N° 2331

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,


portant report du renouvellement général des membres du congrès
et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

PAR M. Philippe DUNOYER

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  290, 335, 336 et T.A. 72 (2023-2024).

 Assemblée nationale :  2242.


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................ 5

I. Des élections importantes mais difficiles à tenir selon le calendrier prévu eu Égard À la situation particuliÈre de la nouvelle-calÉdonie

A. Des élections structurantes organisées selon des modalités propres à la Nouvelle-Calédonie

1. Des élections structurantes dans la vie politique calédonienne

2. Un corps électoral spécifique

B. un calendrier Électoral qui se heurte au processus politique en cours

1. La base juridique des élections à venir : la question de la caducité de l’Accord de Nouméa

2. Une période charnière de discussions politiques encore inachevées qui rendent nécessaire le report des élections

3. Une démarche au service de la recherche d’un accord entre les partenaires locaux

II. Un report des élections nécessaire et très majoritairement approuvé, mais qui pourrait s’avérer insuffisant

A. Un report qui s’inscrit dans un cadre juridique précis

1. Un projet de loi organique conforme au cadre juridique fixé par le Conseil constitutionnel pour les modifications de la durée des mandats

2. Un objet limité

B. un report validé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, non sans quelques dissensions

C. Un report NÉCESSAIRE MAIS qui NE SERA PAS FORCÉMENT SUFFISANT

1. Un report nécessaire et dont les conséquences pratiques sont bien anticipées

2. En dépit de la date butoir fixée par le projet de loi organique, une date d’élections encore incertaine

Commentaire des articles

Articles 1er  Report des élections et prolongation des mandats en cours

Article 2 Entrée en vigueur

compte rendu des débats

Personnes entendues

 


 

 

Mesdames, Messieurs,

En 1998, l’accord de Nouméa, transposé dans la Constitution et la loi organique du 19 mars 1999, « défini[ssai]t pour vingt années l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation. » Il organisait ainsi un transfert de compétences progressif de l’État vers la Nouvelle-Calédonie, et prévoyait jusqu’à trois consultations sur l’accession de ce territoire à la pleine souveraineté.

Les trois consultations, organisées entre 2018 et 2021, ont vu le « non » l’emporter à chaque fois, avec un dernier scrutin marqué toutefois par le boycott des électeurs indépendantistes. Conformément à l’accord de Nouméa qui précisait : « si la réponse [à la troisième consultation d’autodétermination] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée », les acteurs politiques locaux, indépendantistes et non-indépendantistes, échangent depuis plusieurs mois pour définir ensemble le futur statut de leur territoire, au sein de la République.

Ces discussions n’ont pas permis, pour l’instant, de parvenir à un accord, mais il s’agit d’un objectif revendiqué par l’ensemble des acteurs locaux, indépendantistes et non-indépendantistes, comme par le Gouvernement. 

La Nouvelle-Calédonie a donc besoin de temps, nécessaire à l’émergence du consensus ; le futur accord devra ensuite être inscrit dans la Constitution.

Dans ce contexte, la tenue, en mai 2024, selon le calendrier en vigueur, des prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de provinces, n’est ni opportune, ni faisable. En conséquence, le projet de loi organique permet leur report jusqu’au 15 décembre 2024 et prolonge les mandats en cours, dont la durée est normalement de cinq ans.

Cette démarche est soutenue par la majorité des acteurs politiques locaux, indépendantistes et non-indépendantistes, comme en témoigne le vote favorable de 38 voix sur 54 au congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Ces élections permettent de désigner, au scrutin de liste, les 76 membres des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, et par là-même, les 54 membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie qui en émanent directement. Ces institutions sont au cœur de la vie politique calédonienne. Le congrès, rappelons-le, dispose du pouvoir d’adopter, dans ses domaines de compétences, des « lois du pays » à caractère législatif.

Ce report donne plus de temps à l’émergence d’un nouvel accord consensuel sur le futur cadre institutionnel. Il permet aussi d’éviter d’avoir recours, pour ces élections structurantes dans la vie politique calédonienne, à un corps électoral dont le fondement constitutionnel doit être revu.

En effet, les élections se tiennent à partir d’une liste électorale spéciale dite « provinciale », issue des accords de Nouméa. Cette liste conduit à exclure du scrutin une part croissante des électeurs : en 1999, environ 7 % des électeurs étaient exclus de la liste électorale spéciale ; en 2023, c’est près de 20 % – dont des natifs de Nouvelle-Calédonie, ou des personnes installées durablement sur le territoire (pour les plus anciennes depuis 25 ans).

 Cette dérogation aux principes d’égalité et d’universalité du suffrage, n’a été validée par la Cour européenne des droits de l’homme que compte-tenu de son caractère transitoire, encadré par l’accord de Nouméa. Or, comme le constatait le Conseil d’État dans son avis du 7 décembre 2023, les circonstances de droit et de fait qui justifiaient la composition d’un corps électoral spécial provincial ont évolué depuis les accords de Nouméa.

Ce constat a conduit le Gouvernement à déposer, en plus du présent projet de loi organique, un projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Cette loi constitutionnelle ne s’appliquerait qu’en l’absence d’un accord consensuel entre les partenaires politiques de l’accord de Nouméa, accord dont la recherche constitue une priorité : l’État n’entend pas se substituer aux acteurs locaux. Le report des élections provinciales permettra de laisser à cet accord le temps d’émerger.

La date butoir du 15 décembre 2024 laisse suffisamment de temps pour la réalisation des opérations préalables à ce scrutin, notamment la révision complémentaire de la liste électorale qui lui est propre. Toutefois, cette date ne sera pas forcément figée, car en fonction de la proximité d’un accord politique global, un report supplémentaire de la date des élections provinciales pourrait être nécessaire.

 


I.   Des élections importantes mais difficiles à tenir selon le calendrier prévu eu Égard À la situation particuliÈre de la nouvelle-calÉdonie

Spécifiques et structurantes dans la vie calédonienne, les élections des membres du congrès et des assemblées de provinces doivent se tenir, selon le calendrier en vigueur, en mai 2024.

Si elles se tiennent depuis l’origine à partir d’un corps électoral spécifique, restreint par rapport à la liste électorale générale, le Constituant ([1]) et le Conseil d’État ([2])  plus récemment ont clairement posé comme cadre à cette restriction celui de l’accord de Nouméa. Or, depuis l’organisation des trois consultations référendaires sur le territoire en 2018, 2020 et 2021, le choix des Calédoniens, qui se sont majoritairement prononcés en refusant que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante, a ouvert une période de consultations en vue de la sortie de l’accord de Nouméa, conformément à ses dispositions selon lesquelles « Si la réponse [à la troisième consultation] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée » ([3]) .

Ainsi, comme prévu par l’accord, des discussions sur le statut futur du territoire se sont ouvertes entre les partenaires politiques et le Gouvernement, avec comme enjeu notamment de redéfinir le corps électoral des élections « provinciales ».

Ces discussions n’ont pas encore abouti et ont conduit le Gouvernement à proposer le report de la date de ces élections pour permettre de donner plus de temps à l’émergence d’un nouvel accord consensuel sur le futur cadre institutionnel, tout en évitant d’avoir recours à un corps électoral dont le fondement constitutionnel doit être revu.

A.   Des élections structurantes organisées selon des modalités propres à la Nouvelle-Calédonie

Les élections des membres du congrès et des assemblées de province reflètent le système institutionnel et électoral original de la Nouvelle-Calédonie.

1.   Des élections structurantes dans la vie politique calédonienne

Le paysage institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, tel qu’issu de l’accord de Nouméa ([4]), comporte une assemblée délibérante (le congrès), un exécutif (le gouvernement collégial), un Sénat coutumier, un conseil économique, social et environnemental et des conseils coutumiers ; ainsi que trois provinces et 33 communes.

Les trois provinces – Nord, Sud et îles Loyauté – sont des collectivités territoriales, et disposent d’une compétence de principe : toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’État ou à la Nouvelle-Calédonie par la loi organique, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie, sont de leur compétence (article 20 de la loi organique du 19 mars 1999 ([5])). Ainsi, relèvent des provinces le développement économique et touristique, la culture et la protection du patrimoine, la jeunesse et les sports ou encore la protection de l’environnement.

Le nombre de sièges de chaque assemblée de province et le nombre de sièges dont elles disposent au sein du congrès sont fixés par la loi organique du 19 mars 1999 (article 185), qui reprend les dispositions de l’accord de Nouméa :

– l’Assemblée de la province des îles Loyauté comprend quatorze membres, dont sept membres du congrès ;

– l’Assemblée de la province Nord compte vingt-deux membres, dont quinze membres du congrès

– l’Assemblée de la province Sud compte quarante membres, dont trente-deux membres du congrès.

 

Source : site du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

 

Les membres du congrès et des assemblées de province sont élus pour cinq ans, de façon concomitante, au cours d’une élection au scrutin de liste ([6]). La loi organique du 19 mars 1999 impose que chaque liste soit composée alternativement d’un candidat de chaque sexe, et les listes qui n’ont pas obtenu au moins 5 % du nombre des électeurs inscrits ne sont pas admises à la répartition des sièges (article 192).

La Nouvelle-Calédonie dans la Constitution

La Nouvelle-Calédonie n’est régie ni par l’article 73, ni par l’article 74 de la Constitution. C’est une collectivité sui generis, qui dispose de son propre titre dans la Constitution : le titre XIII, intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ».

Au sein de ce titre, l’article 76 se réfère explicitement à l’accord de Nouméa, conférant ainsi valeur constitutionnelle à l’organisation politique et institutionnelle prévue par cet accord, qui a fixé le cadre de ce statut sur mesure complété par la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999.

L’élection des membres du congrès et des assemblées de province joue un rôle majeur dans la vie politique calédonienne.

Elle permet de désigner directement les 76 membres des assemblées de province, ainsi que, parmi ces 76 élus, les 54 membres du congrès à qui il revient également d’élire les membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (cinq à onze personnes), qui sont élus au scrutin de liste à la proportionnelle des groupes politiques constitués au congrès (articles 108 à 110).

Assemblée délibérante de la collectivité de Nouvelle-Calédonie, le congrès compte 54 membres, issus des assemblées de province. Il dispose en particulier, dans certaines matières énumérées par la loi organique, d’un pouvoir législatif : il vote les « lois du pays », actes dont le contrôle relève du Conseil constitutionnel en raison de leur caractère législatif. Il vote le budget, approuve les comptes et est consulté sur les projets de loi et propositions de loi ainsi que les projets d’ordonnance qui introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières à la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le congrès disposait de prérogatives spécifiques pour la mise en œuvre du droit à l’autodétermination dans le cadre des accords de Nouméa (article 217) :

– il pouvait fixer la date de la première consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, par une délibération adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, dans les conditions prévues à l’article 217 ;

– en cas de rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une deuxième consultation sur la même question pouvait être organisée à la demande écrite du tiers des membres du congrès, adressée au haut-commissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin.  En cas de nouveau rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une troisième consultation pouvait être organisée dans les mêmes conditions.

Si les modalités d’exercice du droit à l’autodétermination dans le cadre fixé par les accords de Nouméa et la loi organique du 19 mars 1999 ont été intégralement utilisées, il n’est pas exclu que les conditions d’exercice du droit à l’autodétermination, à l’avenir, s’en inspirent. La composition politique du congrès a donc des conséquences qui, bien au-delà de la vie politique interne, peuvent intéresser aussi l’avenir institutionnel du territoire et sa place au sein de la République.

2.   Un corps électoral spécifique

Outre sa spécificité résultant de l’organisation institutionnelle propre à la Nouvelle-Calédonie, l’élection des membres du congrès et des assemblées de province fait appel à un corps électoral spécial, institué par les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999, reprenant les termes de l’accord de Nouméa, et les dispositions de l’article 77 de la Constitution.

La liste électorale spéciale provinciale se distingue des deux autres listes électorales existant en Nouvelle-Calédonie : la liste électorale générale et la liste électorale spéciale à la consultation ([7]) .

Les trois listes électorales

Trois listes électorales coexistent en Nouvelle-Calédonie : la liste électorale générale et deux listes électorales spéciales.

La liste électorale générale (aussi appelée « LEG ») est la liste de droit commun. Les électeurs inscrits sur cette liste peuvent voter aux scrutins nationaux : élections municipales, présidentielles, législatives, européennes et référendums nationaux.

L’existence des deux listes électorales spéciales trouve son fondement dans le Préambule de l’accord de Nouméa, qui précise que « Le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée. » et que « au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées ».

La liste électorale spéciale provinciale (« LESP ») comptait 178 374 inscrits en 2023 ([8]). L’inscription sur la LESP est aussi le fondement de la « citoyenneté calédonienne », dont le principe était prévu par les accords de Nouméa et qui confère un droit prioritaire d’accès à l’emploi en Nouvelle-Calédonie.

La liste électorale spéciale à la consultation pour l’accession à la pleine souveraineté (« LESC ») comptait 184 364 électeurs à la date de la dernière consultation le 12 décembre 2021. Ses critères sont fixés par l’article 218 de la loi organique, et sont construits autour de la notion de droit international de « populations intéressées ».

Ainsi, sont seules admises à voter aux élections des membres du congrès et des assemblées de province les personnes qui, inscrites sur la liste électorale générale de la Nouvelle-Calédonie :

– soit remplissaient les conditions pour voter lors de la consultation locale du 8 novembre 1998 approuvant l’accord de Nouméa, c’est-à-dire les électeurs inscrits en 1998 sur la liste électorale générale de la Nouvelle-Calédonie et qui y étaient domiciliés depuis le 6 novembre 1988 ([9]) ;

– soit étaient inscrites en 1998 sur le tableau annexe des électeurs non admis à participer à cette consultation, dès lors qu’elles justifient au jour de l’élection de dix années au moins de domiciliation en Nouvelle-Calédonie ;

– soit ont atteint la majorité après le 31 octobre 1998, c’est-à-dire sont nées après le 31 octobre 1980, et qui soit justifient de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit ont eu l’un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit ont l’un de leurs parents inscrit au tableau annexe de 1998 et justifient d’une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection.

Le caractère « spécial » de la liste électorale provinciale a été renforcé par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 ([10]), qui a inscrit à l’article 77 de notre Constitution le principe d’un « gel » de ce corps électoral. En précisant que le « tableau annexe » mentionné à l’article 188 de la loi organique était celui « dressé à l’occasion du scrutin [de 1998] et comprenant les personnes non admises à y participer », cette loi a fermé la porte à un corps électoral dit « glissant », qui aurait permis d’inscrire ultérieurement sur la LESP, au fur et à mesure, les électeurs satisfaisant la condition de résidence de dix ans. En application de cette révision constitutionnelle, seules les personnes qui étaient déjà inscrites au tableau annexe en 1998, c’est-à-dire arrivées sur le territoire avant le 8 novembre 1998, ont pu valablement remplir la condition de dix ans de résidence en 2008 au plus tard ([11]).

Ces dispositions conduisent à exclure de la liste électorale spéciale un nombre croissant d’électeurs, y compris des personnes nées en Nouvelle-Calédonie, ou y résidant depuis plusieurs décennies. L’écart s’accroît ainsi entre le nombre d’inscrits sur la liste électorale générale et le nombre d’inscrits sur la liste électorale spéciale provinciale. En 2023, 19,28 % des électeurs de la liste électorale générale sont exclus de la LESP (soit 43 223 personnes), contre 7,46 % en 1999 (soit 8 738 personnes).

Nombre d’inscrits sur les trois listes électorales de la Nouvelle-Calédonie en 1999 et en 2023

 

1999

2023

Liste électorale générale

117 179

221 597

Liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province

108 441

178 374

Liste électorale spéciale à la consultation

Sans objet

184 364

Source : données fournies par le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.

Cette restriction du corps électoral constitue une dérogation aux principes d’égalité et d’universalité du suffrage pourtant consacrés par la Constitution ([12]) et par le droit européen et international ([13]). Elle n’a été validée en 2005 par la Cour européenne des droits de l’Homme que dans la mesure où le statut de la Nouvelle-Calédonie « s’inscrit dans un processus d’autodétermination » ([14]).

Lorsqu’en 2007, le Constituant a acté le gel du corps électoral des élections provinciales, il avait été souligné qu’« après le référendum d’autodétermination, quel qu’en soit le résultat, un nouveau régime devra être défini pour le corps électoral. C’est la conséquence logique du caractère transitoire du titre XIII de la Constitution » ([15]).

C’est la raison pour laquelle un travail est en cours afin de modifier les modalités d’exercice du droit de vote aux élections provinciales dont l’exclusion produit des effets, tant à l’égard de personnes nées en Nouvelle-Calédonie (12 500 personnes environ, de statut de droit commun ou de statut civil coutumier) puisque seuls les enfants, et non les autres descendants, des électeurs inscrits sur les listes électorales en 1998 peuvent rejoindre le corps électoral restreint, qu’à l’égard des personnes qui se sont installées de longue date sur le territoire, pour certaines depuis 25 ans.

B.   un calendrier Électoral qui se heurte au processus politique en cours

Conformément au calendrier électoral découlant des dispositions organiques, la prochaine élection des membres du congrès et des assemblées de province devrait se tenir au plus tard le 12 mai 2024. Toutefois, ce calendrier n’est pas compatible avec la situation politique actuelle de la Nouvelle-Calédonie, marquée par la poursuite de discussions politiques dans la perspective d’un accord global sur le futur statut du territoire.

1.   La base juridique des élections à venir : la question de la caducité de l’Accord de Nouméa

À titre liminaire, il faut ici rappeler que la tenue des élections initialement prévues en mai 2024 n’avait rien d’évident. La question de la caducité éventuelle de l’accord de Nouméa pouvait en effet se poser à l’issue, en 2019, de la période de vingt ans prévue par cet accord, et plus encore à l’issue des trois consultations prévues par l’Accord.

De ses propres termes, l’accord de Nouméa « définit pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation ». Au terme de ces vingt années, la pleine souveraineté sera proposée « au vote des populations intéressées ».

Toutefois, la loi organique du 19 mars 1999 ne prévoit pas une application limitée dans le temps, et l’accord de Nouméa lui-même ne comporte pas de fait générateur de sa propre fin, se bornant à prévoir que « si la réponse [à la troisième consultation prévue] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».

Saisi d’une demande d’avis avant les élections aux congrès et aux assemblées de province de 2019 ([16]), le Conseil d’État avait alors considéré que l’écoulement de la période de vingt ans n’était pas de nature à empêcher la tenue d’élections sur le fondement des dispositions de la loi organique du 19 mars 1999, car « il résulte de l’accord lui-même que son application pourrait s’étendre au-delà de cette période ». Le raisonnement du Conseil d’État s’appuyait sur le calendrier des consultations prévues, qui pouvaient se tenir jusqu’en 2022, et sur les dispositions de l’accord prévoyant que « Tant que les consultations n’auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l’organisation politique mise en place par l’accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette « irréversibilité » étant constitutionnellement garantie. » Le Conseil d’État constatait aussi que « demeurent applicables aux prochaines élections [de 2019] du congrès et des assemblées de province les règles électorales [existantes] ».

Les élections provinciales de 2019 se sont donc tenues conformément à ces dispositions, le 12 mai 2019.

Pour autant, le Conseil d’État ne s’était pas alors prononcé sur la situation une fois les trois consultations organisées. Consulté une nouvelle fois en décembre 2023, il a finalement constaté qu’à l’issue de celles-ci, « le processus initié par l’accord de Nouméa est aujourd’hui achevé et sa mise en œuvre peut être regardée comme complète » ([17]). De même, dans son discours officiel au soir du scrutin du 12 décembre 2021, le Président de la République annonçait que « L’accord de Nouméa arrive à son terme juridique ».

Néanmoins, dans son avis du 7 décembre 2023 relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie, le Conseil d’État a confirmé de façon plus explicite les solutions retenues en 2018 : soulignant que ni l’article 77 de la Constitution, ni la loi organique du 19 mars 1999 ne comportent de terme, il considère que le cadre juridique applicable à la Nouvelle-Calédonie en vertu de cette même loi organique « demeure applicable après la troisième consultation… aussi longtemps qu’une révision de la Constitution ne sera pas intervenue ».

Les élections au congrès devaient donc se tenir au plus tard en mai 2024, conformément à la loi organique qui prévoit que les élections aux assemblées de province ont lieu dans le mois qui précède l’expiration du mandat des membres sortants.

2.   Une période charnière de discussions politiques encore inachevées qui rendent nécessaire le report des élections

  1.   La difficile reprise des discussions à l’issue de la troisième consultation

La victoire du « non » à la troisième consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, marquée par l’appel au boycott émis par les indépendantistes du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), n’a pas résolue la question du statut futur du territoire. L’accord de Nouméa est peu disert sur l’issue de la période de vingt ans qu’il avait vocation à couvrir, son point 5 se bornant à prévoir que « si la réponse [à la troisième consultation d’autodétermination] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».

 

Les trois consultations sur l’accession à la pleine souveraineté

La question posée, objet d’un compromis entre les partenaires de l’accord, était la suivante : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »

La première consultation a eu lieu le 4 novembre 2018. Elle a vu le « non » l’emporter sur le oui (56,67 % contre 43,33 % des suffrages), avec un taux de participation de 81,01%.

La deuxième consultation a été organisée le 4 octobre 2020. Elle est intervenue, conformément à la loi organique, à la demande d’une partie des membres du congrès. Avec un taux de participation en hausse (85,69 %), elle a vu le non l’emporter une nouvelle fois (53,26 %  contre 46,74 %, pour le « non ») malgré un « oui » en forte progression.

Également demandée par le congrès, la troisième consultation s’est tenue comme prévu le 12 décembre 2021. Elle a fait l’objet d’un appel au boycott par le FLNKS, contestant le maintien du scrutin dans un contexte de Covid-19. Le « non » a recueilli 96,50 % des suffrages avec un taux de participation de 43,87 %.

Néanmoins, la reprise des discussions s’est d’abord heurtée à la contestation de la légitimité de la troisième consultation par les indépendantistes.

En octobre 2022, le FLNKS a refusé l’invitation de la Première ministre faite aux élus indépendantistes et non-indépendantistes d’initier un nouveau cycle de discussions pour déterminer un nouveau statut. La recherche d’un accord s’est matérialisée, dans les mois suivants, par plusieurs initiatives et de nombreux déplacements du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer M. Gérald Darmanin sur le territoire : du 28 novembre au 4 décembre 2022, du 3 au 5 mars 2023, du 1er au 4 juin 2023, du 24 au 26 juillet 2023 avec le Président de la République, les 24 et 25 novembre 2023 et du 21 au 24 février 2024.

En avril 2023, des délégations indépendantistes et non-indépendantistes ont été reçues par la Première ministre pour des discussions en format bilatéral consacrées aux questions institutionnelles. Le 1er juin 2023, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et le ministre délégué aux Outre-mer ont présenté, en Nouvelle-Calédonie, un bilan de l’accord de Nouméa ([18]) et un audit de la décolonisation ([19]) pour évaluer la situation actuelle du territoire calédonien et alimenter les discussions quant à son avenir.

Finalement, le 26 juillet 2023, dans un discours à Nouméa, le Président de la République a posé l’échéance d’une révision constitutionnelle au début de 2024. Dans ce contexte, l’État a remis aux partenaires de l’Accord un « document martyr » le 7 septembre 2023, destiné à servir de bases aux négociations. Il a été présenté aux délégations indépendantiste et non-indépendantiste au cours de la première réunion trilatérale organisée depuis 2019 et a fait l’objet de réunions de travail au Haut-commissariat entre des groupes non-indépendantistes et indépendantistes.

Enfin, des rencontres entre formations politiques locales ont été initiées depuis plusieurs mois afin de nourrir les discussions en vue de la conclusion d’un accord global. Tout d’abord, le mouvement non-indépendantiste Calédonie Ensemble et les mouvements indépendantistes Union nationale pour l’indépendance (UNI) et l’UC-FLNKS se sont réunis à 25 reprises entre octobre 2023 et décembre 2023, et ont contribué à l’élaboration d’un document, rendu public, dénommé « Déclaration commune sur les convergences entre calédoniens pour un grand accord ».

Puis, les mouvements non indépendantistes Les Loyalistes et le Rassemblement, l’UNI, l’UC-FLNKS et l’Éveil Océanien ont engagé le 23 janvier 2024 un cycle de discussions sur l’avenir institutionnel, en indiquant par communiqué que « ces discussions ne remettent pas en cause le calendrier constitutionnel de l’État ».

Le 28 février 2024, l’UC-FLNKS a annoncé suspendre sa participation à ces discussions.

  1.   Les projets de loi constitutionnelle et organique présentés par le Gouvernement fin 2023

C’est dans ce contexte de dialogue politique entre les partenaires politiques que le Gouvernement, après avoir saisi le Conseil d’État pour clarifier le cadre juridique applicable, a présenté, le 29 janvier 2024, deux projets de loi ([20]) :

– un projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Ce projet procède au « dégel » du corps électoral provincial et prévoit l’intervention de plusieurs décrets liés à l’organisation des élections ;

– le présent projet de loi organique, portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Il prévoit que les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province auront lieu au plus tard le 15 décembre 2024, et prolonge en conséquence les mandats en cours.

 

3.   Une démarche au service de la recherche d’un accord entre les partenaires locaux

Si unilatérale soit-elle – comme le ministre de l’Intérieur l’a lui-même reconnu au cours de son intervention devant les sénateurs à l’occasion de l’examen du texte ([21]) –, la démarche du Gouvernement n’entend pas se substituer aux acteurs locaux pour imposer de nouvelles dispositions. Les travaux préparatoires illustrent la priorité accordée à la recherche et à la conclusion d’un accord consensuel entre les partenaires politiques de l’accord de Nouméa.

Le projet de loi organique tend à favoriser la recherche de ce consensus, en laissant aux acteurs locaux davantage de temps pour poursuivre leurs discussions, tandis que le projet de loi constitutionnelle est envisagé à la fois comme une solution de repli en cas d’échec des négociations engagées entre les acteurs calédoniens, et comme une échéance de nature à favoriser l’émergence d’un tel accord.

Le communiqué de presse de la Première ministre en date du 26 décembre dernier est, à cet égard, sans ambigüité : il rappelle que « Parce que le consensus politique constitue la priorité du Gouvernement, cette réforme n’entrera en vigueur, après son adoption par le Congrès, qu’à défaut d’accord politique entre les parties prenantes locales conclu avant le 1er juillet 2024. » ([22]) Dans son avis du 25 janvier 2024, le Conseil d’État voit dans cette disposition une façon de « continuer de privilégier la recherche du consensus entre les parties prenantes comme mode principal de définition de l’évolution institutionnelle de la NouvelleCalédonie. » Il rappelait par ailleurs, dans son avis du 7 décembre 2023, qu’il regarde la recherche du consensus comme « une donnée fondamentale de l’élaboration de l’organisation politique qui prendra la suite de celle issue de l’accord de Nouméa ».

Le champ limité du projet de loi constitutionnelle illustre également la volonté du Gouvernement de ne pas se substituer aux acteurs calédoniens, tout en procédant aux seules modifications rendues nécessaires, selon le Conseil d’État, par la nécessité d’atténuer les atteintes au caractère universel du suffrage. Le ministre de l’Intérieur expliquait ainsi, sur la chaîne Nouvelle-Calédonie la 1ère, le 22 février 2024 : « J’ai toujours dit que si jamais il y avait un accord local, qu’on est peut-être à quelques mètres de terminer (…), nous étudierions la possibilité de reporter le débat constitutionnel (…) » ([23]). Au cours de son intervention devant les sénateurs à l’occasion de l’examen du texte, il précisait : « Le Gouvernement a d’ailleurs prévenu depuis deux ans que, si un accord politique global n’était pas trouvé en Nouvelle-Calédonie, il n’avancerait pas sur d’autres sujets, par respect pour les parties prenantes » ([24]).

L’étude d’impact du projet de loi organique ([25])  rappelle que le report qu’il prévoit « n’exclut pas, évidemment, qu’un accord portant sur l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie soit conclu […] ce qui rendrait nécessaire une révision constitutionnelle de plus grande ampleur [que celle proposée dans le projet de loi constitutionnelle] et pourrait justifier un report des élections à une date ultérieure ».

 


II.   Un report des élections nécessaire et très majoritairement approuvé, mais qui pourrait s’avérer insuffisant

Le report des élections s’inscrit dans un cadre juridique précis et a, par ailleurs, été validé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il pose néanmoins des questions d’ordre pratique et ne fait sens que rattaché au processus politique qu’il accompagne.

A.   Un report qui s’inscrit dans un cadre juridique précis

1.   Un projet de loi organique conforme au cadre juridique fixé par le Conseil constitutionnel pour les modifications de la durée des mandats

Il ressort d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel qu’il est loisible au législateur, ordinaire ou organique selon la nature des élections concernées, de modifier la durée des mandats en cours d’une assemblée élue, « dans un but d’intérêt général et sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle » ([26]).

C’est au législateur organique qu’il revient de modifier la durée des mandats des membres du congrès et des assemblées de province.

Le Conseil constitutionnel veille en particulier :

– à ce que les électeurs soient appelés à exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable ;

– au caractère exceptionnel et transitoire des modifications envisagées ;

– à l’existence d’un intérêt général.

En l’espèce, votre rapporteur considère que ces critères sont réunis.

S’agissant d’abord de la périodicité raisonnable, le Conseil d’État a rappelé le délai généralement admis par le Conseil constitutionnel, estimant qu’un report « pour une durée de l’ordre de douze à dix-huit mois ne se heurterait à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel ». La date limite du 15 décembre 2024 retenue par la loi organique représente un report de sept mois maximum, ce qui est bien en deçà de la référence fixée par le Conseil d’État.

Ce report présente bien, par ailleurs, un caractère exceptionnel et transitoire : depuis les accords de Nouméa, les élections au congrès et aux assemblées de province ont été régulièrement organisées en mai 1999, 2004, 2009, 2014 et 2019.

Enfin, en ce qui concerne l’existence d’un intérêt général, votre rapporteur souscrit à l’avis du Conseil d’État estimant que « le dépôt d’un projet de loi constitutionnelle […] ou, à défaut, la caractérisation d’un processus suffisamment engagé de négociation […] par la signature d’un nouvel accord se substituant à l’accord de Nouméa constituerait un but d’intérêt général suffisant, permettant au législateur organique de prolonger les mandats en cours des membres des assemblées de province et du congrès et de reporter leur élection. » ([27]).

Le Conseil constitutionnel et la modification de la durée des mandats

Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé à plusieurs reprises sur des dispositions prolongeant ou abrégeant des mandats. Il exerce, dans ce contexte, un contrôle restreint, rappelant, selon une formule constante, qu’il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu’il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s’est assigné le législateur pouvait être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif » ([28]).

Ont ainsi été considérées comme constituant un intérêt général suffisant pour abréger ou prolonger des mandats :

– le souci de prévenir les perturbations que le maintien du calendrier normal aurait apportées à l’organisation de l’élection présidentielle et de ne pas solliciter à l’excès, au cours de la même période, le corps électoral ([29]) ;

– le souci de mettre fin à l’instabilité du fonctionnement des institutions de la Polynésie française  ([30]) ;

– le respect des exigences de clarté et de loyauté de l’élection et le souci de permettre une forte participation du corps électoral  ([31]).

2.   Un objet limité

Le projet de loi organique s’est accompagné du dépôt d’un projet de loi constitutionnelle. En effet, le Gouvernement a choisi de lier explicitement ce report avec la réforme du corps électoral spécial ; il « propose de corriger les distorsions croissantes entre le corps électoral pour l’élection des représentants de ces assemblées et le corps électoral général qui résultent de l’écoulement du temps et des évolutions démographiques intervenues depuis plus de deux décennies » ([32]) .

Or ces dispositions, issues de l’accord de Nouméa, doivent prendre la forme d’une révision constitutionnelle.

Tel est le sens de l’avis rendu par le Conseil d’État le 7 décembre 2023 : il a estimé « que l’organisation politique issue de la mise en œuvre de l’accord de Nouméa ne peut, sous réserve des dispositions organiques […] et à l’exception des cas dans lesquels les dispositions mêmes de la Constitution le permettent, être modifiée sans une révision de la Constitution » ([33]).

B.   un report validé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, non sans quelques dissensions

Consulté par le Haut-commissaire sur le présent projet de loi organique conformément à l’article 90 de la loi organique de 1999, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis favorable, avec 38 votes pour et 16 votes contre.

Source : Sénat. Données du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Les groupes non-indépendantistes (Calédonie Ensemble, Les Loyalistes et Rassemblement) ont émis un avis favorable, de même que le groupe Union nationale pour l’Indépendance et les élus non-inscrits de l’Éveil Océanien. Le groupe UC-FLKNS et Nationalistes s’est opposé au projet. 

Les groupes politiques au congrès

Les 54 membres du congrès se répartissent en 5 groupes :

Le groupe UC-FLNKS et Nationalistes : 14 membres

Le groupe Union nationale pour l’indépendance : 11 membres

Le groupe Calédonie Ensemble : 6 membres

Le groupe Rassemblement : 6 membres

Le groupe intergroupe Loyalistes : 12 membres

S’y ajoutent 5 non-inscrits, dont les élus de l’Éveil océanien.

Source : site du congrès de Nouvelle-Calédonie, au 19 janvier 2024.

● Les groupes non-indépendantistes évoquent en particulier l’intérêt qui s’attache à ce que les discussions actuellement engagées puissent se poursuivre et aboutir. Le groupe Les Loyalistes « estime que ce report est nécessaire pour apporter de la visibilité aux Calédoniens » ([34]), tandis que Calédonie Ensemble « appelle à la responsabilité des acteurs politiques locaux », « considère que le consensus recherché ne pourra être trouvé avant le mois de mai 2024 » et « se déclare par conséquent favorable au report de la date des élections ». Le groupe Rassemblement souhaite de même « accorder du temps aux acteurs locaux » et ajoute « que les prochaines élections provinciales ne peuvent se tenir sur la base du corps électoral gelé ». Ces positions ont été réitérées au cours des auditions avec votre rapporteur, la présidente du groupe Rassemblement Virginie Ruffenach évoquant également la situation économique locale, particulièrement dégradée et qui appelle à un nouvel élan que les élections pourront apporter.

● Les groupes indépendantistes ont une position plus hétérogène, mais se retrouvent sur la critique de certains motifs avancés par le Gouvernement pour justifier son report.

L’UNI n’a pas manqué de relever « le caractère ambigu et décalé de l’exposé des motifs (…) qui met en évidence la position du Gouvernement central sur le dégel du corps électoral ». Insistant sur « la responsabilité des acteurs locaux … de maintenir le dialogue » ([35]), le groupe se déclare néanmoins « favorable au report des élections (…) pour donner une chance de réussir les discussions qui sont en cours » ([36]) . L’avis du congrès ne portant que sur le projet de loi organique, les représentants de l’UNI ont toutefois rappelé à votre rapporteur, au cours de leur audition, à quel point le dépôt du projet de loi constitutionnelle et la perspective prochaine de son examen était inopportune à leurs yeux dans un contexte de discussions locales inachevées.

Seul l’UC-FLNKS s’est déclaré défavorable au projet de loi, tout en faisant une nuance entre le report, qu’il comprend dans son principe, et les motifs avancés par le Gouvernement, à savoir la nécessité de revoir le corps électoral spécial. Ce groupe considère que « souscrire, dans ces conditions, à un report, des élections provinciales reviendrait à reconnaitre que le corps électoral spécial provincial, tel qu’il existe à ce jour, constitue une entorse à la démocratie » ([37]). Le projet de loi organique est « un passage en force » et « remet en cause le caractère irréversible des acquis du peuple kanak » ([38]).

Cette position s’inscrit dans le contexte de contestation de la validation de la troisième consultation par les indépendantistes. Aussi le FLNKS déplore-t-il une démarche de révision des listes électorales « pas urgente », dans un contexte où « les consultations sur l’accession à la pleine souveraineté ne se sont pas encore conclues » ([39]).

S’il voit la date butoir du 15 décembre 2024 comme « un moyen de pression sur les représentants politiques locaux qui risque de compromettre la poursuite des discussions » ([40]) , ce groupe rappelle son engagement « de participer aux initiatives calédoniennes de dialogue » ([41])  et « confirme l’objectif de tous de faire aboutir les discussions et les initiatives locales ».

● Enfin, l’Éveil océanien « estime que les discussions doivent se poursuivre et nécessitent davantage de temps », tout en formulant « une réserve sur la date butoir du 15 décembre 2024 » ([42]) .

A minima, les groupes politiques au congrès semblent se retrouver sur l’idée que la poursuite, nécessaire, des discussions, ne permettait pas d’organiser le scrutin au mois de mai 2024.

C.   Un report NÉCESSAIRE MAIS qui NE SERA PAS FORCÉMENT SUFFISANT  

Le report du scrutin au 15 décembre prochain au plus tard n’a rien d’évident. D’une part, il constitue un défi pour les autorités en charge de la révision des listes électorales, défi face auquel des renforcements d’effectifs devraient être prévus. D’autre part, ce report ne présume en rien de l’issue des discussions et pourrait même, si les circonstances l’exigent, ne pas être le dernier.  

1.   Un report nécessaire et dont les conséquences pratiques sont bien anticipées

  1.   Les opérations nécessaires au déroulement du scrutin

Il ressort des dispositions organiques et du calendrier transmis par le Haut-commissariat que si les élections se tenaient le 12 mai, le décret de convocation des électeurs devrait être pris le 14 avril au plus tard. Ce constat illustre le caractère urgent de l’adoption du présent projet de loi organique, afin d’éviter que le Gouvernement soit tenu de convoquer les électeurs à une élection qui ne pourra pas avoir lieu sur la base du même corps électoral pour les raisons évoquées supra.

En ce qui concerne la date butoir du 15 décembre, le Haut-commissariat a assuré à votre rapporteur qu’elle « permet de mettre en place les différentes procédures », un délai minimal de 110 jours étant nécessaire entre l’entrée en vigueur du report des élections et le scrutin.

D’une part, le délai normal d’organisation de l’élection, qui repose sur des dispositions législatives et réglementaires, est d’un mois. Il comprend notamment les opérations de déclarations de candidatures, de campagnes et de mise sous pli.

D’autre part, il faut procéder aux opérations de révision de la liste électorale spéciale (LESP), prévues pour une durée de deux mois. Cette durée inclut l’examen des demandes ou des dossiers (en cas d’inscription d’office), ainsi que les recours gracieux, les recours contentieux et leur prise en compte par les commissions administratives spéciales.

Enfin, la loi organique prévoit un délai de dix jours entre la clôture des listes et le scrutin.

Les commissions administratives spéciales

L’article 189 de la loi organique du 19 mars 1999 a créé dans chaque bureau de vote une commission administrative spéciale « chargée de l’établissement de la liste électorale spéciale et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin ».

Chaque commission se compose d’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation, qui la préside ; d’un délégué de l’administration désigné par le haut-commissaire ; du maire de la commune ou de son représentant ; de deux électeurs de la commune, désignés par le haut-commissaire, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; et d’une personnalité qualifiée indépendante, sans voix délibérative.

La commission inscrit sur la liste électorale spéciale, à leur demande, les électeurs remplissant les conditions. Elle procède en outre à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture des listes électorales et remplissant les mêmes conditions.

  1.   Le défi de la révision complémentaire de la liste électorale

La liste électorale fait l’objet d’une révision annuelle d’une durée de deux mois (mars et avril). Une révision complémentaire sera nécessaire : d’une part, pour tenir compte des jeunes ayant atteint leur majorité entre la clôture de la révision annuelle et la date du scrutin ; d’autre part, dans l’hypothèse de l’adoption du projet de loi constitutionnelle, en raison de la révision alors nécessaire des critères d’inscription sur cette liste.

Par dérogation aux dispositions de la loi organique du 19 mars 1999, le principe de l’inscription d’office devrait être retenu pour cette révision complémentaire. Le projet de loi constitutionnelle prévoit en effet, uniquement pour les prochaines élections ([43]), la prise par décret en Conseil d’État délibéré en Conseil des ministres, avant le 1er septembre 2024, de mesures concernant « la possibilité pour les électeurs remplissant les conditions mentionnées à l’article 77-1 de la Constitution d’être inscrits d’office sur la liste électorale et les modalités de cette inscription d’office ». Cette modalité d’inscription d’office n’empêcherait pas les électeurs de déposer une demande d’inscription de leur propre initiative.

Votre rapporteur souligne le défi administratif que constituerait la révision complémentaire de la liste tel qu’il est actuellement prévu par le projet de révision constitutionnelle : selon les chiffres communiqués par le Haut-commissariat, l’inscription pourrait concerner environ 25 000 personnes, réparties par moitié entre les personnes nées en Nouvelle-Calédonie et les personnes qui y résident depuis au moins dix ans, sans avoir pu remplir cette condition de résidence en 2008 au plus tard. Les commissions administratives spéciales (une par commune) devraient donc être particulièrement sollicitées. Ces opérations devraient aussi nécessiter la présence d’experts électoraux de l’Organisation des Nations unies, déjà déployés à l’occasion des trois consultations sur l’accession à la pleine souveraineté.

La répartition des nouveaux inscrits entre les différentes provinces, dont on peut anticiper qu’elle ne serait pas forcément égale, renforce le défi administratif qui serait ainsi posé.

Le Haut-commissariat n’a pas pu fournir à votre rapporteur de chiffres fiables sur cette répartition , mais une grande majorité d’électeurs remplissant la condition de résidence depuis 10 ans au moins sur le territoire sont présents en province Sud où vit 75 % de la population ([44]). En tout état de cause, un recensement des besoins est en cours pour procéder au renforcement nécessaire des effectifs de certaines commissions administratives spéciales, ou à leur dédoublement.

2.   En dépit de la date butoir fixée par le projet de loi organique, une date d’élections encore incertaine

Si la date du 15 décembre 2024 constitue une date butoir à l’heure actuelle, le Gouvernement a néanmoins indiqué qu’il « étudiera la possibilité de reporter le débat constitutionnel et organique » ([45]) en fonction de la proximité d’un accord politique global. Dans ce cas de figure, un report supplémentaire de la date des élections provinciales pourrait être nécessaire. 

Constatant qu’aucune nouvelle modalité de report n’est prévue dans le projet de loi organique, votre rapporteur observe qu’elle est aujourd’hui prévue à l’article 2 du projet de loi constitutionnelle.

En cas de conclusion d’un accord avant le 1er juillet 2024 ([46]), l’article 1er du projet de loi constitutionnelle, modifiant la composition du corps électoral, n’entrerait pas en vigueur, ou le cas échéant deviendrait caduc. Dans cette hypothèse, les élections devraient être reportées dans l’attente de l’adoption des dispositions relatives à la définition du nouveau corps électoral.

Cette hypothèse est prévue par l’alinéa 2 de l’article 2, qui prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’État délibéré en Conseil des ministres.

Par ailleurs, si le projet de loi constitutionnelle ne pouvait pas être adopté par le Congrès en temps utile, l’adoption, avant le point de départ des délais nécessaires pour l’organisation des élections au 15 décembre 2024, d’un nouveau projet de loi organique pour reporter celles-ci pourrait alors être nécessaire.

Article 2 du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

« L’article 1er entre en vigueur le 1er juillet 2024. Toutefois, il n’entre pas en vigueur ou, le cas échéant, devient caduc si le Conseil constitutionnel saisi à cette fin par le Premier ministre constate qu’un accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, a été conclu avant le 1er juillet 2024 entre les partenaires de cet accord. Le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de huit jours à compter de sa saisine.

En cas de conclusion de l’accord mentionné au premier alinéa avant les élections nécessaires au premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle, un décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres peut reporter ces élections au plus tard jusqu’au 30 novembre 2025. Le terme des mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province est alors reporté jusqu’à la première réunion des assemblées nouvellement élues. »

 

*

*     *

En conclusion, votre rapporteur réitère sa conviction que, comme en 1988 (accords de Matignon-Oudinot) et en 1998 (accord de Nouméa), seule la recherche du consensus, qui se traduira par un accord tripartite, permettra de définir le futur cadre institutionnel nécessaire à la sortie de l’accord de Nouméa.

La résolution durable de l’équation institutionnelle, source d’incertitudes majeures pour les acteurs économiques, est aussi souhaitable pour l’avenir économique du territoire calédonien. La situation des usines de production de nickel et la situation budgétaire du territoire s’inscrivent dans le même cadre avec l’implication de l’ensemble des acteurs politiques calédoniens et du Gouvernement pour la signature d’un « pacte nickel », prévue à la fin du mois de mars.

Le nouvel accord politique, qui sera traduit dans la Constitution comme l’a été l’accord de Nouméa, impliquera nécessairement une modification du corps électoral et permettra la tenue des prochaines élections sur une base électorale renouvelée, acceptée par tous. Ce projet de loi organique, parce qu’il donne le temps nécessaire à la formation du consensus, apparaît donc nécessaire, quelles que puissent être les divergences de fond sur le statut futur de la Nouvelle-Calédonie.


Commentaire des articles

Adopté par la Commission sans modification

  1.   Le droit existant

L’article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que « Les élections aux assemblées de province ont lieu dans le mois qui précède l’expiration du mandat des membres sortants. »

Les dernières élections provinciales ayant eu lieu le 12 mai 2019, il est actuellement prévu que le mandat des élus en 2019 arrive à terme en mai 2024.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la loi organique prévoit que ces prochaines élections ont lieu au plus tard le 15 décembre 2024. Il prolonge en conséquence de sept mois les mandats en cours, qui « prennent fin le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues. »

  1.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

*

*     *

Adopté par la Commission sans modification

  1.   Le droit existant

Conformément à l’article 6-1 de la loi organique du 19 mars 1999, les lois entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française.

Le projet de loi organique tel que déposé par le Gouvernement étant muet sur ce point, la loi organique serait entrée en vigueur le dixième jour après sa publication.

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Par un amendement portant article additionnel adopté par la commission des Lois à l’initiative de son rapporteur M. Philippe Bas, le Sénat a prévu l’entrée en vigueur de la loi organique dès le lendemain de sa publication au Journal officiel (article 2).

Il s’agit de s’assurer que le report des élections entrera en vigueur dans les meilleurs délais, et surtout préalablement à la date à laquelle le Gouvernement est tenu de prendre le décret de convocation de celles-ci.

Aux termes de l’article 187 de la loi organique, la publication du décret de convocation doit intervenir quatre semaines au moins avant la date du scrutin, soit selon le calendrier résultant des dispositions en vigueur, au plus tard le 14 avril 2024. En effet, le scrutin lui-même doit se dérouler dans le mois précédant l’expiration du mandat des membres sortants, en l’espèce le 12 mai 2024.

L’article 2 permet donc de raccourcir les délais d’entrée en vigueur de la loi organique sur le territoire calédonien, ce qui doit permettre de tenir compte du fait que cette dernière doit encore être votée, jugée par le Conseil constitutionnel, promulguée et publiée au Journal officiel avant le 14 avril.

  1.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.


   compte rendu des débats

Lors de la réunion du mardi 12 mars 2024, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, et examine le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (n° 2242) (M. Philippe Dunoyer, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/OanNPF

M. le président Sacha Houlié. Après le vote de la troisième consultation prévue par l’accord de Nouméa, ce dernier a fini de produire ses effets et il convient de mettre en place une nouvelle architecture institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Tel est l’objet des négociations en cours entre les parties prenantes et de la révision constitutionnelle qui doit être adoptée avant le 1er juillet 2024. Dans ce contexte, les élections provinciales prévues en mai prochain ne pourront avoir lieu à la date prévue. D’où la nécessité du présent projet de loi organique.

Ce projet de loi qui nous arrive du Sénat, faut-il ou non le voter conforme ? Pourquoi ? Quelles sont ses imbrications avec le projet de loi constitutionnelle dont le Sénat est saisi, mais dont l’avenir est suspendu à un éventuel accord entre les différentes parties prenantes en Nouvelle-Calédonie ? Ces enjeux qui vont nous occuper ce soir ont déjà été déflorés par la commission des lois, mais aussi par le groupe de contact de l’Assemblée nationale, voulu et réuni par sa présidente.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Les deux textes – un projet de loi organique et un projet de loi constitutionnelle – qu’a déposés le Gouvernement sont aussi courts qu’importants. Depuis l’accord de Nouméa, qui a été constitutionnalisé, la plupart des sujets institutionnels calédoniens relèvent non pas de la loi ordinaire, mais de la Constitution et exceptionnellement de la loi organique. C’est le cas du présent texte, qui porte sur la date des élections provinciales. Les provinces, en Nouvelle-Calédonie, sont un peu l’équivalent des régions hexagonales, avec beaucoup plus de pouvoirs. Cet archipel magnifique compte moins de 300 000 habitants, mais cinq institutions : trois provinces, un congrès qui est une forme de parlement de la Nouvelle-Calédonie, et un gouvernement.

Pourquoi faut-il reporter la date des élections provinciales qui devaient normalement se dérouler en mai 2024 ? Les trois référendums d’autodétermination, organisés par le Président de la République au cours de son dernier quinquennat et imaginés bien avant, ont exprimé un « non » à l’indépendance. Dans un tel cas, l’accord de Nouméa prévoyait expressis verbis que les parties se réuniraient pour examiner la situation ainsi créée. Dominique de Villepin, celui de mes prédécesseurs qui avait soutenu la loi gelant le corps électoral, avait d’ailleurs indiqué que les élections provinciales ne pourraient se tenir que deux fois dans ces conditions, c’est-à-dire sans admettre de nouveaux entrants. Pour les élections de 2024, le corps électoral devait donc être dégelé, quel que soit le résultat des référendums.

En Nouvelle-Calédonie, il y a trois listes électorales : la liste nationale est constituée des personnes qui peuvent élire les députés et le Président de la République, comme dans l’Hexagone ou dans les territoires ultramarins ; la liste référendaire, restreinte, est constituée des électeurs qui ont pu se prononcer lors des référendums d’autodétermination organisés dans le cadre de l’accord de Nouméa ; la liste provinciale est constituée de ceux qui peuvent choisir leurs représentants dans les provinces. Pourquoi est-il important de choisir ses représentants dans les provinces ? Outre le poids économique et environnemental qu’elles représentent, les provinces désignent aussi des représentants au congrès, où se décident la formation du gouvernement et le déclenchement d’un éventuel référendum d’autodétermination.

Ces élections apparemment locales ont donc des répercussions nationales. Or, le corps électoral des élections provinciales est gelé depuis la décision du président Jacques Chirac. Ceux qui sont arrivés ou nés en Nouvelle-Calédonie après une certaine date ne peuvent pas voter lors de ces élections. C’est le cas de 25 % des électeurs inscrits sur la liste nationale : ils peuvent voter pour élire le Président de la République, mais pas pour élire les représentants de leur province. Une telle situation ne peut pas perdurer dans une démocratie digne de ce nom, mais la question éminemment politique du dégel du corps électoral fait débat entre les indépendantistes et les non-indépendantistes, dits loyalistes.

Depuis trois ans que je m’occupe de ce dossier, nous avons toujours dit que nous souhaitions un accord politique global. Il doit porter sur les modalités de l’autodétermination, maintenant que les trois référendums de l’accord de Nouméa se sont soldés par un « non » à l’indépendance. Il faudrait aussi simplifier les institutions calédoniennes pour plus d’efficacité : s’agissant du nickel, on se perd un peu dans les processus de décision ; très touché par le réchauffement climatique, ce territoire a trois codes de l’environnement différents – un par province –, ce qui est peut-être un peu trop pour 300 000 habitants. Se pose aussi la question de la citoyenneté calédonienne, qui n’est actuellement définie que par rapport au vote.

Nous discutons depuis longtemps de ces sujets avec les indépendantistes et les non-indépendantistes. Malgré ce temps de réflexion, qu’on pourrait qualifier d’océanien, il va falloir être à l’heure pour les élections provinciales. Le Gouvernement s’est retrouvé dans une situation ubuesque : soit nous convoquions les élections provinciales sur la base d’une liste électorale bloquée, au risque de voir ces élections attaquées et sans doute annulées – nous verrons l’analyse du Conseil d’État, mais j’ai lu l’excellent rapport de M. le rapporteur ; soit nous dégelions le corps électoral, ce qui nécessite, sinon un accord, au moins des discussions, tant le sujet provoque l’émoi en Nouvelle-Calédonie puisqu’il est consubstantiel à l’avenir du territoire.

Voilà pourquoi le Gouvernement propose de reporter les élections provinciales jusqu’en décembre 2024, le temps de trouver un accord. Toutefois, le Conseil d’État indique qu’il est possible de reporter une nouvelle fois ces élections par décret jusqu’en novembre 2025, si un accord se dessinait. En vous exprimant sur cette loi organique, vous vous prononcez donc sur la date des élections, sachant que celles-ci vont de pair avec une discussion institutionnelle locale visant à un accord entre deux parties qui ont interrompu leurs discussions. Espérons que le dialogue pourra reprendre après le 23 mars, date du congrès du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).

Comme je l’ai indiqué devant le Sénat, si les parties reprennent sérieusement leurs discussions, le Gouvernement proposera la suspension du débat constitutionnel pour qu’un accord puisse prévaloir. S’il n’y a pas d’accord, nous proposerons le projet de loi constitutionnelle – en Nouvelle-Calédonie, le corps électoral provincial est constitutionnalisé par l’accord de Nouméa –, afin de modifier les dispositions concernant la liste électorale. Les loyalistes ont d’abord demandé que l’inscription ne soit pas conditionnée à une présence minimale sur le territoire calédonien, puis que la présence minimale soit de trois ans. Les partis indépendantistes demandaient une présence minimale de vingt ou dix ans. Après avoir proposé une durée de sept ans, je me suis rangé à la proposition de dix ans. Cette durée avait été envisagée au départ, aux termes d’un accord conclu entre les partis indépendantistes et non indépendantistes, avant que le président Chirac change d’avis.

Il est extraordinaire de devoir attendre dix ans après son arrivée sur un territoire pour pouvoir voter lors d’élections locales. En proposant cette durée, le Gouvernement n’est pas tout à fait aligné sur la demande des non-indépendantistes, c’est le moins que l’on puisse dire. En outre, il crée des dispositions d’accès au vote local qui sont très différentes de celles qui prévalent, non seulement sur le territoire national, mais aussi dans toutes les démocraties. Pour ma part, je ne connais pas d’autre exemple où les personnes ayant la nationalité d’un territoire ne peuvent pas voter à des élections locales avant dix ans.

Pour résumer, ce projet de loi organique permet de se donner du temps, en reportant les élections dans l’attente d’une discussion. Malgré tout, si les discussions ne reprennent pas ou n’aboutissent pas, il faudra bien que les élections provinciales se tiennent un jour. Nous poursuivrons alors le débat constitutionnel pour dégeler le corps électoral et fixer à dix ans la durée de présence minimale sur le territoire pour être inscrit sur la liste électorale provinciale. Ce débat constitutionnel pourra être interrompu à tout moment jusqu’à la convocation du Congrès à Versailles, en cas d’accord entre les parties.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur. Le présent projet de loi organique a pour objet le report des prochaines élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie. Ces élections permettent de désigner, au scrutin de liste, les soixante-seize membres des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, et, par là même, les cinquante-quatre membres du Congrès qui en émanent directement. Précisons que le Congrès élit, à la proportionnelle, les membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dispose du pouvoir d’adopter, dans ses domaines de compétences, des « lois du pays » à caractère législatif. Ces institutions sont au cœur de la vie politique calédonienne.

En l’état du droit, ces élections devraient se tenir le 12 mai prochain, au plus tard. Le projet de loi permet leur report jusqu’au 15 décembre 2024. Il prolonge en conséquence les mandats en cours, dont la durée est normalement de cinq ans. Ce report est guidé par deux considérations : d’une part, la nécessité de réformer le corps électoral provincial, issu de l’accord de Nouméa et actuellement en vigueur pour ces élections ; d’autre part, la nécessité de donner davantage de temps à l’émergence d’un nouvel accord consensuel sur le futur cadre institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Un bref retour en arrière est ici nécessaire pour comprendre la situation actuelle de ce territoire et l’intérêt du projet de loi.

Le statut actuel de la Nouvelle-Calédonie est issu de l’accord de Nouméa, conclu en 1998 et transposé dans la Constitution et la loi organique du 19 mars 1999. Aux termes du point 5 de son préambule, l’accord de Nouméa « définit pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation ». C’est dans ce cadre que trois consultations sur l’accession à la pleine souveraineté ont été organisées, entre 2018 et 2021. Le « non » l’a emporté à chaque fois, avec un dernier scrutin marqué par le boycott des électeurs indépendantistes.

C’est aussi l’accord de Nouméa qui a mis en place un corps électoral spécial pour les élections des membres du Congrès et des assemblées de province, distinct et plus restrictif que le corps électoral général, de droit commun. Depuis une révision constitutionnelle intervenue en 2007, le caractère restreint de cette liste a été encore renforcé par le gel du corps électoral provincial constitué à la date du 8 novembre 1998. Ce gel constitue une dérogation aux principes d’égalité et d’universalité du suffrage, qui n’a été validée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) que compte tenu de son caractère transitoire, encadré par l’accord de Nouméa.

Or, comme le constatait le Conseil d’État dans son avis du 7 décembre 2023, les circonstances de droit et de fait, qui justifiaient la composition d’un corps électoral spécial provincial, ont évolué. D’une part, depuis l’organisation de la troisième consultation, le processus initié par l’accord de Nouméa est achevé et sa mise en œuvre peut être regardée comme complète, tout en rappelant que l’organisation politique mise en place à la suite de l’accord reste en vigueur. D’autre part, l’ampleur de la dérogation aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage tend à s’accroître avec le temps : en 1999, environ 7 % des électeurs étaient exclus de la liste électorale spéciale ; en 2023, ils sont près de 20 %. Parmi eux, 30 % sont nés en Nouvelle-Calédonie, la majorité étant constituée de personnes installées durablement sur le territoire, pour les plus anciennes depuis vingt-cinq ans. Cette évolution a conduit le Conseil d’État à préciser que l’intervention du législateur sera nécessaire afin « de corriger le caractère excessif résultant de l’écoulement du temps ».

Le premier motif du report des élections est donc la révision des critères d’inscription sur la liste électorale spéciale provinciale. En effet, en termes de calendrier, il n’est pas possible d’organiser les élections sur la base d’un nouveau corps électoral sans prévoir leur report. Le Gouvernement a donc déposé, en plus du présent projet de loi organique, un projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Si nous n’examinons aujourd’hui que le projet de loi organique, les deux textes sont étroitement liés.

Deuxième motif du report des élections : ce projet de loi organique est aussi au service de la recherche d’un consensus au niveau local, entre les partenaires de l’accord, c’est-à-dire les formations politiques indépendantistes et non indépendantistes. Le Gouvernement n’entend pas se substituer aux acteurs locaux pour imposer de nouvelles dispositions quant au statut futur du territoire calédonien : la conclusion d’un accord consensuel entre les partenaires politiques de l’accord de Nouméa constitue une priorité. Après la troisième consultation, le dialogue a repris entre les partenaires locaux, conformément à l’accord de Nouméa qui précisait, en cas de nouvelle réponse négative à la troisième consultation d’autodétermination : « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».

Monsieur le ministre, vous vous êtes déplacé à six reprises dans ce magnifique territoire. Depuis la visite du président Emmanuel Macron à Nouméa en juillet dernier, suivie de la présentation en septembre d’un « document martyr » destiné à servir de base de discussion, de nombreuses réunions et de nombreux échanges ont eu lieu, sous votre égide, mais aussi à l’initiative des seuls acteurs locaux. Pour l’instant, les discussions n’ont pas permis de parvenir à un accord – peut-être est-ce dû à notre conception élastique du temps. Un accord reste cependant l’objectif revendiqué par l’ensemble des acteurs locaux, indépendantistes et non indépendantistes, comme par le Gouvernement.

À cet égard, l’intérêt du projet de loi organique est reconnu par la plupart des acteurs politiques locaux, qui lui ont donné un avis majoritairement favorable par trente-huit voix sur cinquante-quatre lors de la séance du congrès de la Nouvelle-Calédonie du 17 janvier dernier. À défaut d’unanimité, ce vote révèle que la nécessité du report a été reconnue par des groupes représentant les deux tendances politiques, indépendantistes et non indépendantistes. Seul l’un des deux groupes politiques indépendantistes, l’Union calédonienne-FLNKS (UC-FLNKS), a exprimé un avis défavorable, tout en précisant, dans l’opinion jointe à l’avis, « ne pas être opposé sur le principe à un report des élections ». Leur désaccord porte sur la nécessité de procéder à la révision de la liste électorale spéciale plus que sur le report. Les groupes politiques au Congrès se retrouvent donc au moins sur l’idée que la poursuite des discussions ne permet pas d’organiser le scrutin au mois de mai 2024.

Les enjeux du projet de loi étant présentés, j’en viens maintenant aux conséquences d’un éventuel report et aux interrogations pratiques à son sujet.

En premier lieu, une entrée en vigueur rapide est nécessaire. Il ressort en effet de la loi organique statutaire que le décret de convocation des électeurs doit être pris au plus tard le 14 avril 2024 ; il faut donc que le projet de loi organique entre en vigueur avant cette date. Comme le président, j’insiste sur un point : en cas d’adoption d’un texte non conforme, son parcours parlementaire s’en trouverait allongé, faisant courir un risque très élevé concernant les délais de convocation.

Ensuite, j’en viens à la date butoir prévue dans le texte : le 15 décembre 2024. C’est une date relativement proche, tout en étant suffisante pour permettre la réalisation des diverses opérations préalables au scrutin. Une révision complémentaire de la liste électorale sera ainsi nécessaire afin d’inscrire les personnes nées en Nouvelle-Calédonie qui n’ont pas encore le droit de vote, soit environ 12 500 personnes, ou les personnes durablement installées répondant à la condition de résidence portée à dix ans, soit 12 500 personnes également. Il faudra donc assurer l’inscription d’environ 25 000 personnes sur les listes électorales. Les services de l’État anticipent pleinement cette étape et prévoient des renforcements d’effectifs dans les communes les plus concernées par la hausse du nombre d’inscrits.

Cette date reste malgré tout incertaine : en fonction de la proximité d’un accord politique global, un report supplémentaire de la date des élections provinciales pourrait être nécessaire. Une telle modalité est prévue dans l’article 2 du projet de loi constitutionnelle. Si ce dernier n’était pas adopté par le Congrès en temps utile, un nouveau projet de loi organique devrait être adopté avant le point de départ des délais nécessaires pour l’organisation des élections provinciales, afin de les reporter. Dans son avis du 7 décembre dernier, le Conseil d’État a indiqué qu’un report « pour une durée de l’ordre de douze à dix-huit mois ne se heurterait à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel ».

Pour conclure, je tiens à remercier l’ensemble des personnes auditionnées dans le cadre de mes travaux : les présidents des groupes politiques au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, les présidents des assemblées de la province des îles Loyauté et de la province Sud, les parlementaires et le haut-commissariat. Et je vous invite à adopter ce projet de loi organique, qui donne le temps nécessaire à la formation du consensus autour d’un nouvel accord tripartite constituant le futur cadre institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie, et le temps nécessaire à la modification constitutionnelle du corps électoral provincial.

M. le président Sacha Houlié. Pour que vous puissiez aller voter en séance publique, je vous propose de suspendre nos travaux.

 

La séance, suspendue à 21 heures 55, est reprise à 22 heures 25.

 

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Nicolas Metzdorf (RE). Tout d’abord, au nom du groupe Renaissance, je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir tenu parole en présentant ces deux textes. Le Président de la République et le ministre de l’intérieur et des outre-mer avaient en effet annoncé aux Calédoniens que, avec ou sans accord, l’État respecterait leur choix de rester dans la République française et ouvrirait le corps électoral, conformément à l’accord de Nouméa.

Tel qu’il a été gelé, le corps électoral ne correspond pas aux références démocratiques de la République, puisqu’une personne arrivée en Nouvelle-Calédonie après novembre 1998 ne peut pas voter. Même si elles se sont investies dans la vie économique, culturelle, associative et sociale du territoire, les personnes qui sont arrivées en 1999 ou en 2000 n’ont pas le droit de voter. Et si ces mêmes personnes ont eu des enfants qui n’ont jamais quitté le Caillou, ceux-ci n’ont pas le droit de vote non plus.

Il est nécessaire de corriger cette dérive antidémocratique, avec ou sans cet accord politique auquel il est souvent fait référence quand il est question du dégel du corps électoral. En tant que députés de la nation, nous sommes les garants de la démocratie. Dans ce temple de la démocratie, nous n’avons pas besoin d’un accord politique pour dire que des personnes, présentes sur un territoire de la République depuis au moins vingt-cinq ans ou qui y sont nées, ont le droit de voter pour les institutions qui doivent les représenter. Il faut totalement dissocier la question du dégel du corps électoral – exigence démocratique de la République française – de la nécessité de trouver un accord plus global pour refonder les institutions de la Nouvelle-Calédonie, conformément à ce qui est prévu par l’accord de Nouméa. C’est le service minimum que nous pouvons offrir aux Calédoniens après les trois référendums successifs.

Le dégel proposé ne consiste d’ailleurs pas en une ouverture totale du corps électoral et ne correspond pas à la demande des non-indépendantistes. Considérant que la Nouvelle-Calédonie est française, les non-indépendantistes estiment que le corps électoral doit être conforme à ce qu’il est sur l’ensemble du territoire de la République française. Le ministre propose que l’on en revienne aux équilibres évoqués en 1998, à savoir une présence de dix ans sur le territoire pour pouvoir voter. Ce délai reste excessif : il est excessivement long de devoir attendre dix ans pour pouvoir voter aux élections locales dans un pays où l’on participe à la vie économique, sociale et culturelle, où l’on paie ses impôts qui font fonctionner les institutions et les politiques publiques. Nous le regrettons, tout en notant que le Gouvernement essaie de trouver un équilibre entre les revendications des indépendantistes et celles des non-indépendantistes. Nous évoluons vers le juste milieu qui avait été trouvé en 1998 lors de la signature de l’accord de Nouméa.

Le report des élections est nécessaire pour dégeler le corps électoral, conformément aux résultats des trois référendums. Il est aussi nécessaire pour trouver un accord politique, comme l’a rappelé le rapporteur, mais ce n’est pas l’objectif initial de ce projet de loi organique. En cas de vote conforme des deux chambres sur le projet de loi organique et sur le projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement pourra-t-il organiser les élections en 2024 ?

M. Yoann Gillet (RN). La Nouvelle-Calédonie est un territoire français qui rayonne. Elle est pleine de richesses, de cultures, de traditions et de paysages d’une beauté qui en font l’un des joyaux de notre pays. Elle possède des ressources rares et nombreuses qui font d’elle une terre d’enjeux centraux. Sa position stratégique au sein du Pacifique en fait un territoire particulièrement important pour notre pays. Nos compatriotes calédoniens sont « un morceau de la France », comme l’a déclaré le général de Gaulle à Nouméa en 1966.

Le texte en débat vise à reporter les prochaines élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie et à prolonger ainsi les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province, élus le 12 mai 2019. De nombreux Calédoniens se trouvent privés du droit de suffrage aux élections provinciales, alors même que le congrès et les assemblées des provinces adoptent les lois du territoire ou les délibérations qui régissent leur vie quotidienne. Le projet de loi constitutionnelle, envisagé pour remédier à la situation, devra être gagnant-gagnant ; dans leur diversité, les Calédoniens devront s’y sentir concernés et considérés.

Au Rassemblement national, nous accordons la plus grande importance à un avenir stable, tourné vers le développement et le rayonnement de la Nouvelle-Calédonie, et donc de la France dans le Pacifique. À cet égard, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas été capable de faire une proposition statutaire servant de base à des négociations tripartites entre l’État, les loyalistes et les indépendantistes. Nous souhaitons que cette lacune soit comblée dans le respect des Calédoniens de toutes origines – européenne, mélanésienne ou wallisienne –, afin que ce territoire français connaisse l’apaisement qu’il mérite.

Les Français savent bien qu’Emmanuel Macron a déjà fait le choix de ne pas assumer la mission qui lui a été confiée en tant que Président de la République, se désintéressant du destin de la Nouvelle-Calédonie comme de celui des outre-mer en général. Nos compatriotes calédoniens savent aussi que le Gouvernement et le Président de la République finiront par être remplacés, le moment venu, par des responsables politiques décidés à reconnaître à tous nos territoires d’outre-mer, notamment à la Nouvelle-Calédonie, la place et l’importance qu’ils méritent au sein de la France.

Ils connaissent d’ailleurs très bien l’attachement viscéral de Marine Le Pen à la Nouvelle-Calédonie. Premier groupe d’opposition et porteur de l’avenir de notre pays, le Rassemblement national entend bien participer à la construction d’une Nouvelle-Calédonie apaisée, rassemblée et pacifiée, dans la perspective d’un développement à court, moyen et long terme. C’est avec tous les Français de Nouvelle-Calédonie, de toutes origines et de toutes opinions, que Marine Le Pen entend construire un avenir stable sous les couleurs du drapeau tricolore. Le Rassemblement national restera vigilant pour protéger les intérêts de nos compatriotes. Dans cette optique, nous voterons pour le report des élections provinciales, sans que cette position préjuge de celle à venir sur la réforme constitutionnelle.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Nous en convenons tous, le projet de loi organique qui nous est soumis ce soir est inséparable du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, qui sera examiné dans quelques semaines.

Nous avons à choisir un chemin historique. La question est de savoir si nous allons continuer dans l’esprit de la voie tracée en 1988 par les accords de Matignon, puis par le référendum et l’accord de Nouméa. Dans une situation voisine de la guerre civile, les parties en présence avaient alors défini une méthode, les habitants de la Nouvelle-Calédonie devant rechercher le consensus, le temps long de la négociation. Cela peut paraître très long, mais ce fut un exemple pour le monde entier sur la manière de sortir un territoire d’une situation de quasi-guerre civile et de le pacifier. Il me semble que nous sommes tous d’accord sur ce point. Cette méthode a été forgée dans des circonstances exceptionnelles pour un territoire marqué par le fait colonial, reconnu dans l’accord de Matignon. Elle a permis de refonder la paix civile.

Le corps électoral ne peut certes pas rester indéfiniment le même, nous en convenons tous. Mais pourquoi l’État juge-t-il absolument nécessaire le report des élections, alors que le cœur du sujet est le troisième référendum, organisé dans des conditions qui n’étaient pas reconnues comme légitimes par l’ensemble des populations ? À notre avis, il faut donc donner encore du temps à la négociation, sans chercher à passer en force, ce qui ne ferait qu’accroître la polarisation des acteurs et ouvrir une porte vers l’inconnu. C’est dans cet esprit que nous voterons contre ce projet de loi organique.

M. Mansour Kamardine (LR). En ce qui nous concerne, nous allons dire les choses de la manière la plus simple : nous voterons pour ce texte, afin de donner à la Nouvelle-Calédonie une chance de se construire dans la paix et de se tourner vers son avenir. Cette paix et cet avenir devant se construire avec tous les Calédoniens, nous considérons que toutes les chances doivent être données pour que les deux composantes de ce beau territoire français puissent se parler et construire les choses ensemble.

Le projet de loi organique vise à proroger les mandats, à laisser du temps au temps, comme disait un ancien président, pour que les Calédoniens trouvent un accord. Étant de Mayotte, j’ai dû dire à de nombreuses reprises si je voulais ou non rester français. Il est plus facile de quitter le giron français que d’exprimer son amour et son désir de rester. Il me semble que les Calédoniens ont manifesté ce désir. Nous devons savoir leur parler et leur donner la chance de le dire très prochainement. Au nom du groupe LR, je souhaite que le Gouvernement puisse se mobiliser davantage pour trouver les voies et moyens de parvenir à un accord.

En cette occasion, chers collègues, je voudrais surtout vous faire une demande solennelle : ne transportons pas nos querelles en Nouvelle-Calédonie, territoire que nous aimons tous, car c’est probablement l’une des causes des crises du milieu des années 1980. La Nouvelle-Calédonie mérite mieux. Elle mérite le consensus, que la représentation nationale s’exprime d’une même voix.

Mme Aude Luquet (Dem). Le report des élections en Nouvelle-Calédonie a pour but de garantir aux acteurs et responsables locaux le temps nécessaire pour trouver un chemin commun, maintenant que le processus de l’accord de Nouméa est achevé. Les trois consultations d’autodétermination successives ont vu le « non » l’emporter à chaque fois, ouvrant une nouvelle page de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie.

Échangeant régulièrement avec des membres de ma famille qui sont installés en Nouvelle-Calédonie, je connais les difficultés, les tensions et les divisions qui persistent au sein du peuple calédonien. Je sais également votre engagement, monsieur le ministre, en faveur d’un dialogue constant avec les acteurs locaux – vos nombreux déplacements sur place l’ont montré. Pourtant, un certain nombre de Calédoniens ressentent avec frustration que les résultats de la large écoute menée auprès d’eux n’ont pas été suffisamment pris en compte. Est-ce la réalité, selon vous ?

Trois enjeux sont intimement liés : le premier est le report de la date des élections, objet du présent texte ; le deuxième est le dégel du corps électoral provincial dont déciderait un futur projet de loi constitutionnelle ; le troisième – incertain – est la refonte plus profonde de l’organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, sur la base d’un compromis trouvé entre les responsables et acteurs locaux. S’agissant du report des élections, le groupe Démocrate soutiendra un vote conforme du texte issu des travaux du Sénat. Sur la question de fond, du simple dégel du corps électoral ou de la refonte plus profonde des institutions, nous faisons confiance aux acteurs locaux pour trouver enfin une organisation qui offre une véritable stabilité aux Calédoniens.

Face aux incertitudes institutionnelles, la Nouvelle-Calédonie a malheureusement vu une fraction de sa population quitter le territoire, avec pour conséquence une baisse significative de la consommation. Sont venues s’y ajouter la forte inflation liée à la guerre en Ukraine et l’augmentation constante des coûts du fret, due aux tensions en mer Rouge. Dans une économie déjà atone et fragilisée, la chute récente des cours mondiaux du nickel a eu aussi de lourdes répercussions, avec la mise en sommeil de l’usine métallurgique Koniambo Nickel (KNS) située en province Nord, l’abandon programmé de l’usine de la Société Le Nickel (SLN) à Nouméa par sa maison mère, Eramet, et la mise sous tutelle de l’État de l’usine du Sud, Prony Ressources. Les effets négatifs se ressentent dans tous les secteurs d’activité de l’île, rendant celle-ci de plus en plus dépendante des subsides de l’État.

Il est temps pour la Nouvelle-Calédonie d’accéder à une stabilité institutionnelle qui lui permette d’aller de l’avant et de sortir de la crise économique. Les attentes des Calédoniens sont fortes en matière de pouvoir d’achat, d’éducation, d’emploi et de santé. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour accompagner les Calédoniens, afin que les élections aient bien lieu en décembre 2024 et que leur vie ne soit pas entravée par des discussions, alors que les élus ont eu des années pour échanger, débattre et parvenir à un accord.

M. Arthur Delaporte (SOC). Au cours de 170 années mouvementées de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, la France s’est souvent comportée de manière brutale. Les hommes et les femmes kanak ont vécu l’injustice et les violences de la colonisation, notamment la spoliation foncière. Ces conflits coloniaux sont également à la source de ceux des années 1980, qui ne résultent pas seulement des luttes politiques de la France d’alors. Il a fallu les accords de Matignon et de Nouméa, à l’initiative des premiers ministres socialistes Michel Rocard et Lionel Jospin, ainsi qu’un processus continu de dialogue entretenu par les gouvernements successifs pour que puissent se tenir les récents référendums et s’ouvrir un chantier institutionnel, encore largement en cours.

Par dérogation au principe d’universalité du suffrage, consacré à l’article 3 de la Constitution, le régime électoral de la Nouvelle-Calédonie a conduit à exclure du scrutin de plus en plus d’électeurs potentiels de ce territoire – un peu moins de 8 % en 1999, un peu moins de 20 % en 2023. Selon l’étude d’impact du projet de loi organique, sont exclues du vote des personnes qui sont nées en Nouvelle-Calédonie ou y résident depuis vingt-cinq ans. Cela n’est pas tenable : la composition des listes électorales ne reflète plus la réalité et le principe d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Il était donc impossible que des élections se tiennent sereinement en mai, car elles auraient exclu de trop nombreux Calédoniens. Nous approuvons donc le principe d’un décalage de ces élections.

Néanmoins, nous ne souhaitons pas que le Gouvernement procède à marche forcée et s’entête, alors que les partis demandent plus de temps pour organiser ces élections et trouver une position plus consensuelle, qui serait un préalable pour assurer la stabilité institutionnelle à moyen terme.

Nous regrettons que le président Houlié ait déclaré irrecevable un amendement des sénateurs socialistes, que le Sénat avait examiné : il visait à insérer un article disposant notamment que « l’État prend toute sa part à la création des conditions indispensables à l’émergence, par le dialogue et la reconnaissance mutuelle, d’une solution politique équilibrée, consensuelle et durable, quant à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. » Cet amendement, certes déclaratoire, aurait été un signal envoyé par notre assemblée.

Il nous reste un amendement, qui tend à reporter les élections au-delà de la date proposée par le Gouvernement, pour éviter d’avoir à voter un texte de même nature dans quelques mois. Donnons du temps au temps pour éviter d’agir sous la pression des élections, dans un climat ni serein, ni apaisé, qui ne serait pas à la hauteur de ce que nous devons aux habitants de Nouvelle-Calédonie.

Lionel Jospin disait que les hommes et les femmes de ce territoire, lié à la France par une histoire déjà longue, tout particulièrement ceux qui ont eu le courage d’engager leur nom en signant l’accord de Nouméa, ont mis toute leur confiance dans les responsables de la République. Soyons collectivement à la hauteur de leur confiance et de leurs attentes.

M. le président Sacha Houlié. S’agissant du premier amendement que vous avez évoqué, je n’ai pas eu la même mansuétude que le président de la commission des lois du Sénat face à cette novation. L’amendement a été jugé irrecevable, non pas au titre de l’article 45 de la Constitution, mais en vertu de l’article 127 de notre règlement, selon lequel aucune disposition législative qui n’est pas organique ne peut figurer dans un projet de loi organique.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Le groupe Horizons et apparentés tient à rappeler son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à la nécessité de trouver un consensus pour son avenir institutionnel. Le projet de loi organique du Gouvernement propose une réponse proportionnée à une urgence pratique : les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie doivent se tenir en mai 2024, alors que les parties prenantes sont encore en négociation sur l’avenir institutionnel, en particulier sur la question aussi épineuse qu’essentielle du dégel du corps électoral.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre forte implication – six visites en Nouvelle-Calédonie en témoignent – et de votre ténacité dans le dialogue noué avec les différentes parties. Lors d’un déplacement, il y a quelques mois, j’ai pu mesurer combien ce dialogue est essentiel.

Le corps électoral est gelé depuis la réforme constitutionnelle du 23 février 2007, si bien qu’en 2022, environ 20 % des électeurs sont inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie, mais pas sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales. Le report de ces dernières au 15 décembre 2024 est essentiel pour donner aux négociations politiques locales une chance d’aboutir, tout en permettant l’adoption de la révision constitutionnelle nécessaire au dégel du corps électoral, dans l’hypothèse où ces négociations échoueraient.

Il faut être lucide, si les élections étaient convoquées sur le fondement de la liste actuelle, le décret de convocation des électeurs serait attaqué et les résultats seraient contestés. Or, tous les Calédoniens ont besoin que la démocratie se déploie dans un climat apaisé et consensuel. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie s’est d’ailleurs très largement prononcé en faveur de ce report.

S’agissant du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral en cours de discussion au Sénat, le groupe Horizons et apparentés espère que l’Assemblée nationale aura, plutôt qu’à l’examiner, à entériner l’accord trouvé entre toutes les parties prenantes. Les évolutions démographiques sur l’île sont telles que la part des personnes exclues de la liste est passée, depuis les accords de Nouméa, de 7,46 % à 19,28 % des électeurs, soit près d’un cinquième d’entre eux.

Dans son avis du 7 décembre 2023 relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie, le Conseil d’État a rappelé la nécessité de revenir à un corps électoral provincial glissant, les dispositions actuelles dérogeant « de manière particulièrement significative » aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage, règles qu’il convient de modifier « afin d’en corriger le caractère excessif résultant de l’écoulement du temps ».

Nous voterons donc en faveur du projet de loi organique et appelons de nos vœux la construction d’un accord respectueux de chacun et des principes cardinaux de notre République : la liberté, l’égalité et la fraternité.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Votre rapport à la Nouvelle-Calédonie, c’est le serpent qui se mord la queue : vous imposez des réformes, pour vous plaindre ensuite de la contestation et enfin commencer à négocier. Ce projet de loi organique est le reflet de ce mode de fonctionnement.

Quand il existe une volonté de négociation, on n’écrit pas une réforme à marche forcée, on ne choisit pas ses interlocuteurs, ni ses ultimatums ; on écoute l’ensemble des acteurs, des forces politiques, des représentants. La Nouvelle-Calédonie a la particularité d’être pleinement dans notre République, tout en ayant un statut à part au sein de notre nation. Une réforme du corps électoral dans ce territoire doit donc passer par un accord entre toutes les parties concernées.

Votre logique emprunte pourtant le chemin inverse. D’abord, vous faites voter un projet de loi organique visant à reporter au 15 décembre 2024 les élections du Congrès et des assemblées de province, prévues en mai. Entre-temps, vous faites étudier un autre projet de loi constitutionnelle visant à modifier unilatéralement le corps électoral de ces élections provinciales. Les dispositions unilatérales figurant dans le projet de loi constitutionnelle sont donc mises en concurrence avec un accord entre les acteurs, que le Gouvernement présente comme une piste privilégiée. Dans ce jeu de dupes, le Parlement devrait se contenter de voter les yeux fermés une loi qui court-circuite les négociations et qui, sous couvert d’un report bienveillant, n’est qu’un glaive brandi au-dessus des indépendantistes, comptant le nombre de jours avant que leur destin soit scellé.

La France doit apprendre de ses erreurs. L’organisation du troisième référendum de 2021 dans le cadre de l’accord de Nouméa a été un échec retentissant. En pleine période de covid, alors que les Kanaks pleuraient leurs morts, vous avez décidé de maintenir cette consultation cruciale concernant l’autodétermination du peuple de Nouvelle-Calédonie. Avec une participation historiquement basse, le troisième référendum est venu clôturer un processus sans perspective ni solution politique. La solution législative à Paris ne semble pas être la plus pertinente pour ce territoire où, en ce moment même, les discussions se scellent sous le droit fondamental accordé à tout peuple : l’autodétermination.

Aucune urgence démocratique ne justifiait le report de ces élections. Les négociations peuvent, et doivent, se poursuivre dans un cadre serein, sans brandir la menace d’un dégel du corps électoral provincial par une proposition de loi constitutionnelle, sortie des grands salons parisiens. Le temps raisonnable de la médiation, du dialogue et de la négociation doit être privilégié à celui de l’imposition unilatérale. Cette approche progressive est au cœur de l’accord de Nouméa, qui garantit une démarche démocratique et progressive vers une pleine émancipation, en respectant les spécificités et les droits du peuple kanak.

Votre volonté de faire passer un « package » de deux lois au Parlement, sans attendre que les discussions aboutissent, va pourtant à l’encontre de cette approche, comme des résolutions de l’ONU qui confirment le droit des peuples colonisés à leur libre détermination. Ce projet de loi organique, première étape de votre « package », risquerait de compromettre la stabilité politique et sociale de la région en imposant, une fois de plus, des décisions déconnectées des besoins des territoires.

Nous défendrons toujours le temps long de la discussion et du compromis contre le temps imposé où les contestations sont balayées d’un revers de la main. Nous défendrons toujours le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le principe d’autodétermination. Ce droit, le peuple kanak doit en disposer, c’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi organique.

M. Jean-Victor Castor (GDR-NUPES). La France pourra-t-elle un jour maintenir en toutes circonstances les conditions de dialogue et de consensus, seules garanties à la paix ? Cela est essentiel pour la Nouvelle-Calédonie. N’oublions pas que la période de consensus et de dialogue ouverte par l’accord de Nouméa est consécutive aux drames survenus durant les nombreuses années de confrontation, particulièrement aux événements d’Ouvéa.

Le maintien de la paix dépend de la confiance entre les parties. En Nouvelle-Calédonie, les conditions préalables au dialogue sont l’impartialité de l’État, le respect des règles conventionnelles – nationales et internationales – et la constance des engagements. Pendant plus de trente ans, ces conditions ont été respectées ; l’État a plus ou moins joué le jeu, attribuant à la Nouvelle-Calédonie une position originale dans la Constitution française, qui a permis à ce pays de s’engager dans un véritable processus d’autodétermination.

Depuis 2021, rien ne va plus. L’État est, de nouveau, juge et partie. Voyant qu’un troisième référendum organisé dans des conditions normales exprimerait vraisemblablement un « oui », le Gouvernement l’a maintenu en période de covid, ignorant les appels du peuple kanak au respect des périodes de deuil imposées par les cultures locales. En voulant modifier le calendrier électoral, il démontre une fois de plus qu’il ne croit pas à une sortie de l’impasse par le dialogue. Les partis indépendantistes sont majoritaires au congrès de la Nouvelle-Calédonie et en assument la gouvernance. Le Gouvernement espère modifier ce rapport de force par le dégel du corps électoral, objet d’un projet de loi constitutionnelle.

Cela n’aura plus de sens si les élections locales ont lieu en mai 2024, c’est-à-dire avant la révision constitutionnelle annoncée. Pire, les élections locales de mai pourraient conforter les partis indépendantistes – l’horreur pour le Gouvernement ! Qu’à cela ne tienne, à la fois juge et partie, il soumet un projet de loi organique pour modifier le calendrier électoral.

Ce gouvernement n’accepte pas les règles posées par les accords ; il ne veut pas atteindre le consensus, ni laisser place au dialogue : il préfère passer en force. De quoi a-t-il peur ? Soit les Calédoniens ne souhaitent pas poursuivre la marche vers l’autodétermination et ils voteront en ce sens aux élections provinciales de mai sans qu’il soit besoin de modifier le calendrier électoral. Cela ferait tomber les accusations de partialité du Gouvernement dans l’organisation du dernier référendum. Soit la volonté calédonienne de souveraineté est de plus en plus affirmée, et vous essayez de la casser par tous les moyens.

Avec ce projet de loi organique, le Gouvernement démontre sa préférence pour la seconde option. Mais quel en sera le résultat sur le long terme ? Le processus en Nouvelle-Calédonie est inexorable. Il pourrait se poursuivre dans le respect, le dialogue et selon les modalités qui peuvent encore être négociées, ou bien s’engager dans la voie d’une impasse politique et d’une grande instabilité sociale et politique.

Par respect pour le peuple calédonien, que nous croyons capable de choisir son avenir, par respect des accords et de l’esprit qui a présidé à leur écriture, et parce que nous croyons que le consensus reste possible par le dialogue, le groupe GDR votera contre le projet de loi organique.

M. Paul Molac (LIOT). Je m’inquiète de certains discours selon lesquels la Nouvelle-Calédonie est la France et doit connaître la démocratie comme on l’imagine ici. C’est quelque part le modèle colonial : on arrive d’ailleurs et on dit aux autres ce qu’il faut faire, comment se conduire, quelles valeurs accepter. Or, la France métropolitaine n’a pas, comme la Nouvelle-Calédonie, deux populations qui ne pensent pas de la même façon : les Kanaks tiennent un discours différent de ce que l’on peut entendre en France.

Dans son histoire, la Nouvelle-Calédonie a connu d’assez longues périodes très conflictuelles, dont la dernière s’est terminée par les événements de la grotte d’Ouvéa. Je ne tiens pas du tout à ce que reviennent cet énervement, cette révolution qui laissent parler les armes. Il faut absolument l’éviter. Avec une population d’origine kanak et une autre d’origine européenne, parfois arrivée aux XVIIIe ou XIXe siècles et tout aussi légitime sur le Caillou, la difficulté est de trouver comment conclure un accord. Un afflux de personnes de la métropole modifierait l’équilibre et risquerait de susciter des relations violentes.

Je suis attaché au consensus qui devrait être trouvé. Je comprends que le ministre puisse trouver le temps un peu long et veuille l’accélérer, mais je crains que cela n’aboutisse à des choses désagréables.

L’ONU ayant par ailleurs classé la Nouvelle-Calédonie parmi les territoires à décoloniser, la question touche aussi au droit international. On marche donc sur des œufs. C’est pourquoi j’aurais souhaité un consensus entre toutes les parties, comme on a pu l’avoir, par exemple avec l’accord de Nouméa. Or, je n’en vois pas et je m’inquiète de savoir quelle sera la prochaine étape. Comment ferons-nous quand les élections auront été reportées, lorsque le corps électoral aura été revu et qu’il n’y aura toujours pas de consensus ?

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux questions individuelles.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). La Nouvelle-Calédonie a, en effet, pour particularité de figurer sur la liste des dix-sept territoires non autonomes de l’ONU, qui exige des puissances coloniales qu’elles respectent les cultures et un certain équilibre dans le traitement des corps électoraux. On pourrait ne pas reconnaître ce fait colonial, sauf que le préambule de l’accord de Nouméa, qui mentionne les deux peuples présents dans le territoire, l’évoque explicitement. La République reconnaît donc le fait colonial, nous ne pouvons pas le nier et cela doit être notre boussole pour l’examen des deux textes.

Compte tenu des conditions d’organisation du troisième référendum, l’accord de Nouméa est-il vraiment arrivé à son terme ? Que nous puissions légiférer pour repousser des élections locales montre bien que nous aurions pu faire de même pour le troisième référendum, au-delà de la période de deuil causée par le covid parmi les populations locales.

Pourquoi le Gouvernement veut-il avancer à marche forcée ? Pourquoi déployer ce qui pourrait s’apparenter à un chantage envers les indépendantistes ? Pourquoi donner l’impression que l’État n’est plus impartial ? Il doit l’être si l’on veut aboutir à une solution pacifique en Nouvelle-Calédonie.

M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai entendu dans certains propos une politisation nationale, que M. Kamardine a raison de vouloir éviter. D’autres affirmations sont erronées, par absence de connaissance du dossier ou de la Nouvelle-Calédonie, dont on parle sans y être allé.

Il est étrange d’accuser d’« accélération » ou de « marche forcée » un Gouvernement qui propose de reporter des élections. Si nous avions voulu accélérer le dégel du corps électoral ou l’action collective post-accord de Nouméa, nous n’aurions pas mené trois ans de discussions, je n’aurais pas effectué six déplacements, sans compter ceux des ministres délégués ou du Président de la République, ni participé à de nombreuses réunions à Paris. Nous aurions dégelé le corps électoral dès le lendemain du troisième référendum et plutôt avancé ou tenu à la date prévue les élections. Cet argument, lancé pour le plaisir d’attaquer le Gouvernement, ne tient donc pas.

Je rappelle que le congrès de Nouvelle-Calédonie, dont vous avez dit qu’il était gouverné par une majorité indépendantiste, est d’accord pour reporter les élections. Ce texte y a obtenu 38 voix « pour » et 16 « contre ». Les indépendantistes et non-indépendantistes, même s’ils s’opposent au sein du congrès, s’accordent sur cette question. La France insoumise et les Écologistes ne veulent donc pas suivre ce que les Calédoniens demandent eux-mêmes, y compris les indépendantistes de l’UNI Palika ou de l’Union calédonienne. Tout le monde est favorable au report des élections, sauf vos deux groupes, qui se prévalent des positions des indépendantistes.

D’ailleurs, les Kanaks ne sont pas indépendantistes par nature : les indépendantistes comprennent des personnes qui ne sont pas kanak et certains non-indépendantistes sont des Kanaks. J’ai, par exemple, remis la légion d’honneur à l’ancien sénateur kanak Gérard Poadja, un ardent défenseur de la Nouvelle-Calédonie française. Il ne faut donc pas essentialiser les personnes et dire que tous les Kanaks, noirs, sont indépendantistes et tous les Européens, blancs, sont non indépendantistes. C’est un manque de connaissance du territoire calédonien.

Par ailleurs, il est étonnant de dire que le préambule de l’accord de Nouméa mentionne « deux peuples » : il reconnaît au contraire l’existence d’un peuple premier – le ou les peuples kanak –, mais la Nouvelle-Calédonie compte aussi des Wallisiens, des Japonais, des Antillais, des Maghrébins…

M. Guillaume Vuilletet (RE). C’est votre idéologie racialiste !

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Nous n’avons pas dit cela ! Imbécile !

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Le Gall, n’insultez pas vos collègues ! L’examen du projet de loi constitutionnelle permettra de mener ces riches débats.

M. Gérald Darmanin, ministre. Constaterait-on, monsieur Molac, un afflux de personnes venant en nombre en Nouvelle-Calédonie que l’on ne pourrait pas évoquer un grand remplacement. La République est universelle ; elle ne distingue ni la couleur de peau, ni l’origine. La question est celle du respect de cultures. Sur ce point, on ne peut discuter que le congrès de Nouvelle-Calédonie lui-même est favorable au report de ces élections, alors même, vous l’avez dit, qu’il est gouverné par des indépendantistes. Le monde est moins binaire que ce que vous avez bien voulu présenter.

Les trois référendums, qui ont été prévus il y a vingt ans, se sont déroulés durant le quinquennat du président Macron – le seul à avoir eu le courage de les organiser. Le premier a été déclenché par l’État français, mais le troisième a été demandé et voté par les indépendantistes au congrès ; il n’a pas été accéléré par le Gouvernement avant l’élection présidentielle pour des raisons démographiques, comme j’ai pu l’entendre de la part du groupe GDR. Sur la contestation et le boycott auxquels il a donné lieu par la suite, le droit a tranché : le Conseil d’État, les instances internationales ont entériné le référendum ; l’ONU n’a pas invalidé le troisième référendum, alors qu’elle a été maintes fois sollicitée.

Les maires indépendantistes, qui sont majoritaires en Nouvelle-Calédonie, ont organisé ce référendum et une partie des indépendantistes, et pas des moindres, ont voté. Paul Néaoutyine, président de la province Nord, où les indépendantistes sont le plus représentés, a voté.

Le boycott et les raisons qui y ont poussé, on pourrait en parler longtemps. En tout cas, la demande de report du fait du covid a été suspendue quelques jours avant le premier tour des élections législatives, quand Nicolas Metzdorf risquait peut-être le plus de ne pas être élu.

Les indépendantistes eux-mêmes n’utilisent plus l’argument du troisième référendum ; ils ne le contestent plus, et aucun pays n’a porté ce dossier devant l’ONU, bien que la France y connaisse quelques ennemis. Certains ont même été sollicités par des partis politiques. L’Azerbaïdjan, par exemple, connu pour être un grand pays démocratique, pas du tout colonial et qui n’exploite pas les populations adverses, l’a été, tant d’ailleurs au sujet de la Nouvelle-Calédonie que de la Corse – on a les amis que l’on fréquente habituellement.

La contestation des trois référendums est une insulte au vote des Calédoniens qui ont voulu rester Français, et l’argument des Nations unies ne tient pas. Depuis que je suis ministre chargé des outre-mer, j’ai l’honneur de représenter la France au Comité spécial de la décolonisation des Vingt-quatre (C24). Parmi les cinq pays ayant des territoires à décoloniser – la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française pour la France –, nous sommes le seul à nous expliquer devant ce comité, qui a d’ailleurs vécu un moment étonnant quand la France a exposé devant le rapporteur syrien l’égalité des droits entre les citoyens en Nouvelle-Calédonie, le référendum d’autodétermination, et les institutions dans lesquelles les indépendantistes ont des responsabilités politiques. Pour mémoire, la Nouvelle-Calédonie est gouvernée par un indépendantiste, comme deux provinces sur trois – on peut difficilement l’expliquer comme un fait colonial.

Nous indiquons aussi au C24 que les modalités d’autodétermination restent à définir. L’autodétermination figure toujours dans notre Constitution. De nombreux territoires ultramarins ou « communautés », comme le général de Gaulle les définissait, ont choisi l’indépendance. Cela n’a pas été le cas de la Nouvelle-Calédonie dans ces référendums organisés. Les indépendantistes sont respectés et reconnus, y compris au niveau international, par le C24 et les Nations unies. Il n’y a pas d’iniquité des droits. La Constitution française reconnaît même la citoyenneté calédonienne et un blocage du corps électoral.

Vous ne l’avez pas dit, mais le C24 a d’ailleurs félicité la France de son travail en matière d’audit de décolonisation, d’égalité des droits des citoyens et de vote pour choisir si le territoire veut rester français. À trois reprises, la Nouvelle-Calédonie a choisi de rester française. Faut-il poser la question chaque année pour qu’elle vous agrée, car vous n’avez manifestement pas envie qu’elle reste française ?

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Je ne vous autorise pas à dire cela. Vous ne connaissez pas le fond de notre position !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends surtout que vous avez essentialisé les gens.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Vous inventez des binarités !

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le député, il va falloir apprendre une forme de démocratie qui consiste à écouter des gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Certes, cela n’est pas toujours évident avec M. Mélenchon.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Le Gall, vous vous êtes exprimé assez longuement. Laissez le ministre achever son propos, je vous redonnerai la parole pour défendre vos amendements.

M. Gérald Darmanin, ministre. La question posée par ce projet de loi organique est simple. Il s’agit tout d’abord de savoir si l’Assemblée nationale est d’accord pour reporter les élections, comme l’a voulu le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Comme l’a indiqué le Conseil d’État, un nouveau report pourrait être décidé par décret, monsieur Delaporte. Vous ne seriez pas amenés à voter une seconde fois.

Au passage, j’ai beaucoup de respect pour M. Jospin et M. Rocard. L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie sans référendum faisait partie des 110 propositions de François Mitterrand. Il n’a pas tenu cette promesse, et c’est peut-être ce qui a amené M. Rocard, qui n’était pas toujours d’accord avec lui, à organiser les choses différemment.

M. Arthur Delaporte (SOC). On ne peut pas réécrire l’histoire des années 1980. Il s’était passé des choses entre-temps.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate simplement que dans les 110 propositions de M. Mitterrand – comme d’ailleurs dans celles de M. Mélenchon lors de la dernière élection présidentielle – figurait l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. M. Rocard a beaucoup travaillé et beaucoup aidé la Nouvelle-Calédonie, comme M. Jospin, afin de corriger une partie de ces propositions. Le fait que M. Mitterrand n’ait pas respecté sa promesse a peut-être contribué à énerver ceux qui attendaient l’indépendance.

Je salue votre position sur le dégel à dix ans du corps électoral, laquelle se distingue de celle des autres groupes de la NUPES. M. Chirac avait complètement gelé le corps électoral, et c’est M. Jospin qui avait négocié ce délai de dix ans. Nous en revenons à une position classique, qui figurait dans les accords de Matignon, puis dans celui de Nouméa. Et ce dégel ne concerne pas le vote lors d’un référendum sur l’indépendance, il est destiné à permettre aux citoyens de désigner leurs représentants provinciaux.

Ceux qui sont contre ce texte ne répondent pas à cette question : êtes-vous d’accord pour que des personnes qui sont nées sur le sol calédonien ou qui y résident depuis vingt-cinq ans ne puissent pas voter pour choisir leurs responsables locaux ? On ne connaît aucune autre démocratie dans le monde où l’on trouve un exemple similaire à ce qui existe en matière de corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Le projet ne vise pas à remettre en cause tel ou tel équilibre politique.

Mme Le Pen aime sans doute beaucoup la Nouvelle-Calédonie, mais je constate que ce territoire ultramarin a voté pour M. Macron lors de la dernière élection présidentielle. Elle l’aime tellement qu’elle vous a délégué le soin de s’exprimer, monsieur Gillet. Vous vous êtes d’ailleurs trompé : le Gouvernement a bien proposé un texte, le fameux « document martyr », qui prévoyait les modalités d’autodétermination – avec éventuellement un référendum déclenché par voie de pétition plutôt que par un vote du Congrès –, des structures institutionnelles différentes, le congrès devenant le Parlement de la Nouvelle-Calédonie, et une redistribution des compétences pour plus d’efficacité. N’oublions pas que, pendant ce temps, la Nouvelle-Calédonie fait face à une crise économique. L’État aide son gouvernement, notamment en matière sociale. Alors que la production du nickel relève des compétences du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l’État a versé des milliards pour la soutenir depuis vingt ans.

Nous avons aussi imaginé un référendum de projet, qui pourrait davantage répondre aux aspirations profondes des Calédoniens – et notamment de la jeunesse – qu’un référendum proposant une réponse binaire. Il y a d’autres manières d’envisager l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : au sein de la République, associée à la France ou même émancipée. Le congrès pourrait élaborer un projet et le soumettre au vote des Calédoniens. Répondre par oui ou par non à une question sur l’indépendance peut susciter des peurs et des frustrations, dont certaines grandes puissances pourraient essayer de profiter.

Quoi qu’il en soit, le projet du Gouvernement continue à être discuté. Dire qu’il n’a rien proposé révèle donc une méconnaissance flagrante de l’évolution du dossier depuis trois ans, et ce d’autant plus que je me suis exprimé sur ce sujet à trois reprises dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement n’avance pas à marche forcée. Au contraire, il reporte les élections en Nouvelle-Calédonie, ce qui n’est pas une petite chose.

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie, y compris les partis indépendantistes, est favorable à ce report.

Lorsque des référendums ont été contestés, les tribunaux ont validé leur organisation.

La France présente chaque année au C24 les avancées réalisées et je le ferai de nouveau dans quinze jours. Le peuple kanak a incontestablement souffert de la colonisation, et personne ne remet en cause l’accord de Nouméa qui reconnaît ce fait. Mais les choses sont moins caricaturales que certains ont bien voulu le dire : il n’y a pas, d’un côté, des Kanaks indépendantistes et de l’autre des blancs qui ne le sont pas. Il y a des personnes qui choisissent librement, encore faut-il qu’elles puissent voter. D’ailleurs, on compte de très nombreux Kanaks parmi ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui ne peuvent pas voter sur leur propre terre. Les personnes qui ne peuvent pas voter ne sont pas seulement des gens qui viennent de l’extérieur. Les règles qui ont mené à cette situation ne peuvent pas être maintenues ad vitam aeternam.

M. Philippe Dunoyer (RE). Je remercie tout d’abord Mansour Kamardine pour sa sagesse : même si chacun est libre de ses opinions, il est absolument nécessaire de tout faire pour éviter que la Nouvelle-Calédonie devienne un enjeu de politique nationale. Lorsque cela a été le cas, que ce soit sous une majorité de gauche ou de droite, cela s’est toujours mal passé en Nouvelle-Calédonie.

C’est d’autant plus important que ce projet de loi organique traite de la question déterminante du corps électoral, qui est, depuis l’origine, au cœur des revendications indépendantistes.

Jusqu’au début de 2023, il était inenvisageable d’aborder ce sujet dans la mesure où aucun parti indépendantiste ne le souhaitait. On voit là toute la complexité de la situation en Nouvelle-Calédonie, car, depuis 2023, il a fait l’objet de discussions et d’un accord de principe. Celui-ci concerne, sur les 42 000 personnes actuellement exclues du corps électoral, 12 500 natifs de Nouvelle-Calédonie, auxquels aucun parti ou sensibilité politique ne souhaite interdire de participer aux élections. À notre échelle, c’est une petite révolution. Elle permet d’entrevoir la possibilité d’un accord permettant la poursuite de l’accord de Nouméa. Les modalités du dégel vont certes faire l’objet de discussions, mais nous sommes arrivés à un accord de principe, alors que c’était inenvisageable il y a encore à peine un an et demi. J’y vois une avancée réelle.

Sommes-nous arrivés au bout ? Pas encore.

Nicolas Metzdorf a regretté le délai de dix ans. Je suis peut-être moins attaché que lui à cette question, mais nous en débattrons lorsque nous examinerons le projet de loi constitutionnelle. Je comprends parfaitement tous ceux qui déplorent être exclus du droit fondamental qui consiste à choisir ses représentants. Mais, comme l’a rappelé le ministre, la mesure proposée correspond à l’esprit des accords de 1988 et de 1998. En ce sens, on peut la trouver cohérente.

M. Gillet a estimé que le Président de la République s’était désintéressé du dossier. C’est exactement le contraire. Depuis 2017, il a souhaité accompagner les Calédoniens dans un processus éminemment compliqué. Il est venu deux fois en Nouvelle-Calédonie, en 2018 et en 2023, et il y a reçu l’ensemble des acteurs – cela ne s’est d’ailleurs pas toujours bien passé. Il faut aussi mentionner les nombreux déplacements des premiers ministres et des ministres de l’intérieur, de l’économie, des outre-mer et des armées, lesquels ont accompagné la Nouvelle-Calédonie sans relâche depuis 2017.

M. Lachaud et d’autres collègues ont estimé que le processus d’autodétermination était remis en cause. Je le dis avec force, même si l’organisation du troisième référendum est contestée, à aucun moment l’État ou les forces politiques calédoniennes ne sont revenus sur l’exercice du droit à l’autodétermination. Il est reconnu par la Constitution et le droit international. C’est l’un des sujets essentiels dans les discussions qui devront avoir lieu entre les forces politiques locales. Ce droit n’est pas contesté ; il fait l’objet d’une demande de précision sur ses modalités d’exercice à l’avenir.

M. Le Gall, comme chacun sait, le troisième référendum a fait l’objet de contestations par mes collègues indépendantistes pour les raisons que vous avez évoquées. Ce référendum commence à dater, et personne n’a engagé de démarche contentieuse pour en obtenir l’annulation. Si elle a une signification politique, sa contestation n’emporte aucune conséquence juridique. On ne peut pas faire comme si le troisième référendum n’avait pas eu lieu. Il a bien eu lieu et son importance est considérable. Il a permis de clore la période active de l’accord de Nouméa et a ouvert la phase transitoire, envisagée avec sagesse par les rédacteurs de ce dernier, durant laquelle nous serons appelés à lui trouver une suite. Nous devons aussi nous interroger sur la manière dont fonctionnent les institutions et sur celle d’organiser les élections.

C’est précisément pour cela que la révision du corps électoral est nécessaire. Comme l’a relevé Mme Poussier-Winsback, un décret de convocation des électeurs aurait de très grandes chances d’être annulé du fait de la composition actuelle du corps électoral. Le Conseil d’État l’a confirmé dans son avis très précis de décembre 2023. La situation est véritablement extraordinaire, avec trois listes électorales. Elle résulte de l’accord de Nouméa et, jusqu’à la révision constitutionnelle de 2007 par le Congrès réuni à Versailles, avait été validée en 2005 par la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’arrêt Py c. France.

Avec le temps, on est passé de 7 % à 19 % de personnes exclues du corps électoral. On en vient même à exclure des personnes nées en Nouvelle-Calédonie, ce que personne n’a voulu. Ces évolutions imposent que nous révisions la définition du corps électoral. Je souhaite, pour ma part, que ces modalités fassent partie d’un accord. Je vous remercie, mes chers collègues, car, indépendamment de nos divergences politiques, vous avez appelé de vos vœux l’organisation de discussions et l’émergence d’un accord.

Mme Luquet a raison de rappeler que la société civile souhaite être associée de manière plus étroite aux discussions sur les évolutions institutionnelles. Ces dernières ne peuvent pas faire abstraction des enjeux de la vie économique et sociale calédonienne, qui traverse une période très compliquée. La crise du nickel et la possibilité de fermeture des trois usines font en effet peser une menace sur 25 % des emplois du territoire. C’est potentiellement un cataclysme, et cela constitue un sujet de préoccupation supérieur aux interrogations sur les affaires institutionnelles. La société civile doit donc être associée.

Je comprends que M. Delaporte regrette qu’un de ses amendements ait été déclaré irrecevable, mais j’aurais émis un avis défavorable compte tenu de son caractère déclaratif. Cela étant, le contenu de cet amendement était tout à fait juste. Il exprimait le soutien à une démarche associant les Calédoniens et le Gouvernement pour parvenir à un accord, à l’instar de ce qui a eu lieu en 1988 et en 1998. Michel Rocard et Lionel Jospin, en bons pères de l’histoire institutionnelle calédonienne, ont toujours veillé à l’émergence d’un consensus, même si c’est parfois très compliqué.

Madame Sebaihi, on ne peut pas comprendre la Nouvelle-Calédonie et l’évolution des discussions de ces deux dernières années en considérant simplement les deux projets de loi. Ils peuvent donner l’impression d’arriver ex abrupto, mais je peux témoigner que ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. Il est exact qu’en 2022, il n’y avait pas de discussions, mais, à l’initiative du Gouvernement, elles ont pu commencer en 2023. Elles ont été d’abord bipartites, alors que nous souhaitions un format tripartite. Un document martyr a ensuite été produit par le Gouvernement et, à la suite de nombreuses versions de ce dernier, cela a permis d’aboutir en décembre 2023 à des initiatives entre partenaires politiques calédoniens pour compléter ce document. Les discussions se sont poursuivies en janvier 2024 et sont désormais suspendues. Tout cela est complexe et ambigu, et j’ai moi-même parfois du mal à m’y retrouver.

En toute sincérité, tous les efforts sont faits pour arriver à un accord, et ce n’est pas un amendement modifiant une date qui va en permettre l’émergence. Aucune date n’est magique, aucun délai n’est miraculeux et aucune démarche n’apporte la garantie que les acteurs politiques calédoniens parviendront à un accord. Il faudra voir si le congrès du FLNKS de mars débouchera sur une proposition de relance des discussions, qui sont au point mort.

Ces discussions ont fonctionné. Personne n’a contesté les deux projets de loi lorsqu’ils ont été annoncés par la Première ministre à la fin de 2023 et lorsqu’ils ont été déposés en janvier 2024. Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a été saisi de ce projet de loi organique et je souligne qu’une sensibilité indépendantiste importante et toutes les formations non-indépendantistes ont émis un avis favorable.

Nous sommes pris entre les deux mâchoires du temps.

Cela fait longtemps que nous savons que nous devons discuter. Depuis 2023, on avance. C’est compliqué. On savait aussi que les élections ne pourraient pas avoir lieu en mai 2024, mais qu’elles ne peuvent pas être reportées de manière inconsidérée. Mais au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’échéance, on est de plus en plus inquiet de ne pas y parvenir. C’est très calédonien. Plus on est dans l’impasse, plus on est proche de la solution – et nous devons donc être très près de cette dernière. Ce projet de loi organique en fait partie, car la solution qu’il propose est attendue par les Calédoniens. J’insiste sur la nécessité de l’adopter dans les mêmes termes que le Sénat, faute de quoi on risque d’être contraints de convoquer un corps électoral dont on sait que la composition fera l’objet de contestations juridiques.

M. Mansour Kamardine (LR). Avec ce bel exposé, vous avez donné une leçon à tous ceux qui parlent de la Nouvelle-Calédonie sans la connaître !

 

Article 1er : Report des élections et prolongation des mandats en cours

 

Amendements de suppression CL3 de M. Bastien Lachaud, CL5 de M. Tematai Le Gayic et CL9 de Mme Sabrina Sebaihi

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Je voudrais tout d’abord rétablir la vérité : nous n’avons jamais pris position pour ou contre l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, que ce soit par nos propos ou dans notre programme. Il faut arrêter de dire des choses fausses.

Nous considérons que ce n’est pas à nous de décider. Conformément à l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa, nous estimons qu’il faut mettre en place les conditions pour que l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie puisse être décidé dans le cadre d’un compromis. Nous nous opposons à ce projet de loi organique parce que nous voyons très bien que vous allez passer en force et refuser le moindre assouplissement du calendrier dans le projet de loi constitutionnelle, alors que c’est nécessaire. Comme l’a dit le rapporteur, on n’est pas loin du but. Tel est bien le sujet.

Vous êtes de mauvaise foi. Personne n’a dit que les Kanaks étaient automatiquement indépendantistes et les blancs automatiquement anti-indépendantistes – en tout cas pas nous. Un certain nombre de personnes ici présentes peuvent garder leurs leçons sur l’essentialisme et le racisme. Comme vous distordez en permanence la réalité, on est en droit de ne pas avoir confiance lorsque vous dites que vous adapterez le calendrier dans le cas où la situation sur place serait beaucoup trop tendue.

Pour le reste, je ne dirai jamais si je suis pour ou contre l’indépendance, et vous ne verrez jamais ma famille politique le faire. Il est faux de dire que notre programme pour l’élection présidentielle soutenait l’indépendance.

M. Jean-Victor Castor (GDR-NUPES). Le fait colonial remonte à cent soixante-dix ans. Les Kanaks n’ont jamais rien demandé. Les Français sont arrivés et ont occupé leur terre. Il ne faut jamais l’oublier.

Ensuite, l’État français a toujours eu une doctrine de peuplement pour faire disparaître les peuples. Lorsque M. Messmer disait qu’il fallait envoyer 100 000 Français en Nouvelle-Calédonie pour faire taire les velléités d’autonomie – sans même parler d’indépendance –, M. Stirn proposait de faire venir 75 000 personnes – 40 000 Français et plus de 30 000 Laotiens – en Guyane, alors que celle-ci comptait alors à peine 60 000 habitants. Il voulait ainsi faire disparaître l’embryon de mouvement indépendantiste dans les années 1970. Ce sont des réalités historiques.

J’en viens au droit international. Monsieur le ministre, reviendrez-vous sur le fait que la Nouvelle-Calédonie comme la Polynésie constituent des territoires à décoloniser – comme l’était la Guyane jusqu’en 1946 – et respecterez-vous le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Le processus de décolonisation est inéluctable.

Nombreux ont été ceux qui ont rappelé que les accords précédents reposaient sur le principe du consensus, précisément pour éviter que se renouvellent les drames du passé.

Enfin, il y a l’effet guillotine du troisième référendum, que vous assumez pleinement. Vous l’avez organisé alors que vous saviez pertinemment que près de la moitié de la population n’allait pas y participer.

Il faut toujours prendre en compte la position des peuples qui ont été mis en minorité sur leur territoire ancestral. Aucun peuple sur cette planète n’accepte qu’on vienne chez lui en disant qu’il est minoritaire et que c’est la démocratie.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Vous n’avez pas très bien compris le sens de nos interventions. Le problème n’est pas tellement le report de l’élection. Il réside dans le fait que vous nous présentiez un package de deux textes.

On ne peut pas, d’un côté, dire que l’on privilégie la voie de la négociation et, de l’autre, avoir déjà préparé un projet de modification du corps électoral. Si, comme vous le dites, personne ne s’oppose au report des élections et au dégel du corps électoral, pourquoi ne pas attendre la fin des négociations pour élaborer un texte qui tienne compte de leur résultat ? Nous avons le sentiment que vous allez à marche forcée, puisque ce projet de loi organique sera immédiatement suivi par l’examen du projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral. C’est cela qui nous pose problème et nous sommes plusieurs ici à ne pas avoir confiance.

Nous ne pouvons pas voter ce texte en l’état.

M. Philippe Dunoyer (RE). Avis défavorable.

Si nous ne reportons pas les élections prévues en mai 2024, il est très probable que le décret de convocation des électeurs sera annulé en raison de la composition du corps électoral. Dans un contexte où les discussions n’ont pas encore abouti – et c’est un euphémisme –, quelle que soit la date que l’on retiendra pour les élections, elle fera l’objet de contestations.

J’appelle votre attention sur le fait que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a donné un avis favorable au report des élections, avec une majorité de 38 voix sur 54. L’Union calédonienne, parti indépendantiste, s’y est déclarée favorable, tout en indiquant qu’elle n’était pas d’accord avec les arguments du Gouvernement.

En plus d’être nécessaire pour les raisons juridiques que j’ai déjà exposées, ce report est une condition de la reprise des discussions attendue par tous les partenaires. Nous sommes tous un peu schizophrènes, puisque chacun attend que l’autre fasse le premier pas. Mais nous ne sommes pas très loin d’y arriver.

Il reste que la mâchoire du temps que j’évoquais tout à l’heure impose d’agir, faute de quoi le décret de convocation devra être publié le 14 avril.

Pour donner toutes ses chances à la conclusion d’un accord sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi constitutionnelle comprend une disposition qui permet de reporter par décret les élections une seconde fois – ce qui n’est pas très classique. Si le Gouvernement avait voulu avancer à marche forcée, il n’aurait pas proposé cela. Il a prévu cette possibilité parce que nous pouvons parvenir à un accord. On peut considérer que les discussions menées en 2023 et au début de 2024 n’ont pas abouti, mais il serait très injuste de considérer que leur échec à ce stade est du seul fait du Gouvernement.

N’oublions pas que la réussite est tripartite et que l’échec le serait aussi.

M. Castor, je ne reviens pas sur ce que vous avez dit. Je connais un peu les Calédoniens, leurs contestations et leurs revendications, car nous vivons ensemble, comme le montre d’ailleurs le fait que la reconnaissance du fait colonial soit inscrite dans le préambule de l’accord de Nouméa, texte qui mériterait d’être relu régulièrement.

Avis défavorable, donc, à ces amendements de suppression.

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Merci, monsieur le rapporteur, pour vos réponses précises, détaillées et complètes. Cependant, comme vous l’avez compris, notre problème n’est pas le projet de loi organique en tant que tel, mais la conjonction des deux projets de loi – vous ne pouvez pas dire, monsieur le ministre, qu’il n’y en a qu’un, car le Sénat est saisi du projet de loi constitutionnelle. De fait, ce projet de loi constitutionnelle existe et pèse sur nos débats et, surtout, sur les négociations. L’impartialité de l’État, qui était le principe des accords de Matignon et de Nouméa, disparaît dès lors que le Gouvernement dépose un projet de loi constitutionnelle qui bouleverse, à tort ou raison, le corps électoral. Comment négocier dans de telles conditions ? Nous soutiendrons et voterons donc ces amendements.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CL6 de M. Steve Chailloux et CL8 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Jean-Victor Castor (GDR-NUPES). Il faut respecter les peuples qui ont été minorisés, et le peuple kanak a été mis en minorité sur son propre territoire. Peut-être certains ne veulent-ils pas l’entendre, mais la situation n’en a pas moins évolué, et on trouve désormais jusque dans les rangs du FLNKS et de l’Union calédonienne des personnes qui, sans être kanak, mais d’origine européenne, vont plaider jusqu’à l’ONU. Les résultats des deux premiers référendums font apparaître une évolution assez sensible en faveur de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, avec des chiffres respectivement de l’ordre de 42 % et 47 %. Il est donc clair que les Kanaks ne sont pas seuls à avoir voté pour l’indépendance, que ce soit au premier ou au deuxième référendum. La dynamique est donc très favorable.

Vous dites que la date n’a pas d’importance, mais le fait de la modifier consacre une posture de l’État, et c’est ce que nous voulons remettre en cause.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement CL8 vise à laisser plus de temps pour organiser les élections. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure qu’un décret permettra de reporter éventuellement les élections, or ce décret ne figure pas dans la présente loi, mais dans l’article 2 du projet de loi constitutionnelle. En annonçant un décret potentiel prévu par une loi constitutionnelle qui n’est pas votée, vous présumez de l’adoption et de l’entrée en vigueur de celle-ci.

Vous nous dites qu’il faut adopter ce projet de loi, puis le suivant, tandis que nous vous proposons plutôt d’éviter, comme le disait M. le rapporteur dans son propos introductif, d’avoir à voter une nouvelle loi organique si nous n’avons pas voté de réforme constitutionnelle d’ici à la fin de l’année, afin de pouvoir respirer et de donner du temps à la discussion. Par ailleurs, en effet, deux processus parallèles sont engagés avec les négociations en cours et la discussion du projet de loi constitutionnelle. Rien n’est donc encore certain et il faut gagner du temps.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur. L’amendement CL6 tend à reporter les élections provinciales sans fixer de date ; or, selon la jurisprudence déjà ancienne du Conseil constitutionnel, il est absolument nécessaire de donner aux électeurs la possibilité d’exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable. Il faut donc trouver une date, car un report sec, sans date, outre qu’il tomberait sous le coup de cette jurisprudence, ne permettrait pas non plus d’avancer dans la résolution du problème global que vous évoquez.

L’amendement CL8, plus précis, répond à la demande exprimée par les sénateurs lors de l’examen du projet de loi organique et propose la date la plus lointaine reconnue par le Conseil d’État comme possible pour ce report.

Il n’existe pas de date magique – ni le 15 décembre 2024, ni le 30 novembre 2025, ni le 28 juillet 2025 – qui nous assurerait que les discussions aboutiront. Par ailleurs, reporter la date d’une élection n’est pas une décision facile ni sans conséquences et, comme l’a dit tout à l’heure le ministre, on ne doit toucher au fonctionnement normal de la vie démocratique que d’une main tremblante. C’est la raison pour laquelle, même si elle n’a été actée qu’au début de l’année 2024 après avoir été évoquée dès 2023, la décision de reporter les élections à la fin de l’année 2024 n’a pas fait l’objet de contestations. De fait, ce qui pose problème n’est pas cette date, mais le temps qui s’est écoulé depuis sa fixation, car nous sommes aujourd’hui à un mois environ du décret de convocation des électeurs.

Tout en espérant, comme vous – et peut-être un peu plus que vous –, que ces discussions finissent par s’ouvrir dans un format tripartite et qu’émerge un accord que nous attendons depuis très longtemps, nous jugeons nécessaire de fixer une limite, qui n’est cependant pas définitive. Il est vrai que cela ne figure pas dans le projet de loi organique, mais dans le projet de loi constitutionnelle, et que nous ne savons pas si ce dernier sera voté mais, s’il ne l’était pas, il y aurait un projet de loi organique. De fait, aucune déclaration du Président de la République, de Mme la Première ministre ou de M. le Premier ministre, du ministre de l’intérieur ou d’autres membres du Gouvernement ne dit le contraire. L’argument peut-être le plus fort, qui n’est pas juridique, mais politique, est en effet que personne ne dit qu’on imposera de manière unilatérale le prochain accord institutionnel.

La seule contrainte de l’année 2024 est celle de l’organisation des élections. Si, comme vous le verrez peut-être prochainement, la Nouvelle-Calédonie est fidèle à sa réputation d’être un peu difficile à suivre, peut-être qu’après l’adoption du projet de loi organique, lorsque commencera l’examen du texte au Sénat, des signaux favorables nous permettront d’aboutir à la solution que vous évoquez aujourd’hui, qui n’est actuellement pas possible sans fixer une date certaine. Je ne suis pas favorable à l’idée de choisir dès maintenant la date la plus lointaine, car il n’est pas encore démontré qu’elle conviendrait – ce sont les initiatives locales qui nous le montreront. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Gérald Darmanin, ministre. Si nous ne reportons pas la date des élections provinciales, il faudra convoquer les électeurs sur la base du corps électoral actuel, dont le Gouvernement et le Parlement, lors du vote de cette mesure, ont estimé qu’il ne valait pas pour ces élections-ci – et, de fait, le Conseil d’État a considéré qu’on ne pouvait pas convoquer les électeurs avec une base électorale gelée, qui interdit à certaines personnes résidant depuis vingt-cinq ans sur le territoire, Néocalédoniens nés de parents Néocalédoniens, de voter à ces élections locales. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, se fondant sur les arguments du Conseil d’État, ce décret de convocation des électeurs sera cassé et nous ne pourrons pas tenir les élections provinciales. Il faudra alors procéder dans l’urgence à une réforme du corps électoral, dans un territoire qui subit les difficultés économiques et sociales que nous connaissons, liées notamment à la crise du nickel.

Votre refus de reporter la date des élections provinciales est irresponsable. Vous nous dites en effet qu’il ne serait pas grave que le décret de convocation soit cassé, et qu’il faudrait simplement refaire la même chose différemment dans trois mois – vous n’aurez fait que mettre en difficulté le Gouvernement et la majorité parlementaire, et c’est sans doute ce que vous recherchez.

Toutefois, au moment où nous parlons, nous n’avons pas de discussions sur le dégel du corps électoral. Il s’agit seulement de laisser du temps à la négociation, et c’est le principe même des amendements redondants. Aujourd’hui, un projet de loi organique prévoit le report de la date des élections provinciales précisément pour nous donner le temps de la négociation.

Par ailleurs, et ce sera l’objet du projet de loi constitutionnelle, cette négociation s’est vu fixer une date butoir car, à la fin de l’année 2024, il y aura quatre ans que nous discutons. On peut considérer que cette discussion est éternelle, mais viendra bien un jour où les Calédoniens devront voter pour leurs représentants locaux. Si, dans vos régions, le ministre de l’intérieur, chargé des élections, les reportait tous les ans en attendant que les parties se mettent d’accord pour savoir qui peut voter, qui a les compétences économiques et environnementales, et comment les utiliser, vous seriez bien ennuyés, si sympathique que soit le ministre.

Il ne s’agit donc de modifier ni les modalités de l’autodétermination, ni le projet de référendum que nous proposons aux Calédoniens pour leur indépendance, ni les institutions de la Nouvelle-Calédonie, ni les conditions qui définissent un citoyen calédonien, et encore moins les compétences de chacune des structures que j’évoquais tout à l’heure. Nous pourrions le faire sans fin, sans négocier, mais nous nous contentons de proposer, dans le projet de loi constitutionnelle qui n’est même pas encore soumis à votre discussion, le dégel du corps électoral proposé par Lionel Jospin voilà vingt-cinq ans, ce qui est assez éloigné de la position de M. Metzdorf.

En votant contre ce texte, vous refusez l’idée qu’on puisse non seulement négocier et avoir le temps de le faire, mais, surtout l’idée qu’on puisse convoquer les électeurs sans que le décret de convocation soit annulé. Plus encore, vous ne répondez pas à la question de savoir pourquoi les indépendantistes eux-mêmes ont voté le report de cette date. J’ai l’impression que vous avez surtout envie de ne pas comprendre que c’est à la demande des acteurs calédoniens que nous voulons reporter cette date.

M. Arthur Delaporte (SOC). Pour notre part, nous sommes favorables au report des élections, mais nous voulons que ce report soit potentiel. Dans le texte qui nous est proposé, en effet, ce report se fera au plus tard au 15 décembre 2024. Nous proposons, quant à nous, de fixer cette date au 30 novembre 2025, ce qui n’empêche pas pour autant que les élections se tiennent en 2024. Il faut évidemment qu’elles aient lieu et dix-huit mois semblent être un bon délai, qui est du reste celui que propose le Conseil d’État.

Vous avez dit, dans votre propos liminaire, puis dans votre première réponse, qu’un décret était prévu pour permettre potentiellement de prolonger ce délai. Or, si nous votons cette loi organique, il ne sera plus possible de prévoir par décret la tenue d’élections dans les six mois suivant le 15 décembre 2024. La seule solution pour ce faire est donc de voter le projet de loi constitutionnelle qui prévoit, à son article 2, la possibilité d’un décret pour reporter les élections, mais je crains fort que nous ne parvenions pas à avoir voté et accompli toute la procédure constitutionnelle d’ici au 15 décembre 2024, même si nous souhaitons trouver d’ici là un accord aussi consensuel que possible.

M. le président Sacha Houlié. L’idée est de dire que, puisqu’on fixe le report par la loi, on peut encore le reporter à nouveau par décret, mais dans des temps limités. Cette loi y suffit. C’est notamment l’analyse faite par le Conseil d’État.

M. Nicolas Metzdorf (RE). Monsieur Castor, personne ne nie le fait colonial en Nouvelle-Calédonie, pas même moi, qui ne suis pas indépendantiste, mais descendant des familles de colons. C’est la raison pour laquelle nous avons signé les accords de Matignon et de Nouméa, qui ont reconnu ce fait colonial et engagé des mesures en Nouvelle-Calédonie pour les réparer. Nous ne découvrons pas le sujet.

Les accords de Matignon, qui ont fait suite aux événements, ont permis le partage du pouvoir en Nouvelle-Calédonie et l’octroi du pouvoir aux indépendantistes, les provinces Nord et Îles ayant une majorité indépendantiste. Puis les accords de Nouméa ont permis à la Nouvelle-Calédonie d’acquérir une large autonomie au sein de la République : toutes les compétences possibles pour un territoire de 300 000 habitants ont été transférées, et il ne reste à l’État que les compétences régaliennes. Nous avons aussi surreprésenté les provinces Nord et Îles au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de manière à ce que les indépendantistes, bien que minoritaires, dirigent la Nouvelle-Calédonie, avec un maximum de compétences hormis les compétences régaliennes, et cela avec l’accord des partis non indépendantistes, tant pour les accords de Matignon que pour l’accord de Nouméa. Le fait colonial est donc reconnu sans ambiguïté.

Qu’en est-il, dans ce contexte, du respect des trois référendums ? L’État a, en effet, été impartial tout au long du processus, et il est normal que les Calédoniens qui ont voté trois fois « non » demandent simplement à l’État de faire respecter les résultats démocratiquement sortis des urnes, avec un corps électoral gelé, où des Calédoniens se sont vu interdire de voter. Le résultat des trois référendums est plus que légitime. Vous évoquez la contestation du troisième, mais les deux qui ont précédé ont donné des résultats manifestes. Vous nous reprochez de résumer la Nouvelle-Calédonie à des caricatures opposant blancs et noirs, mais c’est un peu ce que vous faites dans les exposés des motifs de vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 (nouveau) : Entrée en vigueur

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi organique sans modification.

 

*

*     *

 

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (n° 2242) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


   Personnes entendues

Groupes politiques

   M. Philippe Michel, Président

   Mme Françoise Suve, Présidente

   M. Gil Brial, porte-parole

   M. Milakulo Tukumuli

   Mme Virginie Ruffenach, Présidente

   M. Jean-Pierre Djaiwé, Président

   M. Victor Tutugoro

   M. Adolphe Digoué

   M. Wassissi Konyi

   M. Pierre-Chanel Tutugoro, Président

 

Présidents d’assemblées de province

   Mme Sonia Backès, présidente de l’assemblée de la Province Sud, ancienne Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, chargée de la Citoyenneté

   M. Jacques Lalié, président de l’assemblée de la province des îles Loyauté

 

Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie

   M. Louis Le Franc, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

   M. Stanislas Alfonsi, Secrétaire général

   Mme Carine Farault, Secrétaire générale adjointe

   Mme Samira Ouzzine, conseillère aux affaires politiques

   M. Jean-Luc Bourcier, directeur du conseil, des élections et de la citoyenneté

   M. Louis Cazeils, chef du bureau des élections

 

Parlementaires

   M. Nicolas Metzdorf, député de la Nouvelle-Calédonie

   M. Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie

 


([1]) Rapport n° 3506 du 6 décembre 2006 de M. Didier Quentin fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 77 de la Constitution (lien).

([2]) Conseil d’État, avis du 7 décembre 2023, n° 407713, points. 11 et 14 (lien).

([3]) Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 (lien).  

([4]) Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 (lien).

([5])  Loi n° 99-209 organique relative à la Nouvelle-Calédonie (lien). Sauf mention contraire, les numéros d’articles font référence aux articles de la loi organique du 19 mars 1999.

([6]) « Une fois effectuée l’attribution des sièges de membres du congrès d’après l’ordre de présentation sur chaque liste, les sièges de membres de l’assemblée de la province sont répartis dans les mêmes conditions entre les listes. Pour chacune d’elles, ils sont attribués dans le même ordre de présentation en commençant par le premier des candidats non proclamé élu membre du congrès. » (article 192 de la loi organique).

([7]) Article 208 de la loi organique.

([8]) Au terme de la révision annuelle de 2023. Elle est de nouveau en cours de révision au titre de l’année 2024. Les chiffres sont fournis par le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.

([9])  Conformément à l’article 76 de la Constitution, les conditions pour voter en 1998 reprenaient celles fixées à l’article 2 de la loi référendaire n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998.

([10]) Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 modifiant l’article 77 de la Constitution (lien).

([11]) En l’absence d’une telle référence dans la loi constitutionnelle de 1999, il était envisageable que de nouveaux électeurs atteignent la condition de dix ans de résidence après 2008 et soient ainsi inscrits sur la liste spéciale. Dans sa décision n° 99-410 du 15 mars 1999, le Conseil constitutionnel avait retenu cette interprétation permettant un corps électoral « glissant », en s’appuyant sur le texte de l’accord de Nouméa qui prévoit que « le corps électoral … sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée » - et non pas une certaine date. Un projet de loi constitutionnelle avait donc été élaboré pour « geler » la LESP, et fut adopté en des termes identiques par l’Assemblée nationale, le 10 juin 1999, et par le Sénat, le 12 octobre 1999. Il n’avait cependant pas été alors voté par le Congrès du Parlement, dont la convocation avait été annulée in extremis, et ce n’est qu’avec la loi constitutionnelle du 23 février 2007 que le principe d’un « gel » de ce corps électoral a été inscrit dans notre Constitution.

([12]) Aux termes de l’article 3 de la Constitution « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. » tandis que l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation ».

([13]) En particulier l’article 3 du Protocole additionnel n° 1 à la CEDH, aux termes duquel doivent être organisées « des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif », l’article 14 de la convention européenne des droits de l’Homme, qui interdit les discriminations dans la jouissance des droits et libertés, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies.

([14]) CEDH, Py c/ France, 11 janvier 2005, requête n° 66289/01.

([15]) Rapport n° 3506 du 6 décembre 2006 de M. Didier Quentin fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 77 de la Constitution (lien).

 

([16]) Conseil d’État, avis du 4 septembre 2018, n° 395203 (lien).

([17]) Conseil d’État, avis du 7 décembre 2023, n° 407713 (lien).

([18]) Bilan institutionnel, administratif et financier de l’accord de Nouméa, 30 mai 2023 (lien).

([19]) Rapport d’audit, 31 mai 2023 (lien).

([20]) Bien que le présent rapport ne porte que sur le projet de loi organique, votre rapporteur ne peut faire l’économie de précisions sur le projet de loi constitutionnelle dans la mesure où les deux projets, au service d’un même processus, sont liés.

([21]) Compte-rendu de séance du Sénat en date du 27 février 2024 (lien).

([22]) Lien.

([23]) Entretien avec Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Nouvelle-Calédonie la 1ère, le 22 février 2024 (lien).

([24]) Compte-rendu de séance du Sénat en date du 27 février 2024 (lien).

([25])  Avis n° 407931 du 25 janvier 2024 (lien).

([26]) Voir par exemple les décisions du Conseil constitutionnel n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005, Loi organique modifiant les dates des renouvellements du Sénat, cons. 2 à 7 ; et n° 2007-559 DC du 6 décembre 2007, Loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, cons. 14 à 16.

([27])  Avis du 7 décembre 2023.

([28]) Décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005, Loi organique modifiant les dates des renouvellements du Sénat, cons. 2 (lien).

([29]) Décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005, précitée.

([30]) Décision n° 2007-559 DC du 6 décembre 2007, Loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française (lien).

([31]) Décision n° 2010-603 DC du 11 février 2010 DC 2010, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (lien).

([32]) Étude d’impact du projet de loi organique.

([33]) Avis du 7 décembre 2023. Il a confirmé cette analyse dans l’avis du 25 janvier 2024 : Les règles définies par l’accord « étant consacrées par la Constitution, l’intervention du pouvoir constituant est en principe nécessaire pour les adapter afin de tenir compte de la situation présente et de son évolution, notamment démographique, en ce qui concerne la composition du corps électoral ».

([34]) L’ensemble des citations de ce paragraphe provient du document d’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, 17 janvier 2024.

([35]) Avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, 17 janvier 2024.

([36]) Intervention de M. Jean-Pierre Djaïwé, compte-rendu intégral des débats du congrès de la Nouvelle-Calédonie, 7ème séance du 17 janvier 2024.

([37]) Avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, 17 janvier 2024.

([38]) Intervention de M. Tutugoro, compte-rendu intégral des débats du congrès de la Nouvelle-Calédonie, 7ème séance du 17 janvier 2024.

([39]) Opinion du groupe UC-FLNKS et Nationalistes, congrès de la Nouvelle-Calédonie, le 18 janvier 2024.

([40]) Idem.

([41]) Intervention de M. Tutugoro, synthèse de la discussion générale en commission de la législation et de la règlementation générales lors de son examen du projet de loi organique, congrès de la Nouvelle-Calédonie, rapport n° 14 du 11 janvier 2024.

([42]) Avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, 17 janvier 2024.

([43]) Les modalités d’inscription sur les listes électorales pour les élections futures seront quant à elles fixées par une prochaine loi organique.

([44]) La province Sud compte 154 590 inscrits sur la liste générale, la province Nord en compte 43 953 et la provinces des Iles Loyauté en compte 22 427.

([45]) Comme l’a évoqué M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, sur Nouvelle-Calédonie la 1ère, le 22 février 2024 (lien).

([46]) La conclusion de cet accord devant être constatée par le Conseil constitutionnel, saisi à cette fin par le Premier ministre.