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N° 2382

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, adoptée par le Sénat, visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires (n° 1993).

PAR Mme Marie POCHON

Députée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir les numéros :

 Sénat : 923 (2022-2023), 151, 152 et T.A. 30 (2023-2024).

 Assemblée nationale : 1993.


SOMMAIRE

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Pages

introduction

synthèse

COMMENTAIRE DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er Mise à disposition des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de véhicules retirés de la circulation aux fins de mettre en place des services de mobilités solidaires

Article 1er bis Évaluation du dispositif prévu à l’article 1er

Article 2 Rapport sur le développement du rétrofit pour des services de mobilité solidaire

examen en commission

Liste des personnes auditionnées

 


   introduction

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté sans modification, le 20 mars 2024, la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, qui avait été déposée par le sénateur M. Joël Labbé, le 11 septembre 2023, et adoptée au Sénat le 13 décembre 2023.

M. Joël Labbé racontait la genèse de cette proposition de loi ainsi : « En 2021, lors d’une soirée en pleine période de Covid, un garagiste m’a interpellé en me disant : "Je vois presque tous les jours des voitures destinées à la casse qui sont encore en bon état de marche, quel gâchis. Ces voitures pourraient servir à des personnes ou à des ménages qui n’ont pas forcément l’argent pour en louer ou en acquérir une neuve. Puisque tu es sénateur, ce serait bien que tu fasses quelque chose en ce sens." »

En 2019, la loi d’orientation des mobilités, dite « LOM » ([1]), a consacré le droit à la mobilité et a fait de la mobilité solidaire un objectif de politique publique en matière de transports. Or, quatre ans plus tard, force est de constater que le droit à la mobilité n’est toujours pas une réalité pour nombre de nos concitoyens, en particulier pour les personnes à faibles revenus qui résident en zone rurale.

Selon le Baromètre des mobilités du quotidien de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et Wimoov publié en 2022, 13,3 millions de Français sont en situation de précarité en matière de mobilité en France. Parmi elles, 4,3 millions de Français n’ont ni voiture, ni permis, ni abonnement aux transports en commun ou à un service partagé, notamment dans les territoires ruraux.

Cette situation de précarité en matière de mobilité conduit à des renoncements quotidiens de la part des personnes concernées. Selon le Baromètre précité, 28 % des demandeurs d’emploi ont renoncé au moins une fois à un emploi au cours des cinq dernières années, faute de moyen de transport.

Pour éviter que de telles situations de précarité en matière de mobilité ne conduisent à des situations d’exclusion sociale, des services de mobilité solidaire ont été créés sur le territoire, le plus souvent en zone rurale, à l’initiative d’associations ou parfois d’autorités organisatrices de la mobilité (AOM), exerçant leur compétence en matière de mobilité solidaire.

Les garages solidaires sont au cœur des services de mobilité solidaire. La plupart sont organisés en réseau à l’image des réseaux Agil’Ess, Solidarauto ou encore Mob’In. Travaillant en lien avec les services prescripteurs, les garages solidaires disposent de compétences précieuses à la fois en matière d’accompagnement des personnes en réinsertion professionnelle et en matière de transport pour répondre à des besoins, parfois urgents, de mobilité. En offrant un service de location de véhicules à tarif réduit, ces garages permettent à des bénéficiaires, sans moyen de transport individuel ni offre de transport collectif, de pouvoir se rendre, par exemple, à un entretien d’embauche, à une formation, à un service public, à un rendez-vous médical ou tout simplement de rompre l’isolement.

Toutefois, les services de mobilité solidaire rencontrent aujourd’hui des difficultés du fait de leur modèle économique fragile qui repose essentiellement sur des dons de véhicules. D’une part, les dons de véhicules se sont fortement taris ces dernières années. D’autre part, les véhicules reçus sont souvent très vieillissants, emportant des conséquences en termes de sécurité pour les bénéficiaires et en termes de pollution. La plateforme de mobilité Essonne MobilitéS, qui a des garages solidaires à Orsay et Savigny-sur-Orge, constate que l’âge moyen des véhicules réceptionnés est d’environ dix-sept ans, tandis que le réseau Agil’Ess déplore que près des trois quarts des donations aillent directement à la casse, en raison du trop mauvais état des véhicules.

Alors que les garages solidaires peinent à exercer leur mission d’utilité publique, faute de dons de véhicules en nombre et en qualité suffisants, un flux conséquent de véhicules est directement envoyé à la casse dans le cadre de la prime à la conversion (PAC), dont un certain nombre sont encore en bon état de fonctionnement.

Si la prime à la conversion poursuit un objectif vertueux – accompagner et accélérer le renouvellement du parc automobile pour augmenter la part de véhicules moins polluants –, le dispositif fait l’objet d’un point aveugle majeur : dans la totalité des cas, sans tenir compte ni de l’ancienneté du véhicule, ni de son état de fonctionnement, ni de son taux d’émissions polluantes, les véhicules sont envoyés à la casse. Or, 59 % des véhicules mis au rebut dans le cadre de la PAC sont classés Crit’Air 3, soit identiques ou mieux classés que 32 % des voitures particulières du parc actuel.

L’idée de la présente proposition de loi est celle d’une mesure d’intérêt général qui vise à récupérer une partie de ce vivier de véhicules, les moins polluants et encore en état de fonctionner, destinés à la destruction dans le cadre de la prime à la conversion, pour les mettre à disposition des garages solidaires.

Le cercle vertueux de la prime à la conversion ne serait cependant pas remis en cause par le présent texte. Le dispositif proposé introduit seulement davantage de rationalité dans le système en offrant la possibilité de maintenir en circulation les véhicules les moins polluants, pendant une durée limitée, au profit des personnes qui en ont le plus besoin, qui sont sans solution de mobilité ou dont le véhicule, lorsqu’elles en possèdent un, est plutôt classé Crit’Air 4, 5 ou non classé, plutôt que de les envoyer immédiatement être détruits dans un centre de traitement des véhicules hors d’usage (VHU).

L’article 1er de la proposition de loi constitue le cœur du dispositif. Il prévoit la possibilité pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de se voir remettre, à titre gracieux, des véhicules voués à la destruction dans le cadre de la prime à la conversion, afin de mettre en place des services de mobilité solidaire permettant la location de véhicules par des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale.

Le dispositif prévoit que cette faculté s’exerce par le biais d’une convention locale conclue, sur la base du volontariat, entre l’AOM concernée et volontaire, des associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et, sur la base du volontariat, les concessionnaires automobiles, les centres de traitement des véhicules hors d’usage (VHU) et les départements.

Plusieurs garde-fous ont été introduits dans le dispositif lors de l’examen du texte par le Sénat pour trouver un juste équilibre entre justice sociale et préservation de l’environnement :

– seuls les véhicules les moins polluants, à savoir ceux classés Crit’Air 3 ou mieux, seront éligibles. Les véhicules diesel, sur lesquels se concentrent la majorité des bénéfices environnementaux de la PAC, en seront exclus ;

– la durée de réutilisation des véhicules sera limitée, de un à trois ans, avant de les retirer de la circulation à des fins de destruction, comme prévu par la PAC ;

– les AOM seront les uniques propriétaires des véhicules jusqu’à leur destruction, afin de s’assurer de la mise en œuvre effective du retrait de la circulation et de la parfaite traçabilité des véhicules réemployés.

L’article 1er bis prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement permettant l’évaluation du dispositif prévu à l’article 1er, dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret d’application.

Enfin, l’article 2 prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur les mesures permettant de soutenir et de favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilité solidaire.

 


   synthèse

La présente proposition de loi vise à rendre plus effectif le droit à la mobilité, consacré par la LOM en 2019, notamment pour les personnes en situation de précarité en matière de mobilité.

À cet effet, l’article 1er de la proposition de loi permet de remettre aux AOM, à titre gracieux, des véhicules, classés Crit’Air 3 ou mieux classés et retirés de la circulation à des fins de destruction dans le cadre de la prime à la conversion, afin de mettre en place des services de location solidaire. Cette faculté s’exercera par le biais d’une convention locale conclue, sur la base du volontariat, entre l’AOM concernée et des associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et agissant pour les mobilités solidaires.

L’article 1er bis prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement permettant l’évaluation du dispositif prévu à l’article 1er de la proposition de loi, dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret d’application.

Enfin, l’article 2 prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les mesures permettant de soutenir et favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilité solidaire.

La proposition de loi a été adoptée par la commission sans modification. 


   COMMENTAIRE DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er
Mise à disposition des autorités organisatrices de la mobilité (AOM)
de véhicules retirés de la circulation aux fins de mettre en place
des services de mobilités solidaires

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 1er vise à permettre de remettre, à titre gracieux, aux AOM des véhicules, classés Crit’Air 3 ou mieux classés et retirés de la circulation à des fins de destruction dans le cadre de la prime à la conversion afin de mettre en place des services de location solidaire par le biais d’une convention conclue, sur la base du volontariat, entre l’AOM concernée et des associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général.

I.   le droit en vigueur

A.   la mobilitÉ solidaire

1.   La consécration du droit à la mobilité et du principe de mobilité solidaire dans la loi

La loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ([2]), dite « LOM », consacre le droit à la mobilité, en lieu et place du droit au transport auparavant reconnu. Le livre Ier de la première partie du code des transports est ainsi consacré au droit à la mobilité.

La mobilité solidaire est une des déclinaisons de l’objectif de politique publique, réaffirmé à l’article 18 de la LOM, de garantir à chacun le droit à la mobilité. L’article L. 1111-1 du code des transports prévoit ainsi que : « l’organisation des mobilités sur l’ensemble du territoire doit […] rendre effectifs le droit qu’a toute personne, y compris celle dont la mobilité est réduite ou souffrant d’un handicap, de se déplacer (…) ».

Or, l’effectivité du droit à la mobilité n’est pas encore garantie. Le Baromètre 2022 de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et Wimoov met en évidence que 13,3 millions de personnes sont en situation de précarité en matière de mobilité en France. Ces personnes représentent plus d’un quart de la population totale des personnes âgées de 18 ans et plus. Parmi elles, 4,3 millions de Français, soit 8,5 % de la population, n’ont aucun équipement individuel ou abonnement à un service de transport collectif. Ce sont donc des personnes sans voiture, sans permis, sans abonnement aux transports en commun ou à un service partagé.

Cette situation de précarité en matière de mobilité conduit à d’autres renoncements de la part des personnes concernées. Selon le Baromètre précité, plus d’un Français sur quatre déclare avoir renoncé à un déplacement au moins une fois lors des cinq dernières années et ce sont 28 % des demandeurs d’emploi qui ont renoncé au moins une fois à un emploi.

Parmi les facteurs d’explication, l’absence d’alternative à la voiture, en particulier dans les zones rurales ou reculées, contribue à la précarité en matière de mobilité. Auquel s’ajoute, pour les personnes aux plus faibles revenus, l’ancienneté de leur véhicule ([3]) dont les coûts d’entretien et d’usage peuvent devenir rédhibitoires.

La réduction de la précarité en matière de mobilité s’inscrit donc dans une politique publique plus large de solidarité à l’égard des personnes les plus isolées et vulnérables économiquement ou socialement.

2.   La compétence des AOM en matière de mobilité solidaire

La LOM a confié aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), aux régions et à Île-de-France Mobilités (IDFM) une compétence en matière de « mobilité solidaire » au titre de leurs compétences principales. Le 6 ° du I des articles L. 1231-1-1 et L. 1231-3 du code des transports prévoit ainsi que chacune des autorités organisatrices de la mobilité et la région, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité régionale, sont compétentes pour « organiser des services de mobilité solidaire, contribuer au développement de tels services ou verser des aides individuelles à la mobilité, afin d’améliorer l’accès à la mobilité des personnes se trouvant en situation de vulnérabilité économique ou sociale et des personnes en situation de handicap ou dont la mobilité est réduite. »

Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM)

L’article L. 1231-1 du code des transports, réécrit par la LOM, définit la liste des autorités organisatrices de la mobilité. En application du principe de subsidiarité, la loi laisse le choix aux communes, via les intercommunalités, de s’emparer de cette compétence. À défaut, ce sont les régions qui sont compétentes.

– Les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et la métropole de Lyon sont confortées dans leur rôle d’AOM dans leur ressort territorial ;

– Les communautés de communes peuvent se voir transférer la compétence mobilité sur délibération de leurs organes délibérants (intervenue avant le 1er juillet 2021) ;

– La région peut être une AOM par substitution d’une communauté de communes qui n’a pas souhaité prendre la compétence d’AOM avant le 1er juillet 2021.

La région est, par ailleurs, AOM régionale en application de l’article L. 1231-3 du code des transports. Dans la région d’Île-de-France, l’établissement public dénommé « Île-de-France Mobilités » est l’AOM compétente en application de l’article L. 1241-1.

L’article L. 1231-1-1 du code des transports pour les AOM et l’article L. 1231-3 du même code pour les régions fixe leurs compétences principales, parmi lesquelles figure l’organisation des services publics de transports réguliers, de transport à la demande ou encore de transport scolaire.

Pour exercer leur compétence en matière de mobilité solidaire, les AOM ont la possibilité :

– d’organiser un service de mobilité solidaire en mettant en place soit un service de transport à la demande, soit une plateforme de mobilité ;

– de contribuer à un service de mobilité solidaire organisé par une autre collectivité au titre de sa compétence sociale ou par un acteur privé ou associatif ;

– de mettre en place le versement d’aides individuelles à la mobilité.

La LOM a créé en outre deux outils de planification pour les AOM, dont un spécifiquement lié à leur compétence en matière de mobilité solidaire : le plan de mobilité et le plan d’action commun en matière de mobilité solidaire (PAMS).

a.   Le plan de mobilité

Prévu à l’article L. 1214-1 du code des transports, le plan de mobilité a été créé en remplacement du plan de déplacement urbain (PDU) pour assurer la planification, le suivi et l’évaluation de sa politique de mobilité par chaque AOM. Le plan de mobilité « détermine les principes régissant l’organisation de la mobilité des personnes et du transport des marchandises, la circulation et le stationnement dans le ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité » ([4]). Il vise à assurer « le renforcement de la cohésion sociale et territoriale, notamment l’amélioration de l’accès aux services de mobilité des habitants des territoires moins denses ou ruraux et des quartiers prioritaires de la politique de la ville » ([5]).

Le plan de mobilité est obligatoire pour les AOM de plus de 100 000 habitants. Pour les AOM non soumises à l’obligation de mise en place d’un plan de mobilité, la loi prévoit la possibilité d’élaborer un plan de mobilité simplifié. Le plan de mobilité fait l’objet d’une évaluation tous les cinq ans et, le cas échéant, est révisé.

Pour mettre en place un plan de mobilité, les AOM peuvent élaborer un diagnostic de la mobilité pour mettre en évidence les besoins de leurs habitants et définir un programme d’actions adapté ainsi que les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Le plan de mobilité vise à faciliter la coopération en matière de mobilité sur le ressort territorial de l’AOM et avec les collectivités territoriales limitrophes.

b.   Le plan d’action commun en matière de mobilité solidaire

Prévu à l’article L. 1215-3 du code des transports, le plan d’action commun en matière de mobilité solidaire (PAMS) assure une coordination entre les acteurs de la sphère sociale, de l’emploi et de l’insertion et les autorités en charge des mobilités.

Le PAMS est élaboré par la région et le département, à l’échelle de chaque bassin de mobilité ([6]), en lien avec les AOM, le service public de l’emploi et les acteurs du territoire intervenant dans l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Il vise à faciliter et accompagner ces personnes dans leur mobilité du quotidien en définissant les conditions dans lesquelles elles bénéficient d’un conseil et d’un accompagnement individualisé à la mobilité.

3.   Des services de mobilité solidaire en difficulté

Pour exercer leur compétence en matière de mobilité solidaire, les AOM peuvent avoir recours aux services de mobilité solidaire. Selon le ministère chargé des transports, il s’agit de « tout service ayant pour finalité d’apporter des solutions de mobilité aux publics en difficultés ciblés. Ainsi (…) une AOM peut soit organiser un service de mobilité solidaire, soit contribuer ce service et concourir au développement de solutions et de pratiques de mobilités plus solidaires » ([7]). Le cadre juridique des services de mobilité solidaire est donc souple et reste encore à définir.

La majorité des services de mobilité solidaire existants prennent la forme de plateformes de mobilité ou de garages solidaires. Ce sont donc essentiellement des initiatives privées ou associatives.

Plateformes de mobilité

Selon le Laboratoire de la mobilité inclusive, il existe plus de 160 plateformes de mobilité en France. Ce sont des dispositifs d’animation et de coopération de tous les acteurs concernés par la mobilité au plan local. Ces plateformes assurent trois missions principales :

– L’accompagnement vers une mobilité plus autonome des personnes en situation de fragilité ;

– La mise en réseau d’opérateurs de mobilité afin de faire connaître leur offre de service ;

– La mise à disposition de solutions complémentaires lorsque des besoins de mobilité non couverts sont recencés.

Plusieurs types de partenaires participent aux plateformes :

– Des partenaires prescripteurs qui peuvent être des structures publiques, parapubliques ou issues du secteur de l’économie sociale et solidaire qui accompagnent des personnes vers le retour à l’emploi ;

– Des partenaires opérationnels qui interviennent en appui des plateformes de mobilité pour proposer un service adapté comme un garage solidaire ;

– Des partenaires financeurs tels que le Fonds social européen, l’État ou encore les collectivités territoriales.

Les plateformes de mobilité permettent notamment de mettre en avant des services de location solidaire de véhicules comme solution aux problèmes de mobilité rencontrés.

Les garages appelés « solidaires », « participatifs » ou encore « associatifs » sont les premiers services de location solidaire sur le territoire et le plus souvent l’unique solution de mobilité solidaire existante. On dénombre environ 150 garages solidaires en France. Les services de garages solidaires sont accessibles sur prescription et selon des tarifs solidaires. Certains d’entre eux bénéficient d’un agrément délivré par l’État en tant que structure d’insertion par l’activité économique.

Or, les réseaux de garages solidaires auditionnés par la rapporteure ont tous souligné la fragilité de leur modèle économique dépendant des dons de voitures de particuliers pour continuer à assurer un service de location solidaire. À titre d’exemple, la plateforme de mobilité Essonne MobilitéS, qui est une association ayant créé un premier garage solidaire en 2017 à Orsay en lien avec l’Université Paris Saclay, puis à Savigny-sur-Orge, observe que sur les 220 voitures reçues depuis 2018, 87 % d’entre elles proviennent de dons de particuliers.

Des initiatives ont été mises en place pour faciliter le système de dons de voitures. Par exemple, la plateforme « donnezvotrevoiture.org » a été lancée en 2022 à l’initiative de Roole ([8]), Solidarauto ([9])  et du Secours Catholique. Les voitures données par le biais de cette plateforme sont récupérées et remises en l’état par des garages solidaires associatifs pour ensuite être louées ou vendues à un prix solidaire.

Outre le sujet de l’approvisionnement en véhicules pour assurer la continuité des services de location solidaire, les garages solidaires attirent l’attention sur la question de l’ancienneté des véhicules composant leur parc automobile. Selon Essonne MobilitéS, l’âge moyen des véhicules remis à son garage associatif est d’environ dix-sept ans.

Les garages solidaires sont aujourd’hui concurrencés par le dispositif de la prime à la conversion, par lequel des véhicules toujours en état de circulation sont mis au rebut et sortent ainsi du circuit des dons. Certains garages ne sont donc plus en mesure de répondre à une demande croissante du fait de leur dépendance aux dons de particuliers en voie de tarissement.

B.   la prime à la conversion (PAC)

1.   Un dispositif d’aide au service de la décarbonation du parc automobile au bilan environnemental favorable

La prime à la conversion (PAC) a été mise en place en 2015. Elle fait partie des aides à l’achat ou à la location de véhicules peu polluants, avec le bonus écologique, le leasing de voiture électrique ou encore la prime au rétrofit électrique.

L’article L. 251-1 du code de l’énergie prévoit ainsi que « Sont instituées des aides à l’achat ou à la location pour une durée supérieure ou égale à deux ans de véhicules propres, y compris des cycles, des cycles à pédalage assisté et des remorques électriques pour cycles, le cas échéant sous réserve de la mise au rebut des véhicules polluants, à la transformation de véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique ou à l’installation d’équipements techniques de nature à améliorer la sécurité. »

Les personnes, les véhicules éligibles et les montants sont définis dans la partie réglementaire du code de l’énergie ([10]).

a.   Le cadre juridique de la PAC

Pour bénéficier de la prime à la conversion, il faut remettre son ancien véhicule polluant – Crit’Air 3 ou plus ancien –, à des fins de destruction, pour acquérir ou prendre en location, dans le cadre d’un contrat de location longue durée, une voiture particulière qui, jusqu’au 13 février 2024 :

– utilise l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux exclusivement ;

– ou utilise l’essence, le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié, l’éthanol ou le superéthanol et dont l’immatriculation est postérieure à 2011 (Crit’Air 1).

Le rétrofit, c’est-à-dire la transformation d’un véhicule à motorisation thermique en véhicule à motorisation électrique, est également éligible à la PAC.

Depuis l’entrée en vigueur, le 14 février 2024, du décret n ° 2024-102 du 12 février 2024, il n’est plus possible de bénéficier d’une prime à la conversion pour l’acquisition d’un véhicule neuf Crit’Air 1, c’est-à-dire pour l’acquisition d’un véhicule thermique.

La prime est versée sous condition de revenus. Depuis le 14 février 2024, le seuil d’éligibilité a été relevé. La PAC est désormais réservée aux personnes dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 24 900 euros.

b.   Le bilan environnemental de la PAC

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports représentaient 32 % des émissions nationales en 2022 selon les données du Commissariat général au développement durable (CGDD) ([11]), ce qui fait de ce secteur le premier secteur émetteur de GES de la France Le transport routier, en particulier les véhicules particuliers, représente 93,8 % des émissions de ce secteur.

Profil du parc automobile français au 1er janvier 2023

38,9 millions de voitures sont en circulation en France au 1er janvier 2023. L’âge moyen des voitures est de 10,8 ans.

Les voitures diesel thermiques représentent 53 % du total et près d’un tiers des voitures en circulation – 31,6 % –, a un classement Crit’Air au moins égal à 3.

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2023-11/vp2023_image3_1.png

Répartition du parc de voitures par vignettes Crit’Air au 1er janvier 2023 (en %)

La décarbonation du secteur des transports terrestres est ainsi une des priorités de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). L’article 73 de la LOM fixe « l’objectif d’atteindre, d’ici à 2050, la décarbonation complète du secteur des transports terrestres ». La LOM fixe comme objectifs intermédiaires :

 une hausse progressive de la part des véhicules à faibles et très faibles émissions par les ventes de voitures particulières ;

 d’ici le 1er janvier 2030, la fin de la vente des voitures particulières neuves les plus émettrices de CO2, lesquelles représentent 5 % de l’ensemble des ventes annuelles ;

 la fin de la vente des voitures particulières utilisant des énergies fossiles, d’ici à 2040.

La PAC vise à accélérer le remplacement des véhicules les plus anciens et les plus polluants par des véhicules plus performant sur le plan environnemental. Elle a ainsi permis le retrait de la circulation d’environ 1 million de véhicules anciens polluants en huit ans, soit depuis le début du dispositif en 2015 selon les données de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).

En 2022, pour l’ensemble des 90 000 aides attribuées en 2022 au titre de la PAC, le bilan socio-économique du dispositif présente un gain pour la collectivité de 40 millions d’euros selon les calculs du CGDD([12]).

Bilan socio-Économique de la Prime à la conversion pour 2022

 

Source : ASP, calcul CGDD

Ce bilan positif est largement imputable à la mise au rebut de vieux véhicules diesel. Ils constituent 70 % des voitures mises au rebut en 2022 et l’essentiel des gains environnementaux de la PAC : 75 % des gains de réduction des émissions de CO2, 83 % des gains de réduction d’émissions d’oxyde d’azote (NOx) et la quasi‑totalité des gains de réduction d’émissions de particules fines.

2.   Le statut et le profil des véhicules mis au rebut dans le cadre de la PAC

L’une des conditions d’attribution de la PAC est le retrait de la circulation, à des fins de destruction, d’un véhicule ancien. Pour ce faire, le véhicule est remis à un centre de traitement de véhicules hors d’usage (centre VHU) agréé. Le véhicule ainsi mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion a le statut de déchet, au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, et est détruit. Au moment de la remise pour destruction du véhicule usagé, le centre VHU délivre un certificat de destruction au propriétaire du véhicule, qui est obligatoire pour bénéficier de la PAC.

Les centres VHU

Les centres VHU sont des personnes physiques ou morales qui assurent la réception, l’entreposage, la dépollution, le démontage des pièces ou le désassemblage des véhicules hors d’usage (VHU) en vue de leur traitement ultérieur.

Ces centres ont l’obligation d’accepter tout VHU remis par un détenteur. Ce sont les points d’entrée uniques et obligatoires de la filière et les seuls opérateurs autorisés à détruire le véhicule, tant techniquement qu’administrativement. Cette prise en charge du véhicule ne doit pas être facturée au détenteur si le véhicule est complet.

Selon la Direction générale de la prévention des risques, on compterait entre 1 600 et 1 700 centres VHU en France.

La part des véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion s’est élevée à environ 10 % du nombre total des véhicules hors d’usage (VHU) pris en charge par les centres VHU agréés entre 2015 et 2022.

Selon Solidarauto, auditionné par la rapporteure, sur la totalité des véhicules mis au rebut dans le cadre de la PAC, la moitié relève de la catégorie Crit’Air 3. Les données publiées par le CGDD ([13]) confirment la répartition par vignette Crit’Air des véhicules mis au rebut dans le cadre de la PAC en 2022 :

– 59 % de véhicules classés Crit’Air 3 (soit environ 54 000 véhicules) ;

– 26 % de véhicules classés Crit’Air 4 ;

– 6 % de véhicules classés Crit’Air 5 ;

– 8 % de véhicules non classés.

II.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Dans le cadre de l’examen en première lecture, en séance publique, de la loi dite « climat et résilience » ([14]) en 2021, le Sénat avait introduit un article 26 C, à l’initiative de M. Joël Labbé, autorisant les régions, en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité régionale, à réemployer les véhicules les moins polluants éligibles à la prime à la conversion afin de mettre en place un service social de location solidaire. Cet article avait été supprimé du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

L’article 1er de la proposition de loi reprend une partie du dispositif de l’ancien article 26 C de la loi « climat et résilience ».

A.   la Remise à titre grÂcieux aux AOM de certains vÉhicules destinés À la destruction dans le cadre de la PAC

Le I de l’article 1er de la proposition de loi initiale prévoyait de créer un nouvel article L. 318-5 dans le code de la route, dans le chapitre consacré aux émissions polluantes et aux nuisances des véhicules.

Aux termes du I de cet article, un véhicule destiné à être retiré de la circulation, à des fins de destruction, dans le cadre de la prime à la conversion peut être remis, à titre gracieux, à une AOM pour développer des services de mobilité solidaire.

Des critères d’éligibilité en matière d’émissions de pollution et d’état du fonctionnement du véhicule sont prévus afin de limiter l’impact environnemental de la mesure.

Il est également prévu que l’AOM puisse mettre le véhicule à disposition d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et agissant pour les mobilités solidaires.

B.   la Mise en place de services de location solidaire grâce aux véhicules remis

Le II de l’article L. 318-5 du code de la route créé par la proposition de loi prévoyait que les AOM ou, le cas échéant, les associations mobilisées emploient les véhicules remis pour mettre en place des services de location solidaire à destination des « personnes en situation de précarité sociale ».

C.   l’encadrement de l’impact environnemental du dispositif

Pour tenir compte de l’impact environnemental et sanitaire du dispositif, lequel remet en circulation des véhicules destinés à la destruction dans le cadre de la PAC, le III du nouvel article L. 318-5 du code de la route prévoyait d’encadrer dans le temps le dispositif : l’utilisation d’un de ces véhicules ne peut se faire que pour une durée définie par décret, à l’issue de laquelle le véhicule est retiré de la circulation, à des fins de destruction.

La mise au rebut, à des fins de destruction, des véhicules les moins polluants dans le cadre de la prime à la conversion est ainsi seulement décalée de quelques années, avec une garantie de traçabilité sur toute la durée du dispositif.

III.   Les modifications adoptées par le sénat

A.   l’Examen en commission

La commission a adopté sept amendements, à l’initiative du rapporteur M. Jacques Fernique afin, d’une part, de mieux encadrer le dispositif pour en renforcer les bénéfices sociaux tout en limitant ses incidences environnementales et, d’autre part, de le rendre plus opérationnel pour en garantir les conditions de mise en œuvre.

1.   La clarification du champ des véhicules éligibles

Dans la rédaction initiale du I de l’article L. 318-5 du code de la route , les véhicules éligibles au dispositif étaient ceux correspondant « à des critères en termes de pollution et d’état de fonctionnement définis après avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ». Or, le rapport législatif du Sénat indique que cette disposition « soulève des difficultés opérationnelles » ([15]).

L’amendement COM-3 a ainsi remplacé cette disposition par une définition plus claire du champ des véhicules éligibles : seuls les véhicules à essence et assimilés classés Crit’Air 3 ou mieux classés pourront être réemployés. Selon le rapport législatif du Sénat, « cette proposition tient compte de la volonté du rapporteur de limiter les nuisances environnementales » ([16]) en écartant du dispositif les véhicules classés Crit’Air 4, 5 et non classés ainsi que les véhicules diesel.

2.   La sécurisation des modalités d’utilisation des véhicules

L’amendement COM-6 a clarifié le champ des services de mobilité solidaire qui peuvent être mis en place en application du dispositif. Il précise que les véhicules remis aux AOM afin de mettre en place des services d’aide à la mobilité ne peuvent être mis à disposition des bénéficiaires qu’à travers la location, afin d’exclure toute possibilité d’achat de ces véhicules. Les AOM restent ainsi seules propriétaires des véhicules pendant toute la durée du dispositif.

Cette disposition est une garantie de fiabilité du dispositif. L’AOM est responsable de veiller au retrait de la circulation des véhicules à l’issue de leur durée d’utilisation et à leur traçabilité.

3.   Une mise en œuvre du dispositif par convention locale

Pour mettre en œuvre des services de location solidaire prévus à l’article 1er de la proposition de loi, l’amendement COM-7 prévoit la conclusion d’une convention locale entre les AOM concernées et volontaires et, sur la base du volontariat, les structures associatives, en particulier les garages solidaires, les concessionnaires automobiles et, le cas échéant, les centres VHU et les départements.

Selon le rapport législatif du Sénat, « l’objectif de cette convention est de clarifier la répartition des responsabilités des différentes parties prenantes au dispositif et ses modalités de mise en œuvre » ([17]). Cette convention précisera notamment les modalités de collecte et de remise des véhicules ainsi que les conditions de retrait de la circulation et de destruction des véhicules une fois la durée d’utilisation prévue expirée.

4.   La coordination des parties prenantes agissant en faveur de la mobilité solidaire

L’amendement COM-5 prévoit que les modalités d’action et de coordination encadrant les futurs services de mobilité solidaire mis en place soient inscrites dans le plan de mobilité élaboré par l’AOM.

Il prévoit également que ces modalités peuvent être précisées par le plan d’action commun en matière de mobilité solidaire lequel intègre les organismes concourant au service public de l’emploi. En tant que services prescripteurs, les départements ainsi que France Travail ont un rôle essentiel pour identifier les potentiels bénéficiaires du dispositif, définir leurs besoins et les orienter vers les services de mobilité solidaire.

5.   La clarification du statut juridique des véhicules remis aux AOM

L’amendement COM-2 précise à l’article L. 251-1 du code de l’énergie que les véhicules faisant l’objet d’un réemploi dans le cadre de la prime à la conversion peuvent être mobilisés pour des services de mobilité solidaire pendant une durée limitée. Cette disposition vise à éviter la mise au rebut systématique à des fins de destruction des véhicules remis aux centres VHU dans le cadre de la prime à la conversion.

L’amendement COM-2 complète également le dispositif proposé pour prévoir que, pendant leur durée d’utilisation, les véhicules concernés par le dispositif « ne sont pas considérés comme des déchets au sens de l’article L. 54111 du code de l’environnement ».

6.   Précisions rédactionnelles

L’amendement COM-1 vise à déplacer les dispositions introduites dans le code de la route par l’article 1er de la proposition de loi, afin de les intégrer dans le code des transports. Ainsi, un nouvel article L. 1113‑2 est inséré dans le chapitre du code des transports consacré à l’accès des personnes défavorisées au transport au sein du livre Ier de la première partie, consacré au droit à la mobilité.

B.   l’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté six amendements, dont cinq à l’initiative du rapporteur M. Jacques Fernique :

– l’amendement  7 du rapporteur a élargi aux véhicules ayant fait l’objet d’une opération de rétrofit le champ des véhicules éligibles au dispositif ;

– l’amendement n° 4 de M. François Bonneau (Union Centriste), modifié par le sous-amendement n° 10 du rapporteur, a renvoyé à la convention conclue entre l’AOM et les différentes parties prenantes au dispositif les modalités de réalisation d’une inspection préalable des véhicules utilisés pour garantir leur sécurité et leur « aptitude à la circulation » ;

– l’amendement n° 9 a complété l’article L. 224-8 du code de l’environnement pour préciser que les véhicules remis aux AOM dans le cadre du dispositif de la proposition de loi, prévu au nouvel article L. 1113-2 du code des transports, ne seront pas décomptés comme faisant partie du parc de véhicules géré par l’AOM ;

– les amendements n° 8 et  12 ont apporté des précisions rédactionnelles.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis
Évaluation du dispositif prévu à l’article 1er

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 1er bis prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement permettant l’évaluation du dispositif prévu par l’article 1er de la proposition de loi, dans un délai de trois ans à compter de la publication de son décret d’application.

I.   les dispositions adoptées par le sénat

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait au cinquième alinéa de l’article 1er un réexamen, à l’issue d’une période définie par décret, des conditions d’éligibilité des véhicules et des bénéficiaires au dispositif prévu au même article 1er.

Le Sénat a étendu ces modalités de réexamen pour s’assurer de la bonne effectivité des mesures proposées, eu égard notamment à leurs incidences sociales et environnementales.

Ainsi, en commission, le cinquième alinéa de l’article 1er a été supprimé (amendement COM-5) et un nouvel article 1er bis a été introduit (amendement COM-9) par deux amendements du rapporteur.

L’article 1er bis prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l’évaluation du dispositif créé à l’article 1er de la proposition de loi. À ce titre, l’article 1er bis précise certaines des données quantitatives qui devront figurer dans le rapport afin d’évaluer les résultats concrets du dispositif. Il s’agit en particulier :

– du nombre d’autorités organisatrices de la mobilité, d’associations, de concessionnaires et de centres de traitement ayant pris part au dispositif ;

– du nombre de véhicules mis en location dans le cadre du dispositif ;

– du nombre et des catégories de personnes ayant bénéficié du dispositif.

L’article 1er bis prévoit également que le rapport évalue la pertinence des critères d’éligibilité choisis et des modalités de mise en œuvre du dispositif.

Enfin, le rapport devra permettre d’évaluer l’impact environnemental et sanitaire des mesures.

Ce rapport sera remis une fois le dispositif consolidé, dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret d’application prévu par le V de l’article 1er.

II.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté l’article 1er bis sans modification.

Article 2
Rapport sur le développement du rétrofit
pour des services de mobilité solidaire

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 2 prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur les mesures permettant de soutenir et favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilité solidaire.

I.   le droit en vigueur

Dans le domaine automobile, le rétrofit consiste à transformer un véhicule essence ou diesel en véhicule électrique, en remplaçant son moteur thermique et son réservoir par un moteur électrique et une batterie. Des opérations de rétrofit peuvent également aboutir à la conversion d’un véhicule en hybride rechargeable ou en système au gaz de pétrole liquéfié (GPL).

Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) publiée en 2021, une opération de rétrofit sur une voiture citadine diesel permet d’économiser 47% des émissions de dioxyde de carbone par rapport à son remplacement par un modèle électrique neuf et 66% des émissions de dioxyde de carbone par rapport à son maintien en circulation pendant une durée de dix ans ([18]).

A.   L’encadrement des opérations de rétrofit

Les opérations de rétrofit des véhicules sont encadrées en France depuis la publication d’un arrêté du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible. Cet arrêté prévoit notamment une procédure d’homologation des opérations de rétrofit.

En avril 2023, le Gouvernement a annoncé un « plan d’action national en faveur du rétrofit ». Ce plan s’articule autour de trois axes : la simplification de la réglementation du rétrofit, le renforcement des primes liées au rétrofit et le soutien au développement de la filière, notamment via des appels à projet.

Dans le cadre de ce plan et après une consultation publique menée du 25 mai 2023 au 16 juin 2023, un arrêté du 12 septembre 2023 est venu modifier l’arrêté du 13 mars 2020, afin notamment d’étendre son champ d’application et de faciliter les procédures d’homologation.

B.   Les dispositifs d’aide au rétrofit

Un décret du 30 décembre 2022 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location de véhicules peu polluants ([19]) a créé un dispositif dit de « prime au rétrofit », codifié à l’article D. 251-5 du code de l’énergie.

Cette prime peut être attribuée à toute personne physique majeure justifiant d’un domicile en France, dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 24 900 euros, ou à toute personne morale justifiant d’un établissement en France.

Le dispositif s’accompagne d’une double obligation, pour le propriétaire, de conserver son véhicule au moins un an et de parcourir une distance minimale de 6 000 kilomètres.

En application d’un décret du 12 février 2024 ([20]), le montant de la prime s’élève à 1 500 euros pour un rétrofit électrique. Ce décret a rendu éligibles à la prime au rétrofit les conversions en motorisation hybride rechargeable, pour des véhicules répondant à certains standards d’ancienneté et de taux d’émissions.

II.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Le rétrofit représente une option prometteuse, dès lors qu’elle permet de diminuer les coûts environnementaux liés à la production de nouveaux véhicules tout en affaiblissant ceux résultant du maintien en circulation des anciens.

Toutefois, les travaux menés font apparaître le caractère insuffisamment mature à ce jour de la filière du rétrofit en France, en particulier pour en faire dépendre des services de mobilités solidaires.

Dans l’étude de 2021 susmentionnée, l’Ademe soulignait les freins persistants au développement de la filière du rétrofit, au premier rang desquels les coûts « très élevés » des kits de conversion et de leur homologation. En effet, selon le ministère chargé de la transition écologique, le coût d’une opération de rétrofit électrique s’élève en moyenne entre 15 000 et 20 000 euros ([21]). De plus, selon Mobilians, seuls six systèmes de rétrofit avaient été homologués au milieu de l’année 2023.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit donc la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur les mesures permettant de soutenir et favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilités solidaires, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.

III.   Les modifications adoptées par le sénat

A.   l’Examen en commission

Afin de clarifier l’objet de la demande de rapport, la commission a adopté un amendement à l’initiative du rapporteur (amendement COM-8) permettant de préciser que les mesures étudiées sont celles en faveur du déploiement de services de mobilités solidaires.

B.   l’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’article 2 sans modification.

IV.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’article 2 sans modification.

 


   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 20 mars 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Marie Pochon, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires (n° 1993).

M. le président Jean-Marc Zulesi. Mme Marie Pochon est la rapporteure de la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.

Mme Marie Pochon, rapporteure. C’est un honneur pour moi que de rapporter cette proposition de loi, tant parce qu’il s’agit du premier texte que je rapporte devant cette commission que parce qu’elle est le fruit des efforts du sénateur Joël Labbé, dont je tiens à saluer la qualité du travail et l’engagement en faveur de la lutte contre la précarité en matière de mobilité. La proposition de loi reprend un dispositif qui avait été adopté à son initiative au Sénat lors de l’examen, en séance publique, du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit « climat et résilience », et malheureusement supprimé en commission mixte paritaire. Je remercie le rapporteur au Sénat, Jacques Fernique, dont le travail rigoureux et minutieux a permis l’adoption de ce texte à l’unanimité des sénateurs, le 13 décembre 2023.

Cette proposition de loi concrétise une idée, simple en apparence mais empreinte de bon sens, qu’un garagiste avait soufflée à Joël Labbé en ces termes : « Je vois presque tous les jours des voitures destinées à la casse qui sont encore en bon état de marche, quel gâchis ! Ces voitures pourraient servir à des personnes ou à des ménages qui n’ont pas forcément l’argent pour en louer ou en acquérir une neuve. Puisque tu es sénateur, ce serait bien que tu fasses quelque chose. »

Cette idée consiste à prendre deux problèmes pour en faire une solution. D’un côté, les garages solidaires peinent à mener à bien leur mission d’utilité publique – proposer des véhicules, à la location ou à la vente, à petit prix, aux personnes en situation de précarité, notamment là où n’existe aucune autre solution que la voiture – faute de dons de véhicules suffisants pour faire face à une demande en hausse. Leur flotte de véhicules disponibles est vieillissante et de plus en plus polluante, si bien qu’à l’enjeu environnemental s’ajoutent les questions de sécurité routière et de dignité sociale. De l’autre, la prime à la conversion (PAC) alimente un flux important de véhicules envoyés à la casse, dont certains sont encore en bon état de fonctionnement. Quelque 50 000 véhicules classés Crit’Air 3 sont ainsi mis au rebut chaque année dans le cadre de ce dispositif. Puiser dans ce vivier de véhicules promis à la casse, en récupérant les moins polluants de ceux encore en état de rouler pour les mettre à disposition des garages solidaires constituerait une mesure d’intérêt général.

Selon le baromètre de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) de 2022, 13,3 millions de personnes étaient en situation de précarité en matière de mobilité en France. Cela signifie qu’un quart de nos concitoyens, âgés de plus de 18 ans, n’ont pas, ou difficilement, accès à un véhicule individuel ou à un mode de transport collectif. Parmi eux, 4,3 millions de Français ne disposaient tout simplement d’aucun moyen de transport – une réalité très concrète dans tant de nos campagnes. Pour ces personnes, se déplacer rime trop souvent avec renoncer : à un rendez-vous médical, à un dîner avec les amis, à voir la famille pour nos aînés, à une offre de formation, à un entretien d’embauche ou à une opportunité professionnelle… Toujours selon le même baromètre, 28 % des demandeurs d’emploi ont renoncé au moins une fois à un travail lors des cinq dernières années pour des raisons de mobilité. Beaucoup sont des femmes ; elles constituent, par exemple, plus de 70 % des bénéficiaires du garage de Saint-Nazaire où cette idée est née.

Le droit à la mobilité, consacré par la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, reste malheureusement théorique. La LOM entendait pourtant garantir la mobilité pour tous et faire de la mobilité solidaire un objectif de politique publique et l’une des compétences principales des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Dans les territoires ruraux, les services de mobilité solidaire – garages solidaires ou plateformes de mobilité d’intérêt général en majorité – forment les maillons essentiels de la chaîne de solidarité. Ces initiatives, le plus souvent associatives ou privées, parfois soutenues par les collectivités, contribuent à lutter contre les inégalités d’accès à la mobilité. En offrant des services de location de véhicules à tarif réduit, ces associations permettent, par exemple, à leurs bénéficiaires de se rendre à un rendez-vous de travail ou de formation. Elles luttent, à leur échelle, contre la circulation de véhicules dangereux, ne respectant pas le cadre légal. Rendez-vous compte que quelque 2 millions de véhicules circulent sur nos routes sans contrôle technique – parce que ça coûte cher, qu’on n’est pas sûr de pouvoir récupérer sa voiture après et qu’on ne saurait pas, de toute manière, financer sa réparation. Il est urgent de remplacer ces véhicules dangereux et indignes.

Malheureusement, les services de mobilité solidaire sont en grande difficulté : d’une part, les dons de véhicules, sur lesquels repose leur modèle économique, tendent à se tarir ; d’autre part, l’âge de plus en plus avancé des véhicules reçus pose des problèmes de sécurité pour les bénéficiaires, de pollution et, parfois, de dignité de la personne. Ainsi, les membres d’Essonne mobilitéS, association gérant des garages solidaires à Orsay et Savigny-sur-Orge, constatent que l’âge moyen des véhicules leur parvenant est d’environ 17 ans ; ils nous confiaient aussi avoir « du mal à pouvoir répondre à l’ensemble des demandeurs d’emploi pour l’acquisition de véhicules ». Or, depuis sa création en 2015, la PAC exacerbe ces deux tendances. Ce dispositif visant un objectif vertueux – accompagner et accélérer le renouvellement du parc automobile en favorisant les véhicules moins polluants – comporte en effet un point aveugle d’importance : on envoie à la casse tous les véhicules concernés, sans tenir compte de leur ancienneté, de leur kilométrage, de leur état de fonctionnement ou de leur taux d’émissions. Plus de 1 million de véhicules ont ainsi été détruits, dont 59 % étaient classés Crit’Air 3, score supérieur ou égal à celui de 32 % des voitures particulières du parc en circulation. Tout le paradoxe est là : les garages solidaires fonctionnent difficilement, avec un modèle économique menacé et des véhicules très anciens et polluants et nous envoyons chaque année au broyage des voitures souvent plus récentes, moins polluantes et en bon état de marche.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de remettre en cause le cercle vertueux de la PAC. La présente proposition de loi n’en menace nullement le système, elle y introduit simplement davantage de rationalité, en permettant de maintenir en circulation les véhicules les moins polluants, pendant une durée limitée, au profit des personnes qui en ont le plus besoin. Le bénéfice est donc social et environnemental : l’immense majorité des véhicules reçus par les garages solidaires grâce au dispositif proposé seraient bien moins polluants que ceux, très anciens, dont ils disposent actuellement.

Par ailleurs, en matière d’automobile, rouler pollue, mais produire aussi. Là encore, le dispositif proposé est vertueux : maintenir les véhicules concernés en circulation laisse plus de temps pour en amortir le coût environnemental de fabrication. Il permet, en somme, de s’extraire quelque peu de la logique consumériste qui prévaut actuellement.

L’article 1er de la proposition de loi constitue le cœur du dispositif. Il prévoit la possibilité pour les AOM de se voir remettre, à titre gracieux, des véhicules voués à la destruction dans le cadre de la PAC, afin de développer des services de location solidaire. Pour exercer cette faculté, les AOM concernées concluent une convention locale avec les associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, et les concessionnaires automobiles, centres de traitement des véhicules hors d’usage (VHU) agréés et départements se portant volontaires.

Pour garantir l’équilibre entre justice sociale et préservation de l’environnement, le Sénat a prévu des garde-fous qui encadrent le dispositif. J’insisterai sur trois d’entre eux. Premièrement, seuls les véhicules les moins polluants, classés Crit’Air 3 ou mieux, pourront être maintenus en circulation. Les véhicules diesel, sur lesquels la PAC réalise la majorité de ses bénéfices environnementaux, en sont bien évidemment exclus. Deuxièmement, chaque véhicule sera maintenu en circulation pour une durée définie, à l’issue de laquelle il sera retiré de la circulation et détruit, comme le prévoit la PAC. Troisièmement, afin de garantir la mise en œuvre effective de ce retrait et la parfaite traçabilité des véhicules, l’AOM en sera l’unique propriétaire jusqu’à leur destruction.

L’article 1er bis de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif, dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret d’application. Ce rapport constituera un point d’étape important : analyser la mise en application du dispositif, notamment en mesurant ses incidences sanitaires et environnementales, permettra d’évaluer la pertinence des critères d’éligibilité choisis et d’envisager les modifications législatives à apporter.

L’article 2 prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur les mesures permettant de soutenir et favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilité solidaire. En effet, le rétrofit, c’est‑à‑dire la conversion d’un véhicule thermique en véhicule électrique, représente manifestement une option prometteuse qui diminue les coûts environnementaux liés à la production de nouveaux véhicules, tout en minimisant ceux résultant du maintien en circulation des anciens. Les travaux menés à ce sujet montrent toutefois qu’en France, cette solution n’a pas encore la maturité industrielle requise, notamment pour laisser les services de mobilité solidaire en dépendre : le coût des opérations est trop élevé, la filière insuffisamment développée, et beaucoup de bénéficiaires actuels n’ont, tout simplement, pas la possibilité de charger des véhicules électriques à leur domicile – quand ils en ont un. Ce rapport contribuera donc à éclairer la réflexion à ce sujet.

Je remercie chacun de nos collègues qui ont pris la peine d’étudier le texte, de s’intéresser au sujet, et souhaité apporter leur contribution avec des amendements. Cependant, mes avis seront défavorables, pour deux raisons. Premièrement, le Sénat a su trouver entre les différents objectifs visés par cette proposition de loi un équilibre que je ne souhaite pas voir bouleverser. Je m’opposerai notamment à tout amendement qui viserait à revenir sur la gestion du dispositif par l’AOM, garantie essentielle de son caractère vertueux, ou le rendrait inopérant, par exemple en le restreignant aux véhicules rétrofités.

Deuxièmement, de nombreux acteurs – garages solidaires, associations spécialisées ou luttant contre l’exclusion en général – attendent cette loi, urgente pour eux et pour les Français confrontés à la précarité en matière de mobilité. Voilà pourquoi je veux défendre ce texte en l’état, dans l’espoir d’une adoption conforme en séance publique.

Aussi, je m’en remettrai à votre esprit de concorde pour retirer les amendements visant à ajuster le dispositif à la marge, dans l’attente de l’évaluation qui en sera faite en application de l’article 1er bis. Faute de quoi, je leur opposerai un avis défavorable. Le texte a vocation à être évalué, à évoluer, à être renforcé par des budgets correspondants, notamment pour la mise en œuvre de dispositifs de mobilités solidaires par des AOM situées dans des territoires enclavés et sans moyens, ou pour faire face à la charge administrative de France titres.

J’ai commencé cette prise de parole en vous rapportant la naissance de cette idée. Je la terminerai en vous présentant les personnages de l’histoire, en vous disant leur détermination, leurs sourires si communicatifs, leur manière de se plier en quatre pour que cette idée aboutisse : Jacques Mathieu, président du garage solidaire de Saint-Nazaire, Bernard Dèche, président du réseau Agil’ess et Michèle Morgan, sa directrice générale, Jean Giraudeau, le directeur de Solidarauto, Joël Labbé, sénateur désormais honoraire, à qui nous devons tant, Jacques Fernique, rapporteur de cette proposition de loi au Sénat… Il serait trop long de tout vous raconter. Derniers personnages à paraître dans cette histoire, nous contribuerons peut-être, au cours de cette semaine transpartisane, à changer la vie de milliers de nos concitoyens.

M. Damien Adam (RE). Je remercie Mme la rapporteure pour son travail sur cette proposition de loi et, comme elle, le sénateur Joël Labbé, qui a remis ce texte sur la table à la suite des débats sur la loi « climat et résilience ». Je me réjouis que cette proposition de loi occupe un créneau transpartisan avec l’assentiment de tous les groupes – j’en remercie notamment le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard. Nous souhaitons en effet voir aboutir cette proposition de loi qui associe la transition écologique à l’aide aux ménages les plus précaires. Pour cela, nous avons fait le choix de ne pas déposer d’amendements. Les idées ne manquaient pourtant pas pour améliorer et enrichir le texte, mais nous comprenons la nécessité de l’adopter le plus rapidement possible.

Laissez-moi rappeler tout ce qu’a fait la majorité présidentielle en faveur de la mobilité des ménages les plus précaires. Depuis 2017, de nombreuses mesures ont été prises : la PAC qui a concerné plusieurs centaines de milliers de véhicules ; le bonus écologique pour les véhicules électriques, avec un superbonus pour les ménages les plus modestes ; l’aide à l’acquisition de vélo, parce qu’il importe aussi de promouvoir le report modal dès qu’il est possible ; le forfait mobilités durables (FMD) que la loi rend disponible pour tous les fonctionnaires du pays et certains salariés du secteur privé ; la prime de covoiturage ; le microcrédit pour les véhicules propres ; et surtout le leasing social qui a séduit plus de 50 000 Français en cette première année. Vous ne m’en voudrez pas d’ajouter le rétrofit, sur lequel nous travaillons aussi, afin de transformer nos véhicules anciens en véhicules propres.

M. Christophe Barthès (RN). La présente proposition de loi est bienvenue. Elle tend à allonger la durée de vie de certains véhicules destinés à la casse dans le cadre de la prime à la reconversion, opération dont nous avions souligné le coût, insurmontable pour les Français les plus précaires, souvent tributaires de la voiture. La mobilité de personnes défavorisées, auxquelles les AOM loueront ces véhicules qui auraient dû être détruits, s’en trouvera ainsi facilitée.

Fixés de façon précipitée, ambitieux, voire déconnectés, les objectifs environnementaux de transition entraînent inévitablement des inégalités parmi nos concitoyens et une grande précarité en matière de mobilité. Nous soutenons toutefois la démarche consistant à réutiliser un véhicule d’occasion plutôt qu’à favoriser la construction d’un véhicule neuf, étape la plus polluante de son cycle de vie. En cette période de transition écologique inévitable, autant encourager une telle ouverture.

Nous aurions certes apprécié que le champ d’application de la proposition de loi soit plus étendu, ce que nous aurons l’occasion d’étudier au cours de la discussion des amendements. Nous resterons attentifs aux différentes propositions et soutiendrons cette démarche.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Je tiens d’abord à saluer le travail des garages solidaires et des associations à l’origine de ce texte consensuel, de bon sens. La précarité en matière de mobilité touche 13,3 millions de personnes et le secteur des transports émet 32 % des gaz à effet de serre. Il faut de toute urgence instaurer la planification écologique dans notre pays.

L’abandon de leurs territoires par l’État, la fermeture des petites lignes de train, des dessertes ferroviaires, et l’absence d’un service de bus convenable ne laissent d’autre choix aux ruraux que celui de prendre la voiture. Mais soyons réalistes, ce texte n’est pas à la hauteur des enjeux. Entièrement fondé sur le volontariat, il ne contraint ni les particuliers, ni les concessionnaires, qui préféreront certainement envoyer leurs véhicules à la casse. Il ne concerne en outre que les véhicules cédés dans le cadre de la PAC, dispositif ne s’adressant qu’aux plus aisés, capables de payer un reste à charge de 6 000 euros, et ne comportant aucune condition quant au type de véhicule. Qui plus est, le texte confie la gestion des véhicules aux seules AOM du territoire où ils se trouvent. Or la grande masse des véhicules cédés est dans les métropoles, c’est-à-dire en zones à faibles émissions (ZFE). Ils ne pourront donc pas être utilisés dans les campagnes, où la précarité en matière de mobilité est la plus importante.

Nous voterons quand même cette proposition de loi qui va dans le bon sens. Madame la rapporteure, nous avons bien entendu votre stratégie visant à faire adopter le texte en l’état, raison pour laquelle nous n’avons pas déposé d’amendements.

M. Jean-Pierre Taite (LR). La dépendance à la voiture est une réalité, notamment dans les circonscriptions rurales, où nos concitoyens n’ont d’autre choix que celui d’utiliser leur voiture quotidiennement. Plus de 13 millions de Français souffrent d’un accès précaire à la mobilité, 4 millions n’ont pas de moyen de transport et 25 % des demandeurs d’emploi ont déjà dû refuser une offre, faute de solution pour se rendre sur le lieu de travail. L’acquisition d’un véhicule, le carburant, l’entretien pèsent lourd dans le budget des ménages. L’intérêt de cette proposition de loi du groupe Écologiste est avant tout social : réutiliser les véhicules les plus propres de la PAC pour les mettre à disposition des ménages les plus précaires. Mettre à la casse des véhicules en bon état constitue en effet un gâchis et une aberration.

Le modèle économique des garages solidaires est fragile, dépendant essentiellement de dons. Les véhicules qu’ils proposent sont peu vertueux sur le plan environnemental. Les remplacer par des motorisations plus récentes représenterait donc une avancée pour le climat. Le texte prévoit de confier les véhicules aux collectivités pour qu’elles créent des services de location ou les confient à des garages solidaires. En tant que conseiller régional, je formulerai une réserve au sujet du modèle économique du futur dispositif, l’État ayant en effet la fâcheuse habitude de faire reposer le financement sur l’échelon local.

On ne rendra évidemment pas une dignité et un accès au travail aux plus précaires par la seule mise à disposition de véhicules destinés à la casse. Ce texte doit fournir un nouvel outil, parmi d’autres, au service d’une politique de long terme, plus ambitieuse, d’accompagnement social à la mobilité. Cette proposition a du sens pour les habitants du monde rural et doit s’accompagner d’un assouplissement de la réglementation des ZFE, d’une réduction des taxes sur les carburants, d’une baisse du coût du permis de conduire et du contrôle technique, et d’une véritable reprise en main des petites lignes ferroviaires – notre cheval de bataille.

Le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de loi.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Alors que les mobilités représentent encore un tiers de nos émissions de CO2 et une part importante de la pollution atmosphérique de nos métropoles, nous sommes confrontés à un double défi : accélérer la transition de notre parc et le faire sans assigner à résidence une partie de nos concitoyens, notamment les plus vulnérables. La proposition de loi que nous examinons répond indiscutablement au second objectif. À ce titre, notre groupe la soutient pleinement. Les territoires ruraux restent dépendants de la voiture, avec tous les inconvénients que cela comporte pour le budget, l’environnement, mais aussi les populations fragilisées. Quelque 13,3 millions de Français sont en situation de précarité de leur mobilité et plus de 4 millions d’entre eux sans aucune solution de mobilité. Les jeunes et les aînés sont les premières victimes : les premiers voient l’égalité des chances mise à mal ; les seconds connaissent un isolement et un sentiment de déclassement croissants.

Puisque la LOM fait de la mobilité rurale une de ses priorités, il faut trouver de nouvelles solutions et les agréger de façon cohérente. Le texte comporte à cet égard des avancées en permettant la location à un prix social de voitures en bon état, mais destinées à la casse dans le cadre de la PAC. Il facilitera la mobilité des personnes les plus précaires de nos territoires ruraux, ce qui constitue un progrès social.

Des interrogations demeurent cependant, notamment à propos du rôle qui pourrait être confié aux AOM ou autres structures organisatrices de la mobilité. Il conviendra également de trouver des moyens pour financer le rétrofitage des véhicules, seule des solutions du texte à être viable à long terme puisque d’ici à quelques années, tous les véhicules classés Crit’Air 3 devraient faire l’objet d’une éviction des ZFE. Pour le groupe Démocrate, le texte mériterait d’être perfectionné sur ce point, sans brider sa portée sociale pour autant. Mon collègue Bruno Millienne proposera des pistes d’amélioration. Nous souhaitons avoir cette discussion, tout en saluant l’esprit général du texte et la volonté qui s’y exprime.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je tiens à féliciter notre commission d’examiner cette proposition de loi soutenue par le groupe Écologiste. Le texte se donne un double objectif, social et écologique, pour progresser dans la nécessaire transition de nos mobilités. Les chiffres du baromètre national des mobilités de 2022 sont édifiants : en France, 13,3 millions de personnes sont en situation de précarité en matière de mobilité, dont 4,3 millions, soit 8,5 % de la population, n’ont aucun équipement individuel ou abonnement à un service de transport collectif. Fort de ce constat, le groupe Socialistes et apparentés propose chaque année dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) des dispositifs d’accompagnement et d’aide à la mobilité afin de permettre aux ménages modestes d’accéder aux véhicules les moins polluants. Je pense notamment au prêt à taux zéro « mobilité durable », qui n’est toujours pas généralisé et qui offrirait pourtant une solution pérenne pour financer la transition vers l’hybride et l’électrique, à condition de mieux cibler l’aide à l’acquisition.

Grâce à cette proposition de loi, un véhicule destiné à être retiré de la circulation dans le cadre de la PAC, pour destruction le plus souvent, pourrait être remis à titre gracieux à une AOM pour développer des services de mobilité solidaire. Le texte prévoit également que l’AOM puisse mettre le véhicule à disposition d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et agissant pour les mobilités solidaires. Pertinente sur le plan écologique, l’initiative apporte ainsi un précieux soutien aux services de location à vocation sociale.

Le groupe Socialistes et apparentés accueille donc favorablement ce texte, dont nous souhaitons aussi l’adoption conforme.

M. Vincent Thiébaut (HOR). La décarbonation des mobilités constitue un véritable enjeu. Nous y avons œuvré ces dernières années en votant des textes comme la LOM ou la loi « climat et résilience ». La PAC, initialement censée faire sortir du parc les 500 000 véhicules les plus polluants, a finalement concerné 1 million de véhicules. Le leasing social instauré au début de l’année a également permis d’accompagner nos concitoyens qui convertissent leurs véhicules.

Il nous faut toutefois éviter de mettre de côté tous ces gens – plus de 13 millions de personnes – qui ont besoin d’un véhicule, élément particulièrement important dans les milieux ruraux. Nous saluons à notre tour les associations, en particulier l’association Mobilex avec laquelle j’avais travaillé sur la LOM, et nous félicitons de cette proposition de loi, que nous soutiendrons. Partageant l’état d’esprit de la rapporteure, nous n’avons pas déposé d’amendement.

Un point pourrait toutefois être précisé. Nous avons beaucoup fait pour la mobilité des apprentis et des jeunes étudiants, à qui nous proposons notamment le permis à 17 ans. Même s’il cible les plus précaires, le dispositif devrait inclure cette catégorie – les apprentis du moins : bien qu’ils ne soient pas forcément considérés comme vulnérables socialement et économiquement, les problèmes de mobilité, notamment d’accès à un véhicule, constituent l’un des premiers obstacles qu’ils rencontrent.

Le groupe Horizons soutiendra pleinement cette proposition de loi.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Très bonne remarque, monsieur Thiébaut !

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Ce texte défend une idée finalement assez simple : permettre à des personnes précaires d’accéder à la mobilité en réutilisant des voitures au lieu de les détruire systématiquement. En 2022, la PAC a concerné 92 000 véhicules mis au rebut, dont une bonne moitié étaient classés Crit’Air 3. Au même moment, le baromètre des mobilités du quotidien évaluait à 13 millions le nombre de personnes touchées par la précarité en matière de mobilité. Pire, on estime que 4 millions de Françaises et de Français n’ont accès à aucun mode de transport, individuel ou collectif.

Social, économique, le réemploi des véhicules est aussi écologique. En ruralité, comme dans ma circonscription, les difficultés de mobilité constituent un problème quotidien et entravent l’égalité sociale : désertification médicale, éloignement des services publics, fermeture des commerces de centre-bourg, ne pas pouvoir se déplacer revient à ne pas avoir les mêmes droits que toute citoyenne et tout citoyen. Sans mobilité, l’accès à l’emploi est freiné : comment obtenir un poste faute de solution pérenne pour se rendre sur son lieu de travail ? La location par les garages solidaires met un terme à cette spirale infernale : sans voiture, pas de travail ; sans travail, pas de voiture.

Parler en bien de la voiture peut paraître incongru, au regard de ma couleur politique. En réalité, on ne peut nier qu’il est plus écologique de réparer et de réutiliser que de jeter. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, ce réemploi temporaire et encadré réduit le coût environnemental de la construction du véhicule. Ce texte peut changer concrètement la vie de milliers de personnes ; il a été adopté à l’unanimité au Sénat – occasion de saluer le travail de Joël Labbé ; j’espère qu’il connaîtra le même sort à l’Assemblée nationale en commission, puis en séance publique, dans une version conforme.

M. Marcellin Nadeau (GDR-NUPES). Nous sommes évidemment très favorables à cette proposition de loi du sénateur Labbé, qui s’inscrit dans la logique toujours défendue par le groupe GDR. On connaît aussi bien les limites de la PAC, s’agissant de lutter contre la précarité en matière de mobilité, qui touche près de 14 millions de personnes, dont plus de 4 millions n’ont aucun équipement individuel, ni le moindre abonnement, que le poids du transport terrestre dans les émissions de gaz à effet de serre.

La mesure proposée est très bonne, d’autant que les garages solidaires, au cœur du dispositif, soulignent à la fois leurs problèmes de fourniture et celui de l’état du parc automobile dont ils disposent. Nous sommes donc totalement favorables à cette proposition de loi, mais nous mettons l’accent sur les véhicules rétrofités dont traite l’article 2. Pourquoi limiter ces véhicules aux services de mobilité solidaire au lieu de les étendre à un plus large public ?

Cette question étant posée, nous voterons favorablement à ce texte.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Des bonnets rouges aux gilets jaunes en passant par les ZFE, les sujets explosifs en matière de mobilité n’ont pas manqué ces dernières années. Pourquoi ? Parce qu’on a trop souvent abordé le nécessaire verdissement des transports sans prendre en compte l’impératif de justice sociale. Faut-il pour autant abandonner l’objectif légitime de lutte contre le dérèglement climatique ? Non, bien sûr. Notre groupe peut d’autant moins s’y résoudre qu’existent des solutions à la fracture territoriale dont souffrent les plus fragiles, impliquant, sans surprise, davantage d’accompagnement de la part des pouvoirs publics. Le bonus écologique et le leasing social constituent de premiers pas en ce sens. Ces aides restent néanmoins insuffisantes pour permettre l’accès de tous à la mobilité.

Le texte participe donc à combler les lacunes de la politique gouvernementale, en visant à donner une seconde vie, sociale et solidaire, aux moins polluants des véhicules éligibles à la PAC et destinés à la casse. Sans être révolutionnaire, cette mesure de bon sens limitera un effet paradoxal de la transition : la mise au rebut de véhicules en état de fonctionner et moins polluants qu’une partie du parc automobile en circulation, alors même que nombre de nos concitoyens n’ont pas les moyens d’être véhiculés. Les sénateurs ont apporté les modifications et les mesures d’encadrement nécessaires pour rendre le dispositif réellement opérationnel. Nous sommes donc favorables à une adoption conforme de cette proposition du groupe Écologiste.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Merci à tous pour vos contributions et votre écoute sur ce sujet crucial des mobilités solidaires.

 

Article 1er : Mise à disposition des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de véhicules retirés de la circulation aux fins de mettre en place des services de mobilités solidaires

 

Amendement CD11 de M. Jean-Pierre Taite

M. Jean-Pierre Taite (LR). Même si je comprends votre volonté d’aboutir au vote d’un texte conforme, je trouve dommage de le limiter aux véhicules issus de la prime à la casse. Pour vous convaincre, je vais vous donner l’exemple du fils de l’une de mes grands‑tantes, décédée il y a quelques semaines : il ne savait pas quoi faire de la Citroën C3, affichant 80 000 kilomètres au compteur, qu’il devait récupérer. Votre idée est excellente, mais nous devrions étendre l’application de la mesure à certains véhicules donnés.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Le don de véhicules est déjà permis, que ce soit à une AOM qui aurait mis en place un service de mobilité solidaire ou à une association, comme un garage solidaire. Les garages solidaires sont d’ailleurs dépendants de ces dons qui peuvent provenir de particuliers, d’entreprises ou d’institutions. Les responsables de garages solidaires rencontrés m’ont tous fait part d’une difficulté : le tarissement du flux de dons de véhicules. C’est leur vraie préoccupation à un moment où des milliers de véhicules encore en état de fonctionnement sont envoyés à la casse chaque année dans le cadre de la prime à la conversion.

Ce texte vise précisément à capter une partie de ce flux de véhicules pour le rediriger vers les associations qui œuvrent pour les mobilités solidaires. Ces véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion, alors qu’ils sont encore en bon état de fonctionnement, sont un gâchis d’un point de vue social et un gaspillage environnemental, surtout si l’on cible, comme nous le proposons, les moins polluants d’entre eux.

Votre amendement de rédaction globale vide la proposition de loi de son intérêt ; j’y suis donc défavorable.

M. Damien Adam (RE). Le fils de votre grand-tante aurait pu donner le véhicule à un garage solidaire – c’est déjà possible et légal. Peut-être n’y a-t-il pas de garage solidaire dans votre zone géographique ? Cela peut être un souci. Cela étant, comme l’indiquait la rapporteure, le principal problème est le manque de dons aux garages solidaires, concurrencés par la prime à la conversion au titre de laquelle les anciens véhicules sont utilisés pour faire baisser le prix d’achat des nouveaux. En tout cas, nul besoin de réécrire l’article pour ajouter une possibilité qui existe déjà dans notre droit. Il faut plutôt faire en sorte que ce droit soit plus effectif en incitant votre AOM territoriale à bâtir un réseau de garages solidaires capables de récupérer ces véhicules.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). En tant que député de Saint-Nazaire, je salue cette initiative qui vient de ma circonscription où nous étions hier avec la rapporteure. Nous y avons rencontré ceux qui ont eu cette idée et l’ont développée avec ses bénéficiaires potentiels, les bénévoles et certains concessionnaires locaux.

L’amendement de notre collègue m’incite à rappeler que des véhicules sont déjà donnés aux garages solidaires, mais qu’il y en a peu et que la plupart nécessitent beaucoup d’interventions avant d’être remis aux personnes qui en ont besoin. La proposition de loi tend à ouvrir une nouvelle source d’approvisionnement de véhicules en état de marche et répondant à des critères écologiques intéressants, afin de répondre à la demande. Du côté de Saint-Nazaire, par exemple, les dons ne permettent pas de répondre aux deux ou trois demandes de prêt de véhicules qui arrivent chaque semaine, dans des conditions satisfaisantes en termes de délais et de type de véhicules. En s’appuyant sur le vivier des véhicules destinés à la casse par la prime à la conversion, il sera possible de répondre plus vite et mieux aux besoins.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). À mon avis, cet amendement devrait être retiré car il est satisfait. Le fils de tata Ginette pourrait parfaitement donner la voiture à un garage solidaire ou à une plateforme de mobilité.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Pour ma part, je soutiens la proposition de mon collègue Jean-Pierre Taite, car nous manquons de véhicules pour répondre à la demande des bénéficiaires potentiels. Ouvrez l’éventail au maximum, par exemple aux véhicules issus des saisies effectuées par les tribunaux, qui sont en bon état et pourraient être immédiatement utilisés.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Pourquoi, en effet, ne pas élargir aussi le champ d’application de la mesure aux véhicules saisis par les tribunaux, si c’est possible ?

Mme Marie Pochon, rapporteure. Merci pour ces propositions, mais elles ne correspondent pas à la demande des garages solidaires. Il existe un vivier de quelque 50 000 véhicules Crit’Air 3, auxquels les garages solidaires n’ont pas accès actuellement et qui correspondent aux critères énoncés dans ce texte. Les garages solidaires ne demandent pas plus que l’accès à ce gisement, ce qui suppose déjà des capacités de gestion et de stockage, et un nombre suffisant de bénévoles ou de salariés. Le dispositif proposé sera évalué au bout de trois ans. Il sera alors possible d’envisager son élargissement à d’autres bénéficiaires et à d’autres sources de véhicules.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Comme vous êtes ouverte à une évolution du dispositif, nous allons maintenir l’amendement, qui pourra servir de support à de futures modifications.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD13 de M. Jean-Pierre Taite

M. Vincent Descoeur (LR). Nous proposons que les associations proposant des services de mobilité aux publics les plus fragiles figurent dans la liste des bénéficiaires potentiels de ces véhicules. L’intervention de ces associations est prévue dans votre texte par le biais de possibles conventions, mais les identifier parmi les bénéficiaires permettrait d’offrir des solutions en cas de refus des AOM de se saisir du dispositif que vous proposez.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Dans un souci de garantir la traçabilité des véhicules concernés, je suis défavorable à votre amendement. La sécurité du dispositif, notamment d’un point de vue environnemental, est de veiller à ce que ces véhicules ne soient utilisés que pendant une durée limitée. Depuis l’adoption en 2015 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi dite « NOTRe », les AOM ont la compétence d’organiser des transports non urbains au sein de leurs territoires. Leur liste a ensuite été fixée par la LOM qui a créé deux nouveaux outils de planification spécifiquement liés à la question des mobilités solidaires : le plan de mobilité ; le plan d’action en faveur de la mobilité solidaire (PAMS). Il est donc tout à fait pertinent qu’elles soient propriétaires de ces véhicules et qu’elles aient la responsabilité du suivi de ces véhicules et du conventionnement avec les parties prenantes au dispositif.

Nous ne remettons pas en cause le professionnalisme et le savoir-faire des associations concernées, en particulier des garages solidaires, mais ce n’est ni l’esprit, ni le but de cette proposition de loi d’alourdir les responsabilités qui leur incombent.

M. Bruno Millienne (Dem). Je suis plutôt favorable à cet amendement. Certes les AOM sont organisatrices des mobilités, mais les associations d’utilité publique ou les garages solidaires sont totalement capables de gérer ce flux de véhicules. Quant à votre argument sur la traçabilité, il ne tient pas : elle existe sans passer par les AOM. S’agissant de la durée d’utilisation de ces véhicules, elle peut en effet être fixée à trois ou cinq ans, sachant qu’ils sont de toute façon destinés à retourner à la casse à un moment ou un autre.

Il ne s’agit pas de retirer quoi que ce soit aux AOM, mais de laisser la possibilité aux associations d’utilité publique de se saisir du dispositif au cas où les AOM refuseraient de le faire. En revanche, il faut réserver cette possibilité à des associations bien définies, actives dans le domaine de la mobilité solidaire. Je n’ai rien contre le Secours catholique, le Secours populaire, Emmaüs ou les Restos du cœur, mais je peux avoir des réserves à l’égard d’autres associations. Il faut garder à l’esprit que, dans le cas où une AOM ne se saisirait pas de cette compétence, des gens dans la précarité n’auront pas de véhicules à leur disposition.

M. Vincent Descoeur (LR). L’objet de mon amendement est de garantir la pleine réussite du dispositif. Comme l’a fort bien expliqué notre collègue Bruno Millienne, il permet de trouver des solutions dans le cas où une AOM ne se saisirait pas de l’opportunité qui lui serait ainsi offerte – ce qui risque fort d’arriver.

Mme Marie Pochon, rapporteure. J’apprécie votre souci d’améliorer le dispositif, mais je vous rappelle que les associations visées fonctionnent grâce à des bénévoles. Nos auditions et nos déplacements sur le terrain ont montré que les garages solidaires n’ont pas les moyens d’assumer les responsabilités administratives, financières et juridiques liées à la mise en place de ce lourd dispositif.

J’insiste aussi sur la traçabilité. Vous craignez que certaines AOM, compétentes en matière de déploiement des mobilités solidaires, ne se saisissent pas du dispositif. Il appartient à la puissance publique de les pousser à le faire, notamment grâce au développement de réseaux de garages solidaires, que favorisera le présent texte. Cette tâche ne doit pas échoir à des associations reposant sur le bénévolat, mais aux AOM.

M. Vincent Descoeur (LR). Je ne suis pas convaincu par vos arguments concernant la traçabilité. Quant au fait que certains garages solidaires ne seraient pas capables de se porter volontaires, cela ne doit pas nous conduire à l’interdire à ceux qui le peuvent.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Pourquoi empêcher les garages solidaires d’utiliser ce dispositif, s’ils en ont l’envie et les moyens ? Ce serait une bonne solution, directe et efficace.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD5 de M. Pierre Meurin

M. Christophe Barthès (RN). Sur les 92 000 véhicules mis au rebut en 2022 dans le cadre de la prime à la conversion, 59 % étaient classés Crit’Air 3, dont beaucoup étaient en très bon état de fonctionnement. Ces classifications sont d’ailleurs trompeuses et non indicatives de l’impact environnemental réel du véhicule : nombre de véhicules classés Crit’Air 3 sont moins polluants qu’un SUV Crit’Air 1, puisqu’ils sont moins lourds.

Cette proposition de loi remet l’accent sur l’impact environnemental réel des véhicules ciblés par la prime à la conversion. Aussi, dans la mesure où ces véhicules pourraient être loués auprès d’AOM, ils devraient également pouvoir être vendus. Cette proposition s’inscrit dans une démarche sociale : à long terme, la location d’un véhicule peut se révéler plus coûteuse que l’achat. Telle que prévue dans la proposition de loi, la disposition rend les personnes précaires encore plus dépendantes, puisque soumises au seul marché locatif des AOM.

C’est pourquoi nous proposons que les véhicules promis à la destruction dans le cadre de la prime à la conversion puissent être loués, mais également revendus.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Si elle était adoptée, votre proposition mettrait en péril l’équilibre entre solidarité et préservation de l’environnement trouvé au Sénat.

L’équilibre du dispositif repose sur le principe que les véhicules destinés à la casse dans le cadre de la prime à la conversion soient réemployés pour une durée limitée. On décale seulement d’un à trois ans le moment où ces véhicules seront détruits, participant en cela à l’atteinte des objectifs écologiques de la politique de la prime à la conversion. Comment s’assurer que cette période d’utilisation limitée sera bien respectée si les véhicules sont vendus ? Nous perdrions toute garantie de traçabilité assurée par les AOM, qui doivent demeurer propriétaires des véhicules tout au long du dispositif.

Il est important que le dispositif permette uniquement la mise en place de services de location des véhicules, afin de veiller au respect des conditions de leur retrait de la circulation à l’issue de leur période d’utilisation, et ainsi répondre aux impératifs environnementaux de la prime à la conversion. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). Cet amendement déconstruit le caractère écologique de la remise à disposition de ces véhicules pour trois ans. Si vous en permettez l’achat, le texte n’a plus rien d’écologique, car vous remettez dans le circuit des véhicules qui, à terme, seront polluants. Pour tout vous dire, je trouve que les véhicules classés Crit’Air 3 ne doivent pas rester plus de trois à cinq ans en location avant d’aller à la casse, et que nous pourrions aller plus loin en matière de rétrofitage – j’aurai l’occasion d’y revenir.

M. Damien Adam (RE). Il s’agit ici de donner quelques années de vie supplémentaires à des véhicules classés Crit’Air 3, qui ne sont pas les pires en matière de pollution, mais qui devront partir à la casse à l’horizon de 2030. La location s’impose donc pour que les ménages précaires ne se retrouvent pas dans des situations difficiles. C’est d’autant plus nécessaire que, s’ils étaient revendus, ils pourraient bénéficier d’une nouvelle prime à la conversion dans quelques années, ce qui ne serait pas raisonnable. Il faut donc rejeter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD4 de M. Pierre Meurin

M. Christophe Barthès (RN). Il s’agit de faire en sorte que les associations agissant pour les mobilités solidaires ne soient pas les seules autorisées à proposer le réemploi des véhicules par la location, mais que cette prérogative puisse être étendue à toutes les associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, qui œuvrent dans un objectif de développement de services et d’aide à la mobilité. Alors que le texte s’inscrit dans une démarche sociale, cet élargissement permettrait de multiplier les acteurs proposant l’accès à la mobilité des personnes défavorisées. Les bénéficiaires auraient ainsi accès à davantage d’offres et seraient moins dépendants des AOM.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Votre amendement n’enverrait pas un bon signal sur le terrain. L’objectif du texte est aussi de conforter le rôle des garages solidaires et des plateformes de mobilité solidaire. Nous voulons les soutenir, car ce sont des acteurs au savoir‑faire solide, qui ont prouvé leur expertise en termes d’accompagnement social de publics précaires, nécessitant des démarches administratives. De plus, ils sont bien souvent les seuls services de mobilité solidaire faisant de la location de véhicules au niveau local, en particulier dans les zones peu denses et dans les territoires ruraux. C’est pourquoi il est important de conserver ces termes dans la proposition de loi.

Plus globalement, nous espérons que ce texte sera l’un des premiers outils de mise en application concrète de la compétence des AOM en matière de mobilités solidaires, dans de nombreux territoires largement sous-dotés en infrastructures publiques de mobilités, quelles qu’elles soient. Cela passe par le soutien spécifique aux plus de 120 garages solidaires existants, et par l’appui à l’éclosion de nouveaux garages associatifs, que ce texte ne manquera pas de favoriser.

M. Fabien Di Filippo (LR). En l’état, cette proposition de loi me paraît un peu trop restrictive, car ces associations agréées sont situées dans des environnements métropolitains – vous avez cité Saint-Nazaire, une ville d’une certaine taille où elles sont bien implantées. Or les difficultés en matière de mobilité, rencontrées notamment par les jeunes, se manifestent surtout dans des espaces ruraux. Il me paraîtrait donc sensé d’ouvrir le dispositif à d’autres associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, voire plus largement à des associations qui auraient besoin de s’équiper pour que leurs bénévoles puissent se déplacer. Sinon, on pourrait penser que le message sous-jacent de cette proposition de loi est de pousser au développement d’un certain type d’associations, sans forcément reconnaître celles qui existent chez nous et peuvent être fort utiles, même si leur philosophie peut différer de la vôtre.

M. Yannick Haury (RE). Je partage complètement l’avis de la rapporteure. Pour connaître le garage de Saint-Nazaire, je peux vous dire qu’il n’agit pas seulement dans cette ville mais qu’il rayonne sur des territoires ruraux. Comme nous le savons tous, un tiers des emplois ne sont pas pourvus parce que les candidats potentiels ne disposent pas de moyen de transport. Ces garages solidaires ont un vrai savoir-faire, qui implique une logistique et une connaissance de la réglementation. Une association ne peut pas s’improviser acteur dans le domaine. Il faut donc privilégier la constitution d’un réseau de vrais garages solidaires, afin que le système profite au plus grand nombre possible de personnes.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Je comprends votre volonté d’aboutir à un vote conforme sur ce texte pour qu’il puisse rapidement entrer en application. Malgré tout, en tant qu’ancien maire d’une ville de moins de 10 000 habitants, dépourvue de garage solidaire, je comprends aussi mon collègue Di Filippo. Nous pourrions réfléchir à la possibilité de nous appuyer notamment sur les centres communaux d’action sociale (CCAS), dont les bénévoles pourraient travailler en collaboration avec un garage local sur le plan de la conformité des véhicules. Dans le monde rural, il y a très peu de garages solidaires, alors que nos concitoyens ont des besoins de mobilité de ce type.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Vous avez tout à fait raison, on manque de garages solidaires. Il faut les développer et les faire rayonner, notamment sur les territoires ruraux, mais ce n’est pas en élargissant la liste des associations pouvant entrer dans le dispositif que nous allons y arriver. La proposition de loi vise précisément à renforcer les garages solidaires ainsi que la compétence des AOM en matière de mobilités solidaires, ce qui, en retour, devrait favoriser le déploiement d’un réseau de garages solidaires sur l’ensemble du territoire.

En écho à l’intervention de mon collègue Haury, j’insiste sur le fait que ces structures possèdent une compétence spécifique : elles savent accueillir des publics précaires et les accompagner socialement ; elles savent louer et réparer des véhicules. Notre idée est de placer les garages solidaires au centre du dispositif, pas de les mettre en compétition avec d’autres organisations, qui font un grand travail social mais qui n’ont pas forcément le même savoir-faire spécifique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD8 de M. Bruno Millienne

M. Bruno Millienne (Dem). Pour donner accès à plus de véhicules, nous proposons d’ajouter les deux-roues, tricycles et quadricycles à moteur, pour lesquels la date de première immatriculation est postérieure au 1er juillet 2004.

Malgré ses qualités, cette proposition de loi m’inspire plusieurs critiques, notamment en ce qui concerne le recours aux AOM. Il n’y a pas d’AOM de second rang partout – notamment dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie –, alors que ce sont ces structures qui permettent d’organiser les mobilités au plus profond des territoires, au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En passant par les AOM, on prend donc le risque de créer un dispositif inéquitable.

En outre, alors que vous avez tendance à nous accuser tous les jours d’inaction climatique, vous êtes bien peu volontaires en matière de rétrofitage de véhicules, opération destinée à les rendre plus propres, sachant que le coût d’un boîtier au bioéthanol est d’environ 1 000 euros et celui de la conversion au GPL, d’environ 3 000 euros. On peut aussi envisager l’hybride rechargeable, sinon l’électrique. Quoi qu’il en soit, il est possible d’imaginer des systèmes solidaires de location avec des véhicules plus propres que les Crit’Air 3 qui seront bientôt bannis des ZFE. Il s’agit de permettre aux gens les plus précaires d’avoir accès à des voitures plus propres que celles qu’on leur propose.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Vous proposez d’écarter des véhicules classés Crit’Air 3 pour ne retenir que les véhicules ayant fait l’objet d’une opération de rétrofit. Or la filière de rétrofit n’est pas mature en France. D’après la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), entendue en audition, une opération de rétrofit de véhicule coûte entre 7 000 euros et 15 000 euros pour une motorisation électrique ou hybride rechargeable. Si l’on peut espérer que des innovations techniques fassent baisser ce coût à l’avenir, la part de véhicules rétrofités mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion est actuellement anecdotique. En outre, plusieurs concessionnaires rencontrés m’ont affirmé qu’ils manquaient de personnel et même de surface pour pouvoir développer le rétrofit, ajoutant que des garages spécialisés le font très bien et s’en remettant à l’adage « chacun son métier ».

Néanmoins, à l’instar de mon collègue sénateur Jacques Fernique, je considère que le rétrofit fait partie des solutions d’avenir pour faire baisser l’empreinte carbone du secteur des transports. C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi demande un rapport au Gouvernement sur le soutien au rétrofit pour le développement de services de mobilité solidaire, dans un délai d’un an à compter de sa promulgation, afin de mieux se préparer à l’avenir. Vous noterez que l’examen au Sénat a déjà permis d’élargir le champ des véhicules éligibles au dispositif, et que le texte n’empêche pas le réemploi de véhicules rétrofités.

Cependant, l’adoption de cet amendement empêcherait le réemploi de tous les autres types de véhicules ciblés par cette proposition de loi : rétrofités, mais également Crit’Air 3 ou plus essence. De l’avis même de concessionnaires du pays de Saint-Nazaire, que nous avons rencontrés hier avec mon collègue M. Tavel, c’est parfois un déchirement d’envoyer ces véhicules à la casse. Quant aux bénévoles des garages, ils estiment que ces véhicules sont un moyen pour des personnes précaires d’avoir une solution de mobilité peu coûteuse et moins dangereuse et polluante que d’autres : 2 millions de véhicules circulent sur notre territoire sans contrôle technique.

Ce texte apporte des solutions concrètes et immédiates à 8,5 % de la population, notamment dans nos villages, sans aucune solution de mobilité. Je suis donc très défavorable à cet amendement qui rendrait théorique et donc inopérant le dispositif proposé.

M. Damien Adam (RE). Que les choses soient claires : l’adoption de cet amendement reviendrait à réécrire la proposition de loi pour la limiter au cas spécifique du rétrofit. Même si les moyennes ne veulent pas dire grand-chose, il faut savoir que le coût moyen du rétrofitage d’un véhicule thermique se situe entre 15 000 et 20 000 euros. La mensualité proposée aux citoyens serait plus importante que la simple mise à disposition d’un véhicule classé Crit’Air 3, alors que cette proposition de loi vise les ménages les plus précaires.

S’agissant de l’alinéa 4, vous noterez qu’il est fait mention de voitures particulières « essence et assimilées », mais que cette précision n’a pas été apportée pour les deux-roues. Il n’y a pas de deux-roues fonctionnant au diesel, me direz‑vous. Eh bien si, même s’il y en a très peu. Favorable à l’idée d’aboutir à un vote conforme, je n’ai pas proposé d’amendement pour apporter cette précision qui serait utile si nous voulons être exhaustifs.

M. Bruno Millienne (Dem). Mon amendement n’étant pas assez bien rédigé, je vais le retirer, mais je reviendrai à la charge en séance publique. Je suis d’accord pour utiliser des véhicules classés Crit’Air 3, mais je conteste vos chiffres concernant le coût du rétrofit : il est de 1 000 euros pour un boîtier éthanol, de 3 000 euros pour le GPL, et de 8 000 euros pour l’hybride non rechargeable. On doit pouvoir trouver des solutions pour permettre même aux plus précaires de rouler dans des voitures plus propres. Cette proposition de loi n’est pas assez exigeante en termes d’empreinte climatique, ce qui m’étonne de la part des écologistes.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Nous souhaitons que des publics précaires aient accès à des mobilités le plus rapidement possible, ce qui explique l’avis défavorable donné à des amendements intéressants qui pourront être étudiés plus tard, lors de l’évaluation de la loi. Actuellement, la plupart des personnes qui ont besoin de ces mobilités n’ont pas de bornes de recharge à leur domicile, vivent parfois dans des habitats collectifs, ne peuvent pas utiliser des voitures électriques au quotidien. Nous sommes favorables au développement de l’électrique, mais il reste des progrès à faire. Le rapport remis un an après la promulgation de la loi permettra de faire le point.

M. Bruno Millienne (Dem). Comme je travaille depuis deux ans sur le sujet, je peux vous dire une chose : nous pouvions nous dispenser d’une proposition de loi et passer par une mesure réglementaire. Je ne parle pas de véhicules électriques ou hybrides rechargeables, mais de véhicules hybrides non rechargeables, fonctionnant au GPL ou au bioéthanol – il s’agit alors de rétrofit car ce sont des voitures plus propres. Un boîtier à 1 000 euros, je pense que l’on peut en supporter le coût dans un loyer solidaire.

Mme Pascale Boyer (RE). Il faut rattraper le retard accusé par le rétrofit. L’électrique n’est en effet pas la seule solution et si nous ne donnons pas un signe positif en faveur du développement du rétrofit, nous aurons du mal à avancer rapidement.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD15 de M. Jean-Pierre Taite

M. Jean-Pierre Taite (LR). Cet amendement tend à assurer une plus grande solidarité avec les territoires d’outre-mer, où la mobilité et le changement de véhicule sont plus difficiles, en élargissant la liste des véhicules éligibles à la proposition de loi jusqu’au Crit’Air 5, c’est-à-dire les diesels postérieurs à 1997. Cela semble de bon sens.

J’ai bien compris que le souci d’un vote conforme de cette proposition de loi vous empêchait de retenir les amendements, mais je pense que certains, qui sont de bon sens, peuvent être adoptés en séance publique. Si compréhensible soit-elle, la volonté d’aller vite ne doit pas faire négliger de bonnes propositions.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je ne dispose malheureusement pas de données chiffrées et consolidées sur les parcs de véhicules en circulation dans les territoires d’outre‑mer, données qui pourraient utilement nous éclairer sur les difficultés spécifiques que ces territoires peuvent rencontrer pour renouveler leur parc automobile.

On devine bien, toutefois, la forte dépendance à la voiture dans les territoires d’outre‑mer et les difficultés de mobilité qu’y rencontrent les personnes les plus vulnérables économiquement et socialement. En 2021, une étude de l’Insee sur la Martinique faisait apparaître un taux d’équipement automobile des ménages de 7 points inférieur à celui de la France hexagonale, 74 % des ménages étant équipés, contre 81 % dans l’Hexagone.

Cependant, les données du Commissariat général au développement durable (CGDD) relatives à la prime à la conversion montrent que près de 80 % des gains environnementaux étaient liés au retrait de la circulation des véhicules diesel. Nous n’enverrions pas un signal positif en réintégrant ces véhicules à la circulation dans les outre-mer par le biais de ce dispositif.

Parce que je pense que cette loi peut nous permettre de faire un premier pas vers l’accès à des véhicules moins polluants et moins dangereux pour de très nombreuses personnes en situation de vulnérabilité, et que je souhaite qu’elle puisse être opérante au plus vite, je donnerai un avis défavorable à cet amendement, tout en soulignant que l’article 1er bis affirme la nécessité d’un rapport d’évaluation de la mise en application de la loi, qui pourra comprendre une évaluation de ses manques éventuels, notamment concernant les territoires d’outre‑mer.

M. Marcellin Nadeau (GDR-NUPES). Je suis tout à fait défavorable à cet amendement, qui me rappelle la pratique consistant à nous envoyer des produits – par exemple des poulets – non vendus en Europe, au prétexte que nous serions pauvres. Les maladies respiratoires liées à la pollution de l’air, auxquelles s’ajoute, dans nos pays, la brume de sable, ne nous autorisent pas à favoriser ce type de véhicules polluants. Vous connaissez les problèmes généraux de la pollution – sans parler du chlordécone ni des sargasses. C’est donc trois fois non. Nous refusons d’être traités comme la poubelle du monde.

M. Bruno Millienne (Dem). Je suis déjà en colère à l’idée que l’on laissera circuler des véhicules Crit’Air 3, il me semble donc impossible d’imaginer qu’on puisse remettre sur les routes des véhicules Crit’Air 5. Nous devons toutefois nous occuper des territoires d’outre-mer car, sur les 50 000 véhicules hors d’usage classés Crit’Air 3, tous ne sont pas réutilisables – il y en aura au maximum 30 000, et je ne suis pas persuadé qu’ils seront nombreux à arriver dans les territoires d’outre-mer.

M. Daniel Grenon (RN). Dans d’autres pays, on utilise des boîtiers additionnels pour les moteurs diesels. Fonctionnant sur le principe de l’hydrogène, ils décalaminent, rendent le moteur propre, font gagner de la puissance et réduisent jusqu’à 30 % la consommation, qu’il s’agisse de diesel, d’essence ou d’autres carburants. Le prix des boîtiers, fabriqués en Bourgogne, variable selon les moteurs, démarre à environ 600 euros. Compte tenu du parc français de véhicules diesels, il serait intéressant de se pencher sur cette question. En effet, il y a en France beaucoup d’ouvriers et de petits salaires, et tout le monde n’aura pas les moyens d’acheter une voiture électrique.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Par respect pour mon collègue d’outre-mer, que je prie de bien vouloir accepter mes excuses, je retire l’amendement. Je n’ai pas l’intention de faire des territoires d’outre-mer la poubelle de la France, mais cette proposition me paraissait de bon sens au vu d’une situation sociale parfois difficile.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD9 de M. Bruno Millienne

M. Bruno Millienne (Dem). Cet amendement vise à élargir la liste des entités juridiques susceptibles de conventionner avec les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) pour la mise en œuvre du dispositif proposé, en y ajoutant, après les associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, les entreprises de l’économie sociale et solidaire, les coopératives, les sociétés de projet, les concessionnaires automobiles, les centres de traitement des véhicules hors d’usage agréés et les départements.

Là encore, madame la rapporteure, je crains d’être en total désaccord avec vous à propos du recours aux AOM. Je ne l’aurais pas été si les AOM de second rang existaient partout, mais je redoute des actions de clientélisme de la part de responsables de certaines de ces autorités, en vue notamment des élections municipales.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Comme je l’ai déjà précisé, l’un des objets de cette proposition de loi est de conforter les associations, et tout particulièrement les garages solidaires associatifs, dont le modèle économique est actuellement en péril du fait notamment du tarissement des dons de véhicules par les particuliers en raison, précisément, de la prime à la conversion.

En ouvrant le dispositif aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), aux sociétés de projets et aux coopératives d’intérêt lucratif, et non pas général, et même si nous saluons leur démarche, nous risquerions de faire de la concurrence aux garages solidaires, qui disposent d’un vrai savoir-faire et de solides connaissances sur le terrain grâce à un travail avec les prescripteurs sociaux pour accompagner les personnes en situation de précarité en matière de mobilité.

Par ailleurs, la centralité des AOM dans la propriété des véhicules a été consacrée par la LOM. Il s’agit là de la décentralisation par la subsidiarité des mobilités solidaires sur nos territoires, voulue par ce Parlement. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). Je retire également cet amendement pour en reprendre la rédaction en vue de l’examen du texte en séance publique. Il s’agit de laisser la main aux garages solidaires en conventionnement avec ces différents acteurs, sans passer par les AOM.

M. Marcellin Nadeau (GDR-NUPES). Je remercie M. Taite d’avoir retiré son amendement après les explications que j’ai données. C’est une rupture avec ce que Césaire a appelé la tyrannie par l’indifférence.

M. Damien Adam (RE). Si nous validons un amendement, nous retardons le vote définitif de la loi, et donc l’application de cette disposition, alors que nous en avons besoin maintenant, et non pas dans cinq ans. Je pencherais donc plutôt pour la rapidité que pour l’exhaustivité, mais une mention de l’économie sociale et solidaire aurait toutefois eu légitimement sa place dans la proposition de loi.

Une obligation de contractualisation et de conventionnement avec les AOM est prévue, mais il serait plus intéressant que les conventions soient plutôt établies avec les AOM régionales, car les questions de mobilité sont plutôt préemptées par les AOM urbaines que par les AOM rurales, et l’AOM régionale peut avoir une vision globale de la mobilité pour couvrir plus largement son territoire et mieux répondre aux problèmes que nous avons déjà rencontrés. On éviterait ainsi de multiplier les contractualisations avec un grand nombre d’AOM et d’EPCI dans une même région.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD2 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (RE). Cet amendement vise à la suppression de la mention « agréé » pour les centres VHU. L’excellente loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite « Agec ») a donné une dynamique au recyclage, amélioré les performances de collecte et de traitement des véhicules hors d’usage et développé l’économie circulaire, sociale et solidaire ainsi que les emplois d’insertion. Or, dans le cadre de cette loi, le décret du 1er décembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d’usage et à la responsabilité élargie des producteurs prévoit la disparition, le 1er janvier 2025, de l’obligation d’agrément faite aux centres VHU et aux broyeurs. Il semble donc nécessaire de supprimer cette mention qui aurait pour conséquence de réintroduire une procédure administrative qui va disparaître. Comme cela a été dit, en effet, une obligation de contractualisation et de conventionnement entre les producteurs de véhicules et les centres VHU est prévue à partir du 1er janvier 2024. En outre, le suivi et la gestion des VHU seront rigoureusement encadrés car, à compter de 2025, les centres VHU et les broyeurs devront être installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pour leur activité.

Mme Marie Pochon, rapporteure. En l’état du droit, les centres VHU doivent encore être agréés jusqu’au 1er janvier 2025. Le maintien de la mention « agréé » est donc en cohérence avec le droit en vigueur. Un ajustement rédactionnel pour supprimer cette précision pourrait éventuellement faire l’objet d’un article de coordination dans un futur texte. Pour l’heure, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CD18 de M. Jean-Pierre Taite et CD10 de M. Emmanuel Blairy (discussion commune)

M. Pierre Vatin (LR). L’amendement CD18 vise à supprimer l’inspection préalable prévue à l’article 1er, permettant de garantir la sécurité et l’aptitude à la circulation des véhicules issus de la prime à la conversion. Il est proposé de lui substituer une conformité correspondant à la procédure existante du contrôle technique. La prime ne peut d’ailleurs être attribuée que pour remplacer des véhicules non endommagés.

M. Emmanuel Blairy (RN). Ces amendements visent à la réussite de ce texte. Les dispositifs existants permettront d’exclure du parc des véhicules devenus dangereux ou polluants en raison de leur usage ou de leur manque d’entretien. Mieux encore, maintenir un véhicule en bon état d’entretien et reporter sa mise au rebut et son recyclage contribue à une démarche de durabilité et de lutte contre la pollution et les émissions de gaz à effet de serre. Cela va dans le bon sens.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Plusieurs amendements visent à substituer un contrôle technique à l’inspection préalable du véhicule, déjà prévue dans le texte. Je reconnais l’importance de la sécurité, mais j’appelle néanmoins votre attention sur le fait que lorsqu’un véhicule change de propriétaire – ce qui sera le cas puisque c’est l’AOM qui en deviendra propriétaire –, la procédure d’immatriculation du véhicule existante impose au demandeur qu’il fournisse une attestation de contrôle technique de moins de six mois. En raison de la législation actuelle et du fait que la convention qui sera conclue précisera en outre les modalités de l’inspection préalable du véhicule dans le respect des règles du code de la route et des normes applicables, ces amendements sont déjà satisfaits. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD30 de M. Emmanuel Blairy

M. Emmanuel Blairy (RN). Cet amendement vise à élargir territorialement le dispositif. Les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) contribuent à séparer notre ruralité du milieu urbain. Depuis tout à l’heure, nous avons tous reconnu les difficultés de déplacement des campagnes vers les villes, notamment pour se soigner ou pour travailler. L’amendement vise donc à instaurer une dérogation à ce dispositif pour les ZFE. Je suis élu de la première circonscription du Pas-de-Calais, où bon nombre de gens travaillant à Lille, à Lens ou dans le Beauvaisis ne peuvent pas se déplacer.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Les collectivités locales qui le souhaitent peuvent prévoir des dérogations locales, notamment pour les ZFE. C’est par exemple le cas de Paris et de Lyon, qui prévoient des dérogations permanentes ou temporaires selon les raisons et les profils, afin de ne pas entraver des solutions de mobilité solidaire tout en répondant aux impératifs environnementaux des ZFE. Lyon, par exemple, prévoit une carte « mobilité inclusion » qui permet de circuler dans la ZFE.

Par application du principe de subsidiarité, je considère donc que cet amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). Nous sommes bien conscients que les dérogations relèvent du niveau réglementaire, mais il s’agirait ici de donner un véritable signal qui irait dans le sens de votre proposition de loi. D’un côté, on prend des mesures pour faciliter les déplacements et, de l’autre, on limite l’accès aux agglomérations. Il y a là une contradiction.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD6 de M. Pierre Meurin

M. Christophe Barthès (RN). Rédigé de concert avec plusieurs collègues, cet amendement vise à prolonger la durée de vie des voitures, non pas pendant une durée définie, mais en fonction du contrôle technique du véhicule. Cette mesure relève d’un mode de vie responsable où, lorsqu’un véhicule fonctionne bien tout en remplissant les bons critères d’émission, il ne devrait pas être détruit. Le contrôle technique permet de contrôler tous ces paramètres : autant s’y référer plutôt que détruire ces véhicules. Cette proposition s’inscrit dans un cadre de consommation plus raisonnée : une voiture déjà construite polluera toujours moins qu’une voiture construite.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Avis défavorable, car cet amendement remet en cause un élément clef du dispositif : la période d’utilisation limitée du véhicule destiné à être mis au rebut au titre de la prime à la conversion. Cette condition doit être indépendante de la réussite du contrôle technique. Par ailleurs, cet amendement est insuffisant, car il ne propose pas de solution pour la mise en œuvre de cette idée de proportion de durée selon le contrôle technique.

La limitation de l’impact environnemental du dispositif repose, entre autres, sur le fait que le retrait de la circulation des véhicules destinés à la casse est seulement reporté de quelques années. Cela permet ainsi aux personnes physiques ou morales qui se débarrassent d’un véhicule de pouvoir bénéficier tout de même de la prime à la conversion, qui n’est alors que décalée dans le temps.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD20 de M. Jean-Pierre Taite

M. Jean-Yves Bony (LR). Cet amendement vise à supprimer l’avis de l’Agence de la transition écologique (Ademe) sur les modalités d’application de l’article 1er, qui seront définies par décret. L’agence, qui n’est pas une autorité administrative officielle, a elle-même indiqué ne pas disposer des moyens adéquats pour apporter ces précisions, raison pour laquelle elles ont été fixées directement aux alinéas 4 à 6, relatifs à la motorisation des véhicules éligibles.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Toujours en cohérence avec notre souhait d’adopter ce texte par un vote conforme, avis défavorable.

Le rapport du Sénat sur la proposition de loi faisait déjà état des difficultés opérationnelles de l’Ademe pour se prononcer sur les véhicules éligibles au dispositif, car l’agence ne dispose pas de moyens suffisants pour déterminer les critères d’éligibilité des véhicules en fonction de leur niveau d’émissions polluantes. C’est la raison pour laquelle un amendement du rapporteur en commission au Sénat a tenu à définir clairement le champ des véhicules éligibles dans le dispositif, à l’alinéa 5 de l’article 1er.

Je considère ainsi que ce problème a déjà été pris en compte et que la proposition de loi satisfait cet amendement. Son évaluation, dans trois ans, pourra préciser le champ des véhicules éligibles au dispositif, comme le prévoit la demande de rapport. L’Ademe aura peut-être, d’ici là, plus d’éléments à nous apporter.

M. Damien Adam (RE). Nous abordons, avec les alinéas 11 et 12, les éléments que nous aurions pu retravailler. Le rôle de l’Ademe consiste plutôt à formuler des recommandations qu’à définir un cahier des charges très précis. Laissons de la flexibilité aux AOM pour définir les paramètres de ce dispositif.

L’alinéa 11 prévoit le recours à des plans de mobilité, mais les AOM et les EPCI ont défini assez récemment les plans de mobilité. Comment les choses se passeront-elles si une AOM est volontaire pour mettre en place ce dispositif afin de mettre à jour et d’intégrer le plan de mobilité ? Faut-il un vote ou suffit-il d’une décision du vice-président compétent ? Le risque serait de créer une complexité et une lourdeur administrative qui ne feraient que repousser l’existence du dispositif pour les Français qui pourraient y être éligibles.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Malgré tout le respect que j’ai pour nos collègues sénateurs, d’autant plus que le Sénat est, politiquement, plutôt de notre côté, notre rôle de députés est de légiférer et d’amender les textes. Si celui-ci n’était pas voté conforme, nous ne perdrions pas beaucoup de temps, car un aller-retour ne prend que quelques mois. Nous reprendrions donc le texte en septembre. Il serait en effet logique de reprendre certaines mesures, notamment pour ce qui concerne l’Ademe. Je comprends votre volonté, et on peut y souscrire, mais elle nous empêche de légiférer pour améliorer le dispositif.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Comme je vous le disais tout à l’heure, le Sénat a déjà pris en compte la question de l’Ademe et il y répond dans le texte que nous examinons. Ce n’est pas à nous qu’il revient de déterminer les modalités de décision sur les plans de mobilité solidaire à l’échelle des collectivités locales. Une loi a été votée pour décentraliser la compétence des politiques de transport sur notre territoire aux régions ou aux communautés de communes, et je tiens à cet esprit de subsidiarité qui permet de décider à l’échelle des territoires des meilleures manières d’assurer des mobilités solidaires. Le rôle du législateur n’est pas de tout déterminer à l’échelle nationale ; il est de laisser la main aux autorités compétentes.

M. Damien Adam (RE). Vous n’avez pas compris ma question : la loi impose la mise à jour des plans de mobilité, ce qui rallonge le temps qui s’écoule avant que ce dispositif soit disponible pour la population. Quelle est la légitimité de la mise à jour de ce plan de mobilité et quel en est le processus ? Je redoute une complexité administrative de ce dispositif, qui aurait pour effet que personne ne l’applique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD3 de M. Pierre Meurin

M. Christophe Barthès (RN). En cohérence avec l’amendement précédent, il s’agit de supprimer la mention d’une période limitée d’utilisation des véhicules. Au-delà de nos arguments précédents, il nous semble de bon sens, étant donné les circonstances, de rappeler que la durée d’utilisation d’un véhicule est déjà limitée par sa durée de vie. Cette rédaction serait-elle l’aveu d’une obsolescence programmée ? L’état technique de la voiture, ajouté aux exigences du contrôle technique, implique forcément que cette période sera limitée. Préciser dans la loi qu’il s’agit d’une période limitée implique que le véhicule pourra être mis au rebut alors même qu’il pourrait encore circuler sur la route. C’est un non-sens écologique, qui encourage la production de déchets. Nous regrettons d’ailleurs que les critères d’utilisation de ces véhicules soient établis en fonction de leur date d’immatriculation, et non pas en fonction de leurs émissions polluantes réelles.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cet amendement remettrait en cause le bien‑fondé de l’ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que la limitation de la période d’utilisation des véhicules permet de ne pas remettre en cause la prime à la conversion du véhicule, et de contribuer, même un peu plus tard, au renouvellement du parc automobile, et donc à contribuer aux impératifs écologiques en ayant également apporté une solution de mobilité solidaire avant que le véhicule soit mis à la casse. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD22 de M. Jean-Pierre Taite

Mme Christelle Petex (LR). Cet amendement vise à compléter l’article 1er en ajoutant que les véhicules remis à titre gracieux aux AOM ne sont pas décomptés dans le parc relevant directement ou indirectement des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics. Cet amendement d’appel a pour objet de rappeler à l’État ses obligations.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cet amendement d’appel nous alerte quant au retard pris par les administrations de l’État dans le renouvellement de leurs flottes de véhicules afin d’accroître la part de véhicules à faibles émissions.

Je partage votre désarroi face au manque d’exemplarité des administrations en la matière, mais je vous demande le retrait de l’amendement, toujours dans l’objectif de faire adopter ce texte par un vote conforme.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er non modifié.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CD28 de M. Jean-Pierre Taite

M. Nicolas Ray (LR). La plupart des véhicules mis à disposition des services de mobilité solidaire dans le cadre de la proposition de loi seront à 59 % classés en Crit’Air 3. Or ces véhicules seront interdits à la circulation dans plusieurs agglomérations, initialement au nombre de cinq jusqu’à l’assouplissement annoncé hier par le ministre Christophe Béchu – trois d’entre elles, Rouen, Aix-Marseille et Strasbourg, pourront continuer à recevoir ces véhicules après 2025. L’amendement vise à ce que lesdits véhicules soient exclus des obligations prévues dans le cadre des ZFE.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Nous avons déjà eu le débat sur l’instauration d’une dérogation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er bis : Évaluation du dispositif prévu à l’article 1er

 

Amendement CD1 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (RE). Cet amendement est défendu et retiré. L’excellente loi Agec que nous avons votée – même si certains ici ne l’ont pas fait –, comporte des dispositions qu’il ne faudrait pas contredire par de nouvelles propositions de loi.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD7 de M. Pierre Meurin

M. Christophe Barthès (RN). Cet amendement tend à préciser que le rapport faisant état, entre autres, du nombre de catégories de personnes qui bénéficieront de ce dispositif prendra en compte les personnes physiques et les personnes morales, s’il doit y en avoir.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Les bénéficiaires du dispositif seront, par principe, des personnes physiques en situation de vulnérabilité économique. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD23 de M. Jean-Pierre Taite

M. Nicolas Ray (LR). Cet amendement vise à ce que le rapport du Gouvernement dresse un bilan de l’impact social de la mise à disposition de ces véhicules. Le principal objectif de la proposition de loi est en effet social.

Mme Marie Pochon, rapporteure. L’amendement, dont je comprends et partage l’intention, est satisfait par l’article 1er bis, qui prévoit déjà une évaluation globale du dispositif, lequel poursuit en effet un objectif social.

De plus, les différentes données incluses dans le rapport, comme le nombre d’AOM et associations ayant pris part au dispositif, le nombre de véhicules mis en location ou le nombre et les catégories de personnes ayant bénéficié du dispositif, permettront de dresser une évaluation fine des conséquences sociales de ce dernier.

L’ajout de la notion d’impact social, dont les contours apparaissent en outre flous, ne me semble pas nécessaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er bis non modifié.

 

Article 2 : Demande de rapport sur le développement du rétrofit pour des services de mobilité solidaire

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

 


   Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Table ronde des réseaux de garages solidaires

 Réseau Agil’ESS *

M. Bernard Dèche, président du réseau Agil’ESS

Mme Michèle Morgan, déléguée générale du réseau Agil’ESS

M. Jacques Malthieu, directeur du Garage Solidaire St Nazaire

 Solidarauto

M. Jean Giraudeau, directeur

 Mob’In

M. Guillaume Florenson, vice-président du réseau

 Roole *

Mme Aleth d’Assignies, directrice « Impact »

Mme Melisande Grieu, responsable des affaires publiques et de la communication institutionnelle

Audition conjointe

 Essonne MobilitéS

M. Guillaume Garson, directeur

 Intercommunalités de France (Direction « Cohésion sociale et territoire »)

M. Jean-Yves Brenier, président de la communauté de communes des Balcons du Dauphiné

Mme Carole Ropars, responsable du pôle aménagement d’Intercommunalités de France

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Audition conjointe

 SOS Familles Emmaüs Ariège

M. Bernard Fabre, président

M. Joël Dubois, trésorier

 Secours Catholique * – Caritas

Mme Sonia Devaux, chargée de mission « Mobilité inclusive et durable en milieu rural »

M. Jean Merckaert, directeur « Action Plaidoyer France Europe »

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

 Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Nicolas Osouf-Sourzat, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules

M. Sylvain Quennehen, chef de bureau

 Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

M. Léonard Brudieu, adjoint au sous-directeur

M. Jacques Fernique, sénateur et rapporteur de la proposition de loi au Sénat

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1])Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([2]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([3]) 38 % des automobilistes ont une voiture de plus de dix ans.

([4]) Art. L. 1214-1 du code des transports.  

([5]) Art. L. 1214-2 du code des transports.

([6]) Le bassin de mobilité, introduit par la LOM, est l’échelle représentative de la mobilité au quotidien. Il est défini par la région, après consultation des différentes collectivités concernées.  

([7]) https://www.francemobilites.fr/sites/frenchmobility/files/inline-files/Zoom%20sur%20les%20mobilit%C3%A9s%20solidaires_2.pdf

([8]) Roole est un club automobile  

([9]) Solidarauto est une fédération de garages solidaires créée par le Secours Catholique – Caritas France et organisée en réseau depuis 2017

([10]) Articles D. 251-4, D. 251-4-1, D. 251-4-2 et D. 251-4-3 du code de l’énergie.

([11]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2023/pdf/chiffres-cles-du-climat-2023.pdf  

([12]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/thema_essentiel_30_prime_conversion_decembre2023.pdf  

([13]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/thema_essentiel_30_prime_conversion_decembre2023.pdf  

([14]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.  

([15]) Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoire (n° 151), p. 37.

([16]) Ibidem. p.37.  

([17]) Ibidem. p. 40.

([18]) Étude Retrofit - Conditions nécessaires à un rétrofit économe, sûr et bénéfique pour l’environnement, Ademe, mars 2021.

([19]) Décret n° 2022-1761 du 30 décembre 2022 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location de véhicules peu polluants.

([20]) Décret n° 2024-102 du 12 février 2024 relatif aux aides à l’achat ou à la location de véhicules peu polluants.

([21]) Site internet du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires: « Tout savoir sur le rétrofit électrique », 30 janvier 2023 : https://www.ecologie.gouv.fr/tout-savoir-sur-retrofit-electrique