N° 2600

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2024.

 

 RAPPORT 

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI
d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement
des générations en agriculture ( 2436)

PAR

MM. Éric GIRARDIN, Pascal LAVERGNE, Pascal LECAMP
et Mme Nicole LE PEIH

Députés

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AVIS
FAITS

 

AU NOM DE LA COMMISSION
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

AU NOM DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Par Mme SANDRINE LE FEUR

Députée

 

Par Mme GÉRALDINE BANNIER et M. BERTRAND SORRE

Députés

——

 

TOME II

Comptes rendus

 

 

 Voir le numéro : 2436.


SOMMAIRE

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Pages

comptes rendus des TRAVAUX de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis

1. Réunion du lundi 29 avril 2024 à 15 heures : discussion générale et examen des articles pour avis

2. Réunion du lundi 29 avril 2024 à 21 heures 30 : examen des articles pour avis (suite)

compte rendu des TRAVAUX  de la commission des affaires culturelles et de l’Éducation, saisie pour avis

1. Réunion du mardi 30 avril 2024 à 14 heures : discussion générale et examen des articles pour avis

COmptes rendus des Travaux de la commission des affaires économiques

1. Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16 heures 30 : discussion générale et examen des articles

2. Réunion du mardi 30 avril 2024 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

3. Réunion du jeudi 2 mai 2024 à 9 heures 30 : examen des articles (suite)

4. Réunion du jeudi 2 mai 2024 à 15 heures : examen des articles (suite)

5. Réunion du jeudi 2 mai à 2024 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

6. Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 9 heures 30 : examen des articles (suite)

7. Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 15 heures : examen des articles (suite)

8. Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

9. Réunion du samedi 4 mai 2024 à 9 heures 30 : examen des articles (suite et fin)

 


   comptes rendus des TRAVAUX
de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis

Au cours de ses réunions du lundi 29 avril 2024 à 15 heures et 21 heures 30, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis).

1.   Réunion du lundi 29 avril 2024 à 15 heures : discussion générale et examen des articles pour avis

M. Bruno Millienne, président. Chers collègues, afin que la commission des affaires économiques, saisie au fond, puisse examiner demain le projet de loi, nous devrons avoir terminé l’examen pour avis de tous les amendements qui nous sont soumis. Compte tenu de leur grand nombre, nous nous en tiendrons, pour chacun d’eux, à une intervention pour et une contre.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le 25 janvier 2024, le Haut Conseil pour le climat a publié un rapport intitulé « Accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas-carbone, résilient et juste ». Cet organisme indépendant fait état en ces termes du triple défi que doit relever le secteur agricole : « Réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre qu’il engendre, augmenter le stockage de carbone dans les sols agricoles, tout en se préparant à un climat plus chaud de + 2 °C à court terme et possiblement de + 4 °C à plus long terme protégeant ainsi les acteurs, notamment les plus fragiles ». En parallèle, l’Office français de la biodiversité établit que plusieurs facteurs fragilisent l’intégrité et la résilience des écosystèmes : le changement d’usage des terres, la disparition des sols fertiles, la perturbation des écosystèmes, la consommation accrue d’eau, l’uniformisation des cultures et des élevages, et la contribution au réchauffement climatique.

Le texte de loi que nous examinons pour avis se donne pour mission de conjuguer ces défis environnementaux avec celui, tout aussi pressant, du renouvellement des générations d’agriculteurs afin de préserver la capacité de la France à se nourrir à l’horizon 2030, ainsi qu’à rester compétitive sur le marché européen et international.

Un chiffre marque les discours et les esprits depuis plusieurs années : à l’horizon 2030, près de la moitié des exploitants agricoles auront atteint l’âge moyen de départ à la retraite. Pour mettre ce chiffre en perspective, rappelons que, de 2,5 millions en 1955, le nombre d’exploitants est tombé à 1,5 million en 1970, puis à cinq cent mille en 2010 et à moins de quatre cent mille en 2020. Renouveler les générations ne suppose donc pas seulement d’agir sur l’attractivité de la profession, mais aussi de repenser les parcours de formation et d’accompagnement, ainsi que les modalités de transmission. Il s’agit aussi de faire de ce moment charnière une opportunité pour que les nouveaux installés accélèrent la transition vers des modèles agricoles soutenables en ne verrouillant pas les trajectoires de transition par des investissements qui entreraient en dissonance avec le contexte climatique et environnemental. C’est, en somme, s’assurer de la viabilité des nouveaux modèles dès leur genèse.

Si les défis sociaux, économiques et environnementaux sont multiples, ils ne peuvent ni ne doivent toutefois être opposés les uns aux autres, sous peine de fragiliser l’équilibre global de notre modèle agricole et alimentaire et, au bout du compte, l’objet principal de ce projet de loi, qui est de faire valoir notre souveraineté alimentaire.

Au fil des auditions menées par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, trois axes se sont détachés pour assurer la pleine réalisation du projet de loi.

Le premier concerne l’égalité de traitement à conserver entre l’intérêt économique agricole et le droit de l’environnement. Il convient de s’assurer qu’aucune hiérarchie ou impression de hiérarchisation ne soit établie par la rédaction des différentes dispositions. En tant que rapporteure pour avis, je souhaite notamment mettre l’accent sur une proposition qui ressort des auditions : encourager la médiation entre les parties lorsque des conflits existent sur les territoires, afin de privilégier le dialogue plutôt que les clivages.

Le deuxième axe concerne l’articulation des dispositions de ce texte avec la définition internationale de la souveraineté alimentaire adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies en décembre 2018. Cette définition valorise notamment l’interdépendance des modèles agricoles et alimentaires entre les pays, afin de ne pas confondre souveraineté et autarcie, et de valoriser la solidarité internationale en son sein. Par ailleurs, elle fait le lien entre souveraineté agricole et droit à l’alimentation, afin de s’assurer que la production ouvre l’accès universel à une alimentation saine, durable et de qualité, et non uniquement la disponibilité de celle-ci.

Le troisième et dernier axe concerne la nécessaire articulation entre simplification administrative et non-régression des normes environnementales. Si l’installation de nouveaux projets agricoles et l’allégement des procédures administratives auxquelles les agriculteurs sont confrontés sont des priorités salutaires, la vigilance s’impose pour protéger les normes en vigueur et nous assurer d’atteindre les objectifs climatiques et de protection des écosystèmes fixés par la stratégie nationale bas-carbone et la stratégie nationale biodiversité.

Je me réjouis de nos échanges à venir et veillerai notamment au respect de ces principes lors de l’examen des amendements.

M. Bruno Millienne, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Huguette Tiegna (RE). Ce projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture est un projet ambitieux pour notre politique agricole, qui s’inscrit dans la continuité de nos travaux. Depuis 2017, de nombreux chantiers législatifs et réglementaires ont déjà été menés dans ce domaine, comme le travail transpartisan qui a donné lieu aux lois Egalim, notamment celle du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, sans omettre le plan de relance et la loi d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

Aujourd’hui, nous devons aller plus loin. En effet, à partir du 18 janvier dernier, nos agriculteurs et leurs représentants syndicaux se sont mobilisés pour faire entendre leurs revendications et leurs besoins. Cette mobilisation forte appelait de facto des mesures importantes de la part du Gouvernement pour une action pragmatique aux effets rapides. Plus largement, tant la crise structurelle que traverse le milieu agricole, confronté au changement climatique, que la vague de froid qui touche actuellement de nombreux départements, dont le Lot, dévastant la viticulture et la myciculture, ou les défis du renouvellement des générations, de la gestion de l’eau et des tensions géopolitiques, démontrent la nécessité de consolider la sécurité alimentaire française et européenne et de faire de cet impératif l’une des priorités stratégiques de nos politiques publiques.

Je me réjouis, au nom du groupe Renaissance, que nous puissions entamer les débats relatifs à ce texte majeur qui trace les grandes lignes de ce que nous ambitionnons pour l’avenir de l’agriculture française. Celle-ci se trouve à la croisée des chemins, à l’aube de grands défis tels qu’elle sait les relever. Cette période charnière suppose la mobilisation de tous. Nos échanges sont aussi l’occasion de montrer notre soutien à notre agriculture et à nos agriculteurs, et de concrétiser nos engagements.

M. Antoine Villedieu (RN). Nous sommes bien loin des mesures proposées, manches relevées, par le Président de la République ou par le Premier ministre assis sur sa botte de paille. Ce projet vide, qui était dans les tuyaux du Gouvernement avant la crise, a été repoussé, en principe pour être amélioré, mais force est de constater que, malgré vos belles paroles, il ne répond en rien aux attentes de nos agriculteurs. Pendant la révolte de ces derniers, qui a frappé notre pays et, plus largement, l’Europe, le Gouvernement semait des promesses à tour de bras pour tenter de faire baisser la colère mais, au lieu de changer de cap, il poursuit son programme d’asphyxie et d’écologie punitive.

De fait, ce projet de loi reste celui de la coquille vide et, comme à son habitude, le Gouvernement reste sourd aux revendications. Prenez au moins, chers collègues de la majorité, le temps de vous rendre auprès de nos agriculteurs, et vous constaterez que ce projet de loi ne répond en rien à leurs problèmes : ce qu’ils veulent, c’est un revenu décent et la fin de la concurrence déloyale et de l’ivresse normative. Les gardiens de notre souveraineté alimentaire sont pris en étau entre, d’un côté, un gouvernement qui les méprise et, de l’autre, une extrême gauche NUPES qui rêve de voir disparaître nos élevages et, en toute impunité, fait la promotion de l’agri-bashing.

Députés du Rassemblement national, nous n’opposons pas agriculture et environnement. Comme au Parlement européen, nous voulons protéger notre souveraineté alimentaire comme condition de la durabilité de notre modèle agricole. C’est pourquoi nous proposons la fin de l’ivresse normative, un moratoire sur les accords de libre-échange et la fin de l’écologie punitive.

S’il ne prend pas en compte les revendications de nos agriculteurs, ce projet de loi est mort dans l’œuf. Je le dis au monde agricole : vivement le 9 juin, avec Jordan Bardella !

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). En janvier dernier, sur les ronds-points, les agriculteurs réclamaient des prix rémunérateurs pour une vie digne. Quelques mois plus tard, la réponse du Gouvernement au monde agricole est ce projet de loi, qui n’est qu’un énorme aveu d’échec. Si vous vouliez vraiment installer plus de paysans, il faudrait déjà leur assurer de pouvoir vivre de ce métier, et donc leur assurer une rémunération digne, mais il n’y a rien, dans ce projet de loi, sur la rémunération ni sur les prix. Vous échouez dans le rapport de force avec l’agro-industrie et la grande distribution en refusant d’encadrer leurs marges. Vous échouez à protéger les paysans de la concurrence internationale déloyale en persistant obstinément dans votre logique du libre-échange. Vous échouez donc à installer de nouveaux paysans.

Mais ce n’est pas grave, puisque M. Macron vous présente son triptyque France 2030 pour l’agriculture : robotique, génétique et numérique ! Nous n’avons plus d’agriculteurs ? Qu’à cela ne tienne, nous allons les remplacer par les grandes filiales agro-industrielles. Tel est le plan de ce projet de loi. Son contenu : baser la souveraineté alimentaire de la France sur notre capacité à exporter, donner à l’agriculture le rôle de la souveraineté énergétique, permettre aux gros investisseurs de spéculer sur les terres agricoles et accélérer les contentieux pour faciliter le passage de gros projets de l’agro-industrie face à l’environnement.

Le but de ce projet de loi est d’arracher la terre agricole aux agriculteurs pour l’offrir à l’agro-industrie. Or, à part vos lobbys, personne dans notre société – ni les agriculteurs ni les citoyens – ne demande que l’agriculture française soit menée par l’agro-industrie. Arrêtez de gouverner par une poignée d’industriels ! La crise que traverse le monde agricole est grave. Il est temps d’assumer le fait que nous avons besoin d’un modèle agricole social, solidaire et écologique, qui passera par le protectionnisme.

M. Jean-Yves Bony (LR). On demande tout et son contraire à l’agriculture : de la qualité, mais des prix bas ; du local, mais toute l’année ; de la production, mais sans eau ni engrais. L’objet de cette loi d’orientation était donc de rendre un cap à notre agriculture. Malheureusement, le Gouvernement continue de faire du « en même temps ». Le Premier ministre en donne pour tout le monde : un peu à droite avec la reconnaissance de l’intérêt public majeur de l’agriculture, qui est censée la mettre à égalité avec l’environnement, et un peu à gauche avec une transition agroécologique et climatique mise à toutes les sauces, en oubliant que les agriculteurs sont d’abord des chefs d’entreprise, qui doivent dégager un revenu.

Les agriculteurs sont des gens simples, mais pas des idiots. Le pire serait de faire semblant de résoudre leurs problèmes et de les payer de fausses promesses. On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens : pendant un mois, les agriculteurs ont manifesté leur colère, obligeant l’exécutif à remiser un premier texte hors-sol. Il ne faut pas masquer par des discours pompeux l’absence d’avancées concrètes de la part d’un exécutif déconnecté d’un monde que ses choix contribuent à faire mourir.

Depuis sept ans, et notamment au niveau européen, le système macroniste défend une vision de l’agriculture dont la priorité est la baisse de la production, l’essor du bio, la réduction des émissions et la restauration de la nature, alors que l’enjeu devrait être de permettre à chaque exploitant de vivre dignement de son travail. Au lieu d’améliorer sa compétitivité, la France a cru s’en tirer en misant sur le haut de gamme et en s’en remettant aux importations pour se nourrir. Nous importons un poulet sur deux, deux fruits sur trois et un légume sur quatre. Alors que la France était la deuxième puissance agricole en 2000, elle n’est plus que la sixième.

Avec cette politique schizophrène qui accumule les normes et les règlements contre ses agriculteurs et fait venir du bout du monde des denrées qu’elle leur interdit de fabriquer, la France a fait déferler sur ses étals des produits étrangers bas de gamme, au détriment de sa balance commerciale. On marche sur la tête !

Il est donc urgent d’endiguer le déclin de la ferme France. Si ce projet de loi n’est pas amendé ou enrichi, l’avis du groupe Les Républicains sera plus que réservé.

M. Didier Padey (Dem). Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des actions menées depuis 2017 pour nos agriculteurs. Ainsi, la loi Egalim a permis d’engager le chantier de l’amélioration des revenus des agriculteurs et sera renforcée aux niveaux national et européen avec la mission parlementaire d’Alexis Izard et d’Anne-Laure Babault.

Ce projet de loi, fruit d’un énorme travail de concertation engagé par le ministre de l’agriculture et remarquablement mené pendant six mois au niveau national et au niveau de tous nos territoires, a été enrichi à la suite des mobilisations agricoles, afin d’amplifier nos actions en faveur des agriculteurs et de garantir notre souveraineté alimentaire sans sacrifier la transition écologique. Il marque une avancée significative pour nos agriculteurs.

Sur le volet formation, notre groupe sera particulièrement attentif à l’élargissement de la notion de performance économique enseignée dans les formations des filières agricoles. Nous défendrons également l’accréditation des lycées privés sous contrat pour le bachelor pro, ou licence, ainsi qu’un amendement visant à permettre l’intégration des représentants de la profession aux côtés des régions et de l’État pour la définition du programme national d’orientation et de découverte des métiers.

Sur le volet transmission, nous veillerons à ce que le dispositif permette de lever les barrières existantes. Ce n’est qu’avec cette garantie que nous atteindrons les objectifs de souveraineté alimentaire. Le déploiement de France Services agriculture devrait permettre un accompagnement personnalisé des cédants ou des personnes souhaitant s’installer ou reprendre une exploitation.

Sur le volet simplification, notre groupe défendra des mesures destinées à répondre aux difficultés des agriculteurs en diminuant un poids administratif excessif, notamment pour ce qui concerne l’adaptation du régime de répression des atteintes au droit de l’environnement à la réalité quotidienne des agriculteurs ou l’accélération de la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’installation.

Comme vous l’avez compris, notre groupe sera au rendez-vous pour enrichir ce projet de loi et débattre avec sérieux et pragmatisme.

Parallèlement à l’examen de ce projet de loi, le Gouvernement est mobilisé au quotidien pour nos agriculteurs. Sur les soixante-sept engagements qu’il a pris dès le premier jour de mobilisation de ces derniers, 88 % sont déjà tenus ou bien avancés et 12 % sont engagés avec un planning précis. En un mot, nous travaillons sans relâche pour apporter des réponses au monde agricole. Ce projet de loi nous permettra de continuer sur cette lancée pour nos agriculteurs, qui sont le bras armé de notre souveraineté alimentaire.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Ce projet de loi, conclusion de travaux menés voilà plus d’un an sur la loi d’orientation agricole, fait suite aux mobilisations que nous avons connues au début d’année et complète l’ensemble des mesures portées par le Gouvernement jusqu’à ce week-end même. Enrichissant les textes précédents, comme Egalim, en vue d’assurer la souveraineté de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire, il a pour objectif de réaliser la transition des exploitations, dont la population connaît un fort vieillissement, et d’accompagner les agriculteurs dans ce processus. Il vise aussi à simplifier les procédures, à sécuriser l’exercice de l’activité agricole, à faciliter l’installation et la transmission, et à donner envie à nos jeunes, afin de former une nouvelle génération d’agriculteurs. Ce sont là autant d’évolutions incontournables.

Saluant l’esprit de ce projet de loi, le groupe Horizons et apparentés proposera d’en renforcer la portée par voie d’amendements.

En termes d’orientation stratégique, il nous faut souligner plus clairement l’importance de la production agricole et le rôle de l’agriculture en matière de production d’énergie, de préservation de l’environnement et d’aménagement du territoire.

Enfin, nous proposerons des évolutions en termes de formation, d’installation et de transmission, notamment avec un encadrement des GFAI, les groupements fonciers agricoles d’investissement, une prise en compte effective du droit à l’erreur ou des mesures visant à faciliter le quotidien des agriculteurs en simplifiant la définition juridique des zones humides.

Renforcer la place et la considération données à notre agriculture sera indispensable dans les mois et les années à venir. Nous soutiendrons donc bien évidemment ce projet de loi.

M. Bertrand Petit (SOC). Le renouvellement générationnel est un défi majeur car la moitié de nos agriculteurs prendront leur retraite d’ici à 2030. Si nous ne prenons pas les décisions qui s’imposent, ce défi s’ouvrira sur un grand vide pour le monde agricole et pour notre souveraineté agricole et alimentaire. Le défi est immense, mais il est aussi une opportunité historique pour installer une nouvelle génération de paysans, formés aux pratiques de l’agroécologie et préparés au défi climatique.

De ce point de vue, le projet de loi que présente le Gouvernement n’est clairement pas à la hauteur. Il ne prévoit rien en matière d’actif agricole ni d’accès au foncier, alors que c’est là l’obstacle numéro un à l’installation de nouveaux agriculteurs. Pire, avec le groupement foncier agricole d’investissement, ou GFAI, le Gouvernement livrera le foncier agricole aux appétits des financiers.

Ce projet de loi est dans les tiroirs du ministre depuis de nombreux mois. On aurait pu espérer que le report de sa présentation, cet hiver, permette d’améliorer un texte que le Gouvernement lui-même, dans le feu de la crise agricole, avait jugé inopportun de présenter, reconnaissant donc qu’il était imparfait. Dans cette crise, les représentants de cette profession éprouvée nous ont dit que le revenu agricole était trop souvent insuffisant et que la concurrence avec des pays moins-disants sur le plan de la protection de l’environnement et de la santé humaine était déloyale. La réponse du Gouvernement à cette crise inédite, est le titre IV de ce projet de loi élaboré à la va-vite – des mesures de simplification qui, de l’avis du Conseil d’État lui-même, seront au mieux inopérantes et, au pire, dangereuses pour l’environnement.

La vocation première de l’agriculture est de produire de quoi nourrir la population. L’urgence, à laquelle nous devrions être sensibilisés dans cette commission du développement durable, est de réconcilier notre modèle de production agricole avec les impératifs environnementaux qui s’imposent à l’heure du réchauffement climatique. Le texte fait complètement l’impasse à ce propos et nous nous efforcerons, au fil de nos amendements, d’en améliorer le contenu.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Dans nos territoires pluriels, il n’y a pas une agriculture unique, mais plusieurs – des agricultures qui, dans leur diversité, sont confrontées à des problèmes demandant des réponses adaptées.

Le premier reproche que l’on peut faire à ce projet de loi est précisément l’absence de prise en compte des spécificités locales. Une fois de plus, nous sommes face à un texte qui ne propose pas de mesures pour les outre-mer, où la question de la souveraineté alimentaire s’impose pourtant dans des termes différents. Les enjeux de l’accès au foncier et de sa préservation sont particulièrement importants. Ceux de la diversification des filières le sont également. Nous attendions des réponses ambitieuses et ne pouvons qu’être déçus.

En outre, là où il faudrait adapter la norme en fonction de la géographie et du climat, le projet de loi continue à imposer une réponse unique. L’exemple des haies est, à cet égard, éloquent. Le calendrier de taille restera le même partout dans l’Hexagone, alors que la période de nidification et les intempéries divergent selon les territoires.

Il manque du bon sens paysan dans ce projet de loi qui aspire à simplifier la vie des agriculteurs, et c’est une députée ancrée localement, avec un mandat de conseillère municipale du Tampon, grenier de La Réunion, et petite-fille d’agriculteurs, qui le dit en toute humilité.

Autre absence, et de taille : la question du revenu des agriculteurs. Tant que cette demande légitime ne recevra pas de réponse, nous ne pourrons pas garantir le renouvellement des générations. De même, nous regrettons le renvoi des mesures fiscales foncières et relatives aux phytosanitaires à des textes à venir. Cette méthode nous donne l’impression de naviguer sans cap clair et ne saurait inspirer confiance aux agriculteurs.

J’ai également des regrets quant à la place de la transition agroécologique dans le projet de loi. Nous ne pouvons nous contenter d’en faire un objectif lointain sans nous donner les moyens de l’atteindre, comme le propose le Gouvernement. Il y a un gouffre à combler pour faire de ce projet de loi un texte à la hauteur de l’enjeu. Le groupe LIOT tentera d’apporter cette pierre à l’édifice.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous commençons aujourd’hui l’étude du projet de loi de renoncement agricole. Renoncement, car cette loi ne prévoit pas un euro supplémentaire pour l’agriculture, pas de mesures pour lutter contre l’accaparement des terres et leur destruction, aucune mesure non plus pour accompagner les paysans dans la transition agroécologique, rien pour les protéger de la concurrence internationale ni rien pour leur garantir un niveau de vie décent.

Malgré les mois de préparation, la crise agricole et les annonces faites, vous avez renoncé à donner un cap à notre agriculture, renoncé à la planification écologique. La loi ne porte même plus le nom de loi d’orientation agricole.

Si vous n’aviez pas d’idées, vous auriez pu vous inspirer de celles de la gauche et des écologistes, visant par exemple à fixer un prix plancher pour rémunérer convenablement tous les agriculteurs, défendue avec force par nos collègues insoumis, à investir dans la transition agroécologique pour sortir d’une agriculture chimique qui empoisonne en premier lieu les paysans eux-mêmes, à sanctuariser les terres agricoles ou à développer les ceintures maraîchères autour des villes.

Il n’y a qu’une seule lubie vers laquelle vous avancez sérieusement : la destruction progressive, mais méticuleuse, du droit de l’environnement. Cette loi est au moins la quatrième à poursuivre cet objet en à peine un an, avec toujours la même recette : création de nouvelles procédures toujours plus complexes, raccourcissement des délais de recours, voire institutionnalisation des procédures bâillons, compensation plutôt que prévention des atteintes à l’environnement et réduction de la consultation du public. En clair : permettre à l’agro-industrie de détruire notre environnement en construisant des mégabassines et des fermes-usines sans demander leur avis aux gens et sans contestation possible. À cela s’ajoute la réduction des sanctions en cas d’atteinte à l’environnement.

Vous procédez par ordonnances : il vous sera ainsi plus facile de confier directement le travail à votre cabinet de conseil favori : la FNSEA – Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles –, dont je ne doute pas, d’ailleurs, qu’elle ait tenu la plume de ce projet de loi, en lieu et place d’un ministre responsable.

Le groupe Écologiste formulera de nombreuses contre-propositions à ce projet de loi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Madame Tiegna, monsieur Padey et monsieur Thiébaut, je vous remercie d’avoir exprimé votre soutien et rappelé toutes les mesures que nous avons mises en œuvre pour les agriculteurs depuis 2017.

Monsieur Villedieu, soutenir les agriculteurs, c’est d’abord voter les budgets de la PAC, la politique agricole commune. J’espère pour les agriculteurs que Jordan Bardella ne passera pas le 9 juin car, sans les budgets de la PAC, il n’y a pas de soutien pour nos agriculteurs. Vous vous êtes réveillés récemment pour voter la PAC, et c’est bien, mais vous ne vous votez pas ses budgets, sans lesquels la situation est difficile pour nos agriculteurs.

Je vous rappelle également que, pour comprendre les agriculteurs, il ne suffit pas d’aller une fois par an au Salon de l’agriculture. Il faut aller un peu plus sur le terrain !

Madame Meunier, j’ai l’impression que nous n’avons pas lu le même texte. Selon vous, le projet de loi évoquerait très peu la transition agroécologique, mais elle est pourtant mentionnée à plusieurs reprises, ainsi que l’adaptation climatique, même si, comme vous l’avez constaté lors des nombreuses auditions auxquelles vous avez participé, certaines associations ne sont pas entièrement satisfaites.

Monsieur Bony, je vous rappelle que, sans adaptation, au réchauffement climatique, il n’y aura pas d’agriculture. Ce qui pénalise aujourd’hui le revenu de nos agriculteurs, ce sont les aléas climatiques. En traitant de l’installation, de la transmission, de l’orientation et de la formation, le projet de loi traite aussi de l’adaptation au climat.

Quant au revenu agricole, plusieurs lois s’appliquent déjà et une autre est prévue pour cet été. Il était nécessaire que ce projet de loi soit focalisé sur l’orientation, la formation, la transmission et, surtout, l’installation. Il ne faut évidemment pas négliger l’adaptation de notre agriculture au réchauffement climatique.

Monsieur Petit, je partage votre interrogation sur le foncier, question essentielle pour l’installation des jeunes agriculteurs. Nous attendons un texte fort et ambitieux sur cette question, dont je regrette qu’elle ne soit pas plus présente dans le texte.

Madame Bassire, merci de rappeler la pluralité de l’agriculture et celle de nos outre-mer, que nous devons en effet prendre en compte.

Madame Belluco, le texte ne comporte pas d’atteintes au droit de l’environnement.

 

 

TITRE Ier
DÉFINIR NOS POLITIQUES EN FAVEUR DU RENOUVELLEMENT
DES GÉNÉRATIONS AU REGARD DE L’OBJECTIF
DE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE DE LA FRANCE

 

 

Avant l’article 1er

 

Amendement CD303 rectifié de M. Henri Alfandari

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je le défendrai en même temps que l’amendement CD304 à l’article 1er, qui procède de la même démarche. Tous deux visent à réécrire l’article 1er en le coupant en deux, dans l’objectif d’apporter une meilleure lisibilité à la programmation et à l’orientation de la politique agricole.

L’amendement CD303 rectifié vise à créer un article au sein du code rural et de la pêche maritime, comme le souhaite le Gouvernement, mais avec quelques modifications. Ce nouvel article, L. 1 AA, conserve la notion d’intérêt général majeur en l’étendant au pastoralisme et ajoute plusieurs définitions qu’il nous semble nécessaire de codifier pour éviter toute ambiguïté : la souveraineté agricole et alimentaire, la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire alimentaire, à laquelle est intégrée la notion d’une seule santé qui tient à cœur à beaucoup d’entre nous. Enfin, il apporte plus de clarté et d’ambition aux notions d’orientation et de programmation par la création d’une programmation pluriannuelle de l’agriculture qui garantit que, tous les dix ans, des moyens adéquats seront alloués aux politiques agricoles définies dans la loi d’orientation agricole.

L’amendement CD304 vise à maintenir uniquement la partie codification de l’article 1er en conservant les modifications apportées par le Gouvernement au IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime sur la politique d’installation et de transmission, et en proposant des modifications au I pour mettre à jour les objectifs généraux de l’agriculture en y intégrant ceux définis dans le présent texte.

Ces deux amendements s’inscrivent dans la continuité des lois d’orientation agricoles adoptées depuis 1960.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le Conseil d’État a indiqué qu’il était important que l’article 1er contienne des dispositions programmatiques et non une simple définition de la souveraineté alimentaire, à laquelle il ne voit pas d’utilité sur le plan juridique ; il indique par ailleurs que cette notion est utilisée depuis 2014 à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime « sans être autrement définie que par les politiques publiques qu’elle inspire ». D’autre part, ces objectifs accordent une place trop faible à l’impératif de transition agroécologique.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Même si nous ne sommes pas tout à fait alignés sur la position de la rapporteure pour avis, nous retravaillerons les deux amendements pour la séance publique.

L’amendement CD303 rectifié est retiré.

 

 

Article 1er : Consécration de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture comme étant d’intérêt général majeur en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France

 

L’amendement CD304 de M. Henri Alfandari est retiré.

 

Amendements identiques CD89 de M. Jean-Yves Bony, CD128 de M. Vincent Descoeur et CD598 de M. Didier Padey

M. Jean-Yves Bony (LR). Ces amendements traduisent juridiquement la volonté politique d’un rééquilibrage entre les intérêts agricoles et les intérêts environnementaux en inscrivant dans le texte le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le déploiement de l’agriculture sont reconnus d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les amendements tendent à supprimer toute la première partie de l’article au profit de cette formule. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CD419 de Mme Marie Pochon, CD649 de M. Grégoire de Fournas et CD715 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le Gouvernement a souhaité introduire dans le projet de loi la nécessité de protéger la souveraineté alimentaire. C’est une excellente nouvelle. Cependant, il semble s’être trompé dans sa définition.

Pour garantir l’effectivité de la simplification proposée par le texte, nous proposons de reprendre la définition établie dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018. Nul ne comprendrait que, pour des objectifs similaires, il existe une définition internationale communément admise et une définition franco-française.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable à l’introduction d’une définition de la souveraineté alimentaire. Je préfère que l’article reste de nature programmatique.

La commission adopte l’amendement CD419.

En conséquence, les amendements CD649, CD715 et CD561 tombent.

Amendements identiques CD319 de M. Loïc Prud’homme et CD417 de Mme Marie Pochon

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous proposons de supprimer la notion d’intérêt général majeur, qui va à l’encontre de la protection de l’environnement, comme l’ont fait valoir les associations que nous avons auditionnées. Cette notion a été annoncée comme un symbole par Emmanuel Macron lors du Salon de l’agriculture, mais son inscription dans le droit remettrait en question l’ordre existant. Pour l’eau, par exemple, cet ordre place en premier l’intérêt lié à la consommation humaine, c’est-à-dire l’eau potable ; ensuite, les milieux ; enfin, les activités économiques.

Derrière la notion d’intérêt général majeur applicable à l’agriculture se cache en réalité l’accélération des procédures pour de gros projets agro-industriels comme les mégabassines et l’accaparement des terres et de l’eau par l’agro-industrie. C’est une fausse réponse et de nombreuses associations s’y opposent fortement. À l’heure de la transition écologique, les agriculteurs en seront les premières victimes.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous voulons supprimer l’alinéa 3. Il existe, dans le droit positif, une notion de raison impérative d’intérêt public majeur, une notion d’intérêt national majeur, une notion d’intérêts fondamentaux de la nation et une notion d’intérêt général ; mais nulle trace d’un « intérêt général majeur ».

L’objectif de simplification affiché par le texte est peu compatible avec l’invention d’une nouvelle notion dont les contours ne sont pas définis. Par ailleurs, si celle-ci devait s’entendre comme une mise au même niveau de l’agriculture et de la protection de l’environnement, elle irait à l’encontre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, du principe de non-régression en matière environnementale et de toutes les avancées acquises en la matière depuis que la protection de l’environnement a été déclarée d’intérêt général, en 1976.

Même le Conseil d’État a proposé la suppression de cette mention, celle-ci « n’étant pas claire et son utilité apparaissant douteuse ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Ce principe ne permettra pas de déroger à la protection de l’environnement ni à la protection de la santé publique, qui sont des objectifs de valeur constitutionnelle, comme Maître Gossement l’a expliqué en audition.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD716 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Cet amendement s’appuie sur la notion de patrimoine commun de la nation, au sens de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, plutôt que sur celle d’intérêt général majeur, la notion d’intérêt fondamental de la nation figurant à l’article 410-1 du code pénal.

Le Conseil d’État a prévenu le Gouvernement : l’intérêt général majeur ne produira pas d’effet juridique caractérisé. C’est une fausse promesse du Gouvernement au monde agricole. Reconnaître l’agriculture, le pastoralisme, la pêche et l’aquaculture comme faisant partie du patrimoine commun de la nation, c’est permettre l’articulation de ces activités vitales pour la souveraineté agricole et alimentaire avec l’environnement et la biodiversité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD182 de M. Jean-Pierre Taite et CD686 de Mme Juliette Vilgrain (discussion commune)

M. Jean-Pierre Taite (LR). Plusieurs domaines se sont vus reconnaître un caractère d’intérêt général, comme la protection de l’environnement, la mise en valeur des forêts, la préservation des zones humides, la protection des espaces naturels et la préservation des espèces animales.

L’amendement vise à affiner la rédaction initiale en précisant que ce n’est pas l’agriculture, mais « la protection, la valorisation et le déploiement de l’agriculture […] » qui sont d’intérêt général majeur et qui concourent à répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire.

Mme Juliette Vilgrain (HOR). En l’état, la formulation retenue à l’alinéa 3 affirme que « l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur ». Nous proposons d’y substituer les mots « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture sont d’intérêt général majeur » afin de limiter toute perte de lisibilité législative. L’alinéa traduit la volonté politique de rééquilibrer les intérêts agricoles et les intérêts environnementaux en plaçant l’agriculture au même rang que d’autres activités.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable aux deux amendements. Ils alourdissent le texte sans réelle portée juridique.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD177 de M. Vincent Descoeur

M. Nicolas Ray (LR). Cet amendement vise à intégrer l’élevage à l’article 1er afin d’accorder à celui-ci le caractère d’intérêt général majeur. L’élevage est le grand oublié de ce texte ; pourtant, les éleveurs exercent une activité remarquable et contribuent à la souveraineté alimentaire. Il est nécessaire de renforcer leur protection.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La notion d’agriculture inclut l’élevage.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD547 de M. Jean-Marc Zulesi

M. Yannick Haury (RE). L’amendement vise à intégrer l’apiculture aux cultures considérées d’intérêt national majeur.

La pollinisation est un élément-clé de la reproduction d’un grand nombre de végétaux et une étape essentielle dans le cycle de vie des plantes. Selon l’Office français de la biodiversité, les pollinisateurs jouent un rôle crucial dans la production alimentaire car un nombre important de cultures dépendent, d’une manière ou d’une autre, de la pollinisation par les insectes. Au niveau européen, 84 % des espèces végétales cultivées dépendent directement des insectes pollinisateurs ; en France, la part de la production végétale destinée à l’alimentation humaine que l’on peut attribuer à leur action représente une valeur comprise entre 2,3 et 5,3 milliards d’euros.

Si les abeilles ne sont pas le seul insecte pollinisateur, il est crucial de reconnaître leur rôle et de renforcer leur protection, notamment vis-à-vis du frelon asiatique. Sans pollinisation, pas d’agriculture durable.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. C’est un très bon argumentaire pour un très bon amendement. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD146 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Nous partageons tous l’objectif d’atteindre la souveraineté alimentaire et de nourrir la population française. Les transformateurs de produits alimentaires de base, qui transforment les produits agricoles en produits alimentaires, sont un maillon essentiel de la chaîne de valeur permettant d’y parvenir. Ils méritent d’être reconnus. L’amendement vise à reconnaître leur activité comme étant d’intérêt général majeur.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD147 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). La souveraineté alimentaire passe par la protection de certains produits stratégiques, tels que les semences. Sans semences, pas de plantation, donc pas d’agriculture. Autre maillon essentiel de la chaîne de production des aliments, les fabricants de ces produits, dont la liste pourrait être dressée par décret, contribuent directement à notre souveraineté et méritent, eux aussi, d’être reconnus.

L’amendement a été travaillé avec le groupe Limagrain, coopérative agricole située dans le Puy-de-Dôme, détenu par des agriculteurs et quatrième semencier mondial.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Vous proposez de considérer comme d’intérêt général majeur un ensemble de produits stratégiques définis par décret. Ce serait la porte ouverte à une liste modifiable à l’envi par l’exécutif sans aucun contrôle parlementaire, soit un bel exemple de dessaisissement du législateur. Par ailleurs, en termes de formulation, il est peu cohérent de placer des produits sur le même plan que des activités comme l’agriculture et l’aquaculture. Avis défavorable.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Je maintiens l’amendement, mais je le reformulerai pour la séance publique en précisant quelles semences sont indispensables à la souveraineté alimentaire.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). L’intérêt général majeur, dans le Puy-de-Dôme, c’est de préserver les aquifères. Limagrain, quel que soit le stress hydrique et malgré les arrêtés préfectoraux, ne se prise pas de puiser dans les nappes phréatiques, au détriment de la population.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Je ne peux pas laisser dire cela : Limagrain est le quatrième semencier mondial…

M. le président. Chers collègues, il reste 593 amendements à examiner. Tenons-nous-en à l’essentiel et respectons la règle du un pour, un contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD422 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il serait fâcheux d’utiliser des notions et des définitions non conformes au sens communément admis. L’amendement vise à rendre le texte compatible avec le droit international en ajoutant une référence à la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018, dans laquelle est définie la souveraineté alimentaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable. Il est pertinent de penser l’orientation de la politique publique agricole en compatibilité avec le droit international.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD468 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à retirer du texte une notion vague aux conséquences juridiques imprévisibles.

Certains considèrent que la référence aux intérêts fondamentaux de la nation est une déclaration sans effet ; dans ce cas, supprimons-la pour éviter une loi bavarde. D’autres estiment qu’il s’agit d’un moyen de criminaliser les personnes qui contesteraient certains projets agricoles. La notion d’intérêts fondamentaux a une signification spécifique dans notre droit : il s’agit des intérêts relatifs à la défense nationale. Celui qui trahirait en communiquant des documents secret-défense à un pays étranger s’en prendrait ainsi aux intérêts fondamentaux de la nation. Or, quoi que l’on pense, contester ou même entraver un projet agricole n’est pas la même chose que de trahir ou de menacer l’intégrité de son pays. C’est l’exercice de la démocratie, dans laquelle chacun a le droit de s’exprimer. Que le dispositif soit excessif ou inutile, il convient de le supprimer.

Pour appuyer mon propos, je citerai la partie de l’avis du Conseil d’État relative à cette notion. Il propose de ne pas retenir que l’agriculture, la pêche et l’aquaculture « contribue[nt] à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, la portée d’une telle mention n’étant pas claire et son utilité apparaissant douteuse ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je souhaite que l’on conserve ce point symbolique du texte.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD477 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). Cet amendement rédactionnel vise à préciser la définition des intérêts fondamentaux de la nation mentionnés dans l’article. À l’inverse de l’amendement précédent, il vise à protéger les projets agricoles contre d’éventuelles dégradations en faisant relever ces atteintes du code pénal.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Juridiquement parlant, le renvoi au code pénal ne changera pas grand-chose.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD508 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Cet amendement revêt une importance capitale. Il vise à reconnaître la souveraineté alimentaire comme un intérêt fondamental de la nation au sens du code pénal et à la définir comme « la capacité de la France à assurer en toute liberté sa sécurité alimentaire [en sanctuarisant] un accès continu à une alimentation suffisante et sûre [pour toute la population] ».

L’inscription de cette définition donnerait une perspective claire à l’article 1er et créerait un cadre légal robuste pour l’élaboration et l’application de politiques publiques qui devront garantir et renforcer notre souveraineté alimentaire en veillant à la préservation et à l’amélioration de la souveraineté agricole.

L’amendement a été travaillé avec la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et les Jeunes agriculteurs (JA) de Haute‑Saône, ainsi qu’avec la chambre d’agriculture de Haute-Saône.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait par l’adoption du précédent. En outre, il propose d’introduire une définition à l’article 1er, ce à quoi je suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD479 de M. Jean-Yves Bony

M. Emmanuel Maquet (LR). Cet amendement rédactionnel vise à donner une consistance à la notion d’intérêt général majeur mentionnée à l’article 1er. Il énumère les cas dans lesquels l’agriculture est placée au même niveau que l’environnement en matière de législation : les espèces protégées, les haies, les ouvrages hydrauliques et les bâtiments d’élevage, comme le Gouvernement l’a prévu aux autres articles du projet de loi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. C’est plus qu’un amendement rédactionnel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD439 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à mettre en cohérence les dispositions de l’article avec les engagements internationaux de la France, lesquels consacrent, à juste titre, le respect de la souveraineté alimentaire des pays tiers.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable, par cohérence avec la position que j’ai exprimée sur l’amendement CD422.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD444 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement de repli vise à donner une application concrète à l’objectif premier du texte qu’est l’installation de nouveaux agriculteurs. Pour garantir le renouvellement des générations et faire face à l’effondrement du nombre d’actifs agricoles, il nous paraît essentiel de fixer l’objectif général d’un maintien, au minimum, du nombre d’agriculteurs en activité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD650 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). En vue d’atteindre la souveraineté alimentaire, notion que vous ne voulez pas définir, l’amendement vise à inscrire dans le texte l’objectif d’une augmentation des capacités de production agricoles du pays pour satisfaire les besoins alimentaires nationaux. Il remplace l’alinéa 7, lequel présente une notion de souveraineté agricole qui n’est pas définie non plus.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La souveraineté alimentaire s’inscrit dans une dimension européenne et internationale.

M. Grégoire de Fournas (RN). Je suis arrivé avec une heure de retard ; vous avez peut-être déjà eu un débat sur la question. En avançant que la souveraineté alimentaire s’inscrit dans une dimension européenne et internationale, voulez-vous dire que celle-ci existerait même s’il n’y avait plus d’agriculture ? Vous ne parlez plus de la souveraineté alimentaire française, c’est-à-dire de la capacité de l’agriculture française à répondre aux besoins de consommation des Français. Cela nous en apprend beaucoup sur votre vision de la souveraineté.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD476 de Mme Marie Pochon et CD107 de M. Vincent Descoeur (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). La préservation de l’attractivité du métier d’agriculteur est une condition indispensable pour atteindre la souveraineté alimentaire. La mention des conditions de travail et des revenus des agriculteurs a été malencontreusement oubliée dans le projet de loi. Compte tenu de la préoccupation majeure exprimée à ce sujet lors des mobilisations de ces derniers mois, de l’adoption, il y a quelques semaines, d’une proposition de loi visant à l’établissement de prix rémunérateurs garantis pour les produits agricoles et de l’engagement des députés de la majorité à travailler sur le sujet, il nous semble essentiel d’intégrer ces enjeux à la liste des objectifs des politiques agricoles.

M. Nicolas Ray (LR). Lors des manifestations du début de l’année, l’une des principales revendications des agriculteurs portait sur le revenu agricole. Le projet de loi ne traite pas de cette question. Pourtant, sans revenu, le renouvellement des générations ne sera pas assuré et le nombre d’exploitations agricoles continuera de diminuer. C’est pourquoi l’amendement vise à inscrire l’objectif d’une augmentation du revenu des agriculteurs et des actifs agricoles parmi les objectifs des politiques publiques concourant à la souveraineté alimentaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’amendement CD476, et plutôt défavorable à l’amendement CD107, non sur le fond mais sur sa rédaction.

La commission adopte l’amendement CD476.

En conséquence, l’amendement CD107 tombe.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD483 de M. Jean-Yves Bony.

 

Amendement CD651 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous avons déposé plusieurs amendements visant à corriger votre définition plus que problématique de la souveraineté alimentaire. Si vous voulez absolument conserver la mention du marché unique et des traités internationaux, nous souhaitons y ajouter les mots « si nécessaire » afin de prioriser la production nationale. C’est la moindre des choses pour défendre les circuits courts, auxquels nous sommes nombreux à nous dire attachés.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). Pourquoi ?

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La souveraineté alimentaire s’inscrit dans un cadre international. C’est la définition de l’ONU.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD509 de M. Antoine Villedieu, amendements identiques CD510 de M. Antoine Villedieu et CD652 de M. Grégoire de Fournas (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). Notre but est simple : clarifier et renforcer le concept de souveraineté alimentaire dans la loi.

Le terme « souveraineté » implique une indépendance et une autonomie sacrées, en contradiction totale avec la volonté de se conformer strictement aux règles du marché intérieur européen ou à des accords multilatéraux de libre-échange qui limiteraient notre capacité à agir librement. Le Gouvernement impose l’idée que c’est en partageant notre souveraineté alimentaire que nous défendrons le mieux nos intérêts communs, alors même que la souveraineté désigne un corps politique qui ne se reconnaît aucune puissance supérieure.

Une souveraineté « n’est pas plus divisible que le point en géométrie », d’après la formule du juriste Cardin Le Bret. Cela vaut a fortiori pour la souveraineté alimentaire.

Dans le même esprit, l’amendement CD510 vise à ce que notre législation reflète la véritable essence de la souveraineté. Si nous conservons, à l’alinéa 5, les termes « dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne et de ses engagements internationaux », nous acceptons implicitement que notre souveraineté alimentaire soit subordonnée à des décisions contraires à ce principe. En voulant assurer notre approvisionnement alimentaire « de manière autonome et indépendante », nous ne nions pas l’importance de collaborer avec l’Union européenne et d’honorer nos engagements internationaux ; nous affirmons en revanche que ces engagements ne doivent pas limiter notre droit à l’autodétermination en matière d’approvisionnement alimentaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement l’amendement CD509 et les amendements identiques.

Amendement CD108 de M. Vincent Descoeur

M. Emmanuel Maquet (LR). L’article 1er vise à inscrire dans le code rural et de la pêche maritime le fait que la souveraineté alimentaire contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la nation. Or il n’est fait référence qu’à la capacité de la France « à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne ». Afin que notre pays se voie garantir une véritable souveraineté alimentaire, il convient d’y ajouter une dimension nationale.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CD40 de M. Vincent Descoeur et CD653 de M. Grégoire de Fournas.

M. Nicolas Ray (LR). Nous demandons la suppression, à l’alinéa 5, des mots « et de ses engagements internationaux », qui vident de son sens la notion de souveraineté alimentaire. Si l’on souhaite importer sans limite, on ne peut plus vraiment parler de souveraineté ! Il convient au contraire de défendre ce principe à l’échelle de l’Europe, donc de maintenir à l’alinéa 5 la référence à nos engagements européens.

M. Grégoire de Fournas (RN). Il est nécessaire de définir clairement la notion de souveraineté, qui ne peut être considérée, madame la rapporteure pour avis, au niveau international, faute de quoi elle n’existe plus – ou alors sous la forme d’une « souveraineté mondiale », ce qui ne veut absolument rien dire ! Dans l’esprit du Président de la République, qui a évoqué cette idée dans une allocution lors du premier confinement, déléguer à d’autres notre alimentation est une folie. Si le Gouvernement a choisi d’inscrire la notion de souveraineté alimentaire sur le fronton du ministère de l’agriculture, c’est justement pour faire en sorte que la production agricole française soit capable de satisfaire la demande nationale. Il ne s’agit pas de se référer, dans une définition absolument vide de sens, à tous les traités internationaux et à toutes les productions du bout du monde, ce qui serait antiécologique et antiéconomique.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CD809 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à introduire dans la loi la notion de droit universel à l’alimentation. Il s’agit de reconnaître les liens directs entre agriculture et alimentation et de souligner l’exhaustivité de la notion de souveraineté alimentaire « de la fourche à la fourchette ».

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD447 et CD464 de Mme Marie Pochon, CD677 de Mme Hélène Laporte, CD450 de Mme Marie Pochon, CD234 de M. Jorys Bovet et CD457 de Mme Marie Pochon tombent.

 

Amendements identiques CD12 de Mme Christelle Petex, CD466 de Mme Marie Pochon, CD717 de M. Bertrand Petit et CD718 de Mme Chantal Jourdan ; sous-amendement CD827 de M. Bertrand Petit ; amendement CD687 de Mme Juliette Vilgrain (discussion commune)

M. Emmanuel Maquet (LR). Le changement climatique menace la pérennité de la pêche maritime, pourtant essentielle à la sécurité alimentaire de la France. Les politiques publiques doivent donc anticiper ce phénomène, atténuer ses effets et résister à ces derniers afin de protéger notre souveraineté. Elles doivent en particulier tenir compte des évaluations scientifiques pour comprendre les impacts du changement climatique sur les écosystèmes marins et les pratiques de pêche. Elles doivent également organiser la mise en place de systèmes de surveillance et de gestion adaptative pour suivre l’évolution des populations de poissons et ajuster les quotas de pêche aux nouvelles réalités écologiques. Il est nécessaire d’adopter une approche proactive de la protection de la souveraineté alimentaire maritime de la France afin de faire face aux défis du changement climatique et d’assurer la durabilité de la pêche pour les générations futures.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les changements climatiques touchent de plein fouet l’ensemble du monde agricole. En 2022, les surcoûts qu’ils ont occasionnés en France se sont élevés à 3 milliards d’euros, avec des baisses de rendement importantes, de l’ordre de 30 % pour certaines filières. Ces effets sur les productions agricoles vont s’aggraver et susciter des risques importants pour la souveraineté alimentaire de notre pays. Les agriculteurs sont déjà en première ligne. Ces derniers jours, ils subissent les effets du gel, après plusieurs mois de températures supérieures aux normales saisonnières.

Ainsi, l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses conséquences constituent un défi majeur : il y va de la préservation des conditions indispensables à la pérennité de la production agricole dans nos territoires. Il semble nécessaire que ce projet de loi en tienne compte. Dans le prolongement de la stratégie de planification écologique, il convient donc d’inscrire à l’article 1er le principe selon lequel les politiques agricoles concourent à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique afin de préserver les conditions de la souveraineté alimentaire du pays.

M. Bertrand Petit (SOC). L’amendement CD717 vise à souligner la nécessité, pour notre agriculture, d’anticiper et de se préparer au changement climatique, faute de quoi il ne pourra y avoir de souveraineté alimentaire en France.

Les émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire représentent plus de 20 % de notre empreinte carbone. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, le secteur devra relever trois défis : réduire le plus possible ses émissions de gaz à effet de serre ; augmenter le stockage de carbone dans les sols agricoles ; se préparer à un climat plus chaud de 2 degrés à court terme et possiblement de 4 degrés d’ici à 2100.

Le Haut Conseil pour le climat souligne que « seule une coordination des politiques concernant l’agriculture, l’alimentation, la santé publique, le climat et l’environnement permettra de […] protéger les agriculteurs français d’une forte montée des dommages causés par le changement climatique […] et de réduire les risques économiques pour les acteurs du système alimentaire […] ».

Le sous-amendement CD827 vise à préciser que, pour renforcer notre capacité à surmonter de façon résiliente les crises susceptibles de porter atteinte à la sécurité alimentaire, il convient de développer les solutions fondées sur la nature telles que les services écosystémiques offerts par les zones humides, capables de prévenir et de réduire les effets des crises qui peuvent affecter la production alimentaire.

Au-delà de leur participation directe à la production alimentaire, puisque certaines d’entre elles accueillent des activités de culture, de maraîchage et d’élevage, les zones humides offrent des services écosystémiques qui bénéficient à l’ensemble du système agricole et renforcent la résilience de ce dernier face au changement climatique. Ces zones humides apportent une contribution substantielle à la biodiversité ; elles permettent par ailleurs de stocker l’eau, en particulier lors d’épisodes d’intempéries ou de crues, de la filtrer, ce qui la maintient dans un bon état écologique, et de réduire l’effet des sécheresses. En somme, elles participent à la régulation de l’environnement. Je regrette donc qu’elles soient, malgré leurs vertus essentielles, les grandes oubliées de ce projet de loi d’orientation agricole.

Mme Juliette Vilgrain (HOR). Le projet de loi entend mobiliser les piliers de l’orientation, de la formation, de l’installation et de la transmission afin de préparer les générations futures. Il doit permettre à notre agriculture d’opérer immédiatement les transitions indispensables face au changement climatique.

L’article 1er dispose que « les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France » ; il détermine les objectifs que ces politiques doivent viser et les actions qu’elles doivent mettre en œuvre à cette fin. Notre amendement C687 entend souligner, à l’alinéa 6, la nécessité de préserver et d’améliorer la capacité de notre pays « à anticiper et s’adapter aux conséquences du changement climatique et à en atténuer les effets », conformément aux grandes orientations définies dans ce projet de loi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable au sous-amendement CD827 ainsi qu’aux amendements identiques auxquels il se rapporte.

La commission adopte successivement le sous-amendement CD827 et les amendements CD12, CD466, CD717 et CD718 sous-amendés.

En conséquence, l’amendement CD687 tombe.

 

Amendement CD511 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Quiconque promeut la souveraineté alimentaire nationale doit être en mesure de développer son appareil de production, sur son territoire, pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la production des pays tiers. Aussi proposons-nous d’associer la capacité de garantir l’approvisionnement alimentaire au développement de la production nationale. La création des conditions durables permettant d’assurer une production nationale fait partie des défis agricoles. Il est donc urgent d’orienter l’action de l’État vers le développement d’une telle production capable de nous approvisionner, même en cas de crise.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD320 de Mme Aurélie Trouvé et CD321 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’amendement CD320 vise à fixer l’objectif de 100 % de surfaces en agriculture biologique en 2050 et à prévoir des objectifs intermédiaires permettant d’y parvenir. Vous connaissez les vertus de ce type d’agriculture, notamment en matière de biodiversité. Nous pensons qu’il faut fixer des caps afin que les agriculteurs soient accompagnés dans le développement de ce modèle, qui ne représente qu’un peu plus de 10 % des surfaces cultivées en France – un chiffre qui stagne.

L’amendement CD321, de repli, est beaucoup plus raisonnable : vous pourrez donc peut-être l’adopter. Il fixe l’objectif d’atteindre au moins 25 % de surfaces en agriculture biologique en 2030, reprenant une préconisation formulée par de nombreux organismes. Il s’agit, là encore, de préserver la biodiversité et de permettre à nos agriculteurs de vivre dignement de leur métier.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à l’amendement CD320 et m’en remets à la sagesse de notre commission s’agissant de l’amendement CD321. On ne pourra pas me reprocher de m’opposer à l’agriculture biologique ; je souhaite cependant que les agriculteurs conservent leur liberté d’installation et la possibilité de choisir leur modèle.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’objectif est ambitieux mais réaliste, puisque l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) estiment qu’il peut être atteint d’ici à 2050. Au-delà de l’intérêt écologique rappelé par Clémence Guetté, le développement de l’agriculture biologique permettra au secteur de sortir de sa dépendance aux intrants chimiques, qui constitue aujourd’hui une charge majeure pour les exploitants. Il redonnera de l’air et du revenu aux paysans de notre pays. Voilà des objectifs sur lesquels nous devrions tous nous retrouver.

Successivement, la commission rejette l’amendement CD320 et adopte l’amendement CD321.

 

Amendement CD469 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous demandons la suppression de l’alinéa 7, qui présente la notion de souveraineté agricole d’une manière floue et ne correspondant pas aux définitions existantes et communément admises. Il est assez étrange de vouloir trouver un nouveau sens à cette expression… Autant s’attacher à sa définition réelle ! Le même flou entoure la hiérarchie des usages de la biomasse agricole, entre alimentation et production énergétique ; or l’agriculture doit avant tout répondre aux besoins alimentaires des citoyens.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de cet amendement au profit de l’amendement CD810 que je défendrai dans quelques instants. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Je le maintiens.

M. Grégoire de Fournas (RN). Madame la rapporteure pour avis, l’amendement auquel vous nous renvoyez se réfère toujours à la souveraineté agricole. Pourriez-vous définir cette notion ?

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Elle est définie par l’ONU.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD810 de Mme Sandrine Le Feur et CD688 de Mme Juliette Vilgrain (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD810 vise à préciser dans la loi la primauté de l’usage alimentaire ou nourricier de la biomasse agricole par rapport à ses usages énergétiques.

Mme Juliette Vilgrain (HOR). L’alinéa 7 dispose que les politiques publiques concourant à la protection de la souveraineté alimentaire de la France doivent préserver et améliorer la souveraineté agricole de notre pays. L’amendement CD688 propose une autre rédaction de cet alinéa, qui établit un lien entre la production durable de biomasse et notre souveraineté agricole en précisant que la première contribue à la seconde. La notion de souveraineté agricole s’entend ainsi comme la capacité de la France à contribuer « par la production durable de biomasse à la souveraineté alimentaire et à la décarbonation de l’économie ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de l’amendement CD688 au profit du mien, dont la rédaction est meilleure.

La commission adopte l’amendement CD810, l’amendement CD688 étant retiré.

En conséquence, les amendements CD260 de M. Pierre Meurin, CD676 de Mme Hélène Laporte, CD512 de M. Antoine Villedieu, CD615 de Mme Hélène Laporte, CD470 de Mme Marie Pochon et CD110 de M. Emmanuel Maquet tombent.

 

Amendement CD418 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (RE). Cet amendement, travaillé avec l’association Chimie du végétal, vise à préciser la portée de la définition de la souveraineté agricole en matière de décarbonation de l’économie.

Par son cycle de production et ses interactions avec la biodiversité, la biomasse agricole et forestière est un levier indispensable dans la lutte contre le changement climatique et pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En captant le CO2 atmosphérique, elle contribue en effet à substituer au carbone fossile du carbone biogénique issu de la photosynthèse. La quantité de carbone contenue dans les produits biosourcés issus des biotechnologies industrielles et de la chimie du végétal équivaut à près de 1,5 million de tonnes de CO2 par an, ce qui représente 475 000 tonnes équivalent pétrole évitées.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je m’en remets à la sagesse de notre commission, dans la mesure où le lien entre cet amendement et le projet de loi me paraît très ténu.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD513 de M. Antoine Villedieu et CD473 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). Le développement durable est une chose – contrôler les pollutions, contenir les nuisances environnementales, prévenir les risques de catastrophes naturelles –, la décarbonation en est une autre. La décarbonation, telle que vous l’envisagez, c’est la certitude d’une fiscalité asphyxiante pour nos agriculteurs. La décarbonation, telle que vous la concevez, c’est l’ivresse normative. La décarbonation, telle que vous l’encensez, c’est l’évangile de ceux qui méprisent les agriculteurs. Se pose dès lors une question légitime : allons-nous laisser le Gouvernement et l’Union européenne transformer notre agriculture en « éco-colosse juridique » ? Si vous répondez par la négative, je vous invite à adopter notre amendement CD513.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CD473 fait écho à notre définition de la souveraineté alimentaire, que nous concevons comme le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes durables, et comme le droit des peuples à définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires. En ce sens, la souveraineté alimentaire ne peut advenir qu’au travers de politiques publiques soutenant les circuits de proximité ainsi que les filières déficitaires.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à l’amendement CD513 dans la mesure où la capacité à assurer l’approvisionnement alimentaire est déjà mentionnée à l’alinéa 5. La référence à la nécessité d’« assurer durablement les besoins alimentaires de la nation » serait donc redondante.

Bien que je partage avec Mme Pochon le souci de donner la priorité aux usages alimentaires de l’agriculture et de favoriser la logique des circuits courts, je suis tout aussi défavorable à son amendement CD473, qui ne me paraît pas présenter de véritable valeur ajoutée compte tenu des dispositions que nous avons déjà adoptées.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CD689 de Mme Juliette Vilgrain, CD719 de Mme Chantal Jourdan, CD690 de Mme Juliette Vilgrain ; amendements identiques CD124 de M. Vincent Descoeur et CD183 de M. Jean-Pierre Taite ; amendement CD472 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Juliette Vilgrain (HOR). Ce projet de loi vise à fixer le cap de la souveraineté alimentaire, afin notamment de préparer les générations futures. Il identifie le changement climatique et la préservation de la biodiversité comme des défis immédiats, qui nécessitent de nombreux investissements, un regard lucide sur la viabilité de nos modèles agricoles ainsi qu’une adaptation de nos systèmes de production. Il considère le renouvellement des générations comme un autre défi immédiat pour notre souveraineté agricole et alimentaire, en raison de l’évolution de la démographie agricole qui entraînera des transformations sociales et organisationnelles profondes.

Par notre amendement CD689, nous entendons inscrire à l’article 1er le fait que les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France en veillant à préserver et améliorer « sa capacité à faciliter le renouvellement des générations d’actifs dans les secteurs de l’agriculture afin de répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire et de transitions agroécologique et climatique ». L’intégration de ces deux notions au premier rang des politiques publiques est indispensable et s’inscrit dans le prolongement des orientations premières du projet de loi.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CD719 ajoute au précédent la question de la régulation du marché foncier, absolument essentielle pour permettre le renouvellement des générations.

Il convient de garantir la liberté d’entreprendre pour tous et la possibilité d’utiliser le foncier dans la durée comme un bien commun. Une politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain plutôt que de s’en remettre au jeu des capitaux et favoriser la diversité au détriment des monopoles. C’est tout le sens du pacte foncier qui, depuis les années 1960, assure un équilibre entre la propriété et le travail et unit la France à son terroir. Or, depuis plus d’une décennie, ce pacte se trouve fragilisé par un mouvement de libéralisation fondé sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement des contrôles administratifs, des failles législatives ainsi que l’arrivée, à partir de 2008, de fonds spéculatifs.

Mme Juliette Vilgrain (HOR). Notre amendement CD690 vise à inscrire à l’article 1er le fait que les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France en veillant à préserver et améliorer « sa capacité à faciliter le renouvellement des générations d’actifs dans les secteurs de l’agriculture ». L’intégration de cette notion au premier rang des politiques publiques est indispensable pour favoriser ce renouvellement générationnel, conformément aux orientations premières du projet de loi.

M. Nicolas Ray (LR). Face à la baisse considérable du nombre d’agriculteurs et d’exploitations au cours des dernières années, il apparaît indispensable d’introduire le renouvellement des générations en agriculture parmi les objectifs visés par les politiques publiques agricoles, comme nous le proposons dans notre amendement CD124. L’enjeu démographique sera en effet déterminant pour l’avenir de notre agriculture.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Notre amendement CD183, identique au précédent, vise à inclure le défi du renouvellement des générations en agriculture dans les objectifs des politiques publiques en insérant après l’alinéa 7 un alinéa additionnel rédigé très simplement.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Dans la droite ligne de toutes les propositions que nous défendons depuis le début de l’examen de ce projet de loi, notre amendement CD472 rappelle la nécessité, pour les politiques publiques agricoles menées dans notre pays, de faciliter non seulement le renouvellement des générations, mais également l’installation d’agriculteurs. Cet objectif peut paraître évident mais il n’est pas mentionné clairement. Aussi proposons-nous de l’expliciter.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable aux amendements CD689, CD690, CD124, CD183 et CD472, qui me semblent inutiles car les questions qu’ils soulèvent sont déjà largement abordées dans ce projet de loi.

Je suis tout aussi défavorable à l’amendement CD719, bien que je convienne de l’importance du sujet évoqué par Mme Jourdan. Nous le traiterons à l’article 12 mais il mériterait que nous lui consacrions une loi à part entière.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Si le sujet du renouvellement des générations est effectivement abordé dans ce projet de loi, la question de l’installation de nouveaux agriculteurs ne l’est pas. Je ne suis donc pas d’accord avec notre rapporteure pour avis.

La commission rejette successivement les amendements CD689, CD719 et CD690.

Elle adopte les amendements CD124 et CD183.

En conséquence, l’amendement CD472 tombe.

 

Amendement CD474 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement rappelle une nouvelle fois la définition communément admise de la souveraineté alimentaire, notamment dans sa dimension internationale. Celle-ci exige la régulation des marchés mondiaux pour préserver les droits humains, l’environnement et un commerce équitable.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Par cohérence avec les opinions que j’ai exprimées précédemment, je donne un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD720 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Cet amendement vise à inclure dans la définition législative de la souveraineté alimentaire l’approche One Health, « Une seule santé ». L’émergence de zoonoses a montré qu’il était impératif de penser cette notion en tenant compte aussi bien de la santé de l’homme que de celle des animaux et de leur environnement. Cette approche transversale permet de trouver des solutions qui répondent aux enjeux tant sanitaires qu’environnementaux. Il n’y aura pas de souveraineté alimentaire en France sans protection de notre environnement et de notre santé. En d’autres termes, il faut protéger à la fois l’environnement de production agricole et la santé humaine, animale et environnementale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. En tant que coprésidente du groupe de suivi One Health, dans le cadre de la mise en œuvre du plan national santé environnement, je ne peux être défavorable à votre amendement sur le fond. Je souhaite cependant qu’il soit réécrit et vous demande donc de le retirer ; à défaut, je lui donnerai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD149 de Mme Delphine Lingemann.

 

Amendement CD478 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’implication des acteurs des secteurs agricole et alimentaire dans les processus décisionnels de la société civile, dans le cadre d’une gouvernance pluraliste, est au cœur du concept de souveraineté alimentaire tel que l’a reconnu l’ONU en 2018. Au vu des tournants majeurs que nous imposent les changements climatiques, il est plus que jamais nécessaire de faire place au dialogue et au pluralisme dans les processus décisionnels et dans la conduite des politiques publiques, y compris agricoles. Tel est l’objet de notre amendement, qui vise également à assurer la cohérence des politiques publiques françaises avec le droit international.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Vous avez déposé un peu plus loin des amendements similaires, auxquels je donnerai un avis favorable. Cependant, cette disposition n’a pas sa place ici : je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement CD478.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il est vrai que je défends souvent les mêmes propositions car il convient d’assurer la cohérence entre les principes généraux énoncés par le texte et les mesures de mise en œuvre des politiques publiques agricoles.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne souhaite pas dresser, à cet endroit du texte, une liste de principes. J’accepterai votre proposition un peu plus loin mais je réitère mon avis défavorable à votre amendement CD478 s’il n’est pas retiré.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD471 de Mme Lisa Belluco et sous-amendement CD829 de M. Bertrand Petit

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement vise à réécrire l’alinéa 9 afin, notamment, d’ajouter la santé et le savoir-faire des paysans à la liste des ressources indispensables à la souveraineté alimentaire, qu’il convient de préserver.

M. Bertrand Petit (SOC). Ce sous-amendement vise à affirmer la nécessité de préserver les zones humides, qui constituent un facteur déterminant de la souveraineté alimentaire du fait des services écosystémiques qu’elles rendent. En effet, elles accroissent la résilience des systèmes agricoles face au changement climatique grâce au maintien de la biodiversité et à une capacité de stockage et de filtrage de l’eau, ainsi que de réduction des effets des sécheresses.

Les zones humides contribuent aussi à réduire de manière importante les émissions de gaz à effet de serre grâce à leur remarquable aptitude à la séquestration du carbone. Elles participent ainsi de façon substantielle à la production durable de biomasse. Ces milieux stockent deux fois plus de carbone que l’ensemble de la biomasse forestière mondiale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable au sous-amendement et à l’amendement. Je ne partage pas la vision que vous défendez dans cet amendement. Je souhaite que l’on conserve la rédaction initiale du texte. Sans tomber dans une vision exclusivement productiviste – je pense avoir démontré depuis le début de l’examen des amendements que telle n’était pas ma position –, je considère que le terme de « facteurs de production » pour l’agriculture et l’aquaculture n’est pas un gros mot.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement CD654 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Cet amendement vise à insérer les mots « la productivité et la compétitivité du secteur » à l’alinéa 9. Ces concepts sont fondamentaux pour atteindre la souveraineté alimentaire. Notre agriculture doit être capable de faire face à la concurrence étrangère déloyale que vous laissez s’exercer.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La rédaction de cet alinéa doit conserver un certain équilibre. Le texte mentionne déjà la nécessité de développer et d’assurer la résilience des facteurs de production. Le développement de la productivité et de la compétitivité du secteur ne saurait guider l’ensemble des actions menées dans le cadre de notre politique agricole. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD681 de Mme Hélène Laporte.

 

Amendement CD480 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à rappeler la nécessité de préserver la capacité des écosystèmes et des communs naturels à se régénérer. Ces derniers ne peuvent être considérés seulement comme des facteurs de production. Ils ont une existence en tant que telle au-delà des services essentiels qu’ils rendent, notamment pour l’agriculture.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD487 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Aucun élu ne peut prétendre défendre l’environnement, nos agriculteurs ni la souveraineté alimentaire s’il ne fait rien pour préserver les terres agricoles. Pourtant, une partie de l’Assemblée a travaillé de concert pour supprimer tous les objectifs zéro artificialisation nette (ZAN) et tous les leviers nécessaires à la réussite de ce dispositif qui doit nous permettre de garder nos sols vivants. C’est la ligne de ceux qui votent pour que des autoroutes déchirent nos terroirs qu’ils affirment pourtant chérir, de ceux qui clament un droit du sol sans jamais penser à un droit des sols qui nous nourrissent. La souveraineté alimentaire, que prétend consacrer le projet de loi, ne serait qu’un vain mot si elle ne prenait pas en compte, d’abord, la préservation de nos terres agricoles. C’est pourquoi le groupe Écologiste propose d’ajouter, après l’alinéa 9, l’objectif de la préservation des sols agricoles de la bétonisation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement, qui conduirait à allonger les listes existantes. Le ZAN a été voté et est applicable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD491 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à rendre notre action cohérente avec les engagements pris par la France et les recommandations des scientifiques, qui mettent en évidence le rôle de l’agriculture biologique et, plus généralement, des modèles sobres en intrants pour atteindre la souveraineté alimentaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’affirmation du rôle de l’agriculture biologique et des modèles sobres en intrants dans la protection de la souveraineté alimentaire mais l’amendement est déjà largement satisfait par la rédaction actuelle. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD551 de M. Jean-Marc Zulesi

M. Yannick Haury (RE). L’agriculture a un rôle majeur à jouer dans l’adaptation au changement climatique. Cet amendement vise à valoriser la captation et le stockage du carbone, en cohérence avec les objectifs de préservation des écosystèmes et des ressources naturelles énoncés à l’alinéa 9. Grâce à la photosynthèse, les végétaux captent puis stockent le dioxyde de carbone. Pour que ce mécanisme fonctionne, il faut éviter le plus possible les terres nues, autrement dit celles qui sont dépourvues de cultures ou de végétaux. Il est important de valoriser les terres. Une prairie correctement entretenue peut capter jusqu’à 80 tonnes de dioxyde de carbone à l’hectare, soit autant qu’une forêt.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Attention, l’insoumission vous guette ! Nous voterons en faveur de cet amendement, qui promeut l’élevage extensif sans intrants, par du pâturage qui s’affranchit en particulier des importations de soja.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD721 de Mme Chantal Jourdan, CD488 de Mme Marie Pochon et CD13 de Mme Christelle Petex (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CD721 vise à préciser que les politiques publiques concourant à l’objectif de souveraineté alimentaire doivent être menées en cohérence avec les objectifs d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ce dernier. Le changement climatique exercera des effets croissants sur les productions agricoles, ce qui fait courir des menaces élevées sur notre souveraineté alimentaire. Comme le souligne le rapport gouvernemental de mars 2024 sur l’évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France, « le changement climatique met les facteurs de production sous pression : les leviers de la planification écologique améliorent la résilience de l’agriculture française au changement climatique et contribuent ainsi au maintien de la souveraineté agricole et alimentaire française ».

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CD488 a pour objet de mettre en cohérence le texte avec les lois en vigueur et les engagements pris par notre pays. Il vise à affirmer que, face au changement climatique, à la contribution du secteur agricole à celui-ci – la part de ce secteur dans les émissions de gaz à effet de serre territoriales françaises s’élève à 19 % – et à l’effondrement de la biodiversité, notamment du fait de l’intensification des pratiques, les politiques agricoles doivent respecter la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) et la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).

Mme Christelle Petex (LR). Les politiques publiques doivent orienter les actions et les financements dans le respect de la SNBC. Des efforts sont d’ores et déjà engagés en matière agricole, mais il faut aller plus loin. Les pratiques agricoles doivent s’inscrire dans le cadre du Pnacc, afin de garantir l’adaptation des secteurs agricoles aux effets du changement climatique et leur contribution à la résilience des territoires.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait des amendements CD721 et CD488 ; à défaut, avis défavorable. Avis favorable, en revanche, sur l’amendement CD13.

La commission rejette successivement les amendements CD721 et CD488.

Elle adopte l’amendement CD13.

 

Amendement CD493 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à affirmer l’objectif de diversification de notre production agricole par le soutien des filières les plus en difficulté comme le maraîchage, l’arboriculture, les protéines végétales et l’élevage durable.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de développer les filières déficitaires comme le maraîchage, l’arboriculture, les protéines végétales et l’élevage durable mais je suis opposée à l’insertion dans l’article d’une liste de productions considérées comme déficitaires. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD495 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à souligner l’importance du développement de systèmes alimentaires territorialisés et des circuits courts pour permettre des débouchés rémunérateurs pour les producteurs, une meilleure répartition de la valeur dans la chaîne de production et sur les territoires, ainsi que l’accès de chaque Française et de chaque Français à une alimentation saine, locale, durable et de qualité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD655 de M. Grégoire de Fournas, CD497 de Mme Marie Pochon et CD261 de M. Pierre Meurin (discussion commune)

M. Grégoire de Fournas (RN). L’amendement CD655 a pour objet d’inscrire dans l’article la garantie d’un revenu et de prix rémunérateurs pour les agriculteurs. Il n’y aura pas de transmission d’installations si ces derniers ne perçoivent pas un revenu décent.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit par l’amendement CD497 de garantir un revenu décent aux agriculteurs et de contrôler le partage de la valeur de la production à la distribution.

M. Antoine Villedieu (RN). La voix des agriculteurs a-t-elle été entendue ? Leur colère, au cours des derniers mois, a-t-elle été comprise ? Alors que le revenu constituait l’une de leurs principales préoccupations, le projet de loi n’en fait nulle part mention. On continue à vendre des produits à un prix inférieur au coût de production. Des agriculteurs sont toujours sous-payés. Les lois relatives à l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dites Egalim, ne sont pas parvenues à procurer un revenu digne aux agriculteurs. Le projet de loi devrait avoir l’ambition de répondre à cette demande légitime. La France doit s’engager à la satisfaire. D’ici à dix ans, 166 000 exploitations agricoles auront été transmises à plus d’un tiers de nos agriculteurs. Comment attirer les jeunes dans ces métiers s’ils n’ont pas l’assurance de pouvoir en vivre ? Pour qu’il y ait souveraineté alimentaire, il faut que l’agriculture procure une rémunération correcte.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable sur les trois amendements. Nous avons évoqué la question du revenu et avons adopté l’amendement CD476 de Mme Pochon.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD499 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). La souveraineté alimentaire offre la possibilité de mener les politiques agricoles les plus adaptées à notre population sans porter atteinte à la population d’autres pays. Elle rompt nécessairement avec l’organisation des marchés agricoles mise en œuvre par l’OMC – Organisation mondiale du commerce –, avec les échanges agricoles et alimentaires élevés au même rang que ceux des voitures ou des minerais, avec des accords commerciaux injustes, qui laissent nos agriculteurs aux prises avec des produits qui ne sont pas soumis à des normes sociales ou environnementales similaires. Elle rompt avec la soumission des paysans français aux impératifs de compétitivité ultraconcurrentielle issus d’une globalisation non régulée.

La souveraineté alimentaire représente, en somme, la possibilité pour les peuples de déterminer les politiques agricoles pour et par eux-mêmes, et non pour satisfaire des contraintes de marché. En conséquence, nous proposons d’affirmer que les politiques agricoles françaises œuvrent au rééquilibrage des échanges agricoles et alimentaires et veillent à la réciprocité des normes dans les accords commerciaux et au rétablissement de mécanismes de régulation publics des marchés agricoles aux niveaux européen et international.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis de sagesse. Les auditions, notamment celles du collectif Nourrir, ont montré le besoin d’assurer la réciprocité des normes dans les accords commerciaux et la nécessité de pouvoir recourir à des mécanismes de régulation des marchés agricoles pour assurer une véritable souveraineté.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD500 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’implication de la société civile dans les processus décisionnels au moyen d’une gouvernance pluraliste est au cœur du concept de souveraineté alimentaire. Au vu des tournants majeurs que nous impose le changement climatique, il est plus que jamais nécessaire de faire place au dialogue et au pluralisme dans les processus décisionnels et dans la conduite des politiques publiques agricoles. L’amendement vise à affirmer cet objectif de pluralisme.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD485 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). Il s’agit, par cet amendement, de supprimer le lien de dépendance établi par l’article 1er entre notre souveraineté alimentaire et la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc). En effet, conditionner notre production agricole à des goûts alimentaires imposés aux consommateurs risque de conduire notre agriculture vers de mauvais choix de filière. On a ainsi relevé le pari du haut de gamme alors que les Français voulaient des denrées accessibles. Le groupe Les Républicains s’inquiète d’une stratégie consistant à sacrifier des secteurs comme l’élevage au nom d’une lutte injustifiée contre la consommation de viande ou de céréales au profit des légumineuses.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La Snanc n’ayant pas encore été dévoilée, on ne saurait présumer de son contenu. Il est important que l’action de l’État soit cohérente et coordonnée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD492 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Par cet amendement d’appel nous souhaitons connaître l’état d’avancement de la Snanc, qui aurait dû être publiée le 1er juillet 2023. Sera-t-elle enterrée, comme la loi de programmation sur l’énergie et le climat ? Le Gouvernement a-t-il définitivement abandonné l’idée d’être un planificateur de la transition écologique ? Je reposerai ces questions demain, puisqu’on nous dit que M. Fesneau nous fera l’honneur de sa présence en commission des affaires économiques.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CD503 de Mme Marie Pochon et CD691 de Mme Juliette Vilgrain (discussion commune)

Mme Juliette Vilgrain (HOR). Mon amendement vise à préciser que les politiques publiques doivent conduire les actions nécessaires pour orienter nos politiques alimentaires non seulement dans le respect de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, mais également dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ces amendements sont satisfaits par l’adoption de l’amendement CD13. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CD503 fait le lien entre le plan national d’adaptation au changement climatique, la stratégie nationale pour la biodiversité et la stratégie nationale bas-carbone – cette dernière paraissant quelque peu limitative.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD502 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les scientifiques nous le disent : il est nécessaire d’assurer un rééquilibrage de l’assiette des Français entre les protéines végétales et celles issues de l’élevage afin de réduire la consommation – excessive – de viande à bas coût. Cela concerne, par exemple, le poulet, qui est en grande partie importé, ce qui soulève des enjeux sanitaires majeurs, au-delà de l’impact climatique.

L’amendement vise à ce que l’on oriente les politiques alimentaires « en agissant sur les modes de consommation et l’équilibre entre protéines végétales et animales, pour privilégier les modes de production vertueux ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je ne souhaite pas que l’on évoque, à l’article 1er, les questions relatives à la consommation de viande ou aux débats sur l’alimentation végétale ou végétarienne.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD481 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Un règlement européen est en débat, qui a pour objet de déréguler les nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM), appelés « nouvelles techniques génomiques ». Nous avions déposé une proposition de résolution européenne pour nous prémunir contre les effets les plus néfastes de ce texte, mais elle a été rejetée. Ces nouvelles techniques menacent notre souveraineté alimentaire.

Les multinationales semencières ont pour objectif de breveter leurs semences et de les vendre, accompagnées des produits phytosanitaires qui vont avec. Cela augmenterait la dépendance et les coûts de nos paysans et paysannes et réduirait leur reste à vivre, quand il existe. À l’échelle collective, cela reviendrait à accepter l’idée que ce qui devrait rester commun – le vivant – puisse faire l’objet d’une appropriation privée. Plus grave, nous accepterions que des multinationales étrangères possèdent les graines, qui sont l’une des conditions de nos cultures.

Si des firmes étrangères possèdent des brevets des espèces que nous cultivons, si nous ne pouvons plus semer sans payer un tribut à ces entreprises, la notion de souveraineté alimentaire n’aura plus de sens. C’est pourquoi nous proposons d’inscrire dans cet article programmatique l’interdiction de breveter le vivant.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Cette disposition n’a pas sa place, à mes yeux, dans la définition des objectifs généraux de la souveraineté alimentaire d’une loi d’orientation agricole.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD489 de M. Jean-Yves Bony

Mme Christelle Petex (LR). Nous proposons par cet amendement d’encourager le développement des paiements pour services environnementaux (PSE), qui constituent une approche innovante et témoignent du rôle positif des agriculteurs sur l’environnement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les PSE en agriculture rémunèrent les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes, dont la société tire des bénéfices. En théorie, ils paraissent de nature à encourager les pratiques vertueuses mais dans les faits, ils se heurtent à deux difficultés principales. D’une part, la mobilisation financière autour des PSE dans les territoires est lacunaire : les collectivités ou les acteurs agroalimentaires ne sont pas forcément prêts à donner des moyens ou à franchir le pas. D’autre part, les PSE sont susceptibles de favoriser les services ayant la plus forte valeur marchande et, ainsi, de créer un déséquilibre au sein de l’écosystème. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD529 et CD496 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement CD529 a pour objet de prévoir une stratégie destinée à assurer le maillage de notre territoire en abattoirs fixes et mobiles. La France compte environ 230 abattoirs d’animaux de boucherie, soit dix-huit fois moins qu’en Allemagne, treize fois moins qu’en Autriche et sept fois moins qu’en Italie. Les éleveurs ou les transporteurs doivent parcourir des distances toujours plus grandes pour acheminer le bétail, ce qui accroît la souffrance des animaux pendant le trajet et augmente les coûts et les difficultés pour les éleveurs.

Nous devons retrouver un maillage territorial en abattoirs, ce qui passe notamment par des solutions d’abattage à la ferme. Cela éviterait de transporter les animaux, permettrait de développer des circuits courts et procurerait aux éleveurs un gain d’autonomie. L’élevage paysan et l’abattage de proximité contribuent à la souveraineté alimentaire, contrairement aux traités de libre-échange et aux abattoirs industriels, qui laissent de côté nos petits éleveurs.

Nous proposons, par cet amendement, que l’on se fixe l’objectif de disposer, en 2030, d’un abattoir adapté à moins de trente minutes de chaque lieu d’élevage d’animaux et d’une proportion – dont on peut discuter – d’abattage mobile.

L’amendement CD496 ne mentionne pas de chiffres mais vise à insérer dans la loi un objectif d’organisation d’un maillage territorial d’abattoirs fixes et mobiles.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage votre constat et soutiens les mesures que vous proposez, mais celles-ci me paraissent plutôt ressortir au champ réglementaire. En tout état de cause, elles ne me semblent à leur place à l’article 1er, qui a un objet programmatique. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Bruno Millienne, président. J’ai été à l’origine des expérimentations concernant les abattoirs mobiles lors de la précédente législature, et il me semble également que ces mesures relèvent du domaine réglementaire.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Autant le premier amendement, qui définit des objectifs chiffrés, me semble pouvoir être considéré comme réglementaire, autant le second me paraît de nature programmatique.

Mme Huguette Tiegna (RE). Des abattoirs mobiles peuvent être financés dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT). Toutefois, je rappelle que, lors du lancement de l’appel à projets, de nombreux départements ont affirmé ne pas voir la nécessité de créer de telles structures. Il ne me semble pas nécessaire d’insérer cette disposition puisque ce type d’abattoirs peut être créé en cas de besoin.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’émets un avis de sagesse sur l’amendement CD496.

Successivement, la commission rejette l’amendement CD529 et adopte l’amendement CD496.

 

Amendements CD811 de Mme Sandrine Le Feur et CD504 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD811 propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 11 qui précise les objectifs relatifs aux exportations et aux importations agricoles. Elle indique que la réduction de la dépendance aux importations porte notamment sur les engrais et les protéines végétales importées.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CD504 a pour objet d’affirmer l’objectif de réduction de notre dépendance aux importations d’engrais et de pesticides, ainsi que d’alimentation animale et d’énergie.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait.

La commission adopte l’amendement CD811.

En conséquence, l’amendement CD504 et les autres amendements portant sur l’alinéa 11 tombent.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CD679 et CD612 de Mme Hélène Laporte.

 

Amendement CD657 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous proposons d’inscrire dans la loi le principe de l’exception agriculturelle, afin de sortir l’agriculture des traités de libre-échange. Puisque c’est le vœu de nombreux groupes politiques, j’imagine que cet amendement sera adopté à une large majorité.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse… défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Je m’étonne, madame la rapporteure pour avis, que vous vous en remettiez à la sagesse de notre commission sur cet amendement.

M. Bruno Millienne, président. Elle a introduit une nuance : sagesse défavorable !

M. Dominique Potier (SOC). Il ne s’agit pas d’une question simplement lexicale. C’est le Parti socialiste qui, il y a une dizaine d’années, a forgé la notion d’exception agriculturelle. Et, pour être un de ceux qui l’ont élaborée, je tiens à dire qu’elle n’était absolument pas souverainiste, mais qu’elle s’inscrivait dans une logique de souveraineté solidaire.

L’exception agriculturelle, c’est produire soi-même sa nourriture, en respectant la capacité des autres peuples à produire la leur ; c’est respecter les limites planétaires et la souveraineté des autres peuples ; c’est promouvoir la solidarité pour assurer la sécurité collective en matière d’alimentation. Ce n’est absolument pas le dessein que défend le Rassemblement national. Le mot « agriculturel » vient du mouvement social-démocrate ; il a une signification proeuropéenne et s’inscrit dans une logique d’équilibre alimentaire mondial, loin de la vision souverainiste qui vient d’être défendue.

M. Grégoire de Fournas (RN). Il est assez cocasse que, tout en vous défendant de tout souverainisme, vous utilisiez à maintes reprises le mot « souveraineté » pour définir l’exception agriculturelle. En réalité, je crois que nous avons vocation à nous enrichir mutuellement : je vous ai entendu dans l’hémicycle, à propos d’un texte sur le Mercosur, défendre la notion du juste échange, que Marine Le Pen défend depuis plusieurs années. Vous verrez, monsieur Potier, nous allons finir par nous mettre d’accord sur cette question.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’avoue que j’ai été embêtée pour émettre un avis sur cet amendement, dans la mesure où il ne définit pas la notion d’exception agriculturelle. Je vous remercie, monsieur Potier, d’avoir rappelé l’origine de cette notion et je me reconnais plutôt dans la définition que vous en donnez. Si je m’en suis remise à la sagesse de la commission, c’est précisément parce que l’amendement ne précise pas ce qu’il entend par « exception agriculturelle ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD606 de Mme Hélène Laporte

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous proposons de prioriser les produits alimentaires français dans la commande publique, afin de privilégier la production de nos agriculteurs dans les cantines de nos enfants.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD656 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Je ne comprends pas, madame la rapporteure pour avis, pourquoi vous avez émis un avis défavorable sur l’amendement précédant.

Le CD656 vise à inscrire dans la loi le principe « pas d’interdiction sans solution ». Plusieurs productions françaises sont en péril, notamment la filière sucrière et les filières de production de pommes et de poires, mais aussi de cerises et de noisettes, à cause des interdictions sans solutions qui nous ont été imposées. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de la résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole, qui a été déposée par Stéphane Travert et adoptée l’année dernière.

M. Bruno Millienne, président. Avant de donner la parole à la rapporteure pour avis, je vais vous répondre au sujet des cantines : ce que vous proposez est tout simplement interdit par le code des marchés publics. Toutefois, pour votre bonne information, le Gouvernement travaille à créer un référentiel qui permettra peut‑être, à terme, de prioriser les produits français, sous certaines conditions.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je pense que nous n’avons pas la même conception de l’expression « sans solutions alternatives ».

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Et pourquoi ne pas autoriser carrément la réintroduction du chlordécone dans les Antilles, alors ?

Nous n’avons effectivement pas la même conception des solutions alternatives : pour notre part, nous pensons qu’il en existe toujours, notamment par le changement de pratique. C’est documenté scientifiquement.

M. Grégoire de Fournas (RN). J’ai la même conception des choses que l’Union européenne, qui n’interdit pas l’acétamipride, par exemple. Avec cet amendement, nous proposons d’être européens et de défendre les règles en vigueur dans l’Union européenne sans nous infliger des surtranspositions qui menacent des filières entières de l’agriculture française.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD536 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’exposition croissante de notre agriculture à la financiarisation soumet la production agricole à une forte volatilité des prix, puisque ceux-ci sont dictés par le cours des marchés mondiaux et la spéculation. Elle est par ailleurs un obstacle majeur à l’installation. Selon la Safer (société d’aménagement foncier et d’établissement rural), les lots fonciers acquis par les sociétés sont en général 27 % plus grands et 5,2 fois plus onéreux que ceux acquis par des personnes physiques.

Le risque de financiarisation des terres est bien réel. Dans le Morbihan, depuis qu’il a pris le contrôle de quatre exploitations, le fabricant de chips Altho exploite 135 hectares, dont 84 lui appartiennent ; le travail y est assuré par des salariés et l’entreprise Legumia, filiale d’Altho. Près de 1 300 hectares de rizières sont passés dans les mains d’Euricom dans les Bouches-du-Rhône et 800 hectares de terres agricoles dans celles de la foncière Auchan. Les groupes Chanel et L’Oréal, quant à eux, paient entre 500 000 et 1 million d’euros l’hectare pour s’assurer la production de plantes à parfum dans les Alpes-Maritimes. On assiste à un accaparement des terres par des entités sans agriculteurs, qui reposent sur des salariés ou des entreprises de travaux agricoles.

Au cours des vingt dernières années, la part de la surface agricole travaillée par ces sociétés financiarisées a doublé. Elles représentent désormais une ferme sur dix et possèdent 640 000 hectares de terres en propriété, le solde en fermage. Si nous voulons que les agriculteurs vivent dignement de leur travail et que de nouveaux candidats puissent acquérir des terres, il faut limiter l’exposition à la financiarisation, à la fois des matières premières et des terres agricoles.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD680 de Mme Hélène Laporte

 

Amendement CD658 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous proposons de garantir aux agriculteurs la priorité de l’accès à l’eau. C’est essentiel pour garantir notre souveraineté alimentaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD678 de M. Hélène Laporte

M. Grégoire de Fournas (RN). Il importe d’améliorer l’étiquetage des produits, afin que le consommateur soit informé au mieux du lieu de production des denrées. Tout récemment, la question s’est posée avec des tomates marocaines, dont la provenance n’est pas toujours clairement indiquée.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les questions relatives aux normes d’étiquetage n’ont pas leur place dans cet article, qui définit les objectifs programmatiques des politiques agricoles. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD150 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Il est essentiel, pour favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, de maintenir et de développer un réseau de services de proximité complet et de qualité en milieu rural. Ces services, en répondant aux besoins et aux aspirations des futurs agriculteurs, peuvent transformer les territoires ruraux en lieux de vie attractifs.

Dans l’enseignement agricole privé, les filières services représentent plus de 30 % des effectifs, ce qui prouve le besoin actuel et futur de cette dimension pour le développement de l’agriculture. Cet amendement a été travaillé avec plusieurs représentants du monde agricole du Puy-de-Dôme, dont la proviseure d’un lycée agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage votre préoccupation mais je pense que votre amendement sera satisfait par la création de France Services agriculture. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures quarante-cinq.

 

Amendements CD567 de M. Grégoire de Fournas, CD494 de M. Jean-Yves Bony et CD523 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

M. Jean-Yves Bony (LR). La profession agricole a clairement exprimé son ras-le-bol face à la réglementation et à la surtransposition franco-française, qui minent la compétitivité de nos exploitations. Cet amendement, issu de la proposition de loi du Sénat pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, vise à conférer une valeur législative au principe de non-surtransposition.

M. Antoine Villedieu (RN). Dans le même esprit, nous proposons que toute surtransposition à la française ne puisse être adoptée par le Parlement qu’après avoir fait l’objet d’une évaluation et d’une justification.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). L’Assemblée nationale a adopté il y a moins d’un an une résolution visant à lutter contre les surtranspositions dans le monde agricole, déposée par Stéphane Travert et soutenue par la majorité. Pourquoi ne pas inscrire ce principe dans la loi ?

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD777 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Nous demandons que la France fasse respecter, en matière agricole, les cinq libertés individuelles fondamentales des animaux : l’absence de faim, de soif et de malnutrition ; l’absence de peur et de détresse ; l’absence de stress physique et thermique ; l’absence de douleur, de lésions, de maladie ; et la liberté d’expression d’un comportement normal de leur espèce, telle que définies par l’Organisation mondiale de la santé animale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le droit impose déjà de veiller au bien-être et à la santé des animaux.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). D’après le service de la statistique et de la prospective du ministère de l’agriculture lui-même, 99,9 % des lapins sont élevés en cage, sans limite de densité, 97 % des dindes sont élevées dans des bâtiments fermés, sans accès à l’extérieur et sans limite de densité, 84 % des poulets sont élevés en bâtiment fermé et 95 % des cochons sont élevés en bâtiment fermé sans accès à l’extérieur, sur du béton, sans paille. Selon FranceAgriMer, enfin, 94 % des veaux sont eux aussi élevés en bâtiment fermé.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD722 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, codifié par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, définit les systèmes de production dits agroécologiques. Nous proposons de compléter cette définition, car elle nous semble trop imprécise. Pour être efficace, l’action publique doit s’appuyer sur des notions juridiques solides.

Afin de tenir compte des dernières avancées scientifiques dans la connaissance du vivant et des services écosystémiques, nous proposons de reprendre la définition issue de la mission d’information transpartisane conduite par les députés Manon Meunier et Hubert Ott en 2023, qui font de l’agroécologie un nouveau paradigme, « fondé sur une approche globale et complexe des modes de production agricole et de leurs écosystèmes, de nature à pérenniser les uns et les autres ».

Il s’agit de préciser que les systèmes de production agroécologiques s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes et qu’en promouvant la diversification végétale, les infrastructures d’appui à la biodiversité – haies et bosquets – et la restauration des sols, l’agroécologie offre des leviers pour assurer la production agricole tout en réduisant l’utilisation des fertilisants et produits phytopharmaceutiques et en préservant les ressources et les milieux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je pense, comme vous, que la transition agroécologique est une nécessité, mais je ne crois pas que l’inscription de cette définition dans la loi apporterait quelque chose. Avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). J’insiste sur le fait que cet amendement est issu d’un travail transpartisan. La recherche, au cours des dernières années, a permis de trouver de nouvelles alternatives, qui peuvent entrer dans la définition de l’agroécologie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD723 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Les objectifs de la politique d’installation et de transmission, tels qu’ils ont été définis par le Gouvernement, ne nous semblent pas la hauteur des défis que nous aurons à relever au cours des dix prochaines années. Il est essentiel de concilier production et consommation si nous voulons garantir une véritable souveraineté, et de faire évoluer nos modèles de production pour faire face au changement climatique. Il nous semble donc important d’assumer clairement que la priorité doit être donnée, en matière d’installation, aux modèles agroécologiques, notamment à l’agriculture biologique.

Cette nouvelle définition permettrait de dégager trois priorités : contribuer à la souveraineté alimentaire, mais aussi, et de manière cohérente, aux transitions agroécologique et climatique, dont il était d’ailleurs fait mention dans les précédentes versions du projet de loi ; accroître la population active agricole ; promouvoir l’agroécologie, dont l’agriculture biologique.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, tous les amendements se rapportant à l’alinéa 13 tombent.

 

Amendements CD548 de Mme Marie Pochon, CD324 de Mme Mathilde Hignet et CD724 de M. Bertrand Petit (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous proposons une nouvelle rédaction de l’alinéa 14, qui porte sur les orientations prioritaires en matière d’installation.

La rédaction actuelle remet en cause la hiérarchie des usages de la biomasse agricole en mettant sur le même pied souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Par ailleurs, elle ne fixe pas de priorité, puisqu’elle renvoie, de façon indifférenciée, à des « systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement ».

Il nous semble au contraire que cette loi d’orientation agricole se doit d’orienter les politiques publiques, c’est-à-dire de leur fixer un cap et des priorités. Le risque, sinon, c’est de voir des projets industriels prendre le pas sur d’autres projets d’installation de plus petite taille et plus riches en emplois, tout aussi viables économiquement et qui contribuent effectivement à la souveraineté alimentaire et au développement de leur territoire, tout en répondant aux objectifs de transition écologique.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il est évident qu’il faut valoriser non seulement la performance environnementale des projets, mais aussi ce qu’ils représentent en termes d’emplois et d’intelligence agronomique. L’activité de nos agriculteurs et agricultrices ne saurait se limiter à appliquer des plans d’épandage phytosanitaire ou des plans de performance industrielle. Ce sont des personnes qui ont de grandes compétences et qui sont capables de mettre en valeur leurs exploitations en s’affranchissant de nombreux intrants, dont le coût plombe par ailleurs leurs comptes.

Le système agroécologique est vertueux sur tous les plans, qu’il s’agisse de la souveraineté alimentaire, de la qualité des produits proposés aux Français ou de la protection de la biodiversité et de l’environnement, qui sont bien mal en point.

M. Bertrand Petit (SOC). Il importe d’orienter la politique d’installation et de transmission vers des projets à taille humaine, plus riches en emplois et contribuant effectivement à la souveraineté alimentaire et au développement de leur territoire, mais aussi de favoriser la diversification de la production, plutôt que l’ultraspécialisation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je ne souhaite pas que l’on mette en compétition souveraineté et transition.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). On ne peut pas mettre sur le même plan la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique, alors qu’on a déjà du mal à garantir la première. Mettre la souveraineté énergétique à ce niveau, c’est ouvrir la porte à l’agro-industrie, qui risque, en s’accaparant des terres et en développant des projets agrivoltaïques, de détourner les terres agricoles de leur objectif premier – qui est de nourrir, et non de produire de l’énergie. Il importe, en tout cas, de laisser le choix aux exploitants.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CD262 de M. Pierre Meurin, CD543 de Mme Marie Pochon, CD575 de M. Grégoire de Fournas et CD727 de Mme Chantal Jourdan

M. Grégoire de Fournas (RN). Dans le même esprit, nous proposons de supprimer les mots « et énergétique » à l’alinéa 14, car nous considérons que l’agriculture doit prioritairement servir à nourrir, non à créer de l’énergie.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous souhaitons supprimer ces mots car il est essentiel que la politique d’installation et de transmission en agriculture donne la priorité absolue à la production alimentaire sur la production énergétique, quelle qu’elle soit. Du fait de prix garantis et stables, la production énergétique exerce une forte concurrence qui risque de mener à une baisse rapide de la production alimentaire, qui est de moins en moins rémunératrice pour les paysans. J’ajoute que ce changement de destination des terres agricoles entraîne une spéculation foncière et affecte notre potentiel de production.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’installation de nouveaux agriculteurs ne doit pas viser la souveraineté énergétique. Cette référence nous paraît vraiment malvenue et elle ne fait que renforcer les craintes qu’a suscitées le décret sur l’agrivoltaïsme. L’absence de planification et de règles claires en la matière est vraiment problématique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne, président. Je vous signale qu’une expérience en cours à La Réunion, qui associe agrivoltaïsme et production de vanille, fonctionne très bien.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CD549 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à orienter en priorité l’installation vers des systèmes économes et autonomes en intrants, afin de favoriser réellement la souveraineté alimentaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD113 de M. Emmanuel Maquet

M. Emmanuel Maquet (LR). La rédaction actuelle laisse une trop grande latitude aux pouvoirs publics pour distinguer des systèmes de production viables de ceux qui sont agonisants d’un point de vue humain, économique et écologique. Il convient donc de substituer au mot « viables » le mot « profitables », qui est plus objectif.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD693 de Mme Juliette Vilgrain

Mme Juliette Vilgrain (HOR). Je propose de substituer au mot « écologiquement » les mots « environnementalement et sanitairement, ».

L’alinéa 14 précise que l’installation en agriculture doit être dirigée vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique et vers des systèmes de production diversifiés. Afin de le mettre en cohérence avec le IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui combine performance économique, sociale, environnementale et sanitaire, nous proposons de réintroduire ces deux derniers termes. Ces dimensions ne peuvent être dissociées des aspects économiques et sociaux si nous voulons garantir la résilience de nos modèles agricoles.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à la suppression du mot « écologique ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD552 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 14 précise que la politique d’installation et de transmission s’oriente en priorité « vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement ». Nous proposons d’ajouter la mention de l’agriculture biologique, car c’est elle qui permet de concilier production alimentaire et respect des écosystèmes : tous les scénarios allant vers une agriculture durable, résiliente et adaptée aux enjeux climatiques et de biodiversité planifient une augmentation significative de la part de l’agriculture biologique. Le secrétariat général à la planification écologique a lui-même indiqué que le prix des intrants, que nous importons massivement, est en hausse constante et de plus en plus volatil, puisqu’il évolue au gré des crises climatiques et géopolitiques. Nous en rendre progressivement indépendants est donc un facteur à la fois de souveraineté et de résilience économique.

La France s’est par ailleurs fixé pour objectif de consacrer 21 % de sa surface agricole utile à l’agriculture biologique d’ici à 2030, soit le double de ce qu’elle représente actuellement. Il est donc cohérent d’en faire un objectif stratégique de cette loi d’installation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’agriculture biologique doit être choisie, pas subie. On ne peut pas obliger des porteurs de projet à s’installer en agriculture biologique, il faut leur laisser le choix de leur mode de production.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD558 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les statuts agricoles sont extrêmement variés et, s’il est nécessaire de conserver un nombre important d’exploitants agricoles, il convient également de reconnaître et de faire connaître la diversité des statuts des travailleurs agricoles car ni le renouvellement des générations, ni la souveraineté alimentaire ne pourront être assurés sans la contribution active de tous ces métiers.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre amendement ne me paraît pas nécessaire : sur le fond, toute formation aux métiers de l’agriculture intègre dans les faits l’ensemble des statuts agricoles et, sur la forme et dans un souci de clarté de la loi, la notion d’exploitant est suffisante. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD728 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il propose de compléter les actions en faveur du renouvellement des générations par des mesures « favorisant la coopération entre les espaces urbains et ruraux », notamment afin de permettre à des jeunes des villes de s’intéresser aux questions agricoles. Une association de ma circonscription travaille à développer ces échanges sur le plan culturel et social. Cela me semble être un bon levier pour favoriser le renouvellement des générations.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je salue le travail de cette association, mais la formulation de votre amendement me semble trop floue et manque de portée pratique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Quelles sont vos suggestions pour préciser la rédaction de l’amendement ?

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je pense qu’il serait intéressant de le retravailler pour la séance.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CD32 de Mme Christelle Petex, CD562 de Mme Marie Pochon et CD725 de Mme Chantal Jourdan

M. Emmanuel Maquet (LR). Cet amendement a pour objectif de consacrer dans la loi le pluralisme qui doit être mis en œuvre dans le dispositif de conseil et d’accompagnement à l’installation-transmission encadré par l’État et proposé aux candidats à l’installation et aux cédants.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). À l’heure où le changement climatique nous impose de remettre en question radicalement tout ce qui nous semblait jusqu’alors admis, le pluralisme et la participation de tous sont nécessaires dans la fabrication des politiques publiques. Par ailleurs, face à la diversification des profils des candidats à l’installation, la pluralité des accompagnements proposés permettrait aux porteurs de projet de trouver un accompagnement en phase avec leurs projets.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à inscrire dans la loi le respect du principe de pluralisme dans la mise en œuvre du dispositif de conseil et d’accompagnement à l’installation-transmission.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne suis pas défavorable sur le fond, mais le principe de pluralisme n’a pas sa place dans cet article. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CD130 de M. Vincent Descoeur

M. Nicolas Ray (LR). Le droit à l’essai en matière d’installation et de transmission est une innovation importante, soutenue par les organisations professionnelles agricoles. Toutefois, il semble nécessaire de le fonder sur un socle législatif plus détaillé. Cet amendement propose donc de définir la nature exacte du dispositif de droit à l’essai dans le code rural.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Contrairement à ce que vous indiquez, l’ajout de la mention « défini au présent code » ne conduit pas automatiquement à apporter une définition du droit à l’essai. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD729 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à élargir la panoplie des dispositifs reconnus comme pertinents pour soutenir l’installation progressive ou collective à l’ensemble des formes de test d’activité agricole, dont le droit à l’essai. Améliorer le soutien à l’installation et à la transmission implique en effet de permettre le déploiement de tous les outils permettant d’accompagner les projets agricoles dans leur diversité.

Concernant le soutien à l’installation progressive, les dispositifs de test d’activité agricole permettent de tester des projets de création d’activité dans un cadre limitant la prise de risque. L’objectif est de s’évaluer et d’évaluer son projet afin de décider de sa poursuite, de son ajustement ou de son abandon.

Le droit à l’essai est une modalité de test d’activités parmi d’autres. Elle est dédiée à l’accueil de nouveaux associés dans une structure déjà existante et au regroupement d’exploitations. Le droit à l’essai est très utile et pertinent, mais son cadre juridique et pratique restrictif ne répond pas à la diversité des projets portés par les futurs agriculteurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, mais je demande son retrait afin de le retravailler car, tel qu’il est rédigé, il ouvre la porte à toute autre forme d’expérimentation agricole sans qu’il soit vraiment possible de déterminer celles qui sont concernées.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je maintiens l’amendement, car il permet de favoriser la diversité.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Alors mon avis est favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD21 de Mme Christelle Petex

M. Jean-Yves Bony (LR). Il propose d’étendre le droit à l’essai à la création de Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun).

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CD539 de Mme Lisa Belluco, CD578 de Mme Marie Pochon et CD730 de Mme Chantal Jourdan

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’installation demande que les porteurs de projets soient informés de la disponibilité des terres et que celles-ci soient accessibles économiquement. Il convient également de les orienter prioritairement vers les projets viables, favorisant l’emploi par unité de surface ainsi que les pratiques agroécologiques.

Cet amendement, élaboré avec l’association Terre de liens, vise à assurer la transparence et la régulation de l’ensemble des marchés fonciers pour atteindre les objectifs précités. Il permettra de freiner la concentration des terres aux mains de quelques-uns et de privilégier l’installation de projets créateurs d’emploi.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’accès au foncier constitue le principal frein à l’installation. En effet, il est menacé par l’artificialisation et la financiarisation, ainsi que par la concentration et l’agrandissement des fermes, résultat de quarante années de laisser-faire. Nous assistons à un effondrement du nombre des fermes et des agriculteurs. Nous connaissons d’ailleurs tous des gens qui auraient voulu s’installer mais qui n’ont pas pu faute de moyens pour acheter des terres, ou qui ont renoncé à contracter des prêts sur vingt ans alors que l’avenir est difficilement prévisible, notamment en raison du changement climatique.

Cet amendement propose donc de réaménager la politique des structures, d’assurer la transparence et la régulation des marchés et de favoriser l’emploi par unité de surface.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous proposons d’intégrer la régulation du foncier dans les mesures à prendre pour favoriser l’installation. Toute installation suppose d’accéder au foncier, que ce soit par l’achat de biens immobiliers et de parts sociales ou par location. Pour freiner la concentration des terres et maintenir le nombre d’exploitants agricoles, il faut réaménager la politique des structures et revoir la transparence et la régulation des marchés fonciers en favorisant l’emploi par unité de surface.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable à cet endroit du texte.

La commission rejette les amendements.

 

M. Bruno Millienne, président. Je suspends la réunion pour que ceux qui le souhaitent puissent prendre part au scrutin public en séance.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures quarante.

Amendement CD731 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Cet amendement vise à assurer un accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables.

La terre n’est pas une marchandise comme les autres et les règles qui organisent l’accès au foncier doivent garantir à la fois la liberté d’entreprendre pour tous et l’usage du foncier comme un bien commun. Depuis les années 1960, le pacte foncier privilégiait le facteur humain par rapport au jeu des capitaux et favorisait la diversité au détriment des monopoles. Il se trouve fragilisé par la libéralisation qui se traduit depuis plus de quinze ans par la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle administratif, des failles législatives et par l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008.

Le renouvellement des générations est vital pour assurer la sécurité et la qualité de notre alimentation, pour produire de la valeur ajoutée économique et environnementale et pour aménager l’ensemble du territoire, mais la relève de futurs agriculteurs est impossible sans une politique foncière juste. La régulation du marché foncier est donc prioritaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement est inopérant dans le cadre du droit de la propriété privée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD125 de M. Vincent Descoeur et CD573 de Mme Marie Pochon, amendements CD184 de M. Jean-Pierre Taite et CD733 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Emmanuel Maquet (LR). L’amendement CD125 vise à étendre la contribution de l’État au financement des installations de jeunes agriculteurs. À l’instar de l’accès au foncier, l’accès au financement est crucial et constitue trop souvent un obstacle pour les jeunes qui veulent s’installer.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Afin que l’accès au financement ne soit plus un obstacle à l’installation ou à la transmission, mon amendement propose de l’inscrire parmi les mesures de politique publique prévues dans le texte, à charge pour le Gouvernement de débloquer les crédits nécessaires dans les prochaines lois de finances.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Il faut effectivement souligner que l’accès au financement est tout aussi important que l’accès au foncier dans le cadre d’un projet d’installation.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’accès à un système d’aides est une condition essentielle à la réussite de toute installation. La Cour des comptes souligne que beaucoup de jeunes n’ont pas recours aux aides auxquelles ils peuvent prétendre pour faciliter leur installation, et que les personnes âgées de plus de 40 ans ont droit à beaucoup moins d’aides – alors que leurs projets peuvent être intéressants.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis de sagesse sur tous ces amendements.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CD184 et CD733 tombent.

 

Amendement CD178 de M. Vincent Descoeur

M. Nicolas Ray (LR). L’élevage est le grand oublié de ce projet de loi. Cet amendement vise à le mentionner dans l’alinéa 21.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le mot « agriculture » recouvre les activités d’élevage. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD57 de M. Vincent Descoeur

Mme Christelle Petex (LR). Il vise à reconnaître le rôle majeur que joue l’agriculture dans la gestion de l’aménagement du territoire et dans le maintien de l’activité économique, notamment dans les zones d’élevage en montagne. Il est regrettable que ce projet de loi ne parle pas davantage de l’élevage, qui est une activité forte de l’agriculture française.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CD151 de Mme Delphine Lingemann, CD181 de M. Jean-Pierre Taite, CD732 de M. Bertrand Petit et CD734 de Mme Chantal Jourdan

Mme Delphine Lingemann (Dem). Mon amendement vise à mettre en œuvre les mesures nécessaires au maintien et au développement d’un réseau de services complets et de qualité en milieu rural. Un tel réseau est essentiel pour favoriser les installations et répond à un vrai besoin, comme le prouve le fait que, dans l’enseignement agricole privé, les filières services représentent plus de 30 % des effectifs.

M. Bertrand Petit (SOC). Il faut souligner la nécessité de lutter contre la désertification en assurant le maintien d’un réseau de services publics propices à l’installation des jeunes et au rayonnement des territoires. Ces services, en répondant aux besoins et aux aspirations des futurs agriculteurs par une offre dans les domaines de la santé, du social, de l’enseignement, de l’encadrement et de l’animation, peuvent transformer les territoires ruraux en lieux de vie désirables.

Mme Chantal Jourdan (SOC). J’insiste moi aussi sur la nécessité de lutter contre la désertification grâce au maintien d’un réseau de services publics.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ces amendements sont satisfaits par la création de France Services agriculture. Avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CD584 de Mme Marie Pochon et CD735 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). D’ici à 2030, la moitié des agriculteurs et agricultrices actifs en 2020 auront atteint l’âge de prendre leur retraite mais seuls deux tiers d’entre eux sont aujourd’hui remplacés. Or, pour assurer la souveraineté alimentaire et atteindre les objectifs de transition écologique et climatique sur lesquels la France s’est engagée, le simple remplacement des agriculteurs en activité est insuffisant. Il est donc nécessaire de faire apparaître dès le livre préliminaire du code rural, ainsi que le propose cet amendement, la nécessité que l’État mette en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer l’installation des agriculteurs en nombre suffisant, ainsi que celle de développer les pratiques agroécologiques et l’agriculture biologique, par souci de cohérence avec nos politiques publiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement est redondant avec les dispositions de l’article 1er. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD591 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cette loi d’orientation est une opportunité de revisiter l’organisation et le rôle des instances de gouvernance associées à la politique d’installation et de transmission, d’en affirmer l’utilité et de favoriser un cadre de dialogue constructif et inclusif entre acteurs. Par cet amendement, nous, écologistes, souhaitons poser certains principes fondamentaux devant guider le fonctionnement de ces instances.

Nul ne peut ignorer le débat qui existe, au sein même du monde agricole, sur les orientations à donner à la ferme France. Entre les capitaines d’industrie aux centaines d’hectares, qui ont l’oreille des gouvernements successifs, et les paysans en modèle familial, il y a un univers. Dans un monde plus incertain que jamais, ces différentes composantes et l’ensemble des parties prenantes – consommateurs, scientifiques, élus – doivent pouvoir dialoguer et être consultées à parts égales afin que chacun puisse s’exprimer sur l’avenir de l’agriculture et donc sur les politiques d’installation.

Nous proposons donc de conforter le principe d’une gouvernance pluraliste – qui existe déjà en théorie, mais dont l’application pratique laisse à désirer, avec une grande disparité observée selon les territoires – en instituant un cadre impliquant l’État, les régions et huit collèges représentatifs des autres acteurs intéressés. Nous proposons également de faire évoluer le rôle des instances, de la concertation au pilotage, pour leur donner un rôle plus important dans la conduite et le suivi de ces politiques aux côtés de l’État et des régions. Ce pluralisme est essentiel, non par idéologie mais par respect du principe de réalité. En effet, 20 000 candidats se présentent chaque année dans les points d’accueil d’installation, pour 13 000 projets d’installation : il y a trop d’abandons.

Il faut donc garantir que les profils soient correctement accueillis dans toute leur diversité, ce qui ne pourra être fait que par la pluralité des acteurs qui les accompagneront. Cette pluralité permettrait une meilleure adaptation à ces profils et une meilleure valorisation de l’expérience du terrain afin d’établir, à l’échelle de chaque territoire, des objectifs d’installation appropriés.

Dans la même logique, nous proposons de structurer la gouvernance à l’échelle départementale par la création d’instances de pilotage pour accompagner et coordonner le déploiement du réseau France Services agriculture.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement n’a pas sa place dans l’article 1er, qui est programmatique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD607 et CD613 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Ces amendements visent à garantir l’effectivité et l’applicabilité du projet de loi, ce qui nous semble fondamental au vu des débats sur l’application, ou plutôt la non-application des lois Egalim. Les effets des politiques d’installation et de transmission sont mal documentés au niveau national, Chambres d’agriculture France ne publiant que peu d’éléments, et plus encore au niveau local, avec de fortes disparités sur les éléments disponibles pour objectiver ces politiques. Tout ce que nous savons, c’est que 100 000 fermes ont disparu au cours des dix dernières années et qu’une part importante des candidats à l’installation abandonnent leur projet en cours de route.

L’amendement CD607 propose que les instances nationales et régionales associées à la mise en œuvre de ces politiques soient chargées d’en produire une évaluation annuelle, et qu’un observatoire national de l’installation et de la transmission soit instauré en lieu et place de Chambres d’agriculture France, car ces politiques impliquent une multiplicité d’acteurs au-delà des chambres d’agriculture.

L’amendement CD613 est un amendement de repli qui s’en tient à la création de cet observatoire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable sur le fond, mais pas sur la forme : les dispositions proposées par ces amendements devraient être placées dans un article additionnel au titre III. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CD607.

En conséquence, l’amendement CD613 tombe.

 

Amendement CD736 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à définir l’agriculture de groupe – constituée de collectifs, composés en majorité d’agriculteurs, qui ont pour vocation de mettre en commun de façon continue et structurée des connaissances, ainsi que des ressources humaines et matérielles. L’agriculture de groupe a été un moteur puissant de la révolution agricole dans l’après-guerre, soutenue par la puissance publique. Elle a permis de lutter contre la compétition stérile et d’accélérer le progrès technique et économique, tout en cultivant les valeurs d’entraide et de coopération.

Le renouvellement des générations agricoles doit se construire avec des instruments qui permettent aux exploitants de renforcer la pérennité et la structuration de projets portés par des collectifs d’agriculteurs. Il nous incombe donc de préciser dans la loi la définition et le rôle de cette agriculture et d’inviter ainsi l’État à accompagner leur mission de solidarité et d’innovation dans tous les territoires.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement n’a pas sa place dans l’article 1er, qui est programmatique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD118 de M. Vincent Descoeur et CD515 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

M. Emmanuel Maquet (LR). La production agricole est un pilier fondamental de la souveraineté alimentaire de la France. La diversité et la qualité des productions agricoles françaises, animales et végétales, constituent deux atouts stratégiques à préserver. Pour ce faire, l’accès aux moyens de production et leur disponibilité sont essentiels.

Maintenir notre place de première puissance agricole européenne est fondamental. Cet amendement propose donc que le rapport annuel intègre des indicateurs qui doivent non seulement mesurer la compétitivité de la ferme France, mais aussi évaluer les politiques publiques menées pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire.

M. Antoine Villedieu (RN). La publication d’un rapport annuel sur l’état de notre souveraineté alimentaire est salutaire dans un contexte où un tiers de notre consommation alimentaire est importé. Pour assurer son effectivité et son exhaustivité, ses critères doivent être clairs et fiables. À cette fin, nous proposons que les indicateurs retenus soient établis et validés par FranceAgriMer, établissement public administratif sous la tutelle du ministère de l’agriculture, qui possède l’expertise nécessaire pour analyser les réalités et les défis de notre agriculture. Cela renforcera la crédibilité des informations fournies et permettra à tous les acteurs de prendre des décisions sûres.

Cet amendement a été travaillé avec la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles) de Haute-Saône et les acteurs locaux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable à toute précision du champ du rapport.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD501 de M. Jean-Yves Bony

M. Nicolas Ray (LR). Nous proposons que le rapport sur l’état de la souveraineté alimentaire de la France soit complété par des informations sur le renouvellement des générations et sur le niveau de revenus des exploitants, tous deux essentiels pour l’avenir de notre modèle agricole.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD69 de Mme Nathalie Bassire

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Le projet de loi ne comporte, dans sa rédaction initiale, aucune mesure spécifique concernant les outre-mer. Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) préconise pourtant, dans sa mesure 49, de généraliser le « réflexe outre-mer » dans la fabrication de la norme.

Nous proposons donc que les besoins réels des territoires ultramarins, issus des remontées de terrain, soient pris en compte dans les domaines suivants : diversification des cultures ; développement de l’eau agricole d’irrigation ; promotion des productions locales ; développement des circuits courts ; conciliation entre la lutte contre l’errance animale et la promotion du bien-être animal ; équilibre entre le maintien des activités agricoles traditionnelles et la protection de l’environnement ; valorisation des biodéchets dans le cadre d’activités accessoires liées à l’exploitation agricole pour inciter à la valorisation de l’alimentation animale dans le respect des règles d’hygiène et de sécurité en vigueur ; soutien à l’agroécologie ; préservation des terres agricoles ; revalorisation des petites pensions agricoles afin d’inciter les agriculteurs ultramarins à prendre leur retraite et faciliter ainsi l’installation de jeunes exploitants.

Cette prise en compte des besoins réels contribuera à faire de l’autonomie alimentaire un objectif structurant et réaliste des politiques publiques en outre-mer.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le projet de loi ne comporte en effet aucune mesure spécifique aux outre-mer alors que ceux-ci connaissent des problématiques très spécifiques. Comme vous, je pense que les politiques publiques doivent avoir pour objectif d’assurer l’autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Sagesse.

M. Antoine Villedieu (RN). Madame la rapporteure pour avis, pourriez-vous préciser pourquoi vous dites « oui » à l’autonomie alimentaire pour les outre-mer, mais « non » pour la métropole ?

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD148 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). L’agriculture ayant un caractère d’intérêt général, la soutenir dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) paraît nécessaire. Nous proposons donc que le rapport fourni au Parlement contienne des informations sur les différentes voies qu’offrent les CPER pour cela.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Toujours défavorable à toute précision sur le champ du rapport.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD309 de M. Aymeric Caron

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). La consommation de viande contribuant lourdement au réchauffement climatique, le présent amendement vise à demander un rapport évaluant le coût social, sanitaire et environnemental de la production et de la consommation de produits carnés, ainsi que l’impact d’une taxation de ces produits sur la santé publique et sur les émissions de gaz à effet de serre de la France. Ce rapport comprendrait aussi un volet relatif au coût de la souffrance animale, dont la Cour des comptes européenne préconise qu’il soit calculé et intégré au prix de la viande.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD310 de M. Aymeric Caron

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Il s’agit de demander un rapport évaluant l’impact de l’interdiction de la publicité pour les produits carnés sur les habitudes d’alimentation des Français, ainsi que les bénéfices d’une telle mesure en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France, dans le cadre de ses engagements internationaux. Une telle mesure n’aurait rien de farfelu : une interdiction similaire a déjà été adoptée par la ville d’Haarlem, aux Pays-Bas.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne partage pas votre approche concernant les produits carnés. Avis défavorable.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Pouvez-vous préciser votre pensée ? Nier que l’élevage contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre me semblerait relever du négationnisme. C’est une réalité scientifique, madame la rapporteure pour avis !

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Au vu des combats que je mène depuis mon élection comme députée, vous ne pouvez pas me faire ce procès d’intention. Je ne nie pas le lien entre consommation de viande et émissions de gaz à effet de serre : je ne souscris simplement pas à votre façon de faire.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). En l’occurrence, mon amendement ne traduit aucune « approche » particulière, puisqu’il vise à obtenir un rapport pour être mieux informé.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD307 de M. Aymeric Caron

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Encore une demande de rapport, cette fois sur l’opportunité de créer un statut de fonctionnaires-agriculteurs en vue d’atteindre les objectifs de souveraineté alimentaire, de juste rémunération des producteurs et de pérennisation des emplois. L’alimentation étant un droit fondamental, au même titre que les soins médicaux ou le logement, il importe de repenser complètement le modèle actuel, en commençant par faire de l’agriculture un service public à part entière. Cette solution permettrait en outre de répondre à un ensemble de difficultés se posant à notre société, telles que la gestion des ressources, la rémunération et les conditions de vie et de travail des agriculteurs, la pérennisation des emplois, l’installation et la transmission, ou encore l’accès à une alimentation saine.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Fortement défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CD92 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). Il vise à préciser que toute atteinte portée à la protection de l’agriculture dans le cadre de la préservation et de la gestion durable des zones humides doit être nécessaire et proportionnée, ces causes étant toutes deux d’intérêt général.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre demande est satisfaite par le droit en vigueur. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CD90 de M. Jean-Yves Bony, CD119 de M. Vincent Descoeur et CD663 de M. Grégoire de Fournas

M. Jean-Yves Bony (LR). Mon amendement vise à inscrire le potentiel agricole parmi les intérêts fondamentaux de la nation, au même titre que l’équilibre du milieu naturel et de l’environnement.

M. Grégoire de Fournas (RN). J’ajoute que cette disposition ne pourra être effective que si elle est inscrite dans le code pénal.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis opposée à l’inscription de l’agriculture parmi les intérêts fondamentaux de la nation, par souci de cohérence avec la rédaction de l’article 1er du projet de loi et avec l’article 410-1 du code pénal lui-même, qui traite d’enjeux régaliens.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD789 de M. Mickaël Cosson

M. Mickaël Cosson (Dem). Je propose d’inscrire dans le code rural et de la pêche maritime un article consacrant la souveraineté alimentaire comme intérêt fondamental de la nation.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD437 de M. Aymeric Caron

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Il s’agit de demander un rapport évaluant l’impact et les bénéfices de la création, déjà expérimentée en de nombreux endroits, d’une sécurité sociale de l’alimentation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ayant moi-même longuement travaillé sur cette question, j’émets un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Article additionnel après l’article 1er : interdiction de l’importation de produits ne respectant pas les normes minimales européennes

Amendement CD505 de M. Antoine Vermorel-Marques

Mme Christelle Petex (LR). L’une des grandes injustices auxquelles sont confrontés les agriculteurs réside dans l’importation de produits non soumis aux normes qu’ils doivent eux-mêmes respecter. L’amendement, issu d’une proposition de loi défendue par notre groupe, vise à interdire explicitement ces importations, afin de faire respecter les normes minimales applicables dans notre pays et de garantir une réciprocité stricte entre produits français et produits importés.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 1er : Règle bleue : limitation de l’exploitation de la nature à ses capacités de reconstitution

Amendement CD355 de M. Loïc Prud’homme

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Je ne cesserai de le rappeler : au-delà de trois jours sans eau, on meurt. Parce que la vie et l’agriculture sont impossibles sans eau, nous proposons d’instaurer une règle bleue, sur le modèle de la règle verte que nous promouvons depuis plusieurs années. Si nous ne voulons pas dépendre de l’irrigation, d’une eau venue de toujours plus loin, ni des grands phénomènes liés à l’évaporation des espaces lacustres ou maritimes, nous devons préserver la biodiversité et assurer le maintien des taux d’humidité, du brouillard, ou encore des averses de proximité. Il ne faut donc pas prendre à la nature plus d’eau qu’elle ne peut en reconstituer.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD421 et CD420 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nos campagnes sont depuis quarante ans le théâtre d’un plan social massif et silencieux : le nombre d’agriculteurs diminue d’année en année, passant de plus de 2,5 millions en 1955 à 764 000 en 2000, pour s’établir à 496 000 en 2020 selon le dernier recensement agricole. Parallèlement, la France a perdu 100 000 fermes en dix ans et n’en comptait plus que 416 436 en 2020. Non contente de freiner l’installation du fait de la capitalisation croissante des exploitations, cette tendance dramatique nuit à la transition écologique et à la vitalité des territoires ruraux : lorsque chaque village perd des emplois et des familles, ce sont des zones entières qui deviennent plus résidentielles que vivantes. Il est essentiel de conserver un vivier d’agriculteurs et d’agricultrices sur l’ensemble du territoire et dans toutes les filières, pour assurer la relocalisation de l’alimentation, engager la transition agroécologique des modes de production et assurer notre souveraineté alimentaire.

Parce que nous devons affirmer notre volonté de stopper l’hémorragie, l’amendement CD421 vise à inscrire dans la loi l’objectif d’au moins 1,5 % d’exploitants agricoles dans l’emploi total et à tendre vers le million d’agriculteurs en 2050. L’amendement de repli CD420 se cantonne au seuil de 1,5 %. Il est essentiel de faire preuve de courage et d’afficher une ambition claire en la matière.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Bien que convaincue de la nécessité de maintenir une population agricole suffisante, je suis défavorable à la détermination de tels objectifs chiffrés, la part d’agriculteurs dans l’emploi total ne me semblant pas constituer un critère pertinent pour apprécier s’ils sont suffisamment nombreux.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Comment assurer l’effectivité d’un texte sans y fixer d’objectifs chiffrés ? Le seuil proposé me semblerait tout à fait raisonnable en vue de favoriser l’installation et la transmission des exploitations.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Fixer des objectifs chiffrés dans la loi sans connaître les évolutions que permettront la numérisation et la robotisation ni savoir si les jeunes voudront se tourner vers les métiers agricoles serait vraiment lunaire. Nous avons déjà du mal à maintenir le nombre actuel d’agriculteurs. Restons donc modestes : il ne nous revient pas de fixer une telle cible, sans rien pour l’étayer.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CD506 de M. Antoine Vermorel-Marques et CD524 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

M. Emmanuel Maquet (LR). L’amendement CD506 prévoit la remise d’un rapport sur l’application de l’article 44 de la loi Egalim, censée instaurer des clauses miroirs pour les produits agricoles.

M. Antoine Villedieu (RN). Il importe d’associer activement les professionnels agricoles à l’établissement du programme national d’orientation et de découverte de leurs métiers : qui mieux que ceux qui vivent quotidiennement les réalités du terrain peut fournir des conseils avisés et adapter notre politique aux besoins du secteur ? En incluant les professionnels, nous ne ferions pas simplement appel à leur expertise : nous valoriserions aussi leur rôle crucial dans l’économie et la gestion des ressources naturelles. Le programme ainsi créé ne serait pas uniquement théorique, mais aussi imprégné des pratiques actuelles.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD505 ayant été adopté, je demande le retrait du CD506. Avis défavorable au CD524.

L’amendement CD506 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD524.

 

TITRE II
FORMER ET INNOVER POUR LE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS ET LES TRANSITIONS EN AGRICULTURE

Chapitre Ier
Objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation,
de recherche et d’innovation

 

Article 2 : Buts assignés aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole

 

Amendement CD210 de M. Hendrik Davi

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). D’ici à 2030, la moitié des agriculteurs et des agricultrices en exercice partiront à la retraite. Un projet de loi d’orientation agricole devrait donc bien être l’occasion de fixer des objectifs en matière de renouvellement générationnel et d’installations d’agriculteurs. On comprend mal pourquoi vous vous y refusez : c’est à se demander si votre objectif ne consisterait pas plutôt à favoriser un modèle agro-industriel, au détriment de l’augmentation du nombre d’agriculteurs.

Nous proposons d’inscrire le renouvellement des générations d’actifs parmi les objectifs des politiques d’orientation et de formation en matière agricole. Si nous voulons réellement promouvoir un modèle durable, de nature à permettre le maintien de l’agriculture familiale que nous connaissons, nous devons former des exploitants nombreux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Pouvez-vous expliciter votre position ? Je connais votre engagement et il me semble que le constat dressé par ma collègue est très factuel. Nous devrions tous, ici, souhaiter que de nouveaux agricultrices et agriculteurs soient formés. J’aurais du mal à comprendre que cet amendement ne soit pas adopté, d’autant qu’il ne cible aucune pratique particulière.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous sommes tous favorables au renouvellement générationnel et à l’installation de nouveaux agriculteurs. Je préfère simplement la rédaction actuelle du texte.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD623 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le monde agricole se féminise, ce qui est une excellente nouvelle : un candidat à l’installation sur deux est une candidate. Les choses restent toutefois très compliquées pour les femmes agricultrices, en raison de l’insuffisante prise en compte, dès la formation, des enjeux liés aux inégalités et aux stéréotypes de genre. Il s’agit de combler cette lacune.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La lutte contre les discriminations et la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes figurent déjà parmi les principes généraux définis à l’article L. 123-2 du code de l’éducation. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD283 et CD282 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Seuls 13 000 futurs agriculteurs sont formés chaque année. Or, la moitié des quatre cent mille agriculteurs en exercice étant appelés à partir à la retraite d’ici dix ans, il faudrait en former au moins 20 000 par an pour assurer le « renouvellement des générations en agriculture » censé constituer l’objet du projet de loi. La rapporteure pour avis se dit satisfaite de la rédaction actuelle du texte et de l’objectif d’augmenter de 30 % le nombre de personnes formées, mais le compte n’y est clairement pas. Comment, d’ailleurs, comptez-vous atteindre cet objectif alors que le projet de loi ne prévoit d’allouer aucun moyen supplémentaire à l’enseignement public agricole ?

Nous proposons de fixer des objectifs chiffrés, assortis de moyens, pour permettre effectivement le renouvellement des générations, en rétablissant les 277 postes d’enseignants supprimés ces dernières années et en créant 263 nouvelles classes pour accueillir les futurs agriculteurs et agricultrices. Il s’agit donc de mettre concrètement des moyens en face des ambitions que vous affichez. Ouvrir ces nouvelles classes supposera de créer, en plus des 277 postes déjà évoqués, 684 équivalents temps plein (ETP) d’enseignant et 65 ETP de personnel administratif, de technicien, et de personnel de laboratoire et de santé. Ne nous payons pas de mots : il faut fixer des objectifs clairs et prévoir les moyens correspondants.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une mesure aussi précise n’a pas sa place dans une loi d’orientation. J’ajoute qu’un programme national déployé avec les régions vise à orienter et à adapter les besoins en emplois dans le milieu agricole. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). À quoi sert un projet de loi, si ce n’est à prévoir des mesures précises et à définir des objectifs chiffrés ? S’il s’agit juste d’énoncer des déclarations de bonnes intentions, nous perdons notre temps – et le fait que vous sembliez vous en satisfaire me désole un peu.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD545 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous proposons de permettre aux éleveurs qui le souhaitent de se former au bien-être animal ainsi qu’à l’abattage à la ferme.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’article 3 du projet de loi prévoit déjà que l’enseignement et la formation professionnelle en matière agricole devront assurer la sensibilisation au bien-être animal. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD265 de M. Pierre Meurin

M. Daniel Grenon (RN). Il s’agit de remettre en question l’objectif consistant à « augmenter significativement le niveau de diplôme moyen » des travailleurs des secteurs agricole et agroalimentaire. S’il est important de former les futurs agriculteurs, doit-on pour autant exiger un diplôme de niveau bac + 5 pour exploiter une ferme ? Le texte semble mettre l’accent sur les diplômes plutôt que sur les compétences pratiques nécessaires pour gérer une exploitation agricole. Il serait préférable de retenir le terme plus général de « formation », plutôt que de se concentrer sur des diplômes spécifiques, au risque de remplacer les agriculteurs par des technocrates déconnectés des réalités du terrain.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD211 de M. Hendrik Davi

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Cet amendement vise à renforcer les exigences en matière de formation des futurs agriculteurs aux transitions agroécologique et climatique. Le secteur agricole sera en effet particulièrement concerné par le manque d’eau et les événements climatiques extrêmes. Une formation plus exigeante en la matière sera donc bénéfique pour nous permettre d’affronter les évolutions à venir.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Si je suis favorable à l’accroissement des compétences en matière d’agriculture biologique, celle-ci ne doit pas être considérée comme prioritaire par rapport à l’agriculture conventionnelle : je tiens à ce que chaque porteur de projet puisse choisir son mode de production, sans hiérarchisation entre les modèles. Avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Vous m’aurez mal comprise : il s’agit d’intégrer des modules de formation à la question de la transition agroécologique dans tous les cursus, et non d’opposer les modes de production, même si nous avons notre petite idée quant au modèle susceptible d’être le plus résilient face au changement climatique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je présenterai sur ce point des amendements beaucoup plus précis que le vôtre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD550 de M. Jean-Yves Bony

M. Nicolas Ray (LR). L’article 2 prévoit de renforcer les compétences des futurs exploitants en matière de transitions agroécologique et climatique. Nous proposons de compléter ces priorités par des savoirs tout aussi essentiels à l’exercice du métier d’agriculteur, à savoir la gestion économique, comptable et administrative, ou la capacité de management. L’enseignement pourrait aussi couvrir les aspects entrepreneuriaux spécifiques à l’agriculture comme l’élaboration d’un plan d’affaire agricole, la commercialisation ou la stratégie de vente.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Si je partage votre objectif, les enseignements que vous évoquez me semblent déjà suffisamment présents dans les cursus existants, contrairement à ceux relatifs aux transitions agroécologique et climatique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD22 de Mme Christelle Petex et CD192 de Mme Mathilde Hignet

Mme Christelle Petex (LR). Il s’agit de préciser que les formations doivent inclure la promotion de l’agriculture biologique tout autant que celle de l’agriculture traditionnelle.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Les nouveaux porteurs de projet expriment un réel souhait de s’installer en agriculture biologique. Pourtant, les formations correspondantes ne représentent que 5 % de l’offre fournie par l’enseignement agricole public en matière de production, de transformation et de commercialisation. Il faut vraiment accroître cette proportion, non seulement pour répondre à la demande des futurs agriculteurs, mais surtout pour remédier aux inégalités régionales – car si l’agriculture biologique est parfois mise en avant, ce n’est pas systématique.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CD739 de Mme Chantal Jourdan tombe.

 

Amendement CD114 de M. Emmanuel Maquet

M. Emmanuel Maquet (LR). Il s’agit de lier la hausse du niveau de diplôme moyen des futurs agriculteurs à une amélioration de la profitabilité de leur exploitation, donc de leur rémunération. Cet objectif faisait partie des principaux enjeux soulevés par les agriculteurs au printemps dernier.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous rejoins sur le fond mais, votre amendement me semblant satisfait, j’en demande le retrait. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD737 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il importe que les futurs agriculteurs soient pleinement informés, dans le cadre de leur cursus, sur le modèle agroécologique. Alors que l’argument du manque de faisabilité économique est souvent opposé à ses défenseurs, l’expérience montre en effet que si le passage à des pratiques agricoles durables peut se traduire provisoirement par une baisse de la production, celle-ci peut tout à fait retrouver ensuite son niveau initial. Il convient donc de renforcer la formation aux techniques agroécologiques, en abordant la question de la viabilité économique des projets.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les modules de formation dédiés à l’agroécologie existent déjà, ce qui n’est pas le cas pour l’agriculture biologique. Votre amendement me semble donc satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). J’insiste sur la nécessité de traiter, dans le cadre des formations, de la viabilité économique du modèle agroécologique.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD212 de M. Hendrik Davi

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). L’amendement concerne la formation continue des exploitants en activité souhaitant s’engager plus avant dans la transition écologique. Mme la rapporteure pour avis a souligné à plusieurs reprises la nécessité d’encourager cette démarche, susceptible de garantir une meilleure santé aux consommateurs comme aux agriculteurs. Il convient donc d’accroître les exigences de formation en la matière en revenant à la formulation qui figurait dans l’avant-projet de loi et à laquelle chacun devrait donc se rallier.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable – j’ai déjà expliqué pourquoi.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD554 de M. Jean-Yves Bony.

 

Amendements identiques CD23 de Mme Christelle Petex et CD795 de Mme Mathilde Hignet

Mme Christelle Petex (LR). Ce que je vous propose s’inscrit dans la continuité de l’amendement CD22, relatif à la place de l’agriculture biologique dans la formation, que j’ai présenté tout à l’heure.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par l’amendement CD795, nous souhaitons renforcer l’enseignement de l’agriculture biologique, secteur qui représente aujourd’hui 16 % de l’emploi agricole. Nous avons adopté un amendement qui prévoit d’aller jusqu’à 25 % des surfaces en bio, mais entre un tiers et la moitié seulement des nouvelles installations se font en bio. Il y a toujours un déficit en matière de formation : Mme la rapporteure pour avis a souligné l’absence d’un module agriculture bio. Nous proposons, comme la Fédération nationale d’agriculture biologique, de passer à la vitesse supérieure, car le système de formation n’a pas pour l’instant les capacités de répondre à la demande. Nous pourrons ainsi tracer une trajectoire pour l’agriculture biologique qui sera vraiment au niveau des ambitions affichées.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements.

 

Amendement CD155 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Cet amendement a pour objet de permettre aux agriculteurs en activité d’acquérir ou de développer des compétences managériales ou numériques qui sont désormais essentielles pour la bonne gestion d’une exploitation, qu’il s’agisse de calcul du coût de revient ou plus généralement de finances, de management, de ressources humaines ou de gestion de projet.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse. Pour moi, cet amendement est satisfait.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD284 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Cet amendement prévoit, grosso modo, que tous les fonds publics dédiés aux activités de recherche dans le domaine agronomique et agroenvironnemental soient concentrés sur la recherche publique. Ce principe très simple – qui dit fonds publics dit recherche publique – permettra que les données acquises grâce aux activités de recherche restent accessibles à toutes et tous, notamment face aux conséquences du changement climatique. Il nous semble qu’un accaparement de ce type de données par le secteur privé pour développer des solutions lucratives et forcément plus coûteuses pour les agriculteurs n’est pas une bonne option.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je trouverais dommage de se limiter en matière de recherche.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD24 de Mme Christelle Petex et CD794 de Mme Mathilde Hignet

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ce sont des amendements rédactionnels.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Pas vraiment (Sourires) ! Mais j’émets un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CD643 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’atteinte de la souveraineté alimentaire suppose un renforcement de l’autonomie de notre système agricole, pour nous permettre de faire face au mieux aux chocs et aux crises. Cela implique de se diriger vers des systèmes moins dépendants d’intrants de synthèse, qui sont aujourd’hui largement importés, qui dépendent d’un très petit nombre d’acteurs économiques sur lesquels ni la puissance publique ni les producteurs n’ont la main, et qui ont, en plus, des effets collatéraux coûteux pour la collectivité. La France est de loin le premier marché de pesticides à usage agricole en Europe, laquelle représente un quart des ventes totales, pour une valeur estimée à 3 milliards d’euros en 2017 – somme d’ailleurs équivalente aux subventions publiques agricoles pour protéger l’environnement.

Quant à la souveraineté en matière d’usage d’intrants, parlons-en : en vingt ans, le marché mondial des engrais et pesticides a doublé, mais le nombre d’acteurs a fondu. Alors que ce secteur comptait en 1990 seize multinationales, une succession de fusions-acquisitions a fait que quatre groupes seulement jouent désormais dans la cour des grands : Bayer, BASF, Syngenta ChemChina et Corteva, qui détiennent plus des deux tiers du marché des engrais, des pesticides ainsi que des semences agricoles. Hormis Syngenta, qui appartient à l’État chinois, les trois autres grands fabricants d’engrais et de pesticides ont pour point commun d’être en grande partie détenus par les cinq mêmes fonds d’investissement privés américains, BlackRock, Vanguard, State Street, Capital Group et Fidelity, que l’on retrouve aussi dans le capital des géants de l’agroalimentaire comme Nestlé, Kellogg’s, Unilever et Coca-Cola.

Comme tout cela est assez éloigné de l’idée d’une souveraineté alimentaire française, je vous propose d’adopter notre amendement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse. Je suis favorable à l’amendement, qui permettra d’amplifier l’effort de recherche et d’innovation, mais pas à votre argumentaire.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Je voulais donner à mes collègues des informations sur la question des engrais de synthèse et de leurs propriétés !

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD660 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous voulons ajouter que l’effort de recherche pour la transition agroécologique doit aussi œuvrer en faveur de la préservation de la souveraineté alimentaire française. Vous avez dit, madame la rapporteure, que vous ne vouliez pas opposer ces notions, mais il faudrait au moins qu’elles figurent toutes les deux dans cette partie de l’article 2.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD619 de M. Henri Alfandari et sous-amendement CD830 de M. Bertrand Petit

M. Vincent Thiébaut (HOR). Cet amendement du groupe Horizons a pour objet de valoriser les différentes techniques d’agriculture de conservation des sols, notamment dans le cadre des enseignements agricoles. Nous voulons inscrire cette notion dans la loi pour contribuer à une transition vertueuse des exploitations.

M. Bertrand Petit (SOC). Nous souhaitons insister sur les bienfaits des zones humides qui apportent des services écosystémiques dont bénéficie l’ensemble du système agricole, qu’il s’agisse de biodiversité ou de stockage et de filtrage de l’eau. Nous voulons, s’agissant de l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances, que les solutions fondées sur la nature et, en l’occurrence, les zones humides, fassent vraiment l’objet d’une attention particulière.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable aux deux.

M. Bruno Millienne, président. Merci d’avoir déposé cet amendement auquel je suis très favorable.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

 

Amendements identiques CD185 de M. Jean-Pierre Taite et CD740 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Les diagnostics modulaires visés à l’article 9 et les plans de filière constituent des éléments déterminants pour la compréhension des différentes réalités territoriales et économiques dans lesquelles les exploitants s’inscrivent. Il nous paraît indispensable de faire un lien, dans les politiques d’orientation et de formation, entre ces documents et les programmes de recherche et d’enseignement, dans l’objectif d’une diffusion des connaissances aussi réaliste possible.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait, ou avis défavorable. Cette demande est déjà satisfaite.

L’amendement CD185 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD740.

 

Amendement CD555 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). Cet amendement veut inciter à développer un environnement favorable à l’adoption et à l’utilisation responsable des innovations issues des nouvelles techniques d’amélioration des plantes dans le domaine agricole, afin de concilier souveraineté alimentaire et transition agroécologique et climatique par la sélection de variétés plus résistantes aux maladies ou au manque d’eau.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je ne souhaite pas qu’on commence à créer des listes dans cet article programmatique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD190 de M. Loïc Prud’homme et CD741 de M. Bertrand Petit (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Mon groupe propose d’assigner aux politiques publiques un rôle de soutien à la transition du système agricole vers les pratiques agroécologiques, notamment l’agriculture biologique. Nous ne cessons de dire, depuis plus de dix ans, que l’impasse actuelle n’est pas de la responsabilité des agriculteurs mais des politiques publiques qui sont menées, notamment à la suite du plan Pisani des années 1960. On ne peut pas continuer à appliquer ces politiques obsolètes : il faut réorienter massivement les aides publiques pour permettre la transition.

L’agroécologie prend acte de la dépendance de l’agriculture à la biodiversité, qui est essentielle pour assurer les rendements et rendre un ensemble de services écosystémiques. L’agroécologie permet, en effet, de respecter le support de production, de le préserver et de le restaurer. C’est le seul paradigme qui peut durablement enrayer le déclin de la biodiversité provoqué par les activités agricoles intensives, et améliorer la résilience du système agricole, notamment face au changement climatique. Je vous renvoie à cet égard à l’excellent rapport de Manon Meunier. Nous devons réorienter les politiques publiques pour soutenir la transition.

M. Bertrand Petit (SOC). La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont des moments stratégiques où s’opère un choix de système agricole qui vaut souvent pour de nombreuses années. Nous devons saisir ces occasions pour réorienter les pratiques et développer l’agroécologie tout en veillant, évidemment, à la rentabilité des exploitations, comme la Cour des comptes l’a souligné dans son rapport relatif aux enjeux structurels pour la France. Mon amendement vise ainsi à orienter les politiques publiques de soutien à l’agriculture dans le sens d’un encouragement à la transition du système agricole et d’un renforcement significatif des innovations agroécologiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable : c’est déjà satisfait par les amendements que nous avons adoptés tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD191 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Les femmes ne représentent que 29 % des actifs du secteur agricole. Or elles développent en moyenne, selon des statistiques d’Oxfam notamment, des projets plus tournés vers l’agroécologie, le lien dans les territoires et le développement économique. Il existe, par ailleurs, beaucoup de sexisme au sein de la profession. Des agricultrices témoignent qu’elles sont arrêtées dans leurs parcours de porteuses de projet par des clichés. Elles sont parfois mal reçues dans les banques et dans les formations : on leur dit qu’elles n’y arriveront pas seules. Cela nous pousse à vouloir inscrire dans les objectifs assignés aux politiques éducatives la lutte contre les inégalités de genre et la sensibilisation au sexisme.

Se pose aussi la question des outils, dont beaucoup d’agricultrices disent qu’ils ne leur sont pas adaptés. Les tracteurs par exemple sont souvent conçus par rapport aux gabarits masculins. Des groupes d’agricultrices se mettent ainsi en place pour apprendre à utiliser autrement les outils agricoles. Plutôt que les femmes aient à s’y prendre dans leur coin ou de façon autonome, nous proposons que l’éducation nationale fixe des objectifs de formation relatifs à la sécurité, à la pénibilité et à l’adaptation des outils de travail. D’ailleurs, même les hommes finissent par rejoindre les groupes d’adaptation, afin d’apprendre à utiliser les outils autrement : c’est bénéfique à tous puisque cela permet une utilisation plus vertueuse pour le corps.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Merci pour votre argumentaire que je partage – cela correspond à un vécu personnel. J’émets néanmoins un avis défavorable, car l’amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD635 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Puisque l’objectif du texte est d’accroître le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture, il serait pertinent de renforcer les effectifs de formateurs et d’enseignants dans le secteur de la formation professionnelle publique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable : nous n’avons pas d’étude d’impact sur les besoins en matière d’enseignement.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement ne fixe pas un nombre précis de formateurs et d’enseignants à atteindre, mais demande simplement à ce que ces derniers soient plus nombreux, pour accompagner plus de personnes qui voudraient s’installer. C’est un objectif général, politique, qui ne nécessite donc pas d’étude d’impact.

M. Bruno Millienne, président. Mais votre amendement n’a donc pas de portée juridique, madame la députée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD285 de M. Nicolas Ray

M. Nicolas Ray (LR). La mise en place d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles est une mesure bienvenue pour sensibiliser le public non agricole à ces professions. Je propose d’associer, aux côtés de l’État et des régions, le réseau des chambres d’agriculture à la construction et à l’élaboration du programme. Cela entrerait parfaitement dans les missions des chambres d’agriculture.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous suggère de retirer cet amendement au profit de celui que j’ai déposé au même alinéa : il définit les acteurs concernés en retenant une acception plus large, qui ne se limite pas aux chambres d’agriculture, mais nous sommes en phase pour ce qui est du fond.

La commission rejette l’amendement.


2.   Réunion du lundi 29 avril 2024 à 21 heures 30 : examen des articles pour avis (suite)

M. le président Jean-Marc Zulesi. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen pour avis du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Il nous reste 381 amendements à examiner.

 

 

Article 2 (suite) : Buts assignés aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole

 

Amendements identiques CD99 de M. Jean-Yves Bony, CD527 de M. Antoine Villedieu et CD599 de M. Didier Padey, amendement CD131 de M. Vincent Descoeur (discussion commune)

M. Jean-Yves Bony (LR). Cet article 2, qui vise à définir des objectifs d’orientation et de formation en matière agricole, prévoit d’augmenter les compétences en matière de transition agroécologique et climatique. Nous proposons de compléter ces priorités par des savoirs tout aussi essentiels, en concertation avec la profession.

M. Antoine Villedieu (RN). Pour que le contenu de ce programme – et la manière dont il sera dispensé – soit en prise avec les réalités du terrain, il doit être conçu avec les représentants des agriculteurs.

M. Didier Padey (Dem). L’instauration d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles répond à la nécessité de sensibiliser très tôt nos concitoyens à l’importance de l’agriculture et des métiers du vivant, qu’il s’agisse de leurs conséquences sur la vie quotidienne ou des enjeux de souveraineté alimentaire qu’ils recouvrent. Pour que ce programme soit en prise avec la réalité du terrain, il doit être établi en cohérence avec les enjeux perçus comme prioritaires par les professionnels et leurs représentants.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de ces amendements au profit de mon amendement CD812.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD93 de M. Jean-Yves Bony, amendements identiques CD812 de Mme Sandrine Le Feur, CD42 de M. Vincent Descoeur et CD152 de Mme Delphine Lingemann (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Dans le cadre de l’établissement, par l’État et les régions, d’un programme national d’orientation et de découverte de ces métiers et des autres métiers du vivant, il est essentiel d’associer les professionnels des métiers concernés. Je demande le retrait de l’amendement CD93 au profit des amendements identiques.

Successivement, la commission rejette l’amendement CD93 et adopte les amendements identiques.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD516 de M. Antoine Villedieu.

 

Amendements identiques CD25 de Mme Christelle Petex et CD793 de Mme Mathilde Hignet

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement CD793 est rédactionnel.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il n’est pas rédactionnel, mais j’y suis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD302 de M. Aymeric Caron.

 

Amendement CD153 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Rédigé avec des représentants du monde agricole du Puy-de-Dôme, il vise à rendre les stages de découverte du collège plus immersifs, en permettant aux jeunes de participer à certaines tâches ne nécessitant pas de formation spécifique pour qu’ils soient acteurs et non plus simplement observateurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne suis pas certaine qu’il soit nécessaire d’inscrire une telle disposition dans la loi. Avis défavorable.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Actuellement, ces jeunes n’ont pas le droit d’effectuer certaines tâches, même quand ils en ont envie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD154 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Il s’agit d’associer tous les acteurs de l’orientation des jeunes, qu’ils soient publics – à l’instar des conseillers d’orientation ou des centres d’information et d’orientation (CIO) – ou privés, afin que la promotion des métiers de la filière agricole soit plus efficace par rapport au public qu’elle vise.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’implication des acteurs de l’orientation scolaire dans la promotion de la filière agricole, mais je doute qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi, dans un souci de souplesse et de rapidité de mise en œuvre des dispositifs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD641 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Puisque l’agriculture vise avant tout à nourrir le monde, il est primordial que les programmes de formation aux métiers agricoles comportent un volet d’éducation à l’alimentation saine et durable.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD742 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Reprenant une idée que j’avais développée sur la coopération entre espaces urbains et ruraux, je propose que le programme national d’orientation et de découverte des métiers du vivant s’adresse notamment aux personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d’emploi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre proposition me semble satisfaite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD281 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous proposons que des cours d’éducation à l’alimentation soient dispensés à nos enfants, de l’école primaire jusqu’au collège, à raison d’une heure par semaine, pour leur apprendre à se nourrir correctement. Cela fait partie des apprentissages fondamentaux de savoir si un produit est brut, ultratransformé, de saison, cultivé localement, de comprendre que l’alimentation doit être variée et plus végétalisée au regard des enjeux climatiques. Ces apprentissages favoriseront une agriculture locale, vertueuse, produisant dans des conditions sociales et écologiques acceptables. Cette heure hebdomadaire est le minimum que nous devons assurer à nos enfants.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Tout en partageant votre idée, je ne pense pas qu’il faille inscrire une telle mesure dans le texte, d’autant que la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) a déjà prévu un temps d’éducation à l’alimentation pendant la pause de midi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD26 de Mme Christelle Petex et CD792 de Mme Mathilde Hignet

M. Jean-Yves Bony (LR). Il s’agit de préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole incluent la promotion de l’agriculture biologique, en cohérence avec les finalités des politiques publiques agricoles et alimentaires définies à l’article 1er du code rural et de la pêche maritime.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements.

 

Amendement CD213 de M. Hendrik Davi

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous proposons de réintégrer les plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté dans le cadre des missions du développement agricole, qui apparaissaient dans la première version de ce projet de loi. Ces plans pluriannuels permettent d’épargner aux chercheurs une perpétuelle course contre la montre aux financements, et d’éviter les risques inhérents de pressions financières par des lobbies. Ils favorisent ainsi la transparence et l’indépendance de la recherche.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ces plans prioritaires de transition et de souveraineté sont mentionnés dans le texte, à l’alinéa 5 de l’article 6. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD647 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’article 2 vise à définir les priorités de l’État en matière de recherche et d’innovation. Il nous semble donc judicieux et même fondamental d’y inclure le développement de l’agroécologie et de la résilience des exploitations.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD16 de Mme Christelle Petex, CD193 de Mme Aurélie Trouvé, CD645 de Mme Marie Pochon et CD743 de Mme Chantal Jourdan

M. Jean-Yves Bony (LR). Il s’agit de compléter la liste des solutions innovantes que l’État souhaite mettre en avant dans ces initiatives de recherche, d’innovation et de transfert de technologies, afin d’y intégrer la restructuration-diversification et l’amélioration de la durabilité des pratiques agricoles.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous proposons de donner à l’effort de recherche et d’innovation sur la reconception des systèmes de production, un contenu plus explicitement compatible avec la transition écologique et climatique des secteurs agricole et agroalimentaire. Comme je l’ai déjà mentionné, des études de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) indiquent qu’une transition agroécologique à l’horizon de 2050 est techniquement possible.

Au temps où j’étais moi-même fonctionnaire à l’Inrae, il y a plus de dix ans, une faible part des publications scientifiques était tournée vers ces transitions agroécologiques. Si la situation a beaucoup changé, il faut aller au-delà de l’effort de recherche et développer l’accompagnement de la reconception des systèmes de production. Il faut investir des moyens de l’État dans cette bifurcation agroécologique que nous appelons tous de nos vœux.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit d’intégrer la restructuration-diversification et l’amélioration de la durabilité des pratiques agricoles dans la liste des priorités de ces initiatives de recherche, d’innovation et de transferts de technologie.

La restructuration-diversification correspond à la reconception du système d’une exploitation, afin de diversifier ses productions agricoles et d’adopter des pratiques agroécologiques. Elle implique la transition de la spécialisation et de la monoproduction vers une production plus diversifiée, en favorisant la mise en place d’ateliers complémentaires de production.

Cette pratique permet de faciliter la transmission des exploitations et l’installation de nouveaux porteurs de projets puisqu’elle répond au problème d’inadéquation entre l’offre d’exploitations à céder et les attentes des nouveaux porteurs de projet. Elle est certes minoritaire, mais le phénomène ne cesse de se développer et fait ses preuves. Dans une récente étude, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), Terre de liens et de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) ont d’ailleurs prouvé ses capacités à favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs. Cependant, il faut conduire davantage de travaux de recherche et d’innovation afin de mieux évaluer les impacts, les coûts, les freins et les leviers de cette modalité de transmission. C’est ce que proposent ces amendements tout à fait pertinents.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Beaucoup de fermes en monoproduction sont très difficiles à céder et en mal de repreneurs. Si le système est repensé pour le déspécialiser et ajouter de nouveaux ateliers de transformation production, par exemple, des porteurs de projet pourraient être intéressés. Il s’agit donc de soutenir la recherche dans ce domaine pour que les fermes puissent être cessibles et porteuses d’une vision agroécologique.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements.

 

Amendement CD278 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il reprend les conclusions de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées, effectuée dans le cadre de cette commission avec mon collègue du MODEM Hubert Ott. Nous avons constaté un consensus scientifique concernant le besoin de diversification et de déspécialisation des territoires pour permettre une réelle transition agroécologique. La surspécialisation de certains territoires ne facilite pas la coopération entre des productions animales et végétales, alors qu’elle est essentielle à la création d’un cycle vertueux pour l’agriculture locale. Nous souhaitons que le programme de recherche, d’orientation et de formation, proposé dans ce projet de loi, puisse en partie servir cette politique de diversification des territoires, afin d’accompagner la transition agroécologique telle que présentée dans la mission d’information.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre amendement est satisfait par ceux que nous venons d’adopter. À défaut d’un retrait, j’émettrais un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD744 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Il vise à alerter sur l’absence d’objectifs chiffrés en matière de formation. L’article se limite à des déclarations de bonnes intentions sans fixer réellement de cap ni de moyens pour y parvenir. Depuis 2017, tout a été fait à l’inverse des objectifs recherchés : abandon du schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole, qui n’a été suivi d’aucune création d’outil de pilotage national prévisionnel ; suppression de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAV2F), qui avait l’ambition de fédérer la totalité des établissements d’enseignement supérieur publics ; absence d’évaluation indépendante du système d’enseignement technique agricole ; situation très perturbée d’AgroParisTech, d’abord scindée en deux et désormais en plein conflit interne. L’heure n’est plus aux déclarations de bonnes intentions mais aux engagements concrets, accompagnés de projections budgétaires cohérentes.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD697 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Il tend à la création d’une cinquième école vétérinaire publique, plus que jamais nécessaire dans un contexte de pénurie très inquiétante de vétérinaires dans le monde rural. En région de Nouvelle-Aquitaine, le nombre de vétérinaires spécialisés dans les animaux de rente a baissé de 20 % en cinq ans, ce qui remet en cause le maillage territorial vétérinaire. Cette création répond aussi à un enjeu de souveraineté : seulement 44 % des étudiants français se forment en France, ce qui entraîne des inégalités car tout le monde n’a pas les moyens d’aller étudier à l’étranger – la nouvelle école pourrait d’ailleurs susciter des vocations. Enfin, comme l’a rappelé mon collègue Bertrand Petit, santé vétérinaire et santé publique sont liées – c’est l’initiative « Une santé ». Cet amendement n’est pas le fruit du hasard ; il correspond à un projet très avancé à Limoges, qui associe divers acteurs, notamment la faculté de médecine et des laboratoires de recherche.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Députée en Limousin, une terre d’élevage où le déficit en vétérinaires devient problématique pour les agriculteurs, je tiens à soutenir cet amendement. La région Nouvelle-Aquitaine et les chambres d’agriculture travaillent depuis longtemps sur le projet de création d’une école vétérinaire à Limoges. Il serait dommage que notre assemblée ne le soutienne pas comme un moyen de maintenir l’élevage dans des territoires qui en ont grand besoin.

La commission adopte l’amendement.

 

L’amendement CD784 de M. Stéphane Delautrette est retiré.

 

Amendement CD279 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Cet amendement s’appuie à la fois sur la mission d’information que j’ai conduite avec Hubert Ott et sur la stratégie nationale en faveur du développement des protéines végétales, lancée par le Gouvernement en décembre 2020. Cette stratégie manque de financements, alors que nous sommes largement dépendants d’autres pays – l’accord conclu avec le Canada va d’ailleurs soumettre nos producteurs de légumineuses à une concurrence déloyale. Selon les scientifiques que nous avons interrogés lors de notre mission, une partie de nos productions de viande devra aussi être réorientée vers les protéines végétales. C’est pourquoi nous proposons de mettre les moyens sur cette filière, en termes de financement et de recherche.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD672 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le renouvellement des générations impose de soutenir l’écosystème de la formation à toutes les échelles, en tirant profit des outils mobilisés au niveau territorial pour soutenir la formation et l’installation – notamment les espaces tests et les missions locales – et en promouvant une meilleure articulation entre lycées d’enseignement agricole, lycées hôteliers et projets alimentaires territoriaux. Ces coopérations se dessinent déjà dans de nombreux territoires et doivent être soutenues. C’est pourquoi nous proposons que les politiques d’orientation et de formation en matière agricole s’inscrivent également dans le cadre des projets alimentaires territoriaux, lorsqu’ils existent.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD745 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Il tend à créer une stratégie nationale pour la formation continue agricole et alimentaire. Il s’agit de mettre en cohérence les politiques d’offres de formation dans le territoire et d’adapter les compétences des actifs agricoles aux transitions agroécologique, climatique, économique et numérique. Cette stratégie assure aussi le développement rapide de la formation continue tout au long de la carrière de l’agriculteur, et par-là à assurer le maintien de la compétitivité des entreprises agricoles et la promotion de pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement. Les agriculteurs doivent faire face à des incertitudes croissantes telles que les fluctuations des prix, les aléas climatiques et les crises sanitaires. Pour garantir le succès d’une exploitation, il faut désormais une maîtrise technique mais aussi une capacité d’adaptation permanente face à des aléas variés. L’acquisition de compétences nouvelles pour développer, entre autres, la pratique de l’agroécologie par le biais la formation continue nous semble donc indispensable.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait, car votre demande est satisfaite par l’adoption de votre amendement CD744.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD194 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous souhaitons inscrire un référentiel des pratiques agroécologiques dans le code rural et de la pêche maritime.

L’agroécologie est actuellement codifiée dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, adoptée en 2014. L’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime dispose que « les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire […] Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. »

Pour promouvoir et pérenniser ces pratiques, il faut pouvoir les définir correctement. Si elles peuvent varier en fonction du territoire et de leur combinaison, certaines de ces pratiques peuvent être isolées comme relevant spécifiquement de cette démarche : agriculture biologique ; cultures zéro pesticide ; techniques de diversification, notamment végétale ; préservation des habitats naturels et des auxiliaires de culture ; certaines techniques de préservation des sols comme la limitation du labour ou le maintien d’une couverture permanente. Et j’en passe.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ainsi que vous l’avez dit vous-même, ces pratiques peuvent évoluer, notamment en raison du réchauffement et de l’adaptation au climat. Je ne suis donc pas favorable à une définition.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD826 de Mme Sandrine Le Feur et CD195 de Mme Manon Meunier (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Contrairement à l’agroécologie, l’agriculture biologique ne donne lieu à aucun module dans l’enseignement agricole. Pour remédier à cette lacune, mon amendement prévoit trois heures d’enseignement hebdomadaires sur cette thématique.

Je demande le retrait de l’amendement CD195 au profit du mien.

L’amendement CD195 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD826.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CD280 de Mme Manon Meunier

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons le lancement d’une campagne de communication visant à promouvoir une alimentation durable fondée sur une production locale et durable, mais aussi à encourager la diminution de la consommation de viande au profit de celle de légumineuses.

Le cadre réglementaire relatif aux filières agricoles est insuffisamment incitatif pour permettre le changement des pratiques. Il faut donc jouer sur la demande. L’État et les régions devraient communiquer largement auprès des consommateurs, afin de les convaincre de l’importance d’adopter une alimentation durable et locale, et de réduire la consommation de viande.

Cette question est souvent moquée, mais elle n’est pas mineure. C’est parce que nous consommons trop de viande que nous confortons le système agroindustriel et l’élevage intensif qui l’entretient et qui entraîne la pollution des sols et de l’eau. N’oublions pas que pour nourrir ces milliers d’animaux, qui souffrent dans les fermes-usines, nous importons du soja d’Amérique latine au prix d’une déforestation criminelle et nous irriguons massivement des cultures de maïs alors que nous sommes menacés par la sécheresse.

Bref, c’est grâce à ce type de campagnes de communication que nous assurerons une transition vers un régime alimentaire plus sain pour nos concitoyens, ainsi que pour l’environnement. Surtout, cela permettrait de sécuriser des débouchés pour les agriculteurs, qui s’engageraient dans des modes de production plus durables.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à une alimentation durable, mais pas du tout à ce que nous ouvrions ce débat dans le cadre de ce texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD517 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Nous sommes tous conscients des défis posés par la transition écologique et économique, et du rôle que l’agriculture peut jouer dans ce domaine. Cependant, nos agriculteurs sont souvent laissés seuls face à des exigences élevées, sans disposer des moyens nécessaires pour y répondre.

Une étude du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a clairement montré que même si plusieurs scénarios sont envisageables pour la décarbonation de l’énergie utilisée par les agriculteurs, leur réalisation nécessite une aide substantielle de la part des pouvoirs publics.

Le présent amendement tend à y pourvoir. Il ne s’agit pas seulement d’encourager l’utilisation de technologies propres, mais de fournir un cadre concret et un soutien financier planifié, afin de permettre à nos agriculteurs de réussir cette transition. Élaboré en étroite collaboration avec les entrepreneurs de Bourgogne-Franche-Comté, cet amendement répond donc aux besoins urgents du territoire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

 

Article 3 : Consécration de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires

 

Amendement CD748 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’introduction au sein de la formation agricole de l’enseignement de l’agroforesterie constituerait, selon nous, un moyen intéressant de convaincre de l’intérêt de la haie et d’inciter à sa préservation. Le Gouvernement a d’ailleurs lancé un pacte en faveur de la haie, ce qui confirme l’intérêt qu’il y a à la développer et à la prendre en considération dans l’ensemble de l’écosystème agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je partage votre point de vue sur le fond, mais la disposition que vous proposez n’a pas sa place dans cet article programmatique.

M. Antoine Villedieu (RN). Sachez, madame la rapporteure, que les amendements que nous présentons ont été travaillés avec des acteurs locaux du monde agricole. Ils sont soutenus par des Français que nous représentons au Parlement. La moindre des choses serait donc d’expliciter vos avis.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Mme la rapporteure fournit une réponse à chaque amendement, ou presque. Je rappelle d’ailleurs qu’il nous en reste 335 à examiner.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD196 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Le groupe LFI-NUPES souhaite que l’enseignement agricole soit explicitement soumis au respect des mêmes principes que l’enseignement dispensé par l’éducation nationale : laïcité, liberté de conscience, égal accès aux services publics, lutte contre les stéréotypes sexués et promotion de la santé à l’école. Il s’agit là d’un amendement de clarification, qui vise à rappeler que l’ambition émancipatrice et l’enseignement de l’égale dignité humaine du service public de l’éducation concernent également la formation agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait par l’alinéa 4 du présent article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD197 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Cet amendement, qui vise, à l’alinéa 5, à supprimer les mots « en associant les professionnels des métiers concernés », a été travaillé avec le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public – Fédération syndicale unitaire (Snetap-FSU). Je le précise, car c’est bien un syndicat de professeurs et d’enseignants qui appelle à laisser aux enseignants du secteur agricole public la liberté d’associer les personnes qu’ils souhaitent aux différents parcours, et à ne pas ouvrir trop largement ces derniers aux acteurs et aux lobbys agroindustriels. Le Snetap-FSU et nous-mêmes, sentant que telle est bien là l’intention, plaidons pour une indépendance maximale de l’enseignement public.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Contrairement à vous, j’estime que c’est l’occasion de faire intervenir divers experts, tels que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques (Cerema), en lien avec d’autres organismes agricoles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD276 de M. Emmanuel Blairy

M. Antoine Villedieu (RN). La collaboration des scientifiques à l’enseignement agricole est essentielle. Grâce à leur expertise, ils apportent à nos futurs agriculteurs une meilleure compréhension des changements climatiques dans l’optique de développer des stratégies d’adaptation, comme l’optimisation de l’utilisation de l’eau, l’introduction de cultures résistantes à la sécheresse ou l’adoption de pratiques de conservation des sols. Ils se penchent aussi sur les technologies et les pratiques agricoles permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre : gestion des engrais, agroforesterie ou gestion des déchets agricoles. Éducation et monde scientifique doivent continuer de travailler main dans la main pour préparer les nouvelles générations à faire face aux défis du changement climatique, tout en contribuant à la durabilité et à la résilience de l’agriculture. Mentionner les scientifiques dans le texte est donc essentiel.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’amendement est doublement satisfait dans la mesure où les chercheurs seront associés à la définition des programmes scolaires et de formation, et où ils feront partie du dispositif des experts associés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD702 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Sans sols fertiles et en bonne santé, il n’y a pas de souveraineté alimentaire possible, d’où la proposition d’ajouter les mots « de la santé des sols ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par les mots « de l’aménagement de l’espace agricole, rural et forestier, de la gestion de l’eau et de l’environnement ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD232 de M. Jorys Bovet

M. Antoine Villedieu (RN). Il vise à inclure l’étude des paysages au sein de l’enseignement et de la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’exposé sommaire n’est pas en adéquation avec l’amendement que vous proposez.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD675 de Mme Marie Pochon et CD126 de M. Vincent Descoeur (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CD675 vise à inclure dans les programmes d’enseignement agricole les matières de gestion managériale et gestion financière, puisque la gestion d’une exploitation agricole nécessite des compétences de chef d’entreprise.

M. Jean-Yves Bony (LR). Les agriculteurs sont avant tout des chefs d’entreprise et il importe qu’ils acquièrent des connaissances en management et en gestion d’entreprise au cours de leur formation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il me semble que ces amendements relèvent d’une mauvaise compréhension de l’alinéa 5. Il s’agit d’énoncer, non pas les sujets abordés dans le cadre de la formation des futurs agriculteurs, mais les métiers auxquels prépare cette formation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD781 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et nombre d’entre eux sont contraints de vendre à perte : ils ne doivent plus être les variables d’ajustement d’un système de production alimentaire totalement à la dérive. Ceux qui produisent la nourriture que nous consommons doivent être au centre de la construction de leurs propres prix. Ainsi, aussi bien l’amélioration de la rémunération que l’évaluation et la fixation des coûts de production et des prix agricoles doivent impérativement figurer dans la formation professionnelle agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par les termes « performance économique ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD749 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole incluent la promotion de l’agriculture biologique. Une telle disposition serait cohérente avec les finalités des politiques publiques agricoles et alimentaires telles qu’elles sont définies à l’article 1er du code rural, ainsi qu’avec le plan Enseigner à produire autrement, pour les transitions et l’agroécologie (EPA2).

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD788 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il vise à remplacer, à l’alinéa 6, les mots « de la diversité des systèmes des productions agricoles » par les mots « des systèmes de production agroécologiques », car tous les systèmes ne se valent pas – par exemple, notre politique énergétique promeut, non pas la diversité des systèmes, mais la sortie des modes de production fossiles et le développement de modes de production vertueux pour l’environnement. De la même façon, il est absurde de considérer qu’en agriculture tous les modèles devraient coexister, alors que certains ne sont objectivement pas vertueux, ni adaptés. Les scientifiques sont unanimes quant à la nécessité de nous orienter rapidement vers l’agroécologie, afin de préserver notre capacité de production sur le long terme. Ce doit donc être une priorité de la formation agricole de demain.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Comme vous, je suis favorable à une transition agroécologique, mais je tiens aussi à laisser le choix entre agriculture biologique et agriculture conventionnelle lors de l’installation. Je m’opposerai donc à tous les amendements visant à supprimer la notion de diversité des systèmes de production agricole.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD27 de Mme Christelle Petex et CD198 de Mme Mathilde Hignet

M. Jean-Yves Bony (LR). Il s’agit d’inclure la promotion de l’agriculture biologique parmi les enjeux de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, ainsi que dans les missions des établissements concernés, par cohérence avec les finalités des politiques publiques agricoles et alimentaires telles qu’elles sont définies à l’article 1er du code rural.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement CD198 est rédactionnel.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements.

 

Amendement CD712 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Par cet amendement, nous voulons intégrer au sein de l’enseignement agricole les dimensions de déspécialisation des territoires, d’autonomie de gestion, de diversification et de valorisation de la production, qui sont autant de facteurs d’amélioration du revenu agricole.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CD132 de M. Vincent Descoeur et CD782 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les formations agricoles doivent pouvoir nouer des partenariats avec l’État, les régions, les départements ou les communes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de ces amendements, dont la formulation, qui comporte un pléonasme, devrait être retravaillée.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CD292 de M. Loïc Prud’homme

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Il vise à asseoir la notion de performance économique, objet de cet article 3, sur deux principes généraux.

Premièrement, les performances économiques doivent être intensives en emplois et garantir un revenu suffisant aux agriculteurs et agricultrices. Elles doivent également favoriser une relocalisation de l’agriculture, avec des exploitations de plus petites tailles permettant aux professionnels de vivre concrètement de leur métier. Deuxièmement, les exploitations doivent être autonomes et limiter leurs externalités négatives sur l’environnement et la santé environnementale.

En l’état, la notion de performance économique nous paraît trop générique et de nature à être comprise différemment par les uns et les autres.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, elle adopte l’amendement CD214 de M. Hendrik Davi.

 

Amendement CD751 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à ce que l’égalité entre les femmes et les hommes soit davantage prise en compte par les établissements d’enseignement agricole dans leur mission d’insertion scolaire. Le manque de mixité au sein de certaines formations peut rendre plus difficile l’apprentissage de certaines filles, parfois confrontées à des stéréotypes ou à des remarques – nous avons recueilli des témoignages assez inquiétants.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Vous avez raison, le manque de mixité peut complexifier l’apprentissage de certaines jeunes filles. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD563 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). Il vise à mieux tenir compte des besoins des professionnels et des filières agricoles et agroalimentaires dans le contenu de l’enseignement agricole, et à mieux associer le service public de l’emploi pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des secteurs. Un partenariat plus étroit pourrait être établi entre les lycées agricoles et France Travail pour que des formations adaptées permettent de pourvoir un plus grand nombre d’offres d’emploi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je doute de l’intérêt pratique de cet amendement, qui alourdirait inutilement le texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD750 de Mme Chantal Jourdan

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD294 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons d’ajouter le terme « agroécologique » à la description du rôle des établissements d’enseignement agricole en matière d’innovation. De cette manière, nous insisterions réellement sur cet objectif dans le projet de loi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD752 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à préciser que les établissements agricoles participent aussi à la gouvernance des projets alimentaires territoriaux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’y suis défavorable, mais pas tant sur le fond que sur la forme. Les projets alimentaires territoriaux sont des outils très souples en matière de collaboration, le conventionnement avec tous types d’acteurs étant possible. Votre amendement ne me paraît donc pas utile.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD199 de Mme Manon Meunier et CD753 M. Stéphane Delautrette, amendement CD776 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement CD199 tend également à ce que les établissements publics agricoles participent à la gouvernance des projets alimentaires territoriaux. De cette manière, ces établissements contribueraient à la réflexion sur la diversification, à la recherche de débouchés locaux, ou encore à la bonne compréhension de l’approvisionnement des établissements publics, des collèges, des cantines, etc.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CD776 vise à mettre en cohérence et à soutenir l’ensemble de l’écosystème de la formation agricole. Le projet de loi et les politiques de formation de demain ne peuvent ignorer l’ensemble des initiatives et des outils développés par les collectivités dans le cadre des projets alimentaires territoriaux. Mieux, nous devons nous appuyer sur ces initiatives d’avenir.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’insiste, ces amendements ne me semblent pas utiles, car les établissements agricoles peuvent déjà participer à la gouvernance des projets alimentaires territoriaux. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

M. le président Jean-Marc Zulesi. Chers collègues, si nous continuons sur ce rythme, nous achèverons d’examiner les 305 amendements restants entre deux heures trente et deux heures quarante-cinq du matin.

 

Amendement CD295 de Mme Aurélie Trouvé

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement est pour ainsi dire l’exact opposé du CD563 de notre collègue Bony : il vise à retirer à l’enseignement agricole la mission de répondre aux besoins en emplois de l’agriculture et de l’agroalimentaire, afin de le recentrer sur l’éducation, la formation technique et la transition agroécologique et ne pas l’exposer directement aux fluctuations et aux exigences du marché de l’emploi, car une approche trop utilitariste pourrait restreindre la portée et la qualité des formations dispensées.

L’enseignement agricole public doit, au contraire, rester fidèle à ses principes fondamentaux d’excellence académique et de soutien à l’innovation technique, économique et sociale. Il doit préparer les étudiants aux besoins actuels, mais aussi futurs de la société, encourager les secteurs émergents, et anticiper les évolutions technologiques et environnementales, plutôt que de se mettre au service immédiat des employeurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit d’adopter une approche non pas utilitariste, mais réaliste. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD559 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). L’article 3 prévoit d’accroître les compétences des futurs exploitants en matière de transition agroécologique et climatique. Nous vous proposons ici d’adjoindre à cette priorité des savoirs tout aussi essentiels à l’exercice du métier d’agriculteur, à savoir la gestion économique et comptable d’une exploitation, le management, la gestion administrative et la connaissance des diverses réglementations.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CD28 de Mme Christelle Petex et CD813 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Amendement rédactionnel !

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ces amendements ne sont pas non plus rédactionnels, mais je leur donne un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CD201 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Cet amendement, qui émane de l’Afac-Agroforesteries, fédération avec laquelle nous avons travaillé dans le cadre de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles, vise à mettre la haie au cœur de la formation agricole. Patrimoine très important, notamment en matière agroécologique, la haie peut être utilisée à l’avantage de l’agriculteur, mais il faut le savoir, ce qui nécessite de recevoir une formation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable sur la forme. Je ne souhaite pas qu’une telle disposition figure dans cet article programmatique.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Chers collègues, je rappelle qu’il faut lever la main au moment des votes.

 

Amendement CD293 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il vise à créer un module de formation spécifique à l’utilisation des pesticides chimiques et de synthèse. Les agriculteurs sont les premières victimes de ces pesticides, dont les conséquences sanitaires demeurent largement sous-estimées. Dans la mesure où les dispositifs de reconnaissance et d’indemnisation des pathologies nécessitent d’être améliorés et que certains syndicats freinent des quatre fers, un tel module de formation nous semble utile.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement est satisfait par l’adoption de mon amendement CD826 relatif à l’enseignement de l’agriculture biologique et à l’agroécologie. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD286 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il vise à davantage valoriser l’enseignement des réglementations, notamment en matière de santé et de sécurité au travail, au sein de la formation agricole. Comme je le disais au sujet des pesticides, les agriculteurs et les agricultrices sont particulièrement exposés au risque d’accident du travail. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) relève à cet égard que les agriculteurs représentent 15 % des morts au travail, alors qu’ils ne comptent que pour 2 % des actifs. Il est donc bien urgent, pour ne pas dire impératif, de prévoir une telle formation, afin de défendre enfin nos agriculteurs. Ils ne doivent plus risquer leur vie au travail et doivent être conscients des risques liés à la manipulation des différentes machines.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Cette thématique fait déjà partie des programmes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD200 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Par cohérence avec ce que nous avons voté en la matière, nous proposons ici d’intégrer au référentiel de formation un module d’enseignement spécifique à l’agriculture biologique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait par l’adoption du CD826. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD791 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Une nouvelle fois, il s’agit de préciser que tous les agriculteurs, quel que soit leur statut, doivent bénéficier de formations professionnelles, afin d’améliorer leurs compétences et connaissances en matière de transition agroécologique et climatique, de gestion des risques, dans l’optique d’une installation future.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD202 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous entendons faire des métiers de conseil en matière agricole une voie privilégiée de diffusion des pratiques agroécologiques, en renforçant la formation des conseillers, leur rôle étant central pour la réorientation de notre modèle agricole.

Le système actuel, composé d’acteurs publics et privés, s’appuie sur un réseau regroupant des organismes habilités par les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf). Les chambres d’agriculture, qui disposent de près de 6 000 conseillers sur l’ensemble du territoire national, se trouvent au centre de ce système.

Les organismes habilités dispensent des conseils sur des sujets aussi variés que les réglementations, la conditionnalité des aides de la politique agricole commune (PAC), les exigences environnementales, l’utilisation et la préservation de la ressource en eau, et promeuvent les conversions d’exploitation, ou encore la diversification des activités. Malheureusement, la libéralisation que subit le secteur depuis des décennies a pour effet de renchérir les coûts pour les agriculteurs, de compliquer l’accès aux conseils et de nuire à la qualité de ceux qui sont leur sont prodigués.

Une réforme est donc souhaitable. Elle consisterait à créer un service public vétérinaire et phytosanitaire, sur le modèle des centres de santé municipaux, indépendant des lobbys pharmaceutiques et privilégiant les approches préventives.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Cette disposition n’a pas sa place dans un alinéa programmatique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD158 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Il est proposé de créer une instance dont le rôle serait d’observer l’évolution des métiers de la filière et d’adapter les maquettes pédagogiques, sur le modèle des conseils de perfectionnement que connaissent les grandes écoles. L’offre de formation et les contenus pédagogiques des établissements d’enseignement pourraient ainsi s’adapter aux évolutions technologiques, sociétales et organisationnelles afin d’être en pleine adéquation avec les réalités du monde agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD216 de M. Hendrik Davi, amendements identiques CD291 de M. Loïc Prud’homme et CD754 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement vise à ouvrir les commissions professionnelles consultatives (CPC) aux syndicats de l’enseignement agricole ainsi qu’aux associations de parents d’élèves, de protection de l’environnement et de consommateurs.

Depuis la réforme, l’élaboration des programmes est entre les mains des seules organisations représentatives des salariés et des employeurs, au mépris de la spécificité des formations.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Mme la rapporteure pour avis peut-elle nous préciser les motifs de son avis défavorable ? Il s’agit d’une mesure de bon sens. La représentation de la communauté éducative a été réduite à néant par la réforme. Les programmes sont définis par les professionnels mais pas par ceux qui sont censés les dispenser.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le sujet abordé est le même que dans les amendements CD291 et CD754. Vous m’interpellez sur les conséquences de la modification de la composition des CPC. J’en prends note, mais mon avis reste défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD290 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement a pour objet de garantir la rigueur et la qualité des enseignements sur les bénéfices économiques et environnementaux de l’agroécologie, notamment en y intégrant un module sur la traction animale.

La mission d’information que j’ai déjà mentionnée a auditionné Jérôme Keller, agriculteur qui pratique la traction animale dans son activité de maraîchage. Ce dernier déplore le manque de formation dans ce domaine. La demande de nombreux agriculteurs désireux d’apprendre cette technique ne peut d’ailleurs pas être satisfaite.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre amendement est satisfait : il est prévu que les formations agricoles comportent des modules sur l’agroécologie et l’agriculture biologique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD713 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement vise à ajouter dans les formations des modules relatifs à l’autonomie de gestion, la valorisation de la production et la formation des coûts de production. C’est indispensable si l’on veut que les agriculteurs soient demain au cœur de la construction du prix et non une simple variable d’ajustement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait par l’alinéa 8 qui prévoit une formation « générale, technologique et professionnelle ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD300 de M. Léo Walter

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Le sylvopastoralisme remplit trois fonctions essentielles : le développement de la ressource pastorale et des ressources fourragères pour les troupeaux ; le développement et la valorisation des bois à moyen et long termes ; l’entretien des forêts, donc la lutte contre les départs d’incendie. Nous proposons que ces méthodes particulières soient enseignées.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je serai défavorable à tous les amendements qui visent à préciser le contenu de la formation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD301 de M. Léo Walter

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement concerne la lutte contre les incendies dans laquelle le sylvopastoralisme joue un rôle majeur.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD706 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les formations devront comporter des actions visant à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’à valoriser la place des femmes dans les métiers agricoles.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD288 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Autre recommandation de la mission d’information, il est proposé d’inclure dans les formations des modules sur la préservation de la biodiversité et l’alimentation durable. La baisse des rendements que l’on observe actuellement est due à la destruction de la biodiversité ainsi qu’au changement climatique. C’est donc en protégeant la biodiversité que nous pourrons les améliorer à long terme.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. L’article concerne les établissements d’enseignement agricole, et non l’enseignement primaire et secondaire que vise votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD289 de Mme Manon Meunier.

 

Amendement CD189 de M. Nicolas Ray

M. Jean-Yves Bony (LR). Il s’agit d’instituer, dans chaque département, un correspondant de l’enseignement agricole, nommé par le ministre chargé de l’agriculture, afin d’assister le directeur des services départementaux de l’éducation nationale dans l’orientation des élèves vers l’enseignement agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. La création d’un tel poste aurait pour effet d’alourdir la structure administrative. La Draaf est l’équivalent du rectorat pour l’enseignement agricole.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD755 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit d’introduire un enseignement sur l’agroforesterie ainsi que sur les enjeux et avantages liés à la haie.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD29 de Mme Christelle Petex et CD203 de Mme Mathilde Hignet

M. Jean-Yves Bony (LR). L’amendement CD29 vise à renforcer la formation initiale et continue à l’agriculture biologique.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement CD203 a pour objet d’accroître la place de l’agriculture biologique dans les projets d’établissement d’enseignement agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Cela obligerait à revoir l’ensemble des projets d’établissement.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). C’est en effet de cela qu’il s’agit.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD157 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Il s’agit de mettre en cohérence l’article 3 avec les dispositions de l’article L. 811-8 du code rural en vertu duquel un établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole regroupe, entre autres, « un ou plusieurs ateliers technologiques ou exploitations agricoles à vocation pédagogique qui assurent l’adaptation et la formation aux réalités pratiques, techniques et économiques, et qui contribuent à la démonstration, à l’expérimentation et à la diffusion des techniques nouvelles. »

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Très bon amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD156 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Dans le même souci de cohérence avec l’article précité, il est précisé que « le directeur des ateliers technologiques ou des exploitations agricoles est un agent de droit public. »

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Une disposition sur le statut juridique des personnels n’a pas sa place dans un article définissant les grands principes de l’enseignement agricole.

La commission rejette l’amendement.

 

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements identiques CD30 de Mme Christelle Petex et CD814 de Mme Mathilde Hignet.

 

Amendement CD287 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement vise à appeler l’attention sur le respect de la parité salariale dans l’enseignement agricole et à alerter sur la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

Les écarts de salaire fondés sur le genre représentent, à temps de travail équivalent, 15,4 %. Comme le note l’Observatoire des inégalités, les femmes touchent 24 % de moins que les hommes dans le secteur privé, celles-ci étant davantage employées à temps partiel et pour des activités moins bien rémunérées que les hommes. Quant aux AESH, qui sont pourtant un pilier de l’accès et du droit à l’éducation pour toutes et tous, ils sont parmi les personnels de l’éducation les plus précaires.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. L’objet de l’amendement est éloigné de la définition des missions de l’enseignement agricole que comporte l’article 3.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

 

 

Après l’article 3

 

Amendement CD236 de M. Jorys Bovet

M. Antoine Villedieu (RN). Cet amendement vise à harmoniser l’orthographe d’agroécologie dans l’ensemble des codes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les deux orthographes sont admises. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD560 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement a pour objet de remplacer le service national universel (SNU) par un service national de l’agriculture biologique.

Le SNU est avant tout, pour la jeunesse, la négation de son aspiration à disposer d’elle-même. C’est la raison pour laquelle les jeunes le rejettent en bloc. Sa généralisation rassurera davantage leurs grands-parents ou une frange conservatrice de l’électorat qu’elle ne motivera les premiers concernés – les 15-17 ans. Le Gouvernement a manifestement oublié de leur demander leur avis avant de faire du SNU le grand projet pour une jeunesse qu’il infantilise, déconsidère et méprise.

En lieu et place du SNU, je propose un service national de l’agriculture biologique, facultatif, ouvert aux jeunes qui veulent s’engager en faveur de la transition agroécologique.

Mon intention est de souligner le fait que si nous en avions la volonté, nous pourrions mobiliser de nombreux outils pour sensibiliser les jeunes à l’agriculture biologique et leur offrir un premier contact avec les métiers agricoles.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Nous n’avons pas la même lecture. J’ai connaissance d’une expérience de SNU dans un lycée agricole très réussie. Il est donc déjà possible de faire ce que vous proposez.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 6 : Dispositions renforçant le développement agricole

 

Amendement CD620 de M. Henri Alfandari

M. Vincent Thiébaut (HOR). L’amendement vise à inscrire le renforcement de la souveraineté agricole et alimentaire parmi les objectifs du développement agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre rédaction fait disparaître le rôle du développement agricole dans l’accompagnement des transitions agroécologique et climatique. Je vous invite donc à retravailler l’amendement.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD661 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Le groupe Écologiste a déposé des amendements tout à fait conformes à ses positions habituelles. En revanche, je m’étonne que la rapporteure pour avis et la majorité soutiennent certains d’entre eux alors même qu’ils sont en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement à la suite de la mobilisation du monde agricole.

Ces amendements viennent ajouter des contraintes, des normes, de la surtransposition. Ils reposent sur une vision utopique selon laquelle le bio devrait s’imposer partout. Or, on le sait, le bio, outre sa responsabilité dans l’inflation alimentaire dont vous semblez vous désintéresser, traverse une grave crise liée à sa totale déconnexion du marché.

Depuis le début de l’examen du texte, vous semblez avoir oublié que l’agriculture française est l’une des plus vertueuses au monde. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) nous rappelle que la croissance de la population nous oblige à augmenter la production agricole. J’espère que la majorité partage avec nous l’ambition de souveraineté alimentaire, mais, à l’écouter, j’ai quelques doutes.

L’amendement vise à remettre l’église au milieu du village en inversant les priorités assignées au développement agricole dans l’article 6 : la souveraineté alimentaire, qui est un besoin vital, figurerait ainsi au premier rang.

J’espère que demain, en commission des affaires économiques, le bon sens l’emportera et que les engagements du Gouvernement seront respectés par la majorité.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il n’y aura pas de souveraineté alimentaire sans transition agricole. Vous le savez aussi bien que moi, les agriculteurs sont soumis aux aléas climatiques et devront s’adapter, sans quoi il n’y aura pas de souveraineté alimentaire. Je suis défavorable à votre amendement.

M. Grégoire de Fournas (RN). Il y a un équilibre à trouver et vous n’avez pas semblé le chercher jusqu’à présent.

Si nous continuons dans la voie que vous proposez, la France ne produira plus rien et devra tout importer – ce qui n’est pas pour vous déplaire puisque, à vos yeux, la souveraineté alimentaire s’inscrit dans un cadre international. Et les produits importés ne respecteront aucune des normes environnementales que vous infligez à nos agriculteurs. Voilà le résultat de la politique que vous défendez. Allez l’expliquer à la filière sucrière ou à d’autres qui, loin des utopies de la gauche, sont aujourd’hui dans une impasse technique, incapables d’assurer leur production.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Vous montrez là votre vrai visage. Il est déplorable de nier la nécessité de la transition agricole face au réchauffement climatique. Il n’y aura pas de production agricole sans adaptation. Les producteurs connaissent chaque année une baisse de leur production, donc de leurs revenus, à cause des aléas climatiques. Le nier, c’est les envoyer dans le mur.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Selon une étude de l’Inrae, deux raisons expliquent la baisse des rendements agricoles : le changement climatique et la perte de biodiversité. J’invite le Rassemblement national à se mettre à l’heure de la science et à prendre conscience de la nécessité de la transition agroécologique.

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement ne supprime pas la mention de l’agroécologie. Le Rassemblement national n’oppose pas agriculture et environnement.

Si vous voulez réduire les émissions de gaz à effet de serre, commencez par arrêter d’importer de l’autre bout du monde des marchandises que la France est capable de produire sur son sol et qui ne respectent aucune des normes que nous imposons à nos agriculteurs. Je pense à la Nouvelle-Zélande, située à plus de 20 000 kilomètres, avec laquelle les échanges se font par le mode de transport le plus polluant – le transport maritime. L’agriculture est utilisée comme une monnaie d’échange.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD296 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Issu une nouvelle fois des recommandations de la mission d’information, l’amendement vise à souligner le rôle de la recherche publique française en appui du développement agricole. L’indépendance de la recherche publique est primordiale. Le choix des domaines de recherche est aujourd’hui largement dicté par des pressions extérieures, certains sujets tels que la biodiversité des sols étant dès lors délaissés.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD204 de M. Loïc Prud’homme.

 

Amendements identiques CD518 de M. Antoine Villedieu et CD682 de Mme Hélène Laporte

M. Jordan Guitton (RN). L’article prévoit l’établissement de plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologique et climatique et de souveraineté. Si l’intention est louable, l’approche retenue est très technocratique et risque d’imposer des charges administratives lourdes sans garantir des résultats tangibles sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle il est proposé de supprimer ces plans. Cela correspond aux attentes de simplification exprimées lors des manifestations. Évitons de créer des structures bureaucratiques qui finissent souvent par éloigner les décideurs des réalités du terrain et des besoins réels des agriculteurs En outre, il ne faut pas sous-estimer l’agilité et la capacité d’adaptation de nos agriculteurs, ni la dynamique propre à chaque territoire. Au lieu de les enfermer dans un cadre rigide, offrons-leur les outils et les ressources nécessaires pour qu’ils puissent s’adapter et innover de manière autonome.

L’amendement allège le fardeau administratif tout en conservant l’objectif global de transition agroécologique et de renforcement de la souveraineté alimentaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CD756 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement tend à améliorer la recherche variétale consacrée aux légumineuses en France, dont la faiblesse constitue à ce jour le principal frein au développement de ces dernières. Or celui-ci est un levier incontournable de la transition agricole et alimentaire. La culture des légumineuses présente d’autres avantages : elle assure notamment un couvert végétal permanent entre les cultures principales, qui permet de restaurer la qualité des sols.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CD757 de M. Stéphane Delautrette et CD758 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de soutenir les initiatives régionales de structuration de filières de légumineuses permettant aux acteurs de se coordonner et de gagner en efficacité dans le développement de cette culture sur leur territoire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ces amendements sont satisfaits par celui que nous venons de voter. Demande de retrait.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant les avis de la rapporteure pour avis, elle rejette successivement les amendements CD205 de Mme Manon Meunier et CD206 de Mme Mathilde Hignet.

 

Amendement CD759 de M. Stéphane Delautrette

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de stimuler l’innovation sur l’aval des filières, afin d’inciter les acteurs de l’agroalimentaire à trouver des solutions pour réduire les contraintes pesant sur les agriculteurs, lesquelles bloquent les changements de pratiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD207 de Mme Aurélie Trouvé

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement tend à veiller à l’impartialité et à l’indépendance de la recherche agronomique et vétérinaire.

Dans le respect de la déontologie, l’effort de recherche scientifique doit être guidé par l’établissement de connaissances vraies et dégagé de tout intérêt particulier.

Or, en vertu de l’article L. 830-1 du code rural, les entreprises de production agricole et de l’agroalimentaire sont autorisées à concourir à la recherche agronomique et vétérinaire, donc en position de l’influencer. Dès lors, les connaissances produites sont entachées de soupçon, quand elles ne sont pas purement pseudoscientifiques dans le seul but de masquer les intérêts représentés. La participation des entreprises à la recherche a pour effet de dégrader l’état de la connaissance, et par extension le débat public, en matière agricole et vétérinaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable, car votre amendement a pour effet de diviser par deux les dépenses de recherche et développement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD208 de M. Loïc Prud’homme

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’amendement vise à souligner l’intérêt d’une généralisation des ateliers pédagogiques, dits espaces tests, qui permettent à des candidats à l’installation de découvrir l’activité agricole, contribuant ainsi au renouvellement des générations. Sa portée est limitée puisqu’il se borne à demander un rapport sur un tel projet.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Il s’agit d’un amendement d’appel, destiné à contourner l’irrecevabilité, sur les ateliers pédagogiques.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

 

 

Après l’article 6

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CD238 et CD237 de M. Jorys Bovet.

 

TITRE III
FAVORISER L’INSTALLATION DES AGRICULTEURS AINSI QUE
LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS ET AMÉLIORER
LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AGRICULTEUR

Chapitre Ier
Orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs
et de transmission des exploitations

 

Article 8 : Programmation des politiques publiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles

 

Amendement CD423 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à garantir la cohérence de l’alinéa 1er avec le droit international.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette référence figure déjà à l’article 1er. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD424 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit de relever notre ambition en visant l’accroissement du nombre d’exploitants agricoles plutôt que le simple renouvellement des générations d’actifs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne suis pas opposée à cette augmentation mais il faut se fixer des objectifs réalistes, et le renouvellement des générations d’actifs est déjà suffisamment difficile à atteindre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD694 de Mme Juliette Vilgrain et CD188 de M. Jean-Pierre Taite (discussion commune)

Mme Juliette Vilgrain (HOR). L’élaboration des politiques publiques d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles nécessite un travail de planification approfondi. Une échéance à dix ans ne paraissant pas réaliste, l’amendement CD694, travaillé avec les Jeunes agriculteurs, vise à la reporter à 2050.

Mme Christelle Petex (LR). Il s’agit de viser l’horizon 2050, au lieu de 2035, afin de se laisser suffisamment de temps pour élaborer des politiques de transmission efficaces et adaptées aux enjeux de souveraineté alimentaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD662 de M. Grégoire de Fournas

M. Jordan Guitton (RN). Les agriculteurs veulent vivre avant tout de leur travail ; or le revenu est le grand absent de votre projet de loi d’orientation agricole. C’est pourtant la perspective d’avoir des revenus qui donnera envie aux jeunes de s’engager dans l’agriculture, et qui fera entrer la ruralité dans le cercle vertueux dont elle a tant besoin. D’où cet amendement tendant à introduire la notion de revenu digne dans les orientations programmatiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). C’est un amendement totalement populiste : comment pouvez-vous garantir, en 2024, un revenu digne – que vous ne définissez à aucun moment –pour les agriculteurs en 2035 ? On ne peut pas écrire n’importe quoi dans la loi !

M. Jordan Guitton (RN). Il suffit de faire l’inverse de ce que vous avez fait durant les sept dernières années où vous étiez au pouvoir. Vous avez mis tous les agriculteurs dans la rue. Pour les protéger, commencez par introduire une exception agriculturelle dans les traités de libre-échange. Cela permettrait notamment à l’agriculture française de bénéficier des marchés publics.

Oui, nous avons des idées ; le programme du Rassemblement national en contient plusieurs pour garantir un revenu digne. Vous n’en avez pas beaucoup et on en voit le résultat.

M. Bruno Millienne (Dem). S’agissant de la commande publique, des mesures sont en cours d’élaboration pour favoriser les productions françaises dans leur ensemble, et pas seulement agricoles. Pour ce qui est d’un revenu digne, tant que vous n’en précisez pas le montant, je ne sais pas ce que cela signifie, a fortiori en 2035.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD14 de Mme Christelle Petex et CD427 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Christelle Petex (LR). Pour encourager l’installation et le maintien des nouveaux agriculteurs en agriculture biologique, les politiques publiques doivent agir plus fortement, à la fois sur l’offre, avec des aides supplémentaires, et sur la demande, grâce à la structuration des filières et des débouchés. L’amendement CD14 vise à inscrire le développement des pratiques agroécologiques, dont l’agriculture biologique, dans l’article.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable à l’amendement CD14 et défavorable au CD427.

La commission adopte l’amendement CD14.

En conséquence, l’amendement CD427 tombe.

 

Amendement CD165 de Mme Delphine Lingemann

Mme Delphine Lingemann (Dem). Le présent amendement a pour but d’associer les professions agricoles à la mise en œuvre de la politique d’installation ou de transmission à l’échelle nationale ou régionale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je n’y suis pas opposée sur le fond, mais recueillir l’avis des différents représentants du monde agricole pourrait s’avérer complexe. Craignant la lourdeur de cette procédure, j’émets un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD625 de Mme Angélique Ranc

M. Antoine Villedieu (RN). Soutenir la souveraineté alimentaire et la transition agroécologique et climatique par des politiques publiques se contentant d’assurer un nombre suffisant d’exploitants et d’emplois agricoles en France est vain si les exploitations ne sont pas viables économiquement. L’amendement vise donc, avec bon sens, à mentionner la viabilité économique comme un objectif primordial de ces politiques.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD431 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD426 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait. Votre amendement introduirait une redondance dans l’alinéa 2.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD266 de M. Pierre Meurin

M. Antoine Villedieu (RN). L’article ne mentionne à aucun moment les circuits courts, alors qu’ils constituent le mode de consommation le plus écologique et le plus rémunérateur pour les agriculteurs, grâce à de moindres durées de transport et un nombre d’intermédiaires réduit. Ils contribuent également à développer une agriculture de proximité : en consommant des produits locaux de qualité plutôt que des produits importés de l’autre côté du monde, avec le bilan sanitaire et environnemental que l’on sait, les Français se rapprochent de leurs agriculteurs. Pourquoi ne pas profiter de ce qu’une grande partie de nos exploitations agricoles vont changer de visage du fait du renouvellement des générations pour afficher, dans ce projet de loi d’orientation agricole, l’ambition de circuits courts, pour nos agriculteurs et les Français ?

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD761 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement vise à introduire un objectif chiffré de renouvellement des exploitants agricoles entre 2025 et 2035, tout en préservant le caractère familial de l’agriculture, l’autonomie et la responsabilité individuelle de l’exploitant. Sans une orientation agroécologique marquée, les agrandissements se poursuivront.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD434 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il vise à donner la priorité aux installations mettant en œuvre des systèmes stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologique et climatique – systèmes diversifiés, agroécologiques, économes et autonomes en intrants, et agriculture biologique.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD458 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il importe que les politiques d’installation garantissent l’accès aux dispositifs de soutien financier à l’installation, afin de prendre en compte la variété des profils.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle adopte l’amendement CD459 de Mme Marie Pochon.

 

Amendement CD565 de M. Jean-Yves Bony

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Par cet amendement, le groupe Les Républicains propose d’intégrer au futur réseau France Services agriculture l’ensemble de l’accompagnement personnalisé des agriculteurs tout au long de leur carrière en tant que chefs d’entreprise.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. L’article 8 ne traite que des orientations programmatiques de la politique d’installation. Le fonctionnement du réseau France Services agriculture est abordé à l’article 10.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Monsieur le président, les amendements adoptés ce soir seront-ils soumis au contrôle de recevabilité de la commission des affaires économiques ?

M. le président Jean-Marc Zulesi. Non. Ils seront présentés demain en commission.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD133 de M. Vincent Descoeur

Mme Christelle Petex (LR). Il a pour objet de faire bénéficier les actifs agricoles du dispositif d’accompagnement de France Services agriculture, notamment en matière de formation tout au long de la vie.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Cet élargissement du champ de France Services agriculture paraît trop large.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD277 de M. Emmanuel Blairy

Mme Alexandra Masson (RN). La loi, conçue pour s’adapter aux changements, doit être neutre et impartiale. Nommer chaque réseau pourrait limiter sa portée ou sa pertinence, notamment si les circonstances changent, et la rendre trop longue et difficile à interpréter. Par souci d’efficacité, l’amendement a donc pour objet de fournir des directives générales.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD239 de M. Jorys Bovet

M. Antoine Villedieu (RN). Il s’agit de mettre en avant les services de remplacement à destination des agriculteurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. L’article porte sur des orientations programmatiques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD461 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’État doit non seulement favoriser l’accès au foncier pour le renouvellement des générations, mais aussi assurer la transparence et la régulation des marchés fonciers, en favorisant l’emploi par unité de surface.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD70 de Mme Nathalie Bassire

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Cet amendement a pour objet de créer un « réflexe outre-mer » à la fabrication de la norme. En l’espèce, le contexte géographique et démographique propre à chaque territoire ultramarin rend très difficile l’installation de jeunes agriculteurs, en particulier hors du cadre familial, car ceux-ci doivent faire face à un ensemble de résistances locales, tant formelles qu’informelles. Cet amendement vise donc à donner à l’esprit de l’article 8 la plénitude des effets escomptés en outre-mer, en complétant à due proportion sa lettre.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

 

 

Après l’article 8

 

Amendement CD568 de M. Jean-Yves Bony

M. Jean-Yves Bony (LR). Le présent amendement vise à compléter les missions des chambres d’agriculture en les chargeant d’accompagner les agriculteurs dans leurs demandes de subventions et d’information sur la réglementation, en amont des opérations de contrôle.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

 

Article 9 : Mise en place d’un diagnostic modulaire des exploitations

 

Amendements de suppression CD519 de M. Antoine Villedieu et CD577 de M. Grégoire de Fournas

M. Antoine Villedieu (RN). La création d’un diagnostic comprenant un module d’évaluation de la résistance des projets agricoles au stress climatique impose de nouvelles contraintes à un secteur déjà lourdement régulé. La pression normative exponentielle qui s’exerce sur les agriculteurs entrave leur capacité à travailler efficacement et menace leur viabilité économique. L’agriculture nécessite flexibilité et adaptabilité : il faut encourager les pratiques adaptées au changement climatique d’une manière qui ne compromet pas la stabilité de ceux qui nous nourrissent. Ajouter encore des diagnostics et des évaluations serait néfaste, surtout s’il s’agit, pour le Gouvernement, de conditionner l’accès à des aides publiques. Cela pourrait dissuader les agriculteurs de demander l’aide dont ils ont besoin et les pénaliserait, certains facteurs étant souvent hors de contrôle.

Notre objectif doit être de soutenir nos agriculteurs en leur fournissant les outils nécessaires pour relever leurs défis, plutôt que de les accabler de contrôles, qui compliquent encore davantage leur travail quotidien.

M. Jordan Guitton (RN). Dans son avis du 21 mars 2024, le Conseil d’État a noté que la création du diagnostic de l’exploitation agricole « est de nature à contraindre l’exercice de l’activité d’exploitant agricole dans des proportions inédites ». Les agriculteurs s’inquiètent de ce dispositif dont dépendra le versement d’aides, en vertu du principe d’écoconditionnalité.

Qu’ils en soient propriétaires ou locataires, les agriculteurs prennent grand soin de leur terre, pour mieux produire et nous nourrir. Pourquoi leur ajouter des normes ? Ce diagnostic de performance énergétique (DPE) agricole qui ne dit pas son nom ne fonctionne pas dans le monde agricole où il faut s’adapter aux cultures, à la météo, à la géographie, aux plans d’exploitation. Alors qu’avec la nouvelle PAC, il faut pratiquement être expert-comptable pour devenir agriculteur, cet outil de diagnostic de l’exploitation agricole découragera nos futurs agriculteurs. Il vise à une écoconditionnalité pire que les mesures votées par les macronistes et la gauche au Parlement européen, à un Pacte vert qui contraint et pousse à la décroissance agricole, ce qu’au fond, vous souhaitez.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne partage pas du tout votre point de vue. Le diagnostic est très important pour un jeune qui s’installe. J’aurais aimé pouvoir en bénéficier lors de mon installation afin d’adapter mon projet aux réalités du réchauffement climatique ainsi qu’aux conditions économiques et de travail. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression de l’article.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CD574 de M. Jean-Yves Bony, CD175 de M. Vincent Descoeur et CD762 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Jean-Yves Bony (LR). Le groupe Les Républicains partage l’opposition du syndicat majoritaire de la profession à ce diagnostic modulaire uniquement centré sur des critères agroécologiques. À l’issue des manifestations menées par les agriculteurs au début de l’année, le Gouvernement s’était pourtant engagé à ne pas intégrer cette mesure au projet de loi d’orientation agricole. Elle risque en effet de reproduire les effets pervers du DPE en matière de rénovation énergétique des bâtiments alors que d’autres outils existent et que des dispositifs européens sont à l’étude.

Par l’amendement CD574, nous proposons de recentrer le diagnostic sur des critères économiques plus simples, objectifs et mesurables, afin de garantir la transparence souhaitée lors des transmissions ou des installations, facilitant d’autant plus efficacement les transitions dans le secteur agricole.

Mme Christelle Petex (LR). L’amendement CD175 vise à reformuler le contenu et l’architecture globale du diagnostic modulaire. L’analyse à 360 degrés qu’il permet vise à projeter une exploitation vers l’avenir, notamment en informant sur sa capacité à résister au changement climatique et à être reprise par un jeune agriculteur.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CD762 a pour objet de préciser l’ensemble des modules d’évaluation qui composeront le diagnostic – évaluation des conditions de travail en milieu agricole et de leurs conséquences en matière de santé et de sécurité ; évaluation économique incluant des scénarios de restructuration ; évaluation climatique permettant de tester la résilience de l’exploitation ; évaluation des propriétés physiques, chimiques et biologiques, des sols. Il s’agit de donner une vision complète des exploitations agricoles eu égard aux défis humains, environnementaux et économiques que pose le renouvellement des générations.

Mon amendement diffère des deux précédents en ce qu’il intègre l’évaluation de la qualité des sols.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable aux amendements CD574 et CD175. Lorsqu’une personne souhaite s’installer, elle réalise déjà un plan de développement de l’exploitation (PDE) en lien avec la chambre d’agriculture, pour évaluer la viabilité de l’exploitation. Le diagnostic modulaire permettrait de compléter ce plan avec des éléments relatifs à l’adaptation au réchauffement climatique.

J’émets un avis de sagesse sur l’amendement CD762.

La commission rejette les amendements CD574 et CD175.

Elle adopte l’amendement CD762 et l’article 9 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

 

Après l’article 9

 

Amendement CD673 de Mme Anne-Cécile Violland

M. Vincent Thiébaut (HOR). Cet amendement vise à élaborer une méthode d’évaluation des exploitations agricoles ou d’un lot de parts représentatives du capital social en corrélant le prix de vente à la soutenabilité économique pour le repreneur, afin que ce dernier puisse rentabiliser son investissement : il s’agit d’intégrer l’ensemble de l’exploitation ou des parts sociales au barème d’évaluation de la valeur vénale moyenne des terres.

Ce prix, qui ne serait qu’indicatif, contribuera à éclairer l’acheteur et le vendeur avant la transaction. Il pourra évoluer, notamment en intégrant les indications des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; à défaut avis défavorable. Je vous invite à déposer cet amendement après l’article 12, car il mérite d’être examiné par la commission des affaires économiques.

L’amendement est retiré.

 

 

Amendement CD448 de M. Christophe Barthès

Mme Alexandra Masson (RN). Il vise à insérer un article additionnel relatif aux mesures fiscales qui devraient figurer dans une loi d’orientation visant à garantir le renouvellement des générations et la pérennité des exploitations familiales.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD714 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Le présent amendement tend à prévoir l’adoption d’une loi de régulation de l’accès au foncier, avant le 1er mars 2025. La relève des agriculteurs n’aura pas lieu sans une politique foncière juste, or le présent texte ne prévoit aucune disposition pour réguler le marché foncier. Il se contente d’effleurer le sujet en créant les groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). Ce dispositif a réussi à rassembler contre lui tous les syndicats agricoles, car il revient à livrer la terre aux marchés. Depuis plusieurs années, nous réclamons une véritable loi foncière ; en vingt-cinq ans, le prix des terres agricoles a doublé et la taille moyenne des exploitations a augmenté de 30 % ; 50 % des chefs d’exploitation partiront à la retraite dans les dix ans, sans garantie d’être remplacés. Nous devons permettre à une nouvelle génération d’agriculteurs d’accéder à la terre. On ne peut pas promettre une loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture sans l’assortir d’une grande loi foncière visant à réguler le marché, à préserver notre potentiel de production et à garantir des prix décents aux futures générations.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le fond ne me pose pas de problème, toutefois je vous suggère de retirer votre amendement pour le redéposer à l’article 12. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

 

TITRE IV
SÉCURISER, SIMPLIFIER ET LIBÉRER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES

 

Article 13 : Autorisation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance toute mesure permettant d’adapter la répression de certaines atteintes portées à la conservation des espèces et des habitats

 

Amendements de suppression CD334 de M. Loïc Prud’homme, CD393 de Mme Lisa Belluco, CD557 de Mme Marie Pochon et CD774 de Mme Chantal Jourdan

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’article 13 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réviser le régime de la répression des atteintes à l’environnement. En réalité, il s’agit surtout de réduire les peines sanctionnant les atteintes aux espèces végétales et animales, afin de « sécuriser la réalisation de certaines activités humaines, notamment les travaux forestiers et agricoles courants », comme l’explique l’étude d’impact.

Le périmètre de l’habilitation est excessif, qu’il s’agisse des activités ou des infractions concernées. De plus, les sanctions administratives relèvent généralement du préfet, placé sous l’autorité du Gouvernement, tandis que les sanctions judiciaires sont prononcées par un juge impartial et indépendant.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’empilement législatif et réglementaire existe : cette opération de toilettage peut paraître opportune. Cependant, l’article est choquant à plusieurs titres.

D’abord, la moindre des choses pour effectuer un travail de cette ampleur serait de consulter le Parlement ; le texte devrait en réalité être élaboré en son sein. Si les parlementaires ne contribuent pas à réviser la loi, à quoi servent-ils ?

Ensuite, il permet de transformer des sanctions pénales en sanctions administratives, remplaçant le pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif. Cette tendance, plus générale, amène les membres du groupe Écologiste à s’interroger sur votre conception de la séparation des pouvoirs.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’article 13 prévoit d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure de modification ou de suppression d’un large éventail d’infractions relevant du droit pénal de l’environnement ; c’est grave. Depuis vingt-sept mois, les températures sont au-dessus des normes ; les insectes et les oiseaux des champs disparaissent ; les fermetures de captage d’eau potable liées à des pollutions se multiplient : il est urgent, non d’amoindrir le droit pénal de l’environnement, mais de le renforcer, car il protège les citoyens. Dire cela ne porte offense ni aux agriculteurs ni à quiconque. Les dommages environnementaux que certains causent ont toujours des conséquences négatives pour d’autres. Notre agriculture a besoin d’infrastructures fonctionnelles, c’est-à-dire de haies, de cours d’eau et de sols en bon état écologique. Absoudre ceux qui ne respectent pas l’outil de travail collectif qu’est la nature porterait préjudice à tous les agriculteurs, à tous nos concitoyens et à notre souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, ces dispositions ne résoudront pas les problèmes du monde agricole : il faut améliorer les revenus et le partage de la valeur, protéger l’agriculture de la crise géopolitique et de la concurrence déloyale et relever le défi climatique, le plus grand que l’humanité ait jamais affronté. L’étude d’impact indique, sans citer aucune source, que « la menace que font peser ces sanctions est de nature à générer un sentiment de mal-être, voire à dissuader des exploitants individuels de poursuivre leur activité ». Pourtant, selon le ministère de la justice, 18 % seulement des infractions signalées ont fait l’objet de poursuites, contre 46 % pour l’ensemble des infractions, alors que le nombre d’auteurs susceptibles d’être poursuivis est le même.

Bref, cet article est nul et non avenu.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous avons besoin de normes environnementales. Nous devons les protéger, tout en accompagnant les agriculteurs pour effectuer les transformations nécessaires. Pour résoudre leurs difficultés, il faut combattre la concurrence déloyale et défendre un revenu digne.

J’ajoute que l’adoption de cet article pourrait aboutir à amoindrir le rôle de l’Office français de la biodiversité (OFB). Par exemple, sa mission d’enquête serait réduite à néant, faisant peser sur l’environnement et les espèces protégées des risques majeurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je comprends vos réserves. Toutefois, cet article concerne des réglementations qui sont sources d’incompréhensions, de tensions et de crispations sur le terrain, dont les agents de l’OFB notamment font les frais. Les sanctions ne sont pas comprises. La révision tendra à tenir compte de circonstances atténuantes, car le manquement peut être commis en effectuant des activités autorisées ou en remplissant des obligations légales, comme le débroussaillement. L’habilitation prévoit également de définir à la charge des auteurs de manquements des obligations de restauration écologique. Cette disposition, intéressante, possède un potentiel pédagogique.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD449 de M. Christophe Barthès.

Amendement CD394 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement, de repli, vise à supprimer l’alinéa 2 – le plus problématique.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD521 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Toute peine ou mesure de redressement doit respecter le principe de proportionnalité. L’étude d’impact révèle que les sanctions en vigueur, en cas d’atteinte à l’environnement, ne respectent pas toujours cette obligation. Les mesures imposées peuvent être trop sévères au regard des manquements observés. Le principe de non-régression de la protection de l’environnement est très contraignant, pour garantir que les progrès réalisés ne seront pas compromis. Conséquemment, il faut l’appliquer de manière équilibrée et juste, donc éviter les sanctions punitives, qui découragent l’engagement. Aussi le présent amendement vise-t-il à préciser que les obligations de restauration écologique seront « proportionnelles aux manquements constatés ». Cela favorisera une coopération plus constructive entre les acteurs économiques et les autorités de régulation.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 non modifié.

 

 

La réunion est suspendue de zéro heure cinq à zéro heure dix, le mardi 30 avril.

 

 

Article 14 : Simplification du régime de protection des haies

 

Amendement de suppression CD350 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous saluons la création d’un guichet unique, à même de faciliter pour les agriculteurs l’application des procédures relatives aux haies. Cependant, la simplification administrative va trop loin : le dispositif n’est pas assez ambitieux. Les haies sont indispensables et leur déplacement est impossible. Dans les conclusions de notre mission d’information, Hubert Ott et moi-même avons montré qu’une nouvelle haie n’est pas équivalente à une ancienne ; les vieux arbres sont bien plus qualifiés écologiquement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je ne comprends pas votre volonté de supprimer cet article : il définit la haie et en introduit la notion de gestion durable ; il crée un guichet unique et prévoit des mesures de compensation et de replantation. Certes, le dispositif doit être amélioré – j’ai déposé de nombreux amendements en ce sens. Toutefois, l’Afac-Agroforesteries a salué le dispositif, considérant qu’il constituait une très bonne base de travail.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD53 de Mme Pascale Boyer, CD76 de M. Jean-Pierre Taite, CD104 de M. Jean-Yves Bony, CD173 de Mme Delphine Lingemann, CD312 de M. Jean-Luc Fugit et CD639 de M. Vincent Thiébaut

Mme Pascale Boyer (RE). L’amendement vise à restreindre la définition de la haie prévue à l’article 14, en s’appuyant sur celle de la PAC. Il s’agit notamment d’exclure les alignements intraparcellaires et les unités linéaires de végétation ligneuse composées uniquement d’arbres, tandis que le texte n’exclut que les alignements d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique.

Mme Christelle Petex (LR). Il s’agit de clarifier la définition de la haie. Trop large, elle inclut notamment les alignements d’arbres. Nous jugeons plus prudent d’en limiter le champ.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Précisons que ces amendements identiques ont été élaborés par les chambres d’agriculture.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Vous proposez une définition très restrictive, puisqu’elle exclut tous les alignements d’arbres. Très répandus en France, ceux-ci remplissent des fonctions écologiques : il faut les préserver, au même titre que les autres haies. La définition de la haie doit être suffisamment englobante pour assurer la pleine portée du guichet unique. Je défendrai dans un instant les amendements CD797 et CD798 qui visent à élargir la définition aux haies composées d’une seule essence et à exclure les haies situées dans les parties urbanisées d’une commune.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Si ces amendements identiques sont adoptés, les amendements suivants tomberont, jusqu’au CD787.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CD395 de Mme Lisa Belluco, CD790 de Mme Chantal Jourdan, CD797 de Mme Sandrine Le Feur, CD336 de Mme Mathilde Hignet, CD267 de M. Pierre Meurin, CD337 de Mme Manon Meunier, CD798 de Mme Sandrine Le Feur et CD787 de Mme Chantal Jourdan tombent.

 

Amendements CD338 de M. Loïc Prud’homme, CD396 de Mme Lisa Belluco et CD783 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement CD338 vise à définir la gestion durable des haies, conformément à une proposition de l’Afac-Agroforesteries. Je regrette sincèrement la modification qui vient d’être adoptée ; pour minimiser la casse, votons cet amendement. Si nous voulons que les haies atteignent un bon état écologique, il est nécessaire d’en adapter la gestion, en protégeant la biodiversité et en prenant en considération les diverses périodes de l’année. Pour y parvenir, nous avons besoin d’un accompagnement, de conseils : le présent amendement y pourvoit.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement CD396 a le même objet. L’article 14 ne concerne plus désormais que quelques rares haies ; nous pourrions au moins nous mettre d’accord sur la définition de leur gestion durable, nécessaire au contrôle.

Mme Chantal Jourdan (SOC). À mon tour, je regrette l’adoption des précédents amendements identiques.

L’amendement CD783 vise également à introduire la notion de bon état écologique des haies. Grâce à une gestion durable, qui en est la condition, elles rendent les nombreux services systémiques que l’on sait. Ceux-ci sont essentiels pour atteindre nos objectifs d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets. Nous proposons de les énumérer dans le texte.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage votre peine. Il est vraiment dommage que ce soit notre commission qui restreigne la définition de la haie.

Par ailleurs, je vous suggère de retirer vos amendements, au profit des CD800 et CD805, que je défendrai par la suite ; ils les satisfont, en prévoyant de définir par décret les critères d’une gestion durable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD800 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un des amendements annoncés. Il vise à préciser la notion de multifonctionnalité, introduite à l’alinéa 5, en énumérant les bénéfices écologiques de la haie : « protection de la biodiversité, protection de l’eau et des sols, stockage de carbone et production de biomasse ».

M. le président Jean-Marc Zulesi. On pourrait ajouter qu’elle façonne le paysage.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD268 de M. Pierre Meurin

M. Antoine Villedieu (RN). Chacun connaît le rôle indispensable des haies : elles protègent les terres et les cultures du vent et des intempéries et contribuent à une meilleure absorption de l’eau en limitant le ruissellement ; en cas de sécheresse, elles assurent de l’ombre, protégeant les cultures et les animaux ; elles offrent un habitat aux insectes pollinisateurs et constituent une réserve de biodiversité. Elles font partie de notre patrimoine.

Les haies sont pourtant gravement menacées. Depuis le remembrement des années 1950, elles ont été détruites à 70 %. Chaque année, environ 23 500 kilomètres de haies disparaissent en France ; s’il en reste 750 000 kilomètres, elles ne sont pas toujours considérées comme un atout, en particulier lorsqu’il s’agit de vendre des terrains agricoles. Le présent amendement tend donc à en parfaire la définition en complétant l’alinéa 5 par la phrase : « Les haies valorisent le foncier agricole. »

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD775 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement vise à définir la gestion durable des haies en énumérant des critères permettant d’atteindre leur bon état écologique : « une continuité dans le temps des étages de végétation, une largeur minimale de houppier […], ainsi que le maintien d’une emprise ligneuse au sol minimale ».

L’amendement tend également à établir une certification de la gestion durable des haies. Leur gestion à des fins de prélèvement de biomasse, par exemple, peut en effet accélérer leur disparition. La certification fournirait des garanties aux acheteurs ou financeurs potentiels, notamment dans le cadre de commandes publiques.

La gestion durable de la haie accroît sa valeur économique ; elle peut constituer une source de revenu pour l’agriculteur, ainsi incité à considérer ses haies comme un atout et à les préserver.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous demande de le retirer au profit de ceux que je vais défendre : je propose de définir ces critères par décret.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD708 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’objet de cet amendement est de favoriser la valorisation économique de la haie, grâce à une gestion durable, afin qu’elle ne soit plus considérée comme une contrainte dans les exploitations agricoles, mais comme un atout.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD339, CD341 et CD340 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par ces trois amendements, l’État se fixerait comme objectifs la sanctuarisation des haies et l’installation de 300 000 paysans supplémentaires en dix ans, afin de préserver le système bocager et de favoriser la gestion durable des haies. L’intensification et l’industrialisation de notre modèle agricole, ainsi que l’agrandissement des parcelles, que les politiques publiques promeuvent depuis plusieurs décennies, sont à l’origine de la disparition des haies : 70 % d’entre elles ont été détruites depuis les années 1950. La corrélation entre la chute du nombre d’actifs agricoles et celle du nombre de kilomètres de haies est évidente. Il faut sanctuariser les haies, ce qui implique l’installation de nombreux paysans et paysannes pour les entretenir.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Pour moi, il s’agit d’amendements d’appel. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD342 de Mme Mathilde Hignet

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement CD342 vise à faire en sorte que chaque exploitation agricole comprenne au moins 4 % de surfaces en infrastructures agroécologiques. Nous déplorons le détricotage, avec le soutien du Gouvernement, de la politique agricole commune, et les nombreux reculs en matière environnementale. L’obligation d’avoir 4 % de surfaces agroécologiques disparaît, puisque désormais les États pourront choisir de soutenir ou non cette disposition, or il est impératif de maintenir ces surfaces.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La PAC prévoit et encadre les dispositions concernées.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD700 de Mme Chantal Jourdan et CD404 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CD700 vise à intégrer aux gestionnaires de haies les gestionnaires de voirie et d’infrastructures ferroviaires, notamment, afin que tous les acteurs concernés prennent part au changement de pratiques dans ce domaine. Les haies se situent à l’interface de voiries, de lignes électriques et de fibres optiques, ce qui implique une coresponsabilité de leur gestion durable. Nous connaissons des exemples malheureux de très mauvais traitements infligés aux haies, notamment lors de l’installation aérienne précipitée de la fibre, qui a engendré des détériorations irrémédiables dans de nombreuses communes rurales. L’implantation de la fibre ne doit pas s’effectuer au détriment des services aux écosystèmes que rendent les haies.

Malgré tout, il est possible d’impliquer les gestionnaires concernés dans le changement de pratiques ; certains territoires en offrent des exemples. Sur le principe de la gestion différenciée des espaces verts, certaines communes ont arrêté le passage récurrent de l’épareuse et du lamier : coûteux, il dégrade les haies. Elles ont instauré une gestion durable des haies des bords de route communale, en formant les agents techniques et en signant des conventions avec les agriculteurs. Elles valorisent le bois issu des haies en l’utilisant pour leurs chaudières, diminuant considérablement leurs charges énergétiques.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Alors que les agriculteurs sont parfois pointés du doigt pour la disparition des haies, les gestionnaires de voirie, notamment les collectivités, la SNCF et les opérateurs de télécommunications y participent également. Ils ont la responsabilité d’importants linéaires de haies, qui sont parfois dégradés. Nous avons tous vu dans nos circonscriptions des linéaires coupés pour installer la fibre, par exemple. Si nous voulons protéger les haies, il faut inciter ces acteurs à les préserver. L’amendement vise donc à prévoir que les gestionnaires de voirie, d’infrastructures ferroviaires et de réseaux se dotent d’un plan d’action pour la gestion durable des haies sur lesquelles ils interviennent.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable à l’amendement CD700 et défavorable au CD404.

La commission adopte l’amendement CD700.

En conséquence, l’amendement CD404 tombe.

 

Amendements identiques CD799 de Mme Sandrine Le Feur, CD343 de Mme Aurélie Trouvé, CD397 de Mme Lisa Belluco et CD674 de Mme Chantal Jourdan

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser que la destruction de haie concerne non seulement l’arrachage, mais aussi toute technique dégradant significativement son état et empêchant durablement sa pousse – broyage, abroutissement répété des repousses, coupe à blanc notamment.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). On pense souvent à l’arrachage, mais de nombreuses techniques d’entretien dégradent les haies, parfois jusqu’à les détruire. Il s’agit donc de préciser que la destruction des haies désigne leur arrachage ou l’utilisation de techniques portant atteinte à leurs services écosystémiques. Nous sommes là pour défendre tous leurs bienfaits écologiques : protection de l’eau, des sols et de la biodiversité, lutte contre l’érosion, stockage de carbone et production de biomasse.

J’ajoute que les contrôles sont très insuffisants : les agents de l’OFB et des directions départementales manquent de temps, donc de moyens humains. C’est là un autre enjeu essentiel pour préserver les haies.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CD399 de Mme Lisa Belluco et CD648 de Mme Chantal Jourdan

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement CD399 vise à garantir l’instruction des déclarations préalables à la destruction de haies, afin de mieux protéger ces dernières. L’article 14 simplifie considérablement la procédure ; son adoption entraînera une multiplication des demandes. Si l’autorité administrative doit toutes les instruire, le risque est grand qu’elle ne puisse y parvenir dans les délais impartis, et de nombreuses autorisations seront accordées par défaut, faute de temps. Il faut allonger le délai.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable mais d’autres amendements concerneront le même sujet.

M. le président Jean-Marc Zulesi. S’ils étaient adoptés, les suivants tomberaient, jusqu’au CD345.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CD344 de Mme Mathilde Hignet, CD803 de Mme Sandrine Le Feur et CD400 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Le texte prévoit que le délai dont l’autorité administrative disposera pour s’opposer à un projet de destruction de haie sera fixé par décret. L’amendement CD344 vise à préciser dans la loi qu’il sera de deux mois, afin d’éviter qu’il ne soit trop court.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD803 a le même objet mais vise un délai qui « ne peut être inférieur à deux mois ». Je préfère cette rédaction.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement CD400 propose une troisième rédaction, dans laquelle le délai « n’est pas inférieur à deux mois ». Vous choisirez la plus élégante !

L’amendement CD344 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD803.

En conséquence, l’amendement CD400 tombe.

 

Amendement CD345 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Par cet amendement, l’absence de réponse vaudrait opposition au projet de destruction. Il s’agit d’une proposition de l’Afac-Agroforesteries.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’amendement que nous venons d’adopter évitera une absence de réponse par manque de temps.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je soutiens l’amendement. Deux mois ne suffisent pas toujours pour instruire les demandes d’autorisation. Ce texte, qui sera probablement voté, simplifie fortement la procédure : on peut s’attendre à un afflux de demandes dès la promulgation de la loi. Les services concernés risquent de ne pas pouvoir les examiner en deux mois, entraînant de nombreuses autorisations par défaut. Il s’agit d’une mesure de protection. J’ajoute que le préfet peut prolonger le délai pour laisser le temps aux services de procéder à l’instruction : l’adoption de l’amendement n’entraînera pas un rejet automatique au bout de deux mois.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD646 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Issu d’une proposition de l’Afac, l’amendement vise à préciser les règles d’autorisation relatives à tout projet de destruction d’une haie. Le texte prévoit que l’autorité administrative pourra simplement indiquer que le projet est soumis à autorisation ; l’amendement tend à l’obliger à instruire le dossier et à vérifier s’il relève du régime d’autorisation. L’intention est de sécuriser les agriculteurs s’agissant des procédures applicables, afin d’éviter qu’on puisse par la suite leur reprocher des manquements.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je défendrai dans un instant l’amendement CD804 qui vise à préciser que le délai ne peut être inférieur à deux mois, mais je ne soutiens pas l’ajout d’un critère de gravité.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD346 de M. Loïc Prud’homme et CD804 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD804 vise à préciser que l’administration disposera d’un délai qui ne peut être inférieur à deux mois pour indiquer au demandeur que son projet est soumis à une procédure d’autorisation. Je vous demande donc de retirer l’amendement CD346 à son profit.

L’amendement CD346 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD804.

 

Amendements CD401 de Mme Lisa Belluco et CD347 de Mme Aurélie Trouvé (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Le texte pourrait créer un effet d’aubaine, incitant certains demandeurs à détruire des haies par petits bouts, pour toujours rester sous le seuil d’autorisation. L’amendement CD401 vise donc à soumettre au régime d’autorisation tout dossier déposé moins de cinq ans après une précédente demande.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je comprends votre intention mais je doute que les cas visés soient si nombreux. Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD642 de Mme Chantal Jourdan

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il est satisfait par l’adoption du CD804.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD808 de Mme Sandrine Le Feur et CD402 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD808 vise à ajouter au dispositif trois réglementations : l’autorisation de défrichement, le régime relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et celui des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA).

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement CD402 a le même objet mais il ajoute l’autorisation de porter atteinte à une allée ou à un alignement d’arbres.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous demande de le retirer au profit du CD808, puisque nous avons exclu les alignements d’arbres des haies.

La commission adopte l’amendement CD808.

En conséquence, l’amendement CD402 tombe.

 

Amendement CD39 de M. Vincent Descoeur

M. Jean-Yves Bony (LR). Le présent amendement vise à autoriser la taille des haies pendant la période d’interdiction, entre le 16 mars et le 15 août, dans deux cas : premièrement, lorsqu’il est nécessaire de maintenir visibles les réseaux d’énergie ou de communication, ou de rétablir un accès au service après une coupure ; deuxièmement, en raison de catastrophe naturelle ou de cas de force majeure.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La réglementation en vigueur ne prévoit pas les cas que vous évoquez, et vous n’en définissez pas les conditions.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD407 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 25, qui prévoit une dérogation au régime unique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD408 et CD409 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La priorité est d’éviter les atteintes à l’environnement, puis de les réduire, et, seulement lorsque cela n’a pas été possible, de les compenser. On parle de séquence « éviter, réduire, compenser », ou ERC. Malheureusement, l’article 14 n’évoque que la dernière éventualité, la compensation de la haie détruite. Je défendrai donc plusieurs amendements tendant à inscrire le présent article dans la logique de la séquence ERC.

L’amendement CD408 vise à préciser que tout projet de destruction de haie doit la respecter ; à augmenter la compensation, afin qu’elle soit au moins proportionnelle à l’incidence, avec la plantation d’un linéaire au moins égal au double de celui détruit ; à fixer des prescriptions complémentaires nécessaires à la compensation ; à obliger le demandeur à solliciter un conseil avant de détruire une haie.

L’amendement CD409, de repli, tend à fixer un seuil de compensation moins élevé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous demande de les retirer, au profit du CD802 qui suit. Il évoque la séquence « éviter, réduire, compenser ».

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CD802 de Mme Sandrine Le Feur, CD640 de Mme Chantal Jourdan, CD628 de Mme Angélique Ranc, CD349 de Mme Manon Meunier et CD586 de M. Jean-Yves Bony (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD802 vise à inscrire tout projet de destruction de haie dans la logique ERC.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Si l’un des amendements de la discussion commune est adopté, les suivants tomberont, jusqu’au CD454.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’objet de l’amendement CD640 est le même. Il vise à définir des exigences de compensation. Il ne s’agit pas de prévoir une stricte équivalence mais un remplacement à la hauteur des destructions accomplies.

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement CD628, proposé par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), a pour objet d’éviter l’application systématique du principe de compensation environnementale en cas de destruction de haie. Il s’agit d’une contrainte forte pour les agriculteurs, qui attendent toujours les simplifications normatives promises par le Gouvernement, dans ce domaine notamment.

En cas de risque ou de danger pour l’environnement ou la biodiversité, une compensation environnementale est déjà prévue. Nous proposons donc de rédiger ainsi l’alinéa 26 : « Art. L. 412‑25. – Toute destruction de haie est subordonnée à des mesures de replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit, hors dérogation. »

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). En France, la séquence « éviter, réduire, compenser » est quasi exclusivement réduite à « compenser ». Depuis des années, la destruction des haies est massive. Je le répète, déplacer des haies n’est pas équivalent à les conserver. Dans le cadre de la mission d’information déjà citée, nous avons interrogé M. Alexandre Boissinot, ingénieur écologue à la réserve naturelle régionale du bocage des Antonins. Il a souligné qu’il était urgent de conserver l’existant et a notamment cité l’exemple des arbres « têtards » – leur nom diffère selon les régions –, éléments typiques des anciennes haies bocagères dans les paysages agricoles : leurs troncs creusés et leurs cavités sont d’importants réservoirs de biodiversité et ils jouent un rôle tampon majeur dans le cadre du changement climatique.

M. Jean-Yves Bony (LR). L’amendement CD586 vise à préciser le périmètre d’application de l’article et à prévoir une marge d’interprétation pour la compensation attendue, notamment s’agissant d’obligations légales pour lesquelles il serait inadapté de prévoir une compensation intégrale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer vos amendements au profit du CD802, sinon j’émettrai un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CD802.

En conséquence, les amendements CD640, CD628, CD349 et CD586 tombent, ainsi que les amendements CD412 de Mme Lisa Belluco, CD467 de M. Nicolas Ray, CD115 de M. Emmanuel Maquet et CD454 de M. Nicolas Ray.

 

Amendement CD522 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Initialement, l’article 14 visait à simplifier le régime s’appliquant aux haies, qui sont un élément essentiel de notre paysage rural et de notre biodiversité. Or sa rédaction introduit une complexité inutile, en donnant à l’autorité administrative compétente le pouvoir d’imposer des prescriptions, y compris de manière répétée si les premières ne sont pas respectées. Cette approche peut entraîner une prolifération de prescriptions administratives susceptibles de rendre les interventions sur les haies plus complexes et plus onéreuses, donc la gestion de haies plus contraignante, ce qui est contraire à notre intention de simplification et d’efficacité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD636 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de préciser la nature de la compensation admise en cas de destruction d’une haie et le rôle de l’autorité administrative en matière de prescription. En premier lieu, on doit éviter la destruction, mais si ce n’est pas possible, la compensation doit être à la hauteur. On sait que les effets sur l’environnement se font sentir pendant trente ans ; la compensation doit être proportionnée.

En second lieu, il s’agit d’insister sur l’importance de protéger les ressources d’eau. Une destruction de haie a des conséquences sur la rétention et sur la circulation de l’eau.

Enfin, l’amendement vise à imposer, avant la destruction, le recours à un technicien haie-bocage-agroforesterie, afin qu’il fournisse les conseils à même de réduire au maximum l’incidence sur l’environnement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable au fait de rendre obligatoire le conseil ; une telle mesure serait difficilement applicable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Votre avis m’étonne. Le conseil en agroforesterie permet justement de modifier le regard que les agriculteurs portent sur les haies. Beaucoup sont conscients qu’on en détruit trop, mais ils ne savent pas comment les gérer. Le conseil est essentiel pour connaître leurs propriétés, leur intérêt pour l’exploitation agricole et pour assurer une bonne gestion, condition d’une valorisation économique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD415 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous proposons de fixer d’office des prescriptions complémentaires et de prendre en compte celles qui sont relatives aux ICPE ainsi que la gestion équilibrée de la ressource en eau.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD823 de M. Antoine Villedieu.

 

Amendement CD413 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il prévoit de rendre obligatoire – et non facultative comme dans la rédaction actuelle – la sollicitation d’un conseil préalable avant l’opération d’arrachage et de replantation de haies.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD414 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il s’agit de prévoir un contrôle des haies replantées par compensation pendant une période de dix ans, afin de s’assurer que la replantation est effective. Le contrôle et le suivi doivent se faire sur une durée importante, le temps que la haie atteigne un niveau de maturité minimale. Je suis disposée à discuter des seuils proposés : peut-être faut-il un suivi trimestriel ou biennal plutôt qu’annuel, sur une période de cinq ou quinze ans plutôt que dix ans ? Quoi qu’il en soit, un suivi est nécessaire ; à défaut, les haies détruites ne seront probablement même pas remplacées.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait au profit de mes amendements CD807, CD806 et CD805 : je suis d’accord avec vous sur le fond, mais je demande que ces précisions fassent plutôt l’objet d’un décret.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CD416 de Mme Lisa Belluco et CD633 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de préciser et de compléter le contenu du décret d’application relatif au régime des haies. L’enjeu est ici de disposer d’une grille simple, solide et homogène, permettant d’évaluer l’ensemble des aspects qui entourent la destruction d’une haie. Le décret devrait également préciser les modalités de contrôle des opérations.

Mme Sandrine Le Feur (RE). Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD807 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il vise à inclure dans le décret en Conseil d’État, la définition des moyens dont disposent les services instructeurs pour évaluer les impacts environnementaux des projets de destruction de haie.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD806 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il poursuit l’objectif de rendre le dispositif de compensation opérationnel et effectif. Il prévoit que le décret définisse des modalités de suivi, d’évaluation et de contrôle des haies qui auront été replantées par compensation.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD822 de Mme Angélique Ranc et CD251 de Mme Sylvie Bonnet tombent.

 

Amendement CD805 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Si la gestion durable est mentionnée dans l’article, la notion n’est pas précisée. Lors de son audition, le ministère de la transition écologique a évoqué la possibilité de le faire par décret. Le présent amendement prévoit ainsi de préciser les critères et les modalités pour atteindre une gestion durable et le bon état écologique d’une haie par décret en Conseil d’État.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant les avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CD616 de Mme Chantal Jourdan et CD105 de M. Jean-Yves Bony

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 modifié.

 

 

Après l’article 14

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD425 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendement CD406 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il prévoit un crédit d’impôt pour les exploitations agricoles bénéficiant de la certification de gestion durable des haies, afin de remédier au caractère peu incitatif des aides publiques existantes. On pourrait d’ailleurs envisager d’autres mesures qu’une incitation fiscale. Ce projet de loi ne comportant aucune mesure fiscale, cet amendement nous permettra au moins d’en discuter en séance.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il existe déjà un dispositif similaire qu’il faudrait plutôt renforcer.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD429 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendements CD405 de Mme Lisa Belluco et CD594 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il s’agit de mentionner explicitement la préservation des haies dans le code de l’urbanisme, à l’échelle de ses principes généraux, des plans locaux d’urbanisme et des schémas de cohérence territoriale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable : les haies peuvent être classées et protégées dans le cadre des plans locaux d’urbanisme (PLU).

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD351 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous proposons que l’État expérimente la création de paiements pour services environnementaux (PSE) spécifiques pour soutenir l’élevage pâturant, qui participe à la préservation du système bocager et favorise la gestion durable des haies.

La sociologue Catherine Darrot a conduit une étude sur Breizh bocage 1 et Breizh bocage 2, des programmes de sauvegarde du bocage impulsés par la région Bretagne. Elle en a conclu que « l’avenir du bocage semble étroitement subordonné à l’avenir des systèmes d’élevage pâturant ».

La préservation et la reconstitution de notre système bocager nécessitent de sortir de l’agriculture industrielle et de reconstruire un maillage d’exploitations en élevage paysan, surtout en polyculture-élevage, équitablement réparties sur l’ensemble du territoire et privilégiant autant que possible le recours au pâturage. L’entretien des haies et le développement de l’élevage pâturant demandent du temps, de l’argent et des agriculteurs en nombre suffisamment important. D’où notre proposition.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable : une expérimentation sur les PSE est déjà en cours depuis 2020, dans le cadre du plan « biodiversité ».

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 15 : Contentieux de certaines décisions en matière agricole

 

Amendements de suppression CD359 de Mme Manon Meunier, CD432 de Mme Lisa Belluco et CD590 de Mme Chantal Jourdan

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous demandons la suppression de cet article qui vise à accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation d’élevage.

Tout d’abord, il est nécessaire de souligner le périmètre très large de cette disposition : elle concernera toutes les installations, ouvrages, travaux ou activités dans le domaine de l’eau qui ont une finalité agricole, sylvicole, aquacole ou d’élevage, ainsi que toutes les ICPE d’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, et de pisciculture.

Accélérer la procédure contentieuse contre des projets agroindustriels va favoriser leur implantation aux dépens de l’élevage de plein air et de l’agriculture paysanne, tout en instaurant une concurrence déloyale au sein même de notre pays. Néfaste pour l’environnement, ce nouveau régime contentieux ne contribue pas non plus à simplifier le droit. Dans son avis, le Conseil d’État considère que « la multiplication de règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d’ensemble des règles applicables au contentieux administratif. »

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous voulons supprimer cet article qui vise à accélérer la construction de mégabassines et d’élevages industriels. Tel est malheureusement le cap que fixe le Gouvernement pour notre agriculture : des trous remplis de millions de mètres cubes d’eau pompée dans les nappes pour le bénéfice de quelques irrigants ; des animaux entassés dans des hangars et engraissés en vue d’une rentabilité maximale.

Pourquoi vouloir accélérer les procédures, réduire les possibilités de contentieux et déroger au droit de l’environnement pour ce type d’installations ? Personne ne veut de cette agriculture, hormis les industriels. Comme vous ne réussissez pas à construire du consensus autour de ces projets mortifères, vous voulez les imposer.

Cet article pose aussi problème sur le plan juridique. Si je dois défendre mes amendements de repli, ce que je n’espère pas, je me contenterai de citer le Conseil d’État. En l’occurrence, le Conseil d’État prévient que cette nouvelle procédure va ralentir les délais d’instruction. Comme le référé sera possible dans un temps resserré, tous les requérants auront tendance à y recourir très rapidement. Les désaccords se régleront par la voie judiciaire et non par la médiation. En définitive, vous faites une fausse promesse, même aux irrigants et aux éleveurs industriels. On ne pouvait pas faire pire : vous allez aggraver les tensions existantes sans satisfaire personne.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je comprends les réserves qui sont exprimées concernant cet article qui répond toutefois à un besoin : les recours multiples et de plus en plus fréquents contre les projets agricoles peuvent allonger considérablement les délais de procédure et génèrent de l’incertitude pour les porteurs de projet. L’étude d’impact montre que la durée moyenne entre l’obtention d’une autorisation environnementale « loi sur l’eau » et la décision juridictionnelle finale serait en moyenne de quatre ans et six mois.

Soulignons que les recours les plus conflictuels, portant sur les « ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines », sont exclus du champ de l’article. En outre, les dispositions introduites ne sont pas nouvelles et s’inspirent notamment du code de l’urbanisme et du code de l’environnement concernant les autorisations environnementales.

Cela étant, j’ai déposé deux amendements visant à favoriser des procédures plus sereines et apaisées, et à pacifier les relations entre les parties. Ils peuvent constituer un apport essentiel de la commission concernant cet article.

J’émets un avis défavorable sur les amendements de suppression.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD360 de Mme Clémence Guetté et CD441 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous souhaitons la mise en place d’un moratoire sur le déploiement des mégabassines qui constituent un accaparement de la ressource en eau au détriment de la majorité des usagers et des agriculteurs. Les mégabassines vont alimenter des productions très gourmandes en eau, notamment les productions céréalières, majoritairement destinées à l’élevage industriel ou à l’export, au détriment des maraîchers et des plus petites exploitations. Elles profitent à des structures non représentatives de la diversité des exploitations et des pratiques agricoles. Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS, explique ainsi que, dans le sud des Deux-Sèvres, les bassines vont profiter à 7 % des agriculteurs, majoritairement producteurs de maïs, laissant les autres sans solution.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Pour accélérer réellement les procédures liées aux mégabassines, cet amendement propose une méthode révolutionnaire : interdire purement et simplement ces équipements. Finis, les procédures et les recours ! Nous serions beaucoup plus tranquilles et nous libérerions du temps pour les services administratifs. Vous n’avez pas l’air d’être pas d’accord, mais il me semble que nombre d’entre vous n’ont pas étudié le sujet.

Ces bassines sont remplies par de l’eau pompée dans les nappes et non par de l’eau en excès ; elles amplifient la surconsommation d’eau ; elles ne servent qu’à une infime minorité de paysans – rappelons que seulement 4 % de la surface agricole utile est irriguée en France ; elles privent les autres paysans d’accès à l’eau ; elles sont financées par des dizaines de millions d’euros d’argent public. Pour toutes ces raisons, et il y en aurait bien d’autres, il faut interdire la construction de bassines – pardon, de réserves de substitution –, et démanteler celles déjà construites. Voilà de quoi accélérer les procédures.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD433 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). En défense de cet amendement de repli, je vais me référer une nouvelle fois à l’avis du Conseil d’État. Certes les aménagements des procédures prévues s’inspirent du code de l’urbanisme, mais ils vont bien au-delà : les mesures envisagées couvrent toutes les décisions en principe nécessaires à la réalisation des projets mentionnés, quelles que soient les législations concernées. En outre, le projet de loi innove en prévoyant que l’introduction d’un recours contre l’une de ses décisions entraîne la suspension de plein droit de la durée de validité de toutes les autres, qu’elles soient antérieures ou postérieures à la décision attaquée. Le Conseil d’État rappelle que les dérogations ne peuvent être admises que si elles sont accordées en fonction de critères objectifs, ce qui ne semble pas être le cas.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD224 de M. Philippe Schreck

Mme Alexandra Masson (RN). Nous proposons de supprimer la mention « à l’exclusion des ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines » dans l’alinéa 6 de l’article.

Il n’y a pas lieu d’exclure les retenues de substitution alimentées par pompage dans les nappes souterraines pour plusieurs raisons. D’une part, il est contraire au principe de bonne administration de la justice de multiplier les régimes et sous-distinctions dans les régimes. D’autre part, accélérer la résolution d’un contentieux en fonction du mode d’alimentation de ces ouvrages apparaît difficile au regard du temps d’instruction nécessaire au juge pour déterminer l’éligibilité du dossier à cette procédure. Enfin, un dossier présentant un mode de remplissage mixte eaux de surface et eaux souterraines pourrait être éligible alors même que la part en eaux de surface, voire en eaux de précipitations, serait limitée. Le caractère discriminant n’apparaît pas fondé, considérant les lacunes de l’étude d’impact sur ce point.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD225 de M. Philippe Schreck

Mme Alexandra Masson (RN). Dans ce même alinéa 6, nous proposons de remplacer « principal » par « exclusif ».

Compte tenu du risque de détournement, voire de dévoiement, de la procédure accélérée à d’autres fins que l’agriculture, mais sous couvert d’un projet agricole, il y a lieu de réserver la procédure créée par l’article 15 aux seuls projets à vocation agricole et exclusivement aux usages agricoles.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD435 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer l’alinéa 7.

L’article 15 présente de nombreux risques, notamment d’inconstitutionnalité. Dans son avis, le Conseil d’État rappelle que « les dérogations au régime contentieux de droit commun ne peuvent être admises que si elles sont fondées sur des critères objectifs, en rapport direct et proportionné avec le but poursuivi, et si elles assurent des garanties égales aux justiciables, afin de respecter notamment le principe constitutionnel d’égalité devant la justice et l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ».

Il est inutile de modifier ou d’accélérer la procédure. Citons encore le Conseil d’État : « L’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières en ce qui concerne le contentieux de ces projets, notamment en termes de délais de jugement ou de complexité, et se borne à anticiper une hausse du nombre des recours. Le recensement effectué par le Conseil d’État révèle, par ailleurs, que les projets visés ne représentent qu’une part extrêmement limitée des affaires en cours d’instruction devant les tribunaux administratifs. »

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD684 de Mme Hélène Laporte

Mme Alexandra Masson (RN). L’article 15 prévoit un aménagement des règles du contentieux administratif relatif à la création de bâtiments d’élevage. Pour des raisons difficilement explicables, sont exclues du dispositif deux filières d’excellence françaises : la filière ovine, qui représente 34 500 exploitations allaitantes et laitières sur l’ensemble du territoire, et la filière caprine, qui compte près de 6 000 élevages. Pour l’une et l’autre de ces filières, la France se place en quatrième position au sein de l’Union européenne.

Alors que les élevages de chèvres et de brebis laitières contribuent au fort dynamisme des exportations de fromages français dans le monde, la production de viande ovine connaît des difficultés considérables, qui se traduisent par la perte de 65 % du cheptel au cours des vingt dernières années. Ces deux filières méritent un plein soutien législatif et que leur exclusion du champ de l’article, dépourvue de toute justification apparente, soit reconsidérée. C’est pourquoi, à l’alinéa 7, après le mot « bovins », nous souhaiterions que soient insérés les mots « d’ovins, de caprins ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les représentants de la Fédération nationale ovine (FNO) que j’ai auditionnés ne m’ont pas fait part de leur besoin d’être intégrés au dispositif prévu à cet article.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD356 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CD230 de M. Philippe Schreck

Mme Alexandra Masson (RN). Afin de simplifier et d’uniformiser la procédure contentieuse accélérée que crée l’article 15, il apparaît pertinent que celle-ci concerne non seulement la dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, mais également les mesures conservatoires – qui peuvent faire obstacle à un projet agricole – visées au 7° du même article. Dans la mesure où les agriculteurs font face à un système de contentieux administratif complexe, il convient de faciliter le plus possible leurs démarches.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD229 de M. Philippe Schreck

Mme Alexandra Masson (RN). Toujours pour simplifier et uniformiser la procédure particulière créée, il convient que le juge puisse statuer sur l’évaluation des incidences Natura 2000, mais aussi sur les mesures compensatoires afférentes, qui relèvent de la même procédure, prévue aux VI et au VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement.

Il serait dommageable, tant pour l’agriculteur concerné que pour la bonne administration de la justice, qu’un projet agricole relevant de l’article 15 puisse être bloqué au motif que les mesures conservatoires, pourtant prévues dans le cadre de l’évaluation, dépendent d’un autre régime juridique, et ce d’autant que le Conseil d’État a alerté le législateur sur le fait « qu’il ne peut être exclu que les pouvoirs de régularisation du juge, appliqués à une pluralité de décisions successives, soient sources de complication et d’allongement des procédures ».

Ainsi, les mesures conservatoires prises par l’autorité compétente, lorsque celle-ci autorise qu’il soit porté atteinte aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000, devraient pouvoir être validées ou non dans le cadre la même procédure contentieuse accélérée introduite par le présent article.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD440 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il vise à supprimer les alinéas 20 à 24. L’article 15 a beaucoup inspiré le Conseil d’État, qui lui a consacré deux pages de son avis. Il relève notamment que ce projet de modification législative n’a pas fait l’objet d’une évaluation ex ante, à laquelle nous sommes toutes et tous attachés dans cette commission, du moins je le présume. Je le cite : « les aménagements contentieux qu’il est proposé d’apporter à la procédure de droit commun n’ont pas fait l’objet d’une évaluation, notamment quant à l’intérêt qu’il y aurait à les appliquer au-delà du champ des autorisations d’urbanisme et des autorisations environnementales ».

En outre, l’article L. 181-18 du code de l’environnement, sur lequel le dispositif est en partie calqué, n’est en vigueur que depuis un an dans sa version actuelle. Sa pertinence n’est donc pas démontrée ex post.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD228 de M. Philippe Schreck, CD348 de Mme Aurélie Trouvé et CD443 de Mme Lisa Belluco

Mme Alexandra Masson (RN). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 25. Outre l’inutilité flagrante de cet alinéa, rappelons que la cristallisation des moyens, qui peut être prononcée au titre de l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, relève du domaine réglementaire et ne saurait donc être soulevée dans un texte législatif. À cet égard, le Conseil d’État a précisé que l’ordonnance de cristallisation des moyens que peut prendre le juge administratif « est limitée à l’instance pendante devant la juridiction à laquelle il appartient » et que cette ordonnance « perd son objet et cesse de produire ses effets avec la clôture de l’instruction dans le cadre de cette instance ». Ainsi, en cas d’appel, « l’usage fait en première instance de la faculté prévue par l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative est sans incidence sur la recevabilité des moyens que peuvent soulever les parties à l’appui de leurs conclusions d’appel ».

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Dans son avis, le Conseil d’État note que « la multiplication des règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d’ensemble des règles applicables au contentieux administratif qui, à rebours des objectifs recherchés de simplification et de clarté de la norme, se complexifie au détriment de l’égalité entre les citoyens et de la bonne administration de la justice, sans pour autant aboutir à une véritable accélération des procédures contentieuses ». Ainsi, alors que l’article 15 est censé apporter une simplification, il aboutira en réalité à une complexification des recours juridiques et ne permettra en rien d’accélérer les procédures contentieuses.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CD445 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement de repli vise à donner davantage de temps au juge des référés pour statuer, en portant d’un à trois mois le délai dont il dispose.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le juge des référés est un juge de l’urgence, qui statue dans un délai très court, compris entre quarante-huit heures et un mois. Le délai prévu au présent article ne me paraît donc pas trop restreint.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD796 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il vise à développer le recours à la médiation entre les parties, afin de favoriser le règlement précoce et à l’amiable des litiges. Le dispositif ici proposé prévoit que le juge des référés peut organiser une telle médiation pour les litiges relevant du présent article, pourvu que les deux parties soient d’accord.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD357 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CD446 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). S’agissant d’abord du juge des référés, qui est effectivement un juge de l’urgence, le raccourcissement des délais va mécaniquement conduire les justiciables à se tourner vers lui. Nous allons ainsi surcharger le juge des urgences de procédures inutiles, alors que cet article est censé apporter une simplification.

Quant à cet amendement CD446, il vise à n’appliquer la disposition prévue à l’alinéa 29 qu’à compter du 1er janvier 2027, et non dès la publication de la loi.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD819 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). À l’instar du précédent, cet amendement vise à repousser la date d’application de la disposition prévue à l’alinéa 30.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD358 de Mme Aurélie Trouvé

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement vise à ne pas appliquer les dispositions prévues à l’article 15 aux litiges en cours, au nom du principe de non-rétroactivité des lois et du respect des droits acquis. Le droit administratif français, adhérant aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, garantit que les règles applicables soient celles en vigueur au moment où les faits ont lieu. Appliquer rétroactivement des dispositions accélérant les procédures de contentieux pourrait compromettre le droit des parties à un procès équitable, en altérant les conditions dans lesquelles elles ont choisi de contester ou de défendre une décision administrative.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le principe de non-rétroactivité n’est constitutionnel qu’en matière pénale.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD820 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendement CD801 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il vise à ce que l’étude d’impact ne soit plus directement financée par le porteur de projet, car ce lien altère la confiance en l’objectivité des informations et des analyses qui y figurent. L’amendement tend ainsi à prévoir les modalités de financement des études d’impact par un organisme tiers présentant des garanties d’indépendance. J’insiste, une telle mesure vise à apaiser les tensions sur le terrain et à faire en sorte que les études d’impact ne soient pas sans cesse remises en cause.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD629 de Mme Angélique Ranc.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

 

 

Après l’article 15

 

Amendement CD362 de Mme Clémence Guetté

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il s’agit d’une sorte d’amendement de repli vis-à-vis de ce qui vient d’être approuvé à l’article 15. Nous souhaitons que les études d’impact évaluent et tiennent compte de l’état de la ressource en eau avant que des structures d’irrigation agricole, telles que des mégabassines, voient le jour. Le Haut Conseil pour le climat, dont nous avions auditionné les représentants au début de la législature, a affirmé que les mégabassines sont des maladaptations au changement climatique et qu’elles présentent des risques. Dans la mesure où l’article 15 va accélérer leur déploiement, prévoyons au moins des études d’impact pour limiter la casse.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD367 de Mme Clémence Guetté

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il vise à créer l’obligation d’une information publique sur les volumes d’eau prélevés par exploitation agricole, ainsi que sur la nature des cultures irriguées. Des condamnations ont déjà été prononcées en raison d’un manque de transparence dans la gestion de l’eau. Par exemple, l’État a été contraint par le Conseil d’État à fournir à l’association Nature Environnement 17 des données demandées depuis trois ans. Le présent amendement tend donc à clarifier les choses pour chaque projet.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD366 de Mme Clémence Guetté

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il vise à inscrire, dans les principes généraux de la politique de l’eau, l’objectif de réduire les prélèvements pour l’irrigation agricole et de réserver les bassines à l’usage exclusif des exploitations en agriculture biologique ou en conversion, et dont la production est destinée à l’alimentation humaine. Vous comprendrez qu’il s’agit d’un amendement de repli par rapport à d’autres qui l’étaient déjà.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD122 et CD120 de M. Vincent Descoeur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable sur le fond sur les deux amendements. Le stockage de l’eau est une notion très imprécise et polysémique. L’eau peut être stockée aussi bien dans les nappes, dans les cours d’eau, dans les retenues d’eau collinaires, que dans des ouvrages artificiels.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD363 de Mme Clémence Guetté

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il vise à interdire la construction de réserves de substitution dans les zones de répartition des eaux, ces dernières étant des territoires caractérisés par une insuffisance autre qu’exceptionnelle des ressources en eau par rapport aux besoins.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette successivement les amendements CD368 et CD369 de Mme Clémence Guetté.

 

Amendement CD365 de Mme Clémence Guetté

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous voulons nous assurer que les ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines ayant été déclarés illégaux par décision de justice ne puissent faire l’objet d’aucune mesure de régularisation. Au contraire, nous souhaitons que ces installations soient démantelées et fassent l’objet de prescriptions de remise en état du site, conformément au code de l’environnement.

Au fond, cet amendement vise à traduire dans la loi les propos prononcés par un membre du cabinet du ministre de l’agriculture lors d’une conférence de presse sur le plan Eau, le 7 novembre dernier : « là où il y a des retenues illégales, elles seront démontées. Les décisions de justice seront respectées et l’État les fera appliquer. »

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Une telle disposition n’est pas compatible avec l’article 15.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 : Règles applicables aux détenteurs de chiens de protection de troupeaux

 

Amendement CD373 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous craignons que l’alinéa 1 de cet article n’instaure une exception au principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. En l’occurrence, vous souhaitez qu’une telle exception concerne les chiens de protection de troupeau, au risque de constituer un cas de jurisprudence et d’ouvrir la porte à de nouvelles dérives dans ce domaine.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD375 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CD374 de M. Léo Walter

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport sur l’efficacité de la subvention versée dans le cadre de l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux (OPEDER) relative aux grands prédateurs.

Cette aide pour la protection des exploitations et des troupeaux contre la prédation du loup et de l’ours est versée postérieurement à l’établissement de mesures de protection, qui ont un coût non négligeable : je pense à l’achat et à l’entretien de chiens de protection ou de clôtures, ou encore au financement d’un gardiennage des troupeaux. Or la PAC interdit les avances de trésorerie que les éleveurs réclament continuellement pour ces mesures de protection, la Commission européenne les considérant comme des aides d’État. Nous souhaitons donc alerter sur les difficultés financières des éleveurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit, selon moi, d’un amendement d’appel. J’en demande le retrait, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD54 de Mme Pascale Boyer et CD85 de M. Jean-Yves Bony

Mme Pascale Boyer (RE). Afin de mener la concertation avec les professionnels, l’amendement vise à porter de six à douze mois le délai pour prendre par ordonnance les mesures relatives aux chiens de protection de troupeau.

M. Jean-Yves Bony (LR). Il s’agit également de prolonger de six mois le délai.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte les amendements.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 ainsi modifié.

 

 

Après l’article 16

 

Amendement CD376 de Mme Sylvie Ferrer

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement a pour objet la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conditions de travail des gardiens de troupeau salariés ainsi que sur l’opportunité de doter la profession d’un statut spécifique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait. Le plan national d’actions (PNA) 2024-2029 sur le loup aborde la question des conditions de travail. Il prévoit notamment des actions en matière de logement, de formation et de reconnaissance de la qualification des bergers.

Par ailleurs, les travaux de la mission d’information sur le rôle du pastoralisme dans l’aménagement du territoire, les causes de son déclin et les conséquences pour le développement durable des territoires ruraux sont en cours.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 17 : Règles applicables au compostage de la laine et à l’aquaculture

 

Amendement de suppression CD465 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, car l’article a pour but de redynamiser deux filières dont le potentiel, pourtant important, est sous-exploité en France.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD377 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Une nouvelle fois, nous nous opposons à toute exception au principe de non-régression qui créerait un précédent fâcheux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Depuis la crise sanitaire et la baisse des achats chinois, 3 000 tonnes de laine sont stockées dans les exploitations ovines en attente de valorisation. Il est impératif de les écouler.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD378 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement tend à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter, en matière d’aquaculture, le régime des ICPE et des installations, ouvrages, travaux ou activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable, car il faut répondre à l’attente de simplification. Je mets toutefois en garde : celle-ci ne doit pas se faire au détriment du respect des normes environnementales. La direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de la mer a donné des garanties à cet égard lors de son audition.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Peut-on envisager pour la séance des amendements visant à écarter un tel risque ?

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les garanties que j’ai obtenues me conduiront à y être défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD380 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il est proposé d’exclure du champ d’application de l’article les installations aquacoles situées dans des communes ayant été l’objet d’arrêtés préfectoraux liés à la sécheresse dans les trois dernières années.

On voit fleurir les projets de fermes aquacoles géantes et hyperintensives – en Gironde, dans le Pas-de-Calais, en Bretagne – qui représentent une menace pour la préservation des espaces naturels, pour la santé environnementale ainsi que pour la gestion de l’eau.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD379 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il s’agit cette fois d’exclure du champ d’application de l’article les installations aquacoles dépassant un seuil de densité d’élevage de 25 kilogrammes de saumon par mètre cube d’eau.

Les nombreux projets de fermes aquacoles géantes et hyperintensives – en Gironde, dans le Pas-de-Calais, en Bretagne – représentent une menace pour la préservation des espaces naturels et pour la santé environnementale.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD384 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement a pour objet d’interdire les installations aquacoles à système de recirculation en circuit fermé, dits RAS – trois projets d’usine à saumon menacent en ce moment nos côtes.

La technologie RAS est très consommatrice d’énergie et pas totalement maîtrisée. Du fait de l’automatisation complète, la moindre panne peut avoir des conséquences dramatiques pour les saumons. De nombreux incidents ont ainsi été répertoriés, notamment à Miami et au Danemark. Des centaines de milliers de poissons ont agonisé lentement à la suite de défaillances techniques.

De tels projets vont complètement à l’encontre de l’exigence croissante d’une meilleure prise en compte du bien-être animal. La concentration des poissons est quatre fois plus élevée que dans les élevages de saumon en mer. À cause de la promiscuité, ils vivent dans leurs excréments, développent des maladies et des comportements anormaux, etc.

Et tout cela sans compter les risques de pollution liée aux rejets dans l’environnement. Les rejets azotés pourraient provoquer des catastrophes similaires à celles des algues vertes. Il n’existe aucune étude scientifique indépendante française sur l’impact des rejets en milieu naturel d’une usine produisant 20 000 ou 40 000 tonnes de saumon. Dans le projet de l’entreprise Pure Salmon qui menace la Gironde, les rejets seront effectués dans une zone Natura 2000, importante pour la conservation des oiseaux.

Il est impératif de stopper ce type de projet dès maintenant, car l’installation d’une première ferme usine ouvrirait la porte à l’élevage intensif de saumon dans notre pays avec toutes les conséquences néfastes pour l’environnement et les animaux que je viens de rappeler.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD381 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Il s’agit d’un amendement préventif qui vise à interdire l’implantation d’élevages de poulpes. Il n’existe actuellement aucune réglementation.

Face à la hausse de la consommation, un projet monstrueux est prévu chez nos voisins espagnols par l’entreprise Nueva Pescanova. Les poulpes sont des animaux très intelligents, solitaires, qui ont besoin d’énormément d’espace et ce que l’on appelle des animaux « sentients » – ils ressentent la douleur, le plaisir, l’angoisse le stress, etc. En 2021, une étude de la London School of Economics affirmait qu’il était impossible d’élever des pieuvres en assurant un haut niveau de bien-être animal. En outre, ces animaux étant carnivores, il faudra pour les nourrir accroître la pêche minotière.

Il est important que notre pays se prémunisse contre de telles aberrations qui achèveront de vider des océans déjà ravagés par la surpêche.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 non modifié.

 

 

Après l’article 17

 

Amendement CD701 de M. Mickaël Cosson

M. Mickaël Cosson (Dem). L’amendement vise à transposer aux installations agricoles les modalités d’instruction des demandes d’autorisation et de consultation du public pour les ICPE, telles que modifiées par la loi relative à l’industrie verte.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre amendement renvoie à un article qui n’est pas codifié, ce qui le prive de portée juridique. Demande de retrait.

M. Mickaël Cosson (Dem). Je vais le retravailler.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CD98 de M. Jean-Yves Bony et CD638 de M. Mickaël Cosson (discussion commune)

M. Jean-Yves Bony (LR). L’amendement tend à prendre en compte la spécificité des projets agricoles dans les normes qui leur sont applicables, en particulier au titre des ICPE.

Les exploitations agricoles sont de très petites entreprises, à caractère familial, dont l’activité est fondée sur la gestion du vivant. Les dispositions qui s’imposent à elles doivent donc être adaptées à ces caractéristiques qui les distinguent des activités industrielles, en tenant compte notamment de l’impact sur l’environnement et des moyens dont disposent les agriculteurs.

M. Mickaël Cosson (Dem). Il s’agit d’inscrire la spécificité des projets agricoles dans le code de l’environnement afin que les règles auxquelles elles sont assujetties soient adaptées aux particularités des exploitations, qui les différencient de l’industrie.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait. Aucune disposition ne s’oppose à ce que les normes relatives aux ICPE prennent en compte les spécificités des projets d’exploitation agricole. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser dans la loi.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article additionnel après l’article 17 : Établissement du classement des ICPE dans le secteur agricole par un décret conjoint du ministre chargé de l'environnement et du ministre chargé de l'agriculture

 

Amendement CD698 de M. Mickaël Cosson

M. Mickaël Cosson (Dem). L’amendement vise à associer le ministre chargé de l’agriculture aux décisions relatives aux projets et aux activités des installations agricoles relevant du régime des ICPE.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La réglementation ICPE vise à prévenir les risques et les dangers pour l’environnement, la santé et la sécurité. Elle relève de ce fait de la compétence du ministère chargé de la transition écologique, ce qui n’exclut pas la consultation du ministère chargé de l’agriculture le cas échéant. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD703 de M. Mickaël Cosson

M. Mickaël Cosson (Dem). Il s’agit d’aligner les formalités relatives à la cessation d’activité des exploitations soumises à autorisation en vertu du régime des ICPE sur celles applicables aux installations soumises à déclaration.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable, cela relève du domaine réglementaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD704 de M. Mickaël Cosson.

 

Amendement CD329 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Cet amendement était couplé avec un autre, déclaré cavalier pour une raison qui m’échappe, visant à interdire les élevages en cage pour les poules pondeuses à l’horizon 2027 et progressivement pour l’ensemble des animaux concernés.

Aujourd’hui, 97 % à 99 % des lapins sont encore élevés en cage sur des sols grillagés ; les truies de reproduction passent près de la moitié de leur vie dans des cages dans lesquelles elles ne peuvent pas se retourner.

L’élevage en cage impose aux animaux des conditions de vie totalement incompatibles avec les impératifs biologiques de leur espèce et est source de souffrance. Dans deux avis scientifiques datant du 21 février 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a demandé la fin pure et simple de l’élevage en cage des poulets de chair et des poules pondeuses dans l’Union européenne après avoir identifié les effets néfastes sur le bien-être des animaux – le stress de l’isolement, les restrictions de mouvement, etc.

L’amendement, plus modeste, a pour objet d’interdire les importations de produits d’élevage issus de poules pondeuses en cage à compter du 1er janvier 2027. J’attends votre soutien, collègues, car il s’agit du prolongement de la loi Egalim dans laquelle est inscrite l’interdiction de construire ou de réaménager des bâtiments pour l’élevage en cage des poules pondeuses.

Cet amendement recourt au protectionnisme pour répondre à une demande sociétale forte de mettre fin à l’élevage en cage et à la souffrance animale.

M. le président Jean-Marc Zulesi. J’essaie de conserver le plus grand nombre d’amendements. Je l’ai fait pour celui-ci car il fait référence aux importations qui sont évoquées au début du projet de loi. En revanche, l’autre était bien un cavalier.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD382 de M. Loïc Prud’homme

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons d’instaurer un moratoire sur le développement des fermes-usines. Il vise tout nouveau projet d’installation, de transformation ou de réunion d’exploitations agricoles entrant dans les catégories A et E de la nomenclature ICPE, en se fondant sur le nombre d’animaux.

La ferme-usine est le modèle agricole industriel poussé à son paroxysme, avec des animaux qui souffrent dans des espaces trop petits, développent des comportements anormaux et doivent être mutilés pour éviter des blessures. Elle a des conséquences catastrophiques en matière de pollution des sols et de l’eau, comme le montre le phénomène des algues vertes en Bretagne. Il est urgent de sortir de ce modèle reposant sur une utilisation massive d’intrants, notamment des antibiotiques, alors que les antibiorésistances augmentent.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Article additionnel après l’article 17 : Définition des abattoirs paysans

 

Amendement CD630 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement, travaillé avec la Confédération paysanne, a pour objet de définir les abattoirs paysans, en vue de les encadrer et de les réglementer pour développer un maillage territorial.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD383 de Mme Clémence Guetté

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à garantir que les projets de construction correspondant aux catégories A et E de la nomenclature ICPE prendront en compte l’étude de l’hydrologie, des milieux, des usages et du climat (HMUC) et des projets de territoire pour la gestion de l’eau. Il s’agit d’alerter sur les effets des fermes-usines sur la ressource en eau.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

 

Article 18 : Capacité d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine

 

Amendement de suppression CD385 de Mme Aurélie Trouvé

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous proposons de supprimer l’article 18 qui prévoit de renforcer les facultés d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement. Contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs, une gestion à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité ne permet pas d’assurer une meilleure gestion et une gouvernance plus ouverte de la ressource en eau. Elle conduirait les départements à exercer la maîtrise d’ouvrage de projets en matière de production, de transport et de stockage d’eau potable ou d’approvisionnement en eau, notamment pour le développement d’ouvrages multiusages, par exemple, qui concernent l’approvisionnement en eau à usage agricole.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. Cela reste une possibilité, qui ne retire en rien la compétence aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou aux syndicats mixtes. De plus, la disposition résulte d’une recommandation de M. Haury et M. Descoeur dans leur rapport sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD747 de M. Stéphane Delautrette

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à assurer une véritable planification en matière de gestion de l’eau dans tout le territoire. Dans son rapport sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique, la Cour des comptes relève que la carte de France des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage) reste très incomplète et que la politique de l’eau doit « s’inscrire localement dans un projet préalablement concerté entre toutes les parties prenantes, porté par les collectivités territoriales et s’appuyant sur des études scientifiques actualisées. »

Pour éviter tout conflit d’usage de l’eau, l’État, les porteurs de projets et l’ensemble des collectivités concernées doivent s’appuyer sur la démocratie locale, la science et la cohérence, et produire des documents de planification permettant d’appréhender l’ensemble des enjeux, de mener des actions d’économie de la ressource en eau et ainsi de garantir l’accès à l’eau à toute la population.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable. La précision n’est pas utile : le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) s’imposera aux départements mandatés.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 non modifié.

 

 

Après l’article 18

 

Amendements CD386 de Mme Mathilde Hignet et CD306 de Mme Pascale Boyer (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement CD386 vise à rétablir le caractère optionnel du transfert des compétences eau et assainissement pour les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles.

Mme Pascale Boyer (RE). Ce transfert facultatif est particulièrement important pour les zones de montagne en tant qu’il permet à leurs élus d’adapter la gestion de l’eau et de l’assainissement aux spécificités de leurs territoires. Des adaptations ont été prévues dans les lois du 3 août 2018 et du 27 décembre 2019 mais elles sont difficilement applicables à des terrains escarpés où l’habitat est dispersé, contraints par la longueur des réseaux, le gel et les mouvements de terrain.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ce débat complexe et récurrent devrait être mené dans le cadre d’un texte dédié. La commune présente souvent un périmètre d’action trop restreint et des ressources financières et humaines limitées. Certes, des situations particulières, notamment dans les territoires de montagne, nécessitent des aménagements. Je suis toutefois défavorable au fait de rétablir de manière générale le caractère facultatif du transfert de compétences. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD354 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Le présent amendement a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur la création d’une taxe financée par l’industrie agrochimique sur le principe pollueur-payeur, afin de compenser les pertes de rendement des exploitants en conversion. Les agriculteurs ont exprimé ce besoin dans le cadre de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

 

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous remercie pour la bonne tenue de ces débats : nous sommes parvenus à examiner l’ensemble des amendements en un temps record.

 


   compte rendu des TRAVAUX
de la commission des affaires culturelles
et de l’Éducation, saisie pour avis

  1.   Réunion du mardi 30 avril 2024 à 14 heures : discussion générale et examen des articles pour avis

Au cours de sa réunion du mardi 30avril 2024, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a examiné, pour avis, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (Mme Géraldine Bannier et M. Bertrand Sorre, rapporteurs).

Mme la présidente Isabelle Rauch. Notre avis sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture porte sur les articles 2 à 5, qui concernent les questions d’enseignement.

Le projet de loi a été inscrit ce matin à l’ordre du jour de notre assemblée pour la semaine du 13 mai. La commission des affaires économiques, saisie au fond, l’examine à partir de seize heures trente. En application de l’article 87 de notre règlement, notre examen pour avis doit intervenir avant l’examen du texte au fond. Nous devrons achever l’examen des amendements vers seize heures quinze afin de transmettre à la commission des affaires économiques ceux que nous aurons adoptés. Comme nous avons plus de 200 amendements à examiner, je ne peux que vous inviter à la concision.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. L’enseignement et la formation peuvent contribuer à relever les défis majeurs auxquels notre agriculture est confrontée. D’une part, un enseignement, une formation continue et une recherche de qualité sont indispensables pour former les agriculteurs de demain et les préparer à l’ensemble des transitions en cours – agroécologique, climatique, numérique, énergétique. D’autre part, l’école est un lieu essentiel pour refonder la relation entre l’agriculture et le reste de la société, aujourd’hui distendue et assise sur trop d’idées reçues.

L’enseignement agricole est un modèle performant qui forme près de 3 % des élèves français, soit 215 000 élèves et étudiants, à plus de 200 métiers du vivant. Il leur donne accès à plus d’une centaine de diplômes de niveau 3 à 8 et permet un taux d’insertion professionnelle élevé ainsi qu’une grande ouverture sur l’Europe et l’étranger.

Les près de 800 établissements de l’enseignement agricole, dont 90 % des élèves ne sont pas issus du milieu agricole, ont déjà su s’adapter aux évolutions en cours et aux nouvelles demandes de la société, en considérant davantage les enjeux liés à la transition agroécologique dans le cadre des rénovations de diplômes, en accentuant le développement des compétences psychosociales ou en améliorant l’inclusion des élèves en situation de handicap.

Mais l’enseignement agricole est confronté à de nombreux défis, qui reflètent ceux de l’agriculture dans son ensemble. Le vieillissement de la population agricole et l’existence de nombreux métiers en tension rendent impératif d’accroître le nombre d’élèves formés dans ces établissements en améliorant leur attractivité. Il y va non seulement du renouvellement des générations, mais aussi de l’atteinte de notre objectif de souveraineté alimentaire. Pourtant, malgré une légère hausse depuis 2019, essentiellement soutenue par le dynamisme de l’apprentissage, les effectifs de l’enseignement agricole demeurent inférieurs à leur niveau d’avant 2012. Alors que 20 000 nouvelles installations annuelles d’agriculteurs seraient nécessaires pour faire face aux départs à la retraite, on en compte seulement 15 000 aujourd’hui, et 70 000 postes seraient d’ores et déjà à pourvoir. C’est pourquoi le Gouvernement estime nécessaire d’augmenter de 30 % le nombre de jeunes diplômés du secteur.

Par ailleurs, la montée en compétence des élèves, étudiants ou actifs formés est nécessaire à l’adaptation des professionnels aux évolutions, notamment en matière environnementale et économique. L’appareil de formation doit intégrer de manière systématique les enjeux des transitions agroécologique et climatique, mais aussi ceux des transitions numérique et énergétique, qui concernent également au premier plan l’agriculture. Le développement des compétences en matière de gestion et de management doit également se poursuivre.

Cette montée en compétence doit aussi s’appuyer sur deux leviers : le développement de la formation tout au long de la vie, insuffisamment mobilisée par des agriculteurs souvent bien en peine de trouver ou de rémunérer un remplaçant durant leur temps de formation ; une élévation du niveau du diplôme moyen des agriculteurs, dans la continuité de la dynamique engagée depuis plusieurs années.

Enfin, le déploiement de la transition agroécologique passera nécessairement par l’investissement dans la recherche et l’innovation, lesquelles doivent permettre d’identifier des solutions alternatives et des pratiques agronomiques nouvelles pour mieux concilier les objectifs d’efficacité économique et de respect de l’environnement.

De manière plus générale, la fragilisation du lien entre le monde agricole et le reste de la société française nuit à l’attractivité des métiers du vivant et affaiblit le pacte social. Les évolutions démographiques et sociétales éloignent beaucoup de Français de l’agriculture. Mais, plus largement, l’image que les programmes scolaires et les médias donnent du monde agricole pose question, oscillant bien trop fréquemment entre une vision idéalisée et bucolique, proche de Martine à la ferme, et l’agri-bashing. Dans ce contexte, revaloriser l’image du métier d’agriculteur et des métiers du vivant, notamment auprès des enfants, revêt une importance capitale, d’une part pour renforcer l’attractivité des métiers agricoles auprès des jeunes et garantir notre souveraineté alimentaire, d’autre part pour consolider le pacte social et le faire vivre.

La réflexion sur l’avenir de l’enseignement agricole ne peut éluder la question de la rémunération des professions auxquelles il permet d’accéder, ni celle de la nécessaire amélioration des conditions de travail et de protection sociale des femmes et des hommes qui les exercent. Si le présent projet de loi ne peut traiter de manière définitive l’ensemble de ces aspects, qui ont déjà fait l’objet de plusieurs évolutions législatives déterminantes ces dernières années, notamment dans le cadre des lois Egalim (pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous), il apporte néanmoins un grand nombre d’avancées positives. Les articles dont notre commission s’est saisie pour avis en témoignent.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. L’article 2 définit les orientations programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation. Il fixe quatre objectifs à l’État et aux régions à l’horizon 2030 : accroître significativement le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire ; augmenter le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs ; accroître le nombre des actifs de ces secteurs bénéficiant d’une formation tout au long de la vie ; amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances dans les champs qui concourent aux transitions agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation.

Pour y parvenir, l’État et les régions devront établir deux programmes nationaux. Le premier portera sur l’orientation et la découverte des métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du vivant. Il s’appuiera sur des actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation aux enjeux de la souveraineté alimentaire et des transitions agroécologique et climatique pour l’ensemble des élèves des écoles élémentaires ainsi que du secondaire, notamment par une offre de stages plus visible. Le second, triennal, portera sur la formation accélérée en matière de transitions écologique et climatique des 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration de l’agriculture. Ces dispositions vont dans le bon sens, même si des précisions quant aux modalités pratiques de leur mise en œuvre sont attendues et pourront faire l’objet d’amendements.

L’article 3 propose une réécriture de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime afin de clarifier et de rendre plus lisibles les missions assignées à l’enseignement technique agricole, qui devront s’exercer dans le respect des principes généraux de l’éducation. Une sixième mission est assignée aux établissements : « mett[re] en œuvre toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire » et « assure[r] le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ». Nous saluons la reconnaissance explicite du rôle de ces établissements en matière de transitions agroécologique et climatique, de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire – des domaines dans lesquels ils sont déjà, en pratique, fortement mobilisés.

L’article 4 crée un nouvel outil juridique : le contrat territorial de consolidation ou de création de formation dans l’enseignement agricole. Il repose sur une logique de contractualisation pluriannuelle entre les différentes parties prenantes, pensée à l’échelle de l’établissement agricole et mise en place, en fonction des besoins préalablement identifiés au niveau régional, dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles. En tant que partie au contrat, l’État s’engage à donner de la visibilité financière aux établissements publics et privés sous contrat.

Ce nouvel outil constitue un élément important du nouveau pacte que nous souhaitons construire pour l’enseignement agricole en lien avec les territoires. Il participe à l’effort plus général déployé face aux enjeux de renouvellement des générations en augmentant le nombre de jeunes formés par la voie initiale scolaire dans les établissements de l’enseignement agricole technique. Il doit permettre de consolider 210 classes à effectif faible et d’ouvrir 100 nouvelles classes, ce qui correspondrait au total à 2 000 actifs agricoles supplémentaires par an d’ici 2030.

Enfin, l’article 5 vise un objectif clair : faire émerger une formation de niveau bac + 3 pour répondre aux nouveaux besoins du monde agricole en matière de compétences et de professionnalisation. Aujourd’hui, cette formation de niveau bac + 3 est en pratique assurée par la combinaison du BTS (brevet de technicien supérieur) et de la licence professionnelle agricoles. Mais, concernant cette dernière, l’offre paraît globalement souffrir d’un manque de visibilité et de stabilité. L’article 5 tend donc à créer un nouveau diplôme national de niveau bac + 3.

Cet article comporte deux innovations importantes. En premier lieu, il instaure le principe de l’accréditation conjointe d’un établissement d’enseignement supérieur et d’un établissement technique. En second lieu, l’accréditation sera délivrée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture après avis conforme du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Cela doit donner davantage de marge de manœuvre au ministère chargé de l’agriculture pour définir les référentiels.

Cette évolution importante mérite d’être saluée. Elle doit permettre de promouvoir les formations à bac + 3, qui ont vocation à devenir une référence en matière d’installation et de conseil. La généralisation de ces formations doit servir l’objectif de montée en compétence des actifs agricoles, confrontés à des enjeux de plus en plus complexes nécessitant des compétences agronomiques, managériales, entrepreneuriales et technologiques nouvelles.

Ce nouveau diplôme doit également favoriser une diversification des profils. Il pourra concerner des jeunes ayant suivi une formation bac + 2 autre que le BTS agricole. Celui-ci reste toutefois au cœur du système de formation des actifs agricoles et il aura, comme nous l’a confirmé le cabinet du ministre, une place prépondérante dans le cadre du nouveau diplôme.

Des précisions apportées par la voie réglementaire seront nécessaires pour définir la nature exacte de ces formations et les référentiels correspondants. Il nous semble important que les établissements d’enseignement supérieur agricole privés puissent être inclus dans le dispositif ; nous avons déposé un amendement en ce sens. Par ailleurs, certains regrettent le choix du terme « bachelor » et le Conseil d’État a émis des réserves sur ce point. La discussion parlementaire permettra d’approfondir cette question.

Nous espérons des débats riches et fructueux sur ces enjeux clés pour notre pacte républicain.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Graziella Melchior (RE). Le projet de loi que nous examinons est très attendu par les agricultrices et les agriculteurs de notre pays. Depuis près de deux ans, il a fait l’objet de très nombreuses consultations dans toute la France. Il a pour but de relever un double défi de taille : redonner de l’attractivité aux métiers du vivant et assurer à notre pays une pleine souveraineté alimentaire dans un contexte de bouleversements géopolitiques et alors que la survie de notre agriculture est en jeu du fait du vieillissement de la population d’actifs agricoles.

Notre enseignement agricole est performant : un grand nombre d’élèves en sortent diplômés et bien formés et s’insèrent sans difficulté dans le monde du travail. Cela étant, les professions agricoles, aussi passionnantes soient-elles, souffrent d’un manque d’attractivité. Il est nécessaire de susciter une envie d’agriculture chez nos jeunes, d’élever le niveau de diplôme et d’adapter les formations aux enjeux liés à la transition écologique.

Pour ce faire, l’article 2 entend fixer des priorités d’action publique en matière d’orientation, d’éducation, de formation, de recherche et d’innovation. Il consacre le rôle que doit jouer l’enseignement agricole dans la politique d’installation et de transmission en définissant plusieurs objectifs : accroître le nombre de personnes formées aux métiers agricoles et agroalimentaires ainsi que le nombre d’actifs dans ces secteurs bénéficiant d’une formation continue et amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion en matière de transitions agroécologique et climatique.

À cet article, je vous proposerai plusieurs amendements.

Le premier tend à intégrer la restauration scolaire aux objectifs de l’éducation en matière d’agriculture ; c’est fondamental tant pour l’éducation à l’alimentation et la découverte de produits que pour offrir des débouchés aux agriculteurs.

Un autre amendement vise à soutenir le développement des projets alimentaires territoriaux, qui constituent un levier puissant pour développer l’approvisionnement local.

L’article 2 propose également de renforcer la sensibilisation des élèves au moyen d’actions de découverte et de stages. Je défendrai un amendement pour valoriser les entreprises et exploitations écoresponsables dans le cadre de ces interactions.

Le dernier de mes amendements, après l’article 2, aura pour objet de demander un rapport au Gouvernement sur les efforts consentis pour contribuer à une communication positive et attractive au sujet des métiers du vivant, notamment grâce à l’audiovisuel public ou aux réseaux sociaux.

L’article 3 assigne une nouvelle mission aux établissements de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles. Ils devront agir pour répondre durablement aux besoins en emploi, assurer la souveraineté alimentaire et développer les connaissances et compétences liées à la transition agroécologique.

L’article 4 renforce le rôle des collectivités territoriales et la dimension locale de la politique agricole et de formation.

L’article 5 propose de créer un diplôme de niveau bac + 3, dénommé à ce stade « bachelor agro ».

Au cours des derniers mois, nous avons entendu des agricultrices et agriculteurs en colère, parfois désespérés ou désemparés. Bien souvent, ils nous réclamaient un cap. Ce projet de loi contribue à en fixer un, notamment en matière d’enseignement et de formation agricoles. Je veux avoir un mot pour eux, mais aussi pour les jeunes qui aspirent à ces professions et pour les enseignants passionnés qui transmettent dans les établissements publics, privés ou dans les maisons familiales rurales (MFR) les belles valeurs de l’agriculture. Nous sommes à vos côtés. Soyez fiers et confiants.

Parce que nous devons avancer ensemble et avec conviction, le groupe Renaissance votera pour ce projet de loi.

M. Roger Chudeau (RN). Qu’une loi d’orientation sur la souveraineté agricole comprenne des dispositions ayant trait à la formation professionnelle initiale et continue des exploitants et de leurs personnels ne peut qu’être salué. Toutefois, l’examen des quatre articles consacrés à cette question laisse un goût d’inachevé et, pour le dire clairement, l’impression d’une certaine improvisation.

Comme l’indique le rapport pour avis, dont nous saluons la qualité, l’enseignement agricole se porte bien. Il est même l’une des rares branches de notre système éducatif qui échappe au naufrage. Ici, ni wokisme, ni islamisme, ni violence désinhibée, mais du sérieux, du travail et de très bons résultats – vous l’avez rappelé.

On s’interroge sur l’utilité des articles dont nous sommes saisis pour avis. La plupart des dispositions relève en fait du pilotage ordinaire de l’enseignement agricole – de simples circulaires ministérielles suffiraient pour certaines –, alors que d’autres prêtent à sourire, comme celle qui prévoit de faire visiter des exploitations agricoles à des écoliers afin de favoriser leur orientation future vers les métiers de l’agriculture. Croit-on vraiment que la découverte de ce qu’est une vache ou un poulailler impressionnera profondément des enfants de 6 à 11 ans ?

Notre reproche, également formulé par de nombreux légistes, est qu’il s’agit, une fois encore, d’une loi bavarde. Elle pourrait avoir une portée symbolique, les rapporteurs le soulignent, mais elle pèche manifestement en matière opérationnelle.

Par exemple, l’instauration d’un programme d’orientation serait plus crédible et praticable s’il était régional et conçu avec la profession compte tenu du contexte économique de chaque région. Autre exemple : le contrat territorial de consolidation ou de création de formation, une coquille vide – nul ne sait par quel organisme ou autorité il sera piloté ni comment il sera évalué. Quant au « bachelor agro » – sic –, il relève selon nous d’une opération marketing, d’ailleurs un peu laborieuse, dans la mesure où les BTS et la licence professionnelle agricoles donnent toute satisfaction.

Mais nous ne tirerons pas à boulets rouges sur ce texte, car si sa portée nous semble faible, ses intentions sont louables. Nous tâcherons donc, par nos amendements, de lui donner un peu plus de corps et de crédibilité.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’agriculture fait face à d’immenses défis : tendre à la souveraineté alimentaire grâce à des produits sains et accessibles à toutes et tous tout en préservant l’environnement. Ce ne sera pas simple, convenons-en.

La baisse des rendements et les pénuries d’eau chaque été rendent déjà visibles les impacts du changement climatique sur l’agriculture. Disparition des insectes et des oiseaux, pollution grandissante des sols et des nappes phréatiques : nous assistons au « printemps silencieux » qu’avait prédit Rachel Carson.

Le modèle actuel d’agriculture industrielle n’a pas permis d’atteindre la souveraineté alimentaire – au contraire, nous dépendons encore plus qu’avant des importations.

Ce modèle d’une agriculture sans paysans ne permet pas non plus aux agriculteurs de vivre dignement. Le nombre d’exploitations est passé de 1,5 million en 1970 à 389 000 en 2020.

Ce modèle ne nous a pas protégés de la spirale inflationniste, qui a pénalisé les ménages les plus pauvres. En mars 2023, la hausse des prix en un an atteignait 16 % pour les produits alimentaires. Désormais, l’insécurité alimentaire affecte 16 % des Français, alors qu’ils n’étaient que 9 % à sauter des repas en 2016.

Ce modèle favorise la malbouffe – la nourriture trop transformée, trop salée et trop sucrée –, qui contribue à l’épidémie d’obésité ainsi qu’à l’augmentation des maladies cardiovasculaires et des cancers. Rappelons que le nombre de citoyens en situation d’obésité est passé de 8 % en 1997 à 17 % en 2020. C’est l’aveu d’un échec.

Ce modèle, enfin, contribue au réchauffement climatique et à la crise de la biodiversité à cause de l’usage massif et incontrôlé des pesticides. Les derniers chiffres indiquent que leurs ventes se sont accrues de près de 10 % entre 2009 et 2018.

L’enseignement agricole est l’un des leviers les plus efficaces pour transformer en profondeur ce modèle productiviste. En plaçant la mécanisation et l’intensification au cœur de cet enseignement, les générations précédentes ont, en quelques décennies, radicalement changé les pratiques agricoles et permis l’émergence d’exploitations de plus en plus grandes et comptant de moins en moins d’agriculteurs. Nous savons désormais que ce système n’est pas soutenable à long terme. Nous devons placer l’agroécologie au cœur de la formation pour transformer tout aussi radicalement les pratiques agricoles. Nous avons su assurer la révolution productiviste dans les années 1960 ; nous pouvons organiser aujourd’hui la révolution écologique de notre modèle agricole.

Malheureusement, ce projet de loi d’orientation agricole est loin d’être à la hauteur des transformations qu’il faut opérer. Cela n’a rien d’un hasard : le Gouvernement n’a pas la moindre intention de transformer le modèle de production. Les objectifs de production agricole qui nous sont présentés ont été largement dictés par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et les maigres ambitions du texte ont toutes été revues à la baisse par rapport à l’avant-projet de loi présenté en fin d’année dernière. Elles ont subi les arbitrages de Bercy – le ministre assume désormais pleinement le retour de l’austérité. Une transition sans moyens, mais aussi sans objectifs clairs ; la souveraineté agricole n’y est même pas correctement définie.

Concernant la formation, le texte ne donne pas suffisamment de moyens à l’enseignement agricole public pour former plus d’agriculteurs et ne permet pas la nécessaire refonte des programmes permettant d’y faire plus de place aux enseignements agroécologiques. En dix ans, les effectifs de l’enseignement technique agricole en formation initiale ont baissé de 11 %, alors que la France perd chaque année 800 agriculteurs. Pourtant, aucun objectif chiffré lié au besoin de formation n’est prévu par le texte.

Afin de minimiser les coûts, la principale stratégie du Gouvernement pour augmenter les effectifs est d’aller jusqu’à doubler le nombre d’élèves des petites classes, sans moyens supplémentaires. Cela va nécessairement nuire à l’attractivité des formations agricoles, fondée sur l’accompagnement des élèves que permettent ces classes à effectif réduit.

Certes, le texte évoque l’agroécologie, mais dans des termes trop vagues et trop peu contraignants, alors que son enseignement dépend de la volonté de chaque établissement et qu’un cadrage plus solide est nécessaire. Par ailleurs, l’incertitude économique qui pèse sur les établissements, dont nous avons auditionné un certain nombre, empêche la réalisation de projets pédagogiques d’ampleur. Il manque notamment des moyens pour les innovations et expérimentations pédagogiques agricoles.

Nos amendements visent à combler les lacunes de ce texte.

Mme Annie Genevard (LR). Le texte qui nous est soumis est en réalité assez peu une loi d’orientation.

Le renouvellement des générations dans l’agriculture est une question majeure. Au slogan « Pas de pays sans paysans » entendu lors des récentes manifestations, j’ajouterai « Pas d’agriculture sans agriculteurs ».

Nous disposons d’un service public de l’enseignement agricole assuré par des établissements publics et privés. Dans ma circonscription, il y a de nombreuses MFR et un lycée agricole – nous connaissons l’excellent travail qu’ils fournissent.

Le maillage du territoire par les établissements agricoles, absolument remarquable, est surtout assuré par l’enseignement privé : en relèvent 584 des 804 établissements et 36 des 135 centres de formations d’apprentis (CFA), auxquels il faut ajouter 6 écoles d’ingénieur privées sous contrat sur 17 écoles d’enseignement supérieur agricole. Selon le « Portrait de l’enseignement agricole » 2022, parmi les quelque 216 500 jeunes scolarisés dans l’enseignement agricole en 2021, 61 % des élèves et 39 % des apprentis étaient accueillis par des établissements privés ; ces derniers constituent 42 % des établissements de l’enseignement supérieur long.

C’est pourquoi je défendrai des amendements visant à reconnaître l’importance de l’enseignement agricole privé, insuffisamment pris en considération dans ce texte – au-delà de la seule question du bachelor, qui doit pouvoir être délivré par des établissements privés. En la matière, les choses n’ont pas vraiment changé depuis l’époque de nos débats avec Stéphane Le Foll. Dans l’enseignement agricole, il n’y a pas que le public : le privé fait un excellent travail.

Le deuxième point qui me préoccupe en matière de formation et qui fera l’objet d’amendements est l’absence d’implication des branches professionnelles, à la fois dans l’analyse des besoins en formation et dans le contrat de plan régional – respectivement aux articles 2 et 4.

Enfin, le troisième point concerne les objectifs en matière de formation, de recherche et d’innovation. L’article 2 mentionne à cinq reprises la formation « en matière de transitions agroécologique et climatique ». Loin de moi l’idée de négliger ce point, devenu incontournable, mais je suis choquée par la quasi-absence de considérations économiques et la totale absence de formation en matière sociale. Une exploitation agricole forme un tout : c’est le travail de la terre – les considérations agroécologiques y ont toute leur place –, mais c’est aussi une entreprise et la gestion éventuelle du personnel. Ces points doivent impérativement être abordés en formation. Ce sera l’objet d’une autre série d’amendements.

Mme Sophie Mette (Dem). « Traiter de l’ardente nécessité d’un plan de développement de notre agriculture, et des grands axes de ce développement, c’est traiter non pas d’un secteur déterminé de notre économie, mais des fondations même de notre modèle de société. » C’est ce qu’écrivait le haut-commissaire au plan dans son rapport L’agriculture : enjeu de reconquête en juillet 2021.

La crise agricole du début d’année, qui a frappé toute l’Europe, appelle des mesures politiques, économiques et sociales adaptées afin de soutenir le secteur agricole, préserver le tissu rural et garantir une alimentation de qualité pour tous. Elle confirme le caractère central de l’agriculture sur notre continent et rappelle l’importance d’agir.

Le groupe Démocrate se réjouit donc de l’arrivée de ce texte à l’Assemblée nationale et qu’une partie en soit étudiée par notre commission – le volet formation, essentiel pour préparer les futures générations et les transitions du secteur.

Il s’agit d’améliorer au cours des dix années à venir l’attrait des formations et des métiers agricoles, pour augmenter la participation des diplômés de l’enseignement agricole aux transitions et à la compétitivité du secteur et développer les compétences adaptées aux besoins des travailleurs de la filière. L’augmentation du nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire est un enjeu d’autant plus considérable que les formations en question bénéficient de très bons taux d’insertion professionnelle. Les contrats territoriaux de consolidation ou de création de formation et le « bachelor agro » de niveau bac + 3 sont de nature à favoriser l’attractivité des études menant à ces métiers et à y renforcer les effectifs.

Nos agriculteurs disposent déjà d’atouts considérables et ils font la fierté de la France – il faut sans cesse le rappeler. Ne tombons pas dans les discours catastrophistes distillés par certains : ce serait faire insulte à nos agriculteurs et à nos travailleurs agricoles. Nos capacités de production tiennent bon et, dans certains secteurs, notre puissance exportatrice est remarquable. Grâce à nos agriculteurs et à l’Union européenne, notre sécurité alimentaire est protégée. C’est surtout si nous nous éloignons de nos alliés européens – comme le proposent encore une fois les extrêmes à l’approche des élections européennes – que nous risquons des dégâts.

Ce projet de loi vient soutenir et pérenniser ces atouts. Notre commission doit veiller à l’application concrète des priorités à long terme de l’action publique en matière d’orientation et de formation en agriculture. La place de la recherche et de l’innovation est cruciale pour qui veut penser l’avenir de la France et de ses emplois.

Plusieurs députés du groupe Démocrate ont déposé des amendements pour enrichir le débat. Notre groupe soutiendra ce projet de loi.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). La nécessité de former une nouvelle génération d’agriculteurs est au cœur des enjeux contemporains liés à l’agriculture et l’agroalimentaire.

Pour satisfaire à cette exigence, le Gouvernement envisage un programme national ambitieux. Il permettra de sensibiliser dès le plus jeune âge aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Des actions systématiques de découverte seront organisées dans les écoles élémentaires, offrant aux enfants une première immersion dans cet univers. Dans le prolongement de cette sensibilisation, des offres de stages immersifs seront proposées aux collégiens et lycéens, leur permettant d’explorer concrètement les diverses facettes des métiers liés à l’animal et au végétal. Une promotion active des métiers du vivant et des formations y préparant sera assurée afin d’attirer les talents vers ces secteurs porteurs. L’objectif est de répondre à la demande, puisque de nombreux postes seront à pourvoir d’ici 2030. Toutefois, je suis d’accord avec les rapporteurs pour avis : nous devons être vigilants quant aux modalités pratiques de déploiement de ces mesures.

Le Gouvernement envisage par ailleurs la création d’un nouveau diplôme, le « bachelor agro », de niveau bac + 3. Il s’agit d’en faire un niveau de référence qui permettrait de donner une nouvelle visibilité à l’offre de formation. Il est crucial de reconnaître et, surtout, de valoriser la diversité des parcours éducatifs dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Le groupe Horizons présentera donc en commission des affaires économiques des amendements visant à étendre l’accès au « bachelor agro » aux étudiants inscrits dans l’enseignement agricole privé. Cette mesure garantira à tous les jeunes passionnés de pouvoir accéder à une formation de qualité indépendamment de leur contexte éducatif.

De même, nous soutenons l’idée d’accréditer les lycées professionnels publics et privés, ainsi que les MFR, pour la délivrance du diplôme de licence professionnelle. Cette initiative s’inscrit dans une démarche d’amélioration constante des qualifications et des pratiques professionnelles. Surtout, elle garantit une adaptation continue des agriculteurs.

Par ailleurs, le texte vise à renforcer les compétences des acteurs impliqués dans l’enseignement, le conseil et l’administration dans les domaines de la transition agroécologique et climatique. Nous nous en réjouissons. Il s’agit que ces personnes disposent des connaissances et des outils nécessaires pour accompagner efficacement les agriculteurs dans leur transition vers des pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement.

L’article 3 permet de clarifier et de rendre plus lisibles les missions assignées à l’enseignement technique agricole, et il en ajoute une sixième : répondre durablement aux besoins en emplois et garantir le développement des connaissances et compétences en matière de transition énergétique.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons soutiendra le texte.

M. Inaki Echaniz (SOC). La France est un grand pays d’agriculture et grands sont les défis auxquels nos agriculteurs font face : le dérèglement climatique, le renouvellement des générations d’agriculteurs – dont la moitié ne sera plus en activité dans dix ans – et, bien sûr, la raréfaction du foncier agricole disponible, grand absent de ce texte. S’ajoutent à cela d’autres obstacles qui perturbent l’activité : difficulté d’installation des abattoirs de proximité, émergence des maladies infectieuses – comme la maladie hémorragique épizootique (MHE) –, prolifération de nouvelles espèces invasives déréglant les équilibres naturels – à l’instar du frelon asiatique, qui affecte les pollinisateurs et les filières apicole, maraîchère et viticole. Dans ce contexte, toute inertie serait irresponsable.

Après une longue attente, un projet de loi nous est enfin présenté, mais, alors qu’il aurait pu offrir la perspective inédite d’une nouvelle génération d’agriculteurs formée à l’agroécologie et sensibilisée aux défis climatiques, ses mesures manquent d’envergure.

Les quatre articles qui nous sont soumis présentent des écueils : manque de précision, de contrôle du respect des objectifs, de prescription face aux besoins.

La création d’un « bachelor agro » ne devra pas profiter à l’enseignement supérieur privé ni induire en erreur : rien ne garantit à ce diplôme le grade de licence, indispensable à la poursuite d’études. Par ailleurs, l’article 5 ne résout pas les difficultés rencontrées par les établissements d’enseignement supérieur, tant en matière d’ingénierie que de financement, pour garantir une troisième année à nos étudiants. Nous proposerons de le modifier.

Une telle loi doit répondre aux préoccupations du monde agricole sans ajouter de la complexité ni se limiter à des effets d’annonce. Elle devrait être à la hauteur de nos ambitions collectives, dont l’amélioration des conditions de travail de nos agriculteurs, sur qui pèsent les aléas climatiques, les risques sanitaires, l’inflation, la concurrence internationale ainsi que les risques de l’entrepreneuriat, et sur qui reposent notre souveraineté alimentaire et une partie de notre économie et de notre culture. Récemment, la transhumance entrait au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. C’est une reconnaissance du travail de nos bergers qui devrait figurer dans le texte.

L’agriculture est un métier de passion, mais ne doit pas être un métier de sacrifice. Le renouvellement des générations et l’attractivité du métier nécessitent une amélioration des conditions de travail et de rémunération, une protection adaptée face aux risques et un soutien fort de l’État.

Alors que nous avons perdu 2 millions d’agriculteurs depuis 1955, j’appelle à un texte ambitieux qui soutienne concrètement leur travail – une simple définition en préambule du code rural n’est pas suffisante. Le projet de loi va dans le sens de l’agriculture productiviste et n’apporte pas de réponse forte au malaise paysan ni aux questions environnementales ; déconnecté, il ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Nous avons déposé des amendements pour y remédier.

Nous regrettons les conditions d’examen du texte, en particulier le chevauchement des réunions des commissions : la nôtre n’aura sûrement pas fini l’examen des amendements avant que la commission des affaires économiques ne débute son travail. Nous émettrons donc des avis pour pas grand-chose.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le 4 avril dernier, le groupe Écologiste-NUPES, dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire, faisait adopter l’instauration de prix planchers pour enfin garantir un revenu digne aux agricultrices et aux agriculteurs.

Avec ce projet de loi, on en est très loin : aucune ambition, aucune amélioration des conditions de vie, aucune valorisation du travail des paysannes et des paysans. Le texte navigue entre de grandes formules – « l’intérêt général majeur » ou « la défense des intérêts fondamentaux » – et des reculs du droit de l’environnement, à rebours de la volonté affichée de transition agroécologique et climatique – tout cela sans moyens supplémentaires pour les agriculteurs et les agricultrices.

Concernant l’enseignement et la formation agricoles, ce projet de loi d’orientation oriente en fait bien peu. On n’y trouve aucun chiffre qui donnerait des perspectives au service public de l’éducation, que ce soit en matière d’ouverture de places, de personnel supplémentaire ou d’objectifs de formation aux métiers de l’agriculture et du vivant. Il est vrai que ne pas se donner d’objectifs chiffrés demeure le meilleur moyen de ne pas être désavoué par les faits, ce qui permet de prétendre avoir réussi – même et surtout en cas d’échec.

Le renouvellement des générations et le renforcement de l’enseignement agricole public sont les deux poumons de l’agriculture de demain ; ils auraient beaucoup de difficulté à fonctionner l’un sans l’autre. Le défi du renouvellement des générations représente une formidable opportunité pour développer et renforcer l’enseignement agricole public en tant qu’acteur majeur de l’orientation, de la formation et de l’accompagnement de l’installation et de la transmission. C’est aussi une opportunité pour accélérer le développement de l’agroécologie en y donnant une place de premier plan à l’agriculture biologique. Comme partout dans l’éducation, il s’agit aussi de former des citoyennes et citoyens, de futurs professionnels qui auront un nouveau point de vue sur ce qu’est une société durable.

L’enseignement agricole public n’est pas valorisé à la hauteur de son action, notamment en faveur des territoires ruraux. En Pays de la Loire, seul un élève sur huit de l’enseignement agricole est scolarisé dans le public – 13 % en Loire-Atlantique –, alors que la moyenne nationale est de 44 %. Je ne peux m’en satisfaire, car l’enseignement public est un bien public, partie intégrante de l’école de la République accessible à toutes et tous sans frais de scolarité, partout, garantissant ainsi une formation reconnue et de qualité. Si, depuis 2019, l’enseignement agricole connaît une légère hausse – de l’ordre de 4 % –, c’est avant tout le fruit d’une augmentation de l’apprentissage, cependant que les effectifs de la voie scolaire diminuent. Nous sommes encore loin des objectifs de 30 % d’élèves supplémentaires et de l’élévation générale du niveau de diplôme.

Amener davantage de jeunes aux métiers de l’agriculture et du vivant suppose une révolution de la connaissance, de la représentation et de la considération du monde agricole dans notre société. Il faut d’abord sortir des images désuètes et réductrices de l’agriculture ; ensuite, renforcer les liens entre le monde agricole et la société, en passant par l’éducation à l’agriculture et à l’alimentation ; enfin, valoriser et rendre plus lisible l’offre de formation aux métiers de l’agriculture et du vivant.

Malheureusement, dans sa forme actuelle, ce texte ne permettra ni la reconstitution de l’agriculture française, ni l’accélération de la transition agroécologique et sociale, ni le renouvellement des générations. Mais nous nous efforcerons, au moyen de nos amendements, de l’améliorer.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Si nous croyons dans la force de l’éducation et dans les vertus de la formation, nous savons aussi que le système éducatif ne peut pas tout. La tendance au déclin du nombre d’agriculteurs est intrinsèquement liée au déficit d’attractivité du métier, lui-même dû en grande partie à la rémunération insuffisante des paysans. Tant que cette question et celle de la transmission ne seront pas réglées, nous redoutons que les efforts visant à l’installation de nouveaux agriculteurs restent vains. Or ce projet de loi qui vise le renouvellement des générations ne propose pas de solutions pour les agriculteurs, qui peinent à vivre des fruits de leur travail. Bien que le Gouvernement planche sur la question, que deux missions d’information aient été créées et qu’un texte doive être présenté avant l’été, aucune piste n’est sur la table. Nul ne sait comment le Gouvernement entend instaurer les prix planchers annoncés. Le constat demeure le même concernant le foncier ou les produits phytosanitaires, sur lesquels les discussions ont été renvoyés à une date ultérieure, selon des modalités qui restent à définir.

Ce flou nous inquiète et préoccupe légitimement le monde agricole. Il nous empêche d’aborder sereinement les débats sur ce projet de loi. Nous le regrettons d’autant plus que le texte propose quelques mesures intéressantes en matière d’éducation et de formation. Ainsi du contrat territorial de consolidation ou de création de formation, qui vise à augmenter le nombre de jeunes formés par la voie initiale scolaire dans les établissements de l’enseignement agricole technique en se basant sur une analyse des besoins et sur une concertation entre l’État, la région et les représentants locaux des branches professionnelles. Cela va dans le bon sens, mais il reste des éléments à consolider. D’une part, il faut que l’État s’engage à pourvoir et à financer le cas échéant les emplois nécessaires ; d’autre part, il faudra veiller à ce que le maillage territorial soit maintenu, voire renforcé.

La nouvelle formation au niveau bac + 3 devra se faire au plus près du terrain. En tant que corapporteure d’un rapport sur l’enseignement privé à but lucratif, je tiens à vous alerter au sujet de l’intitulé du diplôme de premier cycle prévu à l’article 5. Avec ma collègue Estelle Folest, nous avions recommandé de limiter le recours du terme « bachelor » aux formations proposées par le secteur privé et, dans un souci de cohérence, de modifier l’intitulé du bachelor universitaire technique (BUT), diplôme national délivré par l’enseignement supérieur public. Notre rapport a montré que la nomenclature actuelle était particulièrement peu lisible pour les étudiants qui intègrent l’enseignement supérieur. Il n’est donc pas souhaitable qu’un « bachelor agro » soit délivré par les établissements d’enseignement public. Je proposerai de renommer ce diplôme « licence » – si ce terme n’est peut-être pas le plus adéquat, mon amendement vise à ouvrir les discussions.

Je souhaite que nous fassions de la transition agroécologique et de l’agriculture biologique des modules de base de l’éducation et de la formation agricoles. C’est un préalable nécessaire pour orienter les nouvelles générations vers des modèles de production plus durables. Je défendrai des amendements pour corriger ou renforcer certains volets du projet de loi afin de mieux armer ceux qui, demain, travailleront la terre.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Notre réponse sera rapide afin de passer sans tarder à l’examen des amendements, qui permettra de traiter les sujets que vous avez abordés.

Nous partageons votre souhait de soutenir les jeunes, les enseignants et les agriculteurs, dont les bergers.

Les propos de M. Chudeau au sujet de la sensibilisation des écoliers m’ont étonnée. Un ami agriculteur me racontait il y a deux jours que les enfants qui visitent sa ferme sont le plus souvent surpris par ses gestes quotidiens. La sensibilisation des jeunes à la réalité d’une exploitation agricole demeure donc nécessaire.

Nous approuvons une grande partie de vos propos, y compris ceux de députés extérieurs à la majorité, par exemple ceux de M. Davi quant à la baisse du nombre d’agriculteurs et à la malbouffe.

Article 2 : Orientations stratégiques de la politique d’éducation, de formation et de recherche agricoles

Amendement AC52 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Nous proposons de remplacer la formule introduisant l’article 2, « les politiques d’orientation et de formation en matière agricole contribuent à la politique d’installation et de transmission en agriculture », par ce que proposait la version précédente du projet de loi, plus claire : « Les politiques d’orientation et de formation en matière agricole doivent assurer le renouvellement des générations d’actifs dans le secteur de l’agriculture […]. » Avec un certain nombre d’acteurs, nous nous demandons pourquoi le Gouvernement a abandonné cette formulation. Le reste de l’amendement vise à clarifier ce que recouvre en la matière la notion de politiques publiques en mettant en avant la souveraineté alimentaire et les transitions agroécologique et climatique.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous partageons votre objectif, mais votre amendement est déjà satisfait. L’article 2 indique en effet que « [l]es politiques d’orientation et de formation en matière agricole contribuent à la politique d’installation et de transmission en agriculture », laquelle est définie à l’article premier de ce projet de loi, dont l’examen ne nous incombe pas, dans le nouvel article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, qui précise qu’elle a « pour objectif de contribuer à la souveraineté agricole de la France, en favorisant le renouvellement des générations d’actifs en agriculture ».

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC106 de Mme Béatrice Descamps

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Il vise à préciser que les politiques d’orientation et de formation en matière agricole contribuent également à favoriser les transitions agroécologique et climatique. Les risques écologiques sont de plus en plus préoccupants : il semble nécessaire d’ajouter ce point dès le premier alinéa de l’article 2.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. À nouveau, nous partageons votre objectif, mais l’amendement est satisfait.

L’article 2 indique en effet que « [l]es politiques d’orientation et de formation en matière agricole contribuent à la politique d’installation et de transmission en agriculture », dont l’article premier précise qu’elle « participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental ».

En outre, la notion de transition est omniprésente dans l’exposé des objectifs assignés à ces politiques d’orientation et de formation : l’élévation du niveau de diplôme repose sur celle des « compétences en matière de transitions agroécologique et climatique » ; l’accroissement du nombre d’actifs bénéficiant de la formation continue va de pair avec le développement de leurs « compétences en matière de transitions agroécologique, climatique, économique et numérique » ; l’amplification de l’effort de recherche concerne « les champs […] qui concourent aux transitions agroécologique et climatique ».

Avis défavorable.

Mme Annie Genevard (LR). Il y a cinq mentions de la « transition agroécologique » dans l’article. Il me semble que l’idée est suffisamment assenée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC268 de Mme Géraldine Bannier

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Je propose d’ajouter aux politiques publiques qui s’occupent du renouvellement des générations celle de l’insertion professionnelle, qui était mentionnée à l’origine dans l’article premier. Il s’agit notamment d’aller chercher des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC236 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le renouvellement des générations en agriculture appelle la mobilisation de l’État, des régions ainsi que de l’ensemble des échelons territoriaux dont les politiques publiques affectent l’agriculture. À ce titre, les groupements de communes doivent pouvoir contribuer aux objectifs définis à l’horizon 2030.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cette précision nous paraît de bon sens.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC15 de Mme Annie Genevard

Mme Annie Genevard (LR). Je souhaite que les branches professionnelles concernées soient associées à l’établissement du programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et de l’alimentation. C’est la moindre des choses de s’enquérir de l’avis des professionnels que l’on va ensuite solliciter pour mettre en œuvre ces programmes.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Demande de retrait, car nous avons déposé le même amendement, préparé au cours des auditions.

Mme Annie Genevard (LR). D’une part, je n’avais pas connaissance, et pour cause, de votre amendement ; d’autre part, il existe pour ce genre de situation le système des amendements identiques. Ainsi, je présente mon amendement en premier ; s’il rejoint votre préoccupation, il est adopté ; le vôtre sera alors adopté par la même occasion. Je ne vois pas où est le problème. Je ne vais pas retirer mon amendement au profit du vôtre.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Les amendements ne sont pas strictement identiques et celui des rapporteurs se situe un peu plus loin dans la liste, raison pour laquelle ils n’ont pas été soumis à une discussion commune.

Mme Annie Genevard (LR). Ce ne sont pas des façons de faire. Je maintiens l’amendement AC15.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Même si les rédactions de nos amendements diffèrent un peu, je suis enclin à émettre un avis favorable.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Madame Genevard, souhaitez-vous modifier votre amendement en direct, afin qu’il soit identique à celui des rapporteurs ?

Mme Annie Genevard (LR). Votre imagination est sans limites ! Avant d’accéder, par courtoisie à l’égard de M. Sorre, à votre demande, j’aimerais tout de même connaître les termes de l’amendement que vous me proposez de reprendre.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nos amendements concernent les alinéas 7 et 8.

Mme Annie Genevard (LR). Ont-ils la même visée englobante ? Le mien amende le II, qui porte sur les politiques publiques appropriées. Il servirait de chapeau, en quelque sorte. Le vôtre intervient au III, à propos du programme national d’orientation. Ne peut-on pas mettre le vôtre au II ?

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Pour être tout à fait honnête, votre amendement est plus large.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Nous allons valider tous les amendements : le vôtre pour le chapeau, le nôtre pour le détail. Ces amendements seront encore discutés par la commission des affaires économiques et en séance, ce qui permettra d’en modifier la rédaction si nécessaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC238 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). C’est l’ensemble du monde agricole et du vivant qui connaît et va connaître des besoins en emplois. Nous proposons donc de parler des « métiers de l’agriculture et du vivant » plutôt que des « métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire ».

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Défavorable. La mention explicite des métiers de l’agroalimentaire a bien sa place dans ces alinéas. La formule plus large que vous proposez risquerait de masquer les objectifs d’augmentation du nombre de personnes formées et d’élévation de leur niveau de compétence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC237 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Si l’objectif est d’augmenter le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et le nombre d’actifs dans ce secteur, alors il faut accroître le nombre d’enseignantes et d’enseignants. Pour parvenir à 25 000 diplômés chaque année, ce sont 50 équivalents temps plein (ETP) qui devront être créés tous les ans d’ici à 2028. Il faut allouer des moyens supplémentaires au service public quand, dans bien des secteurs de la fonction publique, la crise des vocations s’accélère en même temps que la dégradation des conditions de travail.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Comme vous, nous souhaitons que davantage de jeunes se préparent aux métiers de l’enseignement, qui sont bien sûr nécessaires au renouvellement des générations et à la souveraineté alimentaire. Plusieurs mesures ont été prises pour accroître l’attractivité de cette profession, y compris dans le domaine agricole. Les enseignants des établissements agricoles ont été concernés par les revalorisations salariales et le pacte enseignant, tandis que le ministère de l’agriculture a instauré l’an dernier une voie de recrutement au niveau licence dans les formations techniques et professionnelles, ce qui contribuera à augmenter le nombre d’enseignants formés.

Votre amendement ne nous paraît pas conforme à l’objet du projet de loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC144 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à inclure un objectif d’augmentation du nombre de femmes cheffes d’exploitation dans les politiques d’orientation et de formation en matière agricole. Alors que les femmes représentaient 24 % des chefs d’exploitation en 2022, la féminisation de la profession nécessite celle de la formation agricole, laquelle passera par le développement d’infrastructures mixtes et par l’adaptation des programmes.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous considérons cet amendement comme un amendement d’appel.

Nous-mêmes sommes bien conscients des enjeux de genre, mais la féminisation de la fonction de chef d’exploitation est en cours. La part des femmes parmi les chefs d’exploitation est en hausse de 0,6 point sur dix ans et 49 % des élèves et étudiants de l’enseignement agricole par voie scolaire sont des femmes, ce qui laisse augurer une augmentation du nombre de cheffes d’exploitation.

Nous ne souhaitons pas dresser la liste de toutes les intentions qui doivent accompagner la politique d’augmentation du nombre de personnes formées : une telle démarche ne relève pas de la loi et altérerait sa lisibilité si cette liste devait être complétée par la suite.

Avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je ne crois pas que cet amendement reviendrait à commencer une liste à la Prévert. Permettre aux femmes de prendre toute leur place dans l’avenir de l’agriculture constitue un enjeu fondamental ; c’est pourquoi je regrette que vous ne vous en remettiez pas à la sagesse de la commission.

Mme Annie Genevard (LR). Ceux qui, comme nous, savent bien ce que les femmes apportent à l’agriculture pourraient être tentés de voter pour l’amendement, mais je n’y suis pas favorable.

Les femmes, qui ont toujours occupé un rôle très important dans la vie agricole, prennent naturellement de plus en plus de responsabilités au sein des exploitations. Elles deviennent cheffes d’exploitation lorsque leur époux accède à la retraite, en prenant sa place dans le groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec). Et elles prennent des responsabilités croissantes au sein des organisations professionnelles et syndicales. Je constate un mouvement puissant de reconnaissance des femmes en agriculture, si bien qu’adopter une approche genrée par principe ne me paraît pas nécessaire.

Voter cet amendement reviendrait donc bien à commencer une liste à la Prévert : ensuite, il faudra allouer des places spécifiques aux élèves d’origine urbaine, ou que sais-je encore. Laissons les agriculteurs faire toute leur place aux femmes, même si nous aurons certainement à revenir sur la question de leur retraite – sujet qui préoccupe particulièrement Mme la rapporteure pour avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC71 et AC72 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Notre objectif est de mettre le projet de loi en adéquation avec son titre. En effet, d’ici une dizaine d’années, 200 000 agriculteurs vont partir à la retraite, alors que nous ne formons que 13 000 futurs agriculteurs et agricultrices chaque année. Le compte n’y est donc pas, et même en atteignant l’objectif d’augmentation de 30 % du nombre de formés, nous ne parviendrions pas ne serait-ce qu’à compenser les départs à la retraite.

L’amendement AC71 tend donc à rétablir les 277 postes supprimés ces dernières années au sein de l’enseignement public agricole et l’amendement AC72 à créer 263 nouvelles classes, lesquelles nécessiteraient le recrutement de 684 équivalents temps plein d’enseignants pour former les étudiants qui les rempliraient.

Si vous n’acceptez pas de chiffrer précisément les besoins, cela signifiera que le projet de loi ne tient pas compte des enjeux du renouvellement des générations et que son titre n’est qu’un vœu pieux. Je ne doute donc pas que vous voterez ces deux amendements.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Avis défavorable, car nous ne voulons pas fixer des objectifs définitifs en la matière, au risque de s’empêcher de les dépasser. Il faut conserver de la souplesse, surtout dans une perspective pluriannuelle. Je rappelle que l’objectif du Gouvernement est d’augmenter de 30 % le nombre d’étudiants en formation initiale.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ce n’est pas de souplesse qu’il faudra faire preuve, mais du don d’ubiquité ou de talents de prestidigitation : comment formerons-nous davantage de personnes avec moins d’enseignants ? Vous ne voulez pas que l’on recrute des enseignants supplémentaires, soit, mais vous ne répondez même pas sur les 277 suppressions de poste.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Nous vous invitons à redéposer ces amendements lors de l’examen du projet de loi de finances, où ils auront davantage leur place.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AC267 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le Gouvernement choisit de ne s’engager sur aucun objectif chiffré dans ce projet de loi pourtant dit d’orientation, ce qui est regrettable. Si l’on espère 20 000 installations par an, alors ce sont environ 5 260 places qu’il convient d’ouvrir dans l’enseignement agricole. J’évoque un nombre de places, car la composition des classes varie selon les filières et les territoires. Entendons-nous bien : une classe agricole de dix élèves, ou moins, est un atout pour l’avenir du monde agricole et le territoire concerné. Aucune classe ne doit être fermée.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. L’objectif du Gouvernement est clair, le Président de la République l’a rappelé lui-même : augmenter de 30 % le nombre de personnes en formation initiale.

De plus, l’article 4 prévoit une analyse, au niveau régional, des besoins en matière de consolidation et de création de formation dans l’enseignement agricole. À mes yeux, cela signifie bien que des classes pourront être ouvertes si nécessaire – et les formations ajustées, étant donné que certaines n’attirent plus qu’un faible nombre d’élèves. Nous devons disposer de cette analyse régionale avant de proposer des ouvertures.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Vous cherchez à éluder la question de la planification. Pouvons-nous, à l’échelle nationale, évaluer les besoins en agriculteurs et, partant, en matière de formation ? Vous vous figurez qu’une telle réflexion ne doit pas avoir lieu dans le cadre d’un projet de loi d’orientation, mais un nombre précis de chercheurs et d’enseignants-chercheurs a bien été inscrit dans la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Si vous estimez que nous avons besoin de 30 % d’agriculteurs en plus, il faut chiffrer le nombre d’enseignants supplémentaires que cela requiert.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC53 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il s’agit de donner la priorité à l’acquisition des compétences en matière de transition agroécologique et climatique.

Nous devons augmenter le nombre d’agriculteurs, ou du moins assurer le renouvellement des générations, mais aussi réaliser la bifurcation écologique, ce qui nécessite de modifier la formation des professionnels. Il ne suffit pas d’affirmer que l’on veut accroître les compétences : il faut un changement de paradigme. À cette préoccupation, il a été opposé l’importance d’enseigner la gestion, mais celle-ci est déjà présente dans les formations : il faut bien sûr préserver ce type d’enseignement, mais il est essentiel de renforcer ceux relatifs à la transition agroécologique et climatique.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Donner la priorité aux compétences en matière de transitions agroécologique et climatique reviendrait à supplanter d’autres enseignements essentiels, en particulier dans les domaines numérique et managérial. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC35 de Mme Mathilde Hignet et AC239 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement AC35 vise à ajouter l’agriculture biologique, qui représente 16 % de l’emploi agricole, à la liste de ce qui doit être enseigné. Elle ne se réduit pas à l’agriculture écologique et il convient en effet d’insister, au cours de la formation, sur sa spécificité.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Selon les régions, entre 30 et 50 % des candidats souhaitent s’installer en agriculture biologique, ce qui montre l’ampleur des besoins de formation dans ce domaine. Si on ajoute à cela la nécessité de mener la transition agroécologique, nous voyons que c’est bien une révolution qu’il faut entreprendre en matière d’enseignement, sachant que les formations en agriculture biologique ne représentent que 5 % des cursus. Cet enseignement devrait être une priorité des formations initiale et continue.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Vous demandez l’accroissement des compétences et l’amplification de la recherche et de la formation continue en matière d’agriculture biologique, mais, selon nous, le développement de l’agriculture biologique est bien une composante de la transition agroécologique au sens large ; or le texte prévoit déjà que celle-ci fait l’objet d’une montée en compétence des actifs agricoles et d’un effort de recherche et de formation accélérée des professionnels. Dans ce cadre, l’agriculture biologique sera prise en compte à la fois dans les diplômes agricoles, en formation continue, par les politiques de recherche, d’innovation et de diffusion de connaissance et par les actions de découverte des métiers.

Ces amendements ne nous semblent donc pas nécessaires. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AC145 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à fournir une information complète sur le modèle agroécologique aux futurs agriculteurs lors de leur formation. L’argument de la faisabilité économique est souvent opposé aux défenseurs des pratiques agroécologiques, mais si des difficultés peuvent survenir au début, elles tendent à disparaître une fois que la transition est achevée et la production développée. Il est donc nécessaire d’aborder la question de la viabilité économique de ce modèle, qui est un angle mort de l’enseignement agricole.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Cet amendement est satisfait par la révision de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime que prévoit le projet de loi. Si le texte est adopté, cet article disposera que les établissements d’enseignement agricole « mettent en œuvre toute action » nécessaire au « développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ». Les enjeux agroécologiques sont donc désormais pris en compte dans toutes les rénovations de diplômes, que ces derniers relèvent des voies générale, technologique ou professionnelle. Il s’agit en outre de l’objectif principal du plan Enseigner à produire autrement que pilote la direction générale de l’agriculture et de la recherche (DGER).

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC229 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il vise à garantir aux femmes un égal accès à la formation continue. Le rapport d’Oxfam intitulé « Agriculture : les inégalités sont dans le pré » indique en effet que les femmes bénéficient moins que les hommes des formations continues agricoles. Pourtant, chacune devrait y avoir accès pour se former à la transition agroécologique et mener à bien la bifurcation de notre système agricole. Réduire les inégalités de genre dans la formation contribuerait à féminiser les filières agricoles et à reconnaître la place que les femmes y occupent.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous comprenons votre objectif, mais notre avis est défavorable. En droit, rien n’entrave cet égal accès et rien ne permet ni d’imposer aux femmes ni d’interdire aux hommes de participer à une formation afin d’atteindre une plus grande parité. Dans la pratique, les inégalités – tout à fait réelles – relèvent plutôt du problème de la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, auquel cet amendement ne saurait apporter une solution.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC54 de M. Hendrik Davi et AC147 de M. Inaki Echaniz

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il s’agit d’insister sur l’importance de l’agroécologie. Soyons clairs : nous ne voulons pas arrêter l’enseignement de la gestion ou de l’économie, mais l’indispensable bifurcation écologique implique des changements qu’il faut inscrire dans la loi.

Ayons bien conscience que 20 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays sont issues de l’agriculture. Les réduire ne sera pas simple– elles viennent des pesticides, mais aussi de la mécanisation, et nous n’allons pas abandonner tout recours aux outils mécaniques ; il faudra néanmoins faire des efforts, ce qui passe notamment par la formation et requiert de donner la priorité au développement des compétences en agroécologie.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Pour des raisons de concision, nous préférons l’amendement suivant, le AC147 de M. Echaniz, et demandons le retrait du AC54.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous sommes d’accord sur la nécessité de faire de l’enseignement des méthodes agroécologiques une priorité de la formation des futurs agriculteurs. Il est vrai que mon amendement est plus concis.

L’amendement AC54 est retiré.

Mme Annie Genevard (LR). Je suis totalement défavorable à l’amendement AC147. Introduire le mot « prioritairement » signifierait qu’il existe des éléments secondaires. Or reconnaître le travail des agriculteurs, c’est constater les efforts qu’ils fournissent pour trouver un équilibre entre le développement des pratiques vertueuses sur le plan environnemental et l’exercice de leur métier – la production alimentaire, l’élevage de bétail, etc. – dans des conditions normales. Adopter la formulation proposée par cet amendement introduirait un déséquilibre.

Mme la présidente Isabelle Rauch. L’avis des rapporteurs est-il bien favorable à l’amendement AC147 ?

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Oui, car il conserverait les quatre adjectifs « agroécologique », « climatique », « économique » et « numérique ».

La commission adopte l’amendement AC147.

Amendement AC146 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole incluent la promotion de l’agriculture biologique, en cohérence avec les finalités des politiques publiques agricoles et alimentaires définies à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Le secteur biologique représente 16 % de l’emploi agricole et son évolution devrait permettre d’atteindre l’objectif de 18 % de surfaces biologiques en 2027. Selon les régions, entre 30 et 50 % des candidats souhaitent s’installer en bio, ce qui induit un réel besoin de formation. Or les formations en agriculture biologique ne représentent que 5 % de l’offre de formation publique en production, transformation et commercialisation de produits agricoles et agroalimentaires et sont inégalement réparties suivant les territoires et les cursus.

Il y a donc urgence à renforcer la formation initiale et continue en agriculture biologique.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Amendement satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC149 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Dans le même esprit, cet amendement insiste sur l’urgence d’un renforcement de la formation initiale comme continue à l’agriculture biologique. L’État prépare le prochain plan Enseigner à produire autrement pour l’enseignement agricole et achève la rénovation de ses diplômes. D’autre part, en prévoyant un plan de formation de 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation et du conseil, il pourra former massivement les personnels à l’agriculture biologique. Ce sont deux occasions qu’il faut saisir.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Nous n’y sommes pas favorables : il est déjà précisé que l’amplification de l’effort de recherche porte sur les champs stratégiques qui concourent à la transition agroécologique, laquelle inclut le développement de l’agriculture biologique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC73 de Mme Aurélie Trouvé

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Il s’agit de préciser que l’État et les collectivités territoriales concentrent leurs efforts sur la recherche publique. Les fonds publics doivent être investis dans des projets qui bénéficient à l’ensemble de la société et favorisent l’innovation ouverte et partagée plutôt que des intérêts privés. En ciblant la recherche publique, cet amendement s’assure que les avancées scientifiques dans le domaine agronomique et agroenvironnemental resteront accessibles à tous.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous aurions tort de ne pas associer la recherche privée à notre effort de recherche et de mise à disposition de la connaissance.

Si financement public il y a, il s’accompagne de contreparties en matière de diffusion et de partage des fruits de la recherche. Les résultats des travaux conduits avec des fonds publics doivent faire l’objet d’une diffusion large aux acteurs du secteur. En outre, d’après les données du ministère, la part de crédits attribués au secteur privé sur les crédits du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural était en 2023 de moins de 1 %.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). En tant qu’ancien chercheur de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), qui a participé pendant des années à son conseil scientifique, je pense qu’il est important de concentrer nos efforts sur la recherche publique, qui ne recherche pas le profit et développe des recherches en totale indépendance. Sur des dossiers comme les OGM (organismes génétiquement modifiés) ou les pesticides, la confiance des citoyens est essentielle.

Quand Monsanto finance une thèse et qu’il n’est pas content du résultat, la thèse n’est pas publiée ! C’est cela le problème actuellement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC14 de Mme Annie Genevard

Mme Annie Genevard (LR). Cet amendement vise à inscrire la préservation de la production alimentaire nationale et la performance économique des exploitations agricoles parmi les connaissances transmises aux futurs agriculteurs.

La transition agroécologique et climatique ne doit pas faire oublier la finalité alimentaire de l’agriculture : il s’agit bien de produire. Il faut également sensibiliser les futurs exploitants agricoles à la dimension économique de leur métier.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait car cet objectif est inscrit à l’article 1er du projet de loi, qui définit les objectifs généraux des politiques publiques. Avis défavorable.

Mme Annie Genevard (LR). Je pourrais entendre votre argument si l’article 2 ne contenait aucun objectif, mais il en mentionne un. Soit on les répète tous, soit on n’en mentionne aucun !

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC151 et AC152 de M. Bertrand Petit

M. Bertrand Petit (SOC). Ces deux amendements du groupe Socialistes et apparentés visent à garantir qu’en matière de recherche, les solutions fondées sur la nature font l’objet d’une attention particulière.

L’amendement AC152 se concentre sur la question des zones humides, qui font partie intégrante du système agricole. Elles accueillent bien sûr des activités de production, notamment maraîchère, mais au-delà, leurs services écosystémiques assurent une plus grande résilience face au changement climatique et contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les zones humides stockent par exemple 75 % du carbone de l’atmosphère et 30 % du carbone des sols du monde entier.

Les connaissances scientifiques doivent permettre de mieux comprendre le rôle de ces écosystèmes qu’il est essentiel de protéger et, le cas échéant, de restaurer.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable aux deux. La rédaction de l’amendement AC151 est trop floue. En outre, la notion d’agroécologie englobe à nos yeux l’ensemble de ces pratiques. Les solutions fondées sur la nature constituent naturellement une voie majeure pour la recherche : le Gouvernement consacre d’ailleurs 45 millions d’euros au PEPR (programme et équipement prioritaire de recherche) Solu-Biod, qui vise à développer les solutions fondées sur la nature pour soutenir les écosystèmes et la biodiversité. Je vous suggère de travailler à une nouvelle rédaction pour la séance.

Quant à l’amendement AC152, les zones humides constituent évidemment un enjeu majeur, mais votre demande est satisfaite : l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime rappelle que la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tient compte des spécificités des zones humides. Il ne nous apparaît pas souhaitable d’ouvrir ici une liste, qui ne pourrait pas être exhaustive, de tous les milieux qui doivent faire l’objet d’une attention particulière.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Ces amendements visent à renforcer la loi : la précision dans l’écriture de la loi est, en matière environnementale, d’autant plus nécessaire que des décisions préfectorales s’appuient sur les codes pour déroger parfois à l’intérêt général et abîment les littoraux, les forêts, les zones humides. Mentionner spécifiquement les zones humides renforcerait la loi, car une loi trop générale permet de trop nombreuses exceptions.

M. Bertrand Petit (SOC). Je regrette votre refus d’inscrire l’importance des zones humides dans la loi. Ce sont les grandes absentes de ce texte d’orientation agricole. Ce sujet a pourtant retenu l’attention de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable.

Mme Annie Genevard (LR). Il n’y a pas plus protégé que les zones humides aujourd’hui ! C’est une priorité des politiques publiques et je vous mets au défi de trouver un seul préfet qui s’en prenne délibérément à des zones humides.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AC148 de M. Inaki Echaniz et AC203 de M. Christophe Marion

M. Inaki Echaniz (SOC). Je regrette le vote précédent sur les zones humides.

Cet amendement vise à préciser que l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances devra notamment s’appuyer sur les diagnostics modulaires d’exploitation et les plans de filières. Il a été préparé avec les Jeunes agriculteurs.

M. Christophe Marion (RE). Il faut effectivement préciser que l’effort de recherche qui est prévu dans les champs thématiques stratégiques de l’agriculture doit s’appuyer sur ces éléments.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Nous partageons vos préoccupations : il faut partir des besoins exprimés par les agriculteurs et les filières. Le diagnostic modulaire est un outil pertinent. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques AC33 de M. Loïc Prud’homme et AC155 de M. Inaki Echaniz

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement nous donne l’occasion d’évoquer le rôle des politiques publiques dans la trajectoire de notre agriculture. Ce sont bien elles qui ont conduit les agriculteurs et les agricultrices dans l’impasse que nous connaissons : ils ne vivent pas de leur métier ; la production et la souveraineté alimentaire ne sont pas au rendez-vous.

Il ne s’agit pas de mettre en cause les agriculteurs et les agricultrices, mais bien les politiques menées depuis soixante-dix ans et le fameux plan Pisani. Ce projet de loi ne nous propose rien d’autre que du Pisani 2.0. Nous proposons de réorienter l’action de l’État pour soutenir une véritable transition agroécologique, qui permette aux exploitants agricoles de produire une alimentation saine et de qualité tout en vivant de leur activité.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je compléterai en citant la note de la Cour des comptes intitulée « Accompagner la transition agroécologique » : « La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont également un moment critique, au cours duquel les choix de systèmes agricoles sont définis pour de nombreuses années ; il s’agit donc de saisir cette occasion de réorienter les pratiques et développer l’agroécologie, tout en veillant à la rentabilité des exploitations. »

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas favorables à l’ajout d’un cinquième objectif. Votre demande est satisfaite par le texte : les dispositions qui précèdent et qui suivent ont toutes pour objectif de favoriser le développement des compétences comme de la recherche afin d’encourager la transition agricole et notamment l’agriculture biologique.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Je suis l’auteur, avec Charles Sitzenstuhl, d’un rapport à la commission des affaires européennes sur la souveraineté alimentaire européenne. Je voudrais souligner deux points. D’abord, les sols français ont été appauvris par les pratiques des générations précédentes – je ne mets pas en cause les agriculteurs en disant cela. Ensuite, nous sommes très dépendants des fertilisants et nous ne disposons pas des matières premières pour les produire – je parle ici des phosphates. Quand nous parlons d’agroécologie ou d’agriculture biologique, quand nous évoquons la diversité des pratiques de production agricole à vocation alimentaire ou la préservation des sols, il faut en tenir compte.

La diversité des pratiques préserve les sols et c’est de cette façon que les nouvelles générations pourront sauver le futur, alors que nous leur transmettons un monde bien abîmé.

Mme Annie Genevard (LR). Dans le raisonnement que vous tenez, il manque un élément essentiel : le consommateur. Beaucoup de fermes biologiques sont en très grande difficulté parce qu’elles ne trouvent plus de débouchés. Encourager des agriculteurs à s’engager dans cette voie, c’est leur faire courir un risque économique.

J’ajoute que les agriculteurs ont énormément modifié leurs pratiques et que les intrants ont beaucoup diminué. Il ne faut pas stigmatiser ces pratiques : s’il est encore possible de progresser, elles n’ont plus rien à voir avec celles du passé.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC231 de Mme Graziella Melchior

Mme Graziella Melchior (RE). Cet amendement vise à ajouter aux objectifs assignés aux politiques publiques celui d’accroître l’alimentation saine et de qualité servie dans la restauration scolaire. Cette dernière doit être exemplaire : avec plus de 1,1 milliard de repas servis chaque année, elle doit contribuer à une alimentation plus saine et moins importée, et faire découvrir la grande diversité des productions françaises. Elle constitue en outre un débouché évident pour nos agriculteurs, notamment biologiques, qu’il convient de développer.

Dans la lignée de la loi Egalim, qui fixait un objectif d’au moins 50 % de produits possédant un label de qualité, dont 20 % de produits bio, accroître la part de l’alimentation durable dans la commande publique est un levier significatif pour encourager la transformation des modèles agricoles et une occasion de valoriser les filières locales et de qualité.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Fixer un tel objectif aux politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole peut paraître décalé, alors qu’il est surtout question d’accroître le nombre et le niveau des personnes formées. Toutefois, l’intention est louable. Sagesse.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). C’est un sujet crucial. Pour mener à bien la transition de notre agriculture, il faut des consommateurs, comme l’a dit Mme Genevard. Les cantines doivent en faire partie. Si l’on pousse la restauration collective à aller vers le bio et des labels de qualité, on favorise la filière. Nous voterons cet amendement.

Néanmoins, cet objectif est déjà inscrit dans la loi Egalim, et il n’est pas atteint : dans le monde de la concurrence libre et non faussée, les collectivités locales ont du mal à promouvoir la restauration locale et bio.

Mme Annie Genevard (LR). Je ne suis pas favorable à cet amendement. Cet objectif a été repris de texte en texte depuis plusieurs années. Faut-il se répéter à ce point ?

Il ne correspond pas non plus, je crois, au contenu de cet article.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC34 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Les femmes représentent 29 % des actifs du secteur agricole ; les actives agricoles perçoivent aussi une rémunération inférieure de 29 % en moyenne à celle de leurs homologues masculins. Or, d’ici à 2030, la moitié des agriculteurs et agricultrices partiront à la retraite : nous aurons donc besoin de tout le monde. En outre, les projets menés par les femmes sont en moyenne davantage agroécologiques et inscrits dans une dynamique locale.

Les femmes rencontrent pourtant de multiples difficultés dans leur parcours d’installation, à cause de préjugés sexistes ou de stéréotypes. Nous avons aussi des témoignages sur les outils, conçus pour des gabarits d’homme et parfois totalement inadaptés aux femmes, qui finissent par organiser des groupes de formation pour utiliser ces outils différemment. Ce devrait être le rôle de l’éducation nationale.

Il faut donc ajouter la lutte contre les inégalités de genre aux objectifs des politiques publiques.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous partageons votre ambition, mais l’amendement nous paraît satisfait : les établissements d’enseignement et de formation agricole sont soumis au respect des principes généraux de l’éducation, qui évoquent notamment la lutte contre le sexisme et les stéréotypes de genre.

Par ailleurs, le ministère de l’agriculture a élaboré un plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui traite notamment des enjeux de sécurité et de pénibilité au travail.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je voudrais insister sur la question de l’adaptation des outils. Les femmes s’entraînent entre elles dans des groupes dédiés – que rejoignent parfois des hommes, car on y apprend à utiliser les outils de façon plus sereine et plus adaptée au corps de chacun : c’est bénéfique pour tout le monde. Mais ces questions ne sont pas suffisamment traitées dans le parcours de formation.

Mme Annie Genevard (LR). Je ne sais pas quelle expérience vous avez du monde agricole, mais je constate pour ma part que les femmes y sont éminemment respectées. Il y a des domaines où le sexisme existe bel et bien – on parle souvent du milieu médical – mais les agriculteurs savent ce qu’ils doivent aux femmes. Je n’ai jamais ressenti le monde agricole comme sexiste. Je suis hostile à ce que l’obsession du genre irrigue ces travaux : c’est particulièrement malvenu.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC154 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à intégrer aux objectifs des politiques publiques la promotion de l’agriculture de groupe auprès des futurs agriculteurs en formation. La mobilisation agricole du début de l’année 2024 a montré le malaise de la profession et une lassitude vis-à-vis d’un métier très exigeant et très contraignant.

Cet amendement vise à permettre aux futurs agriculteurs et agricultrices d’entretenir un rapport nouveau avec leur temps de travail, plus en phase avec les attentes sociales contemporaines. Cela passe par l’introduction dans l’enseignement agricole de réflexions autour de l’aménagement du temps de travail, de la relève à travers le salariat agricole et de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous partageons l’objectif de sensibiliser les futurs agriculteurs à l’aménagement du temps de travail. Mais quatre grands axes de compétences ont été identifiés, comme le rappelle l’étude d’impact, et votre demande y est déjà intégrée : l’amendement est satisfait.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je maintiens l’amendement, car la précision me paraît importante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC159 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il s’agit d’associer les représentants de la profession agricole à l’élaboration du programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et du vivant. Celui-ci doit être élaboré par l’État, les régions et les syndicats agricoles, qui connaissent les réalités du métier.

Cette demande émane de plusieurs syndicats agricoles.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Demande de retrait, car nous proposerons un peu plus loin un amendement AC269 qui prévoit une association des professionnels, et non une simple concertation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC2 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). L’idée d’un programme national d’orientation et de découverte de ces métiers n’est pas concrète : on ne sait même pas chiffrer le nombre de classes que l’on pourrait ouvrir, ni le nombre d’élèves qui pourraient être concernés ! Nous proposons de le remplacer par un programme régional : les régions sont en effet compétentes en matière de formation professionnelle.

En outre, je propose de supprimer la fin de l’alinéa, qui détaille inutilement les modalités de ce plan d’orientation. Cela relève d’une circulaire, et non de la loi.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous ne souhaitons pas que la découverte des métiers se limite au niveau régional. Il ne faut pas cantonner les élèves aux métiers du vivant présents sur leur territoire, mais leur permettre d’appréhender la diversité de ce qui existe sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer. Imaginez un élève de Mayenne : pourquoi n’irait-il pas découvrir le métier d’un vigneron ? Il faut rester ouvert.

M. Roger Chudeau (RN). Soyons concrets ! On ne peut pas imaginer qu’un écolier du Loir-et-Cher ira découvrir l’agriculture en Guyane, ni même dans la région voisine, cela n’a ni queue ni tête. Les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle alors que le plan dont vous parlez sera impossible à chiffrer et à évaluer : c’est hors-sol, ce que vous faites.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC240 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à clarifier les métiers concernés par le programme national d’orientation et de découverte en parlant de « métiers de l’agriculture et du vivant ». Il s’agit finalement, comme le dit une campagne de communication du ministère de l’agriculture, de promouvoir « l’aventure du vivant » !

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Par cohérence avec les avis émis tout à l’heure, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC223 et AC224 de Mme Sophie Mette ; amendements identiques AC269 de Mme Géraldine Bannier, AC160 de M. Inaki Echaniz, AC204 de M. Christophe Marion et AC218 de Mme Sophie Mette ; amendement AC116 de Mme Béatrice Descamps (discussion commune)

Mme Sophie Mette (Dem). L’amendement AC223 a pour objet d’associer à l’élaboration du programme national d’orientation et de découverte des métiers les établissements d’enseignement technique agricole publics ou privés ainsi que les professionnels des métiers concernés. L’amendement de repli AC224 vise uniquement les établissements d’enseignement.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Nous avons déjà évoqué l’amendement AC269, qui vise à associer les professionnels des métiers concernés. Mais notre préférence va finalement à l’amendement AC223, qui est le plus complet : c’est à lui que nous donnons un avis favorable.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Au risque de briser le consensus, nous sommes opposés à l’association des professionnels. C’est une fausse bonne idée, car dans les professionnels, on trouve aussi bien des syndicats agricoles que des fabricants de pesticides ! Il conviendrait à tout le moins de préciser ceux qui sont visés. Certains pourraient chercher à promouvoir, par le biais du programme national, un type d’agriculture qui n’est pas celui que le législateur souhaite voir se développer. L’immixtion des acteurs économiques dans les formations est un écueil bien connu du secteur médical. Si l’on veut restaurer la confiance, il faut établir une séparation claire.

La commission adopte l’amendement AC223. En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement AC66 de M. Aymeric Caron

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). D’après une étude de la Fondation 30 millions d’amis en 2022, 84 % des Français considèrent que le bien-être animal est important. Nous proposons donc d’ajouter aux thèmes abordés par le programme national le respect de la sensibilité animale et du vivant, ainsi que la nécessité d’une végétalisation de l’alimentation.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Les précisions sur le contenu du programme ne relèvent pas de la loi et, de surcroît, doivent faire l’objet d’une concertation avec les professionnels concernés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC107 de Mme Béatrice Descamps

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Il s’agit de compléter le contenu du programme national par une sensibilisation au bien-être animal.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Défavorable, pour les mêmes raisons que l’amendement précédent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC271 de M. Bertrand Sorre

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le programme national devra préciser les modalités selon lesquelles les représentants des professions concernées seront autorisés à entrer dans les établissements scolaires pour intervenir au sein des classes.

Au cours des auditions nous ont été rapportées les difficultés que rencontrent certains professionnels pour accéder aux établissements scolaires, en raison des réticences des enseignants, des directeurs, voire des rectorats dans certains cas.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC232 de Mme Graziella Melchior

Mme Graziella Melchior (RE). Cet amendement vise à encourager les stages dans les exploitations et les entreprises usant de méthodes écoresponsables.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Demande de retrait. Si nous partageons votre objectif, il ne nous semble pas souhaitable d’entrer dans un tel niveau de détail dans la loi. En outre, il faudra tenir compte des lieux de stages disponibles. Enfin, il peut être intéressant pour un jeune de découvrir la diversité des méthodes de production avant de s’orienter ensuite vers celle qui lui semble la plus pertinente.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC272 de M. Bertrand Sorre

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet de confier aux chambres d’agriculture la mission d’élaborer des répertoires des lieux de stages dans leur territoire, afin de simplifier la mise en relation des exploitants avec les candidats potentiels.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC273 de M. Bertrand Sorre

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Il s’agit de renforcer l’information des personnels de l’éducation nationale chargés de l’orientation des élèves sur les métiers du vivant et sur les formations qui y préparent.

Loin de douter de leur implication, nous souhaitons remédier à la méconnaissance des métiers du vivant qui est constatée par endroits.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Nous ne pouvons qu’abonder dans ce sens puisque nous avons déposé une proposition de loi relative à l’accès à l’enseignement supérieur dont l’un des objectifs est de refonder le service public de l’orientation au collège et au lycée. Celle-ci prévoit également de doubler le nombre de psychologues de l’éducation nationale, dont la faiblesse est criante.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC274 de M. Bertrand Sorre

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le programme national devra comporter des actions à destination des jeunes réalisant un service national universel. C’est un moment propice pour présenter les métiers du vivant et les formations qui permettent d’y accéder à un public qui se trouve à une période charnière pour l’orientation. Cet amendement a été suggéré par la directrice d’un lycée professionnel de ma circonscription.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC241 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il s’agit de préciser que seules les formations publiques aux métiers du vivant seront promues dans le cadre du programme national.

L’enseignement agricole public est une richesse de notre système éducatif. Il joue un rôle majeur dans la formation, l’orientation et l’accompagnement à l’installation et à la transmission agricoles.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Défavorable. L’enseignement agricole privé forme aujourd’hui plus de la moitié des élèves – 53 % –, dans plus de la moitié des établissements d’enseignement agricole. Il constitue une composante indispensable du service public de l’éducation, et de l’enseignement agricole en particulier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC270 de Mme Géraldine Bannier

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Il est proposé de s’appuyer sur le service public audiovisuel pour promouvoir les métiers du vivant et les formations qui y préparent.

La représentation du métier d’agriculteur dans les médias n’est guère satisfaisante. On passe de « L’amour est dans le pré » à des images très dures, bien que réelles, du monde agricole. Il faut convaincre les médias de s’emparer du sujet et de donner une image la plus juste et la plus fidèle possible du travail au quotidien de nos agriculteurs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC158 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Aux termes de l’amendement, le programme national aura pour mission complémentaire de « susciter des vocations agricoles au sein du public scolaire, parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d’emploi, et en favorisant la coopération entre les espaces urbains et ruraux. »

Les collectivités territoriales joueraient ainsi un rôle fédérateur en nouant des partenariats susceptibles de créer du lien et de sensibiliser les nouvelles générations.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cet amendement est satisfait par l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC157 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Il s’agit d’inscrire dans les programmes scolaires de l’enseignement non agricole une initiation interdisciplinaire aux enjeux agricoles. Cette initiation participe à relever le défi du renouvellement des générations en suscitant des vocations nouvelles. Elle est aussi un moyen, notamment pour des jeunes éloignés du milieu rural, de découvrir un domaine qui leur est souvent inconnu.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Défavorable. Le programme national répond déjà à cette préoccupation, pour les élèves du primaire comme du secondaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC70 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il est proposé de dispenser aux élèves, de l’école primaire jusqu’à la fin du collège, une heure d’éducation à la nutrition et à l’alimentation par semaine. Il est important que les consommateurs de demain soient capables de faire la différence entre des aliments bruts ou transformés, locaux ou importés, de saison ou pas.

Le bon choix en matière d’alimentation est aussi une manière de choisir un certain type d’agriculture et de garantir la souveraineté alimentaire. La capacité à faire un tel choix est à mes yeux un savoir fondamental que nos enfants devraient acquérir aujourd’hui.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Défavorable, car l’éducation à la santé et à l’alimentation est déjà inscrite dans le code de l’éducation, à l’article L. 312-17-3. En outre, le contenu des programmes ne relève pas de la loi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Le pourcentage de jeunes de moins de 25 ans en situation d’obésité est passé de 2 % en 1997 à près de 10 % aujourd’hui. C’est un problème de santé publique majeur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC108 de Mme Béatrice Descamps

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Il vise à supprimer la mention du nombre de bénéficiaires – 50 000 – du programme national triennal de formation accélérée pour l’acquisition de compétences en matière de transitions agroécologique et climatique, puisque ce nombre est susceptible d’évoluer dans le temps.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Amendement AC275 de M. Bertrand Sorre

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser que les représentants des professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration de l’agriculture française sont associés à l’élaboration du programme national triennal de formation accélérée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC161 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à mobiliser le réseau France Services agriculture pour promouvoir la formation continue auprès des actifs agricoles.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Défavorable. France Services agriculture doit rester le guichet unique chargé de l’installation et de la transmission. Il ne faut pas étendre excessivement ses missions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC242 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’objet de l’amendement est d’instaurer, en matière de recherche, d’innovation et de transfert, des plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologique et climatique et de souveraineté.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Défavorable. Ces plans sont déjà prévus à l’article 6.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC55 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il est proposé d’établir des plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté pour mener à bien les missions de recherche et d’étude des systèmes agricoles, notamment agroécologiques. Cette disposition figurait dans la version initiale du projet de loi avant d’être supprimée.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Même argument que pour l’amendement précédent.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AC36 de Mme Aurélie Trouvé et AC162 de M. Inaki Echaniz

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement vise une nouvelle fois à soutenir la recherche et l’innovation. Comme Hendrik Davi, j’ai eu le plaisir de travailler pour cette belle maison qu’est l’Inrae. À mon époque, les travaux académiques sur ce que nous appelons la bifurcation, la transition agroécologique et écologique, représentaient une partie infime de ses publications. Heureusement, cela a un peu évolué depuis. Néanmoins, les soutiens publics à ce type de recherches pour dessiner le futur sont encore insuffisants. L’amendement vise à favoriser la diversification des exploitations et la transition vers des pratiques vertueuses et respectueuses de l’environnement, qui prennent également en compte le défi du changement climatique et nous permettent de l’affronter un peu plus sereinement.

M. Inaki Echaniz (SOC). Il faut effectivement souligner l’importance de l’effort de recherche et d’innovation pour soutenir la transition agroécologique et l’installation des agriculteurs. L’amendement complète la liste des solutions innovantes que l’État souhaite mettre en avant dans ses initiatives de recherche, d’innovation et de transfert de technologie, en y intégrant l’amélioration de la durabilité des pratiques agricoles et la restructuration-diversification. Cette nouvelle modalité de transmission est une innovation de terrain à promouvoir.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cet amendement nous semble déjà satisfait. La durabilité des pratiques agricoles et la diversification des ateliers de production sont bien prises en compte dans le cadre de la recherche de solutions innovantes contribuant aux transitions agroécologiques et climatiques de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Des rapports du CNRS et de l’Inrae montrent qu’il est techniquement possible d’accomplir cette transition 100 % agroécologique d’ici à 2050. La question porte désormais sur l’accompagnement à la bifurcation et au changement des pratiques.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC67 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). En commission du développement durable, nous avons mené une mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles. Un consensus scientifique existe pour dire que la surspécialisation de certaines régions, favorisée par les politiques publiques, souvent selon des modèles industrialisés, nuit à la transition écologique et nous prive du bénéfice procuré par la collaboration entre productions végétales et animales. Or cette complémentarité est essentielle si l’on veut que la transition agroécologique se fasse au profit d’une production locale. Nous proposons que la recherche prenne cela en compte afin d’aller vers une déspécialisation des territoires.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Avis défavorable, car l’objet de votre amendement est beaucoup trop précis.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Il serait bien de parvenir à voter l’article 2, afin que la commission des affaires économiques puisse reprendre nos amendements. Il nous en reste une dizaine à examiner. Mme Laurence des Cars a accepté que l’on décale le début de son audition, mais nous ne pouvons pas la faire trop attendre. Soyons concis pour aller au bout de l’article 2.

M. Inaki Echaniz (SOC). Il aurait fallu s’organiser différemment !

Mme la présidente Isabelle Rauch. La conférence des présidents s’est tenue ce matin. On ne pouvait pas aller plus vite.

Amendement AC163 M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est bien réunie hier soir jusqu’au milieu de la nuit, pour examiner ses amendements au texte…

L’article 2 ne comporte aucun objectif chiffré en matière de formation. Il se limite à des déclarations de bonne intention sans fixer réellement de cap ni de moyens. Or, depuis 2017, certains faits s’opposent diamétralement aux objectifs affichés. Je ne prendrai, parmi de nombreux exemples, que celui d’AgroParisTech. L’heure ne doit plus être aux déclarations mais aux engagements concrets, avec des projections budgétaires cohérentes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement AC165 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à introduire un objectif de préservation de la diversité des filières, des pratiques et des productions agricoles françaises dans les politiques d’orientation et de formation. Cette diversité de l’agriculture française constitue le fondement de sa richesse ainsi qu’un patrimoine rural, paysager et alimentaire à défendre.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. L’amendement est trop détaillé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC166 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à inclure dans la formation des agriculteurs l’enseignement de la gouvernance du monde agricole. Les chambres d’agriculture, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, la mutualité sociale agricole ou les organismes d’installation et le futur France Services agriculture sont des organismes au fonctionnement démocratique qui régissent le quotidien des agriculteurs. Améliorer la connaissance de ces structures aurait une vertu démocratique, en encourageant l’ensemble de la profession à s’engager au service du collectif. Si nous n’apprenons pas aux futurs agriculteurs comment elles fonctionnent, ce ne seront que des coquilles vides dirigées par une infime partie de la profession.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Une fois encore, votre amendement est trop détaillé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC167 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à inclure dans les politiques d’orientation et de formation l’enseignement aux futurs agriculteurs de la maîtrise des outils, des logiciels et des dispositifs de gestion administrative des exploitations agricoles. Les agriculteurs doivent travailler avec des logiciels incompréhensibles et remplir des formulaires hors-sol, pour ne pas dire autre chose. Ils aspirent à une vraie simplification administrative. Ils sont, par exemple, en train de s’arracher les cheveux pour déposer leur demande d’indemnisation après l’épisode de MHE.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Déjà satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC168 de Mme Mélanie Thomin

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à ce que les politiques d’orientation et de formation facilitent l’insertion, par la formation continue, des personnes en reconversion professionnelle dans l’agriculture.

Le rapport contemporain au travail tend à mettre fin aux parcours professionnels en silo. De plus en plus de nos concitoyens, en quête de sens, opèrent des reconversions. Ces nouvelles données sociologiques pourraient favoriser le renouvellement des générations en agriculture. Il serait ainsi utile de proposer une offre conséquente de formation agricole aux personnes travaillant hors de ce secteur.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 16 de l’article 1er. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC164 de M. Stéphane Delautrette

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à fixer dans la loi l’objectif de créer une cinquième école vétérinaire publique, pour répondre aux enjeux de souveraineté nationale en matière de formation des vétérinaires, de sécurité alimentaire et de santé publique, pour accompagner l’élevage, filière agricole et économique majeure, et pour lutter contre la déprise vétérinaire en zones rurales.

La région Nouvelle-Aquitaine et un ensemble d’acteurs locaux, régionaux et nationaux sont très fortement engagés pour créer cette école à Limoges. C’est un projet structurant pour le Limousin et la Nouvelle-Aquitaine mais également pour notre pays.

Ce projet d’intérêt national participerait au maintien de l’élevage dans les territoires ruraux et renforcerait notre structure de formation de vétérinaires. Il est ancré dans les stratégies régionales et interrégionales d’aménagement et d’attractivité des territoires ruraux et de santé des populations.

Cet amendement a été adopté hier à une large majorité en commission du développement durable.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous partageons votre objectif, mais ce sujet ne paraît pas relever de la loi. Avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Il a pourtant été adopté hier soir en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après avoir reçu un avis favorable de la rapporteure.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’Amendement AC222 de Mme Sophie Mette.

Amendement AC233 de Mme Graziella Melchior

Mme Graziella Melchior (RE). Cet amendement vise à soutenir le développement des projets alimentaires territoriaux, qui constituent de puissants leviers pour rapprocher les collectivités et les agriculteurs d’un même territoire et ainsi contribuer à un approvisionnement local. En outre, par ce biais, les liens entre les élèves et les agriculteurs se retissent.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC169 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à créer une stratégie nationale pour la formation.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC38 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Notre amendement prévoit un module d’enseignement de trois heures hebdomadaires consacré à l’agriculture biologique, afin d’uniformiser la formation.

Nous souhaitons vous faire part de notre indignation face à l’organisation du débat sur ce texte. Le temps d’examen a été restreint dans toutes les commissions. La commission des affaires culturelles ne pourra même pas étudier tous ses amendements ! Cela montre l’intérêt que porte le Gouvernement au projet de loi d’orientation agricole, réclamé pourtant par le monde agricole après la crise. Nous déplorons fortement une organisation qui nous pousse à tout bâcler.

Mme la présidente Isabelle Rauch. L’étude d’impact du projet de loi ayant été renvoyé au Conseil constitutionnel à la demande des oppositions, le texte n’a pu être inscrit à l’ordre du jour par la conférence des présidents que ce matin et tout a été décalé. Ne pouvant présager de l’avis du Conseil constitutionnel, nous avons attendu la conférence des présidents et fixé nos travaux à cet après-midi et nous devons maintenant transmettre nos avis à la commission des affaires économiques. Je veux bien entendre certaines critiques, mais je tiens à rappeler les causes de la situation. Je tenais à ce que notre commission puisse émettre un avis, malgré un délai très contraint.

Quel est l’avis du rapporteur sur l’amendement ?

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’agriculture biologique est un enjeu majeur pour le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. C’est l’un des leviers pour répondre aux enjeux de la transition. Mais elle s’inscrit déjà pleinement dans le cadre plus large des pratiques agroécologiques mises en avant au sein de l’enseignement agricole. Ce point est d’ailleurs d’ores et déjà précisé à l’article L. 800-1 du code rural. Avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Hier s’est tenu un débat budgétaire : les parlementaires ne disposaient même pas du document du Gouvernement au début, nous l’avons reçu en cours de séance. Marqué en filigrane « projet », il faisait vingt-cinq pages, quand il en comptait deux cent trente-neuf l’année dernière.

Aujourd’hui, nous commençons l’examen du projet de loi d’orientation agricole. La commission du développement durable a fini ses travaux hier à deux heures du matin. Nous n’avons pas eu le temps d’examiner convenablement un seul article. Les rapporteurs, que je ne vise pas personnellement car ils sont aussi contraints que nous, se fendent d’un avis favorable ou défavorable, sans explication ni débat. Nous n’étions pas à une semaine près pour débattre de ce texte, qui traite d’un sujet majeur ! Et ce n’est pas la faute, madame la présidente, des oppositions, qui font leur travail en déférant les études d’impact au Conseil constitutionnel si elles le souhaitent. À ce compte-là, autant rendre nos cartes, nous en aller et vous laisser manœuvrer en toute tranquillité !

Le travail n’est pas serein. Il faut arrêter de piétiner le Parlement. C’est votre rôle de présidente de défendre cette commission qui aujourd’hui ne sert à rien.

Mme la présidente Isabelle Rauch. J’ai fait en sorte que la commission puisse se saisir pour avis d’un certain nombre d’articles du texte. Il aurait été aussi simple de ne pas nous réunir. Pour que notre avis puisse être pris en compte, il faut que nos débats s’achèvent avant que ne commencent ceux de la commission des affaires économiques. Effectivement, le calendrier est contraint, mais j’ai néanmoins voulu que chacun puisse s’exprimer et qu’un certain nombre d’amendements puissent être défendus dans le temps imparti. La commission des affaires économiques a commencé sa réunion. Nous allons pouvoir leur transmettre le résultat de nos travaux. Je ne peux que déplorer cette organisation, mais j’ai fait au mieux dans le délai imparti pour que nos travaux aient une résonance.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

 

 

 


   COmptes rendus des Travaux
de la commission des affaires économiques

Au cours de ses réunions du mardi 30 avril 2024 à 16 h 30 et 21 heures, du jeudi 2 mai 2024 à 9 heures 30, 15 heures, et 21 heures 30, du vendredi 3 mai 2024 à 9 heures 30, 15 heures et 21 heures 30 et du samedi 4 mai 2024 à 9 h 30, la commission des affaires économiques a examiné projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

  1.   Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16 heures 30 : discussion générale et examen des articles

Au cours de sa réunion du 30 avril 2024 à 16 heures 30, la commission des affaires économiques a débuté l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

M. le président Stéphane Travert. Après deux semaines de suspension des travaux, notre commission se penche sur un texte très attendu : le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Je salue la présence de M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, pour présenter ce texte au sujet duquel nous avons déjà procédé à plusieurs auditions, en entendant les grandes organisations syndicales agricoles, ainsi que l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite « Agence bio », et la Fédération nationale d’agriculture biologique.

L’an dernier, notre commission avait mis en place un groupe de suivi relatif à la préparation du projet de loi d’orientation agricole, sous la conduite de Pascal Lavergne et d’Aurélie Trouvé. Ce groupe a rendu ses conclusions le 6 décembre dernier.

Je vous rappelle qu’à la suite de la décision sur les modalités de présentation de ce projet de loi rendue par le Conseil constitutionnel le 22 avril dernier, la conférence des présidents a décidé ce matin qu’il serait inscrit à l’ordre du jour de la séance publique à compter du mardi 14 mai, pour une période de deux semaines, ce qui autorise un examen jusqu’au vendredi 24 mai.

Le projet qui nous est soumis comporte plusieurs volets. Le premier, qui est essentiellement programmatique, concerne la définition et l’orientation générale des politiques publiques qui contribuent à conforter notre souveraineté agricole et à assurer l’avenir de notre agriculture ; le deuxième volet vise à favoriser la formation, la recherche et l’innovation ; le troisième prévoit de faciliter l’installation et la transmission des exploitations agricoles ; le quatrième, enfin, a pour objet de sécuriser et de simplifier l’exercice des activités agricoles, confrontées à un grand nombre de règles, dont certaines méritent d’être adaptées afin de libérer les énergies et de dynamiser l’activité.

Pour mémoire, le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit « Egalim 1 », qui était d’une taille équivalente mais abordait des sujets plus variés, avait donné lieu à 2 100 amendements à l’échéance du délai de dépôt.

Plus de 3 500 amendements ont été déposés sur le texte que nous examinons. Sur ce total, 805 amendements, soit un peu plus de 22 %, ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution en raison de l’absence de lien avec les dispositions du texte dont notre assemblée est saisie. Il nous appartient d’être vigilants à ce sujet, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cavaliers législatifs est exigeante. Je vous rappelle qu’une note rappelant l’objectif de chacun des articles vous avait été communiquée mardi dernier et que l’existence d’un lien n’est pas appréciée par rapport aux intitulés du projet de loi ou de ses titres. J’ai ainsi été conduit à déclarer irrecevables de nombreux amendements traitant de fiscalité ou d’urbanisme, de chasse et d’animaux prédateurs ou de sujets tels que les baux ruraux, l’utilisation des produits phytosanitaires ou les modalités de distribution et de publicité applicables à certains produits agricoles. D’autres textes de loi nous permettront certainement d’aborder au moins une partie de ces sujets.

Par ailleurs, 228 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution et 93 amendements au titre de l’article 38, notamment parce qu’ils élargissent le champ d’une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Au cours des prochains jours, nous serons appelés à examiner un peu plus de 2 200 amendements, avec de nombreuses séries d’identiques. Pour le bon déroulement de nos débats, je demande à chacun de bien vouloir faire preuve de concision afin que nous puissions avancer en vue de terminer samedi. Je souhaite que la présentation de chaque amendement soit limitée à une minute et je laisserai intervenir seulement un orateur « pour » et un orateur « contre » – sauf exception, bien évidemment, pour les questions qui nécessitent un débat plus approfondi. Pour éviter les redondances, en cas d’amendements identiques présentés par des députés d’un même groupe, une seule présentation sera effectuée.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Mon propos liminaire sera synthétique, car j’aurai l’occasion de répondre aux interventions des représentants des groupes. Nous aurons en outre le temps de débattre des amendements, tant en commission qu’en séance.

Les enjeux sont connus et partagés par nombre d’entre nous. Nous faisons face à un défi démographique historique, avec une vague de départs potentiels à la retraite qui représente un tiers des agriculteurs dans les dix ans à venir. Cela exige que nous fassions plus et différemment, tant en matière de formation que d’installations. Il convient aussi d’améliorer l’attractivité de la profession, d’autant qu’une grande partie de ceux qui sont appelés à s’installer ne seront pas issus du milieu agricole. Il faut donc prendre des dispositions particulières pour ce public, dont nous aurons besoin pour renouveler les générations.

J’ajoute – et ce point est fondamental – que nous devons répondre à cet enjeu dans un contexte de bouleversements immenses – d’ordres climatique, géopolitique et économique – qui conduisent à s’interroger sur la manière dont nous produisons et pouvons assurer effectivement notre souveraineté. Ces bouleversements soulignent aussi le caractère absolument stratégique de l’activité agricole. Cela nécessite que nos agricultrices et nos agriculteurs soient accompagnés et soutenus pour faire face aux longues et profondes mutations à l’œuvre.

Les impératifs de souveraineté et de transition se font écho, et le renouvellement des générations doit permettre d’atteindre et de concilier ces deux objectifs. Telle est, au fond, l’orientation proposée par le projet de loi qui vous est soumis.

Cette orientation s’appuie sur le travail que nous avons accompli depuis 2017, à travers notamment trois batailles engagées – mais naturellement pas encore achevées : protéger le revenu agricole, mettre en place une concurrence plus équitable et accompagner les transitions. Ce projet engage de nouvelles batailles en activant des leviers qui devaient l’être davantage : l’orientation et la formation, l’installation et la transmission et, enfin, la simplification.

Le présent projet de loi ne répondra pas, à lui seul, à l’ensemble des défis auxquels est confrontée notre agriculture ; mais il fixe des principes et un cadre pour les acteurs, tout en proposant une organisation de nos politiques publiques cohérente avec ce que nous avons mis en œuvre depuis 2017 et que nous avons poursuivi depuis 2022 – et, à plus forte raison, depuis la crise agricole.

En préambule, je souhaite de nouveau indiquer dans quel cadre global s’inscrivent les avancées ici proposées.

Le présent texte est le fruit d’un dialogue de terrain avec les acteurs du monde agricole et avec ceux qui s’intéressent à l’agriculture, grâce à la concertation menée sur le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture – dont ce texte est issu, en grande partie – mais aussi grâce aux attentes exprimées lors des mobilisations agricoles. Ces dernières ont mis en évidence la nécessité de fixer une direction claire, de mettre un terme à ce qui était souvent légitimement perçu comme des injonctions contradictoires et de simplifier l’exercice de l’activité agricole.

Ce projet de loi d’orientation n’est pas un système isolé. Il s’insère dans un schéma cohérent et participe ainsi d’une vision d’ensemble pour notre agriculture. Depuis 2017 et depuis ma prise de fonction en 2022, des chantiers structurels ont été menés ou engagés. J’ajoute encore que le Premier ministre a fait des annonces fortes en fin de semaine dernière et que le Gouvernement demeure mobilisé pour que celles qui ne sont pas encore mises en œuvre le soient au plus vite. Comme il s’y était engagé, le Président de la République devrait s’exprimer devant la profession agricole le 2 mai. On peut toujours dire que ce n’est pas encore suffisant, mais des avancées absolument majeures ont été obtenues pour les agriculteurs, en particulier depuis le début de l’année.

Je sais que les parlementaires ont besoin de disposer d’une vision globale, en sachant ce que le Gouvernement proposera sur des sujets absolument essentiels qui ne sont pas abordés par ce texte.

S’agissant de la protection du revenu agricole, le Gouvernement a chargé vos collègues Anne-Laure Babault et Alexis Izard d’une mission sur les améliorations à apporter au cadre mis en place par les lois du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs et 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dites lois « Égalim 1, 2 et 3 ». Des propositions seront mises sur la table avant l’été afin que vous puissiez vous en emparer.

En ce qui concerne la compétitivité, nous avons adapté et modernisé l’outil de production agricole, mais aussi conforté l’innovation avec le plan « France relance » (850 millions d’euros [M€] déployés sur deux ans) puis avec « France 2030 » (1,8 milliard d’euros [Md€]), tandis que le compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar) bénéficie de 146 M€ en 2024. Ce sont des moyens inédits. Les 800 M€ prévus au titre de la planification écologique pour l’agriculture commencent à être déployés. Nous avons soutenu les filières avec des plans de souveraineté – notamment dans les domaines des fruits et légumes, des protéines végétales, de l’élevage et du blé dur.

Nous avons allégé la fiscalité, en renforçant le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE) en 2024, en mettant en place dès 2018 la déduction pour épargne de précaution ou encore en modifiant le seuil qui permet de bénéficier du régime des micro-bénéfices agricoles, dit « micro-BA ». Nous souhaitons aller plus loin, notamment en baissant la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), en pérennisant le dispositif TODE et en augmentant son seuil à 1,25 Smic, mais aussi en améliorant la déduction pour épargne de précaution et en augmentant le dégrèvement pour la TFPNB.

Un texte législatif sur les produits phytosanitaires sera présenté d’ici à l’été. Il portera notamment sur l’évolution du conseil stratégique et sur la séparation de la vente et du conseil.

Des engagements ont été pris en matière de transmission d’exploitation, en particulier s’agissant de l’augmentation de 13 à 20 millions d’euros du budget consacré à l’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture (AITA). Un travail sera en outre mené pour améliorer l’efficacité des outils fiscaux et non fiscaux destinés à faciliter la transmission et la reprise des exploitations. Cela se traduira par des mesures dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Enfin, nous avons conscience que les dispositions présentées dans le cadre de ce projet de loi n’épuisent pas le sujet de la simplification, certaines mesures relevant du domaine réglementaire. Un chantier d’ampleur a été lancé en la matière, sur la base de trois mille propositions émanant du terrain. Elles ont commencé à trouver une traduction concrète, notamment grâce aux évolutions importantes de la politique agricole commune (PAC) que j’ai proposées au niveau européen, qui sont au cœur des attentes du monde agricole et s’appliqueront dès 2024.

Comme vous le voyez, nous proposons une vision d’ensemble qui devrait être enrichie grâce à nos débats. Mais des avancées utiles figurent déjà dans le projet. Sans entrer dans le détail, je souhaite vous présenter les principales d’entre elles.

La première consiste à ériger l’agriculture en « intérêt général majeur », ce qui produira des effets à long terme sur la prise en compte de l’impératif de souveraineté alimentaire, sur la manière dont vont vivre nos politiques publiques et nos lois et sur celle d’évaluer et de réaliser des projets agricoles. Je sais que les débats seront nourris sur l’article 1er, ce qui permettra de l’enrichir.

La deuxième avancée sera de conforter la dynamique positive de l’enseignement agricole constatée depuis 2019, grâce à une série de mesures destinées à adapter ce système de formation qui fait notre fierté et notre singularité. Cela lui permettra de mieux faire face aux défis de la souveraineté et des transitions tout en organisant ce système de telle sorte qu’il contribue à former davantage de personnes et mieux, en répondant à l’attente de jeunes et de moins jeunes qui veulent s’installer.

La troisième avancée réside dans le fait d’accompagner et d’installer différemment. Pour cela, nous proposons de créer un diagnostic modulaire et le réseau « France Services agriculture ». J’aurai l’occasion d’y revenir, mais je tiens à saluer le travail réalisé par vos rapporteurs pour commencer à répondre à certaines interrogations qui ont pu s’exprimer. Je pense en particulier à la question centrale de l’équité et du pluralisme dans le fonctionnement de France Services agriculture, ou encore à l’orientation donnée au diagnostic modulaire, qui correspond désormais davantage aux attentes exprimées par les secteurs agricoles.

Je voudrais évoquer plus spécifiquement la question des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). Là encore, je salue le travail réalisé par vos rapporteurs pour préciser l’objectif prioritaire, c’est-à-dire l’installation des jeunes, et pour améliorer les garde-fous prévus pour cet outil. Leur proposition de rédaction viendra nourrir un débat qui me semble utile. En effet, face aux défis identifiés, nous avons besoin d’instruments pour permettre de lever des capitaux afin de favoriser l’installation. Les GFAI sont complémentaires des moyens affectés par ailleurs au fonds « Entrepreneurs du vivant ».

J’ai déjà parlé de la quatrième avancée, constituée par les mesures de simplification. L’adaptation du régime de répression des atteintes au droit de l’environnement, avec des procédures et des peines véritablement adaptées aux situations, permettra d’éviter des procédures infamantes pour nos agriculteurs tout en ayant des sanctions proportionnées et progressives. Les délais de recours contentieux seront réduits en ce qui concerne les projets agricoles et d’ouvrages hydrauliques, avec une adaptation de différentes procédures qui permettra d’obtenir plus rapidement une décision sur leur conformité au droit.

Le régime applicable aux haies sera unifié, ce qui simplifiera la vie des agriculteurs et sécurisera leurs interventions. Cela les encouragera à planter et à gérer durablement des haies.

Enfin, je souhaite vous faire part de mon état d’esprit alors que débute ce travail parlementaire. Par nature, aucun projet de loi déposé au Parlement n’est parfait et ce texte n’échappe pas à la règle. Il a naturellement vocation à être amendé et enrichi par les députés, puis par les sénateurs. Dans cette perspective, je vous assure tout d’abord que je souhaite que les ordonnances déjà rédigées soient intégrées au texte d’ici à l’examen en séance publique, afin que l’Assemblée nationale ne soit pas privée d’un débat sur le fond.

J’ajoute que toutes les dispositions de ce projet seront directement applicables outre-mer, qu’il s’agisse de la souveraineté, de l’orientation et de la formation, de l’installation et de la transmission ou encore de la simplification. Mais je sais que ces territoires ont leurs spécificités, notamment en ce qui concerne les enjeux d’autonomie alimentaire. Je suis à votre écoute, en commission comme en séance, pour voir si nous avons besoin d’adapter certaines dispositions à la réalité de ces territoires.

J’espère que nous pourrons assumer des désaccords de manière responsable et corriger des dispositions dont nous aurons constaté ensemble qu’elles présentent des difficultés, mais aussi travailler avec tous les groupes à des convergences au service de notre agriculture. Je n’ignore rien du contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi et des attentes fortes qu’il suscite – autant sur les mesures qu’il comprend que sur celles qui ne s’y trouvent pas, et qui devront être traitées dans le cadre d’autres textes législatifs.

Comme toujours, je fais confiance à un débat parlementaire responsable, exigeant et constructif, au service de l’agriculture et de la souveraineté agricole.

M. Éric Girardin, rapporteur général. En préambule, je tiens à remercier l’ensemble des personnes auditionnées, ainsi que les administrateurs de l’Assemblée nationale, les équipes du ministère et les rapporteurs pour l’important travail de fond réalisé pour enrichir et renforcer ce texte.

L’agriculture et la France sont intrinsèquement liées. Depuis des siècles, la France et son agriculture vivent en symbiose. Concentré de traditions et d’innovations, l’agriculture fait partie intégrante de notre histoire et de notre patrimoine.

En tant qu’élu de terrain, j’ai la chance d’arpenter une circonscription qui, si elle est marquée par la viticulture, connaît également une grande diversité de productions agricoles, allant des grandes cultures à l’élevage en passant par le maraîchage. Cette diversité, ces femmes et ces hommes dont le labeur quotidien façonne nos territoires et assure à nos concitoyens une alimentation durable, saine et équilibrée démontrent la richesse de l’agriculture de notre pays.

L’agriculture française subit aussi des distorsions de concurrence, aussi bien à l’échelle internationale qu’intra-européenne. Les surtranspositions nuisent à l’économie agricole et induisent souvent l’importation de produits moins-disants en matière de traçabilité et de qualité. Cette situation a récemment conduit l’Europe à une importante crise agricole.

Nous devons nous donner pour objectif d’accompagner les exploitants agricoles pour leur permettre de développer des exploitations durables, résilientes et compétitives. Dans ce contexte, je tiens à souligner que la France s’est engagée dans une importante politique de soutien à l’agriculture. En effet, de longs mois de concertation avec les représentants du monde agricole, les élus et les services de l’État ont permis, dans un travail de coconstruction, de dresser les contours d’un pacte d’orientation et d’avenir agricoles, qui se compose de plusieurs éléments structurants et dont le présent projet de loi est l’un des outils. Il est indispensable de rappeler ce qu’est ce projet de loi et ce qu’il n’est pas.

Il concerne tout d’abord la souveraineté agricole et le renouvellement des générations. Il n’a pas vocation à régler le problème majeur de la protection des revenus du monde agricole. Nos collègues Anne-Laure Babault et Alexis Izard présenteront fin juin des propositions pour apporter des modifications aux lois Egalim – lesquelles ont été appréciées par le monde agricole – et il nous appartient d’en étendre les dispositions à l’échelle européenne. Nous ne débattons pas ici d’une loi foncière, ni d’une loi relative à l’usage des produits phytopharmaceutiques. Enfin, le texte ne peut pas répondre aux difficultés propres à l’organisation européenne de l’agriculture. L’ensemble des sujets que je viens d’aborder font l’objet d’autres travaux, qui trouveront une traduction législative ou réglementaire et s’intégreront au pacte d’orientation et d’avenir agricoles, afin de répondre aux besoins des agriculteurs.

Toutefois, ce projet de loi revêt une importance majeure car il répond à une difficulté urgente du monde agricole, celle du renouvellement des générations. Les principaux acteurs du monde agricole sont unanimes à ce sujet : cette loi est essentielle pour garantir l’avenir de l’agriculture française. La crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont mis en exergue le rôle essentiel des agriculteurs dans notre société et la nécessité impérieuse de maintenir la souveraineté de l’appareil productif alimentaire français.

L’agriculture française doit être au centre de nos préoccupations économiques, sociales, environnementales, de santé publique et de sécurité alimentaire. Pour ce faire, le projet de loi fixe le cap de la souveraineté alimentaire pour les dix prochaines années.

Afin de mieux défendre les projets agricoles, le titre Ier propose de définir la souveraineté alimentaire comme un objectif structurant pour les politiques publiques. L’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont ainsi reconnues comme d’intérêt général majeur, car elles constituent la garantie de cette notion de souveraineté alimentaire. Par-delà la simple sécurité alimentaire, la production agricole française contribue, par la richesse et la diversité de ses productions, au rayonnement de notre pays, de l’art de vivre à la française et de notre puissance économique.

Le projet de loi s’appuie sur trois leviers pour soutenir et garantir durablement cette souveraineté.

Le premier d’entre eux réside dans le titre II relatif à la formation, qui vise à former plus et mieux pour répondre au besoin d’installation de près de cent mille nouveaux agriculteurs d’ici à 2026. Il s’agit aussi d’accompagner la transition des exploitations pour qu’elles soient résilientes face au changement climatique et mieux adaptées aux besoins des marchés national, européen et mondial.

Le deuxième levier, qui relève du titre III, porte sur la transformation de la politique d’installation et de transmission. Je laisserai à mon éminent collègue Pascal Lecamp le soin d’en esquisser les contours. J’insiste, pour ma part, sur la nécessité de prévoir en complément un volet fiscal dans le prochain projet de loi de finances. J’ai d’ailleurs déposé un amendement programmatique qui va dans ce sens. Je suis convaincu que nous ne pouvons pas parler d’installation et de transmission sans aborder la fiscalité. Durant les dix prochaines années, un agriculteur sur deux devra prendre sa retraite et 45 % de ces futurs retraités pourront partir d’ici à 2026. Il y a urgence si nous voulons maintenir à près de quatre cent mille le nombre des exploitations françaises d’ici à 2035.

L’activité agricole nécessite un fort investissement en capital, mais elle génère dans l’ensemble des revenus moyens d’activité assez faibles. Dans le même temps, l’évolution du prix moyen du foncier constaté sur nos territoires, combinée au poids de la fiscalité inhérente à la transmission, ralentissent le processus des cessions. L’observation de la fiscalité des droits de mutation fait apparaître les points saillants suivants : en Europe, la France a le deuxième taux marginal d’imposition le plus élevé en matière de droits de mutation à titre gratuit, le quatrième en matière de droits de mutation à titre onéreux et le cinquième taux d’imposition le plus élevé sur les plus-values immobilières, avec des abattements qui s’étendent sur des durées extrêmement longues – vingt-deux ans pour les plus-values elles-mêmes et trente ans pour les prélèvements sociaux. Le Conseil des prélèvements obligatoires a ainsi démontré que la pression fiscale annuelle moyenne sur les terres agricoles est beaucoup plus élevée en France qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

Si nous voulons faire de l’agriculture un intérêt général majeur pour notre pays, il faut protéger en amont les facteurs de production que sont tout d’abord les agricultrices et les agriculteurs, animateurs du vivant, ensuite les actifs immobilisés et circulants et, enfin, le foncier.

Sur la base de ces constats, nous devons, dès le projet de loi de finances pour 2025, harmoniser la fiscalité applicable aux transmissions d’exploitations agricoles pour accélérer ces processus. Il s’agit de consentir un investissement fiscal pour l’avenir, afin d’inciter les générations qui disposent d’un patrimoine à le transmettre de leur vivant pour assurer une meilleure circulation des richesses au profit des jeunes générations. Cela permettra aux nouveaux exploitants de financer la transformation de leurs exploitations, pour les rendre plus résilientes et compétitives.

J’en viens enfin au dernier levier, objet du titre IV, qui comporte des mesures de simplification administrative et procédurale pour sécuriser les projets agricoles et accélérer leur développement sur l’ensemble du territoire national.

Ainsi, ce projet de loi soutiendra la souveraineté agricole de la France et de ses outre‑mer par le biais de trois axes stratégiques, au service de nos agriculteurs. Il s’agit de renouveler, d’accompagner et de simplifier. Il nous appartient de poser ensemble les pierres qui constitueront les fondations de l’édifice de la souveraineté agricole française pour les dix prochaines années.

Avec mes collègues rapporteurs, nous voulons procéder de manière constructive, afin de renforcer ce texte. Nous devons le faire non pas pour nous, mais pour les agriculteurs et les agricultrices, pour nos concitoyens et pour la France.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et pour le titre II (articles 1 à 4). La France est une grande nation agricole et elle le restera. Nous le savons tous : notre histoire, notre culture et notre avenir sont liés à notre agriculture, aux particularités de nos terroirs et aux inimitables saveurs de leurs produits.

Je viens d’une région où la terre est sacrée et où chacun de nous a un membre de sa famille qui a été, est ou sera paysanne ou paysan. Trop longtemps moqués ou ostracisés, les Bretons ont réussi en quelques décennies à faire de la Bretagne la première région agricole de France. Et nous en sommes particulièrement fiers.

Vous comprendrez que le texte que nous examinons revêt pour moi une importance toute particulière. Laissons de côté nos ambitions politiques et nos idéologies parfois dangereuses. Les agricultrices et les agriculteurs méritent que nous parvenions à élaborer une loi transpartisane, où seul l’intérêt général prime. Même s’il ne soignera pas tous les maux de l’agriculture, ce texte vise ainsi à redresser le secteur agricole français, à accompagner les transitions en cours et à répondre aux urgences relevées par le monde agricole. Une partie réglementaire sera par ailleurs nécessaire, puisque tous les problèmes ne relèvent pas du domaine de la loi.

Ainsi, soutenir l’agriculture est notre priorité. Et c’est bien ce que propose l’article 1er, qui dispose que « l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».

Il est intéressant de prendre un instant pour réfléchir à la notion de « souveraineté alimentaire », que l’on a encore du mal à définir clairement, faute de consensus. Pour ma part, si j’essaie de synthétiser les propos des personnes auditionnées et les nombreux articles sur ce sujet, je pense qu’on peut la définir comme étant la capacité pour la France, dans le respect de ses engagements européens et internationaux, à pouvoir assurer, par elle-même, un approvisionnement en biens agricoles et agroalimentaires destinés en priorité à l’alimentation de sa population, et qui ne puisse être remise en question par les crises de toute nature susceptibles de l’affecter.

Cette définition mériterait sans doute d’être discutée, expertisée et travaillée. Mais il me semble nécessaire, au cours de la discussion de ce projet ou dans un autre cadre, de parvenir à une définition du concept qui est aujourd’hui un enjeu majeur pour notre agriculture, et plus largement pour notre pays.

Toujours est-il qu’avec ce projet, l’agriculture est pour la première fois consacrée dans un texte législatif. En effet, si l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime assigne à l’agriculture un certain nombre de missions fondamentales, il ne lui conférait pas pour autant une valeur spécifique. La pêche et l’agriculture sont désormais élevées au rang d’activités d’intérêt général majeur.

L’article 1er consacre également la notion de souveraineté alimentaire, tout en détaillant les politiques publiques visant à contribuer efficacement à sa protection. Il réécrit très largement l’article L. 1 du code précité, afin de mettre l’accent sur le rôle joué par la politique d’installation et de transmission en agriculture. L’enjeu du renouvellement des générations est en effet considérable et il nécessite une action urgente, puisque 45 % des agriculteurs cesseront leur activité d’ici à 2026.

Pour la première fois, l’article 2 vise ainsi à définir des objectifs programmatiques clairs pour les politiques d’orientation et de formation dans le domaine agricole.

L’article 3 complète les dispositions du code rural qui déterminent les missions que doivent poursuivre l’enseignement et la formation professionnelle publics et privés aux métiers de l’agriculture. Une sixième mission est ainsi dévolue aux établissements d’enseignement et de formation agricoles, qui doivent mettre en œuvre « toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurent le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ».

Quant à l’article 4, il vise à intégrer la dimension agricole dans les contrats de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles en vue d’accroître le nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Ces deux derniers articles visent à rétablir le lien entre la société et le monde agricole, en offrant aux jeunes l’opportunité de découvrir les métiers de l’agriculture.

Il est de la responsabilité du monde agricole – qui a été associé à la rédaction de ce texte – et de la représentation nationale de décider ce que sera notre agriculture. La souveraineté alimentaire doit être construite sur des exigences solides et pérennes, et c’est précisément ce que permettra cette future loi.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). De combien de temps de parole la majorité dispose-t-elle avec cette armée mexicaine de rapporteurs ? Vous avez multiplié les traités de libre-échange, mais il n’était pas nécessaire de faire de même pour les rapporteurs – surtout pour un texte aussi vide…

M. le président Stéphane Travert. Je vous remercie de bien vouloir respecter leur travail. Vous avez déposé de nombreux amendements et vous pourrez vous exprimer lors de leur examen.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Sauf que nous, nous n’avons pas de temps pour parler !

M. le président Stéphane Travert. Vous aurez tout le temps nécessaire. Vous savez combien je suis attaché à l’équité des temps de parole. Respectez les interventions des collègues et nous vous écouterons de la même manière lorsque votre tour viendra.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Chaque groupe d’opposition disposera seulement de trois minutes !

M. le président Stéphane Travert. Vous aurez l’occasion de reprendre la parole lors de la discussion des amendements.

M. Pascal Lavergne, rapporteur pour le titre II (articles 5 à 7) et pour le titre IV. Nous sommes réunis pour parler de l’avenir de l’agriculture et des agriculteurs, piliers de notre alimentation et de la nation.

Ces dernières années, nous avons connu des périodes troublées, marquées par des défis qui ont révélé nos faiblesses. Nous sommes arrivés à un moment critique qui impose de répondre de manière extraordinaire aux défis auxquels est confronté le monde agricole. Cette réponse passe par le texte que nous nous apprêtons à examiner. Je le conçois comme le fruit de dialogues et de consultations, d’une écoute attentive de ceux qui nous nourrissent – car ce sont eux qui connaissent la réalité et les difficultés inhérentes à l’agriculture.

Les enjeux de ce projet de loi sont multiples mais, selon moi, son objectif unique doit être d’y répondre de manière efficace et pragmatique.

Je suis heureux d’être rapporteur pour le titre II, relatif aux questions de formation, avec Nicole Le Peih, et pour le titre IV, qui concerne la simplification.

Le titre II doit répondre aux besoins de formation pour assurer le renouvellement des générations. Les seuls descendants d’agriculteurs n’y suffiront pas. Le projet a donc pour ambition de mieux faire connaître les métiers de l’agriculture, de l’amont jusqu’à l’aval. Adapter les formations aux enjeux de l’agriculture de demain est par ailleurs indispensable. Ainsi, l’article 5 prévoit de créer une formation d’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie. Dans un contexte de transition énergétique et environnementale, bien former les agriculteurs de demain aux défis technologiques est un élément essentiel du renouvellement des générations – que cette formation soit assurée par l’enseignement public ou privé.

Être agriculteur en 2024, c’est en effet faire face à des défis qui ont beaucoup évolué et qui ne se résument plus à la simple productivité. Il faut désormais concilier la rentabilité économique, le respect des réglementations, la gestion managériale et administrative ainsi que la réduction de l’impact environnemental. Cette complexité est désormais structurelle dans les métiers de l’agriculture. Nous devons donc sécuriser et surtout simplifier l’exercice de cette activité.

Tel est l’objectif du titre IV. En l’espèce, ma vision est claire : il s’agit de revenir au bon sens et au pragmatisme, dont les agriculteurs ont toujours été les premiers à avoir fait preuve. Ce titre propose de leur rendre la vie moins difficile, tout en préservant l’environnement – deux notions que l’on a, à tort, trop souvent opposées.

L’article 13 permet d’adapter le régime de répression d’infractions au code de l’environnement, tandis que l’article 14 aborde le régime juridique des haies.

L’eau, essentielle à l’agriculture, fait l’objet de contentieux concernant certains projets d’aménagement agricole. Cela place les agriculteurs concernés dans l’incertitude, tout en allongeant et en rendant plus complexe la réalisation de ces projets. L’article 15 propose donc d’adapter notre droit en rationalisant et en accélérant les procédures contentieuses qui freinent le développement de ces derniers. Par ailleurs, l’article 18 traite des compétences des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau.

Toujours dans un esprit pragmatique, l’article 16 a pour objet de sécuriser le recours aux chiens de protection de troupeaux, afin de structurer une filière dans ce domaine et de faciliter le recours à ces animaux pour protéger le bétail.

L’article 17, pour sa part, allège les contraintes qui pèsent sur les installations de valorisation des sous-produits lainiers et sur les activités aquacoles.

Enfin, l’article 19 aborde la question des conditions de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs au niveau national et multiprofessionnel. Il s’agit d’empêcher la disparition de ces organisations, indispensables à la poursuite du dialogue social au sein de ce secteur d’activité.

Ces sujets sont d’une grande importance. Il s’agit de l’avenir de notre agriculture, de l’avenir de la terre sur laquelle poussent les récoltes – une terre dont j’aime à rappeler qu’elle ne nous appartient pas et que nous ne faisons que l’emprunter à nos enfants.

Des agriculteurs bien formés et dont le cadre de travail est simplifié constitueront rien moins que le socle sur lequel nous nous appuierons pour nous nourrir. Lors des débats, il conviendra de se rappeler qu’adopter les mesures prévues par ce texte est commandé, d’une part, par les agriculteurs et, d’autre part, par le bon sens.

M. Pascal Lecamp, rapporteur pour le titre III. Chaque jour, près de trente exploitations agricoles disparaissent en France : durant l’examen de ce projet de loi par la commission des affaires économiques, notre pays aura ainsi perdu 150 exploitations. Le titre III vise à endiguer cette trajectoire. C’est là une condition essentielle de la protection de notre souveraineté alimentaire.

Un cap est fixé dans l’article 8 : tout mettre en œuvre pour favoriser « la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles, tout en prenant en compte les attentes socioprofessionnelles et la diversité des profils concernés ». Je proposerai d’ailleurs de faire du seuil de quatre cent mille exploitations un plancher, et de graver l’atteinte de cet objectif en 2035 dans le marbre de la loi.

Pour tenir ce cap, nous devons répondre à trois impératifs. Le premier consiste à soutenir la transmissibilité des fermes et leur évolution. Assurer la durabilité sociale, économique et environnementale des exploitations est un défi dont nous devons prendre la mesure en nous appuyant sur des analyses claires. Certaines structures ne sont plus adaptées ; objectivons cette réalité pour mieux faire évoluer la ferme France. Tel est l’objet du diagnostic modulaire prévu à l’article 9, qui inclura une évaluation de la résilience de l’exploitation au changement climatique et de sa capacité à contribuer à son atténuation. Deux modules seront notamment créés : un « stress test » climatique et un diagnostic de la qualité des sols, dont nous serons probablement amenés à débattre au vu des réserves émises pendant les auditions. Je défendrai plusieurs évolutions du dispositif, en vue de le mettre au service de la viabilité – notamment économique – des exploitations et de conforter sa dimension incitative.

Le second impératif consiste à nous adapter aux profils des futurs agriculteurs, notamment ceux qui ne seront pas issus du milieu agricole, à les conseiller et à les accompagner tout au long de leur projet. C’est l’objet de l’article 10, qui prévoit la création du réseau « France Services agriculture » (FSA) et d’un guichet unique qui, dans chaque chambre départementale d’agriculture, servira de « porte d’entrée » à toute la population agricole. L’intégration du futur cédant dans une démarche d’accompagnement cinq ans avant sa retraite lui permettra de préparer au mieux sa cessation d’activité et d’anticiper la prise de contact avec un repreneur potentiel.

L’agrément des structures de conseil et d’accompagnement, qui constitueront le cœur du réseau, reposera sur des cahiers des charges régionaux établis par les comités régionaux installation-transmission (Crit). Leur raccordement au répertoire départemental unique, matérialisé par une plateforme informatique commune, sera le nerf de la guerre, quand le guichet unique jouera le rôle d’interface. Je proposerai des modifications permettant de distinguer plus clairement les trois composantes du réseau FSA, d’assurer son fonctionnement pluriel et équitable, et de mieux définir ses interactions avec France Travail ou avec le diagnostic modulaire.

Alors que plus de 25 Md€ d’investissements seront nécessaires au cours des dix prochaines années pour acquérir les terres détenues par les agriculteurs qui partiront à la retraite, le troisième impératif consiste à créer les conditions économiques du rachat des exploitations et à lisser dans le temps la charge financière qui pèsera sur les jeunes. À cette fin, le texte prévoit deux dispositifs de portage.

L’article 12 consacre le GFAI, que le rapporteur propose de renommer « groupement foncier agricole d’épargne » (GFAE). Conçue sur le modèle du groupement forestier d’investissement, cette structure aura vocation à attirer des capitaux extérieurs au monde agricole pour acquérir du foncier. Pour répondre aux craintes de « financiarisation » du secteur, le rapporteur général défend une version du groupement foncier à même de garantir les droits de l’exploitant tout en ouvrant le dispositif aux personnes publiques. En complément, je proposerai d’inscrire à l’article 8 l’objectif consistant à mobiliser davantage de fonds publics au soutien du portage du foncier agricole. Je crois en effet beaucoup à la montée en charge du fonds de portage Élan, abondé par la Banque des territoires et par l’État à travers le fonds « Entrepreneurs du vivant », en coopération avec les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) et les collectivités territoriales, et avec la participation de banques privées.

Plus largement, afin de sécuriser économiquement le secteur, l’article 11 prévoit de renforcer les groupements d’employeurs. Le rapporteur général et moi-même présenterons en outre, dès cet automne, des mesures fiscales visant à faciliter les transmissions.

La crise que nous avons connue cet hiver a révélé les difficultés des agriculteurs, qui, à n’en pas douter, porteront une grande attention à nos décisions et à la qualité de nos débats. J’espère que nous saurons assumer nos responsabilités en adoptant les mesures proposées, qui ont fait l’objet d’une concertation de plus de six mois avec l’ensemble du secteur.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission du développement durable a examiné hier près de sept cents amendements portant modification du projet de loi, avec une ambition claire : garantir la conciliation entre les objectifs d’installation de nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations et les objectifs de transitions agroécologique et climatique. C’est là une exigence incontournable, dont le respect ne portera nullement atteinte à la compétitivité de l’agriculture française, mais garantira au contraire sa résilience.

Le postulat est clair : si nous ne profitons pas du renouvellement des générations pour assurer la conformité des nouveaux modèles agricoles à l’urgence environnementale, nous placerons les agriculteurs et notre économie dans une impasse inextricable. Il est rare qu’un secteur vive un tel moment charnière. Nous devons faire de ce défi une chance et saisir cette occasion pour diversifier, restructurer et adapter les modèles de culture. Je serai attentive à ce que cette dimension systémique soit bien prise en compte dans le texte.

Trois points d’alerte ont été soulevés hier. Le premier concerne la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre intérêts économiques agricoles et droit de l’environnement : aucune hiérarchie – ou même apparence de hiérarchie – ne doit être établie.

Le deuxième axe a trait à l’articulation du projet de loi avec la définition internationale de la souveraineté alimentaire adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies en décembre 2018, laquelle valorise l’interdépendance des modèles agricoles et alimentaires des États – afin de ne pas confondre souveraineté et autarcie et d’encourager la solidarité internationale – et établit un lien entre souveraineté agricole et droit à l’alimentation. La production ne doit pas seulement garantir la disponibilité des denrées, mais aussi favoriser l’accès universel à une alimentation saine, durable et de qualité.

Le dernier point réside dans la nécessité de permettre la simplification administrative sans faire régresser les normes environnementales. S’il est salutaire de considérer l’installation de nouveaux projets et l’allégement des procédures administratives comme des priorités, nous devons aussi veiller à protéger les normes en vigueur et à garantir l’atteinte des objectifs fixés dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et dans la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).

Plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Plusieurs références explicites à l’agriculture biologique ont été ajoutées et le principe d’un socle commun de formation à ce mode de production, assorti d’un volume horaire précis, a été acté. Afin de dépassionner les débats qui peuvent opposer agriculteurs et défenseurs de l’environnement et de limiter le risque de contentieux, la commission s’est prononcée en faveur de l’indépendance des études d’impact conduites dans le cadre des projets. Nous proposons également d’introduire une médiation lors de l’instruction des procédures de contentieux. En tant que rapporteure pour avis, je regrette néanmoins l’adoption d’une définition trop restrictive des haies, qui me semble porter atteinte à leur préservation.

J’insiste sur l’important travail d’enrichissement fourni par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je vous remercie par avance pour la considération que vous accorderez à son expertise : l’agriculture ne pourra prétendre à la compétitivité et à la souveraineté si les enjeux environnementaux sont mis de côté.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Nicolas Pacquot (RE). De moins en moins de jeunes veulent devenir agriculteurs. À ce constat s’ajoute celui d’une profession dont le visage change : si, du temps de nos parents ou de nos grands-parents, chaque agriculteur était lui-même fils d’agriculteur, tel n’est plus le cas aujourd’hui et ce serait une erreur que de le déplorer. Accompagnons au contraire cette transition en épaulant mieux ceux qui, parmi les nouveaux installés, ne sont pas issus du milieu agricole – un tiers d’entre eux – et aidons l’ensemble des futurs agriculteurs dans le parcours du combattant que constitue la reprise d’une exploitation. C’est à cette fin que le texte vise à instaurer un accompagnement individualisé des personnes souhaitant s’installer en créant un guichet unique, qui permettra en outre de systématiser la mise en relation entre cédant et repreneur.

Alors que le foncier agricole représente un investissement de plus en plus lourd, l’article 12 institue un nouvel outil de portage, sur le modèle des groupements existants, et prévoit de permettre aux GFAI de lever des capitaux auprès de personnes physiques en soumettant leurs parts sociales à une offre au public. Ces capitaux ne pourront servir qu’à acquérir et à détenir du foncier agricole pour le mettre à disposition d’exploitants dans le cadre de baux ruraux à long terme. Plusieurs personnes auditionnées ayant alerté sur le risque de financiarisation du foncier agricole, les rapporteurs ont déposé un amendement afin de transformer le groupement d’investissement nouvellement créé en groupement d’épargne. Il sera soumis au droit commun applicable en matière de protection de l’usage des terres agricoles, lesquelles ne pourront pas être cédées avant dix ans.

Pour mieux préparer les futurs agriculteurs à exercer une profession toujours plus technique, le texte prévoit également de renforcer la formation, en créant un diplôme de niveau bac + 3 – que mon groupe proposera d’intituler « licence professionnelle agro-environnementale » plutôt que « Bachelor Agro » – pour permettre aux futurs professionnels d’accroître leurs compétences. Afin de susciter des vocations dès le plus jeune âge, un programme de découverte des métiers de l’agriculture sera également lancé.

Enfin, en réponse aux revendications des agriculteurs, lassés des lourdeurs administratives et des complexités réglementaires, et dans la droite ligne de la simplification de la PAC récemment adoptée par le Parlement européen, le texte comporte un volet de simplification incluant notamment la « mise à plat » des règles applicables aux haies et la réduction des délais de recours contre les projets agricoles et les retenues d’eau.

Le texte permettra ainsi de soutenir la souveraineté agricole de la France à travers trois axes stratégiques : le renouvellement des générations, l’accompagnement et la simplification.

M. Marc Fesneau, ministre. Notre volonté, en créant le GFAI, consiste à créer un outil à même d’offrir les moyens financiers nécessaires aux jeunes souhaitant accéder au foncier ou reprendre une exploitation. Je rappelle que le foncier agricole est déjà, en très grande majorité, financé par des banques ou des investisseurs privés – et non par des fonds publics. En ce sens, le risque de financiarisation évoqué ne paraît pas évident. Nous y reviendrons néanmoins, car il semble effectivement important d’encadrer cet outil pour lever les doutes. L’intention du Gouvernement – que rejoint, me semble-t-il comprendre, celle du législateur – est bien de faire en sorte que les investissements soient consacrés à l’installation et d’éviter qu’un jeune souhaitant s’installer ne se trouve, en quelque sorte, mis sous tutelle.

Mme Hélène Laporte (RN). La montagne des vibrantes déclarations du Président de la République et du Premier ministre, accourus au chevet d’une agriculture française à bout de souffle, a accouché d’une souris législative. Alors que la mobilisation massive des fermiers semblait avoir conduit chacun à admettre que le monde agricole, plus que tout autre, a besoin de moins de contraintes, de davantage de protection contre une concurrence internationale déloyale et d’une réelle politique de soutien pour que les producteurs puissent vivre de leur travail, le projet de loi qui nous est soumis au terme d’une longue attente s’attache à ne répondre à aucun de ces problèmes majeurs, préférant en inventer d’autres, qu’il s’agira de résoudre par davantage de contraintes et qui se traduiront par plus grande vulnérabilité.

Dès l’article 1er, les objectifs de production alimentaire et de transition écologique sont allègrement brouillés, privant de toute cohérence l’inscription de la souveraineté agricole en ouverture du code rural et de la pêche maritime, mesure centrale du projet.

Le diagnostic modulaire prévu à l’article 9, conçu comme le pendant agricole du diagnostic de performance énergétique (DPE) – car ce qui a échoué quelque part ne doit-il pas être au plus vite répliqué ailleurs ? – et présenté comme un outil d’information de nature à faciliter les reprises d’exploitation, s’apparente déjà à un nouvel instrument de contrainte, qui conditionnera l’accès aux aides à l’installation.

Dans un même élan, vous proposez d’encadrer plus durement les cessions d’exploitation, en portant à cinq ans le délai de notification précédant le départ en retraite et en imposant un nouvel organisme administratif que vous semblez vouloir omniprésent dans la vie des agriculteurs.

Autre trouvaille : la création d’une nouvelle forme sociétaire, le GFAI, visiblement inspiré de la société civile de placement immobilier, qui vise à faciliter l’entrée de capitaux d’investisseurs dans les exploitations. Là encore, vous répondez à un faux problème, au risque de créer un appel d’air pour des acteurs étrangers soucieux de déposséder la France de son agriculture : le monde rural ne souffre pas de sous-investissement, mais de l’incapacité croissante des exploitants à vivre de leurs terres et de leur travail !

Parallèlement, malgré les annonces répétées depuis des mois, rien n’est prévu pour encourager les transmissions. Les mesures fiscales, notamment, sont absentes : rien sur les droits de mutation, rien sur l’imposition des plus-values, rien pour garantir un meilleur revenu aux agriculteurs.

En l’état, ce projet de loi restera dans l’histoire comme un monument érigé à la politique du vide. Nous comptons sur les amendements pour l’améliorer, plutôt que sur la politique politicienne.

M. Marc Fesneau, ministre. Merci d’avoir indiqué ne pas vouloir faire de « politique politicienne » : nous voilà rassurés ! Pour ne pas répondre à la caricature par la caricature, je m’en tiendrai au fond : certaines dispositions de ce texte étaient attendues par de nombreux représentants de la profession agricole. C’est le cas notamment du guichet unique, qui facilitera les installations, mais aussi de diverses simplifications sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir – certains de vos collègues siégeant sur d’autres bancs nous reprocheront d’ailleurs d’être allés trop loin en la matière, signe que nous avons probablement trouvé un équilibre.

Sans doute devrons-nous clarifier certains points, mais présenter le GFAI comme un moyen offert aux puissances étrangères d’acquérir des terres agricoles, c’est se méprendre sur la finalité de l’outil et méconnaître la capacité de la France à prévenir de telles situations : s’il est vrai que des investisseurs étrangers peuvent acquérir du foncier agricole, nous sommes tout à fait capables de prévenir les opérations massives. Ne nous faisons pas peur inutilement ! En revanche, la nécessité de dégager des moyens supplémentaires pour permettre aux agriculteurs de s’installer est une réalité.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Effectivement, ce texte était attendu. Il intervient après une mobilisation très forte de l’ensemble du monde agricole, que les députés du groupe LFI-NUPES ont soutenue parce qu’il revendique avant tout, de façon bien légitime, de pouvoir vivre dignement de son travail.

Comme souvent avec ce gouvernement, même si nous n’attendions rien – ou presque – de votre projet de loi, nous sommes déçus, voire en colère, car vous ne présentez pas un texte de nature à répondre aux attentes des agriculteurs, mais un projet taillé par et pour l’agrobusiness. Toutes les études le montrent et tous les acteurs de terrain le confirment : pour s’installer, un jeune a besoin de revenus dignes, de débouchés et d’un accès à la terre. Rien de tout cela ne figure dans le texte, comme le groupe de suivi parlementaire relatif à la préparation de la loi d’orientation agricole – que vous vous gardez bien de citer – l’avait d’ailleurs souligné.

La seule disposition que vous avez jugé bon d’introduire, à l’article 12, provoquera une financiarisation du foncier agricole et un accaparement des terres au profit de fonds d’épargne et d’assurance. Je m’interroge d’ailleurs sérieusement sur l’identité de l’auteur de cet article, qui se traduira par une hausse du prix des terres agricoles et ouvrira une brèche en faveur de l’agriculture capitaliste, au détriment de l’agriculture familiale, en permettant à des acteurs financiers non agricoles de posséder les outils de production des travailleurs.

Ce qui se joue, au fond, c’est la question du modèle agricole que nous voulons. Le vôtre, c’est le règne du grand marché, la compétition féroce au sein de laquelle ne pourront survivre que ceux qui seront capables de faire baisser les coûts de production, au détriment des règles sociales, environnementales et sanitaires. Chacun ici souhaite alléger autant que possible la charge bureaucratique qui pèse sur les exploitants, mais vous faites le choix, au titre IV, d’inscrire dans le droit de l’environnement des reculs très inquiétants, sans justification agricole ou alimentaire. Nous aussi avons sillonné les campagnes et rencontré des dizaines d’agriculteurs. Ils expliquent tous vouloir s’engager dans la bifurcation écologique, à condition de disposer des moyens nécessaires et d’être protégés de la concurrence. Seulement, vous préférez soutenir les accords de libre-échange, à commencer par celui qui nous lie au Canada.

Nous voulons une agriculture intensive en emplois, à forte valeur ajoutée et respectueuse de la planète. Cette agriculture existe, mais votre politique la tue à petit feu. Comme toujours depuis sept ans, vous agissez pour une minorité, au détriment des travailleurs et du vivant, en escamotant des débats cruciaux. Vous comprendrez donc que mon groupe s’opposera fermement à ce projet de loi.

M. Marc Fesneau, ministre. Le groupement foncier agricole d’investissement est inspiré du groupement forestier d’investissement créé à l’initiative de l’un de mes prédécesseurs, M. Stéphane Le Foll. Le phénomène de capitalisation que vous décrivez a déjà cours : les prix du foncier agricole ont doublé, voire triplé, dernièrement, parce que la plupart de ceux qui investissent dans le foncier agricole n’ont aucun lien avec l’agriculture et n’ont d’ailleurs aucune envie de se soumettre au statut du fermage en aidant un exploitant à s’installer sur leurs terres. C’est bien pour cette raison qu’il faut agir.

M. Julien Dive (LR). Chacun a en tête le contexte qui préside à l’examen de ce projet de loi, notamment la perspective du départ à la retraite d’un grand nombre d’agriculteurs au cours des prochaines années. L’évolution de la démographie mondiale – la terre comptera dix milliards d’habitants en 2050 – fera par ailleurs de l’agriculture le sujet du siècle : les questions d’alimentation et de gestion de l’eau seront potentiellement à l’origine de conflits, de mouvements de population et de désordres économiques. À l’échelle nationale, le mouvement lancé cet hiver par les agriculteurs, sans précédent dans sa capacité à transcender les filières, les générations et les régions, mérite toute notre attention.

Dans ce cadre, nous attendions une loi de programmation, qui définisse un cap et permette de trancher entre décroissance et production, entre souveraineté et dépendance, entre certaines organisations radicalisées et agriculteurs, entre courage politique et soumission à l’administration. Tel n’est pas l’objet de votre texte, puisque le projet de loi que vous présentez vise simplement à faciliter l’installation des exploitants et ne traite qu’une partie des revendications des agriculteurs – c’est en tout cas ainsi qu’il est perçu.

Cette remarque m’amène au contenu du texte. Nous serons vigilants quant à l’interprétation que les juges feront de l’article 1er, qui consacre l’agriculture comme une activité d’intérêt général majeur, au même titre que l’environnement. Nous nous montrerons aussi très attentifs à la question des GFAI institués à l’article 12, ce nouveau modèle suscitant des inquiétudes quant à un éventuel accaparement des terres par des entreprises – d’où l’intérêt de réserver ce dispositif aux seules personnes physiques. L’article 9, qui crée un diagnostic des sols, nous interpelle également, en raison des risques qu’il pourrait comporter. Nous regrettons enfin tout ce qui ne figure pas dans le texte, notamment l’absence de levier fiscal – une exonération des droits de succession, par exemple – pour encourager les installations.

Au vu de ces éléments, nous ferons preuve d’exigence – le groupe LR a été le plus prolifique, déposant environ 40 % des amendements qui seront examinés – et déterminerons notre position en fonction de la teneur des débats.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison de rappeler le cadre dans lequel le texte intervient : à la crise actuelle et au contexte européen s’ajoute un dérèglement géopolitique et climatique mondial, qui influera nécessairement sur les mesures à prendre pour assurer la souveraineté agricole de la France et de l’Europe.

Nous n’avons jamais prétendu que ce projet de loi permettrait de répondre à toutes les difficultés des agriculteurs : il est, c’est vrai, plutôt centré sur l’installation et sur la transmission des exploitations, ce que j’assume parfaitement. C’est pour cette raison que j’ai évoqué les mesures prévues par ailleurs et concernant la rémunération – notamment à travers une meilleure application de la loi Egalim – ou les produits phytosanitaires. Le fil directeur du présent texte est bien l’installation des agriculteurs, qui renvoie à plusieurs aspects comme la souveraineté, la simplification ou la création du GFAI, sur laquelle nous reviendrons.

M. Éric Martineau (Dem). L’agriculture est vitale pour la France : elle permet d’assurer la sécurité alimentaire des Français, elle contribue activement à l’aménagement du territoire et à la biodiversité et elle dynamise la vie des villages. Mes collègues et moi-même tenons à mettre en avant les forces de notre agriculture, à rendre hommage aux agriculteurs et à souligner l’engagement de l’État, qui s’est mobilisé ces derniers mois pour répondre aux craintes et aux colères. Je salue le Premier ministre et le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire pour leur écoute et leur réactivité.

Si nous sommes conscients des défis à relever, nous devons aussi rappeler en quoi notre modèle agricole est solide : il produit des aliments répondant aux plus hautes exigences de qualité, qui font la fierté de nos concitoyens ; l’État investit massivement pour réussir la transition écologique et relever les défis technologiques à travers le plan « France 2030 ».

Alors qu’un agriculteur sur deux partira à la retraite d’ici à 2030, le projet de loi fixe un cap clair pour assurer notre souveraineté alimentaire, réduire nos dépendances et faciliter l’installation des agriculteurs et la transmission des exploitations. Le réseau « France Services agriculture », le « Bachelor Agro » et le « stress test » conduit avant la transmission des exploitations seront autant d’outils mis à disposition des nouvelles générations pour atteindre ces objectifs – sans oublier la simplification, qui, loin de nuire à l’environnement, favorisera la plantation de haies en facilitant leur gestion, tout en allégeant les procédures et les contrôles.

Notre groupe défendra des amendements visant à renforcer l’accompagnement et la préparation aux contrôles administratifs, à encourager la structuration des filières, à préciser les missions des GFAI, à définir une procédure de règlement des différends en cas de difficulté lors de l’examen local des projets d’installation, à clarifier les modalités de réalisation du diagnostic des sols, à enrichir les programmes d’enseignement agricole et à reconnaître le rôle de la sylviculture dans la production de biomasse et la décarbonation de l’économie.

Si d’autres textes viendront apporter des réponses pour protéger le revenu des agriculteurs, ne nous y trompons pas : les exploitants, notamment les plus jeunes, attendent cette loi d’orientation. J’espère que nos débats permettront de l’enrichir, afin qu’ils puissent travailler dans un environnement sécurisé et résilient face au changement climatique. Vous pourrez en tout cas compter sur notre pleine implication.

M. Marc Fesneau, ministre. Dans le moment que nous traversons, il me semble nécessaire de repenser les dispositifs de formation existants à l’aune de plusieurs enjeux. Le premier est celui du dérèglement climatique, qui doit conduire à privilégier des formations globales plutôt que des modules spécifiques à chaque filière. Le second est celui de la gestion du risque, tous les dérèglements évoqués étant susceptibles à fragiliser les exploitations à moyen ou à long terme. Nous devrons consacrer des moyens supplémentaires pour orienter les formations en ce sens.

M. Dominique Potier (SOC). Ce qui frappe, dans ce projet de loi, c’est une forme de dissociation entre la gravité du diagnostic et la faiblesse, voire la dangerosité, du texte. Le mur climatique et la falaise démographique menacent non seulement le monde paysan, mais aussi nos sociétés, la civilisation rurale et notre terre : c’est donc à raison que notre collègue Julien Dive a souligné que l’alimentation représente un enjeu géopolitique crucial. Face à ce constat, les mesures proposées dans le texte ne manquent pas d’étonner. Elles me semblent pouvoir être classées en trois catégories.

La première regroupe des mesures qui, sans être insignifiantes ou inintéressantes, restent mineures et ne relèvent nullement d’une loi d’orientation. Nous les considérons avec bienveillance et travaillerons à les améliorer par amendement.

La deuxième catégorie est constituée de dispositions relatives à l’environnement, qui touchent à la hiérarchie juridique existante et nous apparaissent comme des promesses empoisonnées : en plaçant l’agriculture au-dessus de tout plutôt que de bâtir un contrat social fondé sur l’équilibre des droits et des devoirs et sur la prise en compte des limites planétaires, vous empêchez le monde paysan et la société d’avancer main dans la main et de réconcilier le maintien des fonctions de production du secteur agricole et la protection de nos écosystèmes. Ce faisant, vous ne rendez pas service au monde paysan. Vous lui faites même une promesse dont une analyse juridique approfondie pourrait bien prouver le caractère fallacieux : si vous entendez effectivement faire prévaloir la protection de l’agriculture sur la Charte de l’environnement, une révision constitutionnelle est nécessaire ; sinon, vous vous contentez de faire une vaine promesse aux agriculteurs. Une clarification sera donc la bienvenue.

Tout cela serait assez secondaire sans la troisième catégorie de mesures, qui traitent de la question centrale de la terre. Si l’on veut renouveler les générations, il faut réguler le marché foncier. Si l’on veut réussir la transition agroécologique, comme le Haut Conseil pour le climat l’a encore rappelé dans son rapport du mois de janvier, il faut faire le contraire de ce que vous vous apprêtez à faire avec zèle – à savoir déréguler la PAC sur les prairies, les rotations et les infrastructures écologiques. La question cruciale, la seule qui comptera au regard de l’histoire, c’est celle des sols et du partage de la terre : sommes-nous capables de réparer les lois foncières de 1962, qui ont été modernisées au fil du temps, ou bien continuerons-nous à les détricoter ?

Pour tenter d’éteindre l’incendie de l’accaparement des terres, vous utilisez un lance-flammes, le GFAE, une sorte de GFAI relooké – soit le contraire de ce que le monde paysan a essayé de bâtir en matière de régulation et de prospérité, à la fois écologique et sociale. C’est absolument incompréhensible et c’est indigne de la tradition politique que vous incarnez, monsieur le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Il faut opérer des transitions : il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus. Mais il ne faut pas confondre la loi et les politiques publiques. J’ai rappelé dans mon propos liminaire que nous consacrons plus de 800 M€ en crédits de paiement à la transition sur l’année 2024. Le plan Protéines végétales, la recherche d’alternatives aux produits phytosanitaires, le Pacte en faveur de la haie : si ce ne sont pas des transitions, je ne sais pas ce que c’est ! Je ne suis pas certain qu’il faille tout mettre dans la loi ; l’essentiel, pour moi, c’est le « sonnant et trébuchant ».

Nous aurons par ailleurs un débat sur la question foncière. Je ne fais pas la même lecture que vous du GFAI et je pense que nous pourrions être d’accord sur un certain nombre d’objectifs.

M. Thierry Benoit (HOR). Initialement, j’avais pensé qu’il s’agissait d’une loi d’orientation, mais je pense désormais qu’il serait plus objectif de dire qu’il s’agit d’une loi sur la formation et l’installation. Ce serait la meilleure façon de ne pas nourrir de faux espoirs vis-à-vis des agriculteurs, notamment vis-à-vis des candidats à l’installation.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre : il s’agit de former et d’installer plus, c’est‑à‑dire d’endiguer la chute du nombre d’exploitations agricoles. Le rapporteur Pascal Lecamp a rappelé tout à l’heure que trente exploitations agricoles disparaissent chaque jour en France. On en compte désormais moins de quatre cent mille : voilà le défi que nous avons à relever.

Pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs, qu’ils soient ou non issus du monde agricole, la question qu’il faut traiter en priorité, c’est le partage du foncier. Il va falloir que l’on apprenne à partager le foncier et je m’adresse, en disant cela, au président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), que nous avons auditionné il y a quelques semaines. Il va falloir partager et travailler sur la régulation et la spéculation.

Je regrette que le texte ne détaille pas plus précisément les différentes fonctions que peut remplir l’agriculture en 2024 : à côté de sa fonction première, qui est de nourrir, elle peut aussi contribuer à produire de l’énergie, par exemple avec la filière bois-énergie ; elle a aussi une fonction de protection de l’environnement et de la biodiversité et, enfin, d’aménagement du territoire et de la ruralité. En voyant ce qui se passe en ce moment à Sciences-Po, dont les élèves ont vocation à devenir les futures élites du pays, je comprends mieux pourquoi une partie de la population se sent éloignée de ses élites… L’agriculture, le monde agricole et la ruralité, ce sont aussi des valeurs humaines et humanistes, dont nous devrions pouvoir parler dans un projet de loi d’orientation agricole.

Enfin, j’aimerais que l’on précise l’articulation entre ce projet de loi dit « d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture » et la politique agricole commune de l’Union européenne, qui nécessite, quant à elle, une réorientation. J’aimerais aussi que l’on parle davantage de l’élevage et du rôle des prairies, qui sont des filtres à eau et des pièges à carbone et qui, par le pâturage, peuvent garantir l’autonomie protéique du pays. La question des prairies, c’est aussi celle de la qualité de la matière organique de nos sols.

Nous avons déposé des amendements sur ces différents sujets, que nous souhaitons voir abordés. Je ne sais pas encore si je voterai ce texte : cela dépendra en grande partie du sort qui aura été réservé à nos amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. L’urgence, vous l’avez dit, c’est d’endiguer la chute démographique : c’est à la fois un enjeu d’aménagement du territoire et de souveraineté. Il y a un seuil en deçà duquel la question de la capacité à produire et de la transmission des outils va devenir critique – et nous y sommes.

Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais vous avez raison de dire que les terres agricoles ont vocation à produire de l’alimentation, mais aussi de l’énergie à partir de la biomasse : le texte le dit et nous devrons travailler là-dessus.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Cette loi, ce n’est pas la montagne… mais la campagne qui accouche d’une souris ! Dans ce texte que le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé dès 2022 et dont l’examen a été reporté à plusieurs reprises, il y a finalement plus de vide que de plein.

Ce projet de loi passe à côté de l’essentiel des revendications formulées lors des mobilisations agricoles de l’hiver. Il ne dit rien sur les rémunérations, rien sur la répartition de la valeur, rien sur les dangers des traités de libre-échange pour notre souveraineté alimentaire ; rien, enfin, sur la déclinaison de la nouvelle PAC, qui se fait sans véritable accompagnement des services publics dans les fermes. On a tellement taillé les branches des services publics de l’État qu’on les a réduits à des fonctions de contrôle tatillon, alors qu’ils devraient avoir un rôle d’accompagnement, ce qui est évidemment très mal vécu par nos agriculteurs.

Hier, avec le président André Chassaigne, nous avons réuni des agriculteurs chez moi, à Quièvrecourt, dans le pays de Bray, une terre d’élevage laitier et de haies. Nous voulions les écouter et prendre le pouls de la situation avant le débat parlementaire. Ce qu’ils nous ont dit, c’est que cette loi « ne casse pas trois pattes à un canard ». Elle ne suscite, pour le moment, qu’une large indifférence. Où sont passées, par exemple, la question des prix rémunérateurs et celle du libre-échange, que vous cherchez à soustraire au regard du Parlement ?

J’aimerais vous faire entendre les mots que j’ai entendus hier. Les agriculteurs nous ont dit que l’élevage laitier dévisse, sans réaction des pouvoirs publics, que la filière bio est en friche, pas suffisamment accompagnée, qu’on ne fait pas grand-chose pour l’installation des jeunes hors du cadre familial, alors qu’eux aussi ont le droit d’être paysans. Ils nous ont dit que le groupement foncier agricole d’investissement risque d’être détourné et de ne financer que des agrandissements, que les fonds d’investissement « ne font pas l’amour à l’œil » et qu’ils demanderont des contreparties lucratives immédiates, que l’excès de réglementation va tuer les herbages et les haies. Un agriculteur m’a dit : « La déclinaison de la PAC, même ingénieur, je n’y arrive pas. » Un autre a expliqué qu’une simple erreur sur le formulaire se paye cher.

On nous a dit encore que pour les échéanciers de paiement de la Mutualité sociale agricole (MSA), il faudrait, en cas de difficulté, porter la limite de deux à sept ans, que les cotisants solidaires sont exclus de la retraite agricole, que la hausse de la CSG a siphonné l’augmentation des pensions de retraite, qui se résume à 4 euros pour un grand nombre d’entre eux, que les pensions de réversion sont les perdantes de la retraite agricole, que les aides d’urgence pour le bio n’ont pas été accordées à ceux qui n’ont pas un grand compte dans un centre de gestion agréé, qu’il n’y a pas de vraie valorisation d’exploitation pour ce qui relève du service environnemental et que la loi Egalim ne s’applique pas aux produits d’exportation – ni même, d’ailleurs, aux produits vendus chez nous. Quand un agriculteur plante une haie, il faut le sécuriser sur le fait que la réglementation n’évoluera pas. L’un d’eux disait encore hier : « Chacun veut la rondelle de saucisson à l’apéro, mais personne ne veut l’élevage de cochons. »

Dans votre texte, il y a la charrue, mais pas les bœufs. Nous allons nous battre, dans les discussions qui s’ouvrent, pour une agriculture à taille humaine, qui rémunère correctement les producteurs, qui assure le renouvellement des générations et qui nous permette de regagner notre souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre. Si l’on veut tenir un discours de vérité aux paysans, on ne peut pas leur dire que l’on va, dans un projet de loi national, modifier la PAC. Leur dire cela, c’est forcément les décevoir. Certes, il y a une déclinaison nationale de la PAC, avec le plan stratégique national, mais on ne peut pas déroger aux règles communes. Ce qui fait mal à l’agriculture, ce sont les fausses promesses.

Vous avez évoqué l’élevage : la simplification des procédures va permettre l’essor de tous les types d’élevage, y compris ceux de cochons.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cela fait deux ans que nous attendons ce projet de loi, qui devait être « d’orientation et d’avenir ». Il en a perdu le nom, mais aussi le fond, puisqu’il ne fixe aucun objectif et que ses articles sont soit inutiles et vides, soit dangereux pour le droit de l’environnement.

Ce projet de loi n’est ni d’orientation, ni d’avenir, puisqu’il poursuit ce qui a été fait jusqu’ici et qui a conduit à un échec. En dix ans, la France a perdu cent mille agriculteurs et agricultrices : c’est un gigantesque plan social qui se joue dans nos campagnes. Ce n’est pas seulement l’agriculture qui meurt : ce sont nos villages qui se vident et les paysages qui se referment. Les inégalités se creusent dans le monde agricole et un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Ne pouvant déterminer leurs propres prix, ils dépendent d’une chaîne de valeur où les industriels du secteur phytosanitaire, aux mains des Chinois et des Américains, les agro-industriels qui vont chercher de meilleurs marchés ailleurs grâce à vos accords de libre-échange – je pense à Lactalis – et la grande distribution s’engraissent sur leur impuissance.

Les milliers d’hectares de haies qui disparaissent, la fertilité des sols qui s’effondre, les pollinisateurs qui auront disparu d’ici à la fin du siècle, les captages d’eau potable qui ferment, des pertes qui atteignent 20 %, 30 %, voire 100 % de la production... La semaine dernière encore, le gel a frappé, après quatorze mois consécutifs au-dessus des normales saisonnières. Vignerons, arboriculteurs, éleveurs, maraîchers, apiculteurs : nous sommes en train d’accélérer leur entrée dans l’ère de l’incertain. « C’est le propre du travail avec le vivant », me direz-vous. Eh bien non, mes chers collègues : cette incertitude, cette impuissance, cette insécurité, c’est le propre de l’inaction climatique, de la destruction des écosystèmes, puis de la mal-adaptation et de la fuite en avant.

Votre politique, c’est de ne pas choisir, alors même que certains modèles servent l’intérêt général, quand d’autres le menacent, et que le mythe de la diversité des modèles n’en soutient en réalité qu’un seul, celui de l’agro-industrie, qui met à mort l’agriculture familiale, paysanne et pastorale, qui ne peut pas lutter contre la concentration des terres et des ressources dans les mains de quelques-uns.

Il importe, enfin, de revenir au sens des mots. La souveraineté alimentaire, c’est un choix clair : c’est la possibilité, pour les peuples, de déterminer leur politique agricole pour et par eux-mêmes, et non pour satisfaire des impératifs de compétitivité imposés par une globalisation non régulée. La sécurité en agriculture, ce n’est pas mettre plus de moyens pour accélérer l’effondrement du vivant en faisant des feux de joie autour de la diversité des modèles. Assurer la sécurité des agriculteurs, c’est protéger leur métier, leurs revenus, leur santé ; c’est garantir qu’en regardant leurs enfants, ils auront envie de leur transmettre l’histoire d’une vie, que représente souvent une ferme, en sachant qu’ils leur lèguent des métiers rémunérateurs, où ils pourront s’épanouir, expérimenter, s’inscrire dans des écosystèmes vivants, produire une alimentation saine et de qualité et en être fiers.

Ce projet de loi n’est définitivement pas un projet d’orientation et d’avenir. Et pourtant, il y avait tant d’attentes et tant de besoins… Ce texte, c’est du gâchis : non seulement il ne répond pas aux besoins, non seulement il est vide, mais vous l’avez même rendu dangereux, à force de dévoyer le sens des mots. « Ce qui importe avant tout, c’est que le sens gouverne le choix des mots et non l’inverse », disait George Orwell.

M. Marc Fesneau, ministre. Notre texte vise justement à répondre aux questions que vous soulevez. J’ai déjà indiqué qu’une politique publique, ce sont à la fois des lois, une réglementation, des moyens budgétaires et une trajectoire européenne – particulièrement dans le secteur agricole, qui est éminemment européen. Il faut entendre ce que nous disent les agriculteurs : ils se plaignent de ne pas comprendre ce qu’on leur demande et de la surréglementation. Je ne peux pas vous laisser dire que ce texte est vide, puisqu’il traite de la question de la formation et de l’installation et qu’il vise à préparer les agriculteurs au défi climatique.

M. David Taupiac (LIOT). À la colère et à la détresse qu’ont fait entendre les agriculteurs en janvier dernier, le Gouvernement a fait le choix de répondre avec un projet de loi lacunaire. Il n’y a pas un mot sur le revenu des paysans, alors que garantir une rémunération décente à ceux qui travaillent la terre est un préalable essentiel pour rendre de nouveau le métier attractif.

De même, la question du foncier agricole est absente du texte. L’artificialisation des terres et les phénomènes de concentration ont encore de beaux jours devant eux, au détriment du renouvellement des générations et des enjeux environnementaux et alimentaires. Rien n’est prévu non plus concernant les débouchés de notre agriculture, la structuration des filières et la politique agro-industrielle.

J’ai entendu, monsieur le ministre, que ce texte n’était que l’un des éléments de votre réponse à la crise et vous avez promis d’autres projets de loi et d’autres mesures, dont nous ne connaissons toutefois ni le contenu, ni l’orientation. Vous nous condamnez donc à naviguer à vue, avec un projet de loi d’orientation qui ne fixe pas réellement de cap.

Certaines des mesures que vous proposez suscitent des inquiétudes. Les groupements fonciers agricoles d’investissement, par exemple, pourraient devenir des instruments de spéculation et renchérir le prix des terres. D’autres font naître des interrogations : qui financera les diagnostics modulaires ? Seront-ils optionnels ou obligatoires ? Quelle sera leur finalité ? Faut-il y voir une sorte de « diagnostic de performance énergétique » (DPE) pour les sols ou un instrument de développement au service des exploitations ? Le guichet unique suscite, lui aussi, des préoccupations : comment garantir le pluralisme des structures agréées et des types d’exploitations accompagnées ?

Ce texte, enfin, suscite des regrets, car il est une occasion manquée de remettre du bon sens paysan au cœur de la politique agricole. Vous faites rimer simplification avec renoncement environnemental. Nous considérons pour notre part que la simplification devrait passer par une plus grande adaptabilité des règles aux contraintes climatiques et environnementales de chacun des territoires qui constituent la ferme France.

En bref, nous sommes loin de la grande loi d’orientation agricole annoncée par le Gouvernement. Le groupe LIOT tentera, dans la mesure du possible, de pallier les lacunes du texte, afin que nous puissions atteindre notre objectif de souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre. Aucune loi, même d’orientation, ne peut embrasser tous les sujets. Du reste, si c’était le cas, nous n’aurions pas à nous réunir aujourd’hui : d’autres lois d’orientation ont été votées par le passé et pourtant elles n’ont pas réglé tous les problèmes. Mais chaque loi a son utilité et cette loi d’orientation est au service d’un projet, celui du renouvellement des générations.

Je ne peux pas vous laisser dire que nous n’aurions pas répondu à la crise. Les agriculteurs eux-mêmes reconnaissent que nous avons agi, dans deux domaines au moins : celui de la simplification et celui des moyens. Demandez aux viticulteurs, qui bénéficient des mesures d’arrachage temporaire ou définitif, ou aux éleveurs, à qui l’on a accordé une mesure sociale et fiscale. Ce n’est pas avec ce projet de loi que nous répondons à la crise, mais avec des moyens, des orientations et de la simplification. Si nous avions voulu tout mettre dans le même texte, nous aurions quatre-vingts ou cent articles, ce qui n’aurait aucun sens. Il faut éviter les lois bavardes : il faut nous contenter de donner des orientations, sans entrer trop dans le détail, car cela risquerait de figer les choses – or c’est de cela que les agriculteurs se plaignent.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Ce texte ne dit pas un mot de l’agroécologie et les mots « agriculture biologique » n’y figurent pas. Or la filière bio est en crise et ses ventes sont en baisse : elles ont reculé de 4 % en 2022.

La filière est pourtant très attractive, puisque 50 % des agriculteurs bio ne sont pas issus du monde agricole. Il y a donc urgence à lui venir en aide. Plusieurs études, dont celle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) intitulée « Une agriculture biologique pour nourrir l’Europe en 2050 », montrent qu’un système agroalimentaire bio et durable permettrait de renforcer l’autonomie de l’Europe, de nourrir la population attendue en 2050 et d’exporter encore des céréales vers les pays qui en ont besoin.

Une autre agriculture est donc possible et il est faux de dire que nous n’avons pas le choix : il faut juste une volonté politique. Vous ne respectez même pas l’objectif de 15 % des surfaces agricoles en bio que vous aviez vous-même fixé en 2022 ! Ce que nous proposons, c’est une caisse de défaisance pour reprendre la dette des agriculteurs qui souhaiteraient se convertir au bio et l’application effective de la loi Egalim. Pourquoi tant de mépris pour l’agriculture bio ? Que reprochez-vous aux agriculteurs bio ?

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Plus que jamais, le secteur agricole est à l’avant‑garde du combat politique pour reconquérir notre souveraineté alimentaire. Nous devons réhabiliter l’acte de produire et rassurer nos jeunes, qui ont la vocation d’exercer ce beau métier d’agriculteur. Nos agriculteurs savent produire des produits de grande qualité. Nous devons les accompagner et les aider, faciliter l’acte de produire et lever les contraintes qui pèsent sur eux. Or votre texte ne prévoit rien, ou presque, en matière de fiscalité, de simplification administrative, de compétitivité et, surtout, au sujet du revenu des agriculteurs. Comptez-vous, monsieur le ministre, corriger ces lacunes majeures de votre projet de loi ?

M. Inaki Echaniz (SOC). J’interviens seulement pour déplorer l’organisation de nos travaux, avec des commissions dont les réunions se chevauchent. Nous avons assisté, au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, au piétinement de notre travail. Alors que la formation et le renouvellement des générations sont au cœur de ce projet de loi, notre commission ne disposait que de deux heures pour examiner cinq articles et plus de deux cents amendements. Résultat : nous n’avons débattu que d’un seul article et n’avons même pas abordé la question du Bachelor. Je regrette que les débats n’aient pas été organisés d’une façon convenable, dans le respect du travail des députés, de la société civile et des syndicats, qui se sont mobilisés sur la question de la formation. Notre commission, qui avait été saisie pour avis, n’a même pas pu le donner.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’aimerais revenir sur la réponse que vous avez faite à Sébastien Jumel concernant la politique agricole commune. Vous savez très bien que les grandes orientations de la PAC se déclinent au sein de chaque État dans des plans stratégiques nationaux : vous y avez d’ailleurs fait allusion. Or ce que l’on constate, c’est que les choix qui ont été faits par la France ne favorisent pas la transition écologique. Les agriculteurs de notre pays sont prêts à modifier leurs pratiques agricoles et à utiliser moins de pesticides : ils ont d’ailleurs commencé à le faire. Mais ils demandent à être accompagnés et à bénéficier d’une incitation financière. Or la France a fait le choix de ne déshabiller personne, surtout pas les plus gros, qui touchent des sommes énormes grâce à la politique agricole commune. En se pliant aux exigences de ceux qui « touchent le grisbi » et ne veulent pas le lâcher, on ne peut pas mener une politique favorisant la mutation de notre agriculture.

M. Charles de Courson (LIOT). Comme plusieurs collègues l’ont noté avant moi, ce texte n’est pas un projet de loi d’orientation. Je vous renvoie, monsieur le ministre, à la loi de 1962 : on pouvait être pour ou contre, mais la loi Pisani était une loi d’orientation.

Monsieur le président, je suis très étonné que vous ayez déclaré contraires à l’article 45 de notre Constitution tous nos amendements fiscaux relatifs à la transmission, car il ne peut pas y avoir d’installation sans aménagement de la transmission du foncier. Nous redéposerons ces amendements en séance publique et je ferai appel au président de la commission de finances. Pour être très précis, vous n’avez retenu que deux amendements fiscaux, qui n’étaient d’ailleurs pas très différents des nôtres. On ne peut pas travailler de cette manière.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous sommes très déçus par ce projet de loi, que nous attendions depuis deux ans, car il fait l’impasse sur les questions essentielles que sont la transition agroécologique et les revenus des agriculteurs – ce qui est cohérent avec la bataille que vous avez menée contre notre proposition de loi relative aux prix plancher. Il donne par ailleurs une définition très floue de la souveraineté, sur laquelle il faudra revenir.

Vous appelez, monsieur le ministre, au renouvellement des générations, mais j’aimerais que vous nous exposiez votre ambition en la matière. La majorité des agriculteurs est en grande difficulté et nombre d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté : s’il s’agit de maintenir cet état de fait, le renouvellement que vous appelez de vos vœux n’est pas acceptable. Il faut plus d’agriculteurs, de fermes et d’exploitations, mais il faut aussi leur garantir des revenus. Or votre texte ne fait rien pour cela.

M. Julien Dive (LR). Hier, devant la commission du développement durable, un amendement de notre groupe a été adopté, avec le soutien de la rapporteure pour avis, et le président de la commission s’est engagé à ce qu’il ne soit pas repoussé au titre de l’article 45. Il vise à renforcer l’article 44 de la loi Egalim et notre souveraineté alimentaire. Or je constate qu’il n’est pas prévu que nous en débattions au sein de notre commission, ce qui est regrettable.

M. Dominique Potier (SOC). Pas moins de quatre lois agricoles vont être débattues en 2024 : la loi relative aux produits phytosanitaires, la nouvelle loi Egalim, un texte relatif à l’agrivoltaïsme et le présent projet de loi. Ce dernier est le seul sur lequel nous aurions pu faire des propositions relatives à l’agriculture de groupe, aux groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) et à l’humain. Or il a été conçu de telle manière, et le choix de la recevabilité des amendements a été fait de telle manière, que nous n’avons pas pu accrocher des propositions qui, à mon avis, nous auraient pourtant tous rassemblés, car elles sont issues de l’expérience pratique du mouvement associatif et coopératif. Quel gâchis !

Autre manque : les quelque 1,5 million de salariés agricoles, qui travaillent dans les chambres, les fermes et l’agroalimentaire n’ont pas été consultés en amont de l’examen du projet de loi.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Dans nos territoires pluriels, il n’y a pas « une » agriculture, mais « des » agricultures qui demandent des réponses adaptées. Hélas, une fois de plus, nous sommes face à un texte qui ne propose rien pour les outre-mer. Pourtant, la question de la souveraineté alimentaire se pose aussi dans nos territoires, mais différemment : elle concerne par exemple l’accès au foncier et sa préservation et la diversification des filières. Alors qu’il faudrait adapter la norme en fonction de la géographie et du climat, le projet de loi continue à imposer une réponse unique. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements pour corriger le tir. Mais celui qui est le plus important et qui a un lien direct avec le texte, quoi qu’en disent les services, a été déclaré irrecevable. C’est incompréhensible !

Il manque du bon sens paysan dans ce projet de loi pour simplifier la vie des agriculteurs. C’est une députée ancrée localement, avec un mandat de conseillère municipale dans la commune du Tampon, grenier à blé de La Réunion, et une petite fille d’agriculteur qui vous le dit, en toute humilité.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Nombre de mes collègues l’ont dit : ce texte n’est pas une loi d’orientation, ni une loi d’avenir. Nos amendements auraient pu enrichir le débat en soulevant des sujets importants, mais nombre d’entre eux ont été déclarés irrecevables. Les questions des nuisibles, du stockage de l’eau, de la surtransposition, de la définition de la zone humide, qui entrave nos agriculteurs, de l’affichage et de l’étiquetage, ainsi que toutes les questions relatives à la simplification, que vous appeliez de vos vœux, ne trouveront finalement pas place dans nos débats. Je le déplore.

M. Fabien Di Filippo (LR). Comme mes collègues, je regrette que certains de nos amendements relatifs à l’attractivité économique et à la compétitivité de notre agriculture ne puissent être examinés. Vous dites que la priorité est le renouvellement des générations. Nous devons renouveler un tiers de nos agriculteurs dans les dix années à venir : pensez-vous vraiment que la formation suffira à accroître l’attractivité du métier ? Pour ma part, je pense qu’il faut surtout travailler sur la question de la compétitivité. Or nos propositions ne trouveront pas place dans ce texte, ni dans les autres textes qui ont été annoncés – je partage sur ce point l’avis de notre collègue Dominique Potier. Nous restons donc un peu sur notre faim.

M. le président Stéphane Travert. Avant de donner la parole au ministre, je tiens à dire un mot au sujet de la recevabilité des amendements. Nous déclarons un amendement irrecevable au titre de l’article 45 lorsqu’il n’a pas « d’accroche » sur le texte. C’est la raison pour laquelle nous avons écarté les amendements relatifs aux produits phytosanitaires ou à la fiscalité – pour répondre à M. Charles de Courson. Vous pourrez déposer des amendements relatifs à la fiscalité sur le projet de loi de finances.

Cela étant dit, je vous invite évidemment à redéposer vos amendements en vue de l’examen du texte en séance publique. Les services de la séance feront peut-être preuve de plus de souplesse dans l’application de l’article 45. Nous avons fait preuve d’équité et traité tous les groupes de la même manière ; nous avons déclaré irrecevables des amendements du Gouvernement, parce qu’ils ne trouvaient pas d’accroche dans le texte. S’agissant de l’amendement de la commission du développement durable, nous avons considéré d’emblée qu’il était irrecevable. La commission du développement durable en avait décidé autrement : nous pourrons y revenir le moment venu.

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Chikirou, je ne sais pas où vous voyez du mépris pour le bio. Je considère que c’est l’une des voies d’avenir pour l’agriculture. Vous dites que nous n’avons pas atteint notre objectif en termes de surface, mais cet objectif est fixé pour la fin de la PAC 2023-2027 et nous ne sommes encore que dans la première année. Sous les deux précédents quinquennats, depuis l’époque où Stéphane Le Foll était ministre de l’agriculture, les surfaces dédiées au bio ont significativement augmenté en France : avec 10 %, nous avons la surface la plus importante d’Europe. Alors arrêtons de dire en permanence que les choses n’avancent pas ! Il est vrai que le secteur est en crise : c’est pourquoi nous lui avons consacré 100 M€ en 2023, auxquels on a ajouté 90 M€ d’aide d’urgence. Il importe aussi de stimuler la consommation : c’est pourquoi nous consacrons des moyens importants à la communication.

Monsieur Vigier, vous insistez sur la nécessité de reconquérir notre souveraineté alimentaire. Je répète ce que j’ai déjà dit : certaines questions trouveront leur réponse dans les politiques publiques et d’autres dans la loi Egalim, où plusieurs questions se poseront. Quels sont les indicateurs des coûts de production ? De quelle manière les lois précédentes ont-elles été dévoyées ? Quelles sont les filières qui entrent dans le dispositif et celles qui continuent à ne pas vouloir y rentrer ? Se posera, enfin, la question de la contractualisation, qui se pose aussi à propos de la mesure fiscale et sociale prise en faveur de l’élevage : à terme, l’idée est que cette mesure bénéficie à ceux qui contractualisent plutôt qu’à ceux qui ne le font pas, car c’est l’intérêt des agriculteurs. Mais tout cela n’a pas sa place dans ce projet de loi.

La souveraineté est un tout. Nous avons consacré un plan de souveraineté aux fruits et légumes, qui touche notamment à l’investissement, à la recherche et à l’innovation. Heureusement qu’il n’a pas été intégré dans une loi ! Cela l’aurait rigidifié. Les opérateurs en sont d’ailleurs plutôt satisfaits. La souveraineté passe aussi par des politiques publiques.

Comme vous le savez, monsieur Chassaigne, l’acte de base de la politique agricole commune est décliné dans un plan stratégique national qui est, somme toute, le produit d’un dialogue entre les États membres et la Commission européenne. Une loi n’a pas vocation, par exemple, à augmenter les montants destinés à l’agriculture biologique : il faut prendre en compte un équilibre global – au reste, nous serions vite rattrapés par la patrouille européenne. Nous pourrons mener une réflexion sur la PAC lors de la révision à mi-parcours, mais ce n’est pas un objet législatif.

Par ailleurs, monsieur de Courson, les aspects relatifs à la formation, à l’installation et à la transmission contribuent bel et bien à l’orientation de notre politique agricole.

Quant à la cible du nombre d’agriculteurs, monsieur Fournier, nous en débattrons lors de l’examen des amendements.

Je rappellerai à M. Potier que les salariés agricoles ont été associés à toutes les concertations, y compris lorsque j’ai présenté le pacte d’orientation en Normandie. Évitons de faire la « radio tam-tam » de ce que, pour pouvoir le dénoncer, on dit avoir entendu au cours de telle ou telle réunion… Au reste, la question agricole ne se limite pas aux chefs d’exploitation : elle concerne aussi leurs salariés ; le dispositif de formation doit répondre à leurs besoins. Je me réjouis d’ailleurs de vous entendre parler du secteur agroalimentaire sans fustiger caricaturalement l’« agrobusiness ». Ayons du respect pour les salariés qui travaillent dans les abattoirs ou dans les groupes laitiers, qui se dévouent pour produire une alimentation sûre. Ce n’est pas en stigmatisant les groupes agroalimentaires que nous y attirerons des candidats.

Enfin, Madame Bassire, nous aurons l’occasion de parler des spécificités des territoires d’outre-mer.

 

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 40.

 

TITRE Ier
DÉFINIR NOS POLITIQUES EN FAVEUR DU RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS AU REGARD DE L’OBJECTIF DE SOUVERAINETÉ DE LA FRANCE

 

Avant l’article 1er

 

Amendement CE1 de M. Fabrice Brun

M. Julien Dive (LR). Nous souhaitons que le titre Ier évoque « les principales politiques » plutôt que « nos politiques » en faveur du renouvellement des générations.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et pour le titre II (articles 1 à 4). Avis défavorable : nous devons définir l’ensemble des politiques publiques en faveur du renouvellement des générations, sans nous limiter aux principales.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE874 de M. Jean-Luc Bourgeaux

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit de renommer l’intitulé du titre Ier, en parlant « de l’installation et de la transmission en agriculture » plutôt que « du renouvellement des générations ».

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Le renouvellement des générations est une ambition plus vaste que l’installation des agriculteurs et la transmission des exploitations. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1608 de Mme Mathilde Hignet, CE3023 et CE3022 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Le constat est alarmant : le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par quatre en cinquante ans, passant de 1,5 million en 1970 à 390 000 aujourd’hui. Les exploitants agricoles ne représentent plus que 1,5 % des actifs, contre 7,1 % il y a quarante ans. Benjamin, dont j’ai visité la ferme dans le Morbihan, me disait sa frayeur d’être parmi les derniers paysans.

Pour remédier à ce plan social massif, nous proposons d’inscrire dans la loi l’objectif de 1 million d’exploitations agricoles en 2050, ce qui implique de doubler le nombre d’installations dans les dix ans à venir. Les candidats à la profession d’agriculteur ne manquent pas ; les freins résident dans des prix fonciers trop élevés et dans des revenus trop faibles.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Depuis quarante ans se produit un plan social massif et silencieux : le nombre d’agriculteurs s’amenuise d’année en année – de plus de 2,5 millions en 1955, il est passé à moins de quatre cent mille. La capitalisation croissante des terres et des fermes, leur accaparement et leur concentration freinent l’installation d’exploitants. Les territoires ruraux voient partir leurs emplois et leurs familles ; ils deviennent résidentiels et perdent leur vitalité.

Il est essentiel de conserver un vivier d’agriculteurs et d’agricultrices dans l’ensemble du territoire pour relocaliser notre alimentation, engager la transition agroécologique des modes de production et assurer notre souveraineté alimentaire. L’amendement CE3023 vise à fixer l’objectif de 1 million d’exploitants en 2050, leur proportion dans l’emploi total ne pouvant être inférieure au seuil de 1,5 % : notre ambition pour l’agriculture doit être courageuse et claire. L’amendement CE3022, de repli, mentionne uniquement ce dernier seuil, qui correspond à la proportion actuelle.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement CE1608, qui me semble proposer un objectif trop élevé au regard des difficultés d’installation. À titre d’illustration, la Bretagne aspire à mille installations par an. Le renouvellement des générations est une affaire de temps long.

De même, les amendements CE3023 et CE3022 me semblent trop ambitieux et hasardeux. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour moi, le renouvellement des générations consiste à remplacer chaque départ, un pour un. N’affichons pas des promesses irréalisables. La France comptait 1 million d’exploitations au début des années 1980 ; depuis, les choses ont évolué. Voudriez-vous scinder des exploitations de quarante ou cinquante hectares ? Quel serait leur équilibre économique ? Un triplement du nombre d’exploitations relèverait d’une marche forcée planificatrice irréaliste. Il serait plus pertinent de fixer un objectif d’actifs agricoles.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Nous pourrions donc, à la lumière de nos débats, corriger ces amendements en inscrivant un objectif d’actifs agricoles.

Ces amendements ont une portée essentiellement politique : nous voulons des paysannes et des paysans en grand nombre. Tous les rapports traitant du changement climatique, de la résilience face à ses effets et de la sécurité alimentaire affirment la nécessité de changer de modèle et d’augmenter considérablement le nombre d’actifs agricoles. En rejetant ces amendements, vous privilégiez un modèle composé de grandes exploitations industrialisées, presque dépourvues de main-d’œuvre, plutôt que d’hommes et de femmes travaillant dans des fermes. Je le déplore.

M. Thierry Benoit (HOR). Parlons-nous du nombre d’exploitations ou, comme le font ces amendements, d’exploitants agricoles ? De mon point de vue, le projet de loi d’orientation devrait parler des actifs agricoles. Cela permettrait de mettre en cohérence le projet stratégique national avec la politique agricole commune, dont l’évaluation pourrait survenir cette année. À mi-parcours, nous pourrions réorienter certains critères d’attribution de la PAC, notamment vers l’élevage et les actifs agricoles.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 

Article 1er : Consécration de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture comme étant « d’intérêt général majeur » en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France

 

Amendement de suppression CE1799 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (LR). L’article 1er est de l’enfumage. Dans la hiérarchie des normes, la loi est inférieure à la Constitution. Or la Charte de l’environnement, qui consacre le principe de précaution, a valeur constitutionnelle. Une loi ne peut donc prétendre renforcer la cause agricole par rapport à la cause environnementale, qui est inscrite dans la Constitution.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La souveraineté alimentaire est la clé de voûte du projet de loi d’orientation ; il va sans dire que je ne peux que donner un avis défavorable à un amendement souhaitant supprimer cette mention.

M. Marc Fesneau, ministre. Est-ce un amendement d’appel en vue d’une loi constitutionnelle ? Vous savez combien il est difficile de constituer des majorités sur de telles lois : on ne peut pas en prévoir une pour tous les sujets. Cela étant, la notion d’intérêt majeur fait l’objet d’un consensus avec plusieurs organisations agricoles. L’article 1er identifie utilement les politiques publiques qui devront contribuer à la souveraineté alimentaire aujourd’hui et demain. Avis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Vous ne répondez pas à ma préoccupation, monsieur le ministre. J’en appelle effectivement à une réforme constitutionnelle : l’actualité a prouvé que quand on en avait la volonté, on savait convoquer le Congrès en un temps record. Je m’inquiète de la fragilité juridique du projet de loi d’orientation au regard de la hiérarchie des normes.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous voterons cet amendement, car la notion d’intérêt général majeur, floue juridiquement, risque de l’emporter sur les considérations environnementales. Or la souveraineté alimentaire est indissociable de la préservation de la planète et des performances tout à la fois économique, sociale et écologique.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je souscris à l’argumentation sur la hiérarchie des normes. De toute évidence, les dispositions du projet de loi se fracasseront sur la Charte de l’environnement et, à son article 5, sur le principe de précaution. Derrière ses effets de communication, l’article 1er masque une conception de l’agriculture qui n’est pas la nôtre. Je voterai sa suppression.

M. Dominique Potier (SOC). Je voterai l’amendement de suppression, même si je le ferai pour des raisons opposées à celles de Mme Blin. L’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, énonce déjà clairement les choses : la souveraineté populaire définit les orientations de l’agriculture pour assurer une alimentation sûre, saine, diversifiée, etc. Nous pourrions légitimement débattre de l’enrichissement de cet article, ou de la définition du modèle souhaitable d’agriculture. En revanche, la notion d’intérêt général majeur est très ambiguë. Je crains qu’on ne se moque des paysans en leur faisant une promesse vaine, qui ne tiendra pas face à la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle. Prenons le temps d’expliquer précisément, en droit, ce que nous faisons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1914 de M. Henri Alfandari ; sous-amendements CE3556 et CE3558 de Mme Hélène Laporte, CE3559 de M. Frédéric Descrozaille, CE3560 de Mme Hélène Laporte, CE3561, CE3562 et CE3563 de M. Frédéric Descrozaille, CE3565 de M. Grégoire de Fournas et CE3567 de Mme Hélène Laporte ; amendements CE3025 de Mme Marie Pochon, CE2882 de M. Julien Dive, CE2125 de M. Dominique Potier et CE2883 de M. Julien Dive (discussion commune)

M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement CE1914 vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article 1er : seul l’article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime serait maintenu, enrichi de nouvelles orientations et d’objectifs ainsi que de définitions juridiques de la souveraineté agricole et alimentaire, de la sécurité alimentaire et de la sécurité sanitaire alimentaire. Le concept « une seule santé » y serait intégré. L’article reprendrait les objectifs des lois d’orientation agricole menées depuis les années soixante – celle de Henri Rochereau, celle d’Edgard Pisani et toutes celles qui les ont suivies –, en les actualisant au regard des besoins actuels. Il prévoirait une programmation pluriannuelle de l’agriculture tous les dix ans.

Mme Hélène Laporte (RN). Comment être crédible dans l’objectif de « manger français » si, au regard de dispositions ubuesques du code des marchés publics, les collectivités publiques ont l’interdiction de prioriser la production alimentaire nationale ? Mon sous-amendement CE3556 vise donc à ce que la commande publique favorise cette production.

Les dispositions fiscales pour favoriser la transmission et l’installation brillent par leur absence dans le texte. Le sous-amendement CE3558 tend ainsi à préciser, dans les limites étroites que nous impose l’article 40, que les politiques publiques assurent « un cadre fiscal et social favorable à la transmission, la détention et la cession des exploitations agricoles ». Nous recommandons en particulier une moindre imposition de la plus-value de cession, une exonération ou un abattement accru de celle-ci pour les transmissions intrafamiliales, une exonération totale de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), une diminution de la taxe sur le foncier non bâti et la pérennisation de l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE). La marge de manœuvre pour une fiscalité réellement favorable à l’agriculture est considérable : le projet de loi ne peut donc faire l’impasse sur le sujet.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Le sous-amendement CE3559 vise à ajouter la sylviculture aux activités citées à l’article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, dont l’amendement CE1914 propose la rédaction. Ce dernier a l’immense mérite de répondre à une question majeure : qu’attend la nation de son agriculture ?

Mme Hélène Laporte (RN). Par le sous-amendement d’appel CE3560, nous souhaitons ouvrir un débat sur la notion d’intérêt général majeur, jusqu’ici absente de notre législation : quelle est sa définition ? Quels sont ses effets juridiques ? Ne faut-il pas lui préférer la notion d’intérêt public majeur qui, consacrée par le code de l’environnement, n’entre pas en contradiction avec le caractère privé de l’activité agricole ?

M. Frédéric Descrozaille (RE). Le sous-amendement CE3561 est rédactionnel, tandis que les sous-amendements CE3562 et CE3563 visent à préciser qu’une loi d’orientation de l’agriculture doit intervenir tous les dix ans « au plus », pour tenir compte du calendrier pluriannuel de la PAC.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE3025 vise à réécrire l’article 1er afin de clarifier les objectifs des politiques publiques agricoles. Face à des crises historiques il incombe en effet aux gouvernants d’anticiper et de planifier l’action publique. Notre agriculture va mal ; nous avons besoin d’une nouvelle révolution agricole et, sans nul doute, agroécologique pour répondre au plan social massif qu’elle subit, au fait qu’un Français sur cinq ne mange pas à sa faim, au mal-être des agriculteurs, au libéralisme effréné, à l’effondrement du vivant et au changement climatique.

Il s’agit ainsi de définir la souveraineté alimentaire, de réguler le foncier, de mieux préserver et partager les terres agricoles, d’assurer une juste répartition de la valeur et du revenu des agriculteurs, de réguler les échanges internationaux et de garantir le pluralisme dans la gouvernance des instances agricoles.

M. Julien Dive (LR). L’amendement CE2882 a pour objet de préciser que les plans d’eau à usage agricole et l’élevage – un angle mort du texte – doivent être reconnus d’intérêt général majeur. Dans les zones rurales et de montagne notamment, l’élevage est confronté à des problèmes financiers qui compromettent sa viabilité. De plus, maintenir une surface agricole suffisante est vital pour assurer une production nationale capable de subvenir aux besoins alimentaires de notre pays.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement de réécriture CE2125 est l’occasion pour le groupe Socialistes et apparentés de proposer une définition précise de la souveraineté agricole et alimentaire, conformément au projet politique que nous défendons : accès à une nourriture saine et diversifiée, conditions de vie dignes des paysans et des salariés de l’agroalimentaire, respect de l’objectif de développement durable n° 2 de l’Agenda 2030, respect des limites de la planète, principe de juste échange, dialogue démocratique entre la puissance publique et la société civile, politique de coopération et de développement.

Cette vision, universaliste et non nationaliste, pose les enjeux de l’anthropocène comme ceux de la faim dans le monde.

M. Julien Dive (LR). L’amendement CE2883 vise à rédiger ainsi l’article 1er : « La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la nation au sens de l’article 410-1 du code pénal. » Souvent, en effet, les juges ne se réfèrent qu’à ce code.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Pourquoi, monsieur Alfandari, souhaitez-vous consacrer l’élevage et le pastoralisme comme étant d’intérêt général majeur alors que le vocable plus large d’agriculture recouvre déjà ces activités ? Vous proposez une définition de la souveraineté alimentaire : c’est une bonne idée, mais le concept est trop discuté pour que nous puissions trouver à cette heure une définition qui convienne parfaitement même si, du côté des rapporteurs, nous y travaillons depuis plusieurs semaines. Enfin, les précisions relatives aux productions nationales par filière me semblent sans lien avec cette définition. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement ainsi qu’aux divers sous-amendements, dont la plupart sont rédactionnels ou reprennent des amendements existants.

Avec l’amendement CE2882, monsieur Dive, vous réduisez le champ des activités considérées comme étant d’intérêt général majeur par rapport à ce que prévoit l’article 1er dans sa version actuelle.

Votre amendement CE3025, Madame Pochon, propose une définition de la souveraineté alimentaire se fondant sur une résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Or celle-ci n’est qu’une définition parmi d’autres, qui avait été adoptée majoritairement par des pays du Sud, sachant que, je le signale, de très nombreux pays dont la France n’avaient alors pas pris part au vote.

Votre amendement CE2125, monsieur Potier, propose une définition de la souveraineté agricole et alimentaire, alors qu’il faut différencier ces deux aspects. Le rapporteur général, mes collègues rapporteurs et moi-même avons clairement distingué, dans notre rapport, la souveraineté alimentaire de la sécurité alimentaire ou de la sécurité agricole.

L’amendement CE2883 de monsieur Dive a le mérite de la concision, mais il fait l’impasse sur les éléments qui permettraient de cerner la notion de souveraineté alimentaire.

J’émets un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement de monsieur Alfandari est au cœur du sujet. Si la réécriture complète de l’article qu’il propose mérite une analyse juridique, je serais néanmoins favorable à ce que, à la faveur de son retrait, nous puissions le retravailler d’ici à l’examen en séance, en intégrant des éléments figurant dans l’amendement CE1915. Il serait dommage qu’en l’adoptant dès à présent, nous passions directement à l’article 2 sans évoquer d’autres questions soulevées par les amendements suivants.

J’émets un avis défavorable aux autres amendements en précisant, à l’attention de monsieur Dive, que l’articulation avec le code pénal pourrait sans doute être prévue à un autre endroit du texte.

M. Henri Alfandari (HOR). Il existe une cohérence entre mes amendements CE1914 et CE1915 : si je retire le premier, je retirerai également le second.

Les définitions que je propose, Madame la rapporteure, sont inspirées notamment de celles de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Par ailleurs, le pastoralisme n’est pas l’élevage ; il me semblait donc intéressant de le mentionner – tout comme il est intéressant d’évoquer la sylviculture.

Si vous le permettez, monsieur le président, j’aimerais entendre les réactions de mes collègues avant de réagir aux avis qui ont été donnés.

M. Dominique Potier (SOC). Il aurait été plus respectueux, monsieur le ministre, que vous nous précisiez quelles formulations vous déplaisent dans nos définitions.

Vous me reprochez, Madame la rapporteure, d’évoquer la souveraineté agricole et alimentaire. Or il s’agit de la formulation exacte utilisée par le Gouvernement lui-même.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Je voudrais remercier monsieur le ministre d’avoir pris la mesure de l’importance du débat soulevé par cette série d’amendements. Quant à moi, je suis plutôt favorable à l’adoption de l’amendement de M. Alfandari comme base de travail, et je trouve que les amendements respectifs de Mme Pochon et de M. Potier contiennent des idées intéressantes. Il me semble possible de dégager une nette majorité en faveur d’une nouvelle rédaction de l’article 1er qui précisera ce que le législateur attend de l’agriculture.

Si toutefois M. Alfandari retirait son amendement, il faudrait que l’ensemble des amendements à l’article 1er soient retirés et que nous ayons un débat de fond en séance : cette question nous concerne tous en effet, et non pas seulement la majorité.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Votre amendement, monsieur Alfandari, ne nous convient absolument pas. D’abord, il reprend la notion d’intérêt général majeur, alors que le Conseil d’État lui-même estime que la portée d’une telle mention « n’est pas claire » et que son utilité est « douteuse ». Je le redis : notre groupe y est fermement opposé. Surtout, cet amendement conserve le pire de l’article 1er, puisqu’il fixe pour cadre le marché intérieur de l’Union européenne et le respect des engagements internationaux de la France : vous faites primer la libre concurrence du marché unique européen et la libéralisation des échanges. Le Gouvernement n’a eu de cesse de soutenir les accords de libre-échange, avec le Canada notamment, contre l’avis des oppositions. L’article que vous proposez d’intégrer au code rural et de la pêche maritime est donc tout à fait cohérent avec votre vision libre-échangiste des marchés agricoles, que notre groupe rejette fermement.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je voudrais démonter méthodiquement le nouvel article L. 1 A qui nous est proposé. D’abord, le fait d’y intégrer les engagements internationaux revient à considérer que les accords de libre-échange signés ou en préparation devront être appliqués : c’est un piège ! S’agissant ensuite de l’alimentation qui doit être « accessible à tous tout au long de l’année », il me semble au contraire nécessaire d’expliquer que l’on ne peut pas manger toute l’année les mêmes produits venus de loin, parfois issus de monocultures intensives. Enfin, la notion de sécurité alimentaire me rappelle la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo : si nous ne produisons pas chez nous, nous irons acheter ailleurs !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Ces différents amendements illustrent à quel point l’article 1er ne convient pas. D’abord, il tend à donner de la souveraineté alimentaire une définition inverse à ce qu’elle était lors de son apparition dans le cadre du combat altermondialiste. Je suis par ailleurs étonnée, Madame la rapporteure, de vous entendre dire qu’une définition de l’ONU ne compterait pas ! Notre collègue Alfandari a le mérite de proposer une définition qui se rapproche de ce que souhaite notre groupe.

Il reste néanmoins un problème : pas plus que nous, le Conseil d’État ne sait ce qu’est la notion d’intérêt général majeur. Nous comprenons entre les lignes que vous cherchez à tordre la hiérarchie des normes. Je rappellerai à cet égard à M. Dive que l’équilibre du milieu naturel et de l’environnement figure parmi les intérêts fondamentaux de la nation listés à l’article 410‑1 du code pénal.

M. Julien Dive (LR). Le fait qu’il ne soit pas simple de réécrire un article complet n’empêche pas de le compléter. Je retire mes amendements et trouverais intéressant que soient retravaillés les amendements CE1914 et CE1915 de notre collègue Alfandari, qui me semblent pertinents.

Les amendements CE2882 et CE2883 sont retirés.

 

M. Henri Alfandari (HOR). S’agissant des engagements internationaux, je voudrais souligner que l’amendement que je propose sécuriserait la production, tandis que le texte dans sa version actuelle ne sécuriserait que les importations. Je retire mes deux amendements et serai heureux de travailler sur une nouvelle version qui pourrait convenir au plus grand nombre d’entre nous.

L’amendement CE1914 étant retiré, les sous-amendements tombent.

 

M. Marc Fesneau, ministre. Merci à tous de vos propositions. Cet article étant un élément central du texte, travaillons ensemble très rapidement à une nouvelle rédaction reprenant des éléments des amendements CE1914 et CE1915 ; le Gouvernement portera une vigilance particulière à certains points juridiques qui le méritent.

Je voudrais répondre à la question de M. Potier, pour que l’on ne me fasse pas le grief de ne pas respecter les oppositions. L’amendement de M. Alfandari est celui qui synthétise le mieux la philosophie que nous défendons. Plusieurs sujets mentionnés dans les autres amendements, comme le pluralisme de la représentation syndicale, ne me paraissent pas avoir leur place à l’article 1er, raison pour laquelle j’y ai émis un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CE3025 et CE2125.

 

Amendement CE2386 de M. Sébastien Jumel

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’ai déjà expliqué, au cours de la discussion précédente, pourquoi il fallait supprimer les alinéas 2 à 11 de l’article 1er.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. On ne cesse de discuter de souveraineté alimentaire dans le débat public et au Parlement sans savoir vraiment de quoi l’on parle. À défaut de précisément la définir, les alinéas 2 à 11 permettent de la cerner sans pour autant imposer une définition, sur laquelle aucun consensus n’a pu être trouvé à ce jour.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1915 de M. Henri Alfandari, CE2944 de M. Vincent Bru, CE2881 de M. Julien Dive et CE2946 de M. Vincent Bru (discussion commune)

L’amendement CE1915 est retiré.

 

M. Vincent Bru (Dem). L’amendement CE2944 vise, d’une part, à revenir sur l’insertion prévue de l’article L. 1 A, dont le Conseil d’État a jugé qu’il proposait des définitions très générales. Il propose, d’autre part, d’insérer dans le texte que la protection, la valorisation et le déploiement de l’activité agricole sont reconnus d’intérêt général majeur, indépendamment de la question de la souveraineté alimentaire. Certaines activités agricoles, en effet, sont sans lien avec l’alimentation humaine : c’est le cas de l’élevage d’animaux non destinés à l’alimentation, de certaines branches de l’horticulture ou de certaines productions destinées au textile, comme le lin.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’amendement CE2881 du groupe Les Républicains vise à exprimer clairement et simplement le rôle essentiel de l’agriculture, en précisant que sa protection, sa valorisation et son développement sont d’intérêt général majeur au même titre que d’autres priorités nationales comme la protection des espaces naturels, des forêts et des zones humides, et la préservation des espèces animales.

M. Vincent Bru (Dem). L’amendement CE2946 vise simplement à reconnaître la protection, la valorisation et le déploiement de l’activité agricole comme étant d’intérêt général majeur, sans revenir sur l’insertion de l’article L. 1 A.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je ne peux que donner un avis défavorable à ces trois amendements, qui auraient pour effet de supprimer la référence à la souveraineté alimentaire alors qu’elle est centrale dans le texte.

M. Marc Fesneau, ministre. J’ajoute, monsieur Bru, que le terme de « déploiement » de l’agriculture ne me paraît pas opérant ; il faudrait lui préférer celui de développement. La rédaction que vous proposez ne me paraît pas assez large, puisqu’elle omet, par exemple, l’aquaculture. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment l’intérêt général majeur s’articulera avec les dispositions de la Charte de l’environnement ? Concrètement, comment sera-t-il mis en pratique ?

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE1781 de Mme Marie Pochon et CE3407 de la commission du développement durable, amendements CE2282 de Mme Mélanie Thomin, CE3100 de Mme Chantal Jourdan, CE1999 et CE1401 de M. Grégoire de Fournas, CE2387 de M. André Chassaigne, CE72 de M. Sébastien Jumel et CE1912 de Mme Manon Meunier (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE1781 est identique à un amendement adopté hier par la commission du développement durable. Le Gouvernement souhaite introduire dans le droit la nécessité de protéger la souveraineté alimentaire, mais sans reprendre la définition qu’ont adoptée les Nations unies en 2018 dans leur déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Nous vous proposons de reprendre cette définition communément admise, qui garantira l’effectivité des efforts de simplification poursuivis par le projet de loi : nul en effet ne comprendrait la coexistence de deux définitions différentes, l’une admise au plan international et l’autre franco-française.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Proclamer la souveraineté alimentaire sans la définir et sans rendre hommage à l’esprit de la Via Campesina, c’est donner trop peu de consistance au texte et soulever le risque d’une mauvaise interprétation de nos travaux. Je propose d’insérer un alinéa affirmant le droit, pour la France, de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base dans ses territoires, dans le respect de la diversité culturelle et agricole. Ce droit est une condition préalable à notre sécurité alimentaire.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement que je défends propose également de préciser la définition de la souveraineté alimentaire en se référant à celle donnée par la Via Campesina. Le texte, en effet, ne se préoccupe guère du revenu des agriculteurs ni des conditions de production.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). La majorité a l’air sûre de sa définition, dont j’ai pourtant souligné les risques il y a quelques instants. Je propose d’ajouter dans le texte, par mesure de protection, la définition adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Plus c’est gros, plus ça passe : voilà ce que m’inspire votre définition de la souveraineté alimentaire ! Pour les Nations unies, elle désigne en effet le droit des populations à définir leurs systèmes alimentaires et agricoles sans nuire à la souveraineté alimentaire et au droit à l’alimentation des pays tiers. Pour le Petit Robert, la souveraineté, synonyme d’indépendance, est le caractère d’un État qui n’est soumis à aucun autre.

Pour vous au contraire, la souveraineté alimentaire désignerait la capacité de la France à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne et de ses engagements internationaux. Autrement dit, vous la fondez sur sa capacité à exporter et sur les accords de libre-échange, loin de tout principe d’indépendance. En outre, en inscrivant à l’article 1er la contribution de l’agriculture à la décarbonation de l’économie, vous ouvrez la porte au lobby de l’énergie !

Nous proposons donc de remplacer la définition que vous proposez par celle des Nations unies.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis favorable, sur le principe, à ce qu’une définition de la souveraineté alimentaire soit établie : le sujet est trop important pour laisser place à des approximations. Mais, en l’absence de consensus, il me semble nécessaire de mieux évaluer les impacts des différentes définitions que vous proposez avant d’adopter l’une d’elles – d’autant que certaines posent problème.

Je vois mal, Madame Pochon, comment la souveraineté alimentaire d’un pays pourrait nuire à celle d’un pays tiers.

Avec son amendement CE1999, monsieur de Fournas réduit la souveraineté alimentaire à sa stricte dimension agricole. En outre, quelle définition choisir entre les deux qu’il propose ?

Plusieurs amendements reprennent enfin la définition établie par la Via Campesina à Rome en 1996. Or celle-ci s’est enrichie depuis et, s’il me semble intéressant de la verser au débat, celui-ci ne me semble pas abouti pour qu’on arrête aujourd’hui une définition claire de la souveraineté alimentaire.

À défaut de leur retrait, j’émettrai un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Éric Girardin, rapporteur général. La notion d’intérêt général majeur – qui constitue, certes, une innovation juridique – vise simplement à consacrer l’importance spécifique de l’agriculture dans notre pays. Son introduction dans le texte ne remet pas en cause le principe constitutionnel de protection de l’environnement et ne modifie pas la hiérarchie des normes. L’objectif est que l’agriculture fasse l’objet d’une attention spécifique, en cas de contradiction entre différentes dispositions législatives mais l’agriculture ainsi consacrée reste bien au niveau législatif.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Les scientifiques auditionnés par la commission d’enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France renvoient systématiquement à la définition proposée par l’ONU et la Via Campesina. Quel crédit donnez-vous à leur parole ?

Enfin, monsieur le ministre, comment mesurez-vous l’impact de la production de biomasse, laquelle est mise au même niveau que l’alimentation dans le texte ?

M. Dominique Potier (SOC). Madame Le Peih nous reproche de ne pas avoir évalué l’impact de nos amendements. Le Gouvernement, lui, a-t-il mesuré les effets juridiques, symboliques et pratiques de cette véritable innovation juridique et lexicale, qui consiste à placer la production de biomasse énergétique sur le même plan que l’alimentation ?

Quant à vous, monsieur le rapporteur général, vous prétendez que la notion d’intérêt général majeur crée du contradictoire. Au nom de quoi, en droit ? Par la bonne volonté du juge, par l’influence ? Je crains et j’espère tout à la fois que cela ne soit qu’un leurre. Ce n’est pas parce que l’on invente des mots qu’on leur donne une effectivité en droit !

M. Frédéric Descrozaille (RE). Revenons à la définition onusienne de la souveraineté alimentaire et à l’enjeu que représentent les échanges internationaux. La définition de la souveraineté alimentaire tient compte du cadre multilatéral actuel des échanges, celui des accords de Marrakech, qui est à l’agonie. Retenons néanmoins qu’il existe cinq zones production dans le monde, dont la nôtre, qui garantissent une sécurité alimentaire mondiale de deux à trois mois – je parle ici des cinq céréales qui permettent de couvrir les besoins énergétiques de base. La capacité exportatrice française représente une contribution nette à la stabilité géopolitique à nos frontières.

Personnellement, je serais favorable à la création d’une mission de diplomatie alimentaire, pour que la France inspire un nouveau cadre multilatéral où l’accès à l’alimentation serait une grille d’analyse de tous les échanges internationaux. En attendant ce grand soir, la définition onusienne peut très bien être aménagée pour tenir compte des échanges sans que cela nuise à la souveraineté alimentaire des pays concernés.

M. le président Stéphane Travert. Pour répondre à la demande de reclassement de votre amendement CE3407, madame Le Feur, pourriez-vous nous le présenter ?

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement, adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à prendre en compte la définition de la souveraineté alimentaire de l’ONU, qui n’est pas si ancienne puisqu’elle date de 2018. Même si elle n’a pas voté pour ce texte, la France doit s’y conformer. Il nous semble donc important de tenir compte de cette définition dans nos politiques d’orientation agricole.

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis plutôt en phase avec monsieur Descrozaille sur la façon d’aborder la définition de la souveraineté alimentaire et sur la nécessité d’y réfléchir sous un angle diplomatique. Depuis l’émergence du concept, en 1996, il s’est passé quelques événements sur les plans climatique et géopolitique. Certains acteurs ne sont plus du tout coopératifs, quand ils n’essaient pas, comme le président Poutine, d’en placer d’autres sous leur coupe dans le domaine alimentaire. Pour le moment, il vaut toujours mieux que ce soit le continent européen qui soit en position de nourrir la planète.

Contrairement à ce que vous dites, Madame Le Feur, nous ne sommes pas engagés par la Déclaration, non contraignante, prise par l’ONU en 2018. Si vingt-deux des vingt-sept pays que compte l’Union européenne n’ont pas voté pour cette Déclaration, c’est probablement parce qu’elle suscite quelques interrogations. Parmi les pays européens qui l’ont approuvée, on trouve la Hongrie… Interrogeons-nous sur les motifs sous-jacents du soutien à cette Déclaration. Comme indiqué par monsieur Alfandari, nous essayons de nous inspirer de cette définition, sans la reprendre telle quelle, ce qui serait gênant.

Monsieur Potier, ne donnons pas dans la caricature. Il existe une hiérarchie : nous ne mettons pas l’alimentation et la production d’énergie au même niveau. L’agriculture va contribuer à la décarbonation par le biais de la production de biomasse et d’énergie, à moins de décider qu’elle restera à l’écart du processus.

L’alinéa 7 est ainsi rédigé : « La souveraineté agricole du pays, liée à la production durable de biomasse sur le territoire et à la contribution du secteur à la décarbonation de l’économie. » Où avons-nous écrit que la priorité était la production d’énergie ? Nulle part. Certains textes récents, notamment la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, constituent des cadres qui permettent d’éviter les excès que, comme vous, je pourrais redouter. N’étant pas le perdreau de l’année, je sais que des gens pourraient être tentés de bouleverser la hiérarchie des usages. Cela étant, il n’y a rien dans le texte qui vous permette d’affirmer que nous mettons l’alimentation et l’énergie sur le même plan.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). À l’alinéa 14, il est écrit : « À ce titre, elle oriente en priorité l’installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique (…). » !

M. Marc Fesneau, ministre. Oui, mais il s’agit de la priorité d’installation, pas de la priorité d’usage.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). C’est seulement pour les nouveaux installés !

M. Marc Fesneau, ministre. Madame la députée, vous savez très bien que nous avons envisagé les énergies renouvelables en tenant compte du fait que certains systèmes trouveront leur équilibre en produisant aussi des énergies renouvelables.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Alors ne dites pas qu’il existe une hiérarchie !

M. Marc Fesneau, ministre. Si, parce que la priorité reste l’alimentation !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE975 de M. Francis Dubois, CE1908 de Mme Danielle Brulebois, CE2925 de M. Benoit Mournet, CE2943 de M. Vincent Bru et CE3323 de M. Éric Bothorel, amendements identiques CE269 de M. Julien Dive, CE2026 de M. Charles de Courson, CE2184 de M. Didier Le Gac et CE2945 de M. Vincent Bru (discussion commune)

M. Francis Dubois (LR). Mon amendement, qui traduit juridiquement la volonté politique de rééquilibrer intérêts agricoles et intérêts environnementaux, vise à inscrire le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le déploiement de l’agriculture sont reconnus d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».

Mme Danielle Brulebois (RE). L’histoire de l’humanité est liée à celle de l’agriculture, et la survie de l’homme dépend de la quantité de nourriture disponible. C’est la raison pour laquelle cet amendement, qui traduit juridiquement la volonté politique de rééquilibrer intérêts agricoles et intérêts environnementaux, vise à inscrire le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le déploiement de l’agriculture sont reconnus d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ». Dans la loi relative à l’accélération de la production d’énergie renouvelable, qui traite notamment de l’agrivoltaïsme, il est clairement indiqué que la fonction première de l’agriculture est de produire de la nourriture.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Vos amendements réduisent à néant tout l’intérêt de l’article 1er.

M. Marc Fesneau, ministre. S’agissant de la notion d’intérêt général majeur, vos amendements sont redondants avec l’article 1er.

En affirmant que « la protection, la valorisation, le développement de l’agriculture sont d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation », vous assimilez indirectement la défense de l’agriculture à un intérêt fondamental, ce qui n’est pas l’objectif du texte. Rappelons que les intérêts fondamentaux de la nation sont protégés par les articles 410-1 et suivants du code pénal, qui répriment très sévèrement les actes de sabotage et trahison – le registre n’est pas de même nature. Avis défavorable.

M. le président Stéphane Travert. J’ai oublié de donner la parole aux auteurs de la seconde série d’amendements identiques, qui sont en discussion commune avec les précédents. Veuillez m’en excuser.

M. Julien Dive (LR). La formulation retenue dans l’article 1er du projet de loi, qui affirme que « l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur » risque de transformer l’agriculture en bien public pouvant justifier un droit de regard collectif sur les politiques agricoles.

C’est la raison pour laquelle mon amendement, qui traduit juridiquement la volonté́ politique de rééquilibrer intérêts agricoles et intérêts environnementaux, vise à inscrire le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture sont reconnus d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».

M. Charles de Courson (LIOT). Vous avez tous lu l’avis du Conseil d’État. Pour ma part, je participe à la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, où nous n’avons toujours pas réussi à définir cette notion. Cela n’a d’ailleurs pas d’importance, puisque le Conseil d’État nous dit que non seulement cette notion « n’est pas claire », mais que son utilité apparaît « douteuse ». Tout est dit.

Plutôt que nous battre sur des définitions sur lesquelles nous ne serons jamais d’accord, nous proposons plus simplement le remplacement des alinéas 2 et 3 par la formulation suivante : « La protection, la valorisation, le développement de l’agriculture sont d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation. »

Au moins, c’est un peu plus clair. Ces amendements proposent donc d’apporter des correctifs à la formulation du Gouvernement. Ils appellent à l’action en précisant que c’est la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, qui sont d’intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation. Et nous avons ajouté la forêt.

M. Didier Le Gac (RE). Mon argumentation rejoindra celle de mes collègues. Tel que rédigé, cet article pourrait en effet justifier un droit de regard collectif sur les politiques agricoles, ce qui peut être gênant. Il faut veiller à l’équilibre entre intérêts agricoles et intérêts environnementaux.

M. Vincent Bru (Dem). Dans la même veine, nous défendons la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture. Cette fois-ci, nous n’avons pas commis l’erreur d’écrire « déploiement », monsieur le ministre…

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vos amendements supprimant la référence à la souveraineté alimentaire, j’y suis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous évoquez le risque de faire de l’agriculture un bien public soumis au regard collectif, chacun pouvant venir inspecter les champs de l’agriculteur pour évaluer si les cultures correspondent bien à l’intérêt général majeur. Sans vouloir m’élever au-dessus de ma condition, je pense que cela ne tient pas sur le plan juridique. En outre, vous supprimez la notion de souveraineté alimentaire. Avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Ces amendements m’étonnent : nos collègues redoutent qu’il y ait un droit de regard collectif sur les politiques agricoles. Que faisons-nous, ici même, sinon porter un regard collectif sur les politiques concernant le monde agricole ou d’autres secteurs de notre société ? Il est d’autant plus normal que les parlementaires et la société aient un droit de regard sur les politiques agricoles, que l’agriculture bénéficie de fonds publics.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le ministre, je suis très étonné de votre argumentaire contre ces amendements défendus par plusieurs courants de la minorité présidentielle et de l’opposition. Il n’y est pas question de transformer l’agriculture en bien public. Ces amendements ont le mérite d’affirmer que les politiques conduites en faveur de la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture sont au même niveau que les autres intérêts fondamentaux de la nation. Une telle affirmation a une réelle portée juridique, ce qui n’est pas le cas de la rédaction actuelle selon l’analyse qu’en fait le Conseil d’État lui‑même. Or les éventuels contentieux seront du ressort du Conseil d’État.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur de Courson, nous nous sommes mal compris : je n’ai pas dit que vos amendements feraient de l’agriculture un bien public, mais à l’inverse, qu’ils tendaient à prévenir un tel risque, que j’estime inexistant.

Autre remarque : l’avis du Conseil d’État porte sur le projet de loi initial, et nous en avons tenu compte dans la rédaction du texte en cours d’examen. À cela s’ajoute un argument de fond déjà soulevé par votre rapporteure : il faut maintenir la notion de souveraineté alimentaire.

M. Charles de Courson (LIOT). Voici ce qu’écrit le Conseil d’État dans son avis : « [le Conseil d’État] propose de se limiter à indiquer que l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la France, sans pour autant retenir que celle-ci contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, la portée d’une telle mention n’étant pas claire et son utilité apparaissant douteuse. » On ne peut pas dire que le Gouvernement ait suivi cet avis…

 

La commission rejette successivement les deux séries d’amendements identiques.

 

  1.   Réunion du mardi 30 avril 2024 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 30 avril 2024, à 21 heures 30, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

 

Article 1er (suite) : Consécration de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture comme étant d’« intérêt général majeur » en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France

 

Amendements identiques CE1609 de Mme Aurélie Trouvé, CE1782 de Mme Marie Pochon et CE2365 de M. André Chassaigne.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Notre amendement vise à supprimer l’alinéa 3, aux termes duquel « l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur ». Cette notion, nous l’avons déjà dit, fait peser des risques de régression sur le plan de l’environnement. Des juristes soulignent ainsi que des opérations de pompage dans des nappes phréatiques ou des cours d’eau, par des agriculteurs, pourraient être facilitées. Se pose, par ailleurs, la question du modèle agricole ainsi promu : c’est celui d’une agriculture qui n’est pas plus sobre en eau, ni plus résiliente en matière climatique, mais qui va droit dans le mur, qui s’engage, devant le réchauffement climatique, dans une fuite en avant et qui renforcera encore les tensions liées aux différents usages de l’eau, au détriment de la consommation des riverains et des écosystèmes.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il existe en droit positif des notions de raison impérative d’intérêt public majeur, d’intérêt national majeur, d’intérêts fondamentaux de la nation et d’intérêt général, mais on ne trouve pas trace d’un « intérêt général majeur » : cela n’existe tout simplement pas. Vous inventez donc une nouvelle notion dont les contours ne sont pas définis et dont je ne vois pas en quoi elle garantirait quoi que ce soit à quiconque, ni ce qu’elle voudrait dire. Si cette nouvelle notion devait être comprise comme une façon de mettre au même niveau l’agriculture et la protection de l’environnement, on irait à l’encontre de l’objectif de valeur constitutionnelle qu’est la protection de l’environnement, laquelle est reconnue, depuis 1976, comme étant d’intérêt général. Or, je ne crois pas que qui que ce soit dans cette salle remettra en cause, en 2024, le fait que la protection de l’environnement est d’intérêt général. Le Conseil d’État a lui-même proposé de supprimer cette mention à l’article 1er du projet de loi, au motif que sa portée n’était pas claire et que son utilité apparaissait douteuse.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’irai dans le même sens. Nous avons là un objet juridique non identifié. En effet, que peut signifier la notion d’intérêt général majeur ? Sera-t-elle opposable à des décisions, à caractère législatif ou réglementaire, qui auraient déjà été prises ? On pourrait faire une comparaison, même si certains n’aiment pas la corrida, avec la muleta : vous l’agitez et pendant ce temps-là vous ne prenez pas à bras-le-corps les questions qui se posent véritablement pour le devenir de l’agriculture de notre pays.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et pour le titre II (articles 2, 3 et 4). Mon avis est évidemment défavorable. Cet alinéa qui reconnaît l’agriculture comme étant d’intérêt général majeur et consacre la souveraineté alimentaire, laquelle est l’élément central de l’article 1er, dont découlent ensuite les trois piliers chers à notre rapporteur général que sont le renouvellement des générations, notamment par le biais de l’éducation, la transmission des exploitations et la simplification.

Je relève aussi, s’agissant de l’amendement CE1609, une petite contradiction dans l’exposé des motifs, selon lequel cet alinéa « n’a pas de signification juridique précise » mais qui suscite tout de même des inquiétudes.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Avis défavorable. Nous en avons déjà débattu tout à l’heure : cet alinéa est un aspect important de ce que nous voulons faire. La notion d’intérêt général majeur, et je répondrai ainsi en partie à ce que M. Potier disait, permettra par exemple de considérer, lorsqu’un maraîcher veut s’installer en bordure d’une commune et demande à avoir une petite retenue d’eau, que son accès à l’eau est d’intérêt général majeur. Il ne s’agit pas de remettre en cause la hiérarchie de normes mais d’assurer une pondération entre différents éléments législatifs. Le fait qu’on ne puisse pas tenir compte actuellement des objectifs de souveraineté pose un problème.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, j’aimerais qu’on clarifie cette notion qui me paraît encore très floue. Vous évoquez le cas d’un petit maraîcher, mais qu’en sera-t-il des gros projets industriels de type ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) ou des mégabassines ? Votre cabinet a déclaré ce matin, selon l’AFP (Agence France-Presse), qu’il espérait que l’intérêt général majeur allait « nourrir la réflexion du juge administratif ». La loi sur l’eau de 2006 et la directive-cadre sur l’eau prévoient que l’usage premier de l’eau est la consommation humaine, qui vient donc avant les milieux et les activités économiques. L’intérêt général majeur reconnu à l’agriculture remet-il en question cette hiérarchie ? Si tel est le cas, c’est vraiment dangereux : cela revient à ouvrir la porte aux gros projets agro-industriels et à accroître encore les différences d’accès à l’eau, y compris s’agissant des paysans. Les petits maraîchers que vous évoquez sont aujourd’hui soumis à une concurrence liée au développement des mégabassines, qui crée des inégalités complètement déloyales dans les territoires.

M. Pascal Lavergne (RE). Vous avez évoqué l’intérêt supérieur de l’eau pour l’homme : en effet, il faut boire pour vivre, mais aussi manger et ce sont les agriculteurs qui produisent l’alimentation. Même sans être, comme moi, agronome, vous savez que les plantes poussent avec de l’eau. On doit en avoir pour produire de l’alimentation. Il faut garder de l’eau pour boire mais aussi pour faire pousser les plantes que nous mangeons.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Comme l’a dit le Conseil d’État, la mention que vous proposez n’est pas claire et son utilité apparaît douteuse. Le fait que l’agriculture soit d’intérêt général ne souffre pas de discussion. L’entourloupe, c’est de vouloir faire croire à certains de vos interlocuteurs, et même à des lobbys, que ce sera désormais « open bar » en matière de droit de l’environnement. Ce que vous faites figurer dans le texte n’est pas la raison impérative d’intérêt public majeur au sens du code de l’environnement. C’est, au contraire, un objet juridique non identifié qui sera, par conséquent, inapplicable et n’aura, en tout cas je le souhaite, aucune conséquence en droit. Ce truc n’est, comme le disent chez moi les agriculteurs, qu’un miroir aux alouettes, destiné à faire croire que les choses vont changer, que les procédures vont être simplifiées, alors que leur simplification ne dépend pas du tout de ce type de dispositions, et encore moins du fait de s’asseoir sur le code de l’environnement, mais d’autres choses extrêmement concrètes. Tout cela n’a qu’un sens politique, idéologique : il s’agit de dire qu’il y aurait quelque chose de supérieur à l’intérêt général écologique de la nation. Nous sommes donc contre cette disposition.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous dites qu’une telle mention est inutile, mais je trouve que vous vous battez contre elle avec beaucoup de force : vous avez donc un doute. Il faudrait choisir.

Par ailleurs, je note que le Conseil d’État n’a pas proposé de supprimer cet alinéa. Il a demandé, en entrée de match, si je puis dire, d’y apporter des modifications.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Il a dit des choses dont vous n’avez pas tenu compte.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous connaissez la règle mieux que moi : vous savez qu’il est courant que le Gouvernement suive l’avis du Conseil d’État, mais qu’il arrive aussi qu’il continue à suivre son chemin.

Je n’ai jamais dit que cette disposition accélérerait les procédures – c’est l’objet d’articles placés à la fin du texte – et jamais nous n’avons dit que cela créerait une hiérarchie des normes différente. Nous ferons en sorte que le juge, s’il est appelé à se prononcer sur un projet agricole, tienne compte des sujets environnementaux et des sujets de souveraineté, c’est-à-dire de tout ce qu’il y a sur la table, et cela ne remet pas en cause des lois précédentes – elles ne seront pas abrogées. Simplement, lorsqu’il y aura un projet, il faudra pondérer les intérêts.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE2114 et CE2113 de M. Inaki Echaniz et CE2239 de M. Thierry Benoit (discussion commune)

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nos amendements visent à réécrire l’alinéa 3 en intégrant l’agriculture, le pastoralisme, la pêche et l’aquaculture dans le patrimoine commun de la nation. Nous nous référons à l’avis du Conseil d’État, qui considère que la portée de la mention actuelle n’est pas claire et que son utilité est douteuse : vous allez créer une machine à frustrations dangereuse, dans un contexte de forte mobilisation agricole. Les conseillers d’État auditionnés par les rapporteurs ont précisé que la notion d’intérêt général majeur ne produirait pas d’effet juridique caractérisé. Cette mention superfétatoire risque de conduire à des désillusions, alors que nous devons trouver des solutions concrètes pour répondre à la crise que traversent nos agriculteurs.

M. Thierry Benoit (HOR). Je propose de revenir aux fondamentaux historiques de l’agriculture en adoptant la rédaction suivante : les fonctions premières de l’agriculture sont : la fonction nourricière – l’agriculture a vocation, avant tout, à produire de la nourriture à partir de la terre –, la production d’énergie – historiquement, c’était grâce au bois, mais aussi par l’énergie hydraulique et l’alimentation des chevaux de trait –, la préservation de l’environnement et de la biodiversité – il est bon, en 2024, de le rappeler en pensant, par exemple, aux prairies et aux haies –, et l’aménagement du territoire et de la ruralité – à l’heure du zéro artificialisation nette, qui ne permettra plus d’industrialiser n’importe où, il faut insister sur les actifs agricoles et la ruralité. Vous savez que la question de valeur de la ruralité et de l’agriculture m’importe beaucoup.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable sur ces amendements. La notion de pastoralisme est déjà incluse dans l’agriculture. Par ailleurs, si l’on adoptait vos amendements de réécriture, on perdrait la référence tant à la notion d’intérêt général majeur qu’à celle de souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable aux deux premiers amendements.

Monsieur Benoit, la définition que vous proposez met dans le même paquet la fonction nourricière, la fonction énergétique, etc., comme s’il n’y avait pas une hiérarchie. Par ailleurs, votre rédaction supprimerait la notion d’intérêt général majeur. Je vous invite donc à retirer votre amendement, étant entendu que certains éléments pourraient être repris dans le cadre d’une réécriture globale.

M. Charles de Courson (LIOT). Je ne suis pas sûr qu’affirmer, comme le fait l’amendement CE2113, que l’agriculture constitue le patrimoine commun de la nation soit compatible avec le droit de propriété, et soit donc constitutionnel. On peut dire que l’eau est un patrimoine commun, puisqu’elle n’est pas appropriée, pas plus que l’air. L’agriculture, en revanche, entre dans le cadre de la propriété privée, en ce qui concerne le foncier, les exploitations et que sais-je encore ? Il serait prudent de ne pas adopter cet amendement, même si – et ce n’est pas moi qui le dis, mais le Conseil d’État – l’alinéa 3 n’a pas de portée juridique.

L’amendement CE2239 est retiré.

La commission rejette les amendements CE2114 et CE2113.

 

Amendements identiques CE625 de M. Jean-Pierre Vigier et CE3331 de Mme Juliette Vilgrain

M. Francis Dubois (LR). L’amendement CE625 précise que ce n’est pas l’agriculture qui est d’intérêt général majeur, mais la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture, car ils concourent à répondre aux enjeux de la souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous proposez une rédaction différente pour le début de l’alinéa 3, mais la formulation actuelle me semble beaucoup plus claire. Par conséquent, demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable. Ces amendements permettront de mieux définir ce qui active un intérêt général majeur.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE3188 de M. Jean-François Rousset, amendements identiques CE376 de Mme Annie Genevard, CE962 de M. Francis Dubois, CE2967 de M. Romain Daubié et CE3174 de M. Lionel Vuibert, amendement CE3292 de M. Antoine Armand (discussion commune)

M. Jean-François Rousset (RE). Mon amendement vise à inclure explicitement dans les enjeux de souveraineté alimentaire l’élevage et le pastoralisme. Ce dernier n’est pas seulement une composante essentielle de l’agriculture, mais un modèle agricole spécifique, regroupant une multitude d’éleveurs, allant du berger sans terre au berger propriétaire, au sein de la communauté pastorale. Je rappelle quelques chiffres : le pastoralisme, qui concerne 60 000 exploitations, représente 18 % de l’élevage en France et une surface d’exploitation de 5,4 millions d’hectares, dont 2,2 millions constitués d’estives, d’alpages et de parcours de montagne. Les produits issus du pastoralisme, souvent commercialisés en circuits courts, sont valorisés dans notre gastronomie et contribuent à la préservation et à la promotion du patrimoine culinaire et culturel français. Par ailleurs, c’est un système d’élevage et de production qui présente des atouts face au défi climatique actuel et participe à l’élaboration d’un système alimentaire plus robuste, notamment dans l’Aveyron.

Mme Annie Genevard (LR). Mon amendement vise à intégrer l’élevage dans l’énumération faite à l’alinéa 3. Soit on considère que l’agriculture est un terme générique qui désigne toutes les activités agricoles, ce qui est conforme à la définition figurant dans le code rural, soit on commence à détailler et dès lors, s’il est question de la pêche et de l’aquaculture, très importantes à nos yeux, il faut aussi mentionner l’élevage. Il ne vous aura pas échappé que beaucoup d’observateurs jugent qu’il n’est pas suffisamment reconnu dans le projet de loi. L’élevage aurait toute sa place dans cet alinéa un peu principiel, qui affirme l’intérêt général majeur des activités agricoles.

M. Francis Dubois (LR). J’aimerais apporter quelques précisions au sujet du Limousin : nous avons connu une baisse de 14 % du cheptel bovin viande dans le département de la Corrèze et de 18 % dans la Haute-Vienne, tandis que la capitalisation de bovins a baissé de 20 % dans la Creuse. Il est extrêmement important de prendre en considération l’élevage, notamment dans les zones protégées au plan environnemental, comme c’est par exemple le cas en Corrèze.

M. Romain Daubié (Dem). Monsieur le ministre, je voudrais vous assurer, à titre liminaire, de mon soutien entier et total à ce projet de loi.

Mon amendement vise, comme les précédents, à introduire la notion d’élevage à l’article 1er. Ne pas le faire reviendrait à ignorer 37 % des exploitations agricoles en France, dans l’Ain mais aussi dans d’autres départements. J’imagine que Mme la rapporteure va nous répondre que l’élevage est déjà inclus dans la référence à l’agriculture. Or, une telle réponse serait, pour paraphraser Edmond Rostand, un peu courte, puisque le texte vise la pisciculture qui pourrait être englobée dans la mention de l’aquaculture. Toute une filière attend un message fort.

M. Antoine Armand (RE). Mon amendement est presque d’appel. Il est en tout cas modeste : il vise à ouvrir la discussion sur le pastoralisme et sa reconnaissance pleine et entière, au-delà de la loi pastorale. Nous sommes d’ailleurs en train de mener, Jean-Yves Bony, Marie Pochon et moi, une mission d’information visant à établir tous les apports du pastoralisme, à mesurer les services écosystémiques qu’il permet de rendre et de voir si ce modèle peut servir d’inspiration pour d’autres pratiques.

La question de l’intérêt général majeur de la nation est évidemment complexe. Je ne prétends pas la régler par mon amendement, ni même être persuadé que ce soit le bon endroit pour le faire. Je crois néanmoins, et je ne pense pas être le seul, qu’il est important que le pastoralisme puisse trouver une place et une reconnaissance dans le texte d’ici à la fin de son examen en séance publique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez inclure dans les activités d’intérêt général majeur l’élevage et le pastoralisme. J’en profiterai pour répondre globalement à de nombreux amendements qui tendent à insérer dans cet alinéa telle ou telle activité, comme la viticulture, la brassiculture, l’apiculture et la conchyliculture – mais je pourrais aussi vous parler de la lombriculture, que je connais pour l’avoir pratiquée.

Je ne souhaite pas que l’on établisse une liste à la Prévert qui aurait pour conséquence de diluer le message envoyé par l’alinéa 3. Il consacre l’agriculture, la pêche et l’aquaculture comme étant d’intérêt général majeur et met ainsi en exergue trois grands secteurs d’activité fondamentaux, qui sont à la base de notre souveraineté alimentaire, et qui couvrent toutes les activités auxquelles vous avez fait référence et auxquelles nous sommes tous attachés. J’émets donc un avis défavorable aux amendements en discussion, comme je le ferai plus tard au sujet de l’amendement CE3214 du groupe écologiste, qui vise à supprimer la référence à l’aquaculture.

N’entrons pas trop dans le détail. Les activités mentionnées en recouvrent de nombreuses autres, comme la viticulture, la sylviculture ou l’arboriculture, qu’il n’est pas nécessaire de préciser même si on peut y être sensible. Ce qui compte, c’est le fait que certaines activités doivent faire l’objet d’une attention spécifique parce qu’elles permettent de garantir notre souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre. Je comprends l’intention de départ, qui est de souligner l’importance de l’élevage, en particulier dans les départements dont vous êtes issus. Mais dès lors qu’on veut ouvrir davantage cet alinéa en précisant que l’agriculture comprend l’élevage, on en vient à dresser la liste de l’ensemble des activités.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’aquaculture est déjà citée.

M. Marc Fesneau, ministre. L’aquaculture n’est pas l’agriculture. « Agri » se rapporte à la terre et « aqua » à l’eau : cela ne désigne pas les mêmes métiers. De même, la pêche n’est pas la même chose que l’agriculture.

Si l’on introduisait ici l’élevage, on établirait une forme de hiérarchie à l’intérieur de l’agriculture et on pourrait se demander, pour le coup, ce qu’il en est du maraîchage, par exemple.

Je suis donc défavorable à ces amendements, s’ils ne sont pas retirés. En revanche, je suis enclin à donner un avis favorable à l’amendement CE1504, du groupe LR, que nous examinerons après l’alinéa 6, parce que la lutte contre la décapitalisation fait partie des objectifs que nous nous fixons, dans le cadre d’un plan élevage, et que cet amendement n’introduit pas de hiérarchie entre les productions – entre l’élevage et le reste. La production de protéines est d’intérêt général majeur, mais il n’y a pas lieu de faire une distinction entre le maraîchage ou l’élevage. Sinon, on entamera une liste qui ne sera jamais complète : il ne faut pas ouvrir une telle boîte.

Mme Annie Genevard (LR). J’entends les explications étymologiques – la latiniste que je suis y est sensible. Néanmoins, nous faisons du droit. Dans le code rural, l’agriculture ne comprend-elle pas aussi la pêche et l’aquaculture ? Je suis heurtée par le fait que vous détaillez une partie seulement des activités. Les Jeunes agriculteurs (JA) avaient fait une proposition qui avait le mérite d’être cohérente : elle était de s’en tenir au terme générique, englobant, « agriculture ».

M. Charles de Courson (LIOT). L’élevage fait partie de l’agriculture. Il n’est donc pas nécessaire de le mentionner. J’ai néanmoins une question, monsieur le ministre : est-ce aussi le cas de la forêt ? La plupart de vos prédécesseurs étaient ministres de l’agriculture et de la forêt. Il faudrait peut-être rédiger un amendement permettant d’ajouter la forêt plutôt que l’élevage. En revanche, l’aquaculture fait partie de l’agriculture.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne sais pas si M. de Courson souhaite inscrire dans la loi que le ministre de l’agriculture est aussi le ministre des forêts, mais j’en accepte volontiers l’augure. En tout état de cause, je suis bien ministre des forêts.

Un tel débat n’est pas vain. De fait, l’amendement proposant d’ajouter la sylviculture à la liste des activités d’intérêt général majeur, que nous examinerons ultérieurement, me semble une bonne idée. Cette activité n’est pas de même nature que les trois autres ; en outre, elle est liée à l’agriculture, notamment par les haies.

M. Jean-François Rousset (RE). Je retire mon amendement. Toutefois, j’insiste sur le fait que le pastoralisme est une culture, une philosophie et un art de vivre qu’il convient de protéger. Certaines montagnes sont pâturées depuis plusieurs siècles.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Voilà à quoi nous mène l’absurdité de l’intérêt général majeur : on en vient à se demander si, oui ou non, l’élevage est compris dans l’agriculture ! Pourtant, le sujet est sérieux : nous sommes importateurs nets de viande et nous serons demain importateurs nets de produits laitiers. Il faut relocaliser l’élevage. Or, tandis que nous palabrons autour d’un article qui n’a ni queue ni tête, vous signez des accords de libre-échange. Toutes les organisations d’éleveurs vous diront que c’est cette mise en concurrence internationale qui est le véritable ennemi de l’élevage.

La commission rejette les amendements identiques CE376, CE962, CE2967 et CE3174 et adopte l’amendement CE3292, l’amendement CE3188 ayant été retiré.

 

Amendements CE1100 de M. Hubert Brigand et CE7 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, pour la raison exprimée plus tôt.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous venons d’ajouter le pastoralisme à l’énumération de l’alinéa 3. Cela n’a aucun sens. Je viens de vérifier l’article L. 311-1 du code rural et Mme Genevard a raison : toutes les productions végétales et animales, y compris les cultures marines, sont comprises dans l’agriculture. J’en ai assez de cet inventaire à la Prévert qui rend le texte illisible et nous fait perdre notre temps. Bien que viticulteur, je voterai contre ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2975 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à ajouter les terres agricoles à la liste des objets reconnus comme étant d’intérêt général majeur. De nombreuses terres agricoles sont en effet soumises à la menace de l’artificialisation des sols ou de l’accaparement par des firmes financières. Il est indispensable de protéger nos terres.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. C’est un nouvel ajout à la liste.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE3408 de la commission du développement durable et CE3173 de M. Lionel Vuibert (discussion commune)

M. Luc Lamirault (HOR). L’amendement de mon collègue Vuibert vise à ajouter l’apiculture à la liste. J’ai compris que ce n’était pas à l’ordre du jour. Toutefois, puisqu’il n’est pas de moi, je le maintiens.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis que la rapporteure. Je rappelle cependant que l’apiculture a fait l’objet d’un plan gouvernemental et d’une proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique, récemment adoptée au Sénat. En outre, les règles européennes concernant l’étiquetage sont en cours d’amélioration.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3214 de Mme Sandrine Rousseau

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel propose de retirer l’aquaculture de la liste. Certes, il existe un élevage local, dans des proportions limitées, mais considérer que l’aquaculture est un enjeu de souveraineté alimentaire, c’est prendre le risque d’accroître la pression sur la ressource. En effet, pour nourrir les poissons d’élevage, on utilise des farines issues de poissons sauvages : le thon d’élevage, par exemple, absorbe quinze fois son poids en poisson sauvage.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’amendement vise à supprimer l’aquaculture de la liste des activités reconnues d’intérêt général majeur. Alors que nous possédons le deuxième espace maritime mondial, avec plus de 10,7 millions de kilomètres carrés, le quota de la pêche hexagonale reste limité, et plusieurs espèces très populaires en France, comme le saumon, le lieu noir ou le thon, ne sont pas produites localement. En conséquence, nous importons plus de 70 % de notre consommation de poisson. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Tous les poissons ne mangent pas d’autres poissons ; la majorité de l’aquaculture ne nécessite aucun intrant. En outre, une partie de la pisciculture a lieu dans des étangs, qui ne sont pas dénués d’intérêt écosystémique.

Même si la dénonciation de la pêche industrielle est à la mode, notre dépendance à 90 % d’importations pour les produits de la mer et de l’eau douce pose un problème de souveraineté. En refusant le débat sur la souveraineté de l’aquaculture française, vous acceptez d’importer du poisson élevé dans des conditions que nous n’acceptons pas. Je rappelle que l’essentiel des exploitations pratiquant l’aquaculture sont de très petites entreprises (TPE), et non des grands groupes.

Par ailleurs, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) travaille à réduire l’impact de l’aquaculture, en réduisant l’apport en protéines animales au profit d’éco-aliments.

M. Charles de Courson (LIOT). Pourrait-on expliquer à la commission la différence entre la pisciculture et l’aquaculture et la raison pour laquelle le Gouvernement n’a retenu que la seconde ? L’un de mes frères était pisciculteur et aquaculteur : il avait des étangs et des bassins artificiels. Pour moi, ces deux activités relèvent de l’agriculture.

M. le président Stéphane Travert. La différence tient partiellement à la distinction entre la culture en eau salée et la culture en eau douce.

M. Grégoire de Fournas (RN). Je viens de consulter la définition : la pisciculture se concentre spécifiquement sur l’élevage de poissons, tandis que l’aquaculture englobe un éventail plus large d’organismes aquatiques, y compris les crustacés et les mollusques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3215 de Mme Sandrine Rousseau

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cet amendement de repli vise à remplacer l’aquaculture par la conchyliculture et l’algoculture, qui contribuent à notre souveraineté dans de bonnes conditions.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, même s’il est vrai que certains agriculteurs travaillent sur la spiruline.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1789 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement de repli vise à préciser que l’alinéa concerne les pratiques durables d’agriculture, de pêche et d’aquaculture, lesquelles concourent réellement à la souveraineté alimentaire, tandis que les pratiques d’agriculture industrielle et la surpêche nuisent gravement aux écosystèmes et aux ressources naturelles et, de ce fait, à la résilience des activités agricoles et halieutiques.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez préciser que l’agriculture, l’aquaculture et la pêche doivent être durables. Cette dimension est prise en compte de manière suffisamment claire à l’alinéa 9, qui fait référence à la résilience et au potentiel des facteurs de production agricole, aquacole et halieutique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1750 de Mme Hélène Laporte

M. Grégoire de Fournas (RN). Cet amendement d’appel vise à demander pourquoi le Gouvernement a préféré la notion d’intérêt général majeur, qui n’est nulle part définie dans le droit, à celle d’intérêt public majeur, qui figure à l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’expression figurant à l’alinéa 3 de l’article 1er fait référence à l’« intérêt général », véritable boussole de l’action publique, consacrée notamment par notre droit constitutionnel. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement sont une application de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats ». La raison impérative d’intérêt public majeur s’applique donc strictement au champ couvert par la directive, ce qui rend votre proposition inopérante. À l’inverse, la notion d’intérêt général majeur s’appliquera à toutes les productions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE75 de M. Sébastien Jumel, CE913 de M. Francis Dubois et CE2124 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Dans la continuité de notre analyse, nous proposons de supprimer à l’alinéa 3 les mots « sont d’intérêt majeur en tant qu’elles » ainsi que les mots « , qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».

M. Francis Dubois (LR). Si l’on souhaite ériger notre agriculture en cause nationale au sein de l’Union européenne, il faut faire preuve de courage politique et considérer qu’elle répond à une raison impérative d’intérêt public majeur.

L’intérêt général majeur place l’agriculture en équilibre avec l’environnement ; cependant, la protection de l’environnement a une valeur constitutionnelle, tandis que, même majeur, l’intérêt général agricole n’a qu’une valeur législative. Par contraste, le caractère majeur de l’intérêt public d’un projet justifierait que celui-ci soit mis en balance avec les autres motifs d’intérêt public concurrents, tels que la protection de l’environnement.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Comme celui du président Chassaigne, mon amendement vise à retirer du texte une notion vague aux conséquences juridiques imprévisibles, en supprimant la référence aux intérêts fondamentaux.

Lors des auditions, nous avons entendu plusieurs avis. Certains estiment qu’il ne s’agit que d’une déclaration sans effet, auquel cas il faut éviter une loi bavarde. En commission du développement durable, la seule raison avancée pour justifier son maintien était l’aspect symbolique de la notion ; on ne fait pas des lois pour le symbole, mais pour changer la vie des gens. D’autres ont estimé qu’il s’agissait d’un moyen de criminaliser la contestation de certains projets agricoles. En effet, la notion d’intérêts fondamentaux a une signification spécifique dans notre droit : il s’agit des intérêts relatifs à la défense nationale. Une personne qui trahirait en fournissant des documents secret-défense à un pays étranger s’en prendrait ainsi aux intérêts fondamentaux de la nation. Or, quoi que l’on puisse penser d’un projet agricole, le contester ou même l’entraver n’est pas un acte de même nature que celui de menacer l’intégrité de son pays.

Que le dispositif soit excessif ou inutile, il convient de le supprimer.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2531 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Je le retire, afin de ne pas mettre une pièce supplémentaire dans le juke-box, mais il me semble important d’évoquer le cas de la filière horticole, qu’on peut difficilement accuser de lobbyisme. Cette filière est en totale perte de souveraineté – 80 % des fleurs coupées vendues chez les fleuristes sont importées –, alors qu’elle concourt à la protection des sols.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE3409 de la commission du développement durable et CE1783 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il serait fâcheux d’employer des notions et des définitions non conformes à leur sens communément admis. L’amendement vise à rendre la loi compatible avec le droit international, en ajoutant une référence à la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018, laquelle définit la souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

Pour répondre à M. Dive, la filière horticole fait partie de celles pour lesquelles nous avons un grand intérêt à retrouver notre souveraineté, d’autant que cette perte de souveraineté représente aussi une perte au niveau environnemental. La défense de cette filière est comprise dans le texte.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Un amendement qui a été adopté par la commission du développement durable, qui fait référence à la définition de la souveraineté alimentaire des Nations unies, qui est soutenue par cinquante-quatre organisations rassemblées dans le collectif Nourrir, mérite mieux qu’un simple avis défavorable, d’autant que sa rédaction est différente des précédentes.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3410 de la commission du développement durable, CE3 de M. Fabrice Brun et CE46 de M. Julien Dive

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’amendement de la commission du développement durable a été adopté contre mon avis.

M. Julien Dive (LR). Il ne s’agit pas de mettre l’agriculture au-dessus de tout, mais de la placer au même niveau que l’environnement. Pour ce faire, il me semble essentiel de lier la notion d’intérêt général majeur à l’article 410-1 du code pénal, afin de renforcer la protection juridique et le statut prioritaire de l’agriculture dans l’ordre public, en permettant au juge de s’y référer. Que l’on ne m’oppose pas la référence à l’environnement qui figure dans le code pénal ; elle ne concerne pas l’agriculture.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les amendements visent à préciser que l’agriculture, l’aquaculture et la pêche contribuent à la défense des intérêts fondamentaux de la nation au sens de l’article 410-1 du code pénal, qui consacre les intérêts fondamentaux de la nation. Outre qu’il aurait mieux valu compléter directement l’énumération faite à l’article 410-1 du code pénal, et bien que la précision apportée ne soit pas fausse, je préfère en rester à la rédaction actuelle. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous consacrons à cet article l’intérêt général majeur.

Qualifier la souveraineté alimentaire d’intérêt fondamental de la nation se heurterait vraisemblablement à l’obstacle constitutionnel de la définition de ces intérêts. L’article 410-1 procède à une énumération limitative d’intérêts regardés comme fondamentaux pour la nation, laquelle ne comporte pas la souveraineté alimentaire ; un renvoi à cette énumération à la portée incertaine serait difficilement intelligible. En outre, cette énumération a pour seul but de délimiter le champ de la répression pénale, qui est très sévère en matière d’actes de trahison et de sabotage. Y faire référence pourrait être interprété comme renvoyant de manière inconsidérée à ce champ d’application. Il faut reconnaître que la souveraineté agricole et alimentaire n’est pas du même ordre que les actes de haute trahison et de sabotage. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

En revanche, plus loin dans le texte, j’émettrai un avis favorable aux amendements CE311 et identiques, qui abordent le sujet pénal sous un autre angle.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je remarque que chaque intervenant qui appuie la position que nous contestons fait référence au juge. C’est se projeter dans une situation de conflit, où l’on enlise partout le développement de l’agriculture dans un contentieux à n’en plus finir.

M. Julien Dive (LR). C’est ce qui se passe dans la vraie vie !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Cher collègue, étant députée des Deux-Sèvres, je sais de quoi je parle. Vous emmenez le monde agricole dans le mur et, de surcroît, vous dites aux agriculteurs qu’ils devront aller en justice en écrivant un texte que même les juges ne sauront pas interpréter ! Si l’on ajoute à cela la référence à l’article 410-1 du code pénal, je ne sais plus où l’on est.

M. Marc Fesneau, ministre. La réalité, c’est que, pour la plupart des projets d’élevage et la totalité des projets ayant trait à l’eau, il y a du contentieux. Ce ne sont pas les agriculteurs qui le créent, mais il faut en prendre acte. La stratégie de certains consiste justement à décourager les projets par un embourbement juridique qui leur font perdre deux ans, cinq ans ou dix ans. Vous connaissez bien le sujet, dans les Deux-Sèvres.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Le texte n’y changera rien !

M. Marc Fesneau, ministre. Vous nous reprochez de faire comme si le moindre projet allait au contentieux, mais c’est la réalité des agriculteurs. C’est pourquoi la loi doit raccourcir les délais du contentieux – c’est l’objet des articles suivants – et proposer des éléments clairs permettant au juge de juger à bon droit.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je prendrai l’exemple de la ferme aquacole Pure Salmon, en Gironde, qui est soutenue par certains de nos collègues. Elle s’est vu refuser l’autorisation ICPE – installation classée pour la protection de l’environnement – pour de bonnes raisons, car elle n’est pas conforme au schéma des eaux. La vérité, c’est que les mauvais projets seront toujours contestés. Le texte n’y changera rien, car cela relève du droit européen.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1220 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je reconnais l’importance des agriculteurs dans la gestion de l’environnement et les pratiques agroécologiques, mais les qualifier de « premiers défenseurs de l’environnement » me semble tout de même un peu excessif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1705 de M. André Chassaigne

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). La rédaction actuelle, suivant laquelle les politiques publiques, notamment celles mentionnées aux articles L. 1 à L.3, « concourent à la protection de la souveraineté alimentaire et agricole », sous-entend que cette souveraineté est acquise. L’amendement vise à remplacer le mot « protection » par le mot « assurer », qui a un sens plus offensif. Ce n’est pas qu’une question de vocabulaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison, les mots ont un sens et ces deux termes n’ont pas la même portée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE1818 de M. Guillaume Garot

Mme Chantal Jourdan (SOC). Censée déterminer les orientations de la politique de l’alimentation durable, la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) n’a toujours pas été présentée par le Gouvernement. Le présent amendement vise à alerter sur l’urgence de concevoir une SNANC ambitieuse et à mettre en cohérence le projet de loi avec les politiques publiques en matière de souveraineté alimentaire.

Cette stratégie nous paraît utile non seulement pour définir une planification alimentaire pour les années 2030 à 2050, mais aussi pour répondre aux enjeux liés à l’amélioration de la santé et à la lutte contre le changement climatique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’article 265 de la loi « climat et résilience » (loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) définit la SNANC comme devant déterminer « les orientations de la politique de l’alimentation durable » et précise que le programme national pour l’alimentation « prend en compte notamment la souveraineté alimentaire ». Votre amendement étant satisfait par les textes en vigueur, je souhaite qu’il soit retiré.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Outre les textes en vigueur, l’alinéa 10 de l’article 1er prévoit que les politiques publiques mettent en œuvre les actions nécessaires pour « orienter les politiques alimentaires dans le respect de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat ». Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE2238 de M. Thierry Benoit

M. Thierry Benoit (HOR). L’alinéa 4 prévoit que les politiques publiques « concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France ». Je propose d’y ajouter la souveraineté des agriculteurs, qui sont soumis à de nombreuses contraintes – relations avec les industriels et la grande distribution, réglementations française et européenne, aléas climatiques et politiques –, alors que ces entrepreneurs devraient être souverains dans leurs décisions.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La souveraineté se rapporte forcément à un État. Je ne vois pas ce que cette notion pourrait recouvrir ici, même si nous partageons tous le souhait de valoriser le travail des exploitants agricoles. Demande de retrait, car cet amendement n’est pas opérationnel ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Juridiquement, je ne sais pas ce que recouvre le concept de souveraineté de l’agriculteur. Je vous propose de retravailler votre amendement, afin de faire apparaître comme l’un des objectifs de la souveraineté alimentaire la capacité de l’agriculteur à exercer librement son activité dans le cadre défini par les normes nationales, européennes et internationales. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE3411 de la commission du développement durable, CE1786 de Mme Marie Pochon et CE1913 de M. Loïc Prud’homme, amendement CE2027 de M. David Taupiac (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous souhaitons mettre en cohérence les dispositions de l’article 1er avec les engagements internationaux de la France, qui consacrent à juste titre le respect de la souveraineté alimentaire des pays tiers.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Nous proposons d’insérer à l’alinéa 4 la définition de la souveraineté alimentaire établie par l’ONU.

M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement vise à insérer à l’alinéa 4 la définition de la souveraineté alimentaire de l’ONU et à compléter, à l’alinéa 5, la notion d’approvisionnement par celle de production alimentaire, qui nous semble déterminante pour notre production nationale. Il vise également à préciser que les accords internationaux garantissent une réciprocité des normes sanitaires et environnementales, ces clauses miroirs étant essentielles dans les échanges internationaux. Enfin, il est proposé d’ajouter, à l’alinéa 7, une référence à la production animale durable, l’élevage constituant un enjeu important.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée dans ces amendements, qui visent à préciser que la souveraineté alimentaire doit être assurée dans le respect des engagements internationaux de la France, notamment dans le domaine de l’entraide internationale et des politiques de développement existantes. En faisant référence à ces engagements internationaux, l’alinéa 5 est de nature à garantir le respect de nos engagements vis-à-vis des pays les plus pauvres en matière d’approvisionnement, d’aide et de développement. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Concernant l’élevage, je rappelle ma proposition de traiter ce sujet un peu plus loin, dans le cadre de la reconquête de notre souveraineté, plutôt qu’en le déclinant dans les différents items : cela me semble plus opérant.

Par ailleurs, si nous partageons l’objectif de respect de la souveraineté alimentaire des autres pays, une telle disposition n’a pas sa place dans ce texte de loi, qui consacre la souveraineté alimentaire de la France dans le cadre européen.

Enfin, concernant les normes de production, la France s’est beaucoup battue pour l’instauration de mesures miroirs. Le débat sur cette question n’en est qu’à ses débuts au niveau européen. Reconnaissons que les accords de commerce ont, jusque-là, très peu pris en compte ces éléments. C’est ce qui justifie l’opposition du Président de la République à l’accord du Mercosur, qui ne respecte pas les engagements de l’accord de Paris. Si nous avons la volonté de poursuivre ce combat, il ne serait toutefois pas opérant de l’inscrire dans le présent texte, car la plupart des accords internationaux sont négociés au niveau européen. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Ce texte contient tellement de passages inutiles ou redondants que nous pourrions au moins affirmer que notre souveraineté alimentaire ne sera pas solitaire, mais solidaire d’autres souverainetés. L’inscription de ce principe universaliste honorerait la France et revêtirait une importance politique forte – dans une période de progression du nationalisme, ce ne serait pas un luxe.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE1785 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’objectif premier de ce texte étant de favoriser l’installation pour garantir le renouvellement des générations et faire face à l’effondrement du nombre d’actifs agricoles, il nous semble impératif d’y fixer un objectif général de maintien a minima du nombre d’agriculteurs en activité.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 13, qui consacre la politique d’installation et de transmission des exploitations comme contribuant à la souveraineté agricole de la France. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Si je ne suis pas contre le fait de se fixer des objectifs, j’aurais plutôt abordé cette question sous l’angle du nombre de jeunes agriculteurs que l’on doit installer pour renouveler les générations. Nous examinerons un peu plus loin un amendement proposant un objectif de 30 000 installations, qui me semble préférable à celui du maintien de 400 000 agriculteurs. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je suis frappée par tant de mauvaise foi. La souveraineté agricole consisterait à maintenir le nombre d’exploitations agricoles : c’est vraiment n’importe quoi ! Je note que, pour l’instant, vous ne voulez pas inscrire l’objectif d’augmenter le nombre de ces exploitations : il est donc clair que ce n’est pas un projet de renouvellement des générations agricoles. Lors d’une audition dans le cadre du groupe de suivi relatif à la préparation de loi d’orientation agricole, vous nous aviez pourtant dit que vous étiez pour du « un pour un » : pour un agriculteur qui s’arrête, au moins un agriculteur s’installe. Confirmez-vous cet objectif et êtes-vous prêt à l’inscrire dans le projet de loi ?

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Je ne comprends pas la justification du ministre. Il prend oralement l’engagement de nous présenter des objectifs chiffrés, ce qui n’est en rien contradictoire avec cet amendement. Celui-ci se contente en effet d’afficher une intention politique – accroître le nombre d’exploitations agricoles en activité – sans fixer d’objectif chiffré. Cette intention étant partagée, pourquoi refuser cet amendement ? C’est incompréhensible.

M. Francis Dubois (LR). Vous pouvez fixer tous les objectifs que vous voulez : tant que vous ne parviendrez pas à rendre cette profession attractive, cela ne servira à rien. En Corrèze, d’ici à cinq ans, plus de 60 % des agriculteurs auront plus de 65 ans. Il faut défiscaliser la transmission de la succession ; il faut donner la possibilité à des jeunes et à des personnes hors de l’agriculture de s’installer ; il faut mettre en place des prêts à taux zéro et rétablir le prêt à taux bonifié. Sans incitation, sans revenu pour les agriculteurs, notamment dans les zones d’élevage qui sont protégées sur le plan environnemental, vous ne parviendrez pas à rendre cette profession attractive.

M. Dominique Potier (SOC). Concernant les départs à la retraite d’agriculteurs, chacun annonce des chiffres – j’ai entendu, lors d’une réunion d’un groupe de travail sur le foncier à laquelle j’ai participé la semaine dernière, que sur les 10 millions d’hectares qui seront en mouvement dans les quinze prochaines années, 4 millions, soit 40 %, le seront dans les deux ans à venir – mais vous êtes le seul à détenir la vérité. Pourriez-vous nous indiquer combien d’agriculteurs auront le droit de partir à la retraite d’ici à 2030 et combien d’hectares cela représente ? Disposer de ces chiffres avant l’examen du texte en séance nous permettrait de mener un débat politique éclairé. L’objectif du remplacement a minima constitue pour le groupe Socialistes la condition sine qua non de la crédibilité de ce projet de loi.

M. Thierry Benoit (HOR). Depuis ma première élection comme député, il y a dix‑sept ans, j’entends parler de la chute inexorable du nombre d’exploitations agricoles et d’exploitants. Le ZAN (zéro artificialisation nette) empêchera pratiquement toute installation d’industries dans les territoires ruraux. Ce sont donc l’activité agricole, les actifs agricoles et l’agroalimentaire qui feront vivre ces derniers. Il serait nécessaire de trouver, d’ici à la séance, une formule permettant sinon de fixer un objectif, du moins d’aborder la question des actifs – les notions d’exploitations agricoles et d’exploitants agricoles ne sont en effet pas identiques.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Le projet de loi aurait dû définir le modèle agricole avant toute chose. Affirmer une intention politique est certes important, mais définir un modèle est une condition de réussite de la souveraineté telle que nous la concevons. Si nous n’avons pas un nombre suffisant d’exploitations à taille humaine, nous nous dirigerons vers des exploitations atteignant 2 000, 3 000 ou 5 000 hectares – mais peut-être est-ce votre but ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Pour rassurer le président Chassaigne, je présenterai un amendement à l’article 8 fixant un objectif minimal de quatre cent mille exploitations ; j’espère qu’il sera voté.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE810 de M. Vincent Descoeur et CE5 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

M. Francis Dubois (LR). L’amendement CE810 vise à tenir compte du revenu des agriculteurs et des actifs agricoles, tandis que l’amendement CE5 tend à préciser que les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur métier. La principale revendication des mouvements agricoles porte en effet sur le revenu. Tant qu’on n’assurera pas l’attractivité de l’agriculture, on n’installera personne ; tant qu’ils n’auront pas un revenu décent, les agriculteurs ne pourront pas vivre dignement de leur métier et personne ne souhaitera s’engager dans cette voie.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CE810, qui vise à préserver et à améliorer le revenu des agriculteurs dans le cadre de la politique de souveraineté alimentaire. Inscrire ce principe dans la loi serait un signe fort envoyé aux agriculteurs par la représentation nationale.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable à l’amendement CE810, qui s’inscrit dans l’orientation que nous voulons donner à la souveraineté.

Monsieur Potier, les indicateurs que vous demandez figurent dans le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture ; nous allons les ressortir et vous les communiquer.

Madame Pochon, nous allons retravailler sur l’objectif d’installation d’ici à l’examen du texte en séance.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous soutenons cet amendement. Ce texte, censé avoir pour objectif le renouvellement des générations agricoles, n’aborde jamais les questions du revenu agricole, de l’accès au foncier et des débouchés, c’est-à-dire les trois principales raisons pour lesquelles un jeune s’installe en agriculture. Le moins que l’on puisse faire est donc de l’inscrire dans la loi. Il est important qu’une politique publique fixe des objectifs à atteindre : un législateur devrait savoir cela !

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous soutenons également cet amendement, même s’il risque de n’être qu’incantatoire. Pour ma part, je pense qu’il faut à la fois déterminer un objectif et se donner la possibilité d’atteindre un nombre d’exploitants agricoles pouvant vivre dignement de leur activité. Je préfère d’ailleurs le terme d’exploitants à celui d’actifs, car nous voulons éviter une approche financiarisée de l’agriculture, qui compterait beaucoup de salariés et très peu de chefs d’exploitation.

S’il est utile de soutenir cet amendement, je rappelle que nous avons également fait adopter, dans le cadre de notre niche parlementaire, un texte sur les prix planchers – beaucoup d’entre vous étaient d’ailleurs absents au moment de son adoption.

M. Grégoire de Fournas (RN). Je suis tout à fait d’accord avec l’amendement mais son positionnement après l’alinéa 6, qui définit la souveraineté alimentaire, me pose un problème. Il me semblerait plus pertinent de l’ajouter après l’alinéa 8 relatif aux actions nécessaires à mettre en œuvre.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement est placé après l’alinéa 4, et non après l’alinéa 6.

M. Grégoire de Fournas (RN). C’est presque pire ! L’alinéa 4 dispose que « les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France en veillant à préserver et améliorer […] » divers points qui semblent constituer votre définition de la souveraineté alimentaire. Il me semble plus cohérent de placer la protection du revenu agricole dans les actions nécessaires à mener pour garantir la souveraineté alimentaire.

Successivement, la commission adopte l’amendement CE810 et rejette l’amendement CE5.

 

Amendement CE1402 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Il s’agit d’ajouter, à l’alinéa 4, la préservation des capacités de production agricole du pays. Cette notion, pourtant élémentaire, n’apparaît pas dans votre définition, qui ne traite que de l’approvisionnement. Il me paraît important de rappeler que la souveraineté alimentaire passe d’abord par la production nationale. On ne peut se contenter de s’en remettre à l’Union européenne ou aux pays tiers.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre amendement me semble déjà satisfait par l’alinéa 9, qui fait référence aux actions menées par la France pour préserver et développer la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis que votre rapporteure.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le ministre, on ne peut pas passer aussi rapidement sur un sujet aussi important.

Madame la rapporteure, vous confondez deux choses : il s’agit de maintenir non pas des outils de production pour les agriculteurs, mais la production agricole française. L’objectif est que la souveraineté alimentaire soit alimentée d’abord et en priorité par la production nationale : ce n’est pas ce que dit l’alinéa 9, lequel ne veut d’ailleurs absolument rien dire tant sa rédaction est alambiquée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE914 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit de préciser que les politiques publiques doivent veiller à mettre en avant la production nationale agricole, sans laquelle nous ne pourrons pas accéder à la souveraineté alimentaire et en aucun cas atteindre la résilience en matière agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Grégoire de Fournas (RN). Alors que tous les syndicats disent que la souveraineté alimentaire ne peut être définie sans référence à la production nationale, il est problématique que le ministre et la rapporteure ne soient pas en mesure d’expliquer pourquoi ils ont fait ce choix troublant et dangereux. Quand on inscrit la souveraineté alimentaire sur le fronton de son ministère, il est scandaleux de ne pas être capable d’en donner une définition claire, garantissant que c’est d’abord l’agriculture française qui contribue à la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard (LR). J’ai un problème de compréhension. Selon moi, la souveraineté alimentaire de la France signifie que notre pays est indépendant dans son approvisionnement, sans avoir besoin de recourir à une production extérieure. De votre côté, vous évoquez l’approvisionnement du pays – et non la production – « dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne ». Or ces deux notions ne coïncident pas. Ce n’est pas cohérent.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Il y a un amendement que nous n’avons pas adopté en contrepartie de l’engagement du ministre à s’en servir comme base pour réécrire intégralement l’article 1er. Cet amendement proposait une vision de l’agriculture tenant compte de la réalité des échanges et du marché, notamment du fait que nous sommes exportateurs et qu’il serait illusoire de concevoir la souveraineté à une échelle strictement hexagonale. Je regrette qu’il n’ait pas été adopté, car nous sommes en train de discuter de tout ce qu’il contenait. Puisque le ministre s’est engagé à réécrire l’article, ne passons pas autant de temps à discuter de tous ces éléments, si importants soient-ils !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je ne suis pas la responsable du texte pour le groupe Écologiste, mais je constate que nous sommes en train de passer des heures à discuter d’amendements portant sur des alinéas qui seront entièrement réécrits. Certains de ces amendements proposent à juste titre de remplacer le mot « approvisionnement » par celui de « production » et nous avons déjà défendu à plusieurs reprises la nécessité de définir dans le texte la notion de souveraineté alimentaire, mais la question est de savoir s’il est utile d’en discuter alors que tout sera refait lors de l’examen du texte en séance.

M. Julien Dive (LR). Ne passons pas outre au droit d’amendement et au droit de parole des parlementaires, ou alors remballons et laissons tout au décret. Il est important que chacun puisse intervenir, quelle que soit son obédience. Certains ont pris position sur l’amendement de notre collègue Alfandari. Je m’inscris quant à moi, dans la lignée des amendements défendus par nos collègues de Fournas, Dubois et Genevard.

Je profite de ma prise de parole pour défendre l’amendement CE47. J’ai été interpellé à la lecture de l’article 1er et je pense ne pas être le seul : d’autres parlementaires, ainsi que les agriculteurs, les syndicats et les interprofessions l’ont aussi sans doute été. Son alinéa 5 n’aborde en effet la question de la souveraineté que par la perspective de l’approvisionnement, qui se rapporte à la notion de mise à disposition. En tant que défenseur de l’agriculture française, le terme « production » me semble avoir plus de sens.

M. Marc Fesneau, ministre. Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur l’approche retenue par la commission, mais je partage un peu les propos de M. Dive. Si l’amendement avait été adopté, il aurait fait tomber d’un coup 380 amendements, et mis un terme au débat. On ne peut pas à la fois reprocher une chose et son contraire. Il est donc important, comme l’a dit M. Dive, de pouvoir pointer les éléments qui nous paraissent importants dans la perspective d’une réécriture globale de plusieurs alinéas.

Je suis par ailleurs assez d’accord avec l’idée que la souveraineté n’est pas qu’une question d’approvisionnement, mais également de production.

Enfin, sur l’articulation des échelles nationale, européenne et internationale, nous ne pouvons pas nous contenter d’un objectif d’approvisionnement du marché national : il faut tenir compte des risques liés notamment au changement climatique. Si tout le monde partageait la politique défendue par M. de Fournas, nous risquerions d’aboutir à une catastrophe alimentaire. L’interaction est donc nécessaire et elle doit être non pas subie, mais choisie. La France, grande puissance agricole, ne doit pas être privée de sa capacité à exporter.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE47 de M. Julien Dive, CE375 de Mme Annie Genevard et CE739 de Mme Isabelle Périgault, amendement CE4 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

Mme Annie Genevard (LR). L’amendement vise à substituer au mot « approvisionnement » le mot « production ».

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Bien que nous n’ayons déposé aucun amendement sur ce point, après avoir réfléchi au concept, je dirais que la souveraineté alimentaire désigne à mon sens la capacité pour un État à pouvoir assurer par lui-même un approvisionnement en produits agricoles destinés en priorité à l’alimentation de l’ensemble de sa population, métropolitaine et ultramarine, capacité qui ne doit pas pouvoir être remise en cause par d’éventuelles crises. Or, cet approvisionnement peut être constitué par la production nationale, mais aussi par le recours à des stocks et à des importations, dans le cadre d’échanges avec le reste du monde. La notion d’approvisionnement est plus large et correspond véritablement à ce qu’est la souveraineté alimentaire. De ce point de vue, souveraineté alimentaire n’est pas synonyme d’autarcie. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable à ces amendements qui proposent de remplacer l’approvisionnement par la production, car il faut conjuguer les deux notions.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le ministre, vos propos manquent de logique car, contrairement à ce que vous avez dit, la souveraineté alimentaire n’est pas incompatible avec la capacité d’exporter. Nous soutenons simplement que les besoins de consommation doivent d’abord être assurés par la production nationale, mais celle-ci peut être excédentaire.

Madame la rapporteure, de grâce : personne ici ne souhaite l’autarcie et personne ne nie la nécessité du commerce. Cette pratique existait bien avant vos traités de libre-échange et la mondialisation. Le secteur dans lequel je vis a vu ses ports se développer au Moyen Âge grâce au commerce du vin. Arrêtez donc avec ces simplifications, car elles nuisent à la construction intelligente de la rédaction d’un article qui, pour l’instant, ne veut rien dire.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1403 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). Il vise à rédiger l’alinéa 5 de façon à définir la souveraineté alimentaire comme la capacité à assurer l’approvisionnement « si nécessaire » dans le cadre des échanges au sein du marché unique ou avec des pays tiers. Une telle rédaction garantit qu’une hiérarchie soit respectée entre la production nationale et les importations.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’alinéa 5 ne signifie pas que nous devons privilégier les produits importés au détriment des produits nationaux : il signifie que nous devons nous approvisionner en tenant compte du cadre international dans lequel la France évolue et que si notre production nationale est insuffisante – c’est le cas pour les protéines végétales, les volailles et une bonne partie des fruits –, nous pouvons importer.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur de Fournas, les mots « si nécessaire » se rapportent à une temporalité, mais ce n’est pas en ces termes qu’il faut poser la question, car la France est certes déficitaire pour certaines productions, mais notre balance commerciale est globalement excédentaire. Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). Les mots « si nécessaire » signifient : si nous n’avons pas la capacité de produire.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre définition de la souveraineté alimentaire ?

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Madame la rapporteure, avec votre réponse, je ne comprends plus l’orientation de ce texte. L’alinéa 4 prévoit de « préserver et améliorer » notre capacité d’approvisionnement : s’agit-il d’être plus souverain ou de l’être moins et de rester dépendant dans certains domaines ? Vous justifiez le maintien de la rédaction de l’alinéa 5 par notre dépendance pour certaines productions, ce qui me semble manifester un manque d’ambition pour renforcer notre souveraineté alimentaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE1965 de M. Max Mathiasin

M. David Taupiac (LIOT). Il vise à poser le principe que la souveraineté alimentaire doit être assurée de façon prioritaire à partir de l’approvisionnement sur le territoire national, avant de recourir aux sources d’approvisionnement sur le marché de l’Union européenne ou au niveau international. Il s’agit ainsi d’instaurer une priorité pour nos agriculteurs.

Mme Nicole Le Peih (RE). Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Une loi prévoyant la priorité nationale serait immédiatement invalidée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). La politique est l’art de rendre les choses possibles. Il importe donc de mener un combat au sein de l’Union européenne pour préserver la priorité nationale dans l’alimentation qui, encore une fois, n’est pas incompatible avec les exportations. Si l’on retire les vins et les spiritueux, notre balance commerciale est largement déficitaire et elle l’est à cause de positions comme la vôtre.

Votre gouvernement a fait le choix d’ajouter la souveraineté alimentaire à l’intitulé de votre ministère, mais vous semblez avoir un mal fou à la définir. Je réitère donc ma demande : pouvez-vous nous donner votre définition de la souveraineté alimentaire ?

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous arrivons au nœud du problème. Selon les Nations Unies, la souveraineté alimentaire comporte une dimension nationale, que vous semblez vouloir nier. Nous considérons qu’il faut instaurer un rapport de force au niveau européen pour que la souveraineté alimentaire s’applique d’abord au niveau national par la relocalisation de l’agriculture. Deux visions du modèle agricole s’affrontent ici. Voulez-vous favoriser l’approvisionnement alimentaire grâce aux agriculteurs français, notamment locaux ?

M. David Taupiac (LIOT). Je souhaite souligner que la priorité que souhaite donner l’amendement au marché national met également en relief les enjeux agricoles de l’outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE74 de M. Sébastien Jumel et CE1572 de M. Antoine Villedieu, amendement CE1404 de M. Grégoire de Fournas, et amendements identiques CE612 de M. Vincent Descoeur et CE1405 de M. Grégoire de Fournas (discussion commune)

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je ne suis pas intervenu dans le débat précédent car l’amendement CE74 va dans le sens du consensus. Il vise en effet à supprimer la référence dans l’alinéa 5 au marché intérieur de l’Union européenne et aux engagements internationaux. Pourquoi avoir ajouté cette référence ? Vous me faites penser à ceux qui sautaient comme des cabris en disant : « L’Europe, l’Europe, l’Europe ! ». Nous savons ce qu’est l’Europe et sa logique libérale de concurrence. Il est superfétatoire de le préciser.

M. Antoine Villedieu (RN). Notre but est simple : clarifier et renforcer le concept de souveraineté alimentaire dans la loi. La souveraineté implique une indépendance et une autonomie sacrées, ce qui n’est pas compatible avec l’idée de se conformer strictement aux règles du marché intérieur européen, ou à des accords multilatéraux de libre-échange. Votre gouvernement veut imposer l’idée que c’est en partageant nos souverainetés alimentaires que nous pourrons mieux défendre nos intérêts communs, mais, comme le disait le juriste Cardin Le Bret, la souveraineté n’est pas plus divisible qu’un point géométrique.

Monsieur le ministre, quelle est votre définition de la souveraineté alimentaire : souhaitez-vous renationaliser et privilégier les agriculteurs français, ou comptez-vous persister dans votre folie des accords de libre-échange ? Vous étiez beaucoup moins discret au Parlement européen lorsque vous avez signé les accords de libre-échange avec le Chili.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le ministre, je trouve surprenant – je vous le dis de façon très cordiale – que vous ne vouliez pas répondre à une question simple, mais peut-être vous gêne-t-elle : quelle est votre vision de la souveraineté alimentaire ? En tant que ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en poste depuis plusieurs mois, il me semble pourtant que vous avez eu le temps d’y réfléchir.

M. Francis Dubois (LR). L’amendement propose de supprimer la référence aux engagements internationaux. En effet, s’il devient possible d’importer sans limite des produits aux normes différentes, on ne peut plus vraiment parler de souveraineté alimentaire. Il convient de défendre une définition plus ambitieuse de la souveraineté alimentaire à l’échelle de l’Europe.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer la référence aux engagements internationaux et à l’Union européenne. Or, la France est un État souverain qui a librement consenti de participer à l’Union européenne et de souscrire à des engagements internationaux. Notre action en faveur de la souveraineté alimentaire s’inscrit donc dans ce cadre. La référence à l’Union européenne et aux engagements internationaux est également importante, car elle est liée à la capacité exportatrice de notre agriculture, l’une des plus fortes au monde.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur de Fournas, vos propos sont tellement cordiaux que j’ai envie de satisfaire votre curiosité. La souveraineté est la capacité à pouvoir assurer des besoins essentiels, en l’occurrence des besoins alimentaires, et à choisir les interdépendances plutôt que les subir, comme celles concernant les engrais de synthèse, qu’il faut essayer de produire sur notre territoire.

Dans le contexte du dérèglement climatique et de crise géopolitique, les partenariats sont nécessaires. Les Espagnols et les Italiens assurent leur souveraineté alimentaire en maîtrisant leurs interdépendances. Je vous le dis de façon vraiment cordiale : c’est une erreur de penser que nous pourrons nous abstraire complètement de l’interdépendance. Nous devons nous préparer à être occasionnellement déficitaires sur certaines productions en raison du dérèglement climatique, comme cela a été le cas en 2016 lorsque 30 % de la production de céréales a été perdue. Pour y faire face, les interdépendances sont nécessaires et elles doivent être plutôt choisies au niveau européen. Le dérèglement climatique pénalisera ainsi une année les Italiens, avant de nous frapper l’année suivante.

Il faut donc réfléchir à nos interdépendances, y compris sur la question énergétique, qui est liée à la souveraineté alimentaire, car la production d’engrais, par exemple, demande de l’énergie. La dépendance aux engrais construite depuis une quarantaine d’années est toxique. Nous devons retrouver notre capacité à produire.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). C’est ce qu’il fallait écrire dans le texte !

M. Marc Fesneau, ministre. S’il faut retrouver notre capacité de production, elle ne doit pas être destinée au seul marché national, car cela nous mettrait dans une situation de risque.

M. Dominique Potier (SOC). Je n’ai pas voté pour les amendements sur la priorité nationale et je soutiens les propos du ministre. L’Union européenne – fruit d’un choix courageux et visionnaire – est notre assurance vie dans la mondialisation. La souveraineté n’est pas l’autonomie nationale, ni même européenne : elle est notre capacité à fixer des normes dans la mondialisation, à dire ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas, et à le contractualiser de façon souveraine avec nos partenaires. La démocratie et le pouvoir économique sont les composantes de la souveraineté.

Enrico Letta nous a rappelé, lorsque nous l’avions invité à l’Assemblée, que, en 1950, année de la déclaration Schuman, les Européens représentaient un cinquième de l’humanité et qu’ils n’en constitueront plus que 5 % en 2050. Face au dérèglement climatique et à l’insécurité alimentaire, source de guerres, il faut jouer la carte de l’Union européenne et d’une mondialisation façonnée par les valeurs de l’Europe. Privilégier le niveau national est une folie.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le ministre, nous sommes d’accord. Nous n’avons jamais dit que donner la priorité à la production nationale devait exclure les interdépendances. Certains produits, comme le café, ne peuvent être cultivés en France. Nous avons donc des dépendances et nous devons pouvoir exporter. Tout cela doit être sécurisé.

Vous avez parlé de production nationale et nous approuvons votre définition de la souveraineté alimentaire, mais vous avez émis un avis défavorable à tous les amendements proposant de faire figurer la production nationale dans le texte.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Notre balance commerciale agricole se dégrade depuis dix ans, principalement vis-à-vis des autres pays européens. Cette augmentation des importations est directement liée à la concurrence européenne sur des productions que nous sommes capables d’assurer. Je pense aux protéines végétales, aux légumes, aux pommes, à la volaille ou la viande bovine.

Dans ce contexte, la question est de savoir si nous voulons développer la production alimentaire de proximité. Nous le souhaitons, quant à nous, d’une part parce que cette proximité permet au consommateur de mieux connaître les conditions de production de son alimentation et, d’autre part, parce que tous les pays européens ne respectent pas les mêmes normes de salaires, d’environnement ou de santé.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE1328 de M. Lionel Tivoli, CE2884 de M. Julien Dive, CE1706 de M. André Chassaigne, CE915 de M. Francis Dubois, CE1175 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CE3413 de la commission du développement durable, CE48 de M. Julien Dive et CE811 de M. Vincent Descoeur, amendements identiques CE746 de Mme Annie Genevard et CE757 de Mme Isabelle Périgault, amendement CE1574 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je retire l’amendement CE1706.

M. Francis Dubois (LR). De très nombreux agriculteurs français subissent de plein fouet une concurrence déloyale des pays étrangers. Les normes françaises sont très strictes, mais, dans les rayons des supermarchés, les consommateurs peuvent acheter bien moins cher des aliments qui ne respectent pas les mêmes règles environnementales et sociétales. Afin de protéger notre agriculture, il est impératif de faire figurer dans la loi que notre agriculture ne doit pas subir de concurrence déloyale au niveau européen ou international. Le but n’est pas de pénaliser les importations des produits agricoles, mais de s’assurer que celles-ci sont soumises aux mêmes normes que les nôtres.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je précise que j’avais donné un avis défavorable à l’amendement CE3413.

Mme Annie Genevard (LR). Mme Trouvé a vanté les mérites de la production nationale, notamment de pommes, et a regretté que nous soyons assujettis à des dispositions internationales. Or, la filière pommes-poires souffre avant tout des surtranspositions que vous avez soutenues, Madame. Elles ont affaibli dramatiquement la filière, et aujourd’hui nous consommons des pommes traitées avec des produits interdits en France.

M. Antoine Villedieu (RN). Nous devons être en mesure de développer notre propre appareil de production sur le territoire national pour réduire la dépendance vis-à-vis des pays tiers. L’amendement vise à corréler la capacité à assurer l’approvisionnement alimentaire au développement de la production nationale. L’État doit agir pour développer la production nationale afin d’assurer une continuité dans les approvisionnements, y compris en cas de crise majeure.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La souveraineté alimentaire ne peut se construire et se renforcer qu’en tenant compte de notre environnement. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai évoqués.

L’article 1er est un article qui pose les principes que nous souhaitons donner à notre agriculture. Les articles suivants assurent leur traduction par des dispositions sur la formation, l’installation, la simplification visant à renforcer notre souveraineté par le développement de la production sur le sol national.

Pour une fois, je suis d’accord avec Mme Trouvé : une grande part de la concurrence s’exerce à l’intérieur même de l’espace européen – il ne sert donc à rien de s’énerver contre les accords internationaux. Toutefois, je ne vais pas jusqu’au bout de sa logique car, Mme Genevard a raison, nous avons souvent rajouté des normes en surtransposant. De même, des interdictions, qui créent une situation d’incapacité à produire, ont été décidées sans que les recherches nécessaires pour trouver des produits de substitution n’aient été faites. On reproche aux autres des choses dont nous sommes parfois à l’origine. Or, on ne peut pas se contenter de fermer les frontières pour régler le problème, car nous vivons dans un monde ouvert.

Nous avons fait le choix de l’Europe, et les traités de l’Union européenne nous engagent. Plutôt que de partir seul et de se plaindre de nos voisins, nous devons pousser l’ensemble des pays européens vers le haut par des normes convergentes. Nos voisins se préoccupent autant de leur santé que nous, et je n’ai aucune leçon à leur donner.

Nous devons donc d’abord nous poser des questions au niveau national et c’est pourquoi nous procédons à des simplifications. Il faut chercher des alternatives pour éviter toute situation d’impasse.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Je comprends que nous sommes liés à l’Europe et à des pays tiers par des engagements, mais les territoires ultramarins ne se trouvent pas géographiquement en Europe. L’amendement CE915 parle directement aux petits agriculteurs antillais ou réunionnais, car ils sont entourés de pays qui ont le droit d’utiliser des produits phytosanitaires interdits en France ou en Europe. Ils souffrent donc d’une concurrence déloyale.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). La concurrence est le fait avant tout des pays européens, mais il existe également une concurrence de plus en plus féroce de la part de pays extra-européens. Nous devons donc nous en protéger et nous prônons la fin des négociations des accords de libre-échange.

Selon vous, nous aurions demandé trop de normes environnementales et sociales, mais je vous rappelle que certains pays en Europe n’ont pas de Smic et qu’on y trouve des exploitations capitalistes de plusieurs dizaines de milliers d’hectares ou des abattoirs géants. On peut aller très loin dans le moins-disant social, environnemental et sanitaire. Ce petit jeu de la concurrence et du dumping social peut tuer l’agriculture familiale. La solution pour la sauvegarder est de la protéger par des clauses de sauvegarde sanitaires et environnementales, et de fermer nos frontières à tous les produits qui ne respectent pas nos normes.

M. Grégoire de Fournas (RN). Mme Genevard a accusé la gauche d’être responsable des surtranspositions. À ceux de nos collègues de la majorité qui ont acquiescé à ces propos, je rappelle que vous êtes au pouvoir depuis sept ans et que vous avez donc eu tout le loisir de revenir sur ces transpositions qui, aujourd’hui, nous plombent.

Monsieur le ministre, quand vous nous dites que tous les pays d’Europe devraient adopter les mêmes standards, vous nous dites en réalité que vous attendez que l’Union européenne interdise l’acétamipride pour pouvoir régler le problème. Bon courage ! Vous voulez que les normes soient tirées vers le haut mais, dans une sorte de « en même temps », vous vous refusez à donner des leçons sur la préservation de la santé à nos voisins. Vous restez au milieu du gué et attendez que les autres pays de l’Union européenne adoptent les standards français. Pourquoi devraient-ils suivre les surtranspositions imposées par la gauche ? En attendant, vous laissez les filières exposées à une concurrence déloyale, sans compter les questions sociales, qui ont très justement été évoquées. Où allons-nous ?

M. Dominique Potier (SOC). Sur ces sujets, il y a beaucoup de fantasmes et de préjugés, et il y a une vérité scientifique que certains essayent de cerner, comme nous l’avons fait dans le cadre de la commission d’enquête dont j’ai été le rapporteur. Nous nous sommes penchés sur la question de la maîtrise des pesticides dans le cadre des plans Écophyto, ainsi que sur celle des régimes d’autorisation et donc sur les surtranspositions. La vérité est qu’il existe très peu d’écart au sein de l’Union européenne pour la filière des fruits et légumes en ce qui concerne les normes environnementales. Il en existe en revanche d’importants pour les questions sociales, avec l’Espagne pour les fruits et légumes, avec des pays d’Europe orientale pour les filières animales.

Les normes environnementales devraient faire l’objet d’un processus permanent d’ajustement des autorisations entre les différents pays. Il existe également des solutions internationales. Les propositions de la commission d’enquête sont à la disposition du Gouvernement.

L’amendement CE1706 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.


3.   Réunion du jeudi 2 mai 2024 à 9 heures 30 : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 2 mai 2024 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

M. le président Stéphane Travert. Nous reprenons nos travaux sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, dont il nous reste 2 068 amendements à examiner. Comme il nous l’avait annoncé, le ministre ne nous rejoindra qu’à l’issue de la réunion avec les organisations syndicales et les représentants des filières agricole, organisée ce matin par le Président de la République.

 

TITRE IER
DÉFINIR NOS POLITIQUES EN FAVEUR DU RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS AU REGARD DE L’OBJECTIF DE SOUVERAINETÉ DE LA FRANCE

 

Article 1er (suite) : Consécration de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture comme étant d’« intérêt général majeur » en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France

Amendement CE3414 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement vise à faire reconnaître qu’il existe un lien direct entre l’agriculture et l’alimentation en introduisant la notion de droit universel à l’alimentation dans l’article 1er.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et pour le titre II (articles 2 à 4). La formulation de votre amendement est large, généreuse, et même planétaire puisqu’elle s’adresse au monde entier. Or, nous parlons ici de souveraineté alimentaire, ce qui, par définition, se conçoit au niveau d’un État. À défaut d’un retrait, j’émettrai donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1989 de M. Loïc Prud’homme et CE1787 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il me semble qu’un projet de loi d’orientation agricole doit fixer des objectifs politiques. L’un des plus importants pour nous, en tant que législateurs, est d’accompagner les agriculteurs dans un contexte de changement climatique et de réduction de la biodiversité. Or, la solution préconisée par Emmanuel Macron depuis la présentation du plan France 2030, transcrite dans ce projet de loi, est le fameux triptyque robotique-génétique-numérique, caractéristique de l’agriculture de précision. Cette solution part du principe qu’il n’y aura pas d’agriculteurs supplémentaires et qu’il faudra donc s’appuyer sur la technologie et le recours à des robots, qui mettront une goutte d’eau par-ci et une goutte de pesticides par-là sur les cultures.

La technologie est donc censée pallier le manque de main-d’œuvre, tout en assurant la sobriété en eau et en pesticides. Or, les scientifiques estiment de manière consensuelle qu’il s’agit d’une lubie : ces techniques sont un puits de consommation énergétique et le système ne sera pas du tout durable. Nous devons donc fixer un réel objectif d’accompagnement à l’agroécologie. C’est ce que nous proposons dans l’amendement CE1989.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le nôtre vise à introduire le concept de choix dans la politique alimentaire, inhérent à la notion de souveraineté alimentaire. L’alimentation doit être saine, sûre, diversifiée et nutritive, mais également choisie. Elle doit donc être accessible : les citoyens doivent pouvoir choisir leur manière de se nourrir, et non se résigner à subir, comme c’est bien trop souvent le cas. En effet, 16 % des Français disent ne pas avoir assez à manger, et 45 % disent ne pas pouvoir choisir leur alimentation. Ce sont souvent des gens en situation de précarité financière, très isolés, ayant des soucis de santé ou de logement. En matière d’alimentation comme en matière de production agricole, nous devons assurer notre souveraineté, en choisissant plutôt qu’en subissant.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. En pratique, la population a déjà le choix dans son alimentation : elle peut recourir au bio ou aux circuits courts – je suis bien placée pour le savoir. Cela étant, il reste la contrainte du pouvoir d’achat que ce projet de loi n’a pas pour objet de traiter. Avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Je maintiens que certaines personnes n’ont pas le choix de leur alimentation. C’est bien souvent en raison de leur précarité financière, mais cela peut aussi tenir à leur isolement – les choix sont limités dans les endroits très reculés – ou à des soucis de santé ou de logement – beaucoup de gens n’ont pas de quoi stocker les aliments et les cuisiner. Il est donc important d’introduire ce concept de choix dans la politique alimentaire.

M. Pascal Lavergne (RE). Je voudrais réagir à l’argumentaire du premier amendement sur les apports du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle dans l’agriculture. Toutes ces techniques permettront d’alléger le travail des salariés agricoles, eux-mêmes étant d’ailleurs assez difficiles à recruter. Il y a environ un mois, je suis allé avec quelques collègues visiter une exploitation du sud de la Gironde qui cultive 750 hectares de carottes et emploie 240 salariés de 40 nationalités différentes. Il n’est pas simple de gérer ces équipes, qui font des travaux vraiment pénibles : je serais heureux qu’on puisse un jour les faire réaliser par des machines plutôt que par des hommes.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2987 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit d’assurer la cohérence des politiques publiques en matière agricole. En décembre 2020, Julien Denormandie, alors ministre de l’agriculture et de l’alimentation, affirmait : « Ma priorité est claire : nous devons impérativement regagner en souveraineté agroalimentaire, et cela ne peut se faire sans le développement d’une production française de protéines végétales. » Notre amendement répond à cet impératif, en intégrant dans ce projet de loi la nécessité de développer à la fois la consommation de protéines végétales et les filières alimentaires concernées, dans la ligne de la stratégie nationale sur les protéines végétales.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. D’abord, il faut soutenir nos filières d’élevage, tout en les incitant à prendre des mesures favorables tant au bien-être animal qu’à l’environnement. Par ailleurs, le soja est particulièrement riche en protéines : une tonne de soja en fournit 460 kg. S’il est encore très largement importé, sa production – ainsi que celle d’autres légumineuses telles que la féverolle – se développe sur notre territoire, notamment dans la région de M. Lavergne. Mais il n’appartient pas à la loi de guider les modalités de consommation des Français. Avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). Je suis plutôt en phase avec l’idée de tendre à la souveraineté en matière d’alimentation végétale de nos élevages, sachant que le plan Protéines végétales n’est pas allé au bout de la démarche et ne nous a pas permis de nous affranchir davantage de l’importation de soja. En revanche, la rédaction de l’amendement me laisse penser qu’il s’agit surtout de favoriser la consommation humaine de protéines végétales, en laissant l’élevage de côté. Nous ne voulons pas d’un tel arbitrage entre la consommation de protéines végétales destinées aux humains et la consommation de celles qui sont destinées aux animaux.

M. Dominique Potier (SOC). Madame la rapporteure, il me semble que vous avez fait une confusion : l’exposé des motifs de l’amendement de Mme Pochon cible essentiellement les protéines végétales destinées à l’alimentation humaine, alors que votre réponse était centrée sur l’autonomie en protéines pour l’alimentation animale en France et en Europe – à cet égard, je suis d’accord avec Julien Dive sur les manques du plan Protéines végétales.

Vous dites aussi quelque chose qui me chagrine vraiment : il ne reviendrait pas à l’État de décider de l’alimentation des Français. Alors que font le ministère de la santé et celui de l’agriculture ? Ils ont élaboré des cadres tels que le programme national pour l’alimentation, le programme national nutrition santé, le plan national santé environnement. Notre collègue Guillaume Garot préside le Conseil national de l’alimentation. Si l’État ne décide pas, qui le fait ? Je vais vous donner un chiffre issu de la commission d’enquête sur les produits phytosanitaires, dont j’ai été le rapporteur : quand l’État dépense 1 euro pour informer et éduquer sur l’alimentation, les grands distributeurs et les industriels de l’agroalimentaire en dépensent 300. Quel est votre choix ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1430 de M. Jorys Bovet

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable : cet amendement est satisfait par le 9° de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2986 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit de compléter l’alinéa 5 par la mention « et respectueuse des normes environnementales et sociales », pour répondre aux objectifs de souveraineté alimentaire. Comme tous les rapports scientifiques le montrent, c’est seulement en protégeant ces conditions d’existence que nous pourrons assurer l’avenir de l’agriculture. De même, c’est en garantissant le respect du droit du travail et de protections sociales ambitieuses que nous assurerons le renouvellement des générations et l’attrait pour les métiers agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Une telle mention relève du vœu pieux car, soyons réalistes, on ne peut pas tout vérifier. Les contrôles permettent de veiller au respect de certaines normes, mais on ne peut pas vérifier les conditions de culture et de récolte, ou le salaire versé aux agriculteurs dans les pays à partir desquels nous importons des denrées alimentaires. Demande de retrait.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Si le respect des normes environnementales et sociales est un vœu pieux, le pays va avoir un peu de mal à fonctionner !

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement est intéressant, mais il aurait davantage sa place dans les dispositions sur les contrôles dévolus à l’Union Européenne.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Le propre de la loi étant de se faire respecter, l’ajout d’une telle mention dans le texte serait une parfaite illustration de loi bavarde. Il est obligatoire de respecter les normes en vigueur – en l’occurrence, le problème serait plutôt l’excès de normes. L’amendement est clairement inutile.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2985 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement précise la durabilité comme renvoyant à l’agroécologie et à l’agriculture biologique, conformément à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Cette précision ne me semble pas utile. Il faut laisser ouvert le champ des modes de production. Les agriculteurs sont déjà incités à aller vers davantage de bio en dépit des difficultés rencontrées par la filière. Au passage, je signale qu’il y a eu une intoxication par du blé noir bio dernièrement, et un rappel de farine bio contaminée en 2020. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). Je voudrais souligner les contradictions de nos collègues qui veulent tantôt laisser le choix aux gens, tantôt leur dicter leur conduite. Nous n’avons pas à imposer par la loi un type de production aux agriculteurs.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Il est tout de même frappant que le projet de loi ne mentionne à aucun moment l’agriculture biologique, alors qu’une loi d’orientation agricole devrait indiquer vers quel modèle on veut aller. Cet amendement est donc important. Quant à la réponse de la rapporteure, elle est consternante : on ne peut pas traiter ainsi 16 % de l’emploi agricole ! Quand on se bagarre pour avoir de nouveaux paysans, on prend en considération le fait que nombre de ceux qui s’installent, en tout cas dans mon territoire des Deux-Sèvres, font le choix de l’agriculture biologique. Les nouveaux actifs, notamment quand ils ne sont pas issus du monde agricole, produisent en bio. Les réponses ne peuvent pas être aussi caricaturales. Cet amendement doit être adopté.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Madame Batho, l’alinéa 5, qui fait référence à « une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l’année et issue d’aliments produits de manière durable », concerne aussi le bio. Que l’alimentation soit bio ou non, elle doit être saine, sûre et durable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2969 de M. Laurent Croizier

M. Laurent Croizier (Dem). Je propose d’inscrire dans la loi : « La France veille à ce qu’une réciprocité des normes soit imposée aux produits importés, dans le cadre des accords commerciaux négociés au niveau européen. » De toute évidence, les contraintes imposées à nos agriculteurs doivent aussi l’être aux produits alimentaires importés, et tout nouvel accord de libre-échange doit être conditionné au respect de nos normes de production. Le Président de la République a raison : la France ne doit pas devenir un pays de consommateurs contraints à consommer des produits qui ne respectent pas nos normes. Adopter cet amendement, c’est protéger nos agriculteurs d’une concurrence déloyale, protéger les consommateurs en garantissant la qualité sanitaire des produits, protéger l’environnement et défendre la souveraineté alimentaire de la France, au cœur de ce projet de loi.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis sensible à cette proposition, qui rejoint les préoccupations de nos agriculteurs et agricultrices. En la matière, le Gouvernement a déjà pris des initiatives telles que la mise en place de certaines conditionnalités tarifaires, notamment dans le cadre de l’accord entre le Mercosur (Marché commun du Sud) et l’Union européenne. Je crains néanmoins que le caractère général et unanimement obligatoire de la mesure que vous proposez ne la rende difficile à appliquer. Retrait ou avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). L’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim 1) visait le même objectif. Il s’est révélé totalement inefficace. À l’issue d’une réflexion approfondie sur le sujet, le groupe socialiste fait une vraie proposition, fondée sur une inversion des charges de la preuve : ceux qui exportent en Europe seraient tenus de produire une certification par un organisme tiers, garanti par l’Union européenne, attestant que leurs conditions de production respectent nos normes. C’est beaucoup mieux qu’un contrôle aux frontières. Notre proposition de résolution, signée par sept groupes politiques, pourrait inspirer la réflexion sur les mesures miroirs lancée par le Premier ministre. Si j’approuve l’objectif de notre collègue centriste, j’ai peu d’illusions concernant l’efficacité juridique de la mesure proposée.

M. Laurent Croizier (Dem). Madame la rapporteure, j’entends vos remarques concernant la rédaction de mon amendement. Je veux bien le retirer à condition que vous vous engagiez à ce que l’on travaille à une nouvelle version pour la séance publique. Il me paraît très important que la notion de réciprocité soit inscrite dans la loi d’orientation agricole.

M. le président Stéphane Travert. Nous pourrions aussi en débattre dans le cadre de la proposition de résolution évoquée par Dominique Potier et des travaux des groupes sur la loi Egalim.

L’amendement est retiré.

Amendement CE2563 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). C’est un amendement d’appel concernant la filière horticole. Nous sommes totalement en perte de souveraineté dans ce domaine, alors que cette filière participe aux rotations culturales et au captage du carbone. Comme nous avons décidé mardi de ne pas faire un inventaire à la Prévert de toutes les filières, je vais retirer cet amendement, mais nous devons rester vigilants quant à l’évolution de ce secteur.

M. le président Stéphane Travert. J’ai rencontré des représentants de cette filière hier matin. Ils sont conscients qu’un travail reste nécessaire pour pouvoir intégrer cette question dans le dispositif d’ici l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE1329 de M. Lionel Tivoli et CE3415 de la commission du développement durable ; amendements identiques CE107 de Mme Christelle Petex, CE503 de M. Dominique Potier, CE1984 de M. Loïc Prud’homme, CE2195 de M. David Taupiac et CE2988 de Mme Marie Pochon ; amendements CE2566 de M. Julien Dive, CE1734 de M. Bertrand Petit et CE2164 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À l’alinéa 6, nous proposons d’insérer « à anticiper et à s’adapter aux conséquences du changement climatique, en valorisant les solutions fondées sur la nature, compte tenu de la trajectoire du réchauffement de référence, à en atténuer les effets ». Cet amendement a été approuvé en commission du développement durable par tous les groupes à l’exception du Rassemblement national.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il faut aider les agriculteurs à s’adapter et à anticiper le changement climatique. Il y a quelques instants, vous avez avoué que vous alliez favoriser un modèle qui recourt à la robotique pour cultiver des carottes. Mais, même si ce n’est pas facile, les jeunes qui opèrent un retour à la terre cherchent à s’installer en agriculture biologique. Ils apprécient ce métier et demandent seulement à pouvoir en vivre. Nous n’avons pas une crise des vocations dans le milieu agricole, un manque de jeunes désireux de s’installer : la crise vient avant tout du fait que les agriculteurs ne réussissent pas à vivre décemment de leur travail. Quand vous envisagez de remplacer les agriculteurs par des robots, vous avouez que vous ne voulez pas améliorer les rémunérations. Si elles étaient plus élevées, les installations seraient plus nombreuses, ce qui permettrait d’aller vers un modèle résilient d’agroécologie.

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit d’affirmer dans cet alinéa que les politiques agricoles doivent contribuer à l’adaptation au changement de climatique et à son atténuation. Je suis député du Gers, où nous sommes en première ligne pour constater les dégâts considérables du changement climatique – 3 milliards d’euros de surcoûts en 2022, et la trajectoire ne va pas s’améliorer.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Ces amendements identiques sont très proches de celui défendu par Mme Le Feur au nom de la commission du développement durable.

M. Julien Dive (LR). Comme mon précédent amendement, celui-ci porte sur la filière horticole. Je le retire pour les mêmes raisons.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CE2164 insiste sur la nécessité de reconnaître les solutions fondées sur la nature.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ces amendements visent à préciser que la souveraineté alimentaire suppose une capacité à résister aux crises, notamment au changement climatique, qui représente le grand défi de l’agriculture. Ce secteur, marqué par une forte saisonnalité, est affecté par le réchauffement ou le caractère soudain et violent de certains épisodes pluvieux – comme la grêle qui s’est abattue hier soir encore sur les vignes de Chablis. La pêche n’est pas épargnée, avec des difficultés pour sortir en mer et l’influence du climat sur les ressources halieutiques. Députée du Morbihan, je suis tout à fait en phase avec votre préoccupation, mon département ayant une façade maritime et une flottille de pêche importantes – Lorient est le premier port de pêche en valeur. Aussi, je donne un avis favorable aux amendements CE107 et identiques, et je demande le retrait des autres.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). C’est bien, mais l’amendement CE3415 avait le mérite d’introduire aussi la notion de « solutions fondées sur la nature ».

J’en profite pour apporter une précision : en l’état, l’alinéa 6 fait seulement référence aux « crises de toute nature ». Or, le changement climatique n’est pas une crise, dès lors que les transformations à l’œuvre sont pour une part irréversibles et durables, pas seulement un mauvais moment à passer. Il faut donc une référence explicite au changement climatique ainsi qu’à la science et à la trajectoire scientifique de référence.

L’amendement CE2566 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE1329.

Elle adopte l’amendement CE3415. En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Amendements identiques CE2162 de M. Johnny Hajjar et CE2165 de M. Philippe Naillet

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement met en lumière les spécificités du contexte agricole ultramarin, qui n’est pas évoqué dans ce texte. Il est caractérisé par des défis géographiques structurels tels que l’éloignement géographique et l’insularité, qui entraînent des coûts élevés d’approvisionnement et des difficultés logistiques particulières. Il nous semble important d’y faire référence dans cette loi d’orientation.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons donc d’insérer l’alinéa suivant : « sa capacité à répondre aux contraintes climatiques et géographiques spécifiques aux territoires d’Outre-mer, caractérisés par l’éloignement et l’insularité ». Les deux derniers rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) indiquent que nos îles seront les plus touchées par le réchauffement climatique. En outre, leur production agricole, contrairement à celle de l’Hexagone, ne profite pas d’économies d’échelle. Nous demandons la prise en compte de ces spécificités. Il y a un double enjeu : celui de la souveraineté alimentaire – il faut produire plus sur le territoire pour limiter l’impact carbone des importations – et celui de la juste rémunération des agriculteurs.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’exprime toute ma solidarité avec les insulaires des outre-mer. J’ajoute qu’il est souhaitable que les politiques publiques favorisent l’activité agricole dans les îles du Ponant, qui ne sont pas uniquement vouées à l’activité touristique.

M. Charles de Courson (LIOT). Mme la rapporteure serait-elle d’accord pour sous-amender en ajoutant les DOM, qui sont dans une situation assez proche de celle des TOM ?

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il convient désormais de parler des COM, les collectivités d’outre-mer, qui ont remplacé les TOM dans notre Constitution.

M. le président Stéphane Travert. L’amendement s’applique en effet à l’ensemble des collectivités ultramarines, qu’il s’agisse des DOM ou des COM.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE2835 de M. André Chassaigne, amendements identiques CE1517 de M. Dominique Potier, CE1547 de M. Francis Dubois et CE2638 de M. Thierry Benoit, et amendement CE2397 de M. André Chassaigne (discussion commune)

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’amendement déposé par André Chassaigne au nom de notre groupe vise à appeler l’attention sur les tensions, pour ne pas dire le déclin que connaît le secteur de l’élevage. La part des importations de viande est en forte croissance, phénomène qui risque d’être accentué par les accords de libre-échange que vous souhaitez conclure. Il est nécessaire de construire un plan stratégique national pour l’élevage, indépendamment de la politique agricole commune (PAC).

L’amendement propose d’insérer un alinéa mentionnant notre capacité à assurer le maintien d’un élevage durable en France afin d’enrayer son déclin, d’assurer l’approvisionnement alimentaire en viandes des Français et de maintenir l’ensemble de ses fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales.

J’ajoute que, dans un territoire comme le mien, la question des abattoirs de proximité est consubstantielle à celle de la valeur ajoutée de la viande. Le sujet est absent du projet de loi.

M. Francis Dubois (LR). Il est effectivement essentiel de mentionner la souveraineté de l’élevage en France. Lors de la réunion du 30 avril, j’ai rappelé qu’en trois ans, la décapitalisation représentait 14 % du cheptel en Corrèze, 18 % en Haute-Vienne et 20 % en Creuse. L’élevage herbager est une agriculture d’excellence, durable, labellisée à 98 %, qu’il est crucial de protéger, car la filière, abattoirs compris, représente un grand nombre d’emplois.

Le pastoralisme a été ajouté à la liste des activités d’intérêt général majeur à l’alinéa 3, mais pas les zones d’élevage. Or, sans élevage, il n’y a pas de pastoralisme.

M. Thierry Benoit (HOR). Cette série d’amendements nous a été soumise par les organisations professionnelles agricoles du secteur de l’élevage. Celui que je présente vient de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne. Les éleveurs sont soucieux. Il faut à tout prix que l’article 1er mette un fort accent sur l’élevage, soit dans le cadre de la réécriture dont nous avons validé le principe avec le ministre, soit par l’adoption de nos amendements.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). En Normandie, les difficultés de l’élevage ne sont pas une vision de l’esprit. Ça dévisse fort : les ateliers laitiers ferment les uns après les autres, faute de prix rémunérateurs, et l’élevage souffre d’une concurrence internationale qui est loin d’être libre et non faussée, ce que s’attachent à montrer les agriculteurs avec les opérations symboliques menées contre la viande élevée à coups de seringue qui finit dans les supermarchés sans respecter aucune règle sociale, ni environnementale.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ces amendements visent à assurer le maintien d’un élevage durable et à freiner son déclin par décapitalisation. En 2020, 145 000 exploitations étaient consacrées à l’élevage, soit 37 % des exploitations françaises. Néanmoins, nous sommes fortement dépendants de l’étranger pour certaines viandes, comme le poulet et la viande ovine, et il importe de maintenir une filière diversifiée. La Bretagne est actuellement la première région d’élevage pour la viande ; je suis préoccupée de voir les fonds de vallées se refermer. Je suis pour le développement des pâturages, notamment celui des bovins, qui permet un stockage de carbone. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CE2835. En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Amendement CE166 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Il va dans le même sens que les précédents, à la différence qu’il mentionne clairement les termes « décapitalisation » et « surface agricole utile ».

La décapitalisation de l’élevage national est une réalité : ces six dernières années, 10 % des bovins ont disparu, soit 500 000 vaches laitières. L’Institut de l’élevage anticipe une nouvelle perte de 10 % d’ici à 2030. Pour l’enrayer, nous devons assumer notre opposition à certaines préconisations des hauts fonctionnaires de la Cour des comptes, qui affichent leur volonté de décapitaliser.

De même, la surface agricole utile française a baissé de 1 % en dix ans, ce qui semble peu mais représente, en volume, 2,5 millions d’hectares. Il faut la préserver.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait. Il conviendrait de réécrire l’amendement pour le présenter en séance publique.

M. Dominique Potier (SOC). Nous nous félicitons de l’adoption de l’amendement sur la souveraineté de l’élevage et soutenons celui-ci, qui va dans le même sens. Toutefois, il ne faut pas se payer de mots : tant qu’un paysan aura le choix entre s’agrandir et abandonner l’élevage ou installer et conserver de l’élevage, il ne fera pas le choix de l’élevage. La loi baratine, mais elle manque la cible principale, qui est la régulation du foncier. Sans partage du foncier, il n’y aura plus d’élevage en France.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Madame la rapporteure, vous ne pouvez pas vous contenter de demander le retrait de l’amendement. Qu’est-ce qui ne convient pas dans sa rédaction ? L’argumentaire de l’amendement est très clair. Il représenterait un véritable apport dès la commission.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je souhaiterais que vous le retiriez afin qu’on puisse en reprendre l’idée et l’intégrer, sous une autre forme, dans l’amendement qui a été précédemment adopté sur l’élevage, les deux sujets étant liés.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE1610 de Mme Manon Meunier

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Un amendement adopté lundi en commission du développement durable proposait de fixer un objectif de 25 % des surfaces en agriculture biologique en 2030. Pour être cohérents et ambitieux, celui-ci vise à inscrire un objectif de 100 % en 2 050. Les agriculteurs y sont prêts, pourvu qu’on leur en donne les moyens, que ce soit par des prix rémunérateurs ou par un soutien public au bio.

De nombreux travaux de recherche confirment qu’il est possible de parvenir à une agriculture sans pesticides chimiques en Europe en 2 050. Les études prospectives de l’Inrae, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) détaillent la manière dont l’Europe peut atteindre l’autonomie alimentaire avec un système agroalimentaire biologique et durable qui, de surcroît, proposera des emplois en plus grand nombre et favorisera le renouvellement des générations.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Des efforts ont été faits pour l’agriculture biologique dans la stratégie nationale pour la biodiversité 2030 (SNB), laquelle fixe un objectif de 21 % de la surface agricole utile à l’horizon 2030, ce qui est déjà élevé. L’objectif de 100 % ne me paraît pas réaliste. Aucun pays n’est en mesure de passer toute sa production en agriculture biologique en continuant à nourrir sa population. Seul le Sri Lanka l’a fait : regardez son déclin !

M. Charles de Courson (LIOT). Connaissez-vous la proportion d’orge produite en bio ? Elle est pratiquement nulle. Il y a un petit créneau pour le blé biologique. Quant à la proportion de sucre bio, elle est infinitésimale. Cet objectif n’est pas raisonnable. Si les consommateurs ne veulent pas acheter, l’agriculture biologique n’est pas viable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Des dizaines de chercheurs, par exemple de l’enseignement supérieur, de l’Inrae ou du CNRS, ont montré dans des études prospectives qu’il est possible d’assurer un approvisionnement alimentaire suffisant avec le bio pour tous. D’une part, les rendements de l’agriculture biologique ne sont pas si bas – souvent deux tiers des rendements conventionnels. D’autre part, la consommation d’énergie et d’engrais y est bien plus faible, ce qui participe à la préservation de notre souveraineté alimentaire. Comme l’a rappelé le ministre avant-hier, les engrais et les herbicides sont l’un de nos premiers postes d’importation.

Je rappelle que nous connaissons actuellement un problème de déconversion, c’est-à-dire de baisse de la surface agricole utile cultivée en bio. Nous ferions bien d’inscrire l’objectif de 100 % dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3416 de la commission du développement durable et CE1611 de M. Loïc Prud’homme

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement de la commission du développement durable fixe un objectif de 25 % de la surface agricole utile cultivée en bio en 2030. J’y étais défavorable.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). L’agriculture biologique est en crise. Quand on sait que 50 % des candidats à l’installation souhaitent opter pour l’agriculture biologique et que la recherche présente des scénarios dans lesquels il est possible de produire une alimentation 100 % biologique, ne pas adopter cet amendement à 25 % reviendrait à fouler aux pieds le travail des chercheurs comme la volonté des porteurs de projets. Ce serait dramatique pour tous les agriculteurs biologiques qui, depuis plus de trente ans, produisent de l’alimentation, embauchent des gens, nourrissent la population localement et prouvent que ce modèle est possible. Ce serait vraiment la honte.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je connais bien le problème, notamment en Bretagne, où l’on incite les agriculteurs à s’installer en agriculture biologique, et j’entends votre passion pour le bio. Quand on demande 100 %, c’est même plus qu’une passion. Mais l’objectif visé est de 21 % des surfaces à l’horizon 2030 et je pense qu’il est réaliste, contrairement aux autres chiffres que vous avancez. Demande de retrait.

Mme Stella Dupont (RE). Nous connaissons tous les difficultés que connaît le secteur du bio, liées au manque de débouchés. Notre premier impératif est de soutenir la consommation. Certes, il faut aussi continuer de fixer des objectifs ambitieux pour son développement, mais 2030, c’est demain ! Un objectif de 100 %, ou même de 25 %, semble déraisonnable. Il faut plutôt travailler au maintien des surfaces actuelles en agriculture biologique, notamment dans le cadre des transmissions, pour garantir la pérennité de l’investissement réalisé par les agriculteurs et par les pouvoirs publics. J’ai déposé un amendement en ce sens.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je soutiens ces amendements. Il y a 2 400 fermes biologiques en Normandie, sur environ 137 000 hectares. Les agriculteurs que j’ai réunis à Quièvrecourt m’ont confirmé un mouvement de déconversion. Certains renoncent, parce que le soutien à la filière n’est pas suffisant, parce que les prix ne sont pas au rendez-vous, et parce qu’il n’existe pas de stratégie au service de ces objectifs. Fixer un objectif plus ambitieux que celui rappelé par Mme la rapporteure serait un signal de soutien fort à ceux qui ont fait un choix d’avenir pour l’agriculture.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE18 de M. Fabrice Brun.

 

Amendement CE167 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Il vise à rappeler la nécessité d’accompagner, par des leviers fiscaux et bancaires, l’installation des jeunes – ou moins jeunes – agriculteurs. À l’issue de son tour de France des exploitations, notre groupe a publié un livre blanc formulant plusieurs propositions comme l’exonération des droits de succession en agriculture, le retour des prêts bonifiés et les prêts à taux zéro, afin de permettre aux jeunes d’investir dans des exploitations parfois qualifiées d’intransmissibles. Hélas, les articles 40 et 45 de la Constitution écartent les amendements fiscaux. Pourtant, comme l’a souligné M. le rapporteur général mardi, il est regrettable d’aborder la question de l’installation sans parler de fiscalité.

M. Éric Girardin, rapporteur général. J’appuie cette démarche. J’ai déposé un amendement programmatique en ce sens à l’article 8. Nous ne pourrons pas accompagner les jeunes et redynamiser l’agriculture sans libérer l’instant de la transmission, particulièrement handicapé sur le plan fiscal.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ce n’est pas une politique publique globale qui permettra de garantir la souveraineté alimentaire. Nous traiterons le sujet au titre III, à l’article 8. Demande de retrait.

M. Charles de Courson (LIOT). M. Dive et M. le rapporteur général ont tout à fait raison. Il y aura peut-être un amendement de ce dernier à l’article 8, mais je regrette que tous nos amendements fiscaux aient été déclarés irrecevables, car les deux tiers des installations se font dans le cadre d’une transmission. En renvoyant la question à un projet de loi de finances, qui ne sera adopté qu’à coups de 49.3, vous actez le fait que le Parlement n’aura aucun rôle, comme d’habitude. La seule solution aurait été de rendre recevables les nombreux amendements déposés sur la question, afin que nous puissions en discuter.

M. Dominique Potier (SOC). Il y a un vrai problème de processus démocratique. Non seulement certains amendements portant sur le même objet ont été déclarés irrecevables, mais nous ne connaissons ni la nature, ni l’impact sur les finances publiques de la proposition du rapporteur général à l’article 8. Or, derrière les questions de fiscalité, il y a des enjeux essentiels. Si l’on veut réformer la fiscalité, il faut tout mettre à plat. Monsieur le rapporteur général, voulez-vous exonérer aussi les grands patrimoines immobiliers ? Voulez-vous favoriser l’allégement de la fiscalité pour les petits propriétaires ruraux et les nouvelles installations ? Que dites-vous de la fiscalité actuelle, qui encourage la surmécanisation et pèse sur les finances publiques sans favoriser l’économie et le revenu agricoles ? Cette annonce programmatique en vue d’un projet de loi de finances que nous ne voterons pas et dont nous ne connaissons ni le coût, ni l’effet sur la politique d’installation, qui est pourtant l’objet principal du texte, c’est non.

M. le président Stéphane Travert. N’anticipons pas les débats sur l’article 8. Les choses sont simples : un amendement programmatique a été déposé à l’article 8 pour en modifier plusieurs points ; quant aux amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45, ils visaient à modifier le code général des impôts, qu’aucun article du projet de loi ne modifie ; de telles modifications pourraient en revanche être examinées dans le cadre du projet de loi de finances.

M. Thierry Benoit (HOR). Les députés du groupe Horizons voteront l’amendement de Julien Dive. Nous voulons envoyer un signal politique afin que l’article 1er prenne en compte la question des leviers fiscaux et bancaires pour l’accès au foncier, pour la construction de bâtiments, pour la transmission et pour l’installation en cadre familial ou hors cadre familial. La première étape est de voter l’amendement ; la deuxième, d’en tenir compte dans la réécriture de l’article ; la troisième, d’intégrer un volet fiscal dans le texte, à côté du volet foncier.

M. Francis Dubois (LR). Nous parlions tout à l’heure de fixer des objectifs de surfaces cultivées et de nombre d’agriculteurs installés en agriculture biologique, ce qui entre bien dans le champ d’un projet de loi agricole. Toutefois, il est inutile de se fixer des objectifs quand les agriculteurs n’ont pas la capacité de s’installer, faute de leviers fiscaux et bancaires. Il est dommage que le projet de loi parle de transmission, de succession et d’installation sans intégrer ces leviers.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’appelle l’attention de nos collègues sur l’impact de certaines dispositions fiscales pour les collectivités territoriales. On ne peut pas verser des larmes de crocodile sur le budget des communes, qui contribuent à la vitalité rurale et au soutien de l’agriculture de proximité, et adopter des mesures fiscales qui le réduiront, comme la réduction des droits de mutation à titre onéreux ou l’exonération du foncier non bâti. Le souci des collectivités territoriales ne peut être à géométrie variable.

Cet amendement est un chèque en blanc au Gouvernement. S’il s’agit d’aider les petits à s’installer, je suis d’accord ; si c’est pour filer du pognon aux très gros exploitants, qui en ont déjà beaucoup, cela me pose un problème.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Attendons les débats sur l’article 8. Je demande le retrait de l’amendement en vue d’une réécriture pour la séance publique.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE211 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Je suis étonné de l’énergie consacrée aux dispositifs de défiscalisation et de portage, voire à la sollicitation de capitaux extérieurs, alors que le sujet du foncier doit être traité à la source par la régulation du marché. Pendant cinq décennies, les lois Pisani, régulièrement adaptées et améliorées, ont assuré la performance et la compétitivité du foncier français, sous la forme d’un capitalisme familial et populaire qui a fait ses preuves. Aujourd’hui, on est en pleine dérégulation. Non seulement la loi Sempastous (loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires) ne permet pas de contrôler le marché sociétaire, mais le travail, à sa façon, dérégule de manière invisible tous les marchés agricoles, et le démembrement de propriété entre la nue-propriété et l’usufruit est devenu le nouveau sport national. C’est une folie ! Et il faudrait ne rien dire ? Il faut, au minimum, adopter cet amendement et revenir à la régulation du marché foncier.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable au profit des amendements CE270 et identiques, qui seront présentés ultérieurement.

M. Thierry Benoit (HOR). Je soutiens l’amendement de M. Potier. Il faut favoriser le renouvellement des générations par la régulation du marché foncier et, ajouterai-je, par la lutte contre la spéculation, précision qui devrait être intégrée à l’article 1er. Est-il normal que le prix d’une terre agricole en Bretagne – autour de 1 euro le mètre carré, pour une terre de bonne qualité – soit multiplié par 100, 150, voire 200 lorsqu’elle est urbanisée pour le commerce ou l’habitat ? La valeur nourricière est la première valeur d’une terre.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Votre réponse ne me satisfait pas, Madame la rapporteure. L’amendement procède à un ajout essentiel pour un projet de loi portant sur l’installation et la transmission. En effet, rien dans le texte n’aide un jeune agriculteur à obtenir une terre face à une grande exploitation – ce ne sont pas les groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI) qui joueront un rôle en la matière. Vous savez très bien que les terres ne sont pas prioritairement cédées à de jeunes agriculteurs, alors que c’est leur principale revendication. Il faut inscrire dans le texte un objectif relatif au renouvellement des générations dans l’agriculture, comme le fait cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE77 de M. Sébastien Jumel, CE1180 de Mme Anne-Laure Blin, CE1981 de M. Loïc Prud’homme, CE2006 de Mme Hélène Laporte et CE2989 de Mme Marie Pochon

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’adoption de l’amendement sur la régulation du marché foncier est positive. Dans mon territoire, le projet d’intérêt national de construction d’un réacteur de type EPR génère un besoin foncier de 160 hectares : vous imaginez l’impact sur le prix du foncier, qui s’ajoute au poids de la spéculation.

L’amendement CE77, sans s’opposer du tout à la production de biomasse, l’exclut des priorités d’une loi d’orientation agricole. En effet, la vocation des agriculteurs est de nous nourrir, non de fabriquer de l’énergie en accueillant des éoliennes et du photovoltaïque ou en utilisant la biomasse, cette dernière ayant pour effet pervers de développer les cultures pour nourrir la machine. Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 7 de l’article 1er.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Le texte considère que la souveraineté agricole est liée à la production durable de biomasse dans le territoire et à la contribution du secteur à la décarbonation de l’économie. Nous avons examiné précédemment un amendement qui consistait à inclure dans l’article 1er la reconnaissance du rôle de premiers défenseurs de l’environnement que jouent les agriculteurs. Or la rédaction de l’alinéa 7 induit l’idée que l’agriculture ne peut exister que si elle a une vocation écologique. Soit on défend l’agriculture pour ce qu’elle est et parce qu’elle protège la nature et la biodiversité, soit on l’assigne au respect de certains critères, notamment environnementaux, qui la mettront à mal.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). La terre agricole doit avant tout servir à nourrir la population. Fixer à l’agriculture un objectif de production énergétique comme le fait l’alinéa 7 est insensé : derrière cette disposition se cache votre désir d’ouvrir la porte des terres agricoles aux industriels de l’énergie, alors qu’une juste politique consisterait à accepter de revaloriser la rémunération des agriculteurs et d’affronter la grande distribution et l’agro-industrie pour fixer des prix rémunérateurs, afin que les agriculteurs ne soient pas contraints de se tourner vers des projets énergétiques pour vivre.

Avant d’assigner des objectifs de production énergétique à la terre agricole, nous défendons une agriculture nourrissant la population ainsi que la fixation de seuils de rémunération dignes pour les agriculteurs.

M. Antoine Villedieu (RN). Que la souveraineté alimentaire puisse se conjuguer avec une contribution du secteur agricole à la décarbonation de l’économie relève d’une évidence que le texte n’a pas à mentionner, d’autant que l’alinéa 7 crée une confusion : les agriculteurs n’ont pas vocation à pallier les failles de l’État et de l’Union européenne en matière de production énergétique, mais bien à nourrir la France et les Français.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’alinéa 7 d’abord parce que la notion de souveraineté alimentaire qu’il contient est floue et ne correspond pas aux définitions communément admises, notamment celle reconnue par l’ONU, ensuite parce que sa rédaction entretient une confusion dans la hiérarchie des usages entre la biomasse agricole et la production énergétique, alors que l’agriculture doit avant tout combler les besoins alimentaires des citoyens et des citoyennes.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. À l’appui de leur demande de suppression de l’alinéa 7, les auteurs de ces amendements affichent leur volonté d’éliminer la mission de production énergétique confiée à l’agriculture. Je suis opposée à cet amendement, qui priverait certains agriculteurs d’un revenu complémentaire et dont la formulation effacerait la référence à la souveraineté agricole qui figure actuellement à l’alinéa 7, élément fondamental de la souveraineté alimentaire.

Nous venons de rappeler l’importance du rôle de défenseurs de l’environnement que jouent les agriculteurs : ceux-ci contribuent tous les jours à la décarbonation de l’économie, ne serait-ce que par la captation par les cultures du dioxyde de carbone, et rendent des services de toute nature à l’ensemble de la collectivité.

Avis défavorable à la suppression de l’alinéa 7.

M. Thierry Benoit (HOR). Il ne faut surtout pas supprimer cet alinéa. La fonction première de l’agriculture est de nourrir la population, mais la production d’énergie par le secteur agricole a toujours existé, notamment dans la filière bois, dans l’hydraulique – et aussi avec la part autrefois réservée aux chevaux de trait. En revanche, je crois comprendre les craintes exprimées par certains collègues : comment l’investissement dans une usine de méthanisation est-il amorti en sept ans quand celui dans un bâtiment d’élevage l’est en quinze à vingt ans ? Il s’agit néanmoins d’un autre sujet.

M. Antoine Armand (RE). Je soutiens les propos tenus à l’instant par M. Benoit. L’alinéa 7 fait référence à la production durable de biomasse, grâce à des cultures principales mais également à des cultures intermédiaires à vocation énergétique, lesquelles ne sont pas en concurrence avec la production alimentaire sur notre sol. La production de biomasse permet la méthanisation, agent de décarbonation des engrais, qui sont produits à partir d’énergies carbonées et qui polluent. Elle est nécessaire du point de vue de l’énergie et de la décarbonation de l’économie, et ne présente aucune contradiction avec l’objectif de production alimentaire. Néanmoins, il conviendrait de clarifier la rédaction sur la hiérarchie des fonctions de l’agriculture.

M. Charles de Courson (LIOT). Supprimer l’alinéa 7 revient à refuser la contribution de l’agriculture à la biomasse, et pas seulement à vocation énergétique. Dans cette logique, comment remplacer les enveloppes en plastique par des enveloppes biosourcées ? Tout est question d’équilibre, comme pour les biocarburants, ou comme pour les pulpes produites par l’industrie sucrière, qui servent pour partie à l’élevage et pour partie aux méthaniseurs. Il faut maintenir l’alinéa 7 et discuter de l’équilibre entre les différents objectifs.

Mme Anne-Laure Blin (LR). M. Benoit a raison, l’enjeu de l’alinéa 7 est central, mais la rédaction ne va pas jusqu’au bout du chemin. Si nous souhaitons accompagner les agriculteurs dans tous leurs projets, la loi doit leur apporter des bénéfices tangibles. Ainsi, comment soutenir les projets de méthanisation, actuellement bloqués et pas encore rentabilisés ? Que compte faire le Gouvernement pour encourager les agriculteurs dans le marché du carbone ? Ceux-ci sont les principaux experts de l’exploitation de la terre, donc c’est à eux qu’il faut faire confiance. Le texte ne doit pas décréter qu’une agriculture serait viable et une autre non, ni faire dépendre nos agriculteurs de critères de nature environnementale que je trouve dangereux.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le problème de l’alinéa 7 est qu’il n’y a aucun équilibre, puisqu’il ne procède à aucune hiérarchisation entre les usages énergétiques et alimentaires. Il est indispensable de reconnaître que l’agriculture vise avant tout à nourrir la population ; c’est ensuite que viennent les débats sur la production énergétique. L’alinéa 7 consacre une définition de la souveraineté agricole qui met sur le même plan production énergétique et alimentaire.

Madame la rapporteure, vous reconnaissez que les revenus tirés de l’agriculture à vocation alimentaire sont insuffisants pour vivre, puisque vous défendez la nécessité de garantir la perception de revenus d’appoint liés à la production énergétique. Cet aveu est dramatique.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je ne suis pas opposé aux projets de développement de biomasse, mais l’important est leur régulation et l’aménagement. Ce projet de loi d’orientation se donne pour but, dans son titre, la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, et il dispose que la production agricole est au service de la souveraineté alimentaire. Cet objectif exige de donner aux agriculteurs les moyens de nourrir la population, non de produire de l’énergie. Chez nous, faute de prix agricoles rémunérateurs, les installations d’éoliennes et de méthaniseurs explosent et les champs photovoltaïques se développent, au détriment des terres agricoles. Si vous consacrez ces phénomènes au rang d’objectifs fondamentaux dans une loi d’orientation, vous vous retournez contre les agriculteurs.

M. Henri Alfandari (HOR). Il y a un problème majeur, c’est que la même ressource est vendue plusieurs fois à différentes personnes, : ainsi, le bois peut être vendu dans trois ou quatre villes dans un périmètre de 100 kilomètres, mais également à l’aviation pour ses carburants durables. Le même constat peut être dressé pour les méthaniseurs. Il est pourtant nécessaire de conserver des éléments qui se dégradent au sol.

La méthanisation est nécessaire, mais il faut l’utiliser dans une logique d’aménagement du territoire et non de manière désordonnée.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). La Confédération paysanne, la Coordination rurale, les Jeunes agriculteurs et le Mouvement de défense des exploitants familiaux affirment tous que les agriculteurs ne sont pas prioritairement des producteurs d’énergie mais des producteurs d’alimentation. L’alinéa 7 les contredit en disposant que la souveraineté agricole est liée à la production de biomasse. Voilà pourquoi nous souhaitons le supprimer.

Par ailleurs, un méthaniseur en cogénération coûte certes plus de 1 million d’euros, mais sa rentabilité est monstrueuse. En Bretagne, les grandes exploitations qui ont pu consentir cet investissement absorbent toutes les autres situées autour d’elles. Le constat est le même pour le photovoltaïque. Ce phénomène se développe au détriment de la production agricole.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE3417 de la commission du développement durable, CE73 de M. Sébastien Jumel, CE1342 de M. Nicolas Meizonnet et CE1708 de M. André Chassaigne (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je crois fermement que les terres agricoles peuvent avoir un usage alimentaire et un usage énergétique, mais le premier est prioritaire et le second subsidiaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous avons été plusieurs à dire que le projet de loi passait à côté de l’essentiel. Il ne répond pas au mouvement de colère noire du monde agricole, en garantissant des revenus dignes à des personnes qui veulent nourrir et non mourir – et qui ne réclament pas l’aumône, mais la possibilité de vivre de leur travail grâce à des prix rémunérateurs. Cette question centrale est absente du texte, ce qui causera aux agriculteurs un lourd préjudice.

L’amendement CE73 précise que les politiques publiques ont pour objectif central de garantir aux agriculteurs un revenu digne. Monsieur le président, dans notre belle région de Normandie, 10 % des agriculteurs ont un revenu annuel inférieur à 10 900 euros, 10 % perçoivent plus de 44 600 euros et 16 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. C’est dire si la tâche d’assurer un revenu digne aux agriculteurs est grande.

Mme Christine Engrand (RN). L’amendement CE1342 ne veut pas interdire ou réduire l’importance de la production durable de biomasse, mais cherche à établir une hiérarchie entre les différents emplois des terres agricoles, l’alimentation devant rester le premier objectif de l’agriculture.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les dernières analyses scientifiques alertent les pouvoirs publics sur la dégradation rapide des puits de carbone agricoles et forestiers en lien avec l’aggravation des impacts du changement climatique, et appellent à l’élaboration de politiques publiques et de trajectoires très ambitieuses en matière de stockage de carbone dans les écosystèmes, en contradiction avec la croissance de la consommation de biomasse à des fins économiques et énergétiques. Nous souhaitons modifier la rédaction de l’alinéa 7 dans ce sens.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’avis est défavorable car, je le répète, nous sommes opposés à la réécriture de l’alinéa 7.

M. Charles de Courson (LIOT). La biomasse ne sert pas uniquement à produire de l’énergie : elle est utilisée pour les biomatériaux, par exemple pour remplacer les produits pétroliers dans la confection d’enveloppes. Il n’est donc pas possible d’adopter l’amendement de la commission du développement durable, dont la rédaction laisse à penser que la biomasse n’a qu’un seul débouché.

M. Luc Lamirault (HOR). Même si ce que vient de dire M. de Courson est juste, la rédaction de l’amendement CE3417 me convient, notamment la précision que la biomasse a un usage « à titre subsidiaire » énergétique. Il serait sans doute opportun, afin de concilier les deux positions, d’ajouter son utilisation dans les matériaux biosourcés.

La commission adopte l’amendement CE3417.

En conséquence, tous les amendements portant sur l’alinéa 7 tombent.

 

Amendement CE1978 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Cet amendement vise à combler l’absence d’objectifs relatifs au revenu des agriculteurs, thème principal de leurs revendications lors du récent mouvement social. Nous souhaitons fixer un seuil de revenu digne, assis sur une juste répartition de la valeur produite, comme le demande le collectif Nourrir, qui rassemble plus de cinquante organisations.

Autre requête du collectif, l’amendement a également pour objet d’assurer le respect du pluralisme dans la gouvernance des instances agricoles et alimentaires ainsi que la participation de la société civile : si l’agriculture est bien entendu l’affaire des agriculteurs, il faut également inclure les associations et les citoyens dans la réflexion, puisqu’il est question de l’alimentation de l’ensemble de la population.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Nous sommes sensibles au sujet, mais il est difficile de dresser une liste exhaustive.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2992 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). La définition de la souveraineté alimentaire désigne le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires. Seules des politiques publiques soutenant les circuits de proximité et les filières déficitaires peuvent assurer le respect de ces droits.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre définition rejoignant celle de la sécurité alimentaire, l’alinéa 3 de l’article 1er satisfait votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3441 de la commission du développement durable, CE2993 de Mme Marie Pochon et CE3103 de M. Dominique Potier, et amendement CE2370 de M. André Chassaigne (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’avais donné un avis défavorable à cet amendement finalement adopté par la commission du développement durable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Mon amendement rappelle la définition communément admise de la souveraineté alimentaire, totalement omise par les auteurs du projet de loi. Il insiste sur la dimension internationale de cette notion, laquelle exige la régulation des marchés mondiaux pour préserver les droits humains, l’environnement et le commerce équitable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il n’a échappé à personne que depuis le rejet de l’Accord économique et commercial global (Ceta) par le Sénat, à l’issue d’un scrutin provoqué par le groupe communiste, le Gouvernement, contrairement aux usages, tarde à mettre le texte adopté par les sénateurs à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin d’empêcher les députés de se prononcer – notre groupe tentera de déjouer cette manœuvre à l’occasion de sa niche parlementaire.

Les auteurs du projet de loi interprètent systématiquement la souveraineté agricole dans le cadre du principe européen de concurrence libre et non faussée et des accords internationaux. Notre amendement a pour but d’affirmer que la régulation des échanges internationaux des denrées agricoles et alimentaires doit s’effectuer dans le respect des normes sociales, sanitaires et environnementales applicables dans notre pays ; sans cela, il n’est pas possible de préserver la souveraineté des agriculteurs.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il est en effet pénalisant pour notre économie que les pays avec lesquels nous commerçons ne respectent pas les mêmes normes que nous. L’importance de cette question a motivé notre refus de ratifier le traité de libre-échange du Mercosur. Le projet de loi fait référence à notre appartenance à l’Union européenne et à nos engagements internationaux, preuve que nous veillerons à respecter les règles, à nos yeux fondamentales, des échanges internationaux. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Votre réponse, Madame la rapporteure, ne fait que souligner le problème : dans une mise en scène étudiée, on peut, juché sur une botte de paille, verser des larmes de crocodile et prétendre avoir compris que les traités de libre-échange permettant l’entrée dans notre pays de bêtes élevées à coups de seringue portaient préjudice aux agriculteurs français à cause de la différence du coût de production, mais ces pétitions sont oubliées sitôt prononcées. La preuve, vous inscrivez dans le projet de loi la règle intangible des libéraux que vous ne cessez d’être.

M. Pascal Lecamp (Dem). Monsieur Jumel, nous avons œuvré ensemble l’année dernière pour que les accords de libre-échange imposent des normes réciproques dans des clauses miroirs. Voilà pourquoi le Président de la République revient à la charge tous les six mois auprès de la Commission européenne pour bloquer la ratification du traité commercial avec le Mercosur.

Je suis loin d’être opposé au libre-échange et il me semble que c’est à notre agriculture de se mettre en position de tirer profit des accords : quand les traités sont justes – et ils sont nombreux à l’être – notre économie gagne souvent, notamment le secteur agroalimentaire, qui a toujours présenté des balances commerciales excédentaires.

Il faut s’opposer aux accords injustes et imposer les mêmes normes aux partenaires, mais cela demande beaucoup de travail : les directions vétérinaires des parties aux traités doivent échanger leur cahier des charges, comme nous l’avons fait avec la Turquie. Si nous suivons cette méthode, notre agriculture bénéficiera du libre-échange. Non, donc, à l’accord avec le Mercosur, mais pas systématiquement au libre-échange !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE3412 de la commission du développement durable, CE2371 de M. André Chassaigne, CE2990 de Mme Marie Pochon et CE3104 de M. Dominique Potier

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CE3412, largement adopté en commission du développement durable, vise à faire de la juste répartition de la valeur et de l’amélioration du revenu et des conditions de travail des agriculteurs des objectifs des politiques publiques consacrées à la souveraineté alimentaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’enjeu est la répartition de la valeur. Vous privez volontairement les agriculteurs d’un revenu digne et refusez de prendre l’argent là où il est pour l’affecter là où il y en a besoin.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE2990 veut garantir un revenu et des conditions de vie dignes pour les agriculteurs ainsi qu’une juste répartition de la valeur – deux facteurs qui, en améliorant l’attractivité du métier, contribuent à la souveraineté alimentaire mais qui ont été malencontreusement oubliés dans le texte. Compte tenu de la préoccupation majeure exprimée à ce sujet lors des mobilisations des derniers mois, de l’adoption d’une proposition de loi visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et accompagner la transition agricole, et enfin de l’engagement exprimé par les députés de la majorité, il nous semble essentiel de réintégrer ces questions essentielles dans les objectifs des politiques agricoles de notre pays.

M. Guillaume Garot (SOC). Le projet de loi ne peut pas faire l’impasse sur la question du revenu des agriculteurs alors que celle-ci fait l’objet d’une attente forte et légitime de leur part. Comment peut-on traiter de la souveraineté alimentaire sans leur ouvrir de perspectives claires à cet égard ? C’est incompréhensible. La question du revenu n’a pas à être traitée dans le cadre d’une énième loi Egalim. Il faut traiter les problèmes et répondre aux attentes des agriculteurs et des éleveurs.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez que les politiques publiques veillent à ce que la répartition de la valeur créée en agriculture soit équitable et qu’il ne soit pas porté atteinte au revenu des agriculteurs. On ne peut qu’être d’accord : c’est bien de l’existence de revenus dignes et pérennes – j’insiste sur ce terme – que dépendra le renouvellement des générations. J’émets donc un avis favorable sur ces amendements.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je me félicite de cet avis favorable, mais il est totalement contradictoire avec votre avis précédent. Vous venez de voter contre la régulation des échanges dans le respect des droits humains, de l’environnement et de l’emploi ! C’est incroyable, pire que de l’ultralibéralisme. Au moins les ultralibéraux sont un peu malins !

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE81 de M. Sébastien Jumel et CE2994 de Mme Marie Pochon

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous pensons qu’un plus grand pluralisme dans les instances stratégiques peut apaiser le monde agricole et lui donner plus de force.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. À quelques mois des élections dans les chambres d’agriculture, un tel message pourrait être très mal ressenti par les intéressés. Le pluralisme dans les instances agricoles me semble largement garanti et effectif. Avis défavorable.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Les termes de « gouvernance des instances agricoles et alimentaires » manquent de précision. Pour l’élection des chambres d’agriculture, le scrutin est déjà proportionnel pour moitié. Et avec la mise en place de France Services agriculture, la loi garantira aux porteurs de projet la liberté de choisir leur accompagnant : le pluralisme auquel tient le collectif Nourrir sera respecté. Pour ma part, je voterai contre cet amendement.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement définit en effet un objectif assez général, nos amendements plus précis ayant été déclarés irrecevables. Par ailleurs, s’il vous « semble » que le pluralisme est respecté, Madame la rapporteure, autant l’inscrire comme un objectif des politiques publiques. Le défi climatique, notamment, impose un dialogue pluraliste au sein des chambres d’agriculture, afin que soient entendues l’ensemble des voix du monde agricole. Aujourd’hui, ce n’est pas malheureusement pas le cas.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3440 de la commission du développement durable, CE270 de M. Julien Dive et CE3177 de M. François Gernigon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’ai donné un avis favorable à cet amendement adopté par la commission du développement durable.

M. Julien Dive (LR). Le renouvellement des générations en agriculture apparaît dans le titre du texte et dans les interventions des uns et des autres. Le présent amendement vise à en faire véritablement un objectif.

M. Luc Lamirault (HOR). Je retire l’amendement CE3177.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. On sait que le nombre d’agriculteurs est en forte baisse depuis plusieurs années : selon le recensement agricole de 2020, les exploitants agricoles ne sont plus qu’environ 496 000 en France. Dans le même temps, le nombre d’exploitations n’a cessé de diminuer, passant sous la barre des 400 000 – soit 800 000 de moins que dans les années 1980. Chaque année depuis 2015, en moyenne 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité, tandis que 14 000 seulement s’installent.

Il va de soi que les efforts des pouvoirs publics au sens large pour accroître le nombre d’agriculteurs doivent être renforcés. Le présent projet de loi doit y contribuer, grâce à la sensibilisation des plus jeunes et à la mise en place de dispositions éducatives susceptibles d’encourager ce mouvement.

Je suis en plein accord avec l’objectif de ces amendements. Avis favorable.

L’amendement CE3177 étant retiré, la commission adopte les autres amendements.

 

Amendements CE1823 et CE1824 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement CE1823 veut introduire dans le texte un objectif de préservation de la diversité de nos filières et de nos pratiques agricoles. Certaines sont particulièrement fragiles, comme la filière laitière, où le nombre de producteurs est passé de 175 000 à 35 000 en trente-deux ans. Or, les disparitions d’exploitations font peser un risque sur la pérennité des filières.

Le CE1824 vise à préserver le modèle de l’exploitation familiale de petite taille. D’après l’Insee, les effectifs des petites et moyennes exploitations ont baissé de 4 % entre 2010 et 2016, tandis que ceux des grandes exploitations augmentaient de 2 %. Il s’agit de faire croître le nombre de chefs d’exploitation et, en maintenant un certain niveau de population active dans le monde rural, de préserver la vie des bourgs et des hameaux.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je ne suis pas favorable à une extension sans fin de la liste des politiques publiques que nous pourrions mentionner dans le texte, même si leurs objectifs sont louables. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE1823 et adopte l’amendement CE1824.

 

Amendement CE2284 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement vise à inclure le développement des labels de production dans les politiques concourant à la protection de la souveraineté alimentaire. Ces labels sont un marqueur fort de la qualité et de l’origine des productions agricoles, qui sont ainsi aisément identifiées par les consommateurs, et assurent aux producteurs de meilleurs débouchés économiques. Plusieurs labels peuvent encore être développés. L’appellation « cidre » pourrait ainsi être réservée aux produits issus de la fermentation de jus de pomme, alors que les producteurs français font face à la concurrence déloyale des producteurs allemands notamment, qui vendent sous cette appellation des produits composites. Il en va de même pour l’échalote de Bretagne ou la fraise de Plougastel.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les labels sont déjà garantis par les articles L. 641-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, mais je reconnais leur importance, eu égard notamment à la qualité des produits. Avis favorable.

M. Jean-François Rousset (RE). Je soutiens cet amendement, qui me donne l’occasion de souligner que nous avons de belles appellations d’origine protégée (AOP) et indications géographiques protégées (IGP) dans nos territoires.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Ce projet de loi a vocation à embrasser aussi la pêche. Or, 80 % des 34 kilogrammes de produits de la mer que nous mangeons en moyenne chaque année sont importés, et leur qualité n’est pas à la hauteur des produits que l’on trouve en France, par exemple en Normandie. Les AOP sont une protection contre les produits importés dans des conditions de concurrence déloyales.

M. Pascal Lavergne (RE). Je ne suis pas certain que la défense des labels doive figurer à l’article 1er. Rappelons-nous les dégâts qu’a pu provoquer la montée en gamme : les consommateurs se sont détournés vers d’autres produits, bas de gamme, par exemple pour le poulet. Il ne s’agit pas d’opposer les différents niveaux de gamme, mais de proposer une offre diversifiée. Sans nier l’importance majeure des labels, je préfère que les producteurs français puissent aussi fabriquer des produits d’entrée ou de milieu de gamme non labellisés mais répondant à nos normes de production.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). La multiplication des labels est problématique. Le label HVE (Haute Valeur environnementale), par exemple, a fait du tort au label Agriculture biologique. Tout dépend des labels que vous visez.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE1817 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). Comment traiter des questions d’agriculture et d’alimentation si l’on n’est pas capable, dans le même temps, de traiter aussi des enjeux liés à la santé humaine, à la santé des sols et à celle des animaux ? Tout est lié. Pour garantir durablement notre souveraineté, nous devons traiter l’ensemble de ces questions.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable. Les conditions de travail des actifs, notamment, sont importantes pour assurer la pérennité de nos exploitations agricoles.

M. Charles de Courson (LIOT). Qu’est-ce que la santé environnementale ? Parlons plutôt de qualité.

M. Antoine Villedieu (RN). Alors que le ministre de l’agriculture et le Premier ministre ont annoncé un texte de simplification et que les agriculteurs se battent contre la surtransposition et l’ivresse normative, nous allons encore ajouter une contrainte supplémentaire !

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2991 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement propose d’aller plus loin que le CE3440 que nous venons d’adopter, relatif au renouvellement des générations en agriculture : il vise à faciliter l’installation d’exploitants agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Le titre III du texte traite de ce sujet.

M. Pascal Lecamp (Dem). Cet amendement est satisfait par la création de France Services agriculture, qui vise à fluidifier le marché et à offrir une lisibilité totale aux cédants et aux entrants. On peut ajouter la mention que vous proposez, mais cela ne changera pas grand-chose.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Tant mieux si des dispositions sont prises pour faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs. Il reste intéressant, néanmoins, de l’inscrire comme un objectif général de la politique agricole.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE1732 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement vise à décentraliser les politiques de protection de notre souveraineté alimentaire, en en donnant la maîtrise aux collectivités territoriales : c’est un enjeu majeur pour préserver les filières dans toute leur diversité.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il est satisfait par l’alinéa 4 de l’article 1er. Je vous invite à le retirer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE82 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il s’agit de réaffirmer la nécessité d’un moratoire sur les traités de libre-échange. Ceux-ci fragilisent en effet notre souveraineté agricole et alimentaire – c’est d’ailleurs ce qu’ont jugé nos collègues sénateurs de droite au sujet du Ceta.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre amendement traite de sujets dont nous avons déjà débattu tout à l’heure, comme le pluralisme dans les instances de gouvernance. De plus, adopter votre amendement reviendrait à mettre en difficulté nos agriculteurs qui exportent et qui, par la conquête de nouveaux marchés, concourent à affermir notre souveraineté alimentaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE2213 de Mme Aurélie Trouvé, CE2218 de Mme Mathilde Hignet, CE2226 de Mme Aurélie Trouvé et CE2323 de Mme Mathilde Hignet

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement CE2213 veut accélérer la bifurcation agroécologique en favorisant l’adoption par les agriculteurs de mesures agroenvironnementales et climatiques et de mesures en faveur de la conversion et du maintien en agriculture biologique. Les budgets alloués aux mesures agroenvironnementales ne sont pas suffisants : certains agriculteurs ne peuvent y souscrire, alors qu’ils remplissent pourtant les conditions. Quant à la filière biologique, elle connaît une crise et un moment de « déconversion » – essentiellement parce que le pouvoir d’achat des consommateurs ne leur permet plus d’acheter des produits bio. Or, la déconversion, c’est cinq ans d’argent public gaspillés – d’où la nécessité aussi d’aides au maintien en bio.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Avec l’amendement CE2218, nous voulons accélérer la bifurcation écologique en favorisant le déploiement des projets alimentaires territoriaux (PAT). Le Gouvernement échoue à atteindre les objectifs de la loi Egalim : les produits bio ne représentent que 5 à 6 % des produits servis en restauration collective, alors que leur part aurait dû atteindre 20 % en 2022. Les PAT, qui rapprochent l’ensemble des acteurs de l’alimentation, sont des outils démocratiques permettant d’adapter la production alimentaire aux besoins locaux et aux exigences écologiques, grâce notamment au développement de circuits courts et de productions locales et de qualité, et contribuent à la souveraineté alimentaire.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement CE2226 se propose d’accélérer la bifurcation écologique, en favorisant l’adoption par les agriculteurs de contrats de transition agroécologique, inspirés des contrats territoriaux d’exploitation. De longue date, La France insoumise défend un changement du modèle de production sur le plan non seulement environnemental, mais aussi économique et social. Non, il n’y a pas de paille dans toutes les exploitations : 90 % des exploitations porcines sont sur caillebotis. On pourrait favoriser leur installation sur paille ou en plein air afin qu’elles soient plus résilientes et qu’elles produisent du fumier, plutôt que du lisier.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Tout à l’heure, vous avez voté contre l’objectif de 25 % de surfaces en agriculture biologique en 2030. Je vous propose de vous rattraper en votant l’amendement CE2323, qui vise faire reprendre par une caisse de défaisance la dette des agriculteurs se convertissant à l’agriculture biologique. D’après les chiffres de l’Agreste, l’organe statistique du ministère, l’endettement moyen des exploitations atteint aujourd’hui 250 000 euros, contre 50 000 euros en 1980. Or, cet endettement est un frein à l’évolution des pratiques.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’agroécologie est indispensable, puisqu’elle vise à combiner au mieux productions agricoles et reproduction des ressources naturelles. Il est prévu d’y consacrer 54 milliards d’euros dans le cadre des actions du plan France 2030. Plus de 2 milliards seraient spécifiquement investis dans la transition agricole, dont 450 millions pour favoriser une alimentation saine et durable. Les mesures agroenvironnementales et climatiques mériteraient sans nul doute de bénéficier de nouveaux crédits pour que l’on puisse tendre vers la neutralité carbone, mais notre pays va déjà dans la bonne direction. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Que signifie cette « bifurcation » ? Pour bifurquer, encore faut-il qu’il y ait une ligne ! Par ailleurs, monsieur le président, un amendement prévoyant une reprise de dette n’aurait-il pas dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution ?

M. le président Stéphane Travert. Le président de la commission des finances a été consulté sur la recevabilité financière d’un grand nombre d’amendements, mais celui-ci n’est pas concerné compte tenu de sa rédaction très générale.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). La trajectoire, collègue de Courson, a été fixée par le ministre Edgar Pisani dans les années soixante : c’est celle d’une agriculture hyperlibérale et industrielle. Bifurquer, c’est se détacher d’une ligne obsolète pour, enfin, en adopter une moderne.

La commission rejette successivement les amendements.

 

La séance, suspendue à 11 heures 50, est reprise à 11 heures 55.

 

Amendement CE2277 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Les inégalités entre hommes et femmes sont flagrantes dans le monde agricole. La rémunération des agricultrices, qui représentent 29 % des actifs agricoles, est inférieure aussi de 29 % à celle des agriculteurs – et leurs pensions, de 32 %. Seules 37 % des personnes bénéficiant du parcours d’aide à l’installation et 20 % de celles qui reçoivent la dotation jeunes agriculteurs (DJA) sont des femmes. Cela s’explique notamment parce que cette aide n’est octroyée que jusqu’à 40 ans ; or, les femmes s’installent plus tard, en raison des contraintes familiales que la société fait peser sur elles.

Par cet amendement, nous proposons de renforcer l’aide à l’installation des femmes dans le texte, d’autant que leurs projets, plus souvent tournés vers l’agroécologie, créent du lien dans les territoires. Mme la rapporteure, qui a présidé le groupe régional « Agriculture au féminin : égalité, parité », y sera certainement sensible.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. J’ai en effet présidé cette initiative pour les quatre départements bretons. Il semble que nous allions vers une féminisation de l’agriculture, notamment pour les productions maraîchères. Dans le Morbihan, 38 % des nouvelles exploitations agricoles sont tenues par des femmes. Avis favorable.

Mme Annie Genevard (LR). Je ne suis pas favorable à cet amendement. Dans le monde agricole, les femmes sont très présentes et respectées. Depuis quelques années, leur statut a évolué pour permettre une meilleure reconnaissance. Le Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun) entre époux, c’est nous qui l’avons fait ; et, dans ces Gaec, les femmes prennent de plus en plus fréquemment la succession de leur conjoint parti à la retraite.

En outre, leur rôle va grandissant : de nombreuses femmes ont intégré les instances nationales, notamment Catherine Faivre-Pierret, une agricultrice de ma circonscription, nommée à la tête de la commission nationale des agricultrices au sein de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

Votre obsession du genre n’est pas pertinente : on n’a pas besoin d’une telle mention pour afficher le respect dont les femmes agricultrices jouissent dans ces métiers de la part des hommes.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). C’est lunaire. Madame Genevard, cet amendement se fonde sur le vécu des agricultrices – certaines sont venues témoigner à la table ronde que nous avions organisée à l’Assemblée – et sur des chiffres : les femmes gagnent en moyenne 29 % de moins que les hommes, leur une pension est de 32 % inférieure, elles bénéficient moins de la DJA car elles s’installent plus tard ! Nos politiques sont inégalitaires. Pour vous en convaincre, lisez la bande dessinée Il est où le patron ? Vous verrez les inégalités de genre auxquelles sont confrontées tous les jours les agricultrices. Il est temps de changer.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les agriculteurs ne nous attendent pas sur la question du genre, réveillez-vous ! Ils ont besoin de continuer à travailler, de dégager du revenu – et dans ce cas, les femmes qui travaillent dans l’agriculture en bénéficieront également. Vous êtes phagocytés par votre idéologie : arrêtez de la mettre partout, vous ridiculisez la cause.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il faut que les femmes prennent toute leur place dans les instances de décision du monde agricole.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE1407 de M. Grégoire de Fournas et CE2332 de Mme Aurélie Trouvé (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement CE1407 vise à inscrire l’objectif d’une meilleure rémunération pour les agriculteurs. C’est indispensable pour maintenir le niveau de production agricole et développer notre souveraineté alimentaire. Le métier d’agriculteur doit être suffisamment attractif pour parvenir à renouveler les générations.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Outre l’accès au foncier, les agriculteurs demandent en priorité une perspective de revenus dignes. On connaît l’échec patent des lois Egalim pour atteindre cet objectif. D’où l’idée d’un prix plancher qui assure un prix minimum rémunérateur aux agriculteurs, loin de la caricature qui en a été faite, variant selon les territoires et les productions. J’ose croire que tous les membres de la majorité présidentielle voteront pour la mesure que nous proposons, qui traduit la promesse du président Macron au Salon de l’agriculture et a été votée par une majorité de députés lors de la niche parlementaire écologiste.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les questions que vous abordez sont importantes, mais n’entrent pas dans le cadre de ce texte. Les lois Egalim et Descrozaille ainsi que la proposition de loi de Mme Pochon, récemment adoptée par notre assemblée, ont déjà beaucoup fait pour le revenu des agriculteurs. La loi Egalim 4, si elle arrive en discussion, devrait aussi satisfaire ces amendements. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Le prix plancher ne doit pas devenir le prix plafond. Il serait intéressant de transposer à l’agriculture l’interdiction de la vente à perte, que l’on pratique dans l’industrie. Mais il est à craindre qu’un prix plancher ne crée un effet d’aubaine pour le secteur agroalimentaire et surtout pour la grande distribution, et que nos agriculteurs se trouvent une nouvelle fois Gros-Jean comme devant.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). On voit la confusion totale du Rassemblement national sur cette question. D’abord favorable, Jordan Bardella s’est exprimé contre les prix planchers, puis le groupe a revoté pour. Maintenant, vous êtes contre : on n’y comprend rien. Depuis avant-hier, seuls deux députés de votre groupe siègent en commission : c’est dire l’intérêt que vous portez à la question agricole…

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2351 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). La commission du développement durable a adopté la « règle verte », selon laquelle on ne prélève pas davantage à la nature que ce qu’elle est en état de reconstituer, ainsi que la « règle bleue » qui applique ce principe à l’eau. Par cohérence, il nous faut donc les inscrire dans l’article 1er du texte.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Notre pays a adopté plusieurs mesures en faveur de la planification écologique, correspondant à plusieurs milliards d’investissements. Réclamées par les agriculteurs, elles établissent un équilibre entre la production agricole et la préservation de l’environnement. Cela a donné lieu à plusieurs plans, dont la stratégie nationale pour la biodiversité 2030. Votre amendement semble donc satisfait : je vous suggère de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1756 de Mme Hélène Laporte et CE2209 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement CE1756 réécrit l’alinéa 9 pour davantage de clarté.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Vous tentez de concilier l’inconciliable – la préservation de l’environnement et de la santé des paysans d’un côté, et un productivisme débridé de l’autre. Mais l’agriculture nous permettra d’être souverains quand elle conservera les communs naturels au lieu de les exploiter, qu’elle respectera la santé des paysans au lieu de les empoisonner et qu’elle valorisera les savoir-faire paysans au lieu de leur préférer une agriculture génétique, chimique et numérique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis défavorable aux deux amendements. Je ne vois pas en quoi le premier serait plus clair que la rédaction actuelle. Quant au CE2209, il apporte quelques précisions qui ne sont pas inintéressantes, mais concerne davantage la culture populaire agricole que l’agriculture au sens d’une force économique essentielle à notre souveraineté alimentaire. Sa rédaction ne correspond pas à l’esprit d’ensemble de l’article 1er. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1406 de M. Grégoire de Fournas

Mme Christine Engrand (RN). Cet amendement a pour objet d’inscrire la productivité et la compétitivité de l’agriculture au nombre des objectifs visés. Renforcer la souveraineté alimentaire de la France exige d’abord de disposer d’une agriculture productive et compétitive, capable de nourrir sa population et de maintenir sa force exportatrice.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1096 de M. Hubert Brigand et CE8 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). Puisqu’une réécriture doit avoir lieu, je retire l’amendement CE1096, qui vise à ajouter le mot « viti-vinicole ».

M. Francis Dubois (LR). L’amendement CE8 a pour objet de prendre tous les secteurs en considération, y compris la viticulture, pour garantir la souveraineté alimentaire de la France.

L’amendement CE1096 est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE8.

Amendement CE3136 de Mme Sophie Mette

Mme Sophie Mette (Dem). Les forêts participent à la souveraineté agricole, car elles représentent un enjeu majeur dans la décarbonation de l’économie, par le bois produit, le stockage de carbone et les services environnementaux et sociaux qu’elles procurent aux citoyens. Il convient que la sylviculture soit reconnue d’intérêt général majeur et ajoutée à la liste des activités dont la résilience et le potentiel des facteurs de production doivent être préservés et améliorés.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

Mme Annie Genevard (LR). L’efficacité des forêts pour capter le carbone est réelle, mais elle s’est réduite et leur rôle en la matière est souvent surévalué. En revanche, il faut rappeler que les prairies sont aussi d’excellents puits de carbone.

M. Charles de Courson (LIOT). Le ministre s’est engagé à ajouter le mot « forêts » dans le texte – il serait dommage de les oublier, elles représentent tout de même 25 % de la superficie de la France. Ce domaine entre bien dans ses attributions, bien qu’il ne figure pas dans l’intitulé de son ministère.

M. le président Stéphane Travert. La forêt est bien citée dans le décret relatif aux attributions du ministre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2995 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il vise à insister sur la nécessité de préserver la capacité des écosystèmes et des communs naturels à se régénérer. Loin d’être de simples facteurs de production, ils ont une existence en tant que tels, malgré les services essentiels qu’ils peuvent rendre, notamment en agriculture.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1736 de M. Bertrand Petit

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement a pour objet de garantir que les zones humides seront visées par les actions des politiques publiques concourant à la protection de la souveraineté alimentaire du pays. Des activités agricoles peuvent y être développées, tout en tenant compte de leurs spécificités et des services écosystémiques qu’elles rendent.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable. Les zones humides sont déjà citées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE3443 de la commission du développement durable, CE108 de Mme Christelle Petex, CE504 de M. Dominique Potier, CE2996 de Mme Marie Pochon et CE2522 de M. David Taupiac (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CE3443, déposé par le groupe Les Républicains et adopté par la commission du développement durable, vise à mettre en cohérence les politiques et les financements publics avec la stratégie nationale bas carbone.

M. Philippe Naillet (SOC). Notre amendement CE504 a pour objet de préciser que les politiques publiques concourant à l’objectif de souveraineté alimentaire doivent être cohérentes avec les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, dont les effets, notamment sur les productions agricoles, s’aggravent avec le temps. Il s’agit de les orienter conformément aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Mon amendement tend à mettre le projet de loi d’orientation en cohérence avec les textes de loi en vigueur et les engagements pris par notre pays. Face au changement climatique et au rôle qu’y joue le secteur agricole, notamment dans l’effondrement de la biodiversité, du fait de l’intensification des pratiques, les politiques agricoles doivent respecter la stratégie nationale bas carbone, le plan national d’adaptation au changement climatique et la stratégie nationale pour la biodiversité.

M. David Taupiac (LIOT). Je propose également d’ajouter que les actions menées devront respecter la stratégie nationale bas carbone et le plan national d’adaptation au changement climatique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La stratégie nationale bas carbone, introduite dans notre droit par la loi de transition énergétique pour la croissance verte, est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Les agriculteurs ont compris la nécessité impérieuse de s’adapter et de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et développent des méthodes pour atteindre les objectifs fixés. Il n’est pas nécessaire de mentionner spécifiquement cette préoccupation d’ordre transversal dans la liste des politiques publiques visées.

M. Antoine Villedieu (RN). C’est de la folie ! Selon cet amendement, adopté en commission du développement durable, les agriculteurs seraient des criminels écologiques, responsables de la dégradation de l’environnement. On parle d’orienter les aides pour masquer que, demain, le respect des critères écologiques deviendra une condition pour les obtenir. Nous nous opposons à cet amendement hypocrite, qui n’entre absolument pas dans les revendications des agriculteurs. Le présent projet de loi a été retravaillé à la suite des manifestations. Or, ce que les agriculteurs demandent, c’est la simplification et la fin de l’ivresse normative. Il faut arrêter de les prendre pour des cons.

M. le président Stéphane Travert. Je vous prie de rester modéré dans les termes que vous employez : cette commission travaille au fond.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il n’y a pas de « criminalisation » des agriculteurs : c’est vous qui criminalisez les écologistes et toutes celles et ceux qui défendent ces questions. Il s’agit simplement d’indiquer qu’il faut respecter des règles communes, valant pour l’ensemble de notre pays, en cohérence avec nos textes législatifs.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1975 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par cet amendement, notre groupe propose d’inscrire la réduction de 50 % de l’usage des pesticides et engrais chimiques de synthèse d’ici à 2030 comme objectif structurant des politiques publiques. À l’approche de MM. Attal, Fesneau et Rousseau, qui dézinguent le plan Écophyto, s’oppose une vision moderne, celle d’une trajectoire de sortie accompagnée par des politiques publiques. Selon l’Inrae, elle est non seulement possible, mais souhaitable car la dépendance aux intrants chimiques pèse sur les revenus des agriculteurs. De plus, les engrais chimiques ne sont pas une solution pérenne : le phosphore est une ressource minière finie, bientôt épuisée.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’objectif est partagé, notamment pour la biomasse. Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué, il convient de ne pas allonger indéfiniment la liste des objectifs. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Si l’objectif relatif aux engrais chimiques de synthèse doit être atteint, certaines cultures comme la cerise ne bénéficient pas de solution de remplacement. Dans le Vaucluse, les vergers disparaissent car les moyens phytosanitaires permettant de lutter contre la mouche de la cerise ont été interdits.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2998 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le présent amendement vise à souligner l’importance de diversifier notre production agricole, en soutenant les filières déficitaires comme le maraîchage, l’arboriculture, les protéines végétales et l’élevage durable.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable, par cohérence avec l’amendement précédent.

M. Charles de Courson (LIOT). Il n’y a pas que la culture maraîchère : nous sommes également de plus en plus dépendants pour le secteur des fruits.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1977 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Le présent amendement tend à fixer comme objectif structurant l’atteinte d’une autonomie protéinique totale en protéines végétales pour l’alimentation humaine et d’élevage à l’horizon 2 050. En 2022, la France a importé 3,3 millions de tonnes de soja, dont environ les deux tiers du Brésil. En attendant que M. Lecamp dissuade les Brésiliens d’exporter en France, une action résolue s’impose. Or, dans son rapport de 2024 sur le déploiement de la stratégie nationale pour les protéines végétales, France Stratégie a pointé l’absence d’éléments permettant d’affirmer que le Gouvernement atteindra ses objectifs d’augmentation de 40 % dès 2030 des surfaces semées avec des espèces riches en protéines végétales.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je partage l’objectif, mais il s’agirait encore une fois d’allonger la liste. Avis défavorable.

M. Thierry Benoit (HOR). Cet amendement est intéressant pour se passer à terme du soja brésilien. Il pourrait toutefois être retravaillé pour la séance : le terme « atteindre » mériterait d’être remplacé par « tendre à ».

M. Dominique Potier (SOC). Cette proposition, apparemment anodine, est capitale : l’Europe doit évidemment aller vers l’autonomie protéinique. Dans le droit-fil des amendements relatifs au respect de la stratégie nationale bas carbone que les droites ont rejetés, l’autonomie en protéines contribue à limiter la déforestation en Amazonie. Elle conduit aussi à valoriser les protéines de nos surfaces fourragères et à diversifier les rotations dans nos cultures, pour atteindre la réduction de 50 % des pesticides que proposait Loïc Prud’homme.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Convaincue par l’intervention de M. Benoit, je dépose un sous-amendement CE3585 visant à remplacer dans l’amendement de M. Prud’homme les mots « d’atteindre » par les mots « de tendre vers ». Ayant moi-même rédigé, dans le cadre de la commission des affaires européennes, un rapport d’information sur l’objectif européen de neutralité climatique en 2050, je confirme que c’est ainsi qu’il convient de qualifier la trajectoire à suivre.

M. le président Stéphane Travert. Si le sous-amendement était adopté, le second alinéa de l’amendement serait donc ainsi rédigé : « orienter les politiques agricoles afin de tendre vers un objectif d’autonomie protéinique totale en protéines végétales pour l’alimentation humaine et d’élevage à horizon 2 050 ».

La commission adopte successivement le sous-amendement CE3585 et l’amendement sous-amendé.

 

Amendement CE1979 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Je voudrais juste apporter une précision sur l’amendement précédent : les importations de soja permettent de rééquilibrer les rations alimentaires servies dans l’élevage intensif français. En effet, les cheptels sont presque exclusivement nourris au maïs ensilage, qui fournit d’importants apports en énergie mais ne contient pas assez de protéines. Le retour à un système fourrager nous aiderait à atteindre ces objectifs.

L’amendement CE1979 vise à désigner comme objectif structurant le doublement de la surface cultivée en légumineuses à horizon 2030. Je le disais tout à l’heure, France Stratégie estime qu’en l’état actuel, nous ne parviendrons pas à atteindre cet objectif : il convient donc de repréciser non seulement ce dernier, mais aussi et surtout les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir, dans le cadre des politiques publiques.

La production de légumineuses est aussi une question de santé publique. Il s’agit d’aligner nos politiques agricoles sur le programme national nutrition santé, qui incite fortement à la consommation de légumineuses et de protéines végétales sans que nous soyons capables de répondre à la demande. On en revient ainsi à la question de la souveraineté. Les filières concernées sont en décrépitude ou à l’abandon : ainsi, la surface cultivée en lentilles décroît en France et nous les importons massivement du Canada.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Pourquoi encourager spécifiquement la production de légumineuses, particulièrement gourmandes en eau ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3236 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement met l’accent sur l’intérêt de l’agropastoralisme pour la poursuite des objectifs fixés par le projet de loi. Cette pratique agroécologique permet de favoriser la biodiversité, d’entretenir les territoires, de maintenir les paysages et de réduire les risques d’incendie : il convient donc de la soutenir et de l’encourager en vue de renforcer la résilience du modèle agricole français.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Une référence au pastoralisme a déjà été ajoutée à l’alinéa 3.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2211 de Mme Lisa Belluco

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). La souveraineté alimentaire que prétend consacrer ce projet de loi ne sera qu’un vain mot si elle ne prend pas d’abord en compte la préservation des terres agricoles. Aucun élu ne peut prétendre défendre l’environnement, les agriculteurs ou la souveraineté alimentaire s’il ne fait rien pour préserver les terres. Pourtant, la droite et l’extrême droite travaillent de concert à supprimer tous les objectifs et leviers mobilisables pour atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette, visant à garder nos sols vivants et à préserver notre souveraineté alimentaire. Telle est la ligne défendue par ceux qui votent pour que les autoroutes traversent nos terroirs, qu’ils affirment pourtant chérir… Quand on aime son pays, on ne l’ensevelit pas sous le béton !

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis défavorable à l’introduction d’un nouvel alinéa.

M. Antoine Villedieu (RN). Quand on aime son pays, on travaille à sa progression, non à sa régression !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2997 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les engagements pris par la France, ainsi qu’avec les recommandations des scientifiques qui soulignent l’intérêt des modèles sobres en intrants pour atteindre la souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Encore une fois, je suis défavorable à l’introduction d’un nouvel alinéa.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3442 de la commission du développement durable

M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable. Je souhaite mettre en avant la capacité de l’agriculture à capter du carbone. Il est de notre responsabilité de valoriser un certain nombre de pratiques. Ainsi la prairie permet-elle de capter jusqu’à 80 tonnes de CO2 par hectare, soit autant qu’une forêt.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable : il faut aller vers le captage du carbone et tous ses dérivés.

M. Dominique Potier (SOC). C’est ubuesque : notre commission s’apprête à adopter cet amendement au moment même où, à l’Élysée, le Gouvernement annonce aux organisations agricoles qu’il va accélérer la dérégulation de l’agroécologie, assouplir les règles de rotation des cultures et accroître les possibilités de retournement des prairies permanentes – autrement dit, qu’il est en train de lâcher sur les fondamentaux de l’agronomie et de faire l’impasse sur le concours de l’agriculture à la préservation de la biodiversité et à l’atteinte des objectifs de décarbonation.

M. le président Stéphane Travert. Merci, monsieur Potier, de nous informer de ce qui se passe à l’Élysée. Pour notre part, nous n’en savons rien.

Mme Anne-Laure Blin (LR). C’est bien dommage, monsieur le président, car ces annonces ne sont pas sans incidence, y compris pour le Parlement.

Je ne vois pas vraiment ce qu’apporte cet amendement. Nous avons déjà discuté de ce sujet ce matin, lors de l’examen de l’alinéa 7. Nous avons notamment évoqué la contribution de la production durable de biomasse à la décarbonation, et plusieurs de nos collègues ont souligné combien il était important d’encourager ce secteur. Si nous introduisons maintenant une nouvelle disposition, le projet de loi n’y perdra-t-il pas en cohérence ?

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE963 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Les nouvelles technologies de sélection génomique, dites NBT, peuvent nous aider à atteindre nos objectifs énergétiques, à diminuer l’usage des produits phytosanitaires et à obtenir des productions végétales et surtout animales résilientes au changement climatique. Alors que l’évolution génétique des espèces se fait sur du temps long, la génomie permettra d’accélérer cette transformation. Il ne pourra y avoir d’agriculture souveraine si nos agriculteurs ne bénéficient pas de ces nouvelles technologies.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Même si la technique des NBT est prometteuse, le sujet est sensible, comme l’a montré un rapport publié en 2022 par le Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS). Ce dernier a estimé que ces nouvelles technologies, bien que prometteuses – nous avons vu avec M. Chassaigne dans le Puy-de-Dôme des essais importants réalisés par l’Inrae – nécessitaient une certaine acceptabilité sociétale qui fait aujourd’hui parfois défaut.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Est-ce votre avis personnel ou votre avis de rapporteure ? Vos propos, qui reflètent le « en même temps » qui caractérise les députés du groupe Renaissance, sont particulièrement graves. J’ai cru comprendre qu’au niveau européen, votre mouvement avait défendu une position plutôt favorable au développement des NBT – cela m’avait d’ailleurs laissée perplexe, tant nous avions été habitués à entendre des avis divergents. Effectivement, ces technologies permettent de lutter contre le réchauffement climatique que vous dénoncez, en développant des espèces végétales particulièrement résistantes et économes en eau. Alors que l’on invoque beaucoup la nécessité de garantir la souveraineté alimentaire et agricole de notre pays, la France est en pointe dans l’utilisation des NBT dans le secteur des semences. Votre position est vraiment très grave.

M. Pascal Lavergne (RE). Les nouvelles techniques génomiques me semblent avoir un avenir très prometteur. La recherche et les semenciers les utilisent, et il faut effectivement encadrer cette pratique au niveau européen. Néanmoins, je ne pense pas que ces technologies aient leur place, à ce stade, à l’article 1er de ce projet de loi.

M. Francis Dubois (LR). Je pourrais retirer mon amendement, monsieur Lavergne, si vous acceptiez que nous le retravaillions pour le positionner à un autre endroit du texte.

Madame la rapporteure, permettez-moi de souligner vos contradictions. Vous ne pouvez pas expliquer que vous avez vu des expériences très prometteuses dans la circonscription de M. Chassaigne mais que vous allez en priver l’agriculture pour éviter de déranger – c’est ce que vous n’avez pas dit – une toute petite minorité de personnes très bruyantes et malveillantes. Puisque l’évolution génétique des espèces animales se fait sur du temps long, nous ne pourrons pas avancer sans avoir recours à la génomie.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Si j’invite à la prudence, c’est aussi parce que le rapport du CTPS souligne que le développement des NBT et des brevets sur les traits édités conduira à un renforcement des questions liées à la propriété intellectuelle. Attendons les brevets.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE3000 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit d’insérer, après l’alinéa 9, un alinéa portant sur un sujet prioritaire, à savoir la nécessité de garantir un revenu décent aux agriculteurs et de contrôler le partage de la valeur, de la production à la distribution.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Cet amendement illustre parfaitement votre position idéologique. On ne pourra garantir un revenu décent aux agriculteurs, comme vous le souhaitez, qu’en facilitant leur vie d’entrepreneur, en simplifiant les procédures auxquels ils sont soumis, en leur donnant de la liberté pour réaliser l’ensemble de leurs projets. Les agriculteurs ne sont pas des fonctionnaires : leur revenu n’est pas automatique. Il est vrai que leur activité dépend d’un certain nombre d’éléments conjoncturels, notamment climatiques, mais pour se dégager un revenu décent, il faut simplement qu’ils puissent faire vivre leur exploitation en ayant suffisamment de marges de manœuvre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2163 de M. Johnny Hajjar

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à accorder une priorité nationale au développement des filières de diversification dans les territoires d’outre-mer.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement, que je vous invite à retravailler en vue de la séance.

M. Charles de Courson (LIOT). Je l’ai déjà dit tout à l’heure : plutôt que de « territoires » d’outre-mer, vous devriez parler de « collectivités », faute de quoi vous exclurez les départements d’outre-mer, ce qui n’est pas votre intention.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement résulte d’une réflexion exprimée par certains, y compris par le Président de la République au Salon de l’agriculture. Il y a aujourd’hui deux filières majoritaires dans les outre-mer : la canne à sucre et la banane. Il convient de diversifier l’agriculture ultramarine et de réorienter d’urgence les aides européennes ainsi que les mesures nationales vers les petites exploitations et les petites filières agricoles de ces territoires.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Il est essentiel de soutenir l’agriculture dans les territoires ultramarins, notamment à Mayotte où une agriculture biologique essaie de se structurer et où la filière de la vanille est en grande difficulté. Je soutiens donc cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE3446 de la commission du développement durable et CE3001 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’implication de la société civile dans les processus décisionnels, à travers une gouvernance pluraliste, est au cœur du concept de souveraineté alimentaire tel que l’a reconnu l’ONU en 2018. Au vu des tournants majeurs que nous imposent les changements climatiques, il est plus que jamais nécessaire de faire place au dialogue et au pluralisme dans les processus décisionnels et la conduite des politiques publiques, y compris agricoles. Tel est l’objet de l’amendement CE3001, qui assurerait également la cohérence des politiques publiques françaises avec le droit international.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons déjà parlé du pluralisme à propos d’amendements précédents.

M. Frédéric Descrozaille (RE). L’expression « l’ensemble des instances de gouvernance agricole et alimentaire » qui figure dans l’amendement est imprécise. J’ajoute que le scrutin consulaire est le même que pour l’élection des conseillers municipaux. Ces derniers ne sont-ils pas assez représentatifs ? N’y a-t‑il pas assez de pluralisme aux élections municipales ?

France Services agriculture sera ouvert à tout type de projets, et chaque porteur de projet pourra choisir son accompagnant.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il serait utile de garantir le pluralisme dans les instances agricoles, dans la mesure où le ministère a la possibilité de modifier par décret le mode de scrutin pour l’élection des membres des chambres d’agriculture qui se tiendra en janvier prochain. Le but de la loi est précisément d’indiquer au ministère quels principes nous souhaitons voir respectés ; aussi me semble-t-il essentiel que nous, parlementaires, soulignions l’importance que nous accordons au pluralisme.

M. Pascal Lecamp (Dem). À l’article 10 relatif au fonctionnement du réseau France Services agriculture, je défendrai un amendement où figurent deux fois les mots « pluralisme » et « équité ». Or, comme vient de l’expliquer Frédéric Descrozaille, ce n’est pas vers la chambre d’agriculture mais vers le guichet France Services agriculture que les entreprises offrant des services aux agriculteurs seront orientées pour répondre aux besoins de ces derniers.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3445 de la commission du développement durable et CE3006 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur l’amendement CE3445, je m’en étais remise à la sagesse de la commission du développement durable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Ce projet de loi entend soutenir la souveraineté alimentaire, qui permet à un pays de mener les politiques agricoles les mieux adaptées à sa population sans porter atteinte à celles des autres pays. Ainsi, la souveraineté alimentaire rompt impérativement avec l’organisation des marchés agricoles issue de l’Organisation mondiale du commerce. Elle rompt avec le principe selon lequel les échanges agricoles et alimentaires obéissent aux mêmes règles que les échanges de voitures ou de minerais. Elle rompt avec les accords commerciaux injustes qui laissent nos agriculteurs aux prises avec des produits non soumis à des normes sociales ou environnementales similaires. Elle rompt avec la soumission des paysans français aux impératifs de compétitivité ultra-concurrentielle issus d’une globalisation non régulée. La souveraineté alimentaire est, en somme, la possibilité pour les peuples de déterminer eux-mêmes les politiques agricoles qui leur sont destinées, plutôt que de satisfaire des contraintes de marché. En cohérence avec cette définition, notre amendement CE3006 prévoit que les politiques agricoles françaises doivent « œuvrer au rééquilibrage des échanges agricoles et alimentaires, en veillant à la réciprocité des normes dans les accords commerciaux et au rétablissement de mécanismes de régulation publics des marchés agricoles aux niveaux européen et international ».

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements déjà examinés précédemment.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE1225 de Mme Mathilde Paris.

 

Amendements identiques CE2336 de Mme Manon Meunier et CE2340 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). On observe une baisse de 32 % du nombre de conversions au bio, qui s’explique notamment par le manque de débouchés des productions. La proportion des surfaces cultivées en bio stagne, à 10,7 % : il s’agit là d’un échec pour le Gouvernement, qui s’était fixé en 2022 un objectif de 15 %. Du fait de cette crise du bio, des filières associées entières sont en train de s’effondrer. Cette situation est imputable au Gouvernement, qui refuse de faire du tort à la grande distribution alors que 46 % du surcoût des produits bio provient en réalité des surmarges réalisées par les grandes surfaces et qu’en raison de l’inflation, les consommateurs peuvent de moins en moins se permettre d’acheter du bio.

Face à un tel écroulement, la moindre des choses est de faire en sorte que la restauration collective serve des produits bio. Aussi l’amendement CE2336 vise-t-il à inscrire dans la loi l’objectif de 100 % de produits issus de l’agriculture biologique et locale servis dans ce type de restauration.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il faut réaffirmer que la situation de la filière bio dépend du soutien que lui accordent les politiques publiques. Aujourd’hui, la majeure partie des moyens financiers sert à corriger les externalités négatives de l’agriculture conventionnelle, laissant l’agriculture bio se débrouiller presque sans aide. Il y a donc une distorsion de concurrence assez forte entre les deux modèles. Avec une volonté politique, l’agriculture biologique pourra se développer : ainsi, dans le département de la Dordogne, les cantines des collèges servent 100 % de produits bio. Cependant, s’il n’y a pas au niveau national une volonté d’orienter les politiques publiques en faveur de cette filière, qui produit une alimentation plus saine et n’entraîne pas d’externalités négatives, le bio ne prospérera pas.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. J’entends les difficultés dont souffre la filière bio, mais beaucoup d’efforts ont déjà été faits dans le cadre de la loi Egalim. Je ne souhaite pas qu’on aille plus loin sur ce sujet dans le cadre de ce projet de loi et vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3237 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement souligne la nécessité de développer et de promouvoir les produits bénéficiant d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine, qui sont à l’origine de bénéfices variés. Ils concourent à l’atteinte de la souveraineté alimentaire et assurent généralement aux producteurs une rémunération supérieure, ce qui améliore tant l’attractivité des métiers agricoles que les conditions de vie des agriculteurs. Pour les consommateurs, ils sont le gage d’une alimentation de qualité. Enfin, ils jouent un rôle significatif dans le dynamisme de nos territoires.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Même si je suis d’accord avec vous sur le principe, c’est dans le cadre de l’Union européenne que nous devons mener la réflexion sur l’origine des produits.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3444 de la commission du développement durable et CE2999 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. En commission du développement durable, j’avais donné un avis favorable à cet amendement assez intéressant visant à développer et renforcer les systèmes alimentaires territorialisés.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable. Ces amendements sont satisfaits.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE3235 de Mme Marie Pochon

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je sais que tout le monde veut aller vite, mais il est dommage de ne pas avoir un échange sur le projet de sécurité sociale de l’alimentation.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il existe des expérimentations locales de sécurité sociale alimentaire, qui fonctionnent avec des produits issus de l’agriculture locale et montrent qu’une alimentation de qualité, même bio, peut être consommée par toutes les classes sociales. Les résultats sont tout à fait positifs. Certains collègues, y compris de la majorité présidentielle, comme M. Ramos, défendent d’ailleurs ce type de système, qu’il conviendrait de soutenir dans le présent projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE2568 de M. Julien Dive est retiré.

 

Amendement CE3105 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Je souhaite aborder un sujet qui constitue un angle mort de nos échanges depuis le début de nos travaux : l’orientation des aides publiques, qui est l’un des leviers de la souveraineté alimentaire. Une politique publique, c’est d’abord des finances publiques. Or, les 9 milliards d’euros versés au titre de la PAC sont inéquitablement alloués aux différentes formes d’agriculture et aux différentes tailles d’exploitation ; par ailleurs, les près de 4 milliards d’aides fiscales bénéficient plutôt à une certaine catégorie d’exploitations, et n’encouragent pas vraiment les bonnes pratiques en matière d’économie et de performances agricoles.

Je propose donc que l’on précise, à l’alinéa 10, que les financements publics, qu’il s’agisse des aides fiscales, des aides de la PAC ou des aides nationales, sont un déterminant de la souveraineté alimentaire. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, une modulation des aides en fonction de la surface médiane des exploitations, voire un plafonnement de ces aides afin d’éviter un agrandissement des exploitations qui nuirait à notre souveraineté alimentaire ? Pour dire les choses autrement, les finances publiques sont un horizon à explorer.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Les politiques publiques sont déjà mentionnées à l’alinéa 4.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Je vous trouve un peu injuste, monsieur Potier, car j’ai moi-même évoqué la question des financements, mais il est effectivement très important et structurant d’orienter les politiques publiques et de les adosser à des financements.

Si l’on distribuait les 9 milliards d’euros d’aides de la PAC à parts égales entre toutes les exploitations agricoles, chacune recevrait un peu plus de 20 000 euros. J’en connais qui s’en satisferaient largement.

M. Thierry Benoit (HOR). Je voterai pour cet amendement. On sait que nos agriculteurs et surtout nos éleveurs tirent leurs revenus de la vente de leurs produits. Des politiques agricoles sont nécessaires pour deux raisons : pour permettre aux consommateurs européens, en particulier français, de s’alimenter au prix le plus accessible possible ; et pour soutenir certaines formes d’agriculture qui en ont besoin, y compris avec des financements publics, qu’il s’agisse de crédits nationaux ou européens. J’aimerais d’ailleurs que nous évaluions cette année la PAC en cours en vue de la réorienter – c’est possible !

M. Dominique Potier (SOC). Madame la rapporteure, j’ai bien compris que votre avis ne portait pas sur le fond, mais sur la forme : vous estimez que mon amendement serait superfétatoire. Sauf que si l’on devait supprimer de l’article 1er toutes les dispositions superfétatoires, l’exercice serait pénible… Il s’agit ici de souligner que les financements sont l’un des leviers majeurs des politiques publiques, ce dont nous convenons tous.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je suis, comme M. Benoit, très sensible aux propos de M. Potier. Je proposerai tout à l’heure de compléter l’article 8 en prévoyant un recours aux financements publics, et en particulier aux banques publiques, pour favoriser le transfert des exploitations et le renouvellement des générations. Il serait donc logique que ces financements publics soient déjà mentionnés à l’article 1er.

La commission adopte l’amendement.

 

4.   Réunion du jeudi 2 mai 2024 à 15 heures : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 2 mai 2024 à 15 heures, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

Article 1er (suite) : Consécration de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture comme étant d’« intérêt général majeur » en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France

Amendements identiques CE1917 de Mme Mathilde Hignet et CE3002 de Mme Marie Pochon

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Les politiques alimentaires nous semblent devoir agir sur les modes de consommation, notamment l’équilibre entre protéines animales et végétales, en vue de privilégier les modes de production les plus vertueux. Il importe de réduire la surconsommation de viande à bas coût comme le poulet, en grande partie importé, de favoriser l’élevage extensif en plein air et de valoriser la production de qualité française.

Il faut également soutenir les productions de protéines végétales. En France, une lentille sur cinq provient du Canada, où le glyphosate peut être appliqué juste avant la récolte, alors que c’est interdit chez nous. Cette concurrence déloyale illustre à elle seule le scandale que constituent les accords de libre-échange, notamment le Ceta (Accord économique et commercial global). La conséquence en est que moins de 2 % des surfaces de grande culture sont consacrés aux légumineuses en France. Il faut développer la filière bio et le plein air ; tel est l’esprit de cet amendement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et pour le titre II (articles 2 à 4). Sur le fond, je suis d’accord avec vous, le bon équilibre entre protéines végétales et animales est nécessaire avant tout pour des raisons de santé, mais également pour ne pas trop dépendre d’un pays tiers. Cependant, l’alinéa 5 précise déjà que la souveraineté alimentaire implique de fournir à la population une alimentation « saine et diversifiée », ce qui recouvre parfaitement votre préoccupation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. La référence, à l’alinéa 10, à la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) définie à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime suffit à répondre à votre demande. Avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). Nous avons adopté un amendement pour lutter contre la décapitalisation des cheptels, particulièrement en élevage bovin. Je suis totalement opposé à ces amendements, qui attaquent l’élevage français.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Ils visent, au contraire, à soutenir notre filière de plein air, qui a beaucoup de mal à se maintenir, même dans la filière bio. On ne peut pas se contenter d’évoquer une alimentation saine et diversifiée ; il faut montrer que l’on souhaite privilégier les modes de production vertueux, c’est-à-dire tout à la fois l’élevage en plein air et une production de protéines végétales.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3532 de M. Éric Girardin

M. Pascal Lecamp (Dem). Le renouvellement des générations, gage de notre souveraineté alimentaire, doit se faire en accord avec les orientations que nous souhaitons donner à notre agriculture et avec les engagements déjà pris sur le terrain, en particulier dans l’agriculture biologique. Il s’agit d’éviter que la transmission soit l’occasion pour les nouveaux preneurs de déconvertir les exploitations.

Pour répondre à la remarque de Mme Batho sur l’absence du bio dans ce texte, je souhaite rappeler avec force le maintien des engagements des pouvoirs publics, en particulier de la boussole du déploiement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), qui vise à porter la part de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique à 21 % en 2030. Même si certains trouvent cela insuffisant, l’important est de maintenir la trajectoire que nous nous sommes fixée.

M. Éric Girardin, rapporteur général. Cet amendement réaffirme notre volonté de favoriser la politique d’installation et de transmission dans le respect de l’engagement pris par un ancien exploitant de s’engager dans la culture biologique, en faisant en sorte que le nouvel installé suive la même trajectoire. Cela s’inscrit parfaitement dans l’orientation stratégique de la France, qui souhaite porter à 21 % en 2030 la part de la surface agricole en bio.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me paraît préférable de remplacer « de la boussole du déploiement » par « des orientations » de la stratégie nationale pour la biodiversité. Je vous propose d’adopter un sous-amendement en ce sens.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Le plus simple serait de rectifier l’amendement en précisant que cela se fait « dans le respect de la stratégie nationale biodiversité 2030 ».

M. Marc Fesneau, ministre. Cela me convient.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

 

Amendement CE2326 de Mme Lisa Belluco

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il s’agit d’un amendement d’appel pour connaître l’état d’avancement de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, qui aurait dû être publiée il y a dix mois. Sera-t-elle enterrée, comme la loi de programmation « énergie-climat » (loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat) ou tant d’autres stratégies ? Le Gouvernement a-t-il définitivement abandonné l’idée d’être un planificateur de la transition écologique ?

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. La crise agricole a un peu perturbé nos travaux, notamment au niveau interministériel. Notre objectif est de présenter cette stratégie au début de l’automne. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1983 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il s’agit d’inscrire la solidarité alimentaire parmi les objectifs de l’agriculture française. La recrudescence de la faim en France est patente ; selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), 11 millions de personnes déclarent ressentir la faim, contre 6 millions il y a quelques années. Conséquence de l’augmentation des prix alimentaires, elle illustre le lien existant entre agriculture et alimentation. Voilà pourquoi il me semble important d’inscrire cet objectif dans la loi.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’alinéa 5 précise que l’alimentation doit être accessible à tous. Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3003 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il convient, par cohérence, de compléter l’alinéa 10 en mentionnant les autres textes qui engagent notre pays, c’est-à-dire la stratégie nationale bas-carbone, le plan national d’adaptation au changement climatique et la stratégie nationale pour la biodiversité.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable ; cela est déjà évoqué dans la stratégie nationale bas-carbone.

M. Marc Fesneau, ministre. De même que dans l’amendement que nous venons d’adopter sur la biodiversité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3448 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement traite des paiements pour services environnementaux (PSE). J’étais en accord sur le fond mais pas sur la forme, raison pour laquelle j’avais émis un avis défavorable.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je rappelle que les PSE rémunèrent les agriculteurs ou des actions qui contribuent à restaurer et à maintenir les écosystèmes dont la société tire les bénéfices – préservation de la qualité de l’eau, stockage du carbone, protection du paysage et de la biodiversité. Il s’agit de dispositifs économiques visant à orienter les agriculteurs vers des comportements plus vertueux d’un point de vue environnemental. Le cadre national de PSE a été validé par la Commission européenne le 18 février 2020. Les agriculteurs ayant déjà recours à ce dispositif, j’estime que l’amendement est satisfait en pratique, et qu’il est donc inutile de les consacrer de nouveau dans un texte de loi. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Au reste, le champ des PSE est plus restreint que celui des mesures agroenvironnementales. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1935 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). La règle des 4 % de surfaces en infrastructures agroécologiques vient d’être détricotée au niveau européen, avec le soutien du Gouvernement, de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et du Copa-Cogeca (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne-Confédération générale des coopératives agricoles), au prétexte que cela constituerait un handicap pour notre compétitivité – un argument assez cocasse quand le Gouvernement défend par ailleurs des accords de libre-échange bien plus dangereux à cet égard. Il faut sauvegarder les services agrosystémiques apportés par ces 4 % qui restent dans la main de chaque État membre et qui sont très utiles aux agriculteurs.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, car je ne souhaite pas allonger outre mesure la liste qui figure à l’article 1er.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Le seuil de 4 % est maintenu en matière de conditionnalité des aides de la politique agricole commune (PAC), et il est même de 7 % pour les écorégimes. C’est l’obligation de jachère que nous avons supprimée dans le plan stratégique national (PSN).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1936 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Si nous voulons atteindre les objectifs de souveraineté alimentaire, il faut réformer la politique agricole commune à la fois au niveau européen et au niveau national. Avec 10 milliards d’euros par an et 25 000 euros par bénéficiaire en France, une grande partie des revenus des agriculteurs – 50 %, parfois 80 % en élevage bovin – est couverte par les aides publiques. Les aides de la PAC sont donc la politique publique qui influence le plus les pratiques de production et, globalement, les trajectoires de développement agricole.

Nous critiquons cette PAC parce qu’elle favorise le capital foncier plutôt que le travail, en rémunérant au nombre d’hectares et non en fonction du nombre d’actifs agricoles. De plus, des études ont démontré que plus une exploitation est grande, moins bonnes sont ses pratiques et plus elle touche d’aides de la PAC par hectare et par actif.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La réforme de la PAC est une politique constante au sein de l’Union. La France pousse pour qu’elle soit régulièrement révisée, au bénéfice de nos agriculteurs. Votre amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1985 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il s’agit de prévoir l’utilisation de tous les instruments disponibles pour nous protéger de la concurrence externe déloyale, dont les clauses de sauvegarde, présentes dans nombre d’accords internationaux. Ces clauses donnent à un État ou à l’Union la possibilité de se protéger dès lors que sa production est mise en danger par des importations massives et soudaines, ou lorsque des importations de produits ne respectent pas des normes sanitaires essentielles pour la santé. Ce mécanisme a été activé par la France concernant les importations de cerises, en raison de l’utilisation de pesticides jugés néfastes par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Il faut savoir que l’Europe utilise ces clauses quatre fois moins que les États-Unis.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. En visant « tous les instruments disponibles », votre amendement est très imprécis. Sa mise en œuvre serait donc difficile. Demande de retrait, même si nous sommes d’accord sur le fond.

M. Marc Fesneau, ministre. Ce mécanisme relève du domaine européen. Il a déjà été activé au niveau européen, et la France y a eu recours concernant les importations de cerises, de volailles et d’œufs. Le dispositif est donc déjà opérant. Avis défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Ce n’est pas seulement un sujet européen, puisque vous dites vous-même que la France a activé ce dispositif concernant les cerises, sans attendre l’Europe.

Il n’en reste pas moins important que la France tienne, au niveau de l’Europe, cette position appelant à recourir davantage à la clause de sauvegarde. L’Union européenne l’utilise quatre fois moins que les États-Unis : nous sommes plus royalistes que le roi, plus libéraux que tous les libéraux ! L’Europe est la zone du monde qui a le plus libéralisé ses marchés agricoles. La France doit reprendre sa position historique en faveur d’une régulation forte des marchés agricoles. L’inscrire dans cette loi y contribuerait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1986 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Les mêmes normes sanitaires et environnementales doivent s’appliquer aux produits d’importation et aux produits français. Les agriculteurs veulent faire la transition écologique, mais ils attendent d’être soutenus et mieux protégés lorsqu’ils mettent en œuvre de hauts standards environnementaux. Inscrire un tel objectif dans la loi permettrait de répondre à leur demande.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, par cohérence.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, d’autant que cela s’appliquerait aux produits européens. C’est avant tout la surtransposition que les agriculteurs français ne comprennent pas.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3447 de la commission du développement durable et CE2217 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défendu. Je précise que j’avais personnellement donné un avis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’objet de cet amendement est de prévenir la dérégulation totale des nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM), à propos desquels un règlement européen est actuellement en discussion. La majorité de nos concitoyens sont opposés aux OGM comme aux nouvelles techniques génomiques (NTG), et 91 % d’entre eux souhaitent savoir si les produits alimentaires qu’ils achètent en contiennent. Or, les produits contenant des NTG ne sont pas nécessairement étiquetés comme tels.

De nombreux lobbies prétendent que nous n’aurions pas la capacité technique d’assurer ce suivi. Autoriser les NTG, c’est signer pour que nos concitoyens en achètent et en mangent sans même le savoir ; c’est bafouer leur droit à l’information. La souveraineté alimentaire passe par le droit des citoyens à définir leurs propres systèmes alimentaires. N’abandonnons pas cette notion.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez que les politiques publiques en faveur de la souveraineté alimentaire mettent en œuvre des actions pour interdire la brevetabilité du vivant. Cette dernière est définie par la directive 98/44 de l’Union européenne : les variétés végétales, les races animales et le corps humain ne peuvent être brevetables ; le sont les inventions portant sur des végétaux ou des animaux, dont l’application n’est pas techniquement liée à une variété, mais aussi sur un élément isolé du corps humain.

En agriculture, les débats sur ce sujet ont pris de l’ampleur depuis les années 1990 en raison du développement des OGM et du séquençage de l’ADN. Même si le sujet est très délicat, puisqu’il comporte des enjeux à la fois économiques, environnementaux et éthiques, il ne faut pas interdire sans distinction possible l’option de breveter par exemple une céréale qui serait moins consommatrice en eau. Pour des raisons de prudence, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous sommes favorables aux nouvelles techniques génomiques parce qu’elles permettent, dans bien des cas, de se passer de produits phytosanitaires. La décision concernant les NTG et les nouvelles techniques de sélection (NBT) relève du niveau européen. En demandant leur interdiction, vos amendements procèdent à une surtransposition. Avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). La sélection variétale permet de s’affranchir de certains intrants et de résister au manque d’eau, ainsi qu’à certains ravageurs. Les NBT sont un outil à la disposition des agriculteurs : faisons leur confiance pour se montrer responsables dans l’utilisation des intrants et des NBT, et faisons confiance à la science. Je suis contre ces amendements.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). La position du ministre et de nos collègues des Républicains est l’inverse de celle que la France exprime historiquement depuis le tournant décidé par le président Sarkozy avec le Grenelle de l’environnement sur la question des OGM. À l’époque aussi, les firmes multinationales agrochimiques de la semence diffusaient la chanson douce selon laquelle on allait trouver une plante magique qui n’aurait plus besoin de pesticides ni d’eau. C’est exactement l’inverse qui a été démontré : les OGM ont été conçus pour vendre du glyphosate.

Quant à la sélection variétale, elle pose la question de l’élimination de la diversité. Or, certaines variétés anciennes étaient beaucoup plus robustes que celles issues de l’uniformisation des semences, qui a produit une catastrophe écologique et alimentaire.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE2344 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’Union européenne est l’une des zones, peut‑être même la seule, à avoir signé autant d’accords de libre-échange. Selon la Commission européenne elle-même, leurs effets cumulés remettent en cause la souveraineté alimentaire agricole concernant certains produits comme les viandes ovine, porcine et bovine, et les protéines végétales. Nous vous proposons de cesser, au moins pour un temps, de signer ces accords, notamment ceux à venir avec la Thaïlande, l’Australie et le Mercosur.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Tel qu’il est rédigé, votre amendement s’oppose à tous les accords, et non aux seuls accords à venir. Par ailleurs, un tel moratoire serait extrêmement préjudiciable à nos agriculteurs, qui ne pourraient plus exporter. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. La France s’est opposée à plusieurs accords de libre‑échange, notamment avec l’Australie et le Mercosur. De plus, il ne vous aura pas échappé que c’est un sujet de nature européenne.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je retravaillerai l’amendement en vue de la séance en précisant que le moratoire s’appliquera aux accords de libre-échange à venir. Ne vous inquiétez pas, nous vous proposerons une version spécifique, car nous avons bien compris que la majorité présidentielle était résolument pour l’accord avec le Canada. Mais il faut au moins qu’elle mette un terme au désastre avec les futurs accords.

Nous sommes la zone qui dérégule le plus ses marchés agricoles dans le monde. Les États-Unis ont signé beaucoup moins d’accords de libre-échange que l’Union européenne : ne soyons pas plus libéraux que les libéraux !

M. Pascal Lecamp (Dem). Je répondrai, en même temps qu’à Mme Trouvé, à M. Prud’homme, qui m’a accusé ce matin de naïveté en matière de commerce extérieur, que celui-ci est historiquement positif pour l’agriculture et l’agroalimentaire français, et qu’il le restera tant que nous serons une grande puissance agricole. Il faut certes combattre les accords qui ne contiennent pas de clause miroir, mais il faut absolument conserver notre puissance exportatrice : c’est ce qu’attendent nos agriculteurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2280 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques CE3449 de la commission du développement durable et CE2222 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les amendements CE2280 et CE2222 ont pour objet d’élaborer une stratégie de maillage de notre territoire en abattoirs fixes et mobiles. La France compte environ 230 abattoirs d’animaux de boucherie, soit dix-huit fois moins qu’en Allemagne, treize fois moins qu’en Autriche et sept fois moins qu’en Italie. En conséquence, les éleveurs doivent parcourir des distances toujours plus importantes pour acheminer leur bétail, ce qui signifie davantage de souffrances pour les animaux durant le trajet, des coûts et des difficultés plus importants pour les éleveurs, et moins de visibilité dans l’organisation du travail pour celles et ceux qui s’installent.

Nous devons retrouver un véritable maillage territorial en ce domaine, ce qui passera par des solutions d’abattage à la ferme. De cette manière, les animaux ne seraient plus transportés, nous pourrions développer des circuits courts au lieu de faire venir de la viande depuis le bout du monde, et nos éleveurs gagneraient en autonomie. L’élevage paysan et l’abattage de proximité sont des atouts pour la souveraineté alimentaire, contrairement aux traités de libre-échange et aux abattoirs industriels, qui laissent de côté nos petits éleveurs.

L’amendement CE2280 tend à fixer un seuil minimal d’animaux tués à la ferme, seuil qui pourrait être rehaussé, en fonction des filières, par un décret en Conseil d’État. L’amendement CE2222, de repli, vise à organiser un maillage territorial d’abattoirs, mais sans fixer de seuils. Je précise que ce dernier amendement a été adopté par la commission du développement durable après un avis de sagesse de la rapporteure pour avis.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CE3449, qui est un amendement de repli par rapport au CE2280, a été adopté à l’unanimité par la commission du développement durable. Il vise simplement à ce que les politiques publiques mettent en œuvre les actions nécessaires pour « organiser un maillage territorial d’abattoirs fixes et mobiles suffisant sur le territoire national pour chaque filière d’élevage concernée ». Sa portée financière est donc limitée.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis d’accord avec la nécessité d’un maillage d’abattoirs fixes et mobiles – pour avoir, sur mon exploitation, un atelier de transformation agréé CE, je connais bien la question. Ne faudrait-il pas toutefois renforcer économiquement les dispositifs existants pour qu’un tel maillage existe sur l’ensemble du territoire ? Souvenez‑vous de la faillite de l’entreprise « Le Bœuf éthique », au printemps 2023. Je suis favorable à l’augmentation du nombre d’abattoirs, mais je demande le retrait des amendements pour des raisons économiques.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous travaillons sur le sujet du maillage territorial en abattoirs, qui est effectivement important. À la vérité, ce secteur est en grande difficulté économique, et on peut difficilement envisager de maintenir le maillage de façon aveugle. Peut‑être pourrions-nous nous entendre sur le fait que la surnormation fait que l’équilibre économique est plutôt atteint par les gros abattoirs. Quant à l’Allemagne, on n’y trouve pas exactement le même type d’élevage qu’en France, mais nous pouvons quand même parler du maillage territorial dans ce pays.

Comme la rapporteure, je demanderai donc le retrait de ces amendements. Puisque nous sommes convenus que la nouvelle rédaction de l’article reviendrait sur la question de la souveraineté dans le secteur de l’élevage, il pourrait être pertinent de mentionner le maillage des abattoirs au même endroit, plutôt que d’ajouter encore un nouvel alinéa.

M. Francis Dubois (LR). Un plan d’action pour consolider le maillage en abattoirs a été lancé et des crédits ont été alloués à ce secteur dans le cadre du plan France relance. Pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il serait important de préciser que notre ambition est également de mailler notre territoire en abattoirs publics, afin qu’un maximum d’exploitants, toutes filières ou toutes régions confondues, disposent d’une solution alternative aux abattoirs de l’industrie agroalimentaire.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Je soutiens ces amendements, dont l’adoption serait cohérente avec ce que nous avons approuvé plus tôt s’agissant du développement de l’agropastoralisme. S’il y a davantage d’éleveurs et que nous soutenons les filières pastorales, il faut aussi que nous puissions abattre les animaux à proximité de leur lieu d’élevage. Faire plus d’une heure de route pour emmener les animaux à l’abattoir, c’est énorme et inquiétant pour les éleveurs.

M. Marc Fesneau, ministre. Excellente question, monsieur Dubois ! Vous me posez une colle à laquelle je ne saurai répondre à brûle-pourpoint, mais je m’engage à vous communiquer rapidement des chiffres, notamment sur les montants dépensés.

Par ailleurs, rappelons que certains abattoirs bénéficiant du plan France 2030 ont pris du retard dans le développement de leurs projets. Alors que des échéances, notamment européennes, de dépenses et d’engagements approchent, nous réfléchissons aux moyens de prolonger le calendrier, de sorte que les abattoirs concernés obtiennent bien les crédits sur lesquels ils comptaient.

L’amendement CE3449 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE2280 et CE2222.

 

Amendement CE3450 de la commission du développement durable, amendements identiques CE3004 de Mme Marie Pochon et CE3106 de M. Dominique Potier (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CE3450 vise à réécrire l’alinéa 11, en formulant plus précisément les objectifs en matière d’exportations agricoles et en indiquant que la réduction de la dépendance aux importations doit notamment porter sur les engrais et les protéines végétales.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE3004 tend également à réécrire l’alinéa 11, en donnant comme impératif la réduction de notre dépendance aux importations d’engrais, de pesticides, d’alimentation animale et d’énergie.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La dépendance de notre pays aux intrants étrangers, et notamment aux engrais, est forte, en effet. J’ai visité certaines exploitations d’engrais en Lituanie et je trouve dramatique qu’il faille, avec un coût carbone considérable, en importer. Avis favorable sur l’amendement CE3450 et défavorable sur les amendements identiques.

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis moins enthousiaste : quand on commence une énumération, on ne sait pas quand elle se termine – nous n’avons pas encore parlé des fruits et légumes ou de la pisciculture. La formulation générale retenue ici vaut pour l’ensemble des filières, donc celle des pesticides et des engrais. Avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). Tel qu’ils sont rédigés, ces amendements me semblent indiquer une volonté de réintroduire une production de produits phytosanitaires de synthèse sur notre territoire national. Pourquoi pas ?

Mme Sandra Marsaud (RE). Les mots « dépendance aux exportations » me semblent prêter à confusion. Est-il question uniquement des pesticides et des engrais ?

M. Dominique Potier (SOC). Notre dépendance aux fruits et légumes produits dans la péninsule Ibérique ou en Turquie est un autre sujet. Il s’agit ici des consommations intermédiaires dont dépend notre capacité à produire, que ce soit des céréales ou des produits d’élevage.

Je ne suis pas certain que les formulations proposées par ces amendements soient parfaites – de toute façon, l’ensemble de l’article 1er sera réécrit. L’important, c’est d’en adopter un pour affirmer que nous ne devons pas être dépendants de produits de consommation intermédiaire originaires de puissances étrangères, qu’il s’agisse du gaz russe pour la production des ammonitrates ou des phosphates provenant du Maroc. Nous devons retrouver une souveraineté en ce domaine : tel est le message.

Mme Annie Genevard (LR). Il me semble que la formule « maîtriser la dépendance aux exportations » reviendrait à réduire les exportations du secteur agricole. Notre agriculture est exportatrice et notre balance commerciale, déjà pas fameuse ; s’il faut encore réduire ce que nous exportons, je m’interroge.

Par ailleurs, je suis d’accord qu’une énumération a vocation à être indéfiniment complétée.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE1577 de M. Antoine Villedieu et CE1697 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Antoine Villedieu (RN). Du fait que la France importe un tiers de sa consommation alimentaire, les traités de libre-échange compliquent l’atteinte de notre souveraineté alimentaire. Nous ne devons pas nous contenter de prendre des mesures de nature à gérer cette situation ; notre responsabilité est de la transformer. La formulation « maîtriser les dépendances » sous-entend la perpétuation d’une dépendance inacceptable vis-à-vis de marchés extérieurs. Nous lui préférons le terme « réduire », qui affirmerait une intention claire et établirait une stratégie. Réduire, c’est prendre des mesures concrètes pour diminuer progressivement notre dépendance.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1964 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il vise à interdire l’importation sur le territoire français de produits responsables de déforestation – le soja, le cacao ou l’huile de palme y contribuent fortement au Brésil, en Indonésie ou en Côte d’Ivoire. Ainsi, la forêt amazonienne a perdu 79 millions d’hectares entre 1970 et 2018.

Nous avons validé la stratégie nationale bas carbone (SNB) ; c’est un point positif pour la France, mais il faut aussi s’interroger sur ce que nous faisons subir à la biodiversité dans le reste du monde, ainsi qu’aux peuples autochtones.

J’ajoute qu’une telle interdiction nous permettrait de limiter la pression que font peser ces produits sur nos agriculteurs et nos éleveurs, qui subissent une concurrence déloyale.

Enfin, cet amendement nous mettrait en cohérence avec le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, qui vise également à interdire ce type d’importations.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Cet amendement est trop général et des mesures contre la déforestation ont déjà été votées. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous partageons pleinement votre objectif, mais un règlement européen – texte d’application directe – est déjà en vigueur dans ce domaine : il n’est pas utile de faire des ajouts, qui risqueraient d’ailleurs d’être discordants. Peut-être les eurodéputés de votre groupe n’ont-ils pas voté ce texte, mais il s’agit d’un bon règlement, que beaucoup ont salué, même si son application pose parfois question. Ce serait une erreur que d’établir nos propres normes dans notre coin sans se soucier de la réglementation européenne, qui s’impose en matière de commerce. L’amendement étant satisfait, je lui donne un avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Ce règlement européen est contesté.

M. Marc Fesneau, ministre. Il est contesté s’agissant de sa mise en application. Vous n’ignorez pas que l’on vote parfois des lois sans savoir comment elles seront ensuite appliquées. En l’occurrence, les choses sont complexes.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Précisément, si ce règlement est contesté dans sa mise en application – dont vous aviez en effet reconnu la complexité devant le groupe d’études sur la forêt et la filière bois –, l’inscription d’une telle interdiction dans ce projet de loi inciterait le Gouvernement à chercher à l’organiser afin que l’importation sur le territoire français de produits responsables de la déforestation, que nous déplorons toutes et tous, je l’espère, soit effectivement interdite.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE2542 de M. Emmanuel Maquet, CE646 de M. Vincent Descoeur et CE3005 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

M. Francis Dubois (LR). Par l’amendement CE2542, Emmanuel Maquet et moi‑même proposons d’« organiser la conquête des marchés internationaux par les produits de l’agriculture française ». Il s’agit de promouvoir notre agriculture, qui est reconnue d’excellence et durable, pour qu’elle reprenne sa place dans la balance commerciale et afin de garantir des revenus à nos exploitants agricoles, grâce à l’exportation de leurs productions à l’international, qu’il s’agisse du vin ou du fromage.

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). S’il faut, bien sûr, aller conquérir de nouveaux marchés, il convient également de faire respecter nos normes. C’est l’objet de l’amendement CE646.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE3005, de nature différente, vise à établir un moratoire sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) dédiées à l’élevage.

La souveraineté alimentaire requiert la priorisation de systèmes alimentaires territorialisés et d’une alimentation de proximité ; la maîtrise de l’impact de nos exportations et importations vers et depuis les pays tiers ; le rééquilibrage des échanges en faveur d’un commerce plus équitable ; la réduction des importations d’intrants. Or, les ICPE d’élevage soumises à autorisation sont très dépendantes des produits importés, tels que le soja, dont la culture contribue massivement à la déforestation. Chaque année, la France en importe environ 3,2 millions de tonnes d’Amérique latine pour l’alimentation des animaux d’élevage.

La tendance à l’industrialisation de l’élevage se développe au détriment des petites exploitations et de l’élevage extensif. En France, 60 % des animaux d’élevage sont concentrés dans 3 010 ICPE, qui ne représentent que 3 % des fermes. Pendant que le cheptel se concentre entre un plus petit nombre de mains – le nombre de têtes par exploitation a progressé de 27 % pour les vaches allaitantes et de 39 % pour les vaches laitières –, le nombre d’exploitations d’élevage s’effondre. Entre 2000 et 2020, parce qu’elles ne peuvent lutter contre la concurrence déloyale s’exerçant dans leurs secteurs, le nombre d’exploitations disposant d’un cheptel laitier a baissé de 42 % et celles élevant des bovins allaitants de 27 %.

Pour protéger le modèle d’élevage pâturant et extensif, il nous faut un moratoire sur les installations d’élevage classées pour la protection de l’environnement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La souveraineté alimentaire nécessite, il est vrai, des exploitations fortes, et la conquête des marchés y contribue. Or, cette dimension figure déjà dans le texte, dans la mesure où elle doit s’accomplir « dans le cadre des engagements internationaux », notamment commerciaux, de la France. De plus, l’équilibre entre importations et exportations doit être préservé. Pour le dire autrement, nous participons au commerce international, mais nous ne devons être dépendants ni des exportations, ni des importations. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Ces trois amendements ne sont pas de même nature. Je m’en remettrai à la sagesse de la commission s’agissant du CE2542, sous réserve qu’il soit reformulé dans le cadre de la réécriture globale de l’article 1er. En revanche, mon avis sera défavorable sur les autres amendements.

Néanmoins, madame Pochon, j’adhère à l’éloge que vous avez fait de l’élevage. Nous nous retrouverons donc certainement sur les mesures de simplification qui doivent permettre aux éleveurs de disposer de bâtiments pour héberger leurs troupeaux.

M. Francis Dubois (LR). La mise en œuvre d’un moratoire sur les ICPE entraînerait la faillite d’élevages en zone herbagère, mais surtout en zone de montagne où, pour avoir des revenus décents, il faut un bâtiment pour héberger les troupeaux. C’est le cas en Corrèze pour l’élevage de veaux sous la mère. Or, dès lors qu’une installation agricole dépasse les 100 unités de gros bétail (UGB), elle est considérée comme une ICPE.

M. Antoine Armand (RE). L’amendement de notre collègue écologiste est en contradiction manifeste avec ce qu’elle exprime depuis le début de l’examen du projet de loi. On ne peut pas déplorer l’insuffisante souveraineté agricole et alimentaire de notre pays, chercher à limiter au maximum les importations, et vouloir imposer un moratoire sur toutes les installations de production alimentaire qui permettraient d’obtenir des volumes, alors même que, dans la quasi-totalité des cas, l’élevage français est économiquement, socialement et écologiquement bien meilleur que ce qui se fait dans la plupart des pays européens et extra‑européens.

Mme Sandra Marsaud (RE). Cet amendement CE3005 me semble confondre statut d’ICPE et mode de production. Les ICPE étant soumises à déclaration, à enregistrement ou à autorisation, je comprends que le moratoire concernerait les élevages de toute taille. Le classement pour la protection de l’environnement n’est qu’une procédure administrative, qui veille justement à la qualité sanitaire et aux autres éléments qui figurent habituellement dans une étude d’impact – je connais bien le sujet. Je trouve regrettable qu’en raison d’une confusion, on s’attaque à différents types d’élevage.

M. Marc Fesneau, ministre. Comme M. le président me le souffle à l’oreille, certains élevages de porcs sont des ICPE, le critère étant celui du nombre de têtes. Votre amendement rendrait impossible l’élevage en France – proposition intéressante peut-être, mais contradictoire avec l’objectif affiché.

J’en profite pour répondre à la question antérieure de M. Dubois, qui appréciera l’efficacité des services de mon ministère : 180 abattoirs ont été soutenus, pour un montant de 115 millions d’euros.

La commission rejette successivement les amendements.

 

L’amendement CE2 de M. Julien Dive est retiré.

 

Amendement CE2364 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Dans la mesure où nous voulons recouvrer une forme de souveraineté et où nous voulons exporter, puisque les enjeux alimentaires sont à la fois nationaux et mondiaux, il convient de ne rien s’interdire en matière de progrès, qu’il concerne le machinisme, la production, la recherche et développement, ou même la sélection. S’agissant de la sélection variétale des semences, je veux dire que les NTG ne sont pas des OGM, que la transgénèse ne doit pas être confondue avec la mutagénèse. Cette dernière est vieille comme le monde : depuis toujours, on sélectionne les grains et c’est ainsi que les évolutions génétiques se sont produites au fil des siècles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même si je comprends l’intention, les termes « performants » et « durables » me semblent bien trop flous. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE168 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Il faut faire un choix avec ce texte : ce peut être de rejeter clairement toute politique de décroissance, qu’elle soit européenne ou nationale. On ne sait pas qui, demain, sera au pouvoir. Graver dans le marbre de la loi le rejet de la décroissance en agriculture marquerait notre refus de la décroissance en matière d’alimentation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Comme de nombreux autres, cet amendement a pour objet l’ajout d’action aux politiques publiques à mettre en œuvre pour soutenir la souveraineté alimentaire. Toutes les actions sont évidemment légitimes mais, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas favorable à en étendre sans fin la liste, qui comporte déjà : garantir l’accès des agriculteurs à l’eau, faciliter les transmissions d’exploitation agricole, préserver le foncier agricole et maîtriser notre dépendance aux intrants. En allant trop dans le détail, le texte perdrait de sa force, sans compter le risque d’oublier quelque chose. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement et sur les suivants, qui sont de même nature.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Au fond, la première partie de l’article 1er fait écho à la proposition que vous faites, dans une formulation quelque peu radicale, s’agissant de la capacité de produire. Mais l’esprit du texte n’est pas seulement celui-là, puisqu’il s’agit de définir la souveraineté et de garantir des moyens de production suffisants.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Dans la mesure où le ministre s’est engagé hier à réécrire l’article 1er, nos amendements sont des messages pour dire les points fondamentaux que nous souhaitons voir figurer dans le texte et l’orientation que nous voulons donner à l’agriculture.

Je retiens de la dernière intervention de Julien Dive la notion de progrès des connaissances et des techniques, une notion juridique qui a un contenu, dont le Conseil constitutionnel s’est d’ailleurs servi. Nous devrions la reprendre dans les orientations à donner à notre agriculture. Il s’agirait de s’engager à ce qu’il n’y ait aucune forme de renoncement ou de méfiance à l’égard du progrès des connaissances et des techniques, qui permettent des gains de productivité et à certaines exploitations de s’agrandir. Ce n’est pas quelque chose à rejeter par principe. Il nous faut un grand nombre d’actifs pour couvrir le territoire, mais sans renoncer aux gains de productivité.

Mme Annie Genevard (LR). Au moment où l’on décapitalise, où l’on diminue le cheptel, où l’on arrache des vignes, où l’on coupe des arbres fruitiers, la question de la décroissance en agriculture me paraît pertinente, et l’amendement CE168 a le mérite de la poser. J’estime qu’il faut non seulement rejeter toute politique de décroissance, mais lutter contre cette tendance.

M. Dominique Potier (SOC). Pour ma part, je suis pour la décroissance de notre dépendance aux énergies fossiles et à la déforestation importée, mais il me semble que le débat idéologique introduit par Julien Dive est ici quelque peu hors-sol.

La reconquête de notre souveraineté alimentaire fait consensus ; 90 % des députés ici présents y sont favorables. Cela implique que certaines choses vont décroître – nos dépendances – et que d’autres vont croître. Il doit en être ainsi de notre capacité à produire dans la durée, qui imposera de respecter nos écosystèmes naturels – ce sont nos meilleurs alliés.

Le terme « décroissance » n’a donc pas sa place dans notre débat ; il ne peut que diviser, agiter et nuire à la recherche du consensus, alors que c’est justement ce à quoi nous nous employons. Le vrai sujet, c’est décider ce qui doit croître et ce qui doit décroître.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Un amendement ne saurait interdire les limites planétaires. Dès lors qu’elles existent, il faut sortir de l’obsession de la croissance productiviste et économique, qui est destructrice des humains, des paysans, de la biodiversité et du climat. Une politique de décroissance appliquée à l’agriculture implique la relocalisation, la souveraineté alimentaire, l’installation de milliers de paysans, l’arrêt de la fuite en avant dans l’agrandissement des exploitations et dans la dépendance aux intrants venus d’ailleurs, etc.

L’exposé sommaire de l’amendement de M. Dive illustre une confusion totale quant à ce que sont la décroissance et une politique de décroissance appliquée à l’agriculture, qui passe par la conversion massive à l’agriculture biologique.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il est cocasse d’entendre M. Dive parler ainsi de décroissance alors qu’il soutient depuis des années des politiques qui ont abouti à la décroissance massive du nombre d’agriculteurs dans ce pays ; des politiques qui s’inscrivent dans la ligne défendue par la direction de la FNSEA, le seul syndicat à militer pour la disparition de ses propres adhérents !

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement a ceci d’intéressant qu’il fait écho au débat européen sur l’agriculture et rappelle ce que les agriculteurs demandent. Ils ont clairement exprimé, me semble-t-il, leur opposition à la stratégie « de la ferme à la table » (Farm to Fork), qui est la déclinaison agricole du Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) imposée par la Commission européenne.

M. Thierry Benoit (HOR). L’objectif de cet amendement est évidemment de pointer du doigt les chantres de la décroissance : ceux qui s’attaquaient à l’élevage et qui se sont aperçus, au moment du covid-19, que la France pouvait manquer de lait, de beurre ou de viande ; plus récemment, ce sont les artisans d’un Green Deal mal encadré que les agriculteurs ont dénoncé lors de leurs mobilisations sur les routes et les autoroutes.

Je suis plutôt de l’avis de notre collègue Potier. Lors de la discussion générale, j’ai indiqué que mon vote sur l’ensemble du projet de loi dépendrait de son contenu. Si nous voulons qu’il soit largement adopté, il faut qu’il comporte des avancées concrètes pour l’installation des jeunes, le revenu des agriculteurs et le renouvellement des générations. Il faut que notre agriculture soit performante et motrice au sein de l’Union européenne. L’amendement proposé pose une véritable question, mais il est trop clivant pour être accepté.

M. Julien Dive (LR). Je ne pense pas qu’il faille distribuer des bons points à chaque groupe pour essayer de faire adopter le texte : il faut faire un choix. Je remercie Mme Batho pour son plaidoyer dogmatique, qui confirme que mon amendement a du sens.

M. Marc Fesneau, ministre. Dans un contexte de croissance démographique, prôner la décroissance de la production agricole me paraît une drôle d’idée. Reste qu’avec l’évolution des habitudes de consommation, certaines productions croissent et d’autres décroissent. Nous ne produisons pas aujourd’hui ce que nous produisions il y a quarante ans, et nous ne produirons pas dans quarante ans ce que nous produisons aujourd’hui.

Dans le domaine viticole, les volumes trop importants constituent un problème structurel. En accord avec la filière, nous envisageons d’aller plutôt vers la décroissance des surfaces, associée à la transformation et la diversification des productions. Avec votre amendement, je ne vois pas comment on mènerait cette politique, pourtant réclamée à juste raison par les professionnels. Même si je partage votre sentiment global et que ce texte fait le choix du soutien à la production, on atteindrait là les limites d’un exercice trop radical.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1289 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Lors de leur mouvement, les agriculteurs ont dénoncé les politiques agricoles dogmatiques qui les stigmatisent et les mettent dans des situations compliquées. Aussi cet amendement a-t-il pour objet de garantir le respect du principe « pas d’interdiction sans solution » – j’avais déposé un autre amendement concernant la surtransposition normative écologique à la française, mais il a été jugé irrecevable. Pour prendre l’exemple de la pomme appellation d’origine protégée (AOP) du Limousin, en 2022, avec le produit de traitement contre le puceron autorisé par l’Union européenne (UE), une à deux applications ont suffi ; en 2023, du fait de la surtransposition, il en a fallu onze, pour une perte de production de 30 %, sans parler des conflits qui en résultent.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable – la liste s’allongerait trop.

M. Marc Fesneau, ministre. S’agissant de la surtransposition, nous essayons de l’aborder dans le texte, la question étant de savoir s’il faut lui consacrer un alinéa en tant que tel. Il me semble que l’on répondrait à votre exigence en alignant notre droit sur le droit européen.

S’agissant du principe « pas d’interdiction sans solution », objet de votre amendement, les mesures d’interdiction de produits appliquées en France sont majoritairement d’origine européenne. Il y a des débats en Europe, mais il faut faire confiance à la science : si des agences européennes de sécurité sanitaire indiquent qu’il y a lieu de retirer un produit, il faut le faire. Le mot-clé du principe étant « solution », nous travaillons déjà à la recherche d’alternatives, par le biais du plan Écophyto, qui sera présenté lundi, et par les moyens de recherche engagés dans le cadre du plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada).

M. Hervé de Lépinau (RN). Concernant la vigne, l’adaptation du potentiel de production n’est pas la décroissance : il s’agit d’essayer de maintenir le niveau de ressources. Concernant la cerise, pour reprendre cet exemple, comme on n’a pas de solution, on va arracher : cela réduira mécaniquement le potentiel de production, mais ce n’est pas non plus de la décroissance. Il faut distinguer ces efforts d’adaptation de la volonté que certains manifestent de révolutionner l’agriculture en l’engageant sur le chemin de la décroissance.

M. Luc Lamirault (HOR). Je voterai cet amendement, car il traduit les annonces faites par M. le ministre et M. le Premier ministre.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Moult rapports d’organismes dépendant du Gouvernement montrent qu’il n’y a pas de surtransposition. C’est une légende.

Par ailleurs, il y a quelque ironie à dire qu’il y aurait un domaine dans lequel on ne pourrait pas être souverain : la protection de la santé publique et de l’environnement.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Des solutions existent : on les trouve dans l’agriculture biologique et d’autres pratiques agroécologiques. Remplacer simplement un produit par un autre ne fonctionne pas, il faut repenser le système productif. De nombreux exemples montrent qu’il est possible d’arriver progressivement au zéro phyto. Le Centre d’études biologiques de Chizé, que nous avons visité dans le cadre de la mission d’information sur la biodiversité dans les paysages agricoles, propose à des fermes-ateliers de procéder par étapes et sans diminution de rendement.

M. Francis Dubois (LR). Compte tenu de l’irrecevabilité qui a été opposée à mon amendement relatif à la surtransposition, je ne pouvais défendre que celui portant sur le principe « pas d’interdiction sans solution », quand bien même il me paraît moins pertinent. Madame Batho, je vous invite à rendre visite aux pomiculteurs de Corrèze : vous verrez ce qu’ils pensent de la légende urbaine que constituerait la surtransposition.

M. Éric Martineau (Dem). J’entends des choses qui me font bondir. Il est complètement faux de dire qu’il existe des solutions à tous nos problèmes. Dans nos vergers, en agriculture biologique, on n’a d’autre choix pour combattre les pucerons que d’employer des produits disposant de dérogation, tels que l’huile de neem, qui est un perturbateur endocrinien.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’apparition de nouvelles zoonoses et de nouveaux nuisibles est liée à l’effondrement du vivant. Ce phénomène présente un caractère systémique. L’Anses interdit les pesticides pour de bonnes raisons, notamment les risques pour la biodiversité, car ces substances réduisent la capacité de cette dernière à se protéger face à de nouveaux nuisibles et de nouveaux risques sanitaires.

M. Charles de Courson (LIOT). Le principe « pas d’interdiction sans solution » relève du bon sens. L’Assemblée nationale s’est ridiculisée sur l’affaire du glyphosate. J’ai voté contre l’interdiction, car elle était intenable. On ne peut pas adopter ces mesures tout de suite. Ce qui manque peut-être à l’amendement, c’est la prise en compte de la dimension temporelle. On pourrait écrire que, tant qu’on n’a pas trouvé de solution alternative, on n’interdit pas. On ne peut pas interdire non plus certains produits qui sont autorisés par des instances européennes – cela aussi, c’est intenable. Je propose d’adopter l’amendement et de l’améliorer par la suite.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1348 de M. Nicolas Meizonnet

M. Lionel Tivoli (RN). Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi la nécessité de protéger l’agriculture française contre la concurrence déloyale. De nombreux pays producteurs bénéficient d’avantages compétitifs qui leur permettent de réduire leurs coûts. Qu’il s’agisse du bien-être animal, du droit du travail, du prix des matières premières, de la fiscalité et des normes environnementales, les agriculteurs français sont déjà largement désavantagés. La situation leur est d’autant moins acceptable lorsque des denrées alimentaires produites à l’aide de traitements phytosanitaires et d’engrais interdits en France arrivent sur le territoire national. Il convient donc d’introduire de la cohérence en matière d’importations agricoles pour corriger l’injustice et protéger la santé des consommateurs.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1408 de M. Grégoire de Fournas

Mme Christine Engrand (RN). Sans solution alternative efficace, l’interdiction de produits phytosanitaires place certaines productions dans des impasses techniques. La transition environnementale est certes nécessaire, mais on ne peut pas la réaliser au détriment de nos capacités de production, déjà̀ considérablement mises à mal par l’inflation normative française et la surréglementation ; la souveraineté alimentaire française en dépend. Il est donc impératif, avant toute interdiction de produits phytosanitaires et d’intrants chimiques, de s’assurer que des solutions alternatives efficaces existent. L’amendement tend à en inscrire le principe dans la loi.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Hervé de Lépinau (RN). On retire certains produits du marché en application du principe de précaution, mais on n’a jamais retenu la technique du lavage des fruits et des légumes au moyen de solutions d’eau ozonée, qui est pratiquée dans certains pays. La Turquie nous inonde de cerises qui ont été traitées avec des doses de diméthoate dix fois supérieures à celles que l’on employait en France, mais les contrôles, lorsqu’ils sont effectués, ne révèlent aucune trace de cette substance. C’est l’effet du lavage à l’eau ozonée. Il serait intéressant de recourir à cette technique pour produire sans affecter la santé publique.

M. le président Stéphane Travert. Des tests sont effectués sur les carottes pour remplacer le dichloropropène.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1409 de M. Grégoire de Fournas

Mme Christine Engrand (RN). Les nombreux accords de libre-échange signés par l’Union européenne – quarante-deux à ce jour – comportent pour la plupart un volet agricole substantiel qui, trop souvent, brade notre agriculture à des fins commerciales. Or, celle-ci constitue un secteur d’exception qui participe au rayonnement international de la France. Il convient de préserver cet atout stratégique en consacrant une exception agriculturelle au nom de laquelle on mènerait une politique commerciale internationale. Cet amendement vise donc à inscrire la notion d’« exception agriculturelle » dans les objectifs programmatiques de l’article 1er.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1754 de Mme Hélène Laporte

M. Antoine Villedieu (RN). La fuite en avant en matière de production d’énergie renouvelable intermittente entraîne une concurrence féroce pour l’usage des terres entre l’agriculture et la production d’électricité. Les promoteurs sont attirés par des promesses de gain garanti reposant sur le système juteux de l’obligation d’achat. Des parcs photovoltaïques démesurés sont régulièrement installés sur des terres agricoles, qui perdent leur usage. Une véritable politique de souveraineté alimentaire ne peut ignorer cette situation contraire à notre objectif. Aussi proposons-nous d’inscrire à l’article 1er l’objectif de conservation du caractère agricole des terres et de rendre les politiques publiques garantes du maintien de la surface agricole dans chaque département.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Je ne vous entends pas, sur le terrain, défendre l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), alors que le retrait de terres à l’agriculture est principalement motivé par l’artificialisation. Cela étant, je vous le concède, il faudra rester vigilant sur le photovoltaïque, ce qui rend nécessaire un cadre réglementaire.

M. Antoine Villedieu (RN). Nous avons soutenu les dispositions législatives relatives à l’agrivoltaïsme, qui énoncent une définition très stricte que votre majorité voulait élargir aux champs photovoltaïques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2007 de Mme Hélène Laporte

M. Antoine Villedieu (RN). Les dispositions fiscales visant à favoriser la transmission et l’installation dans le monde agricole brillent par leur absence dans le projet de loi. L’amendement a pour objet, dans le cadre étroit défini par l’article 45 de la Constitution, de les y intégrer, en inscrivant à l’article 1er que les politiques publiques assurent un cadre fiscal et social favorable à la transmission, à la détention et à la cession des exploitations agricoles. Parmi les mesures que la loi devrait prévoir, on peut citer une moindre imposition des plus‑values de cession, une exonération ou un abattement accru pour les transmissions intrafamiliales, une exonération totale de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), une diminution de la taxe sur le foncier non bâti, ou encore la pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE). La loi ne peut faire l’impasse sur ces mesures qui faisaient partie des revendications des agriculteurs.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable. Ces questions sont traitées à l’article 8.

M. Marc Fesneau, ministre. Un certain nombre de ces mesures sont déjà appliquées – je pense en particulier au TODE, dont le seuil a été relevé. Par ailleurs, il me semble que vous avez voté ce matin un amendement visant à intégrer cette dimension. Celui-ci ne me paraît donc pas utile. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les agriculteurs demandent ces dispositions. En Champagne, des institutions acquièrent, à des fins spéculatives, des hectares auprès de familles qui auraient aimé conserver ce patrimoine, mais qui ne le peuvent plus compte tenu du niveau d’imposition. On constate le même phénomène à Châteauneuf-du-Pape ou en Bourgogne.

M. Julien Dive (LR). Le Parlement se prononce chaque année sur le TODE lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et le débat sur la pérennisation du dispositif revient régulièrement. Dans son communiqué de presse, le Gouvernement a appelé cette pérennisation de ses vœux ; comment pourrait-on matérialiser cet engagement dans la loi ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne connais pas de dispositif social ou fiscal de cette nature qui ne soit pas remis en cause chaque année lors du débat budgétaire. Nous avons toujours renouvelé le dispositif, année après année mais, puisque nous en partageons la volonté, il faut réfléchir au moyen juridique de le pérenniser.

M. Charles de Courson (LIOT). Un grand nombre de dispositifs fiscaux ne sont pas bornés dans le temps ou sont limités à trois ou cinq ans. Le renouvellement du TODE donne effectivement lieu à une bagarre chaque année. On pourrait parfaitement étendre son application à cinq ou à dix ans. Il eût été possible de le faire dans le projet de loi en discussion si M. le président avait accepté des amendements de nature fiscale ou sociale, ce qu’il a refusé, me semble-t-il, à tort.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2048 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à inscrire à l’article 1er l’objectif de la préservation du foncier agricole. Au cours des quarante dernières années, l’artificialisation des terres en France a fait perdre 4 à 5 millions d’hectares, notamment en faveur des infrastructures de logement et du développement économique. La raréfaction entraîne une hausse du prix des terres et une difficulté d’accès au foncier pour les jeunes agriculteurs et les nouveaux arrivants en agriculture. Le Président de la République avait pris des engagements concernant une grande loi foncière. Pouvez-vous nous assurer de votre détermination à arrêter un calendrier pour la mise en œuvre d’une telle loi ?

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable ; le sujet est abordé au titre III.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez voté ce matin des amendements ayant trait à la capacité à préserver la surface agricole utile et visant à favoriser le renouvellement des générations par une régulation du marché foncier. Votre demande me paraît donc satisfaite. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE3451 de la commission du développement durable et CE3009 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défendu. J’avais donné un avis défavorable à cet amendement.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il vise à protéger notre agriculture d’une exposition croissante à la financiarisation des matières premières et des terres agricoles. Celle‑ci soumet la production agricole et les agriculteurs à une forte volatilité des prix, dictée par le cours des marchés mondiaux et la spéculation, et constitue un obstacle majeur à l’installation. La financiarisation des terres est un phénomène bien réel : près de 1 300 hectares de rizières sont passés aux mains d’Euricom, dans les Bouches-du-Rhône ; 800 hectares de terres agricoles ont été acquis par la foncière Auchan ; Chanel et L’Oréal ont payé entre 500 000 et 1 million d’euros l’hectare de terre pour s’assurer la production de plantes à parfum dans les Alpes‑Maritimes.

Il s’agit là d’un véritable accaparement des terres par des entités sans agriculteur, reposant sur des salariés ou des entreprises de travaux agricoles. Au cours des vingt dernières années, la part de la surface agricole exploitée par ces sociétés financiarisées a doublé, pour représenter aujourd’hui une ferme sur dix. Ces sociétés détiennent 640 000 hectares de terre en propriété et le solde en fermage.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La financiarisation du foncier ou des matières premières agricoles doit en effet être combattue, car elle est susceptible de freiner l’installation des nouveaux agriculteurs, faute de terres abordables, ou la modernisation que leur compétitivité réclame, faute de pouvoir acheter certaines matières plus performantes. Le problème consiste toutefois à trouver les outils. Légiférer sur le constat sans proposer de mécanismes permettant aux agriculteurs de surmonter ces obstacles me semble vain. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

M. Thierry Benoit (HOR). Je souhaiterais que la loi évoque les questions de l’accès au foncier des candidats à l’installation, du partage du foncier, de la régulation, de la financiarisation et de la spéculation. La terre a avant tout une fonction nourricière. Les terres de catégorie 1, en Bretagne, valent environ 1 euro le mètre carré. Il n’y a pas de raison que les prix s’envolent lorsque la terre est à urbaniser, que ce soit pour un usage d’habitation ou commercial. Il faut réfléchir à cette question, qui n’est pas sans lien avec la politique du logement.

M. Charles de Courson (LIOT). La financiarisation des matières premières et celle des terres agricoles sont deux problèmes très différents. Adopter cet amendement reviendrait‑il à interdire les marchés à terme de matières premières, qui ont pour objet de limiter l’amplification ? La réponse est, à mon sens, négative. Je suis d’accord pour que l’on parle des terres, mais il faut exclure de cette disposition les matières premières.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). M. le ministre pourrait peut-être nous rappeler ce qu’est une loi d’orientation. Lorsqu’on veut fixer des objectifs généraux, on nous dit que ça ne va pas parce qu’on n’évoque pas les outils et, lorsqu’on parle des outils, on nous répond que ce n’est pas l’objet d’une loi d’orientation. La financiarisation des terres constitue un obstacle à l’installation des agriculteurs ; elle entrave la régulation de notre modèle d’agriculture et la préservation de sa dimension humaine. J’ajoute que des projets tels que l’EPR (réacteur pressurisé européen) de Penly, qui nécessitent l’utilisation de terres agricoles, favorisent une spéculation préoccupante.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Les contrats à terme existent depuis la fin du XIXe siècle. Le marché à terme ne constitue pas un problème en soi lorsque ce sont des acteurs physiques qui vendent et achètent des produits physiques. La difficulté vient de la forte croissance des acteurs purement spéculatifs, qui n’ont jamais de marchandises agricoles entre les mains. Ceux-ci représentent plus de 90 % des intervenants sur ces marchés. Lors de la crise de 2008, le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne ont dû reconnaître que la financiarisation était l’une des raisons de la flambée des prix de certaines denrées alimentaires, comme le blé.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE200 de M. Yannick Neuder

Mme Annie Genevard (LR). La lutte contre la surtransposition des normes européennes est une constante des mouvements agricoles. Cet amendement vise à ce que l’on n’admette la surtransposition que si elle est justifiée et si ses effets sont évalués.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La surtransposition est souvent relevée en matière environnementale, notamment en matière d’interdiction de certains pesticides utilisés dans d’autres États de l’Union européenne, mais elle concerne également le droit du travail, principalement dans les secteurs peu mécanisés et employant beaucoup de main-d’œuvre, et le droit fiscal, ce qui pénalise encore davantage nos agriculteurs. Soucieuse de ne pas allonger la liste, je donnerai un avis défavorable à cet amendement ainsi qu’aux deux suivants, mais je suis d’accord avec leur esprit : il faut éliminer autant que possible les difficultés normatives, afin que nos agriculteurs puissent combattre à armes égales avec leurs voisins, notamment européens.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait. L’amendement est intéressant en ce qu’il affirme la nécessité d’évaluer la norme – législative comme réglementaire –, ce qu’on ne fait sans doute pas assez dans notre pays, et de la justifier. Je suis d’accord sur le principe ; la voie choisie me paraît équilibrée, mais il faut retravailler la rédaction.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Surtransposition et suradministration sont deux choses différentes ; l’une présente peu de cas, l’autre renvoie à l’enjeu de simplification. Si je ne m’abuse, nous reparlerons de ces questions à l’occasion d’un projet de loi sur les produits phytosanitaires. Je voudrais rappeler que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) n’autorise ni n’interdit rien ; elle se contente d’approuver des principes actifs. Ce sont les États membres qui délivrent les autorisations de mise sur le marché. Depuis 2014, notre modèle se distingue des autres, puisqu’il confie à un seul organisme indépendant, l’Anses, la gestion et l’évaluation du risque. Il faudra bien en reparler, car l’évaluation doit être scientifique et indépendante, mais la gestion est nécessairement, pour une part, politique.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Lorsque les agriculteurs exprimaient leur colère, j’ai dit qu’exiger moins d’État ou pas de règles était un piège dans lequel il ne fallait pas tomber, car ce serait démagogique. Quand il n’y a plus de règles, c’est la loi du plus fort. En revanche, nous avons besoin d’État en mieux : un État moins emmerdant, ou moins enquiquinant pour être plus poli, et plus accompagnant. Ce n’est pas le cas, faute de moyens adéquats pour les services publics – vous les avez tellement fait dévisser en matière d’accompagnement qu’ils se transforment en tutelles au quotidien, ce qui est mal vécu par nos agriculteurs.

Par ailleurs, si je considère que le législateur est souverain lorsqu’il décide d’aller plus loin qu’une norme européenne, j’observe, lorsqu’il s’agit du domaine réglementaire, que vous êtes parfois des spécialistes de la surtransposition. Je partage donc l’inspiration à l’origine de l’amendement.

Mme Annie Genevard (LR). Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez d’accord sur le fond. Concrètement, comment et à l’initiative de qui se fera la réécriture en séance ?

M. Marc Fesneau, ministre. J’ai dit qu’il fallait éviter d’adopter un amendement qui écraserait tout et qu’il y avait peut-être des éléments à ajouter. Le présent ajout me paraît intéressant, étant entendu que j’accepte le bémol de Frédéric Descrozaille : au-delà de la question générale, le sujet des phyto sera traité dans un texte les concernant. Il faut laisser faire le pouvoir réglementaire, mais il ne serait pas mal d’adopter dans la loi un principe général selon lequel il faut justifier et évaluer – ce sera une sorte de juge de paix.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement nous conduira-t-il à prendre une décision avant même l’examen du projet de loi relatif aux produits phytosanitaires qui devrait être présenté d’ici à l’été ? Il me paraîtrait un peu étrange de le faire avant un débat dans un cadre que vous considérez comme plus légitime. J’aimerais donc avoir des précisions sur la manière dont vous comptez procéder.

Par ailleurs, l’Anses fait son travail en ce qui concerne les autorisations de mise sur le marché, et les travaux menés par la commission d’enquête sur le plan Écophyto nous ont amenés à reconnaître sa légitimité. Que deviendra-t-elle ? Nous en remettrons-nous directement à des décisions prises dans le cadre de prérogatives européennes ? Il serait dommage de faire disparaître le tout par un tel amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2001 de M. Grégoire de Fournas

Mme Christine Engrand (RN). Les agriculteurs français sont asphyxiés par les surtranspositions de normes européennes qui les placent dans une situation complètement déloyale par rapport aux agriculteurs des autres États membres. Il est indispensable de revenir sur cette escalade des normes qui fait obstacle à la productivité de notre agriculture et nuit à nos filières. Cela permettra de redonner aux agriculteurs les moyens de produire une alimentation dont la demande ne fait qu’augmenter. Selon les projections de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour nourrir une population mondiale de 9,3 milliards de personnes, la production alimentaire devrait augmenter de 60 % d’ici à 2050. Notre amendement propose donc d’inscrire dans le projet de loi l’interdiction des surtranspositions des normes européennes.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Cela contribuerait, là aussi, à allonger la liste des actions à mener.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1753 de Mme Hélène Laporte

M. Antoine Villedieu (RN). L’actualité a mis en évidence des failles massives dans le contrôle des importations, qui permettent à des produits frauduleux d’entrer sur notre territoire et font subir à nos producteurs une concurrence hautement déloyale. Le récent scandale des faux miels illustre parfaitement cet état de fait. Aussi proposons-nous d’inscrire parmi les actions engagées dans le cadre des politiques publiques un meilleur contrôle des productions importées.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1995 de Mme Hélène Laporte

M. Antoine Villedieu (RN). Depuis des années, nous sacrifions notre agriculture en faisant d’elle une monnaie d’échange dans des accords internationaux supposés favoriser d’autres secteurs de l’économie européenne – et non française. Vous avez ainsi sacrifié, très récemment, nos tomates au profit du Maroc ou encore la filière ovine et bovine dans le cadre de l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. Il va de soi qu’une politique nationale qui refuse de reconnaître une exception agriculturelle s’accompagnant de l’imposition de clauses miroirs ne peut relever de la souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Si vous regardiez un peu mon actualité, vous sauriez que je suis allé au Maroc, non pas pour parler de tomates, mais de filières animales et végétales, et de programmes de coopération, y compris en matière d’eau – il est intéressant de voir comment les Marocains essaient de s’en sortir. Vous sauriez aussi que je me suis rendu la semaine dernière dans le Vaucluse et le Gard pour valoriser des projets alternatifs permettant de continuer à produire des tomates, et même à en produire plus. Ne cherchez pas inutilement des griefs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1996 de Mme Hélène Laporte

M. Lionel Tivoli (RN). Comment rendre crédible une stratégie du « manger français » si les collectivités publiques ont juridiquement l’interdiction de donner la priorité, dans leurs contrats, à la production alimentaire nationale ? Le code des marchés publics nous impose une situation ubuesque. Il est évident que la commande publique doit favoriser nos producteurs par le recours, dans tous les cas où c’est possible, à des produits français. Tel est le sens du présent amendement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Même avis, pour la même raison que précédemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3452 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je précise que j’étais défavorable à cet amendement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il est déjà satisfait par l’article 8 du projet de loi, qui crée notamment le réseau France Services agriculture (FSA). Je rappelle aussi les services rendus spécifiquement par les chambres d’agriculture. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1946 de Mme Manon Meunier

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Cet amendement, issu d’une proposition du CIWF (Compassion in World Farming), vise à défendre l’élevage extensif, en plein air. Nous souhaitons un moratoire sur toute nouvelle mise en production de bâtiments, nouveaux ou réaménagés, d’élevage en cages dont on sait ce qu’il signifie en matière de densité de peuplement et de confinement des animaux. Cette pratique est souvent celle des exploitations à grande échelle, comme les fermes-usines, où les animaux ne voient jamais la lumière du jour et ne peuvent pas faire le moindre mouvement. Ayons conscience également qu’elle implique une plus forte empreinte environnementale pour de moins bonnes performances économiques et sociales de la part de ces exploitations. Nous souhaitons donc favoriser la transition vers des pratiques en phase avec le bien-être animal, les attentes de la société et les enjeux du renouvellement des générations.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable : votre amendement allongerait encore la liste.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Les questions de bien-être animal relèvent de la réglementation européenne et nous en débattons à ce niveau. Le projet de loi vise à simplifier la vie des agriculteurs et à ne pas surtransposer : les amendements tendant, au contraire, à le faire recevront systématiquement, je vous préviens tout de suite, un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1980 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement vise à interdire les OGM et les NTG. Je réfute l’idée selon laquelle on pourrait avoir des plantes se passant d’eau et de pesticides. On nous a fait le coup avec les OGM et notamment le riz doré qui était censé lutter contre la malnutrition grâce à un apport en vitamine A. On sait que cela n’a rien réglé et que 99 % des OGM sont en réalité des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH). Il en sera de même pour les NTG, comme les tomates à la protéine Gaba, censées lutter contre l’hypertension. Il s’agit, de toute façon, de techniques génomiques qui sont, elles aussi, soumises à la réglementation relative aux OGM, conformément à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018. En outre, un avis de l’Anses souligne que les NTG ne sont pas des solutions miracles et qu’il faudra les examiner au cas par cas.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Nous en avons déjà parlé.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE460 et CE459 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (RE). L’amendement CE460 a pour objet d’inscrire parmi les objectifs des politiques publiques destinées à préserver la souveraineté alimentaire la nécessité d’assurer aux producteurs un revenu leur permettant de couvrir leurs coûts de production. Les agriculteurs n’attendent pas des prix administrés ; ils veulent simplement vivre de leur travail. Il reviendra aux travaux parlementaires en cours, menés notamment pour évaluer l’application d’Egalim, de déterminer les modalités législatives et réglementaires qui permettront de donner corps à cet engagement.

Afin de préserver la souveraineté alimentaire de notre pays, les politiques publiques doivent aussi avoir pour objectif de veiller à la constitution de stocks permettant d’accroître notre résilience en cas de conflit ou d’événement climatique majeur et d’assurer la continuité de la nation. Il est primordial de disposer de stocks en quantités suffisantes dans des secteurs stratégiques comme les céréales, l’alimentation animale, notamment le soja, les fruits et légumes, les volailles ou encore les engrais azotés, le phosphate, les produits phytosanitaires et les ressources en biomasse. Une liste, par territoire, des filières stratégiques pour notre souveraineté alimentaire, qui comportera des indicateurs de suivi des stocks, sera dressée par décret. Elle sera révisée annuellement compte tenu des besoins de notre pays et des stocks constitués. Tel est l’objet de l’amendement CE459.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Tout le monde est d’accord, mais cela implique de revoir encore les lois Egalim – nous en serons peut‑être à la quatrième…

M. Marc Fesneau, ministre. S’agissant de l’amendement CE460, l’amendement CE810, déposé par des membres du groupe Les Républicains et adopté dès le premier jour de nos débats, satisfait votre demande.

Les stocks stratégiques sont une vraie question, de nature globale. Seulement, elle relève du niveau réglementaire, c’est-à-dire de l’exécutif. Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu’il convienne de dresser dans une loi la liste – et ainsi d’exposer à la vue de tout le monde – ce que seraient nos stocks stratégiques et où ils se trouveraient dans les territoires. Avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il est assez cocasse, de la part de quelqu’un qui s’est opposé aux prix planchers et aux prix rémunérateurs pour les agriculteurs, d’insinuer ici une rédaction tout à fait moins-disante, qui revient en réalité à fixer un prix plafond. Le revenu des producteurs, est-il demandé, devrait leur permettre de couvrir les coûts de production. Mais il faudrait au moins couvrir ces derniers pour que les agriculteurs aient un revenu décent ! Je trouve donc cet amendement CE460 assez dégradant.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Ce projet de loi d’orientation agricole est censé aborder la question de la souveraineté alimentaire de la France et redorer le blason de nos agriculteurs. Or, tel qu’il est formulé, cet amendement est soit une façon maladroite d’avancer vers les prix planchers évoqués par le Président de la République, soit une proposition indigne qui n’est pas à la hauteur de ce que revendiquent les agriculteurs pour vivre décemment.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE170 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Cet amendement permettra peut-être de faciliter la compréhension de la version plus subtile du « pas d’interdiction sans solution » que nous proposons : il s’agit d’affirmer que nous devons nous donner les moyens de soutenir la recherche et le développement de solutions alternatives, économiquement viables, durables et efficaces, que ce soit par des moyens financiers, de l’accompagnement ou un soutien à des partenariats publics-privés. Lorsque la loi a interdit, en 2016, les néonicotinoïdes, aucun moyen n’avait été prévu pour trouver des solutions alternatives, sinon le plan national de recherche et d’innovation (PNRI), arrivé quatre ans plus tard. L’idée n’est pas d’empêcher d’interdire, mais simplement de donner des moyens à la recherche et au développement, pendant le temps nécessaire à l’identification de solutions alternatives.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement me donne l’occasion de dire, et M. Dive le sait, que nous mettons des moyens assez inédits dans la recherche de solutions alternatives – 150 millions d’euros annuels en matière de planification écologique. Même s’il ne m’a pas échappé que cette proposition est plus subtile, je vois bien le sens de l’amendement. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). On a entretenu, y compris au sein du Gouvernement, la fiction du « pas d’interdiction sans solution ». Si cela veut dire que l’on doit absolument chercher des solutions pour éviter qu’une interdiction se traduise par une impasse, alors nous sommes tous d’accord ; s’il s’agit de dire, en revanche, qu’en l’absence d’alternatives on lève l’interdiction, c’est totalement contraire au droit européen, à des directives qui portent sur la santé publique. J’avais interrogé la Première ministre Élisabeth Borne après le malentendu concernant le prosulfocarbe : elle avait précisé que la France ne remettrait jamais en cause des directives européennes en matière de santé humaine. Il faut sortir du « pas d’interdiction sans solution ». C’est de la démagogie pure. Ou alors il faut dire qu’on s’assoit sur les directives qui protègent la santé humaine, lorsqu’un produit est dangereux pour l’eau ou pour l’homme. C’est insupportable !

M. Julien Dive (LR). L’amendement n’énonce pas « pas d’interdiction sans solution » ; il propose qu’on se donne les moyens d’identifier des solutions alternatives avant toute interdiction, ce qui est quand même clair. Il ne s’agit pas de lever les interdictions si l’on ne trouve pas de solution. Nous n’en sommes pas là – j’ai bien saisi le sens de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Avant d’en venir à une interdiction, il faudra se donner des moyens, c’est tout. Trop souvent, la loi interdit, à la suite d’amendements, qui peuvent venir de tous les groupes, sans avoir permis aux filières, notamment les semenciers, d’avoir le temps de trouver des solutions alternatives.

M. Francis Dubois (LR). Tant qu’il n’existe pas de solution, on pourrait au moins sauvegarder une production à titre dérogatoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE169 de M. Julien Dive

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Nous avons déjà évoqué la question de la dépendance à l’égard des intrants. Par cohérence, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3026 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’ambition de réduire notre dépendance aux pesticides et aux intrants chimiques est unanimement partagée par les scientifiques et elle a été reprise par le Président de la République, qui s’est engagé en 2021, lors de l’ouverture du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à Marseille, à lancer une initiative forte en faveur d’une sortie accélérée des pesticides. Sous sa présidence, malheureusement, aucun des engagements pris en la matière n’a été tenu. La France n’a pas atteint ses objectifs de réduction de 50 % des pesticides en 2018 ; elle a décalé l’échéance et nous verrons ce qu’il en sera lundi, quand vous annoncerez un nouveau plan Écophyto. Cet échec se cumule avec d’autres, concernant le glyphosate, les néonicotinoïdes, la part de la surface agricole utile en bio ou la part de bio dans les cantines. Nous pensons, en tant qu’écologistes, que c’est seulement en se fixant des objectifs ambitieux qu’on pourra ensuite s’assurer qu’il existe des moyens pour les atteindre. L’objectif que nous vous proposons d’inscrire dans la loi a été confirmé par les engagements pris par le Gouvernement au travers du plan Écophyto ainsi que par la décision du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2003 dans l’affaire Justice pour le vivant. Il paraît cohérent d’inscrire l’objectif dans la loi avant les annonces prévues lundi.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Par cohérence, au contraire, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Je l’ai dit tout à l’heure, vous êtes en train de produire de la surtransposition. Cela me fait penser à ce que vous dites à propos d’autres questions, telles que le nucléaire : selon vous, si on réduisait sa part de 25 % ou 50 %, on réduirait le problème de la décarbonation. Mais on sait où nous a conduits ce genre de logique déclamatoire, consistant à prévoir des interdictions uniquement sur le sol français et sans avoir la moindre idée des solutions qu’on peut trouver.

Il a été question de démagogie : avec ce que vous voulez inscrire dans la loi, vous êtes les champions en la matière. C’est en s’y prenant ainsi qu’à la fin on n’a plus d’agriculture et qu’on se retrouve les bras ballants en matière énergétique. Notre responsabilité est d’établir des trajectoires, de mettre des moyens – j’ai redit que nous le faisions – et d’avoir une volonté ferme d’avancer. Ce que vous demandez, en revanche, reviendrait à s’assurer qu’on fait de la surtransposition tout de suite dans notre pays, quand les autres ne le font pas. Nous maintenons, pour notre part, nos objectifs et nous mettons les moyens pour rechercher les solutions.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Quels sont ces objectifs ?

M. Marc Fesneau, ministre. C’est une baisse de 50 % en matière de produits phytosanitaires. Mais l’écrire comme vous le proposez, c’est de la surtransposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE1752 de Mme Hélène Laporte

Mme Florence Goulet (RN). On sait que 63 % de nos concitoyens sont prêts à consommer français dans le but de soutenir les producteurs locaux. On ne le répétera jamais assez, une information complète du consommateur sur la provenance des produits est étroitement liée à la défense de notre souveraineté alimentaire. Par cet amendement, les politiques publiques veilleraient à la mise en place de normes d’étiquetage aussi exigeantes que possible, afin de garantir une parfaite information de l’acheteur, de nature à l’amener à porter son choix sur des produits français lorsqu’il le peut financièrement. L’information doit s’étendre aux conditions de production et de transformation, en particulier celles de l’abattage pour les produits carnés. Tel est le sens de notre amendement, qui s’attache à redonner à la production alimentaire française, justement renommée pour sa qualité, toute la visibilité qu’elle mérite.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Même si je suis d’accord sur le fond, l’étiquetage relatif à l’origine des produits est du ressort de la réglementation européenne. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2460 de M. Éric Martineau

M. Éric Martineau (Dem). Cet amendement, travaillé en collaboration avec la filière des fruits et légumes, vise à donner une information transparente aux consommateurs grâce à un affichage clair de l’origine des produits agricoles. Je sais que des travaux sont menés par Olivia Grégoire et Anne-Laure Babault sur un projet de loi Egalim 4, mais il serait bon de prévoir un affichage clair pour les fruits et légumes crus.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Cela relève de l’Union européenne.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison, il faut avancer sur la question de l’étiquetage et de la traçabilité, comme on l’a fait récemment au niveau européen à propos du miel, même s’il faudra aller encore plus loin. Néanmoins, pour éviter un contentieux et avoir un étiquetage qui puisse s’appliquer dans l’ensemble du continent – il serait curieux que les produits venant de France soient obligés d’avoir un étiquetage qui ne s’imposerait pas aux produits de nos voisins italiens ou espagnols, par exemple –, demande de retrait, sinon avis défavorable. La règle est européenne, mais je partage tout à fait votre objectif.

M. Éric Martineau (Dem). J’entends ce que vous dites, mais je maintiens l’amendement par solidarité avec la filière des fruits et légumes. Nous espérons avancer et nous travaillons, du reste, ensemble.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Il me semble qu’un membre du Gouvernement a engagé une réflexion sur la question de l’information relative à l’origine et que quelque chose est dans les tuyaux. J’espère que nous pourrons faire adopter une meilleure façon d’informer, en évitant de partir dans tous les sens. Je ne sais pas si on rendra l’information obligatoire, mais la question est évidemment centrale.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE6 de M. Fabrice Brun

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement vise à rééquilibrer notre balance commerciale. Autrefois excédentaire sans les vins et spiritueux, elle est aujourd’hui déficitaire. Nous sommes contraints d’importer des produits de première nécessité comme la viande, les fruits et les légumes. Il est important de prévoir dans la loi que le rééquilibrage de la balance commerciale française est une priorité en matière de souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Nous sommes évidemment favorables à l’objectif, mais votre amendement va bien au-delà du seul secteur agricole. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Une fois n’est pas coutume, nous soutiendrons cet amendement. Un vrai problème de rééquilibrage de la balance commerciale se pose : nos importations nettes sont de plus en plus importantes dans des secteurs tels que les protéines végétales, la viande et les fruits et légumes.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je soutiens aussi cet amendement : 60 % des fruits consommés sont importés, 40 % des légumes, 30 % de la volaille, 25 % du porc, 56 % des ovins et je ne parle pas du poisson et des produits de la mer – sur les 34 kilogrammes consommés par Français chaque année, 80 % sont importés. Si on veut traiter la question de la souveraineté alimentaire autrement que sous la forme d’un slogan pour les jours de campagne, il faut se doter d’objectifs législatifs plus forts.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2130 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Vous savez à quel point le groupe socialiste est attaché à une politique d’installation et de renouvellement des générations, et nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à l’être, ce dont nous nous réjouissons. Ne le prenez pas mal, mais nous trouvons que la rédaction de cet article est confuse et inappropriée. Nous avions prévu très clairement dans la loi de 2014 qu’il fallait « contribuer au renouvellement des générations en agriculture », « favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles », « promouvoir la diversité des systèmes de production » et des profils dans l’ensemble du territoire, « accompagner l’ensemble des projets d’installation » et « encourager des formes d’installation progressive » et associative. Tout a déjà été dit, et plus clairement. Nous proposons donc d’adosser toutes les propositions nouvelles, dont nous considérons que certaines sont utiles et intelligentes, à l’article de la loi de 2014 que je viens de citer. La disposition que vous avez retenue n’apporte rien de neuf et elle est plutôt moins bien formulée. Je le dis, encore une fois, en étant simplement animé par un souci de clarté. Tout est déjà dans la loi, mettons-la en œuvre.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez, par cet amendement, supprimer les alinéas 12 à 22. Je suis évidemment défavorable à la disparition du dispositif en cause.

M. Marc Fesneau, ministre. J’ai la modestie d’ignorer si je pourrai jamais faire mieux que vous, monsieur Potier, mais j’émets un avis défavorable.

M. Thierry Benoit (HOR). Je voterai cet amendement. Comme vous avez convenu, monsieur le ministre, qu’il fallait réécrire l’article 1er, le sort d’un certain nombre d’amendements est déjà scellé. Autant voter l’amendement de notre collègue Potier, qui tend à supprimer dix alinéas : nous gagnerons ainsi en efficacité.

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis intéressé par le parlementarisme rationalisé que vous défendez, mais je rappelle que nous sommes convenus de réécrire la partie concernant la souveraineté, pas celle-ci.

M. le président Stéphane Travert. Je le confirme.

M. Thierry Benoit (HOR). Ce n’est pas ce que j’avais compris. Tout est donc faussé.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Afin de ne pas me coucher trop bête, j’aimerais comprendre la nature du deal au sein de la majorité et où les choses se passeront si ce n’est pas en commission. L’un dit qu’on va tout réécrire et l’autre seulement la moitié. Quant à nous, nous ne sommes pas du tout dans le coup.

M. le président Stéphane Travert. Monsieur Jumel, on ne dit pas « l’autre », mais « M. le ministre ».

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je le dis en plaisantant, mais à moitié seulement : il faudrait informer clairement la commission ; sinon nous travaillons pour rien.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semblait que vous étiez là lorsque nous en avons parlé.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je suis là depuis le début de nos travaux.

M. Marc Fesneau, ministre. On s’est dit, au troisième ou quatrième amendement concernant la souveraineté, qu’il y avait sans doute un amendement global de réécriture à rédiger, en partant collectivement de celui de M. Alfandari. S’il avait été adopté, je le rappelle aussi, nous en serions déjà à l’article 3 ou 4.

Je suis défavorable au présent amendement, car le débat que nous avons n’est pas inutile pour clarifier, avant la séance publique, les intentions du Gouvernement et des parlementaires sur un certain nombre de points. Voilà ce qu’il en est – rien de plus, rien de moins.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2128 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Il s’agit d’un amendement de repli, qui reformule fidèlement les éléments défendus par le Gouvernement, dans le dialogue avec les syndicats. C’est un travail de réécriture à la Alfandari, en quelque sorte !

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable également. Puisque vous êtes dans un état d’esprit constructif, je vous invite à vous rallier à l’amendement de réécriture du rapporteur CE3533.

M. Dominique Potier (SOC). Ah, vous aussi, vous trouvez le texte mal écrit !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3533 de M. Éric Girardin et CE3212 de M. JeanFrançois Rousset, amendement CE3453 de la commission du développement durable et amendements identiques CE 78 de M. Sébastien Jumel, CE212 de M. Dominique Potier, CE876 de M. Jean-Luc Bourgeaux et CE1919 de Mme Aurélie Trouvé (discussion commune).

M. Éric Girardin, rapporteur général. Les amendements CE3533 et CE3212 réécrivent l’alinéa 13 pour préciser que la politique d’installation et de transmission contribue à la souveraineté alimentaire. Avis défavorable sur les autres amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable aux amendements CE3533 et CE3212, comme annoncé, et défavorable aux autres.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). La réécriture est légère ! Vous ne mentionnez aucun objectif chiffré. Vous laissez aussi de côté la question de l’agriculture biologique, alors que la moitié des candidats à l’installation veulent s’orienter dans cette voie.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il est dommage de ne pas fixer un objectif chiffré. On ne peut pas se contenter de vouloir remplacer les 20 000 agriculteurs qui vont partir à la retraite : il faut beaucoup plus de monde, et il faut des entrepreneurs – pas seulement des actifs agricoles, ce qui pourrait signifier un modèle qui reposerait beaucoup sur des salariés. Tous les scénarios – France Stratégie, Shift Project, Afterres 2050 – disent qu’il faudra demain davantage d’exploitants agricoles, qu’il faudra une agriculture plus intensive en emplois. Nous aimerions que la loi fixe une ambition, à la hauteur de l’enjeu, de 30 000 exploitants agricoles supplémentaires par an.

La commission adopte les amendements CE 3533 et CE3212.

En conséquence, les autres amendements tombent, ainsi que tous ceux portant sur l’alinéa 13.

 

Amendement CE76 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à ceux qui proposaient des objectifs chiffrés : il inscrit dans la loi un principe de non-régression du nombre d’exploitants agricoles. Si l’on veut consolider notre souveraineté agricole et alimentaire et favoriser l’installation de nouvelles générations, c’est le minimum.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Pourquoi ? Ce n’est vraiment pas révolutionnaire ! Il faut être au chevet de nos agriculteurs, favoriser les installations pour combler le gouffre démographique qui s’ouvre, nous en sommes tous d’accord. En refusant cet amendement, vous indiquez que l’un de vos objectifs, c’est qu’il y ait moins d’exploitants, donc moins de fermes, des fermes plus grandes : c’est un changement de modèle. Pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2166 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons que l’État élabore une stratégie foncière spécifique à chaque territoire d’outre-mer, afin d’assurer l’objectif de renouvellement des générations en agriculture. Nous précisons que « cette stratégie foncière concourt à la protection de la souveraineté alimentaire et se fixe pour objectifs : 1° La reconquête des terres agricoles exploitables ; 2° La facilitation des transmissions pour assurer le renouvellement des générations ; 3° L’orientation des aides publiques vers des systèmes agricoles diversifiés reposant sur les principes de l’agroécologie ».

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Il me paraît satisfait. Un amendement a été adopté ce matin pour mieux tenir compte des spécificités ultramarines.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1712 de M. André Chassaigne

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai beaucoup de respect pour vous, monsieur le président, et même de la sympathie, mais reconnaissons qu’on ne sent pas dans cette commission, y compris au sein de la majorité, un enthousiasme débordant pour ce projet de loi vide. Je vous invite à lever la main quand on vote, mes chers collègues…

Quant à cet amendement, il ne mange vraiment pas de pain : il précise que, tous les cinq ans, le Gouvernement présente au Parlement un projet de loi d’orientation agricole afin de vérifier si les objectifs en matière de renouvellement des générations d’agriculteurs sont atteints.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3011 de Mme Marie Pochon et amendements identiques CE213 de M. Dominique Potier, CE1615 de Mme Manon Meunier, CE2424 de M. Julien Dive et CE2453 de M. Vincent Descoeur (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement propose une réécriture de l’alinéa 14. En effet, la rédaction actuelle remet en cause la hiérarchie des usages de la biomasse agricole, en mettant sur le même pied souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Elle ne fixe pas non plus de priorités, renvoyant dans un même ensemble vers des systèmes de production « diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement ».

Une loi d’orientation doit au contraire, à notre sens, fixer un cap, sans quoi nous pourrions voir des projets industriels favorisés par rapport à des projets d’installation de plus petite taille, plus riches en emploi, tout aussi viables économiquement et qui contribuent effectivement à la souveraineté alimentaire et au développement de leur territoire, tout en répondant à notre ambition de transition écologique.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je vous ai apporté un peu de lecture, monsieur le ministre : c’est le rapport d’une mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées que j’ai rendu avec M. Hubert Ott, qui appartient à votre majorité. Nous y constatons que les agriculteurs sont parmi les premières victimes du changement climatique et de la perte de biodiversité : l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a montré que ces deux facteurs sont à l’origine de la baisse du rendement des activités céréalières depuis plusieurs années. Nous concluons aussi que les politiques actuelles sont insuffisantes.

Un consensus scientifique se dessine sur le fait que votre solution fondée sur la robotique, la génétique et le numérique, inscrite dans le plan France 2030 d’Emmanuel Macron, est un naufrage. C’est une catastrophe sociale et environnementale et un gouffre énergétique. Le sens du métier de paysan s’y perd.

La seule solution, c’est de se tourner vers une agriculture intensive en paysans, donc vers le modèle que les scientifiques appellent l’agroécologie. Nous vous proposons de l’inscrire dans ce projet de loi : s’il fallait ne retenir qu’un seul objectif, ce serait celui-ci.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’agroécologie est incontournable, et elle est incluse dans la rédaction de l’alinéa 14. Vos préoccupations sont satisfaites. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Thierry Benoit (HOR). Ces amendements seraient vraiment pertinents s’ils se contentaient de mentionner l’agroécologie, sans évoquer l’agriculture biologique. Il ne faut pas stigmatiser ceux qui font de l’agriculture de conservation, ceux qui s’orientent vers le label Haute valeur environnementale (HVE)… Une majorité des agriculteurs s’efforcent d’entrer dans la transition écologique, dont tout le monde a compris l’importance.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Madame la rapporteure, l’agroécologie n’est pas du tout mentionnée à l’alinéa 14. La nouvelle rédaction que nous proposons n’écarte pas d’autres modèles que celui de l’agriculture biologique, même s’il faut rappeler que les exigences du label HVE sont extrêmement faibles, au point que, pour les premiers niveaux, on peut parler de supercherie. Ce label ne garantit pas du tout une sortie des pesticides, même au plus haut niveau.

Il faut aller vers une agriculture écologique : cela devrait faire l’unanimité. On parle beaucoup de bio et de certification en France, mais dans le monde, il existe une agriculture écologique qui n’est pas certifiée bio.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cette proposition pourrait en effet faire consensus. L’agriculture biologique est mentionnée, mais sans établir de hiérarchie par rapport aux autres pratiques. Il me semble nécessaire qu’elle soit présente ici, car elle l’est vraiment peu dans ce projet de loi : il faut au contraire la mettre en avant, en raison des bienfaits qu’elle apporte, mais aussi de la crise qu’elle traverse.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Monsieur Benoit, vous pouvez voter cet amendement : il mentionne l’agriculture biologique mais n’exclut pas les autres modèles. Je redis aussi que 50 % de ceux qui souhaitent s’installer veulent aujourd’hui aller vers l’agriculture biologique. Nous ne pouvons pas les ignorer. Le consensus scientifique nous dit que c’est l’agriculture biologique qui est la plus vertueuse parmi les modèles existants. La certification est parfois insuffisante, bien sûr ; il faudrait par exemple mieux prendre en considération la présence de bocages. Mais les pesticides sont vraiment néfastes pour la biodiversité et l’environnement.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous nous sommes aussi fixés des objectifs de développement de la surface agricole utile en bio. De plus, beaucoup d’agriculteurs se sont installés en bio et il faut leur donner de la visibilité.

Encore une fois, cet amendement inclut le bio, mais n’exclut pas les autres modèles.

La commission adopte l’amendement CE3011.

En conséquence, les autres amendements tombent, ainsi que tous ceux portant sur l’alinéa 14.

 

La séance, suspendue à 17 heures 40, est reprise à 18 heures.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE3014 de Mme Marie Pochon.

 

Amendement CE377 de Mme Annie Genevard

Mme Annie Genevard (LR). Il importe de faire connaître non seulement le métier d’exploitant, mais aussi celui de salarié agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable. Il y aura demain une proportion importante de salariés agricoles dans les entreprises.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2154 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). S’adresser au public scolaire est une bonne idée. Nous proposons de compléter l’alinéa 16 en mentionnant la nécessité, pour susciter des vocations agricoles, de favoriser la coopération entre les espaces urbains et ruraux : il faut aussi parler à des populations moins familières de l’agriculture.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Sagesse. L’idée me paraît juste, mais la rédaction perfectible.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les autres amendements à l’alinéa 16 tombent.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE3374 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

En conséquence, les autres amendements à l’alinéa 17 tombent.

 

Amendement CE2356 de Mme Manon Meunier

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Nous proposons que la politique d’installation et de transmission vise aussi à promouvoir les démarches de restructuration et de diversification des exploitations. En effet, plus les fermes sont grandes, plus il est difficile de les reprendre, et les porteurs de projet souhaitent souvent aujourd’hui des fermes dont les productions sont diversifiées.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2234 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous proposons d’inscrire dans la loi un objectif de soutien public – notamment financier – à l’installation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Des aides existent, réparties entre les régions et l’État.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE3375 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

Amendement CE2087 de M. Max Mathiasin

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à mettre en place des programmes de mentorat ou de collaboration qui permettrait à des agriculteurs de transmettre leur savoir-faire et leur expérience aux personnes préparant leur installation ou rencontrant des difficultés dans leur exploitation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Le mentorat existe déjà. Par ailleurs, l’amendement est en partie satisfait par l’alinéa 18.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE3376 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

 

Amendements identiques CE272 de M. Julien Dive et CE1887 de M. Charles de Courson

M. Julien Dive (LR). Cet amendement appelle à définir la nature exacte du « droit à l’essai » dans le code rural, et, par conséquent, dans la présente loi.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. C’est prématuré : il faudrait que le droit à l’essai soit parfaitement défini.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Nous travaillons avec le Conseil d’État pour arriver à une rédaction stabilisée.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est bien pour ça que j’avais déposé cet amendement !

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3456 de la commission du développement durable, CE215 de M. Dominique Potier et CE1923 de Mme Mathilde Hignet, et amendement CE1955 de M. Charles Fournier (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement a été adopté par la commission. J’y étais personnellement défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il s’agit de faire référence, à côté du droit à l’essai, aux « autres formes de test d’activités agricoles » qui existent déjà, notamment dans ma région, que le ministre connaît bien.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3457 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement a été adopté par la commission. Je précise que j’y étais favorable.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je vous propose de le retirer pour en retravailler la rédaction en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1947 de Mme Manon Meunier.

 

Amendements identiques CE509 de M. Dominique Potier, CE1933 de M. Loïc Prud’homme, CE2347 de Mme Lisa Belluco, CE2388 de M. André Chassaigne et CE3016 de Mme Marie Pochon

M. Dominique Potier (SOC). Il s’agit d’intégrer aux mesures de soutien à l’installation la transparence et la régulation de l’ensemble des marchés fonciers. Il y a un marché de la transmission physique, un marché de la transmission sociétaire et un marché de l’usage, qui est celui du travail à façon. Ils ne sont pas régulés de la même façon, ni de façon efficiente. Cela autorise un accaparement des terres qui ruine toute perspective d’installation.

Si nous ne luttons pas pour la régulation et la transparence des marchés fonciers, tout le reste sera inutile.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il faut traiter ces questions, c’est une évidence. Nous y reviendrons sans doute, mais je voudrais mentionner la nécessité de redonner des capacités financières aux Safer – sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – afin qu’elles puissent stocker du foncier : il y a souvent un décalage dans le temps entre un projet d’installation et la disponibilité du foncier.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’enjeu est en effet crucial. Ces quarante dernières années, nous avons laissé les fermes s’agrandir et se concentrer. Ce processus a été destructeur : le nombre de fermes comme celui des agriculteurs s’effondrent. L’absence de foncier est un frein majeur à l’installation : nous connaissons tous ici des gens qui ont dû renoncer à s’installer faute de moyens pour acheter des terres, car il faudrait contracter des prêts sur vingt ans, alors que le changement climatique rend difficile de se projeter dans l’avenir.

Il faut agir et c’est ce que propose cet amendement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez que les mesures visant à faciliter l’installation contribuent à la transparence et à la régulation de l’ensemble des marchés fonciers. Si la dimension foncière est évidemment essentielle, tel n’est pas l’objet du projet de loi, qui détermine les critères généraux des politiques destinées à favoriser l’installation et la transmission d’exploitations agricoles. L’accès au foncier est d’ailleurs spécifiquement évoqué à l’alinéa 21 de l’article 1er. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis – d’autant que la commission a voté un amendement insistant sur la nécessité de réguler le foncier.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE1186 de Mme Anne-Laure Blin, CE216 de M. Dominique Potier et CE1992 de Mme Aurélie Trouvé (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). À l’alinéa 21, nous souhaitons indiquer que l’État « organise » l’accès au foncier agricole, plutôt qu’il ne le « facilite ». Il revient à la puissance publique d’organiser la juste distribution du foncier.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE3458 de la commission du développement durable, CE271 de M. Julien Dive, CE964 de M. Francis Dubois, CE2203 de M. David Taupiac, CE2269 de M. Thierry Benoit, CE2374 de M. Sébastien Jumel et CE3017 de Mme Marie Pochon, amendements CE627 de M. Jean-Pierre Vigier et CE217 de M. Dominique Potier (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’avais émis, en commission du développement durable, un avis de sagesse sur l’amendement devenu CE3458, qui avait initialement été déposé par le groupe Les Républicains.

M. Francis Dubois (LR). L’amendement CE964 vise à étendre la contribution de l’État au financement de l’installation des jeunes agriculteurs. En effet, le renouvellement des générations passera par l’accès des jeunes à des financements. La terre doit appartenir à ceux qui l’exploitent.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis favorable aux amendements identiques.

M. Marc Fesneau, ministre. Dans le souci de répartir clairement les compétences, il vient d’être décidé que les régions se substituaient à l’État dans l’application de la politique agricole commune. Les amendements CE271 et identiques réintroduiraient de la confusion et procéderaient à une forme de recentralisation de la politique d’installation des agriculteurs. L’attribution de cette compétence aux régions a été saluée par tous ; certains déplorent à présent que la mise en œuvre diffère selon les territoires : tel est pourtant le principe de la décentralisation. Il faudra bien finir par choisir entre la décentralisation et la centralisation !

Le dispositif actuel relève du plan stratégique national ; il ne saurait donc être modifié par une loi. Nous n’en sommes qu’à la première année d’exercice. Certes, des difficultés apparaissent, mais il est prématuré de revenir sur cette répartition des compétences.

J’ajoute que l’État intervient aussi par le biais d’autres dispositifs, notamment en ce qui concerne le portage du foncier, avec le fonds Entrepreneurs du vivant.

M. Jean-Pierre Vigier. Si l’accès au foncier est essentiel pour assurer l’installation des agriculteurs, l’accès de ces derniers à des financements est tout aussi important. Compte tenu des explications de M. le ministre, je retire l’amendement CE627.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CE217.

L’amendement CE627 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2486 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Il vise à préciser que l’État facilite l’accès au foncier agricole « notamment via les organismes de gestion publique du foncier agricole ».

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1713 de M. André Chassaigne.

 

Amendement CE2500 de M. Philippe Bolo

M. Philippe Bolo (Dem). La rédaction de cet amendement étant suffisamment claire, il est défendu.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. La rédaction du projet de loi étant elle aussi suffisamment claire, je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement CE2500 est retiré.

Successivement, suivant les avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements CE1231 de M. Vincent Descoeur et CE2570 de M. Julien Dive, et adopte l’amendement CE3378, de clarification du rapporteur général.

 

Amendements identiques CE3459 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et CE647 M. Vincent Descoeur

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’avais émis, en commission du développement durable, un avis défavorable sur l’amendement devenu CE3459, qui avait été déposé par le groupe Les Républicains.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques CE3460 de la commission du développement durable, CE190 de Mme Annie Genevard, CE998 de M. Inaki Echaniz et CE2343 de M. Thierry Benoit

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’avais, là aussi, émis un avis défavorable sur l’amendement devenu CE3460qui avait été déposé par le groupe Les Républicains.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’installation d’un jeune agriculteur dans un territoire est aussi déterminée par la présence d’une crèche, d’une école ou d’un bureau de poste. Il est donc essentiel de développer des services en milieu rural. De nombreux groupes parlementaires partagent cet objectif.

Mme Annie Genevard (LR). Un élève sur trois de l’enseignement agricole privé est inscrit dans une filière de services. Il importe de développer ce secteur pour que ces jeunes trouvent un emploi.

La commission adopte les amendements.

 

Suivant les avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements identiques CE219 de M. Dominique Potier et CE879 de M. Jean-Luc Bourgeaux, ainsi que l’amendement CE3018 de Mme Marie Pochon faisant l’objet d’une discussion commune.

 

Amendement CE2489 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Je propose de compléter l’alinéa 21 par la mention suivante : « L’État est diligent dans le versement des aides agricoles. »

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Le versement des aides a été très rapide à l’issue de la mobilisation des agriculteurs de janvier dernier. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. La première année d’exercice d’une nouvelle politique agricole commune est toujours difficile – songez à la PAC de 2015. En 2023, l’introduction de la notion d’agriculteur actif, avec une limite d’âge à 67 ans, a de surcroît compliqué le système. Nous avons néanmoins soldé la quasi-totalité des dossiers d’aide du premier pilier de la PAC au 15 mars, conformément à l’engagement du Premier ministre.

Quant aux aides liées aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) et à l’agriculture biologique, elles sont toujours versées entre le mois de mars et le mois de mai. Nous respectons ce calendrier. C’est l’occasion de saluer la mobilisation pleine et entière des fonctionnaires du ministère : la nouvelle PAC leur a demandé des développements informatiques complexes et un important travail de saisie, parallèlement à la gestion des crises et des fonds d’urgence. Je ne prétends pas que tout est parfait – la recherche de moyens supplémentaires pour les Maec, en particulier, a pris un certain temps –, mais nous avons fait preuve de diligence. Notez aussi qu’une partie des fonds de la PAC est distribuée par les régions.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Soyez conscient, monsieur le ministre, que nos campagnes grondent. Les services de l’État sont défaillants, car les logiciels ne sont pas déployés. Des problèmes informatiques empêchent le versement des aides. Certains agriculteurs se trouvent dans la plus grande détresse et attendent des dizaines de milliers d’euros. Vous ne pouvez pas prétendre que les services ont répondu à leurs demandes. Quant à l’amendement, j’y vois un bavardage législatif inutile : il est évident que l’État doit verser les aides avec diligence.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Vous me trouverez toujours du côté du service public et des agents : je leur rends hommage. S’ils étaient plus nombreux, l’État serait moins enquiquinant et plus accompagnant. Les difficultés relatées par Mme Blin sont réelles. J’ai même fait parvenir à vos services, monsieur le ministre, un courrier de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) dans lequel elle reconnaît qu’un problème de logiciel ne lui permet pas de verser les aides. Quand votre frigo est vide et que vous avez besoin de cet argent, c’est insupportable !

Mme Louise Morel (Dem). Mon amendement – que je retire – visait surtout à relayer l’inquiétude des agriculteurs et à obtenir des explications. Je prends acte que le démarrage est difficile et que la situation s’améliorera l’année prochaine.

M. Marc Fesneau, ministre. Je n’ai pas fait montre d’autosatisfaction – ce n’est pas mon genre. Ce problème survient toujours la première année d’une nouvelle programmation de la PAC. La France a-t-elle besoin de 100 mesures agroenvironnementales, allant du grand hamster d’Alsace à l’outarde canepetière ? Nous devrons nous poser la question lors des futures PAC. Je comprends le besoin de différenciation, mais dans certains cas, nous devons faire un développement informatique pour vingt dossiers !

Je ne disconviens pas que nous avons pris du retard à l’égard des agriculteurs bio. J’ai demandé à l’Agence de services et de paiement (ASP) de leur verser le maximum d’aides sous deux à trois semaines.

Enfin, nous avons introduit un droit à l’erreur. Auparavant, vous pouviez perdre vos aides de la PAC si vous ne cochiez pas la bonne case. Désormais, un agriculteur peut modifier son dossier jusqu’en octobre – mais dans ce cas, l’aide ne lui sera pas versée immédiatement. Je ne dis pas que tout est parfait, mais reconnaissez aussi que les critères d’attribution des aides sont complexes : nous avons créé un système infernal. Nous devons lancer des dizaines, voire des centaines de développements informatiques pour payer les agriculteurs. Je pourrais tout à fait simplifier le dispositif, avec une moindre différenciation régionale, mais chacun devra en accepter les conséquences.

M. le président Stéphane Travert. À titre d’illustration, la PAC de 2015 a nécessité des instrumentations de mesures dont le coût était plus élevé que le montant des subventions attribuées aux agriculteurs.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Peut-être faut-il plus de moyens humains pour traiter les dossiers complexes. Or, votre politique d’austérité budgétaire conduit à toujours réduire le nombre de fonctionnaires. Les directions départementales des territoires (DDT) sont parfaitement débordées, à tel point que leurs agents font des burn-out. Pourquoi ne constate‑t‑on des retards qu’en France, et pas en Allemagne, par exemple ? Depuis sept ans que le président Macron est au pouvoir, les aides sont versées avec difficulté. C’est votre responsabilité.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous devriez aller voir ce qu’il en est en Allemagne !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je vous remercie d’avoir résolu récemment un problème ayant trait aux Maec dans les Deux-Sèvres, monsieur le ministre. Pour autant, les difficultés sont réelles. L’administration fiscale a été capable de déployer des solutions informatiques pour couvrir la multitude de régimes fiscaux qui existent en France. Pourquoi en va-t-il autrement pour les agriculteurs ? Les moyens humains sont insuffisants : les DDT font appel à des vacataires pour boucler les déclarations PAC.

Mme Stella Dupont (RE). Faire dans la dentelle, cela prend du temps. Plus le système intègre finement les spécificités régionales, plus il est complexe. Je suis favorable à une simplification.

Les difficultés économiques des exploitants en bio sont renforcées par le retard de versement des aides de la PAC. Envisagez-vous de leur verser des acomptes, entre autres solutions ?

M. Marc Fesneau, ministre. J’ai demandé que cette piste soit explorée, mais elle est pire que tout : il est aussi long d’accorder des acomptes que de verser les aides elles-mêmes – l’expérience en a été faite sous le mandat de François Hollande. Cela implique de surcroît un contrôle budgétaire européen accru.

L’amendement CE2489 est retiré.

 

Amendements CE1991 et CE1993 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il s’agit de combler deux manques criants du projet de loi : d’une part, la commande publique doit soutenir les filières de production de nos territoires pour offrir des débouchés aux agriculteurs – c’est l’amendement CE1991 –, et d’autre part, une protection sociale ambitieuse doit être proposée à ces derniers – c’est l’amendement CE1993.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement CE1991, car l’installation ne doit pas dépendre de la seule commande publique. Vous souhaiteriez que les élus et les cadres territoriaux mettent en œuvre cette politique de concert : cela me semble difficilement applicable.

Par ailleurs, l’amendement CE1993 est satisfait à l’alinéa 13 de l’article 1er, qui spécifie que la politique d’installation et de transmission « participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental… ».

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Pardon, mais la protection sociale n’est pas mentionnée à l’alinéa 13.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE1925 de Mme Mathilde Hignet et CE3019 de Mme Marie Pochon, amendements CE2385 de M. André Chassaigne, CE222 de M. Dominique Potier et CE3226 de Mme Anne-Laurence Petel (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Nous souhaitons consacrer le principe de pluralisme dans la mise en œuvre de la politique d’aide à l’installation et à la transmission. Ce pluralisme a vocation à s’illustrer dans la composition des instances associées à la gouvernance de cette politique : le Comité national installation-transmission (Cnit) et les comités régionaux installation-transmission (Crit). Sur les 20 000 candidats qui se présentent chaque année dans les points accueil installation (PAI), on ne recense que 13 000 projets d’installation. Ils sont trop nombreux à abandonner. Le pluralisme que nous appelons de nos vœux contribuerait à une meilleure coordination entre la pluralité d’acteurs qui accompagnent des projets d’installation tout aussi divers.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). De nombreux débats ont lieu, au sein même du monde agricole, sur les orientations à donner à la « ferme France ». Depuis les capitaines d’industrie qui accumulent les hectares et ont l’oreille des gouvernements successifs, jusqu’aux paysans en modèle familial, il y a tout un monde, et même un univers. Il est important d’associer l’ensemble des composantes du monde agricole à la réflexion. Nous proposons de fixer le cadre d’une gouvernance pluraliste impliquant l’État, les régions et huit collèges représentatifs des acteurs intéressés. Aux côtés de l’État et des régions, ces instances devront jouer un rôle accru dans la conduite et le suivi des politiques de transmission et, surtout, d’installation. Les candidats à l’installation ayant des profils très variés, ils doivent être accueillis et accompagnés par des acteurs pluriels.

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Il s’agit de préciser, à l’alinéa 22, que la politique d’aide à l’installation et à la transmission s’appuie sur des instances de concertation « territoriales » plutôt que « régionales ». L’accent doit être mis sur les instances infrarégionales, telles que les projets alimentaires territoriaux (PAT), les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou encore les ceintures vertes. Cet amendement a été travaillé avec l’association France urbaine.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La composition des Cnit et des Crit a évolué vers un plus grand pluralisme, notamment à la suite de l’instruction technique du 2 mars 2017. Le fonctionnement actuel me paraît convenir. Je serais favorable au retrait de vos amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. S’il fallait introduire un principe de pluralisme, ce serait plutôt à l’alinéa 17, qui traite de la mise en relation des porteurs de projet avec les autres professionnels.

Cela étant, je crains que vous ne créiez une armée mexicaine, si vous me passez l’expression. Pour que l’accompagnement soit pluraliste, il n’est pas nécessaire d’ajouter une foule d’acteurs dans les instances : elles deviendront impotentes.

La politique d’installation est partagée entre l’État et les régions. Respectons cette hiérarchie. Certes, nous avons besoin des départements et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), mais, à rendre indistinctes les responsabilités des acteurs, nous compliquerions le système, nous remettrions en cause le dialogue avec les régions, et nous dérogerions au code général des collectivités territoriales. Je vous propose donc de retirer votre amendement, madame Petel.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE2088 de M. Max Mathiasin.

Amendement CE171 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Nous proposons que la liste des partenaires concernés par les nouvelles instances nationale et régionales de concertation soit publiée par décret dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi. Cela contribuera à la transparence et à la stabilité du dispositif.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE378 de Mme Annie Genevard

Mme Annie Genevard (LR). Je souhaite que les branches professionnelles soient mentionnées à l’alinéa 22 parmi les « autres partenaires concernés ».

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. De toute évidence, les branches professionnelles font partie des autres partenaires concernés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE2551 de M. Laurent Esquenet-Goxes

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Lamendement a pour but d’instituer la parité au sein des instances nationales et régionales chargées de mettre en œuvre la politique d’installation et de transmission.

Cette mesure est nécessaire pour pallier la sous-représentation des femmes dans les instances agricoles et lutter contre les discriminations sexistes. Elle permettra de prendre en compte les préoccupations et les besoins des femmes agricultrices dans les évolutions à venir de l’agriculture.

Sans parité dans les instances de décision, le risque est grand de voir les problématiques des agricultrices ignorées. Cette mesure ne suffira pas à résoudre un problème structurel dans notre société, mais elle peut y contribuer.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1437 de M. Frédéric Maillot.

 

Amendement CE880 de M. Jean-Luc Bourgeaux, amendements identiques CE3461 de la commission du développement durable et CE3020 de Mme Marie Pochon, amendements CE1926 de Mme Aurélie Trouvé et CE2375 de M. Sébastien Jumel (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement à l’origine présenté par le groupe Écologiste, qui a été adopté par la commission du développement durable contre mon avis.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Aujourd’hui, nous manquons d’informations sur les effets des politiques d’aide à l’installation et à la transmission. Chambres d’agriculture France ne publie que de rares éléments tandis qu’au niveau local, les ressources sont très disparates.

Nous savons cependant que 100 000 fermes ont disparu ces dix dernières années et qu’une part importante des candidats à l’installation abandonne en cours de route. Nous ne pouvons plus nous le permettre.

Il est proposé que les instances nationales et régionales concernées produisent une évaluation annuelle de la politique qu’elles sont chargées de mettre en œuvre, tandis qu’un observatoire national de l’installation et de la transmission en assurera le suivi.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’amendement vise à créer un observatoire national de l’installation et de la transmission.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis opposée par principe à la création d’instances, comités ou observatoires, d’autant plus que la simplification est à l’ordre du jour. Avis défavorable à tous les amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. En réalité, cet ‘observatoire existe déjà : ce sont les chambres d’agriculture qui en ont la responsabilité.

Il est vrai que les données sont insuffisantes pour alimenter une évaluation quantitative et qualitative. Nous y reviendrons, puisque nous essayons d’y remédier dans les dispositions relatives à France Services agriculture.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE223 de M. Dominique Potier.

 

Amendements identiques CE1929 de Mme Manon Meunier et CE3385 de Mme Marie Pochon

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Le texte ne fixe aucun objectif chiffré en matière d’installation. Or, c’est indispensable à nos yeux. L’amendement vise donc à demander aux instances, nationale et régionales, d’établir un nombre d’installations d’exploitants agricoles par an à atteindre. Je rappelle les chiffres actuels : 21 000 départs par an pour 14 000 installations.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1976 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement vise à instaurer des plans pluriannuels de développement de filières pour chaque culture agricole déficitaire dans notre pays.

Il s’agit de revenir à un État stratège qui planifie le soutien aux filières. Les politiques libérales menées ces dernières années, qui reposent sur un modèle agricole exportateur et productiviste, ont affaibli notre souveraineté alimentaire : les importations ont ainsi doublé depuis les années 2000 ; elles représentent 20 % de notre alimentation et 71 % des fruits consommés.

Pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire, il est nécessaire de planifier la déspécialisation des territoires agricoles et le développement de filières.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable. Il est possible de le faire sans l’inscrire dans la loi : le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes en est la meilleure illustration.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE827 de M. Jean-Luc Bourgeaux, CE2430 de M. Julien Dive, CE2451 de M. Jean-Pierre Vigier et CE3091 de M. Benoît Bordat

M. Francis Dubois (LR). Il est proposé d’introduire dans le rapport annuel des indicateurs de performance des politiques publiques. Il ne suffit pas de voter des lois, il est indispensable de les évaluer pour s’assurer de leur efficacité.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Aux termes de l’amendement, le rapport annuel devra comporter des indicateurs permettant d’évaluer les politiques publiques menées pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Le suivi des plans de souveraineté est important. Conformément à la demande de la profession agricole, FranceAgriMer a livré à la sagacité collective, en particulier à celle du Parlement, une batterie d’indicateurs pour suivre les différentes productions. Ce travail mérite sans doute d’être enrichi, mais il vous appartient de vous en saisir.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE2034 de Mme Nathalie Bassire et CE1436 de M. Frédéric Maillot (discussion commune)

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Les spécificités de l’agriculture ultramarine sont absentes du projet de loi, alors qu’il est indispensable de les prendre en considération. La souveraineté alimentaire doit être un objectif structurant et réaliste des politiques publiques en outre-mer.

Conformément à la mesure 49 du comité́ interministériel des outre-mer (Ciom) – généraliser le « réflexe outre-mer » dans la fabrication de la norme –, il convient de répondre aux besoins réels des territoires ultramarins identifiés grâce aux remontées de terrain, tels que la diversification des cultures, le développement de l’eau agricole d’irrigation et la promotion des productions locales.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Bassire, vous avez raison, nous avons besoin d’indicateurs spécifiques pour l’outre-mer. Je serai favorable à votre amendement si vous acceptez un sous-amendement consistant à remplacer le mot : « autonomie » – qui est l’objectif – par le mot : « souveraineté » – que mesurent les indicateurs.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). J’accepte le sous-amendement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Ce sous-amendement est très intéressant. Je le voterai.

M. le président Stéphane Travert. Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement CE3632 du Gouvernement qui substitue au mot : « autonomie » le mot : « souveraineté », puis l’amendement CE2034 ainsi sous-amendé.

La commission adopte le sous-amendement CE3632, puis l’amendement CE2034 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE1436 tombe.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE2376 de M. André Chassaigne et CE3070 de M. Patrice Perrot.

 

Amendements identiques CE10 de M. Fabrice Brun et CE1578 de M. Antoine Villedieu

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Le texte ne mentionne pas les éléments sur lesquels se fonde le rapport annuel. L’amendement vise donc à préciser qu’il s’agit des indicateurs de FranceAgriMer.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. FranceAgriMer ne sera pas le seul organisme sollicité ; on peut penser aussi à l’Insee. Demande de retrait, car la précision paraît inutile.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Il n’est pas souhaitable de restreindre le champ des indicateurs, même si FranceAgriMer en est évidemment le premier pourvoyeur.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2569 de M. Laurent Esquenet-Goxes

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). L’amendement tend à créer un dispositif de mentorat au profit des femmes qui souhaitent s’orienter vers les métiers agricoles.

L’enseignement agricole compte près de 50 % de femmes en 2023. Pourtant, les femmes ne représentent qu’un quart des chefs d’exploitation. La féminisation de l’agriculture est un défi au regard de l’objectif du renouvellement des générations. Nous disposons d’une marge de manœuvre réelle pour constituer un vivier d’étudiantes et plus tard d’agricultrices. Pour attirer ce nouveau public et lever les barrières à l’entrée du monde agricole, il convient de briser les tabous tant du côté des femmes que du monde agricole et de lutter contre les préjugés ainsi que les discriminations sexistes. L’enseignement agricole doit y contribuer et accompagner au mieux les citoyennes de demain.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, car ce n’est pas en lien direct avec la souveraineté alimentaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3462 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement qui, à l’origine, a été présenté par le groupe Les Républicains et adopté par la commission du développement durable contre mon avis.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Madame Le Feur, en tant que rapporteure, vous n’avez pas à donner votre propre avis, ni à mentionner les auteurs de l’amendement d’origine puisqu’il s’agit désormais d’un amendement de la commission du développement durable.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Puisque mon nom apparaît comme cosignataire de cet amendement, je tiens à le préciser. Par ailleurs, j’ai le droit de donner mon avis personnel sur les amendements.

M. le président Stéphane Travert. L’amendement est en effet devenu un amendement présenté au nom de la commission du développement durable, mais la rapporteure peut exprimer son avis à titre personnel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE224 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Avant d’achever l’examen de l’article 1er que nous avons adoré, je tiens, monsieur le ministre, à faire amende honorable. Les représentants syndicaux des ouvriers agricoles et de l’agroalimentaire nous ont confirmé avoir été associés à certaines concertations, mais ils déplorent une dissymétrie par rapport aux syndicats professionnels. De manière générale, les politiques publiques ne portent pas une considération suffisante aux salariés agricoles.

L’amendement prévoit une évaluation annuelle de la politique d’aide à l’installation et à la transmission.

Vous nous aviez promis des informations sur le foncier qui devrait être libéré dans les années à venir. Elles seraient bienvenues. Si les projections sont exactes – 4 millions d’hectares perdus dans les dix ans, soit 40 % des terres –, l’évaluation n’est pas du temps perdu : elle permet d’améliorer notre capacité de pilotage et d’espérer atteindre l’objectif d’un pour un – un départ pour une installation. Sans cette évaluation, nos décisions risquent de rester lettre morte.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je remercie M. Potier pour son honnêteté intellectuelle.

Vous avez raison, le salariat, en particulier son manque d’attractivité, est une problématique essentielle du monde agricole que nous devons traiter de manière globale.

En revanche, je suis défavorable à l’amendement. Les rapports prévus dans le projet de loi répondent à votre préoccupation. Enfin, nous vous fournirons les éléments que vous avez demandés sur ce à quoi l’on peut s’attendre.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendements identiques CE313 de M. Julien Dive, CE734 de M. Jean-Pierre Vigier, CE978 de M. Francis Dubois, CE1358 de M. Charles de Courson et CE1765 de Mme Hélène Laporte

M. Julien Dive (LR). Il s’agit de préciser que toute atteinte portée à la protection de l’agriculture, qui est d’intérêt général, dans le cadre de la préservation et de la gestion durable des zones humides, doit être nécessaire et proportionnée.

M. Francis Dubois (LR). Mon amendement a exactement le même objet.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement prolonge le débat à l’article 1er sur la conciliation entre l’intérêt général majeur que revêt l’agriculture et les autres intérêts généraux.

Mme Hélène Laporte (RN). Il s’agit de tirer les conséquences de la reconnaissance à l’article 1er de l’intérêt général majeur de l’agriculture et de concilier deux intérêts fondamentaux que sont la préservation de notre environnement et celle de notre capacité à assurer notre indépendance alimentaire par une agriculture variée et compétitive.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. C’est une question qui reviendra souvent dans l’article 2.

Vous ne l’avez pas dit ainsi, mais je me permets de le rappeler, il n’y a pas à opposer les zones humides et les intérêts agricoles, que ce soit pour la préservation de l’eau, la lutte contre les inondations ou la recherche des nappes phréatiques. En outre, la nouvelle rédaction de l’article L.1 du code rural et de la pêche maritime me paraît suffisante. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE312 de M. Julien Dive, CE716 de M. Jean-Pierre Vigier, CE977 de M. Francis Dubois, CE1357 de M. Charles de Courson et CE1764 de Mme Hélène Laporte

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’objet de l’amendement est de mettre en conformité l’article L. 211‑1 du code de l’environnement, qui est le socle du droit de l’eau, avec la reconnaissance de l’intérêt général majeur de l’agriculture à l’article 1er.

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit de mettre en conformité le droit de l’eau avec la protection accordée à l’agriculture au nom de l’intérêt général majeur.

M. Charles de Courson (LIOT). Il est proposé de mettre en conformité l’article fondateur du droit de l’eau dans le code de l’environnement avec l’article 1er du projet de loi.

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à mettre le droit de l’environnement en matière de gestion de l’eau en cohérence avec l’intérêt général majeur de l’agriculture énoncé à l’article 1er.

L’usage agricole de l’eau, étroitement lié à notre souveraineté alimentaire, ne peut évidemment pas être considéré comme un usage privé parmi d’autres. Doit être consacré le caractère d’utilité publique des ouvrages hydrauliques permettant d’accroître la sécurisation de la production agricole et de préserver l’équilibre hydrique des territoires.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, car vous prenez le risque d’opposer environnement et agriculture.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). L’article du code de l’environnement dont il est question définit les fondamentaux du régime général de la préservation de la ressource en eau dans notre pays. Il pose des principes de hiérarchie des usages entre l’eau potable, les besoins des milieux naturels et les usages économiques, dont l’agriculture qui figure déjà dans l’article.

Ensuite, quand il y a autant d’amendements identiques aussi mal inspirés, on aimerait bien avoir le nom de l’inspirateur.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE311 de M. Julien Dive, CE732 de M. Jean-Pierre Vigier, CE976 de M. Francis Dubois, CE1356 de M. Charles de Courson et CE1415 de M. Grégoire de Fournas

M. Julien Dive (LR). L’amendement tend à décliner l’article 1er, en ajoutant le potentiel agricole à la définition des intérêts fondamentaux de la nation dans le code pénal, au même titre que l’équilibre du milieu naturel et de l’environnement. Les sanctions pénales restent encore à déterminer.

M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit de mettre en conformité le code pénal avec l’article 1er, en inscrivant le potentiel agricole parmi les intérêts fondamentaux de la nation protégés par ce dernier.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Madame Batho, il est indiqué dans l’exposé sommaire que l’amendement a été élaboré avec le concours de la FNSEA.

Quant à l’amendement CE1415, il est essentiel que le potentiel agricole soit placé sur le même plan que l’environnement et l’équilibre du milieu naturel, et qu’il bénéficie de la même protection en tant qu’intérêt fondamental.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les amendements font écho au troisième alinéa de l’article 1er. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semble utile de préciser que les intérêts agricoles font partie des intérêts fondamentaux de la Nation, consacrés par le code pénal. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE2468 de M. Éric Martineau

M. Éric Martineau (Dem). Je défends également l’amendement CE3133.

Les organisations de producteurs (OP) jouent un rôle de relais important et participent à la structuration des filières en amont. Ils accompagnent les transitions écologique et climatique, ainsi que le développement d’une autre agriculture. Les deux amendements visent à affirmer notre soutien à leur égard. Je vous invite à les adopter, avec une préférence pour l’amendement CE3133.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Martineau, je partage votre objectif, mais il existe déjà – depuis 2015 – un dispositif d’aides ad hoc pour l’organisation des producteurs, qui a d’ailleurs été reconduit pour la période 2023-2029. Je vous demanderais donc de retirer votre amendement, qui me semble déjà satisfait.

M. Julien Dive (LR). Cet amendement est bien inspiré et je le soutiens, car les organisations de producteurs sont un bon levier pour accompagner l’ensemble des acteurs et pour redonner un peu de pouvoir aux filières.

M. Francis Dubois (LR). Je soutiens également cet amendement. Le texte ne contient rien sur les filières. Il est pourtant important de soutenir les organisations de producteurs qui pratiquent une agriculture d’excellence labellisée AOP.

M. le président Stéphane Travert. Monsieur Martineau, maintenez-vous votre amendement ?

M. Éric Martineau (Dem). Je le maintiens, car il a été travaillé avec les organisations de producteurs, principalement celles de la filière fruits et légumes.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2515 de M. Jocelyn Dessigny

Mme Hélène Laporte (RN). L’espace agricole français a diminué de 20 % – passant de 38 à 28 millions d’hectares – au cours des cinquante dernières années. Sur la base du rythme de 2006 à 2010, l’extension urbaine consommerait de l’ordre de 11 % de la superficie agricole utilisée d’ici à 2050. Or, pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire, les terres agricoles doivent rester destinées à l’agriculture.

L’amendement propose de modifier le régime juridique des terres agricoles, qui deviendraient un outil de travail agricole et non plus un bien foncier dont la propriété peut être détenue par des acteurs non agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’idée est intéressante, mas les conséquences, notamment juridiques, de ce nouveau régime sont difficiles à mesurer. Par prudence, demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Je ne vois pas à quoi la qualification d’outil de travail fait référence. Il existe un droit foncier, mais j’ignore si l’outil de travail est protégé par des dispositions législatives ou réglementaires. J’ai du mal à comprendre la portée juridique de cet amendement. Je ne le voterai donc pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE225 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement est issu du Tour de France Agri, une émanation du mouvement rural de la jeunesse chrétienne, qui travaille sur des politiques d’installation et d’innovation.

Il propose l’expérimentation d’un volontariat agricole, pilotée par les organisations agricoles et les collectivités territoriales, destiné à renforcer l’attractivité des métiers agricoles. L’amendement détermine, le cas échéant, les conditions dans lesquelles l’expérimentation peut être prolongée, élargie et pérennisée, en identifiant les caractéristiques des territoires et des publics pour lesquels elle est susceptible de constituer une solution adaptée.

Cette sorte de service civique paysan constitue une innovation sociale, portée par un mouvement associatif dont les membres sont très volontaires et engagés, qui me paraît pouvoir recueillir notre assentiment. Nous avons besoin de toutes les ressources de notre nation pour réussir ces défis colossaux que sont le renouvellement des générations et la souveraineté alimentaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’idée est intéressante, mais une expérimentation doit notamment être accompagnée par un comité de pilotage, être évaluée, reposer sur des conditions précises, autant d’éléments que l’amendement ne prévoit pas. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Je constate que l’idée d’un volontariat autour de l’agriculture est bien partagée sur vos bancs, puisque d’autres amendements similaires viendront en discussion.

Nous essayons de construire quelque chose de similaire à travers une expérimentation dans trois départements avec la coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma).

Je vous propose de retirer votre amendement, car, même si vous faites généralement bien la loi, je ne suis pas convaincu par la rédaction de votre amendement. Nous pourrions ainsi le retravailler en vue de l’examen du texte en séance, ou lors de la navette parlementaire.

M. Dominique Potier (SOC). Les responsables de l’expérimentation disposent d’un comité de pilotage, mais ils ont pu avoir à faire face à des impasses juridiques.

La suggestion de retravailler cet amendement, dans un esprit transpartisan de dialogue, est bienvenue – je sais que Mathilde Hignet, notamment, travaille sur ces questions. Toutefois, je préférerais que ce travail se fasse pour la séance plutôt que lors de la navette, qui est un temps d’approfondissement.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement CE3133 de M. Éric Martineau est retiré.

 

Amendement CE1333 de M. Florence Goulet

Mme Florence Goulet (RN). Il propose que le Gouvernement remette un rapport sur l’impact de l’agrivoltaïsme sur la production nationale et sur la santé des sols agricoles. Cette source d’énergie est favorisée par les pouvoirs publics, jusqu’à échapper aux règles du zéro artificialisation nette (ZAN). De nombreux agriculteurs s’inquiètent et dénoncent les effets à long terme sur des sols placés à l’ombre de manière permanente et sur l’accaparement des terres qui en résulte.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Un nouveau rapport ne me semble pas nécessaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2167 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement propose d’introduire un nouvel article, spécifique aux territoires ultramarins. Avec Mme Bassire, nous n’avons eu de cesse de rappeler que les caractéristiques de nos territoires sont totalement différentes de celles des territoires de l’Hexagone.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Un amendement sur la prise en compte des collectivités d’outre-mer a déjà été adopté tout à l’heure. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Certains éléments propres aux outre-mer auraient dû être mieux pris en compte par le texte, mais plusieurs amendements ont déjà permis de le faire.

Le principe même de notre République est que l’État travaille avec les collectivités territoriales. La stratégie est donc largement partagée. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Il faut sanctuariser le foncier agricole. Nous avons adopté un amendement, que vous avez sous-amendé, monsieur le ministre.

Les outils de planification comme le schéma d’aménagement régional (SAR), le plan local d’urbanisme (PLU) ou le schéma de cohérence territoriale (Scot) nous donnent la possibilité de préserver le foncier agricole, ce qui est particulièrement important dans nos territoires qui comptent des petites superficies.

M. Philippe Naillet (SOC). L’objectif est d’arriver à une vraie stratégie foncière. À La Réunion, nous avons perdu 4 000 hectares de surface agricole utile en onze ans. Comment, dans ces conditions, assurer la souveraineté alimentaire ? L’enjeu est donc de préserver le foncier, de reconquérir des terres agricoles exploitables et de faciliter les transmissions pour assurer le renouvellement des générations.

M. Marc Fesneau, ministre. Votre amendement prévoit que l’État se substitue aux collectivités locales pour l’élaboration de la stratégie foncière. Or, la plupart des collectivités ultramarines, je pense notamment à la Guyane, veulent pouvoir développer leur stratégie foncière. Il risque donc de déséquilibrer les rapports de décentralisation tels qu’ils sont prévus par la loi.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous retravaillerons l’amendement avant l’examen en séance.

La commission rejette l’amendement.

 

TITRE II
Former et innover pour le renouvellement des générations et les transitions en agriculture

Chapitre Ier
Objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation

 

M. le président Stéphane Travert. Nous en arrivons au titre II. Je souhaite la bienvenue à Mme Géraldine Bannier et à M. Bertrand Sorre, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

 

 

Avant l’article 2

 

Amendement CE1023 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Cet amendement propose de modifier l’intitulé du titre II pour refléter le fait que la formation est bien une mission des pouvoirs publics, mais que l’innovation est davantage une mission des instituts publics, de l’enseignement supérieur et des entreprises.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis de sagesse.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je regrette que la commission des affaires culturelles et de l’éducation n’ait pas eu le temps d’examiner les articles 3, 4 et 5 alors que, vu la longueur des débats sur l’article 1er, nous aurions pu siéger mardi soir et ce matin pour le faire.

M. le président Stéphane Travert. Cela relève de l’organisation des travaux de votre commission. Nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Article 2 Buts assignés aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole

 

Amendements CE3435 de M. Éric Girardin et CE1514 de M. Hendrik Davi (discussion commune)

M. Éric Girardin, rapporteur général. Amendement de précision.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Cet amendement propose d’inscrire le renouvellement des générations d’actifs dans le secteur de l’agriculture au cœur de la politique d’orientation et de formation en matière agricole, en rétablissant la formulation proposée dans l’avant-projet de loi.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE3435.

En conséquence, l’amendement CE1514 tombe.

 

Amendement CE3537 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement a pour objet de préciser que les politiques d’insertion professionnelle, au côté des politiques publiques de l’éducation, de la recherche et de l’innovation, concourent également à la politique d’installation et de transmission en agriculture. Il s’agit d’un amendement de cohérence, puisque l’article 1er mentionne les « personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d’emploi ».

M. Marc Fesneau, ministre. Avis de sagesse.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2052 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement propose de fixer trois objectifs chiffrés pour 2030 : augmentation de 30 % du nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique préparant aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire par rapport à 2022 ; augmentation de 75 % du nombre de vétérinaires formés en France par rapport à 2017 ; augmentation de 30 % du nombre d’ingénieurs agronomes formés par rapport à 2017.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est favorable à ce que des objectifs de formation, reliés à des objectifs d’installation, soient fixés, ainsi d’ailleurs que l’avait indiqué l’étude d’impact. Avis favorable.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE3538 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et CE2841 de M. Jean-Claude Raux

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je laisse la parole à M. Raux pour présenter son amendement.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’atteinte des objectifs de renouvellement des générations en agriculture appelle non seulement la mobilisation de l’État et des régions, mais également de l’ensemble des échelons territoriaux. Nous proposons donc que les groupements de communes puissent contribuer aux objectifs définis à l’horizon 2030.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable. J’en profite pour souligner la nécessité de l’engagement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour élargir le public concerné et favoriser toutes les initiatives.

M. Marc Fesneau, ministre. En tant qu’ancien président d’EPCI, je suis enclin à défendre les groupements de communes, mais je pense qu’il ne faut pas faire figurer seulement les EPCI : soit l’on ne mentionne que les principaux acteurs – l’État et les régions –, soit l’on mentionne tout le monde et donc les communes et les départements. L’installation et la formation sur un territoire ne concernent pas seulement, en effet, les EPCI et, à moins que le code général des collectivités locales ait changé, les groupements de communes ne détiennent pas beaucoup de compétences dans le domaine de la formation.

Je vous demanderai donc de retirer votre amendement pour le retravailler.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement risque de brouiller les choses. La formation est une compétence des régions et, comme les départements, elles sont soumises à la règle de spécialité. À la différence des départements, rien n’interdit aujourd’hui aux communes et aux groupements de communes de contribuer.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous sommes favorables à l’ajout des départements et des communes.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Comme le ministre, je trouve judicieux d’ajouter ces échelons.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet article concerne les politiques d’orientation et de formation. M. de Courson a raison de rappeler qu’il s’agit d’un domaine de compétences de l’État et des régions. Les autres collectivités ont leur place dans la politique d’installation, mais les inclure dans la politique de formation risque de créer de la pagaille. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour que nous puissions réfléchir à la place des EPCI et des communes.

Les amendements sont retirés.

 

Amendements identiques CE3539 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et CE851 de Mme Annie Genevard

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. L’amendement vise, par une modification de l’alinéa 2, à favoriser l’implication des branches professionnelles dans la politique d’orientation et de formation.

M. Francis Dubois (LR). L’amendement vise à rendre obligatoire l’implication des branches professionnelles concernées dans l’établissement du programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et de l’alimentation et dans la mise en œuvre d’un programme national triennal de formation aux compétences en matière de transitions agroécologique et climatique.

L’association des organismes professionnels ne peut se limiter aux concertations régionales précédant la présentation du projet de loi d’orientation agricole : ces associations doivent être une partie prenante structurelle des politiques publiques de formation, de recherche et d’innovation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les branches sont membres de droit des instances intervenant dans le secteur des politiques de formation. La précision apportée par les amendements peut être utile pour clarifier le dispositif, mais un amendement ultérieur me semble préférable. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait au profit de l’amendement CE2910 de Mme Sophie Mette.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous sommes défavorables à ces amendements, car ils n’associent pas, par exemple, la communauté éducative, alors qu’elle a autant son mot à dire sur la politique de formation et d’installation que les branches professionnelles – tout comme les associations de consommateurs ou les ONG environnementales ont leur mot à dire sur la politique d’installation.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour faire écho aux propos de Mme Trouvé, l’amendement CE2910 propose d’intégrer les établissements techniques agricoles publics et privés, et les professionnels des métiers concernés.

L’amendement CE3539 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE851.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE2528 de M. Julien Dive et CE2843 de M. Jean-Claude Raux.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE2842 de M. Jean-Claude Raux.

 

Amendements CE463 de Mme Françoise Buffet, CE1102 de M. Hubert Brigand, CE1825 de Mme Mélanie Thomin et CE2977 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Françoise Buffet (RE). L’amendement propose de fixer un objectif de 20 000 installations et transmissions par an.

M. Francis Dubois (LR). L’amendement propose de faire référence à la planification, nécessaire à une politique agricole cohérente.

Mme Mélanie Thomin (SOC).  Dans le projet de former les entrepreneurs de demain, il est important d’avoir pour objectif d’augmenter le nombre de femmes chefs d’exploitation, qui ne représentent aujourd’hui que 24 % des chefs d’exploitation, alors qu’elles représentent 35 % des salariés agricoles.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Aujourd’hui, un candidat à l’installation sur deux est une femme. Le monde agricole est donc en train de se féminiser. C’est une excellente nouvelle, mais cette féminisation reste compliquée, notamment en raison des inégalités et des stéréotypes de genre, qui doivent être mieux pris en compte au cours de la formation agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement CE463, car il aurait davantage sa place dans le titre III. Je demande également le retrait de l’amendement CE2977, car il est déjà satisfait, ces questions ayant déjà été abordées dans l’enseignement agricole.

Je donne un avis défavorable à l’amendement CE1102 et je demande le retrait de l’amendement CE1825.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous abordons ici la question de la formation et les objectifs doivent donc concerner, à l’instar de l’amendement CE2052, les apprenants.

Je demande le retrait des amendements CE1102 et CE463 et je donne un avis défavorable à l’amendement CE1825.

Madame Pochon, votre amendement concerne les installations. Nous partageons l’objectif de la parité, mais il est déjà atteint dans l’enseignement agricole, où quasiment la moitié des apprenants sont des femmes. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il est important que la formation en lycée agricole, donne envie aux jeunes femmes de devenir dirigeantes d’exploitation et pas seulement salariées.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Beaucoup de femmes se forment et souhaitent s’installer en agriculture, mais cela ne veut aucunement dire qu’il n’existe pas de discriminations liées notamment aux stéréotypes de genre. Il conviendrait donc d’inclure un module de formation sur ces questions.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous soutenons fortement l’amendement CE463. L’objectif de 20 000 installations par an a été fixé par le Président de la République au Salon de l’agriculture et vous-même, monsieur le ministre, souhaitez que pour une personne qui cède, une autre s’installe. Nous serons donc particulièrement vigilants à ce que l’objectif de 20 000 installations soit inscrit dans la loi et que les moyens nécessaires pour l’atteindre soient alloués.

Les amendements CE463 et CE1102 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CE1825 et CE2977.

 

Amendements CE1459 et CE1461 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Je regrette que Mme Buffet ait retiré son amendement. Faisons un peu de mathématiques : il faut remplacer 20 000 agriculteurs et agricultrices par an, mais les capacités de formation ne sont que de 13 000 personnes par an. La question est donc de savoir comment augmenter ces capacités. Nous proposons de créer 277 postes dans l’enseignement agricole pour une mise à niveau des postes supprimés ces dernières années. Des classes supplémentaires devront également être créées, afin de pouvoir atteindre l’objectif d’une hausse de 30 % des apprenants en 2030. Nous chiffrons ce besoin à 263 classes, dont la création impliquerait 684 postes d’enseignants et 65 personnels administratifs.

Le rejet de ces amendements serait un aveu que l’objectif de renouvellement des générations affiché par le projet de loi n’est qu’un habillage.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vos objectifs sont intéressants, mais je ne comprends pas comment le chiffre très précis de 277 postes a été fixé. Je rappelle par ailleurs que le texte contient des dispositions programmatiques générales. Vos amendements ne semblent donc pas opérationnels et je demande leur retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Premièrement, ces amendements auraient leur place dans un texte budgétaire. Deuxièmement, je suis également troublé par le degré de précision de vos chiffres. Troisièmement, il me semble préférable d’abord de rendre l’enseignement agricole plus attractif et de créer les postes ensuite, en fonction des besoins.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ces chiffres ont été remontés par le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire (SNETAP‑FSU). Il s’agit d’abord de rattraper les postes supprimés ces dernières années, suppression qui a créé une trajectoire décroissante des capacités de formation. Comment, dans ces conditions, pouvoir installer et former des agriculteurs en nombre suffisant pour atteindre les objectifs ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je soutiens ces amendements, mais vous avez raison, monsieur le ministre, de souligner qu’il faut rendre les postes plus attractifs et encourager les enseignants à s’y maintenir. De nombreux lycées agricoles nous disent qu’ils font face à un problème de ressources humaines. Il y a donc urgence à consolider au sein du ministère les postes de ressources humaines pour pouvoir bien traiter les dossiers administratifs de ces enseignants, afin de les inciter à rester en poste.

M. Francis Dubois (LR). Comment est-il possible de chiffrer aussi précisément ces besoins, alors que ce texte, qui vise à donner des orientations, n’a pas encore été voté et que nous ne connaissons donc pas sa rédaction finale ?

M. Charles de Courson (LIOT). Je suis étonné que nous ne parlions que de l’enseignement public, alors que l’enseignement privé représente presque la moitié des effectifs de l’enseignement agricole.

La commission rejette successivement les amendements.


5.   Réunion du jeudi 2 mai à 2024 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 2 mai 2024 à 21 heures 30, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

 

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Monsieur le président, pourquoi l’amendement CE311 et certains autres, visant à réformer le code de l’environnement en matière de politique de l’eau, n’ont-ils pas été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution ?

M. le président Stéphane Travert. Il s’agit d’amendements placés après l’article 1er qui présente un caractère programmatique. Mais je vais examiner cela pour vous apporter une réponse plus précise.

 

Article 2 : Buts assignés aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole (suite)

 

Amendement CE3349 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il est dommage que le Gouvernement ne se soit engagé sur aucun objectif chiffré dans ce projet de loi, pourtant dit d’orientation. Si nous voulons installer 20 000 exploitants agricoles par an, il conviendra d’ouvrir 5 260 places dans l’enseignement agricole public pour les former en plus grand nombre. J’emploie le mot « places » car la réalité de la composition des classes agricoles peut varier selon les filières et les territoires. Une classe agricole de dix élèves ou moins reste un atout pour l’avenir du monde agricole et pour son territoire, et elle ne doit pas fermer.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et le titre II (articles 2 à 4). Je ne suis pas certaine du caractère opérationnel de cet amendement. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Nous avons voté tout à l’heure un amendement fixant des objectifs chiffrés quant au nombre d’apprenants. L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3469 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et CE2099 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Lors de la réunion de la commission du développement durable, j’avais émis un avis défavorable sur l’amendement CE3469.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE2099 tend à fixer un objectif de formation des éleveurs aux gestes d’abattage respectueux des animaux. En effet, les éleveurs ont de plus en plus de difficultés à trouver des lieux où faire abattre leurs bêtes, et nombreux sont ceux qui demandent de pouvoir les abattre eux-mêmes, notamment pour retrouver une autonomie quant à leurs moyens de production. Cet abattage aurait également l’avantage de réduire les temps de transport des animaux, qui seraient tués et potentiellement transformés sur place.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. J’ai moi-même suivi des formations de cette nature dans le cadre de l’avipôle de Ploufragan, dans les Côtes-d’Armor.

Dans la pratique, toutefois, votre amendement est satisfait. Ainsi, un arrêté du 16 décembre 2021 impose à tous les élevages de porcs et de volailles de désigner un référent « bien-être animal », qui doit suivre un parcours de formation de sept heures minimum en présentiel et de deux heures en distanciel. La direction départementale de la protection des populations (DDPP) exerce en la matière un contrôle très pertinent. Je demande donc le retrait de ces amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement est, en effet, déjà satisfait car, depuis le 1er janvier, tous les élevages d’animaux domestiques sont tenus de désigner un référent « bien-être animal » et des obligations complémentaires ont été imposées aux élevages de porcs et de volailles. Par ailleurs, les professionnels et les instituts techniques ont produit, à des fins de formation, des fiches techniques consacrées au bien-être animal et aux conditions d’abattage. Avis défavorable, donc.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1515 de M. Hendrik Davi

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Il vise à renforcer la formation en matière de transition agroécologique et climatique.

Quant à mon amendement CE1450, qui sera appelé dans un instant, il vise à renforcer la formation dans le domaine de l’agriculture biologique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable à cet amendement rédactionnel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE1450 de Mme Mathilde Hignet, CE2041 de M. David Taupiac et CE2844 de M. Jean-Claude Raux, amendement CE3470 de la commission du développement durable, amendement CE226 de M. Dominique Potier et sous-amendement CE3569 de M. Henri Alfandari (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement CE2041 vise à imposer une formation à l’agriculture biologique dans le socle d’apprentissage des personnes formées aux métiers de l’agriculture lors de la formation continue et dans le cadre du programme national triennal de formation accélérée destiné aux 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration. De fait, les formations en bio ne représentent aujourd’hui que 5 % de l’offre dans ce domaine.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Selon les régions, entre 30 % et 50 % des candidats à l’installation souhaitent pratiquer l’agriculture biologique. Ce chiffre donne une première idée de l’ampleur des besoins de formation. Si l’on y ajoute la nécessaire transition agroécologique, c’est une véritable révolution de l’enseignement qu’il faut entreprendre, alors que, comme vient de le rappeler M. Taupiac, les formations en agriculture biologique ne représentent que 5 % de l’offre. L’agriculture bio doit donc être un objectif prioritaire de formation tant initiale que continue.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CE3470 est défendu. À titre personnel, j’y étais favorable.

M. Henri Alfandari (HOR). Le sous-amendement CE3569 tend à intégrer aux enseignements agricoles l’agriculture de conservation des sols.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’article L. 800-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que les établissements d’enseignement agricole assurent des formations en faveur du développement durable, de la promotion de l’agroécologie, dont l’agriculture biologique, et de la cohésion des territoires aux niveaux national, européen et international. La précision proposée étant inutile, je demande le retrait de ces amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. L’agriculture biologique est prise en compte dans les diplômes de l’enseignement agricole par l’intermédiaire de l’agroécologie, fil conducteur de la rénovation de tous les référentiels de formation. Pour chaque spécialité de baccalauréat en lien avec la production agricole, 154 heures sont consacrées, dans le cycle terminal, à l’agroécologie.

L’agriculture biologique est déjà très présente au sein des établissements au niveau de la production : près de 40 % d’entre eux disposaient d’un atelier de production en agriculture biologique fin 2022 et ce chiffre a certainement progressé depuis lors, 75 % des ateliers technologiques ont une certification AB (agriculture biologique) pour leur transformation et 72 % des établissements agricoles ont des surfaces en agriculture biologique.

Enfin, il existe une mention « agriculture biologique » pour douze certificats de spécialisation et, à ce jour, quatre-vingt-deux formations, du CAP (certificat d’aptitude professionnelle) à la licence professionnelle, sont labellisées « orientation agriculture biologique » par trente-huit établissements, trois MFR (maisons familiales rurales) et deux établissements du Cneap (Conseil national de l’enseignement agricole privé).

La préoccupation des auteurs des amendements et du sous-amendement est donc déjà prise en compte. Avis défavorable sur l’ensemble.

La commission rejette successivement les amendements CE1450, CE2041 et CE2844 et l’amendement CE3470.

Elle adopte le sous-amendement CE3569 et l’amendement CE226 sous-amendé.

 

Les amendements CE3248 et CE3132 de Mme Anne-Laure Babault sont successivement retirés.

 

Amendement CE3419 de M. Éric Girardin

M. Éric Girardin, rapporteur général du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Cet amendement vise à préciser les principaux blocs de compétences que les futurs actifs du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire doivent détenir pour être armés face aux enjeux de leur métier. L’étude d’impact en a identifié quatre, qu’il convient de renforcer.

Le premier concerne des compétences techniques de base relatives aux savoirs fondamentaux, qui comprennent les principes agronomiques et zootechniques, et englobe notamment les aspects techniques, économiques et environnementaux nécessaires pour réussir la transition agroécologique des exploitations agricoles.

Le deuxième bloc concerne des compétences en gestion d’entreprise et ressources humaines, couvrant l’ensemble de la gestion d’entreprise dans ses aspects administratifs, comptables et juridiques, notamment les coûts de gestion et de production, la valorisation des productions, les mécanismes de formation des prix et les indices de rémunération.

Le troisième bloc concerne les compétences numériques permettant de maîtriser l’usage de l’outil informatique au quotidien.

Le quatrième bloc de compétences, qui concerne l’aspect relationnel et interpersonnel, porte enfin sur le savoir-être, le management et l’encadrement de salariés.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement est utile : il rassemble différents amendements portant sur cette question et apporte une clarification bienvenue. Avis favorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement relève largement du domaine réglementaire.

Par ailleurs, qu’entendez-vous par « compétences psychosociales » ? De nombreux exploitants agricoles sont seuls sur leur exploitation, même s’ils ont temporairement un salarié. S’agit-il de lutter contre la solitude ?

M. Éric Girardin, rapporteur général. Les agriculteurs sont en interaction avec d’autres et doivent pouvoir développer des relations.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Même s’il ne s’agit que d’une loi d’orientation, c’est un peu too much ! S’il faut être compétent en agronomie, en gestion d’entreprise, en ressources humaines, en numérique et en compétences psychosociales, cela va faire fuir. Qui trop embrasse mal étreint. Dans sa rédaction antérieure, qui prévoyait l’intégration de l’agriculture biologique, l’alinéa avait au moins un sens politique clair.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE3471 de la commission du développement durable et CE1011 de Mme Chantal Jourdan, CE2849 de M. Jean-Claude Raux, CE1518 de M. Hendrik Davi, CE3540 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et CE1001 de M. Inaki Echaniz, CE3472 de la commission du développement durable et CE124 de Mme Christelle Petex, CE227 de Mme Chantal Jourdan, CE3473 de la commission du développement durable, CE464 de Mme Françoise Buffet, CE1874 de Mme Delphine Lingemann et CE465 de Mme Françoise Buffet tombent.

Amendement CE228 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole incluent la promotion de l’agriculture biologique, en cohérence avec les finalités des politiques publiques agricoles et alimentaires définies à l’article L. 1 du code rural.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Ces débats sont surréalistes, complètement déconnectés de la réalité ! Lorsqu’on nous propose un article programmatique qui n’est pas adossé à des moyens humains et financiers, ce n’est que du bla-bla, de la posture.

Depuis que je suis député d’une circonscription très rurale, je m’efforce, avec humilité, de rencontrer et d’écouter les agriculteurs, qui sont loin d’être des cons. Ce sont des gens qui aiment leur métier et qui ont une intelligence, une expertise et un bon sens qui pourraient être utiles à bon nombre d’entre vous. Surtout, ils ont besoin qu’on simplifie leurs démarches, que l’État les accompagne, qu’il soit à leur chevet et qu’il réponde aux questions qu’ils posent à propos des prix rémunérateurs, de la répartition de la valeur et de la protection face aux traités de libre-échange. Depuis des heures, nous enfilons des perles. C’est insupportable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1464 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à affirmer clairement que les efforts de recherche soutenus par l’État et les collectivités territoriales doivent se concentrer sur la recherche publique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. C’est déjà le cas : l’effort de recherche est assuré directement par l’État et par certains établissements publics, comme les universités ou les établissements d’enseignement, ainsi que par certaines personnes privées.

Je rappelle par exemple que, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, il a été prévu d’attribuer 15 millions d’euros supplémentaires au compte d’affection spéciale Développement agricole et rural (Casdar), ce qui a été salué par les chambres d’agriculture comme un effort bienvenu. C’est d’autant plus intéressant que le Casdar apporte une aide publique à des projets de recherche appliquée, d’innovation, de formation et de développement agricole et rural et qu’il a été créé pour contribuer à la souveraineté alimentaire et à la résilience des exploitations face aux aléas économiques, changements climatiques et risques sanitaires.

L’amendement est donc satisfait en pratique.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. L’effort de l’État en matière de recherche publique est très significatif, notamment dans le cadre de France 2030, qui y consacre plus d’un milliard d’euros. Par ailleurs, nous n’avons pas intérêt à opposer la recherche publique et la recherche privée, car nous avons besoin des deux pour avancer sur ces importantes questions agricoles.

Monsieur Jumel, je ne suis pas sûr qu’on enfile des perles lorsqu’on parle de référentiels de formation. En effet, toutes les lois agricoles ont, à un moment ou un autre, évoqué la formation. Ces dispositions ne visent évidemment pas les agriculteurs déjà installés, que nous retrouverons lorsqu’il sera question de clarification et de simplification dans le cadre de leur métier, mais ceux qui se dirigent vers les métiers de l’agriculture. Heureusement que nous avons changé les référentiels et défini des blocs de compétences. Ce n’est pas enfiler des perles que de faire œuvre utile pour les générations d’agriculteurs que nous devons former dans des domaines nouveaux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1412 de M. Grégoire de Fournas

M. Grégoire de Fournas (RN). L’amendement tend à préciser que les efforts de recherche sont consacrés au premier chef à la préservation de la souveraineté alimentaire française.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’article 2 du projet de loi ne peut se lire indépendamment de l’article 1er, qui dresse la liste des grandes politiques publiques permettant d’assurer la souveraineté alimentaire française. De fait, il existe un effort des politiques en matière de recherche et d’innovation en ce sens. Votre amendement me semblant donc satisfait, je vous demande de le retirer.

M. Marc Fesneau, ministre. Les efforts de recherche visent évidemment à permettre aux agriculteurs de continuer à produire malgré les grands problèmes qui se posent, comme le réchauffement climatique ou la question des alternatives aux produits phytosanitaires. Par nature, la recherche vise à permettre aux agriculteurs de continuer à exercer leur profession, donc de contribuer à la souveraineté alimentaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). Madame la rapporteure, où, dans l’article 1er, les efforts de recherche pour la souveraineté alimentaire sont-ils décrits ? Monsieur le ministre, au vu du flou qui entoure la notion de souveraineté alimentaire, il me semble important de rappeler que la recherche n’a pas pour seul objet la transition.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3474 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il vise à renforcer l’enseignement de l’agriculture biologique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Nous avons déjà évoqué cette question. Je demande le retrait de l’amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je retire donc l’amendement.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je le reprends.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3475 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’étais, à titre personnel, défavorable à cet amendement adopté en commission.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il est intéressant en ce qu’il rappelle notre dépendance en matière d’intrants, notamment d’engrais de synthèse. Notre pays a fait beaucoup d’efforts sur ce point : alors que nous consommions 11,7 millions de tonnes d’engrais par an dans les années 1990, nous n’en consommons plus que 6,48 millions de tonnes. La production nationale ne couvrant que 35 % de notre consommation d’intrants, la question est importante du point de vue de la dépendance et de la souveraineté. De fait, nous avons tout intérêt à améliorer nos procédés de production permettant de réduire cette dépendance. Ces efforts sont déjà pris en compte tant dans l’agroécologie que dans notre effort de recherche.

L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). Je trouve inquiétant que vous nous disiez que cet amendement est satisfait. Pourquoi viser les intrants de synthèse, alors qu’il n’est pas précisé que les intrants à proscrire sont ceux qui sont dangereux pour la santé et pour l’environnement ? Je suis tenté de reprendre à mon compte l’excellente interrogation formulée par le ministre de l’agriculture dans le cadre de la commission d’enquête : pourquoi l’agriculture serait-elle la seule activité économique qui devrait, par principe, se passer d’intrants de synthèse ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2976 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il vise à amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances en matière d’amélioration de l’efficacité des modes de production n’utilisant pas d’intrants de synthèse.

Nous devons nous diriger vers des systèmes moins dépendants d’intrants, car ces derniers sont généralement importés et sont, en outre, entre les mains d’un très petit nombre d’acteurs économiques qui, par ailleurs, ne sont pas français. En vingt ans, le marché mondial des engrais et pesticides a doublé, mais le nombre de ses acteurs a fondu : ils ne sont plus aujourd’hui que quatre et, à l’exception de Syngenta, qui appartient à l’État chinois, les trois plus grands fabricants ont pour point commun d’être en grande partie détenus par les cinq mêmes fonds d’investissement privés américains. Tout cela est assez éloigné de la souveraineté alimentaire française.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement au profit des amendements CE273 et identiques, qui sont moins impératifs.

M. Marc Fesneau, ministre. Je demande également le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). L’amendement vise aussi à ce que les agriculteurs soient plus autonomes dans leurs fermes et non dépendants de grands groupes. Avec l’inflation, le prix des intrants et engrais a fortement augmenté.

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement met en valeur l’amont dans l’agriculture. Nous sommes très préoccupés par l’aval, c’est-à-dire par la construction du prix, et à juste titre, mais pas assez par l’influence des prix de l’amont sur le revenu agricole. Nous avions formulé une proposition, malheureusement jugée irrecevable, visant à étendre le champ de l’Observatoire des prix au secteur amont de l’agriculture ; cela nous aurait donné des marges de manœuvre et de vraie compétitivité pour retrouver autonomie et performance économique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3542 de la commission des affaires culturelles, CE218 de M. Dominique Potier et CE628 de M. Jean-Pierre Vigier, amendements identiques CE273 de M. Julien Dive, CE298 de Mme Mélanie Thomin, CE2491 de Mme Louise Morel et CE3183 de M. François Gernigon (discussion commune)

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Je laisse M. Echaniz défendre l’amendement adopté par notre commission, dont il était l’auteur.

M. Inaki Echaniz (SOC). L’amendement CE3542, identique à l’amendement CE218, vise à préciser que l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances dans les champs thématiques stratégiques qui concourent aux transitions agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation devra notamment s’appuyer sur les diagnostics modulaires d’exploitation et les plans de filières.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Il est nécessaire de créer un choc d’attractivité pour encourager les plus jeunes à s’orienter vers les métiers de l’agriculture et du vivant. Relever le défi démographique supposera ainsi de moderniser l’enseignement agricole pour le rendre plus attractif. Il convient de mentionner les diagnostics modulaires et, surtout, les plans de filières afin que ces efforts s’inscrivent dans une stratégie assumée.

M. Julien Dive (LR). L’amendement CE273 vise à rappeler l’importance des plans de filières, que le projet de loi ne mentionne pas. Il est de notre intérêt d’inclure dans l’enseignement agricole les enjeux des transitions climatique et agroécologique, qui exposent l’activité agricole à des changements structurels. Dans le domaine de la recherche et de l’enseignement, ces thématiques sont étroitement liées aux diagnostics modulaires et aux plans de filières, qui sont la traduction concrète de ces transitions dans un territoire donné et des restructurations qui peuvent en découler dans une exploitation agricole. Dès lors, ces outils doivent être conçus à la fois comme concourant au partage des connaissances et des compétences et comme illustrant concrètement la diversité des exploitations et des filières dans un contexte de transition.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’idée est de redonner de la cohérence aux formations agricoles, en les articulant aux plans de filières et aux réalités locales et économiques. L’offre de formation doit être fondée sur les données du terrain : c’est la meilleure manière d’aider les jeunes à prendre conscience des enjeux, d’assurer la pérennité des exploitations et de préparer les étudiants aux spécificités du territoire dans lequel ils exerceront leur beau métier.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je demande le retrait des amendements CE3542 et identiques au profit des amendements CE273 et identiques.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semble que la rédaction qui correspond le mieux à l’esprit de votre demande est celle qui a été présentée par M. Dive. Je rejoins donc l’avis de Mme la rapporteure.

La commission rejette les amendements CE3542, CE218 et CE628 et adopte les amendements CE273, CE298, CE2491 et CE3183.

 

Amendements CE3476 de la commission du développement durable et CE1737 de M. Bertrand Petit (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À titre personnel, j’étais défavorable à l’amendement adopté par la commission du développement durable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’effort de recherche et de diffusion des connaissances doit mettre en valeur les solutions fondées sur la nature, qui tiennent compte de l’état des ressources et permettent de les valoriser. Tel est l’objet de l’amendement CE1737.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Comme cela a été dit, l’agroécologie et la recherche d’une agriculture plus résiliente et plus respectueuse de l’environnement sont déjà mises en avant, notamment aux articles L. 800-1 et L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime. Ces amendements n’apportant pas grand-chose de plus, j’en demande le retrait.

M. Marc Fesneau. À vouloir rallonger toujours plus cet article, on risque de nuire à sa lisibilité. La rédaction actuelle me semble englober l’ensemble des éléments que vous voulez évoquer. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1738 de M. Bertrand Petit

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de mettre l’accent sur les particularités des zones humides.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Amendement satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE850 de Mme Annie Genevard

M. Francis Dubois (LR). Nous proposons de préciser que l’effort de diffusion des connaissances aux agriculteurs, notamment lors de leur installation, doit aussi concourir « à la préservation de la production alimentaire nationale et à la performance économique des exploitations agricoles », en lien avec la transition agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. La rédaction actuelle suffit.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3544 de la commission des affaires culturelles

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Déposé initialement par Mme Graziella Melchior, l’amendement vise à ajouter, parmi les objectifs énumérés à l’article 2, celui consistant à « déployer significativement une alimentation saine et de qualité dans la restauration scolaire en accompagnant les collectivités territoriales, en soutenant le développement des projets alimentaires territoriaux (PAT) et les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire », fidèle à la loi Egalim.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Si je ne peux que partager votre objectif, votre demande est satisfaite.

En vertu de la loi Egalim, les cantines scolaires doivent ainsi, depuis le 1er janvier 2022, servir au moins 50 % de produits durables ou de qualité, dont 20 % de produits bio. Depuis le 22 octobre 2020, les cuisines centrales ou les cuisines sur place qui préparent plus de 3 000 repas par jour doivent proposer une convention de don à une association habilitée, pour limiter le gaspillage alimentaire.

La loi Agec (relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) du 10 février 2020 fixe pour objectif de réduire d’ici à 2025 le gaspillage alimentaire de 50 % par rapport au niveau observé en 2015.

Enfin, conformément aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), l’État a accordé des financements aux cantines scolaires de petites collectivités désireuses de s’engager dans une transition durable et de proposer des produits locaux et sains, privilégiant à la fois la qualité et les circuits courts.

Au vu des initiatives existantes, je vous demande de retirer votre amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement ne me semble pas avoir sa place dans un chapitre consacré à l’orientation et à la formation. Par ailleurs, diverses actions publiques concourent effectivement déjà à l’intégration de produits locaux ou issus de circuits courts dans la restauration.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Sans doute cet amendement était-il l’occasion de rappeler les ambitions du Gouvernement en la matière. Je le retire.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE1021 et CE1022 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). L’article 2 est purement programmatique et vise à fixer un cap – ici en matière de formation, de recherche et d’innovation ou de recherche et développement (R&D).

L’amendement CE1021 vise à le compléter en prévoyant que les politiques publiques menées d’ici à 2030 devront permettre de développer des partenariats public-privé dans le domaine de la R&D pour contribuer aux transitions agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation. Plusieurs dispositifs existent déjà, qu’il s’agisse des pôles de compétitivité ou des actions engagées depuis une dizaine d’années dans le cadre des plans de relance ou des programmes d’investissements d’avenir (PIA) successifs. Il importe de soutenir cette collaboration entre instituts techniques agricoles publics et privés.

Je ne m’attarderai pas sur l’amendement CE1022, qui est d’une autre nature.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement CE1022, mais suis favorable à l’adoption du CE1021.

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement CE1021 concourt à la coopération entre la recherche publique et les entreprises que j’appelais de mes vœux tout à l’heure. Par souci de cohérence, j’y suis donc favorable et, par voie de conséquence, demande le retrait du CE1022.

L’amendement CE1022 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE1021.

 

Amendement CE2978 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Puisque le projet de loi a pour objectif de faciliter les installations et d’accroître le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture, il pourrait être pertinent de renforcer les effectifs de formateurs et d’enseignants de la formation professionnelle publique dans ces secteurs.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je me suis exprimé tout à l’heure avec un peu de mauvaise humeur, ce dont je vous prie de m’excuser, mais la question de fond reste posée : notre collègue est contrainte de déposer un amendement pour espérer qu’une loi d’orientation agricole traitant des questions de formation soit adossée à un accroissement des effectifs de formateurs. Normalement, une loi d’orientation va de pair avec du pognon ! La loi de programmation militaire, par exemple, était assortie de moyens budgétaires supplémentaires. Pardonnez-moi de le dire une nouvelle fois, mais on enfile des perles !

Quels moyens comptez-vous déployer pour atteindre l’objectif de renouvellement des générations, d’attractivité des métiers et d’adaptation des formations au contexte qui s’impose au monde agricole ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE1337 de M. Jean-Pierre Vigier et CE1857 de M. Vincent Descoeur

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Mon amendement vise à renforcer la promotion et l’accès à la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans les secteurs agricole et agroalimentaire, en vue d’accroître le nombre d’actifs bénéficiant de ce service public pour obtenir tout ou partie d’un diplôme.

M. Francis Dubois (LR). J’ajoute qu’en montagne, où les exploitations agricoles sont généralement plus petites que dans le reste du territoire, les agriculteurs peinent souvent à suivre un cursus de formation traditionnel en raison des contraintes géographiques liées à la topographie montagneuse. La plupart sont en outre des éleveurs : leur activité exige une présence constante sur place, ce qui rend difficile toute absence prolongée.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis favorable à ces amendements : la VAE est un élément essentiel pour la nouvelle génération d’agriculteurs et d’agricultrices qui arrive sur le marché.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison de soulever cette question, car nombre de ceux qui s’engageront dans l’agriculture le feront sans avoir vécu une première expérience dans le secteur. Ainsi, une grande partie de la capacité de renouvellement des générations dépend d’une population dont il faudra valider une partie des acquis de l’expérience. Il importe donc de promouvoir ce dispositif. Je rappelle que 4 % des brevets professionnels de responsable d’entreprise agricole (BPREA) qui sont délivrés le sont dans le cadre d’une VAE. Nous devons augmenter cette proportion, dont je reconnais qu’elle est modeste. C’est tout l’intérêt de ces amendements, auxquels je suis également favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE2173 de M. Didier Le Gac

M. Antoine Armand (RE). Les maisons familiales rurales (MFR) jouent un rôle absolument crucial en matière de formation, mais aussi pour le tissu associatif et la promotion de l’agriculture. Leur action est fondamentale pour promouvoir le métier dès le plus jeune âge, au cours de la formation, mais également pour assurer l’orientation des jeunes concernés, leur accompagnement et leur insertion dans la société. L’amendement vise à défendre leur existence et, pour cela, leurs moyens.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La France compte 430 MFR, qui accueillent désormais 25 000 apprentis, contre 18 000 en 2018. Elles proposent des formations en alternance dès les classes de 4e et de 3e, ce qui constitue une véritable exception dans le paysage éducatif français.

Ces établissements, dont 75 % sont implantés en milieu rural, touchent de l’État une aide de 5 000 euros par élève. Ce montant, jugé modeste, semble avoir contribué à une forte compression de la masse salariale dans ces structures, malgré de fortes contraintes d’encadrement. Toutefois, une hausse des crédits alloués par l’État aux MFR nous a également été signalée.

Cette disposition trouvera davantage sa place dans un prochain projet de loi de finances que dans le présent texte. Même si je suis loin d’être hostile à une augmentation des moyens des MFR, je demande donc le retrait de l’amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Par souci de cohérence avec ma précédente réponse sur la question des moyens, j’émets également une demande de retrait.

Vous avez raison de mettre en avant ce réseau d’enseignement agricole privé très présent dans les communes de petite taille et qui dispense un enseignement très inclusif, permettant à des jeunes de trouver une voie de formation.

L’aide financière versée par l’État est liée à l’acte de formation lui-même et augmente en fonction du nombre d’élèves accueillis et du coût des formateurs.

M. Antoine Armand (RE). J’entends ces arguments, même si, n’étant pas le premier signataire de cet amendement, je ne me permettrai pas de le retirer.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE32 de M. Fabrice Brun

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit d’établir un diagnostic précis et chiffré de l’urgence du besoin de renouvellement des effectifs agricoles, en identifiant, pour chaque tranche d’âge, les générations et les métiers les plus concernés.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1301 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (LR). À la suite du travail que j’ai effectué avec Éric Martineau à ce sujet, il s’agit d’« assurer la formation des agriculteurs en ce qui concerne les contrôles pouvant s’opérer dans leurs exploitations ». Très souvent, ces contrôles sont mal vécus par les agriculteurs, dont les auditions ont révélé que nombre d’entre eux n’y étaient pas formés avant leur installation. Il s’agit donc de faire preuve de davantage de pédagogie pour les préparer aux exigences qui s’imposent à eux, notamment du fait de l’inflation normative.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre demande est satisfaite, les chambres d’agriculture proposant déjà de telles formations. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1448 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). En vue de l’examen de ce projet de loi, mes collègues Marie Pochon, Mathilde Hignet et moi-même avions organisé une table ronde avec des agricultrices sur le thème « être femme en agriculture ».

Il en est notamment ressorti que le parcours de formation constitue un premier point de blocage, parce que les femmes y sont confrontées à divers stéréotypes sexistes, mais surtout parce que les outils présentés sont, bien souvent, conçus par et pour les hommes, donc moins facilement maniables par des femmes, à tel point que ces dernières sont contraintes d’organiser elles-mêmes des ateliers pour apprendre à les utiliser. C’est au ministère de l’agriculture de faire en sorte que les cursus permettent enfin de former correctement les femmes à l’utilisation des outils de travail, laquelle emporte aussi des enjeux de sécurité et de pénibilité. Des agriculteurs se joignent d’ailleurs parfois à ces groupes de formation, où les techniques enseignées permettent d’utiliser les outils d’une manière plus respectueuse du corps.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ayant longtemps participé à des groupements de développement agricole (GDA), j’entends votre argument. La chambre d’agriculture du Morbihan avait, par exemple, institué des formations spécifiques à l’utilisation des outils. Il me semble que ces modules de formation existent déjà ; aussi, je donne un avis défavorable à votre amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Le principe que vous défendez constitue l’un des socles du code de l’éducation, auquel l’enseignement agricole est assujetti. Inutile de rappeler dans le projet de loi ce qui est déjà prévu par ailleurs. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Si les femmes sont contraintes de compléter leur formation en instituant des groupes en dehors des cursus existants, c’est bien que l’enseignement qui leur est dispensé ne correspond pas suffisamment à ces enjeux. Si nous voulons assurer le renouvellement des générations, il est de notre devoir de permettre aux femmes d’aller jusqu’au bout du parcours de formation et de s’installer en toute confiance.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE1446 de M. Loïc Prud’homme et CE2116 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il s’agit d’orienter les politiques publiques de soutien à l’agriculture de façon à encourager la transition du système agricole et à renforcer significativement les innovations agroécologiques, notamment l’agriculture biologique.

Dans son rapport « Les enjeux structurels pour la France – Accompagner la transition agroécologique », la Cour des comptes indique : « La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont également un moment critique, au cours duquel les choix de systèmes agricoles sont définis pour de nombreuses années ; il s’agit donc de saisir cette occasion de réorienter les pratiques et développer l’agroécologie, tout en veillant à la rentabilité des exploitations. » Il nous faut orienter la formation en ce sens et lever les freins aux innovations agroécologiques.

Mme Nicole Le Peih (RE). L’agroécologie est déjà consacrée dans le code rural et de la pêche maritime. Demande de retrait ; défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2115 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement a été adopté par les deux commissions saisies pour avis. Il est d’ailleurs possible qu’une erreur soit survenue dans son traitement, puisque deux amendements tout à fait comparables seront examinés ultérieurement.

Il vise à alerter sur l’absence dans le texte d’objectifs chiffrés en matière de formation : l’article 2 se résume à des déclarations de bonnes intentions, dépourvues de cap et de moyens concrets. Or, plusieurs décisions prises depuis 2017 contredisent totalement les objectifs affichés. Je songe à l’abandon du schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole ; à la suppression de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAV2F), qui devait fédérer tous les établissements d’enseignement supérieur publics ; à l’absence d’évaluation indépendante du système d’enseignement technique agricole ; mais aussi à la situation d’AgroParisTech, chef de file de l’enseignement supérieur agricole, dont l’université de rattachement, Paris-Saclay, est en plein conflit interne après avoir été scindée en deux ; ou encore à la création d’écoles vétérinaires privées par le Parlement avec la complicité du Gouvernement.

L’heure n’est plus aux déclarations de bonnes intentions, mais aux engagements concrets.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Il n’aura pas échappé à votre sagacité que nous avons adopté l’excellent amendement CE2052 de M. Taupiac, qui répond parfaitement à votre demande. Je vous invite donc à retirer le vôtre si vous ne voulez pas que nous nous répétions.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je maintiens que certains amendements auraient dû être rapprochés. Si le CE2115 a effectivement le même objectif que celui de M. Taupiac, il aurait dû être examiné au même moment, avec les amendements identiques CE3554 et CE3487 issus des commissions saisies pour avis. Il aurait ainsi pu être également adopté.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1816 de M. Guillaume Garot et CE1826 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CE1816 vise à utiliser le futur réseau France Services agriculture (FSA) pour promouvoir la formation continue auprès des actifs du secteur agricole. Si nous voulons encourager le développement des techniques agroécologiques, il importe que ces derniers puissent se familiariser avec elles, d’autant que les transformations importantes qu’elles impliquent parfois peuvent être difficiles pour les agriculteurs. Au-delà de l’accompagnement financier, absolument nécessaire, la formation est indispensable pour acquérir de nouvelles compétences, notamment en matière d’agronomie.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il convient de compléter la création au sein du futur réseau FSA par un guichet unique pour traiter les projets d’installation, en prévoyant que les agriculteurs puissent, tout au long de leur vie, accéder à des formations par l’intermédiaire de ce même guichet.

J’ajoute qu’il serait opportun que ce nouveau réseau fasse l’objet d’une gouvernance plurielle, impliquant non seulement les partenaires du monde agricole, mais aussi et surtout les collectivités territoriales.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Si la formation continue est essentielle, le rôle du réseau France Services agriculture n’est pas de contribuer au déploiement d’un programme national de promotion de la formation continue auprès des actifs du secteur agricole – Pascal Lecamp le dira mieux que moi. Je vous invite donc à retirer vos amendements, dont l’adoption conduirait à confier au réseau FSA d’autres fonctions que celles dont il doit assurer la conduite aux termes de l’article 8, alinéa 3.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous aurons l’occasion d’évoquer ces questions lors de l’examen de l’article 8, mais l’objet du réseau France Services agriculture n’est effectivement pas d’assurer les missions que vous souhaitez lui confier. Si je partage votre souhait d’encourager la formation continue, tant les transitions sont nécessaires, et si des informations pourront bien être transmises à cette fin par les guichets uniques, d’autres structures et établissements sont déjà chargés de dispenser cette formation continue. Le réseau FSA n’aura pas vocation à s’y substituer. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1827 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous proposons d’inclure dans les politiques d’orientation et de formation la promotion d’autres formes d’organisation des exploitations, comme l’agriculture de groupe. Il s’agit d’encourager les futurs agriculteurs à s’orienter vers de nouveaux modèles de gestion et d’organisation des exploitations, afin de mieux partager les responsabilités ainsi que la quantité et le temps de travail, et d’offrir ainsi de nouvelles perspectives aux prochaines générations d’agriculteurs. Les futurs chefs d’exploitation disposeront ainsi d’outils pour réaménager leur temps de travail, conformément aux attentes exprimées par certains des jeunes agriculteurs que nous rencontrons quotidiennement.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Pour avoir moi-même travaillé sur les questions d’organisation et d’aménagement du temps de travail, notamment dans le cadre de journées portes ouvertes organisées dans des exploitations agricoles de mon département, je suis favorable à cet amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous y reviendrons, mais je répète qu’il ne me semble pas souhaitable d’intégrer dans le texte une succession de nouvelles thématiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1828 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Le risque de burn-out concerne 7,4 % des agriculteurs, contre 5,5 % pour le reste de la population, et 52 % des agriculteurs disent avoir des difficultés à organiser leurs congés, soit parce qu’il leur est difficile de trouver un remplaçant – pour 25 % d’entre eux –, soit parce qu’ils ont des difficultés à organiser la délégation du travail – pour 21 % –, soit encore à cause des incertitudes climatiques – pour 10 %.

Il paraît donc important que les futurs agriculteurs aient un nouveau rapport à leur temps de travail, plus en phase avec les attentes sociales contemporaines. Cela passe par l’introduction dans l’enseignement agricole de réflexions sur l’aménagement du temps de travail, la relève grâce au salariat agricole et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement CE3419 du rapporteur général, qui intègre déjà cette question.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE315 de M. Julien Dive, CE370 de M. Inaki Echaniz, CE736 de M. Jean-Pierre Vigier, CE980 de M. Francis Dubois, CE1359 de M. Charles de Courson, CE1766 de Mme Hélène Laporte, CE2053 de M. David Taupiac et CE3302 de M. Antoine Armand

M. Julien Dive (LR). L’alinéa 7 crée un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles pour inciter les jeunes à se tourner vers ces derniers. Afin que ce programme soit davantage en phase avec la réalité de terrain et avec ce que vivent au quotidien les agriculteurs, nous demandons que les représentants de la profession soient associés à son élaboration.

M. Inaki Echaniz (SOC). Il semble effectivement nécessaire que les syndicats agricoles, qui connaissent les réalités du métier, soient pleinement associés à l’élaboration de ce programme, aux côtés de l’État et des régions.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Pour que le contenu du programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles et, surtout, la manière dont il sera dispensé soient en prise avec les réalités du terrain, il importe qu’il soit conçu avec les représentants de la profession.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est une question de bon sens, cela va de soi.

M. David Taupiac (LIOT). Compte tenu de la variété de nos territoires agricoles, il est essentiel que les professionnels de l’agriculture – aussi bien les chambres d’agriculture que les syndicats – soient associés à l’élaboration des programmes de visite.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je vous invite à retirer vos amendements au profit des amendements identiques CE3545 de la commission des affaires culturelles et CE2910 de Mme Sophie Mette, qui élargissent encore le spectre des participants à la formalisation du programme national d’orientation, en y intégrant les établissements d’enseignement technique agricoles publics et privés.

M. Marc Fesneau, ministre. Il est absolument nécessaire d’associer les agriculteurs à l’élaboration de ce programme, d’autant plus que nous avons prévu d’offrir à chaque jeune un moment de découverte du monde agricole. Je vous invite toutefois, comme la rapporteure, à retirer vos amendements au profit des amendements CE3545 et CE2910, qui ne mentionnent pas seulement les professionnels des métiers concernés, mais aussi les établissements d’enseignement technique agricole publics ou privés, qui seront d’une aide précieuse pour construire un référentiel et un parcours d’orientation et de découverte des métiers du vivant.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1271 de M. Roger Chudeau.

 

Amendements CE2850 de M. Jean-Claude Raux et CE11 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le champ des métiers concernés par le programme national d’orientation et de découverte doit être clarifié et étendu à l’ensemble des métiers qui participent au monde agricole et à la transition écologique. C’est pourquoi nous proposons de parler de « métiers de l’agriculture et du vivant ».

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Nous proposons d’élargir le champ des stages de découverte proposés aux élèves en précisant qu’ils concerneront les métiers de l’agriculture, de l’élevage, de l’aquaculture et de la viticulture.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons créé un bus qui s’appelle « L’aventure du vivant » et je crois que nous avons réussi, avec ce dernier mot, à dire quelque chose de la réalité du métier agricole. Je ne crois pas qu’en matière de communication, la liste que vous proposez, et que l’on pourrait d’ailleurs encore allonger, soit efficace – elle ne tiendra jamais sur le bus ! Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE137 de M. Julien Dive, CE632 de M. Jean-Pierre Vigier, CE903 de M. Francis Dubois, CE3064 de M. Benoît Bordat, amendements identiques CE3545 de la commission des affaires culturelles et CE2910 de Mme Sophie Mette, amendement CE2911 de Mme Sophie Mette, amendements identiques CE3481 de la commission du développement durable, CE172 de M. Julien Dive, CE371 de M. Inaki Echaniz, CE633 de M. Jean-Pierre Vigier, CE713 de Mme Anne-Laure Blin, CE904 de M. Francis Dubois, CE1340 de Mme Katiana Levavasseur, CE2418 de M. Robin Reda, CE2900 de Mme Sophie Mette et CE3065 de M. Benoît Bordat (discussion commune)

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Je pense que la rédaction issue des travaux de la commission des affaires culturelles est de nature à satisfaire tout le monde. Nous proposons de compléter la première phrase de l’alinéa 7 par les mots suivants : « , en associant les établissements d’enseignement technique agricole publics ou privés et les professionnels des métiers concernés ».

Mme Anne-Laure Babault (Dem). Il s’agit de préciser que les établissements d’enseignement technique agricole publics ou privés, ainsi que les professionnels des métiers concernés, seront associés à la réalisation du programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Je propose de préciser que les professionnels des métiers concernés sont associés à la réalisation du programme national.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable sur les amendements CE3545 et CE2910.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. La première série d’amendements propose de confier la coordination de la mise en œuvre du programme aux chambres d’agriculture. Celles-ci seront très présentes dans ce texte, notamment auprès de France Services agriculture, mais il me semble que la question de l’orientation ne relève pas de leur seule compétence et qu’il faut adopter un périmètre plus large, sous la coordination de l’État.

La commission rejette les amendements CE137, CE632 et CE3064, l’amendement CE903 ayant été retiré.

Elle adopte les amendements CE3545 et CE2910.

En conséquence, les amendements restants tombent.

 

L’amendement CE3434 de M. Éric Girardin, rapporteur général, est retiré.

En conséquence, le sous-amendement CE3583 de Mme Marie Pochon tombe.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements identiques CE3482 de la commission du développement durable, CE126 de Mme Christelle Petex et CE229 de Mme Chantal Jourdan.

 

Amendement CE608 de M. Stéphane Buchou

M. Stéphane Buchou (RE). Il importe de faire découvrir aux enfants, en plus des métiers de l’agriculture, ceux de la pêche et de l’aquaculture.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je comprends votre préoccupation, mais cette disposition n’a pas sa place dans le texte. Par ailleurs, votre amendement devrait bientôt être satisfait par une initiative à laquelle travaille mon collègue Hervé Berville, comparable à celle que nous menons en faveur de la découverte du monde agricole. Je vous invite donc à le retirer.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1510 de M. Aymeric Caron.

 

Amendement CE3546 de la commission des affaires culturelles

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Au cours des auditions, il est apparu que des professionnels rencontraient des difficultés à accéder à certains établissements scolaires. Nous proposons donc que le programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles précise les modalités selon lesquelles les représentants des professions concernées seront autorisés à entrer dans les établissements scolaires pour intervenir au sein des classes.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cette disposition me semble être de nature réglementaire. Je vous invite donc à retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Dans la mesure où il s’agissait d’un amendement d’appel, je le retire.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE3547 de la commission des affaires culturelles.

 

Amendement CE3548 de la commission des affaires culturelles

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Il s’agit de confier aux chambres d’agriculture la mission d’élaborer un répertoire des lieux de stage pour le territoire de leur ressort.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3550 de la commission des affaires culturelles

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous proposons d’inclure des actions de découverte des métiers du vivant dans le cadre du service national universel.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. De nombreux lycées agricoles accueillent déjà des jeunes au titre du SNU : dans la région Grand-Est, cela a concerné 1 500 personnes en 2022. Même si la pratique existe déjà, il me paraît utile d’inscrire cette disposition dans la loi : avis favorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je suis opposé au SNU et je pense que l’argent public serait mieux employé s’il servait à renforcer les moyens du ministère de l’éducation nationale et de l’agriculture au profit des lycées. Votre proposition est un nouveau gadget ; mettons les moyens là où il faut, c’est-à-dire dans l’éducation.

M. Julien Dive (LR). Pour ma part, je trouve que le SNU est un bel outil et je suis favorable à tout ce qui peut permettre de démocratiser l’accès à la connaissance des métiers du vivant et de l’agriculture, que ce soit pour les jeunes engagés dans le SNU, ceux qui sont en établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) ou ceux qui sont en phase de réinsertion professionnelle. Je voterai cet amendement.

M. Inaki Echaniz (SOC). L’un de nos amendements, qui sera bientôt examiné, propose qu’il soit question d’agriculture dans les établissements scolaires non agricoles, afin de sensibiliser les jeunes à ces métiers dès le collège et de susciter des vocations. Je préfère que l’on parle d’agriculture à l’école qu’au SNU.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je précise que cet amendement m’a été soufflé par la proviseure du campus Métiers nature de Coutances. Il faut prêter attention aux idées qui viennent du terrain.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE3549 de la commission des affaires culturelles

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Nous proposons que le programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles prévoie des mesures de nature à renforcer l’information du personnel de l’éducation nationale chargé de l’orientation des élèves quant aux métiers du vivant et aux formations qui y préparent.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je partage votre préoccupation, mais cela ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE2851 de M. Jean-Claude Raux.

 

Amendement CE20 de M. Julien Dive

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable : cela me semble superflu.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3551 de la commission des affaires culturelles

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Cet amendement est cher à notre commission. Il s’agit de préciser que le volet de promotion des métiers du vivant et des formations qui y préparent pourra s’appuyer notamment sur le service public audiovisuel. Il a beaucoup été question, au cours des auditions, de l’image que les médias renvoient des métiers de l’agriculture, de la plus bucolique à la plus terrible. Il nous semble important qu’ils donnent l’image la plus juste possible du milieu agricole et du métier d’agriculteur, dans sa réalité quotidienne, et qu’ils contribuent à sa promotion.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Sagesse. On entend beaucoup de choses sur le monde agricole dans l’audiovisuel… alors pourquoi ne pas mettre à contribution l’audiovisuel public pour qu’il donne une image plus attractive de l’agriculture ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il semble que la place de Guillaume Meurice va bientôt se libérer, car la direction de France Inter n’apprécie pas certains de ses propos ; pourquoi ne pas le remplacer par un agriculteur ou une agricultrice ?

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE3483 de la commission du développement durable et CE3028 de Mme Marie Pochon

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous proposez que le programme d’orientation et de découverte bénéficie d’un volet concernant l’éducation à l’alimentation saine et durable. L’article L. 312-17-3 du code de l’éducation prévoit déjà « une information et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire », en cohérence avec les orientations du programme national nutrition santé (PNNS). Vos amendements étant satisfaits, je vous invite à les retirer.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2155 de Mme Chantal Jourdan

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez préciser que le programme national d’orientation et de découverte vise à susciter des vocations dans divers milieux, notamment chez les personnes en reconversion professionnelle et en recherche d’emploi. Or, cet objectif est explicitement mentionné à l’alinéa 16 de l’article 1er. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1829 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Au cours de la première réunion de travail sur le projet de loi d’orientation agricole à laquelle j’ai assisté dans mon département, les enseignants ont été dénigrés : ce serait de leur faute si les jeunes se désintéressent du monde agricole. Ce à quoi j’ai répondu que les enseignants ne font qu’appliquer les programmes qu’on leur donne.

Je propose donc d’inscrire dans les programmes scolaires de l’enseignement secondaire non agricole une initiation aux enjeux du monde agricole, conçue de manière interdisciplinaire.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE3249 de Mme Anne-Laure Babault est retiré.

 

Amendement CE19 de M. Fabrice Brun

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE1458 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous proposons que des cours relatifs à l’alimentation soient dispensés de la maternelle au collège, dans le but d’améliorer la santé de nos enfants et de faire évoluer nos modes de consommation vers des pratiques plus durables et favorables à la généralisation d’une agriculture paysanne et locale.

L’école doit apprendre aux enfants à se nourrir correctement, à préférer les aliments bruts aux produits ultratransformés et à reconnaître les aliments de saison, qui sont aussi des produits locaux. Faisons de nos enfants de futurs consommateurs éclairés, qui contribueront à notre souveraineté alimentaire en consommant des produits locaux, et non des aliments ayant traversé la moitié de la planète.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cette disposition n’est pas du niveau législatif. Avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). Dans un monde idéal, il serait effectivement formidable que nos enseignants forment chacun de nos enfants à l’alimentation. Mais c’est un vœu pieux : ils ont d’autres choses à faire et ce n’est pas leur métier. Cette formation relève plutôt du milieu familial ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les collectivités ont lancé de nombreux dispositifs à l’échelle locale, comme les PAT.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Pour moi, cela relève pleinement du rôle de l’école. Mme la rapporteure nous a dit que le code de l’éducation prévoit déjà une information à l’alimentation, mais, faute d’obligation horaire, les établissements, de plus en plus autonomes, en font rarement une priorité. C’est une vraie difficulté, de l’aveu même de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Il faut aller au-delà de l’information et proposer aux élèves un véritable apprentissage. Or, ce n’est pas ce qu’offrent les Semaines du goût sponsorisées par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) ou l’Association nationale des industries alimentaires (Ania).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE3484 de la commission du développement durable et CE127 de Mme Christelle Petex (discussion commune)

M. Francis Dubois (LR). Il est essentiel de préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole incluent la promotion de l’agriculture biologique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement CE127 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE3484.

 

Amendements identiques CE3552 de la commission des affaires culturelles, CE466 de Mme Françoise Buffet et CE1381 de Mme Béatrice Descamps

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’alinéa 8 décrit précisément les personnels concernés par le programme national triennal de formation accélérée. Dans la mesure où il est possible, et même fort probable, que leur nombre change au cours du temps, nous proposons de supprimer le nombre de 50 000.

Mme Françoise Buffet (RE). Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Sagesse.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE3553 de la commission des affaires culturelles

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Parallèlement à l’ajout fait à l’alinéa 7, cet amendement vise à préciser que les représentants des professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration, concernés par le programme national triennal de formation accélérée pour l’acquisition de compétences en matière de transitions agroécologique et climatique, sont associés à son élaboration.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Autant la précision me semblait utile à l’alinéa 7, autant elle ne me semble pas l’être à l’alinéa 8.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE33 de M. Fabrice Brun.

 

Amendements CE2852 de M. Jean-Claude Raux et CE1519 de M. Hendrik Davi (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Notre amendement vise à préciser que l’État soutiendra la mise en œuvre de plans prioritaires pluriannuels de transitions agroécologique et climatique en matière de recherche, d’innovation et de transfert de technologie.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Ces plans sont importants pour le monde de la recherche, dans la mesure où ils permettent aux chercheurs de se concentrer sur leurs travaux au lieu de perdre un temps considérable à trouver des financements. Nous ne faisons en réalité que reprendre la rédaction initiale de l’alinéa 9, qui a disparu sans raison.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Amendement satisfait à l’article 6. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Cela n’a pas disparu, Madame la députée, c’est désormais à l’alinéa 5 de l’article 6.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE3030 de Mme Marie Pochon.

 

Amendements identiques CE3485 de la commission du développement durable, CE1016 de Mme Chantal Jourdan, CE1452 de Mme Aurélie Trouvé et CE3029 de Mme Marie Pochon

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CE3485 a été voté en commission du développement durable par une large majorité, sans le Rassemblement national. Il vise à orienter la recherche vers la durabilité des pratiques agricoles.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Peu de porteurs de projet souhaitent reprendre des grandes fermes en monoproduction, pourtant majoritaires, parce qu’elles ne sont pas faciles à réaménager. Nous souhaitons que la recherche s’intéresse à la diversification des ateliers de production, afin de permettre aux repreneurs de se projeter dans un réaménagement de ces grandes surfaces par l’introduction de productions complémentaires, voire d’ateliers de transformation.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). France Stratégie, dans une note d’août 2020, remarque que « les exploitations agroécologiques sont en général plus rentables que les exploitations conventionnelles, alors que leurs exigences environnementales sont élevées », en mettant en avant « des prix moins volatils et une plus grande diversité de productions, assurant dans leur ensemble des rendements plus stables sur le temps long ». C’est pourquoi il importe d’orienter la recherche vers des voies qui intègrent la restructuration et la diversification des fermes.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Cet amendement restreint la reconception des systèmes de production, l’actuelle formule étant beaucoup plus large. Je ne vois pas au nom de quoi il faudrait se priver de solutions innovantes dans d’autres domaines que ceux auxquels vous faites référence. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis : la diversification n’est que l’un des leviers de la durabilité.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3486 de la commission du développement durable et CE1455 de Mme Manon Meunier

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je laisserai Mme Meunier défendre l’amendement adopté par la commission du développement durable ; pour ma part, j’y étais défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). C’est encore une fois une mesure issue du rapport de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles qu’Hubert Ott et moi-même avons conduite. Il est nécessaire de mener une politique de diversification agricole des territoires. Dans un modèle agroécologique, la coopération entre filières d’élevage et filières de production végétale locale est indispensable. Cet amendement vise à orienter une partie de la recherche vers le développement de politiques de diversification.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Si je voulais être taquin, je dirais que je serais très heureux que vous souteniez toutes les dispositions qui permettront de développer l’élevage dans tous les territoires.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). À quel amendement en ce sens nous sommes-nous opposés, Monsieur le ministre ?

M. Marc Fesneau, ministre. Vous dites qu’il faut développer la coopération entre les filières végétales et animales. Or, vous souhaitez réduire les filières d’élevage. Comment conciliez-vous ces deux principes contradictoires ?

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Si l’on met fin aux traités de libre-échange que vous encouragez, on aura besoin de développer davantage de filières d’élevage et d’avoir davantage d’éleveurs sur notre territoire. C’est l’une des conclusions de M. Bretagnolle, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il faut une baisse de cheptel au niveau mondial. Si, en France, on arrête d’importer et que l’on passe à un modèle extensif, il faudra développer massivement l’élevage extensif dans nos territoires, avoir plus d’éleveurs et développer nos filières de diversification et de coopération entre le végétal et l’élevage.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je n’ai pas très bien compris l’argumentation de Mme la rapporteure. Tous les scientifiques s’accordent à dire que la diversification est le modèle agricole le plus résilient.

M. Francis Dubois (LR). En Haute-Vienne, par exemple, comment faire plus d’extensif avec plus d’éleveurs et moins de bovins ?

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je n’arrête pas de dire que notre élevage haut-viennois est un très bon exemple et je le défends souvent. Il repose sur un modèle extensif qui devrait inspirer le reste de la France, parfois ultraspécialisé.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3491 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement est défendu, sachant que j’y étais personnellement défavorable.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Le concept d’agroécologie englobant toutes ces notions, ce n’est pas la peine de les préciser dans une liste.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3555 de la commission des affaires culturelles et CE3490 de la commission du développement durable

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Considérant le rôle central que doit jouer la restauration scolaire dans la mobilisation que nous souhaitons des politiques publiques de l’éducation, de la recherche, de l’innovation et de l’insertion, cet amendement prévoit que des conventionnements dédiés avec les acteurs de l’enseignement, de l’emploi, de la formation et de l’accompagnement à l’installation peuvent être conclus dans le cadre des PAT définis à l’article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défendu, même si j’y étais défavorable dans la mesure où il me semble satisfait.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3492 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il prévoit de renforcer l’enseignement de l’agriculture biologique et des méthodes de l’agroécologie, en instaurant trois heures d’enseignement hebdomadaire sur cette thématique au sein de l’enseignement agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. J’approuvais ce que vous disiez sur l’agroécologie, mais je ne peux plus vous suivre quand vous proposez de distinguer l’agriculture biologique parmi les pratiques agroécologiques. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3489 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défendu, mais j’y étais défavorable.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements identiques CE3487 de la commission du développement durable et CE3554 de la commission des affaires culturelles.

 

Amendement CE2970 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à créer un observatoire national de l’enseignement agricole pour permettre à celui-ci de disposer d’une évaluation globale, notamment en ce qui concerne l’objectif de renouvellement des générations en agriculture.

Cet observatoire serait placé auprès du ministre chargé de l’enseignement agricole. Il aurait pour mission d’analyser, de synthétiser et de diffuser toutes les données sur les missions de l’enseignement agricole public, privé, technique et supérieur. Il contribuerait aux politiques publiques mises en œuvre par le ministère chargé de l’agriculture par son expertise indépendante, ses propositions et ses recommandations. Son rapport annuel serait remis au ministre chargé de l’agriculture et présenté devant le Conseil national de l’enseignement agricole et le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il existe des inspecteurs de l’enseignement agricole, dont les tâches sont définies à l’origine par l’article 2 de l’arrêté du 30 juin 2008 portant organisation et attributions de la direction générale de l’enseignement et de la recherche. On peut donc disposer d’informations dès à présent, sans avoir besoin de créer une nouvelle instance. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Inaki Echaniz (SOC). Madame la rapporteure, des inspecteurs, ce n’est pas la même chose qu’une autorité indépendante qui produirait des analyses et des préconisations.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous demandez un observatoire, pas une autorité indépendante. Par ailleurs, il existe le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et le Conseil d’évaluation de l’école et des inspecteurs. Pour ce qui est d’évaluer, nous sommes bien pourvus.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3488 de la commission du développement durable et CE1802 de M. Stéphane Delautrette

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défendu – j’y étais défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à créer une cinquième école vétérinaire publique, alors que 44 % des étudiants vétérinaires suivent leur cursus à l’étranger. Cela permettrait de satisfaire aux exigences de souveraineté nationale en matière de formation des vétérinaires, de sécurité alimentaire et de santé publique, ainsi que d’accompagner l’élevage, filière agricole et économique majeure, et de lutter contre la déprise vétérinaire en zones rurales.

Il s’agirait d’ouvrir cette école en Nouvelle-Aquitaine, l’un des plus grands territoires agricoles français. Tout le monde est prêt à Limoges : acteurs publics et acteurs privés. Il ne manque plus qu’une autorisation légale.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Quand nous les avons auditionnés, les représentants des vétérinaires nous ont dit que ce projet de création était en bonne voie, comme l’avait confirmé le président de la région Nouvelle-Aquitaine. Il faut laisser le projet aller jusqu’au bout ; il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans ce texte. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Tout d’abord, il ne relève pas de la loi de choisir de créer ou non une école. Si l’on va par là, il faudra dresser une liste, parce qu’il existe d’autres projets d’écoles vétérinaires dans d’autres territoires. Par ailleurs, pour en avoir parlé avec le président Rousset, je sais la volonté de la région Nouvelle-Aquitaine d’accueillir la cinquième école vétérinaire publique – une cinquième école, privée, vient d’ouvrir en Normandie, l’UniLaSalle.

M. Inaki Echaniz (SOC). Ce n’est pas une école publique !

M. Marc Fesneau, ministre. Mais c’est une école quand même ! L’enseignement agricole est privé et public.

J’ai demandé au CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux), conformément à l’intention de la région de Nouvelle-Aquitaine, d’expertiser la faisabilité d’une école à Limoges. Nous n’allons pas inscrire cette création dans la loi, ce soir, sans la moindre expertise.

Pour vous rassurer, sachez également que nous allons former 75 % de vétérinaires en plus à l’horizon 2030. Les moyens et les enseignants sont prévus dans la programmation budgétaire. Toutefois, le problème n’est pas seulement le nombre de vétérinaires, mais aussi l’attractivité du métier en zone rurale et la concurrence avec le canin. Il ne suffit pas de former de jeunes vétérinaires pour qu’ils aillent s’installer dans le monde rural.

M. Francis Dubois (LR). Il est en effet compliqué d’inscrire cette création dans la loi. Le sujet est néanmoins très important : dans une zone d’élevage, une école vétérinaire a tout son sens. En Corrèze, les vétérinaires intervenant sur les bovins et les ovins viennent du Cantal. Ceux de Corrèze connaissent bien les chats et les chiens, mais ils savent à peine où sont la queue et les cornes d’une vache ! Il est très important d’ouvrir une école vétérinaire décentralisée dans une zone d’élevage, où qu’elle soit, d’ailleurs, pour que les vétérinaires interviennent en milieu rural sur les bovins, les ovins et les équins.

M. Charles de Courson (LIOT). La crise est réelle. Savez-vous que beaucoup de jeunes Français, n’arrivant pas à entrer dans les quatre écoles françaises, vont à l’étranger, massivement en Belgique, à tel point que les Belges ont créé des quotas anti-Français ? Il est indispensable, monsieur le ministre, de créer de nouvelles capacités de formation. Une part croissante des vétérinaires favorise les animaux domestiques aux dépens des animaux d’élevage.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous avons besoin d’écoles qui correspondent aux spécificités de l’élevage. monsieur le ministre, vous ne pouvez pas me dire que le problème est l’attractivité. La même question s’est posée en commission des affaires culturelles, où la ministre nous a dit qu’elle n’allait pas augmenter les salaires, parce qu’il fallait d’abord créer des postes. Quand on veut créer des postes, il faut d’abord augmenter les salaires. Il y a toujours une excuse pour ne pas mettre les moyens sur la table et ne pas aller de l’avant. Quand ce n’est pas la formation, ce sont les salaires. Il faut faire un premier pas ! Nous vous proposons de vous engager à créer cette école vétérinaire pour combler un vrai besoin. C’est un amendement de bon sens qui appelle l’ensemble des députés à prendre leurs responsabilités.

Les écoles vétérinaires privées, monsieur le ministre, ne sont pas à mettre sur le même plan que les lycées agricoles privés. On parle ici de l’enseignement supérieur et de l’accès des étudiants à l’école publique. Il n’est pas acceptable que 44 % des étudiants vétérinaires doivent aller à l’étranger.

M. Marc Fesneau, ministre. Je me répète : il ne relève pas de la loi de choisir la création d’une cinquième école vétérinaire. Je vous ai dit que nous avions prévu de former 75 % de vétérinaires de plus, alors qu’à peu près la moitié d’entre eux sont actuellement formés à l’extérieur de nos frontières. Mais il ne suffit pas d’avoir une école à Limoges pour que les jeunes formés là-bas s’y installent. Il va falloir un schéma sanitaire et une rémunération.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1803 de M. Stéphane Delautrette

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement de repli vise à fixer dans la loi l’objectif de développer une sixième année d’approfondissement dans certaines universités rurales afin de pallier le manque de vétérinaires en zones rurales. En Nouvelle-Aquitaine, en cinq ans, le nombre de vétérinaires dans ces zones a baissé de 20 %.

Pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à « flécher » les moyens que vous venez d’annoncer vers la création de cette école vétérinaire à Limoges ?

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La sixième année des études de vétérinaire correspond à l’année pendant laquelle un étudiant suit, selon son projet professionnel, un parcours particulier appelé dominante, soit au sein de l’une des quatre écoles nationales vétérinaires, soit dans d’autres établissements. Comme nous l’ont dit les représentants des vétérinaires, cette sixième année peut prendre la forme d’un stage, notamment auprès de vétérinaires s’occupant d’animaux de rente en milieu rural. Elle connaît un certain succès. Des dispositions existent donc déjà sur ce point, et je ne pense pas qu’il faille adopter votre amendement sans expertiser le dispositif que vous proposez. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour faciliter l’entrée dans le métier de vétérinaire rural, nous avons déjà créé une sixième année d’études consacrée à des stages tutorés en zone rurale. Votre amendement est donc satisfait.

Pour le reste, je vous renvoie à l’amendement CE2052 de M. Taupiac, dans lequel il est indiqué que nous allons augmenter de 75 % le nombre de vétérinaires formés en France.

M. Dominique Potier (SOC). Avant même de se préoccuper des aménités pour sa famille et de sa vie sociale, l’éleveur est confronté à ce que nous appelons l’« ambiance élevage » : la disponibilité d’un mécano pour la salle de traite, la possibilité de faire venir un pareur, un vétérinaire ou un contrôleur laitier. Cet environnement compte énormément dans la décision de continuer ou d’arrêter l’élevage. On n’est pas éleveur tout seul ; on l’est dans une chaîne de métiers.

Par ailleurs, on observe un mouvement de reprise des cliniques vétérinaires, notamment de leur pharmacie, par des firmes et des fonds de pension qui sont en train de privatiser un marché d’entreprises indépendantes, ce qui conduit à une hausse de prix et à des situations de monopole. J’ignore quelle solution législative apporter à ce problème, mais je propose que l’on y réfléchisse.

M. Francis Dubois (LR). Il y a un vrai problème de déprise vétérinaire en zone rurale. À l’abattoir de Limoges, l’association L214 est intervenue pour un animal gestant depuis plus de trois mois. J’ai quarante-deux ans de génétique derrière moi, et je peux affirmer que le fœtus n’avait pas plus de quatre-vingt-dix jours. Selon le décret, un animal ne peut pas être abattu s’il est gestant depuis plus de cinq mois. À cause de la déprise vétérinaire, les éleveurs ne peuvent même pas faire pratiquer d’échographies. Nous défendrons un amendement afin que des techniciens puissent effectuer des actes vétérinaires pour peu que la coopérative dispose d’un vétérinaire pour les valider.

M. Julien Dive (LR). Monsieur Echaniz, je n’étais pas d’accord avec vous quand vous opposiez les écoles vétérinaires publiques et privées ; en revanche, je soutiens cet amendement. Monsieur le ministre, la demande est peut-être satisfaite par la pratique, mais elle ne l’est pas par la loi, de sorte que rien n’obligera vos successeurs à poursuivre cette politique. Il faut l’y inscrire pour en faire un cap à suivre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1831 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Notre amendement vise à inclure dans les politiques d’orientation et de formation en matière agricole un module sur les structures de gouvernance du monde agricole. Améliorer chez les futurs agriculteurs en formation la connaissance de ces structures et de leurs règles de gouvernance aurait une vertu démocratique, en encourageant l’ensemble de la profession à s’engager au service du collectif. Cela permettrait aussi aux exploitants de connaître leurs droits et leurs devoirs et de mieux maîtriser la question de l’accès à la terre, afin de se protéger davantage et de prendre de meilleures décisions.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je ne suis pas hostile aux nouveaux modules que vous souhaitez inclure mais, comme pour toute liste, le danger est qu’elle soit incomplète et que l’on s’interroge sur le choix des matières retenues.

En outre, plusieurs dispositions, initialement prévues ou adoptées en commission, notamment l’amendement des quatre rapporteurs sur la prise en compte d’une formation portant sur la gestion des ressources humaines, satisfont vos demandes. Certains de vos amendements sont également couverts par les termes très généraux de certains articles du code rural, comme l’article L. 811-1.

Je préfère donc en rester à la rédaction actuelle. Avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur les suivants.

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement CE3419 du rapporteur général synthétise un certain nombre de vos demandes. Préservons la lisibilité de la loi. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1832 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement vise à proposer un module, c’est‑à‑dire un temps dans la formation du jeune, sur les logiciels et les outils de gestion administrative des exploitations agricoles. Selon les chiffres de l’Insee cités par la MSA (Mutualité sociale agricole), 51 % des anciens agriculteurs souffrent d’illectronisme, contre 36 % de l’ensemble des retraités.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1833 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit de proposer aux agriculteurs une formation à la mise en œuvre des transitions environnementales et aux techniques émergentes permettant leur accélération. L’adaptation au changement climatique est, de plus en plus, une question de compétitivité pour l’ensemble des agriculteurs. Les politiques de formation tout au long de leur carrière doivent leur permettre de maintenir à jour leurs connaissances et techniques.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1834 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous souhaitons inclure dans les politiques d’orientation et de formation en matière agricole l’insertion dans l’agriculture des personnes en reconversion professionnelle par la formation continue. Selon le Conseil national de l’enseignement agricole privé, 79 % de la population française pourrait se reconvertir dans les métiers de la nature et du vivant : la formation continue constitue donc un véritable enjeu.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’amendement est satisfait par l’alinéa 16 de l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1830 de Mme Mélanie Thomin.

 

Amendement CE2286 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement vise à protéger la liberté pédagogique des enseignants agricoles. Les représentants syndicaux de ces personnels dénoncent en effet des interventions d’acteurs extérieurs qui remettent souvent en cause la manière d’enseigner dans les lycées agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation, qui dispose que « la liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection ». Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE2906 de Mme Sophie Mette.

 

Amendement CE1815 de M. Guillaume Garot

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de créer une stratégie nationale pour la formation continue agricole et alimentaire. Face à la nécessité d’adapter les compétences des actifs agricoles aux transitions agroécologique, climatique, économique et numérique, ce document opérationnel permettrait de promouvoir des pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement, tout en assurant le maintien de l’équilibre économique des entreprises agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Une telle politique serait menée au niveau de l’État, puisque vous faites référence à une politique nationale. Or, ce sont les régions qui ont la compétence en matière de formation professionnelle. L’échelon régional est donc le plus adéquat ; créer une nouvelle politique au niveau national entraînerait nécessairement des confusions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2888 de M. Julien Dive

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Cet amendement vise à promouvoir une agriculture plus résiliente et adaptée aux défis spécifiques de chaque région française en valorisant les particularités des zones montagneuses et des plaines.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Votre préoccupation me semble déjà satisfaite. L’article L. 1 du code rural précise en effet que la politique agricole et de l’alimentation de notre pays a notamment pour but « de participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région ». Par ailleurs, le PSN (plan stratégique national) de la France pour la PAC (politique agricole commune) 2023-2027 adapte certaines dispositions au profit des zones de montagne et pour tenir compte de handicaps spécifiques. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Les handicaps des territoires de montagne sont déjà pris en compte dans le PSN par les ICHN (indemnités compensatoires de handicaps naturels) ainsi que dans diverses politiques nationales. Il nous paraît inutile de le rappeler ici. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). La question des zones de montagne est certes déjà prise en compte, mais elle n’en demeure pas moins un angle mort de ce texte, qui n’aborde pas le sujet des handicaps naturels. C’est la raison pour laquelle nous avons fait des propositions, parmi lesquelles la revalorisation des ICHN.

M. Inaki Echaniz (SOC). L’agropastoralisme est un modèle d’avenir pour l’agriculture, comme en témoigne la vitalité de cette activité au Pays basque et dans le Béarn. Il faut donner plus de moyens à nos montagnes pour les faire vivre.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE1835 de Mme Mélanie Thomin, CE3031 de Mme Marie Pochon et CE3317 de Mme Anne-Laurence Petel

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait, car ces amendements sont pour l’essentiel déjà satisfaits.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2051 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il vise à demander au Gouvernement de présenter chaque année, au moment de l’examen du projet de loi de finances, une trajectoire prévisionnelle sur cinq ans du financement de la recherche et du développement en matière agricole. Des efforts accrus dans ce domaine permettront à l’agriculture d’être plus résiliente face aux aléas climatiques et aux défis sanitaires qui nous attendent.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, d’une part parce que la trajectoire budgétaire est établie de manière triennale, d’autre part parce que la planification écologique définit déjà la trajectoire des moyens de recherche et d’innovation. Je ne vois pas bien ce qu’un rapport pourrait ajouter.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Après l’article 2

Amendements CE961 de M. Francis Dubois et CE1606 de M. Jean-Marc Zulesi, amendements identiques CE57 de M. Fabrice Brun et CE727 de M. Jean-Pierre Taite (discussion commune).

M. Francis Dubois (LR). Il est proposé que, dès l’école primaire, des modules d’information et de découverte de l’agriculture soient dispensés aux élèves afin de les sensibiliser à la réalité du monde agricole et de leur transmettre des connaissances et des savoirs relatifs à la nature, à la culture, à une nutrition saine et à la nécessité de protéger notre souveraineté alimentaire et agricole. C’est important également pour créer des vocations dès le plus jeune âge et ainsi assurer la transmission des exploitations.

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Nous proposons également d’introduire, dès le primaire et jusqu’au secondaire, une initiation à l’agriculture, notamment dans ses composantes alimentaires et écologiques, afin de mettre en valeur le travail de nos agriculteurs mais aussi de connecter les élèves à des sujets de la vie de tous les jours. Cela permettra en outre de faire émerger des vocations dès le plus jeune âge.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CE961 et demande de retrait pour les autres.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour ma part, je souhaite le retrait de tous ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable. En effet, une présentation des enjeux de l’agriculture est déjà prévue dans le code de l’éducation. De plus, une vocation d’agriculteur ne naît pas à l’école, mais dans le cadre d’une découverte du métier chez les agriculteurs.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Je souhaite relever quelques problèmes de cohérence. Tout d’abord, monsieur Dubois, je serais tout à fait favorable à ce module, mais votre collègue M. Dive m’a expliqué un peu plus tôt que les enseignants avaient mieux à faire. Par ailleurs, Mme la rapporteure donne un avis favorable à cet amendement, alors qu’elle était défavorable à un amendement un peu similaire que j’avais proposé. Je veux bien entendre tous les arguments, mais il faudrait qu’ils restent constants au fil de la soirée.

M. Julien Dive (LR). Monsieur Prud’homme, je vous invite à relire ces amendements : celui de notre collègue Dubois a pour objet l’agriculture, alors que le vôtre traitait de l’alimentation, pour ne pas dire de la cuisine.

La commission adopte l’amendement CE961.

En conséquence, les amendements CE1606, CE57 et CE727 tombent.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE202 de M. Yannick Neuder et CE1218 de Mme Anne-Laure Blin.

 

Amendement CE2175 de M. Didier Le Gac

M. Luc Lamirault (HOR). Cet amendement vise à défendre les MFR, qui connaissent des difficultés financières. Ces écoles, qui assurent des formations de proximité, sont en effet très importantes pour nos territoires ruraux.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je propose plutôt que nous missionnions le CGAAER pour examiner leur situation financière. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Chapitre II
Mesures en faveur de l’orientation, de la formation, de la recherche et de l’innovation

 

Article 3 : Consécration de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires

 

Amendement CE232 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à introduire dans la formation agricole l’enseignement de l’agroforesterie et des enjeux et avantages liés à la haie. Le pacte en faveur de la haie prévoit 50 000 kilomètres de haies supplémentaires d’ici à 2030. Il faut apprendre à gérer les haies après leur plantation, à maintenir les haies existantes et à restaurer celles qui sont en mauvais état. Les agriculteurs ne savent plus forcément le faire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Une telle mention me semble trop précise pour figurer à l’article 3, qui énumère les grandes missions de l’enseignement agricole. Les enjeux que vous ciblez sont parfaitement couverts par les dispositions relatives à l’agriculture et à la sylviculture.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1272 de M. Roger Chudeau

M. Lionel Tivoli (RN). Les alinéas 3 et 4 de l’article 3, destinés à modifier l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime, disposent que l’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires sont dispensés dans le respect des principes généraux de l’éducation prévus au livre 1er du code de l’éducation.

Le code de l’éducation n’est pas le code du ministère de l’éducation. Ses dispositions légales et réglementaires s’appliquent à l’ensemble des acteurs publics et privés sous contrat, donc évidemment à l’enseignement agricole. Il apparaît inutile et redondant de modifier le code rural pour y intégrer des dispositions issues du code de l’éducation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il me semble au contraire nécessaire de préserver cette mention s’agissant d’un enseignement sectoriel et spécifique, pour éviter toute ambiguïté. De plus, cela permet de simplifier la rédaction de cet article du code rural tout en y englobant les missions du service public de l’éducation, et non les seuls principes de laïcité, de liberté de conscience et de libre accès au service public. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. L’article L. 811-1 définit les missions de l’enseignement agricole technique. Retirer la mention des principes généraux de l’éducation – dont la laïcité, l’éducation au développement durable, la promotion de la santé à l’école, la lutte contre le harcèlement scolaire – me semble donc fort inapproprié. Avis très défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE967 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit de préciser que l’enseignement privé agricole sous contrat participe au service public de l’éducation. Les maisons familiales rurales forment des chefs d’exploitations et des ouvriers agricoles de grande qualité ; je trouve dommage de les oublier et de ne parler que du public.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La question des établissements privés est spécifiquement abordée par les articles L. 813-1 et suivants du code rural. Nous en discuterons à partir des amendements à l’alinéa 16, car le projet de loi tend à faire mieux reconnaître leur rôle dans l’enseignement agricole et le service public de l’éducation. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Le code rural consacre des articles distincts à l’enseignement agricole public – articles L. 811-1 et suivants – et privé – articles L. 813-1 et suivants. Votre demande étant satisfaite, je souhaite le retrait de votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE2055 de Mme Béatrice Descamps

M. David Taupiac (LIOT). Il vise à préciser que la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires constitue une composante du service public de l’éducation. Il a également pour objet d’y associer les ministères de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et du travail.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il ne fait aucun doute que les ministères en question sont associés à la démarche s’agissant des sujets qui les concernent. Il est toutefois plus clair et plus cohérent de ne faire référence qu’au ministère chargé de l’agriculture. Il n’est pas non plus utile de mentionner la formation, la notion d’éducation recouvrant à la fois l’enseignement et la formation. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. La formulation actuelle, qui date d’il y a quarante ans, a fait ses preuves ; il n’y a donc pas lieu d’y toucher. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE1465 de M. Loïc Prud’homme est retiré.

 

Amendement CE1814 de M. Guillaume Garot, amendements identiques CE1466 de Mme Aurélie Trouvé et CE2853 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il s’agit de rappeler que l’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture sont la tâche de professionnels de l’éducation. Dans sa formulation actuelle, le texte ménage une place de choix pour le lobby agricole au sein de l’enseignement agricole public. Une telle présence systématisée serait préjudiciable à la transition des systèmes agricoles et agroalimentaires vers des modèles agroécologiques.

Il convient en outre de rejeter la doctrine « adéquationniste » en éducation défendue par ce gouvernement : l’enseignement agricole doit former des citoyens éclairés et préparer à l’exercice d’un métier selon l’état des connaissances établies, y compris si celles-ci entrent en contradiction avec les pratiques habituelles des industriels du secteur.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’enseignement et la formation professionnelle sont un métier et relèvent des agents du service public de l’éducation. C’est pourquoi l’association à la formation de professionnels des métiers concernés inquiète. De plus, la liberté pédagogique et la neutralité de l’enseignement peuvent être mises à mal par une surreprésentation de l’agrobusiness. Laissons les enseignants choisir d’associer ou non des professionnels, en considérant en premier lieu l’intérêt pédagogique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Bien évidemment, l’intervention des professionnels se fera dans le respect des programmes éducatifs. Ils n’ont pas vocation à se substituer aux enseignants, principaux acteurs du service public de l’éducation. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable, par cohérence avec la volonté d’associer les professionnels que nous avons exprimée lorsque nous avons abordé les politiques d’orientation.

Par ailleurs, il n’est pas question de remettre en cause la liberté pédagogique. Cependant, on ne peut pas se priver du regard des professionnels dans l’enseignement agricole. Il ne s’agit pas de livrer celui-ci à l’agrobusiness – inutile de tomber dans la caricature – mais de faire travailler en bonne intelligence les enseignants et les professionnels ; c’est ce qui fait la force de l’enseignement agricole.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). La question n’est pas de se priver du regard des professionnels dans la formation, mais de ne pas rechercher l’employabilité pour elle-même.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3436 de M. Éric Girardin

M. Éric Girardin, rapporteur général. Il précise que les chambres d’agriculture, qui ont un rôle structurant dans nos territoires, figurent parmi les professionnels associés à la formation agricole.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec votre rapporteur général. Si l’on cite les chambres d’agriculture, il faudrait le faire aussi pour les autres acteurs qui interviennent dans ce domaine. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement CE1397 de M. Emmanuel Blairy est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1968 de M. Max Mathiasin.

 

L’amendement CE2511 de M. Julien Dive est retiré.

 

Amendement CE3033 de Mme Marie Pochon

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Sans sols fertiles et en bonne santé, la souveraineté alimentaire n’est pas possible. Il est donc proposé d’ajouter la santé des sols aux domaines énumérés à l’alinéa 5.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Ce point étant intégré dans l’agroécologie, il n’est pas besoin de le préciser.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE1400 de M. Jorys Bovet est retiré.

 

Amendement CE629 de M. Jean-Pierre Vigier, amendements identiques CE274 de M. Julien Dive, CE965 de M. Francis Dubois, CE1888 de M. Charles de Courson, CE2054 de M. David Taupiac, CE2117 de M. Inaki Echaniz, CE2494 de Mme Louise Morel et CE3184 de M. François Gernigon, amendements CE1281 de M. Lionel Tivoli et CE742 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Les agriculteurs étant avant tout des chefs d’entreprise, nous souhaitons leur permettre d’acquérir davantage de compétences en matière de management et surtout de gestion d’équipe.

M. Julien Dive (LR). Être agriculteur, ce n’est pas Martine à la ferme : cela suppose de maîtriser la vie d’une entreprise. L’agriculteur à la tête d’une exploitation est un véritable chef d’entreprise et doit gérer un modèle économique et des employés.

M. Francis Dubois (LR). J’ai rencontré dans ma carrière beaucoup de grands éleveurs qui étaient de mauvais gestionnaires, mettant leur exploitation en difficulté parce qu’ils soignaient trop bien leurs animaux au détriment de la rentabilité. Il est donc très important de proposer un module de gestion d’entreprise et de management.

M. Lionel Tivoli (RN). La gestion d’une exploitation agricole fait appel à des compétences propres aux chefs d’entreprise en matière de management et de prise de risques. Tous ces acquis permettront à l’agriculteur de développer les capacités propices à la gestion d’une exploitation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ces précisions ne me semblent pas nécessaires, car elles sont déjà intégrées dans le bloc des compétences nécessaires à l’exercice de la profession agricole que nous avons précédemment voté. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Ces compétences ayant déjà été intégrées à l’article 2, il serait superflu de les mentionner à nouveau à l’article 3. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2926 de M. Benoît Mournet et sous-amendement CE3633 de M. Inaki Echaniz

M. Luc Lamirault (HOR). L’amendement vise à introduire dans l’enseignement agricole la formation à la diversité des agricultures et à leurs spécificités.

M. Inaki Echaniz (SOC). Le sous-amendement vise à promouvoir l’apprentissage et l’utilisation des langues territoriales au sein des établissements d’enseignement technique agricole privés et publics. Dans de nombreux territoires, les enfants apprennent nos langues, dans le cadre d’un cursus bilingue ou immersif, à l’école, au collège et au lycée, sauf dans les lycées agricoles. L’éducation nationale s’est engagée dans le développement des langues territoriales ; le ministère de l’agriculture est en retard.

Il s’agit d’une demande des chefs d’établissement – notamment ceux des lycées Frantsesenia de Garazi et Armand-David de Hasparren –, des enseignants, des parents et surtout des élèves. Ceux-ci parlent basque, occitan ou breton dans l’exploitation et la cour de récréation, mais pas en classe.

Il s’agit de préserver nos langues, mais surtout de disposer d’un outil utile dans les exploitations, où elles sont parlées et utilisées pour transmettre les modèles agropastoraux et la connaissance du fonctionnement de l’agriculture.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il est indéniable que l’agriculture recouvre des réalités diverses. Toutefois, il ne semble pas utile de le préciser, dans la mesure où l’alinéa 5 mentionne « les métiers de l’agriculture » et l’alinéa 6 les enjeux de « promotion de la diversité des systèmes de productions agricoles ». Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Monsieur Echaniz, vous profitez d’un amendement relatif à la diversité de l’agriculture pour ouvrir un débat sur la diversité linguistique. C’est un peu tiré par les cheveux ! Ce sujet sérieux mérite mieux qu’un amendement au demeurant inutile, puisqu’en matière de langues régionales, le ministère de l’agriculture, s’agissant de l’enseignement agricole, tient compte des grands principes édictés par l’éducation nationale.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement CE2118 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à assurer l’intervention de la MSA dans les établissements dispensant l’enseignement et la formation professionnelle, afin de former et de sensibiliser les futurs agriculteurs à leur protection sociale et aux droits qui s’y attachent.

S’agissant du sous-amendement CE3633, nous l’avions déposé en lieu et place d’amendements déclarés irrecevables. Monsieur le ministre, je souhaite que nous travaillions à cette question de façon sérieuse et apaisée, hors du cadre de cette commission, d’ici l’examen du texte en séance ou plus tard, car il s’agit d’un véritable enjeu pour nos territoires et d’une vraie demande des établissements d’enseignement agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Permettez-moi de vous rappeler que le ministère de l’agriculture a conclu avec la MSA une convention prévoyant l’intervention de ses agents dans les établissements d’enseignement agricole. Par ailleurs, la sécurité sociale agricole fait l’objet d’un module de formation. Manifestement, l’intérêt de notre débat est de faire redécouvrir des dispositifs qui existent déjà !

M. Dominique Potier (SOC). Il y a peut-être un malentendu, dû à une mauvaise formulation de notre part. Nous savons bien que la MSA intervient dans l’enseignement agricole. Là n’est pas la question.

La question, c’est le mutualisme en tant que tel, en agriculture et ailleurs. Tous les acteurs du mutualisme le disent : nous souffrons d’une société où les bases de ce qui nous unit du point de vue de l’État providence ne sont pas enseignées. Tel est le sens de nos amendements, qui visent à faire comprendre, dès l’école, les racines du syndicalisme, du mutualisme et de la coopération, pour un engagement économique et social plus juste.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE3035 de Mme Marie Pochon.

 

Amendement CE3036 de Mme Marie Pochon

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). On entend souvent dire dans nos débats – y compris par vous-même, monsieur le ministre – que la coexistence de modèles distincts est possible et qu’il faut encourager leur diversité. L’agriculture est bien la seule à faire l’objet de tels propos. En matière d’énergie, par exemple, on ne dit pas qu’il faut faire cohabiter les énergies fossiles avec les énergies décarbonées.

Dire qu’il n’est pas possible de passer sans délai d’un modèle à l’autre pose une vraie question ; en revanche, que nous ne nous donnions aucune perspective de transformation profonde de notre modèle agricole pour aller vers un modèle agroécologique est peu compréhensible.

Cela suggère que nous continuerons longtemps encore à faire coexister les deux modèles. Or, l’un peut abîmer l’autre, comme l’illustre l’exemple du prosulfocarbe – lequel pose le problème de l’indemnisation des exploitations en agriculture biologique contaminées. De surcroît, le soutien à ces deux modèles n’est pas équitable, l’un étant beaucoup plus soutenu que l’autre.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne me départis pas de la méfiance que m’inspire la volonté de soutenir un unique modèle en faisant passer tout le monde sous la même toise. Le texte comporte de nombreuses dispositions visant à favoriser les transitions, à mettre en valeur les questions agroécologiques, à chercher des alternatives et à former ceux qui opteront pour ce modèle en s’installant. Inutile d’en rajouter dans ce registre. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). En disant que nous voulons aller vers les pratiques agroécologiques, nous adoptons la démarche propre à un projet de loi d’orientation. Cela fait quand même quelques décennies que ces questions sont évoquées. Ce que vous dites, c’est que la cohabitation des deux systèmes continuera. Nous pensons, et de nombreux scientifiques avec nous, que cela ne tient pas.

M. Dominique Potier (SOC). Mon sentiment, celui des socialistes, est le suivant : si l’on refuse d’opposer les modèles, on admet que le modèle dominant écrase les autres. Or, il est le plus puissant économiquement, mais pas le plus satisfaisant socialement, ni le plus durable écologiquement.

Si le réalisme oblige à admettre qu’il n’y a pas de modèle unique, il n’interdit pas d’adopter un modèle de référence. La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt présente peut-être de nombreux défauts et de nombreuses incohérences, mais elle a le mérite de fixer un cap.

L’orientation de l’agriculture, pour sa survie et même pour sa production, c’est l’agroécologie. Que tous les modèles et toutes les régions n’en soient pas au même degré d’avancement et qu’il existe une diversité de solutions, on peut l’admettre. Mais, au moins, il y a un modèle de référence.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3494 de la commission du développement durable, CE128 de Mme Christelle Petex et CE2854 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques CE1467 de Mme Mathilde Hignet et CE2042 de M. David Taupiac, amendements identiques CE3493 de la commission du développement durable et CE230 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’agriculture biologique est la forme la plus aboutie des pratiques agroécologiques ; si nous voulons réellement accélérer la transition agroécologique, alors son enseignement doit être renforcé. L’amendement CE2854 vise donc à faire en sorte que l’agriculture biologique fasse partie intégrante des éléments présentés dans les établissements d’enseignement agricole.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Nous n’avons adopté aucune disposition inscrivant dans la loi le soutien à l’agriculture biologique. La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) a mené une enquête auprès des enseignants. Ses résultats sont éloquents : 73 % souhaiteraient davantage de contenu technique relatif à l’agriculture biologique ; 63 % voudraient des supports de communication à ce propos ; 43 % expriment un besoin de formation dans ce domaine. Il y a donc urgence à renforcer la formation initiale et continue en la matière.

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de préciser que les enjeux de l’enseignement et de la formation professionnelle en agriculture, ainsi que les missions des établissements concernés, incluent la promotion de l’agriculture biologique, en cohérence avec les finalités des politiques publiques agricoles et alimentaires définies à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’agriculture biologique fait partie de l’agroécologie. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Dès lors que l’on évoque l’agroécologie, on évoque l’agriculture biologique. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE3495 de la commission du développement durable et CE3034 de Mme Marie Pochon

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les enjeux mentionnés sont couverts par la notion de diversité des systèmes de production agricole. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CE1739 de M. Bertrand Petit et CE1299 de Mme Anne-Laure Blin.

 

Amendement CE2470 de M. Éric Martineau

M. Éric Martineau (Dem). Cet amendement vise à assurer le maintien des connaissances et la transmission des savoirs. Dans certaines filières, telles que celles des plantes médicinales et des plantes aromatiques, voire celle de l’arboriculture fruitière, il n’y a même plus de formation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’amendement est satisfait par la première phrase de l’alinéa 6, qui mentionne les « filières de production », au pluriel. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Toutefois, la question du maintien et de la transmission des connaissances dans des filières appelées à disparaître mérite d’être explorée d’ici l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE737 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CE275 de M. Julien Dive, CE630 de M. Jean-Pierre Vigier, CE966 de M. Francis Dubois, CE1889 de M. Charles de Courson, CE2496 de Mme Louise Morel et CE3037 de Mme Marie Pochon, amendement CE3127 de Mme Anne-Laure Babault, amendement CE299 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Il s’agit d’encourager un choc d’attractivité des métiers de l’agriculture, qui nécessitera des systèmes de partenariat entre les établissements scolaires généraux et agricoles, l’État et les régions.

M. Francis Dubois (LR). Ces systèmes devront inclure les départements et les communes.

M. Charles de Courson (LIOT). Ce que nous proposons par cet amendement n’a rien de révolutionnaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. De tels partenariats existent déjà. Il me semble inutile de les faire figurer ici.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1479 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il vise à proposer une définition générique de la notion de performance économique, qui figure à l’article 3.

La performance économique participe à la relocalisation de notre alimentation, en étant intensive en emplois et en garantissant un revenu suffisant aux agriculteurs et aux agricultrices, selon des critères de nombre d’emplois par unité de surface et de limitation de la taille des chaînes de valeur agricole, afin de favoriser les circuits courts et de petite taille et d’assurer une forte valeur ajoutée par actif agricole.

Elle favorise l’autonomie des exploitations agricoles et limite leurs externalités négatives sur l’environnement, ainsi que sur notre santé environnementale, selon des critères de limitation de leur dépendance aux intrants chimiques de synthèse et de valorisation des infrastructures agroécologiques.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE2104 de Mme AnneLaure Blin.

Amendements identiques CE3496 de la commission du développement durable et CE1520 de M. Hendrik Davi

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Il s’agit de généraliser les ateliers technologiques et les exploitations agricoles dans les établissements d’enseignement secondaire et supérieur agricole, en insistant sur leur rôle prioritairement pédagogique.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CE2915 de Mme Sophie Mette et CE2056 de Mme Béatrice Descamps.

 

Amendements identiques CE3497 de la commission du développement durable et CE1006 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Si la parité entre filles et garçons est respectée à l’échelle des établissements agricoles, elle ne l’est pas au sein des formations, qui présentent un fort déséquilibre en la matière. Il s’agit donc d’encourager l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des formations, afin de lutter contre les stéréotypes et les observations désobligeantes.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Encourager l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie des missions générales de l’éducation. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Hervé de Lépinau (RN). Avons-nous conscience de l’indignité de nos débats par rapport aux demandes que les agriculteurs ont exprimées dans la rue ? Leur colère augmentera à la puissance dix s’ils apprennent que nous avons débattu d’un amendement visant à compléter le texte par les mots « en encourageant notamment l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des formations ». Il faut se réveiller ! Il y a danger, monsieur le ministre ! Nous ne nous gênerons pas pour dénoncer auprès des agriculteurs ce qui se passe dans cette commission.

M. le président Stéphane Travert. Monsieur de Lépinau, les travaux de cette commission et les amendements qui y sont proposés sont libres. Ensuite, chacun, en liberté et en responsabilité, les vote ou ne les vote pas.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3498 de la commission du développement durable et CE2156 de Mme Chantal Jourdan

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Monsieur de Lépinau, je sais qu’il est tard et que l’envie peut venir d’alimenter sa capsule vidéo… Toutefois, nous débattons ici de la formation. J’essaie, comme tous les parlementaires ici présents, me semble-t-il, de travailler dans le cadre du texte, sans céder à la facilité de tout accepter sous prétexte que chaque proposition a son intérêt.

J’ai annoncé d’emblée que nous débattions d’un projet de loi d’orientation ; il n’y a donc aucune raison d’être surpris. Par ailleurs, des mesures en faveur des agriculteurs sont prises – nous les avons évoquées. Et, ici, nous essayons de nous préoccuper avec sérieux – si on laisse de côté quelques amendements à propos desquels on peut se poser des questions – de leur formation, de leur orientation et de la transition de leur modèle.

Vos griefs me semblent donc injustes, y compris vis-à-vis de vos collègues qui ont déposé des amendements. Nous pouvons avoir des désaccords, mais pas sur ce registre, qui est de surcroît démagogique et un peu facile.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par ailleurs, ces propos sont insultants pour la moitié de la population française, les femmes.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cette sortie de fin de réunion fait litière des nombreux sujets que nous avons abordés. Au demeurant, l’égalité entre les femmes et les hommes est un enjeu important. Or, nous avons davantage parlé des agriculteurs que des femmes en agriculture. Les inégalités à résorber sont nombreuses, dans la formation et ailleurs. Ces amendements sont donc utiles.

La commission rejette les amendements.


6.   Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 9 heures 30 : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 3 mai 2024 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

 

Article 3 (suite) : Consécration de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires

 

Amendement CE3038 de Mme Marie Pochon

Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour le titre Ier et le titre II (articles 2 à 4). Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1728 de Mme Mélanie Thomin

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à renforcer la formation des futurs agriculteurs dans deux domaines : le droit de l’environnement et le rôle de l’autorité chargée du contrôle de son application.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. En mentionnant le rôle du seul Office français de la biodiversité (OFB), l’amendement va trop loin dans le détail. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1481 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CE2855 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques CE846 de Mme Annie Genevard et CE3122 de M. Philippe Vigier (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les exploitations agricoles des établissements publics locaux jouent un rôle majeur dans la formation et doivent être confortées. De plus, le statut des salariés de ces exploitations doit être redéfini : ils doivent bénéficier d’un statut d’agent de droit public. Il est proposé, par l’amendement CE2855, de conforter la vocation pédagogique, de développement et d’expérimentation de ces exploitations.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’amendement CE846 vise à assurer une reconnaissance officielle des ateliers technologiques et des exploitations agricoles présents dans de nombreux établissements privés afin de valoriser ces structures au service de la formation des apprenants.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Nous avons déjà eu le débat sur le statut de ces exploitations et sur l’opportunité de les mentionner à l’article 3. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous souhaitez, par ces amendements, mettre en valeur les quelque 190 exploitations agricoles qui, au sein de nos établissements, assument une fonction pédagogique éminente. La logique voudrait que l’on insère ces dispositions à l’article L. 811-8 du code rural. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement CE2855, tout en émettant un avis de sagesse sur les amendements identiques.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Amendements CE2904 et CE2905 de Mme Sophie Mette (discussion commune)

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’article 3 prend déjà en compte la synergie entre les territoires, puisqu’il mentionne la contribution à l’animation et au développement de ceux‑ci. Il ne me semble pas nécessaire d’apporter davantage de précisions. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE1468 de Mme Manon Meunier, CE1819 de M. Guillaume Garot et CE2119 de M. Inaki Echaniz, amendement CE2856 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques CE1836 de Mme Mélanie Thomin et CE3039 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Par l’amendement CE1468, nous proposons d’associer plus étroitement les établissements d’enseignement agricole à la gouvernance des projets alimentaires territoriaux (PAT), qui contribuent à soutenir les filières sur un territoire – parfois même à créer de telles filières –, à lutter contre le gaspillage et la précarité alimentaires, et à développer la consommation de produits – en particulier biologiques – issus de circuits courts. Plus le tour de table sera étendu, plus on sera en mesure de promouvoir les filières.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CE1819 vise à intégrer les établissements de formation et d’enseignement professionnel dans la gouvernance des PAT.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les quelque quatre cents PAT fédèrent les acteurs territoriaux autour de l’alimentation et de l’agriculture et permettent une prise en compte économique, sociale, environnementale et sanitaire de ces sujets. Les établissements publics locaux d’enseignement agricole y ont toute leur place et devraient pouvoir participer à leur gouvernance, comme nous proposons de l’inscrire par l’amendement CE2856.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CE1836 vise à ce que les actions de formation professionnelle aux métiers de l’agriculture soient articulées avec les PAT.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’article L. 111-2-2 du code rural permet déjà d’associer les établissements d’enseignement agricole à ces projets en tant qu’acteurs du territoire. Avis défavorable

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CE2914 de Mme Sophie Mette et CE2057 de Mme Béatrice Descamps.

 

Amendement CE2157 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit, par cet amendement, de renforcer la formation à la culture des oléagineux et des légumineuses.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’alinéa 6 mentionne déjà le développement des connaissances et des compétences en matière de transition agroécologique et climatique. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Il n’y a pas lieu d’entrer dans ce niveau de détail, s’agissant d’un contenu pédagogique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1482 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Le texte prévoit la mise en œuvre d’actions visant à répondre aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire. Celles‑ci n’ont pas pour objet de se substituer au service public de l’emploi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3499 de la commission du développement durable et CE129 de Mme Christelle Petex, amendements CE1717 de M. André Chassaigne, CE1469 de M. Loïc Prud’homme, CE2845 de M. Jean-Claude Raux, CE3042 de Mme Marie Pochon et CE2846 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’amendement CE3499 est défendu.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous proposons, par l’amendement CE1469, d’inclure dans les référentiels de formation un module d’enseignement spécifique à l’agriculture biologique. À l’heure actuelle, seuls 5 % des contenus de formation concernent l’agriculture biologique. Les besoins en la matière sont considérables ; élèves et étudiants sont très demandeurs d’une formation en ce domaine.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’agriculture biologique constitue certainement l’un des plus grands enjeux de l’enseignement agricole, au côté du renouvellement des générations. Pour accélérer la transition agroécologique, les jeunes en formation agricole doivent y être toutes et tous formés. À cette fin, nous proposons, par l’amendement CE2845, d’inclure un module spécifique à l’agriculture biologique de vingt-quatre heures annuelles dans les cursus agricoles. L’amendement CE2846 a le même objet, mais ne spécifie pas de volume horaire.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ces demandes sont satisfaites par la notion de « transitions agroécologique et climatique ». Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Les dispositions que nous examinons portent sur les missions de l’enseignement agricole et non sur les compétences. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Ces amendements sont importants. L’ensemble des agricultrices et des agriculteurs de la filière biologique réclament ces mesures. On peut débattre de la formulation et du caractère législatif ou réglementaire de ces dispositions, mais il me semble que la rédaction proposée par M. Prud’homme, par exemple, apporte une précision nécessaire.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle adopte l’amendement CE1717.

Elle rejette successivement les amendements CE1469, CE2845, CE3042 et CE2846.

 

Amendement CE2446 de M. Vincent Descoeur

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement vise à insérer les mots « d’économie et de gestion de l’entreprise agricole, d’agronomie, de technique d’élevage (…) » à l’alinéa 13. En effet, l’économie, la gestion, les marchés, les techniques de production doivent être considérés comme des matières essentielles, dont la connaissance est un préalable à la réussite des projets.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. On est en train de toucher à la loi « Rocard » de 1984, qui est l’un des fondements de l’enseignement agricole privé et public. À vouloir ajouter des modules de cette façon, on risque de s’écarter de l’esprit de la loi et d’aboutir à un ensemble déstructuré et dépourvu de sens.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Hier, nous avons ajouté des modules concernant l’enseignement primaire, mais je rappelle qu’il appartient au Conseil supérieur des programmes (CSP) de définir les programmes scolaires en toute indépendance. Nous n’avons pas à nous immiscer dans les programmes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE1471 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Les conseillers agricoles sont des personnels essentiels pour mener la bifurcation écologique des secteurs agricole et agroalimentaire. Afin qu’ils puissent accompagner au mieux les agriculteurs et les agricultrices dans leur transition vers des pratiques respectueuses de l’environnement et valorisant la biodiversité, nous proposons qu’ils soient formés aux pratiques agroécologiques.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3500 de la commission du développement durable et CE1470 de Mme Manon Meunier, amendements CE2857 de M. Jean-Claude Raux et CE231 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Cet amendement vise à prévoir un enseignement sur l’agroforesterie et les apports des haies, en particulier les services écosystémiques qu’elles fournissent. Il a été élaboré avec l’Association française des arbres champêtres (Afac)-Agroforesterie, qui constate un besoin réel de formation des agriculteurs dans le domaine de la gestion des haies.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’agroforesterie présente une spécificité par rapport à la sylviculture, notamment du point de vue de la gestion des haies.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ces détails n’ont pas vocation à figurer dans un article programmatique, d’autant plus que nous pourrons largement débattre de ces questions à l’article 14. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je rappelle que l’article 3 porte sur les missions de l’enseignement agricole, qui ont été définies par la loi « Rocard ». Il ne nous appartient pas de définir le contenu de chaque module de formation – cela n’a pas de sens d’un point de vue légistique. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Sans mettre aucunement en cause la bonne foi de mes collègues, il me paraît dangereux de vouloir faire passer par la loi ce qui relève de la libre administration pédagogique. Si, demain, d’autres arrivaient au pouvoir, on peut s’inquiéter du contenu qui serait donné à un certain nombre d’enseignements. Par ailleurs, à vouloir ajouter tant de prescriptions, on peut donner l’impression d’une certaine condescendance – on pourrait dire d’une condescendance de classe – à l’égard du monde agricole, lequel n’ignore pas ces questions. Certes, me direz-vous, le projet de loi étant une coquille vide, il faut bien trouver de quoi le remplir…

M. Marc Fesneau, ministre. Il n’appartient pas, en effet, au législateur de définir le contenu pédagogique des programmes. Plusieurs d’entre vous, hier, ont rappelé qu’il fallait respecter les choix des équipes pédagogiques. Par ailleurs, les agriculteurs ont évidemment à l’esprit les sujets que vous évoquez. Il nous incombe de définir des politiques publiques, par exemple sur la haie, pas de dire aux agriculteurs qu’on va leur apprendre à en tenir compte.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Ajouter des lignes directrices, ce n’est pas faire preuve de condescendance envers le monde agricole, c’est souligner les manques existant dans l’éducation et l’insuffisance du soutien financier apporté à certains modules agroécologiques. L’étude de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), qu’a citée hier notre collègue Mathilde Hignet, met en lumière des lacunes, révélées par les enseignants eux-mêmes, concernant ce mode de production agricole. Ces amendements appellent à investir davantage sur ces modules, qui répondent à un besoin réel. La transition agroécologique constitue un enjeu politique, qui appelle la définition d’objectifs de la part du législateur.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE1480 et CE1472 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ce sont souvent les enseignants eux-mêmes qui demandent que l’on mentionne ces lignes directrices et ces référentiels de formation, car ils en ont besoin pour appuyer leurs contenus pédagogiques. L’amendement CE1480 vise à créer un module d’enseignement consacré à la prévention des risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires chimiques de synthèse. Si une telle formation était instituée, monsieur le ministre, vous auriez tout intérêt à la suivre : cela vous éviterait de proférer des inexactitudes sur le « nombre de doses unités » (Nodu) et le HRI-1 (Harmonised Risk Indicator for pesticides), comme vous l’avez fait ce matin sur France Info. L’amendement CE1472 a pour objet de développer les compétences réglementaires ainsi que de santé et de sécurité au travail.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les produits phytosanitaires seront l’objet d’un véhicule législatif dédié. Avis défavorable

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3043 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit d’ouvrir l’enseignement agricole à l’ensemble des métiers agricoles, c’est-à-dire aux exploitants agricoles, aux salariés, aux ouvriers mais aussi aux saisonniers agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je ne souhaite pas que l’on dresse la liste de tous les métiers concernés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3502 de la commission du développement durable et CE3126 de Mme Delphine Lingemann

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’article en discussion fixe, à titre programmatique et dans un champ circonscrit, les grandes missions de l’enseignement agricole public. Il appartiendra ensuite aux différentes catégories d’établissements de définir les moyens d’accomplir ces missions, sans que nous imposions tel ou tel outil. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable, pour les raisons exposées par votre rapporteure.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement 2858 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les espaces-test des établissements publics locaux d’enseignement et de formation agricole sont des entités fonctionnelles et coordonnées réunissant l’ensemble des conditions nécessaires aux tests d’activité. Ils assurent un accompagnement et un suivi visant à la création d’entreprises agricoles. En ce sens, ils constituent en quelque sorte des « couveuses » ou des incubateurs d’entreprises. Nous proposons de généraliser ces espaces-test dans les établissements publics d’enseignement agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Nous fixons ici les missions, pas les moyens de les remplir. Avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE3041 de Mme Marie Pochon.

 

Amendement CE3171 de M. Lionel Vuibert

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous allons accueillir le réacteur pressurisé européen (EPR) à Penly, un chantier qui nécessitera le concours de douze mille salariés. Nous entendons faire en sorte que ce projet d’envergure européenne ne siphonne pas les emplois existants sur notre territoire, tant dans l’industrie que dans le monde agricole. Une étude de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) va établir les besoins en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau territorial dans tous les domaines d’activité. Monsieur le ministre, pouvez-vous mobiliser vos services pour adosser les formations dispensées sur le territoire afin que nous continuions à bénéficier de la formation et de la main-d’œuvre nécessaires au renouvellement des générations et au fonctionnement de nos exploitations agricoles ?

M. Marc Fesneau, ministre. L’article 4 traite des contrats territoriaux, qui visent à favoriser l’emploi agricole. Cela étant, il faut peut-être aller plus loin concernant le projet que vous citez, dans la mesure où il conduira à la création d’un grand nombre d’emplois, qui aspireront sans nul doute des compétences. Cela pourrait relever de l’expertise du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. Nous serons confrontés à la même problématique partout où de l’emploi industriel se recrée. On pourrait envisager de lancer une mission spécifique afin de définir les actions qui pourraient être conduites en matière d’animation territoriale.

 

Amendement CE2121 de M. Inaki Echaniz

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement, qui porte sur le sujet crucial du non‑recours au droit des exploitants agricoles, vise à inclure, parmi les missions des établissements, la sensibilisation aux régimes de protection sociale agricole.

Comme tous les citoyens, les agriculteurs ont droit aux minima sociaux, mais ils ne le font pas toujours valoir faute d’informations, en raison d’un ras-le-bol vis-à-vis des démarches administratives, ou parce qu’ils ne souhaitent pas dépendre de l’aide publique. C’est pourquoi, en concertation avec la Mutuelle sociale agricole (MSA) et les Jeunes agriculteurs (JA), nous voulons lutter contre le non-recours au droit et mieux informer les agriculteurs sur les prestations sociales et les services auxquels ils peuvent prétendre.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’alinéa 9 dispose déjà que les établissements contribuent à l’insertion professionnelle. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. La lutte contre le non-recours au droit n’a pas sa place dans un article définissant les missions fondamentales de l’enseignement agricole. Il revient particulièrement à la MSA d’agir dans ce domaine, ainsi qu’à l’État.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous savons bien que le monde de l’éducation, comme les universités, travaille sur les questions de prévention, en collaboration avec les mutuelles. Il est très important que l’enseignement agricole aborde aussi la question des droits et des prestations relatives aux agriculteurs, d’autant que le renoncement aux soins est très élevé dans le monde rural.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE3175 de M. Lionel Vuibert.

 

Amendement CE1477 de Mme Manon Meunier, amendements CE1511 et CE1513 de M. Léo Walter

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). L’objet de ces trois amendements est d’apporter des réponses au défi climatique ainsi qu’au risque incendie, particulièrement après les mégafeux de ces dernières années.

L’amendement CE1477 vise à intégrer à la formation agricole des enseignements rigoureux et de qualité sur les bénéfices économiques et environnementaux de l’agriculture biologique, de l’agroécologie et de l’agroforesterie.

L’amendement CE1511 tend à enseigner les méthodes du sylvopastoralisme.

Quant à l’amendement CE1513, qui est lié au précédent, il vise à introduire un module de prévention au risque incendie grâce aux pratiques d’agroforesterie.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La traction animale ou la lutte contre les incendies sont des sujets importants, mais les ajouter à cet article, qui récapitule les grandes missions de l’enseignement agricole, ne me semble pas opportun. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Je le dis avec respect : évoquer la « traction animale », qui peut certes présenter un intérêt dans bien des domaines, dans un article qui définit les missions de l’enseignement agricole, me paraît gênant d’un point de vue normatif. Je m’étonne en outre des mots que vous utilisez : que signifie « rigoureux » en droit ? Arrêtons donc de faire des phrases : de tels amendements n’ont pas leur place à cet article, ni ailleurs dans le texte.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je profite de cet amendement pour vous demander, monsieur le ministre, un état des lieux de l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap dans les lycées agricoles.

En effet, le rapport que j’avais rédigé au nom de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, indiquait que la double tutelle s’imposant aux lycées agricoles complexifiait l’application des objectifs d’inclusion scolaire en leur sein. Je vous serais donc reconnaissant de nous indiquer où en sont le déploiement des classes spécialisées ouvertes et l’affectation d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans les établissements.

J’insiste, l’inclusion des jeunes en situation de handicap, y compris dans les métiers dont nous débattons, doit être une priorité politique.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez tout à fait raison, monsieur Jumel, et nous vous communiquerons des éléments chiffrés. Il s’avère que l’enseignement agricole est plutôt inclusif, même si nous accusions du retard en termes de moyens humains. Depuis deux ou trois ans, nous menons une politique de titularisation et de recrutement d’AESH. C’est un sujet qui retient toute mon attention.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE3040 de Mme Marie Pochon

 

Amendement CE1344 de M. Nicolas Meizonnet

M. Nicolas Meizonnet (RN). La crise des vocations dont souffre le secteur agricole est notamment le fruit d’une méconnaissance des nouvelles générations. L’objet de cet amendement est donc d’encourager les lycéens à faire des stages dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation.

De nombreux professionnels de ces filières ont à cœur de faire découvrir des métiers souvent très méconnus, mais la mise en relation avec les élèves nécessite d’être facilitée. Les établissements concernés par le présent article pourraient donc répertorier l’ensemble des structures et des exploitants volontaires pour recevoir des stagiaires de seconde et transmettre des listes de contacts aux lycées, de sorte que ces derniers présentent cette option à leurs élèves.

Dans des temps pas si lointains, la plupart des Français avaient un membre de leur famille dans l’agriculture, ce qui est beaucoup moins le cas chez les nouvelles générations. Je peux vous dire que dans ma circonscription, qui est très agricole, arboricole viticole, de nombreux agriculteurs accepteraient bien volontiers de prendre des stagiaires pour un mois. La mise en relation des professionnels avec les lycéens serait une mesure simple et de bon sens.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je laisse à chacun le soin de juger si une mesure comme celle-ci, qui relève de l’organisation interne de chaque établissement, est bien du domaine de la loi. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous soulevez la question importante de l’attractivité des métiers de l’agriculture. Cependant, je rappelle que cet article porte sur les missions de l’enseignement agricole. Votre proposition me semble très opérationnelle et ne pas y avoir sa place, même si la formation agricole, comme d’autres structures, contribue à l’attractivité des métiers.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE1426 de M. Jorys Bovet.

 

Amendement CE3125 de M. Éric Martineau

M. Éric Martineau (Dem). Cet amendement vise à prévoir des modules spécifiques destinés à préparer les futurs exploitants aux contrôles dont ils feront l’objet. Lors d’une mission consacrée à cette question, ma collègue Anne-Laure Blin et moi-même avons constaté une carence en la matière. Il conviendrait donc de dispenser aux futurs professionnels une formation sur le déroulement, les exigences et les suites données de ces contrôles, afin de les démystifier et de rassurer les étudiants.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’alinéa du code rural et de la pêche maritime que vous souhaitez compléter dispose simplement que l’enseignement aux métiers de l’agriculture est organisé selon des référentiels nationaux et par cycles. Y ajouter un élément sur le contenu des formations ne serait pas souhaitable. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement n’a pas sa place à l’article 3, consacré aux grandes missions de l’enseignement agricole. Avis défavorable.

L’amendement CE3125 est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE233 et CE235 de Mme Chantal Jourdan, ainsi que les amendements en discussion commune CE1473 de Mme Mathilde Hignet, CE2859 de M. Jean-Claude Raux et CE130 de Mme Christelle Petex.

 

Amendement CE2938 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Mon amendement vise à fixer trois priorités spécifiques aux territoires ultramarins, relatives à la diversification des cultures, à l’adaptation au changement climatique et à la coopération internationale dans l’environnement immédiat des différentes collectivités.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les missions définies pour l’enseignement public agricole ont une portée générale ; aussi couvrent-elles également les enjeux propres à l’outre‑mer. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. L’amendement, satisfait par ailleurs, n’a pas à sa place au sein de ce chapitre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE852 de Mme Annie Genevard

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement vise à remplacer les mots « participent au service public de l’éducation » par les mots « constituent une composante du service public de l’éducation », afin que les établissements privés d’enseignement et de formation agricoles soient considérés de la même manière que les structures publiques.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Deux lois distinctes portent sur l’enseignement agricole, qui ont apporté des modifications à deux codes différents. Adopter cet amendement introduirait donc une confusion juridique. Toutefois, cela n’enlève rien au fait que nous avons besoin tant de l’enseignement public que de l’enseignement privé.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3437 de M. Éric Girardin et CE1792 de M. Jean-Claude Raux

M. Éric Girardin, rapporteur général. L’amendement vise à corriger une erreur de référence.

La commission adopte les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE2058 de Mme Béatrice Descamps.

 

Amendement CE3503 de la commission du développement durable

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable, car l’article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime, sur lequel s’appuie l’amendement, porte sur les établissements publics locaux d’enseignement, lesquels regroupent plusieurs centres. Aucune disposition similaire n’existe pour l’enseignement public agricole.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE2860 de M. Jean-Claude Raux et CE2059 de Mme Béatrice Descamps (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les établissements privés, dont la position peut être prééminente, voire monopolistique, dans certains territoires, concourent bien évidemment à l’enseignement agricole. Afin de garantir le respect des objectifs et la qualité des formations, ils doivent respecter les mêmes obligations et devoirs envers les élèves que les structures publiques. Nous proposons donc de compléter la liste des missions du service public de l’éducation, qui s’appliquent donc aux établissements privés sous contrat, en y ajoutant l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, la lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme, la dispense des connaissances de base et le sport scolaire.

M. Charles de Courson (LIOT). Il est logique que l’enseignement agricole privé sous contrat soit soumis aux mêmes obligations que les établissements publics. Par cet amendement, nous proposons d’en ajouter trois, qui figurent aux articles L. 112-3, L. 112-4 et L. 121-5 du code de l’éducation.

La première est la liberté de choix, pour les jeunes sourds, entre une communication bilingue langue des signes-langue française et une communication seulement en langue française – élément important qui ne figure pas dans le texte.

La deuxième est l’aménagement des épreuves pour la passation des examens ou des concours pour les élèves en situation de handicap ou atteints d’un trouble de santé invalidant, afin de garantir l’égalité des chances entre les candidats.

Et la troisième est l’inclusion de l’éducation physique et sportive à la formation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il me semble tout à fait souhaitable de compléter la liste des dispositions du code de l’éducation s’appliquant aux établissements d’enseignement agricole privés en ajoutant celles relatives au handicap, à la culture générale et au sport. Avis très favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semble également très utile d’ajouter des dispositions ayant trait à la lutte contre l’illettrisme ou encore à l’éducation physique. Mon avis est donc favorable sur l’amendement CE2860 et défavorable sur l’amendement CE2059, qui ajoute d’autres dispositions.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. La commission des affaires culturelles et de l’éducation n’a pu examiner l’article 3, mais mon collègue Bertrand Sorre et moi-même, en nos qualités de rapporteurs pour avis, étions favorables à l’ajout de ces dispositions.

La commission adopte l’amendement CE2860.

En conséquence, l’amendement CE2059 tombe.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE3504 de la commission du développement durable et CE131 de Mme Christelle Petex, puis adopte les amendements identiques CE1221 de Mme Anne-Laure Blin et CE1793 de M. Jean-Claude Raux.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

La séance, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 30.

 

Après l’article 3

 

Amendement CE2861 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à ce que les établissements publics locaux d’enseignement agricole puissent intégrer la gouvernance des projets alimentaires territoriaux.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. L’article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime le prévoit déjà.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE1454 de Mme Manon Meunier

 

Amendement CE1499 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Le réseau national des espaces-test agricoles, qui a vu le jour en 2017, compte plus de quatre-vingts membres. Il est plébiscité pour permettre à des candidats à l’installation – qui, pour l’essentiel, ne sont pas issus du monde agricole – de procéder, pour une période limitée, à un test d’activité en grandeur réelle, contribuant ainsi concrètement au renouvellement des générations en agriculture.

Leur généralisation, à propos de laquelle cet amendement vise à obtenir un rapport du Gouvernement, nécessiterait la création d’environ 38 équivalents temps plein (ETP) au sein des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) ou des espaces‑test eux-mêmes. Et pour garantir leur viabilité financière, chaque structure devrait être dotée de dix mille euros par an.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1525 de M. Hendrik Davi

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Je regrette de ne pas avoir obtenu une véritable réponse de votre part, monsieur le ministre, car il me semble que les espaces-test présentent un véritable intérêt.

L’amendement CE1525 vise à obtenir la remise d’un autre rapport, cette fois sur l’opportunité d’une généralisation de l’adossement des lycées agricoles à une exploitation ou à un atelier technologique. Pour en avoir personnellement bénéficié lors de ma scolarité en lycée agricole, j’estime qu’il est impératif que tous les étudiants aient accès une exploitation, afin de développer une vision très concrète du milieu agricole et des métiers d’agriculteur et de salarié agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne voudrais pas que vous me reprochiez d’être lapidaire. Les espaces-test et les exploitations adossées aux lycées agricoles sont des fonctionnements intéressants. Ce que je ne trouve pas opportun, c’est d’édicter des principes généraux applicables à tous. Laissons les établissements décider par eux-mêmes.

J’ajoute que, sauf erreur de ma part, 20 millions d’euros (M€) ont été investis dans le cadre du plan « France relance » pour mettre à niveau des exploitations agricoles qui le nécessitaient. Nous ne sommes donc pas en retard et avons même en partie rattrapé celui qui s’était accumulé depuis des dizaines d’années. Nous poursuivrons d’ailleurs cet effort de modernisation.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous ne voulons rien d’autre que laisser faire les équipes pédagogiques. Mais encore faut-il que leurs moyens leur permettent de choisir, ce qui est également vrai s’agissant des espaces-test. Il ne s’agit ici que de reconnaître l’intérêt de ces dispositifs et de leur accorder un soutien plus franc, en monnaie sonnante et trébuchante, pour les développer.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 4 : Enrichissement des contrats de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles

 

Amendements CE1527 de M. Hendrik Davi et CE2864 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Puisque le projet de loi est censé favoriser le renouvellement générationnel, nous proposons, dès le début de cet article 4, d’inscrire l’objectif d’accroître le nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le projet de loi ne contient aucun élément chiffré sur l’augmentation du nombre d’étudiants dans l’enseignement agricole, l’étude d’impact ne donnant que des informations parcellaires. Ce n’est certainement pas aujourd’hui que nous parviendrons à donner de la perspective et à planifier, mais l’analyse des besoins de consolidation et d’ouverture de sections dans chaque région doit être conduite au regard des objectifs que nous nous fixons – soit, à tout le moins, l’accroissement du nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture pour assurer le renouvellement des générations et la transition agroécologique.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’amendement CE1527 vise à inscrire un objectif de croissance sans limite de temps, alors que nous ignorons quels seront les besoins en compétences dans dix, vingt ou trente ans. Quant au CE2864, il laisse entendre que toutes les régions devront accroître leur offre de formation agricole, alors que tous les territoires n’ont pas les mêmes besoins et qu’il ne serait pas de bonne gestion de développer une même offre partout. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement CE2052 de M. David Taupiac va devenir célèbre car, contrairement à ce que vous dites, monsieur Raux, nous nous sommes fixé hier l’objectif d’augmenter de 30 % le nombre d’apprenants et de 75 % le nombre de vétérinaires formés – ce que nous ne sommes pas obligés d’écrire de nouveau. Je demande donc le retrait de ces amendements, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE853 de Mme Annie Genevard

M. Jean-Pierre Vigier. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’implication des branches professionnelles concernées dans l’analyse des besoins de consolidation ou d’ouverture de sections de formation professionnelle initiale dans l’enseignement agricole.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Demande de retrait : l’amendement est doublement satisfait par l’article L. 214-13 du code de l’éducation.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Dans le cadre des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop), les branches professionnelles sont d’ores et déjà impliquées dans l’élaboration de la carte de la formation professionnelle.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2862 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques CE1003 de M. Inaki Echaniz, CE1528 de M. Hendrik Davi et CE1720 de M. André Chassaigne (discussion commune)

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Nous souscrivons toutes et tous à la nécessité d’augmenter largement le nombre de personnes formées chaque année aux métiers de l’agriculture. À cet égard, nous savons que les analyses des besoins régionaux conduiront à créer de nouvelles places et de nouvelles sections partout sur le territoire. Ainsi, les contrats de plan régional devront systématiquement comporter des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CE1003 vise à supprimer la possibilité de ne pas fixer d’objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées au sein des contrats de plan régional. La moitié des agriculteurs partiront à la retraite au cours des dix prochaines années et les besoins concerneront tous les territoires. Laisser la possibilité de ne pas ouvrir de places et de sections dans certaines régions limiterait notre capacité à répondre aux besoins.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). J’adhère à l’analyse de mes collègues.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’amendement CE1720 tend à considérer que si nous voulons atteindre nos objectifs, nous devons renforcer tous les contrats de plan régional.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Ne pas tenir compte de la réalité des besoins territoriaux serait une mauvaise utilisation des moyens régionaux. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. On ne peut à la fois plaider en faveur de la différenciation régionale et défendre des amendements visant à une uniformisation totale. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’entends votre argument, monsieur le ministre, mais l’attractivité des lieux d’enseignement agricole dépend des capacités de mobilité des étudiants concernés, et donc du maillage territorial de l’offre de formation, lequel doit notamment inclure un accueil en internat pour les publics fragilisés.

Cela n’entre pas en contradiction avec la nécessité d’adosser les projets de formation aux besoins territoriaux. Il faut que l’État ait une vision équilibrée d’aménagement du territoire qui permette le libre accès de tous les publics à l’enseignement agricole, particulièrement si nous voulons attirer des profils qui n’ont pas de lien avec ce secteur.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Votre réponse n’est pas exacte, monsieur le ministre, car nous ne souhaitons pas supprimer l’analyse des besoins par région, qui est pertinente. Nous proposons de supprimer la possibilité de ne pas conclure à l’existence de besoins dans toutes les régions, car nous estimons que toutes devront accroître le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Pouvoir ne pas conclure à l’existence de tels besoins dans certaines régions serait préjudiciable à l’atteinte de nos objectifs globaux.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il est important de réfléchir, à l’échelle régionale, aux moyens de favoriser la formation des jeunes. J’entends, dans ma circonscription, que la dotation des missions locales pourrait baisser de 60 % s’agissant des aides au financement du permis de conduire et aux mobilités en zone rurale, au profit des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or les bénéficiaires de ces aides s’en servent notamment pour suivre une formation : les lycées agricoles ont besoin que les jeunes ruraux continuent d’y avoir accès.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE2863 de M. Jean-Claude Raux.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1485 de M. Loïc Prud’homme.

 

Amendements CE1486 et CE1487 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, vous avez pris comme référence l’amendement de notre collègue David Taupiac qui fixe comme objectif une augmentation de 30 % du nombre d’apprenants ; instruits par la formule « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », nous vous demandons quels sont les moyens que vous comptez déployer pour atteindre cette cible. Si nous nous contentons d’énoncer des vœux pieux, nous n’arriverons à rien.

Les deux amendements visent à débloquer ces moyens : le premier concerne l’ouverture de nouvelles classes et le second la création de postes d’enseignants. Hier, vous m’avez reproché, Madame la rapporteure, de présenter un amendement affichant un nombre d’enseignants trop précis : j’en ai pris bonne note et souhaite sous-amender le CE1487, afin que celui-ci assigne à l’État l’objectif de créer non plus 277 postes, mais 300. Moins précis, je ne doute pas que l’amendement vous satisfera et recueillera l’approbation de la commission.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement CE1486 pour deux raisons. Tout d’abord, une telle annonce programmatique n’a rien à faire dans un article relatif aux contrats de plan régionaux, car la fixation d’un objectif global relève de la responsabilité de l’État. Ensuite, il est prématuré d’arrêter un nombre de classes à créer, lequel dépendra des besoins qui s’exprimeront.

L’avis est le même pour l’amendement suivant, dont le dispositif n’entre pas dans le périmètre des contrats de plan régionaux ; en outre, fixer une cible de création de postes est, là aussi, prématuré.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1273 de M. Roger Chudeau.

 

Amendement CE2865 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le projet de loi d’orientation se fixe pour objectif de renouveler les générations agricoles et d’augmenter le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture. L’étude d’impact évoque la consolidation de 210 classes et l’ouverture de cent autres. Dans le même temps, l’établissement public agricole de Velet à Étang-sur-Arroux, en Saône-et-Loire, est menacé de fermeture – perspective contre laquelle se dresse une mobilisation, que je salue. Tous les établissements agricoles sont une richesse pour les territoires ruraux et chaque classe contribue, à son échelle, à la formation des agricultrices et des agriculteurs de demain. Je propose donc un moratoire sur la fermeture d’établissements publics et de classes agricoles.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Nous n’allons pas inscrire dans la loi un moratoire sur les fermetures de classe ! J’ai été élu local, une telle disposition ne tiendrait aucun compte de la réalité des territoires. Si le nombre d’élèves diminue dans un établissement, il est possible qu’une classe ferme. Soyez responsable et refusez toute solution de facilité : nous ne sommes pas là pour nous faire plaisir, mais pour intégrer la réalité des choses.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2866 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’atteinte des objectifs de renouvellement des générations exige la mobilisation de l’État et des régions, ainsi que celle de l’ensemble des échelons territoriaux. À ce titre les groupements de communes doivent pouvoir participer, comme les collectivités territoriales intéressées, aux contrats territoriaux de consolidation ou de création de formation.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Vous souhaitez permettre aux groupements de collectivités territoriales de participer à la conclusion d’un contrat territorial d’établissement. Leur implication dans le développement des établissements d’enseignement agricole de leur territoire pourrait se révéler intéressante dans certains cas. Dans la mesure où votre amendement n’impose aucune obligation, j’y suis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Conformément à ce que j’ai expliqué hier soir, je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement : les politiques d’installation et de formation relèvent de la compétence des régions. L’adoption de l’amendement aurait pour effet néfaste de remettre en cause la hiérarchie des responsabilités ; une telle proposition devrait mentionner l’ensemble des collectivités territoriales.

Nous pourrions mener une réflexion sur les moyens d’impliquer les collectivités dans les politiques d’installation, de transmission des exploitations et de formation, mais le code général des collectivités territoriales dispose que la compétence en la matière appartient uniquement aux régions et à l’État.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Je ne remets pas en cause la répartition des compétences, mais le texte englobe les collectivités territoriales et exclut les établissements publics de coopération intercommunale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3107 de M. Laurent Esquenet-Goxes

Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement du groupe Démocrate vise à préciser la rédaction de l’alinéa 6, afin que le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles contienne des mesures en faveur de la mixité entre les femmes et les hommes.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2867 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques CE1484 de M. Loïc Prud’homme et CE1813 de M. Guillaume Garot (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, vous venez de reprocher à notre collègue Raux, dont l’amendement prévoyait un moratoire sur les fermetures de classe, d’être éloigné de la réalité. Nous sommes sans doute insuffisamment outillés sur le plan intellectuel, mais j’aimerais que vous nous éclairiez sur les raisons pour lesquelles une politique visant à décréter un moratoire sur les fermetures de classe et à créer des postes d’enseignants ne vous semble pas pertinente.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CE1813 vise à lever une ambiguïté rédactionnelle, en précisant que les personnels de vie scolaire et les agents administratifs, techniciens de laboratoire et de santé, sont bien pris en charge par l’État dans le cadre des contrats de plan régionaux, créés par l’article 4 du projet de loi.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CE2105 de Mme Anne-Laure Blin et CE1274 de M. Roger Chudeau.

Amendement CE2653 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les contrats de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles sont des outils nécessaires à la planification de l’augmentation du nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et du vivant. Alors que seulement 44 % des étudiants, apprentis ou élèves, sont formés dans le public, contre 56 % dans le privé, il faut privilégier l’ouverture de places dans l’enseignement agricole public, garant de la gratuité, de la neutralité et de la qualité de l’enseignement. Il ne s’agit pas de bloquer l’ouverture de places dans le privé, mais de rééquilibrer le rôle complémentaire de ces deux pôles en renforçant l’enseignement agricole public.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Les modalités d’évaluation relèvent davantage du pouvoir réglementaire que législatif. La création d’une énième instance n’irait pas dans le sens de l’allègement des procédures.

M. Marc Fesneau, ministre. La qualité de l’enseignement privé est également élevée ; quant à sa neutralité, elle est tout aussi garantie que celle du secteur public. En supprimant les alinéas 8 à 10, votre amendement ne vise pas à donner pas la priorité à l’enseignement public, mais à empêcher les établissements agricoles privés de bénéficier de ces contrats. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 4 non modifié.

 

 

Après l’article 4

 

Amendement CE2848 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’absence de transports, individuels ou collectifs, constitue l’un des premiers obstacles à l’obtention d’un stage ou d’un apprentissage, surtout dans le domaine agricole et dans les territoires ruraux. Les exploitations agricoles sont parfois éloignées du domicile des jeunes, et les mineurs ne possèdent pas de permis de conduire et dépendent de leurs parents ; ils doivent chercher un logement plus proche de leur lieu de formation, alors que l’offre est rarement adaptée.

L’amendement propose donc d’engager un travail sur les aides à la mobilité des jeunes en formation agricole, réflexion d’autant plus nécessaire que les données disponibles dans ce domaine sont extrêmement parcellaires. Pour développer l’enseignement agricole, il faut assurer son accessibilité dans les territoires.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Plutôt que d’attendre un rapport du Gouvernement, demandons au ministre d’évoquer les diverses mesures déjà mises en œuvre par le Gouvernement en faveur des jeunes suivant une formation professionnelle. Je ne suis pas favorable à la rédaction d’un énième rapport collectant des informations que nous pouvons trouver aisément.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement a en effet déployé plusieurs dispositifs : allocation financière pendant les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP), aide comprise entre dix et cent euros par mois pour la mobilité des apprentis (dispositif Mobili-Jeune) et, dans les prochains mois, création d’une aide à l’obtention du permis de conduire pour les jeunes inscrits en filière professionnelle. L’avis est défavorable sur l’amendement.

M. Julien Dive (LR). Puisque nous avons tous déposé des demandes de rapport, je me garderai de juger de la pertinence du présent amendement. Les difficultés qu’éprouvent les jeunes, notamment en milieu rural, à se déplacer et à rejoindre leur lieu de stage, d’apprentissage ou d’activité professionnelle ne concernent pas seulement l’agriculture, elles se retrouvent en effet dans l’industrie ou les services. L’État et les collectivités territoriales, notamment les départements, ont déployé des dispositifs destinés à faciliter la mobilité ; les régions mettent des véhicules à la disposition de jeunes ayant un débouché professionnel ou affrètent des transports collectifs : de nombreuses mesures existent déjà.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’accès à l’examen du permis de conduire est difficile dans les communes rurales : les gérants d’auto-école se plaignent d’être désavantagés par rapport à leurs homologues des villes pour l’obtention de places à l’examen. Les jeunes en formation agricole dans les communes rurales rencontrent d’importants obstacles pour passer le permis (ou le repasser en cas d’échec à la première tentative), car ils ne sont pas prioritaires pour obtenir une date d’examen : cette situation est préjudiciable à leur insertion professionnelle.

M. Julien Dive (LR). Le problème est le nombre insuffisant d’examinateurs dans de nombreux départements, dont le mien (Aisne).

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 5 : Création d’un « bachelor agro »

 

Amendement de suppression CE2389 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Quand j’ai vu sortir ce « bachelor agro », je me suis dit que des « têtes bien faites » avaient une nouvelle fois décidé d’appliquer au monde concret de l’agriculture les stéréotypes des écoles de commerce et des « boîtes à fric » : une telle initiative est totalement déconnectée de la réalité des fermes et des territoires. En me renseignant, j’ai appris qu’aucun syndicat d’enseignants agricoles n’avait évoqué cette idée farfelue du « bachelor agro » lors des auditions.

Rien n’indique que le « bachelor agro » sera l’équivalent d’une licence ; d’ailleurs, le Conseil d’État a indiqué, dans son avis sur le projet de loi, que le terme « bachelor » ne figurait dans aucune loi ni décret en vigueur dans le domaine de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et la recherche, et qu’il risquait de semer la confusion avec le parcours licence-master-doctorat (LMD).

Quel sera le contenu du « bachelor agro » ? Quel sera l’avenir des formations dans les secteurs agroalimentaire et agricole ? À quoi ressemblera le processus d’accréditation déployé par la tutelle des établissements supérieurs ? Comme vous le voyez, les questions sont nombreuses sur ce « machin », dont la création ne répond à aucune demande – je parle des agriculteurs… peut-être que deux ou trois « têtes pensantes » vous ont dit, pour vous faire plaisir, qu’il s’agissait d’une bonne idée.

M. Pascal Lavergne, rapporteur pour le titre II (articles 5 à 7) et pour le titre IV. J’ai effectué un tour de France des établissements agricoles et j’en ai visité de prestigieux, comme celui de Beauvais, qui appartient au secteur privé et qui a formé des ingénieurs ayant servi l’agriculture française dans de nombreux domaines ; cet établissement décerne un « bachelor » et il n’est pas le seul à le faire.

Le terme n’étant pas très heureux, nous examinerons des amendements, notamment un des rapporteurs, visant à supprimer cet anglicisme, absent de notre cadre réglementaire. Néanmoins, il nous semblait que le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES défendait l’élévation des esprits et attachait de l’importance à la formation des jeunes. Je ne peux que donner un avis défavorable à un amendement proposant d’empêcher la création d’un diplôme bac + 3, dont nous allons changer le nom.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne suis pas un grand « fan » des anglicismes, mais le terme « bachelor » existe déjà dans d’autres formations : ce n’est pas le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa) qui l’invente dans ce texte, mais je ne m’opposerai pas à le remplacer par une meilleure appellation.

Sur le fond, vous dites que personne ne demande la création du « bachelor agro », mais c’est faux : tout le monde la réclame ! Tous les chefs d’établissement que nous avons rencontrés – ou presque tous – nous ont dit qu’un maillon manquait dans la chaîne de l’enseignement agricole : l’article 5 vise à le confectionner, afin de préserver l’attractivité de nos formations. Il ne s’agit pas de faire plaisir au ministre, monsieur Jumel : j’essaie de conserver ma lucidité et d’identifier les besoins réels, comme celui de nombreux agriculteurs de se spécialiser dans un domaine particulier, par exemple l’énergie. Un amendement du rapporteur répond à certaines de vos demandes et clarifie quelques aspects du sujet, tout en confortant la création de ce diplôme dont nous avons besoin pour soutenir l’attractivité des formations dans le secteur agricole. Je suis donc défavorable à la suppression de l’article.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). J’ai passé vingt ans dans l’enseignement supérieur agronomique jusqu’à mon élection à la députation, notamment à AgroParisTech et à l’Institut Agro de Dijon ; je pense avoir quelque idée de ce qui peut être utile en termes de formation agronomique et je me demande d’où vient votre volonté de créer un « bachelor agro » car je n’ai jamais entendu parler d’un tel projet dans la communauté éducative, ni dans les syndicats d’enseignants.

Ce nouveau diplôme ferait peser un risque de privatisation de l’enseignement agronomique, pointé par plusieurs syndicats d’enseignants que nous avons auditionnés. L’enseignement public en agronomie a besoin de moyens : voilà ce dont nous aurions dû discuter ! Quels sont les moyens alloués aux formations actuelles de l’enseignement public, comme les brevets de technicien supérieur (BTS), les licences et le diplôme d’ingénieur agronome ? La création du « bachelor agro » est une opération de communication bas de gamme utilisant un mot anglais pour faire moderne.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, les communistes restent attachés à l’élévation de l’esprit, mais la tâche est immense.

Vous reconnaissez poliment que c’était une erreur d’emprunter aux « boîtes à fric » un terme anglais pour nommer votre nouveau diplôme, mais vous ne modifiez pas le fond de l’article. Après le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), il y a les licences professionnelles, qui ne sont pas financées par le Masa mais par les universités, les instituts universitaires de technologie (IUT) et les établissements publics : ceux-ci recevront-ils les moyens nécessaires à leur action – dotations horaires globales, nombre d’enseignants-chercheurs ? Voilà ce à quoi nous devons nous atteler, plutôt que de sortir un « bachelor agro » du chapeau.

M. Marc Fesneau, ministre. Le « bachelor agro » ne sort pas de nulle part : de nombreux IUT délivrent des « bachelors ». Monsieur Jumel, nous étions ensemble lorsque j’ai présenté le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture : des jeunes avaient soulevé la question de la création d’un diplôme de niveau bac + 3. Il me semble que vous êtes davantage opposé au terme qu’au projet lui-même, ce qui conforte mon avis défavorable à votre amendement de suppression.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. On pointe souvent le manque d’ambition des jeunes ruraux, et c’est pourquoi je soutiens la création d’un diplôme de niveau bac + 3 : un jeune habitant en zone rurale obtenant un BTSA pourra s’intégrer facilement, mais s’il réussit dans ses études, il pourra nourrir l’ambition d’obtenir ce diplôme de niveau bac + 3, qui le conduira peut-être à une école d’ingénieur – voire aux concours de l’enseignement – après une licence professionnelle. Ce nouveau diplôme à bac + 3 créera des passerelles, car on pourra s’engager dans cette voie après le baccalauréat ou après un BTSA. Nous sommes très favorables à cette diversification ambitieuse des parcours.

De nombreux membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont contesté le choix du terme américain « bachelor », auquel ils préfèrent celui de licence, qui est reconnu et qui ne vient pas du privé.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Monsieur Jumel, je suis toujours choqué de vous entendre employer des poncifs sur les « boîtes à fric » : vous ne devez pas connaître d’étudiants qui font des petits boulots et qui empruntent de l’argent pour financer leurs études dans ces écoles. Vous évoquez souvent le « mépris de classe », mais c’est vous qui en faites preuve !

Les jeunes utilisent le terme « bachelor », car il est international ; on peut le changer si vous le souhaitez, mais n’importe quel jeune en formation sait ce que sont un « bachelor » et un master. Je soutiens la création d’un « bachelor agro », car je rejette la position du village gaulois refusant toute ouverture internationale ; de nombreux jeunes seront fiers de dire qu’ils ont un « bachelor agro » et ils emploieront d’ailleurs ce terme, même si la loi ne le consacre pas.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il est dommage que nous discutions de la suppression de l’article, alors que presque tous les commissaires s’opposent au terme « bachelor » ; il aurait fallu commencer par le débat sémantique avant de réfléchir à la pertinence de ce nouveau diplôme.

Je suis réticente à l’emploi du mot « bachelor », qui est un anglicisme – voire un barbarisme – et qui ne correspond pas à la nomenclature de l’enseignement supérieur et de la recherche, selon le Conseil d’État.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’adore recevoir des leçons de la part de députés qui ne doivent pas fréquenter beaucoup de jeunes des classes populaires... D’où je viens, où j’habite, là où je suis élu, ce que j’incarne dans l’épaisseur historique de mon engagement, tout cela m’a appris que les gens qui n’ont pas les moyens de financer leurs études renoncent à les poursuivre. Dans ce contexte, la multiplication des « boîtes à fric » accentue les inégalités sociales et empêche ces mômes, aussi intelligents – voire davantage – que ceux de la bourgeoisie, de faire des études. Je transforme le mépris de classe en dignité de classe en évoquant ces sujets.

Il existe déjà des opportunités de poursuivre ses études après le BTSA et la licence professionnelle : je regrette que le projet de loi ne s’attelle pas au renforcement de ces parcours, dans les établissements publics comme privés.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Monsieur Descrozaille, vous nous accusez de refuser l’internationalisation des formations, mais la nomenclature européenne impose le triptyque « licence, master, doctorat » et non « bachelor, master, doctorat ». En défendant la nomenclature européenne, nous promouvons l’ouverture internationale. Nous soutenons l’inscription des formations dans un cadre international et nous vous rappelons que les licences préparées en trois ans après le baccalauréat agricole existent déjà. Vous inventez une formation qui n’existe pas en Europe pour remplacer un cursus reconnu à l’échelle de l’Union européenne : à quoi sert l’article 5 ?

Mme Sandra Marsaud (RE). Je suivrai les propositions de modification de l’appellation du diplôme, mais le terme « bachelor » est déjà employé, par exemple dans la maison familiale rurale (MFR) de Cherves-Richemont, située au nord de Cognac, en Charente. Le nom de « bachelor Cognac », a été retenu car il est attractif pour les jeunes. Le site internet de la MFR précise que cette formation est du niveau licence. Le terme « bachelor » existe, ce n’est pas le projet de loi qui le crée.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Notre collègue Lisa Belluco a tout à fait raison : on n’a cessé de dire aux professeurs de l’enseignement supérieur de s’aligner sur la nomenclature internationale LMD, donc ne nous faites pas croire que le « bachelor » est une référence à l’étranger !

Le nombre d’étudiants dans les amphithéâtres est passé de cent à quatre cents en quelques années, car on a voulu augmenter le nombre de personnes scolarisées dans l’enseignement supérieur agronomique ; la même évolution se constate dans les BTSA et les licences professionnelles. Ce phénomène me réjouit, car il est plaisant de former des cohortes d’élèves toujours plus nombreuses ; mais les moyens suivent-ils la croissance des effectifs ? Il faut savoir que les professeurs ne peuvent pas dispenser le même enseignement à quatre cents et à cent personnes. La question des moyens alloués à l’enseignement supérieur public agricole : voilà ce dont nous devrions débattre.

M. Julien Dive (LR). Je ne suis pas un chaud partisan du terme « bachelor agro », qui fait un peu « Start-up Nation » et qui n’est que de la com’, mais ce n’est pas l’étiquette qui compte. Nous devons nous concentrer sur le contenu, sur la formation dispensée aux futurs ingénieurs agronomes et sur la façon dont le cursus s’inscrira dans l’enseignement public et privé.

M. Thierry Benoit (HOR). Je viens d’interroger un jeune producteur de lait de ma circonscription, titulaire d’un BTS et d’une licence. Voici sa réponse : « La licence existe mais je ne crois pas qu’elle soit rattachée au métier de l’agriculture car, pour tous les papiers officiels, ma licence “métiers du conseil en élevage” n’était pas reconnue : on me demandait une copie de mon BTS “productions animales”. » Votre proposition consiste à reconnaître officiellement la licence agricole à bac + 3 : c’est du moins ce que je crois comprendre.

M. Charles de Courson (LIOT). Dans son avis sur l’article 5, le Conseil d’État relève en premier lieu que le terme « bachelor », qui ne figure dans aucune loi ni décret en Conseil d’État en vigueur, n’apparaît pas dans le Vocabulaire de l’éducation et de la recherche, qui comprend plus de 150 termes et définitions. Il considère, en second lieu, que l’emploi de ce mot emprunté à l’anglais ne peut s’appuyer sur les mêmes justifications, tirées principalement de l’objectif d’harmonisation des diplômes européens et de reconnaissance internationale, que celles prises en considération lors de la création du grade de master. Il propose, en conséquence, de s’en tenir à la dénomination de « diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie ».

Par ailleurs, l’étude d’impact indique que, dans la sphère anglo-saxonne, le « bachelor » est un diplôme de niveau bac + 4 (et non bac + 3).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3379 de M. Éric Girardin, CE2421 de M. Robin Reda, CE2517 de M. Philippe Bolo et CE2896 de M. Julien Dive

M. Éric Girardin, rapporteur général. Nous sommes tous convaincus de la légitimité de certains établissements de l’enseignement supérieur agricole privé à délivrer le « bachelor agro ». Je vous soumets donc deux amendements. L’amendement CE3380, qui sera examiné à la fin de l’article 5, proposera d’étendre le dispositif d’accréditation aux établissements de l’enseignement supérieur agricole privé constitués sous forme associative et non lucrative. L’amendement CE3379 vise à autoriser les établissements publics de l’enseignement supérieur agricole à passer une convention de coopération avec des établissements privés en vue de la formation à différents métiers de niveau au moins supérieur à bac + 3.

M. Philippe Bolo (Dem). Le texte, dans sa rédaction actuelle, oublie les établissements privés, alors qu’ils sont sous contrat avec l’État et reconnus dans de nombreux territoires. L’objet de cet amendement n’est pas d’aller dans le sens de la privatisation, comme certains le prétendent, mais d’étendre à ces établissements privés la délivrance du « bachelor » et de faire coopérer établissements publics et privés, répondant ainsi à notre objectif d’offrir une formation plus importante sur tout le territoire.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Il s’agit de permettre l’accréditation des établissements privés d’enseignement supérieur agricole afin qu’ils puissent délivrer le « bachelor agro ». La collaboration entre lycées agricoles publics et privés est importante, mais ce qui compte vraiment, c’est le contenu de la formation pour nos futurs agriculteurs.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis favorable. Si vous hésitez à voter en raison du terme « bachelor », je tiens à vous rassurer : nous proposerons de supprimer celui-ci.

M. Marc Fesneau, ministre. L’exemple cité par M. Benoit illustre bien les raisons qui nous poussent à agir à l’échelle du territoire. L’intitulé du diplôme ne doit pas nous polariser, l’important étant le contenu de la formation proposée aux futurs agriculteurs. C’est l’attractivité des métiers de l’agriculture qui est en jeu. Avis favorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). C’est exactement pour cela que j’ai parlé tout à l’heure du risque de privatisation de l’enseignement agronomique. La création d’un « bachelor » ne répond absolument pas au problème principal, qui est celui des moyens de l’enseignement public agronomique : il vise, au contraire, à favoriser les écoles privées, qui tenteront de décrédibiliser ce qui existe déjà dans l’enseignement public d’agronomie. Je rappelle que, pour faire une année d’études à UniLaSalle, il faut mettre 11 000 euros sur la table, ce qui est inaccessible à beaucoup de jeunes. Non seulement l’enseignement public d’agronomie est un gage d’équité, mais il offre à de nombreux jeunes l’assurance de pouvoir se former à l’agronomie.

M. Thierry Benoit (HOR). Les lycées agricoles publics, les lycées agricoles privés et les maisons familiales rurales, qui délivrent des brevets de technicien supérieur, pourront-ils être accrédités pour dispenser la licence ? L’enseignement supérieur est en effet souvent concentré dans les grandes villes et les métropoles, alors que ces établissements sont situés dans les territoires ruraux et les villes moyennes. Je souhaiterais qu’ils puissent non seulement continuer de proposer des BTS, mais également délivrer la licence.

M. Charles de Courson (LIOT). Le texte proposé par le Gouvernement n’accordant l’accréditation qu’aux seuls établissements publics d’enseignement supérieur agricole, notre collègue Girardin a déposé un amendement visant à autoriser ces derniers à conclure des conventions avec les six établissements d’enseignement supérieur privés pour qu’ils puissent être accrédités. Pourquoi le projet de loi ne procède-t-il pas directement à l’accréditation du privé, puisque c’est l’État qui a le monopole de la collation des grades ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Ayant été maire d’une ville moyenne, j’ai souvent dénoncé la métropolisation de l’enseignement supérieur. Selon les données du rectorat, 14 % des jeunes de ma circonscription ont renoncé à la poursuite d’études après le bac faute d’une offre d’enseignement supérieur de proximité. Je partage donc la remarque de notre collègue Benoit sur le maillage territorial. Pouvez-vous nous indiquer où vous avez l’intention d’ouvrir des formations, et avec quel financement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Notre objectif est de renforcer l’offre de formation dans les établissements d’enseignement supérieur, qu’ils soient publics ou privés. Cela répond à la préoccupation exprimée concernant la territorialisation de cette nouvelle formation.

Quant à l’accréditation des établissements privés, elle n’est pas directe parce que cela ne se passe pas comme cela dans l’enseignement agricole et qu’il n’y a pas lieu de modifier les dispositions législatives en la matière.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je suis d’accord avec notre collègue Benoît sur la nécessité d’un maillage territorial. Pour cela, je le répète, il faut donner des moyens à l’enseignement public agronomique, tous diplômes confondus – BTS, licence, diplôme d’ingénieur. Or ces amendements risquent de favoriser le développement de l’enseignement privé au détriment de l’enseignement public, alors que l’accès à un établissement privé coûte beaucoup de fric !

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CE3121 de Mme Louise Morel, CE2028 de M. David Taupiac et CE2492 de Mme Louise Morel, amendements identiques CE634 de M. Jean-Pierre Vigier, CE905 de M. Francis Dubois, CE1341 de Mme Katiana Levavasseur, CE2136 de Mme MarieAgnès Poussier-Winsback, CE2899 de Mme Sophie Mette et CE2927 de M. Benoit Mournet, amendements CE854 de Mme Annie Genevard et CE3138 de M. Stéphane Mazars (discussion commune)

Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit de permettre aux établissements privés de délivrer le nouveau diplôme instauré par l’article 5 du projet de loi.

M. David Taupiac (LIOT). Nous proposons également de permettre aux établissements privés de délivrer le nouveau diplôme, dont l’appellation de « bachelor » ne nous semble pas non plus adaptée. Je soutiens naturellement l’enseignement public, mais il n’est pas possible d’implanter des établissements publics sur tout le territoire. Il est donc nécessaire que les établissements privés puissent dispenser cette nouvelle formation.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Mon amendement vise à préciser que les établissements privés d’enseignement agricole peuvent eux aussi dispenser les formations de l’enseignement supérieur conduisant au « bachelor agro ».

M. Francis Dubois (LR). Donner la possibilité aux établissements privés de délivrer le « bachelor agro » est souhaitable pour assurer une bonne territorialisation de cette formation, car cela permet à nos jeunes d’y accéder où qu’ils habitent.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Ces amendements visent tous à accréditer les établissements privés d’enseignement supérieur agricole pour dispenser la nouvelle formation – je rappelle que le terme de « bachelor » sera supprimé, pour éviter tout débat. Une telle extension ne serait pas pertinente, car elle pourrait entraîner une multiplication de formations lourdes à contrôler par les services de l’État – il importe en effet de s’assurer d’un niveau de formation exigeant pour ces métiers de haute technicité. Je souhaite donc le retrait de ces amendements au profit de l’amendement CE3380 du rapporteur général, qui répond à cet objectif tout en étant « mieux ficelé » juridiquement.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour les raisons parfaitement exprimées à l’instant par votre rapporteur, je souhaite le retrait de tous ces amendements au profit de l’amendement CE3380, auquel je donnerai un avis favorable et qui répond à l’ensemble de vos préoccupations. À défaut de retrait, l’avis sera défavorable.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CE2242 de M. Thierry Benoit

M. Thierry Benoit (HOR). Il s’agit d’accréditer les lycées professionnels publics et privés ainsi que les maisons familiales rurales pour la délivrance de la « licence professionnelle », appellation que nous proposons de substituer à celle de « bachelor agro ».

M. Pascal Lavergne, rapporteur. L’accréditation est déjà prévue pour les lycées agricoles et les maisons familiales rurales. En revanche, elle ne se justifie pas pour les autres lycées professionnels.

Par ailleurs, si je vous suis sur la nécessité de modifier l’appellation du diplôme, je trouve votre proposition un peu floue. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. La suppression du terme « bachelor » règle le problème et permet d’éviter toute ambiguïté.

M. Thierry Benoit (HOR). Je retire mon amendement, en prenant bonne note de ce que les lycées publics et privés et les maisons familiales rurales pourront être accrédités pour dispenser ce diplôme de niveau bac + 3.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE2490 de Mme Louise Morel et CE2847 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit de préciser que l’accès à la formation vaut pour les métiers de l’agriculture mais également ceux de la forêt, de la nature et des territoires – la forêt et l’aquaculture ont, en effet, toute leur place dans ce projet de loi.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Il n’est pas nécessaire ni opportun d’énumérer les différentes dimensions de l’agriculture qui sont, par définition, couvertes par le terme générique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. L’expression « métiers de l’agriculture » englobe tous les métiers concernés. Mieux vaut être économe en mots dans la loi. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Louise Morel (Dem). Je vais le retirer, mais je tiens à indiquer que, lors des débats agricoles qui se sont tenus ces derniers mois, les acteurs de la forêt de ma circonscription n’ont pas toujours eu l’impression qu’ils étaient réellement concernés.

L’amendement CE2490 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE2847.

 

Amendement CE3211 de Mme Anne-Laurence Petel

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Il est proposé d’inclure dans le « bachelor » un volet consacré à l’adaptation aux enjeux de la transition écologique et à la décarbonation des pratiques agricoles, afin d’orienter ce diplôme vers la végétalisation de l’agriculture.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. L’adaptation des métiers agricoles à la transition agroécologique est une préoccupation centrale. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées concernant d’autres d’amendements : il n’est pas nécessaire d’entrer dans le détail car le bloc de compétences intègre déjà toutes ces qualifications.

Mme Anne-Laurence Petel (RE). L’expression « adaptation particulière aux enjeux de la transition écologique et de la décarbonation des pratiques agricoles » me semble, au contraire, très large et fait référence à ces aspects essentiels que sont nos objectifs climatiques et la stratégie nationale bas-carbone.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE2106 de Mme Anne-Laure Blin.

 

Amendements identiques CE3439 de M. Éric Girardin, CE1490 de Mme Mathilde Hignet, CE1757 de Mme Hélène Laporte et CE2709 de M. Jean-Claude Raux

M. Éric Girardin, rapporteur général. L’amendement CE3439 a pour objet de supprimer l’appellation « bachelor agro », pour plusieurs raisons : la langue de la République est le français ; le terme de « bachelor » est assez vague ; l’Union européenne s’est organisée sur un dispositif clair, dit « LMD », auquel je trouve logique de se conformer.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). L’appellation « bachelor » désigne des cursus de trois ou quatre ans après le bac, dispensés par des écoles privées et dont le programme n’est pas forcément reconnu par l’État. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le remplacer par un « diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie ».

Nous rappelons toutefois qu’il existe déjà des formations dans ce domaine : BTSA « Productions animales », BTS « Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole » (ACSE), licence « Agriculture biologique, conseil et développement » (ABCD). Il convient de donner les moyens aux établissements publics d’assurer ces formations dans les meilleures conditions, plutôt que d’inventer un nouveau diplôme.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Nous proposons également de supprimer l’appellation « bachelor », qui nous semble inopportune, et d’opter pour la dénomination, plus conforme à la nomenclature officielle de « diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie ». Si cette disposition est adoptée, nous voterons pour l’article 5.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le « bachelor » proposé dans ce projet de loi n’est ni plus ni moins qu’un diplôme de licence. Il est aberrant, voire dangereux, d’entretenir la confusion avec un diplôme national reconnu par l’État et dont la qualité est garantie, alors que le « bachelor » est délivré à l’issue d’une formation privée, non contrôlée, non reconnue, et dont l’obtention est souvent simplement conditionnée au paiement de frais de scolarité. L’appellation « bachelor » porte atteinte à la reconnaissance du diplôme dans le monde de l’enseignement et dans le monde professionnel, au détriment des jeunes qui le détiendront.

M. Marc Fesneau, ministre. Le mépris avec lequel vous traitez les jeunes diplômés d’un « bachelor », monsieur le député Raux, est regrettable. Néanmoins, compte tenu du risque de confusion que vous avez été nombreux à souligner, je donne un avis favorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Chacun comprend que la dénomination « bachelor » est sortie un peu trop vite du chapeau. Avant qu’un amendement socialiste ne tombe dans la poursuite du débat, je veux rappeler la proposition que nous faisons de retenir la solution avancée par le Conseil d’État, qui est de remplacer cette appellation par celle de « diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie ». C’est celle qui fait le plus consensus.

M. Charles de Courson (LIOT). Je veux féliciter notre rapporteur général pour son amendement, que je voterai des deux mains. Le terme de « bachelor » est inapproprié car, dans le système anglo-saxon, il désigne des diplômes de niveau bac + 4. Toutefois, l’amendement du rapporteur général n’indique pas la future dénomination. Celle qui est proposée par le Conseil d’État étant un peu longue, il me semble préférable de trouver, d’ici à l’examen en séance, une appellation plus ramassée.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous avançons dans la bonne direction, mais il aurait été bien de reconnaître dès le début que vous vous êtes trompés et que vous vous êtes laissé embarquer par votre vocabulaire libéral, déconnecté de la vraie vie dans les fermes.

Il me semble qu’il faut faire simple : après bac + 2, il y a bac + 3 ; après le BTS, il y a la licence ; et après la licence, il y a encore la possibilité de poursuivre ses études. Inutile de réinventer le fil à couper le saucisson !

Mme Anne-Laure Blin (LR). Comme l’a dit notre collègue Julien Dive, la dénomination « bachelor agro » ne nous semblait pas la plus opportune, mais adopter ces amendements de suppression reviendrait à ne pas donner de nom à ce diplôme, à moins qu’une autre appellation ne soit prévue par d’autres amendements – pour notre part, nous avons fait des propositions. La suppression pure et simple de cette partie de l’alinéa 3 pourrait d’ailleurs faire tomber les amendements suivants.

M. Thierry Benoit (HOR). Le terme « bachelor » en agace certains, qui l’associent à enseignement privé, argent et compagnie. Mais il n’y a pas plus « intello » et « techno » que les références de notre collègue Charles de Courson au Conseil d’État et au diplôme national de premier cycle. Faisons simple, monsieur le ministre, et mettons-nous d’accord d’ici à l’examen en séance : en langage commun de nos concitoyens, qu’ils soient ou non du monde agricole, un diplôme bac + 3 s’appelle une licence. Dans mon amendement de CE2242, je proposais d’appeler « licence professionnelle » ce diplôme de niveau bac + 3 qui suit le BTS. Soyons simples et parlons comme nos concitoyens, pour lesquels l’appellation « diplôme national de premier cycle » ne sera pas plus compréhensible que « bachelor ».

Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis. Ce débat sémantique n’a pas eu lieu devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation où il aurait eu toute sa place. Les amendements déposés par des collègues exprimaient pourtant la volonté de supprimer cette mention de « bachelor agro », d’autant que nous sommes des députés attachés à la francophonie.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je ne saurais dire à quel point je suis d’accord avec notre collègue Thierry Benoit. Comme souvent d’ailleurs, vous l’aurez remarqué ! Il existe des BTS, licences et diplômes d’ingénieur dans l’enseignement agricole. Dans l’enseignement supérieur, la norme, c’est le parcours licence-master-doctorat. Pour que les étudiants de l’enseignement agricole soient sur un pied d’égalité avec les autres étudiants de France, il faut qu’ils puissent avoir un diplôme dénommé licence. Quel besoin d’ajouter un « bachelor agro » ? Sur ce point, notre collègue Charles de Courson a fort justement rappelé l’avis du Conseil d’État. Soyons raisonnables et restons-en là, d’autant que le « bachelor » correspond à un bac + 4 et non à un bac + 3.

M. Francis Dubois (LR). Le titre de « licence professionnelle en sciences de l’agronomie » me paraît simple. Pour ma part, j’ai une « licence professionnelle en techniques de l’insémination » et ça passe très bien.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE1024 à CE1491 tombent.

 

Amendement CE1492 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous souhaitons que cette licence soit développée en priorité dans les établissements publics. D’après des témoignages d’enseignants de BTS – mais peut-être nous éclairerez-vous sur ce point, monsieur le ministre –, la préparation à ce diplôme se ferait dans un seul établissement par région ; auquel cas, cela induirait une compétition entre les établissements, notamment entre les établissements privés et publics. Pour garantir une égalité d’accès à l’éducation, il est très important que l’État accrédite en priorité des établissements publics, car le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Les établissements privés jouent, comme les établissements publics, un rôle très important sur nos territoires, notamment dans des départements étendus tels que celui de la Gironde, le plus grand de France. Ce n’est pas plus mal qu’il y ait des établissements un peu partout. Pour répondre aux problèmes de mobilité, que vous avez soulevés précédemment, essayons d’avoir le plus possible de lieux de formation, qu’ils soient publics ou privés. Chacun joue son rôle, en lien avec le monde agricole local.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE960 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Nous proposons de compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante : « Ce diplôme renforce les connaissances et les compétences agronomiques, managériales, entrepreneuriales et technologiques dans les domaines de la production et de la transformation agricoles. » Alors qu’ils sont devenus de véritables chefs d’entreprise, les agriculteurs se retrouvent souvent seuls et en difficulté pour comprendre leur environnement commercial, notamment en matière de ventes et d’intrants. Il est important que la formation renforce leurs compétences managériales et entrepreneuriales, afin qu’ils puissent faire face aux aspects économiques, commerciaux et financiers de leur métier.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même si la rédaction de l’amendement ne me semble pas satisfaisante, je trouve que l’idée de préciser le contenu de ce diplôme est intéressante. Peut‑être pourrions-nous y travailler d’ici à l’examen en séance ? En attendant, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE316 de M. Julien Dive, CE731 de M. Jean-Pierre Vigier, CE981 de M. Francis Dubois, CE1350 de Mme Katiana Levavasseur, CE1360 de M. Charles de Courson et CE2206 de M. David Taupiac

 

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Comme pour tous les diplômes élaborés au niveau national, les représentants de la profession doivent pouvoir concourir à la définition du référentiel de ce diplôme, dans le cadre des instances consultatives au sein desquelles ils siègent.

M. Charles de Courson (LIOT). Il me semble que tous nos amendements sont tombés du fait de l’adoption des amendements identiques qui ont supprimé la notion de « bachelor agro » à laquelle nous faisons référence. Nous pourrons les redéposer en employant la notion de « licence ».

M. le président Stéphane Travert. Ils ne sont pas tombés, car ils s’insèrent après l’alinéa 3.

M. Charles de Courson (LIOT). Dans ce cas, nous pouvons les adopter et les sous‑amender en séance pour faire la correction.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Compte tenu de la remarque de notre collègue Charles de Courson, je pense qu’il vaudrait mieux les retirer et les représenter en séance avec la bonne référence. Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CE3382 de M. Éric Girardin

M. Éric Girardin, rapporteur général. C’est un amendement de clarification.

M. Marc Fesneau, ministre. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Charles de Courson (LIOT). Je voulais manifester mon soutien à cet amendement car, si j’ai bien compris, il permet une accréditation directe des six établissements supérieurs agricoles. Pourquoi ne pas permettre une accréditation directe pour les autres établissements, comme je l’ai suggéré précédemment ?

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2711 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’enseignement supérieur privé, dont les dérives sont de plus en plus connues et fréquentes, se porte très bien. Pour notre part, nous soutenons le modèle public. Pourquoi laisser au privé ce que l’État et des établissements publics peuvent assurer eux-mêmes ? N’ouvrons pas une nouvelle trappe qui conduira à une situation que nous aurons à dénoncer dans de futurs rapports parlementaires.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Votre façon de vous exprimer à l’égard des établissements privés, que je tiens à défendre comme les établissements publics, est assez scandaleuse. Vos caricatures et vos réflexes pavloviens contre le secteur privé tournent au grotesque, en particulier pour ce qui concerne l’enseignement agricole. Allez visiter ces établissements pour vous rendre compte du travail qu’ils font pour inclure et former des jeunes ! Vos propos sont insupportables ! Votre façon de faire resurgir le totem « privé contre public » me choque. Avis très défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Je croyais que beaucoup de nos collègues de gauche avaient évolué dans le bon sens à l’égard de l’enseignement privé, lequel n’est pas constitué de « boîtes à fric ». Nombre de personnalités de la société française en sont issues. Ces établissements, contrôlés par le ministère, participent au service public de l’enseignement. Je croyais que cette querelle historique était finie, mais je vois que quelques collègues essaient de la relancer. Pour ma part, je voterai des deux mains contre cet amendement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). C’est la malformation congénitale de votre texte – la référence au « bachelor » – qui conduit à des postures crispées. Nous n’en serions pas là si vous n’aviez pas utilisé ce terme qui renvoie aux écoles de commerce à la noix de coco. Pour ma part, je ne compte pas réveiller la guerre de religion entre établissements publics et établissements privés conventionnés. Dans ma circonscription, le lycée de Mesnières-en-Bray fait un excellent travail, grâce à des enseignants qui sont d’ailleurs payés par l’éducation nationale. Il serait dommageable de revenir en arrière sur ce point. Le reconnaître n’empêche pas d’avoir des exigences concernant les moyens et le maillage de l’enseignement agricole public. S’il est nécessaire de défendre l’enseignement public, il faut aussi préserver l’offre de formation complémentaire existante. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas pour l’amendement de notre collègue Raux.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE3380 de M. Éric Girardin, CE2422 de M. Robin Reda et CE2897 de M. Julien Dive, amendement CE3628 de M. Philippe Bolo (discussion commune)

M. Éric Girardin, rapporteur général. Nous arrivons enfin à cet amendement annoncé tout à l’heure, qui complète l’amendement CE3379 précédemment adopté dont il constitue le complément, et qui permet aux établissements d’enseignement supérieur agricole privés mais à but non lucratif, sous contrat et reconnus d’intérêt général, d’être accrédités aux formations de licence professionnelle.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Soutenu par tous les députés du groupe Les Républicains, l’amendement explicite les modalités de coopération entre établissements publics et privés, tout en spécifiant les conditions sous lesquelles ces formations peuvent être offertes aux étudiants.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable, conformément à mon intervention concernant l’amendement CE3379, lié à celui-ci.

M. Charles de Courson (LIOT). Je suis tout à fait favorable à cet amendement plein de sagesse, qui permettra aux six établissements d’enseignement supérieur agricole privés d’avoir une accréditation directe. En revanche, les autres établissements privés devront toujours se contenter d’une accréditation indirecte, obtenue par le biais d’établissements publics. Vous dites, monsieur le ministre, que c’est le fruit d’une tradition, que c’est comme ça. Cet argument très conservateur m’étonne de vous. Pourquoi n’y aurait-il pas une accréditation directe par vos services de tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés ? C’est l’État qui accrédite. Mon propos s’adresse au ministre, mais le rapporteur peut aussi avoir une opinion.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CE3628 tombe.

 

La commission adopte l’article 5 modifié.

 

 

Après l’article 5

 

Amendement CE1509 de Mme Sylvie Ferrer

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel me permet de parler de l’apiculture qui rend des services écosystémiques en plus de fournir les produits de la ruche. Les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) assurent la majorité des formations certifiantes en apiculture sur le territoire national. Nous proposons de renforcer cette formation initiale, qui dure environ un an, pour que les apiculteurs bénéficient d’un enseignement au moins aussi solide que celui qui est dispensé aux professionnels des cultures marines, par exemple, pour lesquels il existe un baccalauréat se préparant en trois ans.

J’en profite pour dire deux mots des CFPPA, qui répondent notamment aux besoins de formation des adultes en reconversion et représentent 30 % des gens qui s’installent dans le domaine agricole. Il faut doter les CFPPA des moyens humains et financiers nécessaires pour qu’ils puissent faire face à l’afflux de ces gens en reconversion – tel le trader qui devient maraîcher –, qui sont souvent orphelins de structures de formation.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Ayant eu moi-même jusqu’à quatre-vingts ruches depuis l’âge de quinze ans, je suis très attaché à l’apiculture. Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’inclure des formations spécifiques à l’apiculture. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable pour les raisons évoquées par votre rapporteur. Au passage, je rappelle que nous avons récemment mis en place un plan de soutien aux apiculteurs, que le Sénat vient d’adopter une proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, et que nous avons œuvré à la création d’un étiquetage au niveau européen, permettant de clarifier la provenance et la composition des miels. Les apiculteurs ont besoin de formation, mais aussi d’accompagnement.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 6 : Dispositions renforçant le développement agricole

 

Amendements CE3420 de M. Éric Girardin, CE3333 de M. Henri Alfandari, CE1762 de Mme Hélène Laporte et CE1413 de M. Grégoire de Fournas (discussion commune)

M. Éric Girardin, rapporteur général. Notre amendement vise à préciser que le développement agricole a pour fonction centrale de renforcer la souveraineté alimentaire de la France, tout en soulignant que l’accompagnement des transitions agroécologique et climatique en est une des conditions essentielles.

M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement que je présente vise à insérer les mots « au renforcement de la souveraineté agricole et alimentaire » après le mot « contribuer » au sein de l’article L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable sur les amendements CE3333, CE1762 et CE1413, qui suppriment des références auxquelles nous tenons.

M. Marc Fesneau, ministre. J’en suis désolé, mais je suis défavorable à l’amendement de votre rapporteur général, car il établit un ordre de priorité qui n’a pas lieu d’être entre la souveraineté alimentaire et l’accompagnement des transitions agroécologique et climatique, deux enjeux prioritaires et complémentaires. Je suis également défavorable aux autres amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE2158 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à accroître la part des protéines végétales dans le développement agricole. L’accroissement de ces cultures, qui permettent de fournir des taux élevés de protéines avec des vertus agronomiques et environnementales non négligeables, est un levier d’action clef dans l’accompagnement des transitions agroécologique et climatique.

La France ne produit que la moitié des protéines végétales nécessaires à l’alimentation de ses animaux et un tiers de celles à destination de la consommation humaine. Il faut donc recourir à des importations massives, ce qui va à l’encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette mesure permettrait de renforcer la souveraineté alimentaire, mais aussi d’amplifier un nécessaire mouvement de transition alimentaire vers une alimentation plus végétalisée.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons déjà évoquées.

M. Marc Fesneau, ministre. Il n’y a pas besoin, me semble-t-il, de compléter ou d’en rajouter à chaque fois. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1500 de Mme Manon Meunier et CE1494 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement CE1500 vise à faire en sorte que le développement agricole s’appuie en premier lieu sur la recherche publique française. Lors de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées, nous avons reçu de nombreux chercheurs, pour la plupart issus du monde de la recherche publique, qui déplorent un manque de financement, notamment dans certains domaines comme celui de la biodiversité des sols. Il est important de cibler la recherche publique et de lui donner la priorité, à la fois pour combler ce manque de financement et pour des raisons d’indépendance.

Quant à l’amendement CE1494, il vise à renforcer l’idée que nous devons nous tourner vers des pratiques considérées comme agroécologiques, et que cela doit apparaître dans les objectifs de développement.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable pour des raisons similaires à celles avancées lors du débat précédent sur l’enseignement public ou privé. Nous avons bien besoin de toutes les forces qui font de la recherche.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE3421 de M. Éric Girardin et CE1758 de Mme Hélène Laporte, amendement CE2715 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques CE3505 de la commission du développement durable et CE1015 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Éric Girardin, rapporteur général. L’amendement CE3421 est lié à un amendement ultérieur à l’alinéa 9 (CE3422), lequel déplace l’alinéa relatif aux plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologique et climatique et de souveraineté (PPTS) de l’article L. 820-1 à l’article L. 820-2 du code rural et de la pêche maritime. Cet article explicite en effet les conditions de mise en œuvre des actions de développement agricole, alors que l’article L. 820-1 ne fait que définir le développement agricole.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE2715 vise à préciser que l’État apporte son soutien aux actions de développement agricole.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement vise à améliorer l’état de la recherche variétale consacrée aux légumineuses en France, qui constitue à ce jour le principal frein au développement de ces dernières.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable sur les amendements CE1758, CE2715, CE3505 et CE1015, et avis favorable à notre amendement CE3421.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable sur tous les amendements de cette discussion commune. Votre amendement, monsieur le rapporteur général, porte sur la place des alinéas 4 et 5 de l’article 6. Pour ma part, j’ai tendance à penser qu’ils sont positionnés à l’endroit où ils doivent être, mais j’entends votre interrogation. Je vous propose de le retirer et d’en discuter d’ici à l’examen en séance.

Les amendements identiques CE3421 et CE1758 sont retirés.

La commission rejette successivement l’amendement CE2715 et les amendements identiques CE3505 et CE1015.

 

Amendement CE496 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à soutenir les initiatives régionales de structuration de filières de légumineuses, dispositifs multi-acteurs innovants qui permettent aux acteurs de se coordonner et de gagner en efficacité dans le développement de la culture des légumineuses sur leur territoire.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable, pour de multiples raisons déjà évoquées.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE237 M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Il s’agit d’apporter quelques précisions – j’espère que vous ne les trouverez pas superfétatoires… – aux propositions intelligentes du Gouvernement dans cet article important. Tout d’abord, je propose d’ajouter « humaines » après « économiques », dans la description des objectifs du développement et de la recherche agricoles. La deuxième précision m’a été suggérée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, auquel je vous sais que vous accordez une grande attention, monsieur le ministre. Elle consiste à mentionner l’approche prophylactique, permettant une prévention systémique qui évite les crises sanitaires, économiques et autres. Cette approche, qui a fait ses preuves dans la santé animale, serait un apport moderne et intéressant en santé globale.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Bien que j’attache une grande importance à la lutte prophylactique dans tous les domaines, parce qu’il faut évidemment essayer de tuer le mal à la racine, j’émets un avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même si j’approuve l’idée, j’émets aussi un avis défavorable, car je ne vois pas comment ces dispositions viendraient s’insérer après l’alinéa 4.

M. Dominique Potier (SOC). Je maintiens l’amendement et vais essayer de mieux l’accrocher pour convaincre le ministre en séance.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE379 de Mme Annie Genevard, CE3422 de M. Éric Girardin, CE1495 de Mme Manon Meunier, CE1496 de Mme Mathilde Hignet et CE2122 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Il s’agit d’insérer les mots « publics et privés » aux alinéas 7 et 9.

M. Éric Girardin, rapporteur général. En cohérence avec le retrait de l’amendement CE3421, je vais retirer aussi l’amendement CE3422.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). L’amendement CE1495 vise à limiter l’entrisme des intérêts économiques agricoles organisés au sein des établissements d’enseignement technique agricole. Nous proposons de prendre acte des bonnes intentions du privé, que vous semblez apprécier.

Quant à l’amendement CE1496, il a pour objet d’écarter les contributions des experts ayant un lien avec les intérêts économiques, locaux ou nationaux, des secteurs agricole et agroalimentaire, afin d’assurer la neutralité des formations.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je donne un avis favorable à l’amendement CE379, dont l’adoption entraînerait la chute des autres. Les établissements, publics comme privés, participent pleinement à l’enseignement agricole.

L’amendement CE3422 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE379.

En conséquence, les amendements CE1495, CE1496 et CE2122 tombent.

 

Amendements CE3506 de la commission du développement durable, CE239 de M. Dominique Potier, CE2719 de M. Jean-Claude Raux et CE1498 de Mme Aurélie Trouvé (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Mon amendement CE239 vise à stimuler l’innovation et le développement de la recherche sur l’aval des filières. Les marchés et leurs opérateurs – les transformateurs et les distributeurs – constituent un des grands moteurs de l’innovation agroécologique. Il est impératif de les impliquer efficacement afin de tirer parti de leur capacité à structurer le secteur.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’amendement CE2719 vise à exclure les entreprises privées agroalimentaires de la recherche agronomique et vétérinaire. L’objectif est de garantir que cette recherche serve l’intérêt général, contrairement aux intérêts économiques privés poursuivis par ces entreprises.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’article 6 modifié.

 

 

Article 7 : Création d’un dispositif permettant aux auxiliaires et élèves vétérinaires de réaliser certains actes de médecine et de chirurgie vétérinaires pour préserver le maillage vétérinaire du territoire national

 

Amendements identiques CE1837 de Mme Mélanie Thomin et CE3044 de Mme Marie Pochon

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement CE1837 a pour objet de répondre à la pénurie de vétérinaires dans les territoires ruraux en étendant la délégation d’actes de soins aux assistants vétérinaires. En 2021, 144 vétérinaires n’ont pas été remplacés ; il manquerait entre huit cents à mille professionnels, en particulier parce que les vétérinaires se tournent vers des activités plus lucratives que les soins aux animaux d’élevage. Nous proposons que les organismes de formation agréés par la branche des cabinets et cliniques vétérinaires fassent partie de la commission des actes vétérinaires, afin de renforcer le contrôle de la qualité de la formation reçue par l’assistant.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Mon amendement CE3044 vise à éviter que n’importe quel organisme de formation dispense des formations vétérinaires. Il s’agit de maintenir la qualité et la lisibilité de l’offre de formation.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Ces questions peuvent être traitées par voie réglementaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Ladite commission le permet ; il n’est donc pas besoin de l’ajouter au texte.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE196 de M. Julien Dive et CE959 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Ces amendements visent à supprimer les mots « intervenant dans le cadre d’activités à finalité strictement zootechnique » afin d’élargir à des techniciens la possibilité de réaliser des actes vétérinaires sur les animaux de rente, sous le contrôle d’un vétérinaire.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Les personnes ayant la qualité de vétérinaire au sens de l’article L. 241-1 du code rural et de la pêche maritime sont autorisées à pratiquer tous les actes relevant de leur profession, qu’il s’agisse des actes de médecine ou de chirurgie des animaux. En application de l’ordonnance du 20 janvier 2011 relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes n’ayant pas la qualité de vétérinaire, plusieurs personnes peuvent accomplir, outre des soins de première urgence, des actes de médecine ou de chirurgie.

Pour ce qui est du 6° de l’article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime, visé par les amendements, des dérogations sont déjà prévues, notamment dans une instruction du ministère de l’agriculture du 18 novembre 2021, qui dispose que les détenteurs de porcs domestiques peuvent pratiquer des castrations de porcelets mâles âgés de sept jours au moins. Ils sont autorisés à appliquer des traitements comprenant des analgésiques ou des anesthésiques locaux, dès lors que la délivrance de ces médicaments est autorisée au public. Les dérogations concernent également l’écornage des veaux, qui peut se pratiquer sans anesthésie avant l’âge de 4 semaines.

Quant aux dispositions du 7°, elles limitent les possibilités reconnues aux techniciens salariés par des vétérinaires ou des sociétés vétérinaires de réaliser certains actes, notamment dans le cadre d’insémination ou d’actes de dentisterie, en particulier équine. Le monopole des vétérinaires pour la réalisation de certains actes résulte d’exigences de technicité, par exemple sur les chevaux, qui réclament de ne pas aller trop loin dans la délégation. Les vétérinaires auditionnés souhaitaient en rester à cet équilibre : on a tout intérêt à veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les vétérinaires doivent pouvoir continuer à remplir de telles missions dans les territoires. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour faire face aux défis liés à la démographie vétérinaire, nous avons voulu certaines délégations, tout en les encadrant. Notre objectif reste de former 75 % de vétérinaires en plus d’ici à 2030, tout en veillant à assurer l’attractivité du métier. S’agissant des dérogations, des questions sanitaires se posent : il faut tenir compte de leur intérêt général, de leurs incidences pour la profession vétérinaire et des compétences requises.

Je donne donc un avis défavorable à l’ensemble des amendements, qui déséquilibrent un dispositif complexe, difficile à élaborer, d’organisation du maillage vétérinaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Ce sont l’effacement de la République et les humiliations territoriales – l’absence de médecins, de transports, de lignes de train, les écoles fermées – qui nourrissent la désespérance et le repli des gens fâchés, mais pas fachos. De plus, l’économie réelle, celle de l’agriculture, peut être perturbée par l’absence de vétérinaires et d’abattoirs en proximité. Du coup, on bricole. J’adhère à la proposition de déléguer des tâches, comme on l’envisage pour la santé humaine, mais il faut considérer la mesure comme provisoire. La volonté affichée de former 75 % de vétérinaires de plus est un acte politique fort : il faudra l’adosser à une territorialisation des formations, pour bien mailler le territoire.

M. Marc Fesneau, ministre. L’idée est de déléguer certains actes, en limitant les dérogations. Les écoles vétérinaires, par nature, sont territorialisées. Nous voulons que chacune d’elles soit dotée de moyens supplémentaires pour atteindre l’objectif de 75 % de vétérinaires formés en plus. Enfin, cette majorité a posé la question du numerus clausus pour les médecins, comme pour les vétérinaires, qui commençaient à suivre une trajectoire identique, pour des raisons de même nature – une moindre consommation et la volonté de certains acteurs d’avoir moins de vétérinaires dans les territoires. Nous avons mené des expérimentations en Bourgogne-Franche-Comté pour déterminer comment le vétérinaire formé peut être arrimé territorialement. C’est sur cela que nous devrons travailler.

M. Francis Dubois (LR). Les vétérinaires manquant cruellement, il faut les soulager dans certains travaux en matière sanitaire, de vaccination ou de prophylaxie. Le recrutement d’un technicien pour certains actes permettra notamment d’éviter que les maladies évoluent. Si les actes d’échographie n’avaient pas été délégués, on n’arriverait pas à mener à bien toutes les inséminations. Il est souhaitable que le vétérinaire, au sein d’un cabinet ou d’une coopérative agricole, puisse déléguer ces travaux à des techniciens, pour le bien de l’élevage.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Lors des auditions, les vétérinaires ont partagé leur attachement au maillage territorial. L’article leur permet de déléguer certains actes à leurs assistants, qui restent néanmoins sous leur contrôle. Ils seront alors soulagés tout en gagnant de l’argent, ce qui ne serait pas le cas si la tâche était confiée à des techniciens en dehors des cliniques. Le dispositif a été travaillé avec les vétérinaires depuis trois ans, avec beaucoup de sincérité et l’envie de mener à bien leur mission de service public. Avec le développement des épizooties, les vétérinaires ont aussi pour rôle de lancer l’alerte : ils protègent plutôt bien les mondes de l’agriculture et de l’élevage.

M. Marc Fesneau, ministre. Il faut déléguer ce qui peut l’être, mais aussi ne pas aller trop loin : un point d’équilibre doit être trouvé, sans quoi on ne fera venir le vétérinaire qu’en cas d’urgence vitale pour l’animal. En matière de surveillance sanitaire, le réseau des vétérinaires doit impérativement être conforté. Nous essayons de soulager les vétérinaires des actes qui peuvent donner lieu à délégation. Ouvrir trop le champ risque de donner l’impression que la formation et les compétences ne sont pas différenciées. C’est pourquoi je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette les amendements CE196 et CE959.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE3423 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

 

Amendement CE2029 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement vise à limiter les déserts vétérinaires en supprimant la condition de pratiquer dans un établissement vétérinaire, pour permettre à certaines personnes non vétérinaires d’effectuer les tâches déléguées. Le fait que seuls 16,4 % des 21 000 inscrits à l’Ordre national des vétérinaires exercent encore auprès des éleveurs et de leurs bêtes pose des difficultés dans les territoires touchés par des maladies, comme la maladie hémorragique épizootique (MHE) des bovins ou la grippe aviaire : faute de vétérinaires délivrant une attestation, les éleveurs ne peuvent pas effectuer leur déclaration d’indemnisation.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE3424 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

 

Amendement CE1507 de M. Loïc Prud’homme

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Dans un contexte de pénurie de vétérinaires, votre solution d’autoriser les auxiliaires vétérinaires et les élèves en école vétérinaire n’étant pas en dernière année à réaliser certains actes est une menace pour le bien-être animal. Il faut respecter le principe de précaution et réserver les actes chirurgicaux aux seuls vétérinaires et élèves déjà autorisés à les effectuer.

Une autre solution consisterait à créer un service public vétérinaire et phytosanitaire adossé à des maisons des animaux, mais votre projet de loi ne la retient pas en raison de son coût. Les logiques d’austérité ne satisfont pas aux besoins de l’intérêt général.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Par votre amendement, vous souhaitez interdire à certaines personnes d’effectuer des actes chirurgicaux sur les animaux dès lors qu’elles ne sont pas vétérinaires. J’y suis défavorable, car le but du dispositif est d’élargir la possibilité, pour certaines personnes qualifiées, de réaliser des actes médicaux ou de chirurgie simple, afin que les vétérinaires dégagent du temps pour soigner les animaux de rente dans les campagnes.

Les organisations de vétérinaires que nous avons auditionnées ont fourni une liste d’actes simples pouvant être concernés par la nouvelle réglementation – recueil de prélèvements à des fins d’analyse, assistance à l’anesthésie et aux soins intensifs, pansements, actes courants. Les actes chirurgicaux n’en faisant pas partie, votre crainte est infondée. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. La crainte est en effet infondée. Votre amendement présente la délégation de manière caricaturale. Étant nécessaire, elle sera encadrée, donc limitée à certains actes courants dans les élevages, ce qui ne menace pas le bien-être animal. Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Vous dites que les actes chirurgicaux ne sont pas délégués. Étant d’accord pour les exclure, vous pourrez voter notre amendement.

M. Charles de Courson (LIOT). Vos propos m’inquiètent. Vous voulez fonctionnariser les vétérinaires : pour accentuer la crise, il n’y a pas mieux !

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement de précision CE3425 ainsi que les amendements rédactionnels CE3426, CE3428 et CE3427 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

 

Amendement CE2030 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à habiliter les éleveurs ayant suivi une formation d’éleveurs-infirmiers à pratiquer certains actes d’urgence, définis par voie d’arrêté, pour pallier les difficultés à obtenir un vétérinaire dans des délais raisonnables. L’enjeu est déterminant dans les territoires soumis à des problèmes sanitaires importants, où les vétérinaires manquent.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Satisfait. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE3218 et CE3222 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). L’amendement CE3218 a pour but de simplifier l’écriture de la délégation de compétences aux élèves des écoles vétérinaires, en supprimant la référence à la continuité de gestion du cabinet par le vétérinaire référent, tout en renforçant la responsabilité de sa structure.

Le second amendement (CE3222) est défendu.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. Satisfaits par les travaux menés. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’article 7 modifié.

 

 

Après l’article 7

 

Amendements CE3225 et CE3227 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). L’amendement CE3225 a pour objet de lancer une expérimentation aux fins d’inciter les jeunes à entreprendre des études vétérinaires, en développant les délégations de compétences au bénéfice des étudiants vétérinaires.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Dans le but légitime d’accroître la présence des vétérinaires sur le terrain, notamment dans les zones rurales, vous proposez de mener une expérimentation visant à explorer divers modèles de délégation, en particulier pour tenir compte des caractéristiques des élevages propres à chaque territoire.

Votre amendement est satisfait par l’alinéa 6 de l’article 7, qui prévoit que des actes médicaux puissent être délégués à des élèves vétérinaires n’ayant pas encore acquis le statut d’assistants vétérinaires, lequel nécessite d’avoir sanctionné cinq années d’études. L’article avait bien pour objet de renforcer la présence des vétérinaires en titre dans les territoires, par leurs cliniques. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je donne un avis défavorable à l’amendement CE3225 et un avis de sagesse à l’amendement CE3227, qui prévoit que, d’ici à la fin de l’année 2025, le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le maillage et les perspectives d’évolution du métier de vétérinaire. Si la navette ne permet pas de faire aboutir cette demande, je prends lengagement de mener avec le CGAAER une mission prospective dans les mêmes délais.

L’amendement CE3225 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE3227.

 

 

TITRE III
FAVORISER L’INSTALLATION DES AGRICULTEURS AINSI QUE LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AGRICULTEUR

 

Chapitre Ier
Orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmissions des exploitations

 

 

Avant l’article 8

 

Amendement CE1227 de M. Vincent Descoeur

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement, en cohérence avec un autre précédemment adopté, a pour objet de compléter l’intitulé du titre III par les mots « et leurs revenus ». Principale revendication des agriculteurs lors des manifestations, des revenus attractifs sont nécessaires pour réussir la transmission des exploitations agricoles.

M. Pascal Lecamp, rapporteur pour le titre III. Le revenu est la principale source de préoccupation des agriculteurs, comme des futures générations. L’amendement est toutefois hors sujet, car le titre III ne traite que de l’installation des agriculteurs et de la transmission des exploitations. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Le revenu a déjà été ajouté au texte ; il ne convient pas de l’introduire à nouveau dans l’intitulé du titre III. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2132 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement d’appel prévoit que le Gouvernement remette un rapport pour étudier l’allongement de la dispense de travail du fait d’une maladie dont bénéficient les associés des groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec). Elle est d’un an maximum car l’administration se méfie des personnes ne travaillant pas dans les Gaec. Or cette durée ne permet pas de prendre en compte de longues maladies : les associés concernés finissent par être juridiquement exclus du Gaec, perdant notamment les aides différenciées pour les 52 premiers hectares. À la souffrance humaine, s’ajoute une pénalité économique insensée. Reconnaître le droit à être malade, c’est faire justice à cette forme d’économie sociale.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Il s’agit d’aligner le droit de la longue maladie pour les associés des Gaec sur le droit commun. Même si un rapport se justifie, la question ne peut être traitée dans ce cadre. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Notre société doit se soucier des accidents de parcours, qui percutent durement les organisations, notamment dans le monde agricole. Je m’engage à réaliser un travail technique pour déterminer ce qui doit être modifié.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le groupe Écologiste soutient l’amendement CE1227. Toutefois, lors des débats sur ma proposition de loi visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole, pas un élu du groupe Les Républicains n’était présent. Aucun membre du Rassemblement national ne participe aujourd’hui à notre commission. Comment ces groupes peuvent-ils ensuite se prétendre les meilleurs alliés des agriculteurs ?

L’amendement est retiré.

 

M. le président Stéphane Travert. Nous nous retrouvons cet après-midi, à quinze heures : 1 072 amendements restent en discussion.

 

 


7.   Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 15 heures : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 3 mai 2024 à 15 heures, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

 

Article 8 : Programmation des politiques publiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles

 

Amendement CE726 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (LR). En tant qu’entrepreneurs, les agriculteurs doivent avoir de la visibilité sur le long terme, au même titre que n’importe quel autre acteur économique. Le premier alinéa de l’article 8 restreint son champ d’application aux politiques publiques conduites entre 2025 et 2035, sans qu’on sache très bien ce qu’il se passera au-delà. Je propose donc de supprimer cette mention et de prévoir simplement que « les politiques favoriseront la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles ».

M. Pascal Lecamp, rapporteur pour le titre III. L’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime définit, en son point IV, les finalités de la politique publique d’installation et de transmission en agriculture. Les objectifs que nous formulons à l’article 8 doivent être assorti6 d’un délai pour les atteindre. Il nous a semblé pertinent de retenir une durée de dix ans, essentiellement parce que c’est à cette échéance que la moitié des agriculteurs en activité devront avoir été remplacés. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Nous devons nous fixer des repères temporels, d’autant que le pic de départs sera atteint entre 2030 et 2032, lorsque la majorité des agriculteurs chercheront à transmettre leur exploitation. La période 2025-2035 mérite donc d’être mentionnée, car c’est sur elle que devront se concentrer les efforts de la politique d’installation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE3238 de Mme Marie Pochon.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE3387 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.

 

Amendements identiques CE3239 de Mme Marie Pochon et CE2428 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit de renforcer l’ambition en matière d’installation, en visant non pas un simple renouvellement des générations d’actifs, mais une augmentation du nombre d’exploitants agricoles.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Effectivement, s’il faut renouveler les générations, il ne faut pas se contenter d’en rester aux quelque quatre cent mille agriculteurs en activité, il faut aspirer à en installer davantage et porter ce chiffre à sept cent mille, par exemple.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Voilà un objectif sympathique qu’on ne peut que partager, mais commençons déjà par renouveler les générations en nous fixant pour ambition de repasser au-dessus de la barre de quatre cent mille exploitants d’ici à 2035, comme je proposerai de le faire avec l’amendement CE3404. Au vu de la trajectoire observée depuis de nombreuses années, ce serait déjà une belle réussite. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1191 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CE276 de M. Julien Dive, CE300 de M. Dominique Potier et CE631 de M. JeanPierre Vigier, amendement CE968 de M. Francis Dubois (discussion commune)

Mme Anne-Laure Blin (LR). L’objet de mon amendement est le même que celui que j’ai présenté précédemment et recueillera donc probablement les mêmes avis.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Avec l’amendement CE300, nous proposons de reporter à 2050 la fin de la période au cours de laquelle les politiques publiques en matière d’agriculture seront orientées vers le renouvellement des générations. La transition, qui nécessitera de créer, d’adapter puis de transmettre les exploitations agricoles, demandera du temps.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’échéance de 2035 semble en effet excessivement proche au vu des multiples défis que devra relever l’agriculture au regard de la souveraineté alimentaire et des transitions à accomplir.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Comme je l’indiquais tout à l’heure, il nous a semblé légitime de retenir une durée de dix ans, en raison du nombre de départs qui interviendront d’ici à 2035. Ce choix n’empêche toutefois nullement d’engager une réflexion de plus long terme, comme nous en avons décidé à l’article 1er.

Il ne fait par ailleurs aucun doute que le législateur sera amené à se saisir de ces questions de nouveau avant 2035, pour adapter les orientations et la programmation aux résultats que le présent texte aura permis, je l’espère, d’obtenir.

M. Marc Fesneau, ministre. L’article 8 vise à définir les orientations des politiques menées en matière d’installation et de transmission des exploitations, et non les objectifs de transitions agroécologique et climatique. Compte tenu du défi démographique qui s’annonce, il paraît pertinent de retenir l’année 2035 comme borne. Avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). L’échéance de 2050 proposée par plusieurs d’entre nous n’a pas été fixée « au doigt mouillé ». La population mondiale devrait, à cette date, atteindre dix milliards d’habitants, avec tous les enjeux qu’un tel état de fait est susceptible d’emporter en matière d’alimentation et d’accès à l’eau. Par ailleurs, les jeunes entrants, qui auront remplacé la moitié des actifs appelés à partir en retraite d’ici à 2030, se trouveront alors à mi‑chemin dans leur carrière. Il semble donc pertinent de fixer un cap suffisamment lointain.

M. Hervé de Lépinau (RN). Si le titre III porte censément sur la transmission des exploitations, très peu de dispositions du texte vont effectivement en ce sens. J’espère que, dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances, nous évoquerons la thématique de la fiscalité, qui représente, dans certains cas, un des principaux freins à la transmission, en en renchérissant le coût. Il sera indispensable de traiter ce problème.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1414 de M. Grégoire de Fournas

M. Hervé de Lépinau (RN). Il s’agit de garantir un revenu digne aux agriculteurs. Nous avons abordé de nombreux thèmes, comme l’inclusivité – j’ai même cru qu’on irait jusqu’à parler de « réunions non mixtes » prônées par certaines organisations… Revenons-en à la question qui se trouve au cœur des préoccupations des agriculteurs et qui devrait être notre boussole.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous partageons tous votre souhait, mais là n’est pas l’objet du titre III. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau. Même avis. Cette question a été abordée à l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE3388 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement rédactionnel CE1193 de Mme Anne-Laure Blin.

 

Amendements identiques CE3507 de la commission du développement durable, CE506 de M. Dominique Potier, CE2197 de M. David Taupiac et CE3240 de Mme Marie Pochon

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit d’inscrire le développement des pratiques agroécologiques, dont l’agriculture biologique, dans l’article 8, qui définit les orientations des politiques d’installation et de transmission. Il semble important de le faire à cet endroit du texte, car seuls ces modes de production sont de nature à permettre l’indispensable diminution des émissions de gaz à effet de serre ou encore la restauration de la biodiversité.

M. David Taupiac (LIOT). Alors que l’État s’est fixé pour objectif d’atteindre 21 % de la surface agricole utile (SAU) cultivés en agriculture biologique d’ici à 2030, ce secteur traverse une crise dont chacun ici a conscience. Il paraît donc légitime de faire figurer les pratiques agroécologiques – notamment l’agriculture biologique, largement absente du texte par ailleurs – à l’article 8.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’article 8 ne mentionne effectivement ni l’agroécologie ni l’agriculture biologique. Il nous semble important de les définir comme un des caps de la politique d’installation conduite par l’État.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis totalement d’accord avec vous. J’avais d’ailleurs présenté un amendement en ce sens à l’article 1er, qui n’a pas pu être examiné du fait de la décision prise le concernant. Je ne peux donc qu’être favorable à ces amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons débattu de ce point à plusieurs reprises. L’article 8 me semble le plus opportun pour mentionner l’agroécologie et l’agriculture biologique, à condition toutefois que ces dernières ne figurent pas dans tous les articles du texte qui sera examiné en séance, car cela nuirait à sa lisibilité globale. J’émets donc un avis de sagesse, en insistant sur le fait que cet ajout ne devrait concerner que le seul article 8.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Mon groupe tient, lui aussi, à souligner la nécessité d’inscrire dans le projet de loi que l’agroécologie et l’agriculture biologique constituent le modèle de référence vers lequel nous devrions tendre, ce que vous avez toujours refusé de faire jusqu’à présent. Nous nous réjouissons des avis respectifs du rapporteur et du ministre et nous voterons évidemment pour ces amendements.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je remercie à mon tour le rapporteur pour son avis favorable, qui ne nous dispensera toutefois en rien d’évoquer à nouveau cette question pour d’autres articles : si l’agriculture biologique doit évidemment figurer parmi les objectifs de la politique publique d’installation, elle doit également être mentionnée lorsqu’il est question des orientations générales de l’action publique ou du contenu de l’enseignement agricole. Nous aurons l’occasion d’y revenir en séance, mais l’adoption de ces amendements serait déjà une bonne chose.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Je tiens, moi aussi, à remercier le ministre et le rapporteur pour leurs avis. J’entends les réserves exprimées quant au fait de mentionner l’agriculture biologique dans d’autres articles, mais je me réjouis que vous jugiez opportun de le faire en cet endroit du texte.

M. Hervé de Lépinau (RN). L’agriculture biologique est un mode de conduite de l’exploitation parmi d’autres, au même titre que l’agriculture raisonnée ou la biodynamie. C’est un procédé quelque peu spécieux, voire idéologique, que de vouloir absolument la mettre à toutes les sauces, d’autant que des exploitants ayant opté pour l’agriculture biologique peuvent parfois revenir ensuite à l’agriculture conventionnelle. Je ne voudrais pas qu’on enferme les agriculteurs dans un mode cultural donné ; il faut, surtout en période de grandes difficultés, leur laisser une certaine souplesse.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE3508 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’étais défavorable à cet amendement adopté par la commission.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’amendement vise à associer les professions agricoles au déploiement de la politique d’installation et de transmission. Cette implication, naturellement indispensable, est déjà prévue depuis la création du Comité national d’installation-transmission (Cnit) en avril 2015, et assurée par les Crit, qui en sont la déclinaison au niveau régional. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE3389 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.

 

Amendement CE3219 de Mme Stella Dupont

Mme Stella Dupont (RE). Certains filières agricoles et types de production se portent moins bien que d’autres et l’agriculture biologique traverse une crise liée à la baisse de la demande. Malgré les mesures de soutien déployées à l’initiative du Gouvernement – produits bios à la cantine et dans les administrations, aides d’urgence, etc. –, force est de constater que l’agriculture biologique souffre d’une baisse d’attractivité.

Il importe de préserver l’investissement privé des exploitants qui se sont engagés dans l’agriculture biologique, mais aussi l’investissement public significatif consenti par l’État français et l’Union européenne pour soutenir la conversion en bio. Dans le contexte actuel, on peut craindre que certaines transmissions d’exploitation donnent lieu, sur les terres concernées, à un retour aux méthodes de l’agriculture conventionnelle. Je propose donc d’imposer temporairement que les exploitations restent soumises aux règles de l’agriculture biologique pendant cinq ans après leur transmission.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je partage totalement votre objectif, comme en témoigne l’amendement que j’avais déposé sur l’article 1er. Votre amendement me semble cependant satisfait par ceux que nous venons d’adopter. Je vous propose donc de le retirer.

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Au cours des auditions, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) a insisté sur le maintien des terres cultivées en bio lors de la transmission de l’exploitation. En l’absence de volet foncier dans le projet de loi, il serait bon que le Gouvernement avance des propositions pour atteindre cet objectif si celle avancée dans cet amendement, que nous soutenons, ne lui convient pas.

Mme Stella Dupont (RE). Je ne crois pas que les amendements adoptés précédemment, qui visent à promouvoir l’agriculture biologique, satisfassent ma demande, puisqu’ils n’empêchent nullement qu’une exploitation bio soit transmise à un repreneur souhaitant revenir à un mode de production conventionnel.

M. Charles de Courson (LIOT). Le terme « cultivées » devrait logiquement s’appliquer à des terres, et non à des « exploitations ». Il conviendrait donc, à tout le moins, de modifier la rédaction de l’amendement.

Par ailleurs, il me semble que les aides à la conversion versées par l’État sont conditionnées au maintien de l’exploitation en bio pendant un certain nombre d’années et qu’un agriculteur abandonnant cette certification de façon anticipée est tenu de les rembourser au prorata temporis. Imposer un maintien du label pendant cinq ans après la transmission me semble donc excessif.

M. Thierry Benoit (HOR). Comment une telle disposition s’appliquerait-elle sur le terrain ? J’échangeais ce matin avec un jeune agriculteur qui, s’étant installé en janvier à la tête d’une exploitation de soixante hectares sur lesquels il élève soixante vaches laitières, s’est endetté à hauteur d’environ 800 000 euros. Il vend actuellement son lait bio 425 euros la tonne, soit le prix du lait conventionnel. Si, après dix-huit mois (ou deux ans) de travail acharné, il éprouve des difficultés à rembourser son emprunt et à payer ses charges, quelle porte de sortie pourra-t-on lui proposer ?

Aux termes de cet amendement, il serait contraint d’arrêter son activité, puisqu’il ne pourrait pas choisir d’exploiter ses terres de façon conventionnelle. Voilà qui interroge sur le droit souverain de l’agriculteur à décider de son mode de production. Si l’objectif est louable, une telle mesure me semble difficile à appliquer. L’adoption des amendements précédents, qui font clairement de l’agriculture biologique une priorité, est suffisante.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Je confirme le soutien des députés écologistes à cet amendement, dont l’adoption favorisera le maintien de la SAU en agriculture biologique, conformément aux objectifs que s’est fixés l’État.

Il y va aussi du bon usage de l’argent public que nous consacrons, pour de très bonnes raisons sanitaires et environnementales, au soutien de l’agriculture biologique : il s’agit de ne pas le dilapider en permettant aux personnes reprenant des exploitations bio de revenir à l’agriculture conventionnelle juste après la transmission. Cette préoccupation est d’autant plus prégnante en période d’austérité.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les agriculteurs ont demandé deux choses : de la simplification et de la souplesse. Cet amendement créerait, une fois de plus, une contrainte supplémentaire. Je ne comprends pas ceux qui veulent absolument enfermer une exploitation dans un mode de production donné : dès lors qu’il travaille à perte, l’agriculteur doit pouvoir changer de braquet.

M. Pascal Lavergne (RE). Vous ne trouverez pas en moi un fervent défenseur de la production en bio : j’ai souvent répété qu’il ne fallait pas opposer les modèles, mais permettre à chacun de conduire son exploitation comme il l’entend, tout en se conformant à un cadre légal vertueux qui respecte nos concitoyens, limite les résidus de produits phytosanitaires et préserve la biodiversité. Pour avoir échangé sur ce point avec des notaires, je confirme que des dispositions telles que celle proposée par notre collègue Dupont peuvent être introduites dans les baux, même si cela ne résout pas le problème du faire-valoir direct.

En revanche, je partage l’idée selon laquelle il faut préserver ce capital, constitué en partie grâce à des investissements publics. Peut-être faudrait-il retravailler l’amendement en ce sens.

M. Julien Dive (LR). L’enfer est pavé de bonnes intentions. Tel qu’il est rédigé, cet amendement ne protégera pas l’agriculture biologique ; il pourrait même nuire au modèle économique de certaines exploitations. Une conversion à la production en bio est souvent la manifestation d’une conviction profonde, mais elle s’inscrit aussi dans une réalité économique. Or si le marché vient à s’effondrer, comme c’est le cas actuellement, une mesure de ce type placerait certains producteurs dans une impasse. Il faut, non pas les contraindre ou les enfermer, mais les protéger et les encourager. Cet amendement ne le permet pas.

M. Éric Martineau (Dem). Producteur de pommes en agriculture biologique, je suis très favorable à la production en bio. Le fait est, toutefois, que de nombreux arboriculteurs produisent plus que ce que le marché peut absorber, à tel point qu’ils doivent choisir entre déconvertir une partie de leur verger ou arracher des arbres pour garder les terres en bio – pour ma part, j’ai choisi la deuxième option. Il faut s’efforcer d’adapter le marché et non enfermer les agriculteurs dans un système, en les obligeant à produire ce qu’ils ne peuvent pas vendre.

M. Dominique Potier (SOC). Mon groupe soutiendra cet amendement. J’entends les arguments relatifs à la liberté d’entreprise et à la réalité du marché et je ne les méprise aucunement. J’en ai simplement deux autres à leur opposer. D’abord, une conversion en agriculture biologique est un processus qui s’étale généralement sur trois ans et implique une mutation du système, une qualification des sols, le retour de la biodiversité et l’adoption d’une nouvelle manière de produire. Ensuite, cet investissement important est contractualisé avec la puissance publique européenne ou française. Les agriculteurs concernés ont le devoir de respecter ce contrat, au nom de l’intérêt général qui impose de convertir une part du territoire national pour en faire un écosystème favorable à la durabilité.

Le ministre me confirme que la durée actuelle d’engagement de cinq ans correspond à une règle fixée par l’Europe. La France ne pourrait-elle pas plaider auprès de ses partenaires pour qu’ils considèrent, dans la même logique que celle qui a présidé à l’adoption du Green Deal, que lorsqu’un agriculteur fait ce choix, il s’engage en réalité pour dix ans ?

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Mon groupe votera également en faveur de cet amendement. Il n’est pas question d’opposer les modèles ou d’enfermer les exploitants qui font le choix de s’engager dans l’agriculture biologique. Une note de France Stratégie souligne bien que ce mode de production est souvent plus rentable, grâce à une moindre volatilité des prix et à la pratique de la vente directe, et qu’elle permet de créer du lien social et de la vie dans les campagnes.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Tous ceux qui sont favorables à la production en bio sont unanimes dans leur volonté d’éviter qu’une terre cesse d’être exploitée en agriculture biologique au moment de sa transmission. Je ne suis pas certain que l’adoption de l’amendement permette d’atteindre cet objectif : la transmission est un acte privé et rien n’obligera le repreneur à privilégier un mode de production, même si des financements publics ont été versés. La meilleure solution consiste sans doute à mobiliser le futur guichet unique du réseau France Services agriculture (FSA) pour inciter, de façon positive, les exploitants à maintenir les surfaces en bio.

M. Marc Fesneau, ministre. On ne peut pas demander des engagements sur quinze ou vingt ans chaque fois qu’on accorde des fonds publics. On le constate lorsqu’on soutient des artisans ou des entreprises : la réalité de la vie économique est telle que les aides accordées par la puissance publique ne sont pas toujours un gage de succès.

Une telle disposition conduirait en outre à rigidifier très fortement les systèmes : mécaniquement, un agriculteur se convertissant au bio cinq ans avant sa retraite ne s’engagerait pas pour cinq ans, mais pour dix ans.

Que se passerait-il si un repreneur indiquait ne pas vouloir respecter cette obligation ? Voudriez-vous qu’on empêche son installation ? Si une exploitation de quatre-vingt hectares était reprise par deux personnes distinctes, l’opération serait-elle annulée au prétexte qu’une des deux refuse le maintien des terres en bio ? Une telle logique pourrait se traduire par des phénomènes de déprise ou d’agrandissement : des exploitants déjà installés acquerront ces surfaces, non pas pour produire en agriculture biologique, mais pour qu’elles soient comptabilisées comme infrastructures agroécologiques. Cette mesure irait donc à l’encontre de notre objectif de souveraineté.

Qui plus est, votre amendement est problématique sur le plan juridique : il transfère une obligation d’une exploitation à une autre ; or c’est l’agriculteur qui s’engage, pas l’exploitation. En outre, vous imposez une contrainte au propriétaire, mais aussi au repreneur.

Je comprends votre intention et je la partage, mais le dispositif que vous proposez dévoie la transmission. Dans un système économique dynamique, dans lequel l’offre s’adapte à la demande de produits, il me semble dangereux d’interdire toute remise en cause du choix du bio. Pourquoi empêcher un jeune qui reprend une exploitation d’abandonner le système laitier pour une autre production ? Je mets vraiment en garde contre un tel amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE296 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). L’amendement vise à demander un rapport au Gouvernement tous les deux ans afin de s’assurer de la réalisation des objectifs que vous fixez à l’horizon 2035 en matière de souveraineté alimentaire et de transition agroécologique.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Selon le dernier alinéa de l’article L. 330‑1 du code rural, « les autorités de gestion régionales établissent chaque année un bilan, rendu public, de la mise en œuvre de la politique d’installation et de transmission en agriculture dans leur région. Ces bilans, consolidés à l’échelle nationale par l’État, comportent notamment une présentation du cadre réglementaire fixé par les régions en matière d’aides à l’installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales ainsi qu’un bilan des versements de l’année écoulée. »

Je vous invite à ne pas multiplier les évaluations sur les politiques publiques d’installation. Peut-être pourriez-vous compléter les dispositions que je viens de citer. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Julien Dive (LR). Vous mettez en avant le suivi des actions dans les régions, alors que mon amendement propose le même exercice au niveau national. J’interprète l’alinéa 1 comme un défi que se lance le Gouvernement. Il est intéressant de regarder s’il se donne les moyens de le relever…

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Sur le fond, nous sommes d’accord. Je le répète, l’article du code rural fait référence à des bilans consolidés à l’échelle nationale par l’État. Le bilan que vous demandez est déjà prévu. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. L’audition du ministre chargé de l’agriculture me paraît tout aussi pertinente qu’un rapport du Gouvernement pour rendre des comptes sur la politique d’installation.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE3404 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3620 de Mme Marie Pochon, CE3599, CE3597 et CE3598 de M. Dominique Potier, CE3631 de Mme Hélène Laporte et CE3589 de M. Dominique Potier

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je souhaite que la loi d’orientation fasse des quatre cent mille exploitations agricoles dans notre pays une ligne rouge. Tous les outils dont nous nous dotons avec elle doivent concourir au maintien d’au moins quatre cent mille exploitations en activité en 2035.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). En quarante ans, la part des agriculteurs exploitants dans l’emploi n’a cessé de diminuer, passant de 7,1 % en 1982 à 1,5 % en 2019. Le sous-amendement vise à traduire notre volonté collective de stopper l’hémorragie et de ne pas descendre en dessous de ce seuil. En imposant une part minimale dans l’emploi de 1,5 %, il s’agit de maintenir une agriculture familiale, avec des exploitants indépendants et autonomes.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le rapporteur, je tiens à vous dire combien votre amendement est un moment heureux dans nos débats, puisque nous sommes nombreux, dans tous les groupes, à avoir réclamé que la loi affiche un objectif. Je vous remercie donc pour cette initiative : nous avons désormais un cap.

Le choix d’écrire « au moins 400 000 » me convient bien : il laisse espérer une France à cinq cent mille exploitations tout en étant réaliste. Le « un pour un » – une installation pour un départ – est un très bel objectif. Je salue une réussite du dialogue parlementaire.

Mes sous-amendements visent à apporter des précisions plus ou moins importantes en adjoignant des objectifs à celui proposé par le rapporteur : dans le sous-amendement CE3599, il s’agit de maintenir la diversité des exploitations agricoles et de préserver le modèle familial – entendu comme une structure à taille humaine ; dans le sous-amendement CE3597, il s’agit de « limiter les phénomènes d’agrandissement par la régulation de l’ensemble des marchés fonciers en vue de rendre effectif l’objectif de renouvellement des générations » – je le reformulerai volontiers pour terminer par : « en vue d’une politique d’installation ».

Le sous-amendement CE3598 demande, tous les deux ans, un état des lieux des exploitations agricoles en France. Il ne faudrait pas que nous nous réveillions à n + 3 pour constater que la moitié des fermes se sont agrandies sans nouvelle installation.

Enfin, le sous-amendement CE3589 vise à décliner l’objectif par filière et par territoire. Cela peut paraître utopique et technocratique – j’entends déjà la réponse du rapporteur – mais une commission départementale d’orientation agricole (CDOA) ne fait pas autre chose. Il est donc proposé de répliquer à l’échelon national un exercice qui est déjà connu au plan local.

S’il ne fallait retenir qu’un sous-amendement, ce serait celui qui concerne la régulation du foncier, au nom de la cohérence.

Mme Florence Goulet (RN). Nous reprenons l’amendement que nous avions déposé à l’article 1er pour inscrire dans la loi les mesures promises par le Premier ministre lors de la crise de cet hiver. Lors de sa présentation, le ministre a fait valoir que celles-ci figuraient à l’article 8.

Il est pour le moins curieux que ces mesures, qui ont été au cœur des revendications de nos agriculteurs cet hiver, soient absentes du seul grand texte consacré à l’agriculture depuis plus de dix ans. Nous tenons donc à ce qu’elles figurent en toutes lettres dans le projet de loi – ou, à défaut, dans un futur projet de loi de finances rectificative.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je remercie monsieur Potier pour ses mots très sympathiques sur l’objectif que nous essaierons d’atteindre ensemble dans les dix prochaines années.

Le fait d’afficher le chiffre de quatre cent mille rend l’objectif simple et lisible pour tout le monde.

Je partage votre souci de maintenir le modèle familial des exploitations. Mais c’est un présupposé pour parvenir à quatre cent mille exploitations. Monsieur Potier, je vous demande donc de retirer le sous-amendement CE3599 au profit de l’amendement CE241 auquel je suis favorable.

Je suis défavorable au sous-amendement de madame Pochon, qui affaiblit la lisibilité de l’objectif, ainsi qu’à celui de madame Laporte.

M. Marc Fesneau, ministre. N’y voyez pas malice de ma part, monsieur Potier, mais je m’étonnerai toujours de ce besoin de faire des phrases dans la loi.

Je soutiens l’amendement du rapporteur, qui donne de la crédibilité à la politique que nous voulons mener. Je ne vois pas la nécessité de compléter l’objectif général, puisqu’il en découle naturellement toutes les exigences que vous avez mises en exergue. En d’autres termes, nous n’atteindrons pas l’objectif si nous ne faisons pas tout ce que vous réclamez.

Le maintien au-dessus de la barre des quatre cent mille est important. Pourquoi ? Je le dis souvent, la démographie agricole de la France est déjà faible – l’Italie compte 1,2 million d’exploitations agricoles, ce qui donne lieu à huit cent mille déclarations au titre de la politique agricole commune (PAC) ; en Irlande, où la population est dix fois moindre, il y en a cent cinquante mille. La conservation d’un certain nombre d’exploitations est indispensable, d’une part, pour préserver le dialogue avec la société – l’absence d’exploitants agricoles dans de nombreuses communes nuit aujourd’hui à la compréhension des pratiques, de la saisonnalité et des contraintes agricoles, ainsi qu’à la connaissance mutuelle – et, d’autre part, pour assurer la diversité de nos productions, dont dépend aussi notre souveraineté. En dessous d’un certain seuil, il n’y aura plus aucun dialogue et nous ne serons plus en mesure de garantir la diversité.

Mon avis est donc défavorable à tous les sous-amendements. Il me semble que la sobriété est un gage d’efficacité.

En revanche, je suis favorable à l’amendement. Je me félicite que l’engagement pris au début de la discussion soit tenu. C’est un message fort que nous adressons en fixant un tel objectif. Cela permet aussi de lever les doutes sur la politique que nous entendons mener. Nous avons besoin de maintenir notre réseau d’exploitations agricoles pour des raisons de souveraineté, d’aménagement du territoire, de diversité des cultures et de dialogue avec la société.

M. Dominique Potier (SOC). Je remercie le ministre et le rapporteur pour la base de discussion que constitue le chiffre de quatre cent mille.

Vous refusez que la loi soit bavarde, mais une loi muette est tout aussi gênante. Or, elle l’est s’agissant du foncier. Je fais un geste dans votre direction en retirant tous mes sous-amendements, à l’exception du CE3597 qui marque une ambition de régulation de l’ensemble des marchés fonciers. Cette régulation est une condition sine qua non de la survie des exploitations agricoles. Or elle ne figure nulle part dans le texte.

M. Marc Fesneau, ministre. La régulation des marchés fonciers est inscrite à l’article 1er.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Dans l’amendement de M. Lecamp que je remercie pour cette initiative, il est question de quatre cent mille exploitations agricoles, ce qui ne signifie pas quatre cent mille paysans. Notre sous-amendement comble cette lacune en accompagnant l’objectif chiffré d’un pourcentage d’agriculteurs (1,5 %) dans la population active totale. Il faut garantir un nombre d’exploitations mais aussi de chefs d’exploitation.

M. Henri Alfandari (HOR). Le chiffre de quatre cent mille exploitations est l’assurance de conserver une diversité, contrairement au nombre d’exploitants.

S’agissant du modèle familial et des autres préoccupations de monsieur Potier, elles sont toutes mentionnées à l’article 1er. Il n’est donc nul besoin de le répéter à d’autres endroits.

Enfin, certains d’entre vous souhaitent constamment ajouter « dont biologique ». Or, l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime prévoit déjà que « les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique ». Quand vous écrivez « agroécologie », vous renvoyez inévitablement au bio. Inutile d’alourdir systématiquement la rédaction.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je soutiens fortement le sous-amendement de madame Pochon car, à mes yeux, la diversité tient au nombre de chefs d’exploitation et non au nombre d’exploitations en tant que telles. Plusieurs exploitations peuvent appartenir à une même personne ou à une même structure. La création de groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI) risque d’ailleurs d’accroître les risques en la matière.

Si on veut vraiment défendre le maintien d’une agriculture familiale, le sous‑amendement de madame Pochon me paraît indispensable.

La commission rejette successivement les sous-amendements CE3620, CE3597 et CE3631, les sous-amendements CE3599, CE3598 et CE3589 ayant été retirés.

Elle adopte l’amendement.

 

Amendement CE1619 de M. Gabriel Amard

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Nous souhaitons réaffirmer la nécessité de réorienter notre politique agricole pour assurer la bifurcation de notre modèle – consommer moins d’eau, polluer moins, manger moins, mieux respecter la condition animale.

Les aides à l’installation et à la transition doivent profiter à ceux qui s’engagent dans l’élevage paysan et la production de cultures végétales. On répond ainsi à deux impératifs : baisser notre consommation et notre production de viande ainsi que les émissions de gaz à effet de serre, ce que commande aussi notre santé ; sortir de l’élevage intensif et valoriser le bien-être animal.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les aides à l’installation existent. Elles sont gérées par les régions dans le cadre de la PAC 2023-2027. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1806 et CE1807 de M. Charles Fournier, et CE2008 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit de fixer l’objectif d’installation de trente mille exploitants par an (vingt mille dans l’amendement de repli CE1806) à partir de 2026. On ne peut se contenter de remplacer les vingt mille agriculteurs qui partent à la retraite chaque année.

Il faudra trente mille nouvelles installations par an si nous voulons tenir nos objectifs en matière d’écologie. Tous les scénarios de prospective le montrent, qu’ils émanent de The Shift Project, de France Stratégie, de Solagro ou même du plan stratégique national (PSN) pour la PAC : les modes de production respectueux de l’environnement exigent plus d’emplois. Afficher une telle ambition, c’est le minimum que l’on puisse attendre d’une loi qui prétend agir pour le renouvellement des générations en agriculture. Le premier amendement permet de garantir tout à la fois la transition écologique, le renouvellement des générations et la vitalité de nos territoires.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Dans les années quatre-vingt-dix, la France comptait encore un million d’agriculteurs. Il est donc possible d’aller au‑delà des quatre cent mille proposés par le rapporteur.

L’amendement a pour ambition d’installer trois cent mille exploitations agricoles supplémentaires, de garantir que chaque cessation d’activité agricole soit compensée par une installation et d’assurer une présence suffisante des exploitants. Aujourd’hui, il y a trois départs à la retraite pour une installation. Nous souhaitons rétablir le ratio à « un pour un ». C’est un moyen de multiplier les fermes sur le territoire. Plus il y a de fermes, plus la dynamique socio-économique est forte et capable de créer de la valeur ajoutée.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le chiffre de vingt mille que vous proposez a du sens puisqu’aujourd’hui, on recense quatorze mille installations par an, mais il serait insuffisant pour compenser les 25 000 à 26 000 départs par an de chefs d’exploitation attendus jusqu’en 2027.

En proposant quatre cent mille exploitations à l’horizon 2035, je vais dans la même direction que vous. Je serais ravi de pouvoir écrire « 700 000 » mais il faut rester cohérent : soyons ambitieux, certes, mais réalistes – le « un pour un » me semble un bon compromis. Je vous invite à retirer vos amendements et restons-en à un objectif simple et lisible.

Madame Pochon, imaginez que demain, un des grands milliardaires français décide d’acheter toute la France et emploie 1,5 % de la population active dans l’agriculture, votre critère serait rempli. Partons d’un objectif réaliste et nous réussirons tous ensemble à dépasser les quatre cent mille.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Nous avons déjà fixé le nombre d’apprenants et le nombre d’exploitations agricoles. Si l’on suit votre logique, on finira par définir le nombre d’exploitants par jour et par secteur géographique, voire le nombre d’enfants à naître pour assurer le renouvellement des générations en agriculture. Vous proposez un système totalement administré.

Madame Hignet, il y a trois départs à la retraite pour deux installations, mais la situation risque de se dégrader.

M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements auraient dû tomber avec l’adoption de l’amendement du rapporteur, puisqu’ils sont incompatibles.

Ensuite, le taux de renouvellement est très variable selon les filières. Dans le champagne, il est supérieur à un, quand il peut être à 0,6 ou 0,7 ailleurs.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement permet de fixer des points d’étape dans la réalisation de l’objectif de quatre cent mille exploitants en 2035. Grâce à lui, nous saurons dès 2027 ou 2028 si nous sommes sur la bonne trajectoire pour assurer le renouvellement des générations. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre 2035 pour prendre conscience que nous avons échoué.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1223 de Mme Anne-Laure Blin

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je ne saisis pas le sens de cet amendement : un guichet unique France Services agriculture sera installé dans chaque département, couvrant ainsi l’ensemble du territoire national. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Il faut que soit vérifié dans chaque département, et pas seulement au niveau national, que les objectifs sont atteints.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1345 de M. Nicolas Meizonnet

M. Lionel Tivoli (RN). Il s’agit de rappeler que la première cause de la crise que traverse le monde agricole est économique. Nombre d’exploitations ne parviennent plus à survivre à cause des prix trop bas auxquels sont achetés les produits agricoles.

La survie de l’agriculture française passe effectivement par le maintien d’un nombre suffisant d’agriculteurs en activité, mais cet objectif restera vain tant que certains d’entre eux ne toucheront pas un salaire décent.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les précisions rédactionnelles que vous souhaitez apporter sur la rémunération des agriculteurs nuisent à la clarté du texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2922 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). J’insiste sur la nécessité de fixer l’objectif d’un nombre d’exploitants agricoles.

Je prends l’exemple du Limousin, qui n’est pourtant pas une région complètement accaparée par l’agro-industrie. Un groupe agro-industriel, T’Rhéa, est en train de racheter des exploitations agricoles par-ci, par-là. Dans ce modèle, des salariés agricoles gèrent des exploitations sous le contrôle de l’agro-industrie ; on prend ainsi le risque d’un monopole d’une filière agro-industrielle sur les terres agricoles. Fixer un nombre d’exploitants est un gage de diversité et de préservation du modèle d’agriculture familiale auquel nous sommes tous attachés ici.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je vous rejoins sur la pertinence de fixer un objectif chiffré dans cette loi d’orientation, mais celui que vous proposez, de 1 million d’exploitants en 2050, me paraît excessif : restons-en aux quatre cent mille exploitations que j’ai proposé. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je ne voudrais pas qu’il y ait de confusion entre le nombre d’exploitations et le nombre d’exploitants. À l’heure actuelle, on compte 390 000 exploitations en France et 500 000 exploitants et coexploitants. L’objectif que je propose, c’est d’atteindre le nombre d’un million d’exploitants.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2432 de M. Loïc Prud’homme et amendements identiques CE3509 de la commission du développement durable et CE3242 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits. Demande de retrait.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3241 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les agriculteurs et agricultrices sont en première ligne face aux effets du changement climatique. Les événements climatiques extrêmes – sécheresses, canicules, inondations, gels tardifs –, dont la fréquence augmente, affectent fortement leur activité et leurs résultats. En 2022, les surcoûts liés au changement climatique pour le secteur agricole français se sont élevés à 3 milliards d’euros (Md€), avec des baisses de rendement importantes, de l’ordre de 30 % pour certaines filières. Il importe de rappeler que les politiques d’installation doivent également avoir pour objectif d’adapter l’agriculture aux conséquences du changement climatique, compte tenu de la trajectoire de réchauffement de référence, et à en atténuer les effets.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Cela figure déjà dans l’alinéa que vous souhaitez modifier.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD2288 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je vous invite à voter l’amendement suivant (CE240) de mon collègue Dominique Potier.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CE240 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement ne me paraît plus opportun après l’adoption de l’amendement CE3404 du rapporteur, qui fixe un objectif de quatre cent mille exploitations.

Monsieur le ministre, vous avez critiqué l’idée d’une mise en œuvre opérationnelle territoire par territoire, mais c’est ce que font les commissions départementales d’orientation agricole lorsqu’elles fixent des objectifs par filière dans des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (Sdrea). J’espère vraiment que nous irons vers une gestion de plus en plus territorialisée – pourquoi pas autour des communautés de communes ?

Je retire cet amendement pour que nous avancions, mais ne croyez pas que nous pourrons atteindre cet objectif de quatre cent mille exploitations sans un travail fin, qui tienne compte des réalités du terrain. Il faudra mobiliser tous les étages de l’architecture territoriale pour réussir.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE2009 de Mme Mathilde Hignet et CE2013 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Au fil du temps, les politiques agricoles ont conduit à une spécialisation des régions – céréales dans la Beauce, élevage en Bretagne, etc. Cet amendement vise à déspécialiser les régions et à ramener de l’élevage dans les régions où il n’y en a plus, afin de recréer une complémentarité entre celui-ci et la production végétale, notamment céréalière, ce qui permettra aux fermes d’être autonomes.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Il s’agit aussi de donner la priorité aux filières qui sont déficitaires à l’échelle nationale – et elles sont nombreuses : fruits et légumes, légumineuses, volaille, etc. Il est nécessaire de renouer avec un État stratège, qui planifie à l’échelle nationale la déspécialisation des territoires et qui définisse des plans de filière prioritaire, avec des moyens adaptés. Le ministre dira qu’il le fait déjà très bien, mais les statistiques montrent que des efforts importants restent à fournir.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La diversification des activités agricoles sur un même territoire peut effectivement être une bonne chose, y compris pour faire face au changement climatique ; mais cela ne concerne pas directement les politiques d’installation et de transmission, sur lesquelles porte cet article : avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE2011 de Mme Manon Meunier.

 

Amendement CE2015 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’amendement tend à préciser que les politiques publiques prendront en compte l’objectif de favoriser l’installation des femmes en agriculture. Nombre de femmes, parce qu’elles s’installent globalement plus tard que les hommes, ne bénéficient pas de la dotation Jeunes Agriculteurs (DJA). Or, statistiquement, les femmes sont surreprésentées dans les exploitations tournées vers l’agroécologie, l’agriculture biologique, la création de lien dans les territoires et les circuits courts, tout ce dont nous avons besoin pour réaliser la transition agroécologique. Il est donc essentiel de favoriser leur installation en agriculture.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je partage votre préoccupation de voir les femmes s’installer, mais je ne suis pas partisan de la discrimination positive. L’objectif est d’accompagner tous les projets d’installation, dont ceux des femmes. Il n’y a pas lieu de faire une différenciation et de les mentionner spécifiquement.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il n’est écrit nulle part qu’il faut donner la priorité aux femmes ou empêcher l’installation des hommes en agriculture. Nous demandons seulement de prendre en compte l’objectif de favoriser l’installation des femmes. C’est un amendement de bon sens. De nombreuses femmes souhaitent s’installer et c’est une bonne chose : prenons cela en compte et accompagnons-les.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. C’est ce que prévoit la loi : les hommes et les femmes sont traités de la même manière, à égalité.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). La politique actuelle est inégalitaire et ne traite pas les hommes et les femmes de la même façon. Je ne cesse de le rappeler depuis hier et, à chaque fois, la droite me tombe dessus. Je répète que les femmes rencontrent plus d’obstacles à l’installation et qu’elles touchent moins souvent la DJA, parce qu’elles s’installent plus tard, pour des raisons sociétales évidentes, liées notamment à la maternité.

M. Luc Lamirault (HOR). Si un homme avait déposé cet amendement, on l’aurait traité de « macho »…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2038 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Je propose de préciser que les politiques d’installation doivent avoir au minimum pour objectif de stabiliser les effectifs des actifs agricoles, exploitants et salariés, à leur niveau de 2023. L’enjeu est double : il s’agit d’abord de garantir un nombre suffisant d’actifs dans les filières à forte valeur ajoutée, qui nécessitent souvent plus de main-d’œuvre ; ensuite, l’activité agricole étant la principale activité en milieu rural, maintenir un certain nombre d’actifs, c’est soutenir le développement économique de nos territoires.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous sommes presque d’accord : je propose également un objectif chiffré avec l’ambition de repasser au-dessus de la barre des quatre cent mille exploitations agricole d’ici à 2035, ce qui fera aussi augmenter le nombre d’actifs.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Pour des raisons de protection sociale, de plus en plus d’exploitants deviennent salariés agricoles, souvent au sein de structures sociétaires dont le dirigeant n’est pas un exploitant agricole. Cet amendement a donc un sens, puisqu’on peut avoir en même temps une baisse du nombre d’exploitants et une augmentation du nombre de salariés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE38 de M. Fabrice Brun

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Afin d’atteindre l’objectif fixé par ce projet de loi, qui consiste à renouveler 30 % des actifs du secteur agricole sur dix ans, nous proposons qu’un diagnostic précis du nombre d’installations d’exploitation soit réalisé dans chaque département.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le suivi des installations et transmissions qui sera réalisé dans chaque département par France Services agriculture devrait répondre à votre préoccupation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE241 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). C’est un amendement de coordination avec les vœux exprimés tout à l’heure par le rapporteur.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Comme convenu, avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. J’aimerais quand même rappeler le contenu de votre amendement. Vous faites référence au 3° de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation a pour finalité « de soutenir le revenu, de développer l’emploi et d’améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l’agriculture et l’autonomie et la responsabilité individuelle de l’exploitant ». La référence au caractère familial de l’agriculture me semble correspondre au vœu que vous avez formulé à plusieurs reprises. Dans la mesure où j’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement, je vous invite à ne pas y revenir sur chacun des autres articles.

M. Dominique Potier (SOC). Je remercie le rapporteur d’avoir tenu son engagement.

Monsieur le ministre, puisque vous en avez parlé, je me demande si le moment ne serait pas venu de modifier la référence au caractère « familial » des exploitations. Je suis très attaché à la famille, mais l’agriculture familiale n’est plus vraiment une réalité… et ce que l’on entend par agriculture « familiale », c’est plutôt une agriculture « à taille humaine ». Ne peut-on pas, d’ici à l’examen du texte en séance, réfléchir à un terme qui serait plus approprié et moins ambigu que « familial » ? Je pense à des expressions comme agriculture « associative » ou « à taille humaine »…

M. Marc Fesneau, ministre. Ce n’est pas la même chose…

M. Pascal Lavergne (RE). Peut-on considérer qu’un agriculteur célibataire et gay est un exploitant familial ? C’était mon cas.

M. Dominique Potier (SOC). C’est précisément pour cela que je disais que l’expression « agriculture familiale » est un peu désuète, même si son sens doit être préservé.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE3510 de la commission du développement durable et CE3250 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit de donner la priorité aux installations vers des systèmes stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologiques, à savoir les systèmes diversifiés, agroécologiques, économes et autonomes en intrants, et l’agriculture biologique.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je me suis déjà exprimé au sujet de l’agroécologie et de la diversification. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je peux me tromper, mais j’ai l’impression que nous avons déjà introduit à plusieurs reprises dans le texte les mots « agroécologie » et « agriculture biologique ». Il est temps d’arrêter. Avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Effectivement, vous vous trompez. Nous en débattons régulièrement mais, à chaque fois, nous recevons un avis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Il est vrai que vous proposez toujours la même chose. Peut-être devriez-vous expliquer ce que vous entendez par « donner la priorité » aux systèmes que vous jugez vertueux : est-ce à dire que tous les autres types d’exploitation ne doivent pas être valorisés dans les projets d’installation ?

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Nous avons vérifié : nous avons déposé environ 120 amendements visant à inscrire l’agriculture biologique dans le texte ; un seul a été adopté.

Mme Sandra Marsaud (RE). Comme l’avait signalé notre collègue Henri Alfandari, le II de l’article L. 1 du code rural dispose déjà que « les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire ».

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Certes, cela figure déjà dans le droit, mais les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’agriculture biologique ne sont pas atteints et la loi n’est pas respectée. Il importe donc, dans une loi relative à l’installation et à la transmission, de rappeler explicitement cet objectif.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1198 de Mme Anne-Laure Blin.

 

Amendements identiques CE3511 de la commission du développement durable et CE3251 de Mme Marie Pochon

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Sagesse.

M. Marc Fesneau, ministre. La question du pluralisme est importante, mais je crois que c’est plutôt à l’article 10, relatif à l’instauration de France Services agriculture, qu’il convient de l’inscrire.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous avons défendu plusieurs amendements relatifs au pluralisme ; chaque fois, on nous a renvoyés à d’autres articles. L’article 8 porte sur les politiques de soutien à l’installation agricole. Il se trouve que les personnes qui viennent à l’agriculture ont des profils très variés, que ce sont souvent des personnes en reconversion professionnelle, qui viennent d’autres milieux et qui ont parfois aussi des projets alternatifs. Il faut pouvoir les accompagner, ce qui suppose une forme de pluralisme de l’accompagnement. C’est dans cet article que cette notion me semble la plus cruciale et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vous en remettre à la sagesse de la commission.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’amendement CE3573, par lequel je vous proposerai une réécriture de l’article 10, énonce à deux reprises, à propos du guichet unique et des structures de conseil et d’accompagnement, la nécessité de garantir le pluralisme et l’équité. Comme le ministre, je crois que c’est à l’article 10 que cela doit figurer.

L’amendement CD3511 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE3251.

 

Amendements identiques CE285 de M. Julien Dive, CE308 de M. Inaki Echaniz, CE645 de M. Jean-Pierre Vigier, CE700 de Mme Christine Engrand et CE974 de M. Francis Dubois

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous proposons que le guichet France Services agriculture (FSA) ne prenne pas seulement en charge la formation des futurs exploitants, mais aussi celle des exploitants déjà en exercice. Ce lieu doit servir de point d’information, d’échanges et de formation à n’importe quel moment de la vie d’un exploitant. Cet amendement est inspiré d’une proposition des Jeunes Agriculteurs (JA).

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Il importe que l’accompagnement proposé par FSA en matière de formation concerne les actifs agricoles tout au long de leur activité.

M. Francis Dubois (LR). Nous proposons que FSA accompagne l’ensemble des actifs agricoles, tout au long de leur activité.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ces amendements correspondent à la nouvelle rédaction que je proposerai de l’article 10. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable, étant précisé que France Services agriculture n’a pas vocation à se substituer aux organismes de formation existants et à dispenser des formations ; son rôle sera d’orienter les actifs agricoles vers des systèmes de formation continue.

La commission adopte les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1398 de M. Emmanuel Blairy.

 

Amendement CE1838 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Une précédente version du projet de loi instaurait une coopération entre l’État et les régions dans la gouvernance et la mise en œuvre de France Services agriculture. Nous proposons de réintroduire cette disposition, car les régions sont compétentes en matière d’installation agricole – depuis 2014, la région Bretagne a contribué à installer 3 200 nouveaux exploitants : elles sont garantes de la diversité de l’agriculture française et en première ligne pour construire les projets alimentaires territoriaux. Cet amendement a été travaillé avec les présidents de région.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’amendement sera satisfait à l’article 10, qui prévoit l’intervention du Cnit et des Crit. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet article et toutes les questions qui concernent France Services agriculture ont évidemment été travaillés avec Régions de France, en particulier avec son vice-président en charge des questions agricoles, qui est aussi le président de votre région. L’article 1er du projet de loi précise que la mise en œuvre de cette politique d’aide à l’installation s’appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l’État, les régions et les autres partenaires concernés. Il est donc inutile de le repréciser ici.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Rétablir dans la loi cette mention des régions qui figurait dans une version précédente du texte rassurerait ceux des acteurs du monde agricole qui s’inquiètent de sa disparition, quand bien même vous garantissez que les régions seront bien au cœur de la politique d’installation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE2929 de M. Benoit Mournet et CE3252 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Toute installation nécessite d’accéder au foncier. Maintenir le nombre d’exploitants agricoles suppose donc de réaménager la politique des structures, de freiner la concentration des terres, de garantir la transparence et la régulation des marchés fonciers en favorisant l’emploi par unité de surface. Je vous invite à adopter ces amendements, qui sont soutenus par des groupes politiques très différents et qui nous ont été suggérés par Terre de liens.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les points que vous évoquez sont très importants mais, en la matière, les outils dont la France dispose depuis longtemps sont robustes, en particulier le contrôle des structures et le rôle des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Notre modèle est même envié internationalement. Je vous invite donc à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Dominique Potier (SOC). Je ne peux pas entendre que nos outils sont robustes : ils s’effritent de partout ! Le droit de préemption des Safer est en train de s’étioler, du fait de la séparation de la nue-propriété et de l’usufruit ; la loi du 23 décembre 2021, dite loi « Sempastous », laisse passer entre les mailles de ses filets des petits et des gros poissons ; les phénomènes de transmission d’usage par le travail à façon ne sont pas contrôlés… Notre système a été robuste, mais il est fragilisé et il faut le réparer.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3403 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3594 de M. Dominique Potier, CE3621 de Mme Marie Pochon et CE3595 de M. Dominique Potier, et amendement CE2733 de M. Charles Fournier (discussion commune)

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Au cours des dix prochaines années, 170 000 exploitations vont changer de mains. L’installation de nouvelles générations d’agriculteurs, qui doit garantir notre souveraineté alimentaire, va nécessiter des moyens colossaux, de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. Je propose donc que les banques publiques du groupe Caisse des dépôts et consignations puissent concourir à des fonds de portage tels que le fonds Elan, créé il y a un an au salon de l’agriculture. Cet amendement me tient particulièrement à cœur.

M. Dominique Potier (SOC). Le sous-amendement CE3594 vise à préciser qu’il s’agit de favoriser l’adaptation des exploitations au changement climatique. Le CE3595 tend à supprimer le mot « progressivement ». Je l’ai déposé pour soutenir votre amendement, que je trouve excellent. Nous avons besoin du fonds Élan : il permet de drainer des fonds privés tout en contrôlant leur affectation et leur gestion, ce qui n’est pas le cas avec les groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI), ni avec les groupements fonciers agricoles d’épargnants (GFAE). Toutes les parties syndicales et presque toutes les parties politiques soutiennent le projet de fonds de portage public que le ministre déploie, trop progressivement à mon goût.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous sommes favorables à l’adoption de l’amendement. Le sous-amendement CE3621 vise toutefois à l’améliorer, en supprimant le recours aux investisseurs privés : ceux-ci cherchent la rentabilité à court terme des investissements ; or l’accaparement des terres agricoles par des firmes renchérit le coût du foncier, freinant fortement l’installation des jeunes agriculteurs. Plutôt que chercher à attirer les investissements des multinationales, nous devons garder le contrôle des terres agricoles et les partager pour que des jeunes s’y installent massivement.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement CE3594 et défavorable au CE3595. Nous devons décider du rythme de l’augmentation ; nous pourrions avoir davantage de besoins au début et moins par la suite.

L’avis est également défavorable au sous-amendement CE3621. Les sociétés agricoles restent des entreprises privées ; dans tous les cas, la loi nous interdit de financer plus de 70 %. Adopter votre amendement reviendrait à créer des sovkhozes.

M. Marc Fesneau, ministre. J’émets un avis de sagesse sur l’amendement CE3403. Les sous-amendements montrent que des précisions sont encore nécessaires ; il faudra consolider la rédaction avant l’examen en séance, afin de bien définir votre intention. Par ailleurs, il faut éviter d’allonger le texte : demande de retrait ou avis défavorable aux sous-amendements.

Merci, monsieur Potier, de faire l’éloge des fonds privés sous contrôle public. Il en sera de nouveau question dans quelques articles ; nous devons encore travailler à l’équilibre du système. Le déploiement du fonds Entrepreneurs du vivant, dans le cadre de « France 2030 », a mis du temps, mais les crédits seront à disposition à partir de l’été. Ce n’est pas simple, mais nous respecterons les annonces du Président de la République.

M. Charles de Courson (LIOT). Le texte souffre de l’absence de dispositions relatives au foncier. Monsieur le rapporteur, votre amendement mentionne les investisseurs privés : s’agit-il seulement de personnes physiques ou les sociétés seront-elles concernées ? La rédaction n’exclut pas leur participation. Le dispositif n’est pas très encadré. J’avais déposé un sous-amendement, mais il a été déclaré irrecevable.

Successivement, la commission adopte le sous-amendement CE3594 et rejette le sousamendement CE3621, le sous-amendement CE3595 ayant été retiré.

Elle adopte l’amendement CE3403 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE2733 tombe.

 

Amendement CE3402 de M. Éric Girardin et sous-amendements CE3626 de Mme Marie Pochon et CE3636 de M. Grégoire de Fournas

M. Éric Girardin, rapporteur général. En défendant ce texte, nous voulons garantir la souveraineté alimentaire, qui constitue un intérêt général majeur. Pour y arriver, nous actionnons trois leviers : la formation, l’orientation et l’installation et transmission – celui qui nous intéresse à l’article 8. L’activité agricole nécessite un fort investissement en capital et engendre souvent des revenus faibles. Notre pays connaît un problème de transmission, mais, je le dis souvent, une réforme en la matière s’apparenterait à un « « grand soir » fiscal. Pourtant, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs sans assouplir la fiscalité des transmissions.

Un rapide panorama permet de constater que la France a le deuxième taux marginal le plus élevé d’Europe en matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ; le quatrième pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; le cinquième pour les plus-values immobilières. Nous sommes l’un des quatre seuls pays à avoir un impôt sur la fortune immobilière (IFI), lequel s’applique presque uniquement au foncier. Cette situation fiscale entrave les cédants.

Évidemment, les réformes possibles ne relèvent pas du présent projet de loi et nous défendrons nos propositions lors de l’examen du projet de loi de finances. En premier lieu, nous devons harmoniser les droits de mutation, en tenant compte de la nature de l’activité. Par exemple, si vous voulez transmettre une exploitation familiale, vous êtes imposé sur la plus‑value, parce qu’on considère qu’il s’agit d’une cessation d’activité. Mais lorsque vous procédez en transférant des parts de société, vous bénéficiez d’exonérations de plus-values ; de plus, si le repreneur est encore présent et actif au bout de cinq ans, les plus-values sont annulées.

Deuxièmement, nous devons lever les freins que représente la fiscalité du foncier. On ne peut pas objecter que le foncier étant un outil patrimonial, on ne pourrait harmoniser sa fiscalité avec celle des actifs : le foncier est un outil d’exploitation. Beaucoup l’ont souligné, c’est à partir de la terre qu’on produit.

Il faut également poser la question de l’harmonisation du bail rural à long terme et du pacte Dutreil.

Nous devons enfin réfléchir à la méthode qu’emploie la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour calculer les droits de mutation. Comme elle procède par comparaison, elle intègre les acquisitions d’investisseurs, ce qui rehausse mécaniquement le prix moyen du foncier. Un agriculteur qui veut organiser sa transmission est donc confronté à une valeur de référence fiscale exorbitante.

Pour pouvoir effectuer ce travail, je vous propose d’adopter le présent amendement.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CE3626 est de cohérence.

Mme Florence Goulet (RN). Le sous-amendement CE3636 tend à indiquer que la période visée sera de dix ans. Pendant la crise agricole, le ministre Bruno Le Maire a fait des promesses. Nous le prenons au mot et voulons que soient précisés les avantages concédés aux agriculteurs.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable aux sous-amendements.

Nous l’assumons depuis le début, le texte ne contient pas de dispositifs fiscaux – ce n’est pas l’objet d’une loi d’orientation. En revanche, l’amendement du rapporteur général tend à engager le Gouvernement et le Parlement à réformer dès 2025 la fiscalité de la transmission. Cela fait écho aux annonces du Premier ministre, complétées le 27 avril : nous appliquerons des mesures visant notamment à améliorer la compétitivité des exploitations agricoles. Le Gouvernement a confié une mission conjointe à l’Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), relative à l’installation et à la transmission des exploitations. Leurs propositions pour améliorer les outils, fiscaux et non fiscaux, seront rendues d’ici à l’été et pourront utilement nourrir nos travaux préparatoires au projet de loi de finances pour 2025. J’émets donc un avis favorable à l’amendement.

M. Charles de Courson (LIOT). Je soutiens l’amendement. Toutefois, je répète que l’irrecevabilité dont tous les amendements fiscaux ont été frappés résulte d’une mauvaise application de l’article 45 de la Constitution. On peut déposer des amendements fiscaux sur n’importe quel texte, pourvu qu’il existe un lien. L’exposé sommaire de l’amendement de monsieur Girardin le souligne : on ne peut s’intéresser à l’installation sans envisager la transmission, en particulier dans sa dimension fiscale.

Est-il raisonnable de maintenir l’IFI sur les terres, quitte à le plafonner ? Pourquoi ne pas imposer sur la fortune les valeurs mobilières, beaucoup plus rentables ? L’IFI est concentré sur les terres, alors qu’elles sont le placement qui rapporte le moins. C’est aberrant !

S’agissant de la transmission, la loi Dutreil s’applique au secteur agricole, offrant 75 % d’exonération en contrepartie du maintien du caractère familial pendant cinq ans. Or cela oblige à monter des holdings familiales qui sont des « usines à gaz » et la durée de cinq ans est tout à fait insuffisante pour transmettre le foncier, car cela nécessite au moins dix à quinze ans. Pourquoi ne pas adopter une loi spécifique pour les exploitations individuelles, largement majoritaires ?

M. le président Stéphane Travert. Les amendements fiscaux ont été déclarés irrecevables parce que nous examinons une loi d’orientation, non une loi de programmation.

M. Charles de Courson (LIOT). Quel texte interdit de déposer des amendements fiscaux à une loi d’orientation ?

M. le président Stéphane Travert. Les accroches n’étaient pas là. D’autre part, le projet de loi de finances permettra de les discuter.

M. Charles de Courson (LIOT). Les accroches y étaient ! J’espère que nous allons voter l’amendement Girardin ; les amendements que j’avais déposés suivaient la même ligne. Je les redéposerai en vue de l’examen du texte en séance publique.

M. Dominique Potier (SOC). Je soutiens le contraire : il ne faut pas voter cet amendement !

D’abord, la rédaction est vague ; son adoption donnerait un blanc-seing à la majorité et au Gouvernement pour mener une réforme sans état des lieux ni étude d’impact préalable. Qu’est-ce qui est visé ? La grande propriété, le grand patrimoine foncier ou une véritable logique de transmission d’un capitalisme populaire et familial ? Nous n’en savons rien.

Ensuite, si vous voulez ouvrir la porte d’une réforme de la fiscalité, ouvrons-la complètement. Entre le gazole non routier (GNR), les exonérations fiscales sur les transmissions et la mécanisation, près de quatre milliards d’euros sont consacrés à l’agriculture. Or, sur la durée, la surmécanisation, favorisée par la fiscalité, pèse peut-être désormais davantage sur le revenu agricole que ne pèse la transmission du patrimoine.

Enfin, à cause des démembrements de propriété et du phénomène sociétaire mal maîtrisé, liés aux dérégulations, on assiste à un accaparement des terres et à une hausse des prix exponentielle. Et vous venez, avec des biens publics et des exonérations fiscales, rétablir des privilèges pour ceux qui ont spéculé sur le foncier ! Cela n’a aucun sens. Si vous ne votez pas en amont une loi de régulation à même de limiter le coût du foncier, donc de garantir la compétitivité de notre agriculture et de donner ses chances à une politique d’installation, une telle réforme fera perdre de l’argent public pour un bénéfice incertain, hormis celui de quelques privilégiés.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). J’ajoute qu’on ne vote pas une loi pour dire qu’on votera une loi. Le présent amendement révèle quel problème pose un projet de loi d’orientation ou de programmation qui ne prend pas en considération la question du foncier. Ce n’est pas sérieux.

Par ailleurs, je remercie M. le rapporteur général de son plaidoyer contre la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement vise à ajouter un alinéa déclaratif, dépourvu de tout caractère contraignant ; seul le projet de loi de finances pourra prévoir des réformes – il n’y a pas de blanc-seing. En revanche, il a le mérite d’envisager une évolution de la fiscalité ; contrairement à ce que vous affirmez, il permet de prendre en considération la question du foncier et de la manière dont on le transmet.

Vous êtes vent debout contre les démembrements, monsieur Potier, mais on pourrait très bien ouvrir des droits de succession en ligne directe à des repreneurs tiers, s’ils s’engageaient à exploiter les terres ; ainsi, le cédant garderait l’usufruit et le repreneur n’achèterait que l’exploitation. Le coût d’entrée diminuerait fortement et au moment du décès, grâce au remembrement, le tiers non familial devenu l’exploitant récupérerait le foncier. Un tel dispositif limiterait largement le phénomène de distorsion que vous dénoncez.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement fixe à l’État l’objectif de mener « une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles », sans préciser quel type de transmission sera concerné. Il est contradictoire avec l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure, qui vise l’objectif de quatre cent mille exploitations en France. Nous sommes tous d’accord pour nous doter d’une loi relative à l’installation et à la transmission. Ici, seule la transmission est visée : il peut s’agir de transmettre le foncier à la grande exploitation voisine ou de le vendre à une firme, au détriment du jeune qui veut s’installer. En aucun cas il ne s’agit d’un outil de nature à nous aider à atteindre notre objectif de quatre cent mille exploitations. Nous sommes totalement opposés à cet amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Potier avait déposé à l’article 1er un amendement visant à prévoir une loi relative au foncier.

M. Dominique Potier (SOC). Il a été déclaré irrecevable !

M. Marc Fesneau, ministre. Non, je crois que nous l’avons examiné.

Je comprends les inquiétudes que vous exprimez, mais rien dans l’amendement ne les justifie. La rédaction précise clairement les intentions : « garantir le renouvellement des générations d’exploitants agricoles et (…) pérenniser le modèle d’exploitation familiale ». Où est le loup ? Où est l’intention de céder les biens fonciers aux firmes multinationales, cachées et nombreuses, qui attendent de se jeter dessus ? L’objectif, c’est la transmission, le renouvellement des générations, l’installation. Lors de l’examen en séance, vous pourrez défendre un amendement visant à insérer le mot « installation » : son adoption n’empêchera personne de dormir.

Vous avez raison, monsieur Potier : dans un autre champ, nous devons réfléchir au lien entre la fiscalité et les charges de mécanisation. Nous sommes le pays du monde où ces dernières sont les plus élevées ; la fiscalité y a sans doute beaucoup contribué. Il faut que nous nous interrogions. Quand les années sont mauvaises, la dotation pour épargne de précaution constitue une meilleure solution.

Réfléchissons globalement. L’amendement du rapporteur général soulève la question de la fiscalité, que nous devrons examiner, il n’y a aucune raison de se faire peur avec.

M. Dominique Potier (SOC). « Homme de peu de foi », me dites-vous, me reprochant de ne pas croire sur parole le rapporteur général quant aux intentions de la majorité. C’est une simple question de forme démocratique. En déclarant irrecevables les amendements concernés, vous avez empêché d’inscrire pareillement dans le texte l’intention de réguler le marché foncier, y compris en recourant à des outils budgétaires, alors qu’une loi de cette nature est indispensable pour agir à la source. Avant d’autoriser demain 200, 300 ou 500 millions d’euros de défiscalisation, il faut conduire une étude d’impact pour mesurer l’incidence d’une dépense équivalente en aides à l’installation d’exploitants dépourvus de patrimoine familial, car cela permettrait d’évaluer l’efficacité de chaque euro investi dans l’un et l’autre dispositif. Là, vous voulez recourir à la défiscalisation, sans cadre, après avoir empêché le débat sur la régulation foncière. Vous comprendrez ma prudence et notre refus.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements et adopte l’amendement.

 

Amendements CE3406 de M. Pascal Lecamp et CE1434 de M. Jorys Bovet (discussion commune)

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Au nombre de 320, les services de remplacement sont fortement demandés ; ils comptent soixante-dix mille adhérents, soit environ 16 % des chefs d’entreprise agricole. Ce chiffre a considérablement augmenté au début des années 2000, mais il est désormais stable depuis plusieurs années.

Les services de remplacement aident les exploitants en difficulté ou remplacent ceux qui prennent des congés bien mérités. Ils constituent une solution pour renforcer l’attractivité des métiers du vivant et pour satisfaire les attentes socioprofessionnelles de ceux qui nourrissent un projet d’installation. Ils seront indispensables au renouvellement des générations.

L’amendement CE3406, cosigné par le rapporteur général, les trois rapporteurs et vous-même, monsieur le président, tend donc à inscrire dans le texte que l’État se donne pour objectif de bâtir une stratégie pour développer le recours aux services de remplacement et pour sécuriser juridiquement leur action.

M. Lionel Tivoli (RN). L’amendement CE1434 vise à développer les services de remplacement. Les contraintes du métier d’agriculteur et l’amplitude des horaires de travail constituent un frein à l’installation des jeunes. Les éleveurs en particulier sont ceux qui bénéficient le moins de vacances, puisque leur activité nécessite une présence quasi quotidienne dans l’exploitation.

M. Marc Fesneau, ministre. Il s’agit d’un sujet majeur. Les conditions de travail font obstacle à l’installation dans le secteur de l’élevage. Il faut que les conditions de vie des éleveurs se rapprochent de celles de leurs concitoyens, même si elles ne seront jamais tout à fait les mêmes. C’est pourquoi nous avons déjà soutenu les services de remplacement en adoptant jusqu’en 2025 la revalorisation du crédit d’impôt sur les dépenses des agriculteurs qui y recourent.

Monsieur le rapporteur, je suis favorable à votre amendement, sous réserve d’en supprimer la dernière phrase. Avec l’amendement ainsi rédigé, l’État se donnerait pour objectif « de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement », sans dire dès à présent aux parties prenantes, de manière autoritaire, en quoi consiste cette stratégie, qui nécessite une concertation.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je rectifie l’amendement en supprimant la dernière phrase. Par ailleurs, je demande le retrait de l’amendement CE1434, au profit du mien.

M. le président Stéphane Travert. L’amendement CE3406 rectifié est ainsi rédigé :

« Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« “II (nouveau). – Afin de prendre en compte les attentes sociales et professionnelles des personnes ayant un projet d’installation, l’État se donne comme objectif de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement permettant d’assurer la continuité du fonctionnement des exploitations agricoles lorsque les exploitants s’en absentent, notamment pour des motifs professionnels liés à la formation ou à l’activité syndicale ou pour des raisons personnelles, familiales ou de santé.” »

Mme Anne-Laure Blin (LR). Les services de remplacement sont nécessaires. Toutefois, j’ai du mal à évaluer les possibles effets du présent amendement. Quelles sont les faiblesses du système ? Qu’envisagez-vous de rectifier ? La réalité, c’est qu’un déficit de personnel rend difficile de trouver des éleveurs pour remplacer ceux qui auraient recours au dispositif.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Il faut mener un travail de terrain. Nous sommes conscients que le nucléaire manque de personnel, que l’électricité manque de personnel – tous les secteurs manquent de personnel. Nous ne résoudrons pas le problème démographique de la France sans accepter une autre forme d’immigration – mais c’est un autre sujet. France Services agriculture permettra de savoir où se trouvent les actifs agricoles, donc de fluidifier les affectations de ceux qui cherchent à travailler, et de débloquer des situations. Mais nous n’avons pas de baguette magique.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’omission des salariés agricoles constitue l’une des faiblesses du texte. S’il en avait été autrement, nous pourrions discuter de propositions précises pour coordonner les services de remplacement.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement du rapporteur, tel qu’il avait été déposé, était très bon du début à la fin. Il est très dommage d’en avoir supprimé la dernière phrase, qui précise quels leviers peuvent être activés pour développer les services de remplacement. Ces propositions font écho aux demandes des professionnels concernés – j’imagine qu’ils ont participé à leur élaboration.

L’amendement CE1434 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE3406 rectifié.

 

Amendements identiques CE3512 de la commission du développement durable et CE2035 de Mme Nathalie Bassire

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je laisse madame Bassire, qui en est l’autrice, présenter ces amendements identiques, auxquels je suis favorable.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Ils visent à intégrer le réflexe outre-mer à la fabrication de la norme, en l’espèce pour favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles et l’installation des agriculteurs. Dans chaque territoire ultramarin, le contexte local, géographique et démographique notamment, rend l’installation très difficile, en particulier hors cadre familial.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les collectivités d’outre-mer sont compétentes en matière d’installation et de transmission des exploitations agricoles. Les amendements remettraient en cause cette compétence. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Bassire, nous partageons l’objectif de mieux identifier les spécificités des territoires ultramarins, mais, si votre amendement était adopté, l’État marcherait en effet sur les plates-bandes des collectivités locales – je rappelle qu’outre‑mer, certaines compétences leur sont totalement dévolues. Mon intention étant de faire droit à votre demande, je vous propose donc de revoir la rédaction de votre amendement pour arriver à une énumération de quelques éléments.

Madame Blin, les services de remplacement posent des questions de formation – il faut prendre en compte les évolutions, y compris dans les métiers de l’élevage –, d’attractivité et de rémunération, enfin de fiscalité. Par ailleurs, certains agriculteurs préfèrent travailler, dans le cadre des services de remplacement, d’une exploitation à l’autre, sans être eux-mêmes responsables d’exploitation. Il me semble donc préférable de ne pas définir une stratégie à l’avance tant que nous n’avons pas consulté les partenaires.

Les amendements CE3512 et CE2035 sont retirés.

 

Amendement CE39 de M. Fabrice Brun

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Cet amendement propose que le Gouvernement remette tous les deux ans au Parlement un rapport détaillant le nombre d’installations et de renouvellement d’exploitations au regard des objectifs de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire du présent projet de loi.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que j’évoquais tout à l’heure à propos des bilans régionaux et nationaux prévus par le code rural.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 8 modifié.

 

 

La séance, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 17 heures 30.

 

 

Après l’article 8

 

Amendement CE2093 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Nous avons déjà beaucoup parlé du rôle de l’État dans l’installation et la transmission des exploitations, mais très peu, voire pas du tout, du rôle des régions. Cet amendement vise à rappeler expressément dans le code général des collectivités territoriales que parmi les compétences des régions figure le soutien à l’agriculture, notamment à l’installation des agriculteurs et à la transmission des exploitations.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le développement économique fait partie des compétences des régions, cela ne fait aucun doute. Par ailleurs, l’article L. 330-1 du code rural précise déjà le rôle des régions dans le domaine de l’installation, plus spécifiquement des aides à l’installation, et le projet de loi réaffirme ce rôle. Enfin, cet amendement risquerait de créer des effets contraires à votre intention en mettant en difficulté les régions dans l’exercice de leurs compétences. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. La précision de l’amendement est inutile. Le rôle des régions est déjà mentionné dans plusieurs textes et la politique d’installation est construite avec elles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2168 de M. Philippe Naillet et sous-amendement CE3657 de M. Dominique Potier

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement tend à créer un article dédié aux outre-mer. Il ne s’agit pas simplement, comme dans l’amendement adopté à l’article 1er, de reconnaître les spécificités de l’outre-mer, mais d’orienter de manière précise les politiques publiques visant à favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans les territoires d’outre-mer.

Le rapport sénatorial « Foncier agricole outre-mer : une reconquête nécessaire pour la souveraineté alimentaire », qui souligne les défis auxquels sont confrontés les territoires ultramarins, propose ainsi une stratégie pour renforcer la souveraineté alimentaire selon quatre axes : sauvegarder les terres agricoles déjà cultivées ; reconquérir des terres agricoles exploitables ; transmettre pour assurer la relève des générations ; aménager dans une perspective d’agriculture durable.

M. Dominique Potier (SOC). Le sous-amendement vise à corriger une erreur technique.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La préservation du foncier agricole est en effet un sujet sensible dans les collectivités d’outre-mer et de nombreux outils, que vous citez, d’ailleurs, permettent déjà de se saisir de la question. De plus, votre amendement présente des priorités nombreuses et variées, des préretraites agricoles aux moyens des Safer. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Il faut sans doute introduire dans le texte d’autres éléments spécifiques aux territoires ultramarins que l’amendement à l’article 1er que vous avez évoqué ; travaillons-y en vue de l’examen du texte en séance. Toutefois, votre amendement définit à lui seul une demi-politique agricole pour les territoires ultramarins. Avis défavorable.

M. Philippe Naillet (SOC). Les priorités fixées par cet amendement sont issues d’un rapport sénatorial.

Je propose, pour reprendre un mot souvent utilisé dans nos débats depuis hier, de « donner un cap ». C’est ce qui est attendu de ce projet de loi par tous ceux qui militent, à La Réunion et ailleurs, pour la souveraineté alimentaire.

M. Dominique Potier (SOC). Le texte prévoit des exonérations fiscales pour l’Île-de-France ; faisons en sorte qu’il n’oublie pas les îles d’outre-mer ! Cherchons pour la séance une voie pour faire droit à cette demande de tous les outre‑mer, puisque le rapport sénatorial a été adopté à l’unanimité.

M. Marc Fesneau, ministre. Plutôt que d’introduire des articles additionnels entiers au risque d’être bavards, je préfère que nous identifiions ensemble deux ou trois questions propres aux outre-mer. Je pense notamment à l’autonomie alimentaire des outre-mer, pour laquelle le Président de la République nous a demandé d’élaborer une stratégie.

M. Philippe Naillet (SOC). Je retire l’amendement pour le retravailler avant la séance, en espérant que vous nous apporterez votre soutien, monsieur le ministre.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE3634 de M. Éric Girardin

M. Éric Girardin, rapporteur général. Cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d’un dispositif d’aide au passage de relais pour les chefs d’exploitation qui sont à moins de cinq ans de l’âge légal de la retraite et subissent de graves difficultés économiques, familiales ou de santé.

M. Marc Fesneau, ministre. Il est normal que le Gouvernement rende des comptes au Parlement, mais je vous demande de ne pas multiplier les demandes de rapport pour éviter de surcharger les services du ministère, qui ne pourraient alors vous rendre les rapports dans les délais impartis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE655 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (LR). Cet amendement a pour but d’évoquer la question du cumul des aides de la PAC avec un départ à la retraite au-delà de 67 ans. Un agriculteur de plus de 67 ans ne peut désormais plus toucher ces aides, une modification qui n’a pas fait l’objet d’une communication particulière.

Plusieurs agriculteurs de ma circonscription ont appelé mon attention sur ses conséquences. Pour certaines cultures, en effet, les investissements sont engagés au cours de l’année antérieure à celle du versement des aides. En outre, même après 67 ans, les agriculteurs et agricultrices peuvent continuer de servir notre agriculture. Il est donc nécessaire d’envisager la possibilité de cumuler le bénéfice de la retraite et celui des aides de la PAC.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je doute de l’utilité d’un rapport à ce sujet : la question de l’âge maximum pour être considéré comme actif a dû faire l’objet d’intenses réflexions dans le cadre de l’élaboration de la PAC 2023-2027. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je rappelle que la mesure en question a été prise à la demande des Jeunes Agriculteurs, pour éviter certains effets d’aubaine, comme quand des personnes conservaient le statut d’agriculteur alors qu’elles mettaient leur terre à façon, empêchant ainsi toute installation.

Cette décision a été prise de manière transparente, mais elle a pu provoquer des difficultés d’anticipation pour un certain nombre de porteurs de projet. Nous avons traité les dossiers pour permettre à ceux qui le pouvaient de se mettre en règle dans les délais. Je ne souhaite pas revenir sur ces nouveaux critères, parce que la décision qui les a instaurés était juste.

Cela dit, elle a créé des tensions dans le paiement des aides, par exemple dans le cas d’un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) dont un membre a plus de 67 ans. Personne n’avait anticipé ces effets de bord. Nous travaillons donc à des ajustements du PSN pour les cas où un agriculteur touche une petite retraite tout en poursuivant ses activités agricoles.

Je donne donc un avis défavorable à cette demande de rapport, mais nous ferons un bilan.

M. Charles de Courson (LIOT). La règle des 67 ans pose effectivement problème : elle ne touche que les agriculteurs les plus modestes ; elle apparaît donc comme une sanction à géométrie variable. Je rappelle que certains secteurs, comme la viticulture ou les forestiers, n’ont pas à se poser la question, puisqu’ils ne touchent aucune aide de la PAC. D’ailleurs, si on pouvait supprimer toutes les aides PAC au profit de prix rémunérateurs, tout le monde s’en trouverait satisfait et nous n’aurions plus à discuter de ses critères d’attribution.

M. Dominique Potier (SOC). La mesure Denormandie a été la bienvenue et je soutiens le ministre sur ce point.

J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez la répartition des aides. Notre commission d’enquête sur les produits phytosanitaires a établi que 25 % des agriculteurs touchaient 66 % des aides, contre respectivement 20 % et 80 % à l’échelle européenne. Votre chiffre est différent. Pourriez-vous nous communiquer la répartition des aides si on enlève les deux derniers déciles, qui regroupent ceux qui ne touchent pas d’aides ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je prends en note votre demande.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE656 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (LR). Cet amendement vise à soutenir les travailleurs non salariés agricoles en demandant un rapport sur l’élargissement du dispositif Madelin agricole.

Ce dispositif permet de capitaliser pendant son activité pour améliorer ses futurs revenus de retraite, de bénéficier d’une déduction fiscale des cotisations acquittées et de verser une rente réversible à un bénéficiaire désigné en cas de décès. Toutefois, les travailleurs non salariés (TNS) agricoles ne peuvent souscrire un contrat de prévoyance ou une complémentaire santé dits Madelin, alors que les TNS non agricoles peuvent y avoir recours. L’application de ce dispositif dans les exploitations agricoles demeure floue et plusieurs exploitants ont été alertés par leur comptable à ce sujet.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ce sujet est trop éloigné du texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE779 de M. Vincent Descoeur

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit d’évaluer l’opportunité économique d’étendre aux salariés agricoles le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (Tode). Le besoin en main-d’œuvre, que ce soit pour la gestion de l’exploitation ou pour l’élevage des animaux, existe en effet toute l’année et les employeurs français subissent des coûts de main-d’œuvre supérieurs à ceux supportés par les agriculteurs des autres pays européens.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Mon avis sur les amendements de demande de rapport dépend du lien entre le sujet du rapport demandé et les questions de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire. Avis défavorable, donc.

M. Marc Fesneau, ministre. Rien ne vous empêche de vous saisir vous‑mêmes de ces questions au lieu d’en saisir le Gouvernement.

Sur le fond, le dispositif Tode avait pu être accepté lors des discussions européennes parce qu’il était ciblé. L’élargir aux salariés agricoles transformerait le dispositif, sans parler des questions financières. Un tel élargissement demande une réflexion fiscale et sociale globale.

Les charges ne sont pas les mêmes pour des spécialisations agricoles demandant beaucoup de main-d’œuvre, comme l’arboriculture, que pour celles où la part de la main-d’œuvre dans le coût du produit final est plus faible, comme l’élevage ou, a fortiori, les grandes cultures. Par ailleurs, dans les secteurs où la main-d’œuvre est importante, celle-ci est davantage occasionnelle. Il faut donc être prudent. La cible, ce sont les secteurs pour lesquels la main-d’œuvre est un élément central de la compétitivité, à la différence de ceux où il s’agit plutôt des impasses techniques, de la mécanisation ou du portage du foncier.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Vous n’avez pas répondu à ma question sur le dispositif Madelin agricole. J’ai posé à son sujet des questions écrites auxquelles il n’a jamais été répondu. J’ai donc déposé cet amendement pour avoir des éclaircissements de votre part.

M. Marc Fesneau, ministre. Je vais m’assurer que le délai de réponse aux questions écrites n’est pas trop long.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1028 et CE1029 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Ces deux demandes de rapport sont le moyen que j’ai trouvé pour entendre la position du Gouvernement sur les droits de succession en agriculture sans enfreindre l’article 40. De nombreuses interventions, venues de différents côtés, ont eu pour sujet la fiscalité comme outil pour faciliter l’installation des nouveaux venus en agriculture.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. J’avais prévu de m’en remettre à la sagesse de la commission concernant ces deux amendements, mais compte tenu de l’adoption de l’amendement du rapporteur général sur la réforme de la fiscalité, j’en demande le retrait.

M. Marc Fesneau. La fiscalité de la transmission est un sujet essentiel, mais l’amendement du rapporteur général détaille l’intention du législateur quant à une réforme dans ce domaine. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Je le répète, il faut un travail global sur la fiscalité et le social. On a empilé pendant vingt ans des dispositifs sans cohérence d’ensemble. Il est nécessaire de traiter les questions du foncier, de la transmissibilité, de l’installation des agriculteurs non issus du milieu agricole et des effets du dérèglement climatique sur la gestion des exploitations – mais ce dernier point concerne moins la transmission.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 

Article 9 : Mise en place d’un diagnostic modulaire des exploitations

 

Amendements de suppression CE51 de M. Julien Dive, CE696 de Mme Anne-Laure Blin, CE907 de M. Francis Dubois et CE2004 de M. Grégoire de Fournas

M. Julien Dive (LR). Je vais retirer mon amendement, car il tend à supprimer l’ensemble de l’article alors que ce qui pose problème ne concerne que certains alinéas.

Je comprends la logique du diagnostic des sols, mais il risque d’ouvrir la porte à de nombreux contentieux et de jeter l’opprobre sur l’exploitant. Dans ma région, sur le milliard d’obus tirés pendant la première guerre mondiale, 25 % sont encore présents dans les sols – mon frère, quand il laboure, en remonte tous les ans – où ils libèrent des substances nocives. Vers qui se tourner après une évaluation de cet état des sols : l’empereur Guillaume II ?

L’amendement CE51 est retiré.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Le dispositif prévu par l’article 9 me paraît dangereux pour les exploitants, à l’instar du diagnostic de performance énergétique (DPE) en matière de logement.

Ce DPE agricole semble être le signe d’une méfiance vis-à-vis de nos agriculteurs, premiers protecteurs de nos terres et de la biodiversité. Il est en totale contradiction avec l’objectif affiché par l’article 1er, qui est d’accompagner les agriculteurs.

M. Francis Dubois (LR). Des questions de faisabilité pratique se posent. Qu’en sera‑t-il de l’homogénéité et de la qualité des diagnostics compte tenu de la diversité des spécificités territoriales et des pratiques agricoles, qui rend difficile le choix de critères uniformes d’évaluation ? En outre, l’obligation pour les exploitants de faire réaliser ces diagnostics pourrait représenter une contrainte supplémentaire pour les bénéficiaires d’aides publiques, alors que l’objectif du texte est la simplification administrative et le soutien à notre agriculture.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Lors de la crise agricole, les agriculteurs demandaient d’abord de ne plus être ensevelis sous les normes. Or cet article rajoute encore des contraintes administratives. Les agriculteurs en ont assez !

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je comprends que la rédaction de l’article puisse poser problème. Lors de nos auditions, nous avons entendu des réactions négatives à ce propos. Nous les avons prises en compte : je propose plusieurs amendements de réécriture, notamment pour mentionner la modulation plutôt que la conditionnalité des aides publiques et pour rendre le diagnostic plus simple et plus lisible. Il ressort en tout cas des propositions du groupe de travail « Installation et transmission », réuni dans le cadre de la concertation préalable au projet de loi, que cet outil est attendu des agriculteurs.

Avis défavorable à ces amendements de suppression, afin que nous puissions en discuter.

M. Marc Fesneau, ministre. Sans compter les problèmes fonciers et capitalistiques, les agriculteurs qui s’installent vont se heurter à des difficultés liées aux effets du dérèglement climatique. Nous n’avons aucun intérêt à installer des gens en sachant que leur système n’est pas tenable. C’est pourquoi ce n’est pas une transmission-reprise qu’il faut faire, mais une transmission-transition. Nous ne pouvons pas écrire dans la loi que l’objectif est l’installation et le renouvellement des générations et qu’il est important de préparer les agriculteurs aux défis de demain sans nous poser la question du dérèglement climatique.

Je tiens à dissiper quelques ambiguïtés. Le diagnostic modulaire n’est pas obligatoire. Néanmoins, en matière de gestion des deniers publics, il ne semble pas aberrant – même si des assouplissements sont prévus par votre rapporteur – que l’État puisse refuser d’accorder des moyens à des installations vouées à l’échec. Le diagnostic sert non pas à empêcher les agriculteurs de s’installer, mais à leur donner les moyens de réussir. C’est bien un outil d’aide à la décision, à la transmission et à l’installation dans la durée.

La mention relative à la santé des sols peut en effet faire naître une ambiguïté. On sait que la présence de matières organiques est un élément déterminant de la productivité ainsi que de la capacité du sol à stocker du carbone ou de l’eau. Cette dimension doit donc être prise en compte. La rédaction de votre rapporteur me paraît à même de dissiper certains doutes.

Ce diagnostic modulaire est utile. S’en priver et installer de ce fait des gens qui seront dans l’impasse après cinq ans, voire trois ans, serait une erreur tragique. Un jeune arboriculteur qui s’installe dans les Pyrénées-Orientales doit savoir dans quelle mesure il aura accès à l’eau. L’aider dans sa décision, en lui disant de quel volume il aura besoin, quelles contraintes pèseront sur son exploitation et quel modèle il pourrait suivre, c’est lui rendre service.

Beaucoup d’entre vous ont été élus locaux et, à ce titre, se sont vu présenter des projets artisanaux ou commerciaux dont ils ont examiné leur viabilité pour en faire dépendre l’aide. C’est exactement la même chose. On n’invente rien : on applique seulement ce qui existe au sujet climatique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Cet article fait exception dans un texte qui ne contient pour ainsi dire aucune mesure permettant de s’attaquer au défi du renouvellement des générations. C’est d’ailleurs ce que nous ont dit les Jeunes agriculteurs (JA), qui nous ont proposé de le renforcer. Je suis très étonnée des propositions des Républicains. Avez-vous consulté les Jeunes agriculteurs, premiers concernés par le sujet ? Nous nous opposons avec force aux amendements de suppression.

M. Francis Dubois (LR). Mon amendement visait, de façon un peu provocatrice peut-être, à ouvrir un débat. On ne peut pas laisser des jeunes s’installer parce qu’ils ont envie de faire telle ou telle production. On a besoin d’un diagnostic. Si les propos du rapporteur sont plutôt rassurants, il faudra tout de même veiller à la juste rédaction de l’article, afin de prendre en compte tout le contexte économique autour de l’exploitation.

En Corrèze, il y a quelques années, on a incité nos agriculteurs à produire de la noix. Aujourd’hui, du fait des changements climatiques et sans qu’on les ait vu venir, on produit beaucoup plus de noix, mais on n’a pas les filières correspondantes et on ne sait que faire de toute cette production…

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous proposons quelques modifications rédactionnelles concernant ce diagnostic, qui est un bon outil. Il rendra service aux jeunes qui s’installent et qui ont besoin de connaître l’état de l’exploitation. Cela permettra aussi d’exposer différents scénarios, afin de les aider à faire leurs choix.

Plusieurs centres de recherche, dont l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et le Centre national de la recherche scientifique, travaillent sur l’analyse des sols. Leurs outils devraient bientôt être exploitables.

Mme Sandrine Le Feur (RE). Le diagnostic modulaire n’est pas contraignant pour les agriculteurs. Beaucoup font déjà faire des diagnostics de sol, qui ne leur coûtent rien, puisque des programmes opérationnels existent au sein des organisations de producteurs.

Un jeune qui veut s’installer réalise une évaluation économique de son projet ; si elle n’est pas favorable, on ne le laisse pas faire. Je trouverais normal qu’il y ait également une évaluation climatique et une évaluation sociale préalables. Un trop grand nombre d’agriculteurs et de productions souffrent du changement climatique.

M. Charles de Courson (LIOT). Le Conseil d’État considérait que le texte initial était anticonstitutionnel dans la mesure où il portait atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle. Qu’en est-il de celui dont nous sommes saisis ?

Mme Anne-Laure Blin (LR). Les agriculteurs sont des entrepreneurs. La liberté d’entreprendre est un principe constitutionnel. Croyez-vous qu’une personne qui veut se lancer dans une activité ne fait pas d’évaluation préalable ? Il faut accompagner nos entrepreneurs au lieu de leur imposer encore des contraintes, qui sont la raison des problèmes actuels d’installation.

M. Henri Alfandari (HOR). Je suis également sceptique. On semble considérer que quelqu’un qui va reprendre une activité ne s’intéresse ni à la manière dont elle est composée ni à sa viabilité économique et qu’il ne sait pas ce qu’il va en faire. Nous parlons de gens qu’il s’agit d’aider, pas de grands capitaux. Ces personnes auront des emprunts bancaires. Or, les banques demandent des garanties ; elles vont examiner la viabilité du projet.

Par ailleurs, dans les articles précédents, nous avons fait en sorte que les nouveaux agriculteurs sachent manager et aient plus de compétences. C’est d’autant plus étonnant de ne pas les estimer capables de faire cette analyse.

Enfin, je crains que ce diagnostic ne conduise à discriminer certaines pratiques.

Je voterai toutefois contre les amendements de suppression pour laisser une chance au débat.

M. Éric Girardin, rapporteur général. La plupart du temps, les transactions se font sur la base de la valeur patrimoniale, souvent très éloignée de la valeur économique, donc de la valeur d’usage. Le diagnostic proposé peut permettre d’opérer une correction ou, à tout le moins, de donner des éléments d’évaluation afin de trouver un juste milieu.

M. Antoine Armand (RE). Ce diagnostic est assez comparable aux dispositifs proposés dans d’autres activités économiques par BPI France ou par l’Agence de la transition écologique et qui consistent à soutenir les entreprises pour qu’elles puissent s’adapter au changement climatique et améliorer leur efficacité énergétique et leur éco-compétitivité. Le changement climatique est un phénomène exogène à toutes ces entreprises. Ni les banques, ni les assurances, ni la plupart des acteurs du monde économique ne sont encore capables de mesurer ses effets. C’est pourquoi il est tout à fait logique de soutenir les entrepreneurs agricoles grâce à ce dispositif d’accompagnement.

M. Thierry Benoit (HOR). Ce « diagnostic modulaire » est en réalité un audit. Je suis assez d’accord avec le rapporteur général. J’ai été témoin d’une installation, il y a quelques semaines, dans ma circonscription. Le cédant avait son centre de gestion, le jeune le sien, et chacun défendait son intérêt. Le diagnostic permettrait de disposer d’une expertise réalisée par un organisme neutre, qui offrirait un conseil éclairé et objectif pour favoriser la reprise. Mais, de grâce, monsieur le ministre, il faut quelque chose de simple ! Ici, le risque, c’est qu’on en rajoute après 2026. Soyons très précautionneux !

M. Marc Fesneau, ministre. Il y a en effet beaucoup de diagnostics en agriculture. Le diagnostic modulaire conduirait à examiner différents points au moment de l’installation. On ne ferait pas un jour le carbone, le lendemain la biodiversité, le surlendemain la haie, puis le stress test climatique et enfin le sol. Il faut grouper les sujets. Nous sommes bien d’accord : l’intention du législateur ne peut pas être d’en rajouter tous les matins. J’avais déjà compris, avant la crise, que la complexité des normes était un problème important.

Deuxièmement, l’interrogation, globale, doit intégrer la donnée climatique. Nous produisons un peu de noix dans le Loir-et-Cher et j’ai peur que l’on vous fasse concurrence, monsieur Dubois ! La géographie de la production va changer. Certains territoires ne produiront plus les mêmes choses. Ne pas en tenir compte au moment de l’installation serait tragique.

Monsieur Alfandari, je comprends vos doutes. Mais tous les jours, je rencontre des jeunes qui viennent de s’installer et qui sont déjà dans une impasse. Manifestement, on ne les a pas conseillés.

M. Henri Alfandari (HOR). On leur a aussi vendu des modèles non rentables !

M. Marc Fesneau, ministre. Ce n’est pas la seule raison. Installer un jeune sans accès sécurisé à l’eau, c’est l’envoyer en trois ans dans le mur. Ne pas accompagner des jeunes dans des zones où l’on sait qu’il y a régulièrement des épisodes de grêle, c’est pareil : trois années de chute quand vous venez de vous installer, et c’en est fini.

Je partage le point de vue de monsieur Benoit ; reste à savoir comment le traduire dans la loi. Nous avons tous de bonnes intentions, mais je sais comment cela se passe après dans la tuyauterie. Voyons donc comment rationaliser ce dispositif, mais il est indispensable.

Le Conseil d’État s’est principalement prononcé sur la globalité du texte. Ses doutes concernaient surtout France Services agriculture. Il lui semblait excessif de demander au cédant de déclarer qu’il voulait partir.

Je le répète, ceux qui voudront s’installer sans diagnostic le pourront. Cela étant, il ne faudra pas qu’ils demandent à être accompagnés financièrement si nous constatons que le projet n’est pas viable. C’est ce qui se passe dans les collectivités en pareil cas.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE3513 de la commission du développement durable et CE2133 de M. Dominique Potier, amendements identiques CE277 de M. Julien Dive, CE969 de M. Francis Dubois, CE1892 de M. Charles de Courson, CE2498 de Mme Louise Morel et amendement CE970 de M. Francis Dubois (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Nous souhaiterions améliorer la lisibilité de l’article, notamment en isolant chaque module du diagnostic par un tiret. Les premières lignes de notre amendement sont très proches de celles du rapporteur, qui s’est inspiré de son dialogue avec les Jeunes agriculteurs – les auteurs de cette initiative. Ce sont essentiellement des améliorations de forme, à l’exception d’une proposition plus politique – nous faisons de ce diagnostic la première étape d’un conseil agronomique global universel.

M. Francis Dubois (LR). L’idée est bien de faire de ce diagnostic un outil et non une contrainte. Il paraît indispensable de déployer d’autres modules : analyse de la performance, de la production et de ses débouchés – dans notre quête de souveraineté alimentaire, il ne faut pas avoir peur de dire qu’il faut produire et qu’il y ait des débouchés –, ainsi que des capacités de diversification et de restructuration et de l’environnement fiscal et social.

M. Charles de Courson (LIOT). Le diagnostic modulaire s’appliquerait au plus tard en 2026. Nous proposons de reformuler l’article et d’en supprimer le module d’évaluation de la qualité et de la santé des sols, qui n’est pas souhaité par les Jeunes agriculteurs. Pour ceux qui louent des terres, un état des lieux est fait à l’entrée. Ce serait redondant. Nous souhaitons également que l’État travaille au développement d’autres modules, sur la performance de l’exploitation et l’analyse des productions et de leurs débouchés.

Mme Louise Morel (Dem). L’idée est bien d’avoir un diagnostic modulaire à 360 degrés.

M. Francis Dubois (LR). Nous proposons de mettre en avant la transition agronomique nécessaire pour être résilients face au changement climatique et de prendre en compte la spécificité des zones d’élevage.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les amendements CE3513 et CE2133 proposent un grand nombre de modules, en précisant que le diagnostic constitue la première étape d’un conseil agronomique global universel et obligatoire, périodiquement actualisé. Cela ne correspond pas à ce que nous recherchons. Mon amendement CE3398 devrait simplifier le diagnostic et en clarifier la finalité, qui doit être d’aider l’agriculteur, notamment dans certaines phases clés de la vie de l’exploitation. Ce doit être un outil, pas une contrainte.

La rédaction des amendements CE277 et identiques est très complète – j’y retrouve d’ailleurs la « patte » des JA, que j’ai moi-même rencontrés. Ils comportent des formulations intéressantes, ce qui me conforte dans l’idée que nous pouvons arriver à une position plus consensuelle autour du diagnostic modulaire. Toutefois, la liste des modules est trop longue. N’allons pas effrayer les agriculteurs : limitons-nous à l’essentiel pour atteindre nos objectifs communs.

Monsieur Dubois, vous proposez de supprimer le diagnostic des sols. Je vous suggère d’en parler aux alinéas 3 et 4. Ne nous privons pas d’une discussion alinéa par alinéa.

Demande de retrait au profit de mon amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Votre rapporteur a proposé un certain nombre de réécritures dans ses amendements CE3398, CE3399 et CE3400, lequel apporte des précisions sur l’analyse des sols, votre principal sujet d’inquiétude. Demande de retrait au profit de ces amendements ; sinon, avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Je crains que l’examen de cet article ne soit l’occasion de refaire tous les débats que nous avons déjà eus. Notre amendement est purement technique, exception faite de la mention du conseil agronomique universel, que vous pouvez refuser. Monsieur le rapporteur, ne serait-il pas possible de synthétiser vos amendements et le nôtre en un amendement de réécriture globale qui nous ferait gagner deux heures ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je vais essayer de répondre de manière synthétique, technique et non politique.

Mes amendements sont très simples. Ils clarifient plusieurs points, notamment les trois aspects clés du diagnostic – économique, environnemental et social : l’objet de l’évaluation de l’exploitation sous l’angle de sa résilience face aux conséquences du changement climatique ; celui de l’évaluation des sols, qui est de mieux connaître la matière organique présente ; enfin, le fait que l’État puisse étudier les conditions dans lesquelles la réalisation de ces modules pourrait conduire à la modulation ou au conditionnement des aides.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Deux cents amendements ont été déposés à l’article 9. Monsieur Potier propose de prendre quelques minutes pour voir s’il est possible de récrire ensemble cet article, ce qui pourrait nous faire gagner du temps.

M. Dominique Potier (SOC). On gagnerait deux heures de débat !

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne garantis jamais que l’on gagne deux heures de débat… Il faudra prendre un peu de temps pour récrire l’article ; cela ne va pas se faire en un quart d’heure sur un coin de table. Monsieur Potier, vous parlez de simplification, mais vous introduisez aussi des éléments qui ne sont pas dans le texte.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Vous pouvez sous-amender !

M. Marc Fesneau, ministre. Cela ne me gênerait pas. Mais il faudrait au moins une heure d’interruption pour récrire le texte proprement. Et je ne suis pas sûr que vos collègues soient d’accord avec l’intégralité de votre amendement, monsieur Potier.

M. Thierry Benoit (HOR). Faire une synthèse de deux cents amendements !

M. Marc Fesneau, ministre. Malgré toute ma bonne volonté, je ne vois pas comment ce serait possible. Tout le monde ne part pas du même point et l’amendement n’est pas une synthèse.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Nous pourrions peut-être le récrire pour la séance publique, en tenant compte de tous les points. L’un d’entre eux me paraît important : le nom. Quand vous dites « diagnostic modulaire », les trois quarts des agriculteurs ne comprennent pas. Il faut des éléments très simples qui facilitent l’installation.

M. le président Stéphane Travert. Je ne crois pas à une longue suspension qui nous mènerait à l’accord ultime sur une rédaction synthétique, parce qu’en effet, nous ne partons pas du même point. Le plus raisonnable est de travailler sur une nouvelle version pour la séance. Le rapporteur a fait trois propositions qui peuvent nous permettre de trouver un premier consensus.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur Potier, votre proposition est sympathique. Mais sommes-nous d’accord sur le module d’expertise des sols ? Les Jeunes Agriculteurs disent, à juste titre, qu’il est inutile qu’un locataire fasse réaliser celle-ci deux fois. Est-on d’accord pour rendre ce module facultatif ? Par ailleurs, qui prend en charge tous ces coûts ?

M. le président Stéphane Travert. Compte tenu du grand nombre d’amendements qu’il nous reste à examiner, il faut éviter de nous enliser.

L’amendement CE2498 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.

 

Amendement CE3398 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3593 de M. Dominique Potier, CE3639 de M. Charles de Courson, CE3665 de Mme Aurélie Trouvé, CE3660 de Mme Manon Meunier, CE3637 de M. Grégoire de Fournas, CE3666 de Mme Manon Meunier, CE3591 de M. Dominique Potier, CE3663 de Mme Aurélie Trouvé, CE3592 de M. Dominique Potier, sousamendements identiques CE3601 de M. Dominique Potier et CE3664 de Mme Mathilde Hignet et sous-amendements CE3600 de M. Dominique Potier et CE3661 de Mme Aurélie Trouvé

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Pour la clarté du diagnostic, l’amendement a pour finalités de faciliter les transmissions en mettant fin aux incertitudes, tant pour le cédant que pour le repreneur, sur les caractéristiques de l’exploitation à transmettre, de faciliter la construction des projets d’installation et de renforcer la viabilité économique des projets dans un contexte climatique de plus en plus incertain. Ces précisions méritaient d’être apportées pour partir sur une base saine de discussion et montrer sans ambiguïté que le seul bénéficiaire de cet outil doit être l’exploitant agricole.

Je rappelle par ailleurs que le diagnostic n’est pas obligatoire, ce qui répond aux demandes exprimées par la plupart des personnes que nous avons auditionnées.

M. Charles de Courson (LIOT). Mon sous-amendement CE3639 tend uniquement à remplacer le mot « cadre » par le mot « dispositif ».

L’amendement CE3665 est retiré.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Le sous-amendement CE3660 vise à apporter aux exploitants un accompagnement humain et technique durable, indispensable pour que le diagnostic soit utile sur le terrain.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Afin de ne pas mettre en péril les projets de transmission ou de reprise, le diagnostic ne doit pas être communiqué à des tiers, notamment aux banques et établissements de crédit. Le sous-amendement CE3637 tend à en assurer le caractère privé.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Le sous-amendement CE3666 vise à ajouter aux objectifs d’installation et de transmission ceux de diversification et de restructuration.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Le sous-amendement CE3664, travaillé avec les coopératives d’utilisation de matériel agricole – la France est leader européen des charges de mécanisation –, a pour objet de faire participer le diagnostic à l’amélioration de la maîtrise des coûts et à la stratégie liée à la mécanisation.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Le sous-amendement CE3661 vise à spécifier que le diagnostic, bien que recourant à l’expertise d’entreprises privées, relèvera bien d’une mission de service public exercée sous la responsabilité de l’État et qu’il sera accessible à toutes les exploitations agricoles.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis défavorable au sous‑amendement CE3593, favorable au sous-amendement CE3639, défavorable aux sous-amendements CE3660, CE3637, CE3666, CE3591, CE3663 et CE3592, favorable aux sous-amendements identiques CE3601 et CE3664 et défavorable aux sous-amendements CE3600 et CE3661.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable à tous les sous‑amendements, à l’exception du CE3639, pour lequel je m’en remets à la sagesse de la commission, comme au sujet des sous-amendements CE3600 et CE3601.

La commission rejette successivement les sous-amendements CE3593, CE3639, CE3660, CE3637, CE3666, CE3591, CE3663 et CE3592.

Elle adopte successivement les sous-amendements identiques CE3601 et CE3664 et le sous-amendement CE3600.

Elle rejette le sous-amendement CE3661.

Elle adopte l’amendement CE3398 sous-amendé.

En conséquence, les autres amendements se rapportant aux alinéas 1 et 2 tombent.

 

Amendement CE2060 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Les diagnostics pourraient constituer une charge financière trop importante pour certains agriculteurs. L’amendement vise donc à ce qu’ils soient rendus optionnels, à moins de faire l’objet d’un financement public dédié. Plus globalement, il demande au Gouvernement de clarifier le financement de ce nouveau dispositif.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le diagnostic n’est en rien obligatoire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CE652 et CE705 de Mme Anne-Laure Blin.

 

Amendements identiques CE3256 de Mme Marie Pochon et CE3465 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il s’agit d’ajouter la gestion durable des haies aux pratiques évaluées lors du diagnostic.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2409 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il vise à ajouter au module un volet relatif à la résilience de l’exploitation face à l’érosion de la biodiversité. Le diagnostic étant facultatif, il ne s’agirait que d’un outil de plus mis à la disposition des exploitants, et portant plus particulièrement sur les haies.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La multiplication des objets de l’évaluation, qui traduit certes des préoccupations légitimes, rendrait le dispositif illisible et trop complexe. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Il importe de prendre en compte la biodiversité au même titre que le changement climatique, car ce sont les deux facteurs qui, selon sl’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, provoquent des baisses de rendement. Je vous renvoie aux conclusions de notre mission d’information sur le sujet. Si cet amendement n’est pas adopté, nous nous bornerons un peu plus loin à demander l’insertion du mot « biodiversité » dans une liste. En tout cas, cette mention est fondamentale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE3399 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3617 de Mme Marie Pochon et CE3668 de Mme Aurélie Trouvé

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’objectif de cet amendement est de dissiper toute ambiguïté quant à l’objet de l’évaluation de l’exploitation du point de vue de sa résilience face aux conséquences du changement climatique. Il s’agit bien de s’assurer du potentiel économique de l’exploitation dans un contexte de changement climatique, notamment pour s’assurer que le porteur de projet d’installation ait toutes les cartes en main pour bâtir un projet viable. L’outil ne doit pas pouvoir être utilisé à des fins contraires à l’intérêt des exploitants agricole, notamment en alimentant des spéculations sur le foncier agricole.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). La formulation initiale du projet de loi prévoit une attention aux spécificités territoriales relatives aux sols, qui ne se limitent pas aux caractéristiques pédoclimatiques de ces derniers. Il est donc important d’ajouter au diagnostic la question des sols au-delà de leurs seules conditions de température, d’humidité et d’aération. Une meilleure connaissance de la qualité et de la santé des sols est un véritable atout pour connaître les éventuelles vulnérabilités d’une exploitation et pouvoir renforcer sa résilience face aux chocs à venir. Ainsi, la communauté de communes du Diois s’est dotée de la compétence en matière de diagnostic sur les sols et en fait bénéficier les agriculteurs.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le module d’évaluation ayant pour objet de fournir une information claire et transparente sur l’état des sols est proposé à l’alinéa 4. Avis défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Le sous-amendement CE3668 vise à ajouter parmi les spécificités territoriales des exploitations la biodiversité, qui est un atout essentiel pour ces dernières.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ça ne change pas grand-chose. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. À force de ne pas changer grand-chose, cela va faire beaucoup ! Nous sommes tous convenus que nous devions parvenir à un texte lisible et clair et qu’il ne fallait pas rajouter plus que le nécessaire. Avis défavorable.

Mme Stella Dupont (RE). Il est probable que l’adoption de cet amendement fera tomber mon propre amendement CE3220. L’enjeu de la biodiversité est essentiel ; les exploitants agricoles connaissent bien le sujet. Faire un diagnostic simple qui soit néanmoins assez global pour embrasser l’ensemble des problèmes est un exercice difficile. Je propose d’y intégrer la biodiversité et la question du mode d’exploitation de l’eau, envisagée ici en termes qualitatifs, sur un terrain donné.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous ayez eu le temps de lire cette nuit le rapport de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles, que je vous ai remis hier soir… Il ne faut certes pas faire de liste à la Prévert, mais je ne vois pas comment vous pouvez dissocier la biodiversité de la ressource en eau ou des caractéristiques pédoclimatiques. La biodiversité est une caractéristique essentielle, qui doit être prise en compte dans les diagnostics et dont la chute provoque des pertes de rendement, par manque de vivant dans les sols et de pollinisateurs.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur, comment s’articule la prise en compte de la qualité pédoclimatique envisagée par cet amendement avec l’« information claire et transparente sur l’état des sols » prévue par votre amendement CE3400 ? N’y a-t-il pas là une redite ?

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE3220 de Mme Stella Dupont, CE115 de Mme Christelle Petex, CE3257 de Mme Marie Pochon et CE3477 de Mme Manon Meunier, CE1740 de M. Bertrand Petit, CE3258 de Mme Marie Pochon et CE3324 de Mme AnneLaurence Petel tombent.

 

Amendement CE1447 de M. Charles Fournier

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il vise à garantir la compatibilité du nouveau diagnostic avec les méthodologies existantes qui intègrent déjà ces enjeux et ont fait leurs preuves sur le terrain. Ainsi, le diagnostic « durabilité » du réseau  des centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam), le diagnostic « agriculture paysanne » de la Fédération des associations pour le développement de l’emploi agricole et rural (Fadear), le double outil « diagnostic climat » et « prix de revient » de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) ou le diagnostic « reconception de système » du GAB 44 (Groupement des agriculteurs bio de Loire-Atlantique) sont autant de réussites dont bénéficient les agriculteurs sur le terrain. Il serait regrettable qu’en voulant encadrer la démarche de diagnostic, l’État n’aboutisse qu’à réduire l’offre d’accompagnement disponible pour les agriculteurs.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vous énoncez une évidence. Le dispositif doit être cohérent avec ceux qui ont déjà été développés par les acteurs de l’accompagnement et devrait même les intégrer dans son champ d’étude. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Il nous faut des articles sobres. Avis défavorable.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Vous dites que ces initiatives et les dispositifs existants sur les territoires devraient tous être intégrés dans la définition du cadre, mais je ne crois pas que ce soit prévu. La loi permettrait de le garantir.

Mme Sandra Marsaud (RE). Il y aurait lieu de compiler les dispositifs existants, notamment ceux qu’ont instaurés les chambres d’agriculture et les régions. Les nombreux amendements proposés pourraient ajouter de la complexité là où, face à la crise que connaissent les agriculteurs, nous devons viser à plus de simplicité et à moins de formalités administratives. Il serait bon de faire dépendre la réalisation du diagnostic des études qui existent déjà. Je pense aussi à la feuille de route Néo Terra, en Nouvelle-Aquitaine, qui éco-conditionne les aides, y compris à l’agriculture. Il faut savoir où nous allons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE317 de M. Julien Dive, CE476 de Mme Françoise Buffet, CE751 de M. Jean-Pierre Vigier, CE982 de M. Francis Dubois, CE1361 de M. Charles de Courson, CE1416 de M. Grégoire de Fournas et CE2471 de M. Nicolas Pacquot

M. Julien Dive (LR). Malgré les appels à la simplification lancés par le ministre, l’amendement du rapporteur que nous avons adopté rend l’alinéa 3 plus complexe. Quant à l’alinéa 4, il est dangereux, car il ouvre la porte à de nombreux contentieux. L’amendement CE317 vise donc à sa suppression.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Nous sommes en train de charger lourdement la barque pour les agriculteurs, qui ont besoin de choses simples. Au lieu d’empiler les dispositifs, il faut les laisser produire : ils savent très bien faire.

M. Francis Dubois (LR). L’amendement du rapporteur que nous avons adopté tout à l’heure complique plus qu’il ne simplifie. On peut prendre en considération la teneur en matière organique, mais il faut s’arrêter là.

M. Charles de Courson (LIOT). Le module d’observation des sols risque de se traduire par de nouvelles contraintes normatives, à contresens des objectifs de simplification et d’attractivité du reste du texte.

Par ailleurs, est-il utile, au moment où l’on reprend des terres à un propriétaire bailleur, en succédant par exemple à ses parents, de procéder à un état des sols après l’état des lieux déjà réalisé à cette occasion ? Il faudrait au moins soustraire au diagnostic des sols toutes les parcelles qui font déjà l’objet d’un état des lieux dans ce cadre. C’est d’ailleurs ce que demandent les Jeunes Agriculteurs, qui souhaitent que nous cessions de compliquer le dispositif.

M. Nicolas Meizonnet (RN). À l’heure où nos agriculteurs réclament de la simplification normative, on va leur imposer une obligation supplémentaire qui aggravera encore leurs difficultés, alors même que l’Union européenne travaille à l’élaboration d’une directive relative à la surveillance des sols sans diagnostic. C’est donc, là encore, une sur‑transposition.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. En ce qui concerne l’alinéa 3, je comprends les critiques. Mais nous avons réduit la taille de l’article, qui est désormais plus simple.

Pour ce qui est de l’alinéa 4, je propose une rédaction d’une phrase et demie : « Il comporte un module d’évaluation ayant pour objet de fournir une information claire et transparente sur l’état des sols, en particulier concernant la matière organique présente. » Cette formulation lisible se justifie par le fait qu’il est indispensable de connaître la matière organique présente dans les sols de l’exploitation sur laquelle s’installe un agriculteur.

Avis défavorable aux amendements, au profit de cette rédaction.

M. Marc Fesneau, ministre. Vos collègues Benoit, Vigier et Dive ont raison : si nous nous en sommes tenus jusqu’à présent à la simplification, ce n’est pas le cas pour cet article. D’une manière générale, tout ce qui viendra compliquer le dispositif recevra donc un avis défavorable du Gouvernement.

Il serait dommage de supprimer purement et simplement l’alinéa 4 et de se priver ainsi d’une connaissance des sols. Le rapporteur propose une première réécriture, qu’il est peut-être possible de simplifier encore, mais sur laquelle j’aurais tendance à donner un avis favorable. Globalement, nous devons veiller à la simplification – et le Gouvernement s’y emploiera. De fait, même si le diagnostic proposé est facultatif – car il n’est pas question de le rendre obligatoire –, si nous le dotons de tant de modules, personne n’y recourra. Veillons donc à ne pas dénaturer le dispositif, même avec les meilleures intentions du monde.

Je demande par conséquent le retrait des amendements identiques. À défaut, avis défavorable.

M. Thierry Benoit (HOR). Le premier alinéa de l’article 9 soulève une vraie difficulté, car il crée, pour 2026, un dispositif qui n’est pas précisé et qui
– puisque la région en sera partenaire – sera différent dans chaque région. Un diagnostic, soit ! Mais il faut savoir quel est cet outil, qui le met en œuvre, combien il coûte et dans quelles conditions il est employé. Or, les multiples alinéas de l’article 9 le rendent trop complexe. Puisque nous en sommes à l’examen en commission, qui est le moment d’en débattre, je ne le voterai pas en l’état. Le Gouvernement a le temps d’ajuster et de préciser le dispositif d’ici à l’examen en séance publique.

Vous l’avez dit, Monsieur le ministre : nous devons simplifier la vie des agriculteurs, notamment des jeunes agriculteurs candidats à l’installation ; or nous n’en prenons pas le chemin, même si un audit peut être utile. En l’espèce, nous ne savons pas où le rédacteur du premier alinéa veut nous mener et, si nous le votons, nous ne saurons pas expliquer ce que nous aurons voté.

Mme Françoise Buffet (RE). J’entends que le diagnostic ne serait pas obligatoire, mais je comprends aussi qu’il serait une condition de l’attribution des aides de l’État : est-ce bien ce qui est prévu ?

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Quels sont donc, parmi les amendements qui ont été adoptés – c’est-à-dire ceux du rapporteur… –, ceux qui rendraient plus complexe le diagnostic ? Celui-ci est désormais seulement un « cadre », qui plus est facultatif. Je vois surtout, en tant qu’écologiste, qu’on est en train de réduire les critères. En ce qui concerne les sols, l’amendement est plutôt moins-disant, comme le reste de la nouvelle rédaction de l’article 9.

M. Francis Dubois (LR). Il n’est pas écrit que le diagnostic est facultatif – mais il n’est pas précisé non plus qu’il est obligatoire. Je partage le point de vue de notre collègue Thierry Benoit. En Nouvelle-Aquitaine, par exemple, quels diagnostics modulaires la région proposera-t-elle aux agriculteurs ? Je suis extrêmement inquiet. Les diagnostics seront différents d’une région à l’autre. Et qui prendra en charge les diagnostics ? L’État va-t-il payer la région pour, au bout du compte, quelque chose d’autre que ce que prévoit la loi ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous sommes dans une impasse. Il y avait, au départ, un large consensus sur la nécessité de trouver un outil pour assurer la transition entre le cédant et l’entrant. Les organisations que nous avons auditionnées l’ont demandé, en particulier les Jeunes Agriculteurs, qui souhaitent que le repreneur sache ce qu’il reprend.

Nous ne sommes manifestement pas parvenus à un consensus sur l’article, mais il ne faut pas le supprimer, sous peine de ne répondre à aucune des attentes des organisations syndicales agricoles. Je suis prêt à mener tous les travaux nécessaires, avec qui il faudra – une réécriture est sans doute requise –, mais il faut un outil pour fluidifier la transmission entre les générations.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3400 de M. Pascal Lecamp et sous-amendement CE3640 de M. Charles de Courson

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Mon amendement prévoit simplement que le diagnostic « comporte un module d’évaluation ayant pour objet de fournir une information claire et transparente sur l’état des sols, en particulier concernant la matière organique présente ».

M. Charles de Courson (LIOT). Le sous-amendement revient sur le problème que j’ai soulevé tout à l’heure, à savoir l’articulation avec l’état des lieux obligatoirement réalisé en cas de conclusion d’un bail rural. Je propose de sortir du dispositif les parcelles ayant déjà fait l’objet d’un état des lieux dans ce cadre.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je vais essayer de vous répondre. Les états des lieux d’entrée et de sortie ne sont réalisés que dans 20 % des cas en ce qui concerne les exploitations de grandes cultures et 50 % des cas pour l’élevage, bien que le code rural rende ces documents obligatoires. Par ailleurs, les transmissions de terre ne coïncident pas toujours avec les reprises de bail. Il est donc important qu’un diagnostic soit réalisé au moment de la transmission. Avis défavorable, mais nous pourrons retravailler la question en partant de ce qui existe déjà dans le code rural.

M. Marc Fesneau, ministre. Sagesse. Le sous-amendement permettrait d’éviter de faire les choses deux fois, tout en soulignant que le diagnostic est facultatif.

M. Julien Dive (LR). J’aimerais savoir ce que le rapporteur entend par « une information claire et transparente sur l’état des sols, en particulier concernant la matière organique présente ». Il aurait fallu ne mentionner que le dernier point, mais, en l’état, visez-vous les caractéristiques culturales des sols – le fait qu’ils sont argilo-calcaires, par exemple ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Oui, entre autres. Il s’agit notamment de savoir quelles cultures on peut pratiquer.

M. Pascal Lavergne (RE). C’est donc de ce qu’on appelle la « texture » du sol qu’il s’agit.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur, si des propriétaires ne réalisent pas un état des lieux, comme vous en avez évoqué la possibilité, c’est leur problème et il faudra dès lors que les parcelles fassent l’objet du diagnostic prévu par cet article. Mon sous-amendement précise bien que ce sera « à défaut de réalisation d’un état des lieux au sens de l’article L. 4114 du code rural et de la pêche maritime ».

Comment les états des lieux sont-ils réalisés ? Beaucoup de propriétaires ne sont pas très compétents en la matière et ils demandent donc à un expert de faire un diagnostic, parcelle par parcelle, sur ce qui reste dans les sols, pour savoir s’ils ont été correctement entretenus – sinon, on demande au sortant de les remettre en état.

M. Éric Girardin, rapporteur général. Je rejoins notre collègue Charles de Courson. Les terres qui ont déjà fait l’objet d’un état des lieux ne doivent pas repasser sous les fourches caudines du diagnostic. Je suis donc favorable au sous-amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, les autres amendements se rapportant à l’alinéa 4 tombent.

 

Amendements identiques CE1451 de M. Charles Fournier, CE2210 de M. David Taupiac et CE2350 de M. Loïc Prud’homme

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement CE1451 vise à intégrer dans les diagnostics un module relatif à la reconception de système, qui vise à explorer des hypothèses de diversification des productions agricoles, notamment par la mise en place d’ateliers complémentaires de production et l’adoption de pratiques agroécologiques.

Des études sur des fermes ainsi restructurées et diversifiées ont confirmé que cela permettait d’augmenter le nombre d’actifs, de faciliter les installations, d’améliorer les conditions de travail, d’augmenter l’autonomie alimentaire dans l’élevage et, en général, la durabilité et la résilience des exploitations et de contribuer au dynamisme et à la souveraineté alimentaire des territoires.

M. David Taupiac (LIOT). Ce type de diagnostic pourrait être utilisé pour certains publics, surtout les personnes non issues du milieu agricole qui s’installent – elles représentent désormais 60 % des candidats à l’installation. L’accompagnement doit évoluer avec les profils des agriculteurs. Le dispositif pourra servir à restructurer des exploitations. Quatre jeunes agriculteurs se sont installés, par exemple, dans une exploitation de mon département, le Gers, qui était tournée vers la polyculture et l’élevage de porcs ; ils font désormais de l’élevage de porc noir gascon, de la production pour des boissons végétales, du maraîchage et du fromage. On voit là les enjeux de la diversification.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). J’ai visité, avec notre collègue Aurélie Trouvé, une ferme de vaches laitières située à Sérent, dans le Morbihan, où se sont installés des jeunes. Alors qu’il y avait jusque-là un exploitant pour 80 hectares, le nombre d’UTH (unités de travail humain) est passé à 8,5 ; il y a des cultures, un atelier de volaille, des bovins viande et des porcs plein air et la ferme produit du jus de pomme. Cette diversification a eu sur le territoire l’impact positif que madame Pochon a évoqué : augmentation du nombre d’actifs, amélioration des conditions de travail – les remplacements le week-end, par exemple, sont plus faciles – et de l’autonomie alimentaire, notamment dans l’élevage.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vous faites une confusion avec l’accompagnement des projets d’installation ou de restructuration, qui relève de l’article 10, relatif au réseau France Services agriculture. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2292 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit d’ajouter un module d’analyse de la performance de l’exploitation, qui permettra notamment au repreneur de mieux anticiper le potentiel de son projet d’activité et d’envisager des scénarios de diversification. Cette proposition a été travaillée avec les Jeunes Agriculteurs du Finistère.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Un tel module, à ce stade, ne me semble pas prioritaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2032 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement tend à créer un module permettant d’évaluer la viabilité économique de l’exploitation, en tenant compte non seulement de sa valeur vénale, mais aussi de la rentabilité du projet d’installation. L’analyse de la performance sera fondée sur les productions et leurs débouchés, les capacités de diversification et de restructuration ainsi que l’environnement fiscal. Une évaluation sociale y sera adossée.

Beaucoup de nouveaux installés font énormément d’heures, mais leur engagement évolue dans la durée et le modèle économique peut donc être altéré. Son adéquation avec le modèle social nous semble déterminante ; le module que nous proposons serait l’occasion de travailler la question en amont.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ce module supplémentaire correspond à une idée exprimée par beaucoup d’acteurs lors des auditions et séduisante en première approche. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu’elle conduise à un cadre homogène pour le diagnostic au niveau national et il existe un risque que les moyens ainsi mobilisés soient disproportionnés par rapport à l’intérêt concret qui pourrait en résulter pour les exploitants agricoles. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. Pascal Lavergne (RE). Avant d’avoir une exploitation familiale individuelle, j’ai installé pas mal de jeunes en tant que conseiller agricole. Nous sommes en train de prévoir dans la loi de quelle façon les conseillers agricoles et en entreprise doivent s’occuper de ceux qui veulent s’installer. Faisons plutôt confiance à nos institutions, aux chambres d’agriculture, aux Civam, à France Services agriculture demain, et à tous les techniciens qui sont en mesure de dire si les exploitations seront viables.

 

Amendements identiques CE1012 de Mme Chantal Jourdan, CE2290 de Mme Mélanie Thomin et CE3261 de Mme Marie Pochon et amendement CE244 de M. Dominique Potier (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous proposons d’ajouter un module d’évaluation de la durabilité sociale de l’exploitation : il s’agit d’emploi, de qualité de vie, de conditions de travail et de développement des compétences.

Je profite de cet amendement pour redemander si le diagnostic sera obligatoire. Cela aurait un sens, étant entendu qu’il faudra alors un accompagnement financier.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mon amendement vise à enrichir le diagnostic modulaire en lui ajoutant l’évaluation de la durabilité sociale, liée à la résilience des systèmes d’exploitation. Cela permettra de travailler à une meilleure intensité et qualité de travail et de réfléchir au recours au travail mutualisé, au développement des compétences et à une meilleure gestion des ressources humaines des non-salariés et salariés au sein de l’exploitation.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons deux grandes revendications : aborder les relations humaines et les conditions de travail dans ce module et faire le lien avec l’accompagnement des paysans dans la transition par le conseil agronomique. Pour le reste, nous n’interviendrons plus, car nous voulons sortir rapidement de ce bourbier pour passer aux vrais sujets.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Sortons donc vite du bourbier : avis défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3260 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à ajouter au diagnostic un module permettant faire un état des lieux des haies. Il n’est pas rare qu’elles soient détruites à l’occasion de la transmission ou de l’installation.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La question de la simplification des règles relatives à la gestion des haies sera abordée à l’article 14. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE2291 de Mme Mélanie Thomin.

 

Amendement CE2096 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Le présent amendement vise à prévenir un usage privé lucratif des données collectées dans le cadre du dispositif de diagnostic modulaire. C’est une préoccupation dont nous a fait part une partie du monde agricole. Nous voulons préciser que l’État veillera à limiter l’usage des données au bénéfice de l’intérêt général et de l’intérêt des exploitants. Cela permettra notamment de protéger ces derniers.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vous touchez là un point sensible. Toutefois, nous fixons une orientation qui conduira à la définition d’un cadre pour le diagnostic. C’est, selon moi, lors de la conception de ce cadre qu’il faudra veiller à cette question, qui peut s’avérer très technique puisqu’elle concerne le secret des affaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1449 de M. Charles Fournier.

 

Amendements CE1973 et CE1971 de M. Max Mathiasin (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). Nous souhaitons préciser que le service de conseil et d’accompagnement des personnes ayant un projet d’installation ou de transmission sera gratuit. La question du coût des diagnostics se pose, ainsi que celle de leur caractère obligatoire ou non.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Il faudra voir cela à l’article 10. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, et je répète que le diagnostic sera facultatif.

Madame Buffet m’interrogeait tout à l’heure sur le sujet de la conditionnalité des aides. La situation est la même que pour de nombreux chefs d’entreprise qui ont besoin d’aide. On demande alors une étude économique ou un diagnostic. Prendre le risque de s’installer sans avoir de recul, c’est s’y prendre à l’aveugle : ce serait comme installer un commerce sans étude de marché.

Mme Françoise Buffet (RE). Je partage tout à fait cette analyse. Seulement, on dit que le diagnostic n’est pas obligatoire alors qu’il le sera dans les faits.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je suis d’accord. Le diagnostic modulaire est une bonne chose, mais nous insistons sur la nécessité d’en faire un service gratuit. La forte mobilisation des agriculteurs était notamment liée aux charges extrêmement lourdes qui pèsent sur eux, notamment sur le plan administratif. Ils doivent, par exemple, payer de plus en plus des services pour la gestion des aides de la PAC, qui sont d’une complexité croissante.

M. Charles de Courson (LIOT). Il faut répondre à deux questions avant d’aller plus loin : combien cela coûtera-t-il et qui paiera ? Vous nous répondez qu’on verra plus tard. Pourquoi pas maintenant ?

La commission rejette successivement les amendements.

 

L’amendement CE381 de Mme Annie Genevard est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE2018 de M. Loïc Prud’homme.

 

Amendement CE2020 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous demandons que l’État évalue la proposition de création d’un service public du conseil stratégique. Je rappelle que la séparation des activités de conseil et de vente en matière de pesticides est difficilement applicable sur le terrain. Un service public de conseil serait utile en la matière, ainsi que pour la réalisation des diagnostics modulaires. Nous devons faire en sorte que les agriculteurs aient le moins de charges administratives et financières possible.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Votre proposition ne s’articule pas bien avec la création, prévue à l’article 10, du réseau France Services agriculture. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Ce que nous faisons dans le cadre de cet article, depuis le début, m’inquiète vraiment.

Lorsque j’étais le directeur du syndicat des Jeunes Agriculteurs, le taux de réussite au bout de cinq ans était bien plus élevé dans l’agriculture que dans tous les autres secteurs économiques ; je ne pense pas que cela ait beaucoup changé. Un jeune qui s’installe dans l’agriculture a beaucoup plus de chances de garder son entreprise et de vivre de son métier que partout ailleurs. Vous envisagez qu’on mobilise des compétences publiques, qu’on va trouver je-ne-sais-où, pour apprécier les choix des entreprises et les conditions d’exercice du métier à la place des acteurs concernés ; je considère que c’est une dérive.

Il est question, dans ce texte, de souveraineté nationale. Nous avons eu hier un débat « qui avait de la gueule » et il y a matière à avoir aussi en séance un beau débat parlementaire sur ce que la nation attend de son agriculture. Nous avons parlé du foncier, un enjeu crucial, et nous avons ouvert la porte à des évolutions très attendues en matière de fiscalité et de transmission d’entreprise. Mais là, nous nous racontons de belles histoires au sujet de compétences publiques qu’on va inventer pour garantir je-ne-sais-quoi à des entrepreneurs qui n’en ont pas besoin.

La commission rejette l’amendement.

Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE2398 et CE2415 de Mme Lisa Belluco et l’amendement CE301 de M. Dominique Potier.

Amendement CE1346 de M. Nicolas Meizonnet

M. Nicolas Meizonnet (RN). L’objectif de cet amendement est de clarifier le rôle du diagnostic qui risque, sinon, de compliquer la situation des agriculteurs souhaitant s’installer, alors que la profession dénonce déjà les difficultés administratives auxquelles elle doit faire face en permanence. Il s’agit que le diagnostic fasse simplement office d’avis consultatif, d’outil d’orientation et d’assistance à l’investissement au lieu d’être considéré comme une garantie ou une évaluation. Je rappelle, par ailleurs, le désastre provoqué par le diagnostic de performance énergétique (DPE) dans le secteur du logement. Il ne faudrait surtout pas qu’un modèle s’en approchant s’applique à l’agriculture…

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’esprit du dispositif est que le diagnostic doit avant tout être au service des agriculteurs, des porteurs de projets d’installation ou de cession. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semble, en effet, que l’amendement est satisfait.

J’ajoute que c’est du processus d’installation dont il est question : le diagnostic n’a pas forcément vocation à être utilisé dans un autre contexte, par exemple au niveau bancaire. Cela étant, si les systèmes bancaire et assurantiel font leurs choix stratégiques sans un tel diagnostic, ils n’en évaluent pas moins les risques. Dans les zones qui ont subi quatre fois la grêle, qui ont connu la sécheresse trois ou quatre années consécutives ou là où l’argile se rétracte, il est plus compliqué d’accéder à un prêt ou à une assurance. Ce n’est pas explicite, mais on en tient compte dans le calcul du risque. Des responsables d’un énorme réseau bancaire – pas forcément celui auquel vous pourriez penser – m’ont expliqué qu’ils utilisaient déjà pour cela une cartographie, la même que nous – à savoir la cartographie du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), qui est publique.

Cela ne veut pas dire que le diagnostic n’a pas son utilité, malgré des défauts qu’il faudra corriger en séance. Il est conçu non pas pour dire qu’il ne faudrait pas s’installer dans certains cas, mais pour indiquer comment faire pour que l’installation réussisse, ce qui n’est pas exactement la même chose.

M. Grégoire de Fournas (RN). Si les banques ont déjà des informations, quelle est l’utilité d’apporter, par ce diagnostic, des éléments qui pourraient se retourner contre l’agriculteur ? On pourrait concevoir le diagnostic comme un outil d’aide à la décision pour lui ; mais, dans cette situation, il le mettra en difficulté.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE692 de Mme Anne-Laure Blin

Mme Anne-Laure Blin (LR). Les craintes que j’avais au début du débat sur cet article étaient fondées. Ma conviction que ce dispositif est mauvais pour nos agriculteurs ne fait que se renforcer.

Le présent amendement vise à supprimer un alinéa qui subordonne, comme vous l’avez dit et répété, les aides sociales à certains critères. C’est, là aussi, opaque : cette disposition conduira nécessairement à du clientélisme ou à une sélection arbitraire, ce qui ne correspond pas du tout à la simplification que les agriculteurs attendent.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le texte, je le rappelle, ne prévoit pas d’obligation et seule une étude d’une conditionnalité des aides est prévue. La rédaction que je vous proposerai prévoit une modulation des aides sociales selon différents critères. L’objectif est que le diagnostic aide le candidat à l’installation. Avis défavorable, si votre amendement n’est pas retiré.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Charles de Courson (LIOT). L’alinéa 6 prévoit de mettre à l’étude « les conditions dans lesquelles la réalisation de certains modules d’évaluation pourrait conditionner le bénéfice de certaines aides publiques ». Le législateur ne peut pas adopter une telle disposition qui inquiéterait tout le monde : on ne sait pas où on ira. Il faut tout simplement supprimer cet alinéa qui n’est pas normatif et risque donc de ne pas être constitutionnel.

M. Marc Fesneau, ministre. Quel est l’objectif de l’article 9, largement inspiré d’échanges avec, notamment, les Jeunes Agriculteurs ? Nous ne sommes plus tout à fait dans la situation que M. Descrozaille a connue. Il y a maintenant beaucoup d’échecs, en raison du dérèglement climatique dont l’accentuation date de cinq ou sept ans – pas plus – et qui obère les possibilités d’installation, y compris dans la durée. Les Jeunes Agriculteurs voient donc toute la pertinence de cet article.

Le débat, pour résumer, porte sur le caractère facultatif du diagnostic – il le sera, mais certains disent que la conditionnalité pourrait, en réalité, le rendre obligatoire –, sur la question des sols, évoquée à l’alinéa 4, et sur l’utilité ou non d’ajouter des éléments – je crois que nous ne l’avons fait qu’assez marginalement. Par ailleurs, je l’ai dit, certains aspects méritent d’être retravaillés, nos échanges ayant été éclairants.

L’objectif est de donner à celui qui va reprendre une exploitation un outil lui permettant de mesurer le risque, en particulier climatique et économique. Il s’agit d’accompagner : la philosophie du dispositif est de faire en sorte que celui qui s’installe puisse s’assurer que le cadre, notamment climatique, dans lequel il va essayer de faire prospérer son exploitation est tenable, sur le plan économique mais pas seulement.

J’aurais tendance, en première intention, à faire droit à ce que vient de dire Charles de Courson, pour lever le doute sur le caractère obligatoire qui pourrait être induit par la conditionnalité. Je préfère donc l’amendement de Mme Blin à celui qu’a déposé le rapporteur. Reste néanmoins la question de savoir comment on incite.

Les systèmes bancaire et assurantiel, je l’ai dit, n’ont pas besoin qu’un tel diagnostic existe, mais il faut un dispositif permettant à un jeune qui s’installe de rassurer son financeur sur la viabilité du projet, notamment dans le contexte du dérèglement climatique.

Je m’en remets à la sagesse de la commission au sujet de l’amendement de Mme Blin, qui permettra de dissiper une inquiétude. Il faudra veiller en séance à mieux décrire l’intention du législateur – j’ai l’impression que nous avons la même.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je répète des questions déjà posées par monsieur de Courson. Qui financera le dispositif et combien coûtera-t-il à l’État ? Qui prodiguera le service ? Sera-t-il payant pour les agriculteurs ? Si oui, à combien estime-t-on le coût pour eux ? Puisque nous n’avons pas adopté l’amendement précisant qu’il s’agira d’un service gratuit, nous ne pouvons certainement pas prévoir une conditionnalité des aides publiques. Tant que nous n’aurons pas de réponses à ces questions, nous, députés de La France insoumise, resterons très sceptiques.

M. Grégoire de Fournas (RN). Si par hasard l’amendement de madame Blin n’était pas adopté, j’ai déposé un sous-amendement à l’amendement CE3401 du rapporteur afin de supprimer la conditionnalité des aides, ce qui résoudrait la difficulté évoquée par le ministre.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons le sentiment d’avoir longuement débattu sur des détails, alors qu’un dispositif aussi fondamental que le diagnostic modulaire a été insuffisamment préparé. Je n’en fais le reproche à personne, mais je le regrette vivement, car nous avons ainsi été privés d’un débat de fond sur une belle idée des Jeunes Agriculteurs. En cédant aux injonctions de la droite et de M. de Courson, le Gouvernement renonce à l’ambition initiale de l’article 9, à laquelle nous sommes très attachés, même si ses conditions d’application restent à préciser. Ne lâchons pas l’affaire trop rapidement : préservons l’essentiel pour pouvoir, en séance, rebâtir un mécanisme équilibré et efficace.

Au nom du groupe Socialistes, j’appelle par ailleurs officiellement le président à demander, sur le fondement de l’article 98-1 de notre règlement, que l’amendement CE3395 déposé il y a quelques jours par Éric Girardin en vue de créer le groupement foncier agricole d’épargne (GFAE) fasse l’objet d’une évaluation préalable, afin que nous puissions en mesurer tous les impacts juridiques, économiques et systémiques et nous prononcer en toute connaissance de cause le moment venu. Le rapporteur général s’honorerait d’ailleurs à se joindre à cette demande.

La commission adopte l’amendement CE692.

En conséquence, tous les amendements se rapportant à l’alinéa 6 tombent


8.   Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

Au cours de sa réunion du 3 mai 2024 à 21 heures 30, la commission des affaires économiques a continué l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

M. le président Stéphane Travert. Lors de la réunion précédente, M. Potier a sollicité, en vue de la séance publique, une évaluation préalable de l’amendement CE3395 du rapporteur général à l’article 12 relatif aux groupements fonciers agricoles d’épargne (GFAE), sur le fondement de l’article 98-1 du règlement de l’Assemblée nationale. Or, ce dernier indique qu’une telle évaluation ne peut intervenir que dans deux cas : à la demande du président ou du rapporteur de la commission saisie au fond, s’agissant d’un amendement de la commission, ou à la demande de l’auteur de l’amendement et avec l’accord du président de la commission saisie au fond, s’agissant d’un amendement déposé par un député. Il ne vous appartient donc pas de faire cette demande, Monsieur Potier. Le rapporteur général et le ministre pourront apporter les explications attendues sur la réécriture proposée.

M. Dominique Potier (SOC). Je tiens à vous remercier pour l’excellente façon dont vous conduisez les débats, Monsieur le président. Sans doute me suis-je mal exprimé : je sollicitais de votre part – ou de celle de monsieur le rapporteur – l’exercice de cette prérogative, car il est indispensable d’éclairer la commission sur le sujet majeur que constituent les GFAE et les groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). C’est une demande solennelle, il y va de la qualité de nos débats.

TITRE III – FAVORISER L’INSTALLATION DES AGRICULTEURS AINSI QUE LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AGRICULTEUR

Chapitre Ier – Orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations

Article 9 (suite) : Mise en place d’un diagnostic modulaire des exploitations

Amendements identiques CE1893 de M. Charles de Courson et CE3118 de Mme Louise Morel, et sous-amendement CE3534 de M. Pascal Lecamp ; amendement CE2293 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). Dès 2025, en lien avec le déploiement de France Services agriculture, le diagnostic modulaire sera inséré dans le dispositif, afin que la situation de l’exploitation à transmettre soit analysée dans sa globalité. L’objectif est, à terme, que tout projet d’installation ou de transmission en bénéficie. La réalisation d’un diagnostic par le cédant ne pourra qu’aider le repreneur dans la conception de son projet de reprise.

Nous souhaitons préciser que les structures de conseil et d’accompagnement devront sensibiliser les porteurs de projet à la nécessité de réaliser un module d’évaluation prévu à l’article 9. Ces structures seront agréées par l’autorité administrative compétente sous réserve de satisfaire aux conditions prévues par un cahier des charges, qu’elles s’engageront à respecter.

M. Éric Martineau (Dem). Nous souhaitons également que les structures de conseil et d’accompagnement fassent la promotion, auprès des porteurs de projet, d’un des modules d’évaluation mentionnés à l’article 9.

M. Pascal Lecamp, rapporteur pour le titre III. Je suis favorable à ces amendements sous réserve qu’ils renvoient plutôt à l’article 8, qui traite de France Services agriculture. C’est l’objet de mon sous-amendement.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Même avis.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.

En conséquence, l’amendement CE2293 tombe.

 

Amendement CE3480 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Les diagnostics prévus à l’article 9 devront servir de base à des scénarios de développement et d’installation, au regard de la situation du marché ainsi que de la structuration et de l’évolution des filières.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les structures de conseil et d’accompagnement prendront évidemment en considération les diagnostics. Leurs cahiers des charges pourront le préciser, mais il est superflu de l’inscrire dans cet article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2098 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Une séparation claire devra être prévue entre les entités qui réaliseront les diagnostics et celles qui mettront en œuvre les recommandations qui en sont issues. Nous attendons des réponses sur ce sujet en séance, mais il est important de le préciser dès à présent dans le projet de loi.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Cette disposition ne me semble pas s’imposer : le risque de conflit d’intérêts n’est pas flagrant, et les structures d’accompagnement et de conseil n’abondent pas.

La commission rejette l'amendement.

 

Amendement CE3316 de Mme Brigitte Klinkert

M. Pascal Lecamp, rapporteur. J’en demande le retrait, car il est satisfait par l’amendement CE3402 du rapporteur général que nous avons adopté à l’article 8.

La commission adopte l'amendement.

 

Amendement CE2021 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous souhaitons revenir sur l'exemption d’obligation de conseil stratégique dont bénéficient les exploitations certifiées « Haute valeur environnementale » (HVE) au même titre que les exploitations en agriculture biologique. En effet, la certification HVE ne contient aucune mesure ambitieuse relative aux pesticides.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous ne souhaitons pas opposer les exploitations HVE et la filière biologique : tous les modèles vertueux d’agriculture doivent être favorisés. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

 

M. Julien Dive (LR). Nous avons un point de désaccord sur l’article 9, dont nous pensions qu’il contribuerait à une simplification, conformément à la demande de Jeunes Agriculteurs. Ces derniers sont sensibles à l’utilité de mener un diagnostic avant la reprise d’une exploitation, cette évaluation économique devant anticiper les contraintes liées au changement climatique. Nous avions une « ligne rouge » : l’alinéa 4, relatif à l’évaluation de la qualité et de la santé des sols. Nous voterons contre l’article 9, mais nous déposerons des amendements en séance pour réintroduire une évaluation économique des exploitations qui intègre les effets du changement climatique.

M. Marc Fesneau, ministre. Bien que certains points restent en débat, comme le diagnostic des sols prévu à l’alinéa 4, les dispositions de l’article 9 aideront les jeunes agriculteurs à affronter les effets du dérèglement climatique et certains aléas économiques. Le diagnostic modulaire a son utilité et répond à leurs besoins. Nous devons aussi veiller à satisfaire leur demande de simplification. Reconnaissez enfin que nous avons avancé en ce qui concerne la modulation des aides.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous regrettons que l’article 9 ait été partiellement vidé de sa substance et que certaines de nos questions restent sans réponse : le diagnostic sera-t-il payant ? Devra-t-il être organisé par les agriculteurs ? De notre point de vue, l’État doit en assumer la charge : nous ne voulons pas d’une machine vide qui constitue un coût supplémentaire pour les agriculteurs. Nous nous abstiendrons en commission et, en l’absence de réponses claires d’ici là, nous voterons contre l’article 9 en séance.

M. Frédéric Descrozaille (RE). L’accélération du changement climatique rend toujours plus difficile d’assurer la viabilité des exploitations. La loi de 2022 relative à l'assurance récolte était d’ailleurs censée en tenir compte : les assureurs devaient effectuer un diagnostic de territoire, à l’échelle du bassin, pour identifier les risques qui deviendraient non assurables. Malheureusement, les décrets d’application n’ont pas respecté l’esprit de cette loi. Je pense que nous en convenons tous que l’article 9 doit être réécrit pour se concentrer sur l’adaptation au changement climatique.

M. Dominique Potier (SOC). Pour améliorer l’article 9, encore faut-il le voter. Peut-être est-il mal ficelé, mais l’intention de réaliser un diagnostic modulaire qui intègre l’environnement et les défis contemporains de l’agriculture – plutôt que des stages consacrés à la seule économie des exploitations – est bonne. Nous voterons cet article et le retravaillerons en vue de la séance.

 

La commission adopte l’article 9 modifié.

 

M. Marc Fesneau, ministre. Le débat en séance sera l’occasion de faire œuvre de simplification et de clarifier la question du diagnostic des sols, avec ses modalités pratiques. Ainsi que le souligne M Potier, cet article doit se concentrer sur l’adaptation au dérèglement climatique ; n’y mettons pas tout à la fois, sans quoi le dispositif deviendra inopérant.

 

 

Chapitre II – Mesures en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations

 

Article 10 : Création du réseau « France Services agriculture »

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CE1998 de Mme Hélène Laporte.

 

Amendement CE3573 de M. Pascal Lecamp ; sous-amendements CE3678 de Mme Manon Meunier, CE3687 de M. Dominique Potier, CE3619 de Mme Marie Pochon, CE3648 de M. Charles de Courson, CE3685 de M. Dominique Potier, CE3673 et CE3674 de Mme Aurélie Trouvé, CE3688 et CE3686 de M. Dominique Potier, CE3654 de M. David Taupiac, CE3609 de Mme Marie Pochon, CE3676 de Mme Aurélie Trouvé, CE3679 de Mme Mathilde Hignet, CE3675 de Mme Aurélie Trouvé, CE3624 et CE3622 de Mme Marie Pochon, CE3680 de Mme Mathilde Hignet, CE3623 de Mme Marie Pochon, CE3681 de Mme Mathilde Hignet, CE3615 de Mme Marie Pochon, CE3616 de M. Charles Fournier, CE3635 de Mme Marie Pochon, sous-amendements identiques CE3610 de Mme Marie Pochon, CE3677 et CE3682 de Mme Mathilde Hignet, sous-amendement CE3658 de Mme Nathalie Bassire

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je propose de réécrire les alinéas 2 à 15 de cet article, afin : de mieux présenter le réseau France Services agriculture, plateforme d’accueil regroupant l’ensemble des services et des acteurs qui œuvrent déjà au service des agriculteurs ; de décrire les niveaux 1 et 2 du guichet, qui conseillent et orientent les sortants et les entrants ; et de préciser l’obligation de déclarer les projets de cession cinq ans avant le départ.

Par ailleurs, la référence aux seuls établissements publics serait supprimée pour la formation.

L’objectif est que, dans l’ensemble des chambres d’agriculture de métropole et d’outre-mer, les agriculteurs aient accès à tous les services existants, quel que soit leur profil, dans un esprit de pluralité et d’équité.

L’entrée en vigueur du dispositif serait reportée au 1er janvier 2026, échéance qui paraît plus raisonnable.

M. Marc Fesneau, ministre. Outre ses vertus de clarification, cet amendement a le mérite de répondre aux demandes de certains d’entre vous : il insiste sur le pluralisme des structures d’accompagnement et de conseil, prévoit un équilibre entre les services de formation, qu’ils soient publics ou privés, et reporte la date d’entrée en vigueur. J’y suis favorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Par le sous-amendement CE3678, nous proposons de créer un comité de pilotage départemental du réseau France Services agriculture, qui veillera au pluralisme des acteurs et organisera la mise en œuvre du dispositif. Le département est le bon échelon pour cela.

M. Dominique Potier (SOC). Nous défendons également le pluralisme des parcours d’installation et de l’accompagnement, alors que la situation actuelle est marquée par un quasi-monopole syndical.

Nous souhaitons par ailleurs que le point d’accueil départemental unique informe les candidats sur le schéma directeur régional des exploitations agricoles (Sdrea) et veille à ce que les projets d’installation le respectent.

Il importe enfin d’assurer la publicité des déclarations d'intention de cessation d'activité agricole (Dicaa).

Sous réserve de ces précisions, le groupe Socialistes défend la création du réseau France Services agriculture.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous partageons le souhait que, dans un souci de pluralisme, France Services agriculture présente l’ensemble de l’offre d’accompagnement des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, pour accompagner au mieux les candidats à l’installation, tout particulièrement ceux qui ne sont pas issus du monde agricole.

France Services agriculture devra assurer un rôle non seulement de concertation, mais aussi de pilotage. Il devra promouvoir l’agroécologie, présenter aux candidats l’opportunité de s’installer en agriculture biologique, former à la reconception des systèmes des exploitations, informer les candidats sur les Sdrea et veiller à ce que leurs projets s’y conforment.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il nous paraîtrait utile que les exploitants dont le départ en retraite est prévisible soient relancés, en cas de silence, par un agent du point d’accueil. Ce dernier pourrait aussi proposer une visite de l’exploitation par un conseiller trois ans avant l’âge théorique de départ à la retraite de l’exploitant.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement mentionne un délai de cinq ans avant le départ à la retraite des exploitants : mais certains ne prennent jamais leur retraite, ce n’est pas obligatoire ! Pour que ce délai veuille dire quelque chose, je propose de prendre comme référence l’âge légal de départ à la retraite.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Notre sous-amendement CE3654 vise à garantir une présentation exhaustive des structures d'accompagnement.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). L’amendement du rapporteur améliore effectivement le texte initial. Mes différents sous-amendements visent les objectifs suivants : que les porteurs de projet soient orientés vers l'ensemble des structures de conseil et d'accompagnement existantes, en fonction de leurs besoins ; que le cahier des charges de ces structures tienne compte de la diversité des projets à accompagner, mais aussi des profils de leurs porteurs ; que les structures veillent au renforcement de l’égalité de genre en agriculture et à l’installation d’agricultrices nombreuses ; que les structures valorisent les pratiques agroécologiques et étudient les possibilités de s’installer en agriculture biologique – ou de s’y convertir ; qu’elles informent les candidats sur les critères du Sdrea et n’accompagnent que les projets qui s’y conforment ; et que chaque porteur de projet agricole dispose du choix final de la structure qui l’accompagnera dans son installation.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous souhaitons également que France Services agriculture participe à la lutte contre les discriminations. La place des femmes reste un combat, y compris en agriculture. Quelques chiffres en témoignent : 132 000 épouses d’exploitants n’ont pas de statut et leur action directe ou indirecte sur l’exploitation est totalement invisibilisée. Les autres sont souvent réduites au statut de conjointes collaboratrices, avec des droits sociaux réduits. Elles sont trop souvent lésées en cas de séparation. Seules 57 % des femmes qui travaillent dans l’agriculture prennent un congé de maternité. Partout en France, le manque de remplaçants est un frein à l’émancipation des femmes.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Afin de renforcer l'effectivité de la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite loi « Letchimy », nous proposons de renforcer les mesures de publicité relatives aux propriétés agricoles concernées par une procédure de revente. Le guichet unique devra participer à la publicité des biens agricoles concernés par les procédures, afin de mieux protéger les héritiers non identifiés par les notaires et de limiter le risque que des héritiers omis se manifestent tardivement.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je vous remercie de considérer que mon amendement clarifie les choses. J’avoue avoir eu plaisir à le rédiger, ayant déjà, dans une vie précédente, créé un guichet unique pour les exportateurs (Team France Export). En l’occurrence, l’objectif est de mettre en réseau tous les services existants, au bénéfice de l’ensemble des agriculteurs : les entrants, les sortants, ceux qui sont en exercice, ceux qui veulent se convertir. Nous n’inventons aucune nouvelle structure, tout existe ; seulement, les acteurs seront accessibles dans un lieu unique et seront représentés de façon équitable et pluraliste : l’agriculteur restera donc libre de ses choix. Depuis les banques jusqu’à Terre de liens, toutes les structures du réseau seront agréées sur la base d’un cahier des charges établi en concertation avec les comités régionaux à l'installation et à la transmission (Crit) et le Comité national d’installation-transmission (Cnit).

Il a été décidé de localiser ces structures au sein des chambres d’agriculture, placées sous la tutelle de l’État. Le pilotage régional sera opéré en coordination avec les Crit, en lien avec les collectivités territoriales et tous les autres acteurs composant ces comités. Cette organisation constitue un gage de neutralité.

La mise en place de ce réseau nécessitera sans doute un peu de temps, car les acteurs de terrain devront apprendre à se connaître, mais le monde agricole ne pourra que tirer profit de la mise à disposition, en un lieu et un instant uniques, de l’ensemble des services utiles à chaque étape de la vie de l’exploitation. Les agriculteurs y trouveront tous les acteurs dont ils ont besoin pour construire leur parcours professionnel. C’est en tout cas dans cet esprit que j’ai rédigé mon amendement, qui reste peut-être perfectible.

Toutes les propositions que vous avez formulées sont de facto satisfaites par la rédaction de mon amendement, à l’exception du sous-amendement CE3654, qui apporte une amélioration en garantissant une « présentation exhaustive » des structures d’accompagnement, et donc la pluralité recherchée pour France Services agriculture. Je donne donc un avis favorable à ce sous-amendement CE3654 et défavorable à tous les autres.

M. Marc Fesneau, ministre. La réécriture opérée par l’amendement de monsieur Lecamp permet de prendre en compte un certain nombre de demandes – c’est le rôle d’un rapporteur. En revanche, je vous invite à ne pas ajouter dans le texte des mots, des phrases, des alinéas superfétatoires. Cela dit, je pense comme le rapporteur que le sous-amendement de M. Taupiac permet de conforter l’exigence de pluralité des acteurs et de respect de la diversité des projets. Je donne donc un avis défavorable à tous les sous-amendements, à l’exception du CE3654.

M. Dominique Potier (SOC). L’« autorité administrative compétente de l’État », à savoir le ministère de l’agriculture ou ses représentants, validera donc une liste d’intervenants possibles pour accompagner les différentes phases de l’exploitation. La région, de son côté, dressera sa propre liste. En cas de conflit, qui sera l’arbitre ? La question n’est pas tout à fait anodine.

On recrée d’une certaine manière, avec des moyens puissants, le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (Cnasea), qui était le lieu de la réorganisation liée aux mutations démographiques du monde agricole. C’est le grand retour de la politique de reconquête et d’installation ! Quoi qu’il en soit, il me semble intelligent de piloter toutes ces transformations ensemble, comme le faisait le Cnasea.

M. Grégoire de Fournas (RN). Le dispositif de notification obligatoire de cessation d’activité constitue pour nous une difficulté majeure. Le Conseil d’État y voit d’ailleurs une nouvelle complexité administrative « de nature à contraindre l’exercice de l’activité d’exploitant agricole dans des proportions inédites », ce qui contredit votre volonté affichée de répondre à la demande de simplification administrative exprimée par les agriculteurs. L’amendement du rapporteur réécrit certes cette disposition de manière un peu différente, mais sans réduire sa complexité.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne crois pas, monsieur de Fournas, que cela représente une complexité administrative majeure. Si l’on veut mettre un cédant en relation avec un repreneur sans disposer des éléments d’identification nécessaires cinq ans avant le départ à la retraite, autant dire qu’on ne fera rien et que, six mois avant l’échéance, l’exploitation sera reprise pour en agrandir une autre. Outre la mise en relation entre les acteurs, il convient d’anticiper les mutations et, le cas échéant, d’organiser une transition douce. Il ne me paraît pas particulièrement lourd de demander à un agriculteur d’indiquer s’il a l’intention de céder son exploitation dans les cinq années à venir. Croyez-moi, j’ai suffisamment travaillé, depuis deux ans, sur la question de la simplification pour y être vigilant. Je respecte le Conseil d’État, mais je ne partage pas son avis sur ce point.

M. Charles de Courson (LIOT). La rédaction du rapporteur ne modifie pas le délai dans lequel les exploitants doivent effectuer cette déclaration : « sauf impossibilité, cinq ans au moins avant leur départ en retraite ». Or tout le monde ne connaît pas la date à laquelle il souhaite partir à la retraite ! Voilà pourquoi j’ai déposé le sous-amendement CE3648, selon lequel ce délai se calcule en fonction de l’âge légal de départ à la retraite, à savoir 62, 63 ou 64 ans. Sans cette précision, l’alinéa est inapplicable. Comment pourriez-vous reprocher à un agriculteur de réfléchir, d’hésiter, d’envisager de prolonger son activité, puis de décider tout à coup de partir à la retraite dans un an ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. À la suite des observations du Conseil d’État qui portaient sur le conditionnement de la possibilité d’exploiter d’une parcelle de subsistance tout en bénéficiant d’une retraite agricole, le Gouvernement a décidé de supprimer du projet de loi ces dispositions relatives à la Dicaa. Là encore, nous simplifions ! L’exploitant n’aura plus qu’à se présenter au guichet de France Services agriculture.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements CE3678, CE3687, CE3619, CE3648, CE3685, CE3673, CE3674, CE3688 et CE3686, adopte le sous-amendement CE3654 et rejette les sous-amendements CE3609, CE3676, CE3679, CE3675, CE3624, CE3622, CE3680, CE3623, CE3681, CE3615, CE3616, CE3635, CE3610, CE3677, CE3682 et CE3658.

Elle adopte l’amendement CE3573 sous-amendé.

En conséquence, tous les autres amendements se rapportant aux alinéas 2 à 15 tombent.

 

Amendement CE2300 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement prévoit un temps d’échange collectif entre les différents porteurs de projet, organisé avant leur installation par les structures de conseil et d’accompagnement. Il pourra avoir lieu, par exemple, dans le cadre du stage obligatoire de vingt et une heures préalable à l’exercice du métier de responsable d’exploitation agricole qui est prévu par le plan de professionnalisation personnalisé.

Les porteurs de projet sont divers. Par exemple, 50 % d’entre eux choisissent une exploitation bio, les autres se tournent vers l’agriculture conventionnelle. Il est donc nécessaire de créer des ponts et des liens plutôt que d’opposer les différentes phases de l’agriculture. Cette rencontre permettra aussi à chaque futur installé de connaître la composition de son territoire.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je conviens de l’intérêt de cette pratique, inspirée des stages de vingt et une heures actuels. Aux guichets de France Services agriculture, les structures de conseil et d’accompagnement auront bien entendu la possibilité d’organiser ces temps d’échange, qui pourront être envisagés dans le cahier des charges de l’agrément. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer, faute de quoi je donnerai un avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable, car cette possibilité tombe sous le sens. Il n’est pas nécessaire de tout écrire dans la loi. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur les modalités d’application de l’article 10 en lien avec les structures de France Services agriculture et « en avance de phase », si je puis dire.

Monsieur Potier, les structures seront agréées au niveau national. Dans le cadre des instances régionales, viendront s’y ajouter d’autres structures que certains acteurs, notamment les régions, estimeront devoir solliciter. Il n’y a donc pas lieu de craindre un conflit.

M. Dominique Potier (SOC). Les régions pourront donc ajouter des structures sur la liste, mais pas en retirer ?

M. Marc Fesneau, ministre. Absolument.

M. Dominique Potier (SOC). Ces autres structures seront-elles aussi agréées par l’État ?

M. Marc Fesneau, ministre. C’est la logique des choses. Nous sommes très clairs là-dessus : c’est ainsi que nous avons voulu nous organiser avec les régions.

M. Dominique Potier (SOC). Me voilà rassuré. Cette façon de faire est tout à fait républicaine.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE1210 de Mme Anne-Laure Blin et CE1761 de Mme Hélène Laporte

Mme Anne-Laure Blin (LR). Nouvelle illustration d’une bureaucratisation à outrance, l’alinéa 16 dispose que « les personnes ayant eu recours au dispositif de conseil et d’accompagnement (…) reçoivent une attestation qu’elles doivent être en mesure de présenter sur demande de l’autorité administrative ». Comme si les agriculteurs ne devaient pas fournir suffisamment de papiers, à maintes et maintes reprises et même parfois en doublon ! Et cela alors qu’un projet de loi est en cours d’élaboration afin d’éviter de demander aux administrés plusieurs fois la même chose. Puisque je ne comprends pas la raison de cet alinéa, j’en demande la suppression.

M. Grégoire de Fournas (RN). Si vous avez vraiment à cœur de simplifier, monsieur le ministre, vous devez donner un avis favorable à ces amendements. On ne peut pas, à chaque nouveau dispositif, avoir encore ce réflexe d’aggraver les aspects coercitifs et la complexité de l’installation des jeunes agriculteurs. Ne tombez pas dans ce piège.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous parlons d’une attestation de passage par France Services agriculture, émise par le réseau lui-même. La présentation de ce document pourra être nécessaire pour obtenir, dans certains cas, des aides conditionnées ou modulées en fonction du passage du bénéficiaire par le réseau. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cette discussion permet de clarifier le rôle de France Services agriculture. Ce sont les jeunes agriculteurs qui demandent sa création. Il s’agit de permettre à chacun de bénéficier d’un accompagnement. Certains voulaient même aller plus loin en imposant à tous le passage par ce réseau ; certains, y compris parmi les membres de votre commission, déplorent que l’on aide des gens à s’installer sans avoir réalisé aucun diagnostic économique, climatique…

M. Julien Dive (LR). Ni aucun diagnostic des sols !

M. Marc Fesneau, ministre. J’ai failli le dire, Monsieur Dive ! Est-ce vraiment une demande de votre part ? J’avais cru comprendre que c’était l’inverse… (Sourires.)

Notre objectif est que personne ne puisse s’installer sans qu’un regard ait été porté sur la viabilité de l’exploitation.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Mais vous chargez la mule !

M. Marc Fesneau, ministre. Pas du tout. Cela rejoint une demande unanime de la profession agricole. Nous parlons d’une attestation produite par le réseau France Services agriculture lui-même et dont la présentation, qui ne sera d’ailleurs pas demandée systématiquement, ne me paraît pas illégitime. Vous connaissez le fonctionnement des collectivités locales : quand un porteur de projet demande une subvention, il doit présenter une attestation produite par le centre de gestion relative à la viabilité de son projet ; personne ne considère cela comme une surcharge administrative : il s’agit simplement de s’assurer que quelqu’un a vérifié quelque chose quelque part. En l’occurrence, il ne me paraît pas déraisonnable que, quand l’État ou les régions décident d’accorder des moyens à un agriculteur, ils lui demandent si un guichet a étudié la viabilité économique de son exploitation. C’est la logique de France Services agriculture que de faire en sorte que chacun puisse bénéficier d’un accompagnement personnalisé, dans le cadre du pluralisme revendiqué par tous. Sinon, il est inutile de créer ce réseau !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Ma question sera certainement naïve… Que le bénéfice des aides à l’installation soit conditionné au passage par un point d’accueil et d’accompagnement, cela se comprend, mais puisqu’il existe un répertoire unique départemental des exploitations et que le dispositif en question est agréé par l’État, pourquoi les agriculteurs devraient-ils détenir une attestation et la présenter à une autorité administrative qui dispose déjà de l’information ? Cela ne tourne pas rond !

M. Charles de Courson (LIOT). Après un long débat, nous avons supprimé de l’article 9 le conditionnement des aides à la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique. La même question se pose à l’alinéa 16 de l’article 10. Ce n’est pas la première phrase qui pose problème, mais la deuxième : « Dans les conditions prévues par les dispositions qui leur sont applicables, le bénéfice de certaines aides publiques accompagnant l’installation ou la transmission peut être subordonné à la condition d’avoir bénéficié du conseil ou de l’accompagnement ». Il serait sage de la supprimer, en cohérence avec notre vote à l’article 9 et pour éviter le risque de recours lié à la liberté d’entreprendre soulevé par le Conseil d’État.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE507 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE507, relatif au pluralisme du dispositif France Services agriculture, est satisfait. Je le retire donc, ainsi que les amendements CE252 et CE250, qui viennent juste après.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE306 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). L’attestation dont nous parlons constitue-t-elle bien une pièce justificative du dossier de demande de retraite ? Cet amendement vise à confirmer le lien juridique entre la déclaration d’intention de cessation d’activité et le droit à la retraite de l’exploitant concerné. Autrement dit, la retraite doit être conditionnée par cette déclaration que je pourrais qualifier de « post-Dicaa ». Cette clarification, que nous demandons depuis longtemps, me paraît fondamentale pour assurer la transparence du marché foncier, avec toute la discrétion qui s’impose pour éviter d’encourager l’agrandissement d’exploitations existantes plutôt que l’installation de nouveaux agriculteurs.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le Conseil d’État a expliqué, dans son avis, qu’une telle conditionnalité serait disproportionnée et contraire à nos principes constitutionnels.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Conseil d’État a effectivement exclu une telle condition. Par ailleurs, que dire de la charge administrative que l’on ferait peser sur l’exploitant demandant à bénéficier de son droit à la retraite, si l’on exigeait ce genre de document ? D’autant que nous avons prévu des exceptions… Votre amendement va beaucoup trop loin dans la suradministration. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Cette mesure peut vous paraître excessive ou autoritaire, mais si nous ne la prenons pas, les exploitants ne feront pas de déclaration. Or, si nous voulons assurer la transparence du marché foncier pour encourager les installations, nous devons connaître les fermes qui vont être cédées. Peut-être faut-il lier la démarche à autre chose qu’au droit à la retraite… mais il faudra trouver, d’ici à la séance, une incitation forte, faute de quoi nous n’obtiendrons pas de résultats. En l’état actuel du texte, nous nous faisons plaisir ! Pourquoi un exploitant irait-il déclarer qu’il va cesser son activité, alors qu’il est peut-être en train de négocier avec un fonds de pension ou un groupement foncier agricole d’investissement (GFAI) ? La transparence est une condition du libéralisme. Soyons donc authentiquement libéraux, dans l’esprit du XIXe siècle, et trouvons des moyens proportionnés pour atteindre nos objectifs.

M. Charles de Courson (LIOT). La rédaction de l’amendement pose problème. On veut que l’attestation constitue une pièce justificative du dossier de demande de retraite ; or celui qui prend sa retraite n’est pas le preneur, mais le cédant, et je ne vois pas de quel droit ce dernier détiendrait l’attestation du preneur ! Par ailleurs, il serait inconstitutionnel de priver quelqu’un de son droit à la retraite. Il faut retirer cet amendement, Monsieur Potier.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE2199 de Mme Mathilde Hignet est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE1253 de Mme Christine Engrand.

 

Amendement CE2208 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il n’était pas question de créer des charges administratives supplémentaires pour les agriculteurs. Nous tenons à inscrire ce principe dans le projet de loi. Il sera ainsi tout à fait clair qu’il incombera aux administrations opératrices et gestionnaires d’internaliser la procédure permettant de vérifier que les conditions d’éligibilité sont remplies par le jeune agriculteur souhaitant percevoir des aides.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Cet amendement aurait pour effet de neutraliser le principe de conditionnalité des aides.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Les personnes ayant recours au dispositif de conseil et d’accompagnement n’ont pas de demande à formuler, puisqu’elles reçoivent, aux termes de l’alinéa 16, une attestation qu’elles mettent à la disposition de l’autorité administrative. Cela ne me paraît pas très compliqué. En outre, je ne vois, dans la deuxième phrase de l’alinéa, aucune surcharge administrative. J’aimerais qu’il en soit ainsi dans tous les amendements que nous sommes amenés à examiner.

M. Francis Dubois (LR). Il importe en effet de ne pas créer d’obligations administratives supplémentaires. Or tout projet est soumis à l’examen de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) : je ne vois donc pas d’intérêt à ce que l’administration, qui siège dans cette instance, demande une attestation.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Elle a déjà l’information !

M. Francis Dubois (LR). Effectivement… et c’est sur le fondement de cette information qu’elle formule son avis lors de la réunion de la CDOA.

Monsieur le ministre, vous ne cessez de dire que vous avez compris, lors des récentes manifestations agricoles, qu’il fallait de la simplification. Les articles 9 et 10 compliquent les choses !

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement dit tout et son contraire. On ne peut pas voter pour un oxymore !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Tout l’alinéa semble avoir été rédigé dans un temps où il n’existait ni outils informatiques, ni systèmes de traitement des données. Il faut vraiment revoir cette mesure. Il n’est pas nécessaire de produire une attestation papier que le bénéficiaire devra conserver afin de la montrer à l’administration ultérieurement. Ce sera très facile à gérer sans ces tracasseries.

M. Marc Fesneau, ministre. Lorsque vous faites une déclaration, par exemple en tant que contribuable, vous devez conserver les documents correspondants.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Non ! Chaque année, on fait sa déclaration de revenus sans que l’administration fiscale redemande les mêmes documents.

M. Marc Fesneau, ministre. Est-il écrit quelque part, à l’alinéa 16, que l’on vous demande quelque chose ?

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Oui : « (…) une attestation qu’elles doivent être en mesure de présenter (…) »

M. Marc Fesneau, ministre. Nous devons tous être en mesure de présenter les éléments qui justifient d’une déclaration. Si vous demandez la défiscalisation des dépenses de travaux que vous avez fait effectuer chez vous, il faut bien que vous déteniez les pièces justificatives correspondantes !

Je ne vois vraiment pas où est la surcharge administrative à l’alinéa 16. L’ensemble des syndicats agricoles souhaitent que l’on ne puisse bénéficier de toutes les aides si l’on n’est pas passé par France Services agriculture. Nous demandons simplement aux exploitants de conserver une attestation qui leur est envoyée par l’administration.

M. Francis Dubois (LR). Combien de temps met-elle pour leur parvenir ?

M. Marc Fesneau, ministre. Ce genre de détail relève vraiment du domaine réglementaire…

M. Grégoire de Fournas (RN). Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à défendre cette disposition. Nous venons de vous démontrer qu’il ne servait strictement à rien que les exploitants présentent cette attestation – une obligation que l’alinéa 16 prévoit très clairement – puisque l’administration la détient déjà. Vous voulez faire encore grossir le dossier d’installation des jeunes agriculteurs, qui fait déjà trente centimètres d’épaisseur… Pourquoi n’accédez-vous pas à cette demande, appuyée par une démonstration que vous n’avez pas contestée ?

M. Julien Dive (LR). La surcharge n’est pas à l’alinéa 16, mais dans tout l’article. Vous réinventez la roue ! France Services agriculture, ce n’est rien d’autre que les chambres d’agriculture, de même que France Travail n’est rien d’autre que Pôle emploi. S’il y a des failles dans l’accompagnement des jeunes agriculteurs ou dans la transmission des exploitations, alors réarmons les chambres d’agriculture ! Elles ont pignon sur rue depuis des décennies, elles sont connues et reconnues de tous. Clarifions leurs missions, donnons-leur les moyens de les exercer : là, ce sera de la vraie simplification !

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Moi aussi, je m’interroge sur la nécessité de cette attestation. Je suis favorable à la suppression de la première phrase de l’alinéa 16, mais pas de la seconde, car il me semble important de maintenir le principe de la conditionnalité des aides. Comme l’a très bien dit M. Potier, il faut que ces dispositions gardent un peu de substance, sinon elles ne servent plus à rien ! Quoi qu’il en soit, nous sommes un certain nombre de groupes parlementaires assez différents à penser que cette attestation ne devrait pas être obligatoire. Nous souhaitons donc que cette question soit réexaminée d’ici à la séance.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis étonné de l’esprit de déconstruction dont fait preuve M. Dive, qui ne nous avait pas habitués à cela. Nous ne sommes pas en train de créer une nouvelle institution, mais une nouvelle mission, qui est clairement déléguée aux chambres d’agriculture. Ce sont elles qui vont agir – en tout cas, c’est comme cela que j’ai compris le texte.

Monsieur de Fournas parle de complexité administrative. Pour ma part, quand je vois des centres de gestion agréés, des cabinets d’avocats et des cabinets de conseil de toute nature dépenser des dizaines de milliers d’euros pour élaborer des montages visant à contourner toutes les lois agricoles, cela ne me gêne pas de prévoir quelques documents administratifs pour défendre la transparence du marché foncier et la liberté d’entreprendre de jeunes agriculteurs désireux de s’installer. Sans ces attestations, ce sont les cabinets d’affaires qui vont organiser le marché agricole. Je préfère que ce rôle incombe à la loi, et cela passe par un minimum de contraintes.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. À la réflexion, j’estime que les remarques de Mme Batho sont justifiées. Le jour où la plateforme informatique fonctionnera, couplée avec un répertoire unique des exploitations, toute personne franchissant la porte de France Services agriculture verra son passage enregistré et pourra recevoir automatiquement une attestation dématérialisée, comme cela se fait déjà pour les avis d’imposition. Il est donc inutile de passer des heures sur cette question. Une solution informatique légère et ne faisant perdre de temps à personne doit pouvoir être trouvée. Nous allons y réfléchir d’ici à la séance.

M. Marc Fesneau, ministre. Aucun amendement ne demande la suppression de la précision « qu’elles doivent être en mesure de présenter sur demande de l’autorité administrative ». Si c’est cela que vous voulez, travaillons-y d’ici à la séance.

S’agissant plus largement de l’article 10, je suis en désaccord avec vous, Monsieur Dive : la création du réseau France Services agriculture, qui répond à une demande unanime, vise à éviter que, du fait de l’émiettement des structures, certains porteurs de projet – en particulier, ceux qui ne sont pas issus du monde agricole – échappent à tout accompagnement à l’installation. En effet, les nouveaux entrants ne se dirigent plus spontanément vers les chambres d’agriculture.

L’objectif est de créer un lieu d’accueil unique où ceux qui souhaitent s’installer en tant que chef d’exploitation pourront trouver une structure d’accompagnement. Les chambres d’agriculture restent les points d’entrée. La question n’est pas celle des moyens : les structures qui ont été créées en parallèle n’avaient ni les mêmes objectifs ni les mêmes modalités d’action. Je rappelle en outre que le Gouvernement a fait des efforts, abondant de 7 millions d’euros (M€) l’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture et faisant droit aux demandes fiscales des chambres d’agriculture – ce que celles-ci reconnaissent elles-mêmes.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE1254 de Mme Christine Engrand

M. Grégoire de Fournas (RN). Il existe déjà dans toutes les chambres d’agriculture, Monsieur le ministre, des points accueil installation vers lesquels l’ensemble des acteurs renvoient les jeunes souhaitant s’installer. Notre collègue Julien Dive l’a dit, vous êtes en train de réinventer ce qui existe déjà !

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Certes, ces points existent déjà, mais le réseau France Services agriculture apportera plus de transparence et de fluidité. Sur cette plate-forme neutre, comme il en existe dans de nombreux autres secteurs d’activité, on trouvera l’ensemble des acteurs. Il ne paraît pas aberrant que l’État et les régions veillent à ce que les fonds publics alloués sous forme d’aides soient destinés à des projets d’autant plus robustes et durables qu’ils auront bénéficié d’un conseil et d’un accompagnement. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. France Services agriculture répond à l’une des préoccupations évoquées par les acteurs, y compris par les chambres elles-mêmes, lorsque nous avons établi le diagnostic des difficultés à l’installation. Une grande partie des nouveaux installés ne bénéficient pas de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) : c’est dommage ! Peut-être pouvons-nous au moins nous accorder, monsieur de Fournas, sur la nécessité que les nouvelles installations soient durables ? Si cette préoccupation est partagée par l’ensemble des professionnels, il faut peut-être les écouter. Nous avons manifestement un dysfonctionnement dans l’accompagnement, en particulier pour les personnes qui ne sont pas issues du monde agricole. Un lieu unique est une nécessité. Avis défavorable.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Une chambre d’agriculture, c’est comme un conseil municipal : certaines sont ouvertes et pluralistes quand d’autres sont très fermées et prennent parfois des décisions sectaires, refusant d’accompagner les projets qu’elles jugent farfelus. France Services agriculture garantira une forme de pluralisme et laissera leur place à des conceptions plus diverses de l’agriculture. Ne perdons pas de temps ici comme nous l’avons fait avec l’alinéa 16, concentrons-nous sur l’essentiel !

M. Grégoire de Fournas (RN). Ce n’est pas nous qui avons perdu du temps, c’est le ministre qui s’est obstiné sur la question de l’attestation !

Il faut tout de même garantir la liberté de s’installer sans recevoir les conseils de qui que ce soit. De jeunes agriculteurs m’ont expliqué que, s’ils avaient su quel bazar représentait l’accompagnement – et il n’y avait pas encore d’attestation ! – ils s’en seraient passés, quitte à ne pas percevoir la DJA ! Conservons cette liberté.

M. Julien Dive (LR). Nous ne perdons pas de temps, Monsieur Descrozaille, nous parlons de France Services agriculture. Par ailleurs, c’est vrai, certaines chambres rejettent sans doute les projets qu’elles jugent farfelus, mais ce dysfonctionnement ne doit pas nous conduire à créer un autre dispositif à côté ! Réformons les chambres, donnons-leur des moyens – et pas uniquement financiers !

La commission rejette l’amendement.

 

Les amendements CE252 et CE250 de M. Dominique Potier sont retirés.

 

Amendements identiques CE2219 de M. David Taupiac et CE2399 de M. Loïc Prud’homme

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à rendre obligatoire la publication par Chambre d’agriculture France et par les chambres départementales et régionales d’agriculture d’un bilan des actions menées à leur échelle et dans le cadre de leurs missions. Nous souhaitons aussi que les chambres départementales rendent compte de leur action à des instances de pilotage départementales, notamment quant à la mise en œuvre des points d’accueil. Ces remontées d’information sont importantes pour adapter les politiques publiques d’accompagnement à l’installation.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je rejoins les propos de M. Taupiac. Ces informations permettraient aussi de mieux objectiver la politique d’installation et la réussite de France Services agriculture. Il existe aujourd’hui de fortes disparités entre les chambres en termes d’information.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’agrément des structures du réseau reposera sur un cahier des charges. Les chambres d’agriculture demeurent des établissements publics sous tutelle du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. On ne peut pas confier des missions de contrôle aux instances de concertation que sont le Cnit et les Crit, qui sont des structures neutres de concertation. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE3229 de M. Jean-François Rousset et CE3139 de M. Stéphane Mazars (discussion commune)

M. Jean-François Rousset (RE). Nous proposons que les chambres d’agriculture puissent déléguer la mise en place du lieu d’accueil des porteurs de projet à des centres de formation professionnelle agréés, lesquels sont ancrés dans la réalité du monde agricole local.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La définition d’un point d’entrée unique sur tout le territoire améliore la lisibilité du dispositif, donc son accessibilité. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est un vrai problème. Dans la Marne comme dans cinq autres départements je crois, c’est l’Association de développement, d’aménagement et de services en environnement et en agriculture qui prend en charge l’accompagnement à l’installation. Il y a aussi quelques cas de délégation à des syndicats de jeunes agriculteurs. Permettons aux chambres de déléguer : adoptons le présent amendement, qui est sans doute imparfait, mais qui va dans le bon sens.

La commission adopte l’amendement CE3229. En conséquence, l’amendement CE3139 tombe.

 

Amendements identiques CE141 de M. Julien Dive, CE373 de M. Inaki Echaniz, CE637 de M. Jean-Pierre Vigier, CE909 de M. Francis Dubois, CE2064 de M. David Taupiac et CE3287 de Mme Anne-Laurence Petel

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de prévoir des temps collectifs dans le parcours des porteurs de projet, pour qu’ils aient une meilleure connaissance de leur milieu socioprofessionnel.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Les échanges permettent aux futurs installés de tisser un environnement socioprofessionnel solide dans leur territoire et de confronter leurs projets.

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Cette dimension collective est importante pour les porteurs de projet.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La rédaction actuelle du texte permet l’organisation de temps collectifs, qui n’a pas à être inscrite dans la loi. Cela fait partie de l’activité courante des structures d’accompagnement. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Les temps collectifs sont bien sûr importants et il en existe déjà, mais ces modalités pratiques d’application ne relèvent pas de la loi.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE2980 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Les effets des politiques en faveur de l’installation et de la transmission demeurent trop mal documentés, tant au niveau national qu’au niveau local. Nous savons seulement que cent mille fermes ont disparu au cours des dix dernières années et qu’une part importante des candidats à l’installation abandonnent en cours de route – ce que nous ne pouvons plus nous permettre.

Aussi proposons-nous que Chambre d’agriculture France, ainsi que les chambres régionales et départementales, publient chaque année un bilan des actions menées à leur échelle et dans le cadre de leurs missions. Nous proposons par ailleurs que les chambres départementales rendent compte de leur action pour mettre en œuvre le point d’accueil départemental unique à des instances de pilotage associant l’ensemble des parties concernées.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait. Les chambres d’agriculture dressent le bilan de leur action en matière d'installation. En outre, l’Observatoire national de l’installation analyse en permanence les données relatives aux installations, et l’alinéa 21 étend ses missions à la transmission. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, successivement, elle rejette l’amendement CE508 de M. Dominique Potier, les amendements identiques CE142 de M. Julien Dive, CE374 de M. Inaki Echaniz, CE638 de M. Jean-Pierre Vigier et CE910 de M. Francis Dubois, et les amendements CE2139 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, CE2981 de Mme Marie Pochon et CE1143 de M. Hubert Brigand.

 

Amendement CE3397 de M. Pascal Lecamp

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Cet amendement vise à reporter l’entrée en vigueur de France Services agriculture au 1er janvier 2026 au lieu du 1er janvier 2025, pour répondre à la demande des acteurs de terrain.

M. Marc Fesneau, ministre. Même si le travail a déjà commencé, ce report nous semble logique. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE282 de M. Julien Dive, CE307 de M. Dominique Potier et CE1897 de M. Charles de Courson ; amendement CE2301 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Julien Dive (LR). Le texte prévoit que seuls les exploitants se trouvant à plus de trois ans de l’âge théorique de la retraite au 1er janvier 2025 soient soumis aux nouvelles dispositions. Nous proposons de ramener ce seuil à deux ans.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous souhaitons nous aussi élargir à un plus grand nombre d’agriculteurs les dispositifs du présent projet de loi en matière de transmission.

M. Charles de Courson (LIOT). Seraient ainsi soumis aux dispositifs du présent projet de loi les exploitants se trouvant entre deux et six ans avant l’âge de la retraite au 1er janvier 2025.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je trouve plus raisonnable d’en rester à la version actuelle et de ne pas modifier les règles du jeu pour des personnes qui sont très proches de l’âge de la retraite.

M. Marc Fesneau, ministre. J’appelle votre attention sur le fait que cette question est traitée à l’alinéa 25 et qu’il faudra sans doute le modifier compte tenu de l’amendement que vous venez d’adopter. Il est prévu que les agriculteurs auxquels restent entre trois et six ans avant la retraite demeurent soumis au régime ancien. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CE283 de M. Julien Dive et CE1898 de M. Charles de Courson.

 

Amendements identiques CE1896 de M. Charles de Courson et CE2065 de M. David Taupiac

M. Charles de Courson (LIOT). Dans l’optique de renforcer l’efficacité du guichet unique et l’accompagnement des cédants, et afin de rendre incontournable le dispositif France Services agriculture pour tous les acteurs, il est proposé que l’attestation constitue une pièce obligatoire du dossier de demande de retraite.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Pour le Conseil d’État, cela serait contraire aux principes constitutionnels. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Conseil d’État a considéré que cette disposition serait excessive, raison pour laquelle le texte a été modifié. Elle irait, en outre, à l’encontre de l’objectif de simplification. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Ayant obtenu satisfaction, nous retirons nos amendements.

Les amendements sont retirés.

 

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Vous avez écarté les amendements visant à la publication du bilan annuel de l’Observatoire de l’installation, Monsieur le rapporteur, en considérant qu’ils étaient satisfaits : vous pourrez donc sans doute nous présenter l’un de ces rapports – pour notre part, nous n’avons jamais rien vu d’autre qu’une ligne dans le code rural. À défaut, vous aurez l’opportunité de donner un avis favorable aux amendements que nous déposerons de nouveau en ce sens pour la séance.

 

La commission adopte l’article 10 modifié.

 

 

Après l’article 10

 

Amendement CE500 de M. Dominique Potier

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement du groupe Socialistes vise à corriger une incohérence à l’article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime. Celui-ci favorise en effet le regroupement des parcelles, à rebours de la politique d’installation et de déconcentration des exploitations agricoles qu’il faut mener pour réussir le défi du renouvellement des générations.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le contrôle des structures et l’action des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont déjà orientés vers l’installation. Nous développons dans ce projet de loi d’autres outils qui nous permettront de défendre notre modèle d’exploitation familial. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1808 de M. Charles Fournier et CE2444 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Ces deux amendements, qui ont le même objet, sont parmi les rares ayant été jugés recevables parmi ceux portant sur la question foncière. Nous regrettons que le projet de loi ne traite pas davantage de cette question, qui est centrale s’agissant d’installation et de transmission. Les nouveaux exploitants ont besoin de terres qui soient abordables financièrement, donc pas trop étendues. En outre, la réduction du nombre de paysans est une conséquence de l’accaparement et de la financiarisation des terres, ainsi que de l’agrandissement accéléré des exploitations.

Dans ma circonscription, la société Agro Team a pu prendre le contrôle fin 2022 de 2 122 hectares. Cette opération est heureusement exceptionnelle mais il ne faudrait pas continuer sur cette lancée, au risque de ne jamais atteindre l’objectif de quatre cent mille exploitants. Ce type d’opérations illustrent parfaitement les failles du système de régulation : même la loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite loi « Sempastous », ne peut les réguler, puisqu’elle ne prévoit pas de plafond en matière de surface.

Nous proposons donc que la surface maximale qu’une même société peut contrôler soit fixée à trois cents ou cinq cents hectares, selon l’amendement – nous sommes ouverts à la discussion.

La liberté d’entreprendre ne peut pas être la liberté de tout prendre. La terre contribue à la production de notre alimentation. Elle est un commun dont toute loi agricole devrait fournir les modalités de partage.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ce projet de loi, qui pose un objectif plancher de quatre cent mille exploitations, est orienté vers la défense du modèle agricole familial. Rien n’est prévu spécifiquement pour le foncier, certes, mais nous mettons des choses en place, comme les outils de portage ou les mesures fiscales pour les transmissions. La fixation d’un seuil unique, quels que soient la région et le type de production, ne me semble pas pertinente. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Vous mêlez trois concepts différents, Madame Belluco : le contrôle de l’aliénation à titre onéreux des biens à usage ou à vocation agricole opéré par les Safer ; le contrôle de la mise en valeur ; et le contrôle de la concentration au travers des opérations sociétaires. Il sera utile, à cet égard, de dresser un bilan de la loi Sempastous, dont nous sommes dans la première année d’application réelle.

Par ailleurs, introduire un plafonnement de la surface pouvant être possédée par une personne physique, assortie d’une obligation de cession au-delà, constituerait une atteinte disproportionnée au droit de propriété, que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de nous rappeler.

M. Charles de Courson (LIOT). Fixer un seuil à trois cents hectares pour toute la France n’a aucun sens. En montagne, cela ne représenterait pas grand-chose. Vous ne tenez pas compte non plus des regroupements : j’ai dans ma circonscription beaucoup de fermes qui dépassent les trois cents hectares, parce que plusieurs agriculteurs ont mis leurs terres en commun.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La rédaction de nos amendements est imparfaite, mais nous devrons débattre en séance publique des moyens de limiter la concentration des terres. Il faut permettre à des jeunes qui s’installent d’accéder à des surfaces raisonnables – il ne suffit pas de leur donner les moyens d’emprunter toujours plus ! Je nous invite tous à y réfléchir d’ici à la séance publique.

M. Dominique Potier (SOC). Notre collègue Belluco a tout à fait raison, et il est heureux qu’elle ait réussi à évoquer le gouffre béant dans cette loi qu’est la régulation du foncier. Nous sommes face à un véritable problème démocratique : nous avions une dizaine d’amendements sur ce thème mais ils ont été jugés irrecevables, alors qu’ils étaient pour certains plus précis, moins ambitieux, plus techniques. Nous avons été privés d’un débat.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE2435 de M. Loïc Prud’homme et CE3283 de Mme Marie Pochon ; amendement CE3284 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous proposons la création d’observatoires régionaux des marchés fonciers ainsi que d’un observatoire national opérationnel des marchés fonciers, accessible à tous, qui réunirait les observatoires régionaux.

Les données sont aujourd’hui dispersées : les Safer disposent d’informations sur les ventes de biens agricoles et de parts de sociétés agricoles, l’État de données sur une partie des projets de location… Elles doivent être rassemblées, mises à disposition des acteurs concernés et rendues publiques. Ces observatoires seraient notamment destinataires des déclarations d’intention de cessation d’activité et des résiliations de baux ruraux.

Les Safer auraient ainsi accès aux informations du marché des locations et auraient une vue globale des biens agricoles à reprendre. La diffusion des opportunités d’installation et d’agrandissement faciliterait la recherche de terres et de bâtiments des porteurs de projet.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je ne suis pas certain que la régulation du marché foncier passe par la création de nouvelles entités administratives… Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. On toucherait, de plus, au secret des affaires.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE1775 de Mme Lisa Belluco et CE2434 de Mme Mathilde Hignet

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement travaillé avec l’association Terre de liens vise à créer un registre des exploitations agricoles, afin de mieux connaître la structure de la production agricole en France – et notamment le niveau de concentration foncière.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’article 10 crée un répertoire départemental unique des exploitations agricoles, dont les données seront évidemment agrégées au niveau national, ce qui nous permettra certainement de répondre aux questions que vous posez.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Charles de Courson (LIOT). Qu’est-ce qu’un exploitant agricole ? C’est tout simplement quelqu’un qui est immatriculé à la Mutualité sociale agricole. Il y a déjà un fichier : inutile de réinventer ce qui existe déjà.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Notre demande porte sur un registre non pas des exploitants, mais des exploitations. Ce n’est pas la même chose : ainsi, si une exploitation rassemble cinq sociétés civiles d’exploitation agricole, les statistiques comptent cinq unités alors qu’il n’en existe qu’une seule. Les chiffres sont donc surestimés.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE309 de M. Dominique Potier, CE3213 de Mme Anne-Cécile Violland et CE3152 de M. Lionel Vuibert (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Mon amendement vise à définir dans la loi le droit à l’essai, qui permet à quelqu’un de vivre une expérience concrète d’association, de présence dans une exploitation agricole. C’est un projet défendu par de nombreux acteurs, notamment de l’agriculture de groupe, et par de nombreux syndicats agricoles, dont les Jeunes Agriculteurs.

C’est un amendement de consensus. Nous créons un statut qui facilite l’accès à cette expérience : il ne faut pas seulement des institutions, mais aussi des processus.

M. Luc Lamirault (HOR). Les amendements CE3213 et CE3152 visent également à concrétiser le droit à l’essai, dont j’espère que nous le maintiendrons dans l’article 1er. Il s’agit de permettre à des exploitants agricoles de tester des projets communs. Les installations se font de plus en plus souvent en société, ce qui n’est pas toujours simple. Une période de test est judicieuse.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis convaincu de l’intérêt de donner un cadre au droit à l’essai. L’expérimentation menée en ce sens par Gaec & Sociétés est très intéressante, on le voit en Savoie et en Haute-Savoie depuis longtemps. Il peut aussi s’agir d’essayer le travail en commun en vue d’un regroupement d’exploitations dans un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec).

Mais je sais aussi que le Gouvernement travaille activement sur ce sujet pour tenter de définir un cadre juridique attrayant et robuste : je laisserai le ministre vous le confirmer.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements pour que le législateur intervienne si nécessaire sur ce sujet une fois le travail gouvernemental achevé.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Nous avons inséré la notion de droit à l’essai à l’article 1er : la politique d’installation et de transmission en agriculture aura entre autres pour finalité d’« encourager les formes d’installation collective et les formes d’installation progressive, y compris le droit à l’essai ». Nous disposons ainsi d’une accroche, ce qui évitera qu’on nous oppose l’irrecevabilité.

Mais nous avons besoin de saisir le Conseil d’État, car le droit à l’essai pose des questions très complexes de droit des sociétés. Le travail est en cours et il est trop tôt pour inscrire une rédaction dans la loi. Demande de retrait.

M. Antoine Armand (RE). Je peux témoigner du succès de l’année à l’essai en Haute-Savoie, depuis 1991, et donc de l’intérêt d’un tel dispositif. C’est exactement ce que nous cherchons à faire : faciliter l’installation, notamment l’arrivée dans le milieu agricole de personnes qui n’en viennent pas forcément, et par là retrouver des chances de préserver notre souveraineté alimentaire.

J’entends aussi qu’un travail est en cours et je comprends que le Gouvernement s’engage à instaurer ce dispositif dès qu’il le pourra, par une loi ou par le règlement, afin qu’il profite à l’ensemble du territoire.

M. Thierry Benoit (HOR). C’est ce qu’on appelait les « Gaec à l’essai ». Cela existe depuis 1991 : ce n’est plus une expérimentation…

Il serait bon, Monsieur le ministre, d’inscrire dans ce texte le statut juridique du droit à l’essai, mais aussi le statut de ces jeunes qui ne sont ni apprentis, ni apprenants, mais qui bénéficient d’un tutorat. Je regrette que cette loi d’orientation n’ouvre pas de perspectives. Depuis mardi, nous passons notre temps à réécrire des articles, à débattre de dispositions mal emmanchées, mal préparées. Une loi d’orientation devrait donner des directions, notamment pour la jeunesse !

M. Charles de Courson (LIOT). L’essai est une bonne idée. On nous a expliqué qu’il existe un vide juridique et que le Gaec n’est qu’une solution parmi d’autres pour le combler, les CDD en étant une autre. Envisagez-vous plusieurs solutions ? Le cas d’un entrepreneur individuel n’entre pas dans le cadre de l’amendement de monsieur Potier, par exemple. Mais un cadre juridique est nécessaire pour sécuriser un exploitant qui veut prendre un jeune à l’essai.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le ministre, vous n’avez pas envisagé l’hypothèse d’adopter cet amendement, puis de l’améliorer au cours de la navette. Vous demandez plus de temps, et je comprends la difficulté technique qui se pose. Plusieurs groupes parlementaires sont passionnés par ces questions : nous garantissez-vous de nous associer à la recherche de solutions et à la rédaction d’amendements que nous pourrions déposer de façon collégiale ?

M. Marc Fesneau, ministre. Oui, Monsieur Potier. Vous serez tous associés.

Monsieur de Courson, nous envisageons toutes les formes de droit à l’essai.

Monsieur Benoit, il sera évidemment tenu compte du statut de celui qui use de ce droit à l’essai.

M. Thierry Benoit (HOR). Cela existe depuis 1991 !

M. Marc Fesneau, ministre. Si c’était facile, nous disposerions depuis longtemps d’un dispositif opérationnel ! Si nous avons mis une accroche à l’article 1er, c’est bien pour traiter le sujet, mais le problème juridique est immense. Le Conseil d’État a été saisi de la question.

La commission adopte l’amendement CE309. En conséquence, les amendements CE3213 et CE3152 tombent.

 

Amendements identiques CE2278 de M. David Taupiac, CE2447 de M. Loïc Prud’homme et CE3275 de Mme Marie Pochon

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de créer un réseau d’expérimentation pour soutenir les projets de restructuration-diversification, dans l’idée de s’adapter à ceux qui souhaitent s’installer sans être issus du milieu agricole.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). La diversification, de nombreux agriculteurs vous le diront, est l’assurance d’une meilleure résilience économique, au moment où nous affrontons le changement climatique et la chute de la biodiversité. Nous proposons donc que l’État s’engage dans la création d’un réseau d’expérimentation pour soutenir ces projets au sein d’exploitations agricoles volontaires.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Ce réseau faciliterait l’installation de nouveaux porteurs de projet. Des exploitations considérées comme difficiles à transmettre du fait de leur importante spécialisation, d’un manque d’ergonomie ou d’une production peu attrayante pourraient trouver un repreneur. La diversification renforce en outre la résilience face aux perturbations économiques et climatiques.

L’agriculture française est forte de ses expérimentations. Ce réseau national pourrait les mettre en avant et les accompagner, ce qui n’a jamais été si nécessaire.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. C’est au réseau France Services agriculture qu’il reviendra d’accompagner ces projets innovants de restructuration et de diversification. C’est pourquoi il est important de concentrer sur lui les moyens nécessaires. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE3223 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement pose la question des modalités de financement des Safer. Elles assurent une mission de service public primordiale pour la transition agroécologique comme pour notre souveraineté alimentaire, mais elles sont financées non par de l’argent public, mais par des excédents sur les opérations qu’elles mènent, ce qui peut les soumettre à des intérêts contradictoires. Pourquoi les Safer ne pourraient-elles bénéficier d’un financement public, puisqu’elles exercent une mission d’intérêt général ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’État s’engage financièrement au côté des Safer sur le portage du foncier agricole. Il devra le faire encore davantage – j’en ai parlé à propos de l’article 8. Mais le financement des Safer, personnes privées chargées de missions de service public, ne peut pas reposer entièrement sur l’État. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3276 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous aimerions qu’un bilan soit dressé de la dotation Jeune Agriculteur.

Ce dispositif va dans le bon sens, il est souvent une aide essentielle, mais il rencontre des écueils de plus en plus nombreux. Il serait temps de le faire évoluer. Selon la Cour des comptes, la moitié de ceux qui y seraient éligibles ne demandent pas la DJA. Par ailleurs, un tiers des personnes qui s’installent ont plus de quarante ans – souvent des gens qui ne sont pas issus du milieu agricole et qui ont connu auparavant un autre parcours professionnel. Ce sont des candidats à l’installation qui peuvent avoir des idées novatrices, qui disposent de ressources spécifiques et dont les projets sont intéressants, au-delà du fait qu’ils viennent repeupler nos villages ; mais ils ne peuvent prétendre qu’à 9 % des aides publiques à l’installation.

Par ailleurs, la DJA n’est pas bien adaptée aux salariés-associés éligibles des sociétés coopératives d’intérêt collectif ou des sociétés coopératives de production, et ne correspond pas bien non plus à la nouvelle donne climatique ou à la féminisation des métiers agricoles.

Il nous paraîtrait pertinent de la faire évoluer vers une dotation « Nouvel Agriculteur ».

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ce bilan existe : l’article L. 330‑1 du code rural prévoit déjà que les régions l’établissent chaque année, et il est consolidé par l’État. Quant au non-recours, on peut espérer que la création de France Services agriculture et des structures qui l’accompagneront permettront de le faire diminuer.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous ne remettons pas en cause la mission de France Services agriculture, mais les données actuelles montrent qu’il faut repenser la DJA pour l’adapter à de nouveaux publics et à la nouvelle donne démographique.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 11 : Privilèges d’un groupement d’employeurs en cas de défaillance d’un utilisateur de ce groupement

 

La commission adopte l’article 11 non modifié.

 

 

La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 23 heures 55.

 

 

Article 12 : Création de groupements fonciers agricoles d’investissement

 

Amendements de suppression CE450 de M. Dominique Potier, CE1286 de M. Francis Dubois, CE1784 de Mme Lisa Belluco, CE2005 de Mme Hélène Laporte, CE2046 de M. David Taupiac, CE2379 de M. André Chassaigne, CE2402 de Mme Mathilde Hignet et CE3285 de Mme Marie Pochon

M. Dominique Potier (SOC). Je parle très rarement à l’Assemblée nationale de mon métier, de mon identité, de ma vie privée – cela me paraît toujours un peu impudique. Je vais déroger ce soir à cette règle pour vous dire qu’issu d’une famille de petits paysans, j’ai pu travailler, hors cadre familial, avec quatre associés dont aucun n’était fils de paysan. Si nous avons pu nous lancer, c’est parce qu’il existait une politique de régulation du foncier. Sans CDOA, sans Safer, sans droit de fermage, mes associés – ce sont des amis, des frères – ne seraient jamais devenus paysans. Cette génération de notre Gaec prépare la relève, elle fait le Tour de France agri, elle milite pour l’installation et le partage de la terre, pour la plus-value et pour l’agroécologie. Cette aventure humaine, c’est la mienne comme celle de dizaines de milliers de paysans. Elle est fondée sur le partage et l’esprit d’entreprise, le second étant permis par le premier. Et ce partage, ce n’est pas seulement de la bonne volonté, de la charité ou de la fraternité : c’est d’abord le droit, la loi.

Or ce droit a été fragilisé depuis une quinzaine d’années. Le droit de préemption des Safer est fragilisé par les démembrements de propriété ; le fermage est contesté par les fonds spéculatifs, par les libéraux, par tous ceux qui veulent une dérégulation ; quant aux CDOA, elles ne sont parfois plus que l’ombre d’elles-mêmes, mal gouvernées et impuissantes à réguler des manœuvres sociétaires dilatoires et des montages d’une extrême complexité.

La priorité devrait être de réparer cette régulation du foncier et de garantir des systèmes de portage. Ce devrait être l’article 1er de cette loi, voire son article unique : que la liberté d’entreprendre soit garantie pour tous afin de renouveler les générations, d’assurer la compétitivité par un prix maîtrisé du foncier et l’accès de chacun à la possibilité d’entreprendre. Or ce projet de loi non seulement omet cela, mais il contient des dispositions dont tous les experts nous disent qu’elles risquent d’accélérer une dérégulation dont nous constatons déjà les effets et dont nous dénonçons les conséquences.

Dans notre pays, entre 65 % et 75 % des terres sont en fermage et les propriétaires ruraux possèdent en moyenne 7 hectares de terrain. On ne constate pas d’augmentation de la mise sur le marché des biens fonciers ; le marché est assez bien régulé, les familles et les amis acceptent les règles du fermage et continuent la grande aventure d’un foncier maîtrisé au service d’une agriculture nourricière qui a fait les paysages et la force de la France.

Et puis, il y a les ultralibéraux que cette originalité française agace. Depuis des années, ils cherchent des montages différents. Il y a la voie de la dérégulation. Il y a aussi la voie du portage. Ces alternatives prennent aujourd’hui la forme du GFAI, rebaptisé GFAE sans que cela change quoi que ce soit sur le fond.

C’est une rupture. Nous disposons de tous les moyens du portage. Il y a la propriété rurale. Il y a le fonds Elan du Gouvernement et de la Caisse des dépôts, qui permettra de canaliser des fonds privés, avec une gestion publique partagée, au service du portage transitoire du foncier ; cette très belle initiative annoncée aux Terres de Jim par le Président de la République a tardé à se concrétiser, mais elle grandira, j’en suis convaincu. Il y a les groupements fonciers agricoles mutuels : j’en connais un qui a permis de remembrer des friches afin que des viticulteurs puissent s’installer ; ce sont ainsi deux cents citoyens qui possèdent deux entreprises de viticulture qui enrichissent le paysage et apportent de l’innovation. Il y a Terre de liens et les formules associatives de l’économie sociale. Bref, en matière de portage du foncier, nous disposons d’un éventail de solutions très complet.

Le GFAI est une rupture, parce qu’il fait appel au financement public sans partir de la demande d’un agriculteur, mais aussi parce que, comme tous les groupements fonciers agricoles – mais avec une vision spéculative –, il échappe à toutes les formes de contrôle des structures. Par sa nature même, il ne sera pas géré de façon associative et autogérée, mais par une banque ou une assurance. L’expérience des GFAI forestiers nous a montré qu’ils terminent en montage de titrisation au Luxembourg ou dans d’autres paradis fiscaux, pour le seul bénéfice de ces banques et assureurs. Le GFAI bénéficie enfin – et c’est le comble – d’une fiscalité qui était réservée aux formes associatives et familiales et qui soutiendrait, ici, la spéculation.

Cet article 12 fait le contraire de ce que nous voulons. Nous proposons donc de le supprimer.

M. Francis Dubois (LR). La création des GFAI suscite de nombreuses interrogations. On peut notamment craindre un renchérissement du foncier, qui est essentiel au bon fonctionnement de notre secteur agricole et crucial pour la souveraineté alimentaire, comme pour l’entretien et la conservation des paysages – notamment en zone d’élevage. Ce projet de loi ne traite pas suffisamment cette question.

L’article 12 pourrait réduire le rôle du chef d’exploitation sans apporter de garantie suffisante quant à l’efficacité des mesures qu’il contient ou leur adaptation aux besoins des agriculteurs. Et, dans un contexte d’utilisation croissante des terres agricoles à des fins financières au détriment de leur vocation première, les groupements fonciers agricoles d’investissement peuvent aggraver la situation.

Cet article ne répond pas aux défis réels de notre agriculture, notamment en zone d’élevage ; il pourrait constituer un danger pour nos zones rurales et ramener le grand métayage. Nous souhaitons sa suppression.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La surface agricole utile du pays est déjà contrôlée à hauteur de 14 % par des sociétés financiarisées. Cela peut paraître peu, mais c’est le double d’il y a vingt ans. Cela freine l’installation de nouveaux paysans, car ces firmes accroissent la tension sur le foncier en achetant les parts sociales des entreprises agricoles à des prix bien au-dessus du marché. En outre, elles échappent le plus souvent au contrôle des Safer, dont le rôle est d’éviter la flambée des prix des terres agricoles.

En créant ces GFAI, vous n’allez faire que renforcer cette logique de financiarisation des terres. Tous les acteurs auditionnés nous l’ont dit ; de Terre de Liens aux Safer, tous sont vent debout contre cette proposition. Les Françaises et les Français ne comprendront pas que des acteurs privés, parfois étrangers, investissent dans des terres agricoles avec la rentabilité économique pour seul objectif.

Nous souhaitons vivement la suppression de cet article parce que nous pensons que la terre est absolument nécessaire à notre survie alimentaire et qu’elle ne doit pas être financiarisée.

M. Grégoire de Fournas (RN). Cet article repose sur le postulat selon lequel il est souhaitable d’aider les agriculteurs à s’installer en leur permettant d’accéder au foncier grâce à aux investissements réalisés par des tiers. Mais on aborde le sujet par le mauvais côté : c’est la rémunération qui constitue le fond du problème. Si les agriculteurs étaient rémunérés correctement, il y aurait beaucoup moins de difficultés d’accès au foncier. En effet, comme cela a déjà été dit, de nombreux outils existent et pourraient être améliorés.

En réalité, le système que vous proposez conduira les agriculteurs à être locataires à vie d’un outil de production qu’ils ne posséderont plus. Ce n’est pas normal car, si nombre d’agriculteurs ne vivent pas de leur métier, au moins se constituent-ils un patrimoine. Cela peut faire la différence lorsque l’on est amené à discuter avec une banque en raison d’une mauvaise récolte ou d’une conjoncture défavorable.

En outre, dans le contexte actuel de déséquilibre des relations commerciales, il ne faut pas croire que le fait de ne pas avoir la charge du remboursement du foncier bénéficiera aux agriculteurs : cette marge de manœuvre sera récupérée par l’agro-industrie et par la grande distribution.

Sans vouloir porter atteinte à la sérénité du débat, on peut tout de même se demander d’où vient l’idée d’une telle mesure. Notre groupe est donc totalement défavorable à cet article.

M. Charles de Courson (LIOT). Nous l’avons déjà dit, il manque dans ce projet de loi un volet concernant la régulation du foncier et un volet destiné à faciliter la transmission dans un cadre familial.

Notre groupe est hostile à l’article 12 dans sa rédaction actuelle, car il risque d’aboutir à une financiarisation de l’agriculture. Le nouveau dispositif est un moyen de contourner la loi Sempastous – lors de l’adoption de laquelle on savait déjà que la mise en société ne permettrait plus de réguler grand-chose.

Nous redoutons aussi le renchérissement du prix du foncier. En effet, la rentabilité agricole est très limitée : elle est fixée par des barèmes préfectoraux entre 1,2 % et 1,4 % : ce n’est pas avec cela que l’on attirera des capitaux. Le risque est donc que les investisseurs intéressés se rémunèrent par la plus-value tirée de la hausse du prix du foncier.

Par ailleurs, l’impact fiscal de la mesure n’est pas vraiment évalué et les collectivités locales risquent de perdre des droits de mutation. Il est également prévu un abattement de 18 % ou 25 % sur le revenu imposable, ce qui pourrait créer une distorsion de concurrence entre les GFAI et les agriculteurs qui achètent du foncier.

Quant au fermier, il ne pourra plus bénéficier de son droit de préemption.

Nous avons d’autres propositions, dont celle de moderniser les groupements fonciers agricoles mutuels. Il en existe vingt dans mon département. Grâce à des groupes d’une centaine d’investisseurs locaux, ils disposent chacun en moyenne d’un stock d’environ deux cents hectares, loués à quinze ou vingt agriculteurs dans le cadre de baux à long terme.

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). Plus que tout le reste, cette financiarisation de l’agriculture traduit votre incapacité à garantir des revenus aux agriculteurs. La question de la transmission est en effet étroitement liée à celle des revenus agricoles. Et comme vous renoncez à garantir ces derniers, vous préférez faire entrer des capitaux.

C’est précisément un modèle économique reposant sur une forme de transfert du travail des agriculteurs vers le capital qui met l’agriculture à genoux. Or, vous renforcez ce système. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer cet article.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous en venons à l’article scélérat de cette loi, qui vise tout simplement à tuer l’agriculture familiale au profit de l’agriculture capitaliste.

Après la seconde guerre mondiale, l’objectif constant des politiques publiques a été de s’appuyer sur des exploitations détenues par un ou deux agriculteurs d’une même famille, employant parfois un ou plusieurs salariés. Vous ouvrez une brèche énorme pour favoriser l’agriculture capitaliste, dans laquelle les facteurs de production ne seront plus possédés par l’exploitant agricole mais par d’autres acteurs, en l’occurrence financiers, n’appartenant pas au monde agricole.

Cette mesure délétère conduira à une perte de souveraineté du monde agricole en ce qui concerne le premier des facteurs de production, qui est bien évidemment la terre.

Je rappelle que, si le capital des GFAI peut être détenu par des sociétés d’investissement à capital variable (Sicav) ou des sociétés privées d’assurance, ces groupements peuvent surtout, et c’est nouveau, faire appel aux épargnants. Ces derniers détiendront des titres financiers, toucheront des dividendes et bénéficieront des mêmes avantages fiscaux que les GFA, ce qui constitue une concurrence déloyale.

La quasi-totalité des acteurs agricoles sont opposés aux GFAI, qu’il s’agisse de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, de la Coordination rurale, de la Confédération paysanne, des Safer ou du Mouvement de défense des exploitants familiaux.

Comment peut-on défendre un tel article dans un texte censé faciliter le renouvellement des générations agricoles ? Lorsque l’on soumet le sigle « GFAI » à un moteur de recherche, les deux premiers résultats sont les sites de France Valley Investissements, société de gestion de portefeuille qui se félicite de la création des GFAI, et celui de Boursier.com. Voilà quels sont les véritables bénéficiaires de la financiarisation du monde agricole !

Adopter cet article nous conduira directement au modèle britannique, dans lequel les grands investisseurs ont accaparé les terres – avec pour conséquence une explosion du prix du foncier qui pénalise toute l’agriculture. Le Royaume-Uni importe massivement des denrées alimentaires et moins de 1 % de sa population active travaille dans le secteur agricole : voilà ce vers quoi nous allons tout droit !

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). La seule mesure concernant le foncier dans ce texte vise donc à attirer des capitaux privés pour contribuer à l’effort d’investissement lors d’une installation en agriculture. Surtout, l’alinéa 2 précise que les capitaux ainsi levés sont investis dans l’intérêt des investisseurs.

Pour notre groupe, ces GFAI sont une impasse. Le dispositif risque d’aggraver la financiarisation, qui a déjà doublé depuis vingt ans, et la concentration des terres agricoles. Cela dépossédera encore davantage les agriculteurs de leur premier outil de travail que sont les terres agricoles.

Si le foncier n’est actuellement pas accessible, ce n’est pas uniquement par manque de capital, mais aussi en raison de son prix et de la spéculation. Or les GFAI ouvrent précisément la voie à davantage de spéculations, en pleine contradiction avec l’objectif de la loi – à savoir le renouvellement des générations et le maintien, voire l’augmentation, du nombre d’agriculteurs et d’agricultrices. C’est pour cela que les Safer, Terre de Liens et la quasi-totalité des syndicats agricoles s’opposent à cet article que tant de groupes politiques veulent supprimer.

M. Éric Girardin, rapporteur général. Je vais rappeler un certain nombre d’éléments de contexte.

L’article dont nous discutons est issu d’un rapport sur la transmission familiale du foncier et des exploitations viticoles et l’encouragement à l’installation des jeunes, que j’avais remis au Premier ministre il y a deux ans.

Je vous ai présenté cet après-midi la traduction d’un certain nombre de mes propositions en matière d’allègement de la fiscalité des droits de mutation. Le deuxième volet concernait la création d’un outil de portage du foncier, dans un contexte d’accélération indéniable de la mise sur le marché des terres prochainement libérées. Ce phénomène va nécessiter des fonds importants et il convient de canaliser les flux financiers afin de pouvoir mieux installer les jeunes.

Dans le cadre de la concertation qui a précédé la rédaction du projet de loi, le groupe de travail n° 2 a souhaité que soit développé un outil de portage du foncier – chacun peut consulter la synthèse de ses propositions.

J’avais moi-même proposé la mise en place d’un tel outil s’agissant de la viticulture. Je rappelle également que le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises, laquelle prévoit la création de GFAE.

Il me semble nécessaire de dépassionner le débat et d’éviter les excès, par exemple en nous accusant de chercher à tout financiariser. Loin de moi l’idée de mettre en place un système où la terre serait instrumentalisée pour servir les intérêts d’investisseurs, quels qu’ils soient. Ce n’est pas du tout l’objet du dispositif qui vous est proposé, dont je rappelle qu’il est similaire à celui voté par le Sénat.

Ce dispositif complémentaire a pour but d’attirer de l’épargne, afin de permettre aux groupements d’acheter du foncier pour ensuite le louer à des agriculteurs qui s’installent, dans un contexte où un nombre croissant de nouveaux exploitants ne sont pas issus du milieu agricole et ne reprennent pas une installation familiale – c’est une réalité.

J’avais déposé une proposition de loi qui consistait simplement à reprendre l’architecture des groupements forestiers d’investissement pour créer les « GFAI » – que je propose de renommer « GFAE » dans l’amendement CE3395 qui viendra plus loin – car cela permettait de recevoir des fonds publics, qui constituent une garantie. Ni plus, ni moins.

Lors de nos auditions, j’ai bien compris que ce projet suscite des irritations et des inquiétudes, en particulier s’agissant de la financiarisation. C’est ce qui m’a conduit à proposer une nouvelle rédaction pour mieux expliquer le but, le fonctionnement et les garanties des GFAE.

Ces groupements ont pour objet de lever des capitaux en vue d’acquérir, détenir et conserver des biens immobiliers à usage ou vocation agricole et de les mettre à disposition d’exploitants agricoles, pour l’exercice d’une activité agricole définie à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, dans le cadre de baux à long terme. Un GFAE « conclut en priorité les baux à long terme qu’il signe avec des porteurs de projets d’installation » : la priorité est donc bien donnée à l’installation.

Le droit commun en matière de protection de l’usage des terres agricoles s’applique, avec le statut des baux ruraux, le contrôle des structures ainsi que le contrôle par les Safer en cas de cessions de parts. Tout cela apporte des garanties. Le dispositif que nous proposons est très proche de celui des GFA.

En outre, un certain nombre d’acteurs, notamment publics – à commencer par les régions, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes – pourront investir dans les GFAE pour assurer un portage du foncier agricole, ainsi que les sociétés ayant pour objet le portage du foncier agricole qui sont majoritairement détenues par des personnes publiques, comme le fonds Elan.

Je ne vois donc pas comment appeler cela de la « financiarisation » : nous ne faisons que renforcer le contrôle et transposer des dispositifs qui existent dans le cadre des GFA. La seule chose qui change est l’ouverture du financement de ces nouvelles structures à des investisseurs extérieurs, aussi bien individuels qu’institutionnels. Le volume de leurs investissements est limité puisque, comme pour les GFA, il ne peut pas dépasser 30 SMA (surfaces minimales d’assujettissement). Tout cela est également protégé par un dispositif fiscal.

Je ne vois encore une fois dans ce dispositif ni aberration, ni financiarisation. Nous avons prévu des outils de contrôle. Nous ouvrons les GFAI à des investisseurs extérieurs par le biais de l’appel public à l’épargne parce qu’il faut doper ces structures afin de faire face aux importants enjeux financiers qui sont devant nous concernant le portage du foncier agricole.

Bien entendu, la réécriture que je propose pourra faire l’objet d’améliorations.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet article complète les dispositifs que nous avons instaurés ces derniers mois, en particulier le fonds de portage du foncier. Nous pensons qu’il sera utile, car un grand nombre de terrains agricoles vont changer de propriétaires dans les dix prochaines années. Outre le fait que cela représente un volume important, ces transmissions s’effectueront beaucoup moins qu’auparavant dans un cadre familial, ce qui pose un problème de portage du foncier.

L’objet du fonds de portage du foncier, qui sera déployé en juin ou début juillet, est d’éviter, pendant le temps que dure l’installation, qui est variable selon les exploitations, d’avoir à supporter la charge du foncier, laquelle est de plus en plus lourde.

L’augmentation du prix du foncier est déjà une réalité : elle n’est pas le résultat du projet de création des GFAI. On constate d’ailleurs que le prix du foncier en France, plus bas que dans le reste de l’Europe, était jusqu’à présent l’un de nos rares éléments de compétitivité. C’est la rareté des terres qui est à l’origine de l’augmentation des prix.

Par ailleurs, un certain nombre de gens qui ne font pas du tout partie du monde agricole investissent de plus en plus dans les terres agricoles. Beaucoup d’entre eux refusent de louer ces terres et préfèrent recourir au travail à façon. De cette manière, ils peuvent exploiter plusieurs milliers d’hectares sans que cela apparaisse comme une grande structure.

Vous avez élaboré des dispositifs afin de réguler l’accès au foncier, dont notamment la loi Sempastous. Il est sans doute nécessaire de dresser le bilan de celle-ci, mais nous aurons de toute manière besoin que des fonds privés soient investis dans l’agriculture. Cela n’enlève rien à la nécessité de lui apporter des fonds publics et je rappelle que le fonds Entrepreneurs du vivant est doté de 400 M€.

Telles sont les raisons qui ont conduit à proposer la création des GFAI.

En effet, dans la réalité, les GFA rencontrent des difficultés pour collecter des capitaux auprès des particuliers. Ils ne peuvent pas procéder à une offre publique pour la vente de leurs parts sociales, la responsabilité des associés est illimitée, il n’existe pas de marché des parts sociales de GFA et les négociations sont difficiles lorsqu’un associé veut en sortir.

En créant les GFAI, nous faciliterons l’accès au foncier pour les futurs exploitants, en particulier les nouveaux installés, et encore plus ceux qui ne sont pas issus du monde agricole. Cet article permet donc de lever des capitaux en vue d’acquérir, détenir et conserver des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole et de les mettre à disposition. Nous estimons à environ 100 M€ par an la taille de ce marché.

Comme l’a rappelé le rapporteur général, cette mesure ne constitue pas une surprise. Elle résulte des concertations organisées dans le cadre du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Le Gouvernement et le ministre de l’agriculture n’ont en aucune manière l’intention de déréguler le foncier. Si tel avait été notre souhait, nous aurions dit qu’il suffisait de s’en remettre au privé et nous n’aurions pas pris la peine de créer le fonds Entrepreneurs du vivant et d’accorder des moyens aux établissements publics fonciers et aux Safer. Nous avons pris notre part de responsabilité, mais nous avons aussi besoin du privé en raison de la masse des capitaux qui va être nécessaire du fait de l’arrivée sur le marché d’une grande quantité de terres agricoles et de la diminution des transmissions familiales. D’ailleurs, même lorsqu’elles interviennent dans un cadre familial, les transmissions d’exploitation deviennent difficiles.

Avec le rapporteur général et les rapporteurs, nous avons entendu les craintes qui se sont exprimées. Nous proposons donc de prévoir plus explicitement que les GFAI sont destinés à faciliter l’installation, comme le souhaitent un certain nombre de groupes. C’était bien entendu l’objet de la mesure, mais il est utile de le souligner. Tel est l’objet de la nouvelle rédaction qui vous sera proposée tout à l’heure.

Certains, en particulier au groupe Horizons et apparentés, voulaient aussi que ce dispositif soit l’occasion de renforcer la loi Sempastous. Ce souhait est déjà satisfait selon nous, mais l’amendement de réécriture globale du rapporteur général en tient également compte.

Enfin, les dispositions en matière de vente des biens immobiliers évitent de courir le risque que l’exploitant agricole se trouve dépossédé.

Notre intention est donc bien de favoriser la levée de capitaux privés pour aider à l’installation et à la transmission, en complément des fonds publics. La puissance publique ne pourra pas fournir à elle seule les sommes dont l’agriculture a besoin. Si nous n’attirons pas des fonds privés, au bout du compte, seuls ceux qui en ont les moyens pourront, comme aujourd’hui, s’agrandir – et vous ne pourrez pas les empêcher d’acquérir du foncier. Les GFAI permettent d’éviter cet écueil que nous avons déjà sous les yeux.

Je termine en évoquant les groupements forestiers d’investissement, créés en 2014 par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt présentée par le ministre Stéphane Le Foll. Que l’on me donne un exemple de dévoiement de ce dispositif, qui existe depuis dix ans ! Je n’en ai vu aucun et je ne partage pas l’opinion de M. Potier sur leur compte. Le prix des forêts a augmenté, mais pour des raisons liées aux enjeux du stockage de carbone. Les groupements forestiers d’investissement n’y sont pour rien et ils ne sont pas des instruments de spéculation.

On cherche parfois à se faire peur avec des dispositifs dont on a pourtant des exemples réussis sous les yeux. Ce qui a marché pour la forêt doit aussi pouvoir marcher pour l’agriculture. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression, en attendant de pouvoir discuter du fond avec les amendements.

M. Pascal Lavergne (RE). Comme les autres rapporteurs, j’ai assisté à toutes les auditions et nous nous sommes très vite aperçus que ce dispositif de GFAI ne donnait pas satisfaction. N’oublions pas que le monde agricole et la société nous regardent et que nous sommes responsables de l’avenir de notre agriculture.

Le foncier est un élément essentiel pour produire des denrées alimentaires. Nous avons pris la mesure des critiques formulées contre cet article. Un amendement de réécriture est proposé. Il offre un angle différent, en insistant sur la notion d’épargnants et en liant le dispositif à l’octroi de baux de long terme, ce qui sécurise l’installation des jeunes agriculteurs.

Il serait regrettable d’adopter ces amendements de suppression, car cela nous priverait de la possibilité d’améliorer encore la proposition du rapporteur général, si tant est qu’il en soit encore besoin.

M. Thierry Benoit (HOR). Dans cette affaire des GFAI, le problème est que l’on aborde par le biais du prix la question du foncier, alors qu’il manque dans ce texte un véritable volet destiné à réguler ce dernier.

Or c’est la régulation qui permet aux éleveurs de Bretagne de pouvoir encore acquérir des terres destinées à l’élevage, pour un prix compris entre 4 000 et 10 000 euros par hectare. Le dispositif qui nous est proposé est certainement utile dans des régions où les terres ont atteint une telle valeur qu’elles sont devenues inaccessibles pour une personne physique, avec un prix qui peut s’élever à un million d’euros par hectare.

Dans ma région et en l’état actuel des choses, tous les éleveurs et toutes les organisations professionnelles agricoles sont opposés à cet outil – d’aucuns disent ici que c’est le cas dans toute la France.

Les conditions ne sont pas réunies ce soir pour adopter ce dispositif. Je ne le voterai pas.

Je souhaite, Monsieur le ministre, que l’on travaille plutôt sur les Safer, qui ont jusqu’à présent joué un rôle majeur en matière de régulation, de préemption et de partage des terres agricoles. J’avais d’ailleurs déposé un amendement qui visait à expérimenter la fusion des Safer et des CDOA en leur accordant plus de missions et de moyens, en échange de davantage de transparence.

Mais il faut traiter le sujet du partage et de la régulation, pour permettre à de nouveaux exploitants d’acquérir des terres et de s’installer. Plus tard, on pourra sans doute envisager un outil comme le GFAI, mais en le réservant dans un premier temps aux grandes régions viticoles.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 12 est supprimé et les autres amendements tombent.

 

M. Marc Fesneau, ministre. Je prends acte de ce vote, mais le problème n’en reste pas moins entier. D’abord, il faut sécuriser les choses. C’est d’ailleurs ce que proposait l’amendement de réécriture du rapporteur général. Ensuite se pose la question de la régulation, évoquée par Monsieur Benoit, et singulièrement de sa gouvernance.

Certains d’entre vous, y compris parmi ceux qui ont voté pour la suppression de l’article, pensent que nous avons bel et bien besoin de fonds privés pour faire face au défi du renouvellement des générations. Je propose que l’on travaille à une rédaction qui s’appuie sur le travail de vos rapporteurs en reprenant les deux éléments soulevés par Monsieur Benoit. Cela nous permettrait d’avoir un débat un peu plus serein sur un sujet primordial pour l’agriculture.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le ministre, nous sommes disponibles depuis des années pour travailler sur une grande loi foncière. Le vote de ce soir exprime une très forte attente des professions agricoles, de la société et des politiques. Lançons ce chantier !

M. le président Stéphane Travert. Je salue le travail du rapporteur général et des rapporteurs pour réécrire l’article à la sortie de leurs auditions.

Nous ne pouvons pas demeurer dans la situation qui résulte de ce vote et nous laver les mains de la suite. D’ici à la séance publique, il va falloir trouver les compromis nécessaires et de nouveau améliorer le texte, en tenant compte des amendements déposés par les membres de cette commission. Il faut sortir par le haut de cette affaire : l’urgence commande que nous apportions des solutions, que nous devons construire avec les services du ministre et avec le ministre lui-même.

 

 

Après l’article 12

 

Amendement CE1903 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). L’article 12 ayant été supprimé, cet amendement n’a plus d’objet, puisqu’il portait sur le GFAI. Il est retiré.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE1200 de M. Hubert Brigand et CE2266 de M. Thierry Benoit

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Ces amendements donnent la possibilité à toute personne physique ou morale, publique ou privée, d’intégrer une entreprise de travaux agricoles. Il me semble important de conserver une prééminence pour les exploitants agricoles. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

L’amendement CE1370 de M. Charles de Courson est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE3334 de M. Henri Alfandari

 

Amendement CE3111 de M. Jean-Paul Mattei

Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit de permettre à une personne prévoyant de cesser son activité agricole de se maintenir dans un Gaec pourvu qu’elle s’engage à transmettre ses terres à un nouveau membre du Gaec, dans des conditions et dans un délai définis par décret.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. C’est une idée très séduisante, un peu comme si deux vaisseaux spatiaux se rencontraient au moment où l’un arrive et l’autre part, et que le second accompagnait le premier un petit moment. Cela permet une transition plus douce et la réduction des charges au moment de la transmission. Sagesse.

Je voudrais dire aussi que la suppression de l’article 12 et du dispositif du GFAI n’est pas grave : ce qui importe, c’est que nous trouvions les bonnes conditions économiques pour le rachat des exploitations. Le besoin de financement pour les dix prochaines années est de 25 milliards d’euros (Md€). Nous avions prévu avec le rapporteur général, dans un amendement de réécriture de l’article 12, que les banques publiques d’investissement puissent participer à un GFAE pour pouvoir réaliser des portages public-privé. Nous n’aurons pas d’autre choix que de passer par des partenariats public-privé pour assurer la transmission, en particulier pour les personnes qui ne sont pas issues du milieu agricole. Il faut y réfléchir ensemble. Je rappelle que nous devons être capables de financer en dix ans l'installation de 170 000 exploitants nouveaux sur des terres qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gaec, dont l’objet est la mise en commun par les associés de l’ensemble ou d’une partie de leur activité de production agricole, est une structure très encadrée par le droit. Il repose sur le principe fondamental de la participation effective des associés aux travaux en commun, à titre exclusif et à temps complet. Ces spécificités font que le Gaec est la seule forme sociétaire à bénéficier de la transparence des aides, nationales ou de la PAC. Cela n’a pas été facile à obtenir s’agissant des aides de la PAC, car la Commission européenne a du mal à comprendre les Gaec, spécificité française.

Permettre qu’une personne reste membre d’un Gaec, voire continue donc à toucher des aides, alors qu’elle a cessé toute activité agricole remettrait en cause le statut même du Gaec, y compris au niveau européen. Pour répondre à la préoccupation du président Mattei, je rappelle que des dispositions permettent déjà d’assurer une transition pendant un délai d’un an.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). On voit bien en effet, sur le terrain, que des transmissions progressives se font au sein de Gaec.

L’amendement de réécriture de l’article 12 ne prévoit pas du tout un modèle d’économie mixte : il n’y est pas dit que les organismes publics doivent participer au capital des GFAE, mais simplement qu’ils le peuvent. Dans le contexte de prédation financière des terres, il faut garantir à la terre un statut particulier de bien commun avec des régulations spécifiques allant bien au-delà du cadre actuel.

M. le président Stéphane Travert. Si je peux me permettre, je pense que la loi ne peut pas utiliser le verbe « devoir », car cela revient à une injonction.

M. Marc Fesneau, ministre. La voie choisie par le président Mattei ne nous semble pas être la bonne, mais il en existe sans doute d’autres qui permettraient d’atteindre le même objectif.

Cette discussion rejoint celle que nous avions tout à l’heure sur le droit à l’essai : il y a sans doute quelque chose à construire autour de notre volonté commune de favoriser un processus de cession dans la durée.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE2732 de M. Charles Fournier

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à démocratiser la prise de décision dans les groupements fonciers agricoles. En l’état du droit, le droit de vote doit y être proportionnel à la quotité de capital que représentent les parts détenues lorsque les statuts obligent le groupement à donner à bail la totalité de son patrimoine immobilier, même en présence d’une clause contraire. Cette modalité de prise de décision peut créer un effet repoussoir qui ne favorise pas l’installation en agriculture.

Cet amendement élaboré avec Terre de liens garantit la liberté contractuelle des associés tout en leur conférant une plus grande flexibilité dans l’administration de leur groupement. Il permet par exemple une prise de décision plus démocratique selon le principe « un associé, une voix », comme dans les sociétés civiles immobilières.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La création des GFAE ne doit pas être l’occasion de déstabiliser ce qui fonctionne bien, comme c’est le cas des GFA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE363 de M. Julien Dive, CE447 de Mme Véronique Louwagie, CE949 de M. Francis Dubois, CE1516 de M. Dominique Potier, CE1522 de M. Jean-Pierre Vigier, CE1566 de M. Charles de Courson et CE3350 de Mme Anne-Cécile Violland

M. Julien Dive (LR). Il s'agit d'apporter une certaine souplesse s’agissant des activités commerciales exercées par les sociétés civiles agricoles, en autorisant ces dernières à pratiquer des activités commerciales accessoires, mais seulement à hauteur de 10 000 euros et dans la limite de 50 % du chiffre d’affaires, avec application de la transparence Gaec pour le seuil de 10 000 euros, sans remise en cause de la structure Gaec, comme c’est déjà le cas pour les travaux de déneigement ou de salage. Au-delà de ces seuils de tolérance, la constitution d’une société commerciale demeurera requise.

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement est inspiré par le cas de deux jeunes éleveurs de Corrèze qui m’ont alerté sur les difficultés qu’ils rencontraient pour satisfaire leur clientèle en complétant leur gamme par l’achat et la revente d’œufs.

M. Dominique Potier (SOC). Les exploitants agricoles, sous forme de Gaec ou sous forme traditionnelle, voient leur activité commerciale limitée, ce qui est normal puisque leur régime fiscal est différent. Toutefois, il peut sembler aberrant de créer une société ad hoc pour gérer une activité commerciale de cinq mille ou sept mille euros de recettes. Nous proposons donc d’autoriser les exploitants agricoles à exercer une activité commerciale accessoire à hauteur de 10 000 euros – montant qui peut être discuté.

L’idée est de donner un peu de souplesse. Il ne s’agit pas d’une mesure de défiscalisation au profit des plus puissants : elle bénéficiera à ceux qui se donnent la peine, à côté de leur élevage, de faire un peu de yaourt ou de saucisson.

M. Charles de Courson (LIOT). La situation est assez bizarre. Fiscalement, les revenus tirés des activités accessoires peuvent atteindre 100 000 euros et 50 % du chiffre d’affaires, mais en droit civil, les sociétés civiles n’y ont pas droit dès lors qu’il s’agit d’actes d’achat-revente de complément.

Pour éviter aux exploitants d’avoir à constituer une société commerciale, la solution consiste à autoriser les sociétés civiles agricoles à pratiquer, à la marge, des activités commerciales accessoires, mais seulement à hauteur de 10 000 euros – dans le cas d’un Gaec, ce montant serait multiplié par le nombre de membres – et dans la limite de 50 % du chiffre d’affaires.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Il me semble plus simple, pour les associés d’un Gaec souhaitant mener une activité commerciale accessoire, de créer une société commerciale distincte, afin de préserver la spécificité du Gaec. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Le problème n’est pas simple – il se pose d’ailleurs depuis longtemps.

Les activités agricoles ont un caractère civil. Les formes juridiques des sociétés civiles agricoles sont spécifiques : exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), Gaec, SCEA, GFA… Le cadre des sociétés commerciales est différent, leur régime fiscal également et je ne pense pas que la séparation entre les deux permette d’appliquer la solution proposée par ces amendements. Mais j’entends votre demande et je vais regarder ce qui est envisageable d’ici à la séance.

Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements ne posent aucun problème en droit fiscal, puisqu’ils prévoient une limite très basse de 10 000 euros. En dessous, les bénéfices sont considérés comme des bénéfices agricoles. Au-delà, ils deviennent des bénéfices industriels et commerciaux et il faut créer une société commerciale.

Je rappelle en outre que les activités énergétiques d’une exploitation agricole peuvent bénéficier, jusqu’à un montant beaucoup plus élevé, du régime des bénéfices agricoles. Ces amendements sont donc très raisonnables.

Les amendements sont adoptés.

 

 


9.   Réunion du samedi 4 mai 2024 à 9 heures 30 : examen des articles (suite et fin)

Au cours de sa réunion du 4 mai 2024 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques a terminé l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

 

Après l’article 12 (suite)

 

M. le président Stéphane Travert. Mes chers collègues, il nous reste trois cent soixante amendements à examiner. Nous pouvons espérer terminer vers treize heures, si chacun y met de la bonne volonté, sans pour autant escamoter les débats importants.

 

Amendements CE1291 de M. Francis Dubois, CE2895 de M. Julien Dive, CE1296 de M. Francis Dubois et CE95 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

M. Julien Dive (LR). Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur les prêts à taux zéro destinés aux agriculteurs qui s’installent pour la première fois.

M. Pascal Lecamp, rapporteur pour le titre III. Les prêts à taux bonifié ne sont pas le bon outil pour aider nos agriculteurs à s’installer. C’est d’un outil permettant un financement public-privé pour les reprises d’exploitation que la loi doit se doter, en particulier pour les installations des jeunes agriculteurs. Le Gouvernement travaille sur la mise en place d’une nouvelle enveloppe de prêts garantis par l’État, dont le ministre pourra certainement vous donner les contours. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Une mission a été conduite il y a quelque temps sur la question des prêts bonifiés. Trois défauts majeurs avaient été identifiés : la perte d’efficacité et d’attrait du fait de l’évolution des taux ; la complexité et la lourdeur administrative des dispositifs ; l’importance des frais de gestion pour l’État. C’est pourquoi nous avons fait le choix des prêts garantis. Le Gouvernement va renouveler et renforcer ce dispositif, en déployant 2 milliards d’euros de prêts garantis agricoles pour accompagner les installations et les transitions. Les échanges avec les différentes OPA (organisations professionnelles agricoles), en particulier ceux avec les banques, ont montré que c’était le meilleur modèle possible. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Je soutiens cet amendement. Le différentiel de taux entre les jeunes agriculteurs qui se sont installés en 2020 et ceux qui se sont installés en 2024 peut aller jusqu’à 3 points. L’effet du taux pèse énormément sur les revenus. Les prêts à taux zéro ont été une pratique très fréquente pendant les années d’inflation, que nous sommes malheureusement en train de revivre. Un rapport sur le sujet serait bienvenu. Fixer, par exemple, un plafond de 100 000 euros à taux zéro permettrait de disposer d’un vrai outil d’égalité et d’atténuation des fluctuations du marché.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE2243, CE2246 et CE2245 de M. Thierry Benoit

M. Thierry Benoit (HOR). Je vais retirer mes trois demandes de rapport, pour ne pas encombrer les services du ministère. Je préfère qu’ils se concentrent pour peaufiner le texte, qui en a besoin. Puisque l’on ne peut pas aborder le volet fiscal dans ce projet de loi, je souhaitais interpeller le Gouvernement sur trois points.

Premier sujet : examiner les effets d’un avantage fiscal attribué aux agriculteurs cédants qui transmettent leur exploitation hors cadre familial, au lieu de les consacrer à l’agrandissement. Deuxième sujet : analyser les effets d’un doublement du crédit d’impôt accordé aux agriculteurs nouvellement installés les cinq premières années. Un jeune dans l’élevage, le maraîchage ou l’arboriculture a besoin de main-d’œuvre. Le faire bénéficier de mesures fiscales pour l’encourager à recruter des coups de main pourrait être intéressant. Enfin, dernier sujet : étudier les effets d’une suppression du plafond du plan épargne retraite pour les personnes exerçant la profession d’agriculteur.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CE3056 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). En 2022, les exonérations de cotisations sociales patronales se sont élevées à plus de 2 milliards d’euros en agriculture – un montant en constante progression. Elles représentent une intervention publique importante en faveur du secteur agricole et un manque à gagner certain pour les finances publiques. Il nous apparaît judicieux, à l’heure où l’on resserre de toutes parts les vis sur les dépenses publiques, d’évaluer leur efficacité, en matière d’emploi non salarié ou d’emploi salarié, de plus en plus précaire. Ce projet de loi visant à développer l’installation agricole et à valoriser les métiers de l’agriculture, on ne peut pas mettre sous le tapis une évaluation de cette nature.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vous abordez un sujet qui fait l’unanimité chez les agriculteurs, puisqu’ils demandent tous, chaque année, le maintien du dispositif du TODE (exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi). Chaque automne, en commission des finances, nous recevons toutes les statistiques sur les utilisations du TODE. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Benoit, dans le cadre de la mission confiée à l’inspection générale des finances (IGF) et au conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dont j’ai déjà parlé hier, vos demandes seront satisfaites. Nous y intégrerons la partie sur les départs à la retraite. Le rapport sera publié avant l’été, de manière à ce que ses préconisations soient prises en compte dans le PLF pour 2025.

Avis défavorable sur l’amendement de Mme Pochon. Personne n’a de doutes sur l’efficacité du TODE, qui permet d’alléger la charge des agriculteurs, en particulier de ceux qui ont une haute intensité de main-d’œuvre.

M. Charles de Courson (LIOT). Implicitement, dans votre amendement, vous plaidez pour la suppression du TODE. Mais vous êtes-vous demandé pourquoi notre filière fruits et légumes s’est effondrée et que nous sommes largement importateurs ? C’est très simple : les Allemands avaient des prix de revient de leur main-d’œuvre de l’ordre de 6, 7 ou 8 euros, alors que nous sommes à 20 ou 21 euros. Si vous supprimez le TODE, vous ferez exploser les importations et détruirez la filière fruits et légumes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2921 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Le rôle crucial des coopératives agricoles pour accompagner les agriculteurs dans les transitions et les aider à apprivoiser les nouvelles techniques n’est plus à démontrer. Un rapport sur leurs besoins en fonds propres et les voies de financement à explorer, notamment la majoration du plafond des parts sociales d’épargne, serait intéressant.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Ce serait un rapport utile sur le plan fiscal. Sagesse.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Ce sont des sujets sur lesquels nous avons besoin d’être éclairés, compte tenu de l’importance que prennent les coopératives.

M. Charles de Courson (LIOT). Notre collègue a raison de poser cette question, car le plafond actuel est trop bas pour attirer les capitaux des agriculteurs vers les coopératives. On pourrait envisager un dispositif variable en fonction des taux du marché, par exemple.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE105 de M. Fabrice Brun.

 

Amendement CE310 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Selon le rapport « La souveraineté alimentaire de la France. Tirer les leçons de la pandémie de covid-19 », après une étude menée entre mai 2020 et mai 2021 par la Coopération agricole : « La France se positionne de façon encore plus accentuée que par le passé comme un exportateur de produits bruts et un importateur de produits transformés, cédant ainsi du terrain à des partenaires européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie ou la Belgique. » L’une des causes de cette perte de valeur est le manque de cohérence entre les productions agricoles françaises et les capacités des industries de transformation de ces productions. L’atomisation des acteurs agricoles entrave l’investissement, mais aussi la constitution d’une stratégie efficace de conquête des marchés internationaux.

Cet amendement vise à trouver des solutions à ce déficit de structuration, en demandant un rapport relatif à la structuration des organisations de producteurs et aux moyens à mettre en œuvre pour les développer.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Une structuration des organisations de producteurs est indispensable pour rééquilibrer en faveur du producteur le rapport de force existant dans la négociation des contrats de vente des produits agricoles. C’est tout l’objet de la mission de nos collègues, Anne-Laure Babault et Alexis Izard, mais pas celui de ce texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE995 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Nous demandons des rapports, parce que nous n’avons pas pu raccrocher au texte plusieurs sujets essentiels, dont celui de la régulation du foncier. Le détournement du travail à façon en vue d’un accaparement par l’usage du marché foncier n’est pas sans lien avec l’accaparement de propriété. Ce lien a d’ailleurs été établi par plusieurs missions d’information, dont l’une que j’ai menée avec Anne-Laurence Petel. Cet abus crée un phénomène de concentration absolument délétère. Nous proposons de renseigner au minimum, dans le code rural, dans les commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA), les décideurs sur les pratiques d’abus du travail à façon, qui sont un mode d’accaparement nuisant à l’installation et au renouvellement des générations.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le travail délégué représente une solution adaptée pour de nombreux exploitants et n’est pas un problème en soi. Si tous les excès sont problématiques, vous vous éloignez du sujet du texte et je ne vois pas le lien de votre amendement avec le projet de loi. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Dominique Potier (SOC). C’est surréaliste ! C’est le sujet ! Le travail à façon et le phénomène sociétaire sont les deux voies par lesquelles on empêche l’installation des jeunes. Si mon amendement est hors-sujet, c’est que le texte l’est aussi…

La commission rejette l’amendement.

 

 

Avant l’article 13

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE3429 de M. Éric Girardin, rapporteur général.

 

 

TITRE IV
SÉCURISER, SIMPLIFIER ET LIBÉRER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES

 

Article 13 : Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure permettant d’adapter la répression de certaines atteintes à la conservation des espèces et des habitats

 

Amendements de suppression CE457 de Mme Chantal Jourdan, CE1622 de M. Loïc Prud’homme, CE2327 de M. David Taupiac, CE2455 de Mme Lisa Belluco et CE3046 de Mme Marie Pochon

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à supprimer l’article 13, qui habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance pour revoir les dispositifs de répression de nombreuses infractions. Cet article répond à une mauvaise lecture des mouvements de mobilisation des agriculteurs, en laissant entendre que les règles environnementales seraient les principales responsables du malaise de la profession agricole. Le Gouvernement évite ainsi de traiter les sujets de fond sur lesquels il n’apporte aucune réponse : la concurrence déloyale et le revenu des agriculteurs.

Cet article, originellement circonscrit aux manquements commis à l’occasion d’activités agricoles ou forestières, a été élargi à tous les manquements, quelles que soient les activités concernées. Est notamment concerné le non-respect des législations suivantes : protection d’espèces ou de leur habitat, législation sur l’eau ou autorisations environnementales. Il précise notamment que le Gouvernement pourra transformer des sanctions pénales en sanctions administratives.

Les sanctions administratives sont généralement décidées par le préfet. Cela va priver la police environnementale de pouvoirs d’investigation. Dès lors, le rôle d’enquêteur de l’OFB (Office français de la biodiversité) serait réduit à néant, faisant peser sur l’environnement et les espèces protégés des risques importants.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Cet article est à l’image de la façon dont le Gouvernement s’en est sorti après la crise agricole : au lieu de pointer du doigt les vrais problèmes et de mettre en face de vraies solutions, en fixant des prix minimum rémunérateurs et en s’opposant aux traités de libre-échange, il pointe du doigt l’environnement. Cela conduit à opposer frontalement l’agriculture et l’environnement, alors que le monde scientifique insiste sur le fait qu’il faille accompagner les agriculteurs, qui subissent encore plus fortement que d’autres professions la crise climatique et les conséquences de la chute de la biodiversité. Mais l’article leur dit que l’on va continuer à s’opposer à l’environnement et même qu’on va leur permettre de le faire en détricotant le droit de l’environnement, ce qui est votre spécialité.

M. David Taupiac (LIOT). Les sanctions restent faibles même pour des dégâts importants. L’environnement est le cadre de travail des agriculteurs. Les dégâts causés à l’environnement par certains ont un impact sur tous les autres.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet article a pour objet de toiletter les règles environnementales. Cela pourrait être intéressant, étant donné qu’elles sont nombreuses et pas toujours lisibles. Néanmoins, la proposition pose deux énormes problèmes : une réforme par ordonnance, alors que la moindre des choses serait de consulter le Parlement sur ce type de sujet pour progresser en bonne intelligence ; la transformation de sanctions pénales en sanctions administratives, ce qui pose un vrai problème de séparation des pouvoirs, en passant du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous trouvons cet article gravissime. Ce n’est porter offense ni aux agriculteurs, ni à quiconque de dire que les dommages environnementaux causés par certains ont toujours des conséquences négatives sur d’autres. Notre agriculture a besoin d’infrastructures fonctionnelles, c’est-à-dire de haies, de cours d’eau et de sols en bon état écologique. Absoudre ceux qui ne respectent pas cet outil de travail collectif qu’est la nature porterait préjudice à l’ensemble des agriculteurs. Par ailleurs, cette disposition ne satisfera en rien les besoins du monde agricole : améliorer les revenus, mieux partager la valeur, être protégés face aux crises géopolitiques et à la concurrence déloyale, réguler le foncier ou faire face au plus grand défi que l’humanité ait eu à affronter, le défi climatique. Cet article n’est ni efficace, ni cohérent.

M. Pascal Lavergne, rapporteur pour le titre IV. Je suis atterré d’entendre de tels discours et étonné de voir qui a signé ces amendements. De la part de certains, ce n’est pas une surprise, plutôt la confirmation que, pendant les manifestations agricoles, ils n’étaient pas sur les ronds-points ou les autoroutes, ni dans leur circonscription avec les agriculteurs, mais enfermés dans une grotte sans le moindre contact avec le monde paysan. Une colère très forte s’est exprimée. On sait que les réglementations relatives aux haies se sont empilées et qu’il faut les simplifier. Il faut également adapter l’échelle des peines à la réalité des choses. On ne peut pas appliquer le même niveau de peines à celui qui a volontairement tué un enfant qu’à celui qui a détruit une haie. Si la voie des ordonnances n’est pas forcément la meilleure, un rapport étant à l’étude, nous souhaitons nous appuyer dessus pour travailler sur un texte co-construit avec les parlementaires. Avis très défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne partage pas du tout le diagnostic établi par les porteurs de ces amendements de suppression, selon lesquels l’article ne répond pas aux revendications. Je sais que vous êtes tous allés à la rencontre des agriculteurs, mais ne pas voir qu’il y a un problème autour des échelles de peines et de la façon dont s’applique le droit à l’erreur, c’est louper une grande partie de la crise agricole. L’article 13 et les suivants ont d’ailleurs essentiellement pour vocation de répondre à ces questions. Cinq ans de prison et 400 000 euros d’amende parce que vous auriez non intentionnellement arraché un bout de haie, cela pose un problème. Nous avons conduit une mission inter-inspections pour voir comment graduer les peines. Certaines choses relèvent du pénal, comme les atteintes très graves à l’environnement – et je ne dirai jamais autre chose –, d’autres de l’administratif. Ce n’est pas parce que cela se passe sous l’autorité de telle ou telle administration que ce n’est pas appliqué avec la diligence et le discernement nécessaires. D’autres relèvent du contraventionnel, comme pour les délits routiers. On ne risque pas la prison pour un excès de vitesse de 10 kilomètres heure ; on a une contravention. L’article doit permettre de réévaluer cette échelle de peines et d’y inscrire le droit à l’erreur. Certains délits sont non intentionnels.

J’avais pris un engagement devant la plupart d’entre vous, au moment du dépôt du texte : écrire l’article en dur pour la séance. La rédaction est quasiment finalisée. Nous aurons donc l’occasion d’examiner en séance ce que vous en pensez. Se priver de l’examen de cette question, c’est ne pas prendre en compte une partie des griefs que le monde agricole fait à son administration. Nous avons besoin de retravailler ces points, parce que les textes ne sont pas opérants. Ils introduisent également des procédures infâmantes. Passez un coup de pulvérisateur au mauvais endroit et vous vous retrouvez avec une injonction, voire une garde à vue. Il ne s’agit pas d’en rabattre sur l’environnement. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Luc Lamirault (HOR). J’ai rencontré les mêmes agriculteurs que M. le ministre sur les ronds-points et les autoroutes. Je ne vois pas, dans cet article, une volonté de détricoter le code de l’environnement : il s’agit simplement d’ajuster les peines. Le fait que des petits délits ou des fautes non intentionnelles puissent les conduire en prison leur pose, notamment, un véritable problème psychologique. Je suis tout à fait d’accord avec cet article, d’autant que le ministre s’est engagé à proposer un texte en dur pour la séance.

M. Éric Martineau (Dem). Cet article est une nécessité : nous avons besoin d’ajuster les peines. La lutte contre la concurrence déloyale, l’amélioration du revenu des agriculteurs ou la protection de notre souveraineté alimentaire passent forcément par cet ajustement. Il n’est pas normal qu’un agriculteur parte au travail la boule au ventre. En réalité, 99 % des pommes que vous consommez n’ont pas respecté la loi, que ce soit en bio ou en conventionnel. En effet, vous ne pouvez pas intervenir dès que la vitesse du vent dépasse 19 kilomètres heure. Or, lorsque vous êtes agriculteur, surtout en bio, ce qui est mon cas, je vous promets qu’aux mois de mars et avril, avec les giboulées, vous devez traiter vos arbres même s’il y a du vent – la boule au ventre. Ensuite, le consommateur se donne bonne conscience en mangeant des pommes bio.

M. Julien Dive (LR). Ce qui a alimenté la colère des agriculteurs, ce sont les problèmes d’accès à un revenu digne, le maquis normatif qui s’est étoffé ces dernières années, le sentiment d’être au quotidien, dès qu’on sort le tracteur, menacé d’un contentieux, d’être attaqué au tribunal, de se retrouver en situation illégale, sans forcément le savoir, quand, dans le même temps, des zozos, des zadistes, viennent les sacs à dos chargés de boules de pétanque détruire des infrastructures agricoles, des équipements d’élevage, pénétrer de manière illégale dans les exploitations en restant impunis. Oui, il faut remettre du sens dans l’application des peines. Il ne s’agit pas de laisser les erreurs impunies, mais il ne s’agit pas non plus de durcir le ton dans les sanctions prononcées.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous avons rencontré des agriculteurs et les avons écoutés. La première chose qu’ils demandent, c’est un revenu digne et non pas une remise en cause des normes environnementales. Ils ont conscience des enjeux climatiques. Ce qu’ils veulent, c’est être accompagnés dans la transition. Certes, il faut revoir la législation pour parvenir à plus de cohérence, mais nous ne voulons pas faire régresser le droit environnemental et maintenons, à ce stade, notre amendement de suppression.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’environnement a bon dos ! Vous laissez penser que de nombreux agriculteurs seraient en prison pour avoir arraché des haies, mais le code pénal ne réprime que des délits intentionnels. Sur ce point, je vous invite à lire l’étude d’impact. En 2022, on a dénombré, en tout et pour tout, 136 procédures pénales sur les 4 millions d’affaires traînées devant les parquets. À chaque fois, il s’agissait de délits intentionnels.

Nous sommes ici plusieurs à très bien connaître le monde agricole, dont certains sont d’ailleurs issus, comme M. Potier ou Mme Hignet. Tout autant que vous, nous sommes allés voir les agriculteurs sur les piquets de mobilisation : ce qu’ils demandent, c’est un revenu digne, c’est qu’on les soutienne et qu’on les protège pour leur donner les moyens de prendre la bifurcation écologique, dont ils ne sont pas des adversaires. Or, ce n’est pas avec de tels articles, qui ne visent que la régression environnementale, qu’on réglera le problème.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Madame Trouvé, vous avez entièrement raison de rappeler la différence entre culpabilité pénale et responsabilité civile – c’est le fameux « responsable, mais pas coupable » de Georgina Dufoix. De fait, c’est l’intention qui est condamnée par le code pénal. Toutefois, l’intention est parfois inévitable et nous connaissons tous, à cet égard, des exemples très concrets d’incohérence. Lorsqu’au moment des labours et semis, en octobre, une circulaire interdit de labourer à moins de 2 mètres du cours d’eau, puis, au printemps, une autre circulaire interdit de traiter à moins de 5 mètres du cours d’eau et, enfin, lorsqu’on a la chance que la préfecture réponde à la question de savoir ce qu’il faut faire dans la bande de 3 mètres qui a été semée et qu’on ne peut pas traiter, elle dit à l’agriculteur qu’il n’a qu’à broyer. Ça rend dingue !

J’ai suggéré au Premier ministre le lancement d’une mission parlementaire pour faire l’inventaire exhaustif de toutes les normes légales – je dis bien « légales », et non pas « réglementaires » – qui s’appliquent à l’exercice de la profession agricole, tant dans le code de l’environnement que dans le code de l’urbanisme, dans le code du patrimoine, dans le code rural et dans le droit social, en vue d’un déclassement de 30 % à 40 % des normes et d’une réécriture de ces dispositions à droit constant, afin de de reconstituer une cohérence autour de principes de portée générale et en opérant enfin une simplification digne de ce nom, avec une latitude réglementaire qu’aucun gouvernement n’a jamais eue. Cet article de réévaluation est le minimum que nous puissions faire à ce stade.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, respectons-nous, s’il vous plaît ! Nous sommes tous allés sur les ronds-points et sur le terrain, et nous parlons tous à des agriculteurs, qui ne constituent pas un bloc monolithique. N’allons pas faire croire qu’ils sont d’un côté ou de l’autre de cet hémicycle, car nous avons tous des amis parmi eux, et ils ne défendent pas tous les mêmes choses – la preuve en est qu’on en trouve sur tous nos bancs. Adopter une vision simpliste, c’est prendre les agriculteurs pour des idiots.

Je remercie le ministre de nous proposer d’inscrire en dur dans le texte les modifications proposées, ou du moins les grands principes. En effet, si nous ne sommes pas opposés à une simplification, nous le sommes à une destruction des règles. La moindre des choses est de savoir où nous allons. C’est une question de respect du Parlement. Nous pourrions donc supprimer l’article 13 en attendant que vous en proposiez une nouvelle rédaction. Ce serait faire un pas vers nous.

Je rappelle par ailleurs qu’en février 2023, nous avons introduit dans le code pénal la pénalisation de ceux qui se promènent dans la nature. Votre souci de ne pas trop recourir au pénal dépend apparemment des personnes visées.

M. Charles de Courson (LIOT). Sur le fond, il est nécessaire de toiletter tout cela, mais il faut prendre garde de ne pas dresser les non-agriculteurs contre les agriculteurs. Il est très regrettable, monsieur le ministre, que l’article 13 ne comporte pas ce que vous proposez. Ainsi, l’alinéa 2 vous délègue même le soin de supprimer certaines incriminations, ce qui est très important du point de vue des libertés publiques.

Pourquoi, si votre réflexion en la matière est très avancée, ne déposez-vous pas des amendements en vue de l’examen du texte en séance publique ? Cela éviterait de recourir aux ordonnances et nous permettrait d’avoir un vrai débat serein.

M. Marc Fesneau, ministre. Je n’ai fait grief à personne de n’avoir pas rencontré les agriculteurs. Cependant, nous n’avons pas la même perception de ce que j’ai entendu.

Madame Trouvé, l’intentionnalité est dite par la jurisprudence de la Cour de de cassation. Nous allons donc faire exactement ce que vous dites, en posant le principe de la non-intentionnalité. Il est vrai que très peu de procédures vont au bout, mais elles sont engagées. Lorsqu’un agriculteur, pour une infraction non intentionnelle, reçoit un courrier lui annonçant qu’il risque cinq ans de prison et 300 000 à 400 000 euros d’amende, et qu’il sera convoqué à la gendarmerie, c’est infamant et générateur de stress, et cela contribue au mal-être de la profession. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Monsieur de Courson, il y aura des amendements du Gouvernement à l’article 13 et j’ai dit d’emblée que la question donnerait lieu à une rédaction complète, qui sera examinée en séance publique. Je fais donc droit à votre demande et il ne s’agit pas d’une manœuvre dilatoire qui nous permettrait de traiter dans notre coin cette question importante.

Vous avez raison de dire qu’il ne s’agit pas d’opposer l’environnement et l’agriculture, qui doivent se faire écho. Il faut bien définir intentionnalité et négligences graves, et dépénaliser les atteintes non intentionnelles – qui ne peuvent pas relever du pénal, mais du contraventionnel ou de la réparation. Les agriculteurs faisaient l’objet d’un droit spécifique qui faisait peser sur eux cette lourde charge nous devons donc travailler sur la présomption de bonne foi. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.

Comme M. Dive vient de le rappeler, la simplification est au cœur des revendications. Nous y avons répondu sur le plan européen et nous faisons en sorte d’y répondre pour certaines normes, sur le plan réglementaire comme sur le plan législatif, comme le recommande M. Descrozaille. C’est d’ailleurs le sens du travail que nous poursuivons, car il n’est pas facile de détricoter et retricoter ce qui a été patiemment tricoté depuis vingt ou vingt-cinq ans, ces dispositions renvoyant à des articles de loi. Or, c’est précisément ce que nous avons l’intention de faire, en particulier pour ce qui concerne l’échelle des peines. Nous serons donc au rendez-vous de la promesse qui a été faite de réexaminer cette dernière. D’autres questions se posent, certes, mais il s’agit là de celle dont il est question avec l’article 13.

C’est aussi ce qui permettra de reconnaître enfin le droit à l’erreur, qui suppose en effet une distinction entre ce qui est intentionnel et ce qui ne l’est pas, faute de laquelle nous ne faisons que bavarder depuis des années.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE3320 de Mme Brigitte Klinkert.

 

Amendement CE2454 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Si on supprime l’alinéa 2, il ne reste plus grand-chose de l’article.

Monsieur le ministre, pourrions-nous connaître les statistiques des peines réellement prononcées, indiquant pour quel délit, et dans quelles conditions elles l’ont été et faisant apparaître le nombre de poursuites et de plaintes ? Nous avons besoin de ces données pour savoir où le dispositif pèche et pour pouvoir procéder à un travail intelligent de simplification.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. L’objectif est d’avancer sur cette question, et non pas de stagner.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour prendre un exemple, une atteinte à l’environnement s’apparentant au naufrage de l’Amoco Cadiz et l’arrachage d’une haie sont passibles de la même peine de prison. N’y a-t-il pas là un problème ? Avis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Je souscris à l’objectif de cet article et de cet alinéa, tout en regrettant qu’ils n’aillent pas assez loin. Lors de la mission d’information que j’ai menée avec M. Martineau sur les contrôles dans les exploitations agricoles, nous avons observé que la peine posait un problème. Toutefois, en légiférant par ordonnances, vous devrez tout de même travailler de pair avec le Parlement. De fait, au cours de ce travail, nous n’avons pas pu obtenir de chiffres relatifs au quantum des peines, ni à l’application de ces mesures par les juridictions.

Madame Trouvé, les agents de l’OFB, l’Office français de la biodiversité, sont des officiers de police judiciaire et ont obligation de transmettre au procureur les faits dont ils ont connaissance, et donc d’engager une procédure pénale. Pour les exploitants, c’est une machine pénale qui se met en route, avec garde à vue et menottes. Certains agriculteurs sont ainsi confrontés à une procédure qui les dépasse, parce qu’on a retenu dans le droit des infractions de nature pénale.

Je n’ai pas le sentiment que, malgré son titre, vous visiez véritablement avec l’article 13 la simplification que les agriculteurs appellent de leurs vœux.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’article 121-3 du code pénal retient que l’intentionnalité est nécessaire pour qu’un acte soit punissable. Si donc on a malencontreusement arraché une haie ou déversé des pesticides dans la mauvaise période, il faut que l’intentionnalité soit prouvée – à moins, il est vrai, que l’on ne prouve l’imprudence ou la négligence. Le code pénal me semble bien fait de ce point de vue.

Quant au fait que l’on puisse être convoqué par la police ou la gendarmerie en cas de doute, ce n’est pas surprenant, puisque même une présidente de groupe parlementaire peut être convoquée par la police pour apologie du terrorisme.

M. Dominique Potier (SOC). L’argument le plus précieux que nous ayons entendu ce matin est celui de M. Taupiac : les premières victimes des atteintes graves à l’environnement sont les paysans eux-mêmes, touchés non seulement dans leur réputation, mais aussi dans leurs moyens de production et dans la fertilité des sols et des écosystèmes. Évitons donc d’opposer la société et le monde paysan.

Deuxièmement, monsieur le ministre, le groupe Socialistes n’est pas opposé à une révision de l’échelle des peines. Nous sommes prêts à étudier sur pièces un meilleur équilibre entre droits et devoirs, entre pénalité et responsabilité. Il n’y a pas de dogme en la matière, mais nous ne voulons pas donner de blanc-seing pour autant.

Enfin, s’il existe des légendes urbaines, il existe aussi des légendes rurales. Pouvez‑vous nous donner connaissance de l’état des peines, de leur nature, de leur montant et de leur géolocalisation ?

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). J’entends que certaines peines peuvent paraître disproportionnées, mais nous avons besoin de savoir ce qui se passe sur le terrain, quelles sont les peines réellement prononcées. J’appuie donc fortement la demande de M. Potier.

Par ailleurs, je rappelle que de nombreuses autres activités, et même quasiment toutes, sont contrôlées par des agents investis de pouvoirs de police judiciaire. L’industrie, par exemple, est inspectée très régulièrement, et parfois beaucoup plus que les exploitations agricoles, sans que nous entendions les industriels pleurer à longueur de temps en se plaignant de ces contrôles. Je ne dis pas qu’il faut contrôler sans arrêt tous les agriculteurs, car ce serait insupportable, mais il est normal que des contrôles soient opérés pour faire respecter la loi. Nous aussi sommes contrôlés lorsque nous circulons en voiture, et personne ne s’en plaint.

Madame Blin, les inspecteurs des installations classées ont aussi des pouvoirs judiciaires, au même titre que de très nombreux autres agents de l’État qui contrôlent de nombreuses activités économiques, et ce n’est pas choquant en soi.

M. David Taupiac (LIOT). Monsieur le ministre, merci d’avoir précisé que vous apporterez pour la séance publique les amendements qui permettront d’entrer dans le détail. Nous ne sommes pas opposés à une révision de la proportionnalité des peines.

Pour faire écho aux propos de M. Potier, j’ai été saisi ce matin encore de la situation d’un agriculteur sur les terres duquel une bande de 10 mètres plantée de féverolles a été désherbée par son voisin. Souvent, en effet, les atteintes à l’environnement viennent d’autres agriculteurs, parfois par mégarde.

Par ailleurs, nous n’avons pas évoqué la proportionnalité des contrôles sur le terrain, qui est pour les agriculteurs d’Occitanie une plus grande cause de mal-être que les peines. Le droit à l’erreur que vous avez évoqué est certes déterminant, mais la proportionnalité des contrôles doit également se concrétiser sur le terrain, car elle concerne tout le monde, tandis que les peines ne concernent que des cas particuliers et peu nombreux.

M. Éric Martineau (Dem). Nous avons besoin de cet alinéa 2, qui prévoit d’adapter l’échelle des peines et de réexaminer leur nécessité. Comme nous l’avons vu avec Mme Blin lors de la mission que nous avons menée, les agriculteurs se sentent toujours en danger et nous n’avons pas seulement besoin de savoir combien de peines ont été prononcées, mais combien de plaintes ont été déposées. Lorsqu’on est maire d’un petit village, comme cela a été mon cas, il faut pouvoir tenir compte des plaintes déposées par les rurbains pour mille raisons, par exemple parce qu’une vache est dehors en plein mois de janvier.

M. Marc Fesneau, ministre. Il y a là plusieurs questions. Pour ce qui est du quantum de peines, je suis heureux de constater que certains de ceux qui présentaient initialement des amendements de suppression sont prêts à examiner cette question. C’est une intéressante évolution intellectuelle collective. Il est bon que nous nous en rendions compte, car voilà vingt‑cinq ans que nous traînons ce problème.

Madame Trouvé, vous faites une erreur en droit. La règle de droit général est certes l’intentionnalité, mais la juridiction de la Cour de cassation s’en tient au fait qu’il y a eu dégradation, et c’est précisément cela qu’il faut corriger.

En troisième lieu, j’ai déclaré, en présentant le texte en Conseil des ministres, que nous inscririons ces dispositions en dur pour la séance. La tâche n’est pas facile, car nous devons respecter le principe constitutionnel d’égalité – car il n’y a pas une justice pour les agriculteurs et une autre justice pour les autres –, le principe de proportionnalité et certaines dispositions européennes. Nous avons réussi à le faire dans un temps très court et, dans quelques jours ou quelques heures, nous disposerons d’un texte qui permettra de répondre à ces injonctions constitutionnelles et européennes, qui sont normales.

Enfin, comme l’ont souligné plusieurs des orateurs qui se sont exprimés contre les amendements de suppression, personne ne dit qu’il faut supprimer les peines et laisser chacun faire ce qu’il veut.

M. Dominique Potier (SOC). Nous sommes tous d’accord !

M. Marc Fesneau, ministre. Non, nous ne sommes pas tous d’accord, puisque des amendements de suppression de l’article ont été déposés. Assumons donc que nous ne le sommes pas – et, sur ce point, pour une fois, Mme Trouvé est d’accord avec moi ! Monsieur Potier, ne cherchons pas des compromis là où il n’y en a pas, car nous savons très bien que nous ne serons pas d’accord sur cet article. Vous avez souvent dit, en effet, que nous étions en décalage à propos de la gradation des peines, du quantum et des contrôles. Je maintiens donc mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3431 de M. Éric Girardin

M. Éric Girardin, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle et juridique sur la nécessité des incriminations.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE3047 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit également d’un amendement de suppression. Une infraction pénale intentionnelle doit être sanctionnée pénalement. Je ne comprends pas la volonté de distinguer les agriculteurs du reste des citoyens qui, lorsqu’ils commettent un délit pénalement répréhensible, sont sanctionnés pénalement. Le ministre souhaite établir une présomption de bonne foi, mais c’est au juge de juger de l’intentionnalité et de la bonne foi des personnes déférées devant lui.

Alors que nous avons besoin de construire de la confiance dans la société envers le monde agricole, et que c’était précisément là l’une des demandes fondamentales qui s’exprimaient lors des mobilisations de janvier, nous sommes en train de créer un droit différent pour les agriculteurs et pour le reste des citoyens. C’est dangereux pour la manière dont les uns et les autres vivront ensemble dans nos campagnes.

Par ailleurs, nous ne sommes pas opposés à la révision de l’échelle des peines. Nous nous félicitons que l’article soit réécrit en vue de la séance publique – même si nous regrettons que tel n’ait pas été le cas pour l’examen du texte en commission. Mais il faut pouvoir objectiver ce débat. Nous demandons donc, à cette fin, des données précises sur les contrôles et les sanctions appliquées.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Cette suppression irait à l’encontre de la réforme que nous défendons, qui vise à nous assurer que les sanctions sont adaptées aux infractions. Si une adaptation est possible, il ne faut pas nous en priver. Avis défavorable.

Pour ce qui est des statistiques, je vous renvoie aux pages 66 et suivantes de notre pré‑rapport ou au rapport du service statistique du ministère de la justice, cité dans l’étude d’impact.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. Pour vous rassurer, madame Pochon, je rappelle que j’ai bien dit que le principe d’égalité devant la loi et le principe de proportionnalité s’appliqueraient.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le ministre, je vous propose simplement de juger sur pièces le quantum des peines. Pourquoi créer des clivages ? Cela semble vous arranger de faire alliance avec les droites sur ce sujet, mais les choses ne sont pas si simples, car on trouve aussi à gauche des voix pour considérer que le quantum de peines pose question. Pourquoi ne disposons-nous pas aujourd’hui en commission du texte qui nous permettrait de nous prononcer sur pièces ? C’est là que se trouve la vraie question. Ne nous renvoyez pas à des clivages idéologiques qui n’existent pas pour ce qui nous concerne. Pourquoi vos services n’ont-ils pas préparé ce texte ?

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je m’interroge sur votre volonté de passer de la justice pénale à la justice administrative. En effet, la justice pénale est rendue par un juge qui adapte la peine en fonction de l’infraction ou du délit. Il s’agit en quelque sorte d’une justice personnalisée selon le contexte et la situation. La justice administrative, en revanche, applique des amendes forfaitaires et des prescriptions de compensations, sans que l’on passe devant un juge. Je ne suis donc pas sûre que cette mesure aille dans le bon sens car, avec tout le respect que j’ai pour les agents de l’État, ce n’est pas leur métier que de juger.

M. Thierry Benoit (HOR). J’ai retenu de mes rencontres avec les agriculteurs sur leurs points de mobilisation qu’ils demandaient du discernement, et non pas de l’acharnement. Ils demandent ainsi que les contrôles soient effectués dans une perspective de conseil et de prévention plutôt que de suspicion permanente et de sanction. Aujourd’hui, en effet, un agriculteur qui est contrôlé a le sentiment – et c’est parfois une réalité – qu’il fait l’objet d’un acharnement et d’une suspicion, alors que nous avons affaire à des professionnels honnêtes, même si, comme nous tous, ils ne sont certes pas infaillibles. L’article 13 doit nous permettre d’appliquer ce discernement, grâce notamment à la proportionnalité des peines.

Mme Anne-Laure Blin (LR). L’article 1246 du code civil prévoit un principe de réparation écologique et permet notamment, sur le plan pénal, à des parties extérieures de se joindre à la procédure civile, et donc de percevoir des dommages-intérêts, ce qui se traduit par des gains importants pour certaines associations environnementales ou dites telles. Cela pose problème, car cela alourdit les peines pour nos agriculteurs, et nous devrons nous en préoccuper dans la rédaction des ordonnances.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE1580 de M. Antoine Villedieu

M. Grégoire de Fournas (RN). L’alinéa 3 met à la charge des auteurs des manquements des obligations de restauration écologique, cela semble être la moindre des choses que d’inscrire dans la loi le principe de proportionnalité.

Les Écolos semblaient très déterminés pour défendre les contrôles et les gardes à vue pour les agriculteurs suspectés ou accusés d’avoir arraché une haie. C’est assez paradoxal de la part d’une gauche qui, dans le même temps, regrette les contrôles prétendument abusifs effectués dans certains quartiers à l’encontre des trafiquants de drogue.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Cette précision n’est pas nécessaire, puisqu’elle est parfaitement couverte par la notion d’adaptation mentionnée à l’alinéa 2 de l’article et qu’il s’agit, plus généralement, de la logique d’ensemble de cet article 13. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). C’est l’arbre qui cache la forêt. Dans leur rapport de 2022 sur la justice pénale environnementale, les magistrats de la Cour de cassation font état d’une baisse du nombre d’infractions portées devant les tribunaux correctionnels et d’une chute des quantums des peines prononcées, qui posent question compte tenu des défis écologiques que doit affronter la société. Cela nous détourne, en outre, de la vraie question, qui est celle de la rémunération des agriculteurs et de la féroce concurrence mondialisée qu’ils subissent de la part de pays qui n’appliquent pas les mêmes normes environnementales que nous.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je m’interroge encore sur votre volonté de passer de la justice pénale à la justice administrative ? En effet, même si les mêmes agents peuvent être investis des deux pouvoirs, ils dépendent du préfet pour l’aspect administratif, alors qu’ils ne dépendent que du procureur pour l’aspect pénal. Pourquoi donc vouloir faire appliquer de plus en plus la justice par les préfets, lesquels, je le rappelle, obéissent au pouvoir exécutif ?

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 13 modifié.

 

 

Après l’article 13

 

Amendements CE2892 de M. Julien Dive, faisant l’objet du sous-amendement CE3698 de M. Antoine Armand, amendements CE83 et CE653 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune)

M. Julien Dive (LR). Mon amendement reprend un travail réalisé durant plusieurs mois par une mission parlementaire menée par Mme Anne-Laure Blin et M. Éric Martineau. Mme Blin a d’ailleurs déposé une proposition de loi reposant sur le principe du droit à l’erreur dans l’agriculture et je la laisserai donc exposer ses arguments à ce propos.

M. Antoine Armand (RE). Sans préempter les arguments de Mme Blin, je tiens à dire que je soutiens le principe du droit à l’erreur. Il importe que nous ayons une discussion sérieuse sur ce point, au terme du travail important réalisé par nos collègues.

Sur les péages, les points de blocage et les nombreux autres sites où les agriculteurs sont venus exprimer leur colère, nous les avons entendus dire leur sentiment, parfois justifié et parfois sans doute exagéré, d’être les seuls à ne pas avoir de droit à l’erreur, les seuls à être punis lorsqu’ils sont confrontés à des normes contradictoires, les seuls qui, embarqués par une spirale de sanctions et de procédures que nous évoquions à propos de l’amendement précédent, sont incapables de régulariser une situation qui ne fait que s’alourdir. Le sous-amendement vise donc à préciser que, pour qu’il y ait sanction, le manquement ne doit pas être supposé, mais bel et bien constaté.

J’ajoute, même si cela ne figure pas dans le sous-amendement, que la notion de délai devrait, elle aussi, faire l’objet d’une réécriture en vue de l’examen du texte en séance publique.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Au cours des travaux réalisés avec mon collègue Éric Martineau, j’ai constaté que les contrôles dans les exploitations, sans concession pour les pratiques agricoles, pouvaient être effectués sur des fondements juridiques distincts conduisant à apprécier de manière radicalement différente la conformité d’une même situation ou d’un même acte. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors des débats sur l’article 14 sur la gestion des haies qui est, avec la gestion des cours d’eau, un sujet typique de crispation.

L’État ne doit pas seulement contrôler et sanctionner, il doit aussi accompagner davantage. Il faut changer de paradigme et retenir qu’un droit à l’erreur a été reconnu pour l’ensemble des Français, notamment en matière fiscale, dans la loi pour un État au service d’une société de confiance (Essoc). Cependant, ce texte comporte des restrictions qui empêchent les agriculteurs de voir reconnaître leur bonne foi.

Nous proposons de partir du principe que l’agriculteur est de bonne foi. En cas de manquement constaté pour la première fois, nous indiquons que « l’exploitant peut régulariser sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invité à le faire par l’administration dans le délai indiqué par celle-ci ». Enfin, nous prévoyons que si le manquement supposé repose sur une norme qui entre en contradiction avec une autre norme, l’exploitant agricole ne peut être sanctionné.

Contrairement à ce qu’a sous-entendu la collègue Belluco, nous ne sommes pas contre le contrôle des agriculteurs – qui n’y sont d’ailleurs pas opposés non plus –, mais nous constatons que les modalités de ces contrôles posent problème.

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Blin, je vais essayer de vous éclairer sur notre intention, mais je constate que vos amendements mélangent droit à l’erreur et temps de réponse de l’administration.

Si je n’ai rien contre le fait d’inscrire la notion de bonne foi présumée dans la loi, je pense que ce que vous proposez en cas de manquement constaté pour la première fois ne tient pas : la réponse ne peut pas être identique quel que soit le manquement, notamment lorsqu’il est de nature sanitaire. Vous partez du principe qu’un premier manquement ne peut être sanctionné, quelle que soit sa nature, qu’il soit intentionnel ou non. Une telle disposition pose un problème de proportionnalité et se heurte aussi à la législation européenne. Le pire serait de faire croire aux agriculteurs que nous allons simplifier les règles pour, en définitive, nous heurter à des décisions contraires des juridictions supérieures.

Je vais vous faire une proposition qui permette de conserver la philosophie de départ sur le droit à l’erreur, sans donner quitus à tout manquement, ce que revient à faire votre amendement tel qu’il est rédigé. Il existe des manquements graves, comme le fait de déverser un fond de cuve de pesticides dans un cours d’eau, même si les cas sont rares dans le monde agricole.

Je vous propose donc de conserver la première partie de votre amendement sur le droit à l’erreur : « Lors d’un contrôle opéré dans les exploitations agricoles, la bonne foi de l’exploitant est présumée. » Je ne peux pas approuver la partie de votre amendement qui concerne les manquements constatés pour la première fois, car elle ne tient pas sur le plan juridique et envoie un mauvais signal. Sur les normes contradictoires, je suis prêt à m’inspirer de l’amendement CE2892 tel que modifié par le sous-amendement CE3698 de M. Armand, ce qui pourrait donner la rédaction suivante : « Lorsqu’il est constaté un manquement reposant sur une norme qui entre en contradiction avec une autre norme, l’exploitant agricole ne peut être sanctionné. » L’idée serait ici qu’on ne peut pas obliger un exploitant agricole à débroussailler pour prévenir les incendies, tout en lui infligeant une amende pour destruction d’habitat d’une espèce protégée.

Enfin, je considère qu’on ne peut pas non plus retenir la proposition que vous faites dans votre amendement CE653 : « En matière agricole, le silence gardé pendant deux mois par l’administration vaut décision d’acceptation. » Certaines procédures sont plus longues que d’autres, notamment lorsqu’elles concernent la création d’un bâtiment soumis à des règles de nature différente selon la taille de l’exploitation. Le silence vaut parfois accord, et sans doute faut-il généraliser cette règle. Néanmoins, on ne peut pas écrire que le silence vaut toujours accord au bout de deux mois, notamment parce que certains dossiers méritent que l’on laisse à l’administration le temps de les examiner.

Ma proposition répond à vos préoccupations concernant la présomption de bonne foi et l’incohérence des réglementations, tout en évitant de reprendre des dispositions hasardeuses sur le plan juridique, qui posent problème vis-à-vis du droit européen et même en matière d’environnement.

M. le président Stéphane Travert. Monsieur le ministre, cette proposition vaut-elle dans l’immédiat – auquel cas, nous allons devoir interrompre nos travaux le temps que vous rédigiez votre sous-amendement – ou seulement dans la perspective des débats en séance ?

M. Marc Fesneau, ministre. Faisons-le maintenant pour que les choses soient claires.

La séance, suspendue à 10 heures 45, est reprise à 11 heures.

 

 

Sous-amendement CE3699 du Gouvernement.

M. Marc Fesneau, ministre. Ce sous-amendement vise donc à supprimer les alinéas 3 et 4 de l’amendement CE83. Nous conservons la notion de bonne foi, et donc de droit à l’erreur, c’est-à-dire les alinéas 1 et 2 : « Le chapitre III du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complété par un article L. 123-3 ainsi rédigé : « Art. L. 123-3 – Lors d’un contrôle opéré dans les exploitations agricoles, la bonne foi de l’exploitant est présumée. »

En revanche, nous supprimons de l’amendement CE83 les mesures ayant trait aux manquements constatés et à la contradiction des normes, car la rédaction proposée est trop générale. Lors de la rédaction d’amendements, nous ne pouvons faire abstraction de la Constitution, des principes d’égalité et de proportionnalité – cette remarque vaut pour tous. Nous sommes d’accord pour faire entrer les agriculteurs dans le droit commun, mais il ne s’agit pas de créer pour eux un droit d’exception qui poserait un problème constitutionnel. Dans ces matières, la référence peut d’ailleurs aller de l’arrêté municipal à la réglementation européenne, en passant par la réglementation nationale.

Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, j’émettrais un avis favorable à l’amendement de Mme Blin.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Tout cela témoigne d’une grande impréparation. Je suis atterrée, monsieur le ministre : alors que vous aviez pris des engagements avant la suspension, vous vous contentez de supprimer purement et simplement les dispositifs qui ne vous conviennent pas, en invoquant des règles qui vous obligeraient à le faire. Le rapport, que j’ai fait avec mon collègue Martineau, vous a été remis en mains propres en octobre 2023. Alors que nous avions insisté sur le fait que la reconnaissance du droit à l’erreur était une demande précise et très importante de nos agriculteurs, vous n’en avez pas fait mention dans le texte initial. Il y a eu le mouvement de nos agriculteurs, puis le grand raout du Président de la République au Salon de l’agriculture où, au détour de la conversation, il a repris mon amendement, disant qu’il fallait corriger les manquements de la loi Essoc et mettre en place un droit à l’erreur.

Cet amendement a été déposé de longue date ; les membres du groupe Les Républicains vous ont dit à quel point ils y tenaient. Et vous nous proposez, après une brève suspension de nos travaux, une réécriture qui n’en est absolument pas une. Ce texte est totalement impréparé. Nous ne pouvons pas accepter votre proposition, qui n’intègre pas un véritable droit à l’erreur, tel que nous l’avons formulé. Nous ne nous satisferons pas d’effets de manche visant à faire croire que vous auriez agi : votre proposition n’aura aucun effet concret pour les agriculteurs.

M. Marc Fesneau, ministre. Croyez-vous que c’est aussi simple que cela, madame Blin ? Votre amendement accorde un droit au manquement, pas un droit à l’erreur – lié à la présomption de la bonne foi. Ne me reprochez pas une impréparation alors que votre amendement, tel que rédigé, est inconstitutionnel et non conforme au droit européen.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Ne jouez pas à cela !

M. Marc Fesneau, ministre. Je ne joue pas.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Vous êtes totalement de mauvaise foi.

M. Marc Fesneau, ministre. Non, je ne suis pas de mauvaise foi : je vous ai dit d’emblée qu’il y avait un problème avec votre disposition sur le manquement, notion que nous ne savons d’ailleurs pas qualifier. Que vous soyez d’accord ou pas, c’est la position que j’ai exprimée. Conformément aux engagements pris, j’ai répété que nous allions écrire tout cela en dur. Libre à vous de trouver que ce n’est pas satisfaisant.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Vous vous arrangerez avec les agriculteurs !

M. Marc Fesneau, ministre. Si nous pouvions éviter la caricature et la démagogie, madame Blin, cela vaudrait vraiment mieux.

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). J’étais assez d’accord avec votre analyse de l’amendement. En revanche, votre sous-amendement pose un problème : une présomption de bonne foi, cela veut dire qu’il n’est plus nécessaire de faire aucun contrôle. Si les gens sont présumés de bonne foi, on ne contrôle plus et on passe notre temps à accompagner. Or, c’est le contrôle qui détermine la bonne foi éventuelle. Cette présomption de bonne foi n’est pas conforme au raisonnement que vous avez développé dans l’analyse de cet amendement. Cela crée un précédent.

La commission adopte le sous-amendement CE3698 et rejette l’amendement CE2892 sous-amendé.

Elle adopte successivement le sous-amendement CE3699 et l’amendement CE83.

En conséquence, l’amendement CE653 tombe.

 

Amendement CE3438 de M. Éric Girardin.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Il est retiré en raison du vote précédent.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE3433 de M. Éric Girardin.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Il vise à demander au Gouvernement de faire un rapport évaluant la faisabilité et l’impact sur la filière bovine de la généralisation de l’identification électronique. Cette pratique, qui existe déjà pour les ovins, répond au besoin de simplifier, de réduire la paperasse et d’améliorer la traçabilité. C’est aussi un moyen d’assurer un suivi des troupeaux en tenant compte du changement climatique. Selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), il serait ainsi possible d’individualiser l’alimentation des bovins et aussi de l’adapter de manière à ce qu’ils dégagent moins le méthane. Outre son intérêt sur le plan administratif, l’identification électronique permettrait donc d’apporter des améliorations concernant le suivi du troupeau et l’environnement.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons engagé des travaux sur l’identification électronique qui a, en effet, des incidences en matière de simplification. Concernant cette demande de rapport, je m’en remets à la sagesse de votre commission.

M. Thierry Benoit (HOR). Avant que nous en terminions avec les contrôles, je voudrais faire une suggestion au Gouvernement. Imaginez l’écosystème d’agents et d’organismes de contrôle auquel un agriculteur peut avoir affaire : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), direction départementale des territoires (DDT), direction départementale de la protection des populations (DDPP,) direction régionale de l’agriculture et de la forêt (Draf), agence de services et de paiement (ASP). Ne serait-il pas judicieux de travailler sur la fusion de certains corps de contrôle, afin de réduire le nombre d’interlocuteurs pour les agriculteurs ?

La commission adopte l’amendement.

 

 

Article 14 : Simplification du régime de protection des haies

 

Amendement de suppression CE1637 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). En introduction de cet article, je pense utile de rappeler que nous avons perdu 70 % du linéaire de haies depuis les années 1950. Nous tenons à saluer la création d’un guichet unique concernant l’arrachage des haies, afin de clarifier le droit applicable et les procédures à suivre. En revanche, nous regrettons que la séquence ECR, pour éviter-réduire-compenser, qui est toujours mise en avant sur ces bancs lors des débats sur l’environnement, se transforme systématiquement en séquence C comme compenser. Or, une haie replantée n’équivaut pas à une vieille haie, que l’on parle d’intérêt paysager, écologique, biodiversitaire ou même économique pour l’agriculteur. Nous proposons donc de revoir complètement cet article pour y introduire des mesures visant à accompagner les agriculteurs dans la création de filières de revalorisation économique de ces haies, afin de conserver ce patrimoine paysager et écologique.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable pour cet amendement, qui interroge tant sur le fond que sur la forme. Dans votre exposé des motifs, vous écrivez que vous tenez à saluer la création d’un guichet unique concernant l’arrachage des haies, mais vous demandez la suppression de l’article. Vous jugez aussi que la simplification administrative proposée n’est pas assez ambitieuse. Dans ce cas, pourquoi ne pas proposer des pistes d’amélioration ?

M. Marc Fesneau, ministre. Cet article est très attendu pour compléter le pacte en faveur de la haie, adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Dans ce domaine, nous devons jouer sur l’incitation et non pas sur la crainte. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Chantal Jourdan, qui a travaillé sur le sujet, va défendre les amendements de notre groupe. Je tenais cependant à indiquer que nous ne voterons pas pour la suppression de cet article, car nous sommes dans une logique d’amélioration du texte, en vue de son effectivité. Vous n’avez cessé, monsieur le ministre, de nous dire que ce texte n’était qu’un élément des politiques publiques. Alors je voulais aussi souligner l’immense paradoxe que représentent les dernières négociations à Bruxelles sur les allégements, voire les suppressions des obligations concernant les infrastructures écologiques. Combien de milliers de kilomètres de haies vont être sacrifiés par ces mesures de remise en cause du Pacte vert ? L’absence d’une loi de régulation du foncier favorise un agrandissement qui détruit des haies. Les métapolitiques publiques sont à front renversé par rapport à nos débats sur cet article.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE255 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous voudrions modifier le titre de la section nouvellement créée au sein de l’article 14, afin d’ajouter l’objectif de valorisation à celui de protection des haies. Celles-ci sont un élément vivant de l’écosystème de la ferme et de l’environnement. Nous présenterons d’autres amendements sur son aspect environnemental et économique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2308 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il tend à introduire une réflexion sur la reconstruction des haies. Le remembrement a fait partie de l’histoire agricole du XXe siècle. Pour faire de la France la première puissance agricole du Marché unique, la réorganisation du bocage a consisté à araser nos haies et talus, en particulier dans le Grand Ouest. Cet amendement permettrait de graver dans le marbre l’ouverture d’une politique de reconstruction des haies et de l’agriculture bocagère. Les chambres d’agriculture, les collectivités locales, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les régions soutiennent le monde agricole dans cette dynamique de protection mais aussi de reconstruction, dans un contexte de transition environnementale. Il est utile de retrouver cette ambition dans la loi d’orientation agricole, car la logique de réparation a aussi du sens en matière d’environnement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE2307 et 2309 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit d’introduire une réflexion sur la protection des talus qui, avec les haies, forment un écosystème propre à l’agriculture bocagère – la protection des haies va donc de pair avec celle des talus. Il y a parfois 10 mètres, 30 mètres, 4 kilomètres de talus arasés, ce qui constitue une atteinte à l’environnement à laquelle il est nécessaire de sensibiliser la population. Bien que partie intégrante de la réalité du paysage bocager, le talus n’a pas d’existence juridique propre. Ils ont toute leur place dans ce projet de loi, ne serait-ce que pour leur rôle en matière de biodiversité et de rétention des eaux de pluie.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons tous la volonté de voir se développer les linéaires de haies. Vous qui êtes habituellement de bonne foi, monsieur Potier, vous savez que vous venez de faire preuve d’une légère mauvaise foi concernant les modifications de la politique agricole commune (PAC). Ce ne sont pas les infrastructures écologiques, mais les jachères qui seront affectées par ces modifications. La PAC comporte toujours l’obligation de maintenir le linéaire de haies, rien n’a changé à cet égard. Ne dites pas des choses inexactes pour nous faire peur.

Inscrit dans le cadre de la planification écologique et doté d’un budget de 100 millions d’euros, le pacte en faveur de la haie est plutôt apprécié par les collectivités locales et les différents acteurs. Il s’agit de replanter des linéaires de haies et de construire des filières. En voulant ajouter le talus, madame Thomin, vous allez créer une nouvelle contrainte, alors que notre idée est de simplifier. Comme l’ont reconnu certains d’entre vous, l’initiative majeure est de créer un guichet unique pour les agriculteurs : c’est à l’administration qu’il reviendra de définir la notion de haie et de leur donner tous les éléments pour leur déclaration, en veillant à ce qu’ils ne subissent pas un régime d’exception. Nous avons tous, notamment les agriculteurs, intérêt au développement des linéaires de haies en France. Avis défavorable pour ces amendements.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je voulais rebondir sur la PAC et les décisions prises la semaine dernière, dont nous avons une lecture différente. Comme vous le savez, je travaille actuellement à la rédaction d’un rapport sur le lien entre la politique européenne et la loi d’orientation agricole pour la commission des affaires européennes. Il n’y a pas de changement concernant le maintien et la taille des haies existantes, fort heureusement. En revanche, l’affaiblissement de la norme Bonne condition agricole et environnementale 8 (BCAE 8), qui fixe à 4 % le taux d’infrastructures agroécologiques – haies, mares, bosquets et autres –, allège les obligations des exploitations qui n’atteignent pas ce taux. Les infrastructures écologiques existantes dans certaines régions d’élevage, qui ont déjà beaucoup de bocages et de haies, seront protégées. Tant mieux. En revanche, il va continuer à n’y avoir aucun arbre à l’horizon sur le plateau de la Beauce.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3432 de M. Éric Girardin et sous-amendement CE3697 de Mme Lisa Belluco, amendement CE3514 de la commission développement durable, amendements identiques CE143 de M. Julien Dive, CE711 de Mme Anne-Laure Blin, CE911 de M. Francis Dubois, CE1382 de M. Charles de Courson et CE2251 de M. Thierry Benoit (discussion commune)

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Il s’agit de proposer une nouvelle définition de la haie, différente de celle prévue à l’alinéa 4. Comme vous pourrez le lire dans le pré-rapport, les définitions de la haie sont nombreuses, souvent contradictoires et parcellaires, aucune n’ayant valeur légale. La définition de la haie proposée dans le texte comporte notamment deux éléments : son origine humaine, ce qui est toujours le cas d’un point de vue historique ; le fait qu’elle doit être multiessences. Or, ces deux éléments ne se retrouvent dans aucune définition existante de la haie. Il est donc proposé de supprimer ces deux éléments, tout en gardant l’exception retenue par le Conseil d’État, à savoir que seules sont concernées par cette réglementation les haies qui se trouvent implantées en milieu agricole et naturel et non celles qui bordent des bâtiments ou qui se situent dans un jardin privé. Cette définition répondra au souhait de nombreux députés – je pense notamment aux amendements CE1624 et CE1625 de La France Insoumise et à l’amendement CE367 de nos collègues socialistes.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cette nouvelle définition va dans le bon sens : l’origine humaine était difficile à démontrer ; une haie peut ne contenir qu’une seule essence. À notre avis, elle comporte encore un défaut, celui de se référer à des haies « d’arbres et d’arbustes ». Notre sous-amendement vise à mentionner plutôt des haies « d’arbres ou d’arbustes, ou des deux ». Il existe en effet des haies d’arbres, des haies d’arbustes, et des haies constituées d’arbres et d’arbustes.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Pour l’instant, nous sommes défavorables à ce sous-amendement.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable au sous-amendement. On pourrait considérer comme une haie un simple alignement d’arbres. Or, une haie comprend un étage et un sous-étage. Avis favorable, en revanche, à l’amendement CE3432, qui permettra une consolidation de la définition dans notre droit positif.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je soutiens ce sous-amendement qui précisera la définition de la haie. Exclure les alignements d’arbres nous ennuierait.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous souhaitons la suppression de la mention de l’origine humaine, mais nous sommes également pour le sous-amendement : il faut se fixer un objectif maximal, et la définition serait plus difficile à saisir si on entrait dans la question des différents étages. Il faut aussi préserver des linéaires d’arbres existants, qui jouent parfois un rôle similaire à celui des haies.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je soutiens l’amendement du rapporteur – je ne suis pas du tout favorable à celui qui a été adopté par la commission du développement durable.

M. Julien Dive (LR). Mon amendement CE143 tend à s’aligner, comme l’a fait la commission du développement durable, sur ce qui est prévu dans le cadre de la PAC. Une définition trop large conduirait à inclure d’autres éléments linéaires ligneux et à appliquer la réglementation à des surfaces jusque-là non concernées. Néanmoins, je me rallie à la proposition du rapporteur.

M. Francis Dubois (LR). Je suis tout à fait d’accord avec l’amendement du rapporteur, au profit duquel je retire également le mien. Une rangée d’arbres n’est pas une haie : cela ne se taille pas. Faisons preuve d’un peu de bon sens. Le sous-amendement ne correspond pas du tout à la réglementation prévue pour les haies.

M. Charles de Courson (LIOT). Notre rapporteur a dit tout à l’heure qu’il n’existait pas de définition des haies, mais ce n’est pas exact : il y en a une dans le cadre de la PAC et tous ces amendements tendent à se caler là-dessus, ce qui me paraît la seule option logique.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je préfère, évidemment, mon amendement. Je vous propose donc de retirer tous les autres.

Pour répondre à M. de Courson, je précise que, s’il existe effectivement une définition de la haie dans le cadre de la PAC, il n’en existe aucune dans notre droit positif, hormis un arrêté ministériel cité dans le pré-rapport. Le présent amendement va remédier à ce manque.

M. Marc Fesneau, ministre. Je rejoins le rapporteur. C’est bien d’avoir une définition dans notre droit et celle qui vous est proposée n’est pas très éloignée de ce que prévoit la PAC.

Demande de retrait au profit de l’amendement du rapporteur ; sinon, avis défavorable.

Les amendements CE143, CE711, CE911 et CE2251 sont retirés.

La commission rejette le sous-amendement CE3697 et adopte l’amendement CE3432.

En conséquence, les autres amendements se rapportant à l’alinéa 4 tombent.

 

Amendements CE257 de Mme Chantal Jourdan, CE1626 de M. Loïc Prud’homme et CE2501 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Notre amendement vise à introduire la notion de bon état écologique, qu’une gestion durable des haies doit permettre d’assurer pour fournir les nombreux services que nous connaissons bien et contribuer à atteindre nos objectifs en matière d’adaptation au changement climatique.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Par l’amendement CE1626, qui a été travaillé avec l’Afac-Agroforesteries, nous souhaitons définir ce qu’est une gestion durable des haies. Il est important de faire référence à la continuité des étages de végétation, à la largeur minimale des houppiers ou encore au maintien d’une emprise au sol minimale. Le projet de loi évoque un « caractère dynamique dans le temps et dans l’espace », ce qui sous-entend qu’on pourrait déplacer des haies et les faire évoluer : c’est dix fois trop flou.

Nous proposons, par ailleurs, d’énumérer les différents services écosystémiques assurés par les haies, comme la protection de l’eau, qui n’est même pas mentionnée dans la rédaction actuelle, et d’établir un système de certification de la gestion durable des haies.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Dans le même esprit de précision, même si notre amendement est un peu différent, nous souhaitons donner une définition du bon état écologique des haies.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Le premier de ces amendements essaie de dresser la liste des fonctions des haies mais, lorsqu’on commence à faire une liste, on court toujours le risque d’être incomplet. Par ailleurs, je ne vois pas ce que recouvre la notion de « bon état écologique » des haies. Je préfère qu’on retienne une rédaction peut-être moins parlante, mais plus large : la formulation actuelle de l’alinéa 5 permet d’englober davantage de fonctionnalités. Par conséquent, demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Il faut quand même penser aux agriculteurs. Si on prévoit que la gestion durable des haies « implique une continuité dans le temps des étages de végétation, une largeur minimale de houppier ou un potentiel de développement de la végétation, ainsi que le maintien d’une emprise ligneuse au sol minimale associée à un ourlet enherbé », plus personne n’aura envie de planter une haie, ce qui est exactement le contraire de ce que nous voulons.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE3515 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser la notion de multifonctionnalité.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Demande de retrait. Sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE2311 et CE2310 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Les programmes de restauration des haies sont excellents pour le réaménagement du territoire, mais on se rend compte, en échangeant au niveau local avec les exploitants, qu’il existe quelques contraintes. On se voit ainsi imposer les essences à planter, quand bien même elles seraient malades. Par ailleurs, il n’y a pas de filet de protection pour les agriculteurs lors de la croissance des plants, et ces derniers ne sont pas forcément issus des pépinières ou des productions locales. Nous voulons souligner, par ces amendements, qu’on peut considérer comme étant d’appel, que les programmes manquent parfois de bon sens.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je donnerai simplement, pour aller vite – j’en suis désolé –, un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE259 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à développer la valorisation économique des haies, dans le cadre d’une gestion durable, afin qu’on ne les perçoive plus comme une contrainte, mais comme un atout dans les exploitations agricoles. Il faudrait, pour cela, que les politiques publiques appuient le travail important qui a été engagé en la matière dans certains territoires, notamment grâce à l’Afac-Agroforesteries, en favorisant le développement économique des filières et les systèmes de valorisation des haies. Je pense, par exemple, aux filières bois énergie et bois bocage gérées durablement. Nous devons créer des conditions permettant aux agriculteurs de s’intéresser de nouveau à la question de la haie, et de concilier ainsi les aspects économique et écologique.

Suivant l’avis du rapporteur Pascal Lavergne, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE3516 de la commission du développement durable et CE260 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Sur le principe, je suis d’accord, mais je vous propose de retirer ces amendements en vue de la séance publique. Ils font référence à la biomasse agricole au sens de l’article L. 211‑2 du code de l’énergie. Or, cet article ne traite que de la biomasse en général.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. J’ajoute qu’il serait peut-être utile de travailler sur la notion, intéressante, de multifonctionnalité.

L’amendement CE3516 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE260.

 

Amendements identiques CE3517 de la commission du développement durable et CE1007 de Mme Chantal Jourdan, et amendement CE2502 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CE1007 vise à intégrer les gestionnaires de haies, qu’elles soient situées en bord de voirie ou de ligne ferroviaire, pour que l’enjeu du changement des pratiques de gestion soit réellement partagé par l’ensemble des acteurs. Le développement et le bon entretien des haies souffrent régulièrement d’entraves, notamment lors du déploiement d’infrastructures telles que la fibre optique aérienne. Le manque de concertation avec les agriculteurs concernés les décourage d’assurer l’entretien, n’incite pas à planter des haies et peut même conduire à les faire disparaître.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Les agriculteurs ne sont pas les seuls, loin de là, à gérer des haies, et il n’y a pas de raison que d’autres acteurs n’aient pas les mêmes engagements à respecter et les mêmes responsabilités. Mon amendement est un peu mieux‑disant, dans la mesure où il fixe une échéance pour la mise en place d’un plan de gestion des haies.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable. Il faudra néanmoins retravailler sur ces questions. Je considère, à titre personnel, qu’il faut traiter à peu près de la même façon les agriculteurs et les autres détenteurs de haies.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, y compris au sujet du travail à faire. Nous avons déjà intégré les gestionnaires, et je ne suis pas sûr que les formulations proposées soient bonnes.

Mme Chantal Jourdan (SOC). On constate qu’il y a beaucoup de dégâts en ce moment, notamment en raison du déploiement de la fibre aérienne. Il faudrait proposer assez rapidement un plan de concertation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE1627 de Mme Mathilde Hignet

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous proposons tout simplement de rétablir une mesure détricotée par l’Union européenne la semaine dernière, qui est l’obligation, pour chaque exploitation agricole, d’avoir au moins 4 % de surfaces en infrastructures agroécologiques, les haies étant considérées comme en faisant partie.

Selon le site internet du ministère de l’agriculture, la BCAE 8, relative au respect d’un taux minimal d’éléments favorables à la biodiversité – jachères et infrastructures agroécologiques –, « pour laquelle la France avait d’ores et déjà demandé des assouplissements pour 2024, est complètement supprimée ».

Le maintien des haies restera obligatoire pour tous ceux qui ont plein de bocage, comme les éleveurs, mais on va laisser tranquilles les grands céréaliers, qui ont 1, 2 ou 3 % d’infrastructures agroécologiques. C’est vraiment une décision pro-grands céréaliers de la Beauce, au détriment des acteurs qui ont des kilomètres de haies.

M. Charles de Courson (LIOT). Et voilà, encore les grands céréaliers !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE1629 et CE1630 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous demandons que l’État fasse de la sanctuarisation de l’ensemble du système de haies bocagères un objectif prioritaire. En effet, l’une des principales conclusions du rapport de la mission d’information portant sur l’agriculture et la biodiversité est qu’une haie récemment replantée n’est pas équivalente, du point de vue des services apportés à l’agriculteur et à la biodiversité, à une haie qui existait déjà. Le pacte en faveur de la haie que vous évoquez a pour objectif un gain net de 50 000 kilomètres d’ici à 2030, alors qu’on a perdu 1,4 million de kilomètres depuis les années 1950. Emmanuel Macron veut qu’on plante des arbres à titre de compensation. Nous souhaitons protéger ceux qui existent déjà : il faut lutter contre l’arrachage des haies, qui offrent de réels avantages économiques et écologiques aux agriculteurs. Il faut créer des filières, des débouchés pour valoriser les haies, comme le propose notamment l’Afac-Agroforesteries, avec qui ces amendements ont été travaillés.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je trouve dommage que vous n’argumentiez pas plus. Une haie qui existe depuis dix, vingt ou trente ans n’a pas du tout la même valeur écologique qu’une haie qu’on vient de planter. C’est une réalité scientifique.

M. de Courson m’a interpellée au sujet des grands céréaliers. Là où il n’y a aucune haie, aucune mare, aucun bosquet, aucune infrastructure agroécologique dans le paysage, ce n’est pas tellement chez les petits céréaliers. Si j’ai cité la Beauce, c’est parce que c’est le cas le plus caricatural. Ce que je dis concerne une très petite minorité d’agriculteurs, qui sont précisément ceux qui devraient faire des efforts. Or, ils n’y seront plus tenus à cause de la décision prise la semaine dernière, manifestement avec le soutien du ministère de l’agriculture, tandis que les autres continueront à devoir respecter les règles.

M. Charles de Courson (LIOT). Si Mme Trouvé connaissait le plateau champenois, qui va des Ardennes à la Marne et à l’Aube, elle saurait qu’on l’appelait autrefois la Champagne pouilleuse. Il faut respecter l’histoire : ne reprochez pas à des gens de ne pas avoir des haies alors que leur région n’en a jamais connu.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE261 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à préciser la notion de « destruction de haies ». Outre l’arrachage, des techniques d’entretien dégradantes, comme des broyages répétés, amenuisent la haie et finissent par la détruire. Nous voulons que ce soit reconnu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE3518 de la commission du développement durable, CE1631 de Mme Aurélie Trouvé et CE2504 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’espère que nous pourrons avancer sur la question de la destruction des haies, qui a beaucoup été évoquée lors des auditions.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je voudrais répondre à M. de Courson. J’ai encadré des diagnostics agraires dans la Champagne crayeuse : il existait, il y a des dizaines d’années, des haies, des infrastructures agroécologiques dans ce paysage. Je pourrai lui envoyer des études.

M. Charles de Courson (LIOT). Et c’était même une forêt du temps des Romains !

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). On ne peut pas prétendre qu’il n’y a jamais eu d’infrastructures agroécologiques à certains endroits de notre pays. Il faut absolument restaurer des corridors agroécologiques dans toute la France, comme tendent à le faire, fort heureusement, les politiques menées depuis des années pour restaurer la biodiversité, qui s’effondre dans les territoires.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Ces amendements visent à donner une définition plus complète de la destruction des haies, en précisant quels sont les actes qui peuvent y concourir.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Le principe du maintien des haies est déjà posé. Il n’est pas nécessaire de préciser ce qu’est leur destruction.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE262 de Mme Chantal Jourdan et CE2506 de Mme Lisa Belluco

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de préciser le délai dans lequel a lieu l’instruction de tout projet de destruction de haie. La rédaction actuelle laisse au pouvoir réglementaire le soin de fixer ce délai. S’il était trop court, ce serait problématique. Nous prévoyons donc deux mois, afin de nous assurer que l’administration pourra analyser les demandes.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). J’ajoute simplement que cet article de simplification, que le groupe écologiste soutient par ailleurs, risque de conduire dans un premier temps à une hausse du flux de dossiers déposés. Nous craignons que le délai prévu ne soit pas suffisant.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Je ne pense pas qu’il y aura un afflux de dossiers : les agriculteurs sont raisonnables et ils ont bien compris l’importance des haies pour l’environnement, mais également pour leurs propres activités.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE1632 de Mme Mathilde Hignet, CE3519 de la commission du développement durable et CE2507 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous pensons qu’il faut prévoir un délai, ne serait-ce que pour qu’on puisse savoir à quel moment on recevra une réponse et que l’administration réponde assez rapidement.

Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE1633 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous souhaitons que l’absence de réponse vaille opposition au projet de destruction de haie, et non approbation. L’administration ne sera pas forcément en mesure, en tout cas dans un premier temps, de répondre assez vite aux agriculteurs.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Je répète que les agriculteurs sont dans une dynamique de plantation, et non de destruction.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Cette question relève, par ailleurs, du domaine réglementaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE263 de Mme Chantal Jourdan, CE1634 de M. Loïc Prud’homme et CE3520 de la commission du développement durable (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Notre amendement vise à préciser les règles d’autorisation pour tout projet de destruction de haie. Nous proposons de mettre à la charge de l’administration une obligation, afin de sécuriser les agriculteurs quant à la procédure applicable.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Je tiens à rappeler l’importance de la haie et de la préservation de la biodiversité pour les agriculteurs. Les insectes auxiliaires permettent notamment de les aider dans leur travail. Il est également important, compte tenu du changement climatique et des tempêtes que nous avons subies ces derniers mois, de préserver les haies. Elles protègent, par exemple, les serres des maraîchers et les cultures.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure. On perd 20 000 kilomètres de haies par an. Il faudrait donc revoir l’idée selon laquelle les agriculteurs sont dans une dynamique de plantation plutôt que d’arrachage. En Bretagne, après la tempête Ciaran, le président de la Sica (société d’initiatives et de coopération agricoles) de Saint-Pol-de-Léon m’a fait la réflexion qu’il faudrait peut-être conditionner les aides à la reconstruction des serres à la plantation de haies. On a vu, en effet, que les serres devant lesquelles se trouvaient des haies ont été mieux protégées.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Une dynamique publique de plantation est là. Notre travail est de l’amplifier.

M. Marc Fesneau, ministre. J’ajoute que les 20 000 kilomètres en question concernent l’ensemble du linéaire, dont une grande partie ne dépend pas du monde agricole.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE2508 de Mme Lisa Belluco et CE1635 de Mme Aurélie Trouvé (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Afin d’éviter qu’une haie soit détruite par tronçons successifs dans le but de passer sous le seuil de l’autorisation, il est proposé de prendre en compte le cumul des interventions sur les haies.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous proposons que toute demande de destruction d’une haie faite dans les cinq ans suivant la demande précédente et sur la même parcelle soit automatiquement soumise à autorisation.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Les haies et les arbres des agriculteurs sont déclarés dans leur dossier PAC et sont de ce fait très surveillés.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE264 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de prévoir un délai de deux mois au cours duquel l’autorité instructrice indiquera au demandeur si son projet est soumis à autorisation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE336 de M. Julien Dive, CE921 de M. Francis Dubois et CE1383 de M. Charles de Courson

M. Francis Dubois (LR). Il est proposé de limiter la consultation publique au seul cas de la dérogation aux interdictions édictées pour les espèces protégées.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable, car ces amendements font courir un véritable risque d’inconstitutionnalité. En effet, l’article 7 de la Charte de l’environnement prévoit que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. » Par son caractère général, votre amendement risque de s’opposer frontalement à ce droit. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE2123 de Mme Lisa Belluco et CE3521 de la commission du développement durable (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il s’agit de mettre en cohérence différentes réglementations avec la nouvelle procédure relative aux haies, et d’inclure une nouvelle catégorie concernant les autorisations de porter atteinte aux alignements d’arbres.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’objectif est d’intégrer les différentes réglementations, notamment celles concernant les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) et les procédures IOTA (installations, ouvrages, travaux et activités), dans la procédure simplifiée.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable, même si certains aspects de ces alinéas pourraient être retravaillés.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Ces amendements vont dans le sens de la simplification, puisqu’ils visent à regrouper plusieurs procédures en une seule.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE337 de M. Julien Dive, CE922 de M. Francis Dubois et CE1385 de M. Charles de Courson

M. Julien Dive (LR). Nous proposons de simplifier la procédure d’obtention des avis requis au titre du code de l’urbanisme.

M. Francis Dubois (LR). Il est proposé de remplacer l’accord de l’autorité compétente par un avis simple.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Pour réaliser la plupart des opérations décrites dans le code de l’urbanisme, on requiert soit l’avis conforme, soit un accord exprès ou tacite des collectivités territoriales. Instaurer un avis simple, que l’on n’est pas tenu de suivre, pourrait poser un problème au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales consacré à l’article 72 de la Constitution. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Je comprends votre intention, mais on ne peut déroger au principe de libre administration.

M. Charles de Courson (LIOT). Il ne s’agit que d’une mesure de simplification. Vous êtes très conservateur, monsieur le rapporteur !

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE610 de M. Vincent Descoeur, CE1307 de M. Julien Dive, CE2103 de Mme Anne-Laure Blin et CE2334 de M. David Taupiac,

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit d’autoriser la taille des haies durant la période d’interdiction en cas de catastrophe naturelle ou d’aléa climatique, par exemple après le passage d’une tempête.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je suis plutôt d’accord avec ces amendements, mais il y a tout de même une réflexion à mener sur ce sujet. Demande de retrait pour procéder à une réécriture en vue de la séance.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous souhaitez traiter de la question de la réparation des réseaux en cas de force majeure. Je partage toutefois l’avis du rapporteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Julien Dive (LR). Cela soulève la question des dates d’entretien des haies, qui sont fixées de façon trop rigide. Quand un exploitant est obligé de décaler de quelques jours, cela le place dans une situation d’illégalité ou, du moins, de non-respect des règles. Il peut en outre subir un préjudice et être attaqué au tribunal. Je retire mon amendement dans le but de parvenir à une rédaction convenable pour la séance.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Ces amendements visent à harmoniser et à simplifier la procédure de dérogation en cas de force majeure. Le Gouvernement s’était engagé à recenser les arrêtés pris dans tout le territoire, mais force est de constater que rien de concret n’a été fait. Je ne retirerai donc pas mon amendement.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Six mois après le passage de la tempête Ciarán, plusieurs centaines d’habitants de mon territoire ne sont toujours pas raccordés à internet ou au téléphone, les réseaux étant toujours enchevêtrés dans les haies et les arbres qui sont tombés, et que l’on ne peut dégager. Cela illustre l’importance du débat sur les possibilités de dérogation en cas d’aléas climatiques.

M. Marc Fesneau, ministre. La question des dérogations relève de la PAC et non du présent projet de loi. Je précise toutefois que j’ai accordé cette année une dérogation générale en raison de la pluviométrie, qui n’a pas permis l’entretien des haies avant la date limite du 15 mars – même au 15 avril, il était encore compliqué d’intervenir.

Concernant la procédure à suivre en cas de force majeure, chacun doit faire sa propre demande de dérogation et justifier, exploitation par exploitation, qu’il répond bien aux critères. Il est nécessaire de clarifier et de simplifier les modalités à respecter en la matière. Quand il est tombé 180 ou 200 millimètres en un mois, il n’est pas nécessaire que chacun fasse une demande de dérogation à telle ou telle obligation de la PAC. Nous travaillons sur ce point au niveau européen.

L’amendement CE1307 est retiré.

La commission rejette les amendements CE610, CE2103 et CE2334.

 

Amendements identiques CE338 de M. Julien Dive, CE923 de M. Francis Dubois, CE1433 de M. Charles de Courson et CE3078 de M. Benoît Bordat

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je suis assez partagé. Je vais donner un avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Pour ma part, j’aurais tendance à donner un avis de sagesse. Ces amendements visent à faire converger les réglementations, s’inscrivant ainsi dans la logique du guichet unique. Il me semble que cela pourrait être utile.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. C’est la raison pour laquelle j’étais partagé. Puisque M. le ministre donne un avis de sagesse, je donne un avis favorable !

M. Charles de Courson (LIOT). Je voulais essayer de faire basculer le rapporteur du bon côté. C’est chose faite et je l’en félicite !

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE3522 de la commission du développement durable et CE2509 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous proposons de supprimer l’alinéa 25, car il va à l’encontre de l’objectif poursuivi en excluant certains cas de la procédure unique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendement CE2510 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je vais défendre en même temps les amendements CE2510, CE2513, CE2514 et CE2518, qui portent tous sur la séquence ERC (éviter, réduire, compenser). La meilleure haie, c’est celle que l’on ne détruit pas et si une destruction doit avoir lieu, elle doit être limitée au maximum. Malheureusement, cet article prévoit seulement la dernière étape, à savoir la compensation de la haie détruite.

L’amendement CE2510 rappelle la séquence ERC, rehausse la compensation, fixe des prescriptions complémentaires nécessaires à la compensation et rend obligatoire la demande de conseil avant la destruction. Les trois autres amendements sont des solutions de repli.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE3523 de la commission du développement durable, CE265 de Mme Chantal Jourdan, CE1636 de Mme Manon Meunier et CE2513 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Comme cela a déjà été dit par notre collègue Aurélie Trouvé, une haie ancienne n’a pas la même valeur écologique qu’une haie plus jeune. C’est pourquoi la commission du développement durable souhaite inclure dans le texte le rappel de la séquence ERC. J’insiste donc pour que cela soit pris en compte.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il est en effet important de rappeler cette séquence. L’amendement vise également à préciser qu’une haie détruite doit être remplacée par une haie d’un linéaire au moins équivalent – en réalité, il faudrait un linéaire bien supérieur pour compenser l’impact de la destruction.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). On ne peut pas se satisfaire de simples mesures de compensation : il est nécessaire en premier lieu d’éviter toute destruction. M. Alexandre Boissinot, ingénieur écologue à la réserve naturelle régionale du Bocage des Antonins, dans les Deux-Sèvres, que nous avons auditionné, a souligné l’urgence à conserver l’existant, citant l’exemple des arbres têtards, dont les troncs creusés de cavités constituent d’importants réservoirs de biodiversité et jouent un rôle tampon face aux changements climatiques. Les haies stockent du carbone, facilitent le maintien de l’eau dans les sols et apportent de la fraîcheur sur les parcelles : plus une haie est ancienne, plus il est important de la conserver.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Le principe général inscrit dans le code de l’environnement, c’est justement « éviter, réduire, compenser » : il est donc inutile de le rappeler.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Certes, c’est inscrit dans le droit, mais dès que l’on veut construire quelque part, la séquence ERC se transforme en séquence C. Il me semble donc indispensable de rappeler cet objectif.

M. Luc Lamirault (HOR). Je ne suis pas d’accord : dans le PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) que nous sommes en train d’élaborer, nous indiquons les haies qui doivent être conservées – pas toutes, il est vrai, mais la plupart. C’est la règle.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE339 de M. Julien Dive, CE924 de M. Francis Dubois, CE1435 de M. Charles de Courson et CE3079 de M. Benoît Bordat

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer le principe d’une compensation systématique des destructions de haies. Il faut être raisonnable : il est normal de prévoir une compensation en cas de destruction. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE340 de M. Julien Dive, CE926 de M. Francis Dubois, CE1303 de Mme Anne-Laure Blin, CE1535 de M. Charles de Courson et CE1581 de M. Antoine Villedieu

M. Francis Dubois (LR). L’objectif est de supprimer la possibilité pour l’autorité compétente d’ajouter des prescriptions complémentaires.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Ces trois alinéas permettent d’imposer des prescriptions supplémentaires à la discrétion de l’autorité compétente, ce qui provoque une réelle instabilité juridique pour le pétitionnaire. Supprimer ces alinéas est donc une question de bon sens.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Nous avons tous compris l’importance de la haie. Il ne faut pas voir ce dispositif sous un angle administratif tatillon ou inutilement prescripteur : ce sera l’occasion d’accompagner la personne qui aura détruit une haie et qui devra mettre en place un dispositif de compensation. On peut dialoguer avec l’administration.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE840 et CE841 de M. Hubert Brigand.

 

Amendement CE266 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement précise que les mesures de compensation doivent être proportionnelles à l’impact environnemental de la destruction de la haie. Il insiste également sur l’importance de la protection de la ressource en eau, pour laquelle la présence de haies est fondamentale. Enfin, il instaure une obligation pour le demandeur de solliciter un conseil préalable avant toute opération de destruction.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Nul ne conteste les fonctionnalités de la haie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE2514 et CE2518 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). J’ai déjà défendu ces amendements.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Imposer un conseil supplémentaire pour de si petites surfaces aurait un coût de fonctionnement qui me paraît disproportionné. L’administration est chargée d’instruire : c’est son travail.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE842 de M. Hubert Brigand.

 

Amendement CE366 de M. Guillaume Garot

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de préciser que des règles spécifiques s’appliquent aux haies qui bordent les voiries, car celles-ci sont régies par des dispositions relevant de différents codes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2521 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’objet de cet amendement est de permettre un suivi des haies replantées, afin de s’assurer que la compensation est bien effective et efficace.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Pas de suradministration : faisons confiance aux agriculteurs sur le terrain ! De plus, les déclarations PAC permettent de vérifier ce que vous souhaitez.

M. Marc Fesneau, ministre. Déclarations auxquelles s’ajoutent les observations pouvant être faites par satellite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE267 de Mme Chantal Jourdan et CE2523 de Mme Lisa Belluco

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de disposer d’une grille d’observation et d’évaluation simple, solide et homogène, afin d’évaluer l’ensemble des aspects qui entourent la destruction de la haie.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

 

Amendements CE3524 et CE3525 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à préciser que toute destruction de haie doit être subordonnée à des mesures de compensation et à prévoir les moyens dont disposent les services instructeurs pour évaluer les impacts environnementaux.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE925 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement rédactionnel vise à remplacer le mot « compensation » par les mots « replantation hors dérogation ».

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis, car cet amendement est un peu plus que rédactionnel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3526 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à inclure les objectifs et les critères permettant d’atteindre le bon état écologique de la haie. Cette notion de « bon état écologique » n’est certes pas définie, mais elle est déjà utilisée pour décrire les rivières et les cours d’eau.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2022 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). L’interdiction de taille des haies entre le 16 mars et le 15 août vise à protéger la biodiversité, en préservant les habitats naturels pendant cette période critique. Qui peut croire que les dates des saisons peuvent être fixées à l’échelle européenne, puis nationale ? Entre le nord et le sud de la France, les disparités sont importantes. Il est donc proposé d’établir ces dates chaque année au niveau départemental, à l’issue d’une concertation du préfet avec les acteurs du territoire, afin de s’adapter à la réalité du terrain. Un peu de bon sens paysan, s’il vous plaît !

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je suis partagé sur cet amendement. J’en demande le retrait, à moins que le ministre n’émette un avis de sagesse, auquel cas j’y serais favorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Votre intention est d’adapter les dates à la réalité territoriale. Demande de retrait de votre amendement au profit de l’amendement CE1025, dont je préfère la rédaction et auquel je donnerai un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1025 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Chaque département présente des caractéristiques géographiques, climatiques et pédologiques uniques, qui influent directement sur la croissance et la santé des haies. En effet, certaines régions peuvent être soumises à des périodes de sécheresse prolongée, tandis que d’autres peuvent être confrontées à des précipitations abondantes. De même, la composition du sol peut varier considérablement d’un territoire à l’autre, ce qui influe sur la capacité des haies à se développer et à remplir leurs fonctions écologiques. Plutôt que d’imposer une approche uniforme à l’échelle nationale, cet amendement reconnaît la nécessité d’ajuster les périodes d’interdiction de perturbation en fonction des conditions spécifiques à l’échelle départementale.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Dans ma déclaration générale, j’ai prôné le pragmatisme. Je suis donc favorable à cet amendement pragmatique.

M. Marc Fesneau, ministre. Les règles doivent être adaptées à la spécificité des territoires. Il est évident que cela doit être le cas pour les haies – je suis d’ailleurs étonné de voir une date uniforme – car la période de nidification n’est pas la même au nord et au sud ou dans les zones de montagne. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE180 de M. Julien Dive tombe.

 

Amendement CE930 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement a pour but de supprimer la réglementation relative à la protection des boisements linéaire et des haies dans le cadre de l’aménagement foncier.

M. Marc Fesneau, ministre. Le principe est la préservation. Cet amendement n’allant pas dans ce sens, mon avis est défavorable.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE927 de M. Francis Dubois, CE1302 de Mme Anne-Laure Blin, CE1536 de M. Charles de Courson et CE2891 de M. Julien Dive

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Pour que le dispositif soit respecté, des sanctions sont nécessaires. Demande de retrait.

M. Marc Fesneau, ministre. Le principe de proportionnalité ne peut s’appliquer que s’il existe une sanction. Avis défavorable.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Le Conseil d’État, dans son avis, souligne la disproportion des sanctions.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CE345 de M. Julien Dive, CE429 de Mme Véronique Louwagie, CE931 de M. Francis Dubois et CE1540 de M. Charles de Courson.

Amendements identiques CE342 de M. Julien Dive, CE928 de M. Francis Dubois et CE1537 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement propose d’étendre aux projets de destruction et aux travaux d’entretien des haies le mécanisme de présomption légale, déjà instaurée au bénéfice des projets de production d’énergie renouvelable, qu’un tel projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

 

Amendements identiques CE344 de M. Julien Dive, CE428 de Mme Véronique Louwagie et CE1539 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement a pour but de supprimer la réglementation relative à la protection des boisements linéaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE368 de M. Guillaume Garot.

 

Amendements identiques CE343 de M. Julien Dive, CE929 de M. Francis Dubois et CE1538 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement vise à supprimer l’intégration des haies dans la réglementation des espaces boisés classés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’article 14 modifié.

 

 

Après l’article 14

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE2532 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendement CE2833 de M. André Chassaigne

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). Cet amendement de bon sens propose une dérogation à l’obligation de compensation dans les zones à reconquérir. Dans les communes fortement boisées notamment, la compensation rend impossible la mise en œuvre de la reconquête des terres agricoles.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Une telle disposition est déjà prévue dans le code rural. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement ouvre la voie à une solution, à laquelle je vous propose que nous réfléchissions en séance, à un vrai problème, notamment dans les zones de forte déprise qui sont considérées comme boisées alors qu’elles ne le sont pas vraiment. Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). Monsieur le rapporteur, l’inscription dans le code rural ne suffit pas : il faut l’inscrire dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE2548 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendement CE2530 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement prévoit la mise en place d’une certification de gestion durable des haies. Elle vise à garantir, pour tous les types de haies et de territoires, une amélioration des pratiques, permettant d’atteindre un bon état écologique des haies et une distribution équitable et durable du bois issu de ces haies.

Je salue le sénateur Daniel Salmon, dont je reprends ici la proposition.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Il existe déjà un label haie. Son inscription dans la loi n’est pas nécessaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE2534 de Mme Lisa Belluco, CE2932 de M. Benoit Mournet et CE1009 de Mme Chantal Jourdan qui font l’objet d’une discussion commune.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1811 de M. Guillaume Garot.

 

Article 15 Contentieux de certaines décisions en matière agricole

 

Amendements identiques CE1018 de M. Dominique Potier, CE1648 de Mme Manon Meunier, CE2384 de M. Sébastien Jumel, CE2539 de Mme Lisa Belluco et CE3048 de Mme Marie Pochon

M. Dominique Potier (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés n’a pas de position dogmatique sur l’usage de l’eau dans l’agriculture, mais j’aimerais souligner deux points.

Le premier est que le Conseil d’État estime que cet article est inefficient et qu’il est nul et non avenu dans sa forme. Comme nous sommes en train de faire la loi, nous aimerions disposer d’un texte plus abouti pour pouvoir nous prononcer.

Le second concerne notre position générale sur l’usage de l’eau dans l’agriculture. Il doit être pensé de façon territoriale, après un débat scientifique et démocratique sur chaque bassin. Un usage corporatiste ou singulier ne peut se faire au détriment de l’intérêt général. Tout usage de l’eau doit être précédé d’une étude globale sur le bassin et d’une hiérarchisation des usages.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). L’avis du Conseil d’État mentionné par notre collègue Potier doit être pris en compte et l’article 15 doit être supprimé.

Pour une fois en politique, j’aimerais que l’avis des scientifiques soit pris en compte. Lors de son audition, Jean-François Soussana, membre du Haut Conseil pour le climat (HCC), nous a alertés sur les mégabassines, qui sont une maladaptation au changement climatique puisque le puisement dans les nappes phréatiques empire leur assèchement. En outre, cette pratique ne prépare pas les agriculteurs à la transition vers des cultures alternatives moins consommatrices en eau.

En attendant, la construction de ces mégabassines est un gaspillage d’argent public qui ne bénéficie qu’à quelques-uns et qui ne prépare personne.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Le groupe Écologiste est défavorable à cet article, qui vise à accélérer le déploiement des réserves de substitution et des élevages industriels.

Je ne reviens pas sur les problèmes de fond posés par ces installations. Je me contenterai de souligner que le Conseil d’État prévient que cette nouvelle procédure risque de ralentir les délais d’instruction. Elle est donc une fausse promesse, même pour les irrigants et pour les éleveurs industriels. La possibilité de recourir au référé dans un délai resserré risque de pousser tous les requérants à y recourir et donc à augmenter les contentieux.

Je vous propose de réserver le débat sur les mégabassines, les réserves de substitution et les élevages industriels à l’examen du texte en séance. Dans cette perspective, je retire l’ensemble de mes amendements à l’article 15.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Dans son avis, le Conseil d’État souligne que l’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières en ce qui concerne le contentieux de ces projets, notamment en termes de délais, de jugement ou de complexité, et que les aménagements contentieux qu’il est proposé d’apporter à la procédure de droit commun n’ont pas fait l’objet d’une évaluation.

Il souligne que l’efficacité d’une telle mesure, qui porte atteinte au droit de recours, n’est pas établie et que la suspension automatique de la durée de validité de toutes les décisions relatives à un même projet peut être source d’incertitudes et de contestations.

Il souligne également que la multiplication de règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d’ensemble des règles applicables au contentieux administratif.

Enfin, il rappelle que cette disposition est susceptible de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice.

Cet avis clair et précis du Conseil d’État nous démontre la nécessité de supprimer cet article.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Je tiens à préciser d’emblée que l’article 15, auquel nous tenons particulièrement, n’a pas pour objectif de simplifier le droit applicable aux agriculteurs : il s’agit en vérité d’un article technique visant à accélérer la procédure contentieuse en cas de recours formés devant le juge administratif contre des décisions portant sur certains projets, afin de ne pas décourager les initiatives. Avis défavorable.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Madame Meunier, je voudrais revenir sur vos propos sur la science. La gestion de l’eau est un sujet très sensible ; c’est un enjeu politique respectable, qui peut nous diviser, mais il ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique.

Il existe un vrai problème en France dans le rapport à la science, surtout depuis la crise du covid-19. La confiance des Français dans la science s’est effondrée, du fait d’une confusion entre science et recherche. Un scientifique qui, lorsqu’on l’interroge, répond « je pense que » est dans la recherche, pas dans la science.  Il n’y a pas de consensus scientifique sur les retenues collinaires, le niveau d’évaporation : tout dépend des bassins. Aucune généralité scientifique ne peut être faite en la matière. Nous pouvons discuter de ces questions au niveau politique, mais n’invoquons pas de vérités définitives, car elles n’existent pas.

M. Charles de Courson (LIOT). Il n’est pas normal qu’un justiciable puisse continuer à faire des recours en appel et en cassation alors qu’il les perd tous, sans aucune sanction. En droit américain, les recours abusifs peuvent être sanctionnés par le juge d’une amende allant jusqu’à trois fois le montant des pertes occasionnées. De telles sanctions responsabilisent tout le monde. Nous devrions adopter un dispositif similaire.

M. Éric Martineau (Dem). Cet article est nécessaire. Je rappelle qu’il existe actuellement cinquante-sept contentieux sur des retenues d’eau et cinquante-quatre sur des projets d’élevage. Il faut attendre en moyenne quatre ans et six mois pour obtenir une décision des tribunaux. En tant que politiques, notre devoir est de ne pas laisser les agriculteurs aussi longtemps dans l’incertitude. Il faut partager la ressource.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Monsieur Descrozaille, vous avez raison de rappeler que la science évolue au fur et à mesure des recherches et des discussions. Elle ne peut donc produire de vérités avec un grand « V ». Toutefois, il existe un consensus scientifique sur les risques de la maladaptation. En proposant des solutions de maladaptation aux agriculteurs, nous les envoyons dans le mur, à moyen terme. Mieux vaut les accompagner maintenant vers la transition.

Je voudrais ensuite apporter une précision sémantique : il faut distinguer les réserves de substitution des réserves collinaires. Ces dernières ont été évoquées, mais elles ne sont pas l’objet de cet article.

Je voudrais enfin rappeler que la majorité des recours contre les projets de mégabassines ou de réserve de substitution sont plutôt gagnés par les requérants. Dans ces conditions, peut-on considérer qu’ils sont abusifs ?

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous ne disons pas qu’il existe une science absolue. La science permet cependant de dégager des consensus, comme celui sur la maladaptation – et ce ne sont pas des scientifiques d’extrême gauche qui le soutiennent ! Je rappelle que Jean-François Soussana, membre du Haut Conseil pour le climat, qui a été mis en place par Emmanuel Macron, a parlé de maladaptation devant la commission du développement durable.

Vous citez souvent une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), que nous ne remettons pas en question et qui n’est effectivement pas alarmante. Mais elle ne prend pas en compte les sécheresses que nous avons vécues ces dernières années et n’intègre donc pas leur impact sur la biodiversité, par exemple. En outre, nous avons interrogé des hydrogéologues, comme Marie Pettenati du BRGM. Ils nous mettent en garde sur ces bassines qui peuvent aggraver la sécheresse. Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ou du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), comme M. Bretagnolle, recommandent de recourir à des solutions de sobriété.

M. Pascal Lecamp. Le débat scientifique est intéressant, mais nous devons revenir à la loi et au titre IV, qui vise à simplifier les démarches et à éclairer les agriculteurs pour les quinze, vingt prochaines années.

M. Martineau a mentionné la longueur des procédures judiciaires. Dans ma circonscription, plus de cent agriculteurs attendent une décision depuis treize ans. Ils se trouvent donc dans l’incertitude pour prendre des engagements ou investir.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). J’aimerais que nous soient communiquées d’ici à la séance les études scientifiques justifiant la construction de mégabassines pour assurer la sécurité d’approvisionnement en eau.

On nous parle de proportionnalité des sanctions, mais il faudrait également évoquer l’illégalité de certains ouvrages, qui a été constatée par plusieurs décisions de justice. Que faire par exemple de la réserve de Caussade, qui est illégale ?

M. Marc Fesneau, ministre. Face à des recours dont l’intention est d’entraver le développement d’un projet, il faut pouvoir accélérer le contentieux. Cela vaut pour les projets hydrauliques comme pour les projets d’élevage, ce qui ne supprime pas la nécessité de mener des études. Que la réponse soit positive ou négative, elle doit être rapide.

La commission rejette les amendements.

Les amendements CE2549, CE2550, CE2552, CE2553, CE2554 et CE2555 de Mme Lisa Belluco sont retirés.

 

 

Amendement CE1318 de M. Philippe Schreck

M. Grégoire de Fournas (RN). L’amendement CE1318 est défendu. Je voudrais connaître la position du ministre sur l’amendement CE1760, bien qu’il n’ait pas été défendu. Pourquoi les ouvrages destinés au prélèvement des eaux souterraines sont-ils exclus du dispositif prévu à l’article 15 ?

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CE1318.

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.

Ces ouvrages sont exclus du dispositif car le projet de loi vise des mesures de simplification et d’accélération des décisions de justice sur les contentieux portant sur des projets à enjeu pour la souveraineté alimentaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2039 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Plus de la moitié des élevages français sont des ICPE, qui relèvent à 90 % du régime de la déclaration, à 8 % du régime de l’enregistrement et à 2 % du régime de l’autorisation.

Nous proposons d’exclure la dernière de ces catégories du bénéfice de l’article 15, car ce sont des élevages de type industriel, néfastes pour l’environnement. Il importe de favoriser les élevages à taille humaine et familiaux, en lien avec notre territoire. Cette distinction me paraît essentielle si l’on veut faciliter l’installation d’éleveurs.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Au regard du profil des contentieux en matière agricole, ces élevages et ces installations sont une cible privilégiée de la part des contestations contentieuses ; il importe évidemment de les laisser dans le périmètre de l’article 15. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Nous avons besoin de bâtiments et ce que vous décrivez comme des installations industrielles n’en sont pas du tout.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1759 de Mme Hélène Laporte

M. Grégoire de Fournas (RN). Il s’agit d’ajouter au dispositif les élevages d’ovins et de caprins, dont se demande pourquoi l’article 15 ne les couvre pas.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas dans le champ des ICPE. Mais votre amendement les y ferait entrer… En voulant simplifier, on complique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE1643 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je défendrai tous les amendements déposés par le groupe La France insoumise à l’article 15, chacun consistant à supprimer un alinéa.

Nous pensons qu’il faut fonder nos décisions politiques sur la science, et la science nous alerte : les mégabassines sont une maladaptation au changement climatique dont les agriculteurs seront les premiers à souffrir ; ils en souffrent déjà. Lorsque vous consacrez des millions d’argent public à la création de mégabassines, vous réduisez de fait les chances des petits maraîchers qui s’installent et qui ont des besoins en eau bien moindres. Or, ils ne peuvent pas puiser dans la nappe, parce qu’ils refusent de participer à la coopérative de l’eau qui finance les mégabassines, celles-ci ne profitant qu’à un nombre minime d’agriculteurs. À côté, on ne met pas assez de moyens pour aider les petits maraîchers à faire face aux sécheresses et pour préparer la conversion à des cultures moins gourmandes en eau.

Cet article va accélérer la création des mégabassines et limiter les contentieux relatifs à l’environnement. Si nous nous y opposons fermement, c’est avant tout pour les agriculteurs qui sont engagés dans la démarche de transition agroécologique. D’ailleurs, les agriculteurs ne sont pas du tout contre la transition agroécologique. Dans le cadre de notre mission d’information sur l’agriculture et la biodiversité, nous avons reçu tous les syndicats agricoles, de la Coordination rurale au Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), en passant par la Confédération paysanne, les Jeunes Agriculteurs et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Tous nous ont dit être sensibles au changement climatique, mais avoir besoin de moyens financiers pour faire cette transition. Or, vous mettez ces moyens sur une fausse solution, qui ne fait en réalité qu’aggraver le problème. Voilà ce que nous dit le monde scientifique.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. En pratique, ce sont les autorisations environnementales qui sont à l’origine de la plupart des contentieux ; les exclure du dispositif va à l’encontre de l’objectif que nous visons. J’émets par avance un avis défavorable sur vos autres amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Pascal Lecamp (Dem). Vous n’arrêtez pas de parler de mégabassines, mais c’est un terme que vous avez inventé. Chez moi, on attend trente réserves de substitution d’une certaine taille pour alimenter un peu plus d’une centaine d’agriculteurs – le projet est connu depuis treize ans.

Je suis évidemment favorable à la transition écologique : à l’article 1er, j’ai défendu le principe selon lequel la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) doit rester notre boussole. Mais la transition écologique, même si tous les syndicats souhaitent pouvoir la réaliser et comptent sur le renouvellement démographique pour y arriver, ne veut pas dire que l’on peut faire une agriculture sans eau. Il faut donc donner les moyens aux agriculteurs de faire leur travail, dans des conditions contrôlées où la science aurait sa place.

Cet article entend mettre fin aux recours interminables – ils durent depuis treize ans chez moi – pour que les petits agriculteurs qui veulent vivre de leur métier aient une réponse à leur projet d’investissement.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Personne ne dit qu’il faut faire de l’agriculture sans eau. L’agriculture irriguée est très minoritaire en France, puisqu’elle concerne moins de 10 % de la surface agricole utile. Nous avons conscience que cette surface risque d’augmenter du fait du réchauffement climatique mais, plutôt que de réserver des volumes pour les surfaces actuellement irriguées – puisque tel est le but des réserves de substitution –, il faudrait réfléchir à un meilleur partage de l’eau des nappes. Il n’est pas très respectueux de dire de la grande majorité des agriculteurs qu’ils feraient de l’agriculture sans eau ; ils ne sont pas idiots, ils font de l’agriculture avec l’eau pluviale.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE1319 et CE1320 de M. Philippe Schreck, CE2142 de M. Dominique Potier et les amendements identiques CE1321 de M. Philippe Schreck et CE1644 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CE3527 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous proposons que le juge des référés puisse, avec l’accord des deux parties, organiser une médiation afin de trouver un accord entre elles, dans les conditions prévues aux articles L. 213‑7 et suivants du code de justice administrative.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable, faute d’expertise sur cette procédure.

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semble que la médiation arrive trop tard si l’on est déjà engagé dans le contentieux. D’autres dispositifs existent déjà, comme le projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) ou la consultation préalable du public pour les ICPE, qu’il convient peut-être d’améliorer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2312 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous avons déjà souligné que le Conseil d’État a tué dans l’œuf cette proposition de simplification et que la disposition introduite par l’article 15 n’est sans doute pas la meilleure façon d’aborder le problème de l’extension des bâtiments d’élevage.

Dans le Finistère, tout projet d’extension d’un bâtiment d’élevage fait systématiquement l’objet d’un recours, y compris sur les petites exploitations familiales, qui n’ont pas les moyens d’y faire face. Cela crée une insécurité forte, à un moment où l’on veut favoriser la transmission des exploitations dans ces filières stratégiques. Je retire mon amendement, mais j’attends beaucoup du débat qui aura lieu en séance.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE1645 de Mme Aurélie Trouvé, CE2143 de M. Dominique Potier et CE1646 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CE3528 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les études d’impact que les porteurs de projet ont l’obligation d’assumer sont souvent remises en cause pour manque d’objectivité par les opposants, du fait de ce financement direct. Revoir les modalités de celui-ci à travers sa prise en charge par des organismes tiers, sur fonds publics ou privés, permettrait de limiter les recours et de soulager les petits porteurs de projet, pour qui ces études sont très coûteuses.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 15 non modifié.

 

 

Après l’article 15

 

Amendement CE2037 de Mme Nathalie Bassire

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Il est arrivé, à La Réunion, que des plans locaux d’urbanisme (PLU) soient partiellement annulés par le tribunal administratif en raison d’erreurs de classement de certaines parcelles à vocation agricole. Selon la jurisprudence du Conseil d’État, la commune concernée doit lancer une procédure de révision du PLU, afin de le mettre en conformité avec la décision juridictionnelle. Or, c’est une procédure très longue, qui peut prendre plusieurs années. Dans l’esprit du projet de loi de simplification des procédures et de facilitation de l’accès au foncier agricole, nous proposons qu’une simple délibération du conseil municipal puisse régulariser le PLU annulé conformément au jugement, lorsqu’il s’agit de parcelles agricoles.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Demande de retrait

M. Marc Fesneau, ministre. Demande de retrait ou avis défavorable. Votre amendement pose un problème de constitutionnalité.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1650 de Mme Clémence Guetté

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). « Là où il y a des retenues illégales, elles seront démontées. Les décisions de justice seront respectées et l’État les fera appliquer », a fait savoir le cabinet du ministre à l’occasion d’une conférence de presse sur le plan Eau, le 7 novembre 2023. L’amendement tend à traduire ces propos dans la loi, en sorte que les ouvrages déclarés illégaux par des décisions de justice définitives ne puissent faire l’objet d’aucune régularisation et qu’ils soient démantelés. Ma collègue Marie Pochon a évoqué tout à l’heure le barrage de Caussade, qui est toujours debout alors qu’il est illégal. Le droit ne peut pas être à géométrie variable.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

 

Article 16 : Règles applicables aux détenteurs de chiens de protection de troupeaux

 

Amendement CE1661 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous ne sommes pas opposés au contenu de l’article 16, mais nous souhaitons supprimer son premier alinéa, qui instaure une exception au principe de non-régression selon lequel la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Poser une exception à ce principe ouvrirait la porte à de futures dérogations : nous ne voulons pas d’une telle jurisprudence, qui serait délétère pour le droit de l’environnement.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Vous voulez supprimer une mesure de bon sens, qui vise à simplifier la vie de nos éleveurs. Sans remettre en cause la protection de l’environnement, il est question de permettre au pouvoir réglementaire de faire une place à part aux chiens de protection de troupeaux dans la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement. Cela évitera de faire tomber sous le coup de cette réglementation les éleveurs de brebis qui détiennent, par exemple, quatre patous, trois chiens de conduite du troupeau et deux chiens d’agrément.

M. Marc Fesneau, ministre. C’est une question de bon sens : on ne peut pas appliquer à des gens à qui on demande d’avoir des chiens en nombre pour protéger leurs troupeaux une réglementation qui les pénaliserait. Vous parlez de régression environnementale, mais le vrai risque, ce serait une régression de l’élevage et du pastoralisme.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1663 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3, qui habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances, car nous y sommes opposés par principe.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1662 de M. Léo Walter.

 

Amendements identiques CE3050 de Mme Marie Pochon et CE3529 de la commission du développement durable

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement vise à porter de six à douze mois le délai pour prendre par ordonnance les mesures destinées à encourager les éleveurs à recourir aux chiens de protection des troupeaux. Le délai initial est en effet trop court pour pouvoir associer pleinement les professionnels concernés.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement identique, adopté à l’initiative notamment de Mme Pascale Boyer, présidente du groupe d’études sur le pastoralisme.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. La réflexion du Gouvernement ayant bien avancé, nous travaillons ensemble à un dispositif que nous espérons pouvoir présenter en séance publique. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Nous serons en mesure d’inscrire dans la loi les dispositions que nombre d’éleveurs attendent depuis des années – six mois supplémentaires de délai, c’est trop.

M. Antoine Armand (RE). J’insiste sur l’urgence à légiférer, tant les mesures sont attendues.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agissait de laisser le temps nécessaire pour mener un travail rigoureux sur un sujet essentiel pour les territoires.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE3391 de M. Pascal Lavergne, rapporteur.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1277 de M. Lionel Tivoli.

 

La commission adopte l’article 16 modifié.

 

 

Après l’article 16

 

Amendement CE1664 de Mme Sylvie Ferrer

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement a pour objet la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conditions de travail des gardiens de troupeau, ainsi que sur l’opportunité de doter la profession d’un régime spécifique. Ces derniers ne bénéficient pas d’un tel régime, contrairement aux marins, alors que leur métier est très dur et marqué par l’intermittence.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Défavorable. C’est hors sujet.

M. Marc Fesneau, ministre. Défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je m’étonne de la faiblesse de votre argumentation. Comment peut-on se contenter de dire « hors sujet » alors que l’article 16 concerne l’agropastoralisme, sans compter que l’amendement a été déclaré recevable ?

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous avons adopté mon amendement à l’article 1er imposant de « garantir le maintien et accompagner le développement de l’agropastoralisme ». Cet amendement est donc parfaitement dans le sujet.

On constate par ailleurs que les installations sont plus fréquentes dans les zones pastorales. Pour assurer le maintien des exploitations pastorales, il serait intéressant d’accompagner par des mesures spécifiques les bergers ou les éleveurs pastoraux.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 17 : Règles applicables au compostage de la laine et à l’aquaculture

 

Amendement CE2562 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous proposons de supprimer l’article car, d’une part, nous sommes gênés par le contournement du principe de non-régression du droit de l’environnement, et, d’autre part, nous refusons de donner un blanc-seing au Gouvernement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous prendre l’engagement d’inscrire dans la loi les dispositions au cours de la navette plutôt que de recourir aux ordonnances ?

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Défavorable. Dans l’intérêt de notre économie et de nos territoires, nous avons besoin de développer le secteur de l’aquaculture qui est largement déficitaire. Il n’est cependant pas exclu de présenter des mesures au cours de la navette. Les discussions avec la filière sont en cours.

M. Marc Fesneau, ministre. L’objectif est bien d’introduire les dispositions dans la loi.

J’appelle votre attention sur la nécessité de simplifications drastiques pour rétablir notre souveraineté, alors que nous importons 90 % du poisson que nous consommons. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE3052 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement vise à réécrire l’article entièrement, pour définir une stratégie de structuration et de valorisation de la filière laine française.

La délocalisation de l’industrie du textile française et des sites de lavage vers l’Asie, le développement des fibres synthétiques au détriment des fibres naturelles, ainsi que la baisse du prix à l’échelle mondiale ont conduit les éleveurs ovins français à se désintéresser de leur laine, au point de la brûler. Pourtant, la laine est une ressource naturelle pour la confection textile, la construction ou la protection des sols. Elle pourrait constituer une source de revenu additionnel pour les éleveurs, mais aussi un outil de relocalisation industrielle.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement, qui me semble bien plus pertinent que le texte initial. Nous avons besoin de bâtir une stratégie de structuration et de valorisation de la filière laine française.

J’ai l’exemple dans le nord du Limousin d’une exploitation ovine qui s’est effondrée à la suite notamment de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande. Il faut absolument soutenir les agriculteurs qui ne savent plus quoi faire de leur laine alors que celle-ci pourrait être revalorisée et servir la réindustrialisation de notre pays.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Les écologistes devraient accorder leurs violons : on passe d’une proposition de suppression de l’article à une nouvelle rédaction.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1665 de M. Loïc Prud’homme

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 1, qui instaure une exception au principe de non-régression. Or, la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques.

La dérogation que vous introduisez pour les sous-produits lainiers est la porte ouverte à des dérogations futures pour d’autres secteurs.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Défavorable. Plutôt que d’une quelconque régression, il est question d’apporter une solution à un problème.

M. Marc Fesneau, ministre. Si on suit votre logique, on ne valorise pas les sous‑produits lainers en France.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE1666 de Mme Manon Meunier et CE3216 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il s’agit une nouvelle fois de contester la dérogation au principe de non-régression que vous introduisez, d’autant que, dans les deux secteurs visés – la laine et l’aquaculture –, des mesures peuvent être prises sans remettre en cause le droit de l’environnement.

Nous restons également gênés par le recours aux ordonnances, mais nous avons compris que le ministre nous proposerait des dispositions lors de la navette.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Il est nécessaire d’adapter le cadre juridique afin de favoriser le développement de l’aquaculture.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE1667 de M. Loïc Prud’homme

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Face à la multiplication des projets de ferme aquacole gigantesque, telle l’usine à saumons d’une capacité de production de 8 000 tonnes de poisson par an dont l’installation est envisagée à Plouisy, dans les Côtes d’Armor, il est proposé d’exclure du champ d’application de l’article les installations aquacoles dépassant un seuil de densité d’élevage de 25 kilogrammes de saumons par mètre cube d’eau.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Cela ne relève pas de la loi. Nous devons absolument essayer de développer la filière aquacole.

M. Luc Lamirault (HOR). La France consomme, par an et par habitant, 34 kilogrammes de poisson, dont 80 % sont importés. Il ne faut rien s’interdire pour restaurer notre souveraineté.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Les élevages hyper-intensifs, comme le projet de l’entreprise Pure Salmon en Gironde, permettraient certes de reconquérir un peu de souveraineté, mais à quel prix ? En produisant des saumons de mauvaise qualité, qui ne sont pas bons pour notre santé et qui génèrent des pollutions excessives. Nous devons promouvoir une pisciculture respectueuse de l’environnement et de la santé.

M. Grégoire de Fournas (RN). Alors que nous sommes très importateurs de poisson et en dépit d’une réglementation très sévère, la gauche monte au créneau pour interdire tout projet de développement de pisciculture. Allez voir dans quelles conditions sont élevés les saumons en Norvège, ensuite nous en reparlerons !

Dans le projet Pure Salmon, qui est situé dans ma circonscription, la densité d’élevage est inférieure aux seuils réglementaires. Certes, les infrastructures sont imposantes, mais les conditions d’élevage sont bien plus respectueuses qu’en Norvège. Renseignez-vous davantage sur les projets que vous combattez et arrêtez de les diaboliser !

M. Pascal Lecamp (Dem). La France est l’un des premiers pays consommateurs de saumon. En développant les projets aquacoles, nous pourrons le produire localement, plutôt que de l’acheminer par des cargos qui polluent depuis la Norvège.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement l’amendement CE1668 de M. Loïc Prud’homme et les amendements identiques CE1669 de Mme Anne StambachTerrenoir et CE3217 de Mme Sandrine Rousseau.

 

Amendement CE1670 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il s’agit d’interdire l’implantation d’élevages de pieuvres en France.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Rien ne justifie d’inscrire une nouvelle interdiction dans la loi.

M. Marc Fesneau, ministre. Pourquoi tant d’acharnement contre la pieuvre ?

La philosophie du texte n’est pas d’ajouter des normes mais d’en soustraire, vous l’aurez compris.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous croyons en la capacité du législateur à ajouter dans la loi des mesures positives. Il existe déjà des élevages de poulpes en Espagne.

M. Marc Fesneau, ministre. Quel problème posent-ils ?

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Compte tenu de l’extrême sensibilité des pieuvres, il n’est pas possible de les élever dans des conditions respectueuses de leur bien-être. Je vous invite à lire le rapport de CIWF « Élevage industriel des pieuvres : désastre annoncé ».

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 17 non modifié.

 

 

Après l’article 17

 

Amendement CE1399 de M. Jorys Bovet

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable. Des rapports sur les filières textiles sont déjà rédigés par divers organismes, comme Inter Chanvre – l’interprofession du chanvre –, l’Alliance du lin et du chanvre européen, ou encore le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 18 : Capacité d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine

 

Amendements de suppression CE1674 de Mme Aurélie Trouvé et CE2390 de M. André Chassaigne

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’étude d’impact se caractérise, pour ce qui est de l’article 18, par sa légèreté. Nous aimerions être mieux informés, d’ici à l’examen du texte en séance, sur les tenants et les aboutissants de cet article, qui vise à accroître les compétences des départements en matière de transport, de production et d’approvisionnement en eau. En l’occurrence, il s’agit de leur permettre de construire des ouvrages multiusages qui permettent de stocker de l’eau destinée à la fois à l’irrigation et à la consommation humaine, conformément à la volonté du Gouvernement de multiplier les projets de ce type.

Nous estimons, au contraire, que la politique de l’eau doit être conduite au plus près des besoins, dans une logique de sobriété et de résilience, afin de pomper moins d’eau et de mieux relever le défi du changement climatique.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons que je développerai en séance. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer la rivière du Drot, qui arrose ma circonscription, et je pourrai le refaire à l’envi.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1804 de M. Stéphane Delautrette.

 

Amendement CE1313 de M. Philippe Schreck

M. Grégoire de Fournas (RN). Dans la mesure où le transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités ne sera obligatoire qu’en 2026, il nous semble important de laisser aux communes les ayant conservées la possibilité de donner mandat aux départements pour construire les ouvrages mentionnés à l’article 18.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. La loi ne s’appliquera certes qu’à compter de 2026, mais il ne vous aura pas échappé que nous sommes en 2024, et la création des ouvrages visés par l’article prendra du temps. En adoptant cet amendement, nous créerions une instabilité juridique peu souhaitable. Avis défavorable.

M. Luc Lamirault (HOR). La loi permet aux communautés de communes de sous‑traiter la compétence eau aux communes. Je me demande donc si, en conservant la rédaction actuelle, nous ne risquons pas de créer l’instabilité juridique que vous redoutez pour les communes concernées.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE297 de M. Vincent Descoeur.

 

La commission adopte l’article 18 non modifié.

 

 

Après l’article 18

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE2134 de M. Dominique Potier et CE1863 de Mme Anaïs Sabatini.

 

 

Article 19 : Règles relatives à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs propres au secteur agricole

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE3392 de M. Pascal Lavergne, rapporteur.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1958 de M. Philippe Naillet.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE3393 de M. Pascal Lavergne, rapporteur.

 

Amendements identiques CE2083 de M. David Taupiac et CE3054 de Mme Marie Pochon

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement vise à interpeller le ministre sur un décret en cours de préparation, qui viendra modifier les règles de répartition des financements publics des syndicats d’exploitants agricoles, dans le contexte des élections aux chambres d’agriculture qui se tiendront l’année prochaine. Où en est la rédaction de ce décret ? Nous devrons veiller à garantir le pluralisme des syndicats représentés au sein de ces instances.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le projet de loi prévoit de renforcer les compétences des chambres consulaires que sont les chambres d’agriculture, notamment l’exercice de leurs missions de service public. C’est en ce sens que nous, parlementaires, devons assurer le juste financement des organisations syndicales d’exploitants agricoles et leur juste représentation au sein de ces instances.

Les critères d’appréciation de leur représentativité, les modalités de représentation dans les différentes instances et la clef de répartition des financements publics entre syndicats sont fixés par décret. Ces règles sont souvent remaniées à l’approche des élections aux chambres d’agriculture, en vertu d’une simple décision politique émanant du ministère de tutelle. Cette année encore, il semble que nous n’échappions pas à ce procédé. Même si le ministre s’est engagé en décembre dernier devant la commission des affaires économiques à ce que le pluralisme soit garanti par le futur décret, il serait bon de conforter ce principe dans la loi.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. On s’éloigne ici quelque peu de l’objet de l’article 19, qui porte sur la représentativité nationale et multi-professionnelle des organisations professionnelles d’employeurs. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis. Cette disposition relève du domaine réglementaire. En revanche, je réaffirme la nécessité d’assurer le pluralisme au sein des chambres d’agriculture, principe que nous avons d’ailleurs veillé à intégrer dans le présent texte.

M. Luc Lamirault (HOR). Les chambres d’agriculture obéissent aux mêmes modalités d’élection que les communes, où elles me semblent fonctionner correctement.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’article 19 modifié.

 

Après l’article 19

 

Amendements identiques CE901 de M. Julien Dive, CE1524 de M. Dominique Potier et CE2110 de M. Frédéric Descrozaille

M. Frédéric Descrozaille (RE). Je présenterai simultanément les amendements CE2110, CE2107, CE2108 et CE2111. Ils visent à simplifier la vie des organisations interprofessionnelles demandant une extension d’accord. Depuis l’adoption de la loi Egalim 1, on demande beaucoup à ces organisations, indispensables pour structurer les filières.

Alors que les demandes d’extension d’accord sont pour elles un moment de fragilité, il arrive que l’administration se permette, de manière indue, d’émettre des refus non motivés et de prononcer un jugement en opportunité sur le contenu de l’accord, pourtant conclu par un syndicat de producteur, un représentant de la grande distribution et un industriel. À cela s’ajoutent des délais de traitement déraisonnables et même l’interdiction de faire figurer dans les accords des dispositions contraignantes afin d’en garantir l’application.

Cette situation consternante n’est pas justifiée juridiquement. Il est temps que le législateur replace l’administration dans son rôle, qui consiste à contrôler la conformité des accords à la loi, et non à juger de leur opportunité. Chacun des quatre amendements reprend un des motifs que je viens de synthétiser.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Avis favorable à cette série d’amendements.

M. Marc Fesneau, ministre. Je demande le retrait de l’amendement CE2108. Les délais réglementaires étant clairement normés, il me semble difficile d’y déroger. En revanche, je suis favorable aux amendements identiques CE900 et CE2111, qui visent à imposer la motivation des avis, même si la rédaction devra peut-être en être légèrement modifiée. Si des parties prenantes se mettent d’accord entre elles, l’administration ne doit pas pouvoir remettre en cause le processus sans justifier sa décision.

M. Grégoire de Fournas (RN). Certaines interprofessions subissent la mainmise de la grande distribution et défendent parfois des décisions qui ne servent pas de façon cohérente les intérêts des producteurs. Dans ce contexte, ne devrions-nous pas laisser à l’administration la possibilité de suggérer un rééquilibrage des accords conclus ?

M. Frédéric Descrozaille (RE). Une fois qu’une interprofession est reconnue, sa légitimité politique est établie. Si un déséquilibre se fait sentir, il est lié à la composition de l’organisation. La responsabilité du ministre consiste à reconnaître les interprofessions, dont la représentativité est appréciée à l’aune de critères définis à l’échelle communautaire.

Sur cette base, ne soyons pas plus royalistes que le roi. Les décisions sont prises à l’unanimité des collèges, voire des personnes morales qui les composent. Il n’y a donc pas lieu de charger une tierce partie de procéder à un quelconque rééquilibrage ou d’expliquer aux parties prenantes comment elles auraient dû rédiger leur accord. Piloter une interprofession est déjà suffisamment compliqué.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE899 de M. Julien Dive, CE1526 de M. Dominique Potier et CE2107 de M. Frédéric Descrozaille

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Demande de retrait pour ces amendements, ainsi que le CE2108 de M. Descrozaille qui va suivre.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE2108 de M. Frédéric Descrozaille.

M. Frédéric Descrozaille (RE). J’ai bien entendu la demande de retrait exprimée par le ministre, mais je maintiens mon amendement. Si des éléments nouveaux devaient m’être communiqués avant l’examen du texte en séance, je ferai toutefois évoluer ma position sans difficulté.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE900 de M. Julien Dive et CE2111 de M. Frédéric Descrozaille

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Demande de retrait.

La commission adopte les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE2935 de M. Benoit Mournet, CE1702 de M. Aurélien Lopez-Liguori, CE2236 de Mme Mathilde Hignet et CE3061 de Mme Marie Pochon.

 

Amendement CE50 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (LR). Cette demande de rapport reprend l’une des préconisations du rapport de la mission d’information relative à l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires, menée par Pascale Boyer et moi-même au cours de la précédente législature. À l’heure où chacun débat de la surtransposition et de la nécessité de toiletter certaines règles, il importe de dresser un bilan des écarts normatifs observés entre la France et l’Europe.

M. Pascal Lavergne, rapporteur. Ne surchargeons pas les services de l’État, qui sont déjà bien occupés à simplifier les choses. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Grégoire de Fournas (RN). Disposer d’un état des lieux des surtranspositions serait tout de même la moindre des choses. En tant que rapporteur de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, j’avais d’ailleurs demandé officiellement au ministre, il y a maintenant plus d’un mois, de me communiquer ce document, s’il existe. Je réitère cette demande, qui devient maintenant assez pressante.

M. Marc Fesneau, ministre. Mes services vérifieront dans quels délais nous pourrons y répondre.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Titre

 

Amendement CE1228 de M. Vincent Descoeur

M. Éric Girardin, rapporteur général. Dans la mesure où on ne saurait assurer la souveraineté alimentaire sans se soucier des facteurs de production, il nous paraît judicieux de parler de « souveraineté alimentaire et agricole ». Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2984 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Je ne crois pas que le texte adopté par la commission permettra d’atteindre les objectifs d’installation et de transmission que j’entendais promouvoir en modifiant le titre du projet de loi. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

 

M. le président Stéphane Travert. À la demande de certains groupes, nous entendrons des explications de vote.

M. Grégoire de Fournas (RN). Malgré tout le temps que vous y avez consacré, le projet de loi n’a pas été sérieusement rédigé ; la preuve en est que vous nous promettez d’en réécrire des articles entiers, et pas des moindres. La commission sera-t-elle chargée d’évaluer ces nouveaux articles ?

Nous nous joignons à la demande du groupe Socialistes d’obtenir des éléments complémentaires concernant le groupement foncier agricole d’épargnants (GFAE), si ce dernier est conservé.

La définition de la souveraineté alimentaire figurant à l’article 1er ne nous paraît pas acceptable. Nous nous opposons au diagnostic prévu à l’article 9, et regrettons que l’article 10 apporte de la complexité.

En définitive, le projet de loi n’introduit que des dispositions mineures, dont le Conseil d’État doute même qu’elles soient opérationnelles ; ce n’est pas ainsi que nous redresserons l’agriculture française. En l’état, le texte mériterait que nous le rejetions. Nous avons toutefois remporté une victoire avec le retrait du groupement foncier agricole d’investissement (GFAI). Si nous votions contre le projet de loi, cette disposition risquerait d’être réintroduite dans l’hémicycle ; c’est pourquoi nous nous abstiendrons, en espérant que le texte sera sensiblement amélioré en séance.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Je tiens à remercier les rapporteurs et le ministre pour la préparation du projet de loi et le marathon que fut son examen en commission. Le texte avait certes été annoncé il y a deux ans, mais l’objectif de simplification s’y est invité entre-temps.

La version initiale a été passablement désossée : les articles 1er et 9 sont à réécrire, et l’article 12 a été supprimé. Il faudra pourtant bien prévoir des dispositions relatives au portage du foncier.

En dépit de nos divergences, nous avons eu des débats de fond intéressants et respectueux. Nous voterons le texte en l’état, car il comporte des avancées par rapport à la version initiale, à laquelle nous étions opposés. La commission doit continuer à l’améliorer en vue de la séance : je suis convaincu que nous pourrons le tirer vers le haut.

M. Julien Dive (LR). Lorsque nous avons entamé l’examen du texte, j’ai indiqué que nous serions vigilants et exigeants, et que nous n’avions pas encore arrêté notre vote. L’une de nos lignes rouges reste bien présente : l’article 9. Nous continuerons de nous mobiliser au sujet du diagnostic des sols.

Je regrette que plusieurs de nos amendements, ayant notamment trait à l’abrogation de la séparation entre le conseil et la vente, aient été jugés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, même s’ils semblaient faire l’objet d’un consensus.

Grâce au travail de Mme Blin, nous avons posé des jalons – encore insuffisants – en ce qui concerne le droit à l’erreur ; il faudra aller plus loin en séance. Enfin, plusieurs articles doivent être réécrits.

Nous attendions du texte qu’il mette fin aux stigmatisations qui touchent le monde agricole, qu’il simplifie la vie des agriculteurs, qu’il supprime certaines surtranspositions du droit européen et qu’il renforce la compétitivité de l’agriculture française. Ces enjeux sont partiellement abordés, voire pas du tout. Nous nous abstiendrons en commission.

Au vu du travail qui sera mené avant la séance, et des débats dans l’hémicycle, nous choisirons entre trois options : déposer une motion de rejet du texte ; déposer une motion de renvoi en commission – ce qui répondrait à la volonté de plusieurs rapporteurs, de députés et du ministre de réécrire certains articles ; laisser filer les débats en séance et prendre position in fine.

M. Thierry Benoit (HOR). Nous restons circonspects, puisque l’article 1er est à réécrire, alors qu’il devait déterminer les grandes orientations.

S’agissant de la formation, l’objectif était de consacrer le niveau bac + 3 par un examen reconnu officiellement, une licence professionnelle. Écrivons-le clairement.

Le diagnostic modulaire doit être simplifié. Il doit s’agir d’un plan d’action stratégique permettant aux jeunes repreneurs de juger de la viabilité de leur projet économique, afin de les encourager et de les sécuriser.

Dès lors que nous voulons faciliter le financement des acquisitions et des mouvements de terres, nous devons aussi renforcer le volet foncier ; un outil existe déjà à cette fin, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Renforçons leurs missions et consolidons les aspects relatifs à la spéculation et à la régulation. Soyons innovants et audacieux ; expérimentons une fusion des commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA) et des Safer. Nous sommes confrontés depuis quarante ans à l’agrandissement des exploitations ; ce phénomène doit cesser, pour que des jeunes puissent s’installer dans des conditions acceptables.

Pour ce qui est de la simplification et des contrôles, partons du principe que les agriculteurs sont des professionnels honnêtes ; traitons-les avec confiance plutôt qu’avec défiance et suspicion, comme c’est trop souvent le cas.

Nous voterons le texte à ce stade, mais je suis prêt à voter contre en séance s’il n’apporte pas des solutions concrètes pour l’installation des agriculteurs, la transmission des exploitations et l’avenir de l’agriculture française.

M. Éric Martineau (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je tiens à saluer le travail du ministre, des agents du ministère, des rapporteurs et des administrateurs, sans oublier les députés qui ont œuvré à l’élaboration de ce texte en faveur de l’agriculture. Même si nous empruntons parfois des chemins différents, nous partageons la même ambition : une agriculture française forte.

Le projet de loi comporte des avancées indéniables. En affirmant le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture – dans un article certes perfectible –, il envoie un signal fort aux agriculteurs. Soutenir l’enseignement agricole, mieux former les exploitants, accompagner l’installation, simplifier : ces orientations sont à saluer.

Je regrette que certains collègues aient opposé l’agriculture biologique – censée incarner le bien – à l’agriculture non biologique – censée incarner le mal. Cela a pu heurter les agriculteurs qui ont suivi nos débats. Il n’y a pas lieu d’opposer les modèles.

J’espère que nous aurons des rendez-vous constructifs avant le débat en séance, pour consolider ce texte utile et introduire des outils permettant de garantir notre souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations.

M. David Taupiac (LIOT). Après quatre jours de débats sur un projet de loi attendu depuis de nombreux mois, plusieurs fois reporté, nous restons dubitatifs. Le texte est mal écrit. L’article 1er doit être retravaillé, car il n’offre pas une vision claire et stratégique de la souveraineté alimentaire et agricole.

L’article 9 appelle de nombreuses clarifications : le diagnostic modulaire sera-t-il obligatoire ? Quelle incidence aura-t-il sur les aides ?

Malgré tout, certains amendements intéressants ont été adoptés : des objectifs chiffrés ont été définis en matière de formation ; l’agroécologie et l’agriculture biologique seront promues. Nous déplorons toutefois que nombre de nos amendements, touchant en particulier à la fiscalité, aient été jugés irrecevables. L’appréciation de la recevabilité semble être modulable, en fonction des groupes qui déposent les amendements… Il est regrettable que les déclinaisons territoriales et ultramarines, auxquelles le groupe LIOT est très attaché, n’aient pas été abordées : ma proposition d’expérimentation pour l’agriculture méditerranéenne, par exemple, a été jugée irrecevable.

Il faudrait également avancer sur les questions de calendrier ; certains délais nécessiteraient d’être adaptés en fonction des territoires.

La suppression du GFAI détermine notre vote : nous nous abstiendrons. Nous ne souhaitons pas qu’en cas de rejet en commission, le texte initial revienne en séance avec le GFAI. Notre abstention est aussi motivée par des carences criantes concernant le revenu – première revendication des agriculteurs –, le foncier et l’adaptation au changement climatique.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Nous étions déjà très déçus par la version initiale du projet de loi, et nous le restons : malgré les quelque 200 amendements déposés par le groupe LFI-NUPES, nous ne constatons guère d’amélioration, hormis la suppression du GFAI.

Deux visions du modèle agricole se sont opposées. Derrière un bel affichage, la vision défendue par le texte ne change rien à la situation actuelle. Vous avez affirmé votre volonté de soutenir la production, monsieur le ministre ; mais dans un marché mondialisé, les concurrences déloyales persisteront tant que les accords de libre-échange ne seront pas remis en cause. Notre vision, quant à elle, appelle à travailler sur le revenu des agriculteurs, le foncier – mais pas avec des GFAI –, la protection de l’environnement, qui est l’outil de travail des agriculteurs, l’agriculture biologique et le partage de l’eau. Nous voterons contre ce texte, qui ne répond en rien à l’urgence de la situation.

M. Dominique Potier (SOC). Le groupe Socialistes a soumis des propositions et a voté les articles 2 à 11 : dix ans après la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, il nous semblait nécessaire de mettre à jour certains dispositifs. Peut-être restent-ils imparfaits, mais nous y avons apporté notre contribution.

Restent les articles 1er et 13, qui touchent à la régulation de la production et à la protection de l’environnement. Leur impréparation et leur ambiguïté nous ont empêchés de les adopter. Le travail doit être remis sur l’ouvrage en séance.

Nous voterons contre le texte, car, conformément au discours que nous tenons depuis le début, nous estimons qu’il omet une question essentielle : un accès au foncier garantissant le renouvellement des générations. Je le dis avec force, pour le groupe Socialistes, comme pour de nombreux collègues d’autres bords, sans justice foncière, il n’y aura ni renouvellement des générations, ni agroécologie, ni souveraineté alimentaire.

Comme je ne doute pas que vous reprendrez la funeste idée d’introduire la titrisation dans les marchés fonciers, monsieur le ministre, je vous soumets une proposition qui pourrait changer la donne en séance : puisque l’article 12 prévoyant la création de GFAI a été supprimé, travaillons sur une grande loi foncière.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Malgré des jours et des nuits de débats, le projet de loi reste indigent et inutile. Il invente des notions, comme l’intérêt général majeur, qui n’apportent rien aux agriculteurs. Il ne fixe aucun objectif chiffré en matière d’installation, n’assure aucune transparence sur les données utilisées, ne démontre pas l’efficacité des dispositifs et n’est accompagné d’aucun moyen de mise en œuvre. Sans compter qu’il ne propose rien dans le domaine foncier, hormis la mauvaise solution du GFAI, alors qu’il faudrait lutter contre l’agrandissement des exploitations et la concentration des terres. Le rejet du GFAI démontre que le texte ne suscite pas l’enthousiasme, même dans vos rangs.

Le texte sera presque entièrement réécrit avant la séance ; c’est la preuve de son impréparation. Il était pourtant attendu depuis deux ans par les députés et, surtout, par les agriculteurs – leur mobilisation en a témoigné.

Ce texte est véritablement dangereux, car il ne s’appuie sur aucune donnée pour justifier de reculs en matière de droit pénal environnemental. C’est inquiétant à l’heure où sévissent la crise climatique et l’effondrement du vivant.

Enfin, le projet de loi ne répond pas aux enjeux agricoles qu’ont clairement exprimés les agriculteurs lors des mobilisations : revenu, lutte contre la concurrence déloyale, régulation du foncier et accompagnement de la transition écologique. Un modèle agricole est en train d’en tuer un autre. Nous voterons contre.

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

M. Marc Fesneau, ministre. Je vous remercie pour les débats que nous avons eus ; mes remerciements vont particulièrement au président de la commission, qui a conduit les échanges avec souplesse et efficacité, et aux fonctionnaires de l’Assemblée.

Le texte avait pour vocation première de favoriser la transmission et l’installation ; les articles correspondants sont d’ailleurs ceux qui ont le plus fait consensus. Après la crise, nous y avons ajouté des chapitres relatifs à la souveraineté et à la simplification, qui soulèvent davantage d’interrogations ; c’est bien normal, puisqu’ils sont apparus plus récemment.

Vous ne pouvez pas nous reprocher, à la fois, de ne pas prendre en considération vos amendements et de vouloir réécrire le texte pour trouver un terrain d’entente, notamment en ce qui concerne la souveraineté. Il est important que l’article 1er suscite un large consensus : le monde agricole a besoin que nous affirmions d’une même voix le sens que nous donnons à son travail et ce qui est attendu de lui. C’est l’objet de l’article 1er.

D’autres sujets doivent être retravaillés – c’est l’utilité de l’examen en commission. La mise en échec du GFAI témoigne d’un désir assez unanime d’introduire des éléments relatifs au foncier, au-delà de la sécurisation du GFAE.

Enfin, le texte comporte des dispositions habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures du domaine de la loi : il n’y a aucune surprise. Le délai de deux mois était très court pour rééchelonner l’échelle des peines sanctionnant les atteintes à l’environnement et pour réviser les règles applicables aux ICPE.

Malgré nos désaccords – voire, parfois, nos visions opposées –, nous avons eu des échanges intéressants. Ma vision, la voici : que le monde agricole retrouve du sens et comprenne ce que nous attendons de lui ; que nous lui donnions les moyens de passer le cap du renouvellement des générations ; que la loi introduise de la simplification.