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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
visant à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire (n° 1640)
PAR M. Olivier SERVA
Député
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SOMMAIRE
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Pages
Introduction................................................ 5
1. L’importante étude pionnière « Good Hair » de 2016
3. La réponse législative américaine : l’initiative CROWN Act
a. Le CROWN Act californien de 2019
b. L’extension du CROWN Act à de nombreux États fédérés
c. Le CROWN Act au niveau fédéral
d. Malgré le CROWN Act, des traitements discriminatoires parfois jugés légaux
1. Les discriminations à l’égard des cheveux blonds, en particulier chez les femmes
2. Les discriminations visant les cheveux roux : préjugés et violences
C. Des discriminations capillaires aux effets pervers pour la santé et pour l’entretien des cheveux
2. L’impact sur les cheveux et le cuir chevelu : l’exposition plus élevée aux alopécies
A. La situation en France : un arsenal juridique en apparence robuste, mais rarement mobilisé
1. Une consécration comblant opportunément un manque dans la loi
2. Une consécration nécessaire pour les personnes subissant ces discriminations
a. Les illustrations en matière pénale
b. Les illustrations en matière d’imposition des bénéfices
c. L’exemple récent des lanceurs d’alerte dans le projet de loi sur les dérives sectaires
Article 2 (nouveau) (art. 711‑1 du code pénal) Application en outre-mer
« Ils ne sont pas prêts ». Telle était l’appréciation portée sur les Américains par l’ancienne Première dame des États-Unis, Mme Michelle Obama, quant au fait qu’elle puisse porter ses cheveux naturellement, sans lissage, durant le mandat de son époux ; elle a donc décidé de se lisser les cheveux pour les rendre socialement plus acceptables ([1]).
En faisant ce choix, Michelle Obama a, en réalité, fait comme deux femmes américaines d’ascendance africaine sur trois, comme l’a mis en évidence une étude organisée par Dove et LinkedIn en 2023 ([2]). Les deux tiers des femmes noires américaines se sentent en effet contraintes de devoir lisser leurs cheveux pour améliorer leurs chances d’être embauchées, tandis qu’une femme noire américaine sur cinq a déjà été renvoyée chez elle depuis son travail à cause de ses cheveux. Ce constat ne se cantonne pas qu’aux États-Unis, et la ministre française Sibeth Ndiaye, touchée par une vague de propos haineux au motif de son port de cheveux naturels et texturés, en est l’illustration. Pourrait être également citée Stéfi Celma lors de son passage dans l’émission Salut les terriens, où le présentateur Thierry Ardisson s’est honteusement lancé dans une logorrhée verbale, estimant que son invitée était « le cauchemar de toutes les coiffeuses ». Plus récemment, la coiffure du joueur de football du Paris Saint-Germain Bradley Barcola a été ciblée par le journaliste Daniel Riolo, selon lequel il « ne pouvait pas jouer avec ça ». Ces attaques à l’endroit des personnes qui portent leurs cheveux texturés ont malheureusement droit de cité en France.
Or, la coiffure est la manière dont on se présente au monde, l’une des premières choses que les autres voient d’une personne. La façon dont on porte le cheveu, comme l’indique le Défenseur des droits, « traduit une époque, une civilisation, ses normes et ses conventions sociales » ([3]). Aujourd’hui comme hier, force est de constater que les conventions sociales généralement admises en matière capillaire privilégient le cheveu lisse, et voient les cheveux texturés comme une marque de négligence, de frivolité, voire – comme le mentionnaient jusqu’à récemment les manuels de coiffure – une anomalie, qu’il convient de rectifier, de corriger, de redresser – et en l’espèce, d’aplatir au moyen du lissage.
« Le défrisage change l’image corporelle et l’apparence. On aplatit un cheveu qui mérite de vivre, on l’assassine, on le dénature ainsi que la peau », dit Juliette Smeralda, sociologue et universitaire martiniquaise, rappelant que « l’image corporelle est le fondement de l’estime de soi ».
Les discriminations à l’égard des personnes aux cheveux texturés ont donc un impact certain sur l’estime de soi et la santé mentale de ces personnes, qu’elles se trouvent écartées ou qu’elles doivent changer l’apparence de leurs cheveux, et donc se changer elles-mêmes, pour être acceptées.
Au-delà de la santé mentale, c’est bien aussi la santé physique qui est directement affectée par ces discriminations capillaires. Des études scientifiques ont, en effet, établi la dangerosité des produits de lissage : outre les brûlures et les alopécies cicatricielles qu’ils peuvent induire, ces produits, en raison de leur composition chimique, exposent les personnes qui les utilisent à un risque accru de cancer de l’utérus, des ovaires et du sein, mais aussi d’insuffisance rénale.
Le sujet est donc éminemment important, et touche une très grande partie de la population mondiale, six personnes sur dix n’ayant pas les cheveux lisses.
Le sujet est d’autant plus important et large qu’il ne se cantonne pas aux cheveux texturés : la discrimination capillaire peut toucher chacun d’entre nous.
Ainsi, des études établissent que les femmes blondes subissent aussi des discriminations à raison de leurs cheveux, qui les font considérer comme insuffisamment compétentes ; une femme blonde sur trois se teint ainsi les cheveux en brun pour pouvoir plus facilement accéder à des postes à responsabilité. Les personnes rousses, quant à elles, font l’objet de préjugés, de stigmatisations et de stéréotypes qui peuvent se traduire par des actes de harcèlement, des violences et des discriminations. Les hommes chauves, enfin, ont moins de chance d’obtenir un entretien d’embauche et donc un emploi.
La problématique de la discrimination capillaire est donc universelle et concerne tout le monde ; elle n’est pas rattachable à la seule question de l’origine ou du sexe – deux personnes de même origine et du même sexe peuvent être différemment traitées à raison de leurs cheveux, l’exemple des femmes blondes se teignant les cheveux en brun en attestant. Il est donc important de rattacher ce sujet à l’apparence physique : celle-ci couvre bien toutes les hypothèses de discriminations capillaires, alors qu’il serait réducteur de rattacher ces discriminations au seul critère de l’origine ou du sexe de la personne qui en est l’objet. La discrimination capillaire repose d’abord sur l’apparence physique, avant d’être éventuellement rattachable à un autre élément. Certes, comme de nombreuses études sur lesquelles votre rapporteur s’est appuyé en témoignent, la discrimination capillaire peut aussi reposer sur l’origine, étant alors motivée par des préjugés racistes ; elle peut aussi reposer sur le sexe ; mais elle peut également être purement physique, sans autre élément sous‑jacent.
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Un tel constat ne peut pas, ne dois pas rester sans réponse des pouvoirs publics.
C’est ainsi que la Californie, en 2019, a adopté une loi prohibant les discriminations capillaires, le CROWN Act ([4]), suivie depuis par plus de vingt États fédérés, tandis qu’une initiative semblable a été introduite au niveau fédéral – sans aboutir pour l’instant.
Une telle législation était nécessaire aux États‑Unis, le droit américain n’étant guère protecteur à l’égard de certaines discriminations. Le droit français, quant à lui, apparaît beaucoup plus robuste et interdit expressément les discriminations reposant sur plus d’une vingtaine de critères, tels que l’origine, l’état de santé, le sexe, l’orientation sexuelle ou encore l’apparence physique.
Est-ce à dire que, à l’aune de cet arsenal législatif fourni, une loi prohibant les discriminations capillaires ne serait pas nécessaire dans notre pays ? La réponse est, malheureusement, négative. En effet, si en théorie, les discriminations capillaires sont déjà interdites, car incluses dans le critère de l’apparence physique, il apparaît qu’en pratique, ce critère n’est jamais, ou quasiment jamais mis en œuvre et retenu par les juges. En outre, lorsque les juges ont l’occasion, extrêmement rare, de reconnaître une discrimination à raison des cheveux, ils n’utilisent pas le critère de l’apparence physique et se placent plutôt sur un autre terrain : en 2022, la Cour de cassation a ainsi privilégié la discrimination à raison du sexe dans le cadre d’un litige concernant un employé d’Air France.
Le constat est donc sans appel : les discriminations sur l’apparence physique en général, et celles revêtant une dimension capillaire en particulier, ne sont pas correctement appréhendées, dans les faits, par notre droit. Dès lors, il appartient au législateur d’apporter les précisions et clarifications nécessaires, pour permettre aux justiciables de savoir qu’ils peuvent s’appuyer sur le critère capillaire afin de contester les discriminations dont ils sont victimes, et pour indiquer aux juges qu’ils peuvent, sans difficulté, se saisir de ce critère pour trancher des litiges.
La présente proposition de loi n’a donc pas seulement une vertu symbolique permettant de rendre visible un sujet par trop ignoré des pouvoirs publics ; elle revêt une réelle dimension pratique, en comblant une lacune de notre droit.
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Ces éléments établis, votre rapporteur souhaite ici répondre à certaines observations qui ont pu être formulées, lors de l’examen en commission ou dans certains médias traitant du sujet.
Cette proposition de loi ne peut, en aucune manière, être vue comme une importation, dans le débat public français, d’une préoccupation américaine ou anglo‑saxonne. Prétendre cela traduit une profonde méconnaissance de la réalité, car le sujet est universel et concerne, à l’évidence, un très grand nombre de Françaises et de Français : il suffit d’interroger quelques personnes, dans l’hexagone ou dans les outre‑mer, pour obtenir des témoignages de discrimination capillaire. Et le fait que nombre d’études sur le sujet soient américaines ne doit pas non plus être vu comme cantonnant le problème mis en évidence aux seuls États‑Unis : les statistiques et études ethniques sont plus largement admises dans ce pays qu’en France, mais notre pays n’est pas pour autant démuni d’analyses objectives sur le sujet – comme en témoignent les travaux du Défenseur des droits, ou encore ceux du professeur Jean‑François Amadieu.
Par ailleurs, cette proposition de loi n’aura nullement pour conséquence d’empêcher des employeurs d’imposer des contraintes capillaires pour des raisons justifiées, en particulier d’hygiène et de sécurité : les dispositions législatives en la matière, notamment l’article 225‑3 du code pénal, ne sont pas modifiées, et demeureront naturellement applicables. Prétendre le contraire, comme cela a pu être le cas, est donc totalement faux ou relève d’une malhonnêteté intellectuelle que le sujet de la discrimination capillaire ne mérite pas.
Enfin, ceux qui abordent cette question avec légèreté, désinvolture, voire mépris, sont naturellement dans leur droit le plus absolu, mais commettent alors une grave erreur d’appréciation. Parler du cheveu peut faire sourire, peut susciter des jeux de mots, mais parler du cheveu, parler de la discrimination capillaire, c’est parler d’une réalité cruelle vécue par des centaines de millions de personnes à travers le monde, et notamment en France.
Le sujet est donc tout sauf anecdotique, secondaire ou accessoire ; son importance a été soulignée avec force par l’ensemble des personnes que votre rapporteur a entendues, et qu’il remercie à nouveau vivement pour leur précieuse participation à ses travaux. Une quinzaine d’auditions et de tables rondes ayant permis d’associer près de quarante personnes, institutions, universitaires, spécialistes, médecins, français et étrangers, ont conforté la conviction de votre rapporteur sur la nécessité, non seulement juridique mais aussi sociétale, de cette proposition de loi.
La Commission des Lois l’a bien compris elle aussi, en adoptant très largement le texte. Votre rapporteur ne doute pas que notre Assemblée saura, à son tour, reconnaître la pertinence de cette proposition de loi transpartisane, qui dépasse les clivages politiques, et saisira l’opportunité de faire une nouvelle fois de la France un pays pionner dans la protection des droits et la lutte contre les discriminations.
I. La discrimination capillaire : une réalité Établie aux effets délétères nombreux, indépendamment de l’origine
Si la discrimination capillaire peut parfois, de prime abord, faire sourire certains, une telle réaction traduit souvent l’ignorance de la prégnance de ce sujet. L’ignorance que de très nombreuses personnes, majoritairement des femmes, subissent des préjugés et des stéréotypes qui compromettent leur vie sociale et professionnelle. L’ignorance que, souvent, ces personnes sont poussées à changer leur coiffure et à modifier la texture de leurs cheveux pour se fondre dans le moule socialement admis. L’ignorance du fait que l’usage des produits de lissage présente d’importants risques pour la santé. L’ignorance que, si les cheveux texturés des personnes noires sont les plus étudiés en termes de discrimination capillaire, chacun d’entre nous, que nous soyons femme, homme, blond, brun, roux, quelle que soit notre origine, est susceptible d’être victime de discrimination capillaire.
A. Les résultats édifiants des études sur les discriminations capillaires touchant les femmes noires aux États‑Unis et leurs conséquences législatives
Plusieurs études américaines récentes ont permis de mettre en évidence, chiffres à l’appui, une réalité soupçonnée par beaucoup, mais qui n’avait pas forcément été quantifiée : celle d’une forte discrimination capillaire subie par les femmes noires aux États‑Unis. Face à ce constat, plusieurs initiatives législatives ont été prises pour bannir ces comportements, dans le sillage de l’exemple californien de 2019.
1. L’importante étude pionnière « Good Hair » de 2016
● Les cheveux texturés font, historiquement, l’objet d’une représentation négative dès le XVIe siècle, lors de la mise en place de la Traite transatlantique ([5]), et ont aussi été instrumentalisés par les autorités coloniales de l’époque. Ainsi, peuvent être mentionnées à titre d’exemple, parmi d’autres illustrations, les « lois tignon », lois somptuaires prises en 1786 par le gouverneur de la Louisiane, alors colonie espagnole, et obligeant les femmes de couleur, libres ou non, à couvrir leurs cheveux en les coiffant d’un tignon, notamment dans le but de mettre fin aux unions de « plaçage ».
Les stéréotypes liés aux cheveux texturés comme marquant un manque de civilisation ou constituant un signe d’infériorité ont perduré depuis. En témoigne notamment, sur la période récente, une campagne publicitaire de la société Nivea de 2011, montrant un homme noir aux cheveux courts tenant dans sa main sa propre tête à coupe afro, avec comme légende en anglais : « recivilisez-vous ». L’entreprise a retiré cette campagne à la suite des réactions extrêmement négatives, et légitimes, qu’elle a suscitées.
Publicité de Nivea en 2011, retirée par la société
Cet exemple n’est malheureusement qu’un cas parmi de nombreux autres qui illustrent la persistance d’une perception négative des cheveux texturés et de ses conséquences néfastes pour les personnes concernées.
● En février 2017, le Perception Institute, consortium de chercheurs aux États‑Unis, a publié les conclusions de l’étude « Good Hair », conduite en 2016 et dédiée aux perceptions et comportements explicites et implicites à l’égard des cheveux des femmes noires ([6]).
Cette étude a mis en évidence des biais de perception, souvent inconscients, à l’égard de ces cheveux, et le fait que, pour les femmes américaines, la chevelure occupe une forte dimension politique et constitue un élément d’identification « racial » important.
Les principales conclusions de cette étude furent que :
– d’une manière générale, et indépendamment de l’appartenance ethnique des personnes interrogées, un biais négatif implicite à l’égard des cheveux texturés des femmes noires a été constaté ;
– les femmes blanches, en moyenne, ont un biais explicite à l’égard des cheveux texturés des femmes noires, les jugeant moins jolis, moins séduisants et moins professionnels que des cheveux lisses ;
– les femmes noires perçoivent un degré élevé de stigmatisation sociale à l’égard des cheveux texturés, mis en évidence par la vision négative qu’ont les femmes blanches à l’égard de tels cheveux ;
– le niveau d’anxiété capillaire, commun à l’ensemble des femmes, est nettement plus élevé chez les femmes noires que chez les femmes blanches ;
– une femme noire sur cinq, soit deux fois plus que les femmes blanches, ressent une pression sociale pour lisser ses cheveux au travail ;
– les femmes noires passent plus de temps et dépensent plus d’argent que les femmes blanches pour s’occuper de leurs cheveux, et un quart d’entre elles soulignent avoir des difficultés pour trouver des produits pour leurs cheveux.
2. Les conclusions sans appel des études CROWN sur les discriminations capillaires subies par les femmes noires
● L’étude CROWN 2023 sur le lieu de travail, conduite sous l’égide des sociétés Dove et LinkedIn ([7]), est venue confirmer de façon alarmante les enseignements de l’étude Good Hair, constatant que les biais et les discriminations reposant sur la texture des cheveux, en particulier s’agissant des femmes noires, demeurent un problème systémique dans le monde professionnel.
Les conclusions de cette récente étude sont en effet sans appel :
– les cheveux des femmes noires ont 2,5 fois plus de risques d’être perçus comme non-professionnels par rapport à d’autres couleurs, coupes ou textures ;
– plus d’une femme noire sur cinq âgée de 25 à 34 ans a été renvoyée chez elle depuis son travail en raison de ses cheveux ;
– les femmes noires ayant des cheveux texturés ont deux fois plus de risques d’être victimes de microagressions sur leur lieu de travail ;
– un quart des femmes noires estiment s’être vues refuser un emploi en raison de leurs cheveux, la proportion montant à un tiers pour les femmes noires entre 25 et 34 ans ;
– deux femmes noires sur trois apportent un changement à leurs cheveux pour un entretien d’embauche, et parmi elles 41 % décident de les lisser – faisant écho au fait que la perception d’une nécessité d’avoir les cheveux raides ou lissés pour qu’un entretien d’embauche soit fructueux est 54 % plus élevée chez les femmes noires.
Cette dernière statistique démontre une réalité perverse : pour tenter d’échapper aux discriminations, les femmes noires tendent à se lisser les cheveux et donc à changer ce qu’elles sont – ce qui, ainsi qu’il sera vu, peut emporter des conséquences extrêmement graves pour leur santé ([8]).
● Les discriminations capillaires mises en évidence par les travaux de recherche CROWN ne s’arrêtent malheureusement pas à la sphère professionnelle. Une étude conduite en 2021 ([9]) démontre en effet que :
– plus de la moitié des mères noires (53 %) indiquent que leurs filles ont fait face à de la discrimination capillaire, débutant dès cinq ans ;
– deux enfants noirs sur trois scolarisés dans des écoles majoritairement blanches ont fait face à la discrimination capillaire, dont 86 % dès l’âge de 12 ans ;
– alors que 90 % des enfants noirs considèrent leurs cheveux magnifiques, 81 % des enfants noirs scolarisés dans des écoles majoritairement blanches disent qu’ils ont déjà souhaité avoir des cheveux raides.
Les discriminations capillaires au Royaume-Uni :
le témoignage de Stephanie Cohen, lauréate d’une bourse
du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU
Dans le cadre de ses travaux et missions, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) des Nations-Unies a lancé un programme de bourses pour les personnes d’ascendance africaine, dont l’une des lauréates, Mme Stephanie Cohen, s’est engagée contre les discriminations capillaires (1).
Ainsi que l’indique l’association Halo Collective cofondée par Mme Cohen, les discriminations capillaires sont une réalité au Royaume-Uni, où 59 % des élèves noirs subissent des insultes ou des questions gênantes, et un adulte noir sur quatre a déjà vécu une expérience négative lors de sa scolarité à cause de ses cheveux et de leur texture. Selon Stephanie Cohen, près de la moitié des parents considèrent que les écoles punissent les coiffures afros.
Comme aux États‑Unis, de nombreuses femmes noires, une sur cinq d’après l’étude de Mme Cohen, se sentent forcées de lisser leurs cheveux pour travailler. Comme le relève Mme Cohen, ces discriminations tendent à « favoriser une culture particulière par rapport à une autre ».
Ces pratiques sont pourtant illégales au Royaume-Uni, où l’Equality Act de 2010 (2) proscrit les discriminations, et en application duquel l’Equality and Human Rights Commission (EHRC) britannique publie des guides et des bonnes pratiques pour prévenir les discriminations capillaires à l’école (3).
Ainsi, l’association Halo Collective promeut l’adoption par les établissements scolaires britanniques de la « première charte sur les cheveux afros », pour reprendre la terminologie du site du HCDH : le « Halo Code », destiné à protéger les élèves et le personnel des établissements qui veulent porter leurs cheveux au naturel ou arborer des coiffures associées à leur identité.
(1) « C’est plus qu’une question de cheveux », article publié sur le site du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations-Unies.
(2) Equality Act 2010, 8 avril 2010.
(3) Voir ainsi EHRC, Preventing hair discrimination in schools, 27 octobre 2022.
3. La réponse législative américaine : l’initiative CROWN Act
a. Le CROWN Act californien de 2019
En 2019, l’État américain de Californie, pour la première fois aux États‑Unis, a adopté une loi interdisant la discrimination capillaire : le CROWN Act, pour « Create a Respectful and Open Workplace for Natural Hair Act » (soit la « loi pour créer un lieu de travail respectueux et ouvert pour les cheveux naturels ») ([10]), texte s’appuyant sur les travaux de la professeure Wendy Greene ([11]), que votre rapporteur a pu entendre dans le cadre de ses auditions.
Adoptée à l’unanimité par les deux chambres de la législature de l’État le 27 juin 2019, la loi a été signée par le gouverneur de Californie le 3 juillet 2019, marquant une évolution importante dans la lutte contre les discriminations et constituant une initiative qui a inspiré de nombreux autres États.
b. L’extension du CROWN Act à de nombreux États fédérés
De nombreux autres États américains ont en effet, par la suite, adopté des lois similaires : d’après la CROWN Coalition, 22 États ont suivi l’exemple californien, portant le total des États dotés d’une telle législation à 23, auxquels doivent être ajoutées des initiatives locales dans des villes et comtés d’autres États, tels que la Floride, la Géorgie ou encore la Caroline du Nord.
Les États américains dotés d’un CROWN Act sont, outre la Californie : l’Alaska, l’Arkansas, le Colorado, le Connecticut, le Delaware, l’Illinois, la Louisiane, le Maine, le Maryland, le Massachussetts, le Michigan, le Minnesota, le Nebraska, le Nevada, le New-Jersey, le Nouveau-Mexique, l’État de New-York, l’Oregon, le Tennessee, le Texas, la Virginie et l’État de Washington. Par ailleurs, dans 21 autres États, une initiative législative a été déposée ou est en cours d’examen. Le détail des CROWN Act dans chaque État est présenté dans la carte suivante.
Situation des CROWN Act aux États-Unis d’Amérique
NB : en bleu, les États et territoires dotés d’un CROWN Act ; en rose, les États où une initiative législative existe ; en gris, les États où n’existe pas une telle initiative.
Source : The Official Campaign for The CROWN Act
Notons cependant que tous ces États et collectivités n’ont pas adopté des dispositions identiques. Comme le soulignaient en audition le Dr Greene et Mmes Natasha Gaspard et Guylaine Conquet, il existe en réalité plusieurs versions du CROWN Act, des variations pouvant être constatées d’un État à l’autre – à titre d’exemple, certaines versions ne prévoient rien de particulier quant à la longueur des cheveux.
c. Le CROWN Act au niveau fédéral
Si, ainsi qu’il vient d’être vu, de nombreux États ont inscrit leurs pas dans ceux de la Californie, et d’autres encore sont en train de faire de même, il n’existe pas au niveau fédéral, c’est-à-dire à l’échelle nationale des États‑Unis d’Amérique, de loi qui interdise expressément la discrimination capillaire.
Plusieurs initiatives ont pourtant été entreprises en ce sens, et en particulier en 2021 sous l’impulsion de la représentante démocrate du New Jersey, Mme Bonnie Watson Coleman : le CROWN ACT of 2022 a été adopté par la Chambre des Représentants le 18 mars 2022, par 235 voix contre 189 ([12]).
Le texte a été transmis au Sénat, porté par le sénateur démocrate du New Jersey Cory Booker, mais la procédure n’est pas allée au-delà du renvoi à la commission compétente.
d. Malgré le CROWN Act, des traitements discriminatoires parfois jugés légaux
Si, en théorie, les États et collectivités des États‑Unis dotés d’un CROWN Act devraient sanctionner les comportements témoignant d’une discrimination capillaire, une récente affaire concernant le Texas montre que tel n’est, hélas, pas toujours le cas.
Darryl George, lycéen américain scolarisé à Mont Belvieu, au Texas, a été sanctionné par son établissement au motif que ses cheveux méconnaissaient le code vestimentaire du district interdisant aux étudiants masculins d’avoir des cheveux descendant sous les sourcils ou sous les lobes. La coiffure de M. George consiste en des dreadlocks et est, selon lui, une expression de fierté culturelle. Généralement attachées, ses dreadlocks, si elles sont détachées, tombent au-delà de la longueur maximale autorisée. Cependant, la mère de M. George a précisé que l’administration du lycée lui avait dit que, même attachés, les cheveux de son fils méconnaissaient le code vestimentaire.
La famille de M. George, qui a contesté devant la justice de l’État ces mesures, a aussi saisi la justice fédérale, considérant que le gouverneur du Texas avait échoué à faire appliquer le CROWN Act de cet État ; l’auteure du CROWN Act texan, la démocrate Rhetta Andrews Bowers, a critiqué le code vestimentaire en cause, jugeant qu’il perpétuait la discrimination capillaire ([13]).
Parallèlement à l’instance fédérale, le 22 février 2024, un juge texan a estimé que le code vestimentaire ne méconnaissait pas le CROWN Act fédéré, ce dernier ne s’opposant pas à ce que des codes vestimentaires limitent la longueur des cheveux des élèves masculins. La famille a annoncé son intention d’interjeter appel, tandis que de nombreux parlementaires texans et activistes considèrent que les sanctions prises à l’égard de Darryl George violent le CROWN Act ([14]).
Cette affaire illustre les difficultés à rendre effectives les dispositions visant à mettre fin aux discriminations capillaires : la coiffure d’un élève a conduit à ce que ce dernier soit sanctionné relativement lourdement au motif qu’elle violait un code vestimentaire, et la justice texane a validé la mesure y compris à l’aune du CROWN Act. Or, la famille de l’élève a expressément dit que l’école avait indiqué que le port attaché des dreadlocks violait aussi le code vestimentaire, quand bien même cela n’excédait pas la longueur maximale autorisée, témoignant ainsi, si ces faits étaient vérifiés, d’une discrimination capillaire : ce serait alors la coiffure en tant que telle, et non sa longueur, qui aurait conduit aux sanctions.
Les travaux de la CNCDH en France sur les discriminations capillaires
subies par les personnes noires
S’il ne semble pas exister en France d’études comparables à celles conduites aux États‑Unis, notamment par la CROWN Coalition – sans doute en raison de l’interdiction de statistiques ethniques –, la réalité des discriminations capillaires que les personnes noires peuvent subir n’est pour autant pas ignorée dans notre pays.
La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a ainsi mis en évidence le rapport relativement conflictuel aux cheveux noirs (1) :
– certains nourrissent à leur égard une « fascination excessive », pour reprendre les termes de la CNCDH, se permettant de toucher les cheveux crépus – geste qui peut se révéler pour la personne dont les cheveux sont ainsi touchés d’une violence symbolique importante ;
– à l’inverse, d’autres condamnent les cheveux noirs non lissés, qu’ils jugent comme traduisant une apparence insuffisamment soignée et peu crédible professionnellement.
Ce second aspect, largement mis en avant par les études américaines précédemment citées, fut notamment illustré en France par les moqueries et remarques à l’égard de Mme Sibeth Ndiaye lorsque celle-ci était secrétaire d’État et porte-parole du Gouvernement, et portait une coupe afro.
(1) CNCDH, Rapport 2019 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie – Focus : lutter contre le racisme anti-noirs, page 18.
B. Des discriminations capillaires qui ne se limitent pas aux cheveux texturés : l’exemple des cheveux blonds et roux
Si les études précédemment mentionnées mettent en évidence, avec force, les discriminations subies par les personnes aux cheveux texturés, et en particulier par les femmes noires, la discrimination capillaire ne se limite malheureusement pas à cette configuration.
Ainsi, les hommes atteints de calvitie font l’objet de préjugés négatifs les rendant moins sympathiques et dynamiques que les hommes dotés d’une chevelure complète, et plus âgés ; ils souffrent également d’une discrimination à l’embauche : une étude déjà ancienne, conduite en 1999 en Allemagne auprès de recruteurs, démontrait que, à qualifications équivalentes, les hommes chauves n’obtenaient un entretien d’embauche que dans 27 % des cas, contre 41 % pour les autres hommes ([15]).
Sans aborder l’ensemble des configurations, hélas nombreuses, les développements suivants se concentreront sur deux aspects : les femmes blondes et les personnes rousses.
1. Les discriminations à l’égard des cheveux blonds, en particulier chez les femmes
Si les cheveux blonds, en particulier chez les femmes, font l’objet de stéréotypes bien ancrés, de la femme fatale à la stupidité qui a nourri d’abondance des blagues ([16]), ils suscitent également de réelles discriminations.
Ainsi, le sociologue Jean‑François Amadieu ([17]), dans un article paru sur le site Euractiv ([18]), soulignait l’ambivalence des cheveux blonds, surtout chez les femmes :
– pour l’accès au marché du travail, la blondeur constituerait un avantage, bénéficiant aux femmes blondes, notamment dans les emplois où la séduction est jugée importante (à tort ou à raison) ;
– en revanche, pour le recrutement sur des emplois qualifiés ou pour la promotion à des postes plus élevés, les femmes blondes sont désavantagées, à leur tour victimes de préjugés quant à la blondeur ; une étude britannique parue en 2009 démontrait qu’une femme blonde sur trois se teignait les cheveux en brun pour accroître ses chances professionnelles et être prise plus au sérieux au travail ([19]).
2. Les discriminations visant les cheveux roux : préjugés et violences
Les préjugés négatifs ou dévalorisants à l’égard des personnes aux cheveux roux sont eux aussi très présents, et anciens. Comme le note la professeure Valérie André ([20]) dans un article publié par Slate, ([21]) dans les sociétés occidentales médiévales, la rousseur était associée au feu et, sous l’influence de la religion, aux démons et au Diable – préjugés auquel s’ajoute celui de la luxure. Ainsi, le roi de France Louis IX prit-il un édit obligeant les prostituées à se teindre en roux pour les distinguer des femmes de bonne vie, le roux étant « couleur des feux de l’enfer et de la luxure ». Au XIXe siècle, des médecins italiens ont considéré que les femmes rousses étaient porteuses du « syndrome de la prostitution ».
Les femmes rousses sont ainsi considérées comme nymphomanes et dangereuses, tandis que les hommes roux, eux, sont censés être laids et sales, et enclins au crime. Les deux, en revanche, partagent le préjugé selon lequel les personnes rousses sentent mauvais. Notons, à cet égard, l’ouvrage de Patrick Süskind, Le Parfum, dont l’intrigue repose sur l’odeur particulière que les roux – en l’occurrence les rousses – sont censés dégager. Certes, l’odeur est agréable dans cette œuvre, mais elle n’en véhicule pas moins l’idée d’une odeur propre aux roux.
Ainsi que l’indique l’article de Slate, une étude conduite dans les années 1980, certes sur une cohorte réduite, a montré que les femmes rousses sont jugées à 95 % comme traîtresse, et à 92 % comme langoureuse, tandis que les hommes roux sont considérés comme les plus fidèles, mais parce qu’ils n’auraient pas le choix.
Si, souvent, à l’image de ceux à l’égard des blondes, les préjugés touchant les personnes rousses sont aujourd’hui présentés comme des blagues ou pris avec légèreté, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent avoir des conséquences négatives particulièrement graves, en particulier sur le bien-être des personnes ciblées.
Cela peut même aller jusqu’à la violence, comme l’illustrent les suites en Amérique du Nord de la diffusion d’un épisode de la série South Park, « Les Rouquins » (« Ginger Kids »), en 2005. Cet épisode est vu comme ayant inspiré le « National Kick a Ginger Day » (« journée nationale des coups de pied aux roux ») en 2008, durant lequel, au Canada et aux États‑Unis, de nombreux élèves roux ont été agressés par d’autres élèves, dans ce que la police montée canadienne a qualifié de crime haineux ([22]).
C. Des discriminations capillaires aux effets pervers pour la santé et pour l’entretien des cheveux
Outre les effets évidents sur la socialisation et sur la santé mentale qu’elles entraînent, à travers notamment le sentiment d’exclusion et l’impact sur l’estime de soi, les discriminations capillaires ont d’autres conséquences, plus insidieuses, et notamment dues aux traitements capillaires. Sont en particulier concernés les produits utilisés pour lisser les cheveux dans l’espoir d’échapper aux discriminations ou de les amoindrir.
Précisons, à toutes fins utiles, que les développements suivants n’ont aucunement pour objet de stigmatiser les personnes utilisant des produits de lissage de façon volontaire et librement consentie : bien au contraire, tout l’objet de la proposition de loi est de consacrer la liberté capillaire. Il s’agit ici en revanche de souligner l’impact sanitaire de produits dont l’usage peut être imposé en raison de normes sociales données ou de stéréotypes et de biais cognitifs négatifs.
1. Les effets sur la santé : l’accroissement du risque de cancer de l’utérus et d’insuffisance rénale par l’usage de produits de lissage
● Ainsi, il a été établi que les femmes qui utilisent des produits chimiques pour lisser leurs cheveux ont deux fois et demie plus de risques de développer un cancer de l’utérus : 4,05 % d’entre elles ont un tel risque, contre 1,64 % des femmes n’utilisant pas de tels produits lissants.
Parmi les composants susceptibles d’accroître ce risque figurent les parabènes, le bisphénol A, des métaux et le formaldéhyde. Aucune association entre le cancer de l’utérus et l’usage d’autres produits capillaires (teintures, décolorations ou permanentes) n’a été identifiée par l’étude. Rappelons que le formaldéhyde est une substance cancérigène reconnue ; or, à la différence des paquets de cigarettes sur lesquels est écrit que ce produit est extrêmement dangereux, les produits de lissage n’ont pas d’étiquettes alertant sur les potentiels risques pour la santé que leur usage induit.
Ces données sont la conclusion d’une étude conduite par le National Institute of Health américain (NIH) sur près de 33 500 femmes américaines, et dont les résultats ont été publiés dans le Journal of the National Cancer Institute le 17 octobre 2022 ([23]). Notons que l’équipe de scientifiques qui a conduit cette étude avait déjà mis en évidence, dans une étude précédente, que les produits de lissage des cheveux étaient susceptibles d’accroître les risques de cancer du sein et des ovaires.
Si l’étude n’a pas démontré une vulnérabilité ou une sensibilité plus forte en fonction des ethnies entre l’usage de produits lissants et le risque de cancer, elle a mis en lumière l’exposition accrue des femmes noires à un tel risque en raison de l’usage plus important qu’elles font de tels produits, qu’il s’agisse de la fréquence ou de l’âge à partir duquel elles y recourent.
● Outre les risques liés aux cancers, l’usage de produits de lissage peut gravement endommager les reins, comme l’a mis en évidence une récente étude française publiée dans le New England Journal of Medecine le 21 mars 2024 ([24]).
Cette étude a établi le lien entre l’acide glyoxylique contenu dans les produits de lissage et les insuffisances rénales aiguës dont souffrait une patiente, les reins bloqués par des cristaux.
L’un des auteurs de l’étude, le Dr. Thomas Robert de l’hôpital de la Conception à Marseille, a par ailleurs souligné les effets négatifs de long terme pour la santé : si, en apparence, les reins peuvent, après traitement, avoir l’air d’être rétablis, des cicatrices peuvent demeurer, pouvant entraîner par la suite une insuffisance rénale chronique susceptible d’aboutir, dans les cas extrêmes, à une dialyse, voire une greffe ([25]).
● Ces importants travaux scientifiques permettent de démontrer un lien entre les discriminations capillaires, en particulier à l’égard des femmes, et les risques pour la santé : parce que les femmes aux cheveux texturés subissent une pression sociale pour se lisser les cheveux, ainsi qu’il a été vu, elles s’exposent, par cet usage, à un risque accru de développer des cancers ou de causer à leurs reins de lourds dégâts.
Cela atteste, s’il en était encore besoin, de l’impérieuse nécessité de faire cesser les biais négatifs à l’égard des cheveux texturés : il en va directement de la santé des personnes.
2. L’impact sur les cheveux et le cuir chevelu : l’exposition plus élevée aux alopécies
Outre ses effets négatifs sur la santé en général, la discrimination capillaire et les changements qu’elle peut induire chez ceux qui la subissent sont aussi de nature à affecter directement le cuir chevelu et les cheveux.
L’utilisation fréquente de produits capillaires chimiques, en particulier de lissage, peut dégrader la chevelure et le cuir chevelu, être source de brûlure et causer des alopécies cicatricielles, comme l’ont relevé lors de leur audition par votre rapporteur les docteurs Christian Bisanga et Éric Bouhanna.
Cependant, les produits chimiques ne sont pas les seules causes d’alopécie : les obligations pesant sur des personnes au nom du respect de standards esthétiques. Une étude conduite en Iraq et dont les résultats ont été publiés dans le Indian Journal of Dermatology a démontré que l’usage fréquent, voire intensif, de coiffures non naturelles, telles que les chignons serrés, accroissait fortement le risque d’alopécie de traction ([26]).
Ces résultats corroborent ceux d’une étude publiée en 2018, établissant que l’alopécie de traction affecte un tiers des femmes d’origine africaine qui portent de manière prolongée différents types de coiffure susceptibles d’endommager les cheveux, en particulier les chignons serrés ([27]).
Notons à cet égard que les conséquences dommageables du port régulier et prolongé du chignon serré ne sont pas propres à une ethnie, mais concernent bien toutes les femmes. On peut notamment penser aux professions dans lesquelles ce type de coiffure est mis en avant, voire suggéré, comme celle d’hôtesse de l’air.
3. La longue absence de produits et formations dédiés aux cheveux texturés et la récente évolution bienvenue
● L’entretien et la coupe des cheveux texturés présentent par ailleurs des particularités par rapport aux cheveux souples ou légèrement bouclés, supposant des produits dédiés et des compétences de coiffure spécifiques. Ces cheveux exigent notamment une hydratation plus importante, dans la mesure où leur relief freine la progression du sébum qui s’accumule dans la racine, ce qui a pour effet d’assécher les longueurs et les pointes des cheveux.
Or, longtemps l’industrie de la mode et de la beauté a ignoré ces spécificités et la clientèle de personnes à cheveux texturés, obligeant celle-ci à recourir à des solutions de substitution ou à des produits très particuliers et de niche, au coût plus élevé que les gammes des grandes marques largement distribuées.
En résultait une forme de double peine : à la discrimination capillaire s’ajoutaient des dépenses plus lourdes pour atteindre le même résultat que les personnes aux cheveux lisses.
Par ailleurs, les auditions conduites par votre rapporteur ont mis en évidence l’absence de formation des coiffeurs à l’égard des cheveux texturés, et l’incapacité de beaucoup d’entre eux à pouvoir les coiffer correctement, en fonction des demandes des clients. Des salons spécialisés existent, mais les personnes qui y officient ont souvent dû se former dans d’autres pays, notamment les États‑Unis ou le Royaume-Uni, ou en suivant des manuels et ouvrages de l’art édités à l’étranger. C’est ce qu’a indiqué Mme Aline Tacite à votre rapporteur. Co-fondatrice de Boucles d’Ébène Studio avec sa sœur Marina, elle compte parmi les premières coiffeuses en France à avoir milité en faveur d’une formation plus inclusive, tenant compte d’une clientèle aux cheveux texturés.
Cette lacune dans l’offre, alors que la demande existe et est importante, n’est à l’évidence pas satisfaisante.
Notons, enfin, le traitement réservé aux cheveux texturés dans les anciens manuels de coiffure, heureusement retirés depuis – même si ce retrait est intervenu voici à peine quelques années. Comme l’a soulevé lors d’une table ronde Mme Tacite, les cheveux crépus y étaient classés parmi les « anomalies capillaires », considérés comme « une affection héréditaire ou congénitale » ([28])…
● Fort heureusement, la situation a évolué depuis quelques années.
Récemment, sont apparus des produits dédiés aux cheveux texturés développés par des entreprises ciblant ce segment. Peuvent ainsi être mentionnées Les Secrets de Loly, EvasHair, Les ateliers crépus dont les fondatrices respectives, Mme Kelly Massol, Mme Eva Biassou André et Mme Ghana Elin ont été entendues par votre rapporteur lors d’une table ronde, Mango Butter, marque guadeloupéenne, Chebhair, marque créée par la Guadeloupéenne Célia Just-Valérius que votre rapporteur a également rencontré, Kalia Nature, Amewat Cosmétiques, marque guyanaise, Activilong, Miss Antilles, ainsi que les gammes spécialisées développées depuis quelques années par L’Oréal, Niwel ou encore Mizani.
La formation des professionnels de la coiffure a été enrichie d’une nouvelle certification consacrée aux cheveux texturés, reconnue par l’État et dispensée depuis septembre 2023. Organisée en huit modules de 217 heures, cette formation s’adresse à des professionnels disposant déjà d’un minimum d’expérience ; elle est pour l’instant dispensée dans cinq centres de formation pilotes en Île-de-France, dans la région Sud-Provence-Alpes-Côte-d’Azur, en Normandie, dans l’Hérault et en Moselle ([29]).
Si cette évolution positive se doit d’être saluée, il n’en demeure pas moins que son effectivité ne se concrétisera pas avant un certain temps. Elle suppose, en effet, d’identifier des personnes à même de former les formateurs, puis qu’un nombre suffisant de coiffeurs suivent les formations dispensées, afin de mettre en œuvre leurs nouvelles compétences – étant rappelé que tous les coiffeurs ne seront pas éligibles à la nouvelle certification, une expérience minimale étant exigée.
Par ailleurs, faire des cheveux texturés un cycle ad hoc maintient ceux-ci dans une forme de différence, de spécificité par rapport aux autres cheveux, en particulier les cheveux naturellement lisses, qui seraient alors vus comme « normaux ». Inclure les compétences, gestes et techniques propres aux cheveux texturés dans le cycle initial de formation pourrait, à cet égard, être de nature à universaliser la capacité des coiffeurs à s’occuper de tels cheveux, sans qu’ils soient singularisés ou stigmatisés.
II. Consacrer l’interdiction de la discrimination capillaire : une opportunité juridique, une nécessité politique et sociale
Le constat est sans appel : les discriminations capillaires sont une réalité indéniable, dont l’étendue est souvent insoupçonnée et dont les conséquences sont larges, incluant des risques pour la santé des personnes.
Face à cela, il incombe au législateur d’agir, en complétant la loi pour y consacrer, solennellement et fermement, l’interdiction de ce type de discrimination.
A. La situation en France : un arsenal juridique en apparence robuste, mais rarement mobilisé
L’interdiction des discriminations est solidement ancrée dans l’arsenal juridique français, et inclut les discriminations reposant sur l’apparence physique.
Ainsi, outre une interdiction générale prévue par la loi du 27 mai 2008 ([30]) et des interdictions dans le domaine du travail et de l’accès aux soins, les discriminations constituent, dans notre droit, un délit prévu et sanctionné par les articles 225‑1 à 225‑4 du code pénal.
Cependant, malgré cette apparente robustesse, cet arsenal n’est que peu mobilisé, en particulier s’agissant de son volet pénal – la très récente condamnation de la société Adecco par le tribunal correctionnel de Paris le 13 mars 2024 pour discrimination à l’embauche et fichage à caractère racial est à cet égard une forme d’exception.
Par ailleurs, les discriminations fondées sur l’apparence physique d’une personne ne sont pas reconnues, dans les faits, en tant que telles.
En effet, dans l’une des rares décisions rendues en matière de discriminations, et concernant expressément le volet capillaire, la Cour de cassation, en novembre 2022, a donné raison à la victime mais en se fondant, non sur le terrain de la discrimination liée à l’apparence physique, mais sur celui de la différence de traitement entre les femmes et les hommes ([31]).
Les décisions du Défenseur des droits retiennent le même prisme : les discriminations reposant sur l’apparence physique liées à la coiffure sont sanctionnées en les rattachant au sexe et à l’origine.
Plus généralement, les données du Défenseur des droits illustrent un décalage particulièrement massif entre, d’une part, la réalité des discriminations liées à l’apparence physique – en particulier aux cheveux – et leur perception et, d’autre part, le nombre de signalements et de réclamations qui sont faits.
L’ensemble de ces éléments, abondamment détaillés dans le commentaire de l’article unique de la présente proposition de loi ([32]) , appuient l’intérêt de cette dernière, et sa nécessité.
B. Inscrire dans la loi l’interdiction de la discrimination capillaire : une réponse nécessaire à une réalité sociale
1. Une consécration comblant opportunément un manque dans la loi
Votre rapporteur n’ignore naturellement pas que l’apparence physique constitue déjà l’un des critères prévus par le droit pour interdire des discriminations, et que les cheveux, la coiffure, font partie de l’apparence physique d’une personne.
Certaines auditions ont d’ailleurs mis en avant ce point pour tenter d’établir l’absence de nécessité de légiférer comme le prévoit la proposition de loi, au motif qu’elle serait déjà satisfaite.
Une telle approche, pour votre rapporteur, traduit une vision étroite du sujet auquel répond la proposition de loi, en décalage avec les besoins réels, et une ignorance des besoins auxquels le texte s’adresse. D’ailleurs, la très grande majorité des personnes auditionnées par votre rapporteur ont souligné l’intérêt du dispositif proposé et sa pertinence au regard des problèmes concrets de discrimination constatés.
Inscrire dans la loi, de façon claire et dépourvue d’ambiguïté, l’interdiction des discriminations capillaires répondrait en effet à un vrai besoin, et comblerait un vide qui, s’il n’est pas forcément juridique, existe en pratique – ce dont témoigne d’ailleurs l’extrême rareté, pour ne pas dire l’inexistence, de décisions prises sur ce fondement.
Rappelons à cet égard que les quelques décisions rendues en matière de discrimination capillaire ont retenu une approche reposant sur les discriminations genrées ou selon l’origine des personnes, et non sur l’aspect capillaire en tant que tel, pris comme un élément autonome.
Ce manque a d’ailleurs été relevé lors de son audition par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), M. Olivier Klein, qui notait que la proposition de loi, en plus d’avoir le mérite de donner de la visibilité aux discriminations capillaires, permettrait également une meilleure mobilisation de ce critère de discrimination par les juges et par les justiciables.
2. Une consécration nécessaire pour les personnes subissant ces discriminations
Votre rapporteur souhaite également insister sur l’importance d’une telle consécration pour les personnes subissant les discriminations capillaires dans leur vie quotidienne et leur emploi.
À cet égard, au-delà de la question de l’accès à l’emploi et des discriminations dans l’embauche, se pose le sujet des personnes qui, après s’être lissé ou teint les cheveux lors de leur embauche, décident de revenir à leur coiffure naturelle – qu’il s’agisse de la texture ou de la coupe, ou encore de la couleur.
Souvent, et les témoignages recueillis par votre rapporteur depuis qu’il travaille sur ce sujet l’illustrent, ces personnes font l’objet de réflexions et remarques désobligeantes, voire de critiques ou de vexations, à raison de ce retour à l’état naturel de leurs cheveux. C’est bien sûr totalement in admissible, et inscrire dans la loi, et notamment le code pénal, que les différences de traitement reposant sur les cheveux sont expressément prohibées, permettra plus facilement d’éviter de tels comportements délétères, en offrant aux personnes qui en sont victimes une assise juridique absolument incontestable dont elles pourront se prévaloir.
Cette inscription sera ainsi de nature à soulager ces personnes qui, pour certaines, subissent de réelles souffrances en raison de ces réflexions et brimades, après avoir dû changer leur apparence souvent contre leur gré, ce qui est également source de souffrance.
3. Une consécration qui s’inscrit à la suite de nombreux précédents de précisions législatives sur différents sujets
En tout état de cause, dire que la proposition de loi ne serait pas utile au motif qu’elle n’apporterait qu’une précision légistique au droit en vigueur ne saurait emporter la conviction.
Le législateur, en effet, a déjà consacré dans la loi des éléments qui étaient déjà inclus dans les dispositions en vigueur. Ce n’est pas une pratique inédite, et elle peut être motivée par le souci de lever toute ambiguïté sur le champ d’application ou la teneur d’une mesure, ou simplement pour préciser tel ou tel aspect. Les exemples suivants, non exhaustifs, en témoignent.
a. Les illustrations en matière pénale
Si la loi pénale est d’interprétation stricte et se doit d’être clairement définie, le code pénal n’en contient pas moins un nombre important de dispositions contenant des précisions non exhaustives sur-le-champ ou la définition d’une notion donnée.
Ainsi, l’article 227‑15, qui sanctionne de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende la privation de soins ou d’aliments d’un enfant, indique-t-il que constitue « notamment une privation de soins » le fait de faire faire la manche à un enfant de moins de six ans.
En matière d’atteinte à la vie privée et d’introduction illégale dans un domicile, l’article 226‑4 donne une définition non exhaustive du domicile, par l’usage de l’adverbe « notamment ».
L’article 227‑22, relatif à la corruption de mineur, précise que les peines sont « notamment applicables » au fait d’organiser des réunions où se tiennent des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe.
D’autres exemples pourraient être donnés, mais les trois précédemment mentionnées montrent que le code pénal contient déjà des dispositions non exhaustives consistant en des précisions, y compris pour ce qui touche aux éléments constitutifs des infractions.
b. Les illustrations en matière d’imposition des bénéfices
Dans un autre domaine, la fiscalité, il n’est pas rare que la loi ait jugé utile de préciser certaines notions de façon non exhaustive, en recourant à l’adverbe « notamment ». Tel est ainsi le cas :
– pour la notion d’absence de changement significatif d’activité dans le cadre des reports de déficit en avant en cas de fusion, l’article 209 du code général des impôts (CGI) précisant que cela concerne « notamment » la clientèle, l’emploi, les moyens d’exploitation, la nature et le volume d’activité ;
– le motif économique, permettant la délivrance d’un agrément dans le cadre de l’application du régime spécial des fusions aux apports partiels d’actifs, consiste « notamment » en l’exercice d’une activité autonome et en l’amélioration des structures (article 210 B du CGI) ;
– parmi les charges non admises en déduction du bénéfice imposable en application du 4 de l’article 39 du CGI, figurent « notamment les amortissements » associés à certaines dépenses ;
– le suramortissement au titre des investissements productifs prévu à l’article 39 decies du CGI inclut dans son assiette les éléments de structures, matériels et outillages utilisés à des opérations de transport par câble « et notamment au moyen de remontées mécaniques ».
c. L’exemple récent des lanceurs d’alerte dans le projet de loi sur les dérives sectaires
Récemment, notre Assemblée a jugé utile d’apporter une précision à l’article 4 du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes, adopté par l’Assemblée en nouvelle lecture le 20 mars 2024. Cette précision consiste à dire que les lanceurs d’alerte ne peuvent être pénalement sanctionnés au titre de la nouvelle infraction créée.
Cette précision n’apparaissait pas nécessaire : la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II », récemment modifiée, ainsi que le code pénal, prévoient déjà une irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte ([33]).
Pourtant, l’Assemblée nationale a jugé opportun d’exclure expressément les lanceurs d’alerte afin de réaffirmer leur protection.
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Ces quelques exemples démontrent bien qu’ajouter une mention précisant le contenu et la portée d’une disposition législative n’a rien d’exceptionnel ; c’est même parfois nécessaire pour garantir à la disposition visée sa pleine portée et son application effective.
Dès lors, si le législateur a jugé utile d’indiquer que les remontées mécaniques sont incluses dans les équipements utilisés à des moyens de transport par câbles pour le bénéfice d’un avantage fiscal, quelle raison objective s’opposerait à ce qu’il précise, sur un sujet social autrement plus saillant, que les cheveux ne peuvent servir de fondement à des discriminations ? Les souffrances des victimes de tels comportements paraissent pourtant valoir plus qu’un dispositif fiscal de réduction d’assiette.
De même, si la loi pénale a précisé la notion de privation de soins d’un enfant en ne prenant que l’hypothèse de la mendicité, sans que cela n’exclue d’autres hypothèses, quels motifs s’opposeraient à ce que l’interdiction des discriminations reposant sur l’apparence physique soit précisée pour y inclure la dimension capillaire ?
4. Une consécration législative de la discrimination capillaire qui n’exclut ni ne minore aucun autre critère de discrimination reposant sur l’apparence physique
● Les discriminations capillaires présentent une dimension spécifique par rapport aux autres éléments de l’apparence physique.
D’une part, s’agissant en particulier des cheveux texturés, elles s’appuient souvent sur des préjugés racistes ou sexistes – ces derniers valant aussi pour les discriminations à l’égard des blondes, par exemple.
D’autre part, et ainsi qu’il a été vu, ces discriminations conduisent de nombreuses personnes, principalement des femmes mais pas seulement, à modifier leur apparence capillaire pour être plus facilement acceptées en société. Cela est paradoxal, car les discriminations capillaires aboutissent à ce que des personnes changent ce qu’elles sont, et donc ne s’acceptent plus, pour être acceptées par les autres – qui, ainsi, ne les acceptent en réalité pas telles qu’elles sont, mais telles qu’eux souhaitent qu’elles soient.
● Cela étant précisé, votre rapporteur tient à insister sur un aspect essentiel de la proposition de loi : cette dernière n’exclut ni ne minore aucun autre critère de discrimination :
– elle n’a pas pour objet et n’aura nullement pour effet d’exclure les discriminations fondées sur d’autres éléments de l’apparence physique, tels que la taille ou la corpulence ;
– elle n’a pas plus pour objet ou pour effet de procéder à une forme de hiérarchisation entre les éléments de l’apparence physique.
Cet aspect ressort du dispositif lui-même, qui précise sans exclure, et a d’ailleurs été souligné lors de son audition par le DILCRAH, M. Klein.
● S’il fallait ajouter des arguments pour convaincre sur l’absence d’exclusion ou de hiérarchisation, votre rapporteur soulignerait, ainsi qu’il a été vu, que l’article 227‑15 du code pénal sur la mise en danger des enfants prévoit, expressément, que la privation de soins constitue « notamment » en la mendicité faite par des enfants de moins de six ans.
Or, il est manifeste que la privation de soins ne se limite pas à cette seule hypothèse, et il ne viendrait à personne l’idée de considérer que la mendicité d’un enfant de moins de six ans prime ou exclut les autres privations de soins, telles que le défaut de prodiguer des traitements aux enfants.
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Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article unique de la proposition de loi consacre expressément, dans les dispositions législatives en vigueur prohibant les discriminations, la discrimination capillaire, c’est-à-dire celle reposant sur la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2022‑401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a enrichi les critères de discrimination prohibée en y incluant la qualité de lanceur d’alerte.
Modifications apportées par la Commission
À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a procédé à une coordination du dispositif proposé avec la loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008, afin d’y inclure la consécration de l’interdiction de la discrimination capillaire.
Cet article prévoit la consécration expresse, dans la loi, de l’interdiction de toute discrimination capillaire.
Les discriminations sont interdites en droit français, et font l’objet d’une sanction pénale. Néanmoins, si les normes existent, leur mise en œuvre concrète n’apparaît pas satisfaisante, en particulier s’agissant des discriminations reposant sur l’apparence physique et, singulièrement, des discriminations capillaires.
Le droit français prohibe les discriminations – sauf exceptions strictement encadrées et justifiées. Cette interdiction est prévue d’une manière générale dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ([34]) ; les discriminations constituent également un délit, et leur interdiction fait l’objet de mesures spécifiques dans le cadre professionnel et pour l’accès aux soins.
● La loi du 27 mai 2008 précitée prohibe, de manière générale, les discriminations directes et indirectes. Son article 1er définit ces notions.
La discrimination directe est la situation dans laquelle une personne est traitée moins favorablement, dans une situation comparable, qu’une autre personne, sur le fondement de :
– son origine, son appartenance ou sa non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ;
– son sexe, ses mœurs, son orientation sexuelle ou son identité de genre ;
– sa situation de famille ;
– sa grossesse ;
– son apparence physique ;
– sa particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique ;
– son patronyme ;
– son lieu de résidence ou sa domiciliation bancaire ;
– son état de santé, sa perte d’autonomie, son handicap ;
– ses caractéristiques génétiques ;
– son âge ;
– ses opinions politiques ou ses activités syndicales ;
– sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
La discrimination indirecte est la situation dans laquelle, à partir de l’un des critères précédemment mentionnés, une disposition ou une pratique en apparence neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour une personne par rapport à d’autres, sauf si cela est objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but sont nécessaires et proportionnés.
● L’article 2 de cette loi prohibe toute discrimination reposant sur l’un des critères précédemment mentionnés, notamment en matière :
– d’affiliation dans une organisation syndicale ou professionnelle ;
– d’ accès à l’emploi ou à la formation professionnelle et de condition de travail ou de promotion professionnelle ;
– de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux, d’éducation, d’accès aux biens ou services ou de fourniture de biens ou service.
La sanction pénale des discriminations est prévue aux articles 225‑1 à 225‑4 du code pénal :
– les articles 225‑1 à 225‑1‑2 définissent les critères de distinction constitutifs de discriminations ;
– l’article 225‑2 précise les hypothèses dans lesquelles ces discriminations constituent un délit et les peines alors applicables, sous réserve des exceptions prévues à l’article 225‑3, tandis que l’article 225‑3‑1 précise que les tests individuels en matière de discrimination peuvent entraîner la qualification pénale ;
– enfin, l’article 225‑4 prévoit les peines applicables aux personnes morales.
Les critères sur lesquels des distinctions sont constitutives de discriminations sont définis aux articles 225‑1 à 225‑1‑2 du code pénal.
Ceux mentionnés à l’article 225‑1, qui reprennent pour l’essentiel les critères précédemment mentionnés figurant dans la loi du 27 mai 2008 précité, sont :
– l’origine et l’appartenance ou la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ;
– le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ;
– la situation de famille ;
– la grossesse ;
– l’apparence physique ;
– la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique ;
– le patronyme ;
– le lieu de résidence ([35]) ;
– l’état de santé, la perte d’autonomie, le handicap ;
– les caractéristiques génétiques ;
– l’âge ;
– les opinions politiques, les activités syndicales ;
– la qualité de lanceur d’alerte.
Constituent également des critères de distinction constitutifs de discriminations, aux termes des articles 225‑1‑1 et 225‑1‑2, le fait d’avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou de bizutage, ou d’avoir témoigné de tels faits.
● Les hypothèses dans lesquelles une discrimination est une infraction pénale sont définies à l’article 225‑2 du code pénal, aux termes duquel s’appuyer sur l’un des critères précédemment énuméré constitue un délit si cela est fait pour :
– refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
– entraver l’exercice normal d’une activité économique ;
– refuser d’embaucher une personne ou de l’accepter en stage, la sanctionner ou la licencier ;
– subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service ou une offre d’emploi, de stage ou de formation.
Par ailleurs, l’article 225‑3‑1 du code pénal prévoit que les tests de discrimination individuels peuvent aboutir à la constitution du délit : le fait de solliciter un acte, un bien, un service ou un contrat dans le but de démontrer l’existence d’une discrimination constitue bien le délit, si la preuve du comportement discriminatoire est établie.
● Toutefois, dans certaines situations limitativement énumérées et encadrées, la qualification délictuelle est exclue en application de l’article 225‑3 du code pénal, qui admet ainsi certaines discriminations.
Tel est notamment le cas :
– des discriminations reposant sur l’état de santé ou le handicap de la personne et consistant en un refus d’embauche ou un licenciement reposant sur l’inaptitude médicalement constatée ;
– des discriminations en matière d’embauche, dès lors que le motif de discrimination constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et sous réserve que l’objectif poursuivi soit légitime et l’exigence proportionnée ;
– des discriminations en matière d’accès aux biens et services reposant sur le sexe, si cela est justifié par la protection des victimes de violences sexuelles ou encore à la promotion de l’égalité des sexes ;
– des discriminations en matière d’embauche reposant sur la nationalité, en application des dispositions pertinentes du droit de la fonction publique – certains emplois publics étant réservés aux citoyens français ou aux ressortissants de l’Union européenne.
● Le délit de discrimination est, en application de l’article 225‑2, puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Une circonstance aggravante, aboutissant à des peines de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, est prévue si la discrimination consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service dans un lieu accueillant du public, incluant le refus d’accès à ce lieu.
Les personnes morales, quant à elles, encourent une peine d’amende quintuplée – soit 225 000 euros ou 375 000 euros, selon les circonstances –, en application des articles 225‑4 et 131‑38 du code pénal. Elles encourent également certaines des peines prévues à l’article 131‑9 du code pénal : interdiction d’exercer une activité, placement sous surveillance judiciaire, fermeture d’établissements, exclusion des marchés publics, confiscation de biens et affichage de la condamnation.
Outre leur qualification pénale, les discriminations sont expressément prohibées au travail et en matière d’accès aux soins.
● La législation du travail prévoit un principe général de non-discrimination à l’article L. 1132‑1 du code du travail, qui prohibe le fait d’écarter une personne d’un recrutement, d’une nomination, d’un stage, d’une formation, ou le fait de prendre toute mesure de licenciement ou, plus généralement, relative à la vie professionnelle ([36]), pour un critère discriminatoire.
Les critères de discrimination prévus à cet article correspondent à ceux prévus à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 précitée et à l’article 225‑1 du code pénal – en y ajoutant les activités mutualistes.
Des dispositions similaires sont prévues s’agissant des agents publics, à l’article L. 131‑1 du code général de la fonction publique – avec toutefois des critères quelque peu différents.
Il en est de même, s’agissant spécifiquement des agents des communes ou des groupements de communes en Polynésie française, en application de l’article 10 de l’ordonnance du 4 janvier 2005 qui consacre leur statut général ([37]).
Enfin, l’article L. 1321‑3 du code du travail proscrit dans les règlements intérieurs des entreprises toute disposition discriminant les salariés, à capacité professionnelle égale, à raison de critères identiques ou voisins de ceux déjà mentionnés.
Notons, à cet égard, la relative hétérogénéité des critères de discrimination entre les différents textes en vigueur : si un noyau commun est identifié, certains critères sont propres à un texte, tandis que d’autres lui font défaut.
● S’agissant de l’accès aux soins, l’article L. 1110‑3 du code de la santé publique interdit à tout professionnel de santé de refuser de soigner une personne, incluant la fourniture en urgence d’un moyen de contraception, en s’appuyant sur l’un des critères prévus aux articles 225‑1 à 225‑1‑2 du code pénal précédemment mentionnés.
Dans l’hypothèse d’un refus de soins illégitime, est prévue la saisine des organismes d’assurance maladie ou de l’ordre professionnel dont relève le professionnel de santé concerné, ainsi qu’une procédure de conciliation.
L’interdiction des discriminations au niveau européen
Si le droit français proscrit toute discrimination, il en va de même au niveau européen.
● Ainsi, dans le cadre du Conseil de l’Europe, l’interdiction des discriminations est consacrée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels :
– à son article 14, qui prohibe toute distinction fondée « notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ;
– à l’article 1er de son protocole additionnel n° 12, qui reprend le principe de cette interdiction.
● S’agissant de l’Union européenne, l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000 prohibe toute discrimination fondée « notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».
Enfin, peuvent être mentionnées plusieurs directives complétant les règles applicables au sein de l’Union européenne en matière de lutte contre les discriminations :
– la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ;
– la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ;
– la directive n° 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
L’une des principales difficultés en matière de discrimination est, pour la victime, d’en rapporter la preuve.
● En conséquence, le législateur a prévu, hors de la matière pénale, un renversement de la charge de la preuve : il appartient à la partie défenderesse de démontrer que la décision qu’elle a prise reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Une telle disposition est ainsi prévue à l’article L. 1134‑1 du code du travail, qui reprend en cela les dispositions de l’article L. 122‑45 de l’ancien code du travail résultant de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations ([38]).
La loi du 27 mai 2008 précitée, à son article 4, prévoit une mesure similaire de portée générale, aux termes de laquelle :
– la personne s’estimant victime d’une discrimination présente au juge les faits permettant d’en présumer l’existence ;
– la partie défenderesse, à l’aune de ces éléments, doit prouver l’absence de discrimination.
● En matière pénale, en revanche, n’est pas prévu de renversement de charge de la preuve, eu égard aux exigences du procès équitable.
Toutefois, et ainsi qu’il a été vu, les tests de discrimination individuels sont possibles, et peuvent être constitutifs du délit de discrimination, en application de l’article 225‑3‑1 du code pénal.
La proposition de loi de Marc Ferracci étendant les tests de discrimination
● L’Assemblée nationale, à travers l’adoption récente de la proposition de loi de notre collègue Marc Ferracci visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, a prévu de renforcer la réponse de la société face aux discriminations, en étendant la pratique des tests de discrimination individuels et statistiques et en améliorant la connaissance des phénomènes de discrimination (1). Pour mémoire, les tests statistiques, qui résultent généralement de sondages, permettent d’identifier des récurrences au sein d’entreprises ou d’organisations laissant supposer que des discriminations peuvent avoir lieu.
Ce texte prévoit ainsi, notamment, la création d’un service chargé d’œuvrer à la connaissance, la prévention et la correction des situations de discrimination, placé sous l’autorité du Premier ministre, et pouvant réaliser des tests individuels ou statistiques de discrimination – les résultats des tests statistiques pouvant être rendus publics.
La proposition de loi prévoit également à son article 3 que, dans l’hypothèse où un test statistique laisserait supposer des pratiques discriminatoires, l’organisme concerné et l’administration en sont informés. L’organisme, si la discrimination porte sur le travail, doit alors engager une négociation sur les mesures préventives ou correctrices et, à défaut d’un accord en ce sens, établit un plan d’action à cet effet. Si la discrimination est constitutive du délit de discrimination prévu par le code pénal, l’élaboration d’un plan d’action doit intervenir après mise en demeure de la part de l’administration en ce sens.
Les manquements à ces obligations sont assortis de sanctions financières, fixées à 1 % du montant des rémunérations et gains versés aux salariés. Si le manquement persiste, la sanction est quintuplée, portée à 5 % du montant des rémunérations et gains ; cet alourdissement est le fruit de l’adoption par l’Assemblée d’un amendement qu’avaient porté votre rapporteur et les membres du groupe LIOT.
● Le Sénat, saisi à son tour de la proposition de loi, l’a substantiellement modifiée, supprimant notamment son article 3 relatif aux suites données à l’issue d’un test révélant une discrimination, et aux sanctions financières associées (2).
(1) Proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, Assemblée nationale, XVIe Législature, texte adopté n° 209, 6 décembre 2023.
(2) Proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, Sénat, session ordinaire de 2023-2024, n° 82, 12 mars 2024.
Bien que le droit paraisse suffisamment étoffé pour lutter contre les discriminations, le constat tiré de sa confrontation à la réalité est beaucoup plus nuancé, voire décevant, s’agissant des discriminations reposant sur l’apparence physique, et plus encore s’agissant des discriminations capillaires en particulier.
● En 2022, la Défenseure des droits a reçu 6 545 réclamations relevant de la lutte contre les discriminations, un nombre relativement stable par rapport à l’année précédente (+ 2 %) ([39]). Parmi elles, près de la moitié ont concerné le handicap (20 %), l’origine (13 %), l’état de santé (11 %). Le critère de l’apparence physique n’a représenté que 2 % des réclamations adressées à l’institution en matière de discrimination ([40]).
Or, la réalité est, malheureusement, beaucoup plus cruelle, et les discriminations liées à l’apparence physique sont bien plus importantes que ce que les données sur les réclamations peuvent laisser penser, ce que le Défenseur des droits a d’ailleurs mis en évidence.
● Ainsi, dans son baromètre 2016, le Défenseur des droits relevait que, parmi les personnes interrogées, une part importante jugeait acceptable, dans certaines situations voire dans tous les cas, de refuser l’embauche d’une personne à raison de caractéristiques physiques. Parmi ces dernières, la coiffure était jugée comme pouvant être un critère de refus acceptable par une majorité de personnes : 56 % pour les femmes, 57 % pour les hommes ([41]).
En 2019, dans une décision-cadre, le Défenseur des droits mentionnait plusieurs données éloquentes traduisant l’ampleur des discriminations physiques ([42]) :
– 74 % des cadres estimaient être discriminés du fait de leur apparence physique ;
– un demandeur d’emploi sur quatre considérait subir des discriminations reposant sur l’apparence physique, qui constituait ainsi le deuxième critère de discrimination les touchant après l’âge.
Plus récemment, dans une étude parue en décembre 2021 consacrée aux discriminations des jeunes, la Défenseure des droits a constaté que 38 % de l’ensemble de la population active jugeait que des personnes sont souvent, voire très souvent discriminées en raison de leur apparence physique – hors origine ou couleur de peau –, cette proportion grimpant à 63 % parmi les jeunes de 18 à 34 ans. En tout, 92 % perçoivent des discriminations reposant sur l’apparence physique ([43]).
● L’ampleur du contraste entre le niveau de réclamations relatives à des discriminations pour l’apparence physique et celui de la perception ou de l’expérience de telles discriminations réside vraisemblablement dans une absence de signalement, dans un non-recours aux droits par les victimes de discriminations.
Dès lors, tout ce qui permettrait de mieux faire connaître les voies de recours, de sensibiliser et d’informer les personnes victimes de discriminations, va dans le bon sens, de même que tout ce qui, de façon claire et dépourvue d’ambiguïté, soulignerait l’interdiction des discriminations fondées sur l’apparence physique, et en particulier les discriminations capillaires – comme la présente proposition de loi.
L’action du Défenseur des droits en matière de discrimination capillaire : l’appréhension du sujet par le prisme du sexe et de l’origine
Si, ainsi qu’il a été vu, les discriminations reposant sur l’apparence physique ne constituent qu’une faible partie des réclamations reçues par le Défenseur des droits, a fortiori s’agissant des discriminations capillaires, l’institution s’est néanmoins penchées à plusieurs reprises sur cette question.
● Dans sa décision-cadre du 2 octobre 2019 précitée, le Défenseur des droits avait publié cinq annexes précisant les conditions d’application du principe de non‑discrimination à raison de l’apparence physique, dont l’une, la troisième, dédiée à la coiffure (1).
Cette annexe présente les motifs de discrimination capillaire admis – notamment fondés sur l’hygiène et la sécurité –, les stéréotypes de genre liés à la longueur des cheveux, et les discriminations liées aux cheveux texturés.
À cet égard, l’annexe relève que « des restrictions concernant la coiffure du cheveu texturé ou des exigences de coiffures obéissant à des normes euro-centrées sont susceptibles de caractériser des discriminations fondées sur l’apparence physique rapportée à l’origine » (2).
● Au-delà de ce cadre général, le Défenseur des droits a été amené à prendre plusieurs décisions individuelles sur des affaires concernant des faits de discrimination capillaire, au travail ou dans les établissements scolaires.
Ainsi, en 2020, il a considéré qu’une annonce d’embauche constituait le délit de discrimination prévu à l’article 225‑2 du code pénal ; l’annonce recherchait une femme, entre 22 et 30 ans, d’une certaine taille et corpulence, aux cheveux blonds mi-longs ou longs (3).
En 2022, l’institution a été saisie par les parents d’un enfant âgé de quatre ans dont l’école, établissement privé sous contrat d’association, exigeait qu’il modifie sa coupe de cheveux afro. La Défenseure des droits a conclu au caractère discriminatoire de l’atteinte portée à l’enfant, et des dispositions du règlement intérieur de l’école. La discrimination fondée sur l’apparence physique a été rapportée au sexe et à l’origine des élèves (4).
● Il ressort de ces décisions que la discrimination capillaire est appréhendée par le Défenseur des droits.
Toutefois, elle l’est par le prisme d’autres critères, tels que le sexe et l’origine, et non en tant que telle – or, ainsi qu’il a été vu, des personnes de même origine et de même sexe peuvent être traitées différemment à raison de leurs cheveux (cf. supra, exposé général, I, B).
(1) Décision cadre n° 2019‑205 du 2 octobre 2019 précitée, page 25 et suivantes.
(2) Ibid., page 30.
(3) Défenseur des droits, décision n° 2020‑163 du 25 novembre 2020.
(4) Défenseur des droits, décision n° 2022‑182 du 23 janvier 2023.
Sous l’angle juridictionnel, la quasi-inexistence des affaires portant sur la discrimination en général, et sur les discriminations capillaires en particulier, témoigne d’une lacune de notre droit, à tout le moins dans son application et son appréhension par les juges.
● Comme le relevait notre collègue Marc Ferracci dans le cadre de ses travaux sur sa proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, en 2020, aucune condamnation pénale n’a été prononcée pour discrimination ([44]).
Une récente décision mérite à cet égard d’être signalée, constituant une exception à l’absence de condamnation pénale : la condamnation de la société Adecco par le tribunal correctionnel de Paris le 13 mars 2024, pour discrimination à l’embauche et fichage à caractère racial concernant environ 500 travailleurs intérimaires entre 1997 et 2001. La société a été condamnée à 50 000 euros d’amende, tandis que deux de ses cadres ont été condamnés à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende chacun ([45]).
Toutefois, cette condamnation ne concerne pas une discrimination reposant sur l’apparence physique.
● D’une manière générale, et comme en témoignent les données communiquées à votre rapporteur par la direction des Affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, pendant la période 2015-2022, les juridictions correctionnelles de première instance ont prononcé :
– moins de vingt condamnations pour discrimination reposant sur le sexe ;
– moins de cinq condamnations pour discrimination reposant sur l’apparence physique ;
– moins de dix condamnations pour discrimination reposant sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ([46]).
Dans le même ordre d’idées, en 2019, le Défenseur des droits soulignait que le contentieux en matière de discrimination reposant sur l’apparence physique était extrêmement faible, identifiant deux cas sur 5 743 dans la jurisprudence administrative, et 28 sur 30 054 dans la jurisprudence judiciaire ([47]).
● Une recherche au sein des bases de données de jurisprudence effectuée par votre rapporteur confirme ce constat : les décisions de justice relatives à des discriminations reposant sur l’apparence physique ne concernent pas le délit prévu à l’article 225‑2 du code pénal, mais des discriminations au travail – et reposent souvent sur d’autres qualifications telles que le harcèlement moral.
Trois arrêts de cours d’appel peuvent à cet égard être mentionnés pour illustrer ce propos :
– la cour d’appel de Rennes, le 12 octobre 2011, a prononcé la résiliation du contrat de travail, aux torts de l’employeur, d’un employé qui s’était vu refuser une promotion qui lui avait été proposée sous réserve de couper ses cheveux, ce qu’il avait refusé ([48]) ;
– la cour d’appel de Riom, dans un arrêt rendu le 26 octobre 2021, a confirmé le jugement ayant, à la demande d’une salariée, relevé la nullité d’une rupture conventionnelle et déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; parmi les éléments à l’appui de cette décision, ont été relevés les faits constitutifs de harcèlement moral liés à des remarques et observations désobligeantes, dont certaines portaient sur la couleur des cheveux de la personne ([49]) ;
– dans un arrêt rendu le 3 décembre 2021, la cour d’appel d’Aix‑en‑Provence a confirmé la décision du conseil des prud’hommes reconnaissant le bien-fondé d’une rupture de contrat de travail justifiée par une faute grave, constituée par des faits de discrimination et de harcèlement d’une personne à l’égard de ses subordonnés reposant sur des propos racistes et discriminants, parmi lesquels « des réflexions sur les cheveux crépus » d’une employée, mais aussi des réflexions racistes telles que « aujourd’hui, t’es plus noire que d’habitude », ou encore « fais voir ta crème pour les mains, je n’aime pas l’odeur, ça sent le noir » ([50]).
Notons cependant que, dans les deux dernières hypothèses, c’est principalement le harcèlement qui fut retenu, les éléments susceptibles de constituer des discriminations venant à l’appui du harcèlement.
● D’une manière générale, d’après les données fournies à votre rapporteur par la direction générale du travail du ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, alors que licencier un salarié pour un motif discriminatoire est une cause de nullité et que, comme il a été vu, la perception de discriminations au travail est forte, les cas de nullité de licenciement pour cause de discrimination ne représentent que 0,7 % des licenciements jugés nuls.
Une autre affaire, relativement médiatisée et tranchée par la chambre sociale de la Cour de cassation, illustre aussi les difficultés de se placer sur le terrain de la discrimination reposant sur l’apparence physique, en particulier s’agissant de discrimination capillaire. Il s’agit de l’affaire dite du « steward d’Air France », concernant M. Aboubakar Traoré que votre rapporteur a eu l’opportunité d’entendre en audition, jugée par la Cour de cassation le 23 novembre 2022 ([51]).
M. Traoré, personnel navigant de la compagnie Air France depuis la fin des années 1990, s’est vu refuser l’embarquement par la compagnie lorsqu’il s’est présenté coiffé de tresses africaines, au motif que cela méconnaissait le manuel des règles de port de l’uniforme de la compagnie qui prescrivait, pour les hommes, que les « cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur de la chemise. »
Il a par la suite porté une perruque, puis a de nouveau décidé de porter sa coiffure en tresses, là encore jugée contraire au règlement vestimentaire d’Air France, qui l’a alors affecté à un emploi administratif sans contact avec les clients.
En 2009, M. Traoré a sollicité la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui a tranché en sa faveur en 2011, relevant notamment l’absence de trouble qu’aurait causé la coiffure de l’intéressé, et le fait que cette coiffure ne présentait pas de risque de perte de clientèle ou de dégradation de l’image de marque d’Air France ([52]).
Malgré cela, la situation de M. Traoré n’a manifestement pas évolué, les tresses demeurant interdites aux personnels masculins.
Engageant l’affaire en justice, M. Traoré s’est vu débouté en première instance par le conseil des prud’hommes de Bobigny, puis en appel : faisant droit à Air France, la cour d’appel de Paris a relevé que le manuel des règles de port de l’uniforme, s’il exigeait une certaine coupe, n’opérait aucune distinction entre les cheveux lisses, bouclés ou crépus, et donc aucune différence fondée sur l’origine des salariés.
La Cour de cassation, à la suite de sa saisine, après avoir relevé que le port de tresses africaines nouées en chignon était autorisé pour le personnel féminin, en a déduit que l’interdiction de porter cette coiffure caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe.
La Cour a également relevé que la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin « ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes », au sens de l’article 14 de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 précitée ([53]).
La Cour a ainsi jugé que les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée pour les femmes.
Cependant, ce n’est pas la discrimination physique en tant que telle qui a justifié la cassation, mais son lien avec le sexe, en raison de la différence de traitement entre femmes et hommes s’agissant de cette coiffure.
● En conséquence, si, formellement, une discrimination capillaire paraît pouvoir être retenue et sanctionnée en tant que telle, la justice ne semble pas s’être déjà prononcée en la matière sur ce seul aspect, alors même qu’elle en a eu l’opportunité.
Une telle lacune n’apparaît pas satisfaisante, surtout à l’aune des difficultés rencontrées par de très, de trop nombreuses personnes à raison de leurs cheveux, comme cela a été démontré précédemment ([54]).
L’article unique de la présente proposition de loi prévoit d’inscrire expressément, parmi les critères de distinction entre personnes constitutifs d’une discrimination, ceux relatifs à la discrimination capillaire, apportant ainsi une précision non exhaustive à la notion de discrimination reposant sur l’apparence physique.
● La dimension capillaire de la discrimination reposant sur l’apparence physique est définie comme « la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux ». Précisons à toutes fins utiles que sont incluses dans ces éléments les extensions capillaires et les perruques, qu’elles soient constituées de cheveux artificiels ou naturels.
Seraient ainsi expressément prohibées et sanctionnées les discriminations reposant :
– sur le type de coupe de cheveux, telles qu’une coupe « afro », une coupe dite « twist-out », une coupe courte dite « pixie », des dreadlocks ou encore une coupe associant des extensions capillaires ;
– sur la couleur, naturelle – par exemple s’agissant des discriminations touchant les personnes blondes évoquées dans la première partie du présent rapport – ou résultant d’une coloration ;
– sur la longueur, envoyant ici aux exemples précédemment mentionnés du jeune Darryl George au Texas ou du personnel navigant d’Air France ;
– sur la texture – lisse, frisée, crépue, bouclée.
● Dans la mesure où ou seuls les critères fondant les discriminations sont précisés par le dispositif proposé, ce dernier ne remet pas en cause la possibilité, de façon encadrée et dans les hypothèses prévues par la loi, de procéder régulièrement à des discriminations, sur le fondement de l’article 2 de la loi du 27 mai 2008 précité – et, pour écarter la qualification délictuelle, sur le fondement de l’article 225‑3 du code pénal – lorsque le motif de discrimination constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, légitime et proportionnée.
En matière capillaire, tel pourrait être le cas pour des raisons de sécurité – par exemple pour pouvoir enfiler un casque de protection – ou pour pouvoir porter la tenue professionnelle exigée – ainsi, dans l’armée, un képi, un béret ou encore une casquette.
Concrètement, la traduction légistique de l’interdiction expresse de la discrimination capillaire consiste en l’insertion de la définition précédemment mentionnée :
– s’agissant du délit de discrimination, aux premier et second alinéas de l’article 225‑1 du code pénal (II du présent article) ;
– s’agissant du principe de non-discrimination au travail, notamment pour l’embauche ou la promotion, à l’article L. 1132‑1 du code du travail (1° du III du présent article) et à l’article L. 131‑1 du code général de la fonction publique (I du présent article) ;
– s’agissant de l’interdiction d’un contenu de nature discriminatoire dans le règlement intérieur d’une entreprise, à l’article L. 1321‑3 du code du travail (2° du III du présent article) ;
– s’agissant de l’interdiction des discriminations entre fonctionnaires communaux et intercommunaux de Polynésie française, au deuxième alinéa de l’article 10 de l’ordonnance du 4 janvier 2005 précitée (IV du présent article).
À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a procédé à une coordination avec la loi du 27 mai 2008 précitée ([55]).
Elle a ensuite adopté le présent article ainsi modifié, consacrant de façon expresse dans le droit français l’interdiction de la discrimination capillaire.
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Introduit par la Commission
Résumé du dispositif introduit par la Commission et effets principaux
Cet article rend applicable les dispositions pénales de la proposition de loi en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 711‑1 du code pénal a été dernièrement modifié par la loi n° 2024‑233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
Aux termes de cet article 711‑1, les dispositions des livres Ier à V du code pénal sont applicables en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi du 18 mars 2024 (sous réserve de certaines adaptations). Cette référence législative doit être régulièrement mise à jour au sein de l’article 711-1, pour tenir compte des modifications législatives les plus récentes apportées à ces livres du code pénal.
L’article 1er de la proposition de loi modifiant l’article 225‑1 du code pénal, et donc le livre II de ce code, il est précisément nécessaire, pour que les dispositions du présent texte soient applicables dans les collectivités précédemment mentionnées, d’actualiser la référence législative figurant à l’article 711‑1 du code pénal.
En conséquence, la Commission, à l’initiative de votre rapporteur, a introduit le présent article pour que cet article 711‑1 fasse désormais référence à la loi qui résulterait de la promulgation de la présente proposition de loi, alors qu’il fait actuellement référence à la loi du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales ([56]), dernier texte en date ayant modifié l’article 711‑1 ([57]).
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Lors de sa réunion du mercredi 20 mars 2024, la Commission examine la proposition de loi visant à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire (n° 1640) (M. Olivier Serva, rapporteur).
Lien vidéo : https://assnat.fr/hmfvOy
M. Olivier Serva, rapporteur. Loin d’être une question anecdotique prêtant à sourire ou ne concernant que certaines personnes du fait de leur origine, la discrimination capillaire est, hélas, une réalité qui touche potentiellement tout le monde, et dont les effets sont particulièrement lourds et graves.
Des études montrent qu’une femme blonde sur trois se teint les cheveux en brun pour avoir l’air plus professionnelle et augmenter ses chances d’accéder à des emplois à responsabilité, les femmes blondes étant perçues comme moins aptes à de tels emplois. Les biais négatifs touchent aussi les personnes rousses, auxquelles de nombreux préjugés sont attachés, qui peuvent mener jusqu’au harcèlement et à la violence physique.
Des études américaines ont démontré un biais de perception négatif à l’égard des cheveux des personnes noires, en particulier des femmes. Les cheveux texturés sont deux fois et demi plus susceptibles d’être perçus comme non professionnels que les autres types de cheveux. Ils doublent les risques de micro-agressions au travail. Par ailleurs, plus de la moitié des jeunes filles noires subissent la discrimination capillaire dès l’âge de 5 ans.
Pour faire face à cette perception négative, deux femmes noires sur trois se sentent obligées de lisser leurs cheveux avant de se rendre à un entretien d’embauche. Or, comme l’a établi la science, l’usage fréquent de produits de lissage fait plus que doubler le risque de développer un cancer de l’utérus, accroît celui des cancers du sein et des ovaires, et double le risque de fibromes. Il est source de brûlures et peut causer des alopécies cicatricielles.
Par ailleurs, selon les chirurgiens esthétiques que nous avons auditionnés, le port fréquent de certaines coiffures comme les chignons serrés, quelle que soit l’ethnie et souvent pour des raisons professionnelles, accroît le risque d’alopécie de traction.
Les femmes d’origine maghrébine connaissent les mêmes difficultés et les mêmes incitations à lisser leurs cheveux. La discrimination capillaire n’est pas nécessairement liée à l’origine : tout le monde peut être concerné. Le sujet transcende donc l’origine, mais aussi l’âge ou le sexe : chacun, en raison de ses cheveux, peut être discriminé. Or, avant la taille ou la corpulence, les cheveux sont l’une des premières choses que l’on voit chez une personne et, souvent, l’une des seules – sur un curriculum vitae ou en visioconférence, par exemple.
La question des discriminations capillaires et de leurs conséquences graves pour la santé, mentale comme physique, est tellement importante qu’aux États-Unis, le législateur de Californie s’en est emparé, suivi par plus de vingt États de ce pays, démocrates comme républicains – une initiative est à présent pendante au niveau fédéral.
Vous me direz que les États-Unis ne sont pas la France et que notre droit sanctionne déjà les discriminations reposant sur l’apparence physique. Si notre droit paraît satisfaisant, il ne résiste malheureusement pas à la confrontation avec la réalité. La condamnation d’Adecco la semaine dernière, après plus de vingt ans de procédures, fait figure d’exception. Les condamnations pour discrimination sont rarissimes, a fortiori si celle-ci concerne l’apparence physique. Comme l’a rappelé Marc Ferracci lors de l’examen de sa proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, aucune condamnation pour ce motif n’a été prononcée dans notre pays en 2020. Les saisines de la justice pour discrimination physique représentent moins de 0,1 % des affaires identifiées par la Défenseure des droits. Parmi les réclamations que reçoit l’institution, à peine 2 % concernent ces questions. La réalité est évidemment tout autre : selon une étude de la Défenseure des droits, près de trois cadres sur quatre estiment être discriminés en raison de leur apparence physique, et 92 % des personnes perçoivent de telles discriminations.
Enfin, les très – trop – rares décisions de justice rendues en matière de discrimination et concernant la question capillaire ne retiennent pas l’apparence physique, du moins pas directement. Dans l’affaire dite du steward d’Air France, la Cour de cassation s’est plutôt appuyée sur la discrimination entre les femmes et les hommes, alors qu’il s’agissait bien d’une discrimination capillaire, ce qui met en évidence un « trou dans la raquette » législative. Le steward, que j’ai pu auditionner, a insisté sur l’importance de nommer la véritable cause de cette discrimination. Celle-ci n’est pas réductible à l’égalité entre les femmes et les hommes, ni à la seule question des origines : elle touche tout le monde. Il apparaît donc nécessaire d’inscrire clairement dans notre droit que les discriminations capillaires sont interdites.
À cet égard, la proposition de loi permet d’interdire sans ambiguïté la discrimination capillaire, tout en ne la réduisant pas aux questions de genre ou d’origine. Elle permettra aux victimes de s’appuyer sur un droit enfin clarifié – je pense notamment aux personnes qui ont dû changer de chevelure pour être embauchées et qui, revenues à leurs cheveux naturels après quelques années, subissent réflexions, moqueries, vexations, pressions de la part de leurs employeurs et de leurs collègues. Le texte permettra aux juges d’utiliser ce critère, qui pourra d’ailleurs être plus facilement identifié grâce à la proposition de loi de Marc Ferracci.
Enfin, comme l’a souligné Mme Guylaine Conquet qui, investie de longue date sur ces questions, a inspiré la proposition de loi, celle-ci donnera l’occasion de célébrer la diversité capillaire de chacun. Loin d’être purement symbolique, elle aura des effets concrets pour mieux appréhender ce type de discrimination. De nombreuses personnes l’ont souligné lors des auditions, en particulier M. Olivier Klein, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Selon le professeur Wendy Greene, éminente universitaire américaine qui a participé à la rédaction du Crown Act – Creating a Respectful and Open World for Natural Hair Act – aux États-Unis, ce texte permettra de faire entendre la voix des gens qui s’en sentent privés et qui n’agissent pas.
Certains pourraient dire que la proposition de loi risque d’évincer ou de minorer d’autres éléments liés à l’apparence physique, comme la corpulence. Aucun passage ne le prévoit : le texte n’évince aucun critère et ne crée aucune hiérarchie entre les éléments de l’apparence physique. Elle apporte une précision nécessaire et consacre dans notre droit une réalité ignorée par beaucoup, dont les effets sont pourtant dévastateurs pour des millions de personnes. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter aux très nombreuses dispositions législatives existantes qui, avec le mot « notamment » – celui que j’utilise dans la proposition de loi – précisent une notion ou un élément, sans créer de hiérarchie.
L’article 227-15 du code pénal, par exemple, punit de sept ans d’emprisonnement le délit de privation de soins d’un enfant. Parce que nous, législateur, l’avons jugé utile, il précise que la privation de soins consiste « notamment » à réduire un enfant à la mendicité dans la rue. Aucune autre hypothèse de privation de soins n’est prévue dans la loi. Il ne viendrait à l’idée de personne de considérer que cela écarte ou minore d’autres privations de soins, comme le défaut de fourniture de médicaments ou d’examen médical. Il en va de même avec cette proposition de loi : en procédant comme le législateur l’a déjà fait en matière pénale ou fiscale, on précise, on n’évince pas.
Cette proposition de loi répond donc à un réel besoin. J’en avais la conviction depuis le début de mes travaux, voilà plus d’un an ; les nombreuses auditions que j’ai conduites auprès d’une trentaine de personnes, d’institutions, d’universitaires et de spécialistes, n’ont fait que la renforcer. J’espère que vous la partagerez et que vous adopterez ce texte, beaucoup plus important qu’il n’y paraît au premier abord. Il pourrait notamment inspirer d’autres pays, tels que le Royaume-Uni, et faire de la France, pays des droits de l’homme, un précurseur sur cette question essentielle.
Pour reprendre les mots d’une autre personne auditionnée, ce texte permettra enfin de faire souffler un vent de confiance pour nos concitoyens qui subissent la discrimination capillaire au quotidien, et qui se rendent sur leur lieu de travail la boule au ventre, de peur d’être mis à pied ou licenciés pour leur capillarité intrinsèquement non raide.
M. Erwan Balanant, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Fanta Berete (RE). Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission afin d’y présenter la position du groupe Renaissance sur la proposition de loi. Quand ce texte a été déposé, je me suis demandé – comme vous, peut-être – si nous en avions vraiment besoin. C’est alors que je suis tombée sur une archive de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) datant de 2017, une émission de « Salut les terriens » où Thierry Ardisson recevait la comédienne et chanteuse Stéfi Celma. Avec « Couleur café » en fond sonore, il lui disait : « C’est quoi cette coiffure de ouf ? […] Ils sont en quoi, vos cheveux ? […] Pour se coiffer le matin, elle met les doigts dans la prise ! […] Est-ce que vous mettez des chapeaux, des bonnets, des bâches ? […] Vous êtes le cauchemar de toutes les coiffeuses ! » Plus question de ricaner ou de faire un bon mot sur l’objet de cette proposition de loi, comme j’ai pu l’entendre ici ou là.
La texture des cheveux est classée de 1 pour les cheveux lisses à 4 pour les cheveux crépus, avec des sous-catégories allant de A à C – ma texture de cheveux est ainsi qualifiée de 4C. Bien souvent, les personnes relevant des catégories 3 et 4 livrent une bataille quotidienne avec leurs cheveux car, laissés à l’état naturel, ils peuvent donner lieu à des qualificatifs tels que « peu professionnels », « indisciplinés » ou « négligés ».
Il y a quelques années, en Occident, on tirait les cheveux des enfants d’origine africaine et on les nouait avec du fil. Les stars des années 1980 telles que Eddie Murphy ou les frères Jackson ont prôné l’usage de produits chimiques afin de donner une texture plus souple aux cheveux. Puis les mèches synthétiques ont fait leur apparition pour protéger les cheveux et les rallonger. Les perruques ont ensuite permis d’imiter Tina Turner, entre autres, avant que n’arrive la grande époque du tissage, consistant à coudre des bandes de cheveux naturels venus principalement d’Inde sur les cheveux tressés en couronnes. La démocratisation a été totale avec le lissage brésilien au formol, largement utilisé par les types 2 à 4, avec les conséquences que l’on sait en matière d’allergies, de problèmes respiratoires, de cancers et d’alopécie.
Ce retour historique sur le classement capillaire vise à démontrer, s’il en était besoin, l’objectif fondamental, qui a animé pendant tant d’années les 20 % de la population française aux cheveux bouclés, frisés, crépus : se rapprocher le plus possible de la norme, apparaître socialement plus acceptable.
Le modèle occidental donne parfois l’impression d’être un modèle d’assimilation dans lequel le cheveu raide est universel. Le texte a vocation à tordre le cou à cette injonction sociétale et à affirmer que la multiculturalité est une richesse acceptée, voire revendiquée, et qu’il est possible d’avoir des cheveux différents.
Avec cette proposition de loi, j’émets le souhait que, désormais, lorsque je changerai de coiffure, on arrêtera de me dire que les cheveux lisses me vont vraiment mieux ou, pire, que mes cheveux, plus que le fond de mon propos, m’ouvrent le droit d’être attaquée sur les réseaux sociaux.
J’émets le souhait que certains ne changeront plus de coiffure avant un entretien professionnel, ni ne mettront leur santé en danger avec l’ensemble des produits utilisés pour traiter ou lisser les cheveux, car les dégâts sont désormais connus.
Nous, les 577 députés, représentons chacun un territoire : la Parisienne que je suis rencontre parfois avec les habitants de sa circonscription des préoccupations qui peuvent paraître très éloignées de celles de vos concitoyens, et réciproquement. Avec cette proposition de loi, j’émets le souhait que notre travail protège l’ensemble de nos concitoyens, dans toute leur diversité. Nous avons la capacité de le faire aujourd’hui avec ce texte, qui est loin d’être anecdotique et qui peut permettre à une partie des Français d’être reconnus pour ce qu’ils sont. La nature de nos cheveux ne doit pas influencer les décisions prises par autrui concernant notre emploi, notre appartement ou toute autre opportunité. De même, elle ne doit pas altérer notre estime de nous-mêmes.
C’est la raison pour laquelle le groupe Renaissance soutiendra ce texte, sans chercher à l’amender à ce stade.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Comme il existe en France un racisme systémique, qui frappe tant de nos compatriotes pour des motifs aussi divers que la couleur de peau, le patronyme ou la religion supposée, il existe des discriminations systémiques, fondées sur les orientations sexuelles, les identités de genre et les apparences physiques ou vestimentaires. Il ne vous étonnera pas que celles et ceux qui pâtissent du premier soient, en grande partie, les mêmes que les personnes qui subissent les secondes. Parmi toutes les formes que prennent ces discriminations, il en est une qui se manifeste essentiellement dans la sphère professionnelle ou scolaire, et qui porte sur l’apparence capillaire. Dès lors que l’on envisage l’apparence physique et l’origine supposée d’un individu se pose la question de la discrimination fondée sur le style et la texture des cheveux. Elle est liée aux discriminations raciales, puisqu’elle touche principalement les personnes non blanches.
En France, malgré l’absence de statistiques – les sondages ethniques ne sont heureusement pas autorisés –, de nombreuses études réalisées par des universitaires, des sociologues et des psychologues s’accordent pour affirmer que les cheveux jouent un rôle dans l’accès au travail, particulièrement chez les femmes. Les twists sur cheveux naturels, les dreadlocks, les cadenettes, le pétard, les papillotes, les cornrows, les vanilles en frange, les tresses plates, les rastas, les bantu knots, l’afro lâché, le high puff, le high top fade, le mohawk, les waves, le box cut, l’afro bouclé, la choucroute ou la meringue, les cheveux roux ou blonds, crépus, bouclés ou raides, les crânes chauves ou tondus sont autant d’apparences capillaires qui, au travail, suscitent des réactions s’affranchissant trop souvent de la bienveillance.
Selon la sociologue Juliette Sméralda, le cheveu crépu, qui n’est pas porté par ceux qui représentent le pouvoir et ceux qui en conçoivent les habits et les coiffures, n’est pas toléré par ceux qui se sont réservé un droit absolu sur cet espace. Les témoignages qu’a recueillis Carmen Diop, psychologue du travail et doctorante en sociologie, appuient ces constats : certaines femmes disent s’autocensurer dans leur vie professionnelle en mettant des perruques ou en posant un tissage.
Cette discrimination constitue aussi un enjeu de santé publique, physique et mentale. Des études ont en effet montré la corrélation entre l’usage de produits chimiques capillaires permettant la transformation du cheveu, notamment son défrisage, et le risque plus élevé de cancers du col de l’utérus. Pour ce qui est de la santé mentale, porter ses cheveux naturels étant facteur de confiance en soi, la discrimination capillaire crée une anxiété et une charge mentale quotidienne pouvant conduire à des complications psychologiques.
Nous pouvons ainsi nous réjouir que cette proposition de loi complète les dispositions du code pénal, du code du travail et du code général de la fonction publique s’agissant de la lutte contre les discriminations, en précisant que celles liées à l’apparence physique peuvent être relatives à la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux. La décision de la Cour de cassation du 23 novembre 2022 montre l’importance d’inscrire cette discrimination dans la loi. Bien que reconnaissant le caractère discriminatoire du licenciement d’un steward portant des tresses, la Cour a fondé sa décision sur le fait que la compagnie autorisait cette coiffure pour les hôtesses de l’air, plutôt que sur la base légale de la discrimination raciale, complètement invisibilisée.
La discrimination capillaire mérite une attention particulière et une loi spécifique, tant ce type de discrimination gâche la vie des gens qui en sont la cible. La chevelure influence non seulement l’accès au travail, mais aussi les évolutions de carrière, quand elle n’est pas un motif de harcèlement quotidien au travail. La discrimination capillaire entraîne inévitablement des souffrances physiques ou mentales pour celles et ceux qui en sont victimes.
La France insoumise votera donc pour ce texte.
Mme Marie-France Lorho (RN). Si nous comprenons l’intention vertueuse de la proposition de loi qui vise à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire, nous relevons cependant quelques lacunes.
Certaines précisions portent parfois préjudice aux objets qu’elles sont censées soutenir. Ainsi, en énonçant les caractères physiques pouvant faire l’objet de stigmatisation, son article unique peut affaiblir la portée juridique des discriminations en raison de l’aspect physique. La création d’une liste pourrait notamment avoir un effet contre-productif.
Comme l’a dit Claire Hédon lors de son audition, les juges disposent déjà de l’arsenal juridique nécessaire pour sanctionner les atteintes portées aux personnes suivant leurs caractéristiques physiques. La Défenseure des droits a aussi souligné que la proposition de loi lui paraissait contre-productive, puisqu’elle limitait l’interprétation juridique qui pouvait en être faite : elle ne facilitera pas l’accès au recours pour discrimination et risque d’entraîner une dilution, donc un affaiblissement du critère des origines ethniques sous-tendant ces recours. J’entends que tel n’est pas votre objectif.
Pour la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Olivier Klein a salué votre texte, tout en soulignant que l’arsenal juridique relatif aux discriminations est très complet en France. Il a déploré l’absence de condamnations effectives du phénomène. Il semble donc plus judicieux d’encourager les pouvoirs publics à appliquer la loi, plutôt que d’en créer de nouvelles.
Dans votre exposé des motifs, vous revenez sur les cas de personnes pénalisées pour le port d’une coiffure non conforme au travail. Il semble toutefois que les décisions de la Défenseure des droits ou la jurisprudence permettent d’interpeller les entreprises dont les contrats comporteraient des éléments préjudiciables à la bonne application du droit. Il est apparu qu’il ne revenait pas au législateur de statuer sur cette question.
De la même manière, si j’entends que certaines personnes aient pu se sentir obligées de se lisser les cheveux pour accéder à un emploi, je suis sceptique quant à la nécessité de légiférer sur des questions, qui relèvent de la sensibilité personnelle. Le droit ne peut intervenir a priori, ni le législateur proposer un texte en se fondant sur une hypothétique atteinte au droit.
Enfin, l’exposé des motifs fait référence à des exemples anglo-saxons. La transposition de dispositions américaines dans notre droit soulève des interrogations à bien des égards. Notre appréhension du droit, notamment du droit du travail, n’a rien à voir avec celle des États anglo-saxons. Ces transpositions préventives semblent dénuées de fondement.
Parce que la disposition que vous proposez dans l’article unique semble déjà satisfaite, le groupe Rassemblement national s’abstiendra sur la proposition de loi en commission.
M. Fabien Di Filippo (LR). Qu’un tel texte soit mis à l’ordre du jour de l’Assemblée peut sans doute prêter à sourire, notamment au vu des problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens et notre pays. Je ne vous rends toutefois pas responsable de la pauvreté de l’agenda législatif, ni des problématiques qui nous sont soumises.
L’article unique de la proposition de loi vise à intégrer dans le champ de la répression pénale toute discrimination sur « la coupe, la couleur, la longueur ou la texture » des cheveux d’un individu. Il est sans doute superfétatoire, puisque la loi française réprime déjà cette catégorie de discriminations. Parmi les vingt-cinq motifs de discrimination qu’elle interdit, l’un concerne spécifiquement l’apparence physique et inclut, de fait, la nature des cheveux et la façon dont ils sont coiffés. Il n’est donc pas nécessaire d’établir une liste des particularités physiques dans la loi, à moins d’avoir à préparer un texte similaire pour les discriminations subies par les personnes chauves, insuffisamment présentes dans les publicités pour les shampooings, par exemple. Et je ne sais pas où la boîte de Pandore que vous souhaitez ouvrir pourrait s’arrêter.
On comprend l’arrière-plan : le texte vise à importer dans le droit français non le wokisme – à la déception de mes collègues de gauche – mais la législation anglo-saxonne et sa logique victimaire. Les discriminations constatées aux États-Unis et, dans une certaine mesure, en Angleterre, peuvent exister en France dans un cadre professionnel, et la loi permet de les réprimer. La coupe de cheveux du steward d’Air France discriminé était autorisée pour une femme : la Cour de cassation a pénalisé l’entreprise, certes sur le fondement d’une discrimination de genre, mais cela montre bien qu’en la matière, la loi permet de sanctionner, y compris pénalement, les entreprises qui se rendent coupables de ce délit.
Alors que vous me reprochez d’utiliser le terme de « wokisme » à toutes les sauces, ce texte d’une portée symbolique permet à certains d’entre vous de faire de même pour la notion de « racisme systémique ». Cela ne vise qu’à fracturer notre pays et à fragiliser notre République.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains ne votera pas le texte, même s’il reconnaît l’engagement du rapporteur et la qualité de ses arguments.
Mme Blandine Brocard (Dem). À la lecture de cette proposition de loi, mon étonnement a glissé peu à peu de l’incrédulité vers la dubitation. Il y a quelques jours, des gens m’ont demandé si nous allions vraiment débattre de ce texte ou s’il s’agissait de l’une de ces fake news qui peuplent notre quotidien. Avec le sérieux d’un coiffeur devant une chevelure indomptable – et je sais de quoi je parle –, j’ai dû leur confirmer que nous allions en effet démêler cette affaire.
Tant sur le fond que sur la forme, ce texte se situe à un cheveu de la perplexité. Sur le fond, permettez-moi de vous dresser un tableau qui défrise quelque peu. Nous voici une fois de plus transformés en importateurs de problématiques qui ne sont pas les nôtres, venues d’outre-Atlantique ou d’outre-Manche. Les références et les études citées sont toutes étrangères, comme si nous n’étions pas capables de produire une réflexion propre à notre contexte national. Le seul cas français qui est évoqué a déjà été tranché par la Cour de cassation, car notre arsenal juridique condamne déjà ce type de discrimination – et c’est tant mieux. Entre le code général de la fonction publique, le code du travail et le code pénal, nous disposons d’un bouquet législatif couvrant vingt-six motifs de discrimination. L’apparence physique y figure et elle englobe de facto la coiffure, sous tous ses aspects – coupe, couleur, longueur, texture, etc. Il est d’ailleurs primordial de conserver une définition très large et générale de l’apparence physique, afin d’y inclure toutes les discriminations qui en relèvent. Sinon, pourquoi ne pas ajouter les éphélides ou l’hétérochromie comme motifs de discrimination ?
Alors que l’on ne cesse, à juste titre, de se plaindre de l’inflation législative, quel besoin avons-nous de couper les cheveux en quatre ? Notre loi contient déjà tout le nécessaire : s’il faut élargir le champ des discriminations, pourquoi ne pas explorer des horizons réellement inédits, comme la discrimination liée à l’engagement dans la réserve opérationnelle, à propos de laquelle notre collègue Christophe Blanchet a déposé une proposition de loi ? Il y a pire : parce que ce texte propose de bannir du règlement intérieur des entreprises toute mention du cheveu, il sera désormais interdit d’obliger des employés à s’attacher les cheveux lorsqu’ils travaillent sur une machine potentiellement capillophage. On marche sur la tête !
Que dire aussi de la forme, et de l’image que nous donnons ! Alors que le Parlement est déjà très décrié, ces débats, certes ébouriffants, donnent quand même l’impression que nous perdons de vue l’essentiel. Je tiens nos fonctions en trop haute estime pour faire un pseudo-débat sur un problème déjà résolu.
Si la France et les Français rayonnaient de santé et de bonheur, s’il n’y avait plus aucun problème à régler, nous pourrions nous permettre de boucler quelques textes de cet acabit. Toutes les discriminations doivent être combattues avec vigueur, mais cette proposition de loi me semble tirée par les cheveux et je refuse de me perdre dans des débats capillaires, alors qu’il y a tant à faire pour les Français. Travaillons plutôt à relever les défis auxquels notre nation doit faire face. Nos cheveux, qu’on en ait trop ou pas assez, peuvent nous donner du fil à retordre, mais ils ne devraient pas dicter l’agenda de notre noble institution.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour. Certains de nos collègues l’ont traitée avec mépris, alors qu’elle devrait toutes et tous nous mettre d’accord, puisqu’elle concerne la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, en particulier dans le monde du travail.
D’aucuns estiment que ce débat a été importé des États-Unis et qu’il n’a pas sa place dans notre République, où l’universalisme voudrait que l’on ne voie ni les couleurs, ni les formes, ni les races, ni les cheveux. Et pourtant, ce texte vient questionner une réalité sociale qui n’est pas étrangère à la France : celle de la norme physique dominante, celle de sa construction et surtout de sa déconstruction. Oui, les cheveux sont politiques : symboles de libération, mais aussi moyen d’oppression ; objets de fantasme, mais aussi de discrimination.
La discrimination capillaire est une réalité. C’est d’abord une discrimination physique, reflet de stéréotypes ancrés dans la psyché collective ; c’est une violence qui a des conséquences concrètes sur la carrière professionnelle de ceux d’entre nous qui la subissent. Mais elle dépasse la simple question esthétique et relève souvent d’une discrimination raciale, totalement banalisée et cachée derrière une norme esthétique. Parce que ce point me paraît très important, j’ai déposé un amendement qui tend à préciser que la discrimination capillaire peut être le reflet d’une discrimination fondée sur les origines.
Le cheveu crépu ou frisé cristallise la violence symbolique et physique qu’engendre la pression sociale qui pousse à se conformer à une norme. Dans notre société occidentale où le cheveu lisse est la norme, symbole d’ordre, d’organisation et d’entretien, le cheveu bouclé, crépu, frisé dérange. Cela renvoie à un imaginaire, à des représentations racialisées négatives, venues de loin dans notre histoire, et qui se retrouvent jusque dans la langue. En anglais, on parle de bad hair ; en espagnol, de pelo malo, c’est-à-dire de mauvais cheveux.
Les sciences sociales ont démontré que les standards de beauté sont racialisés et qu’ils prolongent des représentations issues de l’histoire coloniale et de l’esclavage. D’après l’anthropologue Ary Gordien, « en Afrique, en Europe et aux Amériques, le passé colonial explique que la norme européenne du cheveu lisse se soit imposée comme critère de beauté ». Il est temps de reconnaître que la discrimination capillaire est une réalité quotidienne, une pression sociale qui pousse les individus à conformer leurs cheveux à des normes arbitraires et oppressives. Ces normes sont oppressives quand elles obligent des millions de femmes à dépenser des centaines d’euros dans des produits de défrisage toxiques, dangereux pour la santé, qui augmentent sensiblement, par exemple, le risque de cancer de l’utérus.
L’universel n’est pas un totem derrière lequel la République doit se cacher au point de devenir aveugle aux normes dominantes qui excluent et discriminent. Au contraire, c’est au nom de l’idéal républicain que nous devons traiter cette question. Il est grand temps que la lutte contre les discriminations devienne une question transversale. Ce n’est pas aux cheveux de se conformer à la norme sociale, mais à la société de se conformer à la réalité de chacun.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Notre droit reconnaît plus d’une vingtaine de critères de discrimination prohibés, tels que l’origine, le sexe, l’apparence physique, le lieu de résidence ou l’orientation sexuelle. Au fil du temps, notre arsenal juridique de lutte contre les discriminations s’est fortement renforcé, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, même si le risque est de perdre un peu en lisibilité.
Comme législateur, nous devons continuer à œuvrer pour parfaire les dispositifs de lutte contre les discriminations et rendre notre droit plus efficace. Loin d’être anecdotique, cette proposition de loi mérite toute notre attention. Ainsi que l’écrit le Défenseur des droits dans sa décision-cadre n° 2019-205, « si cette question peut paraître futile, la façon dont on porte le poil et le cheveu traduit une époque, une civilisation, ses normes et ses conventions sociales ».
L’inscription de ce texte sur le temps transpartisan témoigne de cette volonté partagée de nous saisir du sujet de la discrimination capillaire. Comme le rappelle encore le Défenseur des droits, « au-delà de la qualification de discrimination, l’injonction faite aux salariés d’altérer la nature de leurs cheveux est également susceptible de porter atteinte au bien-être moral et physique de la personne ». L’usage répété de produits lissants peut, en effet, engendrer des brûlures du cuir chevelu et des lésions ; quant au port prolongé d’extensions ou d’un tissage, il peut causer une alopécie de traction.
Lutter contre la discrimination capillaire est une nécessité : cette proposition de loi permettra-t-elle de le faire efficacement ? L’article unique, en disposant que la discrimination en raison de l’apparence physique comprend « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture [des] cheveux », assimile de facto la discrimination capillaire à la discrimination en raison de l’apparence physique, ce qui, en pratique, n’est pas toujours le cas. La discrimination capillaire peut, en effet, être liée à d’autres critères de discrimination prohibés, comme le sexe, la religion ou l’origine.
Ce texte a le mérite de faire entrer dans la loi la question de la discrimination capillaire, mais il n’ouvre pas de droits supplémentaires. On peut, dès lors, s’interroger sur sa plus-value. Par ailleurs, il ne modifie pas la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui détaille elle aussi les différents critères prohibés de discrimination. Nous prêterons une grande attention aux réponses que vous voudrez bien nous apporter, monsieur le rapporteur, pour nous forger un avis plus éclairé sur votre proposition de loi. Je tiens, en tout cas, à vous remercier pour votre travail.
Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). « À l’école ou au parc, les enfants se moquent de moi. Ils disent qu’ils sont gros comme des coussins, noirs comme du charbon et secs comme du sable. » Dans le livre pour enfants Comme un million de papillons noirs, Laura Nsafou fait parler Adé, une petite fille noire complexée par ses cheveux, du fait du harcèlement scolaire dont elle fait l’objet. Cheveux « frisés », « crépus », « de rebeu », « typiquement noirs », ces qualificatifs qui relèvent d’une mécanique raciste et sexiste n’ont qu’un seul but : faire des cheveux lisses, et si possible blonds, la norme dans une vision fantasmée d’un idéal de beauté occidentale.
La discrimination est protéiforme : elle peut concerner la race, le sexe et l’orientation sexuelle, mais aussi le physique et l’ensemble de ses caractéristiques, comme les cheveux. Si vous n’êtes pas de cet avis, peut-être n’avez-vous jamais été traité de mouton, de caniche ou de serpillière dans la cour de récréation. Peut-être n’avez-vous jamais passé des heures à vous lisser les cheveux, craignant que votre coupe ne vous prive d’un poste, d’une augmentation, ou encore de votre travail. Peut-être n’avez-vous jamais dépensé des centaines d’euros en perruques ou en produits défrisants, allant jusqu’à vous brûler le crâne à cause des additifs et des mélanges chimiques. Peut-être n’avez-vous jamais détruit votre cuir chevelu, à force de vous donner des coups de peigne et de brosse pour « dompter » vos cheveux, comme on dit, comme s’il s’agissait d’animaux sauvages – un énième cliché raciste. Peut-être enfin ne connaissez-vous pas l’histoire : à l’époque de l’esclavage et de la colonisation, les femmes claires de peau et aux cheveux lisses étaient les seules à pouvoir quitter les champs pour travailler dans les maisons.
L’exposé des motifs de cette proposition de loi rappelle qu’un steward d’Air France a été licencié parce qu’il portait des tresses – un licenciement scandaleux, qui montre combien cette proposition de loi est nécessaire. Il rappelle aussi que les cheveux des femmes afro-descendantes sont 2,5 fois plus susceptibles d’être perçus comme non professionnels et que même Michelle Obama s’est sentie obligée de se lisser les cheveux, pendant les huit années où elle était première dame. Il ne fait pas de doute que la discrimination capillaire joue un rôle direct dans le rapport au travail, au moment de l’embauche comme au cours de la carrière.
À bien des égards, le cheveu lisse reste la norme dans notre pays, et je remercie les femmes afro-descendantes et maghrébines qui, depuis des années, se sont engagées sur cette question. Sans elles, nous ne pourrions même pas avoir ce débat. Ceux qui tentent de jeter le discrédit sur ce texte ne font qu’aggraver le repli des personnes qui voient leur identité bafouée et moquée dès lors qu’elles essaient de la défendre. J’irai même plus loin : cette attitude amplifie la négation du racisme en France. La chroniqueuse Emmanuelle Ducros a osé dire que nous étions « à un cheveu du ridicule » avec cette proposition de loi. Quand on sait que 66 % des femmes noires changent leur coiffure pour passer un entretien d’embauche, on peut se faire une idée de la taille du cheveu en question.
Ce matin encore, certains de nos collègues tentent de dénigrer ce texte. Je note que ceux qui le font ne sont pas concernés par cette discrimination. Il se peut que ce texte ne vous intéresse pas, mais sachez que son examen est un soulagement pour beaucoup de gens. La France est loin d’être le premier pays à soulever cette question. Elle est même, une fois encore, bien en retard, puisque la Chambre des représentants américaine a adopté en 2022 le CROWN Act, visant à créer un environnement respectueux et ouvert pour les cheveux naturels, et qui interdit ainsi la discrimination capillaire dans les lieux publics, les entreprises et les écoles.
Ce texte permet à la fois de protéger les personnes qui souffrent de discrimination capillaire, en donnant un cadre juridique précis et adapté à celle-ci, de réaffirmer le principe d’égalité dans notre République et de dire à toutes ces personnes : « Vos cheveux sont une fierté, vous êtes une fierté ». Le groupe Écologiste votera pour cette proposition de loi.
M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission. Ce texte sur la discrimination capillaire peut paraître anecdotique, mais à La Réunion, nous sommes à 60 % afro-descendants et, bien que la France ait tenté à maintes reprises de nous couper de l’Afrique, nos cheveux, nos nez, nos lèvres sont là pour nous dire que nous sommes afro-descendants. Bon nombre de mes frères et de mes sœurs, bon nombre d’hommes et de femmes réunionnais sont discriminés, de façon directe ou indirecte, en raison de leurs cheveux. Parfois même, et il faut avoir le courage de le dire, cette discrimination commence dans nos familles. Ce sont nos mères, ce sont nos pères qui nous disent : « Tu ne peux pas te présenter comme ça, tu ne peux pas aller dans la rue avec des cheveux en mode afro, il faut tirer dessus. » Traditionnellement, c’était à l’occasion de leur première communion que les femmes se faisaient lisser les cheveux, avec toute la violence que cela implique. Puis, après la famille, vient la discrimination dans la société et le monde professionnel.
L’une de mes collaboratrices m’a expliqué que, alors qu’elle était sur le point d’être embauchée pour vendre des sous-vêtements, l’employeur lui a dit qu’il faudrait qu’elle lisse ses cheveux, parce que la coupe afro et les sous-vêtements ne font pas bon ménage. Je veux évoquer aussi cette miss météo qui, lorsqu’elle a commencé à l’âge de 18 ans, a accepté de se lisser les cheveux, par faiblesse et à cause de son jeune âge, et qui, maintenant qu’elle est devenue une animatrice vedette à La Réunion, assume pleinement sa coupe afro. Dire que ce texte est inutile et qu’il ne concerne pas les Français est tout à fait faux, car les deux personnes que je viens de mentionner sont des Françaises qui ont subi une discrimination du fait de leurs cheveux.
La France peut interdire à des femmes de porter l’abaya ou le voile, mais elle ne pourra pas nous obliger à nous fondre dans un moule européanisé en cachant ou en défrisant nos cheveux. Ma collègue Fanta Berete a évoqué de bien belle manière l’émission de télévision au cours de laquelle Stéfi Celma s’est fait agresser, et je comptais moi aussi en parler. Même si c’était sous le couvert de l’humour, elle a bel et bien été agressée : elle a tenté de se défendre, on la voit reculer dans son fauteuil et chercher un soutien auprès du public.
À La Réunion, ce texte est accueilli comme un soulagement, comme une reconnaissance. Les gens se disent qu’on les prend enfin en considération, que l’on prend enfin en compte cette discrimination qu’ils ont du mal à faire valoir. Le hashtag #défrisetonmomon vient d’apparaître – cela signifie « défrise ta mère ». C’est une façon de dire que nous assumons pleinement notre identité, qui passe aussi par nos cheveux.
J’aimerais, pour conclure, évoquer ces femmes qui ont assumé l’afro avant que l’afro devienne la mode : je pense évidemment à Angela Davis, qui est une grande figure de la lutte pour la reconnaissance de la femme noire, à Christiane Taubira qui, malgré les quolibets, n’a jamais cédé et a décidé de tresser ses cheveux, plutôt que de les lisser. Cela aussi, c’est un héritage de l’esclavage. Je pense encore à Bellinda Justine et à Katy Toave.
Monsieur le rapporteur, vous pouvez compter sur moi pour défendre bec et ongles ce texte, pour ouvrir enfin une nouvelle hair.
M. Stéphane Lenormand (LIOT). Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission. Nous pouvons tous être d’accord pour dire que la discrimination, quelle que soit la forme qu’elle prend, n’a pas sa place dans notre société. C’est pour apporter un soutien à tous nos concitoyens victimes de discrimination dans leur quotidien que notre groupe a fait le choix d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée. C’était loin d’être gagné et, si nous pouvons débattre de ce texte, c’est grâce à la persévérance de notre rapporteur.
Je conçois que l’on puisse être tenté de sourire la première fois que l’on entend les mots « discrimination capillaire », mais ce sujet n’est ni léger, ni négligeable. Ce qui se cache derrière la discrimination capillaire, c’est ce qui se cache derrière toute discrimination : la haine de l’autre. La haine de l’autre qui peut conduire à lui refuser un emploi, à freiner sa carrière professionnelle, voire à le remettre en cause en raison de ses cheveux. La haine de l’autre qui, plus grave encore, conduit à lui imposer des contraintes inacceptables : utilisation de produits chimiques, lissage, perruques, avec des conséquences néfastes pour sa santé.
Refuser un emploi à une femme parce qu’elle a les cheveux blonds ou crépus est tout aussi grave que de lui refuser un emploi en raison de sa couleur de peau ou de son sexe. Certains voudraient nier l’existence même de cette discrimination, faute de décision de justice. Il n’y a eu aucune condamnation pénale en France pour discrimination en 2020 : est-ce à dire qu’il n’y a pas eu de discrimination ? D’autres considèrent que notre droit est suffisant, dans la mesure où il réprime déjà les discriminations fondées sur l’apparence physique. La réalité est tout autre : les juges ne sont pas saisis de la discrimination capillaire et refusent de la reconnaître. Lorsque l’application de la loi n’est pas satisfaisante, il appartient au Parlement de la corriger et de la compléter ; en l’occurrence, il s’agira d’envoyer un signal, non seulement aux juges, mais également aux victimes et aux employeurs. Ce texte vient combler un vide juridique et apporte une réponse à ceux de nos concitoyens qui subissent une discrimination : le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires le votera.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Vous me pardonnerez ce jeu de mots facile, mais cette proposition de loi me semble légèrement tirée par les cheveux : je ne la crois ni nécessaire, ni appropriée, pour plusieurs raisons.
La première, c’est qu’une fois encore, nous importons un débat propre aux États-Unis. S’il semble effectivement que la coupe de cheveux soit un enjeu politique outre-Atlantique, aucune étude n’atteste qu’en France les cheveux peuvent avoir une influence sur l’évolution d’une carrière. Le point de vue d’un sociologue de l’Observatoire des discriminations à la Sorbonne ne saurait suffire à affirmer qu’une telle discrimination existe en France ; il s’agit au mieux d’une hypothèse.
La seconde raison est simple : notre arsenal législatif permet déjà de réprimer les discriminations. On compte d’ailleurs vingt-cinq motifs de discrimination, comme l’âge, le sexe, l’état de santé, l’accent et, évidemment, l’apparence physique, ce qui inclut de facto la coiffure. Dès lors, pourquoi ajouter à cette litanie de discriminations la coupe, la couleur, la longueur où la texture des cheveux ? Sincèrement, je ne comprends pas l’utilité de cette mesure, d’autant qu’il sera extrêmement difficile de prouver qu’une personne a été discriminée pour un tel motif.
Enfin, et même si je ne remets évidemment pas en question la volonté de bien faire de notre collègue Olivier Serva, je crois qu’il se trompe de véhicule législatif. Pour moi, cette mesure n’est pas du domaine de la loi, mais relève du règlement intérieur des entreprises. Étant donné que nul n’est obligé de travailler pour une compagnie qui affiche clairement ses exigences et que celles-ci s’appliquent à tous, j’ai du mal à saisir où se trouve la discrimination. Vous l’avez compris, je ne suis pas vraiment convaincue par ce texte et, vu l’incompréhension qu’il suscite chez nos concitoyens, je crois que je ne suis pas la seule. Beaucoup se demandent si nous n’avons pas des sujets plus urgents à traiter.
M. Erwan Balanant, président. Nous en venons aux interventions des autres députés.
Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, nous saluons votre initiative, qui vise à intégrer dans le champ de la répression pénale toute discrimination ou distinction relative à la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux d’un individu. Il est bien évident que cette discrimination est l’une des facettes des discriminations fondées sur l’origine. Nous sommes donc favorables à la proposition du groupe Socialistes de rattacher la discrimination capillaire à la discrimination raciale, et pas uniquement à la discrimination physique.
Ce texte, qui propose notamment de modifier le code du travail pour y intégrer cette discrimination, nous paraît nécessaire. La discrimination raciale en milieu professionnel est encore trop peu évoquée et souvent difficile à établir. Dans le même ordre d’idées, on pourrait se pencher sur la discrimination liée au port de la barbe. Les publics qui y font face, comme ceux qui sont confrontés à la discrimination capillaire, se voient imposer au sein de leur entreprise des règles dites de neutralité, qui finissent par être des règles non inclusives, voire exclusives. La Cour de cassation a rendu un avis très clair à ce sujet en 2020. Monsieur le rapporteur, quelle est votre position sur la discrimination liée au port de la barbe ?
Mme Cécile Rilhac (RE). En 2018, la délégation aux outre-mer que vous présidiez, monsieur le rapporteur, a rendu un rapport d’information sur les discriminations dans les outre-mer, dont j’étais l’une des rapporteures. Lors de nos déplacements dans les territoires ultramarins, j’ai découvert la discrimination capillaire, que je ne soupçonnais pas, ainsi que le colorisme. J’ai été surprise, arrivant de l’Hexagone, de découvrir que c’était une discrimination franco-française et qu’elle n’avait pas été importée de je ne sais quel pays. Il y a en France, dans tous nos territoires, des discriminations liées non seulement à la couleur de la peau, mais aussi à la tonalité de celle-ci, et à la chevelure. J’ajoute qu’il y a aussi une discrimination envers les personnes qui ont perdu leurs cheveux du fait de la maladie, et que cela touche particulièrement les femmes, dont les cheveux sont un attribut sexuel.
M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je remercie le rapporteur de défendre ce texte ainsi que Mme Rilhac pour son témoignage. Lorsqu’on découvre l’ampleur d’une discrimination par laquelle on n’est pas soi-même touché, on perçoit la puissance du phénomène que nous avons qualifié de « racisme systémique » il y a deux semaines, lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste, antisémite ou discriminatoire.
Un système de domination s’impose à la fois aux dominés et aux dominants ; parfois, les premiers participent à le faire perdurer ; les seconds y contribuent également, sans toujours s’en rendre compte. C’est pourquoi il est très difficile de le combattre. Lorsqu’on n’identifie pas une discrimination parce qu’on ne la subit pas, il est compliqué de défendre les personnes dominées et de lutter avec elles.
Ainsi, comme nous dénonçons le patriarcat, nous affirmons que le racisme est un système de domination, qui s’impose en priorité aux personnes dites racisées, c’est-à-dire qui n’ont pas, eu égard aux signaux qu’envoie la société, la bonne couleur de peau ou les bons cheveux. Voilà contre quoi il faut lutter. Or, votre proposition de loi présente l’avantage de faire prendre conscience que la discrimination capillaire existe ; c’est une forme mineure de discrimination raciale. #MeToo a révélé le système patriarcal ; il est temps que nous comprenions qu’un système raciste existe dans l’ensemble de la société.
M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). À mon tour, je remercie le rapporteur. Que l’extrême droite refuse de combattre les discriminations, nous en avons pris l’habitude. S’agissant de cheveux, on peut y voir une filiation avec ce mot de Jean-Marie Le Pen, en 1997… (Protestations.)
M. Erwan Balanant, président. Monsieur Lucas, préservons les conditions d’un débat apaisé, sur un sujet important, en conservant une certaine hauteur de vue.
M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Souffrez, monsieur le président, que nous nous exprimions librement. Il faut expliquer les positions de nos collègues, les mettre en perspective pour en comprendre la cohérence. Le Rassemblement national s’appelait autrefois Front national ; en 1997, à Mantes-la-Jolie, dans ma circonscription, pendant la campagne des élections législatives, son fondateur a dit à un monsieur dans la rue : « Je vais te faire courir, moi, […] le rouquin là-bas ! » Cela explique peut-être la gêne de l’extrême droite à débattre de sujets capillaires, en tout cas, je ne suis pas surpris qu’elle refuse clairement de s’engager à lutter contre les discriminations, sous toutes leurs formes.
En revanche, je suis surpris et déçu d’entendre des voix de la majorité dénaturer ce combat ou affirmer qu’il n’est pas essentiel. D’abord, c’est méconnaître la réalité, alors que les discriminations et les souffrances qu’elles provoquent sont bien établies, ce qui oblige le Parlement à agir.
L’argument de la moindre urgence est malhonnête. Les personnes discriminées ne sont-elles pas importantes ? La semaine prochaine, nous examinerons en séance publique la proposition de loi visant à ouvrir le dispositif de réduction d’activité progressive aux moniteurs de ski stagiaires. Il y a plus de personnes discriminées en raison de leurs cheveux que de moniteurs de ski stagiaires : c’est l’honneur du Parlement d’évoquer tous les sujets, notamment ceux liés aux discriminations, pour remplir fidèlement notre promesse républicaine.
M. Erwan Balanant, président. Il me semble que personne ici ne sous-estime le problème ; tout le monde reconnaît qu’il existe des discriminations capillaires. En revanche, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de légiférer.
Je remercie le rapporteur d’avoir mis sur la table ce sujet qui préoccupe certains de nos concitoyens. Toutefois, il existe vingt-cinq critères de discrimination, dont l’apparence physique, qui englobe les cheveux. Cette objection, juridique, est recevable. D’un autre côté, le travail du rapporteur montre que les juges ne prennent presque jamais en considération la discrimination capillaire. Notre rôle de législateur est de trouver les moyens de résoudre ce problème, tout en préservant la solidité de la loi.
M. Olivier Serva, rapporteur. Je remercie le groupe Renaissance pour sa bienveillance. Il a notamment coprésenté le texte en conférence des présidents, afin que celui-ci soit inscrit à l’ordre du jour d’une semaine de l’Assemblée nationale, de façon transpartisane. Je remercie en particulier Mme Fanta Berete, dont le témoignage m’a touché.
Je salue Mme Marie-France Lorho, du groupe Rassemblement national, qui a assisté à quasiment toutes les auditions, pour se faire une idée précise du problème. Pour la rassurer davantage, je souligne qu’il ne s’agit pas d’ajouter un nouveau critère de discrimination, mais de préciser l’un des vingt-cinq critères déjà inscrits dans le code pénal, l’apparence physique, en insérant les mots : « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux ».
Plusieurs d’entre vous ont affirmé que le texte importait des problèmes anglo-saxons qui ne nous concernent pas. Le monde est peuplé d’êtres humains, en France, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les études américaines sont très documentées. Elles ont été commandées par Dove, filiale d’Unilever, dont le chiffre d’affaires annuel se monte à 60 milliards d’euros et qui emploie 137 000 personnes. Depuis 2018, le groupe y a consacré 50 millions d’euros. Surtout, ils ont délégué leur réalisation à des cabinets indépendants, chargés notamment d’évaluer la confiance aux États-Unis. Si cela ne vous rassure pas, il existe des études françaises. La Défenseure des droits, la Dilcrah et Jean-François Amadieu ont clairement montré l’existence d’une discrimination capillaire.
Merci, monsieur Di Filippo, pour votre bienveillance. Il n’y a pas d’idée sous-jacente à ce texte. Il vise simplement à identifier la discrimination capillaire. Pour répondre aux préoccupations exprimées par les groupes Socialistes – je remercie Mme Keloua Hachi pour les précisions qu’elle a données – et LFI-NUPES, j’ajoute que cette discrimination est indéniablement associée à l’origine, mais qu’elle peut aussi s’exercer au-delà : elle concerne également les personnes rousses ou blondes, par exemple. Votre intention de révéler un problème est louable, mais l’adoption de l’amendement CL2 qui en découle affaiblirait le dispositif, en excluant les discriminations capillaires liées au sexe ou à d’autres motifs.
Ayant entendu les arguments de M. Balanant, je pense que Mme Brocard n’exposait pas la position du groupe Modem, auquel ils appartiennent tous deux, mais parlait en son nom propre. Il est dommage qu’elle soit partie, je suppose que cela dénote tout l’intérêt qu’elle accorde au texte, d’autant qu’elle n’a assisté à aucune audition. Je n’ai pas aimé le ton désinvolte de son intervention, ponctuée de jeux de mots douteux et ordinaires.
Objectant qu’insérer une précision relative aux cheveux ouvrirait la possibilité de mentionner d’autres critères, elle a, je crois, choisi l’exemple de l’hétérophobie. En regardant la photographie d’identité de quelqu’un, ou son image en visioconférence, on ne peut savoir s’il est ou non hétérosexuel, en surpoids ou en situation de handicap. En revanche, on voit indéniablement ses cheveux. Nous ne pouvons donc ignorer qu’il s’agit d’un critère de discrimination.
Mme Brocard a affirmé que l’application du texte poserait des problèmes d’hygiène et de sécurité. Cela révèle un travail trop léger et une méconnaissance du texte : il ne modifie aucunement l’article 225-3 du code pénal, qui prévoit notamment des dérogations liées aux obligations de respecter des règles d’hygiène et de sécurité : si un travail impose de s’attacher les cheveux, il en sera ainsi fait.
Peut-être n’était-ce pas son intention, mais je regrette que la légèreté de son intervention ait pu donner l’impression qu’elle méprisait les millions de personnes victimes de cette discrimination – six humains sur dix n’ont pas les cheveux lisses.
Mme Poussier-Winsback a souligné, à raison, que le texte ne prévoyait pas d’insérer la précision relative aux cheveux dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. L’amendement CL3 vise à y remédier.
Je remercie Mme Sebaihi des exemples qu’elle a cités, cohérents avec les cas dont j’ai eu connaissance. Des millions de personnes sont concernées ; à l’extérieur de cette assemblée, l’attente est considérable.
Merci, monsieur Maillot, d’avoir rappelé que « français » n’est pas une couleur. Y compris en outre-mer, nous sommes des Français. Parfois, en raison de l’ascendance africaine que beaucoup d’entre nous partagent, nous subissons des discriminations capillaires.
Je salue mon propre groupe, LIOT. En effet, je ne le cache pas, mon premier combat fut de le convaincre de l’intérêt du texte. M. Stéphane Lenormand, en particulier, a fait preuve d’attention et de bienveillance, ainsi que de la volonté d’améliorer la situation.
Je remercie Mme Emmanuelle Ménard pour son écoute et son action, même si elle n’est pas encore convaincue de l’opportunité du texte. La Défenseure des droits, la Dilcrah et Jean-François Amadieu, tous français, ont prouvé qu’il existait en France une discrimination capillaire. Il est vrai que la loi définit vingt-cinq critères de discrimination, notamment celui de l’apparence physique, mais la justice n’a pas prononcé une seule condamnation sur ce seul critère. Notre rôle de législateur consiste à préciser le texte pour faciliter les condamnations.
Enfin, je salue les autres députés qui sont intervenus. Vous avez raison, madame Rilhac, la délégation a effectué un très beau travail sur les discriminations dans les outre-mer. Merci, monsieur le président Balanant, d’avoir soutenu une position bien plus équilibrée que celle de la représentante de votre groupe.
Article unique (art. L. 131-1 du code général de la fonction publique, art. 225-1 du code pénal, art. L. 1132-1 et L. 1321-3 du code du travail et art. 10 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Consécration législative de l’interdiction de la discrimination capillaire
Amendement CL2 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le texte est très intéressant. Pour éviter toute obstruction, je vais retirer cet amendement d’appel, mais j’expliciterai d’abord notre intention.
Nous voulons mettre en garde contre le risque de ne concevoir la discrimination capillaire qu’en lien avec l’apparence physique, et non comme une forme de discrimination raciale. En effet, je ne doute pas qu’elle puisse se fonder sur l’apparence physique, mais le plus souvent, il s’agit d’une discrimination raciale, complètement invisibilisée. Préciser les deux critères en ce sens, et non seulement le premier, permettrait de mettre au jour cette discrimination raciale.
L’amendement est retiré.
Amendement CL3 de M. Olivier Serva
M. Olivier Serva, rapporteur. Le groupe Horizons et apparentés s’inquiétait que les dispositions ne soient pas rattachées à la loi, importante, de 2008. Cet amendement vise à y remédier.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article unique modifié.
Après l’article unique
Amendement CL4 rectifié de M. Olivier Serva
M. Olivier Serva, rapporteur. Cet amendement vise à rendre les dispositions pénales du texte applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’article unique modifié.
L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire (n° 1640) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
M. Théo Albarracin, chef du bureau des relations individuelles de travail, à la sous-direction des relations du travail
Ministère de la Transformation et de la fonction publiques
Mme Yacine Seck, cheffe du département des politiques de recrutement, d’égalité et de diversité
Ministère de la Justice
Mme Elise Barbé, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales
Autres institutions et administrations
Mme Claire Hédon, Défenseure des droits
Mme George Pau-Langevin, ancienne ministre, adjointe en charge de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité
Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire
M. Jimmy Charru, chargé de mission, droit de la non-discrimination
M. Olivier Klein, délégué interministériel
Mme Magali Lafourcade, secrétaire générale
M. Thomas Dumortier, conseiller juridique
Mme Claire Lallemand, conseillère lutte contre le racisme
Spécialistes et personnalités
Dove Monde
Mme Firdaous El Honsali, vice-présidente
Unilever France
Mme Sophie Creusot-Jayet, directrice de la communication et des affaires d’Unilever France
Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC)
M. Christophe Doré, président
Mme Christelle Pelka, directrice de cabinet
Boucles d’Ébène Studio
Mme Aline Tacite, fondatrice, coiffeuse formatrice
Mme Marina Tacite, co-fondatrice
Les Ateliers Crépus
Mme Ghana Elin, fondatrice
Mme Aurélia Jean, community manager
Les secrets de Loly
Mme Kelly Massol, fondatrice et dirigeante
Mme Estia Mulinazzi, community manager
Mme Alix David, consultante chez Artcher
Mme Eva Biassou-André, présidente et cofondatrice d’EvasHair
Dr. Aude Livoreil-Djampou, coiffeuse diplômée, formatrice et consultante certifiée
Dr. Christian Bisanga, fondateur de la BHR Clinic, chirurgien capillaire
Dr. Eric Bouhanna, chirurgien plasticien, spécialiste du cheveu et du cuir chevelu
Dr. Doris Wendy Greene, professeure de droit à Drexel University
Mme Natasha Gaspard, fondatrice de Mane Moves Media
Mme Guylaine Conquet, journaliste, conférencière, artiste
Mme Valérie Bonnefons, créatrice et fondatrice du concours de beauté dédié aux cheveux afro naturels Miss Nappy
Mme Michelle De Leon, fondatrice et présidente de World Afro Day
M. Pascal Sacleux, photographe et organisateur du festival Red love
Mme Kenza Bel Kenadil, influenceuse
Mme Daniela Celini (« Poupée Kinky »), influenceuse
M. Jean-François Amadieu, professeur des universités en sciences de gestion à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur de l’Observatoire des discriminations
Mme Martine Abat, documentariste sonore, Radio France
Mme Rehma Grace Omari Musau, coiffologue, formatrice, autrice
Mme Stéphanie Bozonnet, présidente du cercle des femmes de la coiffure
Contributions écrites
([1]) The Guardian, Michelle Omaba says Americans « weren’t ready » for her natural hair, article publié le 17 novembre 2022.
([3]) Défenseur des droits, Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2019‑205 relative aux discriminations dans l’emploi fondées sur l’apparence physique, 2 octobre 2019, page 4.
([4]) Create a Respectful and Open Workplace for Natural Hair Act » (soit la « loi pour créer un lieu de travail respectueux et ouvert pour les cheveux naturels »).
([5]) Défenseur des droits, Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2019‑205 relative aux discriminations dans l’emploi fondées sur l’apparence physique, 2 octobre 2019, page 29.
([6]) Perception Institute, The « Good Hair » Study, février 2017.
([8]) Cf. infra, C, 1.
([9]) Dove CROWN Research Study for Girls, 2021.
([10]) The CROWN (Create e Respectful and Open Workplace for Natural hair) Act (SB188).
([11]) Cf. page biographique de la professeure Wendy Greene sur le site de l’Université Drexel de Philadelphie.
([12]) H.R. 2116 Creating a Respectful and Open World for Natural Hair Act, 117e Congrès, seconde session, 18 mars 2022.
([13]) New York Times, Black Student Suspended Over Hair Length Is Sent to Disciplinary School, 12 octobre 2023.
([14]) New York Times, Black Student’s Suspension Over Hairstyle Didn’t Violate Law, Texas Judge Rules, 22 février 2024.
([15]) Le Temps, Les hommes au crâne dégarni seraient mal aimés des recruteurs, article publié le 29 avril 2000.
([16]) Notons à cet égard l’existence d’une série de bandes dessinées, Les Blondes, qui retranscrit les blagues portant sur les femmes blondes.
([17]) Auteur notamment des ouvrages Le poids des apparences. Beauté, amour et gloire, éditions Odile Jacob, 2022, et de La société du paraître – Les beaux, les jeunes… et les autres, éditions Odile Jacob, 2016.
([18]) Euractiv, La « discrimination capillaire », un phénomène largement ignoré en France, article paru le 8 janvier 2021.
([19]) Daily Mail, Blondes dyeing their hair to be taken more serioulsy amid recession job fears, article paru le 19 mars 2009.
([20]) Auteure notamment de La rousseur infamante – Histoire littéraire d’un préjugé, L’Académie en poche, 2014.
([22]) The Telegraph, Facebook « Kick a Ginger » campaign prompts attacks on redheads, 22 novembre 2008.
([23]) NIH, Hair straightening chemicals associated with higher uterine cancer risk, 17 octobre 2022.
([24]) The New England Journal of Medecine, Kidney Injury and Hair-Straightening Products Containing Glyoxylic Acid, 21 mars 2024.
([25]) France Info, C’est ma santé – Après les risques de cancer de l’utérus, nouvelle alerte sur les dangers des produits lissants pour les reins, article publié le 23 mars 2024.
([26]) Indian Journal of Dermatology, Traction Alopecia : Clinical and Cultural Patterns, juillet-août 2021, n° 66 (‘) : 445, article publié par la National Library of Medecine.
([27]) Dovepress – Clinical, Cosmetic and Investigational Dermatology, Traction alopecia : the root of the problem, publié en ligne le 6 avril 2018, article publié par la National Library of Medecine.
([28]) Éléments également mis en avant par Mme Tacite dans le cadre d’une émission sur France Culture (« Les Pieds sur terre », Crépue, entre racisme larvé et acceptation de soi, 2 juillet 2020).
([29]) Union nationale des entreprises de coiffures, Les cheveux bouclés à crépus ont enfin leur formation reconnue par l’État, publication parue le 7 juin 2023.
([30]) Loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
([31]) Cass., soc., 23 novembre 2022, n° 21‑14.060, au Bulletin.
([32]) Cf. infra, commentaire de l’article unique.
([33]) Loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, modifiée par la loi n° 2022‑401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ; article 122‑9 du code pénal.
([34]) Loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
([35]) Notons que la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, adoptés par l’Assemblée nationale le 6 décembre 2023, complète ce critère de la domiciliation bancaire, comme cela est déjà prévu dans la loi du 27 mai 2008 précitée.
([36]) Intéressement, distribution d’actions, formation, reclassement, affectation, qualification, classification, promotion, horaires, évaluation, mutation, renouvellement de contrat.
([37]) Ordonnance n° 2005‑10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.
([38]) Loi n° 2001‑1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, article 1er.
([39]) Défenseur des droits, Rapport annuel d’activité 2022, avril 2023, page 10.
([40]) Ibid., page 44.
([41]) Défenseur des droits, 9e édition du baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT sur la perception des discriminations dans l’emploi – Le physique de l’emploi, février 2016, page 3.
([42]) Défenseur des droits, Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2019‑205 relative aux discriminations dans l’emploi fondées sur l’apparence physique, 2 octobre 2019, page 4.
([43]) Défenseur des droits, 14e édition du baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT sur la perception des discriminations dans l’emploi – Édition consacrée à la jeunesse, décembre 2021, pages 10-11.
([44]) M. Marc Ferracci, Rapport sur la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, Assemblée nationale, XVIe Législature, n° 1903, 22 novembre 2023, page 8.
([45]) France info, Le groupe d’intérim Adecco condamné à 50 000 euros d’amende pour discrimination à l’embauche et fichage racial, article paru le 13 mars 2024 ; France Info, Outre‑mer la 1ère, Discrimination : la société Adecco condamnée à 50 000 euros d’amende, article paru le 13 mars 2024.
([46]) Source : Ministère de la Justice, SG-SSER SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP, données fournies par la direction des Affaires criminelles et des grâces.
([47]) Défenseur des droits, décision-cadre n° 2019‑205 précitée, page 3.
([48]) Cour d’appel de Rennes, 12 octobre 2011, n° 10/00985.
([49]) Cour d’appel de Riom, 26 octobre 2021, n° 19/00451.
([50]) Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 3 décembre 2021, n° 2021/463.
([51]) Cass., soc., 23 novembre 2022, n° 21‑14.060, au Bulletin.
([52]) HALDE, Délibération n° 2011‑16 du 4 avril 2011, page 6.
([53]) Le 2 de l’article 14 de cette directive permet une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée au sexe si, en raison de la nature des activités, une telle caractéristique constitue une exigence professionnelle véritable et déterminante, pour autant que son objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée.
([54]) Cf. supra, exposé général.
([55]) Amendement CL3 de M. Serva, rapporteur.
([56]) Loi n° 2024‑233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
([57]) Amendement CL4 de M. Serva, rapporteur.