle peine complémentaire dans le code pénal, en ajoutant un stage de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations à la liste de ceux que la juridiction peut imposer pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement. Ce stage, évidemment à la charge de l’auteur des faits, doit encore être mis en place, mais il répond aussi à une demande des magistrats, soucieux de l’efficacité de la peine qu’ils prononcent.

Je regrette vraiment que l’article 45 de la Constitution ait empêché cet amendement de venir jusqu’à la commission des Lois – peut-être M. le rapporteur pourra-t-il faire quelque chose...

Mme Caroline Yadan (RE). Non seulement nous ne faisons pas preuve de déni, mais nos collègues de la NUPES, qui souhaitent obtenir une évaluation qualitative et quantitative de la création des pôles anti-discrimination, vont devoir s’interroger sur leur ignorance des dispositions existantes. Je rappelle en effet que cette proposition de loi se fonde sur un rapport de la Dilcrah, qui a pour objectif d’identifier les normes et les pratiques, ainsi que la législation et les politiques publiques mises en œuvre au niveau national. L’évaluation demandée a donc déjà lieu dans le cadre juridique et administratif en vigueur.

Si nos collègues sont si attachés aux formations, je leur suggère, par exemple, d’en organiser sur l’antisémitisme dans leur propre parti politique. Cela ne leur ferait pas de mal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL25 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Il tend à engager une réflexion sur l’ouverture des actions de groupe aux infractions à caractère raciste et discriminatoire. La CNCDH estime à 1,2 million le nombre d’actes à caractère raciste, alors que le ministère de l’intérieur ne relève que 13 000 infractions : l’écart est considérable. La Défenseure des droits, quant à elle, indiquait l’année dernière que le levier du signalement et du recours individuel a de fortes limites et fait peser sur la victime un risque de représailles et de difficulté à faire la preuve de la discrimination.

La question est cruciale, car il ne faut pas voir le racisme et l’antisémitisme comme une somme de propos et d’actes individuels : ces discriminations imprègnent notre société et, à ce titre, sont systémiques. L’action de groupe permet d’agir collectivement contre un ensemble de pratiques discriminatoires et donne de la force aux victimes. C’est pour nous une manière de donner de la force à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Or la Défenseure des droits n’a eu connaissance que d’un nombre très limité d’actions de groupe. L’amendement vise donc à y remédier.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons de forme déjà évoquées. Sur le fond, nous débattrons avec le garde des sceaux de la capacité des associations à ester en justice face à ce type d’infractions.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). « Vous m’avez demandé plus de précisions sur nos moyens. Pour 2023, nous avions demandé cinq ETP supplémentaires, deux au titre des lanceurs d’alerte et trois au titre de la densification du réseau, mais seuls deux emplois ont été retenus, ce qui n’est pas raisonnable par rapport à l’augmentation de notre activité. Nous avons réalisé une comparaison avec les Ombudsmans et nous sommes excessivement inquiets. Ainsi, nous avons formulé de nouvelles demandes et j’espère que vous les verrez arriver au Parlement. Nous espérons une augmentation massive de nos moyens, en matière d’emplois, d’agents et de moyens de communication. Nous avions également demandé une augmentation du nombre de nos délégués, d’autant plus que les coûts des déplacements sont en hausse. En revanche, nous n’avons pas obtenu la somme demandée pour une campagne de communication pour le référencement de la plateforme Anti-discriminations.fr. Ce budget est indispensable, car sans financement du référencement de la plateforme, elle n’apparaît pas dans les moteurs de recherche. Je répète que l’institution n’a pas récupéré le budget communication qu’avait la Halde à l’époque. » Ces propos sont ceux qu’a tenus Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, le 17 mai 2023.

Vous vous glorifiez de ce que le Président de la République ait lancé une plateforme confiée à la Défenseure des droits, mais il ne lui donne pas les moyens nécessaires ! Et à la fin, pour faire croire que les choses avancent, vous vous contentez de changer l’échelle de peines, sans traiter les causes. C’est se moquer du monde. Sans compter que retirer, comme vous venez de l’annoncer, 10 milliards d’euros au budget de l’État ne risque pas d’aider la Défenseure des droits !

M. Fabien Di Filippo (LR). Je regrette le caractère idéologique de cet amendement, qui réitère l’affirmation que la France serait un pays raciste – un racisme systémique, endémique, pas constitué de faits individuels isolés. En fonction des territoires où l’on vit, on peut constater des formes de racisme très différentes et, si elles sont systémiques, elles ne s’exercent pas toujours à l’encontre des personnes que vous prétendez défendre.

Quant aux actions de groupe, elles sont déjà possibles. Voilà quelques années, plusieurs associations et ONG en ont engagé une à propos des contrôles au faciès et un avis a été rendu par le Conseil d’État. Cet amendement n’est donc qu’un prétexte pour pousser encore vos arguments idéologiques invoquant un racisme systémique et pour diviser le pays.

La commission rejette l’amendement.

 

Titre

 

Amendement CL16 de M. Raphaël Gérard

M. Raphaël Gérard (RE). Il tend à compléter le titre. Compte tenu des événements récents et de l’explosion de l’antisémitisme dans notre pays depuis les attentats du 7 octobre, il est important d’insister sur le racisme et l’antisémitisme, comme le fait le texte. Je propose toutefois d’ajouter au titre les mots « ou discriminatoire », ce qui permet de couvrir en plus l’ensemble des types de discriminations, publiques ou non publiques, que nous avons évoquées ce matin sans rien retirer à l’importance de ces deux principaux fléaux.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Avis favorable à cette coordination bienvenue.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). De même que notre société a pris davantage conscience du caractère systémique des discriminations liées au système de domination patriarcale, il est temps qu’elle prenne conscience du caractère systémique du racisme, c’est-à-dire du fait que, lorsqu’on est jugé selon sa couleur de peau ou  sa religion, on a moins accès à un logement ou à un emploi, on subit des discriminations. L’État aussi a sa part de responsabilité en la matière. Quand des jeunes de ma circonscription me rapportent qu’à 12 ans, il se sont déjà fait traiter de « kebab » par un policier, je mets en cause non seulement ce policier qui tient des propos racistes, mais aussi le système de domination global qui amène ce policier à penser que la couleur de peau, l’origine ou la religion peuvent faire des différences entre les êtres humains.

Être républicain, c’est prendre conscience de ce problème majeur : notre société fait une différence entre les êtres humains et certains finissent par intégrer l’idée qu’ils sont différents des autres. De nombreux jeunes de notre pays, notamment dans les quartiers populaires, où certaines enquêtes statistiques montrent qu’ils sont plus souvent que les autres victimes de discriminations, ne se sentent pas faire pleinement partie de la nation, parce que certaines personnes leur renvoient cette image. C’est contre cela qu’il faut lutter.

Vous nous reprochez de jeter le discrédit en proposant des formations pour les policiers mais en réalité, tout le monde, dans notre société, a besoin de ces formations. Sans doute bon nombre d’entre nous ont-ils déjà tenu des propos racistes sans même s’en rendre compte, précisément parce que cela relève d’un caractère systémique, de même que les hommes ont souvent eu des comportements machistes sans même s’en rendre compte.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémite (n° 1727) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


—  1  —

 

   Personnes entendues

   Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe

   M. Thibault Cayssials, chef du bureau de la législation pénale spécialisée

   Mme Magali Lafourcade, secrétaire générale

   M. Thomas Dumortier, conseiller juridique

   Mme Claire Lallemand, conseillère sur les questions de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie

   M. Olivier Klein, délégué interministériel

   M. Ludovic Friat, président

   M. Thierry Griffet, trésorier national

   M. Laurent Desgouis, secrétaire national

   Mme Judith Allenbach, secrétaire permanente

   Mme Valérie Dervieux, membre du conseil national

   M. Marc Lifchitz, membre du bureau national

   M. Julien Brochot, membre de la commission Libertés et droits de l’Homme

   Mme Mona Laaroussi, chargée de mission affaires publiques

 

 

Table ronde des conférences des chefs de juridiction

   M. M. Jean-David Cavaillé, procureur de la République de Perpignan

   Mme Gwenola Joly-Coz, présidente, première présidente de la cour d’appel de Poitiers

   M. Christophe Barret, procureur général près la cour d’appel de Grenoble

 

Table ronde d'associations antiracistes

   Me Galina Elbaz, vice-présidente et avocate

   Mme Barbara Bichon, juriste

   Mme Alice Murgier, responsable du pôle juridique

   Mme Ester Mbikinkam, chargée de mission accès au droit au pôle juridique

   M. Michaël Ghnassia, avocat au conseil

   M. Robert Ejnes, directeur exécutif

   M. Samuel Lejoyeux, président

   Mme Lévana Ederhy, secrétaire nationale

   Mme Léa Hanoune, trésorière

 


([1]) Compte rendu intégral de la séance de l’Assemblée nationale du mercredi 7 juin 1972, Journal officiel de la République française (JORF) du 8 juin 1972, Débats parlementaires.

([2]) D’après la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et les associations antiracistes, ce « chiffre noir » serait particulièrement important en matière d’atteintes racistes, antisémites et xénophobes car de très nombreuses victimes renoncent à porter plainte, considérant souvent qu’elles ne pourront pas prouver le caractère raciste de l’atteinte qu’elles ont subie ou s’abstenant par peur de représailles, ou encore par honte.

([3]) Rapport du CRIF et du SCPJ, « Analyse des chiffres de l’antisémitisme 2023 », janvier 2024.

([4]) Données communiquées par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice à votre rapporteur.

([5]) L’ensemble des infractions prévues et réprimées par le cinquième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881.

([6]) Votre rapporteur souhaite même rappeler que la France s’était dotée d’un premier cadre juridique de lutte contre les discriminations raciales dès 1939. L’un des décrets-lois dits « Marchandeau » du 21 avril 1939 prévoyait en effet des poursuites lorsque la diffamation ou l’injure, prévues par la loi du 29 juillet 1881, « commise envers un groupe de personnes appartenant par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, [avait] pour but d’exciter à la haine envers les citoyens ou les habitants ». Il s’agissait alors avant tout de lutter contre l’antisémitisme. Abrogé par le régime de Vichy, il entrera de nouveau en vigueur à la Libération.

([7]) Pour ne citer que les plus récentes, les lois n° 2020‑766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia », et n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ont été déterminantes sur le sujet. La création du site web « Pharos » –  plateforme de signalements de contenus et comportements illicites en ligne – par le Gouvernement en 2009 a également constitué une étape essentielle, tout comme son renforcement massif en 2021 à la suite de l’assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste.

([8]) Rapport de l’Arcom, « Lutte contre la diffusion des contenus haineux en ligne, bilan des moyens mis en œuvre par les plateformes en ligne en 2022 et perspectives », juillet 2023.

([9]) Rapport de transparence de X, publié le 5 novembre 2023, consultable en ligne : https://transparency.twitter.com/dsa-transparency-report.html

([10]) Dont près de la moitié (7 717) pour discours violents.

([11]) La proposition de loi du député Marc Ferracci visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, adoptée par l’Assemblée nationale le 6 décembre 2023, met également en œuvre une mesure du plan, celle de systématiser les testings sur les discriminations à l’embauche dans le monde du travail.

([12]) « Heureux comme un antisémite en France », tribune collective publiée sur le site internet de l’Obs le 6 mai 2019.

([13])  Même si elle ne résout pas l’intégralité des situations car elle est aussi, bien entendu, dépendante de nos accords d’extradition avec des pays tiers.

([14]) Voir le commentaire de l’article 1er.

([15]) Décision du Conseil constitutionnel n° 2009-580 DC du 10 juin 2009.

([16]) Voir, par exemple, les décisions du Conseil constitutionnel n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011 et n° 2013‑311 QPC du 17 mai 2013.

([17]) Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-311 QPC du 17 mai 2013.

([18]) Décision du Conseil constitutionnel n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016.

([19]) Il s’agit de la part des affaires poursuivables qui font l’objet de poursuites ou de procédures alternatives et qui ne sont donc pas classées sans suite.

([20]) En très grande majorité un rappel à la loi ou avertissement.

([21]) Observer les peines d’emprisonnement prononcées en matière d’infractions publiques intéresse moins l’analyse puisque, même en cas d’adoption de la présente proposition de loi, les provocations, diffamations et injures non publiques transformées en délit ne demeureraient, hors circonstance aggravante, punissables que d’amendes.

([22]) Voir le commentaire de l’article 2.

([23]) Voir infra.

([24]) Mandat qui a pour objet de mettre en demeure une personne de se présenter devant le juge d’instruction. Il est souvent utilisé après une première convocation « simple » qui est restée improductive.

([25]) Mandat qui constitue une mesure de contrainte, puisqu’il s’agit de l’ordre donné par le juge d’instruction à la force publique de conduire immédiatement une personne devant lui. Il peut, par exemple, être délivré après un mandat de comparution ignoré.

([26]) Mandat créé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 précitée. Il s’agit de l’ordre donné à la force publique de rechercher et de placer en garde à vue une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction.

([27]) Premier alinéa de l’article 122 du code de procédure pénale. C’est pourquoi les mandats sont définis au sein du titre III du livre Ier du code de procédure pénale, qui traite des juridictions d’instruction.

([28]) Article 131 du code de procédure pénale.

([29]) L’article 465-1 du même code prévoit toutefois que lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, le tribunal peut décerner mandat de dépôt ou d’arrêt quelle que soit la durée de la peine d’emprisonnement prononcée.

([30]) Les juges ne sont toutefois pas tenus d’engager un débat sur cette mesure (Cour de cassation, chambre criminelle, 24 octobre 1968, n° 68‑91.258).

([31]) Jugement rendu sans la présence du prévenu. Il est susceptible d’opposition.

([32]) Dispositions prévues à l’article 135-2 du code de procédure pénale.

([33])  La classification tripartite en crimes, délits et contraventions.

([34]) Le régime de l’infraction terroriste est ainsi davantage dérogatoire au droit commun que celui de l’infraction politique.

([35]) Le particularisme du droit pénal militaire s’est, par exemple, progressivement estompé.

([36]) « Des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. »

([37]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 précitée ; loi n° 2014-56 du 27 janvier 2014 visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap ; loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 précitée.

([38]) Des requalifications sont néanmoins possibles pour les délits à caractère discriminatoire.

([39]) Cour de cassation, chambre criminelle, 25 avril 1990, n° 89-86.494.

([40]) Loi n° 99-929 du 10 novembre 1999 portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale.

([41]) Auparavant incriminé par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, ce délit a été transféré à l’article 421‑2‑5 du code pénal par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

([42]) Il s’agit en réalité des apologies des atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, agressions sexuelles, vols, extorsions et destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes lorsqu’ils constituent des crimes.

([43]) Loi n° 51-18 du 5 janvier 1951 portant amnistie.

([44]) Loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987 relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants et modifiant certaines dispositions du code pénal.

([45]) Cour de cassation, chambre criminelle, 19 juin 2013, n° 12-81.501.

([46]) Voir infra l’encadré « La détermination de la condition de publicité ».

([47]) Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juillet 1972, n° 70-93.211.

([48]) Bertrand de Lamy, La liberté d’opinion et le droit pénal, LGDJ, 2000.

([49])  La présentation de thèses « sous forme déguisée ou dubitative » entre dans le cadre de l’article 24 bis (Cour de cassation, chambre criminelle, 12 septembre 2000, n° 98-88.200).

([50])  Cour de cassation, chambre criminelle, 17 juin 1997, n° 94-85.126.

([51]) La Cour de cassation considère que l’infraction est constituée y compris lorsque les propos tenus évoquent une personne qui n’a pas été condamnée pour crime contre l’humanité. Ainsi, le délit de contestation d’un crime contre l’humanité peut être constitué à propos des agissements de Philippe Pétain (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 septembre 2023, n° 22-83.959).

([52]) Cour de cassation, chambre criminelle, 27 novembre 2012, n° 11-86.982.

([53]) Décision n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016, considérant 8.

([54]) Amendement CL51.

([55]) Amendements identiques CL42 et CL46.

([56]) Il s’agit des infractions mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 : atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et agressions sexuelles ; vols, extorsions et destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes.

([57]) Il s’agit des crimes et délits prévus au titre Ier du livre IV du code pénal.

([58]) La contestation de la Shoah figurait déjà dans le dispositif de la proposition de loi initiale comme infraction permettant la délivrance d’un mandat d’arrêt ou de dépôt en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement.

([59]) Jean-Yves Lassalle, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, novembre 2016, dernière actualisation en septembre 2021.

([60]) Premier alinéa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([61]) Second alinéa du même article.

([62])  Il s’agit, entre autres, du refus de fournir un bien ou un service ; de l’entrave à l’exercice normal d’une activité économique ; du refus d’embaucher, de la sanction ou du licenciement d’une personne, ou encore de la subordination de la fourniture d’un bien ou d’un service, d’une offre d’emploi, d’un stage ou d’une période de formation en entreprise à une condition fondée sur une discrimination.

([63]) Il s’agit de la discrimination commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission lorsqu’elle consiste à refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi ou à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque.

([64]) Voir b de la présente partie.

([65]) Cour de cassation, chambre criminelle, 14 juin 2022, n° 21-84.537.

([66]) Cour de cassation, chambre criminelle, 21 mai 2019, n° 18-85.246.

([67]) Arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation, respectivement : 27 mai 1975, n° 74-90.058 ; 12 septembre 2000, n° 99-86.650 ; 22 janvier 2019, n° 18‑82.614 ; 27 mai 1999, n° 98‑82.461 ; 21 février 1995, n° 92-86.617.

([68]) Cour de cassation, chambre criminelle, 22 janvier 2019, n° 18-82.614.

([69]) Cour de cassation, première chambre civile, 10 avril 2013, n° 11‑19.530.

([70]) Cour de cassation, chambre criminelle, 7 mai 2018, n° 16-85.035 ; Conseil d’État, 11 juillet 2018, n° 414819.

([71]) Cour de cassation, chambre criminelle, 12 avril 2016, 14.86-176.

([72]) Articles R. 621-1 et 621-2 du code pénal.

([73]) Article R. 625-8-2 du même code.

([74]) Amendement CL48.

([75]) Voir b du 1 du présent commentaire d’article.

([76]) Amendement CL35.

([77]) Amendement CL4.

([78]) Amendement CL32.

([79]) Amendement CL52.

([80]) Amendement CL43.

([81]) Voir l’encadré « La notion de communauté d’intérêt » au sein du commentaire de l’article 2 de la présente proposition de loi.

([82]) Amendement CL7.

([83]) Amendement CL5.

([84]) Amendements identiques CL2 et CL47.

([85]) Amendements CL3 et CL31.