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N° 2408

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoralkylées (n° 2229).

PAR M. Nicolas THIERRY

Député

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

 Assemblée nationale : 2229.


SOMMAIRE

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Pages

IntroDUCTION

SYNTHèse

COMMENTAIREs DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er Interdiction des substances per- et polyfluoroalkylées

Article 1er bis (nouveau) Rejets de substances per- et polyfluoroalkylées par les installations classées pour la protection de l’environnement

Article 2 Introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau

Article 2 bis (nouveau) Mission des agences régionales de santé

Article 3 Compensation des charges pour l’État

examen en commission

Liste des personnes auditionnées

Contribution écrite

 


   IntroDUCTION

Ces deux dernières années ont été marquées en France par un renouveau de l’attention portée à un certain type de pollution générée par des substances chimiques appelées substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou polluants éternels.

En effet, un ensemble de journaux européens regroupés dans le « Forever pollution project » a mené une enquête sur la contamination de l’eau, des sols et des organismes vivants par ces substances dans vingt-trois pays européens. Cette enquête a permis de démontrer que de nombreux sites présentaient des concentrations élevées de certaines de ces substances. Les journalistes auteurs de l’enquête estiment que des milliers de sites présentent des concentrations plus élevées de PFAS que les concentrations considérées comme sans danger pour la santé humaine. Plus récemment, au début de l’année 2024, des mesures ont été effectuées par une association dans les environs directs d’une entreprise située dans le Gard, qui ont montré que les concentrations en acide trifluoroacétique, une substance caractérisée comme un PFAS, étaient très supérieures aux concentrations attendues.

Ces substances chimiques sont le produit de la créativité de quelques industriels du XXe siècle. Elles résultent d’une invention qui, à l’échelle de l’humanité, est extrêmement récente, puisque jusque dans les années 1950, nous vivions dans un monde qui ignorait simplement la possibilité de synthétiser des PFAS. Il existe aujourd’hui autour de 12 000 composés de cette famille de polluants éternels. Leur point commun est leur composition : une chaîne d’atomes de carbone et de fluor qui leur confère de nombreuses propriétés recherchées dans l’industrie. Les PFAS sont stables sous de fortes chaleurs, imperméables, repoussent les graisses et ont des propriétés antitaches ou antiadhésives. Elles connaissent des centaines d’applications différentes.

Le revers de ces qualités est d’importance. En effet, ces substances ne se dégradent pas ou très peu dans l’environnement. Elles s’infiltrent dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques, aussi bien humains que dans la faune et la flore. Dit autrement, les PFAS sont à l’origine d’une pollution systémique et, dans certains cas, éternelle, en raison notamment de leur extrême persistance.

Cette exposition subie, massive, est extrêmement grave car les scientifiques considèrent que ces substances représentent un sérieux risque pour la santé. On dispose en effet de nombreuses études qui caractérisent le risque sanitaire lié à une exposition à ces substances. Le problème sanitaire auquel les citoyens sont confrontés apparaît donc d’une gravité et d’une portée inédites.

Face à ces constats, la présente proposition de loi s’inscrit dans la continuité de travaux entrepris par plusieurs députés de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et des travaux de cette dernière : la table-ronde sur les PFAS organisée par le président, M. Jean-Marc Zulesi, au début de l’année 2023, mais aussi la proposition de loi du député M. David Taupiac qui constitue le premier texte soumis à la représentation nationale sur les polluants éternels et dont l’examen en séance publique n’a pas pu être achevé. Plus récemment, le Gouvernement a confié une mission sur les PFAS au député M. Cyrille Isaac-Sibille qui a remis son rapport au début de l’année 2024.

La première mesure prévue à l’article 1er de la proposition de loi, dans sa version initiale, vise à limiter la pollution aux PFAS à la source en proposant des restrictions à leur utilisation échelonnées dans le temps selon la disponibilité des alternatives. Une interdiction des produits destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, des produits cosmétiques, des produits de fart pour les skis et des produits textiles contenant des PFAS est proposée dès 2025. La proposition de loi introduit ensuite une interdiction de fabrication et de commercialisation de tout produit contenant des PFAS à compter du 1er janvier 2027, à l’exception de produits dont l’usage est considéré comme strictement essentiel et qui ne peuvent encore être conçus sans substances per- et polyfluoroalkylées. Notre initiative s’inscrit dans une démarche qui vise à considérer l’ensemble des substances per- et polyfluoroalkylées pour en interdire à terme l’usage, et non ces mêmes substances une à une ou par famille.

Le texte soumis à l’examen de la commission n’ignore pas l’existence du projet de restriction des PFAS qui est en cours d’examen au niveau européen. Ce projet européen est nécessaire, mais n’est pas suffisant. S’il faut le soutenir, la procédure est longue et l’Agence européenne des produits chimiques en charge de son examen n’aura fini son travail qu’en 2026. Ce n’est qu’alors que la proposition de restriction sera soumise aux États membres. Qui peut prédire, aujourd’hui, quelle sera la position de chacun de nos partenaires européens à cette date ?

Dans un esprit de compromis permettant de tenir compte de certaines réserves exprimées, le rapporteur a proposé d’adapter le dispositif initial de la proposition de loi dans un esprit moins volontariste, mais fixant néanmoins un horizon clair aux interdictions prévues ; la commission a suivi cette proposition. La rédaction proposée dans ce contexte, moins ambitieuse que la rédaction initiale de l’article 1er, reflète uniquement la volonté de compromis du rapporteur, lequel a tenu à réaffirmer sa volonté de voir aboutir une restriction large, à brève échéance, de l’utilisation des PFAS et a rappelé les incertitudes liées à l’initiative européenne de restriction.

La deuxième mesure figurant à l’article 1er concerne le contrôle de l’eau potable. Il est proposé d’inclure les PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable dès la promulgation de cette loi. Cette disposition va au-devant de la réglementation actuelle et de celle prévue par la directive européenne sur l’eau destinée à la consommation humaine. Elle permet de ne pas attendre le 1er janvier 2026 et impose la recherche obligatoire de l’ensemble des PFAS pour lesquels il existe une possibilité de détection. La mesure pourrait également inciter les laboratoires d’analyse à approfondir les techniques pour détecter de nouveaux PFAS.

Enfin, à l’article 2 de la proposition de loi, il est proposé de créer une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau pour que les industriels à l’origine de la pollution contribuent financièrement à la dépollution, en vertu du principe pollueur-payeur. Les recettes supplémentaires induites pour les agences de l’eau et indirectement pour les collectivités territoriales pourront en partie compenser le coût que va représenter la pollution aux PFAS dans nos territoires, pour nos collectivités. Dès l’entrée en vigueur du contrôle de la présence des PFAS dans l’eau, nombre de nos communes pourraient connaître des dépassements de la norme réglementaire. Les collectivités devront alors consentir à des investissements massifs pour traiter l’eau. La redevance est un premier levier pour anticiper ce mur d’investissement à venir.

 

 


   SYNTHèse

La présente proposition de loi vise à limiter les risques pesant sur la santé et l’environnement liés à la présence et à l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées.

À cet effet, l’article 1er, dans sa version initiale, visait à interdire dès le 1er juillet 2025 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. Cette interdiction était étendue à tous les produits à partir du 1er juillet 2027, sauf pour une liste de produits dont l’usage est considéré comme essentiel et qui pourront continuer à contenir de telles substances. La commission a modifié cet article pour ne plus introduire d’interdiction générale d’utilisation de substances per- et polyfluoroalkylées dans les produits, mais conserver l’interdiction dans certains secteurs à partir du 1er janvier 2026, et du 1er janvier 2030 en ce qui concerne tous les produits textiles.

L’article 1er étend également le champ du contrôle sanitaire de l’eau potable réalisé par les autorités compétentes à toutes les substances per- et polyfluoroalkylées dès l’entrée en vigueur de la loi.

L’article 1er bis, introduit en commission, prescrit à certaines catégories d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation de cesser de rejeter des substances per- et polyfluoroalkylées dans leurs effluents aqueux.

L’article 2 vise à compléter l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement relatif à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, afin d’ajouter aux sources de pollution générant le paiement d’une redevance le rejet de PFAS dans l’eau. Le tarif de la redevance est fixé à 1 000 euros par kilogramme. Les amendements adoptés en commission ont abaissé le seuil de perception de la redevance à cent grammes et ajusté en conséquence le tarif de cette dernière en le fixant à 100 euros pour cent grammes.

L’article 2 bis, introduit en commission, donne pour mission aux agences régionales de santé de réunir leur commission de coordination dans les domaines de la prévention et de la promotion de la santé, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour déterminer le niveau d’exposition de la population de la région aux substances per- et polyfluoroalkylées à partir des données disponibles ou à recueillir.

L’article 3, dans sa version initiale, prévoyait deux dispositifs de compensation des charges induites par la proposition de loi pour l’État. Il a été modifié par un amendement adopté en commission qui a supprimé l’un des deux dispositifs fiscaux prévus, pour faire reposer la compensation exclusivement sur une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.


   COMMENTAIREs DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er
Interdiction des substances per- et polyfluoroalkylées

Adopté par la commission avec modifications

 

Dans sa version initiale, l’article 1er visait à interdire dès le 1er juillet 2025 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. Cette interdiction était étendue à tous les produits à partir du 1er juillet 2027, sauf pour une liste de produits dont l’usage est considéré comme essentiel et qui pourront continuer à contenir de telles substances.

La commission a modifié cet article pour ne plus introduire une interdiction générale d’utilisation de substances per- et polyfluoroalkylées dans les produits, mais maintenir l’interdiction dans certains secteurs à partir du 1er janvier 2026, et à partir du 1er janvier 2030 en ce qui concerne tous les produits textiles.

L’article 1er étend également le champ du contrôle sanitaire de l’eau potable réalisé par les autorités compétentes à toutes les substances per- et polyfluoroalkylées dès l’entrée en vigueur de la loi.

I.   le droit en vigueur

A.   Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) COmportent des risques pour l’environnement et la santé

Les PFAS – pour « per- and polyfluoroalkyl substances » – désignent un ensemble de familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d’atomes que l’on ne trouve pas à l’état naturel. Autrefois appelées composés perfluorés, les substances perfluoroalkylées sont caractérisées par une chaîne dite alkyle fluorée, c’est-à-dire une chaîne d’atomes de carbone et de fluor. Les substances polyfluoroalkylées sont des substances qui, en sus des atomes de fluor, contiennent des atomes d’hydrogène.

L’OCDE et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont donné en 2021 une définition des PFAS : un PFAS se définit comme une substance (polymère ou non-polymère) comportant au moins un groupe méthyle perfluoré (‑CF3) ou un groupe méthylène perfluoré (‑CF2‑), sans que soit lié un composé dit halogène.

Les chaînes d’atomes de carbone et de fluor présentent de nombreuses propriétés intéressantes pour divers types de matériaux. Cette combinaison confère aux PFAS des propriétés très recherchées, notamment un caractère à la fois hydrophobe et lipophobe et une grande résistance à la chaleur. Elle rend les matériaux déperlants, antiadhésifs ou imperméables, aux graisses notamment. Les poêles et casseroles traitées au téflon, polymère composé lui-même de PFAS, et rendues ainsi antiadhésives, constituent un exemple emblématique de l’usage de PFAS.

On retrouve ainsi des PFAS dans de nombreux produits et donc dans de nombreux secteurs industriels : dans les emballages alimentaires, des vêtements, certains équipements de sport, les mousses anti-incendie, les produits phytosanitaires, les dispositifs médicaux, les produits de nettoyage, les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, des matières utilisées pour les revêtements de surface, etc.

L’ensemble de ces substances se caractérise par la grande stabilité chimique et thermique de la chaîne carbonée. Cette stabilité ralentit la dégradation de ces substances dans l’environnement et facilite ainsi l’intégration des PFAS dans des milieux où ils ne devraient pas être présents : dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques aussi bien des êtres humains que de la faune et de la flore.

Plus les chaînes sont longues, plus la stabilité du composé est grande. On considère qu’un PFAS a une chaîne longue s’il a plus de six à huit atomes de carbone. Les PFAS à chaîne courte ont, quant à eux, la propriété d’être mobiles et donc de contaminer plus facilement l’environnement. Cette stabilité chimique conduit donc les PFAS à persister dans l’environnement.

Les PFAS se divisent en deux catégories : les polymères et les non-polymères (ou monomères). Au sein de cette dernière catégorie, deux familles de substances perfluoroalkylées sont particulièrement connues et étudiées : les carboxylates d’alkyls perfluorés, dits PFCA (dont fait partie l’acide perfluoro-octanoïque, aussi appelé PFOA) et les sulfonates d’alkyls perfluorés, dits PFSA (dont fait partie l’acide perfluoro-octanesulfonique, appelé PFOS). Les substances polyfluoralkylées peuvent, en se dégradant, devenir des substances perfluoroalkylées ([1]).

Il existerait plus de 10 000 à 12 000 types de PFAS. En 2018, l’OCDE enregistrait 4 700 composés caractérisés comme PFAS ([2]). Le statut des substances polymériques est variable. Les polymères appartiennent à la famille des PFAS s’ils sont composés de monomères de PFAS, mais un polymère peut lui-même être considéré comme un PFAS sans être la synthèse de monomères de PFAS. Pour l’instant, les réglementations internationales sur les PFAS se fondent sur la notion de substance chimique, qui n’inclut que les monomères ([3]).

Les États membres de l’Union européenne (UE) qui ont déposé auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) une proposition de restriction de l’usage des PFAS en mars 2023 ont évalué, pour l’année 2020, la quantité globale de PFAS émise à raison de produits nouvellement commercialisés dans l’UE à 18 694 tonnes pour l’estimation basse et à 54 593 tonnes pour l’estimation haute, auxquelles s’ajoutent en stock 38 000 tonnes de gaz fluoré ([4]). Ce sont les secteurs du textile, de l’ameublement et du cuir qui apparaissent les plus émetteurs.

Depuis plusieurs décennies déjà, des PFAS ont été détectés dans divers milieux au niveau mondial et à des niveaux de concentration élevés. La perméabilité des milieux à ces substances chimiques est grande, dans la mesure où ces dernières migrent et peuvent avoir dans l’environnement ou chez l’homme une durée de vie longue avant de se dégrader entièrement ([5]).

La présence de PFAS est ainsi décelée dans tous les compartiments de l’environnement. Par effet de bioaccumulation et de bioamplification (c’est-à-dire de transfert le long de la chaîne trophique), ils ont été retrouvés dans divers tissus animaux et humains. En effet, la pollution des milieux augmente les risques pour la faune de se retrouver contaminée par exposition aux PFAS ou par leur ingestion et ainsi d’être une source de dissémination de ces substances dans la chaîne trophique. Observés notamment chez les poissons d’eau douce, les effets nocifs de l’ingestion de PFAS sont importants. Ils peuvent notamment perturber leur système reproductif, de même que leur système thyroïdien.

Comme le rappelle l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) dans le rapport qu’elle a consacré aux PFAS publié en décembre 2022 à propos de l’exposition de la population ([6]) : « Le principal mode d’exposition aux PFAS reste l’eau potable ou les aliments pollués, qui pourraient être contaminés par des ustensiles de cuisine, des emballages alimentaires ou par des sources résiduelles de PFAS dans l’environnement ». C’est également la conclusion du programme de recherche européen HBM4EU (« European human biomonitoring initiative ») qui s’est déroulé entre 2017 et 2022. Comme l’indique la Direction générale de la santé au rapporteur : « L’alimentation et la consommation d’eau potable contaminée constituent la principale voie d’exposition aux PFAS de la population générale. Dans les données recueillies par le projet HBM4EU, le régime alimentaire se révèle un déterminant important de l’exposition aux PFAS. Des niveaux plus élevés de PFNA et de PFOS ont été associés à une plus grande consommation de poissons et de fruits de mer (hausse des concentrations de 20 et 21 %, respectivement) et à une plus grande consommation d’œufs (hausse des concentrations de 14 et 11 %, respectivement). »

Santé Publique France a notamment estimé, sur la base des résultats de l’étude épidémiologique dite « Esteban », conduite de 2014 à 2016, que 100 % de la population française présentait des traces de PFOA et de PFOS dans le corps ([7]).

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) conduisent également des études à la fois sur la présence de PFAS dans l’environnement et sur les effets potentiels sur la santé de ces substances depuis de nombreuses années. Ces dernières, comme celle précitée menée par Santé publique France, montrent que les femmes enceintes exposées à de telles substances courent elles-mêmes des risques et font courir des risques au fœtus. Elles montrent aussi que le contact avec les PFAS peut affecter le système immunitaire, notamment le fonctionnement de la thyroïde, réduire les effets de certains vaccins ou encore causer des troubles hépatiques ([8]). Certaines substances per- et polyfluoroalkylées sont classées comme des substances cancérogènes ou suspectées de l’être. En décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’homme » (groupe 1) et le PFOS comme « cancérogène possible pour l’homme » (groupe 2B).

B.   La RÉglementation sur les substances pER- et pOlyfluoroalkyLÉes

1.   L’Union européenne a mis en place un cadre réglementaire qui pour l’instant n’interdit et ne restreint pas la fabrication et l’usage de tous les PFAS

Un traité international réglemente l’utilisation de certaines de ces substances. Il s’agit de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) signée en 2001, entrée en vigueur en 2004 et ratifiée par 186 États à ce jour. La convention a été complétée à plusieurs reprises.

Le règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE transpose dans le droit de l’Union les engagements pris dans le cadre de la Convention de Stockholm. Ce règlement interdit, sauf dérogations (annexe I), ou restreint sous conditions (annexe II) la production, la mise sur le marché et l’utilisation de substances qualifiées de polluants organiques persistants.

Depuis mai 2009, le PFOS et les sels qui en sont dérivés font partie des nouvelles substances ajoutées à la liste des substances couvertes par la Convention de Stockholm. Ils ont été inscrits à l’annexe B de la Convention qui liste les composés dont la production et l’utilisation doivent être restreintes au maximum ([9]).

En conséquence, le PFOS et ses dérivés ont été inclus dans l’annexe I du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifié précité ([10]). Leur production, leur mise sur le marché et leur utilisation soit en tant que telles, soit dans des préparations, soit sous forme de constituants d’articles sont interdites. Cependant, des dérogations existent lorsqu’il s’agit d’une substance présente non intentionnellement dans des substances, préparations ou constituants d’articles sous forme de contaminant à l’état de trace.

En 2020, le PFOA et ses dérivés ont été inscrits à l’annexe A de la Convention de Stockholm et en conséquence interdits. Ils ont donc été par la suite intégrés au règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants. Le PFOA et ses dérivés sont dorénavant inscrits à l’annexe I de ce règlement à la suite de l’adoption du règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission modifiant le règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 précité ([11]). L’interdiction est entrée en vigueur le 4 juillet 2020 et fait suite à la décision prise lors de la conférence des parties à la Convention de Stockholm en mai 2019.

Encore plus récemment, les États parties à la Convention de Stockholm ont réglementé l’usage d’une autre substance perfluoroalkylée, l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et les composés apparentés. L’usage de celui-ci est interdit sans dérogation depuis juin 2022 dans le cadre de la convention (inscription à l’annexe A). Cette interdiction a été intégrée définitivement au règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants par un règlement délégué adopté en mai 2023 ([12]).

Le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit « Reach », est l’acte de l’Union européenne le plus approfondi en ce qui concerne la connaissance et la déclaration des substances chimiques importées et utilisées dans l’UE. Ce règlement qui invite tout importateur et utilisateur de substances chimiques au-delà d’une tonne annuelle à démontrer son innocuité et à en documenter les usages ne traite que d’un très petit nombre de PFAS. Comme l’indique l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) sur son site consacré à la substitution de substances perfluorées, 260 substances chimiques sont actuellement considérées comme persistantes, mobiles et toxiques (PMT) ou comme très persistantes et très mobiles (vPvM) et enregistrées à ce titre en application du règlement Reach. S’il s’agit d’une catégorie propre, différente de celle des substances per- et polyfluoroalkylées, de nombreux PFAS sont considérés comme PMT ou vPvM ([13]).

La plupart des PFAS, qu’ils soient des monomères ou des polymères, n’ont donc pas fait l’objet d’un enregistrement et donc d’une évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Néanmoins, le règlement Reach identifie dans son annexe XIV (relative aux autorisations) des substances dites « extrêmement préoccupantes » (en anglais « substances of very high concern »), au nombre de 240, listées sur le site internet de l’Echa en mars 2024.

Ces substances sont considérées comme extrêmement préoccupantes si elles ont une de ces caractéristiques CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction), PBT (persistantes dans l’environnement ou les organismes, bioaccumulables et toxiques) ou vPvB (très persistantes et très bioaccumulables). Les PFAS considérés comme extrêmement préoccupants le sont en général en raison de leur caractère PBT ou vPvB (caractères qui rejoignent les caractères PMT et vPvM). Les substances extrêmement préoccupantes ont vocation à être davantage contrôlées pour voir si elles doivent faire l’objet d’une autorisation explicite en raison de leur dangerosité pour l’homme et l’environnement, et à être remplacées par d’autres substances moins nocives.

Par ailleurs, l’annexe XVII du règlement Reach (relative aux restrictions) réglemente de façon très restrictive la vente et l’utilisation du PFOS, depuis le 27 juin 2008. Seules certaines utilisations sont autorisées, par dérogation, pour la photographie, les fluides hydrauliques, l’aviation et le traitement de surface de métaux ([14]).

Le PFOA et ses sels sont également réglementés par cette annexe XVII depuis le 14 juin 2017, avec des restrictions différées à juillet 2022 et 2023 pour des utilisations dans les domaines du textile, de la santé, la sécurité, etc. et au 4 juillet 2032 pour les dispositifs médicaux ([15]). L’interdiction de la fabrication et de l’usage du PFOA est aujourd’hui plus large en application du règlement de 2019 sur les polluants organiques persistants (POP) que celle résultant de la restriction prévue par le règlement Reach adoptée en 2017 (cf. supra).

Depuis le 23 février 2023, les acides perfluorocarboxyliques d’une longueur de chaîne comprise entre neuf et quatorze atomes de carbone (PFCA en C9‑C14), leurs sels et les substances apparentées aux PFCA en C9-C14 ne peuvent plus être fabriqués ou mis sur le marché en tant que substances. Ils ne peuvent plus, non plus, être utilisés ou mis sur le marché dans une autre substance, en tant que constituants, dans un mélange ou un article, sauf si la concentration dans la substance, le mélange ou l’article est inférieure à 25 parties par milliard (ppm) pour la somme des PFCA en C9-C14. Cette restriction compte quelques dérogations provisoires, notamment pour les mousses anti-incendie.

Le PFOS et le PFOA font également l’objet d’un référencement dans le cadre du règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 concernant la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses dit « CLP » (en anglais « Classification, Labelling and Packaging »). Ce règlement met en œuvre au niveau européen un système international soutenu par les Nations Unies, appelé « système général harmonisé » (SGH), visant à identifier les produits chimiques de la même manière au niveau mondial.

Le PFOS et les produits qui en sont issus sont inscrits dans la première adaptation au progrès technique (APT) du règlement CLP, c’est-à-dire qu’ils ont été inclus dans le champ du règlement dès sa première modification en 2009 et sont classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1B. Le PFOA et les produits qui en sont issus sont inscrits dans la cinquième APT du règlement CLP et sont classés cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 1B

La proposition de restriction à la fabrication et à l’usage de PFAS
déposée par plusieurs pays européens

Une proposition de restriction de la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation d’environ 10 000 substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) au titre du règlement Reach présentée par les autorités danoises, allemandes, néerlandaises, norvégiennes et suédoises a été enregistrée par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) en mars 2023.

La restriction repose sur le principe d’une interdiction de l’ensemble des PFAS. Au-delà de la toxicité avérée ou supposée de chacun des composés perfluroés, les États à l’origine de la proposition rappellent que ces composés ont des propriétés communes qui rendent leur production et leur diffusion dommageables pour la santé et pour l’environnement. Par ailleurs, les États rappellent qu’il est plus coûteux d’éliminer ces composés de l’environnement que de trouver des substituts en amont, dans les processus de fabrication.

À la suite de l’enregistrement de la proposition, l’Echa a lancé une consultation publique de six mois sur la proposition de restriction. L’agence invitait les parties intéressées ou disposant d’informations sur les PFAS (notamment des informations relatives aux risques, aux aspects socio-économiques et aux substances alternatives) à envoyer des informations scientifiques et techniques sur la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de ces substances per- et polyfluoroalkylées. À la clôture de la consultation, en septembre 2023, plusieurs milliers de contributions avaient été reçues.

Les comités scientifiques de l’Echa chargés de l’évaluation des risques (RAC) et de l’analyse socio-économique (Seac) commencent actuellement à étudier les résultats de la consultation pour évaluer la proposition de restriction et rendre leurs avis. L’Echa a indiqué au début du mois de mars 2024 le calendrier que les comités suivront pour étudier les restrictions d’usage des PFAS en fonction des produits et des secteurs d’ici à 2026.

Une fois ces deux avis remis, la proposition de restriction sera soumise par la Commission européenne aux États membres et au Parlement européen. L’ensemble de la procédure pourrait aboutir d’ici 2027. Pour les substances dont l’usage serait restreint dès l’entrée en vigueur du règlement modifié, un délai de dix‑huit mois serait laissé aux entreprises pour s’adapter.

 

La question de l’intégration des polymères dans le règlement Reach

Le règlement européen Reach n° 1907/2006 précité vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques. Toutefois, les polymères sont actuellement exemptés du processus d’enregistrement et d’évaluation qu’il prévoit. Dans le cadre de la révision à venir de ce règlement, la Commission européenne a proposé d’intégrer les polymères dans les obligations d’enregistrement et d’évaluation. Par ailleurs, certains polymères pourraient faire l’objet d’une restriction dans le cadre de ce même règlement, à l’instar du teflon (polymère appelé polytetrafluoroéthylène ou PTFE), comme cela est proposé par les États membres susmentionnés qui sont à l’origine de la proposition de restriction mentionnée ci-dessus. En effet, ces États ont repris dans leur proposition la définition des PFAS donnée en 2021 par l’OCDE qui comprend des polymères de PFAS comme les fluoropolymères.

2.   Dans certains domaines, la réglementation européenne est plus développée

Un règlement spécifique fixe depuis 2022 les concentrations maximales de certaines substances perfluoroalkylées à ne pas dépasser dans certaines denrées alimentaires (viandes, poissons, œufs en particulier). Il s’agit du règlement (UE) 2022/2388 de la Commission du 7 décembre 2022 modifiant le règlement (CE) n° 1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en substances perfluoroalkylées dans certaines denrées alimentaires. Le règlement (CE) n° 1881/2006 de la Commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires comprend donc désormais des seuils propres à certains PFAS.

L’Agence européenne de sécurité des aliments, qui a fait des études en amont pour déterminer les teneurs à ne pas dépasser, s’est concentrée sur quatre PFAS qui contribuent pour plus de la moitié à l’exposition de la population ([16]). Pour ceux-ci, elle a établi un seuil de sécurité sous la forme d’une dose hebdomadaire tolérable (DHT) qu’elle a fixée à 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel.

Les mousses anti-incendie pourraient faire l’objet d’une réglementation spécifique dans le cadre du règlement Reach. Une proposition de restriction de leur usage a été examinée indépendamment de l’initiative de certains États membres sur l’ensemble des PFAS. L’Echa a ainsi proposé d’interdire tous les PFAS dans les mousses anti-incendie avec une période de transition. En juin 2023, les comités consultatifs de l’agence ont émis un avis favorable à l’interdiction des PFAS dans ces produits.

Comme le signale le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans un rapport publié en 2020 sur les PFAS : « l’utilisation de mousses (aires d’entraînement anti-incendie et incendie) est les premières causes de présence de PFAS pour les sols, les eaux et autres milieux récepteurs » ([17]). L’initiative de l’Agence des produits chimiques pourrait prospérer ou être intégrée à l’initiative européenne de restriction de l’ensemble des PFAS.

Une attention particulière est portée depuis longtemps à la présence de substances chimiques potentiellement nocives pour l’environnement et la santé, à la fois dans les masses d’eau et dans l’eau destinée à la consommation humaine.

La refonte en 2020 de la directive sur l’eau potable, dite « directive sur l’eau destinée à la consommation humaine » (EDCH), conduit également à renforcer l’attention sur certains PFAS ([18]). Ainsi, sera évaluée de manière synthétique la concentration de PFAS dans leur ensemble et seront systématiquement recherchés vingt PFAS particuliers par les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau potable et les personnes chargées du contrôle sanitaire.

Les teneurs maximales à respecter d’ici janvier 2026 pour les eaux potables sont ainsi fixées :

– pour le total des PFAS, 0,50 μg/l ;

– ou, pour la somme des vingt PFAS qualifiés de « substances préoccupantes listées à l’annexe III-B-3 » de la directive, 0,10 μg/l ([19]).

La transposition de la directive EDCH précitée a été réalisée en France par l’ordonnance n° 2022‑1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et par différents décrets et arrêtés. Ces textes introduisent dans le droit français des dispositions nouvelles importantes. Conformément à la directive, à partir du 12 janvier 2026, les autorités gestionnaires du service d’eau potable, appelées aussi personnes responsables de la production et de la distribution d’eau (PRPDE) et les agences régionales de santé devront réaliser les contrôles et garantir le respect des valeurs limites. Le contrôle concerne l’eau potable au point de mise en distribution ou au robinet du consommateur et les ressources en eau prélevées dans des nappes d’eau souterraines ou dans des ressources superficielles (fleuve, rivière, lac, barrage) et qui sont utilisées pour la production d’eau potable. Depuis le 1er janvier 2023, les vingt substances prévues par la réglementation européenne ont été introduites dans le droit par voie réglementaire comme pouvant être recherchées lors de campagnes de détection menées localement ([20]).

3.   Des initiatives pour renforcer les contrôles et aller plus loin dans les interdictions

Au-delà des interdictions ou restrictions d’usage imposées par des traités internationaux et européens, certains pays réglementent déjà de manière plus sévère l’utilisation de certains PFAS ou de toute cette catégorie de substances.

Une telle interdiction a été introduite au Danemark par voie réglementaire et est entrée en vigueur le 1er juillet 2020. Ont ainsi été interdits les emballages alimentaires en papier carton qui contiendraient des PFAS, à moins que le producteur puisse garantir qu’il y a une étanchéité totale entre le contenant et le contenu alimentaire ou l’eau et qu’ainsi, la migration de substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées est impossible. L’interdiction entrée en vigueur au Danemark constitue donc une mesure plus restrictive que celles découlant des textes européens. Hors de l’Europe, l’État de Californie a récemment décidé d’interdire, à compter de 2025, la présence de PFAS dans les vêtements, de même que l’ajout intentionnel de PFAS dans les produits cosmétiques. La Nouvelle‑Zélande a adopté une interdiction similaire pour les produits cosmétiques, qui entrera en vigueur à compter de 2026.

En ce qui concerne les PFAS, aucune mesure d’interdiction plus sévère que celles prescrites par les textes internationaux et les règlements européens n’existe actuellement en France. Comme le remarque l’Igedd dans le rapport précité, la France, comme de nombreux autres États, manque encore de connaissances scientifiques sur les risques sanitaires associés aux PFAS et d’une stratégie pour adapter la réglementation et améliorer le suivi des pollutions ([21]).

Les reportages et enquêtes menés par des journalistes et des associations de protection de l’environnement, particulièrement dans la région lyonnaise, montrant des taux importants de contamination et une mobilisation grandissante du public sur ce sujet ont conduit le Gouvernement à présenter en janvier 2023 un plan d’action ministériel afin de mieux prendre en compte cette source de pollution et ses effets en matière de santé publique. Le plan d’action ministériel comporte plusieurs aspects, dont le premier vise à mobiliser des moyens pour améliorer les connaissances scientifiques et les moyens d’analyse.

Ce plan d’action a également constitué la base du lancement d’une campagne de mesures de la présence de PFAS dans les rejets aqueux, dans l’environnement, des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation. Un arrêté pris en juin 2023 a déterminé les modalités de réalisation des tests par les ICPE elles-mêmes pour qu’elles identifient et mesurent la présence des vingt PFAS listés dans la directive EDCH et en informent le ministère chargé de la prévention des risques ([22]). Chaque ICPE doit réaliser les mesures chaque mois sur une période déterminée de trois mois. Environ 5 000 ICPE sont concernées d’ici à 2025. Sur les mesures effectuées dans le premier tiers des ICPE concernées, la Direction générale de la prévention des risques indique au rapporteur que deux tiers des échantillons analysés contenaient des PFAS recherchés.

Parallèlement, le cadre réglementaire du contrôle sanitaire de l’eau a été renforcé avec la transposition de la directive EDCH. Ainsi, l’ordonnance n° 2022‑1611 du 22 décembre 2022 précitée a rendu applicable à partir du 1er janvier 2023 la valeur limite de qualité de 0,1 μg/l, inscrite dans la directive, aux collectivités responsables et aux agences régionales de santé (ARS) qui détecteraient et quantifieraient la présence des vingt PFAS identifiés dans la directive. La valeur limite permet aux autorités locales de gérer les situations de présence de ces substances dans l’eau potable, dans l’éventualité où elles auraient anticipé le suivi de ces substances dans le contrôle sanitaire de l’eau potable compte tenu du contexte local (suspicion de contamination par exemple). Pour les composés perfluorés, ces nouvelles limites de qualité françaises sont de 0,1 µg/l dans l’eau potable (au robinet) et de 2 µg/l dans les eaux brutes (à la ressource, avant traitement) et s’appliquent pour la somme de vingt PFAS. Seule la première limite de qualité (sur l’eau du robinet) découle directement de la directive EDCH. Comme l’a précisé la Direction générale de la santé au rapporteur : « Ces deux limites de qualité n’ont pas été fixées sur une base sanitaire mais plutôt, dans l’attente d’un fondement sanitaire, par analogie avec les limites de qualité pour les pesticides, en tant que marqueur de contamination de l’eau par un composé d’origine anthropique » (cf. infra).

Aujourd’hui, dans au moins sept régions hexagonales, les ARS ont commencé à inclure dans leur contrôle la détection de PFAS dans l’eau potable (en général des vingt PFAS listés par la directive européenne) en menant des campagnes ponctuelles et exploratoires en fonction de la présence déjà constatée de PFAS ou soupçonnée. C’est le cas dans la région Auvergne‑Rhône-Alpes où l’ARS a fait réaliser en 2022 près de 560 prélèvements et analyses dans près de 88 points destinés à alimenter les réseaux d’eau potable, et a publié les résultats en mars 2024. Ce n’est néanmoins qu’en 2026 que le contrôle de la présence de ces vingt substances et le calcul de leur niveau de concentration seront obligatoires.

De plus, des travaux importants ont été engagés en amont et à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive sur l’eau potable par l’Union européenne et en France. Pour affiner la valeur limite de qualité établie pour l’instant à 0,1 μg/l, la directive EDCH laisse aux États membres la possibilité de déterminer eux-mêmes des valeurs réglementaires ou toxicologiques de référence, c’est-à-dire ayant une portée sanitaire. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est chargée de déterminer des valeurs réglementaires ou toxicologiques de référence pour au moins les vingt PFAS listés, valeurs au-delà desquelles les concentrations mesurées dans l’eau potable présentent des risques pour la santé. Ce travail devrait être réalisé d’ici à 2025.

La Commission européenne, avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), devrait publier d’ici mi-2024 des lignes directrices pour encadrer dans l’ensemble de l’UE les techniques d’analyse des PFAS de la directive afin de garantir la fiabilité des analyses et des résultats.

Il faut enfin souligner que le Parlement s’est emparé de cette question à travers plusieurs travaux menés au cours des deux dernières années sur des textes de loi et dans le cadre de ses missions d’information et de contrôle de l’action du Gouvernement. Le député M. Cyrille Isaac-Sibille est également venu présenter devant les commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire et des affaires sociales le rapport qu’il a rédigé à la demande du Gouvernement sur les PFAS et sur les solutions pour réduire l’utilisation et la dissémination de ces substances ([23]).

La révélation récente d’une source importante de pollution dans l’environnement immédiat d’une entreprise du groupe Solvay, dans le Gard, par un PFAS appelé TFA, qui ne fait pas partie des vingt PFAS qui devront être recherchés dans l’eau potable, montre l’importance de cette source de pollution et la gravité de l’exposition potentielle des populations ([24]). Dans la région de Lyon, autour de la commune de Pierre-Bénite, des investigations plus approfondies, réalisées par les administrations de l’État (agence régionale de santé et direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et par la métropole de Lyon, sont menées pour mesurer l’exposition de la population aux PFAS principalement émis par les usines d’Arkema et de Daikin.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 1er de la proposition de loi comporte plusieurs dispositions modifiant le code de l’environnement et le code de la santé publique

Les alinéas 1 à 13 modifient le code de l’environnement en créant une nouvelle section au chapitre III du titre II du livre V du code de l’environnement relatif à la prévention des risques, des pollutions et des nuisances. Le chapitre III est renommé et devient relatif à la « prévention des risques pour la santé et l’environnement résultant de l’exposition à certaines substances ».

Les articles existants L. 523‑1 à L. 523‑6 sont regroupés dans une section 1 intitulée « Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances à l’état nanoparticulaires ».

Une section 2 est créée et intitulée « Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées ».

La section 2 ainsi créée prévoit deux dispositifs différents en termes de périmètre et de date d’entrée en vigueur, au sein d’un nouvel article L. 523‑6‑1.

Le I de cet article L. 523‑6‑1 dispose qu’à compter du 1er juillet 2025, seront interdites la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. L’interdiction concerne les produits entrant en contact avec les denrées alimentaires, les produits cosmétiques, le fart utilisé pour améliorer les performances des skis, et les produits textiles, à l’exception des vêtements de protection à usage professionnel qui sont utilisés dans les domaines de la sécurité et de la sécurité civile.

Pour ces différents produits qui, jusqu’à récemment, contenaient, ou qui pour certains, contiennent encore des PFAS, des alternatives techniques ou des substances chimiques de substitution existent. C’est pourquoi le texte de la proposition de loi fait le choix de ne pas prévoir de dérogation générale à ces interdictions. Est seulement prévue une exception pour les textiles qui seraient utilisés à des fins professionnelles et constituent des protections, comme on peut en trouver dans le domaine de la sécurité civile.

Le 1° du I de l’article L. 523‑6‑1 concerne un champ assez large de produits destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, plus couramment appelés en droit européen « matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires ». Parmi ces produits, on trouve des emballages alimentaires, mais aussi la vaisselle et les ustensiles de cuisine, les biberons et tétines de biberons ou encore les matériels et équipements utilisés dans la production, la transformation, le stockage ou le transport de denrées alimentaires. Ces produits, parce qu’ils sont en contact avec des denrées alimentaires et des boissons, constituent une source de contamination non négligeable.

La réglementation sur les matériaux et objets plastiques entrant en contact avec des denrées alimentaires

Le règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires est un règlement sectoriel qui concerne spécifiquement à la fois les emballages alimentaires mais aussi les ustensiles de cuisine en plastique. Par principe, les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires ne peuvent contenir uniquement les PFAS qui sont explicitement mentionnés dans le règlement.

L’acide perfluoro-octanoïque (PFOA) ne figure pas dans le règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011 précité. Il n’est donc pas autorisé. Seul est réglementé le sel d’ammonium du PFOA qui peut être utilisé comme additif, mais ne peut constituer un monomère pour fabriquer des polymères de plastique. L’acide perfluoro-octane sulfonique (PFOS) et ses dérivés ne figurent pas non plus dans le règlement (UE) n° 10/2011 précité. Ils ne sont donc pas autorisés non plus dans les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.

Pour les PFAS qui sont explicitement mentionnés dans le règlement et donc autorisés, des limites sont fixées pour éviter qu’une quantité trop importante de ces substances ne migre dans l’alimentation ou dans l’eau.

Pour l’ensemble des matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires qui ne sont pas en plastique, aucune réglementation limitant la présence des PFAS en général n’existe pour l’instant en Europe ou en France. Or, de nombreux contenants dans la restauration et la grande distribution sont en carton ou encore en métal.

Les emballages alimentaires pouvant présenter des PFAS dans leur composition ont été particulièrement utilisés dans la restauration rapide. Aujourd’hui, une plus grande attention est portée à ce sujet, mais l’absence de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans ces produits est le résultat d’initiatives prises par les entreprises clientes pour obliger les entreprises fournisseuses d’emballages à exclure les PFAS. C’est le cas dans l’industrie agro-alimentaire où des marques et des entreprises de distribution décident avec quel type d’emballages elles commercialisent leurs produits.

Comme l’ont expliqué des représentants de Mc Donald’s France auditionnés par le rapporteur, l’entreprise s’est engagée à éliminer les PFAS de l’ensemble des emballages utilisés dans ses restaurants au niveau mondial. C’est le cas en France depuis deux ans pour l’ensemble des emballages jetables et réutilisables. Cela nécessite une surveillance des substances utilisées par les fournisseurs de Mc Donald’s et l’introduction de procédés alternatifs ou le renoncement à certaines propriétés des emballages.

Le secteur des ustensiles de cuisine qui regroupe de nombreuses entreprises représentées par l’Union des fabricants d’équipements et d’ustensiles pour la restauration et les arts culinaires est aussi utilisateur de certains PFAS, en particulier de polymères de PFAS qui rendent les objets antiadhésifs. Ces polymères présentent des caractéristiques différentes des monomères de PFAS et leur inertie dans l’environnement limite les possibilités de contamination des milieux, mais ils ont tendance à se décomposer en substances plus dangereuses. Des alternatives aux PFAS sont recherchées, mais les personnes auditionnées ont souligné la nécessité de disposer et de prévisibilité pour orienter les investissements des entreprises.

Le 2° du I de l’article L. 523-6-1 concerne tous les produits cosmétiques. Les produits cosmétiques font déjà l’objet d’une attention particulière dans le cadre de l’étude de la proposition de certains pays européens de restriction du règlement Reach ([25]). Les représentants du secteur des produits cosmétiques conventionnels et des produits dits « biologiques » auditionnés ont indiqué que l’utilisation de PFAS était de plus en plus rare et qu’il était possible de s’en passer sans dégrader la qualité des produits ([26]). En 2021, selon la Fédération professionnelle des entreprises de la beauté, quarante-deux PFAS étaient encore utilisés dans les cosmétiques. En octobre 2023, la fédération européenne des cosmétiques (Cosmetic Europe) a conseillé à tous ses adhérents d’arrêter complètement l’utilisation de PFAS d’ici à fin 2025.

Le 3° du I de l’article L. 523-6-1 concerne les produits de fart, défini comme une substance que l’on applique sur la semelle d’une planche de neige ou d’un ski pour améliorer ses propriétés de glisse ou d’adhérence à la neige. Après avoir été constituées de paraffine, les substances utilisées pour farter les skis ont été traitées avec des PFAS, ce qui a amélioré leur efficacité. Cependant, la dangerosité de la substance la plus utilisée depuis plusieurs décennies, le fluor, est connue, et sa dissémination dans l’environnement a été récemment mesurée, en particulier en Autriche et en Suisse. Il y a plusieurs années déjà, en 2019, une initiative a été prise par la Fédération internationale de ski pour interdire l’utilisation du fart fluoré dans toutes les compétitions internationales de ski alpin et ski nordique, initiative que la Fédération internationale de biathlon a rejointe. Cette interdiction est effective depuis 2023. Le 3° du I de l’article L. 523‑6‑1 aurait pour sa part une portée beaucoup plus large, en interdisant l’usage de produits de fartage contenant des PFAS à tous les utilisateurs, amateurs comme professionnels en France.

Enfin, le 4° du I de l’article L. 523-6-1 concerne tous les produits textiles, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. La présence de PFAS dans les textiles d’habillement s’explique facilement du fait des propriétés de ces composés qui permettent par exemple d’empêcher les tâches, d’imperméabiliser les vêtements ou de les rendre plus résistants. On peut en trouver en particulier dans les vêtements sportifs. Le secteur textile constitue actuellement une source de dissémination importante de PFAS dans l’environnement. Néanmoins, dans le secteur de l’habillement non professionnel, des alternatives à l’utilisation de PFAS sont recherchées, et plusieurs fabricants s’engagent à de plus en utiliser. Ainsi, le groupe suédois H&M, auditionné par le rapporteur, a indiqué que depuis dix ans, l’ensemble des PFAS n’étaient plus autorisés dans la fabrication des produits. Des fabricants de produits textiles destinés au travail dans l’industrie et servant dans les équipements de protection des salariés ont souligné la difficulté à se passer de certains PFAS (qui permettent notamment de garantir la non-inflammabilité des textiles). Les différentes personnes auditionnées ont rappelé la difficulté d’éliminer totalement la présence de PFAS dans la production textile, dès lors que des produits textiles ou d’autres produits contenant des PFAS sont recyclés et entrent dans la fabrication de produits textiles neufs.

Pour l’ensemble de ces produits, il est proposé d’interdire l’ensemble des PFAS, et non des substances en particulier ni des familles de substances. C’est aussi le choix qui est fait dans la proposition de restriction de l’usage des PFAS déposée par certains pays européens en 2023. En interdisant seulement certaines substances, une opportunité serait en effet laissée de substituer à ces substances interdites d’autres types de PFAS, potentiellement aussi dangereux. C’est par exemple le cas d’un PFAS appelé communément GenX qui a commencé à remplacer le PFOA à partir de 2009, lorsque ce dernier a commencé à être interdit aux États-Unis et en Europe.

Le II de l’article L. 523‑6‑1 prévoit l’entrée en vigueur d’une interdiction générale de fabrication, d’importation, d’exportation et de mise sur le marché de tout produit contenant des PFAS au 1er juillet 2027. Cette disposition devancerait très certainement l’interdiction ou la restriction d’usage de cette catégorie de substances par l’Union européenne dans le cadre du règlement Reach et la révision éventuelle du règlement dans son ensemble. Il est précisé qu’un décret pris en Conseil d’État devra établir une liste de dérogations pour déterminer strictement les usages de PFAS considérés comme essentiels, c’est-à-dire les types de produits dont l’usage est essentiel et pour lesquels on ne peut pour l’instant pas exclure la présence de PFAS sans compromettre leur efficacité. Les produits concernés pourraient être certains médicaments et dispositifs médicaux, des matériaux utilisés dans le cadre d’activités de défense, etc. La logique est similaire à celle du règlement européen Reach qui, lorsqu’il prévoit des restrictions à l’usage des PFAS, inclue des exceptions précises pour permettre l’usage de PFAS dans certains produits.

L’alinéa 13 introduit dans le chapitre III du titre II du livre V du code de l’environnement une section 3 qui regroupe les articles existants L. 523-7 et L. 523‑8, qui constituent des dispositions communes aux sections 1 et 2.

Les alinéas 14 et 15 introduisent une nouvelle disposition dans le code de la santé publique, au chapitre Ier du titre II du livre III relatif à la protection de la santé et l’environnement, en ajoutant au chapitre Ier relatif à l’eau potable l’article L. 1321‑11. Cet article prévoit que le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable inclut le contrôle de tous les PFAS connus. Afin que les analyses des échantillons puissent être réalisées par des laboratoires de manière fiable et harmonisée, un décret pris par le ministre chargé de la santé après avis de l’Anses déterminera les conditions d’échantillonnage. Cette disposition va au-devant de la réglementation actuelle et de celle prévue par la directive européenne sur l’eau destinée à la consommation humaine. Elle permet de ne pas attendre le 1er janvier 2026 et impose la recherche obligatoire de l’ensemble des PFAS pour lesquels il existe une possibilité de détection. Elle pourrait également inciter les laboratoires d’analyse à approfondir les techniques pour détecter de nouveaux PFAS.

La volonté du rapporteur, à travers ce nouvel article, est de systématiser la recherche des PFAS dans l’eau potable et de permettre aux autorités sanitaires de mieux informer la population et de prendre des mesures appropriées. En effet, les mesures nouvellement effectuées dans certaines régions mettent en lumière des situations de non-conformité, c’est-à-dire de dépassement de la valeur limite de qualité, relativement inquiétantes en ce qu’elles remettent en question la potabilité de l’eau ([27]). D’ores et déjà, en application de la directive EDCH et des textes réglementaires pris pour sa transposition, un dépassement de la limite de qualité ouvre une période de deux fois trois ans pour que la personne responsable de l’eau potable prenne des mesures pour revenir sous les valeurs limites.

Le dernier alinéa de l’article 1er prévoit enfin que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la loi, pour proposer des normes sanitaires actualisées qui pourraient servir de référence pour le contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine.

III.   les travaux de la commission

L’article 1er a été modifié par plusieurs amendements adoptés en commission.

L’amendement CD85 du rapporteur a modifié les alinéas 1 à 13 de l’article 1er pour introduire les dispositions initiales dans un nouveau chapitre IV au sein du titre II du livre V du code de l’environnement spécifiquement consacré à la prévention des risques liés à l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées, comportant un nouvel article L. 524‑1.

Cet article prévoit dans un premier temps que sont interdites la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché, à partir du 1er janvier 2026, d’un certain nombre de produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. Sont concernés par l’interdiction les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, les produits de fart et les produits textiles d’habillement, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.

La date initialement fixée pour l’application de l’interdiction par la proposition de loi est décalée de six mois pour être portée au 1er janvier 2026. Un tel délai est apparu plus raisonnable afin que les entreprises puissent s’organiser pour se passer des PFAS et trouver des solutions alternatives.

Le secteur des emballages alimentaires, qui doit être intégré à un règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballage devant être définitivement adopté au premier semestre de l’année 2024, n’est plus visé par l’interdiction. Restent concernés les ustensiles de cuisine qui représentent une source importante d'exposition de la population et de contamination.

Dans un second temps, le nouvel article L. 524‑1 dispose que seront interdites à partir du 1er janvier 2030 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de l’ensemble des produits textiles comportant des substances per- et polyfluoroalkylées. L’interdiction générale de tous les produits contenant des PFAS, à l’exception de produits considérés comme strictement essentiels et pour lesquels l’usage de PFAS demeurerait indispensable, est supprimée. Le choix est ainsi fait de ne pas légiférer sur l’interdiction de la fabrication, de l'importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout produit contenant des PFAS à l’horizon de l’année 2027, dans la perspective d’un aboutissement de l’initiative européenne de restriction, ce qui permettra une harmonisation dans l’Union européenne.

La rédaction proposée par l’amendement adopté est certes moins ambitieuse que la rédaction initiale de l’article 1er. Elle traduit la volonté de compromis du rapporteur, lequel tient à réaffirmer sa volonté de voir aboutir une restriction large, à brève échéance, de l’utilisation des PFAS, et rappelle les incertitudes liées à l’initiative européenne de restriction.

La commission a par ailleurs adopté l’amendement CD69 de M. Cyrille Isaac‑Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants) pour compléter l’objet du décret prévu à l’article L. 1321‑11 introduit dans le code de la santé publique par l’article 1er. Ce décret devra établir la liste non limitative des substances per- et polyfluoroalkylées qui devront être contrôlées par les autorités sanitaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission a en outre adopté l’amendement CD11 de Mme Chantal Jourdan (Socialistes et apparentés), pour également compléter le nouvel article L. 1321‑11 du code de la santé publique. Est ainsi prévu, pour compléter les obligations en termes de contrôle sanitaire de l’eau potable, que les ministres chargés de la prévention des risques et de la santé établissent conjointement une carte des sites qui ont pu émettre ou émettent des substances perfluoroalkylées. La carte doit être révisée tous les trois ans et être mise à la disposition du public. L’amendement prévoit également qu’un arrêté détermine les actions de dépollution à mettre en œuvre et les plafonds de rejet de substances perfluoroalkylées pour chaque site.

Il est par ailleurs prévu que la carte serve de fondement à l’établissement par arrêté d’une liste des communes exposées à un danger élevé ou très élevé d’exposition au PFAS.

La commission a enfin adopté les amendements rédactionnels CD78 et CD79 du rapporteur.

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Article 1er bis (nouveau)
Rejets de substances per- et polyfluoroalkylées par les installations classées pour la protection de l’environnement

Créé par la commission

 

L’article 1er bis, introduit en commission, prescrit à un certain nombre d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation de cesser tout rejet aqueux de substances per- et polyfluoroalkylées. L’article précise également ce que recouvre le terme de rejets aqueux.

I.   Le droit en vigueur

Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) définies à l’article L. 511‑1 du code de l’environnement font l’objet d’un encadrement juridique visant à maîtriser les risques qu’elles présentent pour la santé et l’environnement en raison de leur fonctionnement, des matériaux qu’elles produisent et des activités qu’elles réalisent. Deux types de risques coexistent : ceux liés à des accidents non prévisibles et les risques chroniques liés au rejet de substances dangereuses dans l’environnement. Lorsqu’une ICPE est autorisée par arrêté préfectoral, le préfet peut fixer un certain nombre de prescriptions, notamment relatives à la surveillance de certaines substances chimiques dangereuses, et éventuellement fixer des limites d’émission ou de rejet.

Pour les ICPE soumises au régime de l’autorisation, un seul texte réglementaire d’ordre général mentionne un type particulier de PFAS : le PFOS. Il s’agit de l’arrêté du 2 février 1998 modifié, relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation.

Cet arrêté a été modifié à de nombreuses reprises, notamment par l’arrêté du 24 août 2017 dit « arrêté RSDE » pour « rejets de substances dangereuses dans l’eau ». Ce dernier prescrit la recherche et la surveillance du PFOS dans les rejets aqueux. À partir du 1er janvier 2023, la concentration de PFOS dans les eaux rejetées dans le milieu naturel ne peut dépasser la valeur limite de concentration de 25 μg/l.

Les limites imposées pour le PFOS qui serait toujours présent dans ces installations et pas totalement éliminé visent à protéger les milieux naturels, notamment aquatiques, d’une contamination par cette substance.

Par ailleurs, des réglementations spécifiques à certains types d’installations classées autorisées et à certains secteurs d’activité traduisent des exigences fixées au niveau européen quant à la surveillance de certaines substances dangereuses.

Cette surveillance des substances chimiques et parfois la fixation de valeurs limites d’émission sont déterminées par secteur d’activité dans des documents appelés « MTD » pour « meilleures technologies disponibles » (en anglais « BREF » pour « best references »). L’objectif de ces documents est également d’indiquer quels substances et procédés de fabrication sont disponibles qui seraient le moins émetteurs de PFAS dans l’environnement.

Par rapport aux connaissances sur les PFAS et à l’ampleur potentielle de la pollution de l’environnement par les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées, la réglementation ne concerne donc que quelques substances qui doivent être recherchées et seule la concentration en PFOS est limitée.

Néanmoins, au-delà de la réglementation générale et des actes régissant le fonctionnement des ICPE par catégorie d’installation, des mesures peuvent être prises par arrêté préfectoral pour limiter les rejets de substances chimiques préoccupantes telles que les PFAS, au nom à la fois du principe constitutionnel de précaution et des différents intérêts protégés par la loi, telle la protection de la santé et de l’environnement. Des entreprises peuvent ainsi se voir imposer la surveillance de certains PFAS déjà détectés, au-delà du seul PFOS, ou font l’objet de contrôles de la part des inspecteurs chargés des installations classées, des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou des agences régionales de santé. Des normes limites de rejet ou de concentration peuvent être imposées.

À ce jour, il n’existe aucune interdiction générale pour les ICPE de rejeter des PFAS via leurs effluents aqueux.

II.   Le dispositif proposé

L’article 1er bis, créé par l’amendement CD70 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants), adopté contre l’avis du rapporteur, dispose que les installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation mentionnées au I de l’article sont tenues de cesser de rejeter des substances per- et polyfluoroalkylées sous forme aqueuse.

L’article liste les catégories d’ICPE concernées en les désignant par leur numéro dans la nomenclature. Cette liste est similaire à celle définie dans l’arrêté du 20 juin 2023 relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation. On trouve comme catégories d’ICPE listées les ICPE classées dans le secteur des textiles, cuirs et peaux, des minerais et des métaux, de la fabrication industrielle et de la transformation de polymères, des déchets, et un ensemble de catégories d’ICPE entrant dans le champ de la directive européenne sur les émissions industrielles (production et transformation de métaux, de verre, fabrication de produits phytosanitaires, de peinture et de colorants, etc.).

Par ailleurs, l’interdiction s’applique à tout type d’ICPE soumise à autorisation qui utilise, produit, traite ou rejette des PFAS.

L’article définit également les rejets aqueux dans lesquels les PFAS doivent cesser d’être présents. Il s’agit des effluents issus de l’activité industrielle de l’installation, rejetés directement ou indirectement dans le milieu naturel, et les rejets d’eaux pluviales susceptibles d’être polluées.

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Article 2
Introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 vise à compléter l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement relatif à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, afin d’ajouter aux sources de pollution générant le paiement d’une redevance le rejet de PFAS dans l’eau. Le taux de la redevance est fixé à 1 000 euros par kilogramme. Les amendements adoptés en commission ont abaissé le seuil de perception de la redevance à cent grammes et ajusté en conséquence le barème de cette dernière à 100 euros par cent grammes.

I.   le droit en vigueur

Les différentes redevances pesant sur l’eau sont dans l’ensemble affectées aux agences de l’eau, qui sont au nombre de six dans l’Hexagone et de cinq dans les outre-mer, et dont le périmètre est déterminé en fonction de bassins hydrographiques. Le produit de ces redevances constitue une part très importante du budget des agences de l’eau.

Les redevances sont perçues auprès des différents usagers de l’eau. Il existe plusieurs types de redevances sur l’eau. Parmi l’ensemble des redevances, plusieurs sont établies afin de faire contribuer les usagers de l’eau et notamment les personnes pouvant être à l’origine de pollutions chimiques, et de contribuer in fine à la prise en charge des coûts liés à la pollution de l’eau.

L’article L. 213‑10‑3 du code de l’environnement détermine le principe de la redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique, tandis que l’article L. 213‑10‑2 détermine le principe de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique.

La redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique est directement proportionnelle à la consommation d’eau des usagers domestiques et assimilés. Elle est due par les particuliers et par les acteurs économiques dont la pollution est de même nature que la pollution domestique, ou dont l’importance des rejets est trop faible pour faire l’objet d’un calcul utilisé pour les « activités industrielles ».

La redevance est calculée sur la base du volume d’eau facturé à toute personne abonnée à un service d’eau potable, auquel est ajouté, en cas de prélèvement dans le milieu naturel, le volume d’eau prélevé dans celui-ci. Son taux est modulé en fonction des pollutions constatées dans les territoires et des efforts nécessaires pour les réduire, les éliminer et atteindre le bon état écologique des eaux.

Ce sont les agences de l’eau qui déterminent les tarifs de la redevance, le législateur déterminant dans la loi le tarif maximal. La redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique est souvent rapprochée de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte dont s’acquittent aussi les particuliers (article L. 213-10-6 du code de l’environnement) ([28]).

Les redevances « pollution de l’eau d’origine domestique » (1 069,5 millions d’euros) et « modernisation des réseaux de collecte » (528 millions d’euros, dont 511,2 millions d’euros payés par les ménages) représentent la plus grande part des recettes perçues par les agences de l’eau : 1 597,5 millions d’euros. Elles constituent 70,7 % du total des redevances encaissées ([29]).

Les entreprises dont les activités conduisent à rejeter des éléments polluants dans le milieu naturel directement ou par un réseau de collecte sont pour leur part assujetties à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, également appelée redevance pour pollution de l’eau d’origine industrielle.

Cette redevance est due par les entreprises dont les activités entraînent un rejet d’au moins un élément constitutif de la pollution, supérieur au seuil de redevabilité défini par l’article L. 213-10-2 du code de l’environnement. Parmi ces éléments, on compte le phosphore, l’azote oxydé, les nitrites et les nitrates, de même qu’un ensemble de substances dont la toxicité est considérée comme aiguë. La redevance porte sur le flux net rejeté dans le milieu naturel, pour chaque élément constitutif de la pollution. Au-delà d’un certain seuil de matières ou composés rejetés, défini par décret, les entreprises sont obligées de mettre en œuvre un suivi régulier de leurs rejets.

Une grande partie des entreprises rejetant des substances polluantes, en particulier les installations classées pour la protection de l’environnement, sont concernées par la redevance pour pollution d’origine non domestique parce qu’elles rejettent ces substances directement dans l’environnement sans passer par un réseau public de collecte. Cela n’empêche pas ces entreprises de disposer parfois d’un système interne de traitement des eaux usées.

Néanmoins, certaines entreprises concernées par la redevance pour pollution d’origine non domestique doivent également s’acquitter de la redevance pour modernisation du réseau de collecte dans la mesure où leurs activités entraînent des rejets d’eaux usées dans un réseau public de collecte et donc leur traitement dans des stations d’épuration des eaux usées (article L. 213-10-5 du code de l’environnement).

Les redevances « pollution de l’eau d’origine industrielle » (54,3 millions d’euros) et « modernisation des réseaux de collecte » acquittée par les usagers (16,9 millions d’euros) s’élèvent à 71,2 millions d’euros, soit 3,2 % du total des redevances ([30]).

Le montant des redevances qui ont alimenté le budget des agences de l’eau s’élevait à 2,2 milliards d’euros en 2022 ([31]).

Sur ces 2,2 milliards d’euros de recettes annuelles, la part des taxes et redevances prélevées au titre de l’usage domestique représente à ce jour près de 83 % des recettes des agences. L’essentiel du financement de la politique de l’eau repose donc davantage sur les usagers domestiques, c’est-à-dire les particuliers, que sur les entreprises.

Chaque agence de l’eau détermine la manière dont elle utilisera les recettes perçues sur une période de cinq à six ans (période constituant le programme pluriannuel d’intervention). Elle a néanmoins des missions à remplir déterminées par la loi. En application de l’article L. 213‑8‑1 du code de l’environnement, les agences de l’eau doivent notamment assurer une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques et l’alimentation en eau potable. Ainsi, les agences de l’eau peuvent aider techniquement et financièrement les collectivités territoriales et leurs groupements pour la protection des captages, la production de l’eau potable, la réduction des fuites dans les réseaux et l’amélioration des dispositifs d’assainissement des eaux usées, qu’ils soient collectifs ou individuels. Elles ont donc un rôle à jouer pour aider les collectivités territoriales à limiter les sources de pollution de l’eau qui a vocation à devenir de l’eau potable, et à décontaminer les eaux usées.

Comme l’a précisé l’agence de l’eau Rhône‑Méditerranée‑Corse au rapporteur, les agences de l’eau ne sont pas en charge du contrôle sanitaire de l’eau potable. Cependant, par leurs actions de surveillance de la qualité des masses d’eau, par les mesures prises pour limiter les pollutions d’origine agricole et la protection des aires de captage d’eau potable, et par les aides financières apportées aux collectivités pour les réseaux d’assainissement, elles contribuent à lutter contre la pollution du cycle de l’eau par des substances chimiques.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 a pour objet de compléter l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement en introduisant, dans un nouveau paragraphe V, un nouveau fait générateur impliquant le paiement de la redevance pour pollution non domestique de l’eau, à savoir le rejet d’une certaine quantité de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans le milieu naturel, directement ou par un réseau de collecte.

Ce dispositif vise à renforcer le principe de pollueur-payeur afin que les agences de l’eau disposent de moyens supplémentaires pour faire face aux coûts engendrés par la pollution de l’environnement et plus particulièrement de l’eau par les PFAS. La disposition visant à générer des ressources supplémentaires s’inscrit dans une perspective d’aide aux collectivités territoriales, responsables à la fois de la production et de la distribution d’eau potable et des réseaux d’assainissement. Ces collectivités vont devoir faire face à des coûts croissants pour maintenir la potabilité de l’eau pour les usagers dans un avenir proche.

Le principe de la redevance est double : en seront redevables les personnes physiques ou morales qui rejettent dans le milieu ou un réseau de collecte plus d’un kilogramme de PFAS par an, et le tarif est fixé en fonction de la quantité émise. La proposition de loi fixe ce tarif à 1 000 euros par kilogramme.

Par renvoi au II de l’article L. 213‑10‑2, l’assiette de la redevance nouvellement créée par l’article 2 est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte.

Il n’est pas proposé de se fonder sur une concentration de PFAS rejetés par les entreprises, mais sur une quantité considérée pour une période donnée. Ce choix a été fait pour considérer une quantité potentiellement nocive pour l’environnement en elle‑même, indépendamment de sa concentration dans l’eau et donc de l’état de la ressource en eau. La redevance est due à partir d’un seuil de rejet dans le milieu naturel ou dans un réseau de collecte, comme c’est le cas pour la redevance due en raison du rejet d’autres substances. S’il est difficile d’évaluer le nombre de personnes ou d’entreprises concernées par le seuil, les entreprises qui elles-mêmes synthétisent des substances PFAS émettent des quantités bien supérieures à un kilogramme par an. Le rapporteur a pu demander une estimation du produit annuel de cette nouvelle redevance aux services du ministère de la transition écologique lors des auditions. Ces derniers ont évalué le produit à un montant d’environ 2 millions d’euros.

Les auditions menées par le rapporteur ont parallèlement permis d’évaluer la pertinence du seuil au-delà duquel la redevance est due. Si des entreprises qui produisent des substances per- et polyfluoroalkylées peuvent rejeter dans l’environnement plusieurs dizaines de kilogrammes, beaucoup d’entreprises utilisatrices de PFAS dans leurs produits pourraient être en dessous de ce seuil, tout en rejetant des quantités qui représentent déjà un risque en termes de contamination des milieux. Les services du ministère de la transition écologique auditionnés ont estimé qu’un seuil à 100 grammes permettrait d’inclure un plus grand nombre d’entreprises.

Le tarif de la redevance est fixé au niveau national et ne sera donc pas déterminé librement par chaque agence de l’eau. En conséquence, il ne s’agit pas d’un tarif maximal mais d’un tarif unique et égal qui sera appliqué par toutes les agences.

III.   les travaux de la commission

La commission a modifié cet article par l’adoption des amendements CD80 et CD83 du rapporteur.

L’amendement CD83 abaisse le seuil de perception de la redevance et adapte son taux. Afin de rendre effective la participation des entreprises à la prise en charge du coût de la dépollution, le seuil de perception de la redevance est fixé à cent grammes rejetés annuellement. Ainsi, davantage de personnes seront concernées par le paiement de la redevance.

En conséquence, le taux de la redevance est adapté et est fixé à 100 euros par cent grammes, ce qui correspond au taux initial de 1 000 euros par kilogramme.

L’amendement CD80 est de nature rédactionnelle.

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Article 2 bis (nouveau)
Mission des agences régionales de santé

Créé par la commission

 

L’article 2 bis, introduit en commission, donne pour mission aux agences régionales de santé de réunir leur commission de coordination dans les domaines de la prévention et de la promotion de la santé, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour déterminer le niveau d’exposition de la population de la région aux substances per- et polyfluoroalkylées à partir des données disponibles ou à recueillir.

I.   le droit en vigueur

Au sein de chaque agence régionale de santé (ARS), la commission de coordination dans les domaines de la prévention et de la promotion de la santé, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile, mentionnée au 2° de l’article L. 1432‑1 du code de la santé publique, est chargée de coordonner les actions déterminées et conduites par ses membres. Elle est composée de représentants des services de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements et des organismes de sécurité sociale. Pour assurer ses missions, elle peut décider de travaux à conduire pour contribuer à l’élaboration du projet régional de santé. Elle est également chargée de recueillir les éléments d'information nécessaires à l’exercice de ses missions, notamment à l'évaluation de la politique de prévention et de promotion de la santé.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 2 bis, introduit en commission par l’amendement CD16 de M. David Taupiac (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), donne pour mission aux agences régionales de santé de réunir leur commission de coordination dans les domaines de la prévention et de la promotion de la santé, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile et de présenter le niveau d’exposition de la population de leur région aux substances per- et polyfluoroalkylées, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

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Article 3
Compensation des charges pour l’État

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article de gage prévoyait, dans sa rédaction initiale, deux dispositifs de compensation des charges induites par la proposition de loi pour l’État. Il a été modifié par la commission pour faire reposer cette compensation exclusivement sur une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

I.   les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 de la présente proposition de loi tire les conséquences des dispositions de l’article 40 de la Constitution.

Le 1° prévoit la création d’une taxe additionnelle de 1 % sur les bénéfices des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 50 millions d’euros et qui rejettent des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans l’environnement.

Le 2° de l’article 3 prévoit la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II.   les travaux de la commission

L’adoption des amendements identiques CD32 de M. Jorys Bovet (Rassemblement National), CD54 de Mme Claire Colomb‑Pitollat (Renaissance), CD65 de M. Pierre Vatin (Les Républicains), CD72 de M. Cyrille Isaac‑Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants) et CD77 de Mme Anne‑Cécile Violland (Horizons), contre l’avis du rapporteur, ont conduit à la suppression de la taxe additionnelle de 1 % sur les bénéfices des entreprises émettant des substances per- et polyfluoroalkylées et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros, qui était prévue au 2° de l’article 3.

 

 


   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 27 mars 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Nicolas Thierry, la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées (n° 2229).

M. Bruno Millienne, président. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) qui sera discutée en séance publique le jeudi 4 avril, dans le cadre de la journée de niche du groupe écologiste.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je suis heureux de vous soumettre une proposition de loi sur les PFAS, ces substances que vous connaissez peut-être mieux sous le nom de polluants éternels. Commençons avec un constat éloquent : il y a un peu plus de cinquante ans, cette réunion n’aurait pas eu de sens. Les substances dont nous allons discuter, ces molécules constituées de carbone et de fluor, sont le produit, extrêmement récent à l’échelle de l’humanité, de la créativité de quelques industriels du XXe siècle. Nos parents ou nos grands-parents ne risquaient pas, dans leur jeunesse, de trouver dans le commerce une poêle, un imperméable ou un rouge à lèvres garnis de PFAS. Ils avaient pourtant toutes et tous le loisir de cuisiner des omelettes, de marcher sous la pluie ou de se maquiller. Garder ce constat à l’esprit nous permettra d’aborder sereinement nos débats et d’examiner avec un regard plus aiguisé les dispositions que j’ai l’honneur de soumettre à votre sagacité.

Le terme de PFAS désigne un ensemble de familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d’atomes que l’on ne trouve pas à l’état naturel. Il existe aujourd’hui environ 12 000 de ces polluants éternels. Ils ont en commun une chaîne d’atomes de carbone et de fluor qui leur confère des propriétés très recherchées dans l’industrie. Les PFAS sont stables sous de très fortes chaleurs, imperméables, repoussent les graisses et ont des propriétés antitaches et antiadhésives – chacun pensera à certaines poêles de cuisson, mais il y a des centaines d’autres exemples.

Le revers de ces qualités, c’est que ces composés ne se dégradent pas, ou très peu, dans l’environnement. Ils s’infiltrent dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques – ceux des hommes, des animaux et des plantes. Les PFAS sont donc à l’origine d’une pollution systémique, dans certains cas éternelle. Il est donc impossible, pour nous comme pour tous les êtres vivants, d’échapper à une exposition croissante à ces substances : plus on en produit, plus on est exposé. Ces polluants éternels ont même été retrouvés dans le sang d’ours polaires, ce qui témoigne de leur mobilité. Aucun territoire sur la planète n’est épargné. Or, une fois dans l’organisme, il est difficile de s’en débarrasser : leurs propriétés chimiques les mettent hors de portée de l’action des enzymes qui devraient les dégrader et favoriser leur élimination.

Cette exposition subie, massive, est extrêmement grave car ces substances présentent un risque sérieux pour la santé. Les risques pathologiques les plus importants, documentés par de nombreuses études scientifiques, sont une altération de la fertilité, des maladies thyroïdiennes, des taux élevés de cholestérol, des lésions au foie, des cancers du rein et des testicules, une réponse réduite aux vaccins ou de faibles poids à la naissance. Nous faisons donc face à un problème sanitaire d’une gravité inédite. La portée de ce scandale, et je mesure l’ampleur de la comparaison, est de l’ordre du désastre du chlordécone et des ravages de l’amiante.

Sans anticiper sur les débats que nous aurons ce matin, et au vu de ce constat, je crois que nous pourrons nous accorder pour dire que le texte que je vous propose est mesuré et raisonnable. Ses dispositions s’inscrivent dans la continuité de travaux entrepris par plusieurs de nos collègues : dans le cadre de notre commission, d’abord, avec la table ronde sur les PFAS organisée par le président Zulesi en début d’année dernière, mais aussi avec la proposition de loi de David Taupiac, qui constitue, à ma connaissance, le premier texte soumis à la représentation nationale sur les polluants éternels – nous n’avons pu, malheureusement, en achever l’examen en séance publique. Je relève enfin, hors de notre commission, le rapport sur le sujet que le député Cyrille Isaac-Sibille a remis au Gouvernement il y a quelques semaines.

La première mesure que je vous propose d’adopter vise à limiter à la source la pollution aux PFAS, en décidant de restrictions à leur utilisation échelonnées dans le temps, selon la disponibilité des alternatives. Je proposerai par amendement d’agir dès 2026 sur les usages pour lesquels ces alternatives existent : les produits destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, les cosmétiques, le fart et les textiles. Et je proposerai de poser pour 2027 le principe de l’interdiction des PFAS, sauf pour les cas où leur usage serait essentiel.

Certains me rappelleront qu’un projet de restriction des PFAS est en cours au niveau européen. Si ce projet est nécessaire, il n’est pas suffisant. Je le soutiens pleinement, mais je ne m’en contente pas. La procédure sera longue. Lorsque l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) aura terminé son travail, en 2026 ou en 2027, la proposition de restriction sera soumise aux États membres : qui peut prédire quelle sera alors la position de chacun de nos partenaires européens ? Je vous propose donc, tout comme le député Isaac-Sibille dans les recommandations 10 et 11 de son rapport, de prendre des mesures anticipées, au niveau national, pour protéger la santé de nos concitoyens.

Sur les premières restrictions, j’ai la volonté de trouver un compromis, compte tenu des auditions que nous avons eues et des positions exprimées par les différents groupes politiques. Même si je reste pleinement convaincu qu’il faut agir vite et largement pour couper le robinet de la pollution, j’ai déposé un amendement de compromis que nous examinerons au début de la discussion, qui vise à ne cibler que les produits identifiés dans le rapport de Cyrille Isaac-Sibille. J’espère que nous pourrons nous rejoindre sur cette rédaction.

Deuxième mesure, je propose que dès la promulgation de la loi, les PFAS soient pris en compte dans le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable. Cette disposition va au‑devant de la réglementation actuelle et de la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Elle permet de ne pas attendre le 1er janvier 2026 et rend obligatoire la recherche de l’ensemble des PFAS détectables. La mesure pourrait également inciter les laboratoires d’analyse à approfondir les techniques permettant de détecter de nouveaux PFAS – je vous rappelle que le droit européen ne nous obligera à rechercher qu’une vingtaine d’entre eux. La liste européenne, incomplète, n’inclut pas par exemple le TFA (acide trifluoroacétique) pourtant retrouvé massivement autour de Salindres, dans le Gard.

Le deuxième article introduit une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau, afin que les industriels à l’origine de la pollution contribuent financièrement à la dépollution, en vertu du principe pollueur-payeur. J’insiste sur le coût que va représenter la pollution aux PFAS pour nos collectivités. Dès l’entrée en vigueur du contrôle de la présence des PFAS dans l’eau, nombre de nos communes connaîtront des dépassements de la norme réglementaire. Nos collectivités devront alors consentir des investissements massifs pour traiter l’eau. La redevance que je vous propose est un premier levier pour anticiper ce mur d’investissement. J’espère que nous serons nombreux à nous retrouver sur cette disposition, déjà suggérée dans l’excellent rapport d’information de nos collègues Yannick Haury et Vincent Descœur sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique.

Nous avons l’occasion d’engager aujourd’hui une avancée dans la lutte contre les toxiques qui empoisonnent nos vies. Je sais que nous sommes observés, que certains attendent beaucoup de cette proposition de loi et j’espère que nous saurons être à la hauteur. Sur ces sujets, chaque année de perdue se compte, hélas, en vies humaines.

M. Bruno Millienne, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Claire Colomb-Pitollat (RE). Nous accueillons plutôt favorablement cette proposition de loi et souhaitons mettre en avant le travail effectué par Cyrille Isaac-Sibille pour la mission gouvernementale commandée par Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Nous souhaitons que ces polluants dits éternels soient bien mieux pris en charge. Le Gouvernement a lancé à cet effet un travail de cartographie des émissions autour des installations classées pour la protection de l’environnement. Nous souhaitons que ce travail permette une meilleure maîtrise des rejets, et saluons l’idée d’aller vers un système de redevance. Il restera à voir s’il s’agit de la meilleure solution : nous en discuterons, tant aujourd’hui que dans l’hémicycle. Nous souhaitons enfin que les discussions en trilogue au niveau de l’Union européenne – en particulier sur le règlement sur les emballages –soient stimulées par cette proposition de loi, à laquelle nous proposerons des aménagements.

M. Emmanuel Blairy (RN). Les efforts humains se sont portés au siècle dernier sur la santé ainsi que sur l’assainissement : c’est par ces deux moyens que nous avons gagné en espérance de vie. Le Rassemblement national accueille la présente proposition de loi avec beaucoup d’intérêt. Sur ce sujet majeur et délicat, nous proposerons des amendements, en espérant que nous pourrons trouver un consensus pour la séance publique. Lutter contre les PFAS, c’est augmenter notre espérance de vie et assainir notre eau. J’insiste : Londres a connu au siècle dernier un problème d’assainissement des eaux, et on a vu l’espérance de vie y diminuer en dix ans.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Nous faisons face à une pollution généralisée et persistante : les PFAS sont présents dans tous les milieux et se répandent sans discontinuer depuis les années 1940, où ils ont commencé à être produits à grande échelle. On les retrouve dans l’eau, dans l’air, dans l’ensemble des organismes, et donc dans nos corps. Toute la population française est contaminée, comme l’a rapporté Santé publique France en 2019. Cette contamination n’est pas anodine. Elle augmente directement le risque de souffrir de cancers du rein, du sein, des testicules, mais aussi de maladies thyroïdiennes et de lésions hépatiques. Il est donc urgent de mettre un terme à ce désastre écologique et sanitaire dont nous commençons à peine à prendre la mesure. La France insoumise soutient cette proposition de loi visant à interdire la fabrication, l’importation et la mise sur le marché de tout produit contenant ces polluants éternels. Le temps presse, chaque jour compte pour sauver des vies.

M. Pierre Vatin (LR). L’ennui avec les rapports, c’est que, un jour ou l’autre, les gens finissent par les lire. Dans celui qu’il nous a présenté le 6 février, notre collègue de la majorité, Cyrille Isaac-Sibille, écrivait dans ses recommandations 10 et 10 bis qu’il serait opportun d’arrêter la production et l’utilisation des PFAS en soutenant l’initiative européenne de restriction et que, si celle-ci n’allait pas assez vite, il faudrait la devancer en proposant la restriction de certains usages de ces substances, par exemple pour le fart, les cosmétiques, les textiles et les emballages alimentaires. Nous verrons si ces engagements, que la présente proposition de loi retranscrit dans son article 1er, restent valides.

Notre ligne est restée la même depuis la proposition de loi de David Taupiac : la proposition de restriction dont cinq États européens ont pris l’initiative nous semble le moyen le plus sûr d’aboutir à une régulation rapide des PFAS les plus nocifs. Mais ne soyons pas hypocrites : le contexte économique, avec la hausse du coût de l’énergie, n’est pas idéal pour soumettre le secteur de la chimie à de nouvelles contraintes. Derrière la diversion amusante du fart qui s’utilise sur les skis, ce sont jusqu’à 1, voire 3 milliards d’euros en investissements et dix ans de recherche qui sont parfois nécessaires, à l’échelle européenne, pour développer des substituts, notamment pour les emballages alimentaires et les équipements médicaux, alors même que l’État est aux abonnés absents pour ce qui est du soutien financier.

Il existe également un risque que ces restrictions ne s’appliquent qu’à nos produits et que nous continuions à importer ceux dont la production sera interdite sur notre sol. Une initiative solitaire de la France serait donc une surtransposition, condamnant nos entreprises à subir une distorsion de concurrence et nous privant de biens aux applications variées. Notre objectif est donc d’aboutir à une régulation ciblée, mesurée et différenciée des PFAS, alignée sur le calendrier européen, et dans des délais raisonnables.

Ayant toujours été favorables au levier de l’incitation, nous soutiendrons l’article 2, qui élargit l’assiette de la redevance sur l’eau aux PFAS afin d’aider les collectivités et les petites communes rurales à financer les travaux de mise à niveau des installations de traitement de l’eau, en vertu du principe pollueur-payeur. Cette idée figurait d’ailleurs dans un autre rapport sur la politique de l’eau présenté par notre collègue du groupe Les Républicains, Vincent Descœur, et M. Yannick Haury.

M. Hubert Ott (Dem). Je tiens à vous remercier, ainsi que votre groupe, monsieur le rapporteur, de mettre à l’ordre du jour le sujet si sensible des PFAS. Du fait de leur structure moléculaire extrêmement stable et non dégradable, ils sont qualifiés de polluants éternels : ils présentent donc, dans le grand cortège des substances toxiques, une dangerosité inédite. Le consensus scientifique est implacable. Ils attaquent la santé humaine dès le stade fœtal, durant la croissance et tout au long de la vie. Ils dérèglent le système immunitaire et provoquent de nombreux cancers.

Ce problème est au cœur des préoccupations de notre famille politique, comme le démontrent les alertes de Jimmy Pahun et le rapport complet et essentiel de Cyrille Isaac‑Sibille. Face à la pollution généralisée provoquée par cette famille de substances toxiques, riche de plus de 3 000 molécules, il est urgent d’agir. Toutes les industries sont concernées : chimie, électronique, alimentation, construction, énergie, secteur de la santé, secteur militaire, biotechnologies, etc. La situation nous impose de développer les alternatives, connues et identifiées par toute une série de rapports.

Les premières recommandations du rapport Isaac-Sibille, portant sur l’information du public et sur l’amélioration des mesures dans l’eau, malheureusement largement contaminée, se retrouvent en partie dans votre texte. Ce problème touche l’ensemble du continent. Le frontalier que je suis souhaite ardemment que l’Union européenne se saisisse au plus vite du problème, comme elle a commencé à le faire avec des interdictions concernant les jouets ou les emballages alimentaires.

C’est en ce sens que nous avons soutenu, monsieur le rapporteur, votre proposition de résolution sur la réforme du règlement Reach (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances), que nous attendons de pied ferme. Quelles que soient nos différences d’approche, nous voulons avancer à vos côtés. Sur un sujet aussi grave, les citoyens attendent que nos volontés convergent pour résoudre le problème.

Mme Chantal Jourdan (SOC). En dépit de leur toxicité, les PFAS sont encore peu connus du grand public. On retrouve ces substances chimiques dans de nombreux objets du quotidien – textiles, jouets, dispositifs médicaux, etc. –, dans l’environnement et dans les organismes exposés. Certains experts les considèrent comme la plus grande menace chimique du XXIe siècle. Le dernier rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) fait état d’une situation critique et recommande à l’État d’engager sans tarder les actions de maîtrise des risques les plus urgentes.

Ces substances sont associées à des risques de cancer, de dérèglements endocriniens et thyroïdiens. L’Autorité européenne de sécurité des aliments alerte également quant à leurs effets sur le système immunitaire, qui ne sont pas encore parfaitement connus et dont le suivi, comme l’a rappelé Cyrille Isaac-Sibille dans son rapport, est encore mal assuré. La recommandation 10 bis de ce même rapport précise qu’en l’absence d’avancée européenne, la France peut proposer la restriction de certains usages : fart, cosmétiques, textiles destinés à l’habillement, emballages alimentaires, papier carton. Pour prévoir des dérogations, ce projet de restriction s’appuie notamment sur la distinction entre les usages essentiels et ceux qui ne le sont pas, ainsi que sur l’existence ou non d’alternatives.

C’est pourquoi la présente proposition de loi prévoit d’interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS à l’horizon 2025 pour les produits pour lesquels un substitut peut facilement être trouvé, et 2027 pour les autres. L’article 2 s’inscrit dans la logique pollueur-payeur, en instaurant une redevance due par les acteurs rejetant des PFAS dans l’environnement.

Les socialistes remercient le rapporteur de placer cette question au cœur du débat public et soutiendront bien entendu ce texte indispensable.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Nous avons déjà discuté à plusieurs reprises des PFAS, dont les propriétés mêmes pour lesquelles ils ont été largement développés causent pollution et toxicité – à ce propos, j’ai une pensée particulière pour la commune haut‑savoyarde de Rumilly. Les questions de réglementation, d’adaptation, voire d’interdiction se posent plus que jamais. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de l’opportunité que vous nous offrez de débattre à nouveau de ce sujet essentiel, et des échanges transpartisans que nous avons pu avoir.

Les PFAS s’accumulent dans le corps et se potentialisent avec le temps. Est‑il encore nécessaire de développer davantage les dangers de ces polluants éternels ? Leur utilisation dans des domaines variés, combinée à leur caractère très persistant, entraîne une contamination de tous les milieux : l’eau, l’air, les sols ou encore les sédiments. Certains contaminent les êtres vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire, tandis que d’autres, plus mobiles, sont transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air et se retrouvent jusque dans les océans arctiques et antarctiques. Leurs effets sur la santé humaine et animale ainsi que sur les écosystèmes en sont d’autant plus préoccupants.

Cette proposition de loi a donc pour objectif de réduire l’exposition de la population à ces substances. Partageant cette préoccupation, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires Christophe Béchu a présenté un plan d’action ministériel sur les PFAS pour la période 2023-2027, qui vise à réduire les risques à la source, à poursuivre la surveillance des milieux, à accélérer la production des connaissances scientifiques et à faciliter l’accès à l’information pour les citoyens. Il est également important de rappeler le cadre réglementaire européen. Je tiens saluer le travail de mes collègues Jimmy Pahun, Cyrille Isaac‑Sibille et David Taupiac sur ces sujets.

Le groupe Horizons et apparentés, favorable à cette proposition de loi, défendra toutefois des amendements visant à en préciser certaines dispositions, notamment afin de renvoyer les producteurs à leurs responsabilités.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il y a quelques mois encore, personne ne parlait des PFAS. Le sujet est pourtant déjà connu aux États-Unis depuis 1998 – le film Dark Waters raconte cette catastrophe déjà vieille de plus de vingt-cinq ans. Cela ne fait qu’un an ou deux que nous nous sommes, ici, sérieusement emparés du sujet et je remercie le rapporteur de le mettre au cœur du débat public.

J’ai pu constater à titre personnel l’ampleur de cette pollution aux PFAS : je fais partie des quatorze députés qui se sont fait tester et, tandis que les ours polaires en ont beaucoup dans leur estomac, j’en ai moi-même beaucoup dans les cheveux. J’en ai même dix fois plus que les autres, alors que ma ville de Tours n’est pas marquée par une forte actualité industrielle : il s’agit donc peut-être de son héritage industriel, d’une pollution généralisée de l’eau, de l’air et des sols. Car nous sommes face à un océan de PFAS, qui pénètrent partout et touchent 100 % de la population. On parle de 4 000 à 12 000 PFAS différents. Certains auraient voulu que nous les étudiions molécules par molécules, mais non : c’est sans aucun doute la famille entière des PFAS qu’il faut interdire, il n’y a pas d’alternative.

Il faut agir maintenant. Le sujet est sur la table depuis vingt-cinq ans et il n’est plus temps de renvoyer à une future réglementation européenne dont rien ne nous garantit qu’elle sera suffisamment ambitieuse. Des pays ont déjà décidé d’agir : le Danemark, par exemple, a interdit les PFAS dans les emballages alimentaires. La France doit jouer un rôle moteur au cœur de l’Europe, en adoptant la proposition de loi de Nicolas Thierry. Le texte propose l’interdiction immédiate de la production de PFAS – sujet central –, des tests systématiques de l’eau, qui n’existent pas aujourd’hui, et la mise en œuvre, très importante à nos yeux, du principe pollueur-payeur. Nous voterons évidemment cette proposition de loi, en espérant que tous feront de même.

M. David Taupiac (LIOT). Nous allons laisser aux générations futures un étrange legs : les milliers de tonnes de PFAS accumulées dans l’environnement. Les molécules de cette famille présentent la caractéristique d’être à la fois antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs. Ces mêmes vertus qui font leur attrait font aussi d’elles des substances dangereuses. Elles s’accumulent sans se détériorer, au risque de nuire à notre santé et à la biodiversité. Les scientifiques redoutent une bombe sanitaire à retardement. La question ne devrait plus être de savoir si nous allons interdire les PFAS, mais quand. L’Union européenne s’attelle au sujet, mais les négociations, dont l’issue est incertaine, ne pourront pas aboutir avant 2027.

C’est pourquoi nous étions favorables à la première rédaction de la proposition de loi, qui posait une interdiction radicale à compter du 1er juillet 2027. Mais, comme le rapporteur, nous sommes prêts au compromis, pour qu’enfin aboutisse un texte sur le sujet. Serait donc interdite, dès 2025, l’utilisation des PFAS dans la fabrication des ustensiles de cuisine, des produits cosmétiques, du fart et du textile d’habillement. Pour ces produits avec lesquels nous sommes en contact direct, des alternatives existent : c’est donc un minimum.

Par ailleurs, qui va payer la facture du nettoyage des PFAS ? Les technologies de dépollution ont un coût élevé qu’il ne revient pas au consommateur d’assumer. Le texte propose donc d’assujettir les activités entraînant des rejets de PFAS au paiement de la redevance pour pollution de l’eau.

Nous soutenons donc cette proposition de loi, en espérant qu’elle ne connaisse pas le même sort que la mienne il y a un peu moins d’un an.

M. Bruno Millienne, président. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Guy Bricout (LIOT). Nous faisons face à un important enjeu de santé publique. Une certaine avancée s’est produite récemment au niveau européen – l’interdiction des PFAS pour les emballages alimentaires en contact avec les denrées en 2026, et bientôt pour les jouets – mais nous avons tout à gagner à allonger rapidement la liste de ces interdictions. Vous avez donc vu juste, monsieur le rapporteur, tout comme David Taupiac, en voulant que nous avancions rapidement au niveau national sans nous contenter du plan d’action sur les PFAS 2023-2027 du ministère de la transition écologique, qui est loin d’être à la hauteur de l’urgence. Votre texte est d’autant plus intéressant qu’il est équilibré, en ce qu’il prévoit une liste de dérogations strictement proportionnées au caractère essentiel de certains usages et qu’il affiche un calendrier réaliste prenant appui sur les alternatives déjà existantes.

Pensez-vous que les industriels seront prêts à prendre des mesures sans contrainte, sous la pression de l’opinion publique ? Quels sont d’après vous les usages dont le caractère est essentiel ?

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je suis évidemment favorable au principe pollueur-payeur, mais quelle technique précise va-t-on utiliser pour la dépollution ? Le charbon actif semble peu efficace. Des recherches sont en cours, par exemple dans les universités de Tours et d’Orléans, sur la manière dont on peut détruire ces molécules dont les liaisons sont très solides. Connaissez-vous d’autres techniques de dépollution ? C’est une question clé.

M. Pierre Meurin (RN). Nous avons pleinement conscience des difficultés posées par les PFAS et la commune de Salindres, dont on parle beaucoup, se trouve dans ma circonscription. Nous accueillons avec bienveillance cette proposition de loi dont l’objet est aussi d’exempter d’interdiction les industries qui n’ont pas encore pu s’adapter et innover pour limiter l’usage des PFAS : je pense en particulier aux ustensiles soumis à de fortes chaleurs et à des frottements, comme les ustensiles de cuisson. Comment envisagez-vous d’accompagner ces industries ? Une interdiction pure et simple, juste dans son principe, viendrait se heurter à la réalité économique et risquerait d’abîmer notre industrie.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie Nicolas Thierry pour la présentation de cette proposition de loi qui, je l’espère, sera adoptée, et sera le début d’une longue lutte pour nous désintoxiquer des PFAS. C’est une urgence de santé publique. Il faut interdire les rejets de PFAS et mieux connaître leur complexité chimique et toxicologique ainsi que la manière dont ils se diffusent. Il faut en restreindre les usages futiles pour lesquels il existe des substituts.

La France enverra ainsi un signal à l’Europe, en amont de l’avis que l’ECHA rendra dans les prochains mois. Le Gouvernement a déjà présenté un plan PFAS, a rejoint l’initiative des cinq États membres demandant une interdiction sur l’ensemble des PFAS, et a permis l’adoption, dans le cadre du trilogue, d’une restriction sur les emballages alimentaires.

M. René Pilato (LFI-NUPES). On estime à 15 milliards d’euros par an le coût de la dépollution de l’eau du robinet. Avez-vous une estimation du coût de dépollution imputable aux PFAS ?

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je vais répondre aux questions principales, une grande partie des points évoqués devant être abordés lors de la discussion des amendements. Cela me permettra de poser quelques éléments de cadrage.

La question de la toxicité est revenue plusieurs fois. Certaines substances PFAS seraient-elles toxiques et d’autres non ? Quand j’ai commencé à travailler sur ce sujet, j’ai dû m’acculturer à cette question assez technique en rencontrant des chercheurs, y compris hors de nos frontières. Ce qu’il faut comprendre, c’est que si plusieurs dizaines de ces molécules sont extrêmement persistantes dès leur conception, et par nature très difficiles à gérer, toutes les autres, une fois larguées dans l’environnement, finissent par avoir le même effet : le processus de dégradation fait que même elles se fragmentent et finissent par prendre une forme qui les rend comparables à celles qui sont persistantes dès l’origine. Bref, tous les PFAS sont préoccupants, qu’ils soient toxiques et persistants dès leur conception ou qu’ils le deviennent après dégradation ; aucun n’y échappe. C’est à cause de cette caractéristique commune que toutes les agences européennes et tous les scientifiques, comme l’indique d’ailleurs le rapport Isaac-Sibille, préconisent une approche par famille de cet enjeu sanitaire, et non substance par substance.

Concernant les usages, nous avons été très attentifs à n’inclure dans le périmètre de l’interdiction que ceux pour lesquels des alternatives sont ou seront disponibles à court terme, les autres interdictions étant échelonnées dans le temps sur la base du travail de l’Agence européenne. Nous avons donc ciblé les cosmétiques, les textiles, les emballages alimentaires et le fart de ski. Concernant les cosmétiques, les professionnels de la filière rencontrés lors des auditions nous ont dit avoir entamé ce travail de sortie des PFAS et soutenir une réglementation, dont l’entrée en vigueur à partir de 2026 ne leur poserait aucun problème. C’est le sens de l’amendement de compromis que nous avons proposé. Concernant les textiles, les auditions ont montré qu’il y avait des difficultés de substitution pour d’autres produits que les habits de sécurité auxquels nous avions pensé, s’agissant des arts de la table notamment. Les industriels nous ont cependant confirmé que l’on pouvait avancer en matière de textile d’habillement. Notre amendement de compromis précise donc ce point.

Quant au fart de ski, voilà un usage sur lequel ne subsiste aucun doute. Dans les compétitions internationales, les PFAS sont déjà interdits : ils ne restent permis qu’aux skieurs du dimanche qui descendent, comme vous et moi, leur piste verte ou noire. D’après le directeur technique national de la Fédération française de ski, le plus tôt sera généralisée l’interdiction, mieux cela vaudra. C’est en effet une pollution qu’on peut éviter tout de suite : les skieurs répandent des PFAS en descendant les pistes, la neige fond, et les substances passent dans les cours d’eau. Par ailleurs, les salariés des magasins spécialisés qui fartent les skis sont exposés aux poussières, alors que cet usage est devenu parfaitement inutile. La substitution présentait certaines difficultés pour le ski de fond, mais qui ont été aplanies.

J’en viens à une question intéressante, méritant d’être traitée tout de suite : les effets éventuels d’une réglementation sur l’industrie française. On pourrait croire que nous risquons de gêner nos industriels en leur imposant des contraintes que les autres ne subiront pas. Concernant les PFAS, la réalité est différente. Charles Fournier a rappelé qu’il y a un quart de siècle, un scandale sanitaire retentissant a explosé aux Etats-Unis, qui occupe beaucoup l’espace public. Or la pression juridique et citoyenne a poussé les industriels à s’adapter : ils ont fait de la sortie des PFAS un élément de différenciation commerciale et de compétitivité, bref, un argument de vente. En Europe et en France, le débat a émergé tout récemment, mais le sujet prend très vite et devient une préoccupation des consommateurs. Si nous attendons le processus européen, nous nous retrouverons avec des consommateurs qui cherchent des produits sans PFAS et des industriels en retard pour leur en fournir, alors que d’autres pourront leur en offrir, notamment les Américains. Une chaîne de restauration rapide américaine incontournable a, par exemple, entamé sa sortie des PFAS en 2006. Pousser les industriels à se tourner vers les substituts leur donnera demain un avantage comparatif parce que cela correspondra à un critère de choix des consommateurs.

Le projet de restriction européen vise 10 000 substances, au titre du règlement Reach, la demande ayant été présentée par les autorités danoises, allemandes, néerlandaises, norvégiennes et suédoises et enregistrée par l’ECHA en 2023. Il faut comprendre que ce processus sera long : après avoir demandé aux industriels et aux États moteurs d’envoyer des informations concernant la fabrication et la mise sur le marché de PFAS, l’Agence a reçu des milliers de contributions – c’est un des sujets qui en ont suscité le plus – que ses comités scientifiques doivent maintenant analyser et évaluer pour formuler des avis, eux-mêmes soumis à la Commission européenne, au Parlement européen et aux États membres. Même en imaginant que tous les États tombent d’accord – ce qui, entre nous, ne sera pas le cas –, une décision n’interviendrait qu’en 2027. Puis, pour les substances concernées par la restriction, dix-huit mois seraient laissés aux entreprises européennes pour s’adapter, de sorte que même dans le meilleur des scénarios, la procédure entière n’aboutirait pas avant 2029 ou 2030.

Or notre proposition de loi permet de restreindre certains usages tout de suite, évitant ainsi aux gens d’être exposés pendant tout ce temps. Au vu des enjeux de santé publique que vous avez tous reconnus, six ans sont une durée considérable. Nous vous proposons donc un texte qui établit un échéancier raisonnable et cible les secteurs disposant de solutions de remplacement à court terme, tout en fixant un horizon à plus long terme.

Un dernier mot sur la dépollution : deux techniques de filtration existent à ce jour, le charbon actif et l’osmose inversée. D’après les scientifiques, le charbon actif fonctionne pour certains PFAS, mais d’autres malheureusement y résistent. Plus efficace, l’osmose inversée est hélas assez coûteuse et énergivore et donc très difficile à déployer, notamment pour de toutes petites collectivités, confrontées à un mur d’investissements. D’où l’intérêt de couper à la source la pollution, pour restreindre autant que possible l’obligation de dépollution.

 

Avant l’article 1er

 

Amendements CD18 de M. Gabriel Amard et CD19 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). L’amendement CD18 vise à conforter notre légitimité à délibérer de cette proposition de loi. Étant moi-même rapporteur sur ce sujet pour la commission des affaires européennes, j’appelle votre attention sur l’article 129 du règlement Reach actuel, qui nous permet, au nom de la protection de nos concitoyens, de légiférer sans attendre les conclusions des travaux européens –  dont M. le rapporteur a rappelé le calendrier et l’incertitude – pour interdire la production, l’utilisation et la commercialisation des PFAS.

Cela devrait aussi rassurer les collègues qui nous renvoient souvent à une future révision du règlement Reach : nous pouvons parfaitement délibérer dès maintenant et protéger nos concitoyens de cette source de pollution tout en nous inscrivant dans le règlement existant. L’adoption de cet amendement serait donc de nature à élargir le consensus autour de la proposition de loi.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement CD19 est un amendement de repli, demandant un rapport au Gouvernement sur la possibilité au moins de recourir à l’article 129 du règlement Reach. Aux termes de ce dernier, « un État membre est fondé à estimer qu’une action d’urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l’environnement en ce qui concerne une substance […] bien qu’elle satisfasse aux prescriptions du […] règlement », auquel cas cet État « peut prendre des mesures provisoires appropriées ». Or la pollution aux PFAS constitue un cas évident de situation d’urgence. En février 2023, Le Monde publiait une étude qui recensait déjà 900 sites pollués en France, dont 108 considérés comme des hotspots, c’est-à-dire des zones où la contamination est dangereuse pour la santé. Encore ces estimations sont-elles largement en dessous de la réalité. M. Labadie, directeur de recherche au CNRS, parle de « petit bout de l’iceberg » à propos de l’état actuel des connaissances portant sur cette pollution. On l’a vu en février dernier dans la commune de Salindres, où l’on a relevé des taux records d’acide trifluoroacétique (TFA) – les plus petits PFAS connus –, cette commune recelant malheureusement aussi un cluster de glioblastomes, des tumeurs cancéreuses affectant le cerveau.

Nous sommes manifestement dans une situation d’urgence dont nous ignorons encore l’ampleur. Attendre serait une folie et un crime : ces polluants éternels s’accumulent dans nos organismes et chaque jour qui passe aggrave la situation. Une disposition nous permet d’agir vite. Il faut nous en saisir.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CD18. Établis dans la littérature scientifique, les dangers des PFAS pour la santé humaine justifient l’invocation de l’article 129 du règlement Reach de l’Union européenne (UE), permettant de faire statuer la Commission européenne sur leur interdiction.

Quant au CD19, je demande son retrait, puisque nous pourrons grâce à l’amendement de M. Amard activer l’article 129 sans attendre un rapport dont nous connaissons déjà les conclusions.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je voudrais soutenir l’amendement de Gabriel Amard. Il faut utiliser toutes les voies que permet l’UE. L’article 129 nous donne une sorte de procédure d’urgence pour agir rapidement. Beaucoup ici ont dit qu’il fallait s’en remettre à l’Union, et telle est bien la proposition qui vous est faite. J’ai également beaucoup entendu qu’il fallait veiller à ce que les industriels puissent s’adapter ; or les auditions ont montré que nombre d’entre eux avaient déjà des solutions de remplacement. Notre responsabilité est donc d’agir vite, et voilà une voie pour produire une règle rapidement.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Je suis évidemment plus favorable à l’amendement CD18 mais, au cas où il ne serait pas voté, je maintiens le CD19.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article 1er : Interdiction des substances per- et polyfluoroalkylées

 

Amendement CD85 du rapporteur et sous-amendements CD94 de M. Pierre Vatin, CD92 et CD91 de M. Pierre Meurin, CD95 de M. Pierre Vatin, CD93 et CD90 de M. Pierre Meurin ; amendements identiques CD67 de M. Cyrille IsaacSibille et CD76 de Mme Anne-Cécile Violland et sous-amendements CD87 et CD88 de M. Charles Fournier ; amendement CD74 de Mme Claire ColombPitollat et amendement CD59 de M. Pierre Vatin (discussion commune)

M. Nicolas Thierry, rapporteur. L’amendement CD85 vise à trouver un compromis sur la rédaction de l’article 1er au regard des positions exprimées par les différents groupes. Ma propre conviction, je le répète, est qu’il faut aboutir, à brève échéance, à une interdiction large des PFAS, et je rappelle les incertitudes entourant l’initiative européenne de restriction, qui prendra du temps. Toutefois, au regard de ce que proposent nos collègues de la majorité, je souhaite préserver la possibilité d’une rédaction aussi ambitieuse que possible. Je vous propose donc de décaler de six mois l’entrée en vigueur des interdictions prévues pour certains produits, de façon à laisser un délai raisonnable aux entreprises qui doivent s’organiser pour se passer de PFAS et trouver des solutions de substitution, comme le proposaient les amendements des groupes Horizons et Démocrate.

Les emballages alimentaires, intégrés à un règlement européen très prochainement adopté, sont exclus de cet amendement. Restent visés les ustensiles de cuisine, source importante d’exposition de la population et de contamination. L’interdiction visant les textiles ne devenant générale qu’à partir de 2030, seuls les textiles d’habillement seront concernés à partir de 2026, les industriels du secteur s’y disant d’ailleurs prêts et favorables. Je vous propose enfin de retirer la disposition sur l’interdiction de tout produit contenant des PFAS avant 2027, dans la perspective d’un aboutissement du processus européen qui permette une harmonisation.

La rédaction proposée par cet amendement, moins ambitieuse que la version initiale, ne reflète pas ma propre position mais ma volonté de compromis, pour que nous puissions avancer.

M. Pierre Vatin (LR). Je remercie le rapporteur pour cette réécriture. Toutefois, des réglementations sectorielles en cours d’adoption vont venir encadrer l’utilisation des PFAS pour les quatre usages ciblés par les alinéas 7 à 11 de la proposition de loi. L’ECHA a remis en mars son avis sur l’utilisation des PFAS dans le fart et les cosmétique, et le fera en septembre pour les emballages alimentaires et les textiles. Il est donc proposé de poser comme condition à l’entrée en vigueur des interdictions prévues par l’amendement du rapporteur leur conformité aux réglementations et avis européens existants.

M. Pierre Meurin (RN). Le sous-amendement d’appel CD92 est fondé sur l’idée que si l’on interdit la fabrication et la commercialisation des PFAS, on en interdit évidemment l’importation. Quand la France crée des normes, si justes soient-elles, cela a systématiquement pour effet de créer une concurrence déloyale avec les acteurs étrangers. Comment contrôlerons-nous l’absence de PFAS dans les produits que nous importerons ? L’interdiction risque de créer un coût de revient plus important pour les produits français, aggravant le problème de la concurrence déloyale sans régler le problème sanitaire.

Le sous-amendement CD91, pour des considérations pratiques issues des auditions, propose d’exclure de la rédaction du rapporteur les ustensiles soumis à de fortes chaleurs ou à des frottements, puisque là encore, les industriels ne sont pas prêts.

M. Pierre Vatin (LR). Le sous-amendement CD95 propose d’introduire les mots : « ajoutées intentionnellement et dont le profil toxicologique préoccupant pour la santé est avéré ». Il s’agit de nous aligner sur la réglementation européenne, dont les dispositions ciblées, proportionnées et différenciées en fonction de la dangerosité des PFAS ne visent que les substances ajoutées intentionnellement au cours du processus de production, indépendamment de la pollution historique.

M. Pierre Meurin (RN). Le sous-amendement CD93 permet d’élargir les dérogations dont doivent bénéficier les vêtements de protection des professionnels de la sécurité et de la sécurité civile à d’autres professions, définies par décret. En effet, des vêtements de protection contenant des PFAS sont également utilisés dans l’industrie ou le BTP, pour lesquels il n’existe pas forcément de produits de substitution.

Le sous-amendement CD90 prévoit que des possibilités de dérogation à l’article sont fixées par décret.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Monsieur le rapporteur, nous pouvons trouver un accord sur le fart et les cosmétiques, ainsi que sur les textiles d’habillement, même si l’on sait que les vêtements livrés depuis l’étranger seront difficilement contrôlables. Restent les produits en contact avec les aliments. Pour les emballages alimentaires, l’amendement CD67 vous propose de reprendre l’accord adopté par l’Europe et qui n’est pas encore publié, par souci de cohérence. Concernant les ustensiles, il faut entrer dans la complexité chimique. Il existe en effet deux familles de PFAS, les monomères, qui sont toxiques, car tensioactifs, et les polymères, qui sont inertes. Il convient de pousser la recherche sur la possible dégradation des polymères avant de les interdire.

Mon amendement rejoint donc le vôtre concernant le fart, les cosmétiques, les textiles et les emballages alimentaires, mais non les ustensiles de cuisine. Je rappelle que l’adoption de l’un de ces deux amendements en ferait tomber beaucoup d’autres.

Par ailleurs, votre rédaction n’aborde malheureusement pas la question de la présence non intentionnelle de PFAS dans un produit, manque qui a pourtant été déploré au cours des auditions. On sait que les PFAS sont partout : même s’ils n’en utilisent pas délibérément, il est donc difficile pour les industriels de garantir que leurs produits n’en contiennent pas.

Voici en tout cas un amendement sur lequel nous pourrions trouver un accord.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le groupe Horizons souhaite vraiment une harmonisation à l’échelle européenne, même s’il peut arriver que nous soyons mieux-disants. Nous appelons à la prudence concernant le calendrier : à trop vouloir accélérer, on risque d’aboutir à des conséquences plus graves que ce qu’on voulait éliminer au départ. Il faut penser les actions dans une temporalité raisonnée. L’amendement CD76, identique à celui de Cyrille Isaac-Sibille, vise donc un alignement sur les règlements européens s’agissant des emballages en contact avec les denrées alimentaires. Il s’agit de tenir compte de l’existence ou non de solutions de rechange : quand il n’en existe pas, il faut prendre le temps de penser les choses. Pour les cosmétiques et le fart, l’interdiction interviendrait au 1er janvier 2026, laissant aux filières un temps d’adaptation. Pour les textiles, vu la loi votée il y a quinze jours, tenir compte de leurs composants est une nécessité absolue, mais il faut une fois encore laisser à la filière le temps de s’adapter aux nouvelles dispositions.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il est bon d’être prudent, mais pas plus prudent que les industriels eux-mêmes, dont beaucoup sont favorables à ce que nous agissions dès maintenant. Peut-être aurait-il fallu procéder à des auditions collectives pour que tout le monde l’entende. Le rapport Isaac-Sibille, qui fait référence sur le sujet, affirme que même pour les ustensiles de cuisine, les PFAS ne sont pas essentiels, et que des alternatives existent. Pour ne parler que des poêles, nous en avons tous chez nous qui n’ont pas de revêtement contenant des PFAS – ou alors je vous invite à aller en acheter rapidement ! Le sous‑amendement CD87 soumet donc les ustensiles de cuisine au même régime d’interdiction que les cosmétiques et le fart.

Le sous-amendement CD88 fait de même pour la filière textile. En effet, les industriels nous disent être prêts. La seule exception concerne les vêtements de protection destinés aux professionnels de la sécurité et de la sécurité civile, pour lesquels il n’existe pas à ce jour de substitut efficace. L’excès de prudence de mes collègues risque de repousser l’interdiction dans un avenir trop éloigné. La population attend que nous agissions. Il y a eu suffisamment de scandales dans l’histoire. Il faut quatre-vingt-dix jours pour créer une nouvelle molécule et parfois vingt ans pour l’interdire ! Il est urgent d’agir et nécessaire d’intégrer textiles et ustensiles de cuisine au périmètre de l’interdiction. Je voudrais saluer l’esprit d’ouverture du rapporteur dont l’amendement propose un compromis tout à fait acceptable.

Mme Claire Colomb-Pitollat (RE). L’amendement CD74 participe de la volonté d’harmoniser la réglementation à l’échelon européen et se cale donc sur les révisions en cours du droit communautaire. Nous saluons cependant le compromis présenté par Cyrille Isaac‑Sibille, qui tient compte des nouvelles propositions du rapporteur, et nous serons favorables à son amendement.

M. Pierre Vatin (LR). L’amendement CD59 procède de la même idée : harmoniser et homogénéiser la réglementation au niveau européen afin de protéger notre santé tout en évitant la distorsion de concurrence qui surviendrait si l’on devait importer des substances interdites en France, mais autorisées ailleurs.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Pour les raisons que je vous ai exposées et contrairement à ce que propose le sous-amendement CD94, je ne veux pas conditionner l’interdiction à des actes ou avis de l’UE, d’autant que les seconds n’ont pas de portée normative : une agence comme l’ECHA en formule également, sans effet normatif. Inversement, les règlements européens s’appliquent de plein droit, sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi. Avis défavorable.

Le sous-amendement CD92 veut supprimer l’interdiction d’importation des produits énumérés, faute de moyens pour les contrôler. Mais il faut faire confiance aux administrations de l’État. Elles ont les moyens de contrôler les marchandises, même importées, comme elles le font d’ailleurs pour d’autres types de produits retirés du marché français : le bisphénol A, certains colorants comme l’E171 – que nous avons interdit avant l’Europe – ou encore la viande contenant des hormones de croissance – interdite encore une fois en France sans attendre l’Europe. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) fait un travail formidable. Ses équipes ont toujours su protéger les consommateurs français, ce dont témoigne son compte rendu d’activité, que j’invite chacun à consulter. J’ai pleinement confiance en leur capacité à contrôler les produits. Avis défavorable.

Le sous-amendement CD91 propose d’exclure les dispositifs chauffants et les éléments soumis à des frottements de l’interdiction mentionnée à l’alinéa 8. Il me paraît important de ne pas les exclure afin d’encourager les professionnels à trouver le plus rapidement possible des substituts aux PFAS utilisés dans ces appareils. Il ne s’agit que d’accélérer une évolution en cours chez les industriels, qui permettra, sans poser de problèmes fondamentaux, de protéger un peu plus vite la santé publique.

Le sous-amendement CD95 propose de réserver l’interdiction aux PFAS dont la toxicité pour la santé a été démontrée. Cela va à l’encontre de la littérature scientifique, qui établit que l’ensemble de la famille des PFAS représente un danger, compte tenu des processus de dégradation que j’évoquais tout à l’heure. Tous présentent un caractère de persistance dans l’environnement qui conduit les scientifiques à les considérer comme des substances préoccupantes. Avis défavorable.

Le sous-amendement CD93 vise à élargir la liste des dérogations à certaines professions définies par décret. Mon avis est défavorable car la dérogation à l’interdiction doit rester limitée et surtout être liée aux produits eux-mêmes.

Le sous-amendement CD90 laisse trop d’incertitude quant au périmètre des dérogations qui pourraient être définies par décret. Mon amendement CD85 ne prévoit pas de dérogation à caractère général, la seule exception concernant les textiles d’habillement.

Les amendements identiques CD67 et CD76 manquent d’ambition en reportant à 2030 l’interdiction des PFAS dans tous les produits textiles, en dépit des alternatives existantes et de la volonté des industriels de limiter, voire de supprimer la présence de PFAS s’agissant des vêtements. Il serait pour le moins étrange d’être moins exigeant que la filière, qui est prête à sortir des PFAS dès 2026. Rappelons que le secteur textile est une source importante de contamination de l’environnement par les PFAS.

En outre, ces amendements visent à aligner l’interdiction de la présence de PFAS dans les emballages alimentaires sur le règlement européen en cours de discussion, sans préciser les contours de cette interdiction. Nous tenons au contraire à ce que des efforts soient réalisés dans différents secteurs dès maintenant, indépendamment des discussions européennes, qui seront très longues. Par ailleurs, si un règlement européen exclut la présence de PFAS dans les emballages, il serait absolument inutile de le mentionner aussi dans la loi.

Mon avis sur ces amendements est donc défavorable. En revanche, je suis favorable aux sous-amendements CD87 et CD88 du groupe Écologiste visant à ajouter les ustensiles de cuisine et les textiles d’habillement à la liste des produits dans lesquels la présence de PFAS est interdite dès 2026.

Quant à l’amendement CD74, j’y suis opposé pour au moins deux raisons. Il ne me semble pas utile de reprendre dans la loi les dispositions du règlement européen sur les emballages qui va être adopté. En outre, aucune interdiction n’est proposée dès 2025, à rebours de l’objet même de la proposition de loi et d’ailleurs des préconisations du rapport Isaac-Sibille.

Enfin, l’amendement CD59 limite lui aussi l’interdiction aux PFAS dont la toxicité est démontrée. Encore une fois, cela va à l’encontre de la littérature scientifique qui considère que l’ensemble des PFAS représentent un danger en raison de leur persistance. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je soutiens l’amendement de compromis présenté par le rapporteur. Au sujet de la fast fashion, nous avons démontré notre capacité à trouver un consensus sur un texte, même s’il est moins ambitieux que ce que nous aurions souhaité. Il en va de même pour la présente proposition de loi : le rapporteur a revu son ambition pour parvenir à un compromis. La réécriture qu’il propose est équilibrée et réaliste puisqu’elle tient compte du point de vue des industriels et de ce qu’il est possible de faire aujourd’hui.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). J’invite tous ceux qui cherchent à circonscrire les PFAS visés par l’interdiction à lire le rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, dans lequel sont établis les liens entre PFAS et cholestérol, diminution du poids à la naissance, perturbation du fonctionnement du foie et moindre réponse aux vaccins pour les enfants. Méditons bien cela avant de nous prononcer.

Le groupe de La France insoumise votera votre amendement, monsieur le rapporteur, car il faut avancer. Nous aurions évidemment préféré conserver la rédaction initiale, qui répond mieux à notre exigence d’agir vite et bien. La commission des affaires européennes aura l’occasion d’y revenir puisque le règlement Reach nous permet de légiférer maintenant, de sorte que le calendrier que vous préconisiez, avec des interdictions dès 2025 et 2027, soit tenu. Nous regrettons également que la mention de « tout produit destiné à entrer en contact avec les denrées alimentaires » ait disparu dans la nouvelle rédaction.

M. Pierre Vatin (LR). À vouloir ainsi anticiper la réglementation européenne, n’y a-t-il pas un risque de sutransposition, contre lequel nous nous évertuons à lutter par ailleurs ?

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nombre d’intervenants se réfèrent à mon rapport.

J’insiste sur la distinction entre monomères et polymères. Les premiers, tensioactifs, sont dangereux pour la santé ; les études sont moins affirmatives sur les seconds. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour comprendre de quelle manière ils se dégradent. Je rappelle que tous les tuyaux, les joints, les vannes, etc. soumis à des contraintes de pression ou de chaleur sont fabriqués avec des polymères.

Nous sommes d’accord sur l’interdiction des monomères, que ce soit dans les farts, les cosmétiques, les textiles ou les emballages alimentaires. Les ustensiles de cuisine, eux, sont composés de polymères dont on ignore le devenir exact. Je n’ai jamais écrit dans mon rapport qu’il existait des substituts à ces polymères. Leur interdiction pourrait donc avoir des conséquences industrielles.

M. David Taupiac (LIOT). Je veux dire mon étonnement devant des amendements qui fixent des seuils de concentration au-dessous desquels les PFAS restent autorisés. Je pourrais le comprendre pour des molécules dégradables, mais comment serait-ce envisageable pour des molécules persistantes, qui, de surcroît, s’accumulent ?

M. Pierre Cazeneuve (RE). Je remercie le rapporteur pour l’esprit d’ouverture dont il fait preuve en proposant une réécriture.

Nous sommes tous d’accord pour accélérer. D’autres points font consensus, et nous pouvons nous en féliciter : l’interdiction au 1er janvier 2026 pour les produits cosmétiques et de fart ; l’interdiction au 1er janvier 2030 pour les produits textiles ; la conformité au règlement Reach pour les emballages.

Il reste des points de divergence. J’aurais préféré que la discussion ait lieu en amont de la commission. L’amendement de réécriture nous est parvenu tardivement hier – ce n’est pas un reproche, je connais les contraintes de la fabrication de la loi, mais nous aurions pu travailler à un amendement commun.

Je fais confiance néanmoins à l’excellent professeur Isaac-Sibille pour savoir, sur l’interdiction des PFAS, placer le curseur au bon endroit. Les amendements CD67 et CD76 me paraissent proposer le meilleur équilibre possible sur le sujet, mais nous pouvons encore discuter d’ici à la séance.

M. Olivier Becht (RE). Autant les monomères sont dangereux pour la santé, autant nous avons besoin des polymères fluorés, notamment dans la fabrication des matériels médicaux et des semi-conducteurs. Prenons garde à ne pas nous tirer une balle dans le pied.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il ne peut y avoir surtransposition dès lors qu’il n’existe pas encore de texte européen. La proposition de loi doit être ambitieuse pour servir d’aiguillon pour la future réglementation européenne.

Certains affirment que l’utilisation des polymères ne pose pas de problème. On sait, en revanche, que leur dégradation en pose – il peut en résulter une production incontrôlée de PFAS. Pour vous en persuader, je vous recommande les travaux de Ian Cousins, spécialiste européen des PFAS. En outre, l’Agence européenne des produits chimiques rappelle dans sa proposition les risques liés aux polymères et à leur dégradation en monomères. L’OCDE, qui a établi une définition des PFAS, est sur la même ligne.

L’excellent rapport de M. Isaac-Sibille conclut à la nécessité d’une réglementation qui a pour but de restreindre la famille des PFAS plutôt que de travailler substance par substance. Il invite également à s’appuyer sur la définition des PFAS proposée par l’OCDE, qui inclut toutes les substances comprenant des polymères fluorés. En bon élève, je n’ai fait que reprendre ces recommandations.

La commission rejette successivement les sous-amendements portant sur l’amendement CD85, qu’elle adopte.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 1er à 13 tombent.

 

Amendement CD62 de M. Pierre Vatin

M. Pierre Vatin (LR). Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur les contrôles qu’il compte instaurer pour faire respecter l’interdiction d’importation de produits contenant des PFAS. Cette question, d’autant plus pertinente si nos voisins européens n’appliquent pas l’interdiction, est l’un des angles morts de la proposition de loi.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Ma position sera constante sur les demandes de rapport, qu’il ne me semble pas utile de multiplier : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD44 de M. Pierre Meurin

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je suis bien sûr opposé à la suppression du II de de l’article 1er, qui a pour objet de généraliser la surveillance de la présence de PFAS dans l’eau potable dès la promulgation de la loi. Ce contrôle devrait être obligatoire en 2026, mais cela signifie qu’un temps précieux sera perdu pour faire des mesures et quantifier ces substances.

Face à l’inquiétude croissante dans tous les territoires, nourrie notamment par les révélations de plusieurs enquêtes journalistiques, nous devons la transparence à nos concitoyens. Pour un territoire touché par une pollution, rester dans le doute jusqu’en 2026, c’est une éternité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD78 du rapporteur.

 

Amendement CD25 de M. Jorys Bovet

M. Jorys Bovet (RN). Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à substituer au terme « potables » ceux de « destinées à la consommation humaine ».

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Votre rédaction ne modifie en rien le sens de l’alinéa. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD79 du rapporteur.

 

Amendement CD69 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement a pour objet de ne pas limiter les substances recherchées dans l’eau aux vingt PFAS listés dans la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Vous voulez fixer par décret la liste des PFAS contrôlés. Or l’objectif est de pouvoir contrôler tous les PFAS et de laisser aux autorités sanitaires des territoires la capacité de rechercher des polluants éternels spécifiques en fonction de l’histoire économique et industrielle locale – nous avons déjà évoqué la pollution liée au TFA à Salindres dans le Gard. Mon avis est défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’histoire industrielle des territoires est importante. Dans mon cas personnel, on ne trouve pas forcément de lien entre mon taux de contamination aux PFAS, dix fois plus élevé que celui de certains collègues, et mon territoire. On sait cependant que celui-ci a connu, il y a trente ans, un accident industriel majeur qui a nécessité une utilisation massive de mousses anti-incendie, et que l’eau potable a été coupée pendant huit jours pour 200 000 habitants. C’est une hypothèse parmi d’autres qui peut expliquer ma contamination.

Il est indispensable de pouvoir explorer de manière très large la présence des PFAS.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est souhaitable de ne pas se limiter aux vingt PFAS reconnus par la directive, pour tenir compte certes de l’histoire des territoires, mais aussi du processus de dégradation. Je suis presque plus ambitieux que vous !

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, je ne suis pas sûr de comprendre les raisons de votre opposition à l’amendement, qui me semble plutôt aller dans le bon sens. Pouvez-vous préciser ?

M. Nicolas Thierry, rapporteur. J’ai l’impression qu’avec ses arguments, M. Isaac‑Sibille défend plutôt ma rédaction ! Je propose de laisser aux autorités de contrôle régionales la liberté d’investiguer et de contrôler la présence d’un maximum de polluants éternels. La liste dont il demande l’établissement par décret sera nécessairement plus restrictive. Nous partageons le même objectif : trouver le plus grand nombre de PFAS, certains étant circonscrits à des zones particulières. Je ne comprends pas bien l’objet de notre discussion car il me semble que nous sommes d’accord, auquel cas il ne faut pas toucher à notre rédaction.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ma rédaction ne retire rien, elle ajoute. Vous voulez restreindre, libre à vous de donner un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD11 de Mme Chantal Jourdan et CD33 de M. Jorys Bovet (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement vise à cartographier les principaux sites et communes concernés par une pollution aux PFAS.

En Europe, on recense 17 000 sites contaminés – au-delà de 10 nanogrammes par litre –, dont 2 100 à des niveaux dangereux pour la santé. Il s’agit d’affiner ce travail pour le territoire national.

Cet amendement est inspiré de la recommandation 8 du rapport de l’Igedd concernant l’analyse des risques de présence de PFAS dans l’environnement, ainsi que du rapport de M. Isaac-Sibille.

La cartographie sera mise à jour annuellement.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Créer une cartographie des sites ayant pu émettre des PFAS me semble une idée très pertinente afin de mesurer les risques qu’encourt la population. Cela permettrait également au Gouvernement de définir une liste des communes les plus exposées. Avis favorable à l’amendement CD11, le CD33 étant moins précis.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Cette demande n’est-elle pas déjà satisfaite par la classification et le régime applicables aux sites susceptibles de rejeter des polluants éternels ? Je pense notamment aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je soutiens l’amendement CD11. Les PFAS évoluent dans le temps. Il en existe entre 4 000 et 12 000 et la réglementation évoquée ne couvre pas forcément tous les usages.

J’en profite pour saluer le travail de cartographie exceptionnel mené par un consortium de journalistes, parmi lesquels Stéphane Horel, du journal Le Monde. Les quelques erreurs que ce travail comporte s’expliquent par le fait que les données fournies par l’État n’étaient pas toujours exactes. Il faut donc un travail approfondi, et cette cartographie me paraît plus que nécessaire. Je vous invite à aller regarder ce qui existe déjà pour savoir ce qu’il en est pour votre territoire : les sites de concentration de PFAS apparaissent en rouge. Sur la carte européenne, il y a du rouge partout ! Cela montre le caractère généralisé de cette pollution.

La cartographie doit permettre de répertorier les sites de production, mais également de diffusion des PFAS. Grâce à la généralisation des tests prévue dans l’article 2, nous aurons également une meilleure connaissance de la présence de PFAS dans les territoires.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Pour répondre à M. Cazeneuve, il n’est pas proposé de cartographier que les sites, mais également les communes les plus exposées. Or certaines n’ont pas proprement d’ICPE sur leur territoire.

La commission adopte l’amendement CD11.

En conséquence, l’amendement CD33 tombe.

 

Amendement CD22 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Nous souhaitons que le contrôle de la qualité de l’air prenne lui aussi en considération la présence de PFAS.

Les PFAS sont partout, y compris dans les aliments. On peut imaginer que la pollution de l’air par les PFAS soit tout aussi néfaste que la contamination de l’eau. À cet égard, nous prônons la tolérance zéro pour les émissions de PFAS, qu’il s’agisse des cheminées de sites de production ou des incinérateurs de déchets ménagers – pollution effective dès lors que la température est inférieure à 1 400 degrés. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. La présence de PFAS dans l’air n’est pas contrôlée aujourd’hui, faute de méthodologie. Leur persistance ainsi que la sensibilité de la population à ces polluants dans l’air sont des phénomènes mal connus.

L’Atmo Auvergne Rhône-Alpes, qui est l’observatoire de la qualité de l’air de la région, développe actuellement une méthodologie qui devrait ensuite être déployée dans les autres régions.

J’émets un avis favorable car il me semble très utile, pour mieux connaître l’exposition de la population, de pouvoir contrôler la présence de PFAS dans l’air et de les quantifier, à l’instar de ce qui va être fait pour l’eau potable.

Mme Claire Colomb-Pitollat (RE). Soyons prudents. Laissons le temps aux Atmo de développer des outils. Il est préférable de demander au Gouvernement de traiter le sujet dans le cadre du plan d’action PFAS en renforçant le rôle des Atmo.

Les structures de surveillance de la qualité de l’air sont régionales. Leurs outils s’adaptent aux pollutions de leur territoire. L’Atmo Auvergne Rhône-Alpes a commencé un travail sur le sujet, laissons les structures développer leur expertise avec le soutien de l’État.

L’amendement, qui tend à rendre le contrôle obligatoire, me semble prématuré.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Il s’agit seulement de contrôler l’air pour connaître les émanations de PFAS. Ce n’est pas contradictoire avec le travail mené au plan régional.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Nous sommes aujourd’hui freinés par la métrologie : les technologies pour détecter et mesurer ces substances dans l’air ne sont pas encore au point. L’Atmo Auvergne Rhône-Alpes mène un travail sur le sujet. Faisons confiance à nos scientifiques. Une fois que la méthodologie sera mise au point, elle pourra être déployée dans les autres régions puis intégrée dans les plans de protection de l’atmosphère, voire dans le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa).

L’amendement est donc prématuré pour des raisons scientifiques. Il ne faut pas y voir une position politique : si l’on veut être responsable, il faut laisser l’Atmo Auvergne Rhône-Alpes poursuivre son travail. Une fois que l’outil sera prêt, nous pourrons militer auprès du ministère pour son déploiement au niveau national.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il y a toujours une raison technique pour ne pas faire ! Sur ces sujets, le pied est plus souvent sur le frein que sur l’accélérateur.

Si vous considérez que c’est important, proposez un sous-amendement fixant un délai de mise en œuvre, plutôt que de vous en remettre à une hypothétique solution. Travaillons d’ici à la séance publique pour préciser les conditions dans lesquelles cette ambition peut se réaliser, au lieu de renoncer devant l’incertitude. La santé humaine est en jeu. Nous devons trouver une solution.

M. Bruno Millienne, président. Tout le monde est d’accord pour mesurer les PFAS dans la pollution de l’air. M. Fugit a raison : il n’y a aucun intérêt à voter une mesure qui n’a aucune chance de s’appliquer. Je vous invite à vous rapprocher du rapporteur pour trouver un délai raisonnable d’ici à la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD12 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à prévenir les risqués liés aux PFAS grâce à une campagne nationale de sensibilisation. Les scientifiques, et notamment l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), nous alertent sur les risques que les PFAS représentent pour la santé. Ces substances, qui sont utilisées dans de nombreux produits de la vie courante, peuvent favoriser le développement de cancers et l’infertilité, avoir des effets sur le développement du fœtus, ou encore entraîner des problèmes endocriniens ou immunitaires. Leur effet le plus dangereux, aux yeux de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, est la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination. Cette mesure est issue d’une recommandation de l’Igedd.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Vous demandez un rapport sur la mise en œuvre d’une campagne nationale de sensibilisation aux PFAS. S’il est important d’informer la population, il faut veiller à ne pas multiplier les demandes de rapport. En outre, cet amendement supprimerait la seule demande de rapport contenue dans la proposition de loi, sur un sujet lié au contrôle sanitaire de l’eau potable. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CD15 et CD14 de M. Emmanuel Blairy

M. Emmanuel Blairy (RN). Après le temps de l’interdiction viendra celui de la dépollution, qui est complexe et très coûteuse, comme on le voit notamment aux États-Unis et en Chine. L’amendement CD15 vise à intégrer dans le rapport prévu à l’alinéa 16 une étude sur la dépollution.

Le CD14 a pour objet d’étendre le champ du rapport aux émissions de PFAS dans l’atmosphère, qu’il convient de surveiller et de limiter afin de réduire leur impact sur l’environnement et la santé humaine.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Le rapport pourrait certes aborder de nombreux sujets, mais je souhaite qu’il conserve son objet initial, qui est de déterminer les nouvelles valeurs de référence pour le contrôle sanitaire ou, du moins, d’indiquer comment les agences sanitaires peuvent mettre à jour les valeurs de référence et en déterminer de nouvelles. Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD45 de M. Pierre Meurin

M. Pierre Meurin (RN). Le groupe Solvay, qui a une usine à Salindres, a lancé un plan pluriannuel d’investissements de 20 millions d’euros sur cinq ans pour le traitement des déchets et l’amélioration des canalisations et des systèmes de traitement des effluents. Ces mesures limiteront la pollution future aux PFAS, mais la pollution existante demeurera, à l’image de la montagne de déchets de Salindres. Le Gouvernement doit donc définir une stratégie et établir une feuille de route en matière de dépollution, et non pas seulement soumettre les industriels à des mesures d’interdiction.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Comme je l’ai indiqué, je souhaite que la demande de rapport garde son objet initial. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement l’amendement CD46 de M. Pierre Meurin et les amendements CD2 et CD3 de Mme Christelle Petex.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

Article 1er bis (nouveau) : Rejets de substances per- et polyfluoroalkylées par les installations classées pour la protection de l’environnement

 

Amendements CD70 de M. Cyrille Isaac-Sibille et CD10 de M. David Taupiac (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’urgence, à mes yeux, consiste à interdire les rejets et à traiter l’eau que boivent nos concitoyens. On connaîtra bientôt les résultats du plan gouvernemental de surveillance des rejets aqueux de 5 000 ICPE. La question est de savoir si l’on continue à admettre les rejets de PFAS alors qu’il existe des moyens de les éviter. Dans le Rhône, deux usines ont rejeté massivement des PFAS pendant des décennies jusqu’à ce qu’un arrêté préfectoral soit pris, à la suite des révélations de mai 2022, imposant à ces installations chimiques une restriction de leurs rejets par paliers, suivant un certain calendrier. De la même façon, un arrêté ministériel pourrait être pris pour réduire progressivement ces rejets à l’échelle nationale, jusqu’à leur suppression.

M. David Taupiac (LIOT). Le plan d’action de 2023 a établi une feuille de route visant à déterminer le niveau des rejets des sites classés ICPE. À cette fin, un arrêté de juin 2023 a imposé aux industriels de réaliser des analyses et de déclarer les PFAS qu’ils utilisent. L’amendement CD10, que j’avais déjà présenté l’année dernière, vise à ce que les rejets aqueux et les effluents gazeux respectent des valeurs limites à partir du 1er janvier 2025, soit un an et demi après l’entrée en vigueur de l’arrêté – on avait alors estimé qu’il faudrait environ un an pour collecter ces données. L’objectif est de tendre vers zéro en attendant l’interdiction totale de production des PFAS.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Monsieur Isaac-Sibille, votre amendement vise à interdire les rejets aqueux d’un certain nombre d’ICPE selon un calendrier fixé par décret. Le principe est louable, mais je ne suis pas favorable à la rédaction de votre amendement, pour deux raisons. D’abord, vous renvoyez au décret la définition des paliers de réduction, ce qui n’offre aucune garantie quant à l’ambition de la mesure. Ensuite, vous ne vous appuyez pas sur une stratégie visant à faire cesser, à terme, les émissions de PFAS par les ICPE. Pour ces raisons, votre amendement paraît quelque peu incantatoire. On ne peut que souhaiter la disparition des rejets dans un avenir proche, mais une stratégie d’ensemble et d’autres mesures législatives sont nécessaires. Avis défavorable.

Monsieur Taupiac, vous aviez déjà fait cette proposition l’année dernière, avant même que le ministère de la transition écologique ne commence sa campagne de mesure ponctuelle des rejets des ICPE. Il serait en effet intéressant que ce processus conduise à fixer des limites de rejets de PFAS. Sagesse.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Monsieur le rapporteur, je ne vous suis absolument pas. Allez-vous rencontrer les gens qui vivent aux alentours d’une ICPE ? Ce qu’ils demandent, avant toute chose, c’est l’arrêt des rejets. Je ne comprends pas que le député écologiste que vous êtes accepte que les industriels continuent à rejeter des PFAS. Vous souhaitez taxer les industriels sur la base de leurs rejets. Moi, j’entends que l’urgence, pour nos concitoyens, est de les faire cesser, ce à quoi nous sommes parvenus dans le Rhône. C’est pour cela que mon amendement n’est pas incantatoire : si on l’a fait dans le Rhône, pourquoi pas à l’échelle du pays ? Pourquoi une telle réserve ? Je me pose vraiment des questions sur votre avis défavorable.

Mme Claire Colomb-Pitollat (RE). Monsieur le rapporteur, j’ai le sentiment que la disposition proposée par M. Isaac-Sibille compléterait vos travaux sur la redevance. Certes, un décret prendra un peu de temps, et nous n’avons pas de visibilité sur les interdictions qui seront prononcées. Votre redevance sera d’application plus rapide, mais elle conduira à faire payer les industriels pour leurs rejets, pas à interdire ces derniers. Avec les deux dispositifs, on aurait une double sécurité.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Plutôt que de l’adosser aux rejets, il faudrait faire reposer la redevance sur les quantités d’eau prélevées par les industriels sur les réseaux d’eau potable ou en milieu naturel. En effet, grâce à la proposition de loi, il y aura de moins en moins de rejets polluants, alors que nous aurons besoin de fonds substantiels pour financer les actions de dépollution que mèneront les autorités organisatrices pendant des décennies. J’appelle donc à ce que nous travaillions de manière transpartisane, d’ici à la séance publique, pour modifier en ce sens l’assiette de la redevance.

M. Pierre Cazeneuve (RE). L’amendement de M. Isaac-Sibille est ambitieux et opérationnel. J’ai pris acte de vos réserves, monsieur le rapporteur, et respecte votre expertise sur le sujet, mais je propose, comme vous le faites d’ailleurs souvent, que nous adoptions l’amendement en l’état et que nous revoyions collectivement sa rédaction d’ici à la séance publique pour opérer les modifications qui s’imposeraient. Nous partageons en effet une même volonté, et il semble que cet amendement compléterait utilement votre texte. Les trois groupes de la majorité seront à votre écoute pour rendre le dispositif le plus efficace possible.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. La rédaction de l’amendement soulève une autre difficulté : elle ne précise pas si toutes les ICPE sont concernées, ou seulement les installations correspondant aux rubriques de la nomenclature citées dans le texte.

Monsieur Isaac-Sibille, on peut relever une contradiction assez notable dans vos prises de position – plus forte, en tout cas, que celle que vous croyez discerner dans mes propos. En effet, vous demandez aux industriels de ne plus rejeter de PFAS, mais en les autorisant dans le même temps à continuer à en produire, puisque vous refusez d’interdire les PFAS dès 2027 et d’anticiper l’application en France de la réglementation européenne ! Or le meilleur moyen d’éviter les rejets de PFAS est bien d’arrêter d’en produire.

Je suis prêt à travailler sur votre amendement d’ici à la séance publique, mais ne me faites pas endosser une position qui est à l’opposé de mes convictions.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mais si, puisque votre avis est défavorable !

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Ne doutez pas une seconde que je souhaite que les industriels cessent de polluer et de rejeter les PFAS. Ce serait un mauvais procès, et peu crédible. Mon avis est défavorable en raison de la rédaction de votre amendement qui, je le répète, est incantatoire, faute de garanties quant à l’ambition de la mesure et de stratégie pour sortir des PFAS. Puisque nous sommes d’accord sur le principe, essayons de trouver une rédaction satisfaisante d’ici à la séance.

La commission adopte l’amendement CD70.

En conséquence, l’amendement CD10 tombe.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CD23 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons que les exploitants des ICPE utilisant, produisant, traitant ou rejetant des PFAS dressent une liste publique des substances concernées et réalisent une campagne d’identification et d’analyse des PFAS sur chaque point de rejet dans l’air. Nous entendons ainsi répondre à une recommandation de l’Igedd qui appelle à une identification nationale des sites potentiellement émetteurs de ces substances. L’Inspection relève que la réglementation nationale des émissions industrielles encadre beaucoup trop peu les rejets de PFAS et que le dispositif de surveillance est largement lacunaire, notamment parce qu’on ne tient aucun compte de la présence des PFAS dans l’air.

Nous sommes, ni plus ni moins, en présence d’un scandale sanitaire. Le plan PFAS présenté par le Gouvernement en janvier 2023 proposait que l’on commence à surveiller les rejets en 2026 – comme si on avait le temps, alors que ces substances s’accumulent dans nos organismes, puisqu’elles ne se détruisent pas naturellement, et provoquent cancers et baisse de l’immunité ! De surcroît, elles s’agglomèrent dans tous les milieux, y compris dans l’air. Actuellement, rien n’est fait, ne serait‑ce que pour nous permettre de prendre la mesure de la situation.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il est important que l’on connaisse précisément les PFAS utilisés et que les listes soient mises à jour régulièrement. Il semble tout aussi nécessaire de mesurer les rejets des installations dans l’atmosphère, ce qui permettrait de les limiter ou, à tout le moins, améliorerait notre information sur cette forme de pollution. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD13 de M. Stéphane Delautrette

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à créer une filière REP (responsabilité élargie des producteurs) spécifique aux produits contenant des PFAS afin d’assurer la dépollution des sites concernés. Cette proposition émane de la recommandation 17 du rapport de Cyrille Isaac-Sibille.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il me semble qu’il serait difficile de mettre sur pied une telle filière au vu de la diversité des produits contenant des PFAS, dont certains, de surcroît, font déjà l’objet d’une prise en charge lorsqu’ils deviennent des déchets. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD21 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous demandons un moratoire de dix ans sur la construction ou l’extension de toute entreprise utilisant, produisant ou rejetant des PFAS. Ce ne serait évidemment qu’une étape avant l’interdiction de ces substances, mais qui permettrait d’arrêter de créer de nouvelles sources de production. Il y a urgence. Les scientifiques estiment à au moins 4 700 le nombre de composés chimiques concernés, voire à 12 000, pour certains. Les industriels jouent un rôle majeur dans l’émission de ces substances. Le Monde, en février 2023, répertoriait 108 hotspots – des lieux où la contamination est si élevée qu’elle est dangereuse pour la santé humaine. Ce sont tous des sites industriels ou de retraitement des déchets. À Pierre-Bénite, les rejets d’Arkema et de Daikin entraînent des taux de pollution cinq à dix fois supérieurs aux normes ; or Daikin a obtenu en janvier une autorisation d’extension. Nous sommes face à une inaction véritablement criminelle. Le plan PFAS du Gouvernement n’impose aucune contrainte aux industriels.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il est important d’éviter que les capacités de production des PFAS s’accroissent alors que nous visons leur disparition progressive. L’actualité récente a montré que deux grandes entreprises productrices de PFAS ont été autorisées à étendre leurs activités. Il me semble très pertinent de prendre le problème à la source. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 : Introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau

 

Amendement CD63 de M. Vincent Descoeur

M. Pierre Vatin (LR). L’article 2 de la proposition de loi reprend la proposition n° 78 du rapport d’information sur la politique de l’eau déposé le mois dernier par Yannick Haury et Vincent Descoeur, laquelle préconise d’élargir l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses de l’eau aux PFAS. Le groupe Les Républicains est en accord avec l’esprit de cet article, mais propose d’y apporter deux modifications : l’élargir à la redevance sur la pollution à la fois domestique et non domestique, et préciser que ces taxes ne s’appliquent qu’aux rejets nets engendrés par les sites et non à la pollution historique indépendante de l’activité du producteur.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Nous avons souhaité intégrer les PFAS à la liste des substances prises en compte au titre des redevances sur la pollution de l’eau par l’ajout d’un alinéa plutôt que d’une ligne au tableau prévu par l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement. Nous avons fait ce choix pour une raison simple : les substances mentionnées dans le tableau donnent lieu à la perception d’une redevance dont seuls le seuil de perception et le tarif maximum sont fixés par la loi. Le taux effectif de la redevance est quant à lui déterminé par chaque agence de l’eau. Nous proposons de fixer un tarif unique, qui sera appliqué par toutes les agences à l’échelle nationale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD80 du rapporteur.

 

Amendement CD52 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (RE). Dans le département du Rhône, des entreprises, des collectivités et l’État ont entrepris un travail d’analyse et de concertation pour diminuer la quantité de PFAS rejetés dans l’eau. Arkema les a par exemple réduits de 80 % : c’est un premier pas intéressant, mais il faudra atteindre dès que possible les 100 %.

Cet amendement vise à appliquer le principe pollueur-payeur à toutes les personnes morales de droit public et de droit privé qui rejettent des PFAS dans l’environnement, à l’exclusion de celles qui ont engagé des investissements dans un système de traitement des rejets. La proportionnalité et l’applicabilité de la mesure impliquent de considérer les personnes morales de droit public ou de droit privé ; elle ne saurait donc s’appliquer à la seule industrie. Cet amendement vise à exclure du champ de la redevance les pollutions historiques, dont l’origine n’est pas toujours identifiable et qu’il est donc difficile d’imputer à un acteur en particulier. La redevance doit conserver un caractère incitatif et ne porter que sur les rejets dont la personne morale a, d’une manière ou d’une autre, la maîtrise.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Votre amendement ne permet pas de comprendre comment sera fixé le taux de la redevance maximale applicable par les agences de l’eau. Par ailleurs, vous souhaitez exclure du champ de la redevance les industries « qui ont annoncé des investissements dans un système de traitement des rejets ». Beaucoup d’entreprises pourraient ainsi échapper à la redevance en se contentant d’annoncer des investissements.

Les rejets effectifs doivent entraîner une prise en charge des coûts de la dépollution, qui ne repose pas seulement sur la collectivité publique mais aussi sur les personnes qui émettent ces substances. Cette disposition, si elle était adoptée, fragiliserait le dispositif de la redevance. Je suis donc très défavorable à cet amendement.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). J’y suis également défavorable car il suffirait d’annoncer des investissements pour échapper à la redevance.

De manière générale, je voudrais dire qu’aucune des positions exprimées dans notre débat ne doit être caricaturée. Monsieur Isaac-Sibille, lorsque vous vous opposez à l’application du texte aux ustensiles de cuisine, je n’en déduis pas que vous ne souhaitez pas vous battre contre les PFAS – le rapport de qualité que vous avez écrit sur le sujet démontre le contraire. De la même façon, lorsque le rapporteur est en désaccord avec la rédaction d’un amendement, je trouve regrettable que l’on n’essaie pas de trouver ensemble une formulation satisfaisante en vue de la séance publique et que l’on se lance des accusations. Travaillons ensemble pour faire avancer cette cause.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Vous êtes un certain nombre à considérer que le principe pollueur-payeur ne doit pas s’appliquer aux pollutions passées. Pour ma part, j’estime que les autorités organisatrices, autrement dit les collectivités, doivent chiffrer l’ensemble des moyens à engager pour dépolluer – ce sera des millions, voire des milliards d’euros – et que nous devrons bâtir, à l’échelle des agences de l’eau, un système de redevance permettant de financer une programmation pluriannuelle d’investissement aussi longtemps qu’il le faudra. La redevance devra s’appliquer à l’ensemble des industriels ayant produit des PFAS par le passé, et non à ceux qui les ont utilisés. Si on n’appliquait pas cette règle, les particuliers subiraient une double peine : on reporterait sur la facture d’eau de ceux qui subissent la pollution, au point parfois d’en tomber malade, le montant de la redevance versée afin de financer les travaux indispensables. Ce n’est pas sérieux : il va bien falloir se confronter aux enjeux du financement de la dépollution. Ce n’est pas aux familles de Pierre‑Bénite de payer, mais aux industriels.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis assez d’accord avec M. Amard. L’urgence consiste à déterminer comment aider les collectivités à financer des travaux pour que nos concitoyens boivent une eau saine. Il faudrait prévoir un dispositif plus global, auquel on peut réfléchir d’ici à la séance publique.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’amendement conduirait à réduire considérablement la portée de la redevance. Comme je l’ai dit, il suffirait qu’une personne morale de droit public ou de droit privé annonce des investissements pour s’y soustraire : toutes les entreprises quasiment pourraient y échapper. Par ailleurs, l’amendement ne fixe pas le taux de la redevance, ce qui fragiliserait substantiellement, voire empêcherait l’application du principe pollueur‑payeur.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD71 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’alinéa 5 de l’article évoque la « redevance due par une personne dont les activités entraînent des rejets ». Or tout le monde est à l’origine de rejets. C’est pourquoi je propose de préciser que la disposition s’applique à l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation. Je ne crois pas qu’il soit dans votre intention, monsieur le rapporteur, d’assujettir les services départementaux d’incendie et de secours au paiement de cette redevance, à l’instar de beaucoup d’autres acteurs qui émettent des PFAS.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Votre amendement vise à circonscrire le champ d’application de la redevance aux ICPE. Dans la mesure où l’on n’est pas certain que d’autres sites ne rejettent pas de PFAS en quantité significative, il me paraît préférable de viser un périmètre plus large. Par ailleurs, les sites qui ne rejettent que peu de PFAS ne seront pas redevables de la redevance, puisqu’ils resteront en deçà du seuil de perception.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le champ des PFAS est si vaste qu’il faut préciser de quels rejets il s’agit, sous peine d’assujettir à la redevance les pompiers et de nombreux autres utilisateurs. Je ne suis pas sûr que ce soit votre souhait.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il semble que votre rédaction aille à l’encontre des dispositions du code de l’environnement qui prévoient qu’une redevance s’applique à toute personne.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Soyons audacieux ! Des jurisprudences permettent d’ores et déjà d’appliquer une tarification différenciée de l’eau potable selon que l’usager est un particulier ou un professionnel. Il nous faut travailler, d’ici à la séance publique, à une rédaction commune sur la redevance applicable à des professionnels qui, de surcroît, ont engendré de la pollution, directement ou indirectement.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je propose que l’on cherche une rédaction robuste en vue de la séance publique. Le fond n’est pas en cause : c’est une question purement juridique.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Non, ce qui est en question, c’est l’étendue du champ d’application de la mesure. Compte tenu de la rédaction actuelle, toute personne utilisant des PFAS et en rejetant serait soumise à la redevance, quels que soient son statut et son activité : cela concernerait non seulement les pompiers, mais aussi les agriculteurs et de nombreux autres acteurs, puisque les PFAS sont partout. Encore une fois, je souhaite interdire les rejets, vous préférez les autoriser et les taxer. Le problème ne tient pas à la rédaction, mais au périmètre que vous souhaitez établir.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD64 de M. Pierre Vatin

M. Nicolas Ray (LR). Nous proposons que le calcul de la redevance repose exclusivement sur l’ajout de PFAS dans les milieux et non sur l’ensemble des rejets. En effet, certaines installations peuvent rejeter des PFAS alors qu’elles n’en sont pas à l’origine. Nous privilégions une approche fondée sur la responsabilité, conformément à la philosophie de la proposition de loi.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Votre intention est satisfaite par l’article L. 213‑10-2 du code de l’environnement, qui s’appliquera à la redevance créée par l’article 2 de la proposition de loi. En effet, l’industriel pourra demander que le suivi des rejets servant à calculer l’assiette de la redevance ait « pour objet de mesurer la pollution annuelle ajoutée par l’activité ». Cela implique de pouvoir isoler l’apport de PFAS issus du processus de fabrication de l’entreprise et des produits fabriqués par rapport à une quantité plus globale de ces substances mesurée dans les rejets. Il s’agit, me semble-t-il, de l’idée que vous défendez.

M. Nicolas Ray (LR). L’insertion de l’adjectif « nets » permettrait d’exprimer plus clairement l’objectif de la proposition de loi.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD49 de M. Pierre Meurin.

 

Amendements CD29 et CD30 de M. Jorys Bovet, et CD48 de M. Pierre Meurin

M. Jorys Bovet (RN). Ces amendements visent à ce que seuls les rejets nets, autrement dit intentionnellement ou effectivement ajoutés au milieu naturel, soient soumis à la redevance. Lorsqu’un industriel utilise de l’eau par exemple, il conviendrait de mesurer la quantité de PFAS à l’entrée et à la sortie de l’usine pour connaître précisément l’ampleur des rejets.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Concernant l’amendement CD29, comme je l’ai dit précédemment, le code de l’environnement fait déjà référence à la notion de « pollution annuelle ajoutée par l’activité ».

Le CD30, quant à lui, risquerait de réduire considérablement les cas dans lesquels la redevance serait due, avec l’ajout du critère d’intentionnalité. Je peux comprendre que l’on souhaite calculer une pollution nette, ce qui implique qu’une entreprise puisse isoler l’apport de PFAS antérieur à son activité et mesurer les rejets issus de son activité propre. En revanche, je ne crois pas qu’il faille considérer le caractère intentionnel ou non de l’usage des PFAS, car cela désinciterait les personnes soumises à la redevance à réduire la présence de PFAS. In fine, l’environnement sera de toute façon touché par la pollution. Notre objectif étant de permettre un meilleur financement de la dépollution, nous ne souhaitons pas fragiliser le dispositif.

S’agissant, enfin, de l’amendement CD48, j’émets l’hypothèse que le terme « effectivement » rejoint la notion de rejet net ou d’ajout intentionnel de PFAS par une entreprise.

Avis défavorable sur les trois amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD66 de M. Pierre Vatin

M. Nicolas Ray (LR). Nous proposons d’asseoir la redevance sur les PFAS introduits, et non pas rejetés, par l’entreprise.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je ne vois vraiment pas la nuance sémantique entre « introduits » et « rejetés » dans l’environnement.

M. Nicolas Ray (LR). Il s’agit de cibler la redevance sur les PFAS dont l’entreprise est à l’origine, qu’elle introduit, par opposition aux PFAS rejetés, qui peuvent avoir une origine antérieure.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD83 du rapporteur, CD47 de M. Pierre Meurin et CD20 de M. Gabriel Amard (discussion commune)

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Mon amendement vise à abaisser le seuil de perception de la redevance et à adapter le barème. En effet, le seuil prévu, d’un kilogramme de rejets par an, est relativement élevé. De nombreuses entreprises peuvent rejeter des quantités moins importantes mais de manière continue, ce qui fait courir un risque tout aussi grand de contamination à l’environnement. Afin de rendre effective la participation des entreprises à la prise en charge du coût de la dépollution de l’eau, il est proposé que la redevance soit due dès le rejet de 100 grammes de PFAS. En conséquence, le barème est modifié, avec un montant de 100 euros par tranche de 100 grammes. Cette modification résulte d’une préconisation que nous a faite le ministère de la transition écologique lors de son audition, sur la base des modélisations auxquelles il a procédé.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). La rédaction de l’amendement du rapporteur étant meilleure que la nôtre, nous retirons l’amendement CD20.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. L’amendement CD47 a pour objet de renvoyer la fixation du taux de la redevance à un décret. Pourquoi refuser d’inscrire directement ce taux dans la loi, au risque de devoir attendre, plus ou moins longtemps, la publication du décret ? Nous disposons des informations nécessaires à la fixation d’un taux juste. Il est de notre responsabilité de prendre une décision dès aujourd’hui. Avis défavorable.

L’amendement CD20 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD83. En conséquence, l’amendement CD47 tombe.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD57 de M. Antoine Villedieu.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

Après l’article 2

 

Amendement CD24 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Selon une synthèse bibliographique réalisée en décembre 2023 par l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), une température très élevée, supérieure à 1 300 degrés, voire 1 400, garantit la destruction des PFAS et de leurs sous-produits. Or les incinérateurs de déchets ménagers fonctionnent à une température comprise entre 750 degrés et 1 100 degrés, et ceux des boues d’épuration entre 850 degrés et 900 degrés : les mâchefers qui en sortent, qui sont recyclés et réutilisés par exemple dans les infrastructures publiques, les chaussées ou les voies ferrées, contiennent donc des PFAS qui se répandent ensuite dans l’environnement. Nous n’avons par ailleurs aucune garantie, en l’état actuel de la réglementation, que des PFAS ne ressortent pas de ces incinérateurs par les cheminées, puisqu’on ne mesure pas leur présence dans l’air – vous l’avez en quelque sorte refusé en rejetant tout à l’heure mon amendement CD22.

Ces travaux de l’Ineris nous donnent donc l’occasion de fixer, par la loi, un seuil de 1 400 degrés pour l’incinération de tout produit contenant des PFAS, de manière à éviter qu’on n’en retrouve dans l’air ou dans les mâchefers.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement, du fait de son caractère trop général et de ses possibles conséquences. Il n’existe quasiment aucune ICPE d’incinération montant à une température de 1 400 degrés : d’après la fédération des entreprises spécialistes de la dépollution, les incinérateurs les plus performants atteignent 1 250 degrés. Les passer tous à 1 400 degrés serait très énergivore, et prendrait du temps. Étant donné le très grand nombre de produits contenant des PFAS, on courrait alors le risque de ne simplement plus pouvoir incinérer de très nombreux déchets, par ailleurs potentiellement dangereux, et de voir exploser le recours à l’enfouissement. Avis défavorable pour cette raison technique.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Je suis ouvert à une autre rédaction. J’ai été, pendant plusieurs années, vice-président d’un syndicat de collecte et de traitement des déchets : ce ne serait pas la première fois que le législateur demanderait, avec un calendrier et des aides publiques à l’investissement, de faire progresser les techniques d’incinération afin de supprimer des rejets que les filtres ne peuvent pas capter. Pourquoi ne pas fixer encore une fois un objectif et définir un calendrier, ainsi qu’un mode opératoire, permettant de l’atteindre ? C’est un exemple de ce qu’il faut financer dans la durée, avec une programmation pluriannuelle d’investissement qui prenne au sérieux l’ensemble de la pollution, passée et à venir. Les PFAS ne vont pas disparaître de tous les domaines : il va bien falloir les détruire, plutôt que de fermer les yeux et de les laisser se répandre dans l’environnement. Cet objectif de 1 400 degrés est de nature à nous protéger, nous et les générations futures.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD50 de M. Pierre Meurin.

 

Amendements CD17 de M. David Taupiac et CD38 de M. Jorys Bovet (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). Depuis 2023, la recherche de polluants éternels est obligatoire pour certaines ICPE. Mon amendement demande un rapport sur l’accès à ces données par les collectivités locales, afin que celles-ci puissent prendre les mesures nécessaires, notamment de traitement de l’eau.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Malgré l’intérêt de l’amendement présenté par M. Taupiac, je redis qu’il ne me paraît pas utile de multiplier les rapports. Avis défavorable.

Même argument pour le CD38, d’autant que des études sont déjà menées.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article 2 bis (nouveau) : Mission des agences régionales de santé

 

Amendement CD16 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement prévoit que dans chacune des agences régionales de santé, la commission de coordination dans les domaines de la prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile présente, à partir de données chiffrées disponibles ou à construire, le niveau d’exposition de la population de leur ressort aux PFAS.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2

 

Amendement CD37 de M. Jorys Bovet

M. Jorys Bovet (RN). On estime que les PFAS pourraient recouvrir plus de 10 000 substances : dès lors, les laboratoires ne peuvent les détecter toutes et les autorités sanitaires ne peuvent pas connaître les impacts réels sur la santé des populations de chacune de ces substances. Cette demande de rapport vise à examiner quelles sont les substances qui risquent le plus de contaminer les populations, et quelles sont les populations pour lesquelles les risques sont les plus grands.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Toujours le même argument : il n’est pas utile de multiplier les rapports. De plus, sur ce point, des études scientifiques et épistémologiques sont déjà menées.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Compensation des charges pour l’État

 

Amendements identiques CD32 de M. Jorys Bovet, CD54 de Mme Claire ColombPitollat, CD65 de M. Pierre Vatin, CD72 de M. Cyrille Isaac-Sibille et CD77 de Mme Anne-Cécile Violland

M. Nicolas Ray (LR). Nous proposons de supprimer l’alinéa 2. Cet article de gage propose en effet la création d’une taxe additionnelle sur les bénéfices des entreprises émettrices de PFAS, mais sans prendre en considération le niveau de rejet de ces substances. Cela ne nous semble pas conforme au principe pollueur‑payeur.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La proposition du rapporteur d’une taxe de 1 % me paraît en effet difficilement applicable. Nous devons réfléchir aux moyens d’alimenter un fonds PFAS, dont je préconise également la création dans mon rapport. Il ne serait pas normal de faire payer les consommateurs d’eau. Quant aux agences de l’eau, elles sont déjà chargées de missions nombreuses. Je ferai des propositions en vue de la séance publique.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). La loi doit être juste et proportionnée, ce qui n’est pas le cas ici. Cette taxe toucherait en effet toutes les entreprises, y compris celles qui ont déjà investi pour faire diminuer leurs rejets de PFAS. La piste de la responsabilité élargie des producteurs dès la conception de la substance paraît plus prometteuse.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Mon objectif, vous le comprenez, est d’adapter la fiscalité et de renforcer l’application du principe pollueur-payeur afin que les plus grandes entreprises qui rejettent des PFAS prennent en charge une partie des externalités négatives pour la société, pour l’environnement et pour la santé publique. Avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CD31 tombe.

 

La commission adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

 

Amendement CD35 de M. Jorys Bovet

M. Jorys Bovet (RN). L’usage domestique de certains appareils peut participer à la pollution par des PFAS. C’est notamment le cas des machines à laver, qui rejettent des eaux usées contaminées quand les vêtements contiennent eux‑mêmes des PFAS. Cet amendement demande un rapport sur cette question, en particulier sur les filtres qui pourraient être posés sur les appareils lorsque cela serait jugé nécessaire. Cette proposition est calquée sur la disposition de la loi dite « Agec » (loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) qui impose la mise en place de filtres à microplastiques sur les machines à laver à compter de 2025.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Toujours le même argument : ne multiplions pas les demandes de rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD36 de M. Jorys Bovet

M. Jorys Bovet (RN). Il s’agit d’évaluer, dans un rapport, les coûts de dépollution des espaces contaminés. Certaines techniques sont connues – charbon actif, osmose inverse – mais leur utilisation peut être difficile et coûteuse. Il faut anticiper pour éviter que les coûts de dépollution ne soient répercutés sur les factures des usagers, et donc des ménages.

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Même argument : évitons de multiplier les rapports. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

M. Nicolas Thierry, rapporteur. Merci à toutes et à tous pour la qualité des échanges et l’esprit constructif qui a prévalu depuis plusieurs semaines, malgré nos divergences. Il y a un an, nous en étions très loin. Je suis heureux que nous ayons pu avancer ensemble.

 


   Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Audition commune

 Ministère de la transition écologique – Direction générale de la prévention des risques

M. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l’environnement, des déchets et des pollutions diffuses

Mme Clarisse Veaux, chargée de mission « Surveillance environnementale » des installations classées protection de l’environnement (ICPE) au bureau « Santé-environnement »

 Ministère de la transition écologique – Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) – Direction de l’eau et de la biodiversité

M. Damien Lamotte, sous-directeur de la coordination de l’appui, de la stratégie et du pilotage des politiques de protection et de restauration des écosystèmes

 Ministère de l’économie – Direction générale des finances publiques – Direction de la législation fiscale – Sous-direction « Fiscalité des transactions, fiscalité énergétique et environnementale »

M. Florent Robin, adjoint au chef de bureau en charge de la fiscalité

M. Stanislas Bihan, rédacteur

M. Pierre Labadie, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

France Chimie *

Mme Magali Smets, directrice générale

M. Patrick Cleret, directeur technique

M. Mathias Girard, directeur des affaires publiques

Fédération française de ski (FFS)

M. Pierre Mignerey, directeur technique national

Table ronde regroupant des associations

 Générations Futures

M. Mathieu Ben Braham, chimiste, en charge des questions scientifiques et règlementaires sur le dossier des PFAS

M. Yoann Coulmont, en charge du plaidoyer

 Notre Affaire à tous - Lyon

Mme Jeanne Fleury, porte-parole de l’association

 Bien vivre à Pierre-Bénite

M. Jean Paul Massonnat, adhérent

Table ronde sur la redevance eau

 Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

M. Régis Taisne, chef du département

 AMORCE *

M. Baptiste Julien, responsable du pôle « Eau »

Table ronde « Industrie du textile »

 Union des industries textiles *

M. Olivier Balas, vice-président de l’Union des industries textiles et président de Balas Textile

Mme Sophie Frachon, responsable « Développement durable et RSE » de l’Union des industries textiles

Mme Maria Henry, responsable « Recherche et développement » chez Dickson Constant

Mme Déborah Berera, ingénieur en recherche et développement chez Europrotect

 H&M

Mme Anna Byhovskaya, responsable des affaires publiques pour l’Europe du Sud

Mme Maria Akerfeldt, responsable des affaires publiques, spécialisée sur la circularité, les produits chimiques, les microfibres et l’eau

 Union Sport & cycle *

M. Julien Aubignat, secrétaire général

Mme Anne Chateau, juriste en droit de l’environnement, animatrice de la commission du développement durable

M. Maxime Le Hyaric, chargé d’affaires publiques et des relations avec la presse

Table ronde « Cosmétiques »

 Fédération professionnelle des entreprises de la beauté (Febea)*

M. Emmanuel Guichard, délégué général

Mme Valérie Colin, directrice des affaires scientifiques et réglementaires

Mme Olivia Guernier, directrice de la communication et des affaires publiques

 Cosmebio

M. Damien Sineau, président

M. Nicolas Bertrand, directeur du développement

Table ronde « Alimentation »

 Association nationale des industries alimentaires (ANIA) *

Mme Capucine Laurent, directrice du pôle « Alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous »

Mme Amélie Colet, responsable « Qualité »

 Union des fabricants d’équipements et d’ustensiles pour la restauration et les arts culinaires (Synetam)

M. André-Pierre Doucet, délégué général de Synetam

M. Yohann Boileau, membre de la commission RSE de Synetam, European Affairs Manager, Groupe Seb

 McDonald’s France

M. Eloi De La Celle, directeur « Achats, qualité, logistique et environnement »

M. Renaud Large, en charge des affaires publiques

Direction générale de la santé – sous- direction « EA » (prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation)

Mme Cécile Lemaître, adjointe à la sous-directrice

Mme Mathilde Merlo, cheffe du bureau EA4 « Qualité des eaux »

Mme Caroline Paul, cheffe du bureau EA1 « Environnement extérieur et produits chimiques »

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

   Contribution écrite

Agence de l’eau RhôneMéditerranéeCorse


([1]) Voir notamment, pour plus d’informations, le rapport public remis au Premier ministre par le député M. Cyrille Isaac-Sibille, « Per- et polyfluoroalkylés (PFAS), pollution et dépendance : comment faire marche arrière ? », en janvier 2024.

([2]) OECD Environment, Health and Safety Publications, 2028, « Towards a new comprehensive global database of per-and polyfluoroalkyl substances (PFASs) : summary report on updating the OECD 2007 list of per- and polyfluoroalkyl substances (PFASs) », document non traduit.

([3]) La définition donnée par l’OCDE est plus récente que de nombreux textes internationaux.

([4]) En application de l’annexe XV du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances les États membres peuvent déposer un dossier de restriction à la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation d’une ou de plusieurs substances chimiques.

([5]) La demie-vie de certaines de ces substances, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la moitié d’une substance se soit désintégrée dans l’environnement, se compte en mois ou en années.

([6]) « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement » – Igedd – Rapport n° 014323-01, décembre 2022.

([7]) Étude Esteban : Imprégnation de la population française par les composés perfluorés : Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016. Cf. notamment l’étude péri-natale.

([8]) À la demande la Commission européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a demandé à un panel de scientifiques d’étudier le lien entre l’exposition à des PFAS et la réponse immunitaire aux vaccins : « Risk to human health related to the presence of perfluoroalkyl substances in food », EFSA Journal, 2020.

([9]) L’utilisation de PFOS et de ses dérivés est interdite, sauf pour des utilisations dites « dans un but acceptable » listées à l’annexe B.

([10]) Il est à noter que le règlement (CE) n° 850/2004 précité a été refondu. Il s’agit désormais du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants.

([11]) Règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission du 8 avril 2020 modifiant l’annexe I du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil aux fins d’y inscrire l’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), ses sels et les composés apparentés au PFOA. Des dérogations spécifiques à l’interdiction sont énumérées pour le PFOA et ses dérivés : dispositifs médicaux invasifs, revêtements photographiques, textiles hydrofuges, certaines mousses anti-incendie, etc.

([12]) Règlement délégué (UE) 2023/1608 du 30 mai 2023 modifiant l’annexe I du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil aux fins d’y inscrire l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et les composés apparentés au PFHxS.

([13]) https://substitution-perfluores.ineris.fr/fr

([14]) Règlement (CE) n° 552/2009 de la Commission du 22 juin 2009 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 (REACH) relative aux restrictions applicables à certaines substances dangereuses (point 30 : substances figurant à l’annexe VI du règlement CLP et classées toxiques pour la reproduction 1A ou 1B).

([15]) Règlement du 13 juin 2017 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne l’acide pentadécafluorooctanoïque (PFOA), ses sels et les substances apparentées au PFOA.

([16]) Le PFOA, le PFOS, l’acide perfluorononanoïque (PFNA) et l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS).

([17]) Les composés alkyls poly/per fluorés : État de l’art et enjeux dans un contexte SSP, BRGM/RP-69594-FR, décembre 2020.

([18]) Directive (UE) n° 2020/2184 du 16/12/20 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

([19]) Article 25 de la directive précitée pour l’entrée en vigueur.

([20]) Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique.

([21]) « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement » – Igedd – Rapport n° 014323-01, décembre 2022.

([22]) Arrêté du 20 juin 2023 relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation.

([23]) Rapport public remis au Premier ministre par le député, M. Cyrille Isaac-Sibille, « Per- et polyfluoroalkylés (PFAS), pollution et dépendance : comment faire marche arrière ? », en janvier 2024.

([24]) Voir notamment, l’article publié dans Le Monde le 6 février 2024, « À Salindres, dans les Cévennes, une contamination record aux « polluants éternels » dans les eaux ».

([25]) Il s’agit d’un des secteurs qui va être examiné en priorité par le comité d’évaluation des risques de l’Echa, conformément au calendrier publié par cette agence pour l’étude de la proposition de restriction.

([26]) La Fédération professionnelle des entreprises de la beauté et Cosmébio.

([27]) Ainsi, dans le Rhône, à l’été 2023, comme le signale la Direction générale de la santé, où 200 000 personnes étaient alimentées par une eau potable qui dépassait la valeur limite de qualité de 0,1 μg/l pour le total des vingt PFAS identifiés.

([28]) Cette redevance, comme la redevance pour modernisation des réseaux de collecte non domestique, va être modifiée à partir du 1er janvier 2025 en application de l’article 101 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([29]) Avis du Conseil économique, social et environnemental, « Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques ? », avril 2023.

([30]) Avis du CESE précité.

([31]) Le dernier document budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2024, relatif aux agences de l’eau, indiquait que pour l’année 2022, les redevances perçues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022 s’élevaient à 2 233,9 millions d’euros.