N° 2300

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,


modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à
l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution

PAR M. Sacha HOULIÉ

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  230, 300, 302, 296 et T.A. 67 (2023-2024).

 Assemblée nationale :  2198.


 


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

Commentaire des articles

Article 1er (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010) Désignation selon la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et du haut-commissaire à l’énergie atomique

Article 2 (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010) Date d’entrée en vigueur de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et de la suppression de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Article 3 (supprimé) Précision quant au mandat en cours du haut-commissaire à l’énergie atomique

Examen en commission

 


 

 

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a engagé une réforme visant à renforcer la production énergétique en rationalisant notamment la gouvernance de la sûreté nucléaire.

Parmi les dispositions examinées dans le cadre du projet de loi ordinaire relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, dont a été saisie au fond la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, est prévue une fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection de sûreté nucléaire (IRSN) au sein d’une nouvelle autorité administrative indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), dont les missions seront une reprise de celles assurées par l’IRSN.

Cette disposition nécessite en conséquence de modifier la loi organique du 23 juillet 2010 ([1]) relative à la procédure de nomination à certains emplois publics par le Président de la République qui requiert un avis des commissions parlementaires compétentes du Parlement.

Cette procédure de nomination s’applique actuellement à 55 emplois ou fonctions revêtant une importance particulière pour la garantie des droits et des libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation. Les organes concernés sont des autorités administratives, des établissements publics, des entreprises publiques, ou encore des structures sui generis, telles que la Banque de France.

S’agissant du domaine nucléaire, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire et le directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire figurent sur la liste des emplois dont la nomination est prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Le présent projet de loi organique modifie la dénomination de l’Autorité de sûreté nucléaire en ajoutant un volet radioprotection et partant, et supprime la mention de l’IRSN, par coordination avec les dispositions du projet de loi ordinaire.

Ce projet de loi, du fait de son caractère organique, a été renvoyé au fond à la commission des Lois en application de l’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale.


   Commentaire des articles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er du projet de loi organique tire les conséquences, s’agissant de la procédure de désignation de son président, de la réorganisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire avec la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante, et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), établissement public à caractère industriel et commercial, en une nouvelle autorité administrative indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

       Modifications     apportées par le Sénat

Le Sénat a étendu le champ de l’annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution afin que le haut-commissaire à l’énergie atomique soit désigné en application de la procédure prévue au même article 13.

En outre, le Sénat a tiré les conséquences de la suppression du Haut conseil des biotechnologies en supprimant toute référence à cette instance dans l’annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission des Lois a adopté deux amendements identiques de votre rapporteur et de M. Antoine Armand ([2]) qui suppriment la procédure de nomination du haut-commissaire à l’énergie atomique en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

  1.   L’état du droit
    1.   Le pouvoir de nomination du Président de la République, conféré par l’article 13 de la Constitution, est encadré

Le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit que certaines nominations par le Président de la République font l’objet d’un avis public des commissions parlementaires compétentes de chaque assemblée.

Le Président de la République ne peut alors procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

  1.   L’annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 intègre la gouvernance en matière de sûreté nucléaire

L’annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public des commissions permanentes compétentes des assemblées, eu égard à leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation.

En ce sens, l’annexe précise que, s’agissant de la sûreté nucléaire, la présidence de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ainsi que la direction générale de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sont déterminées dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

  1.   Le projet de loi organique initial

Le présent projet de loi organique tire donc les conséquences de la modification de la gouvernance de la sûreté nucléaire opérée par le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. Il modifie la dénomination de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en y adjoignant la radioprotection, créant ainsi une nouvelle autorité administrative indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Il supprime, par voie de conséquence, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) du tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010.

Les modalités de désignation du président de cette future autorité administrative indépendante s’inscrivent dans la continuité de celles du président de l’ASN et du directeur général de l’IRSN, c’est-à-dire après avis public des assemblées parlementaires.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat
    1.   Une extension des nominations relevant du champ de l’article 13 de la Constitution

Par un amendement COM-3 ([3]) adopté en commission, le Sénat a étendu le champ des nominations relevant de l’article 13 de la Constitution en intégrant le haut-commissaire à l’énergie atomique.

Le haut-commissaire à l’énergie atomique était, jusqu’alors, nommé par décret du Président de la République pris en conseil des ministres, pour une durée de quatre ans, sans contrôle exercé par les assemblées parlementaires. Par décret du 30 décembre 2023 ([4]), il a été rattaché au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale pour sa gestion administrative et budgétaire.

L’article 12 du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, prévoit de rattacher désormais le haut-commissaire à l’énergie atomique auprès du Premier ministre afin de renforcer la coordination de la politique nucléaire grâce à son expertise.

À l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Patrick Chaize, le Sénat a jugé souhaitable que l’extension des prérogatives du haut-commissaire, consacrée par le projet de loi relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire, puisse s’accompagner d’un contrôle parlementaire renforcé au moment de la désignation de celui-ci par le Président de la République, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

  1.   La suppression de la mention du Haut conseil des biotechnologies dans la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010

Institué par la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, le Haut conseil des biotechnologies (HCB) était une instance indépendante chargée d’éclairer le Gouvernement sur la prise de décision publique relative aux biotechnologies, et notamment aux organismes génétiquement modifiés.

La loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, habilitait le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances pour simplifier la procédure applicable à certaines utilisations confinées d'OGM présentant un risque nul ou inexistant. C’est ainsi que par une ordonnance n° 2021-1325 du 13 octobre 2021 réformant l’évaluation des biotechnologies et simplifiant la procédure applicable aux utilisations confinées d’organismes génétiquement modifiés présentant un risque nul ou négligeable, le Haut conseil des biotechnologies a été supprimé à compter du 1er janvier 2022 et ses compétences ont été transférées à diverses instances.

Néanmoins, la mention du Haut conseil en annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, n’avait pas été supprimée. En conséquence, la présente disposition du projet de loi organique opère une coordination en supprimant la mention du HCB.

  1.   La position de la Commission

Le Conseil constitutionnel, auquel les lois organiques sont obligatoirement soumises conformément au premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, contrôle la qualification des fonctions ajoutées à la liste figurant dans la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010.

Pour répondre aux exigences du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s’assure que les emplois et fonctions ajoutés revêtent une importance particulière « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation » ([5]) Le juge constitutionnel exerce donc un double contrôle de la nature et de l’importance des fonctions exercées ([6]).

À ces deux critères peut être ajouté un troisième critère résultant de l’absence de lien hiérarchique direct entre la personnalité nommée à un emploi et le Gouvernement.

L'exposé des motifs de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, qui a donné sa forme actuelle à l'article 13 de la Constitution, précise notamment que :

« Suivant les recommandations du comité présidé par M. Balladur et inspiré par un souci de transparence et d'exemplarité républicaine, l'article 4 du projet modifie l'article 13 de la Constitution pour y prévoir que, pour certaines des nominations relevant du Président de la République, les emplois ne seront pourvus qu'après avis d'une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement. Parce qu'elles ne relèvent pas de l'autorité hiérarchique directe du Gouvernement, parce qu'elles ne sont soumises par ailleurs à aucune règle ou procédure particulière et parce qu'elles revêtent une importance particulière pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation, ces nominations feront désormais l'objet d'un droit de regard du Parlement. Il reviendra à une loi organique de fixer la composition de la commission, de poser le principe de l'audition publique des personnalités pressenties et de préciser la liste des emplois concernés. La procédure trouvera également à s'appliquer, en vertu des articles 25, 28 et 31 du projet de loi, aux membres du Conseil constitutionnel, aux personnalités qualifiées visées à l'article 65 de la Constitution relatif au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu'au défenseur des droits des citoyens créé par le présent projet de loi ».

Il se déduit donc de l’exposé des motifs que les emplois relevant de l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement sont mentionnés au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution ([7]) . Les emplois présentant, au contraire, des garanties suffisantes d’indépendance et pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République est susceptible de s’exercer après avis public de la commission compétente de chaque assemblée, sont mentionnés au cinquième alinéa, et par extension au tableau annexé à la loi organique  2010-837 du 23 juillet 2010, et doivent être « autres que ceux mentionnés au troisième alinéa ».

Le HCEA se trouvant désormais placé sous l’autorité directe du Gouvernement, sa nomination ne saurait en conséquence relever du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et faire, à ce titre, l’objet d’un avis public de la commission compétente de chaque assemblée ([8]) . C’est pourquoi cet ajout ne respecte pas la volonté du pouvoir constituant.

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Adopté par la Commission sans modification

        Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article prévoit une entrée en vigueur de la modification de l’annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution à compter du 1er janvier 2025.

À cette date, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection succédera à l’ANS et la mention de l’IRSN sera supprimée du tableau annexé à la loi organique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article précise que la nouvelle procédure de nomination du haut-commissaire à l’énergie atomique, après avis public des assemblées parlementaires, ne s’applique pas au mandat en cours de l’actuel haut-commissaire, lequel a été nommé pour une durée de quatre ans ([9]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article, par cohérence avec la suppression des alinéas 3 et 4 de l’article 1er relatif à la nomination du HCEA, en adoptant deux amendements identiques de votre rapporteur et de M. Antoine Armand ([10]) .

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   Examen en commission

Lors de sa seconde séance du mercredi 6 mars 2024, la Commission examine le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (n° 2198) (M. Sacha Houlié, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/pdnYNo

M. Sacha Houlié, rapporteur. Le projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution a été adopté par le Sénat le mois dernier. Il a pour objet de prendre en compte les conséquences juridiques du projet de loi relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, examiné au fond par la commission du développement durable. Cela nous oblige donc à adapter la loi organique du 23 juillet 2010, qui dresse la liste des emplois et fonctions devant faire l’objet d’un avis public des commissions parlementaires compétentes.

Le projet de loi tend à rassembler l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour créer une nouvelle autorité administrative indépendante (AAI). Nous ne nous prononçons pas ici sur la pertinence de cette fusion.

Afin que le président de cette nouvelle entité soit nommé selon les mêmes modalités que ceux des deux organes qu’elle remplace – par décret du Président de la République, après avis des commissions compétentes des assemblées parlementaires –, l’article 1er du projet de loi organique que nous examinons modifie la loi organique de 2010. Je vous rappelle que l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution prévoit que les commissions compétentes de chaque chambre peuvent s’opposer à une nomination à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L’article 2 coordonne l’entrée en vigueur de cette disposition avec celle du projet de loi.

Le Sénat a adopté trois nouvelles dispositions.

En premier lieu, il a étendu le champ des nominations au titre de l’article 13 en y incluant le haut-commissaire à l’énergie atomique, considérant que cela allait de pair avec l’extension de ses compétences et son rattachement auprès du Premier ministre afin de mieux coordonner la politique nucléaire.

Si je comprends cet objectif, il existe une différence fondamentale entre ces deux fonctions ; la nomination du haut-commissaire relève de l’alinéa 3, et non de l’alinéa 5, de l’article 13 : il est placé dans une situation de subordination directe par rapport au Gouvernement. Je vous proposerai donc de supprimer cette disposition.

Le Sénat a supprimé la mention du Haut Conseil des biotechnologies de la loi organique de 2010. Cette instance a été supprimée par ordonnance à compter du 1er janvier 2022 : il était donc nécessaire de toiletter la loi organique de 2010 sur ce point.

Enfin, le Sénat a adopté un article 3 qui précise que la nouvelle procédure de nomination du haut-commissaire à l’énergie atomique ne s’applique pas au mandat en cours. Je vous proposerai de supprimer cette disposition.

Nous ne faisons, je le rappelle, que prendre en compte les conséquences de l’examen au fond du projet de loi.

Le bureau de la commission a, pour ces raisons, pris la décision qu’il n’y aurait pas de discussion générale sur ce texte.

Article 1er (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010) : Désignation selon la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et du haut-commissaire à l’énergie atomique

Amendement de suppression CL2 de Mme Andrée Taurinya

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La réforme du système de contrôle de la sûreté nucléaire vise principalement à répondre aux attentes en matière de délais et d’efficacité, à fluidifier – c’est-à-dire à accélérer – la relance du nucléaire avec moins de contraintes, dans la continuité du discours de Belfort d’Emmanuel Macron. Il s’agit donc d’adapter la sûreté afin de satisfaire les demandes de l’exploitant, donc de minimiser les coûts de la sécurité nucléaire dans le développement de projets, selon la volonté du Gouvernement de fournir de l’énergie à bas prix, au mépris de la sécurité et de la sûreté nucléaires.

Au passage, hier, la commission du développement durable a adopté les amendements de suppression de l’article 1er du projet de loi créant la nouvelle autorité, en dépit d’un comportement étrange de la présidence.

La logique politique, économique et industrielle primera sur la sécurité. C’est une orientation particulièrement dangereuse. Entendu en 2018 par la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique et solidaire, déclarait : « La sécurité prime sur tout : vouloir à tous crins un prix de l’énergie bas, quitte à transgresser certaines règles de sécurité, est un mauvais calcul. […] Aucun argument économique ne peut venir interférer dans cette priorité. »

Cette réforme constitue une rupture avec la structuration historique de notre système dual de sûreté nucléaire, pourtant particulièrement performant. L’exposé des motifs du projet de loi reconnaît que le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection s’est développé et renforcé selon un processus d’amélioration continue après la création de l’IRSN.

Nous proposons, par cohérence avec le vote de la commission du développement durable – suivi, je l’espère d’un vote identique en séance –, de supprimer cet article.

M. Sacha Houlié, rapporteur. Avis défavorable.

Nous serons d’accord pour supprimer les alinéas 3 et 4, je le disais. En revanche, nous différons sur la suppression de l’ensemble de l’article. Ces questions sont traitées au fond par la commission du développement durable. Vous avez cité le vote survenu hier en commission : il n’est pas évident que l’article 1er ne sera pas rétabli en séance publique. Je vous propose donc d’adopter un projet de loi organique en quelque sorte prêt à ; il reviendra au Gouvernement, le cas échéant, de tirer les conclusions de l’examen du projet de loi en séance.

À titre personnel, il me semble que la fusion de l’ASN et de l’IRSN est intéressante : ces agences travaillent main dans la main au quotidien, et les activités de l’IRSN sont préservées au sein de la nouvelle entité. Le fait que celle-ci soit une AAI est aussi une garantie : cette commission apprécie les garanties d’indépendance et d’impartialité qu’offre ce statut. Cela doit écarter une partie des craintes que vous avez exprimées.

M. Didier Paris (RE). J’irai dans le même sens que notre rapporteur. Nous sommes dans une situation rare : nous dépendons de décisions prises dans une autre commission, mais nous traitons d’un projet de loi organique qui, du point de vue de la procédure législative, est indépendant. Quel que soit le sort du projet de loi en séance, nous devons nous prononcer au cas où le vote différerait de celui de la commission – ce que j’espère, puisqu’il s’agit de favoriser l’indépendance énergétique de la France et de rassembler deux organismes dans une autorité indépendante plus efficace.

Nous ne voterons pas cet amendement de suppression ; nous voterons en revanche les deux amendements suivants.

M. Paul Molac (LIOT). Je voterai l’amendement de La France insoumise.

Je regrette que le Gouvernement nous demande à nouveau de voter sur cette fusion de l’ASN et de l’IRSN. Déjà refusée par notre assemblée, cette opération provoque un certain émoi dans une partie de la population : l’énergie nucléaire, à tort ou à raison, a une aura quelque peu sulfureuse. Elle est sans doute plus dangereuse que les autres et nos concitoyens sont très sourcilleux quant à la sûreté. Je suppose que le retour de la volonté de fusion est dû à la découverte de corrosion dans nos centrales… Mais nous n’avons, je crois, aucun intérêt à faire perdre de la clarté à notre dispositif, car nos concitoyens auront peur, et cela jouera finalement contre la filière nucléaire.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le législateur s’est déjà prononcé sur la fusion de l’IRSN et de l’ASN. Pourtant, l’exécutif remet le sujet sur le tapis – un peu comme quand nous avions voté « non » à un référendum, mais que, chassé par la porte, le sujet était revenu par la fenêtre.

La commission des lois se penche ainsi sur une prérogative présidentielle : celle de nommer certains hauts commis de l’État. C’est là un cas d’école du trop-plein de pouvoir de nomination du Président de la République : est-il justifié que le chef de l’État ait le pouvoir personnel – certes encadré par l’article 13 – de nommer plus de cinquante commis de l’État, notamment les dirigeants des autorités administratives indépendantes ? Cela renforce encore le nombre de gens qui ne doivent leur existence économique, juridique, politique qu’au Président de la République.

Dans la réflexion sur l’équilibre entre législatif et exécutif, c’est un sujet important ; je ne voulais pas manquer de le souligner.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL5 de M. Sacha Houlié et CL3 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand (RE). Nous proposons de supprimer les alinéas 3 et 4, qui sont probablement inconstitutionnels : le haut-commissaire à l’énergie atomique étant placé sous l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement qui, aux termes de l’article 20 de la Constitution, « dispose de l’administration », sa nomination ne peut pas relever de la procédure prévue à l’alinéa 5 de l’article 13.

Cela ne correspond pas non plus aux fonctions du haut-commissaire, qui est un conseil à la disposition du Gouvernement, avec toute la confidentialité que cela implique, notamment en matière de défense et de sécurité nationales.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CL1 de M. Nicolas Dragon tombe.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (tableau annexé à la loi organique n° 2010‑837 du 23 juillet 2010) : Date d’entrée en vigueur de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et de la suppression de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 (nouveau) : Précision quant au mandat en cours du haut-commissaire à l’énergie atomique

Amendements de suppression CL6 de M. Sacha Houlié et CL4 de M. Antoine Armand

M. Sacha Houlié, rapporteur. Là encore, il s’agit d’éliminer le risque juridique résultant des alinéas 3 et 4 de l’article 1er.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (n° 2198) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


([1]) Loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

([2]) Amendements CL5 de M. Houlié, rapporteur, et CL3 de M. Armand.

([3]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2023-2024/230/Amdt_COM-3.html  

([4])  Décret n° 2023-1383 du 30 décembre 2023 relatif au conseil de politique nucléaire et au haut-commissaire à l’énergie atomique.

([5]) Article 13 de la Constitution.

([6])  CC, décision n° 2008-572 DC du 8 janvier 2009, Loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, considérant 11.

([7]) Il en va ainsi des fonctions de préfets, d’ambassadeurs, etc.

([8]) A contrario, l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire précise que la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection présente des garanties d’indépendance « vis-à-vis des exploitants nucléaires et du Gouvernement ». Dans son avis, le Conseil d’État souligne que « la disparition de l’IRSN et le regroupement de ses services avec ceux de l’actuel ASN, au sein d’une AAI, ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ».

 

([9]) Décret n° 2016-311 du 17 mars 2016 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. L’actuel haut-commissaire a été nommé le 13 septembre 2023 (JO n° 0213 du 14 septembre 2023).

([10]) Amendements CL6 de M. Houlié, rapporteur, et CL4 de M. Armand.