N° 2299

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE,

visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires (n° 2076 rect.)

PAR M. Henri ALFANDARI

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

introduction................................................ 5

Commentaire de l’article unique

Article unique (art. L.O. 141-1 du code électoral) Réduction du champ des fonctions exécutives locales incompatibles avec le mandat parlementaire

Examen en commission

Personnes entendues

 


—  1  —

 

 

Mesdames, Messieurs,

Le groupe Horizons et apparentés a fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour qui lui est réservé le 14 mars 2023, en application du cinquième alinéa de l’article 48 de la Constitution, une proposition de loi organique visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires.

Il s’agit d’un des nombreux débats qui traversent notre pays quant au statut des élus et au meilleur moyen de consolider le lien de confiance entre les citoyens et leur démocratie. Il est essentiel car il concerne la valorisation du travail de terrain des parlementaires et de la connaissance des enjeux locaux dans la prise des décisions au niveau national.

La loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur poursuivait un objectif louable : encourager les élus à se consacrer pleinement à leur mandat, répondre aux critiques faites à la « professionnalisation » de la politique et à l’accumulation des mandats par certains parlementaires et favoriser l’entrée dans la sphère politique de nouvelles personnalités.

Cependant, un constat s’impose : la réforme de 2014 n’a pas permis de restaurer le lien de confiance entre les citoyens et les parlementaires. Pour s’en convaincre, il suffit de songer aux crises successives dont la plus récente, celle des agriculteurs. Le sentiment que les parlementaires seraient « déconnectés » et « hors-sol » persiste car le Parlement est assimilé au pouvoir central malgré l’engagement quotidien de ses membres dans leurs circonscriptions.

Selon le baromètre de la confiance politique publié en février 2023 par le Cevipof ([1]),  la part des citoyens indiquant avoir confiance dans les parlementaires a diminué de 5 points par rapport à 2014 (36 % contre 41 %), loin derrière les maires (57 %).

En voulant aller trop vite et trop fort, pour contrer des situations de cumul parfois excessives, l’excès inverse a été atteint. En privant les parlementaires de la possibilité de s’investir à travers leurs mandats dans une fonction exécutive locale sur leur territoire, ils sont cantonnés dans un rôle imprécis et certains d’entre eux peinent parfois à être identifiés, en particulier lorsqu’ils n’ont pas eu d’expérience d’élu local au préalable.

En créant une séparation étanche entre les mandats de parlementaires et les fonctions exécutives locales, le Parlement s’est privé d’un levier puissant pour résorber la fracture profonde qui semble se creuser avec le corps électoral, au regard de l’abstention croissante (53 % au premier tour des élections législatives en 2022 contre 43 % en 2012).

Le maintien d’une possibilité de cumul avec un mandat simple de conseiller municipal, départemental ou régional ne compense pas l’exercice de fonction exécutive qui exige de se confronter au plus près du terrain à la mise en œuvre des choix du législateur.

Le cumul ne doit pas être opposé à la qualité du travail parlementaire. Au contraire, le non-cumul a eu tendance à affaiblir le poids des parlementaires et leur légitimité face à l’exécutif pour exprimer les intérêts des élus locaux et des territoires. Le cumul peut enrichir la mission du législateur en lui donnant une connaissance plus fine des enjeux de la décentralisation et en le confrontant directement aux limites de la loi dans son application concrète.

C’est d’ailleurs dans cette perspective que le cumul des mandats est historiquement entré dans notre vie politique, dès la Monarchie de juillet, et qu’il a été conservé jusqu’en 2014 dans toute l’histoire de la
République, pour contrebalancer le jacobinisme en conférant aux élus nationaux une assise territoriale solide.

La loi organique de 2014 a sans doute participé, dans une moindre mesure que l’élection présidentielle de 2017, à faire émerger de nouveaux profils, en renouvelant l’Assemblée nationale à plus de 70 %. Les expériences variées des députés issus de la société civile et l’importante féminisation de l’hémicycle ont procédé à un enrichissement de nos débats. Cependant, de nombreux élus ont à l’inverse dû quitter leur mandat national pour conserver leur mandat local, ce qui constitue une perte pour notre Assemblée.

La présente proposition de loi organique suggère une solution de compromis ou plutôt une correction visant à un meilleur équilibre. Elle ne reproduit pas les pratiques du passé en ne rétablissant pas la possibilité de devenir maire ou président d’exécutif local mais elle permettrait à un parlementaire de cumuler un mandat national de parlementaire avec une fonction d’adjoint au maire ou de vice-président d’un organe délibérant.

Elle mettrait ainsi fin à une séparation trop rigide entre les élus locaux et les élus nationaux dans le but de rétablir ce maillon manquant entre les acteurs locaux et le Parlement. Elle permettrait également à des députés n’ayant jamais eu l’occasion d’exercer des fonctions exécutives locales de compléter leur expérience.

Ce texte est porté par la conviction que l’engagement des élus, y compris nationaux, sur le terrain correspond aux attentes de nos concitoyens.

   Commentaire de l’article unique

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article unique modifie l’article L.O. 141-1 du code électoral afin de restreindre le champ des fonctions exécutives locales incompatibles avec le mandat de député ou de sénateur. Ces derniers pourraient désormais cumuler leur mandat avec une fonction exécutive locale, à l’exception de celle de maire ou de président de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale, qui demeurerait interdit.

       Dernières modifications organiques intervenues

La loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur a créé l’article L.O. 141-1 du code électoral qui énumère les mandats électoraux incompatibles avec celui de parlementaire. Elle règle également la question du cumul des rémunérations, du choix du mandat conservé et du remplacement de l’élu concerné.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission des Lois a rejeté cet article.

  1.   L’État du droit
    1.   L’incompatibilité entre le mandat local et le mandat parlementaire obéit à un régime spécifique
      1.   Tous les mandats électoraux sont soumis à des règles d’incompatibilité

L’article 25 de la Constitution prévoit que la loi organique fixe « le régime des inéligibilités et des incompatibilités » des membres de chaque assemblée. Il convient en effet de distinguer les critères d’inéligibilité des critères d’incompatibilité dont les règles de non-cumul font partie.

Les critères d’inéligibilité privent la personne concernée du droit de se porter candidate et d’être élue. Si son élection survient par défaut de contrôle, elle est annulée. Concernant les parlementaires, l’article L.O. 132 du code électoral ([2]) rend inéligibles les personnes ayant récemment exercé certaines responsabilités publiques dans le ressort de la circonscription (préfet, direction d’administration déconcentrée, etc.). Cela vise à prévenir tout conflit d’intérêts entre les fonctions passées et futures. Des dispositions équivalentes existent pour les conseillers municipaux, départementaux et régionaux ([3]).

Les incompatibilités sont de diverses natures et n’empêchent pas d’être candidat et élu. En revanche, elles impliquent de régler la conciliation entre les différentes fonctions concernées :

● Ainsi, les fonctions de membres du Gouvernement sont, selon l’article 23 de la Constitution « incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

S’ils sont élus au Parlement, ils sont remplacés par leur suppléant tant qu’ils exercent leurs fonctions gouvernementales. Ils ont en revanche la possibilité de cumuler leur fonction de ministre avec un mandat exécutif local.

 Les élus locaux, depuis la loi du 6 avril 2000 ([4]), sont soumis à l’interdiction d’exercer plus de deux mandats électoraux simultanément. La liste des mandats concernés a été étendue et couvre désormais ceux de conseiller régional, conseiller à l’Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller métropolitain de Lyon, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique, conseiller municipal ([5]). Elle ne couvre pas les conseillers des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les mandats ainsi cumulés ne peuvent s’exercer au même niveau. Ainsi, l’article L. 238 du code électoral prévoit que « Nul ne peut être membre de plusieurs conseils municipaux ». Cependant, une personne peut être candidate et élue au sein de plusieurs conseils municipaux mais elle cessera alors d’appartenir à l’autre conseil municipal.

Parmi les fonctions exécutives, les élus locaux ne peuvent pas cumuler entre elles les fonctions de président de conseil départemental, de président de conseil régional et, depuis la loi du 6 avril 2000, de maire ([6]). Ils peuvent en revanche cumuler l’une d’entre elles avec celle de président d’EPCI. Il n’y a pas d’encadrement pour le cumul d’autres fonctions exécutives (adjoints, vice-présidents, etc.)

  1.   Pour les parlementaires, ces règles ont été rendues de plus en plus contraignantes, jusqu’à l’interdiction totale du cumul avec toute fonction exécutive locale en 2014
    1.   Les règles d’incompatibilité applicables aux parlementaires

Concernant les fonctions électives, les parlementaires ne peuvent exercer les fonctions ([7]) :

– de sénateur s’ils sont députés et inversement ;

– de suppléant d’un autre député ou sénateur ;

– de parlementaire européen ;

– de membre du Conseil économique, social et environnemental.

Ils ne peuvent pas non plus être membre du Gouvernement (voir supra), du Conseil constitutionnel ou du Conseil supérieur de la magistrature. Ils ne peuvent pas non plus être membres d’une autorité administrative ou publique indépendante, sauf s’ils y ont été désignés en leur qualité de parlementaire. Ils ne peuvent exercer une mission à la demande du Gouvernement pour une durée supérieure à six mois.

Concernant les activités professionnelles, ils ne peuvent exercer une fonction publique non-élective à l’exception des professeurs d’université et chargés de direction de recherche, ni occuper des fonctions de magistrats. Ils ne peuvent pas être rémunérés par une organisation internationale ou un État étranger. L’exercice d’une activité professionnelle dans le secteur privé est possible mais reste strictement encadré pour prévenir tout risque de conflit d’intérêts ([8]).

Concernant le cumul avec les mandats locaux non-exécutifs, l’article L.O. 141 du code électoral prévoit, depuis la loi du 30 décembre 1985 précitée, que le mandat parlementaire « est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l’Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique, conseiller municipal d’une commune soumise au mode de scrutin prévu au chapitre III du titre IV du présent livre ([9]) ».

Les EPCI n’étant pas couverts par cette incompatibilité, il était possible jusqu’en 2014 de cumuler le mandat parlementaire avec deux mandats locaux, par exemple ceux de maire et de président d’EPCI. Par ailleurs, aucune distinction n’était faite entre les mandats « simples » et les fonctions exécutives.

  1.   La mise en place du non cumul entre le mandat parlementaire et les fonctions exécutives locales par la loi du 14 février 2014

La loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 est venue compléter ces incompatibilités dans le cas particulier du cumul d’une fonction exécutive locale avec le mandat de député ou de sénateur.

Elle a durci les règles applicables en vertu de l’article L.O. 141 du code électoral qui empêchait le cumul avec plus d’un mandat local, sans précision quant au caractère exécutif ou non de celle-ci. L’article L.O. 141-1 du même code prévoit ainsi une interdiction générale de cumul entre les fonctions exécutives locales et le mandat parlementaire (voir encadré).

La rédaction ne fait toutefois pas obstacle à certaines situations de cumul multiple. Par exemple, rien ne s’oppose à l’exercice simultané du mandat parlementaire avec les mandats de conseiller départemental ou régional, de membre du conseil municipal d’une commune de moins de mille habitants ou encore de conseiller d’EPCI.

En application de la décision n° 2014-689 DC du 13 février 2014 du Conseil constitutionnel, ces incompatibilités sont également applicables au vice-président de l’Assemblée de Corse. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que « pour toutes les collectivités territoriales dotées d’une assemblée délibérante en métropole, outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, le législateur organique a, en adoptant l’article 1er, estimé que les fonctions de vice-président d’une telle assemblée ne pouvaient être cumulées avec l’exercice du mandat de député ou de sénateur ; que, par suite, les dispositions du 6 ° de l’article L.O. 141-1 ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, être interprétées comme permettant le cumul du mandat de député ou de sénateur avec les fonctions de vice-président élu par l’assemblée de Corse en application de l’article L. 4422-9 du code général des collectivités territoriales » (considérant 11).

La loi organique du 14 février 2014 a également introduit dans le code électoral un article L.O. 147-1 qui interdit le cumul avec « les fonctions de président et de vice-président du conseil d’administration d’un établissement public local, du conseil d’administration du Centre national de la fonction publique territoriale ou d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale, du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale, du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société publique locale ou d’une société publique locale d’aménagement, d’un organisme d’habitations à loyer modéré ».

Article L.O. 141 du code électoral

Le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l’Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique, conseiller municipal d’une commune soumise au mode de scrutin prévu au chapitre III du titre IV du présent livre.

Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au I de l’article LO 151, à l’incompatibilité mentionnée au premier alinéa du présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire et l’indemnité attachée à un autre de ses mandats de son choix.

Article L.O. 141-1 du code électoral

Le mandat de député est incompatible avec :

1° Les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire ;

2° Les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;

3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;

4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;

5° Les fonctions de président et de vice-président d’un syndicat mixte ;

6° Les fonctions de président, de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l’assemblée de Corse ;

7° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique ; de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;

8° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;

9° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Polynésie française ; de président et de vice-président de l’assemblée de la Polynésie française ;

10° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

11° Les fonctions de président et de vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; de membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

12° Les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;

13° Les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.

Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au II de l’article LO 151, à une incompatibilité mentionnée au présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire.

  1.   Le code électoral prévoit les conséquences juridiques du régime d’incompatibilité applicable aux parlementaires
    1.   Démission et suppléance

L’article 25 de la Constitution prévoit que la loi organique fixe « les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient ».

L’article L.O. 151-1 du code électoral, créé par la loi du 14 février 2014, précise en conséquence que « le député qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité mentionnés à l’article L.O. 141-1 est tenu de faire cesser cette incompatibilité en démissionnant du mandat ou de la fonction qu’il détenait antérieurement, au plus tard le trentième jour qui suit la date de la proclamation des résultats de l’élection qui l’a mis en situation d’incompatibilité ou, en cas de contestation, la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif. En cas d’élections acquises le même jour, le député est tenu, dans les mêmes conditions, de faire cesser l’incompatibilité en démissionnant du mandat ou de la fonction acquis dans la circonscription comptant le moins grand nombre d’habitants. À défaut, le mandat ou la fonction acquis à la date la plus ancienne prend fin de plein droit. En cas d’élections acquises le même jour, le mandat ou la fonction qui prend fin de plein droit est celui ou celle acquis dans la circonscription comptant le moins grand nombre d’habitants ».

Autrement dit, la personne placée en situation d’incompatibilité n’a pas le loisir de choisir le mandat qu’elle conserve et doit obligatoirement démissionner du plus anciennement acquis. Cette absence de droit d’option permet « de mettre fin à la pratique de la locomotive des têtes de listes qui démissionnent après la victoire » ([10]).

L’article L.O. 176 du code électoral précise que le remplacement du parlementaire qui démissionne en raison d’une incompatibilité prévue par l’article L.O. 141-1 du même code est assuré par son suppléant ([11]). Si ce dernier occupait une fonction élective, il se trouve dans l’obligation d’en démissionner. Il ne pourrait la retrouver qu’à condition de démissionner de son mandat de député et d’être à nouveau désigné à la fonction exécutive qu’il occupait. Une élection partielle aurait alors lieu sauf dans les douze derniers mois précédant le renouvellement.

Les mêmes règles s’appliquent aux sénateurs en vertu des articles L.O. 319 et suivants du code électoral. Lorsque le sénateur a été élu à la proportionnelle, c’est le suivant sur la liste qui le remplace.

  1.   Cumul des rémunérations

Depuis 1992 ([12]), l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement prévoit que « le parlementaire titulaire d’autres mandats électoraux ou qui siège au conseil d’administration d’un établissement public local, du centre national de la fonction publique territoriale, au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale ne peut cumuler les rémunérations et indemnités afférentes à ces mandats ou fonctions avec son indemnité parlementaire de base que dans la limite d’une fois et demie le montant de cette dernière ».

La rémunération dont bénéficient les parlementaires en situation de cumul reste variable puisque les collectivités territoriales doivent fixer par délibération, lors de leur renouvellement, les indemnités des adjoints ou vice-présidents et des membres de l’organe délibérant ([13]).

En cas d’incompatibilité, le code électoral prévoit que la situation d’incompatibilité fait perdre le droit à l’indemnité du second mandat : « Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au II de l’article L. O. 151, à une incompatibilité mentionnée au présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire ».

  1.   Le non-cumul des mandats répond à des objectifs vertueux mais présente plus d’inconvénients que d’avantages pour l’exercice du mandat parlementaire
    1.   Des objectifs vertueux pour répondre à une situation critique

En 2012, 476 députés sur 577 (82 %) et 267 sénateurs sur 348 (77 %) étaient en situation de cumul, parfois sur plusieurs mandats car l’article L.O. 141 du code électoral permettait de cumuler le mandat parlementaire avec un seul mandat local parmi une liste où ne figuraient pas les intercommunalités et les communes de moins de 1 000 habitants. Ces fonctions pouvaient également s’accompagner de mandats dans différentes instances.

La loi organique du 14 février 2014 s’est inspirée des recommandations du rapport dit « Jospin »  ([14]) qui proposait de « rendre incompatible le mandat de parlementaire avec tout mandat électif autre qu’un mandat local simple à compter des prochaines élections locales ».

Elle poursuivait trois objectifs principaux :

● En premier lieu, le non-cumul devait permettre un renouvellement des élus ainsi que la féminisation du Parlement, par opposition avec la « professionnalisation » de la politique, soupçonnée de concentrer dans les mains de quelques élus trop de pouvoir et d’avantages liés à leurs fonctions.

● En second lieu, le non-cumul répondait au souhait que les élus puissent s’investir pleinement dans leur mandat. La révision constitutionnelle de 2008, qui renforce les pouvoirs du Parlement, et les lois de décentralisation successives conduisent en effet à accroître respectivement les responsabilités des parlementaires et des élus chargés d’un mandat exécutif et la nécessité de s’y consacrer à temps plein. Le rapport « Jospin » précité proposait d’ailleurs d’appliquer la même règle aux membres du Gouvernement ([15]).

● En dernier lieu, le non-cumul s’inscrivait dans une stratégie de prévention du risque de conflit d’intérêts entre les différentes fonctions et d’éviter la confusion entre le mandat local et le mandat national. C’est dans ce même esprit qu’il avait été mis fin à la réserve parlementaire en 2017 ([16]).

  1.   Des règles excessivement contraignantes qui éloignent les parlementaires des citoyens et des territoires
    1.   Des effets ambivalents sur le renouvellement de la classe politique

Les effets de la réforme ont été immédiats. En 2017, plus de 38 % des députés élus ont dû cesser d’exercer un mandat exécutif local ([17]). L’Assemblée nationale a accueilli la même année 72 % de nouveaux élus. La part des femmes est passée de 27 % à 39 % (224 sur 577) tandis qu’au Sénat, partiellement renouvelé en 2017, elle a atteint 32 % (110 sur 348), contre 25 % en 2014 et 22 % en 2011.

Le cumul vertical avec des mandats locaux sans fonction exécutive demeurait encore important, puisqu’en 2019, il concernait encore 48 % des députés et 70 % des sénateurs ([18]).

Le phénomène de renouvellement et de féminisation doit ainsi être relativisé. Il s’explique également, pour l’Assemblée nationale, par le changement de majorité qui a fait suite à l’élection d’Emmanuel Macron et, pour le Sénat, par la féminisation croissante des élus locaux sous l’effet des listes paritaires. Ce phénomène a d’ailleurs connu un ralentissement dès 2022 puisque la part des femmes à l’Assemblée nationale a reculé de 39 % à 37 %, tandis qu’au Sénat elle n’a progressé que d’un point en 2023 passant de 35 % à 36 %.

Quant aux fonctions exécutives libérées, beaucoup d’entre elles ont été reprises par des parlementaires sortants, ne favorisant pas toujours l’émergence de nouveaux élus.

Ce renouvellement apparaît donc à double tranchant car s’il permet de faire accéder de nouveaux élus au Parlement, il peut également inciter les partis à ne pas investir des élus de terrain déjà titulaires d’un mandat, au profit de candidat sans attache ou expérience préalable dont l’élection résulte avant tout du résultat de l’élection présidentielle et du parti qui les a investis. Ces élus, qui viennent rarement de communes rurales, sont moins identifiés et ne bénéficient pas de la même confiance de la part des citoyens et des autres élus de la circonscription ([19]).

Comme l’a rappelé le professeur Jean-Philippe Derosier lors de son audition, le député qui bénéficie d’un ancrage territorial fort est plus indépendant vis-à-vis de l’exécutif car il ne doit pas seulement son élection à un contexte politique favorable ou à une investiture.

  1.   Des effets incertains, voire néfastes, sur la qualité de l’exercice du mandat parlementaire

L’effet sur l’investissement des parlementaires est difficile à évaluer car d’autres obligations ont été mises en œuvre, comme la présence obligatoire en commission sous peine de sanction ([20]) ou l’encadrement des délégations de vote. Par ailleurs, d’autres cumuls restent autorisés, notamment avec des activités professionnelles dans le secteur privé. Il n’est donc pas exclu que des parlementaires aient quitté leur mandat local au profit d’activités professionnelles privées pouvant leur apporter un complément d’activité et de rémunération, ce qui serait regrettable.

Le non-cumul place les parlementaires dans une situation ambiguë vis-à-vis de leurs électeurs, des autres élus et des représentants de l’État.

Historiquement, le cumul des mandats, qui était par son ampleur une exception française jusqu’en 2014, a toujours eu vocation à assurer un lien étroit entre le centre et la périphérie du pays. Dès la Monarchie de Juillet, le cumul était à la fois un moyen de faire remonter les préoccupations du terrain et de tempérer le poids du préfet par la présence de représentants locaux puissants.

Avec l’élection des maires puis des présidents d’assemblée délibérante dans les collectivités territoriales, le cumul des mandats est devenu un moyen d’assurer l’ancrage territorial des élus nationaux et des partis pour renforcer leur légitimité auprès des citoyens mais aussi face à l’exécutif ([21]).

Depuis 2014, en l’absence de rôle officiellement défini en circonscription, les parlementaires sont associés de manière variable par les élus et les préfets, en particulier lorsqu’ils n’ont pas d’expérience préalable en tant qu’élu local.

Alors qu’ils sont les mieux à même de faire le lien entre les besoins des citoyens, l’élaboration de la loi et sa mise en œuvre dans les territoires, ils ne disposent plus de la légitimité que leur conférait leur statut d’élu local, ni des prérogatives qui y étaient associées.

Les parlementaires se trouvent accusés – en circonscription comme à Paris – d’être déconnectés des réalités. Leur parole et leur engagement sont remis en question malgré l’énergie consacrée, et la confiance des Français, comme la participation électorale, continuent de se dégrader.

Après dix ans d’application, la réforme de 2014 n’a pas permis de renforcer la confiance des Français dans leurs élus. Selon le baromètre de la confiance politique publié en février 2023, la confiance des citoyens dans les députés a encore diminué de 5 points par rapport à 2014 (36 % de confiance en 2023 contre 41 % en 2014) ([22]). L’échelon local est celui pour lequel les citoyens expriment la plus grande confiance (57 % en ce qui concerne les maires selon la même étude) et il pourrait constituer un levier pour améliorer le lien entre les parlementaires et les citoyens.

Un certain nombre de parlementaires ont d’ailleurs décidé de privilégier leur mandat local. Sous la XVème législature, ce sont 35 députés qui ont démissionné pour l’une des causes d’incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 du code électoral ([23]) – soit 6 %. Il est regrettable que leur expérience ne puisse plus bénéficier au Parlement.

Ces obligations apparaissent donc globalement excessives, notamment en comparaison des contraintes qui s’imposent aux membres du Gouvernement puisque ces derniers peuvent conserver un mandat exécutif local.

 


  1.   le Dispositif proposé
    1.   Rendre compatible certaines fonctions exécutives locales avec le mandat parlementaire

Pour répondre aux limites du non-cumul, la présente proposition de loi organique propose une solution de compromis. Elle ne consiste pas à autoriser à nouveau le cumul avec les fonctions de maire ou de président d’assemblée délibérante ou d’exécutif local. Elle suggère de donner la possibilité aux parlementaires d’exercer certaines fonctions exécutives locales.

Une proposition de loi organique en ce sens avait été adoptée par le Sénat en 2021, à l’initiative de M. Hervé Marseille, pour réduire le non-cumul aux fonctions de maire d’une commune de plus de 10 000 habitants ou de président de l’organe délibérant ou d’un exécutif local ([24]).

La proposition de loi organique transmise par le Sénat avait été rejetée par l’Assemblée nationale, principalement en raison du rétablissement de la possibilité de cumul avec les fonctions de maire dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Contrairement à celle du Sénat, la présente proposition de loi organique écarte la possibilité d’être maire dans toutes les communes. Votre rapporteur rappelle en effet que dans les communes moins peuplées, les maires sont parfois encore plus exposés que dans les villes car ils ne disposent que d’un soutien administratif limité et d’un faible nombre d’adjoints.

La présente proposition de loi organique propose en revanche de rétablir la possibilité de cumuler le mandat parlementaire avec les fonctions d’adjoint au maire, de vice-président d’un organe délibérant ou de membre d’un exécutif ou gouvernement local (voir tableau ci-après).

Ces derniers exercent certaines fonctions du maire ou du président de l’organe délibérant, sur délégation, par arrêté et sous sa surveillance et sa responsabilité (voir encadré). Il existe également depuis 2002 des adjoints chargés de quartier désignés pour connaître « de toute question intéressant à titre principal le ou les quartiers dont il a la charge » ([25]) .


Extraits du code général des collectivités territoriales (CGCT)

Article L. 2122-18

Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation, à des membres du conseil municipal. […]

Article L. 3221-3

Le président du conseil départemental est seul chargé de l’administration. Il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l’exercice d’une partie de ses fonctions aux vice-présidents. Il peut également déléguer une partie de ses fonctions, dans les mêmes conditions, à des membres du conseil départemental en l’absence ou en cas d’empêchement des vice-présidents ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation. Ces délégations subsistent tant qu’elles ne sont pas rapportées. […]

Article L. 4231-3

Le président du conseil régional est seul chargé de l’administration. Il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l’exercice d’une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l’absence ou en cas d’empêchement de ces derniers, ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation, à d’autres membres du conseil régional. Ces délégations subsistent tant qu’elles ne sont pas rapportées. […]

Les règles applicables en matière de cumul de rémunération et de démission en cas d’incompatibilité resteraient les mêmes ([26]). Les collectivités disposent par ailleurs de la possibilité de prendre une délibération visant à restreindre l’indemnité du parlementaire exerçant un mandat d’adjoint au maire ou de vice-président ([27]).

Il n’est pas prévu d’entrée en vigueur différée du dispositif. Dans ces conditions, les membres du Parlement qui exercent des mandats locaux non-exécutifs pourraient être immédiatement désignés aux fonctions rendues compatibles par la présente loi.

 


évolution proposée des incompatibilités entre mandat parlementaire et fonction exécutive locale par la proposition de loi organique

Collectivité

Fonction

État du droit

Selon la PPLO

Commune

Maire

Incompatible

Incompatible

Maire d’arrondissement

Incompatible

Incompatible

Maire délégué

Incompatible

Incompatible

Adjoint au maire

Incompatible

Compatible

EPCI

Président

Incompatible

Incompatible

Vice-président

Incompatible

Compatible

Conseil départemental

Président

Incompatible

Incompatible

Vice-président

Incompatible

Compatible

Conseil régional

Président

Incompatible

Incompatible

Vice-président

Incompatible

Compatible

Syndicat mixte

Président

Incompatible

Incompatible

Vice-président

Incompatible

Compatible

Corse

Président du conseil exécutif

Incompatible

Incompatible

Membre du conseil exécutif

Incompatible

Compatible

Président de l’assemblée

Incompatible

Incompatible

Vice-président de l’Assemblée

Incompatible

Compatible

Guyane

Président de l’assemblée

Incompatible

Incompatible

Vice-président de l’assemblée ([28])

Incompatible

Compatible

Martinique

Président du conseil exécutif

Incompatible

Incompatible

Membre du conseil exécutif

Incompatible

Compatible

Président de l’assemblée

Incompatible

Incompatible

Vice-président de l’assemblée

Incompatible

Compatible

Nouvelle-Calédonie

Président du gouvernement

Incompatible

Incompatible

Vice-président du gouvernement

Incompatible

Compatible

Membre du gouvernement

Incompatible

Compatible

Président du congrès

Incompatible

Incompatible

Vice-président du congrès

Incompatible

Compatible

Président d’une assemblée de province

Incompatible

Incompatible

Vice-président d’une assemblée de province

Incompatible

Compatible

Polynésie française

Président

Incompatible

Incompatible

Vice-président

Incompatible

Compatible

Membre du gouvernement

Incompatible

Compatible

Président de l’assemblée

Incompatible

Incompatible

Vice-président de l’assemblée

Incompatible

Compatible

Îles Wallis et Futuna

 

Président de l’assemblée territoriale

Incompatible

Incompatible

Vice-président de l’assemblée territoriale

Incompatible

Compatible

Saint-Barthélemy
Saint-Martin
Saint-Pierre-et-Miquelon

Président du conseil territorial

Incompatible

Incompatible

Vice-président du conseil territorial

Incompatible

Compatible

Membre du conseil exécutif

Incompatible

Compatible

Toute autre collectivité territoriale créée par la loi

Président

Incompatible

Incompatible

Vice-président

Incompatible

Compatible

Assemblée des Français de l’étranger

Président

Incompatible

Incompatible

Membre

Incompatible

Compatible

Conseil consulaire

Vice-président de conseil consulaire

Incompatible

Compatible

  1.   Une manière de renforcer le lien entre le parlementaire et les citoyens dans sa circonscription

Le rétablissement de la possibilité de cumul avec certaines fonctions exécutives locales répond à plusieurs besoins.

L’objectif principal de cette proposition de loi organique est de renforcer l’ancrage territorial des parlementaires et de redonner du sens à leur présence en circonscription. Leur proximité avec les citoyens en sortira consolidée car ils pourront mieux percevoir les difficultés des territoires et les attentes des usagers, notamment celles en lien avec la mise en œuvre de dispositions législatives. Ils seront mieux associés aux décisions locales, notamment avec les préfets et les autres élus de la circonscription.

En tant qu’élus locaux, les parlementaires seront également de meilleurs législateurs. Leur expérience pourra enrichir la conception des politiques publiques, qui exigent souvent une bonne compréhension du fonctionnement et des contraintes des collectivités territoriales. Ils seront également directement confrontés à la mise en œuvre des lois en disposant de fonctions opérationnelles. Cette reconnexion renforcera leur légitimité auprès des citoyens, mais aussi vis-à-vis des autres élus et du Gouvernement

Enfin, dans un contexte où il est de plus en plus difficile de trouver des candidats aux élections locales et des personnes acceptant de consacrer sans compter leur temps au service des citoyens, cette proposition de loi organique permettrait de rendre l’engagement des élus plus attractif.

En leur donnant la possibilité d’accéder à des fonctions nationales en conservant leur mandat local, elle peut permettre d’attirer vers le Parlement des élus jeunes et talentueux et d’inciter les partis à faire confiance à ces élus de terrain. Elle donne une perspective à ceux qui s’engagent sur le terrain avant de prétendre à des fonctions nationales.

En maintenant le cumul avec un seul mandat et l’impossibilité de prétendre aux fonctions de maire ou de président, en raison du niveau de responsabilité et d’engagement qu’elles exigent, la rédaction proposée limite le risque d’un délaissement du mandat parlementaire tout en renforçant la confiance des citoyens dans leurs élus.

  1.   La position de la Commission

La Commission des Lois n’avait pas apporté de modifications à cet article unique, avant de le rejeter.

La proposition de loi a suscité des réactions contrastées des membres de la Commission. Si certains étaient fondamentalement opposés à tout infléchissement des règles de cumul, d’autres, au contraire, regrettaient que le texte n’aille pas suffisamment loin et réclamaient qu’une réforme d’ampleur soit menée, incluant une réflexion sur le statut de l’élu, l’organisation du travail parlementaire et même le mode de scrutin.

Tous ces sujets ne pouvaient pas être abordés dans le cadre, nécessairement restreint, de l’examen d’une initiative inscrite à l’ordre du jour d’une journée réservée.

Votre rapporteur regrette qu’il n’ait pas été admis que la présente initiative se bornait à un aménagement de la loi de 2014, et que l’occasion n’ait pas été saisie d’offrir une liberté supplémentaire qui aurait permis que les exécutifs locaux soient représentés à l’Assemblée nationale, comme le sont d’autres professions.

 

*

*     *

 


—  1  —

 

   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 6 mars 2024 matin, la Commission examine la proposition de loi visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires (n° 2076 rect.) (M. Henri Alfandari, rapporteur).

M. Henri Alfandari, rapporteur. Le 22 janvier 2024, avec mes collègues du groupe Horizons, nous avons déposé une proposition de loi organique visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires. Ce texte est le fruit de nombreux échanges. Je veux remercier ici toutes les personnes auditionnées : élus, universitaires, mais aussi notre ancien collègue Christophe Borgel, rapporteur de la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, ou encore le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, qui avait fait adopter au Sénat un texte allant dans le même sens en 2021.

Certains regretteront que cette proposition de loi organique ne s’attache qu’à une petite partie du déséquilibre de l’exercice démocratique dans le cadre de nos institutions. Mais ce sujet est trop vaste pour être traité dans son ensemble à l’occasion d’une niche parlementaire. Néanmoins, le débat ouvert par cette proposition doit nous permettre de nous exprimer sur des sujets connexes tels que le statut de l’élu, les libertés locales, le cumul horizontal, le nombre de conseillers municipaux, et tant d’autres liés au cumul, ou plutôt à l’exercice simultané.

La loi du 14 février 2014 a limité drastiquement les possibilités de cumul de mandats pour les parlementaires. L’objectif était louable puisqu’il s’agissait de répondre aux critiques faites aux parlementaires, accusés d’accumuler les mandats sans pouvoir s’y consacrer pleinement. Selon le rapporteur Borgel, l’idée défendue à l’époque était que les missions du Parlement étaient suffisamment éminentes et accaparantes pour que les membres du Parlement s’y consacrent pleinement. Certains disent que cela a participé au renouvellement et à la féminisation de la vie politique : c’est peut-être vrai mais aucune analyse statistique ne l’étaye ; de plus, ce n’était pas le but principal.

Un constat s’impose dès à présent : la loi de 2014 n’a pas restauré le lien de confiance entre les citoyens et les parlementaires. Les Français ne cessent d’exprimer leur sentiment d’éloignement avec les parlementaires, accusés d’être déconnectés et hors-sol. Selon le baromètre de la confiance politique publié en février 2023 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), la confiance des citoyens dans les députés a diminué de cinq points par rapport à 2014 – elle est près de deux fois inférieure à celle des maires !

Si la loi de 2014 a manqué son effet, c’est peut-être en raison de son caractère excessif. En voulant aller trop vite et trop fort, on a interdit drastiquement, sans aucune distinction, le cumul d’un mandat de parlementaire avec toute fonction exécutive locale. Dans le même temps, le cumul des fonctions locales – maire, président d’EPCI (établissement public de coopération intercommunale), d’office HLM, de syndicat mixte – est resté presque illimité.

En luttant légitimement contre des situations de cumul parfois exagérées, nous avons abouti à l’excès inverse, en coupant en quelque sorte les racines locales des parlementaires, au risque de renforcer le stéréotype du député hors-sol – stéréotype ô combien injuste car je connais l’engagement de chacun d’entre vous dans vos territoires ! Mais en l’absence de rôle déterminé dans leur circonscription, les parlementaires peinent parfois à s’impliquer dans la vie locale et à être identifiés, en particulier lorsqu’ils n’ont pas eu d’expérience d’élu local au préalable.

Parce qu’ils apparaissent plus accessibles, plus proches de leurs électeurs, les élus locaux demeurent à ce jour de solides repères pour nos concitoyens. Ils sont parfois perçus comme le dernier maillon qui les rattache à une République qui leur paraît désincarnée – « à portée de baffes », dirait Gérard Larcher. Pourquoi ne pas nous remettre nous aussi à cette portée ? En créant une séparation étanche entre le mandat de parlementaire et les fonctions exécutives locales, nous nous sommes privés d’un levier puissant pour réduire la fracture profonde qui semble se creuser entre le corps électoral et le Parlement.

S’il a beaucoup été critiqué ces dernières décennies, le cumul entre un mandat local et un mandat national n’a jamais été une anomalie ; il s’agissait même d’une constante dans la tradition politique française depuis la Monarchie de Juillet et durant toute l’histoire de la République. Le cumul a toujours été un moyen de contrebalancer le jacobinisme français en conférant aux élus nationaux une assise territoriale solide.

C’est également un moyen de renforcer la légitimité et l’indépendance du parlementaire face à l’exécutif. Cet héritage historique est une spécificité de la culture politique française qui doit être retissée.

L’objet de la présente proposition de loi organique n’est pas de reproduire certaines erreurs passées. Comme les rédacteurs de la loi de 2014 l’avaient justement compris, à vouloir être partout en même temps, on finit par n’être nulle part. Il ne s’agit donc pas de revenir sur l’interdiction de cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat de maire ou un mandat de président de l’exécutif d’une collectivité locale.

En revanche, la présente proposition de loi organique permet de cumuler un mandat national de parlementaire avec une fonction exécutive locale d’adjoint au maire ou de vice-président d’un organe délibérant. L’idée n’est pas de prétendre qu’il serait indispensable d’avoir un parcours d’élu local avant de devenir parlementaire. Il est vrai que la loi de 2014 a participé à faire émerger de nouveaux profils en politique, qui ont considérablement enrichi les hémicycles par leurs expériences variées au sein de la société civile. Elle a aussi joué un rôle dans la féminisation sans précédent de la classe politique en 2017. Cependant, de nombreux collègues ont à l’inverse renoncé à leur mandat parlementaire car cela les forçait à rompre brutalement le lien qui les unissait aux citoyens de leur territoire. C’est une perte pour notre assemblée.

La présente proposition de loi organique a pour objet de mettre fin à une séparation trop rigide entre les élus locaux et les élus nationaux. Il s’agit de permettre à tous les députés qui le souhaitent de s’engager localement et de nouer un lien nouveau à l’échelon territorial afin de rétablir ce maillon manquant et essentiel entre les acteurs locaux et le Parlement.

La rédaction proposée permettrait à des députés n’ayant jamais eu l’occasion d’exercer des fonctions exécutives locales de voir au plus près du terrain la mise en œuvre de leurs choix de législateur. Le cumul peut enrichir le travail du parlementaire en lui donnant une connaissance plus fine des enjeux de la décentralisation. Combien d’entre nous savent ce que recouvrent concrètement les acronymes Sraddet – schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires –, PLU – plan local d’urbanisme –, Scot – schéma de cohérence territoriale –, DOO – document d’orientation et d’objectifs –, PCAET – plan climat-air-énergie territorial ? Pour cela, le fait d’être membre d’un conseil municipal ou départemental n’est pas toujours suffisant. Ce n’est que lorsque le parlementaire est confronté aux limites de la loi dans son application concrète auprès de ses administrés qu’il peut pleinement se rendre compte des difficultés de sa mise en œuvre.

À ceux qui seraient tentés de répondre que cette proposition de loi organique ne sert pas l’intérêt général, qu’elle n’est qu’un subterfuge destiné à permettre un enrichissement personnel de quelques parlementaires, j’aimerais rappeler que, depuis 1992, un parlementaire cumulant plusieurs mandats ne peut percevoir une rémunération totale que dans la limite d’une fois et demie le montant de son indemnité parlementaire, soit 8 524 euros. L’élu qui cumule coûtera donc moins cher à l’État que deux élus rémunérés chacun par la totalité de l’indemnité. Ce faux problème a été résolu depuis bien longtemps et ne doit pas nous détourner du débat de fond car il n’y a aucun enrichissement. Les indemnités sont plafonnées pour tous les élus de France, qu’ils soient parlementaires ou élus locaux.

Si le renouvellement de la classe politique en 2017 était opportun, il n’en est pas moins essentiel que les élus de la nation demeurent des personnalités incarnées et identifiées. Au fond, ce texte est porté par la conviction que l’expérience de terrain des élus, cette volonté de se retrousser les manches et de mettre les mains dans le cambouis avec humilité et détermination, correspond exactement aux attentes de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, je vous demande non pas d’abroger la loi de 2014 mais simplement de l’améliorer et de la rénover afin de trouver un plus juste équilibre entre la lutte contre les excès des cumuls de mandats et la possibilité d’un meilleur ancrage territorial de chacun de nous.

M. le président Sacha Houlié. Avant d’en venir aux interventions des orateurs des groupes, par exception et pour des raisons d’agenda, je donne la parole à Mme Ménard au titre des non-inscrits.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Je vous remercie, monsieur le président, pour cette dérogation exceptionnelle.

Peut-on être en même temps parlementaire et élu local ? Telle est la question soulevée par le présent texte, qui revient en douceur sur l’interdiction du cumul des mandats votée sous François Hollande. Cette question était déjà sur le devant de la scène en 2019, alors que les gilets jaunes se plaignaient d’être représentés par des politiques déconnectés des réalités des Français.

La déconnexion avait d’ailleurs été marquée dès le début du premier mandat d’Emmanuel Macron, avec notamment la suppression de la réserve parlementaire par la loi pour la confiance dans la vie politique de 2017. Cette suppression est d’autant plus regrettable que la réserve parlementaire, parfaitement encadrée, avait pour but d’aider au financement d’associations ou de petites communes. Accusée de favoriser le clientélisme, elle a été tout bonnement supprimée, au lieu d’être réformée, ce qui aurait permis aux parlementaires d’assumer pleinement leur rôle d’élu de proximité en soutenant concrètement le développement de leurs circonscriptions.

En assouplissant l’interdiction du cumul des mandats, la proposition de loi que nous examinons a le mérite de renouer avec l’idée d’un ancrage territorial. L’article unique de ce texte suggère ainsi de prévoir à nouveau la possibilité de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, à l’exception des fonctions de maire et de président de conseils départementaux et régionaux.

Parce que toutes les mesures permettant de renouer avec nos territoires sont des bonnes nouvelles, je soutiendrai cette proposition de loi en souhaitant qu’elle ne soit que le prélude à d’autres dispositions qui nous permettent d’être plus proches de nos concitoyens.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Je suis stupéfait par cette proposition de loi organique : s’il existe bien une déconnexion entre nos concitoyens et leurs représentants, le texte va dans le sens inverse de celui que nous devrions suivre.

Vous l’avez dit, le cumul des mandats est une constante en France depuis la monarchie de Juillet : à l’époque, l’élu devait représenter son territoire face à un État central tout-puissant. Le système, le monde, ont changé. Les expériences de la démocratie dans d’autres pays le montrent aussi, le rôle de l’élu n’est plus le même. Le temps s’est accéléré. Le mandat de parlementaire en prenant beaucoup, on ne peut pas mener à bien cette mission en exerçant en plus une activité professionnelle ou un autre mandat au niveau local.

Je peux entendre les arguments de l’indépendance du législateur par rapport à l’exécutif. Il est nécessaire que cet impératif s’impose : dans une démocratie moderne, le législateur doit être indépendant, mais il existe d’autres mécanismes pour atteindre ce but. Il faut par exemple déconnecter les élections législatives de l’élection présidentielle ou que le chef de l’État ne soit pas celui de la majorité.

Si l’on veut que le Parlement contrôle réellement l’action du Gouvernement, on doit par ailleurs lui donner les moyens financiers, d’enquête et de contrôle pour exercer sa mission. Historiquement, dans toutes les démocraties modernes, le Parlement a pour première mission de voter le budget. Or, en France, l’article 49.3 de la Constitution le prive de sa principale prérogative. Cette prérogative, il faut la donner aux parlementaires, comme l’attendent les Français.

Pour ce qui est de la déconnexion avec le territoire, la cohérence et la clarté sont nécessaires. Tous les élus ne peuvent pas être des élus locaux : le mandat parlementaire est national. Le parlementaire doit bien sûr être connecté avec la réalité, mais ce n’est pas en cumulant trois, quatre ou cinq mandats qu’il sera en contact avec ses concitoyens car ce cumul représente du temps en moins pour des rencontres sur le terrain.

Quant à la féminisation, on a avancé depuis 2014, même si ce n’est pas assez. Il faudrait que le mode de scrutin des élections législatives contraigne à la parité. Compte tenu de l’évolution de la société, le mécanisme de cumul que prévoit le texte irait à l’encontre de la féminisation de la représentation nationale. En conséquence, nous voterons contre.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). La loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, votée lors du quinquennat de François Hollande, posait une bonne question, mais la réponse qui lui avait été donnée ne paraît pas satisfaisante dans le contexte actuel. Certes, cette loi a contribué à renouveler et à féminiser la classe politique, mais elle n’a pas permis de rapprocher nos concitoyens de leurs élus, ni de modifier le fonctionnement global.

La vraie question est de savoir si les parlementaires ont le pouvoir d’agir comme il se doit. En France, sous la Ve République, l’exécutif a les pleins pouvoirs, notamment sur l’ordre du jour ou sur le choix de l’assemblée devant laquelle déposer un texte. Tous ces subterfuges privent le parlementaire d’exercer ses missions. La fausse bonne réponse qu’était la loi organique de 2014 n’a donc pas été assez loin dans la mesure où il aurait fallu réformer la Ve République et identifier les rôles et les pouvoirs de chacun. On aurait dû élargir les pouvoirs des députés, mais cela n’a pas été fait.

En tant que jeune élu, il me semble que le parlementaire se trouve entre deux eaux : ne sachant pas comment se positionner, il cherche des points d’ancrage. La suppression de la réserve parlementaire lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron a, de plus, éradiqué son rôle direct dans le territoire. Hormis le Président de la République, le député est le seul à être élu au suffrage direct universel, sur son nom propre – les autres élus le sont au scrutin de liste. On doit donc poursuivre la réflexion sur le rôle que l’on veut donner au parlementaire dans la Constitution et la façon de réformer nos institutions. Si l’on souhaite des parlementaires réellement indépendants, il faut leur donner les pouvoirs nécessaires. En attendant, un problème se pose : la loi inhibe le député dans son territoire. La proposition de loi organique tend à le résoudre mais n’y parvient pas dans son intégralité. C’est pourquoi le groupe GDR ne donnera pas de consigne de vote en commission et attendra l’examen en séance pour se prononcer.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Par son titre, la proposition de loi organique visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires nous paraît une excellente idée, et nous appelle à une action en ce sens. Notre approbation n’ira cependant pas plus loin que le titre car l’article unique réintroduit le cumul des mandats avec une fonction exécutive, ce qui constitue une régression. L’objectif est noble ; le moyen nous paraît insuffisant. Nous pouvons toutefois nous rejoindre sur des dispositions qui servent cet objectif unanimement partagé.

Le constitutionnaliste Guy Carcassonne l’a dit avec éloquence, « Le cumul des mandats est une plaie. » Cela tient à une évidence, connue depuis Goldoni : Arlequin ne peut pas servir deux maîtres, ou il les sert mal. Les intérêts peuvent s’affronter – notre société, fort heureusement, est désormais soucieuse des conflits d’intérêts. Avec le cumul, la lisibilité de l’action de chacun se trouve amoindrie voire impossible.

Nous avons déposé un amendement de suppression, ce que nous faisons rarement lors des niches. Le fait que le texte serait examiné intégralement en séance, même si cet amendement était adopté, a levé nos réserves.

Contrairement à ce que vous avez dit, la loi organique de 2014 a constitué une réelle avancée. Son dispositif, difficile à mettre en place, a été instauré dans le souci de la proximité et avec la volonté de mettre un terme à une forme de féodalité locale, celle du député-maire ou du sénateur-maire, qui faisait oublier le rôle du Parlement.

Je vous rejoins en revanche sur le fait que nous nous sommes arrêtés au milieu du chemin. Après le non-cumul des mandats, il fallait poursuivre en investissant davantage le rôle local du député, qui est un impensé juridique de notre Constitution. Celle-ci mentionne le rôle de représentants des collectivités territoriales des sénateurs, mais rien n’y est dit pour les députés. Sans aller jusqu’à une proposition de loi constitutionnelle, nous pourrions, peut-être, trouver des dispositifs permettant de clarifier ce rôle local du député, qui doit s’assurer de la façon dont les textes qu’il vote se concrétisent. C’est cela, la proximité, et nos concitoyens nous demandent d’éviter les textes déconnectés.

Aucun d’entre nous n’est pourtant déconnecté, car chacun, dans sa permanence, est en relation constante avec des citoyens, des associations, des maires, des collectivités territoriales, et nourrit sa réflexion de ce contact avec le terrain. Ce service pendulaire est si précieux qu’il semble difficile d’amarrer un député à un seul mandat local : il doit être au service de toute sa circonscription et de la nation.

Des perspectives existent, et je regrette que votre article unique se limite au cumul : vous auriez pu proposer des actions permettant au député d’asseoir son rôle local et d’être reconnu comme un interlocuteur qui, par son travail législatif, œuvre à la cohésion du territoire en s’assurant de la concrétisation, de la bonne application et de l’utilité des lois qu’il a votées. Mon groupe vous propose de travailler en ce sens.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Ce texte nous donne la possibilité de dresser un bilan de la limitation du cumul des mandats, instaurée il y a dix ans, et d’examiner si les objectifs poursuivis ont été atteints. Ces derniers visaient à renouveler, à féminiser, à rajeunir la classe politique, à l’ouvrir à la société civile ainsi qu’à limiter la concentration des pouvoirs dans les mêmes mains, au sein de baronnies locales.

On peut en effet s’interroger, comme le rapporteur l’a fait, sur un manque d’ancrage territorial.

D’abord, nous avons la possibilité de cumuler : la présidente de l’Assemblée nationale a indiqué ce matin à la presse que 50 % des députés étaient des élus locaux.

Quant à la déconnexion des élus, je la réfute fortement : nous sommes présents dans nos circonscriptions et sur le terrain.

Nous avons en outre voté plusieurs dispositions visant à renforcer cet ancrage, telles la présence des parlementaires dans les conseils de surveillance des hôpitaux ou dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). L’ancrage territorial est donc au cœur de nos activités, tant la présence dans les territoires comme dans l’hémicycle est importante. Plusieurs travaux ont été menés, qui ont permis de dégager des pistes d’amélioration. Le résultat est sans appel : le cumul des mandats ne permet pas aux élus d’exercer au mieux chacun de leurs mandats.

Le texte pose aussi la question de l’organisation des travaux de l’Assemblée : il faut nous laisser du temps pour être présents dans nos circonscriptions.

Il soulève également le problème de la relation des parlementaires avec l’État déconcentré car il n’est pas rare que des réunions importantes avec des élus locaux se tiennent les jours où siège l’Assemblée nationale, ou que les parlementaires ne soient pas invités aux réunions organisées par les préfets.

Nous sommes réalistes : la confiance des citoyens dans leurs élus est fragile, parfois abîmée ou rompue. Mais le contact existe, nous en sommes la preuve. Le débat auquel nous invite le rapporteur est légitime et important, mais il existe plusieurs façons d’être élu et ancré dans le territoire. Le cumul n’est pas la réponse à la crise de l’engagement politique que nous vivons. Au contraire, il y a urgence à agir sur le statut, la protection des élus ou la motivation de l’engagement pour renouveler notre classe politique et créer un « choc d’attractivité » comme le demandent nos collègues Violette Spillebout et Sébastien Jumel. Il faut susciter de nouvelles vocations chez les jeunes, notamment les femmes.

M. Fabien Di Filippo (LR). Les évolutions démocratiques des dernières années, voire des précédents quinquennats – la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) ou la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam), qui a forcé des parlementaires à choisir entre leurs mandats – n’ont pas renforcé la participation démocratique ni la confiance des citoyens dans leurs élus. Il faut en tirer les conséquences.

Il n’est pas normal que seuls les maires soient privés de siéger au Parlement et d’y représenter leurs concitoyens. J’ai bien entendu les caricatures de la gauche sur les prétendues baronnies qui pourraient se constituer au niveau local du fait du cumul. Songez toutefois que des parlementaires peuvent être conseillers régionaux dans des territoires très étendus et très peuplés. Ce sont des activités prenantes qu’ils parviennent très bien à concilier avec leur mandat de parlementaire. Ils n’ont toutefois pas le droit d’être maire ou adjoint au maire de leur commune de résidence.

Certains parlementaires continuent de travailler comme médecin, avocat ou professeur : leur activité professionnelle ne les empêche pas d’exercer leur mandat. On la considère même sous certains aspects comme une plus-value.

Au niveau local, les cumuls de mandats se font presque sans limite. La question n’est pas financière, puisque les indemnités sont plafonnées.

Le cumul entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif local aurait plusieurs avantages. D’abord, celui d’ancrer l’élu dans les problématiques quotidiennes d’un territoire qui peuvent nourrir la réflexion parlementaire sous divers aspects. Il a aussi l’avantage de la proximité avec les concitoyens et de la quête de leur confiance. Enfin, il permet d’apporter au Parlement une forme d’expertise bienvenue.

Cette proposition de loi organique, qui prévoit l’accès à certaines fonctions de vice-président ou d’adjoint au maire, ne va pas au bout de la réflexion : il faudrait qu’un maire puisse siéger à l’Assemblée. Je laisse chacun libre de décider si les résultats législatifs et l’évolution du pays étaient moins bons lorsque c’était le cas.

Enfin, pour ce qui est du rythme du Parlement, on nous reproche non pas de ne pas siéger assez et de ne pas légiférer, mais de trop légiférer. Ce texte serait donc l’occasion de réfléchir à la manière dont nos travaux s’organisent durant la session parlementaire. Pour ma part, je ne vois que des avantages à ce que les maires, les adjoints au maire, les vice-présidents ou présidents de conseil départemental ne soient plus privés de représenter leurs concitoyens au Parlement.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Ce texte prétend renforcer l’ancrage territorial des parlementaires. Que celui-ci soit nécessaire mérite en soi un débat car, même si nous sommes élus dans des circonscriptions, nous représentons la nation tout entière. Les élus locaux sont suffisamment nombreux sans qu’on ait à en ajouter, d’autant que les députés n’ont aucun pouvoir sur les circonscriptions.

Même en acceptant ce postulat, le rétablissement du cumul des mandats est contre-productif : des élus surchargés de responsabilités et de travail devront renoncer à une partie de leurs fonctions. Nous sommes déjà continuellement amenés à choisir entre siéger en séance ou en commission, nous investir dans une mission d’information, une commission d’enquête, un groupe d’étude, un groupe d’amitié ou nous rendre dans nos circonscriptions.

Le cumul des mandats produit, de plus, une confusion démocratique. Je consacre 80 % de mes permanences parlementaires aux questions de logement, bien que le député n’ait aucun pouvoir ou aucune fonction directe dans ce domaine. Finalement, personne ne sait à quoi sert un député. Les chiffres de la participation aux élections législatives sont éloquents : ils baissent de législature en législature. Le peuple a bien compris que seule comptait l’élection présidentielle. Il n’est pas dupe de la sempiternelle rengaine consistant à donner une majorité au Président de la République.

Pourtant, la fin du cumul des mandats n’a pas apporté le renouveau démocratique auquel il prétendait. Changer une partie de notre Constitution a des effets pervers dans le cœur de la monarchie présidentielle. Aucun ajustement à la marge ne permettra d’en faire une démocratie digne de ce nom. La fin des députés cumulards a amené l’ère des députés Playmobil, élus selon la volonté du monarque républicain : ce fut la majorité godillot. Et même quand la majorité présidentielle est minoritaire, les textes fondamentaux sont adoptés sans aucun vote. Aucun budget n’a été voté ; pas plus que ne l’a été la réforme des retraites.

La fin du cumul des mandats n’a pas renforcé le Parlement, bien au contraire. En permettant l’élection de députés asservis au monarque et sans les moyens de leurs collectivités, il l’a transformé en sorte de théâtre de marionnettes, sans intérêt ni importance. Chacun le sait, rien ne se décide au Parlement. Le vote sur la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) lundi est une exception qui confirme la règle. Le monarque est tout-puissant, il n’a aucun contre-pouvoir. Tout le reste n’est que de l’agitation sans conséquence. Nous avons besoin de temps pour bien légiférer, au lieu du calendrier à marche forcée qu’on nous impose habituellement. Il est impossible de travailler les dossiers sérieusement dans ces conditions. Nous avons aussi besoin de moyens humains : avec nos équipes, qui comptent en général trois personnes, nous faisons pâle figure par rapport à de nombreux autres parlements, qui ne comprennent pas comment nous pouvons travailler ainsi. Comment développer un ancrage territorial quand certaines circonscriptions sont grandes comme un département ? Et vous vouliez réduire le nombre de députés, donc agrandir encore la taille des circonscriptions !

Nous avons besoin de moyens politiques, d’un Parlement qui exerce un véritable pouvoir, non d’un Parlement automate qui ne sert qu’à approuver les bons désirs du monarque. Aucun ajustement à la marge ne permettra de sortir de la monarchie présidentielle. Il faut refonder nos institutions de la cave au grenier. C’est pourquoi nous souhaitons une VIe République démocratique, écologique et sociale, qui soit décidée par le peuple et pour le peuple. Nous voulons la convocation d’une assemblée nationale constituante, qui proposerait une nouvelle Constitution, soumise à l’approbation du peuple, par référendum.

Par ce texte, vous voulez renforcer l’ancrage territorial. Vous ne feriez qu’ajouter confusion et éloignement démocratique. Nous voterons contre.

M. le président Sacha Houlié. Sans dire que tout est parfait, il est dommage de dévaloriser à ce point le rôle des parlementaires.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je vous remercie de commenter mon intervention et non celle des autres députés…

M. le président Sacha Houlié (RE). Je commente les interventions à ma guise, monsieur Lachaud, comme je le fais habituellement. Vous devriez venir plus souvent en commission des lois pour vous en rendre compte.

M. Bruno Bilde (RN). Les lois de 1985, 2000 et 2014 ont quasiment réduit à néant les possibilités de cumuler un mandat national et local. Elles avaient pour objectif de donner plus d’efficacité au mandat parlementaire, en réduisant l’absentéisme, et d’améliorer la transparence de la vie politique. À l’époque, il nous avait été assuré que le cumul des mandats était responsable d’une grave crise de confiance entre les parlementaires et les citoyens. Dix ans plus tard, l’augmentation constante de l’abstention démontre que rien n’a été résolu, alors que les parlementaires hors-sol se sont multipliés. Pire, le député n’existe presque plus sur le terrain ; peu à peu, l’administration remplace les élus.

L’objectif de cette proposition de loi organique est de maintenir vivant le lien entre les Français et leurs élus, en prévoyant à nouveau la possibilité de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, à l’exception des fonctions de maire et de président de conseil départemental et régional. Lutter contre la déconnexion des parlementaires doit tous nous préoccuper. Le sentiment d’abandon des territoires est particulièrement fort et légitime. La démocratie ne va pas mieux depuis la loi organique interdisant le cumul des mandats. Au contraire, celle-ci a participé à éloigner les élus des citoyens. Les grandes régions et les grands cantons ont accéléré le processus d’éloignement : plus on accroît la distance entre les élus et les citoyens, plus la confiance s’érode. On a opposé le local et le national en coupant les parlementaires de leur ancrage local. Lorsqu’on a été élu local, on a une vision moins désincarnée. Le critère essentiel doit rester l’efficacité de l’action publique. Depuis la loi Notre, le cumul des mandats n’est plus vertical : il est horizontal, et concerne des désignations internes aux conseils municipaux et départementaux ainsi qu’aux exécutifs intercommunaux.

Certaines personnalités cumulent un nombre important de fonctions et de mandats locaux, devenant de véritables barons. On peut ainsi être maire de Nice, cinquième ville de France, président de la métropole Nice Côte d’Azur, l’une des plus importantes de France et président délégué du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans ma circonscription, le maire de Liévin est également vice-président de la communauté d’agglomération de Lens/Liévin et vice-président du conseil départemental du Pas-de-Calais, mais il n’est pas possible d’être député et adjoint au maire : quelle hypocrisie !

Tout en ne revenant pas sur l’interdiction pour un parlementaire de cumuler son mandat avec une fonction exécutive locale, la proposition de loi organique rend possible le cumul avec le mandat d’adjoint au maire. Un élu local comprend les réalités de terrain ; les électeurs doivent avoir la liberté de choisir en qui ils placent leur confiance. L’implantation locale et l’ancrage sur le terrain sont essentiels au bon fonctionnement démocratique afin de maintenir un lien fort dans le territoire.

Ce texte manque toutefois d’ambition : il ne contient rien sur la proportionnelle, pourtant promise à chaque élection présidentielle. Or il est évident que l’abstention et la défiance diminueront lorsque les Français auront le sentiment non seulement de connaître leurs élus mais, surtout, d’être représentés. Bien que cette proposition de loi organique n’entende pas non plus s’attaquer au cumul horizontal des mandats, donc au phénomène des barons locaux, elle va cependant dans le bon sens, en valorisant l’expérience locale des parlementaires au bénéfice de nos concitoyens.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Je vous remercie de me permettre de m’exprimer devant une commission où j’ai siégé pendant près de vingt ans. Maire d’une petite commune rurale pendant dix-huit ans, président de la communauté de communes, conseiller général, député, réélu cinq fois, j’ai exercé ces quatre mandats sans grande difficulté.

J’ai également eu la chance de coprésider avec Michel Vergnier, député socialiste de la Creuse, la commission des affaires rurales de l’Assemblée des départements de France. Notre expérience de la gestion communale et intercommunale ainsi que des difficultés rencontrées par les maires nous permettait d’émettre des propositions légistiques de bon niveau. En effet, on ne parle bien que de ce que l’on a fait : on ne peut pas savoir ce qu’est une station d’épuration, un revêtement bicouche ou un dossier de maison de retraite quand on n’y a pas été confronté. Je regrette donc que le cumul ait été supprimé.

Le texte rouvre un débat intéressant mais il aurait fallu aller jusqu’à autoriser le cumul du mandat de parlementaire avec des mandats exécutifs. J’espère que les amendements permettront de revenir sur le non-cumul.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Nous nous interrogeons souvent, notamment en commission des lois, sur les solutions à apporter à la crise démocratique, afin de revitaliser le système politique, devenu fragile, qui éloigne de plus en plus les citoyens des urnes. Tel était le sens de la loi organique de 2014, qui a mis fin au cumul des mandats. Dix ans après son vote, elle a toutefois du plomb dans l’aile. La seule question qui vaille aujourd’hui est celle du rôle que nous voulons donner au Parlement. Nous pouvons au moins nous accorder pour refuser qu’il soit une institution qui décline.

La réforme entrée en vigueur il y a sept ans n’a pas amélioré le fonctionnement de nos institutions. D’abord, la distance des citoyens envers les parlementaires – pour ne pas dire leur méfiance voire leur défiance – n’a pas disparu. Elle s’est même aggravée : les Français portent un regard peu amène sur nous et nos amis du Sénat. Le pourcentage d’opinions favorables aux parlementaires est de 30 %, soit deux fois moins que les maires.

Cela ne signifie pas, comme on l’entend parfois, que tous les parlementaires sont des élus hors-sol, déconnectés. Cette critique est permanente, avec ou sans cumul. Mais les élus locaux ne se confient pas toujours à leurs parlementaires, qu’ils perçoivent comme éloignés de leur territoire, selon le fantasme du législateur parisien. Parfois même, ils leur manifestent une hostilité de principe pour des raisons partisanes ou d’étiquette. Tout cela n’est pas de nature à favoriser l’implantation locale. Pour compenser cet état de fait, vous déposez souvent des amendements en vue de raccrocher les parlementaires au wagon local, par exemple en proposant qu’ils soient intégrés dans tel ou tel comité, conseil de surveillance ou organisation départementale. Cela n’est pas suffisant, car cela ne remplace pas les échanges directs que nous pouvons avoir avec les services de l’État ou avec les services publics locaux, ni le pouvoir décisionnaire de la fonction exécutive.

L’argument du manque de temps de travail ne tient pas : un mandat local et un mandat national se confondent pour partie. Ce qui remonte des administrés sert à mieux faire la loi, à appeler l’attention du Gouvernement et à construire des réponses plus adaptées. Ce n’est pas une question de temps, puisque l’on peut être député et avocat, enseignant ou chef d’entreprise. Si nous manquions de temps il faudrait interdire toute activité professionnelle aux parlementaires, ce que personne ne proposera car un métier est une manière d’être connecté aux réalités locales.

Si l’on voulait aller au bout du raisonnement, il faudrait un mandat unique : on interdirait aux maires d’être vice-président de conseil départemental ou régional. Là encore, personne ne le propose car ce cumul est une plus-value dans l’exercice de l’action publique.

De la même manière, nous considérons qu’exercer un mandat exécutif en étant parlementaire est une manière de garder les pieds sur terre. Nous sommes favorables à la liberté de choix de chacun. Nous constatons avec regret que cet antiparlementarisme ambiant a incité nombre de nos collègues à démissionner et à choisir entre le mandat national et le mandat local : nous perdons là en expérience utile.

La réorganisation d’une forme de cumul n’est pas dans l’air du temps. Nous l’assumons, pourtant. D’abord, parce que les Français y sont de moins en moins réfractaires. Ensuite car notre responsabilité est d’appeler l’attention sur tout ce qui peut améliorer la qualité de la loi, l’influence du Parlement et le poids de la représentation nationale face à l’exécutif. C’est ce que nous proposons ici, persuadés qu’il y a une place pour tout le monde, pour les élus comme pour la société civile. Tout le monde a voix au chapitre : c’est dans l’intérêt général.

M. Ludovic Mendes (RE). Nous étudions aujourd’hui un possible retour du cumul des mandats pour les parlementaires. Cette proposition résulte d’un constat que nous faisons tous et qui doit nous alarmer : notre système de représentation, notre démocratie sont remis en cause. Les crises successives que nous traversons effritent de plus en plus la confiance des citoyens envers leurs élus, provoquant une remise en question de leur légitimité, entraînant abstention et recul du sentiment d’appartenance à la nation.

Les analyses divergent quant aux solutions : ces nombreuses opinions caractérisent la diversité française, une pensée politique multiple et complexe où presque aucun consensus n’émerge. Certains, rompant avec le principe d’un mandat électif, diront qu’il faut donner plus de pouvoir au peuple, par la démocratie participative et les consultations citoyennes multiples, avec la possibilité de révoquer les élus. D’autres, plus modérés, croient en une crise générationnelle : elle passera avec le temps et les citoyens se remettront à participer aux moments de vie républicains. D’autres, enfin, pensent que le pouvoir est trop dispersé, pas assez concentré, et qu’il est nécessaire d’en donner plus à moins de personnes afin que son utilisation soit plus efficace. La présente proposition de loi organique s’articule sur ce point : permettre aux parlementaires d’accroître leur ancrage territorial afin de cumuler leurs fonctions nationales avec celles d’adjoint au maire ou de vice-président de conseil départemental ou régional.

Pour diverses raisons, nous pensons que d’autres solutions peuvent également être envisagées afin d’accroître l’ancrage territorial des parlementaires. L’opinion publique a été claire et précise sur les raisons qui ont amené à mettre fin à ce type de cumul. Au-delà, admettre comme seule solution suffisante le cumul des mandats pour se reconnecter à une réalité, c’est admettre qu’une partie substantielle d’entre nous en est coupée, ce que je ne crois pas – pour preuve, un député sur deux est un élu local.

Cette proposition de loi répond à un problème précis, qui s’impose à nous, élus : le renforcement de la proximité de l’élu et du citoyen. C’est une question complexe qui, en conséquence, demande une réflexion globale. À ce titre, une réforme ambitieuse du statut de l’élu, exprimée avant-hier par la ministre Dominique Faure, est souhaitable. C’est dans l’ADN de la majorité que de réformer pour s’adapter aux besoins du pays, car ce n’est pas en agglomérant de petites mesures que nous parviendrons à soigner un système malade. Nous croyons donc à une réforme complète du statut de l’élu, car ce n’est que dans la clarté que la confiance peut se créer et la défiance être combattue. Nous croyons aussi à une France où les femmes seront de plus en plus nombreuses à la tête d’exécutifs locaux, car elles ne le sont pas assez souvent aujourd’hui.

Chers collègues, il ne faut pas se tromper : c’est la démocratie représentative qui est concernée. Cette représentativité, qui n’a peut-être pas assez évolué avec son temps, nécessite des ajustements, par exemple une réforme de l’organisation parlementaire. Montesquieu écrivait dans De l’Esprit des lois que « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le groupe Renaissance s’abstiendra donc sur cette proposition de loi.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Paul Molac (LIOT). Si la Constitution n’est pas claire sur notre ancrage local, il n’en est pas moins vrai que nous sommes élus d’une circonscription. Celle dont je suis élu, j’y suis né, j’y suis allé à l’école avec les gens qui votent et j’imagine mal pouvoir voter des mesures auxquelles je saurais qu’ils sont massivement opposés. Je suis, tout simplement, leur représentant. Notre attention à leurs problèmes, à leurs réalités, me semble absolument nécessaire et c’est, en tout cas, ce qu’ils attendent de nous.

Par ailleurs, le non-cumul n’a pas réconcilié les Français avec la fonction de parlementaire : ils nous accusent même d’être hors-sol et de ne pas connaître la réalité. À ceux ici qui parlent de « barons » à propos des élus locaux, je rappelle toutefois qu’au Moyen Âge, le baron faisait la loi, qu’il levait l’impôt, qu’il avait son armée et sa diplomatie, et qu’il rendait la justice. Nous en sommes très loin aujourd’hui, même dans le cas d’un président de région.

En tant qu’élu local – je suis conseiller régional –, j’ai le privilège d’avoir fait passer et de faire appliquer en Bretagne une loi relative aux langues régionales. Le rectorat n’était, initialement, pas tout à fait d’accord pour appliquer ce qu’avait voté notre Parlement, mais un peu de discussion nous a permis d’aboutir.

Je n’ai jamais rencontré le Citoyen avec un grand « C », je ne sais pas qui il est et je crains que ce soit une simple idée. En revanche, je vois tous les jours le citoyen avec un petit « c », qui vient me dire ce dont il a besoin. Je me méfie des grandes idées qui ne sont finalement pas appliquées – je vous rappelle que la Révolution française a eu pour aboutissement une dictature et 1815. On peut avoir de grandes idées mais, au bout du compte, comme on dit chez nous, c’est à la fin du bal qu’on paie les sonneurs.

M. Erwan Balanant (Dem). J’ai été élu local, maire-adjoint, pendant un peu plus de cinq ans, et j’ai acquis dans ces fonctions beaucoup d’expérience et de connaissance du monde politique. Cependant, si 80 % d’entre nous ont été élus locaux, sommes-nous pour autant pleinement représentatifs des 60 millions de Français ?

L’ancrage dans nos territoires est largement représenté dans cet hémicycle. De fait, alors qu’il fallait jadis presque impérativement être maire pour devenir député, la fin du cumul nous a apporté de la diversité politique et sociale, de la diversité de compétences et, accessoirement, de la diversité de genre. Remettre en cause cet acquis serait dramatique. On peut en effet être connecté à un territoire sans avoir jamais été élu, parce qu’on a été président d’une association ou aide-soignante, ou tout simplement parce qu’on y vit, qu’on le connaît et qu’on possède certaines compétences.

Enfin, monsieur Morel-À-L’Huissier, je sais ce que sont un bicouche et une station d’épuration, mais je connais aussi le monde professionnel, ce qui est important pour légiférer dans cette assemblée.

M. Philippe Gosselin (LR). On aurait tort de réduire la défiance envers les élus à la question du cumul des mandats. Cependant, le postulat de 2014, qui consistait à interdire ce cumul pour tenter, paradoxalement, de rapprocher les élus de leurs concitoyens en les éloignant, ne s’est pas vérifié : le Parlement ne légifère pas mieux depuis 2014. Il ne faut pas confondre l’inflation législative que nous connaissons avec la qualité législative. Nous ne nous organisons d’ailleurs pas mieux, puisque les ordres du jour sont, pour une grande partie, fixés par le Gouvernement, et nous voyons bien ce qu’il advient des textes que nous attendons comme Godot – lequel, à la fin de la pièce, ne vient pas. Or nous n’avons pas d’autres possibilités de nous organiser.

Le non-cumul est donc une façon de couper réellement certains députés de leur territoire. Je crains d’ailleurs que, demain, si un scrutin de liste à la proportionnelle s’appliquait dans un cadre départemental, les élus soient encore plus coupés de leur territoire car, si nous votons la loi, contrôlons l’action du Gouvernement et évaluons les politiques publiques, nous représentons aussi les citoyens et un territoire, ce qui suppose un ancrage dans celui-ci, et qui n’est pas incompatible avec le rôle de députés de la nation – sans quoi il suffirait d’une seule circonscription nationale, avec une liste d’apparatchiks coupés de la nation. On voit ce que cela donne avec les élections européennes.

La solution à la difficulté de relation entre les citoyens et leurs élus ne réside pas seulement dans le non-cumul des mandats, car cette défiance est un mal plus profond, mais le retour à une forme d’équilibre en la matière irait dans le bon sens. Tous ceux ici qui ont été maires – pour ma part, je l’ai été pendant vingt-deux ans – ou qui ont exercé des mandats exécutifs savent combien cela peut être utile pour le bon accomplissement de leur mandat de député. C’est une manière de mutualiser et de servir l’intérêt général.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La tentation de cumuler votre mandat de parlementaire avec un autre mandat est une sorte d’acte suicidaire pour votre pouvoir législatif. Pour cette XVIe législature, le 22 juin 2022, les électeurs ont voulu que le Président de la République soit minoritaire dans notre assemblée. Par conséquent, si vous abdiquez, ne serait-ce qu’un pouce de ce pouvoir législatif, c’est une aubaine pour le Président de la République et pour l’exécutif. Aujourd’hui, ce que vous demandent les électeurs, c’est de renforcer votre pouvoir législatif et de tenir tête au monarque présidentiel, sans partir vaquer à d’autres occupations, ce qui ne ferait que dégoûter un plus grand nombre de nos compatriotes de notre assemblée.

À l’aube de la Ve République, lorsque le général de Gaulle a permis aux sénateurs – et a même encouragé – le cumul entre leur mandat et celui de maire, par exemple, c’était précisément pour ne pas avoir les parlementaires dans les pattes, parce que l’idée de la Ve République était de rationaliser, c’est-à-dire d’affaiblir le Parlement. L’argument de l’ancrage local que défend Horizons ne tient pas. Notre pays compte 35 000 communes et les 1 000 parlementaires que nous sommes ne peuvent pas couvrir tout le pays. Comme vous l’avez dit, 50 % des parlementaires sont déjà conseillers municipaux : n’est-ce pas un ancrage local ? Quant aux associations, elles connaissent très bien les territoires. Vous avez donc un point de vue de premier plan sur la réalité économique, sociale, politique et culturelle de vos circonscriptions. Votre travail est d’en parler lorsque vous examinez la loi, au lieu de partir vaquer à des occupations de concentration notabiliaire de pouvoir à l’échelle locale, au demeurant machiste et patriarcal – je rappelle en effet que le non-cumul a fait bondir de dix points la participation des femmes dans notre assemblée, ce que chacun ici devrait saluer.

M. Henri Alfandari, rapporteur. De grandes ambitions s’expriment à propos de ce texte, qui n’est pourtant qu’un texte de niche et ne pourra opérer que des corrections à la marge. De fait, je ne propose pas ici de supprimer la loi de 2014, mais d’y apporter une correction. Nous n’allons pas bousculer l’ensemble du système en une journée comme celle-ci. Cette question touche toutefois à notre organisation générale et à de nombreux sujets connexes et je vais m’efforcer d’apporter le plus grand nombre possible de réponses à vos observations.

Madame Ménard, on m’a déjà demandé, durant les auditions auxquelles nous avons procédé, si cette proposition de loi était le prélude à d’autres mesures, en ajoutant que le dispositif proposé était insuffisant et qu’il faudrait aller plus loin, ou qu’il était acceptable à condition qu’il ne s’agisse que d’un premier pas. En réalité, nous ne faisons que corriger un déséquilibre, mais les autres questions restent à traiter. Viendra un moment, en effet, où nous devrons réformer certains éléments de notre millefeuille institutionnel en nous interrogeant, à chaque échelle, sur le bon mode de scrutin, sur les libertés locales et sur le statut de l’élu.

Nous proposons donc aujourd’hui une correction et vous pourrez aussi marquer cette réflexion de votre empreinte en proposant des idées pour des réformes à venir. Nous verrons si nous pouvons, durant cette législature ou une autre, nous doter de la capacité de réformer le règlement de l’Assemblée nationale, la Constitution, le code des collectivités territoriales et tous les dispositifs y afférents.

Monsieur Iordanoff, vous pensez que cette proposition de loi va dans le sens inverse de ce que nous devrions faire, mais le processus prend énormément de temps. Vous avez, du reste, été nombreux à dire que vous passiez beaucoup de temps dans vos circonscriptions : qu’est-ce qui vous empêche de le passer à l’exercice d’un mandat exécutif local ? Dans le cadre d’un mandat local, a fortiori quand il s’agit d’un mandat exécutif, on rencontre les gens, à propos par exemple de leur engagement associatif ou au sein des commissions des EPCI qui constituent l’écosystème de vos communes et dont le tissu est bien plus large.

Le contrôle du Gouvernement est évidemment l’un de nos objectifs essentiels, dont nous pourrions nous accorder à dire qu’il est souvent mal rempli. Or on ne travaille pas seul, et un élu qui cumulerait un mandat exécutif local pourrait s’appuyer sur des collaborateurs et sur des administrations qui lui fourniraient les informations lui permettant de mieux remplir son rôle de législateur.

Quant au groupe GDR, sa position est tout à fait conforme à son ancrage territorial. La réforme de 2014 pouvait en effet être une fausse bonne idée et sans doute faudrait-il réformer certains éléments de nos institutions. Nous pouvons aussi convenir que ce dispositif s’est traduit par une sorte d’inhibition du rôle du député sur le territoire.

Madame Untermaier, je comprends parfaitement que le groupe Socialistes et apparenté ne puisse pas se déjuger à propos de la loi de 2014. Par ailleurs, je souscris à plusieurs de vos observations. Il faut évidemment travailler sur les moyens dont nous disposons pour exercer notre rôle de parlementaires et améliorer la lisibilité de notre rôle dans le territoire. La possibilité d’un cumul le permettra partiellement, mais ne résoudra évidemment pas l’ensemble du problème.

Par ailleurs, la loi de 2014 n’est pas allée assez loin dans sa propre logique, qui aurait voulu que vous renforciez profondément l’enveloppe qui nous permet de payer nos collaborateurs. Il y a là un grand malentendu, sur lequel nous pourrions nous accorder. En effet, nous faisons comme si nous n’étions pas dans la Ve République, mais nous y sommes pourtant, et elle a précisément été conçue pour un ancrage territorial des parlementaires, le scrutin majoritaire visant à permettre l’identification des candidats aux élections. De ce fait, nous considérons que le cumul partiel fait partie des réponses que nous pouvons apporter avant de nous attaquer à des questions plus importantes.

Madame Jacquier-Laforge, M. Borgel nous a confirmé durant son audition que le renouvellement, la féminisation et le rajeunissement ne sont absolument pas ce qui était recherché par les auteurs de la loi de 2014, dont l’objectif principal était que tous les mandats soient exercés à plein temps et sans partage. Il se peut qu’il y ait eu des effets induits, mais nous ne disposons d’aucun outil statistique pour le confirmer. Personne ici ne peut dire si la féminisation et le rajeunissement sont liés à la loi de 2014 ou à l’élection présidentielle de 2017. Du reste, si la loi de 2014 avait véritablement induit une féminisation, on pourrait légitimement s’attendre à retrouver dans les collectivités locales, et en particulier dans les mairies, la même augmentation qu’au sein du Parlement, alors que ce n’est absolument pas le cas – on observe presque, à l’inverse, une baisse du nombre de femmes maires en 2020.

Monsieur Di Filippo, les stéréotypes et les « baronnies » que vous avez évoqués à juste titre sont, comme cela a été dit implicitement par M. Mendes et plusieurs autres orateurs, liés aussi à notre conception du pouvoir. Les baronnies sont la vision noire de l’ancrage territorial, mais son autre face est celle d’un relais du pouvoir central dans le territoire. Depuis longtemps, l’État français avait créé ce tissu qui lui donnait des leviers d’action sur le territoire, et sans doute avons-nous abîmé quelque chose à cet égard.

Je ne crois pas que, compte tenu de notre agenda législatif et de nos règles d’organisation, et à plus forte raison pour un député appartenant à une majorité relative, qui a de ce fait une obligation de présence plus importante, un parlementaire puisse exercer une fonction à la tête d’un exécutif local, qui supposerait qu’il soit quotidiennement avec ses administrés et puisse leur répondre à chaque instant, comme du reste ceux-ci l’exigent. Il peut, en revanche, accompagner la tête de l’exécutif dans ses responsabilités et l’aider de son expérience. Le mouvement va en effet dans les deux sens : l’expérience locale remonte au national, mais on peut également faire profiter le local de son expérience au niveau national.

Quant à l’inflation législative, l’expérience du passage à la session unique, en 1995, et de la loi de 2014 montre que plus nous augmentons notre temps de présence ici, plus l’inflation législative s’accroît.

Monsieur Lachaud, nous sommes certes des élus de la nation, mais notre présence sur les territoires nous permet d’aller du particulier à l’universel. Je sais que vous voyez les choses autrement mais, d’un fait unique, nous faisons quelque chose qui a une portée générale, et c’est là l’intérêt de la respiration qui s’instaure entre le national et le local.

Je ne reviendrai pas sur le mode de scrutin de la Ve République. Quant à la VIe, de laquelle parlons-nous ?

Monsieur Bilde, l’absentéisme a souvent été critiqué, mais nous avons auditionné, par exemple, un élu très « cumulard » au sens ancien, à savoir député, maire et président d’EPCI, qui avait par ailleurs été classé premier pour son assiduité à l’Assemblée nationale, sans faire pour autant défaut dans ses autres mandats.

Nous perdons de vue l’efficacité de l’action publique, qu’il conviendra d’avoir à nouveau à l’esprit le jour où nous nous attaquerons aux autres questions que pose le millefeuille des libertés locales, pour éviter d’être tentés de toucher au mandat des autres sans toucher au nôtre.

Monsieur Morel-À-L’Huissier, vous avez très justement exprimé l’idée que nous pouvions réussir un « exercice simultané », mot moins péjoratif que celui de cumul.

Madame Moutchou, la question de savoir quel rôle nous voulons donner au Parlement sous-tend nos réflexions. Vous avez rappelé que certains élus locaux ont une véritable appréhension face aux parlementaires et qu’ils ne souhaitent pas forcément travailler avec eux. Or cette collaboration est plus facile lorsque nous sommes issus de ces fonctions. Quant aux services préfectoraux, qui souhaitent tantôt nous inviter et tantôt ne pas le faire, nous nous employons à promouvoir le couple préfet-maire et le fait de connaître les prérogatives du maire et de la fonction exécutive permet une meilleure écoute du préfet et de l’ensemble des services déconcentrés de l’État. Ceux d’entre nous qui ont eu affaire à la direction départementale des territoires (DDT), à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et à d’autres services savent ce que cela signifie.

Un autre problème de fond est que l’on veut que n’importe qui puisse postuler à un mandat électif, mais que notre société se technicise énormément et qu’une vraie tension se manifeste entre la professionnalisation et la non-professionnalisation, la technicité et la non-technicité. On en revient donc à la question du statut de l’élu, jusqu’au parlementaire, et des moyens de l’accompagner dans cet univers. La liberté de choix me paraît, à cet égard, importante.

Monsieur Mendes, je souscris au constat que vous avez dressé. Vous avez dit implicitement qu’il s’agissait là d’une certaine conception du pouvoir. D’autres options peuvent être envisagées, et doivent même l’être. Je le répète, cet ancrage territorial n’est qu’un élément de correction. Je suis certain que beaucoup de gens seraient ravis que vous siégiez avec eux pour les accompagner dans l’accomplissement d’un mandat exécutif, mais ce sera certainement insuffisant face aux ambitions que nous devons avoir.

Monsieur Molac, il m’a été rapporté qu’en Bretagne, le non-cumul était déjà un phénomène assez largement culturel.

Monsieur Balanant, de nombreux parlementaires ont un mandat local, mais il existe une très grande confusion entre le rôle d’un membre d’assemblée et un mandat exécutif. Vous en souffrez assez ici pour savoir que ce n’est pas la même chose que de siéger dans un conseil municipal et de se confronter à la réalité de l’application opérationnelle d’une décision et au regard d’un concitoyen qui ne comprend pas pourquoi vous lui demandez, en application du plan local d’urbanisme (PLU) et des prescriptions de l’architecte des bâtiments de France, de ne pas poser de fenêtres en plastique, alors que la personne qui habite en face de chez lui en a, parce qu’elle habite à l’extérieur du cercle de protection. C’est le genre de situations que ne vivent pas tous les conseillers municipaux, mais seulement les adjoints ou les maires.

Par ailleurs, le quotidien évolue et nous ne travaillons pas à paramètres constants. L’expérience que nous avons eue voilà vingt ans ne nous dit rien de ce qui se passe sur le terrain aujourd’hui, où nos maires et l’ensemble des personnes qui ont des responsabilités reçoivent une avalanche de normes et de dispositions à appliquer au quotidien. Il n’est donc pas mauvais d’avoir cet ancrage.

Madame Garrido, il est mathématiquement exact que les 577 députés ne pourront pas couvrir les 36 000 communes de notre pays, mais c’est oublier qu’une commune s’inscrit dans un écosystème fait d’EPCI, de cantons et d’associations de maires, et que nous rencontrons énormément de gens, avec qui nous partageons des expériences.

Article unique (art. L.O. 141-1 du code électoral) : Réduction du champ des fonctions exécutives locales incompatibles avec le mandat parlementaire

Amendements de suppression CL4 de Mme Cécile Untermaier, CL25 de M. Bastien Lachaud et CL48 de M. Jérémie Iordanoff

Mme Cécile Untermaier (SOC). J’ai exposé dans la discussion générale les raisons qui nous opposaient et je me contenterai de rappeler que je ne suis pas liée à un texte de 2014 et à un dispositif figé dans la glace. Je pense comme vous que nous devions réfléchir aux effets du non-cumul et conforter ce dispositif. Comme vous aussi, je pense, même si l’application de la réserve parlementaire était précédemment inappropriée, la suppression de ce mécanisme était une mauvaise décision et que, si nous avions mis en œuvre, en responsabilité, un dispositif collégial sur les territoires, nous n’aurions pas eu à le supprimer.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Décidément, collègues macronistes, vous avez le sens de l’à-propos pour agacer nos compatriotes ! Voilà quelques semaines, vous avez décidé d’augmenter de 300 euros l’avance de frais de mandat (AFM), et le Sénat de 500 euros. Or vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, qu’il n’y avait aucun enrichissement dans le cumul des mandats, parce que les montants cumulés étaient limités à 8 524 euros. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites à nos compatriotes qui gagnent le Smic ? Nous sommes dans le dixième décile, parmi les personnes qui ont les plus hauts revenus de la population française, et vous dites qu’il n’est pas très grave de cumuler encore des revenus. Vous êtes à côté de la plaque et il ne sert à rien d’agacer les gens plus qu’ils ne le sont déjà.

Deuxièmement, il n’est pas vrai que nous ayons le temps de faire plusieurs choses à la fois. Je ne sais pas ce que vous faites de votre mandat de député mais, pour ma part, je travaille toute la journée, le soir aussi, et je n’ai pas le temps d’ajouter à cela les tâches d’un élu local. Soit vous remplissez mal votre mandat de député et vous avez du temps libre, et tant mieux pour vous, soit vous le faites correctement. Vous servez l’intérêt du peuple en étant présent à l’Assemblée nationale et en circonscription puisque, jusqu’à présent, ce mandat national est rattaché à une circonscription, mais la question est posée. Supprimez cet article si vous voulez éviter d’agacer les Français.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Cette discussion ouvre de nombreux sujets très intéressants et j’ai trouvé assez piquante la citation de Montesquieu qu’a faite M. Mendes. Il convient de la lire et de la relire, car elle me semble particulièrement bienvenue dans cette Ve République.

Le titre même de la proposition de loi ouvre le débat sur la clarification du rôle du parlementaire. Comme l’a bien dit mon collègue Bastien Lachaud, le parlementaire est un représentant de la nation, et non pas un élu local. Le Sénat est une chambre des territoires et nous devons être conscients que nous faisons la loi pour l’ensemble de la France, de nos concitoyens et de la nation. Nous sommes également chargés du contrôle de l’action du Gouvernement et votons le budget : on ne peut pas faire tout cela et siéger dans les conseils municipaux des dizaines de communes de nos circonscriptions.

La question ouvre aussi le débat de la limitation du cumul horizontal des mandats locaux. Il existe en effet des baronnies locales et des élus locaux qui n’ont pas le temps de faire bien leur travail.

Cela ouvre également le débat sur le fait que, comme le dit M. Balanant, 50 % des parlementaires ont un mandat d’élu local, ce qui voudrait dire que, pour être parlementaire, il faut d’abord avoir eu une carrière d’élu local, et donc certaines baronnies. Nous n’en sommes plus à cette époque et la légitimité pour être représentant de la nation peut venir d’un travail ou d’un engagement associatif ou dans un parti politique. On peut faire autre chose de sa vie qu’être élu local avant d’être parlementaire.

Quant à la parité, le rapporteur a lui-même démontré que cette loi nous ferait revenir en arrière.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Avis défavorable à ces trois amendements identiques.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Il faut absolument supprimer ce texte, pour plusieurs raisons. D’abord, à la suite de ce qu’a dit M. Lachaud, le nombre de nos collaborateurs est inférieur à ce qu’il est pour les parlementaires européens, par exemple en Allemagne, où l’enveloppe prévue permet d’en avoir pratiquement le double, ou au niveau de l’Union européenne.

Pour ce qui est par ailleurs du travail dans nos permanences, nous faisons défaut à nos concitoyens dans nos circonscriptions, puisque nous n’avons pas assez de temps pour écouter tout le monde et recevoir tous ceux qui veulent nous rencontrer.

J’invite ceux qui nous regardent à consulter le site nosdeputes.fr : peut-être y trouveront-ils une corrélation chez ceux qui sont les moins présents à l’Assemblée et qui imaginent qu’ils peuvent se démultiplier pour exercer d’autres mandats locaux.

Je suis, par ailleurs, conseiller municipal d’opposition dans ma commune, et je peux vous dire que je déplore de ne pas pouvoir être plus souvent présent aux conseils municipaux, tant le travail de député est chronophage.

Plutôt que d’exercer un seul mandat correctement, votre proposition de loi propose d’en remplir deux mal. Il convient donc de se concentrer pour rendre l’argent du contribuable qui est mis à notre disposition et exploiter correctement le peu de temps qu’il nous reste.

J’ajoute que la commission des lois cumule pratiquement un tiers des propositions de loi examinées dans notre assemblée, et il est étonnant que viennent nous y rejoindre des gens qui imaginent qu’on a plus de temps lorsqu’on est commissaires aux lois pour remplir d’une manière satisfaisante un autre mandat.

Enfin, vous avez affirmé que la loi sur le non-cumul des mandats n’avait pas eu d’effet sur la présence des femmes en politique mais, en réalité, on observe une désaffection de nombreux élus, hommes femmes, pour les mandats locaux, également très chronophages.

M. le président Sacha Houlié. En réalité, ces dernières semaines ce sont plutôt les deux tiers des propositions de loi et des projets de loi examinés qui viennent de la commission des lois.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL55 de Mme Raquel Garrido, CL41 de Mme Naïma Moutchou, CL28, CL29 et CL30 de M. Karl Olive (discussion commune)

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Selon une étude du Cevipof publiée en février, 70 % des Français n’ont plus confiance en la politique. Inversement, une enquête qui avait été commandée à l’institut CSA par l’Assemblée nationale montre que 73 % d’entre eux estiment que le non-cumul des mandats est une bonne chose, parce que les députés peuvent ainsi se concentrer sur leur mandat national. Le message est clair.

Notre rôle doit être de renforcer la confiance du public dans les institutions – et notamment dans l’institution parlementaire – plutôt que de contribuer à une forme de dégoût des citoyens vis-à-vis de la chose politique.

Pour cela, je propose d’aller encore plus loin que la loi de 2014 en interdisant de cumuler un mandat de parlementaire avec celui de conseiller départemental ou de conseiller régional. Ces mandats requièrent qu’on leur consacre tout son temps, comme j’ai pu moi-même en faire l’expérience. Chacun doit être à sa tâche. On ne peut pas faire correctement son travail de parlementaire en étant occupé à d’autres choses – et certainement pas pendant la XVIe législature.

Le rapporteur a estimé que, pour être au fait des choses à l’échelon d’une mairie, il fallait être maire ou adjoint au maire et que la fonction de conseiller municipal n’y suffisait pas. Si l’on peut en dire autant pour les conseils départementaux ou régionaux, quel est l’intérêt d’autoriser le cumul des mandats de parlementaire et de conseiller de ces assemblées locales ?

Je propose de renforcer le non-cumul, afin de ne pas laisser aux individus ou aux partis politiques le soin de décider de cumuler des mandats et que la règle soit la même pour tous. Cela permettra de mettre en place un mécanisme conforme à la vertu républicaine.

Mme Naïma Moutchou (HOR). La réforme de 2017 a été assez radicale puisqu’elle a exclu tous les maires du Parlement. L’objectif initial, louable, était de renouer ainsi avec les Français. Sept ans après, force est de constater que le compte n’y est pas du tout. L’abstention atteint des records et la défiance s’est accrue envers des élus perçus comme déconnectés – parfois à juste titre.

Qu’est-ce que la représentation nationale ? Au fond, c’est le miroir du peuple et il n’y a pas de raison de mettre des limites au reflet qu’il renvoie. Pourquoi faudrait-il empêcher que les maires deviennent des parlementaires ? L’expérience a été tentée. Depuis plusieurs années, il n’y a plus de maires au Parlement, mais la situation ne s’est pas améliorée pour autant. Ayons le courage de revenir en arrière et de permettre aux maires de contribuer au débat national. Ils ont des choses à dire.

Je propose donc d’aller un peu plus loin que le rapporteur et de permettre aux maires de cumuler leur fonction avec celle de parlementaire. Vous avez dit « chacun à sa tâche », madame Garrido. Mais vous savez que des députés poursuivent leur activité professionnelle. Ils sont agriculteurs, avocats ou enseignants. Je trouve que cette expérience complémentaire est une richesse pour le Parlement. Cela permet de ne pas exclure la société civile et laisse chacun libre de choisir. Il n’y a pas de raison que les maires soient pénalisés.

M. Karl Olive (RE). Je félicite les collègues du groupe Horizons et apparentés pour cette proposition qui permet d’ouvrir le débat.

J’ai été maire pendant huit ans. On comptait 250 maires également députés en 2012 ; il n’y en a plus aucun. Il manque un souffle venu du terrain alors que nous faisons face à une fracture démocratique, que les maires sont plébiscités et que la légitimité des députés semble quelque peu insuffisante.

Comme l’a dit François Rebsamen, qui a été membre du Gouvernement lors de la présidence de M. Hollande et qui est désormais maire de Dijon : « Rares sont ceux qui ont mesuré les conséquences de ce non-cumul député-maire. Encore plus rares ceux qui ont osé la critiquer. Et pourtant les farouches partisans de la décentralisation auraient dû s’inquiéter de cette victoire des centralisateurs. Tournant le dos à toute l’histoire de son parti, d’un trait de plume, le président de la République socialiste et sa majorité avaient rayé le contre-pouvoir que représentaient les grands élus. »

Pour François Bayrou, « La mesure a rompu tout lien entre la démocratie locale et la démocratie nationale. L’expérience des élus locaux dans les grands débats nationaux serait précieuse ! »

Selon Emmanuel Macron, « quand ils étaient députés ou sénateurs, ils relayaient au niveau national les choses et réciproquement, il y avait un va-et-vient. » et « La situation n’est plus la même qu’en 2014 et ce ne serait pas absurde de revenir sur cette loi […] ».

Il est bien dommage que nous n’ayons pas discuté de cette question en amont. Certains d’entre vous – et pas des moindres – ont cosigné les deux propositions que j’ai déposées sur le même sujet. L’une d’entre elle a également été cosignée y compris au sein du groupe La France insoumise. Les maires sont les fantassins de la République et il faut en finir avec une vaste hypocrisie. Je vous demande de voter en votre âme et conscience. Cet amendement est dans l’intérêt du pays et non de celui des partis.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Compte tenu de la charge de travail liée à l’ordre du jour et de l’organisation des travaux de notre assemblée, je ne crois pas qu’il soit possible d’être député tout en dirigeant un exécutif municipal. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). Le rapporteur a cru pouvoir démontrer que, pour comprendre nos concitoyens, il fallait savoir comment élaborer un plan local d’urbanisme (PLU) et connaître des subtilités techniques en matière de construction d’équipements. Mais c’est absurde. Dans cette commission, nous légiférons sur le droit pénal. Faut-il pour autant que nous soyons tous magistrats ou avocats ? Et nos collègues de la commission des affaires culturelles doivent-ils être enseignants ou avoir évolué dans le monde de la culture ? Quant à la commission des affaires sociales, devrait-elle compter seulement des médecins et des directeurs d’agence régionale de santé (ARS) ?

Certains disent qu’il faut être élu local pour avoir un lien avec un territoire. Pour cela, nous avons surtout besoin de temps, afin de pouvoir rencontrer les différents acteurs politiques, économiques et sociaux de nos circonscriptions. Si nous cumulions notre mandat de député avec une fonction exécutive locale, ce temps nous manquerait. Il faut donc abandonner l’idée d’un retour du cumul des mandats.

En revanche, il peut en effet y avoir un problème de déconnexion de parlementaires avec les citoyens et les réalités locales. Mais ce phénomène est surtout lié au fait que certains sont davantage motivés par la quête de pouvoir que par la volonté de répondre aux préoccupations des Français. Selon moi, le mandat de parlementaire est le plus noble qui soit. Pour d’autres, c’est celui d’élu local ou de maire, ce qui est tout aussi estimable. Mais il faut choisir. Il n’est plus possible de concentrer le pouvoir, car nous avons besoin de partager l’énergie collective.

M. Ludovic Mendes (RE). Comme mon collègue Balanant, je pense que revenir en arrière serait une erreur fondamentale.

On dit que nous sommes hors sol. Mais en réalité c’est ainsi qu’ont toujours été qualifiés les parlementaires au cours de l’histoire de la République – et c’est d’ailleurs pour cela que la Ve République a été créée. Le Dictionnaire des godillots a été publié en 1967. Le parlementaire a toujours été montré du doigt, surtout s’il ne fait pas de populisme.

Quand le populisme s’installe, il n’y a plus de démocratie. Les démocraties occidentales sont malades, en France, en Europe et dans le monde occidental. On l’a vu aux États-Unis.

Le remède proposé par ce texte ne répondra en rien au besoin de confiance de nos concitoyens. Si nous adoptons cette proposition qui revient en arrière, ils diront que les parlementaires ne s’intéressent qu’à eux-mêmes, s’enrichissent indirectement et cherchent à avoir tous les pouvoirs. Nous serons contre ce texte.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Mme Moutchou, qui propose d’aller encore plus loin dans le cumul des mandats que le rapporteur, a estimé que l’interdiction du cumul n’avait pas amélioré les choses. Je ne suis pas d’accord. Depuis 2017 et, surtout, depuis 2022, l’Assemblée nationale représente plus fidèlement la population. On compte désormais 160 députés de gauche opposés à M. Macron.

Le non-cumul des mandats a-t-il quelque chose à voir avec cela ? Peut-être. En tout cas, je considère que l’Assemblée fonctionne mieux quand elle est davantage représentative.

Il a également été dit que les maires sont des citoyens comme les autres et qu’ils devraient pouvoir siéger à l’Assemblée. Or, depuis tout à l’heure, nous avons entendu nombre de collègues faire part de leur longue expérience de maire. On ne manque donc pas d’anciens maires au sein de l’Assemblée.

Par ailleurs, vous n’obtiendrez pas une meilleure représentativité en autorisant le cumul des mandats pour les maires des toutes petites communes, lesquels font un peu tous les métiers de la mairie. Si vous voulez être utiles aux élus locaux, il faudrait augmenter les moyens des toutes petites municipalités afin qu’elles puissent assurer leur mission de manière sérieuse.

Vous vous sentez peut-être déconnectés parce que vous ne voyez jamais personne. Dans ce cas, je vous invite à m’accompagner lors des porte-à-porte que j’effectue dans les quartiers populaires de ma circonscription pour inciter à s’inscrire sur les listes électorales. Je ne sais pas ce que vous faites de votre mandat, mais pour notre part nous essayons, par exemple, de convaincre les gens de voter pour nous.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Il faut être aveugle et sourd pour considérer que tout fonctionne bien dans nos institutions et qu’il n’y aurait même pas matière à débattre de ce sujet.

J’aimerais que l’on sorte des caricatures utilisées pour dénaturer mes propos. Je n’ai pas dit qu’il fallait être enseignant pour parler de l’école ou médecin pour parler de la santé. Mais ces expériences peuvent être légitimement invoquées lorsque l’on aborde ces sujets. On peut donc aussi être à la fois maire et parlementaire et parler des collectivités locales. Les maires ont vocation à aborder toutes les questions et il ne s’agit pas de les cantonner à un créneau particulier – ce que nous ne faisons d’ailleurs pas nous-mêmes en nous limitant à nos fonctions ou métiers antérieurs.

Les maires ont toute leur place au sein de l’Assemblée nationale, parmi d’autres. Je ne dis rien de plus.

La défiance envers les maires que je perçois dans les propos de certains collègues reflète une sorte de crainte d’affronter un maire lors d’une élection. Je le dis d’autant plus aisément que je ne suis pour ma part ni maire ni élue locale, monsieur Léaument.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL21 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

Amendement CL2 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement propose de revenir sur l’interdiction de cumul du mandat de parlementaire avec les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire. Il s’agit d’une mesure de simplification qui permet de revenir à l’état du droit antérieur à la loi Maptam.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Avis défavorable.

En revanche, je suis favorable à deux amendements ultérieurs, qui abordent la question des maires d’arrondissement.

M. Fabien Di Filippo (LR). Certains arrondissements de Paris ont pourtant une population plus importante que ma circonscription, qui compte 261 communes. Si l’on autorise un maire d’arrondissement à cumuler un mandat de parlementaire, on doit par cohérence également le permettre au maire d’une ville moyenne ou d’un village.

M. Henri Alfandari, rapporteur. J’y reviendrai tout à l’heure, mais permettre de cumuler au maire d’arrondissement est cohérent parce que ses compétences sont similaires à celles d’un adjoint au maire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL13, CL11, CL10 et CL12 de M. Alexandre Vincendet, amendements CL1 de M. Fabien Di Filippo, CL5 de M. Yannick Neuder, CL18 de M. Nicolas Forissier, CL9 de M. Pierre Cordier, CL6 de M. Yannick Neuder et CL22 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier (discussion commune)

M. Fabien Di Filippo (LR). Les amendements CL13, CL11, CL10 et CL12 prévoient d’autoriser le cumul de la fonction de parlementaire et de maire pour les communes, respectivement, de moins de 50 000, 45 000, 40 000 et 35 000 habitants.

Mon amendement CL1 propose quant à lui d’autoriser ce cumul avec les fonctions maire, de maire délégué ou d’adjoint au maire pour les communes n’excédant pas 20 000 habitants, seuil tout à fait raisonnable.

Mme Sylvie Bonnet (LR). Nos concitoyens attendent des politiques, en particulier des parlementaires, qu’ils soient proches de leurs attentes et apportent des réponses concrètes à leurs préoccupations. L’ancrage local permet d’apprécier l’impact d’une politique publique sur le terrain.

Depuis près de sept ans, nous constatons que la règle du non-cumul des mandats n’a pas d’incidence sur l’absentéisme des députés ou des sénateurs. L’assouplissement proposé par l’amendement CL9 est d’autant plus indispensable que l’on constate une sous-représentation des territoires ruraux. Il faut donc permettre aux députés et sénateurs d’être maires de petites communes rurales pour mieux connaître, donc mieux défendre, les collectivités locales face à la tentation centralisatrice de l’État.

Nous faisons confiance aux électeurs. Ils savent très bien si tel député ou sénateur exerçant aussi une fonction exécutive locale est ou non un parlementaire actif et, s’il ne l’est pas, ils ne lui renouvellent pas leur confiance aux scrutins suivants.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement CL6 vise à rétablir la possibilité d’être à la fois parlementaire et maire dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Il serait tout de même étonnant, si cette proposition de loi était adoptée, d’autoriser le cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat exécutif dans un conseil régional et de ne pas le faire pour les communes de moins de 10 000 habitants, alors que certaines régions ont la taille d’États européens. Pour ces communes, y compris celles membres d’un EPCI, le statut de parlementaire peut permettre d’exercer les fonctions de maire de manière plus efficace.

M. Paul Molac (LIOT). L’amendement CL22 permet d’autoriser le cumul dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Pourquoi ce seuil ? Lorsqu’une commune est plus importante, le maire est souvent président d’une intercommunalité ou de syndicats intercommunaux. C’est moins le cas dans les petites communes, où le cumul serait plus facile.

En outre, cela permettrait à davantage d’élus relayant les préoccupations des zones rurales de siéger au sein de cette assemblée, ce qui me paraît être une très bonne chose.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Même si cela semble contre-intuitif, il est plus facile de cumuler un mandat de parlementaire lorsque l’on est maire d’une collectivité importante, car on peut s’appuyer sur davantage de personnel administratif et d’élus adjoints que dans une petite commune. On ne peut pas aborder ce débat en faisant comme si le maire était seul. J’ai été maire d’une commune de 1 600 habitants et il aurait été en pratique impossible d’exercer correctement ce mandat en étant en même temps parlementaire.

Avis défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Tous ces amendements procèdent du syndicat des cumulards, qui ne désarment décidément pas. Je suis consternée par le fait qu’ils ne comprennent pas le danger pour notre institution de recourir à toutes les arguties pour justifier le cumul des mandats.

En réalité, ils ne rendent même pas service aux élus locaux, qui ne veulent pas forcément les voir arriver avec leurs grosses pattes de député pour influencer la vie locale. Il faut aussi respecter l’autonomie des collectivités locales et l’émergence d’équipes qui ont une certaine compétence, reconnue par leurs électeurs.

Certains disent que le cumul des mandats est nécessaire pour améliorer la représentativité de l’Assemblée, mais en fait ils remettent en cause le principe même de représentation lorsqu’ils estiment qu’il faut avoir une connaissance personnelle de certains domaines pour pouvoir légiférer à leur sujet. Les Français sont 67 millions à avoir de telles connaissances particulières, mais ils ne siègent pas tous ici. Nous sommes un peu moins de 1 000, au sein du Sénat et de l’Assemblée, à faire le travail que les Français nous ont confié. Tel est le principe de la démocratie représentative – lequel, à ma connaissance, ne vous posait pas de difficulté jusqu’à présent.

Nous devons sortir de la culture de la concentration du pouvoir qui vient du sommet de l’État, avec l’accumulation de nombreuses prérogatives dans les mains du Président de la République, et qui influence par imitation l’ensemble de la classe politique.

Il faut déconcentrer et développer la culture de la collégialité. Cela permettra en outre de lutter contre la culture patriarcale, car le fait que les députés ne soient pas en permanence en train de se mêler de la politique locale permet à davantage de femmes de faire de la politique.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Je suis d’accord avec le rapporteur : ce n’est vraiment pas la taille de la commune qui compte. On voit bien que dans les plus petites d’entre elles, le maire et ses adjoints font tout le travail, avec les secrétaires de mairie, qui sont très mobilisés – nous avons d’ailleurs adopté une proposition de loi qui prévoit de revaloriser leur statut. C’est une élue d’une commune rurale de 1 600 habitants qui vous fait part de son avis.

M. Alexandre Vincendet (LR). Je vous prie de bien vouloir excuser mon absence, monsieur le président, mais j’ai dû me rendre à une réunion que je n’aurais ratée pour rien au monde. Vous lirez la suite bientôt…

Contrairement à la doxa actuelle, je pense que le lien entre maire et parlementaire est important.

J’ai été maire pendant très longtemps. Comme le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’était pas possible de cumuler un mandat de député avec l’exercice simultané du mandat de conseiller de la métropole de Lyon et d’un mandat municipal, j’ai choisi de conserver mon mandat municipal – et mon Dieu que j’ai bien fait ! Quand vous avez été maire et reconnu comme tel par les gens, ils ne viennent pas vous voir en tant que député mais en tant qu’ancien maire, toujours sur le terrain, au courant de leurs problèmes et capable de les accompagner. Un collègue a indiqué précédemment que beaucoup de personnes venaient le voir pour essayer de résoudre des problèmes de logement. Si vous n’avez pas de mandat local, vous ne pouvez pas les aider. Vous devez vous contenter de pauvres interventions, qui en général finissent dans les limbes.

Un parlementaire doit certes légiférer et contrôler l’action du Gouvernement. Mais son travail est aussi de faire le lien avec la population, de recueillir les doléances et d’être la relation de ceux qui n’en ont pas. Notre rôle est aussi social. Il est essentiel de retisser le lien entre national et local.

Lorsque les parlementaires avaient plus de responsabilités locales, ils savaient aussi mieux légiférer parce qu’ils voyaient en pratique les effets de ce qu’ils votaient à Paris.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL47 de M. Thomas Rudigoz et CL54 de M. Lionel Royer-Perreaut

M. Thomas Rudigoz (RE). Le texte proposé par nos collègues du groupe Horizons et apparentés vise à permettre aux adjoints au maire et vice-présidents de collectivité locale de cumuler leur fonction avec celle de parlementaire, député ou sénateur.

Cet amendement de cohérence vise à permettre aux maires d’arrondissement des villes de Paris, Lyon et Marseille de bénéficier de la même faculté. Dans ces grandes villes, la charge de travail des adjoints au maire se révèle très souvent supérieure à celles d’un maire d’arrondissement – fonction que je connais bien pour l’avoir exercée pendant quelques années. L’amendement participe de la volonté de mieux représenter l’échelon local et de renforcer la coordination entre les différentes strates de responsabilités politiques.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Cet amendement, qui est dans l’esprit de la proposition de loi, vise à permettre le cumul d’un mandat parlementaire avec celui de maire d’arrondissement.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les maires d’arrondissement ne sont pas des maires de plein exercice. Ils ont certes le titre et l’écharpe de maire, mais ils n’ont pas du tout les mêmes compétences – ils ne sont par exemple pas officiers de police judiciaire. Leur pouvoir s’apparente peu ou prou à celui d’un adjoint au maire ou d’un vice-président de conseil d’une collectivité territoriale. Comme la proposition prévoit de permettre à ces derniers de cumuler un mandat de parlementaire, nous proposons d’élargir cette mesure aux maires d’arrondissement.

Certes, monsieur Di Filippo, un arrondissement peut être fort peuplé ; mais son maire est seulement compétent pour les équipements transférés et pour les parcs de moins de 1 hectare. Je pense sincèrement qu’il peut assurer cette fonction tout en étant député.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Les pouvoirs des adjoints aux maires étant comparables à ceux des maires d’arrondissement, par cohérence il convient de faire bénéficier ces derniers de la possibilité de cumul. Avis favorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il commence à y avoir des incohérences.

Tout d’abord, dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous qualifiez les maires d’arrondissement de maires « Canada dry », ce qui est assez humiliant monsieur Royer-Perreaut. On nous accuse de ne pas respecter les élus locaux, mais je ne me serais par permis d’utiliser une telle formule.

Ensuite, vous dites que comme ces élus ne font rien ils peuvent cumuler un autre mandat. C’est l’inverse de ce que l’on a entendu par ailleurs, puisqu’on nous a expliqué que les cumulards feraient de meilleurs parlementaires précisément parce qu’ils sont très actifs et qu’ils ont une bonne connaissance de leur territoire… Soyez cohérents !

Je vous soupçonne même de préparer le terrain pour vous faire élire dans des municipalités, car vous vous dites que vous allez subir un revers monumental lors des élections législatives de 2027. Vous serez d’abord adjoints au maire, ce qui vous permettra ensuite de devenir maires. Vous préparez vos parachutes électoraux de manière assez évidente. C’est bon signe : cela montre que vous anticipez une défaite.

Autre supposition : vous avez l’intention de modifier les règles électorales pour Paris, Lyon et Marseille grâce à un projet de loi. Les petits bidules que vous souhaitez ajouter dans cette proposition sont destinés à vous assurer d’un soutien lors de l’examen de ce projet, en servant les intérêts des uns et des autres.

Tout cela n’est pas à la hauteur et nous avons des sujets plus urgents à traiter que le rétablissement du cumul des mandats pour les adjoints au maire ou les maires d’arrondissement. C’est lamentable.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Monsieur Léaument, j’ai utilisé la formule un peu triviale de maire « Canada dry », mais je l’assume parfaitement car j’ai presque dix ans d’expérience comme maire d’arrondissement. Je répète que cette fonction permet d’avoir le titre et l’écharpe, mais pas l’ensemble des compétences d’un maire.

Je vous renvoie au texte de la loi portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, dite PLM, de 1983. Les maires d’arrondissement président le conseil des écoles et gèrent les équipements transférés ainsi que les parcs de moins de 1 hectare. Ils donnent leur avis préalablement aux décisions du conseil municipal.

Vous pouvez penser ce que vous voulez, mais en tant que législateur nous devons nous appuyer sur la réalité, c’est-à-dire la loi actuellement en vigueur. Confier des responsabilités supplémentaires aux maires d’arrondissement relève d’un autre débat. Leurs compétences actuelles, bien définies, sont équivalentes à celles d’un adjoint au maire. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement par souci de cohérence avec le texte que nous examinons.

Nous n’avons pas de leçons à recevoir sur un sujet que vous ne connaissez manifestement pas.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL46 de M. Thomas Rudigoz

M. Thomas Rudigoz (RE). La loi Maptam de 2014 a créé la métropole de Lyon, qui regroupe sur le territoire de l’ancienne agglomération de Lyon les compétences du département du Rhône et de ladite agglomération, afin de permettre l’émergence d’une structure permettant de véritables synergies entre les politiques publiques. À cette occasion, le rôle du conseiller métropolitain a pris une dimension différente puisqu’il a désormais des compétences similaires à celles d’un conseiller départemental – voire plus étendues.

Mais un oubli a eu lieu lors de l’adoption de la loi Maptam. Cet amendement vise à le réparer et à adapter cette loi à la suite de la décision rendue par le Conseil constitutionnel en décembre 2023. En effet, la spécificité du statut de la métropole de Lyon n’a pas été prise en compte par cette loi, ni par la loi organique 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

Cet amendement vise donc à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec plus d’un mandat local, dont celui de conseiller de la métropole de Lyon.

M. Henri Alfandari, rapporteur. L’amendement CL33 de M. Vincendet permettra de tenir compte de l’alerte du Conseil constitutionnel sur ce point. Par ailleurs, l’amendement CL51 de M. Nury tend à autoriser le cumul du mandat parlementaire avec deux mandats locaux, et non un seul, dans les communes de moins de 1 000 habitants. Pour ne pas compliquer davantage les choses, je vous propose de retirer le vôtre, quitte à le redéposer en vue de la séance, selon ce que nous aurons finalement voté. À défaut, défavorable.

M. Thomas Rudigoz (RE). Ces autres amendements ne correspondent pas à ce que je suggère. Il est vrai que mon amendement ne va pas dans le sens de votre texte – auquel je suis pourtant favorable – puisque j’y propose de supprimer une possibilité de cumul. C’est qu’il nous faut rester très fermes concernant la limitation du cumul à deux mandats. Au-delà de la jurisprudence, il serait bon d’inscrire cette limitation dans la loi. Le fait que le cas du conseiller métropolitain n’y soit pas prévu peut en effet, dans certaines situations, permettre de cumuler jusqu’à trois mandats.

M. Ian Boucard (LR). Je soutiens cet excellent amendement.

Les leçons de morale de La France insoumise sur les « parachutes dorés » ou le « syndicat des cumulards » sont malvenues de la part de gens qui, élus locaux quelque part, se font élire à l’autre bout du pays pour réussir à devenir parlementaires. Ils découvrent parfois leur circonscription après l’élection ! L’un, conseiller municipal d’opposition à Orléans, se fait élire dans les Hauts-de-Seine ; l’autre, élu à Châteauroux, se tourne vers le Nord-Pas-de-Calais faute de parvenir à devenir député dans sa circonscription d’origine… Bien sûr, nous sommes des élus nationaux. Mais si je suis élu à Belfort, c’est parce que j’y suis implanté et que j’y ai travaillé ; de même pour mes collègues. On peut être pour ou contre le cumul des mandats – je suis personnellement très réservé à ce sujet –, mais l’ancrage local est essentiel. Respectons-nous les uns les autres !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL3 de M. Fabien Di Filippo, amendements CL19 et CL20 de M. Nicolas Forissier (discussion commune)

M. Fabien Di Filippo (LR). À défaut de pouvoir être maire, il s’agirait de pouvoir être président ou vice-président d’un organisme local, notamment d’un EPCI.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). J’habite en Seine-Saint-Denis, j’y suis mère d’élèves et, comme députée, j’y ai réalisé un audit de la situation scolaire. Il a révélé des problèmes dramatiques : il manque au moins un adulte dans chacun des 100 établissements de ma circonscription.

Comme députés, nous pouvons déjà être très solidement ancrés dans notre territoire. C’est vrai que c’est bien de vivre dans sa circonscription et, quand on représente des catégories populaires, d’y soutenir l’école publique. C’est ce que je fais : mes enfants sont à l’école publique en Seine-Saint-Denis. Je suis fière de faire partie de ces élus qui disent la même chose à la télévision et dans leur quartier au quotidien.

Nous, parlementaires de Seine-Saint-Denis, faisons beaucoup pour être reconnus par la nouvelle ministre Belloubet, laquelle refuse de recevoir les syndicats et les parents d’élèves qui demandent un plan d’urgence pour le département.

Voilà, cher collègue Boucard, un exemple très concret d’ancrage local. Personne en Seine-Saint-Denis ne demande à pouvoir cumuler davantage. Au contraire, il est bon de pouvoir répartir les responsabilités entre des figures différentes aux différents échelons.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CL33 de M. Alexandre Vincendet

M. Alexandre Vincendet (LR). Afin d’éviter d’ouvrir la voie à des interprétations, il vise à inscrire explicitement dans la loi la mention de la métropole de Lyon, ce que n’avait pas fait la loi organique du 14 février 2014.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement de coordination CL53 de M. Henri Alfandari, rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL23 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

Amendement CL50 de Mme Naïma Moutchou

M. Henri Alfandari, rapporteur. Avis favorable. En effet, si la proposition de loi était adoptée en l’état, il deviendrait possible de cumuler plusieurs fonctions exécutives, ce que nous ne voulons pas. L’amendement permet d’éviter ce problème.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article unique.

Après l’article unique

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL51 de M. Jérôme Nury.

Amendement CL27 de M. Charles Rodwell

M. Charles Rodwell (RE). Cet amendement tend à rendre obligatoire la démission de la fonction publique en cas d’élection au siège de député ou de sénateur. Il n’est pas juste que certains parlementaires soient protégés par un statut, notamment celui de la haute fonction publique, tandis que d’autres prennent tous les risques en se présentant à une élection.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Cette incompatibilité existe déjà. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL38 et CL39 de M. Robin Reda

M. Robin Reda (RE). Je propose que l’on allonge le délai pendant lequel un parlementaire élu maire ou un maire élu parlementaire peut faire son choix. Deux exemples : un maire élu député fin juin a trente jours pour organiser sa succession à la mairie, en plein milieu de l’été ; un député devenant maire lors d’une élection acquise au premier tour ne peut attendre l’installation du conseil communautaire, trente jours après le second tour des élections municipales, pour choisir l’un des deux mandats.

Dans le cadre des dispositions actuelles sur le non-cumul, ce serait une avancée pour le monde territorial.

M. Henri Alfandari, rapporteur. Vos amendements soulèvent la question du tuilage, peu prise en compte par nos institutions. Mais ce que vous proposez risque d’entraîner le report de délibérations nécessaires au fonctionnement de la collectivité, sans améliorer le tuilage ni les conditions d’élection du successeur. Défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi rejeté.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de d’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires (n° 2076 rect.).

 


—  1  —

 

   Personnes entendues

Universitaires

     M. Guillaume Marrel, politologue

     M. Jean Philippe Derosier, professeur de droit

Associations d’élus locaux

     M. Guy Geoffroy, vice-président, maire de Combs-la-Ville

     M. Michel Fournier, président

     M. Guy Clua, membre du bureau

     M. Cédric Szabo, directeur

     M. Laurent Dejoie, vice-président de la Région Pays de la Loire

Parlementaires

     M. Hervé Marseille, sénateur, auteur et rapporteur Proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires

     M. Christophe Borgel, ancien député, rapporteur de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

Administrations

     M. Marc Tschiggfrey, directeur adjoint

     M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections politiques

     Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et des institutions locales

     M. Benoit Chapuis, adjoint à la cheffe de bureau des structures territoriales

Associations

     M. Dorian Dreuil, responsable du plaidoyer et des campagnes

 

 


([1]) Centre de recherches politiques de Sciences Po, Baromètre de la confiance politique, vagues de janvier 2014 et février 2023.

([2]) Pour les sénateurs, voir l’article L.O. 296 du code électoral.

([3]) Respectivement articles L. 195, L. 231 ; L. 340 du code électoral.

([4]) Loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.

([5]) Article L. 46-1 du code électoral.

([6]) Article L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour les présidents de conseil départementaux, article L. 2122-4 du CGCT pour les maires et article L. 4133-3 du CGCT pour les présidents de conseil régional.

([7]) Articles L.O. 137 et suivants du code électoral.

([8]) Voir notamment l’article L.O. 146 du code électoral.

([9]) Soit les communes de 1 000 habitants ou plus.

([10]) Guillaume Marrel « Cumul des mandats : la fin d’une institution ? », Nouvelle sociologie politique de la France. Armand Colin, 2021, pp. 83-95.

([11]) « Sous réserve du second alinéa du présent article, les députés dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application des articles L.O. 136-1 ou L.O. 136-4, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles  L.O.  137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136 sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet ».

([12])  Loi organique n° 92-175 du 25 février 1992 modifiant l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement.

([13]) Article L. 2123-20-1 du CGCT pour les communes, article L. 3123-15-1 du CGCT pour les départements et article L. 4135-15-1 du CGCT pour les régions.

([14]) Rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, 2012 (proposition n° 15).

([15]) Rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, 2012 (proposition n° 14).

([16]) Article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

([17]) Les réélus ont dû quitter 60 présidences et 47 vice-présidences et les nouveaux élus ont dû renoncer à 87 présidences et 106 vice-présidences incompatibles avec leur nouveau mandat (Guillaume Marrel, op. cit).

([18]) Guillaume Marrel, op. cit.

([19]) Voir à ce propos Juliette Bresson et Étienne Ollion « Que sont les députés novices devenus ? », Presses universitaires de Grenoble, 2022, pp. 115-130.

([20]) Article 42 du règlement de l’Assemblée nationale.

([21]) Guillaume Marrel, op. cit.

([22]) Baromètre de la confiance politique, Cevipof, vagues de janvier 2014 et février 2023.

([23]) https://www2.assemblee-nationale.fr/15/archives-de-la-xv-legislature/liste-des-deputes/liste-des-deputes-dont-le-mandat-a-ete-clos-pendant-la-xv-legislature-2017-2022

([24]) Sénat, Proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires, T. A. n° 5, 12 octobre 2021 (2021-2022).

([25]) Article L. 2122-18-1 du CGCT

([26]) Voir I. A. 3.

([27]) Article L. 2123-20-1 du CGCT.

([28])  Conseil constitutionnel, décision n° 2014-689 DC du 13 février 2014, considérant 11 (voir supra).