N° 2413
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2024
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 2395),
DE MME NAÏMA MOUTCHOU,
visant à étendre les compétences du Parquet européen
aux infractions à l’environnement,
PAR Mme Naïma MOUTCHOU,
Députée
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents , Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Gabriel AMIEL, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Fabien DI FILIPPO, Grégoire DE FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mmes Brigitte KLINKERT, Mme Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Lysiane MÉTAYER, Naïma MOUTCHOU, Danièle OBONO, Anna PIC, MM. Christophe PLASSARD, Jean-Pierre PONT, Richard RAMOS, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
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Pages
I. Le parquet européen a fait la preuve de son efficacité
A. Le Parquet européen fonctionne en harmonie avec les autorités nationales
B. Son bilan démontre les bénéfices d’une action intégrée au niveau européen
A. Une extension qui constitue un prolongement cohérent des missions du Parquet européen
B. Des modalités d’extension qui assureraient sa complémentarité avec les autorités nationales
proposition de résolution européenne initiale
amendements examinés par la commission
proposition de résolution européenne
annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE
Mesdames, Messieurs,
Le programme des Nations unies pour l’environnement comptabilisait en 2022 plus de 2 180 recours climatiques ouverts dans le monde, soit près de trois fois plus qu’en 2017 ([1]). Ce nombre en constante augmentation démontre la demande croissante de justice environnementale portée pas les citoyens.
En France, le Conseil constitutionnel a reconnu en 2020 la protection de l’environnement comme un objectif de valeur constitutionnel considérant, sur le fondement de la Charte de l’Environnement, que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Plusieurs contentieux portés devant les juridictions administratives ont eu un écho significatif, à l’instar de « l’affaire du siècle » dans laquelle le tribunal administratif de Paris a reconnu la responsabilité de l’État du fait de son inaction contre le changement climatique ou de la saisine de la Commune de Grande-Synthe qui a conduit le Conseil d’État à enjoindre à l’État de prendre les mesures nécessaires afin de respecter ses engagements issus de l’Accord de Paris.
Mais ce mouvement est aussi européen. La Cour suprême des Pays-Bas a reconnu l'existence d'un consensus scientifique sur la gravité du changement climatique et ordonné au gouvernement néerlandais, sur le fondement de la convention européenne des droits de l’homme, de diminuer de 25 % les émissions de gaz à effet de serre. La Cour constitutionnelle allemande a censuré partiellement une loi sur le climat, estimant qu’en concentrant les mesures de réduction d’émissions de gaz à effet de serre après 2030, le législateur portait atteinte aux libertés fondamentales des générations futures.
Dans cette marche de la justice pour l’environnement, le droit pénal ne saurait être mis de côté. Car il a vocation à exprimer des « valeurs reconnues par la conscience collective » ([2]) selon l’expression de Robert Badinter, il joue à ce titre un rôle de régulation sociale. De par sa finalité dissuasive, il doit également prévenir la dégradation de l’environnement dont les conséquences sont parfois difficilement réparables.
Alors que le Pacte vert pour l’Europe constitue une priorité politique affichée de l’Union européenne, l’établissement d’un véritable ordre public environnemental européen nécessite la définition d’une politique pénale en la matière. Or, force est de constater que la répression des atteintes à l’environnement ne constitue pas une priorité de politique pénale des États membres. Les affaires liées à la criminalité environnementale constituent moins de 1 % des saisines d’Eurojust.
Les infractions à l’environnement constituent pourtant un terreau fertile pour les organisations criminelles à la recherche d’activités lucratives présentant un faible risque pénal.
La criminalité environnementale a été classée par les Nations unies et l’agence Interpol au quatrième rang des activités criminelles les plus importantes au monde, avec un taux de croissance annuel estimé à deux ou trois fois celui de l’économie mondiale. De surcroît, la répression des réseaux criminels qui contournent les obligations de protection de la nature constitue aussi une condition de l’acceptabilité sociale des normes environnementales.
Les atteintes à l’environnement ont par nature une dimension très souvent transnationale, rendant la coopération européenne incontournable. En instaurant un organe commun de poursuite adapté aux formes les plus graves de criminalités qui traversent les frontières, le Parquet européen permet de remédier aux conséquences du morcellement de l’espace pénal européen.
Aujourd’hui limité aux atteintes aux intérêts financiers de l’Union, le Parquet européen constitue une véritable réussite de la construction européenne. Après seulement trois années d’activité, son bilan est déjà édifiant : près de 2 000 enquêtes sont en cours pour un préjudice estimé à 20 milliards d’euros. Le parquet a en outre procédé à 1,5 milliard d’euros de saisies en 2023.
L’extension de la compétence du Parquet européen à la criminalité environnementale grave et transnationale permettrait la définition d’une véritable politique pénale européenne en la matière, en l’érigeant en priorité d’action publique. Une telle extension constituerait un prolongement cohérent des compétences du Parquet européen en raison de sa mission de protection des intérêts financiers de l’Union, laquelle consacre désormais une part importante de son budget à la protection de l’environnement et du climat. De plus, le Parquet européen est déjà compétent pour certaines infractions étroitement liées à la nouvelle criminalité environnementale à travers la répression du blanchiment d’argent ou de la corruption.
La création d’un Parquet vert européen fait l’objet d’un fort consensus. Envisagée dès sa création, cette proposition est soutenue par le Parlement européen. Elle figure également dans le rapport remis en 2022 par le groupe de travail de la Cour de cassation relatif au droit pénal de l’environnement présidé par M. François Molins. Elle constituerait un signal fort envoyé en faveur de la justice pénale environnementale.
première partie : LA répression pénale des atteintes à l’environnement demeure insuffisante face au développement de la criminalité environnementale
I. La lutte contre la criminalité environnementale dans l’Union s’effectue à travers les instruments européens de coopération judiciaire
A. La lutte contre la criminalité environnementale au niveau européen repose sur les instruments de coopération judiciaire mis en place dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice
La coopération judiciaire européenne s’est développée à la faveur de l’élimination progressive des contrôles aux frontières au sein de l’Union, nécessitant la mise en place de mesures dites compensatoires afin de prévenir le développement de la criminalité transnationale qui pourrait en résulter.
Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’article 67 du TFUE stipule que « l’Union œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention de la criminalité ». Il prévoit également qu’elle peut adopter des mesures de lutte contre celle-ci, par des instruments de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires, ainsi que par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale et, si nécessaire, par le rapprochement des législations pénales des États membres.
La reconnaissance mutuelle des décisions de justice, corollaire du principe de confiance mutuelle, a ainsi constitué la pierre angulaire de la coopération judiciaire. Elle a été progressivement complétée par des mesures de rapprochement des législations, considérées comme indispensables pour faciliter effectivement la coopération entre juridictions et établir des standards minimums communs.
L’article 82 du TFUE permet ainsi le rapprochement des procédures tandis que l’article 83 TFUE prévoit l’harmonisation matérielle du droit pénal.
Au titre de l’article 83 TFUE, l’Union européenne est compétente pour fixer « des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans les domaines de criminalité particulièrement graves revêtant une dimension transfrontière ». Ces domaines, définis par le traité, sont le terrorisme, la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée.
Au titre du second paragraphe de l’article 83, l’Union européenne peut également adopter des règles minimales en matière d’infractions pénales et de sanctions « lorsque le rapprochement des dispositifs législatifs et réglementaires des États membres en matière pénale s’avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union dans un domaine ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation ».
Outre le rapprochement des législations, l’Union européenne a également mis en place un certain nombre d’instruments afin de faciliter la conduite des enquêtes entre États membres.
Les instruments d’entraide judiciaire sont principalement constitués du mandat d’arrêt européen et de la décision d’enquête européenne. Celle-ci est une décision judiciaire émise ou validée par une autorité judiciaire d’un État membre de l’UE permettant de faire exécuter des mesures d’enquête en vue de recueillir des preuves en matière pénale dans un autre État membre.
En outre, les États membres peuvent s’appuyer sur l’agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, dite Eurojust, dont l’existence est prévue par l’article 85 du TFUE. Elle a pour mission « d’appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol ». L’agence fonctionne comme une plateforme permettant aux autorités judiciaires nationales d’entrer en contact, de collaborer et d’assurer un suivi commun des enquêtes.
Elle dispose ainsi de la faculté d’organiser des réunions de coordination entre les autorités nationales lorsque des enquêtes concernent plusieurs États membres. Elle peut également mobiliser les instruments de coopération judiciaire, comme le mandat d’arrêt européen ou la décision d’enquête européenne.
Eurojust dispose de la faculté de financer des équipes communes d’enquête (ECE), auxquelles elle fournit un soutien juridique et pratique. Les équipes communes d'enquête prennent la forme d’un accord juridique entre les autorités compétentes de deux ou plusieurs États dans le but de mener en commun une enquête pénale. Composées de procureurs, d’enquêteurs et de juges, les équipes communes d'enquête sont établies pour une période déterminée, généralement comprise entre 12 et 24 mois, dans la mesure où cela est nécessaire pour mener à bien les enquêtes. Une fois l'ECE mise en place, les partenaires peuvent échanger directement des informations et des preuves, coopérer en temps réel et mener des opérations conjointes. En outre, les ECE permettent aux magistrats d'être présents lors des mesures d'enquête sur le territoire d’un autre État membre, et donc de partager leur expertise technique et leurs ressources humaines de manière plus efficace.
En revanche, Eurojust n’a pas d’autorité judiciaire : si depuis le Traité de Lisbonne l’agence dispose du pouvoir d’ouvrir une enquête, elle ne peut en revanche décider de l’engagement des poursuites. Elle demeure fortement dépendante des demandes d’assistances effectuées par les autorités nationales.
B. Face à la croissance de la criminalité environnementale, un renforcement des instruments européens a été nécessaire
La criminalité environnementale fait l’objet d’une inquiétude croissante au sein de l’Union européenne. Elle figurait parmi l’une des dix priorités retenues par le programme de lutte contre la criminalité organisée de l’UE dans le cadre de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles dite EMPACT. Elle est susceptible de prendre différentes formes : le commerce illégal de flore et d’espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale, la pêche illégale, le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereux et toxiques ou encore l’exploitation et le commerce illégal de minerais.
En 2020, Europol estimait par exemple que les revenus tirés par les organisations criminelles du trafic de déchets dangereux dans l’UE étaient compris entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros, tandis que les profits générés par le trafic de déchets non dangereux pouvaient atteindre jusqu’à 10 milliards d’euros ([3]). La valeur mondiale du crime environnemental transnational est estimée à 213 milliards de dollars.
Des règles minimales en matière de définition des infractions environnementales et des sanctions ont été instaurées dans l’Union par la directive 2008/99/CE sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Celle-ci définit un certain nombre de comportements illicites que les États membres doivent ériger en infraction pénale lorsqu’ils ont été commis intentionnellement ou par négligence grave.
Toutefois, face aux résultats décevants de l’évaluation de cet instrument, et dans la lignée du Pacte vert, la Commission européenne a présenté une nouvelle proposition de directive en décembre 2021, qui a vocation à remplacer celle de 2008.
La nouvelle proposition vise à répondre aux lacunes identifiées dans le précédent instrument. La Commission avait notamment relevé :
- l'absence de données statistiques cohérentes ou fiables sur la criminalité environnementale ;
- des niveaux de sanctions particulièrement bas dans la législation nationale de certains États membres ;
- l’absence de dispositions pour soutenir la coopération transfrontalière ;
- l’absence d’incrimination des nouveaux types de criminalité environnementale.
Au terme de l’accord obtenu en trilogue le 16 novembre 2023 entre le Parlement et le Conseil, la proposition de directive consacre plusieurs avancées :
- elle définit plus précisément la criminalité environnementale et harmonise de nouvelles infractions pénales, comme le commerce illicite de bois, le recyclage illégal des navires, et le captage illégal de l’eau, faisant passer de neuf à dix-huit le nombre d’infractions environnementales inscrites dans le droit pénal de l’UE ;
- elle introduit des infractions qualifiées, proches de la notion d’écocide existante en droit français, lorsque les infractions visées par la directive sont commises intentionnellement et causent la destruction, la dégradation irréversible, étendue et substantielle, ou la dégradation durable, étendue et substantielle d’un écosystème d’une taille considérable ou d’une grande valeur environnementale, ou d’un habitat naturel au sein d’un site protégé, ou de la qualité de l’air, de la qualité du sol ou de la qualité de l’eau ;
- elle harmonise le niveau des sanctions minimales applicables aux personnes physiques et, pour la première fois, aux personnes morales dans tous les États membres et prévoit des sanctions complémentaires comme des mesures de remise en état et l’exclusion des marchés publics, ou l’exclusion de financements publics ;
- elle aggrave les peines encourues pour les personnes physiques comme les personnes morales, ces dernières pourront se voir infliger, pour les infractions les plus graves, une amende maximale d’au moins 5 % de leur chiffre d’affaires mondial ou, à défaut, de 40 millions d’euros ;
- elle encourage le signalement d’infractions environnementales, par la protection des lanceurs d’alerte et autres personnes qui communiquent des informations ou fournissent des preuves dans le cadre d’une enquête relative à des infractions pénales liées à l’environnement.
En revanche, la proposition de directive n’apporte pas de nouvelles dispositions sur le plan de la coopération judiciaire européenne.
Le Parlement européen a adopté le 27 février dernier en séance plénière le texte issu des négociations en trilogue. Il revient désormais au Conseil d’arrêter officiellement sa position. La directive pourrait être officiellement adoptée dans les toutes prochaines semaines.
II. Les atteintes à l’environnement demeurent insuffisamment prises en compte au sein des politiques pénales des états membres
La coopération judiciaire européenne demeure faible en matière de criminalité environnementale comme le déplorait l’agence Eurojust ([4]).
En 2022, le nombre total de dossiers traité par Eurojust était de 11 544. Le pays européen effectuant le plus de saisines est l’Allemagne, avec 970 dossiers ouverts sur l’année, avant l’Italie qui a ouvert 507 dossiers en 2022.
Les trois principaux types d’infraction traités par Eurojust en 2022 sont l’escroquerie et la fraude, le trafic de drogue et le blanchiment d’argent. Plus de la moitié des dossiers sur lesquels l’Agence a travaillé en 2022 concernaient un de ces trois types d’infraction.
À titre de comparaison, au cours de la période de cinq ans comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2018, un total de 57 dossiers de criminalité environnementale ont été enregistrés auprès de l’agence. Ainsi, les dossiers relatifs à la criminalité environnementale ont représenté moins de 1 % du nombre total de dossiers traités par Eurojust au cours de cette période. Ces dossiers ont été ouverts par 16 bureaux nationaux. Cependant 3 pays (Pays-Bas, Allemagne et la France) représentent à eux seuls plus de la moitié des saisines. Enfin, 25 dossiers ont été ouverts en 2018 dans l’unique affaire du « Dieselgate ». L’agence estime ainsi que les saisines des États membres sont insuffisantes au regard de l’ampleur de la criminalité environnementale.
La moitié des saisines d’Eurojust dans le domaine de la criminalité environnementale concernait le trafic de déchets et le trafic de faune. De plus, dans les deux tiers des affaires dont elle a été saisie, la criminalité environnementale était associée à un autre type d’infraction.
Selon Eurojust, la coopération judiciaire européenne en matière environnementale fait face à de nombreuses difficultés juridiques et pratiques liées à la nature complexe des enquêtes, nécessitant l’investissement d’importantes ressources.
L’agence constate tout d’abord une méconnaissance du cadre juridique européen en la matière et le maintien de divergences d’interprétation de certains concepts juridiques clefs entre États membres, faisant obstacle à la coopération judiciaire transfrontalière.
La coopération européenne est également complexifiée par l’existence de pratiques et d’approches différentes face à la criminalité environnementale au sein des États membres, notamment dans l’articulation des sanctions administratives et pénales. L’agence estime également que les États membres font face à un manque de ressources et de formation des professionnels, engendrant une faible incitation pour les autorités nationales compétentes à s'impliquer activement dans des enquêtes internationales complexes, notamment en raison de l’existence d’autres priorités de politique pénale.
Il convient de relever que le mouvement de renforcement du droit pénal de l’environnement est également en cours à l’échelle nationale.
Deux rapports ont pointé les insuffisances de la réponse pénale en matière environnementale. Le rapport remis en 2022 par le groupe de travail de la Cour de cassation relatif au droit pénal de l’environnement ([5]) fait le constat d’une diminution du nombre d’infractions portées devant les tribunaux correctionnels et de la baisse des quanta de peine prononcées.
Selon les chiffres présentés par la direction des affaires criminelles et des grâces, les infractions à l’environnement représentent 40 000 affaires portées devant les juridictions pénales. Ce qui, selon le rapport du groupe de travail de la Cour de cassation, représente 0,5 % à 1 % des affaires traitées.
Le rapport du groupe de travail de la Cour de cassation relève la préférence donnée aux alternatives aux poursuites qui représentent 75 % de la réponse pénale en la matière, principalement via des rappels à la loi ou des classements sans suite. Le rapport estime que huit fois plus de dispenses de peine sont prononcées dans le domaine de la répression environnementale par les tribunaux correctionnels. Les peines d’amende représentent 71 % des sanctions aux délits environnementaux contre 35 % pour l’ensemble des délits.
Le rapport de la mission d’évaluation des relations entre justice et environnement ([6]) pointait en 2019 un certain nombre de facteurs participant à la faible judiciarisation des atteintes à l’environnement. En plus de la technicité de cette matière, la mission constatait la grande fragmentation du droit pénal de l’environnement éparpillé dans plusieurs codes différents. La direction des affaires criminelles et des grâces estime ainsi que le droit pénal de l’environnement comprend plus de 3 000 infractions. Cet éparpillement nuit à la lisibilité du droit pénal de l’environnement tant pour les justiciables que les praticiens.
La fragmentation tient également à l’articulation entre droit administratif et droit pénal et la préférence donnée aux sanctions administratives. Le droit pénal de l’environnement se « caractérise par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes » ([7]). La constitution des infractions pénales est souvent subordonnée à la violation d’une norme administrative. La mission estime ainsi que le « recours aux infractions par renvoi aboutit à une protection fragmentée et sectorielle dépourvue de cohérence d’ensemble ». De plus, le traitement administratif des violations des règles environnementales nuit à l’information précoce de l’autorité judiciaire.
Afin de remédier à certaines de ces carences, le cadre juridique national a été étoffé. La loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée procède à une plus grande spécialisation des juridictions. Elle crée, dans le ressort de chaque cour d’appel, des juridictions spécialisées en matière d’atteintes à l’environnement. L’architecture juridictionnelle de répression des atteintes à l’environnement s’articule désormais autour de différents niveaux de juridictions :
- les affaires ne présentant pas de gravité particulière sont traitées par les juridictions de droit commun ;
- les contentieux complexes, en raison notamment de leur technicité, de l'importance du préjudice ou du ressort géographique sur lequel ils s’étendent sont désormais traités par les nouveaux pôles régionaux spécialisés ;
- les pollutions maritimes sont traitées par les juridictions du littoral spécialisées (JULIS) ;
- certaines affaires d’ampleur particulièrement importante telles que les pollutions de grande échelle liées à un produit réglementé ou le contentieux des catastrophes environnementales et industrielles relèvent de la compétence des deux pôles interrégionaux spécialisés de Paris et Marseille dédiés aux questions de santé publique et aux accidents collectifs (JIRS) ;
- les affaires graves présentant un lien avec la criminalité organisée relèvent des juridictions interrégionales spécialisées ou, dans les cas les plus graves, de la compétence de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée.
Cette architecture juridictionnelle permet une réponse graduée en fonction de la gravité de l’atteinte environnementale et couvre l’ensemble du spectre des infractions environnementales, des infractions du « quotidien » aux délits les plus graves.
En outre, la loi du 24 décembre 2020 instaure également la possibilité de conclure une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale dans l’objectif de favoriser la réparation des dommages par les personnes morales.
Enfin, il convient également de relever que le droit pénal matériel s’est enrichi depuis la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience », laquelle introduit le délit d'écocide à l'article L. 231-3 du code de l'environnement. Ce délit recouvre deux infractions distinctes qui sont le fait, d’une part, de commettre intentionnellement des atteintes à l'eau, à l'air, à la faune et à la flore et le fait, d’autre part, d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets sans satisfaire aux prescriptions légales, lorsque cela entraîne des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.
deuxième partie : L’extension des compétences du parquet européen à la criminalité environnementale grave permettrait la définition d’une véritable politique pénale européenne dans ce domaine
I. Le parquet européen a fait la preuve de son efficacité
A. Le Parquet européen fonctionne en harmonie avec les autorités nationales
Proposée dès 1997 par un groupe d'experts présidé par Mireille Delmas‑Marty, la possibilité de créer un Parquet européen a été insérée par le Traité de Lisbonne à l’article 86, alinéa 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Après l’échec du premier projet présenté par la Commission européenne et l’absence d’unanimité au Conseil, c’est sur le fondement d’une coopération renforcée que le Parquet européen a été créé par le règlement 2017/1939 du 12 octobre 2017, autour d’un groupe composé d’une vingtaine d’États membres. À ce jour, vingt-deux États membres ont rejoint la coopération renforcée.
Le traité de Lisbonne limite la compétence du Parquet européen à la seule protection des intérêts financiers de l’Union. Selon le règlement portant création du Parquet, les « intérêts financiers de l’Union » correspondent à « l’ensemble des recettes perçues et des dépenses exposées, ainsi que des avoirs, qui relèvent du budget de l’Union et des budgets des institutions, organes et organismes institués en vertu des traités ou des budgets gérés et contrôlés par eux ». La directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal dite « PIF » procède à l’harmonisation de la définition de ces infractions et des sanctions encourues. Ainsi, le Parquet européen a vocation à s’intéresser aux fraudes aux dépenses et recettes européennes et également aux activités criminelles transfrontalières comme la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la corruption et le blanchiment d’argent.
Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices de ces infractions pénales.
À cet égard, le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres. Le Parquet européen dispose de réels pouvoirs d’investigation transfrontières sans avoir besoin de recourir aux instruments d’entraide et de reconnaissance mutuelle. Il peut demander le gel de comptes bancaires ou d’actifs.
Le Parquet européen peut décider d’ouvrir une enquête à la suite d’un signalement qui lui a été adressé. Il dispose également d’un droit d’évocation afin de se saisir d’une enquête ouverte dans un État membre lorsque les infractions relèvent de sa compétence.
En application de l’article 24 du règlement, les institutions, organes et organismes de l’Union et les États membres ont l’obligation de signaler au Parquet européen tout comportement délictueux à l’égard duquel celui-ci pourrait exercer sa compétence.
Les mesures d’enquête et d’engagement des poursuites sont prises conformément au droit de l’État membre concerné. Les preuves recueillies par le Parquet européen sont en principe admissibles devant toutes les juridictions nationales. Les affaires instruites par le Parquet européen sont jugées devant les juridictions nationales des États membres. En France, le tribunal judiciaire de Paris est la juridiction compétente en la matière.
Alors que la proposition initiale de la Commission européenne prévoyait que le niveau central du Parquet soit incarné par un procureur unique, l’architecture retenue est collégiale et décentralisée et permet une articulation fluide entre le niveau européen et les autorités nationales via les procureurs européens délégués.
Le Parquet européen est un organe indépendant et indivisible de l’Union avec un niveau central et un niveau décentralisé.
Le niveau central du Parquet européen, le « Bureau central » est composé, du chef du Parquet européen et de ses adjoints, du collège composé d’un procureur européen par État membre et des chambres permanentes. Les chambres permanentes, qui sont au nombre de 15, sont composées de trois procureurs. Elles supervisent et dirigent les enquêtes, décident des classements sans suite, des procédures de poursuites simplifiées ou des renvois des affaires devant les juridictions nationales.
Afin d’assurer le bon déroulement de la procédure, le procureur européen chargé de la surveillance de l’affaire est le membre national de l’État membre dans lequel la majorité des infractions en cause ont été commises. Ce rôle particulier s’explique par la connaissance nécessaire de la procédure de son pays d’origine et son rapport privilégié avec les procureurs européens délégués qui travaillent au niveau décentralisé. En contrepartie, les dossiers sont traités par les chambres permanentes qui n’ont aucun lien avec le pays concerné.
Le niveau décentralisé du Parquet européen est constitué par les procureurs européens délégués, qui sont affectés dans les États membres. Ils sont chargés du suivi opérationnel des enquêtes et des poursuites. Ils agissent au nom du Parquet européen conformément au principe de l’indivisibilité du Parquet européen : une décision du procureur européen délégué français vaut décision du Parquet. De plus, la coopération entre les différents procureurs européens délégués dans les États membres permet de simplifier considérablement les enquêtes transfrontalières.
Chaque État membre compte au moins deux procureurs européens délégués. Au 31 décembre 2023, la France comptait 6 procureurs européens délégués contre 19 pour l’Allemagne. Un 7e procureur européen délégué devrait toutefois être recruté prochainement.
Cette architecture, certes complexe, a toutefois permis d’assurer la bonne intégration du Parquet européen dans les structures nationales grâce au rôle pivot des procureurs européens délégués. L’ensemble des personnes entendues dans le cadre de ce rapport a souligné la très bonne coopération des États membres avec le Parquet européen.
B. Son bilan démontre les bénéfices d’une action intégrée au niveau européen
Le Parquet européen est opérationnel depuis le 1er juin 2021, le bilan de ses trois premières années d’activité est extrêmement positif.
Au 31 décembre 2023, 1 927 enquêtes étaient en cours, pour un préjudice estimé à plus de 19,2 milliards d'euros. 86 enquêtes concernent la France pour un préjudice estimé à 511 millions d’euros.
Parmi le total des enquêtes, 33 % concernaient la fraude aux dépenses du budget de l’UE et 20 % la fraude à la TVA.
Le Parquet européen a connu une augmentation significative de son activité en 2023. Ainsi, le Parquet a traité 4 187 signalements d’infractions, soit 26 % de plus qu'en 2022. Cette hausse est principalement due à l’augmentation des signalements émanant de particuliers qui ont augmenté de 30 %, mais aussi des autorités nationales, lesquels se sont élevés à 1 562, soit 24 % de plus qu'en 2022.
Ainsi, sur la base de ces signalements, le Parquet a ouvert 1 371 enquêtes en 2023, soit 58 % de plus qu'en 2022.
Enfin, le Parquet a procédé à 139 mises en accusations, soit 50 % de plus qu'en 2022. Les juges nationaux ont accordé aux procureurs européens délégués des ordonnances de gel des avoirs d'une valeur de 1,5 milliard d'euros, soit quatre fois plus qu'en 2022. Enfin, 48 condamnations et 5 acquittements ont été prononcés sur les affaires poursuivies par le Parquet européen.
Signe de son succès, le Parquet européen devrait s’élargir : le 27 décembre 2023, la Pologne a annoncé son intention d’y adhérer.
De même, une extension des compétences du Parquet européenne à la poursuite des infractions liées à la violation des mesures restrictives de l’Union est soutenue par la Commission européenne, sur l’impulsion de la France et de l’Allemagne. La Commission a proposé, le 5 décembre 2022, un projet de directive, relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives qui pourra constituer la base de la compétence matérielle du Parquet européen.
II. L’extension des compétences du parquet européen à la criminalité environnementale permettrait de faire de la protection de l’environnement une priorité de politique pénale au sein de l’Union Européenne
A. Une extension qui constitue un prolongement cohérent des missions du Parquet européen
Le traité de Lisbonne limite à ce jour la compétence du Parquet européen à la protection des intérêts financiers de l’Union. Toutefois, une extension des compétences du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière est prévue à l’article 86 paragraphe 4 du TFUE.
L’extension des compétences du Parquet européen requiert l’unanimité au Conseil européen, après approbation du Parlement européen et consultation de la Commission européenne. En conséquence, tous les États membres, qu’ils participent à la coopération renforcée ou non, devraient donner leur accord à cette extension.
La pertinence et les bénéfices de l’extension des compétences du Parquet européen à la criminalité environnementale se fondent sur plusieurs éléments rappelés par le procureur européen français Frédéric Baab.
En premier lieu, une telle extension de la compétence matérielle du Parquet européen apparaît cohérente avec sa mission de protection des intérêts financiers de l’Union, laquelle consacre actuellement 30 % de son budget à la protection de l’environnement et du climat auquel s’ajoute 37 % du montant total du plan de relance (soit plus de 275 Md€).
À cet égard, à la fin de l'année 2023, 206 enquêtes liées au financement de NextGenerationEU étaient actives, avec un préjudice estimé à plus de 1,8 milliard d'euros. Cela représente environ 15 % de tous les cas de fraude aux dépenses traités par le Parquet mais en termes de dommages estimés, cela correspond à près de 25 %. En France, la fraude aux financements issus du plan de relance et fléchés vers des investissements verts constitue un point d’attention à travers notamment les systèmes de fraude au dispositif « MaPrimeRenov ».
De plus, ce qui distingue aujourd’hui le Parquet européen des autres dispositifs de coopération judiciaire en Europe, c’est sa capacité à définir lui-même une politique pénale au niveau européen sans être dépendant des saisines effectuées par les États membres. Le doter de compétence en matière environnementale permettrait ainsi d’ériger la protection de l’environnement en priorité de politique pénale.
Enfin, la mise en place d’un Parquet vert européen permettrait une action plus intégrée au niveau européen afin de remédier aux limites identifiées de la coopération judiciaire intergouvernementale.
B. Des modalités d’extension qui assureraient sa complémentarité avec les autorités nationales
Conformément au principe de subsidiarité, l’extension de la compétence du Parquet européen est limitée par les traités aux infractions présentant un caractère transnational qui touchent au moins deux États membres et nécessitent dès lors la mise en œuvre d’une coopération judiciaire. En ciblant ainsi la criminalité environnementale grave et transnationale, le dispositif d’extension des compétences du Parquet européen serait cohérent avec le cadre existant en matière d’atteintes aux intérêts financiers de l’UE, qui prévoit des seuils de gravité mesurés à partir du préjudice financier afin de déterminer la compétence du Parquet européen.
Cela permettrait ainsi d’intégrer pleinement le Parquet européen dans le dispositif de réponse juridictionnelle graduée prévu par le cadre national en fonction de la gravité des délits environnementaux.
De plus, ces infractions les plus graves telles que les trafics de déchets, les trafics de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que les trafics de faune et de flore protégées constituent les principaux domaines de développement récent de la criminalité organisée en matière environnementale. Ces trafics financent les organisations criminelles œuvrant aussi dans d’autres domaines et dont la répression est indispensable pour assurer la réalisation de l’espace de liberté de sécurité et de justice voulu par l’Union.
De plus, ces infractions représentaient les principales demandes d’entraide judiciaire effectuées par les États membres en matière environnementale, signe qu’il est nécessaire de renforcer l’efficacité de la coopération dans ce domaine.
Enfin, au regard de l’ensemble de ces éléments, la nouvelle directive européenne relative à la protection de l’environnement par le droit pénal procède précisément à l’harmonisation de ces infractions. Les circonstances aggravantes de commission de l’infraction dans le cadre d’une organisation criminelle, de même que l’existence d’avantages financiers importants, sont également expressément visées dans le texte. Cette nouvelle directive pourrait donc servir de base à la compétence d’un futur Parquet vert européen.
L’Union européenne a placé la protection de l’environnement au cœur de son action. La loi européenne sur le climat relevait la menace existentielle que pose le changement climatique. Cela nécessite de mobiliser l’ensemble des outils dont nous disposons afin de lutter contre les atteintes à l’environnement. Le Parquet européen, qui a fait la preuve de son efficacité, en fait partie à travers la définition d’une véritable politique pénale environnementale à l’échelle européenne.
La Commission s’est réunie le 27 mars 2024, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la commission des Affaires européennes, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je suis très heureuse d’intégrer votre commission. Je ne suis pas présente seulement en raison des élections européennes mais pour examiner un texte qui fera partie, je l’espère, de cet édifice que nous essayons de construire ensemble. Cette proposition de résolution européenne vise à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions à l’environnement.
Il y a quatre ans, je rapportais devant la commission des lois le texte qui mettait en place le Parquet européen en France. Je propose aujourd’hui cette résolution dans le prolongement des travaux que nous avions menés. En effet, du chemin a été parcouru depuis quatre ans. Alors que la mise en place d’un Parquet européen avait pu susciter des inquiétudes, quant à son articulation avec les juridictions des États membres notamment, le résultat de ces trois années d’activité démontre la réussite presque totale de ce projet.
Le Parquet européen constitue désormais une pièce maîtresse de l’architecture de justice et de sécurité de l’Europe en poursuivant les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. Aujourd’hui, ce Parquet s’occupe des poursuites pour fraudes ou détournements aux recettes du budget de l’Union européenne. Quelques chiffres suffisent d’ailleurs à illustrer la contribution du Parquet européen à la lutte contre la fraude : au 31 décembre 2023, près de 2 000 enquêtes étaient en cours, pour un préjudice estimé à environ 20 milliards d'euros. Sur l’année 2023, le Parquet a procédé à la saisie d’1,5 milliard d’euros.
La question de l’extension des compétences du Parquet européen au-delà des seules infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne s’est posée dès sa création. De mémoire, au moment des débats parlementaires, il y avait eu des amendements d’extension à divers champs, dont le champ environnemental, mais également les questions liées aux infractions terroristes qui intéressent certains États membres. Cette question se pose aujourd’hui avec une force particulière s’agissant de la criminalité environnementale, au regard de l’urgence climatique que nous vivons.
La criminalité environnementale connaît en effet une croissance inquiétante. Elle est souvent le fait d’organisations criminelles à la recherche d’activités fortement lucratives mais dont le risque pénal est bien inférieur à d’autres infractions plus classiques telles que le trafic de stupéfiant. Elle a été classée par les Nations Unies et l’agence Interpol au quatrième rang des activités criminelles les plus importantes au monde et constitue une source de financement pour des réseaux qui se livrent aussi à d’autres trafics, voire à des activités terroristes et présente donc une réelle menace pour notre sécurité collective.
Cette criminalité environnementale prend des formes nombreuses : trafic de déchets, d’espèces protégées, émission ou rejet illégal de substances polluantes dans l’atmosphère, le sol ou l’eau. Elle contribue à l’augmentation de la pollution, à la dégradation de la faune et de la flore, à la réduction de biodiversité et in fine comporte des risques pour la santé humaine.
Toutefois, la criminalité environnementale demeure mal saisie par les juridictions pénales nationales. En effet, ces affaires représentent moins d’1 % des cas traités par les juridictions judiciaires françaises. Un rapport du groupe de travail mené sous l’égide de la Cour de cassation relève une réponse pénale insuffisante via la préférence donnée aux alternatives aux poursuites.
La pertinence d’une action à l’échelle européenne dans ce domaine est incontestable.
Il y a d’abord une évidence dans le caractère transfrontalier des infractions environnementales : la pollution ne s’arrête pas aux frontières, les trafics de déchets entraînent une réelle nécessité d’assurer une poursuite à l’échelle de l’Union européenne. Actuellement, si les services de police coopèrent dans ces domaines, cette coopération, on doit le dire, ne fonctionne pas toujours. Elle peut être complexe et les procédures peuvent être ralenties : une direction d’enquête assurée par le Procureur européen permettrait d’améliorer substantiellement la coordination dans ce domaine.
Autre élément, les demandes d’entraide judiciaire auprès de l’agence Eurojust en matière environnementale ne représentent qu’1 % des saisines des États membres auprès de l’agence, ce qui est très insuffisant. Celle-ci a dans un rapport de 2021 regretté un tel manque d’investissement des États membres dans ce domaine.
L’Union européenne a placé la lutte contre la dégradation de l’environnement au cœur de son action, via notamment le Pacte vert. Dès lors, l’extension de la compétence matérielle du Parquet européen serait un signal supplémentaire envoyé en ce sens. Celui-ci est en effet en capacité de définir lui-même une politique pénale au niveau européen sans être dépendant des saisines effectuées par les États membres. Le doter de compétence en matière environnementale permettrait ainsi d’ériger la protection de l’environnement en priorité de politique pénale.
Cette extension est d’autant plus cohérente avec la mission de protection des intérêts financiers de l’Union du Parquet européen, dès lors que l’Union consacre désormais 30 % de son budget à la protection de l’environnement et du climat, auxquels s’ajoute également une partie substantielle des montants du plan de relance. De surcroît, la répression des réseaux criminels qui contournent les obligations de protection de la nature constitue une condition de l’acceptabilité sociale des normes environnementales, qui est aujourd’hui un enjeu majeur.
Enfin, la mise en place de ce Parquet vert européen permettrait une action plus intégrée au niveau européen afin de remédier aux limites identifiées de la coopération judiciaire intergouvernementale.
Pour toutes ces raisons, j’ai la conviction qu’il est nécessaire d’étendre la compétence du Parquet européen à la criminalité environnementale, sans plus attendre. Bien que celui-ci ne soit en activité que depuis trois années, son action est unanimement saluée, son bilan démontre son efficacité et son fonctionnement s’inscrit en parfaite coopération avec les juridictions des États membres.
Attendre davantage avant d’envisager cette extension, c’est laisser davantage de temps aux réseaux criminels pour développer leurs trafics, c’est échouer à prévenir des dégradations de l’environnement dont les conséquences pourraient être difficilement réparables, parfois irrémédiables. Enfin, c’est nier une réalité qui a pourtant été affirmée par l’Union européenne, elle-même, dans la loi pour le climat : le changement climatique constitue une menace existentielle pour l’humanité. Face à cette menace, dans un État de droit, la justice, et la justice pénale en particulier, a une mission de protection.
C’est pourquoi, j’espère mes chers collègues, que vous soutiendrez cette proposition de résolution.
L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.
M. David Amiel (RE). Cette proposition de résolution européenne porte devant notre commission un sujet extrêmement important. Vous l’avez rappelé, les atteintes à l’environnement n’ont pas de frontières. Qu’il s’agisse du commerce d’espèces sauvages, des marées noires, des surexploitations forestières, du trafic de déchets, de l’exploitation ou du commerce illégal de minerais, ce sont autant de crimes contre notre planète. Nos concitoyens ne supportent plus de voir des réseaux puissants saccager notre bien commun, d’autant plus qu’ils alimentent d’autres menaces. En effet, comme vous l’avez rappelé, la criminalité environnementale est l’une des activités criminelles les plus lucratives au monde, elle offre donc des financements faciles à d’autres, y compris de nature terroriste.
Le Président de la République a pour cette raison réaffirmée que la lutte contre la criminalité environnementale était une priorité française, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies en 2020. Je rappelle également que c’est sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 qu’ont été engagées les négociations sur la proposition de la Commission visant à réviser la directive de 2008 sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Et c’est également sous cette présidence que la France a organisé une conférence sur ce thème à Marseille en mai 2022.
Comme vous l’avez rappelé, la grande criminalité se joue des frontières. Ainsi, pour la réprimer nous devons disposer d’instruments européens. C’est ce même raisonnement qui, alors appliqué à la criminalité financière transfrontalière, avait mené à la création du Parquet européen en 2021.
Le paragraphe 4 de l’article 86 du TFUE prévoit justement la possibilité d’étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. Dans ce sens, une résolution du Parlement européen avait été adoptée avec le soutien du groupe Renew, pour proposer la création de compétences en la matière. Un rapport de la Cour de cassation en date de 2022 préconise également l’extension des compétences du Parquet européen à la criminalité environnementale. Nous souscrivons donc pleinement à l’objectif de votre résolution.
Il faudra évidemment travailler techniquement à sa mise en œuvre et à son articulation avec les procédures nationales. Vous connaissez parfaitement bien le sujet pour avoir été la rapporteure du projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Il faudra évidemment travailler à l’articulation du texte que vous présentez avec l’article 86 du TFUE qui pose comme l’une des conditions à l’extension du Parquet qu’elle soit limitée à la criminalité grave. Une des questions que nous aurons à débattre est donc de savoir quels critères on utilise pour caractériser la gravité de cette criminalité. Ces travaux sont donc devant nous, mais nous sommes très heureux de cette résolution, nous la voterons et la soutiendrons puisqu’elle permet d’ouvrir ce travail ô combien nécessaire pour protéger notre environnement européen.
M. Alexandre Sabatou (RN). Cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans la montée en puissance du Parquet public européen. Depuis le 1er juin 2021 ce nouvel organe supra-étatique bruxellois a pour objectif affiché de lutter contre la criminalité en col blanc, souvent transfrontalière, comme le blanchiment de capitaux, la corruption et la fraude à la TVA. Le nombre de ces infractions pourrait augmenter avec le plan de relance européen. Pour autant, la justice pénale est une prérogative régalienne, qui appartient aux États depuis toujours. C’est une composante indivisible de notre souveraineté.
Aujourd’hui, l’objectif affiché est d’étendre les compétences de ce Parquet aux infractions à l’environnement. Nous n’avons pas d’hostilité de principe sur le sujet, la protection de l’environnement étant naturellement un sujet très important.
Mais Bruxelles étend toujours plus ses prérogatives au détriment de notre souveraineté : diplomatie, défense, les exemples sont malheureusement nombreux. Avec cette proposition, le Parquet européen pourrait court-circuiter les juridictions nationales, empiétant de façon inquiétante sur la souveraineté des États, raison pour laquelle plusieurs États ont fait le choix fort de ne pas y participer, à savoir le Danemark, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne et la Suède. Il s’agira donc d’une coopération renforcée entre les 22 autres États.
La mission du Parquet peut sembler louable, comme celle de lutter contre la fraude transfrontalière à la TVA, la corruption, le détournement de fonds ou d’actifs de l’Union européenne, ainsi que le blanchiment de capitaux et la criminalité organisée. Les infractions qui portent atteinte au budget de l’Union européenne sont particulièrement visées, et dans la mesure où l’Union européenne étend de plus en plus sa compétence en matière écologique, par le biais d’instruments économiques tels que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, elle souhaite avoir un instrument qui assure sa coercition en la matière.
Or, tout le problème est là : ce Parquet vient supplanter les parquets nationaux qui étaient parfaitement en mesure de coopérer entre eux si nécessaire. Notre effort devrait se concentrer au contraire sur l’amélioration de la coopération entre les parquets nationaux sur les questions écologiques, plutôt que de renforcer une entité supranationale. Cette solution en apparence simple, qui consiste à donner un pouvoir supplémentaire à la Commission en s’affranchissant des difficultés de coopération entre les États, n’est pas une bonne idée car elle revient à dissoudre un peu plus la souveraineté de la France dans l’Union européenne, c’est-à-dire à effacer un peu plus les nations au profit de l’Union.
Ainsi, sous prétexte de vouloir lutter plus efficacement contre la criminalité environnementale, les fédéralistes font avancer encore un peu plus leur projet d’une union fédérale avec à sa tête Mme von Der Leyen et la Commission européenne. Le chemin à suivre nous semble pourtant tenir dans les alinéas 19 et 20 de l’article unique de votre proposition de résolution, qui visent à renforcer la coopération entre les États membres. Malheureusement, l’alinéa 21 compromet pour nous ce texte. Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas cette proposition de résolution européenne qui brade notre souveraineté nationale.
Mme Sabine Thillaye (Dem). Le groupe Modem vous remercie pour ce travail, ne serait-ce que parce qu’il permet de mettre en lumière le parquet européen, qui est une construction assez unique dans son genre. Il s’agit en effet d’une coopération qui dispose d’un pouvoir de poursuite direct devant les tribunaux de l’Union, ce qui est assez révolutionnaire dans un domaine hautement régalien. Comme indiqué dans votre proposition de résolution, la criminalité environnementale se classe au quatrième rang mondial des activités criminelles les plus importantes, posant ainsi une menace grave à l’environnement ; elle est également une source de financement pour les groupes armés et terroristes.
À l’échelle internationale, les initiatives se multiplient pour prévenir et combattre cette forme de criminalité avec des résolutions adoptées par les Nations unies entre 2019 et 2021. Sur le plan national, des mesures concrètes ont été prises comme l’adoption de la loi climat et résilience du 22 août 2021 créant de nouvelles infractions pénales liées à l’environnement.
Cependant, les lacunes persistent au niveau européen en matière de législation pénale environnementale. Une avancée majeure a été réalisée hier avec l’adoption par le Conseil de la directive sur la criminalité environnementale remplaçant un système de 2008 et renforçant la coopération judiciaire entre les États membres. Cette directive est une opportunité à saisir pour créer une dynamique d’entraide judiciaire en matière environnementale.
La réforme que vous proposez nous apparaît justifiée pour au moins trois raisons. Elle offre d’abord la perspective d’obtenir un accord politique, d’autant que la question n’est pas nouvelle : elle était déjà évoquée dans une résolution de mai 2021 du Parlement européen. Elle reconnaît ensuite que le renforcement de la réponse pénale dans les affaires environnementales internationales dépasse les limites du modèle intergouvernemental actuel sur lequel repose par exemple l’agence Eurojust. Le rapport annuel d’Eurojust de 2021 souligne que 1 % de son activité opérationnelle sur la période 2014-2018 représentait des saisines en matière d’atteinte à l’environnement. La réforme vise enfin à étendre les compétences du parquet européen à des infractions liées à la criminalité organisée du trafic des déchets, du trafic de faunes et flores protégés ou de substances dangereuses. De telles infractions constituent aujourd’hui un trafic à risque pénal nul.
Le groupe démocrate votera en faveur de la résolution mais a déposé deux amendements.
M. Christophe Plassard (HOR). Ces cinq dernières années, l’Europe s’est dotée d’objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de protection de l’environnement. Le Pacte vert pour l’Europe introduit en 2019 a été suivi du paquet législatif Fit for 55 et du plan industriel associé pour les secteurs stratégiques et les matières critiques. Le Parlement européen et le Conseil ont récemment approuvé une révision de la directive de 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Elle inclut à présent de nouvelles infractions relatives au commerce illégal de bois, à l’épuisement des ressources en eaux, aux violations graves de la législation européenne sur les substances chimiques ou encore à la pollution causée pour les nappes phréatiques. Malgré ces ambitions affichées pour le climat et l’environnement, l’Union européenne ne dispose pas, à ce jour, d’une institution pouvant poursuivre les infractions à l’environnement. Cela est dommageable pour deux raisons.
Premièrement, de par le caractère transfrontière des infractions à l’environnement, l’échelle européenne semble la plus appropriée pour les poursuites, tous les États n’ayant pas le même zèle à poursuivre ces infractions. Deuxièmement, parce que ces crimes peuvent générer des profits très élevés, présenter un risque relativement faible de détection et sont souvent commis par des groupes criminels organisés.
Le rôle de parquet européen est aujourd’hui limité aux infractions pénales portant atteinte au budget de l’Union. Si les enjeux environnementaux n’entrent pas dans le champ des compétences par le biais du budget de l’Union européenne, lui-même dédié pour un tiers au Pacte vert, le parquet européen ne peut poursuivre directement les infractions à l’environnement. Au vu des ambitions de l’Union mais aussi de l’augmentation et du caractère transfrontière de cette criminalité, une extension de la compétence du parquet européen sur ce domaine serait donc la bienvenue. Le groupe Horizons votera en faveur de cette proposition de résolution européenne.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je remercie les collègues qui m’apportent leur soutien et qui ont bien cerné les enjeux de cette proposition de résolution : il ne s’agit évidemment pas de supplanter les juridictions nationales. Je suis très attachée à l’idée de souveraineté et aux conséquences qu’elle emporte. Ici, il s’agit de complémentarité.
La criminalité environnementale constitue un sujet complexe qui nécessite, dans tous les cas, que les États coopèrent entre eux. Le niveau de coopération qui existe aujourd’hui n’est pas suffisant pour un certain nombre d’affaires. Or les enjeux écologiques sont suffisamment graves pour qu’on se dote des moyens nécessaires au traitement de ces infractions. C’est le raisonnement qui avait prévalu lors de la création du parquet européen sur la fraude financière : les détournements de plusieurs milliards d’euros par an sur les recettes de l’Union européenne que les États ne parviennent pas à empêcher à l’échelle nationale ou intergouvernementale devaient être combattus. Les mêmes questions relatives à la souveraineté se sont posées à l’époque. Au fur et à mesure des débats, les parties prenantes ont compris qu’une meilleure coopération n’empêcherait pas les juridictions nationales de continuer à exister sur ces sujets. L’exemple de la France le prouve, avec le Parquet national financier. Le parquet européen constitue une strate supplémentaire pour tout ce que nous ne parvenons pas à appréhender au plan national. Ce qui m’intéresse c’est que la justice puisse se déployer au niveau local et à l’échelon le plus grand afin de récupérer de l’argent détourné ou pour mieux protéger l’environnement.
J’entends donc les craintes de certains de mes collègues mais en matière de protection environnementale elles ne sont pas justifiées. Peut-être que sur la question de la lutte contre le terrorisme j’aurais fait preuve d’un peu plus de réserves, car il s’agit d’un sujet stratégique pour chacun des États qui peuvent estimer que sa gestion relève de la souveraineté nationale. Ici, le champ est différent et je pense qu’il y a l’espace pour un parquet spécialisé au niveau européen. Je rappelle aussi que ce texte est une résolution, un vœu, et que les discussions concrètes autour du dispositif n’interviendront que dans un second temps.
Amendement n° 1
Mme Sabine Thillaye (Dem). Il s’agit de remplacer le mot « augmenter » par le mot « adapter » à l’alinéa 17 et insérer après « parquet européen » « en fonction du volume des dossiers annuels traités ». Mon groupe est d’accord avec la nécessité d’augmenter le budget et les effectifs du parquet mais, en pratique, il serait bien de conditionner cette augmentation à certains critères. L’unanimité sera requise au Conseil pour étendre ces compétences et, à l’heure où les ressources financières et humaines sont restreintes, nous pensons qu’il serait bienvenu de montrer qu’augmenter les moyens constitue une nécessité sur la base du volume de dossiers.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Dans les faits, le parquet européen se déploie. 2 000 enquêtes sont en cours. Ce sont des enquêtes qui sont techniquement difficiles. En France, on compte six procureurs européens. Ils seront bientôt sept. Ils sont dix-neuf en Allemagne. Si l’on ajoute une compétence comme je le propose, j’ai tendance à dire que l’on va augmenter les moyens en conséquence. Je propose de retirer cet amendement pour qu’on le retravaille en vue du débat en séance publique.
L’amendement n° 1 est retiré.
Amendement n° 2
Mme Sabine Thillaye (Dem). À l’alinéa 22, nous proposons de remplacer les mots « spécialiser celui-ci » par « lui donner la compétence ». Spécialiser implique en effet, selon nous, une restriction des compétences du parquet européen tandis que notre formulation suggère la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences, pas nécessairement exclusivement dans le domaine de la criminalité environnementale.
Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis favorable.
L’amendement n°°2 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne ainsi modifié est adopté.
La proposition de résolution européenne est donc adoptée.
proposition de résolution européenne initiale
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée en matière d’établissement du Parquet européen,
Vu la directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal,
Vu la version définitive de la nouvelle directive européenne sur la protection de l’environnement par le droit pénal qui devrait être adoptée dans les prochaines semaines ;
Vu le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 relatif aux transferts de déchets,
Considérant l’ampleur et la progression de la criminalité environnementale ;
Considérant la dimension souvent transfrontalière de cette forme de criminalité ;
Considérant la gravité des dommages causés par ces atteintes à l’environnement sur les écosystèmes et la santé humaine ;
Considérant le caractère potentiellement irréversible de ces atteintes ;
Rappelant le rôle essentiel du Parquet européen dans la lutte contre les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne,
Rappelant les possibilités d’élargissement des compétences du Parquet européen prévues dès sa conception,
Soulignant la nécessité d’une approche coordonnée pour faire face aux activités criminelles transfrontalières liées à l’environnement,
Soulignant la nécessité d’améliorer la mise en œuvre et l’application de la législation environnementale de l’Union,
Soulignant la nécessité d’augmenter le budget et les effectifs du Parquet européen pour lui permettre d’être un régulateur crédible dans tous ses domaines de compétence,
Invite à lutter plus activement et collectivement contre les formes graves de criminalité environnementale revêtant une dimension transfrontière ;
Appelle les États membres à reconnaître la criminalité environnementale comme une menace réelle et sérieuse nécessitant une réponse judiciaire efficace et coordonnée au niveau européen ;
Appelle à renforcer la coopération entre les États membres en matière de collecte et d’échange d’informations sur les affaires de criminalité environnementale, afin de faciliter une réponse judiciaire rapide et efficace ;
Souhaite la création d’un Parquet vert européen, moyennant l’extension des compétences du Parquet européen conformément à l’article 86, paragraphe 4, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Propose de spécialiser celui-ci dans la lutte contre la criminalité environnementale grave et transnationale, y compris dans sa dimension économique et financière, notamment en ce qui concerne les trafics de déchets, les trafics de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que les trafics de faune et de flore protégées ;
Insiste sur la nécessité de communiquer plus activement sur les missions du Parquet européen pour que celles‑ci trouvent un écho chez les citoyens des pays membres de l’Union.
amendements examinés par la commission
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 mars 2024
Proposition de résolution européenne visant à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions à l’environnement (n° 2395)
|
AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
Sabine THILLAYE |
----------
ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 17 :
Remplacer le mot « augmenter » par « adapter » et insérer après les mots « Parquet européen », les mots « en fonction du volume des dossiers annuels traités ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
À une époque de ressources financières et humaines restreintes, une augmentation du budget et des effectifs du Parquet européen ne doit pas être automatique mais conditionnée tant à l’acquisition de compétences nouvelles qu’au volume de dossiers traités.
Cet amendement a été retiré.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 mars 2024
Proposition de résolution européenne visant à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions à l’environnement (n° 2395)
|
AMENDEMENT |
No 2 |
présenté par |
Sabine THILLAYE |
----------
ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 22 :
Remplacer les mots « spécialiser celui-ci » par les mots « lui donner la compétence »
EXPOSÉ SOMMAIRE
L'utilisation du terme "spécialiser" implique une restriction permanente des compétences du Parquet vert européen, tandis que l'emploi du terme "compétence" suggère la possibilité pour celui-ci d'acquérir de nouvelles compétences dans le domaine de la criminalité environnementale à l'avenir.
Cet amendement a été adopté.
proposition de résolution européenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée en matière d’établissement du Parquet européen,
Vu la directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal,
Vu la version définitive de la nouvelle directive européenne sur la protection de l’environnement par le droit pénal qui devrait être adoptée dans les prochaines semaines ;
Vu le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 relatif aux transferts de déchets,
Considérant l’ampleur et la progression de la criminalité environnementale ;
Considérant la dimension souvent transfrontalière de cette forme de criminalité ;
Considérant la gravité des dommages causés par ces atteintes à l’environnement sur les écosystèmes et la santé humaine ;
Considérant le caractère potentiellement irréversible de ces atteintes ;
Rappelant le rôle essentiel du Parquet européen dans la lutte contre les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne,
Rappelant les possibilités d’élargissement des compétences du Parquet européen prévues dès sa conception,
Soulignant la nécessité d’une approche coordonnée pour faire face aux activités criminelles transfrontalières liées à l’environnement,
Soulignant la nécessité d’améliorer la mise en œuvre et l’application de la législation environnementale de l’Union,
Soulignant la nécessité d’augmenter le budget et les effectifs du Parquet européen pour lui permettre d’être un régulateur crédible dans tous ses domaines de compétence,
Invite à lutter plus activement et collectivement contre les formes graves de criminalité environnementale revêtant une dimension transfrontière ;
Appelle les États membres à reconnaître la criminalité environnementale comme une menace réelle et sérieuse nécessitant une réponse judiciaire efficace et coordonnée au niveau européen ;
Appelle à renforcer la coopération entre les États membres en matière de collecte et d’échange d’informations sur les affaires de criminalité environnementale, afin de faciliter une réponse judiciaire rapide et efficace ;
Souhaite la création d’un Parquet vert européen, moyennant l’extension des compétences du Parquet européen conformément à l’article 86, paragraphe 4, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Propose de lui donner la compétence dans la lutte contre la criminalité environnementale grave et transnationale, y compris dans sa dimension économique et financière, notamment en ce qui concerne les trafics de déchets, les trafics de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que les trafics de faune et de flore protégées ;
Insiste sur la nécessité de communiquer plus activement sur les missions du Parquet européen pour que celles‑ci trouvent un écho chez les citoyens des pays membres de l’Union.
annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE
Ministère de la Justice
Parquet européen
Personnalités qualifiées
([1]) Global Climate Litigation Report : 2023 Status Review
([2]) Cité par M. Delmas-Marty, Pour un droit commun , Seuil, 1994.
([3]) Europol, environnemental crime in the age of climate change, 2022.
([4]) Report on Eurojust’s Casework on Environmental Crime, 2021
([5]) Le traitement pénal du contentieux de l’environnement, rapport du groupe de travail relatif au droit pénal de l’environnement présidé par François Molins, 2022
([6]) CGEDD et IGJ, Une justice pour l’environnement, Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, 2019
([7]) Ibid