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N° 2431

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2024.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,

visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain
des élèves en situation de handicap sur le temps méridien,

 

 

 

Par Mme Virginie LANLO,

 

Députée.

 

——

 

Voir les numéros :

 Sénat :  840 (2022-2023), 250, 251 et T.A. 53 (2023-2024).

 Assemblée nationale :  2106.


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

commentaire des articles

Article 1er Prise en charge par l’État de la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne

Article 2 Inscription de la prise en charge par l’État de la rémunération des accompagnants des élèves en situation de handicap affectés sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne dans l’article du code de l’éducation qui leur est consacré

Article 3 (nouveau)  Entrée en vigueur de la loi

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE  1 : Liste des personnes entendues par lA rapporteurE

Annexe n° 2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


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   Avant-propos

Par un arrêt du 20 novembre 2020, le Conseil d’État a considéré qu’il revenait à l’autorité organisatrice de l’activité d’assurer la prise en charge des accompagnants d’enfants en situation de handicap sur les temps périscolaires, y compris, donc, sur le temps de la pause méridienne.

Ce revirement jurisprudentiel est venu rappeler que les collectivités locales, à l’instar de l’État, disposent d’une compétence générale pour mettre en œuvre toute mesure visant à « assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent […] handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité » et garantir « l’accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées » ([1]).

En conséquence, lorsqu’une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d’enseignement et de formation pendant les heures d’ouverture des établissements scolaires, ou encore des activités périscolaires, il lui appartient de garantir l’accès des enfants en situation de handicap à ces services ou activités. Il n’appartient pas à l’État d’assurer la prise en charge de l’accompagnement de ces enfants pendant le temps de la pause méridienne.

Cette décision du juge administratif a ouvert la voie à une période de confusion et d’incertitudes pour nombre de familles d’élèves en situation de handicap, et leurs accompagnants. L’application par l’État et les collectivités de la « nouvelle » règle juridique s’avère en effet très hétérogène selon les territoires et les établissements, rompant de fait le principe de l’égalité d’accès des élèves aux services de restauration. L’État lui-même reconnait les difficultés qu’entraine cette décision, donnant « pour consigne de ne pas remettre en cause les situations existantes afin d’éviter une mise en difficulté des élèves alors accompagnés pendant la pause méridienne » ([2]). Il s’avère que dans la grande majorité des collèges et des lycées, l’État continue d’assurer cette prise en charge ([3]) et la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) du ministère chargé de l'éducation a confirmé continuer de mettre à disposition de certaines communes, à titre gratuit, des accompagnants d’élèves en situation de handicap.

Au-delà, cet arrêt a des conséquences potentiellement dramatiques sur le plan individuel lorsque les services de l’État, effectivement désengagés, ne sont pas remplacés par la collectivité. Pour certains enfants, il en résulte une rupture dans la continuité de la prise en charge pendant la journée scolaire, c’est-à-dire qu’ils ne bénéficient plus d’un accompagnement continu entre les temps scolaires et le temps de la pause méridienne. De fait l’enfant est exclu de la cantine car aucun adulte qualifié ne peut l’assister, faute de financement. Cela met en extrême difficulté les enfants et leurs familles, et ne peut être accepté.

L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer. Il doit être la boussole de l’action publique et de la solidarité nationale, d’autant plus quand cet enfant est porteur d’un handicap. À cet égard, l’organisation du système doit avoir pour objectif premier d’assister le jeune et sa famille en évitant les ruptures d’accompagnement.

La cible première, rappelée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 31 janvier dernier ([4]), est de garantir une continuité d’accompagnement entre le temps scolaire et le temps de la pause méridienne. C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui regroupe sous un même employeur, l’État, les personnels en charge de l’accompagnement des élèves en situation de handicap pendant ces deux temps.

Mais cette proposition doit être regardée comme un jalon. À terme, il conviendra de garantir cette continuité entre tous les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires. Car la sociabilisation des enfants en situation de handicap ne s’arrête pas au portail de l’école et moins encore aux portes de la classe. À cet égard, la solidarité nationale doit être l’affaire de tous.

Cela exigera, le plus rapidement possible, d’améliorer les processus de notification des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il faut tendre vers l’homogénéisation des modalités de prescription, en y intégrant systématiquement le besoin des enfants en situation de handicap sur le temps de la pause méridienne. Aujourd’hui en effet, les pratiques divergent selon les départements, créant une inégalité de fait entre les enfants. Il faudra également garantir que la prescription des MDPH sur le temps de la pause méridienne, à l’instar de ce qui existe pour les temps scolaires, ouvre des droits pour les familles.

Les enjeux sont immenses. Le premier d’entre eux sera de constituer un vivier d’accompagnants d’élèves en situation de handicap à la hauteur des besoins de notre société. Cela nécessite de rendre plus attractif ce métier indispensable pour l’égalité des droits. Car aujourd’hui, ce sont près de 480 000 élèves en situation de handicap qui sont scolarisés en milieu ordinaire, soit quatre fois plus qu’au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité des chances de 2005. S’il faut saluer les formidables progrès accomplis en presque deux décennies, il est également nécessaire de continuer d’améliorer les choses pour tous les enfants concernés, afin que le principe de la scolarité inclusive soit une réalité du quotidien, et que l’inclusion aille au-delà de la scolarité.

   commentaire des articles

Article 1er
Prise en charge par l’État de la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne

Adopté par la commission avec modification

L’article 1er de la présente proposition de loi vise à inscrire la rémunération des personnels affectés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne parmi les dépenses à la charge de l’État listées à l’article L. 211-8 du code de l’éducation.

Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.

Il a été adopté par la commission avec une modification rédactionnelle.

  1.   l’État du droit
    1.   La mise en œuvre de la scolarisation inclusive

Depuis les dispositions de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, renforcées par les lois n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, le service public de l’éducation veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction (article L. 111-1 du code de l’éducation). Même si la notion d’inclusion a une signification générale, visant à assurer une scolarisation pour tous les enfants par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers (malades, itinérants, allophones, etc.), dans la pratique, elle est le plus souvent réservée aux mesures prises pour scolariser les enfants souffrant d’un handicap ou d’un trouble de la santé invalidant.

Est ainsi consacrée une approche nouvelle : quels que soient les besoins particuliers de l’enfant, il revient à l’école de s’assurer que l’environnement est adapté à sa scolarité.

Pour satisfaire à cette obligation, le service public de l’éducation doit garantir une formation scolaire aux enfants et aux adolescents présentant un handicap (enfants en situation de handicap). L’inclusion scolaire a comme objectif une scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap, c’est-à-dire une inscription de l’enfant concerné dans l’école ou l’établissement « le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence » (article L.112-1 du code de l’éducation). Dans ses domaines de compétences, l’État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire de ces enfants.

Au sein de chaque maison départementale des personnes handicapées (MDPH), la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est l’instance qui, saisie par la famille de l’enfant, se prononce sur l’orientation des personnes handicapées, notamment sur la scolarisation des enfants. Elle prend les décisions relatives à l’ensemble des droits des enfants en situation de handicap. Ses décisions sont préparées par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation (EPE) ([5])  de la MDPH.

La CDAPH arrête notamment le projet personnalisé de scolarisation (PPS), qui propose des modalités de déroulement de la scolarité coordonnées avec les mesures permettant l’accompagnement de celle-ci. Le PPS détermine les conditions de la scolarisation de l’enfant ainsi que le type d’établissement fréquenté par l’enfant, établissement d’éducation spécifique ([6]) ou classe ordinaire.

Lorsque l’on constate que la scolarisation d’un enfant en situation de handicap dans une classe ordinaire de l’enseignement – public ou privé – requiert une aide, la commission détermine les modalités de cette aide : matérielle et/ou humaine et, dans cette seconde hypothèse, si celle-ci est individuelle ou mutualisée.

Pour l’aide humaine, la commission se prononce sur la base d’une évaluation de la situation scolaire de l’enfant en situation de handicap, qui prend en compte divers éléments (environnement scolaire, durée du temps de scolarisation, nature des activités à accomplir par l’accompagnant, nécessité que l’accompagnement soit effectué par une même personne identifiée, besoins de modulation et d’adaptation de l’aide et sa durée…).

L’aide individuelle a pour objet de répondre aux besoins des enfants qui requièrent un accompagnement soutenu et continu. Elle est attribuée à un enfant en situation de handicap pour une quotité horaire déterminée. A contrario, l’aide mutualisée est destinée à répondre aux besoins d’accompagnement d’enfants qui ne requièrent pas une attention soutenue et continue. Dans les deux cas, la CDAPH définit les activités principales de l’accompagnant.

Le besoin d’accompagnement humain qualifié fait l’objet d’une notification adressée à la famille de l’enfant en situation de handicap afin qu’elle puisse faire valoir ses droits auprès du ministère chargé de l'éducation, lequel doit mobiliser en conséquence les moyens humains appropriés. La notification est également adressée au directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), mais pas à la collectivité territoriale concernée.

Lorsque la scolarisation d’un enfant dans une classe de l’enseignement public ou privé requiert une aide individuelle, cette aide peut notamment être apportée par un personnel spécifique dénommé « accompagnant des élèves en situation de handicap » (AESH), pour exercer des fonctions d’aide à l’inclusion scolaire de ces enfants, y compris en dehors du temps scolaire. Les AESH peuvent être recrutés par l’État (article L. 917-1 du code de l’éducation).

Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’éducation, l’État assume, dans le cadre de ses compétences, des missions qui comprennent le recrutement et la gestion des personnels relevant de sa responsabilité. À ce titre, l’État a notamment la charge des rémunérations d’une large catégorie de personnels intervenant dans le service public de l’éducation (enseignants, personnels administratifs et d’inspection, agents relevant de l’enseignement supérieur et de la recherche) mentionnés à l’article L. 211-8 du code de l’éducation.

Bien qu’ils soient recrutés par l’État, les dépenses de rémunération des personnels AESH ([7]) ne figurent pas dans cette liste. L’État, en effet, n’a pas l’exclusivité du recrutement des AESH, qui peuvent également être employés par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), les établissements privés sous contrat, ainsi que par la collectivité de rattachement de l’établissement scolaire concerné, soit directement, soit en commun avec l’État.

  1.   La problématique de la prescription des Maisons départementales des personnes handicapées concernant le temps de la pause méridienne

Les auditions ont révélé un certain flou juridique et opérationnel autour de l’ouverture de droits aux familles pour une assistance humaine aux enfants en situation de handicap lors du temps de la pause méridienne et de la restauration scolaire.

Alors que les auditions ont rappelé que le handicap de l’enfant peut de fait nécessiter une assistance humaine qualifiée pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne liés à la restauration scolaire, les notifications des MDPH n’abordent pas systématiquement cette question. On constate, ainsi que le montre le récent rapport du sénateur Vial ([8]), une hétérogénéité des pratiques des MDPH. Tandis que certaines n’abordent pas la question du temps de pause méridienne dans leur notification, que ce soit pour affirmer ou infirmer un besoin, d’autres émettent soit de simples préconisations dans le PPS, qui n’ouvrent pas de droit aux familles, soit des prescriptions dont on peine à déterminer, en l’état du droit, la réalité du caractère opposable.

L’association des directeurs de MDPH a rappelé que les notifications adressées par la MDPH n’ouvrent des droits aux familles que pour le temps scolaire. L’article L. 351-3 du code de l’éducation fait en effet référence à la scolarisation, laquelle n’inclut pas formellement le temps de pause méridienne, sans interdire cependant une prescription de la MDPH pour ce temps périscolaire singulier, intercalé entre deux périodes de scolarisation. Par ailleurs, si l’organisation d’un service de restauration scolaire n’est pas une obligation pour la collectivité, il est de jurisprudence constante que, dès lors que ce service au public existe, l’autorité publique qui en a la charge doit mettre en place les conditions de son égal accès aux enfants.

De fait, dans la plupart des cas, ce sont les familles qui sollicitent directement la collectivité territoriale pour un besoin d’accompagnement pour la pause de midi, sans disposer d’une notification expresse de la MDPH en ce sens. Certaines mairies s’interrogent sur le besoin réel de l’élève et ne sont pas compétentes pour l’évaluer ; parfois d’ailleurs, elles ne souhaitent pas en prendre la responsabilité. Il ressort des auditions que les familles, quand elles se voient opposer par la collectivité un refus de prise en charge de leur enfant sur le temps de la pause méridienne, choisissent généralement de retirer l’enfant du service de restauration. En pratique, selon l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés (UNAPEI), « le temps de pause méridienne est rarement proposé aux enfants en situation de handicap […] du fait du manque d’AESH ». Soit ce temps de pause « n’est pas géré et les enfants ne peuvent pas bénéficier des repas à la cantine comme tous les enfants, soit certains AESH ont un double contrat : éducation nationale sur les temps scolaires, collectivités territoriales sur le temps de midi » ([9]).

On notera que la circulaire ministérielle n° 2017-084 du 3 mai 2017 portant sur les missions et activités des personnels chargés de l’accompagnement des enfants en situation de handicap, contient, dans un paragraphe consacré à l’« accompagnement des élèves dans les actes de la vie quotidienne » l’item suivant : « Aider à la prise des repas. Veiller, si nécessaire, au respect du régime prescrit, à l’hydratation et à l’élimination. » ([10])

  1.   La détermination de l’autorité en charge du financement des aesh mobilisés sur le temps de la pause méridienne

Cette question a fait l’objet d’une jurisprudence administrative fournie, avec un revirement jurisprudentiel important en 2020 concernant l’entité publique responsable du financement des AESH sur les temps périscolaires, incluant celui de la pause méridienne.

Le changement de jurisprudence en 2020 est sans effet sur la compétence de l’État sur le temps scolaire. Le droit à l’éducation étant garanti à chacun et le caractère obligatoire de l’instruction s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les élèves en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l’État, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient un caractère effectif pour les enfants concernés. L’État doit donc mettre en place les moyens financiers et humains pour assurer la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap.

La question essentielle est celle du périmètre de ce droit à l’éducation : inclut-il ou non le temps de la pause méridienne, et plus largement les temps périscolaires au regard des activités des enfants pendant ces périodes (restauration scolaire, activités péri-éducatives) ? À ce sujet, le juge administratif a fait évoluer son interprétation de la législation.

  1.   La période antérieure au revirement jurisprudentiel de novembre 2020

Avant l’arrêt de novembre 2020 ([11]), le Conseil d’État, en application d’une jurisprudence constante ([12]), considérait que la mission d’organisation générale du service public de l’éducation reconnue à l’État n’était pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire, et intégrait les temps périscolaires, dès lors que l’accès aux activités périscolaires apparaissait comme une « composante nécessaire à la scolarisation de l’enfant » ([13]).

En conséquence, il revenait à l’État, le cas échéant, de prendre en charge le financement des emplois d’AESH sur le temps de la pause méridienne.

  1.   Le revirement jurisprudentiel de novembre 2020

L’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020 tranche avec les précédentes décisions. Le juge administratif adopte une version malthusienne des obligations de l’État, les réduisant au temps scolaire stricto sensu, dans le cadre d’un droit à l’éducation qui, désormais, n’inclut plus les temps périscolaires, ces derniers relevant de la compétence de droit commun des collectivités de rattachement.

  1.   Pour l’État, une obligation de résultat concernant un droit à l’éducation des enfants en situation de handicap qui désormais se limite au seul temps scolaire et une obligation de moyens pour les temps périscolaires

Le juge administratif considère que l’aide humaine prescrite par la CDAPH à l’égard d’un enfant en situation de handicap scolarisé en milieu ordinaire, « eu égard à son objet, ne peut concerner que le temps dédié à la scolarité » ([14]), sans prise en compte du temps périscolaire. L’État a toujours une obligation de résultat pour rendre effectif le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap, mais restreinte au seul temps scolaire, et excluant donc les temps périscolaires, pour lesquels il a toutefois une obligation de moyens en vue de faciliter, dans la mesure du possible, la continuité de l’assistance apportée à l’enfant.

« Lorsque l’État […] recrute une personne pour accompagner un enfant en situation de handicap durant le temps scolaire et qu’en outre, cet enfant recourt au service de restauration scolaire […], il appartient à l’État de déterminer avec la collectivité territoriale qui organise ce service et ces activités si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l’enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l’intérêt de l’enfant, la continuité de l’aide qui lui est apportée » ([15]) Ainsi, « en laissant le soin aux parents de l’enfant qui avait été exclu de la cantine de se retourner vers la commune, sans intervenir activement lui-même, le recteur de l’académie a méconnu les obligations dont il avait la charge » ([16]).

  1.   La prise en charge financière de l’éventuel accompagnement de l’élève en situation de handicap sur le temps de pause méridienne ne relève pas de la compétence de l’État mais de celle de la collectivité territoriale de rattachement de l’établissement scolaire

L’arrêt de novembre 2020 reporte sur la collectivité territoriale de rattachement de l’établissement, la responsabilité de la charge du financement des AESH intervenant sur les temps périscolaires.

Le juge administratif, s’appuyant sur les dispositions des articles L.114- 1- 1 ([17]) et L. 114-2 ([18]) du code de l’action sociale et des familles, rappelle que la collectivité territoriale, au même titre que l’État avec lequel elle s’associe, a une obligation générale de répondre aux besoins des personnes handicapées, notamment en matière d’éducation, en vue notamment « d’assurer aux personnes handicapées toute l’autonomie dont elles sont capables. […] À cette fin, l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent […] handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie […] ».

En conséquence, dès lors que les lois de décentralisation ont confié l’organisation de la restauration scolaire et des activités périscolaires aux collectivités de rattachement des établissements scolaires, ces dernières ont pour responsabilité de s’assurer que les enfants en situation de handicap puissent y accéder, en dépit du caractère facultatif desdites activités, avec, le cas échéant, le concours des aides techniques et des aides humaines.

La décision du Conseil d’État rappelle les limites de la responsabilité de l’État, limites qui en réalité existaient préalablement à cette décision mais qui, tant dans les faits que dans la jurisprudence, n’étaient pas respectées. Il revient donc à la collectivité territoriale de rattachement d’assurer, lorsqu’un accompagnement ad hoc est mis en place, la prise en charge financière des AESH sur les temps périscolaires au nom des compétences qui lui ont été confiées par la loi.

En pratique, ce revirement jurisprudentiel a entraîné de réelles difficultés dans la prise en charge financière des AESH sur le temps de la pause méridienne. Cette charge étant reportée sur les collectivités, une partie d’entre elles, notamment les petites communes, se sont trouvées confrontées à des difficultés tant de financement que de recrutement d’AESH. Cela a pu créer des ruptures dans la continuité de l’accompagnement des élèves en situation de handicap tout au long de la journée scolaire, à rebours de l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel peut se trouver privé d’une aide lors de la pause méridienne. Des difficultés du même ordre ont été constatées dans les établissements d’enseignement privé.

Les conséquences de l’arrêt du Conseil d’État de novembre 2020
sur l’enseignement privé

Si le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur le cas des établissements d’enseignement privés sous contrat, il apparaît cependant qu’un raisonnement similaire doit s’y appliquer, à savoir que la prise en charge de l’accompagnement d’un élève en situation de handicap ne relève de la compétence de l’État que sur le temps scolaire. La charge est ainsi transférée aux établissements privés eux-mêmes.

La présente proposition de loi vise par conséquent à remédier à ces difficultés en instaurant une unicité d’employeur et de financeur pour les temps scolaires et de la pause méridienne.

  1.   La solution proposée

La présente proposition de loi entend confier à l’État la charge de la rémunération des personnels AESH lorsqu’ils interviennent sur les temps scolaires et de la pause méridienne. Elle vise ainsi :

– d’une part, à inscrire expressément dans la loi, aux titres des charges de l’État, la rémunération des AESH intervenant sur le temps scolaire et le temps de la pause méridienne, pour chaque degré d’enseignement ;

– d’autre part, à contribuer à remédier à une grande partie des difficultés consécutives à l’évolution de la jurisprudence en 2020.

  1.   Les difficultés entraînées par le revirement jurisprudentiel de 2020

La décision du Conseil d’État de 2020, en intervenant à rebours de la pratique antérieure – et validée juridiquement par le juge administratif à de nombreuses reprises –, a entraîné des difficultés de tous ordres, avec des conséquences majeures, au final, pour les enfants en situation de handicap et leurs familles, puisque cela a pu contribuer à réduire la présence des AESH sur le temps de la pause méridienne.

  1.   Les types de difficultés rencontrées
    1.   Dans les cas les plus problématiques, des ruptures de prise en charge des élèves en situation de handicap dans la journée scolaire

L’arrêt par l’État du financement de l’AESH sur le temps de la pause méridienne et la non-compensation par la collectivité territoriale, notamment pour des raisons budgétaires, a pu avoir pour effet d’interrompre l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Le rapport du sénateur Cédric Vial, déjà cité, indique ainsi : « Certains se sont retrouvés subitement sans aide humaine à la pause méridienne, obligeant leurs parents à prendre le relais, à leur propre détriment (pose de jour de congé ou de maladie, restriction ou arrêt d’activité…), voire à recourir, dans certains cas, à des accompagnants privés pour ceux dont les moyens le permettent ».

  1.   Des difficultés de tous ordres et pour tous les acteurs

Toutefois, même en cas de continuité de l’accompagnement de l’élève en situation de handicap, les difficultés sont nombreuses et concernent :

– les enfants qui sont parfois pris en charge par un second AESH spécifiquement pour le temps de la pause méridienne ;

– les familles, qui ont dû le cas échéant renouveler leur demande d’un AESH auprès de la collectivité pour le seul temps de la pause méridienne ;

– les collectivités, notamment les communes, en raison d’une charge financière supplémentaire potentiellement importante, dans un contexte budgétaire contraint. Elles doivent également organiser une gestion de ressources humaines ad hoc pour recruter et gérer les AESH pour quelques heures par semaine (en général 8 heures). Par ailleurs les petites communes peuvent se retrouver confrontées à un vivier d’AESH insuffisant si elles doivent, pour diverses raisons, faire appel à des AESH complémentaires à ceux de l’État ;

– les AESH, en raison de la complexité née de la dualité d’employeurs (double contrat, réorganisation des temps de travail) dès lors que la collectivité maintient sur le temps de la pause méridienne le même AESH que celui recruté par l’État. Cela peut conduire également à une dégradation des conditions de travail en cas de mésentente entre les deux employeurs sur le temps de pause de l’AESH ;

– les écoles privées sous contrat, contraintes de trouver les financements nécessaires, les fonds perçus au titre du forfait scolaire ne pouvant pas servir à couvrir des dépenses qui interviennent sur le temps périscolaire ;

– enfin, l’État lui-même, amené à revoir certains contrats avec les AESH pour en supprimer les heures d’accompagnement lors de la pause méridienne.

  1.   Des effets différents selon les degrés d’enseignement

La rapporteure tient à souligner que ces difficultés identifiées n’ont pas la même acuité, ainsi que cela a été confirmé lors de l’audition avec les élus locaux, selon qu’il s’agit du premier ou du second degré. Ces différences de traitement tiennent à plusieurs raisons.

En premier lieu, l’âge des élèves en situation de handicap : contrairement aux élèves du premier degré qui bénéficient pour l’essentiel d’une aide individualisée en raison d’un manque d’autonomie également dû à leur âge, les collégiens et, a fortiori, les lycéens, bénéficient plus largement d’une aide humaine mutualisée, plus aisément mobilisable pour couvrir les besoins de la pause méridienne. Sans que la rapporteure ne dispose de données objectivées, ce point a été confirmé par le président du conseil départemental de la Meuse représentant l’association Départements de France lors de l’audition.

En deuxième lieu, le statut de l’établissement scolaire : l’autonomie de gestion des EPLE et la présence d’un chef d’établissement exerçant une autorité fonctionnelle sur l’ensemble des personnels (État, collectivités, contractuels) affectés dans l’établissement facilitent la mobilisation des AESH. Par ailleurs, les AESH peuvent être recrutés par les EPLE, conformément aux dispositions de l’article L. 917-1 du code de l’éducation. A contrario, dans le premier degré, le directeur d’école n’a pas d’autorité fonctionnelle sur l’AESH sur le temps de la pause méridienne et n’est pas juridiquement en capacité de recruter directement un AESH.

En troisième lieu, la capacité de financement, forcément plus importante pour une grande collectivité que pour une petite commune confrontée à une charge financière supplémentaire moins aisément soutenable.

En quatrième lieu, le vivier d’AESH, plus important pour une collectivité départementale ou régionale qui peut donc plus facilement mutualiser des AESH pour couvrir les besoins de la pause méridienne que pour une petite commune n’employant que très peu d’AESH.

En cinquième et dernier lieu, il apparaît qu’en pratique le changement de paradigme résultant de l’arrêt de 2020 a été diversement mis en œuvre en fonction des territoires, l’État continuant à prendre en charge certaines situations individuelles, ainsi que l’a confirmé l’audition de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) du ministère chargé de l’éducation, selon laquelle, notamment, cela « n’a pas conduit à une diminution du nombre de mises à disposition à titre gratuit ». Le rapport fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, sur la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, évoque à cet égard « le maintien, par le rectorat, de la prise en charge des lycéens en situation de handicap sur le temps périscolaire ».

  1.   Les apports de la proposition de loi
    1.   L’instauration d’une autorité unique assumant la charge financière des AESH sur les temps scolaires et de la pause méridienne revêt plusieurs avantages

La présente proposition de loi permet :

– de clarifier le droit existant en confiant à une autorité unique la charge de la rémunération des AESH sur les deux temps ;

– de réduire les inégalités de traitement des élèves en situation de handicap, selon que la collectivité territoriale dispose des moyens (ou de la volonté) de prendre en charge les AESH sur le temps de la pause méridienne ;

– de favoriser – sans pouvoir la garantir car la décision finale en revient aux personnels AESH – la continuité de la prise en charge de l’élève en situation de handicap par un accompagnateur unique tout au long de la journée (hors activités péri-éducatives) ;

– de simplifier la vie des familles en permettant d’adresser un dossier unique à l’attention du ministère chargé de l’éducation, sans avoir à en constituer un second pour la collectivité pour le seul temps de la pause méridienne ;

– de simplifier la tâche des collectivités en leur retirant la contrainte que constituent le recrutement et la gestion d’un AESH sur un temps incomplet ;

– de soulager les budgets contraints de certaines collectivités ;

– de réduire les inégalités de situation entre des élèves présentant un besoin d’accompagnement comparable, notamment entre le 1er et le 2nd degrés ;

– de favoriser l’attractivité du métier d’AESH, d’une part en supprimant la contrainte du double contrat et, d’autre part, en tendant vers un temps de travail quasi complet puisqu’aux 24 heures hebdomadaires au titre du temps scolaire s’ajouteront 8 heures au titre de la pause méridienne ;

– de simplifier la gestion des ressources humaines des AESH du fait de l’absence de cumul d’emplois. Le fait de rémunérer les AESH sur le temps de la pause méridienne permettrait aux gestionnaires des AESH de mieux mobiliser les personnels en fonction de leur emploi du temps et des besoins des élèves accompagnés (organisation du temps de service) ;

– de répondre à la problématique spécifique des établissements scolaires privés sous contrat.

  1.   Des difficultés demeurent néanmoins

Si la réforme va dans le sens de l’intérêt de l’enfant en situation de handicap en favorisant, d’une part, l’absence de rupture d’accompagnement liée à la pause méridienne et, d’autre part, la continuité avec le même AESH, elle ne garantit pas, néanmoins, que l’AESH en charge du temps scolaire sera volontaire pour assurer également des missions sur le temps de la pause méridienne. Par ailleurs, ces missions sont très dépendantes d’une problématique plus large qui est celle du vivier de recrutement des AESH.

Une seconde incertitude porte sur l’absence de données précises et fiables sur le nombre d’emplois d’AESH nécessaire pour le temps de la pause méridienne (en équivalents temps plein – ETP).

Dès lors que, d’une part, elles ne sont pas systématiquement traitées par les MDPH et, d’autre part, qu’elles ne relèvent pas de la compétence de l’État, les données portant sur le nombre d’ETP nécessaires pour couvrir l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps de la pause méridienne, ne figurent pas dès l’origine dans les systèmes d’information du ministère chargé de l’éducation.

La Dgesco a transmis une estimation à la rapporteure, sur la base d’une enquête de 2021 ([19]). Toutefois ces données portent sur les temps périscolaires et non exclusivement sur le temps de la pause méridienne.

Aujourd’hui, selon la Dgesco, 60 % des besoins d’accompagnement sur le temps périscolaire sont effectués dans le cadre d’un contrat signé avec le ministère chargé de l’éducation. Ainsi, la charge financière supplémentaire qui devrait être supportée par le ministère – et qui correspond aux 40 % d’ETP pris en charge à l’heure actuelle dans le cadre de conventions de mise à disposition contre remboursement ou de contrats passés directement entre l’AESH et une collectivité ainsi qu’aux besoins d’accompagnement identifiés comme non couverts – s’élèverait à plus de 1 650 ETP ([20]), pour un coût de 55 millions d’euros en année pleine).

Si cette estimation a le mérite d’exister, elle doit néanmoins être prise avec une certaine prudence.

  1.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans lui apporter de modification, ni en commission, ni en séance publique.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure, sous-amendé par Mme Bonnet (LR).

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Adopté par la commission avec modification

L’article 2 de la présente proposition de loi tire les conséquences de l’article 1er en inscrivant dans l’article L. 917-1 du code de l’éducation, spécifique aux AESH, le principe de la prise en charge par l’État de la rémunération de ces personnels lorsqu’ils sont affectés sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne.

Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.

Il a été adopté par la commission avec une modification rédactionnelle.

  1.   l’État du droit

L’article 2 de la présente proposition de loi tire les conséquences de son article premier. Il inscrit à l’article L. 917-1 du code de l’éducation, spécifique aux AESH, le principe de la prise en charge par l’État de la rémunération de ces personnels lorsqu’ils sont affectés sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne.

  1.   Le recrutement des aesh sur le temps scolaire

En application de l’article L. 917-1 précité, les AESH peuvent être recrutés :

– par l’État (recteur ou Dasen) ;

– par les établissements publics d’enseignement scolaire du 1er degré (établissement régional d'enseignement adapté) et du 2nd degré (collège et lycée) ;

– par les établissements privés sous contrat avec l’État, tous niveaux confondus.

Il s’agit de contrats de droit public. L’employeur exerce l’autorité hiérarchique. Les AESH peuvent assumer leurs fonctions dans l’établissement qui les a recrutés, dans un ou plusieurs autres établissements ainsi que, compte tenu des besoins appréciés par l’autorité administrative, dans une ou plusieurs écoles. La diversité des lieux de travail doit être stipulée dans le contrat.

Les missions exercées dans le cadre du contrat d’AESH sont énumérées par la circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017.

  1.   Les dispositifs pour faciliter la continuitÉ de la prise en charge de l’enfant entre les temps scolaires et les temps pÉrI et extrascolaires

La journée d’un enfant ne se limitant pas aux heures qu’il passe en classe, l’accueil durant le temps périscolaire (cantine) ou extrascolaire doit lui aussi être adapté. À cet effet, l’article L. 917-1 précité prévoit que les AESH recrutés pour exercer des fonctions d’aide à l’inclusion scolaire des élèves concernés peuvent également intervenir en dehors du temps scolaire.

Plusieurs dispositifs sont prévus pour faciliter la liaison entre les temps scolaires et les temps péri et extrascolaires.

En premier lieu, les AESH peuvent être recrutés directement par la collectivité de rattachement de l’école ou de l’établissement scolaire, pour les activités hors temps scolaire (y compris le temps de la pause méridienne). Selon la Dgesco, on constate une augmentation significative de ce mode de recrutement ces deux dernières années (784 ETP au niveau national en 2023, contre 92 en 2021).

En deuxième lieu et au même titre que les assistants d’éducation, les AESH volontaires peuvent être mis à la disposition des collectivités territoriales dans les conditions prévues à l’article L. 916-2 du code de l’éducation. Cela fait l’objet d’une convention tripartite entre l’autorité académique, la collectivité territoriale et l’AESH concerné, permettant d’assurer la continuité de l’aide, et la prise en charge du coût de l’accompagnant pendant les temps hors scolaires incombant normalement à la collectivité.

Néanmoins, selon les données transmises par la Dgesco à la rapporteure, la mise à disposition de l’AESH par l’État par conventionnement avec la collectivité locale contre remboursement pose une réelle difficulté pour les petites collectivités, qui ne peuvent pas toujours assumer les frais afférents. De fait, selon les données de la Dgesco, sur les 187 ETP mis à disposition en 2023 (contre 162 ETP en 2021), 166 ETP l’ont été à titre gratuit (162 ETP en 2021) et 21 ETP contre remboursement (aucun en 2021).

Enfin, le rectorat (ou le Dasen) et la collectivité territoriale de rattachement peuvent également s’associer par convention en vue du recrutement commun d’AESH. Cette disposition, issue de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, vise à faciliter la prise en charge des élèves en situation de handicap hors du temps scolaire, sur les temps extra et périscolaires, tout en permettant d’offrir aux AESH des temps de travail complets ou s’en approchant.

Les collectivités territoriales organisatrices du temps périscolaire et extrascolaire demeurent responsables en cas d’incidents survenant lorsqu’elles prennent le relais de l’école à l’occasion de la pause méridienne ou encore pendant les temps de garderie.

  1.   le Dispositif proposÉ

Le présent article transfère à l’État la charge du financement de l’accompagnement de l’AESH sur le temps de pause méridienne. En cela, il permettra de réduire les nombreuses difficultés apparues à la suite de l’arrêt du Conseil d’État de novembre 2020.

Ce transfert de la prise en charge financière est limité dans son champ au seul temps de la pause méridienne. Il n’a donc pas vocation à se substituer aux autres dispositifs (mise à disposition, recrutement par la collectivité seule, recrutement conjoint autorité académique – collectivité) qui sont maintenus pour tous les autres temps non scolaires (périscolaires et extrascolaires). Les dualités de contrat des AESH demeureront donc pour les temps non scolaires qui ne sont pas couverts par la présente proposition de loi.

La prise en charge financière par l’État de l’accompagnement de l’élève en situation de handicap sur le temps de la pause méridienne n’a pas pour effet de transférer à l’État la compétence de la collectivité sur ce temps.

En revanche, se pose la question de la définition des responsabilités dès lors qu’un personnel AESH sous l’autorité hiérarchique de l’État exerce ses fonctions sur un temps qui demeure sous la responsabilité de la collectivité territoriale. Cette problématique concerne en réalité le premier degré, le directeur d’école n’exerçant en effet aucune compétence sur le temps de restauration scolaire au nom de l’État, contrairement au principal de collège ou au proviseur de lycée ([21]).

À cet égard, il aurait pu être envisagé de prévoir, via la loi, l’exercice d’une autorité fonctionnelle de la collectivité de rattachement sur le personnel de l’État, à l’instar de ce qui existe pour d’autres personnels de l’éducation nationale ([22]), ou, en sens inverse, entre les directeurs d’école et les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.

Une telle option n’a pas été retenue. L’article L. 917-1 précité prévoyant une convention tripartite entre l’autorité académique, la collectivité et l’AESH, il conviendra de prévoir l’articulation des responsabilités dans cette convention.

  1.   La position du SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans lui apporter de modification, ni en commission, ni en séance publique.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

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Introduit par la commission

L’article 3 fixe la date d’entrée en vigueur de la loi au 1er septembre 2024.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure afin de fixer la date d’entrée en vigueur de la loi.

L’entrée en vigueur de la loi à la rentrée scolaire 2024‑2025 vise à laisser un délai raisonnable d’organisation aux services déconcentrés du ministère chargé de l’Éducation et des collectivités territoriales pour assurer la mise en œuvre des nouvelles modalités de prise en charges des personnels accompagnants d’élèves en situation de handicap.

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La commission a adopté un amendement de la rapporteure, de nature rédactionnelle, modifiant le titre de la proposition de loi.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 3 avril 2024  ([23]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien (n° 2106) (Mme Virginie Lanlo, rapporteure).

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je me réjouis de l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, car elle vise à résoudre une difficulté souvent signalée au cours de nos travaux.

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. Cette importante proposition de loi est bienvenue compte tenu des enjeux de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Elle doit permettre de résoudre les difficultés constatées sur le terrain, en particulier dans les écoles, et qui découlent, comme vous le savez, d’un arrêt du Conseil d’État de novembre 2020.

Par cette décision, le juge administratif, rompant avec la jurisprudence, a considéré que la prise en charge du temps scolaire et celle des temps périscolaires relèvent de deux autorités distinctes : l’État dans le premier cas, les collectivités locales dans le second. Les temps périscolaires incluent la pause méridienne, objet de la présente proposition de loi. La décision a créé des situations compliquées pour les enfants, leurs familles, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et les collectivités. Il est heureux que nous puissions leur apporter des solutions.

La proposition de loi, venue du Sénat, est due à l’initiative du sénateur Cédric Vial, avec qui j’ai longtemps siégé à la commission éducation de l’Association des maires de France (AMF). Impliqués depuis de longues années dans le domaine du handicap, nous avons le même objectif : éviter les ruptures de parcours. On notera que le texte n’a été modifié au Sénat ni en commission ni en séance.

Les acteurs que nous avons auditionnés la semaine dernière, notamment avec ma collègue Cécile Rilhac, sont tous favorables à la proposition de loi : les associations et les collectivités locales, bien entendu, mais aussi les représentants des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La Défenseure des droits m’a également fait part de son intérêt pour le texte. Certes, une partie d’entre eux, comme moi-même, considère que celui-ci n’est qu’une étape et qu’il faudra aller plus loin. Mais aucun ne lui est défavorable, ni même l’État puisque le Gouvernement le soutient.

Cette proposition de loi vient s’ajouter à des textes antérieurs en faveur de l’inclusion scolaire. En dépit des problèmes sur le terrain et de nombreuses difficultés que l’on ne doit pas occulter, il faut reconnaître que, depuis la loi du 11 février 2005, la prise en charge des élèves en situation de handicap dans le cadre du milieu scolaire dit ordinaire a progressé. Le principe de l’inclusion scolaire a été renforcé par les lois de 2013 pour la refondation de l’école de la République et de 2019 pour une école de la confiance. La scolarisation inclusive est inscrite dans les objectifs de l’éducation – au-delà des seuls enfants en situation de handicap, même si on leur associe généralement cette approche. De fait, depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, passant de moins de 120 000 à presque 480 000 à la rentrée 2023.

Le principe de la scolarisation inclusive resterait lettre morte sans ceux que l’on nomme les AESH. Leur métier est difficile, mériterait d’être mieux valorisé, est mal rémunéré du fait de temps de travail incomplets. Pourtant, on est passé de moins de 53 000 équivalents temps plein (ETP) en 2017 à environ 85 000 aujourd’hui, pour un nombre d’agents estimé à 133 682, chiffre transmis par le ministère de l’éducation nationale. Là aussi, la situation a évolué depuis les personnels d’assistance particulière des années 1980 et les AVS (auxiliaires de vie scolaire) des années 2000. Désormais, les AESH sont recrutés dans le cadre de contrats de droit public pour une durée minimale de trois ans et ont notamment droit à un volet de formation de soixante heures.

Cependant, le métier reste peu attractif. Comme l’a montré la Défenseure des droits dans son rapport de 2022 sur l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap, la précarité de la fonction s’accompagne chez les AESH d’un fort sentiment de manque de reconnaissance de leur rôle et d’isolement au sein de la communauté éducative. Beaucoup regrettent par exemple de ne pouvoir échanger régulièrement avec leurs pairs, mais aussi avec l’équipe enseignante, au sujet des situations à gérer au quotidien comme de leurs pratiques. C’est aussi une question de rémunération, liée notamment à des temps incomplets.

La proposition de loi se résume en une phrase : l’accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne sera désormais pris en charge par l’État. C’est important : cela vient clore une séquence d’incertitude et de confusion ouverte il y a plus de trois ans et qui a parfois eu pour effet d’interrompre l’accompagnement des enfants pendant le temps méridien, la collectivité n’ayant pas pris le relais à la suite du désengagement de l’État.

Le texte fait ainsi dépendre les AESH du même employeur – l’État –, qu’ils interviennent pendant le temps scolaire ou pendant la pause méridienne. Pour les familles d’abord, cela favorise la continuité de l’accompagnement de l’enfant. C’est un enjeu fondamental : l’organisation du système doit avoir pour objectif premier d’assister le jeune et sa famille. Cela simplifiera également la vie des familles, qui ne seront plus contraintes de solliciter les deux autorités publiques – État d’un côté, collectivité de l’autre –, autrement dit de constituer deux dossiers.

Ensuite, la proposition de loi simplifie la situation des AESH. Actuellement, ces derniers ont deux contrats indépendants l’un de l’autre, ce qui peut poser des problèmes de temps de repos si les employeurs ne s’entendent pas ou de cumul d’emplois. Désormais, un seul contrat portera sur les deux temps. Le texte permettra également de tendre vers un temps complet en ajoutant huit heures hebdomadaires de pause méridienne aux vingt-quatre heures de temps scolaire.

Enfin, la proposition de loi réduira les inégalités selon les territoires, ce qui profitera aux familles et aux enfants. Actuellement, en effet, l’accompagnement diffère selon les communes : certaines prennent en charge le temps de pause méridienne – parfois parce que c’est l’État lui-même qui met un AESH à disposition à titre gratuit – tandis que d’autres ne le font pas.

Ce texte doit être vu comme une étape : il n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes. J’ai déjà évoqué les difficultés liées à l’attractivité du métier d’AESH ; pour ces derniers, la proposition de loi va dans le bon sens mais devra être complétée – je suis convaincue, chers collègues, que vous avez de nombreuses propositions à formuler à ce sujet. Par ailleurs, il n’y a actuellement aucune homogénéité dans les notifications des MDPH concernant un accompagnement pendant la pause méridienne : certaines n’abordent pas ce sujet ; d’autres formulent de simples préconisations ; d’autres, enfin, font des prescriptions dont on peine à savoir si elles créent des droits opposables, comme c’est le cas des prescriptions concernant le temps scolaire. C’est un autre sujet sur lequel il faudra travailler dans un avenir proche.

Je suis persuadée que le texte saura trouver une large majorité.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Cécile Rilhac (RE). Le 31 janvier dernier, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre annonçait : « Il faut sortir de cette situation […], et je prends une décision claire : l’État prendra ses responsabilités et financera désormais l’accompagnement des enfants en situation de handicap sur leur pause déjeuner […]. C’est un enjeu de solidarité, de dignité et de reconnaissance. »

Le texte du sénateur Vial nous permet de concrétiser cet engagement fort de la majorité en faveur d’une inclusion renforcée, qui répond à une demande du terrain, particulièrement des collectivités locales.

La proposition de loi a un objectif unique, bien précis : la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Il ne sera donc pas question ici des conditions de travail des AESH, de leur rémunération ni même de leur fonctionnarisation, si importantes que soient ces questions, régulièrement débattues au sein de notre commission. L’amélioration des conditions d’exercice du métier d’AESH et des conditions de travail des enseignants qui accueillent des enfants en situation de handicap dans leur classe sont évidemment des priorités pour nous toutes et tous.

Le Conseil d’État a estimé en novembre 2020 qu’il revenait aux collectivités territoriales d’assurer la prise en charge des AESH pendant l’ensemble des temps périscolaires, notamment le temps méridien. Au cours des auditions, il nous a été rapporté que cette décision posait plusieurs problèmes, à commencer par la lourde charge financière qu’elle implique pour les collectivités et la rupture d’égalité de traitement des AESH selon les moyens dont celles-ci disposent. Or notre école républicaine doit demeurer un infaillible fer de lance du combat contre les inégalités, quelles qu’elles soient, et d’abord au profit des élèves.

Lors des auditions, il a souvent été affirmé qu’il importe pour ces derniers de garder leur AESH à leur côté durant le temps méridien, pour assurer une continuité de l’accompagnement tout au long de la journée. Si je comprends ce souhait et pense également que la continuité peut être bénéfique pour certains élèves, je précise que, pour l’heure, il n’existe pas de garantie que les élèves conservent pendant le temps méridien l’AESH qui les suit pendant le temps scolaire. Il faudrait pour cela que l’AESH soit d’accord pour augmenter son temps de travail et suffisamment formé à la prise en charge spécifique du temps méridien, différente de l’accompagnement des temps scolaires. De plus, il faudrait s’assurer, comme pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), que les AESH bénéficient d’une pause pour le déjeuner.

Qu’en sera-t-il de la responsabilité des directrices et directeurs d’école ? Ils ne sont pas supposés travailler pendant la pause de midi, puisqu’il ne s’agit pas d’un temps pédagogique. Il faut donc que les AESH passent pendant ce temps sous la responsabilité des collectivités territoriales, même s’ils sont des personnels de l’éducation nationale, rémunérés en tant que tels sur ledit temps. Pouvez-vous, madame la rapporteure, nous détailler votre position sur ce point ?

Enfin, le transfert de charges des collectivités territoriales vers l’État pourrait intervenir dès le vote de la proposition de loi. Il faudrait donc prévoir un nombre suffisant d’ETP d’AESH pour la prise en charge de tous les élèves ayant besoin d’un accompagnement humain pendant le temps méridien, mais aussi anticiper l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap qui pourraient rester à l’école pendant ce même temps. Je défendrai donc un amendement instaurant une date d’entrée en vigueur à la rentrée 2024 au plus tôt, pour laisser au ministère de l’éducation nationale le temps de préparer la mise en œuvre du dispositif. Sinon, je crains qu’il ne faille, comme nous l’ont dit les associations d’élus et d’usagers, déshabiller le temps scolaire pour habiller le temps méridien.

Le groupe Renaissance est favorable à cette proposition de loi tout en restant attentif à sa mise en œuvre : le texte ne doit pas créer plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions.

M. Roger Chudeau (RN). Cette proposition de loi présente un intérêt indubitable : elle vient combler une lacune législative s’agissant de l’emploi des AESH. Elle permet en effet d’assurer, dans l’enseignement public comme dans l’enseignement privé sous contrat d’association, la continuité dans la prise en charge sur la pause méridienne des élèves souffrant de handicap, ce qui mettra fin à des situations douloureusement ressenties par les élèves et leur famille. Le groupe Rassemblement national la votera, bien entendu.

Mais on ne peut que regretter qu’une proposition de loi sur un sujet aussi central en matière éducative – l’inclusion et la solidarité nationale vis-à-vis des plus fragiles de nos enfants – se cantonne à la question de la pause méridienne. Nous proposerons donc des amendements visant à étendre au temps périscolaire la couverture par l’État de l’accompagnement par les AESH, car il n’y a aucune raison que les élèves souffrant de handicap n’en bénéficient pas aussi pendant les activités périscolaires. Nous souhaitons également étendre la mission des AESH à l’enseignement supérieur.

Plus largement, nous regrettons que l’occasion ne soit pas saisie de proposer une loi générale et ambitieuse relative aux missions, au recrutement et à la gestion des AESH. Il nous semble en effet, comme le souligne le rapport d’information sénatorial du 3 mai 2023, que le pilotage dual des AESH – par un prescripteur, la MDPH, et un payeur-gestionnaire, le ministère de l’éducation nationale – est source d’innombrables problèmes, goulets d’étranglement et blocages préjudiciables à la qualité du service public d’accompagnement. Nous appelons donc de nos vœux une unification de la chaîne de décision et de mise en œuvre sous l’égide de l’État.

Quant à la gestion des 140 000 AESH, nous considérons qu’il faut créer une fonction éducative particulière, à même de garantir la stabilité des personnels, au sein de laquelle seraient employées en CDI des personnes recrutées sur examen, professionnalisées par une formation solide, et assurant un service complet pour une rémunération décente. Nous déposerons prochainement une proposition de loi en ce sens.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). En novembre 2022, dans le cadre de notre niche parlementaire, nous avions proposé de créer un corps de fonctionnaires pour les AESH, c’est-à-dire de leur attribuer un statut conforme à leur métier. Il devrait en effet s’agir d’un métier et non d’une simple mission ; or qui dit métier dit formation, diplôme et carrière. Mais les macronistes, aidés par Les Républicains et le Rassemblement national, avaient vidé le texte de sa substance.

Les AESH ont un statut précaire, marqué par le temps partiel imposé. Elles peuvent – ce n’est pas automatique – obtenir un CDI après trois ans de CDD : trois ans de période d’essai ! Elles gagnent entre 800 et 1 000 euros par mois, ce qui les oblige à chercher d’autres missions comme l’aide aux devoirs, la cantine ou la garderie pour arrondir les fins de mois. Au bout du compte, elles ont souvent des journées à rallonge, fatigantes et mal rémunérées. Cela explique qu’il devienne difficile de recruter de façon pérenne. Alors que cette catégorie professionnelle est la deuxième la plus nombreuse au sein de l’éducation nationale après les enseignants, le ministère se satisfait de son statut contractuel précaire.

Or la proposition de loi ne changera en rien les conditions de travail des AESH. Si elle a pour objectif d’alléger les budgets des collectivités et de simplifier la gestion administrative des salaires en faisant en sorte que l’État soit l’unique employeur des AESH, il faut, quoi qu’il en coûte, que la prise en charge par l’État concerne tout le temps spécifié dans la notification d’accompagnement de la MDPH, et non uniquement le temps scolaire et le temps méridien. En effet, dès lors que la MDPH notifie à l’élève un accompagnement sur les temps périscolaires, celui-ci ne saurait se réduire au temps méridien.

Nous considérons que le temps de travail complet d’une AESH correspond à vingt-quatre heures d’accompagnement par semaine. Il faut en outre tenir compte du temps de travail invisible – réunions, préparations matérielles… Nous demandons que les heures sur le temps périscolaire soient considérées et rémunérées comme des heures supplémentaires.

L’association Ambition école inclusive a dénombré 200 000 enfants déscolarisés faute d’accompagnement ou de place en structure. La scolarisation des enfants en situation de handicap ne peut avoir lieu au prix d’une précarisation croissante des AESH, sans aucune réforme structurelle des règles qui leur sont applicables. Nous devons faire mieux !

M. Alexandre Portier (LR). Vous connaissez tous l’attachement du groupe Les Républicains à l’école inclusive, une formidable avancée scolaire voulue par le président Jacques Chirac dans le cadre de la grande loi du 11 février 2005. La proposition de loi du sénateur Les Républicains Cédric Vial s’inscrit dans cette filiation ; nous sommes heureux qu’elle ait été adoptée à l’unanimité au Sénat le 23 janvier 2024. Mon groupe votera évidemment en faveur de ce texte simple qui propose une mesure nécessaire, efficace et juste.

À rebours de la dynamique engagée depuis quinze ans, la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 a représenté un retour en arrière pour les familles d’enfants en situation de handicap en empêchant l’État de prendre en charge l’accompagnement pourtant nécessaire de ces enfants pendant la pause méridienne. Ce faisant, le Conseil d’État a créé les conditions d’une rupture de prise en charge particulièrement problématique et injuste, bref indéfendable.

Rapporteur au nom de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale d’une mission d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap qui a pris fin en novembre 2023, j’avais pu mesurer au cours des auditions les dégâts que cette décision a faits sur le terrain, créant de nombreuses incertitudes pour les enfants en situation de handicap, pour leur famille, mais aussi pour les collectivités territoriales. Qui n’a pas découvert avec colère la situation révoltante de parents obligés de déjeuner dans leur voiture avec leur enfant handicapé juste devant l’école parce que l’État, par la voix du juge administratif, avait brutalement renoncé à garantir l’égalité républicaine ?

Je rappelle que nous sommes au lendemain de la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme. Sur le terrain, la décision du Conseil d’État a exposé les familles qui font déjà face à des obstacles au quotidien à de nouvelles difficultés incompréhensibles, dont la multiplication des interlocuteurs. Elle a également entraîné des problèmes de prise en charge pour les collectivités locales, aggravant les inégalités territoriales puisque les moyens des communes sont inégaux. Les collectivités ont parfois refusé d’assumer la prise en charge destinée aux enfants qui fréquentent un établissement privé, entraînant des déscolarisations. Enfin, les AESH ont été pénalisés par cette complexité nouvelle, perdant parfois des heures d’activité ou voyant leurs conditions de travail dégradées du fait de la disparition de leur temps de pause réglementaire.

La proposition de loi résout toutes ces difficultés de manière simple, en étendant la compétence de l’État au temps méridien. Elle ne réglera certes pas tous les problèmes, mais en traite déjà un. Elle vise à faire respecter le droit à l’éducation de tous les enfants en situation de handicap et, ainsi, à garantir que la devise républicaine inscrite au fronton de nos écoles ne se réduise pas à de vains mots. C’est donc un bon texte, et nous espérons qu’aucune voix ne manquera pour son adoption.

Mme Sophie Mette (Dem). Le groupe Démocrate vous remercie d’avoir repris cette proposition de loi venue du Sénat. C’est un texte court mais efficace, marqué au coin du bon sens et vecteur de simplification pour les élèves en situation de handicap.

Depuis 2006, le nombre de ces élèves scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé. Entre 2017 et 2023, le nombre d’AESH a augmenté de 55 %, ce qui fait de ce métier le deuxième de l’éducation nationale. Ces personnels essentiels sont plus sollicités que jamais alors même que leur métier apparaît peu attractif malgré les efforts consentis.

À ce contexte s’ajoutent les conséquences de la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020, qui a rendu incertaine la continuité du parcours à l’école des enfants en situation de handicap.

C’est d’abord l’élève qui s’en trouve fragilisé, car, souvent, il est accompagné – quand il l’est – par un AESH qui n’est pas le même pendant le temps scolaire et pendant la pause méridienne, ce qui crée des inégalités dommageables. Pour les AESH, ensuite, la dualité d’employeurs peut conduire à des incohérences susceptibles de dégrader encore leurs conditions de travail. Les communes, enfin, doivent fréquemment assumer une charge financière supplémentaire, non sans difficulté.

Le texte est donc bienvenu. Dans sa simplicité, il est de nature à favoriser le bien-être et la réussite des élèves dans leur diversité, mais aussi à améliorer le statut des AESH, l’État devenant leur unique employeur, et à soulager les communes, dont il faut saluer l’engagement. Mon groupe votera pour la proposition de loi, en approuvant l’amendement qui fixe à la rentrée prochaine la date d’entrée en vigueur de la mesure afin d’assurer sa bonne mise en œuvre.

Mme Agnès Firmin-Le Bodo (HOR). La proposition de loi, examinée le 23 janvier dernier au Sénat, y a été adoptée à l’unanimité. Nous ne pouvons que saluer cette initiative qui vise à pallier la désorganisation induite par la décision du Conseil d’État et à réduire les inégalités entre établissements scolaires.

Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé depuis 2006 ; celui de leurs accompagnants a lui aussi fortement augmenté. La scolarisation des enfants handicapés est une priorité du Gouvernement. Pour la rentrée 2024, ce sont 4 800 postes supplémentaires qui devraient être créés, s’ajoutant à une hausse de 4 000 postes à chacune des deux rentrées précédentes.

La proposition de loi est donc opportune. En effet, nous ne pouvons laisser perdurer un cadre juridique qui a pour conséquence de perturber l’accompagnement des élèves en situation de handicap dans nos écoles et de créer des difficultés pour les familles, ni accepter qu’au nom d’une certaine pureté juridique, on crée des lourdeurs administratives qui réduisent l’effectivité des droits de nos concitoyens.

Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés soutient la proposition de loi. L’école se doit d’accueillir convenablement et dignement tous les élèves. Nous ne pouvons nous satisfaire de laisser à eux-mêmes des élèves ayant besoin d’être aidés pour apprendre, quel que soit le statut du temps pendant lequel ils le sont.

Bien sûr, le texte ne prétend pas résoudre tous les problèmes auxquels font face les élèves en situation de handicap à l’école. Mais, dans la lignée de ce que le Gouvernement et la majorité ont réalisé en recrutant massivement des AESH ces dernières années, il réaffirme la conception d’une école inclusive à laquelle nous devons donner les moyens nécessaires.

Je me joins, madame la rapporteure, à votre éloge du travail remarquable des AESH, qu’il nous faut continuer à valoriser en en améliorant les conditions, en les simplifiant, en les clarifiant et en rendant possible un temps complet pour une meilleure rémunération. Il reste aux MDPH à permettre aux enfants de bénéficier de la même AESH sur le temps scolaire et sur le temps méridien, ce qui suppose la formation adéquate.

Le vote de la proposition de loi constituera une étape supplémentaire dans l’accompagnement des enfants en situation de handicap comme dans l’amélioration des conditions de travail des AESH.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Combien d’AESH manque-t-il ? Chaque année, au moment de l’examen du projet de loi de finances, l’État fait figurer dans le bleu budgétaire un indicateur important en matière d’inclusion : le taux de couverture des notifications MDPH. Il permet de connaître le nombre d’élèves à qui la MDPH a prescrit une aide humaine pendant le temps scolaire, mais qui n’ont pas d’AESH faute d’effectifs suffisants. Ils étaient un peu plus de 6 % en 2020 et un peu plus de 8 % en 2022. Autrement dit, la proportion d’élèves sans AESH est en augmentation. Pour combler ce manque, il faut 8 000 AESH supplémentaires. Mais le Gouvernement, en connaissance de cause puisque c’est de lui que viennent ces chiffres, a décidé de n’en financer que la moitié lors du dernier projet de loi de finances. Et il ne s’agit là que des enfants qui n’ont pas du tout d’AESH, sans même parler des trop nombreuses situations où la notification de la MDPH n’est que très partiellement suivie.

Dans ce contexte, la proposition de loi ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Évidemment, que l’État prenne en charge le financement de l’accompagnement pendant la pause méridienne en lieu et place des collectivités est une bonne chose. En effet, il est important que l’accompagnement des enfants soit continu lorsque c’est nécessaire. Or, actuellement, l’accompagnement pendant la pause méridienne diffère selon les territoires, au gré de la volonté politique des collectivités et de leurs choix budgétaires. J’appelle toutefois votre attention sur trois points.

Premièrement, la vive inquiétude qui perdure quant à la possibilité pour l’État d’instaurer cet accompagnement pendant la pause méridienne alors même que l’accompagnement pendant le temps scolaire est très incomplet. D’une part, le nombre de postes ouverts n’est pas suffisant ; d’autre part, certains de ces postes ne sont pas pourvus faute d’attractivité du métier, précaire, mal rémunéré et dont les conditions d’exercice sont très dégradées depuis la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial) pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Certaines accompagnantes travaillent dans plusieurs établissements, voire dans plusieurs villes.

Deuxièmement, le problème du temps de travail des AESH, majoritairement en temps partiel forcé. La mesure en discussion doit leur permettre de compléter leur service et, ainsi, d’augmenter leur rémunération, qui ne dépasse pas 900 euros par mois. Il n’est pas pour autant acceptable qu’une AESH fasse un service d’une journée entière sans pause méridienne. Il faudra donc être vigilant quant à l’application de la proposition de loi. Les socialistes défendent une autre proposition depuis plusieurs années : que le temps de préparation des heures en classe et de l’adaptation au handicap de l’élève comme le temps de discussion et de coordination avec l’équipe éducative soient comptés dans le temps de travail des AESH afin d’accroître leur rémunération.

Enfin, l’incertitude persiste quant à la notification d’une aide humaine durant le temps méridien : pour le moment, la MDPH ne peut pas la prescrire, seulement la préconiser. Il faut clarifier ce point afin que chaque enfant en situation de handicap qui a besoin d’être accompagné à la cantine le soit.

Le groupe Socialistes votera en faveur du texte, mais estime qu’il ne règle pas les trop nombreuses difficultés affectant l’inclusion des enfants en situation de handicap dans nos écoles.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Je suis ravie que nous abordions la question de l’école inclusive. En 2020, une décision du Conseil d’État a dégagé l’éducation nationale de toute responsabilité dans le financement des emplois d’AESH hors du temps scolaire. La charge en a donc été transférée aux collectivités pour l’enseignement public et aux établissements pour l’enseignement privé sous contrat. Certains élèves se sont retrouvés sans aide pour leur pause du midi ; d’autres ont dû recourir à des accompagnements privés ; d’autres encore ont été déscolarisés.

Ce texte est donc le bienvenu. Il ne résoudra cependant pas l’ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les élèves en situation de handicap. Le nombre d’AESH est largement inférieur aux besoins : il n’y a qu’une AESH pour quatre ou cinq élèves. Les conditions de travail sont en outre déplorables, tant en ce qui concerne leurs contrats que leurs rémunérations. Il est aussi indispensable de penser la rémunération des AESH pendant d’autres temps, notamment ceux des voyages scolaires.

Dans l’intérêt des enfants, le groupe Écologiste votera pour cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. Mais, cela a été dit, ce ne sera qu’une goutte d’eau dans un océan de difficultés, pour les enfants, leurs parents, leurs enseignants, leurs camarades, leurs AESH.

J’ose espérer que nous serons entendus et que des moyens significatifs seront enfin alloués au recrutement, à la titularisation et à la rémunération des AESH. Je vous invite aussi à regarder les travaux de l’association Ambition école inclusive, qui donnent un éclairage précis et chiffré de la situation. Le droit à l’éducation des élèves en situation de handicap doit être effectif.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). « Notre pays tient tout entier sur des hommes et des femmes que notre économie rémunère si mal », disait-il ; Emmanuel Macron aurait-il oublié ceux qui prennent en charge les enfants en situation de handicap dans nos écoles ?

Depuis 2005, l’inclusion des enfants en situation de handicap a progressé. Mais l’école, qui devrait être exemplaire, ne tient pas ses promesses. J’ai été rapporteur, en 2019, d’une commission d’enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l’école dont l’ensemble des propositions ont été votées à l’unanimité, y compris celle reprise par ce texte : il a fallu pour cela attendre quatre ans ! Voilà qui en dit long sur le parcours du combattant imposé aux familles.

Vous avez certainement vu comme moi le reportage de « Zone interdite » qui montre à quel point le fil est souvent rompu. On y entend des familles abandonnées ; « je veux être morte », dit une jeune fille, Chloé. Ces mots blessent et doivent nous alerter. Ce documentaire montre, comme l’avait fait la commission d’enquête, la déshumanisation du traitement des dossiers par la MDPH – quand les droits sont numérisés, les personnes y renoncent – et l’inadéquation entre les prescriptions des MDPH et les mesures d’accompagnement prises. Je note comme vous que la généralisation des Pial est une façon de rationaliser la réponse, et finalement de remettre en cause le droit, pourtant reconnu par toutes les conventions internationales, à un accompagnement individuel ; c’est une généralisation de la maltraitance.

L’initiative de nos collègues, en lien avec l’association Ambition école inclusive, vise à réparer cette injustice. Elle permet de réduire les inégalités territoriales et elle comble un vide : nous voterons donc cette proposition de loi. Mais force est de constater que le compte n’y est pas ! Je vous invite à venir le constater dans mon département, la Seine-Maritime : il y faut quinze mois pour obtenir une notification de la MDPH – sans même parler des délais pour qu’elle soit suivie d’effet.

Si le Président de la République a bien proposé de porter à trente-cinq heures le temps de travail des AESH, la promesse semble s’être perdue dans les arcanes de l’administration. Sans statut, sans reconnaissance, sans prise en compte de l’intelligence et de l’expertise de ceux qui prennent soin des enfants, il n’y aura pas d’attractivité : il est difficile de trouver des personnes capables d’exercer le beau et difficile métier d’AESH.

Je suis content d’être ce matin dans votre commission, mais j’ai eu le sentiment, en vous écoutant, que certains réinventaient le fil à couper le saucisson ! Le diagnostic est connu, les propositions sur la table depuis longtemps : il ne manque que la volonté politique pour que notre école devienne enfin inclusive.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Notre commission connaît bien les enjeux de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Je veux ici saluer à nouveau l’engagement et le travail des AESH. Nous rappelons régulièrement la nécessité de lutter contre la précarité de leurs conditions de travail. Nous constatons certaines améliorations, il faut le dire, mais nous partions de si loin ! Ces progrès se font toujours à la marge, et nous en concluons systématiquement que s’ils sont utiles, ils sont loin d’être suffisants.

Il n’en ira pas autrement aujourd’hui. La proposition de loi que nous étudions est bienvenue : le financement des AESH pendant la pause méridienne est un enjeu de solidarité nationale et d’égalité entre élèves, ce que nous avons déjà souligné ici. La décision du Conseil d’État, en novembre 2020, a en effet entraîné des inégalités en fonction des capacités financières des établissements et des collectivités, inégalités d’autant plus injustifiables que l’État continuait de prendre en charge les AESH sur le temps méridien pour les lycéens. Des enfants étaient privés de l’accompagnement dont ils avaient besoin. Ce texte résout ce problème et notre groupe le soutiendra. Il concrétise une promesse faite par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale : il est plus que temps.

Nous regrettons toutefois de n’améliorer, une fois de plus, qu’un aspect de la situation des AESH, sans nous pencher sur leur statut au sens large. Les besoins sont immenses, et vont croissant. Il y va de la réussite scolaire des élèves en situation de handicap comme de ceux, de plus en plus nombreux, qui souffrent de troubles du neuro-développement. L’inclusion scolaire est le premier pas vers l’inclusion sociale.

Le texte ne traite que de la pause méridienne. Pourquoi ne pas y inclure l’ensemble du temps périscolaire ?

Nous rejoignons par ailleurs les recommandations des sénateurs, qui estiment qu’il faudra une formation complémentaire des AESH.

Les moyens humains seront-ils suffisants pour garantir l’effectivité de l’accompagnement ? Les MDPH ne prescrivent pas systématiquement d’accompagnement sur le temps scolaire – tous les enfants n’en ont pas besoin – mais l’évolution législative pourrait entraîner une augmentation des notifications en ce sens.

Nous insistons sur le fait que cette proposition de loi ne peut constituer qu’une première étape. On continue d’occulter la réalité du temps de travail réel des AESH en dehors du temps passé avec l’élève : formation, préparation… Ce temps de travail aujourd’hui invisibilisé doit être pris en compte pour mettre fin au temps partiel systématique. Pour espérer disposer d’AESH en nombre suffisant, il faut lutter contre la précarité de ce métier essentiel. Ses effectifs en font le deuxième métier de l’éducation nationale ; pourtant, il demeure très mal reconnu, malgré les revalorisations des dernières années. La question de la formation est primordiale, tout comme celle de l’organisation de leur temps de travail. La mutualisation au sein des Pial semble nuire à la stabilité, pour les AESH comme pour les élèves. Nous ne savons pas où en est le projet de pôles d’appui à la scolarité, censuré dans le dernier budget.

La mesure inscrite dans ce texte est très attendue des familles et des collectivités. Notre groupe la votera.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous écoutons maintenant l’unique question individuelle.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Le handicap est un combat quotidien pour plusieurs millions de Français. Pour accompagner les enfants en situation de handicap au sein de l’institution scolaire, les AESH sont indispensables. Si quelques avancées en leur faveur ont été récemment obtenues, et si cette proposition de loi en offre une nouvelle, de nombreuses difficultés demeurent et la mesure proposée reste anecdotique au regard des enjeux. Le cadre d’emploi des AESH reste trop rigide : sans statut, sans formation suffisante, mal rémunéré, le métier est peu attractif. Les AESH sont surtout trop peu nombreux pour répondre aux demandes légitimes des familles d’enfants handicapés. Ils méritent toute notre considération et une meilleure reconnaissance, bien au-delà de la question du temps méridien.

Pourquoi ne pas aller plus loin et proposer, comme je le fais depuis longtemps, que les AESH soient recrutés en contrat à durée indéterminée, ou qu’ils bénéficient d’une majoration de temps de travail pour tenir compte du temps de préparation ?

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. Vous avez tous insisté sur la nécessaire continuité du parcours des enfants en situation de handicap sur l’ensemble des temps : scolaire, périscolaire, extrascolaire. Je ne peux qu’être d’accord. Les AESH interviennent aujourd’hui pendant le seul temps scolaire ; avec cette proposition de loi, elles interviendront désormais pendant la pause méridienne, sous l’autorité du ministère de l’éducation nationale et financées par lui. Il faut évidemment travailler sur les temps du matin, du soir, du mercredi et des vacances afin que les enfants en situation de handicap bénéficient des activités proposées par les collectivités. Cela implique notamment de former des animateurs à l’accueil de ces enfants.

Les métiers de service à la personne – AESH et animateurs, mais aussi Atsem et professionnels de la petite enfance – sont peu attractifs ; des postes sont ouverts mais il est difficile de recruter. Nous devons notamment travailler à faire en sorte qu’ils ne soient pas forcément exercés à temps partiel : ces différents temps n’étant, par nature, pas continus, il faut peut-être réfléchir à des formations plus complètes, qui permettraient la polyvalence. Des animateurs pourraient devenir AESH pendant le temps scolaire, complétant ainsi leur temps de travail. Ce serait une façon de valoriser ces personnes qui s’engagent et n’épargnent pas leur énergie au service des enfants en situation de handicap.

Cette proposition de loi se limite en effet à la pause du midi. Il faut aller plus loin, vous l’avez tous dit, en travaillant avec les MDPH qui limitent aujourd’hui leurs notifications au temps scolaire, et de façon inégale sur le territoire. Les délais de traitement des dossiers sont beaucoup trop longs : il faudra y remédier.

Nous avons auditionné les représentants des MDPH : ils ont convenu qu’un travail était nécessaire pour que les notifications portent également sur la pause méridienne, pour les enfants qui en ont besoin. Nous devrons rester vigilants.

Les notifications des MDPH devront, dans un second temps, englober les temps péri- et extrascolaire. Je m’emploierai à faire avancer ce dossier avec ceux d’entre vous qui voudront me rejoindre. Cela permettrait aux collectivités qui organisent l’accueil des enfants au sein des accueils de loisir, des services de jeunesse, des colonies… de disposer de prescriptions adéquates. Il faut éviter la multiplication des dossiers déposés par les familles.

S’agissant du statut des AESH, nous avons déjà sacrément évolué ! Les AESH relèvent maintenant du droit public, avec des contrats de trois ans à renouveler une fois pour obtenir un CDI, avec des formations. Mais il faut en effet aller plus loin.

Dans les écoles, pendant la pause méridienne, l’autorité responsable est la collectivité territoriale, contrairement à l’enseignement secondaire où l’ensemble des personnels sont sous l’autorité du chef d’établissement. L’objectif est de mettre en place une convention de mise à disposition des AESH pendant le temps du midi, leur permettant d’être couverts pour les questions de responsabilité et d’être sous l’autorité de la collectivité territoriale pour ce qui est de l’organisation.

Il a été question du temps partiel subi. Aujourd’hui, les AESH n’interviennent que pendant le temps scolaire, limité à la fois dans la journée et dans l’année. L’extension à la pause méridienne va augmenter leur temps de travail et il restera à regarder, pour les AESH qui le souhaitent, ce que l’on peut leur proposer pour le mercredi et les vacances – à la charge, cette fois, des collectivités territoriales dont c’est la prérogative, et s’il y a des notifications en ce sens. Ce serait, je le redis, une piste pour des temps plus complets, comme pour une meilleure reconnaissance et une meilleure attractivité de ce métier indispensable.

Enfin, les AESH bénéficient, en application du droit du travail, d’un temps de repos. La question est la même pour les Atsem, qui interviennent à la fois pendant le temps scolaire et pendant la pause du midi, où elles accompagnent le déjeuner pour les plus petits. L’éducation nationale et la collectivité construisent les emplois du temps pour qu’il y ait des moments de répit.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Prise en charge par l’État de la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne

Amendement AC20 de Mme Virginie Lanlo et sous-amendement AC23 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. L’amendement est rédactionnel.

Mme Sylvie Bonnet (LR). Le sous-amendement est également rédactionnel.

J’aimerais que le Gouvernement s’engage à financer cette mesure, avec une compensation à l’euro près pour les collectivités. Le Premier ministre avait annoncé cette mesure dans son discours de politique générale, et elle est très attendue, car l’accompagnement des élèves en situation de handicap pendant le temps de la cantine est une condition indispensable pour que leur accueil à l’école soit effectif : les nombreuses petites communes rurales n’ont pas les moyens de prendre en charge les AESH pendant la pause méridienne.

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. Avis favorable au sous-amendement. En revanche, je ne peux pas m’engager à la place du Gouvernement. Notre objectif est évidemment que les AESH soient pris en charge à 100 %.

La commission adopte le sous-amendement puis l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Inscription de la prise en charge par l’État de la rémunération des accompagnants des élèves en situation de handicap affectés sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne dans l’article du code de l’éducation qui leur est consacré

Amendement AC12 de M. Paul Vannier

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Nous souhaitons nous assurer que l’entrée en vigueur de cette réforme n’entraînera pas de baisse de revenus pour celles et ceux dont la rémunération par une collectivité territoriale serait plus élevée que celle proposée par l’État. Ce serait inacceptable, car la situation sociale et économique des AESH reste très précaire, et leur rémunération moyenne très faible. Cette proposition de loi ne vise pas à améliorer leurs conditions de travail ; elle ne devrait pas en plus diminuer leur salaire. Vous l’avez compris, nous estimons que les heures de temps périscolaire devraient être rémunérées comme des heures supplémentaires : en l’occurrence, nous voulons seulement nous assurer que le salaire des AESH ne diminuera pas.

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. C’est un point d’autant plus important que cette proposition de loi vise aussi à améliorer l’attractivité du métier d’AESH. En l’état, néanmoins, cet amendement appelle une expertise approfondie ; la rédaction de l’amendement est par ailleurs perfectible. Je vous propose donc d’en discuter d’ici à la séance.

Retrait, ou avis de sagesse.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je soutiens cet amendement. Le contrat de travail entre les AESH et les collectivités continue d’exister pour le temps dont elles ont la responsabilité : j’imagine qu’une compensation aux collectivités locales est prévue, mais elle ne doit pas être au rabais.

J’aimerais revenir sur un sujet central que vous éludez. L’inclusion des enfants en situation de handicap est une belle idée, généreuse et partagée par tous, en tout cas en paroles ; mais le taux de scolarisation des enfants montre une autre réalité : 200 000 enfants sont sans solution, et même quand il y en a une, certains ne sont scolarisés qu’une partie de la semaine ! Les Pial ont servi à remettre en cause l’accompagnement individuel. C’est bien de se préoccuper du temps périscolaire, mais il faudrait aussi se préoccuper du temps scolaire.

Mme Cécile Rilhac (RE). Le groupe Renaissance votera contre cet amendement.

Nous préférons nous aussi procéder à des vérifications avant la séance. Le code du travail ne permet pas le travail bénévole : tout travail mérite rémunération. Mais, je l’ai dit, il y a aujourd’hui une rupture d’égalité quant à la prise en charge des AESH sur le temps méridien : les communes, qui en sont responsables, ne rémunèrent pas tous leurs agents de la même façon. Cette proposition de loi mènera à un contrat unique, relevant de l’éducation nationale, dont le taux horaire sera fixe. Aux termes du code du travail – et je ne vois pas pourquoi l’éducation nationale y dérogerait –, il ne doit pas y avoir de diminution. Les AESH seront rémunérés au même taux horaire pour le temps méridien et le temps scolaire.

La question posée est importante, mais nous préférons y travailler d’ici à la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC21 de la rapporteure.

Amendement AC2 de M. Vincent Seitlinger

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Aucun dispositif n’est prévu pour garantir aux AESH un temps de repos alors qu’un certain nombre d’entre eux seront amenés à travailler pendant les pauses méridiennes. L’amendement entend assurer la continuité de la prise en charge des enfants en situation de handicap sur le temps méridien, tout en veillant à octroyer aux AESH une pause dans leur journée de travail.

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. La disposition que vous proposez est déjà prévue pour les AESH qui interviennent pendant la pause méridienne. Le code du travail s'applique à eux, comme à tous les autres personnels contractuels du ministère et des collectivités territoriales. Chaque établissement s’organise pour leur permettre de bénéficier d’un temps de repos et d’une pause déjeuner. En vertu de l’article 3 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État, « aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes. » Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements identiques AC16 de Mme Virginie Lanlo et AC18 de Mme Cécile Rilhac

Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement vise à préciser la date d’entrée en vigueur du texte. Lors des auditions, nous avons été alertés sur le nombre d’ETP nécessaires pour faire intervenir les AESH sur le temps méridien. Or vous n’ignorez pas le manque actuel d’AESH. Il ne faudrait pas que, pour la fin d’année scolaire, on retire des AESH dédiés au temps scolaire pour les affecter au temps méridien. Il est donc proposé une entrée en vigueur du texte à la rentrée 2024, afin de laisser le temps à l’éducation nationale de créer le nombre d’emplois nécessaires.

M. Alexandre Portier (LR). Nous voterons pour cet amendement, afin de permettre aux directions académiques des services de l’éducation nationale (Dasen), aux chefs d’établissement, à toutes les équipes pédagogiques et aux collectivités de s’adapter pour la prochaine rentrée. Cette précision de bon sens nous semble utile pour s’assurer que le Gouvernement mettra bien en œuvre cette mesure qui est attendue par les familles.

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. L’objectif est bien de pouvoir appliquer le texte au 1er septembre. Un engagement a été pris pour que la proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour du Sénat avant l’été à cette fin.

La commission adopte les amendements.

Titre

L’amendement AC5 de M. Roger Chudeau étant retiré, la commission adopte l’amendement rédactionnel AC22 de Mme Virginie Lanlo, rapporteure.

La commission adopte, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme Virginie Lanlo, rapporteure. Je salue votre vote unanime. Le travail ne s’arrête pas là, c’est un premier pas. Il reste à mettre en cohérence les actions des MDPH, des collectivités et de l’éducation nationale pour que l’accompagnement des enfants en situation de handicap ne connaisse pas de rupture, quels que soient les temps concernés.

*

*     *

 

 

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/X0TPkd 

 Texte comparatif : https://assnat.fr/Avs1jo 

 

 


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ANNEXE  1 :
Liste des personnes entendues par lA rapporteurE

(Par ordre chronologique)

– Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)  Mmes Laetitia Barret et Karine Barthe, membres du Bureau

 Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap (FNASEPH)  Mme Béatrice Lombart, vice-présidente, et M. Arnaud Vella, chargé de mission

     Audition commune :

 Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – MM. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales, et Sébastien Mounié, chef du bureau de l’école inclusive

– Direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse  Mme Sylvie Thirard, cheffe de service des personnels enseignants de l’enseignement scolaire

     Table ronde :

– Association des maires de France (AMF)  M. Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-sartoux

 Association des maires ruraux de France (AMRF)  M. Georgio Loiseau, maire de Poses

– Départements de France – MM. Jérôme Dumont, co-président du Groupe de travail Education et Jeunesse, président de Département de la Meuse, PaulEtienne Kauffmann, conseiller Education & Jeunesse DF, et Brice Lacourieux, conseiller Relations avec le Parlement

 

 


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   Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Articles

Codes et lois

Numéros d’article

1er

Code de l’éducation

L. 211‑8

2

Code de l’éducation

L. 917‑1

 

 


([1]) Article L. 114-2 du code de l’action sociale et des familles.

([2]) Rapport fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, par Mme Anne Ventalon, Sénat, n° 250 (2023-2024), janvier 2024.

([3]) Idem.

([4]) « Je prends une décision claire : l’État prendra ses responsabilités et financera désormais l’accompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps du déjeuner , en lieu et place des collectivités locales. C’est un enjeu de solidarité, de dignité et de reconnaissance. », Assemblée nationale, Journal Officiel de la République française, XVIe législature, session ordinaire de 2023-2024, séances du mardi 30 janvier 2024, Compte rendu intégral, p. 589.

([5]) Afin que lui soit assuré un parcours de formation adapté, chaque enfant en situation de handicap a droit à une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de ce parcours. Cette évaluation est réalisée par une équipe pluridisciplinaire qui propose à chaque enfant en situation de handicap, ainsi qu’à sa famille, un parcours de formation.

([6]) Établissement médico-social, enseignement à distance délivré par le CNED ou par un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), scolarisation dans une unité spécialisée d’un établissement scolaire (ULIS).

([7]) Actuellement estimés à près de 90 000 ETP.

([8])Rapport d’information de M. Cédric Vial sur les modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive, Sénat, n° 568 (2022-2023), mai 2023.

([9]) Contribution de l’UNAPEI.

([10]) Missions et activités des personnels chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap | ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.

([11]) Conseil d’État, section, 20 novembre 2020, n° 422248.

([12]) Conseil d’État, 4e et 5e sous-sections réunies, 20 avril 2011, n° 345434 et Conseil d’État, 4e et 5e sous sections réunies, 20 avril 2011, n° 345442.

([13]) Cour administrative d’appel de Nantes, 15 mai 2018, no 16NT02951.

([14]) Conseil d’État, 4e chambre, 30 décembre 2020 / n° 437167.

([15]) Conseil d’État, 30 déc. 2020, no 437167.

([16]) Cour administrative d’appel de Nantes, 1re chambre, 15/02/2022, 21NT00193.

([17]) Article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles : « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation [...] ».

([18]) Article L. 114-2 du code de l’action sociale et des familles : « Les familles, l’État, les collectivités locales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations, les groupements, organismes et entreprises publics et privés associent leurs interventions pour mettre en œuvre l’obligation prévue à l’article L. 114-1, en vue notamment d’assurer aux personnes handicapées toute l’autonomie dont elles sont capables. »

([19]) Ces estimations doivent être prises avec précaution car elles reposent sur les données déclaratives recensées dans le cadre de l’enquête menée en 2021. L’enquête a été adressée à l’ensemble des académies en avril 2021 puis renouvelée en avril 2023 afin de disposer d’une cartographie mise à jour des modalités de prise en charge de ce temps d’accompagnement (contribution Dgesco).

([20]) Pour mémoire 3 000 ETP d’AESH supplémentaires avaient été créés à la rentrée scolaire 2024, conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2024.

([21]) Le cas est différent dans les EPLE puisque d’une part, tous les personnels sont sous l’autorité fonctionnelle du chef d’établissement et, d’autre part, la loi prévoit que le service de restauration, qui relève de la compétence de la collectivité, est organisé par les personnels d’État au sein de l’établissement.

([22]) Adjoints gestionnaires des collèges et lycées sous l’autorité fonctionnelle du président de la collectivité territoriale de rattachement

([23]) https://assnat.fr/VGq2pI