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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
PAR M. Charles de COURSON,
Rapporteur général
Député
——
ANNEXE N° 11
CULTURE :
patrimoines
Rapporteur spécial : M. Philippe LOTTIAUX
Député
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl
I. L’action 1 MONUMENTS HISTORIQUES ET PATRIMOINE MONUMENTAL
b. Les crédits de restauration « hors grands projets »
c. Les crédits de restauration « grands projets »
2. Des fragilités persistantes
a. En matière de programmation et de devenir de certains projets
b. En matière d’insuffisance ponctuelle des crédits
B. les autres crédits soutenant le patrimoine monumental
a. Un établissement dynamique, grâce à une forte croissance de la fréquentation
b. Des difficultés majeures de financement de l’investissement et de l’entretien du réseau du CMN
2. La Cité internationale de la langue française : un succès culturel à consolider financièrement
a. Un établissement déficitaire en raison d’une programmation de travaux ambitieuse
b. Des fragilités en matière de réalisation des investissements
II. L’action 3 PATRIMOINES DES MUSÉES DE France
A. Les subventions apportées à 13 établissements nationaux
2. Des grands établissements confrontés à des enjeux financiers particuliers
a. Le musée du Louvre : des crédits stables, une situation financière favorable
3. Le Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou : d’importants défis à relever
a. Une situation financière sous tensions
III. Les autres actions du programme 175 et l’évolution des emplois des opérateurs
A. L’action 9 Patrimoine archéologique : un soutien toujours insuffisant à l’archéologie préventive
A. L’action 2 Architecture et sites patrimoniaux
B. L’action 4 Patrimoine archivistique
C. L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques
2. La part prépondérante des dépenses fiscales dans l’enrichissement des collections publiques
3. Une variation sensible des emplois des opérateurs
A. Les dépenses fiscales associées au programme 175 Patrimoines
B. Des dépenses fiscales pouvant être optimisées
1. Grâce à une meilleure évaluation
2. Grâce à une meilleure utilisation
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des Finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit des crédits d’un montant de 3 933 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 3 919 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en faveur de la mission Culture, soit respectivement une baisse de 6,08 % et une hausse de 0,35 % par rapport à 2024. Le présent rapport spécial concerne un seul des quatre programmes composant la mission Culture. Ainsi, il expose les crédits consacrés au programme 175 Patrimoines mais ne commente pas les crédits des programmes 131 Création, 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture et 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, qui font l’objet d’un rapport distinct. Les crédits du programme 175 Patrimoines financent les monuments historiques, les musées de France, 18 opérateurs (dont le Centre Georges Pompidou, le Centre des monuments nationaux, l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles, etc.), les Archives nationales et les services de l’archéologie. Leur montant s’établit à 1 138,3 millions d’euros en AE et à 1 201 millions d’euros en CP, en diminution de 341 millions d’euros en AE (– 23,1 %) et en progression de 8 millions d’euros en CP (+ 0,67 %) par rapport à la LFI 2024. Dans un contexte marqué par une exacerbation grave du déficit budgétaire de l’État, les crédits du programme 175 Patrimoines comportent certains éléments favorables comme le soutien au financement du chantier de rénovation du Centre Georges Pompidou, l’agrandissement du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ainsi que la consolidation de la tour Saint‑Nicolas de La Rochelle. Le ministère a également annoncé le dépôt en séance d’un amendement gouvernemental à hauteur de 300 millions d’euros en faveur de l’investissement dans les territoires et les schémas directeurs des établissements publics. Si cet amendement serait évidemment très bien venu, il n’est, à l’heure où ces lignes sont écrites, ni déposé, ni adopté, et donc pas pris en compte dans la présente analyse. Ces points positifs doivent donc être nuancés. De nombreuses carences et fragilités demeurent, notamment en matière d’entretien et de restauration des monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales et aux personnes privées, de manque d’ingénierie pour les petites collectivités ou de programmation des grands travaux. En dépit de certains points positifs, le soutien public au patrimoine doit donc encore évoluer et le rapporteur spécial a appelé en conséquence à s’abstenir sur ces crédits lors de leur examen en commission. |
ÉVOLUTION EN 2025 DES CRÉDITS Du programme 175 PAR RAPPORT À 2024 (en millions d’euros)
Source : projet annuel de performances et décret d’annulation des crédits du 21 février 2024. Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial : 18 Cité de l’architecture et du patrimoine, Centre des monuments nationaux, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, établissement public du musée du quai Branly ‑ Jacques Chirac, établissement public du Mont‑Saint‑Michel ([1]), établissement public du Palais de la Porte Dorée, établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre‑Dame de Paris ([2]), établissement public du musée et du domaine national de Versailles, établissement public du château de Fontainebleau, Institut national de recherches archéologiques préventives, musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie‑Valéry Giscard d’Estaing, musée des arts décoratifs, musée du Louvre, musée Guimet, musée Henner‑Moreau, musée Picasso, ainsi que la Réunion des musées nationaux‑Grand palais. Nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) : ● 10 324 (+ 239 par rapport à 2024) sont rémunérés par les opérateurs financés par le programme (9 931 ETPT sous plafond et 393 ETPT hors plafond). Mesures de périmètre et de régulation budgétaire : ● Programme 175 : Transfert sortant : aucun Annulations : – 99,54 millions d’euros en AE et en CP, dont 52 millions d’euros de mis en réserve Virement de solidarité ministérielle : + 10 millions d’euros en AE et CP
Prévision de rattachement des fonds de concours ([3]): ● Programme 175 : 155 millions d’euros en AE et en CP en faveur de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Dépenses fiscales : 13 dépenses fiscales sont associées au programme 175 pour un montant prévisionnel de 326 millions d’euros (en hausse de 34 millions d’euros par rapport à 2024).
|
L’effort public en faveur des patrimoines repose sur l’engagement de l’État, des collectivités territoriales ([4]) et du grand public ([5]).
L’effort de l’État repose principalement sur les crédits de la mission Culture dont le périmètre excède cependant ce champ puisqu’il inclut également les dépenses en faveur de la création artistique, de la transmission des savoirs et des fonctions supports du ministère de la culture ([6]). Si d’autres missions du budget de l’État concourent à l’entretien et à la mise en valeur des patrimoines ([7]), les crédits du programme 175 et les 13 dépenses fiscales associées constituent la clé de voûte de la politique patrimoniale de l’État.
Les crédits de ce programme soutiennent plus particulièrement les monuments historiques, les musées de France, 18 opérateurs culturels (dont le Centre Georges Pompidou, le Centre des monuments nationaux (CMN), l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles (EPV) etc.), les Archives nationales et différents acteurs de l’archéologie.
Dans un contexte marqué à la fois par la réduction des marges de manœuvre budgétaire de l’État, l’amélioration de la fréquentation en début d’année, les incertitudes relatives à l’incidence à moyen terme de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris sur la fréquentation des sites culturels, et par la poursuite de chantiers patrimoniaux de première importance (Centre Georges Pompidou, Versailles, Notre-Dame de Paris etc.), le présent projet de loi de finances dote le programme 175 Patrimoines de 1 138 millions d’euros en AE et de 1 201 millions d’euros en CP, soit des montants en diminution de 341 millions d’euros en AE (– 23,06 %) en augmentation de 7 millions d’euros en CP (+ 0,67 %) par rapport à 2024.
La principale mesure nouvelle proposée en autorisations d’engagement tient à la réduction de 249 millions d’euros prélevée sur l’action 3 Patrimoine des musées de France. Elle s’explique principalement par une baisse de 229 millions d’euros des AE allouées au schéma directeur de rénovation technique du Centre Georges Pompidou, en raison du lancement des travaux en fin d’année 2024, financés par les AE ouvertes en LFI 2024. Cependant, la forte baisse des AE concerne aussi le Château de Versailles (– 18 millions d’euros) et remet en question la bonne réalisation du schéma directeur des travaux pourtant nécessaire à la sécurité du site.
Dans un périmètre budgétaire et un dispositif de performance stables ([8]), les crédits du programme sont organisés autour des six actions suivantes :
PLF 2025 ‑ répartition des crédits du programme 175
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024-2025 en valeur absolue |
Évolution 2024-2025 (en %) |
||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
175 Patrimoines |
1 479,4 |
1 193,8 |
1 138 |
1 201 |
– 341,1 |
+ 63 |
– 23,01 % |
+ 0,67 % |
01 – Monuments historiques et patrimoine monumental |
526,2 |
510,8 |
487,7 |
492,8 |
– 38,5 |
– 18 |
– 7,33 % |
– 3,5 % |
02 – Architecture et sites patrimoniaux |
37,8 |
37,8 |
37,9 |
37,9 |
+ 0,1 |
+ 0,1 |
+ 0,17 % |
+ 0,17 % |
03 – Patrimoine des musées de France |
655,3 |
431,1 |
406 |
441 |
– 249 |
+ 9,9 |
– 38 % |
+ 2,5 % |
04 – Patrimoine archivistique |
82,3 |
36,5 |
29 |
50,9 |
– 53,2 |
+ 14,5 |
– 64,7 % |
+ 39,8 % |
08 – Acquisition et enrichissement des collections publiques |
9,77 |
9,77 |
9,71 |
9,71 |
– 0,06 |
– 0,06 |
– 0,66 % |
– 0,66 % |
09 – Patrimoine archéologique |
167,9 |
167,7 |
167,9 |
167,7 |
+ 0 |
+ 0 |
+ 0 % |
+ 0 % |
Source : projet annuel de performances.
Ces crédits sont composés principalement de dépenses de fonctionnement (figurant au titre 3 pour 591,9 millions d’euros en AE), d’investissement (figurant au titre 5 pour 241,7 millions d’euros en AE) et d’intervention (figurant au titre 6 pour 301,9 millions d’euros en AE).
Proposé par ordre d’importance financière de ces différentes actions, l’examen de ces crédits témoigne de l’intérêt de certaines dépenses mais également de la persistance de certaines carences et fragilités.
I. L’action 1 MONUMENTS HISTORIQUES ET PATRIMOINE MONUMENTAL
L’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental finance à titre principal les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques et, à titre secondaire, les crédits soutenant le patrimoine monumental tel que le Centre des monuments nationaux (CMN) et l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (EPV).
Cette action est dotée de 487,7 millions d’euros en AE et de 492,8 millions d’euros en CP, en diminution de 39 millions d’euros en AE (– 7,33 %) et de 18 millions d’euros en CP (– 3,5 %) par rapport à 2024.
La dépense projetée est partagée entre 389,4 millions d’euros en AE et 394,5 millions d’euros en CP en faveur des dépenses d’entretien et de restauration des monuments historiques et 98,3 millions d’euros en AE et en CP en faveur d’autres crédits soutenant le patrimoine monumental. Ces derniers crédits regroupent les subventions pour charges de service public (SCSP) accordées au CMN, à l’EPV et, dans une moindre mesure, au domaine de Chambord.
Si l’action a été relativement épargnée par la baisse de CP inscrite dans le PLF 2025, la politique suivie par le ministère de la culture est affectée de fragilités persistantes.
A. Des crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques en légère DIMINUTION ET PRÉSENTANT CERTAINES FRAGILITÉS
1. Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques : une diminution limitée, des difficultés de consommation
Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques s’établissent à 389,4 millions d’euros en AE et 394,5 millions d’euros en CP, en diminution de 35,4 millions d’euros en AE (– 8,9 %) et de 14,9 millions d’euros en CP (– 3,7 %). Ces montants se répartissent en trois grands ensembles :
– les crédits d’entretien (50,1 millions d’euros en AE et 50 millions d’euros en CP) ;
– les crédits de restauration « hors grands projets » (300 millions d’euros en AE et 299 millions d’euros en CP) ;
– les crédits de restauration « grands projets » (38,4 millions d’euros en AE et 45,3 millions d’euros en CP).
Des montants de 50 millions d’euros en AE et en CP sont prévus en faveur des dépenses d’entretien des monuments historiques appartenant à l’État (26,4 millions d’euros), aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés ([9]) (23,1 millions d’euros). Cette action contribue également, à hauteur de 0,5 million d’euros en AE et en CP, au financement des travaux d’entretien du musée du Louvre. Les crédits proposés sont identiques à ceux ouverts en 2024.
Le rapporteur spécial observe que, dans un contexte budgétaire contraint, la stabilité de ces crédits correspond, compte tenu de l’inflation, à une baisse en euros constants. Surtout, il regrette, au regard de l’ampleur des besoins en ce domaine, l’incapacité de l’État à consommer ces crédits. Ainsi, sur la période 2012-2023, les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État, ont été sous-exécutés à huit reprises sur treize exercices, ce qui est préoccupant ([10]). Certes, en fin d’exercice, ces crédits sont réaffectés à l’échelle nationale, mais pas systématiquement au bénéfice des monuments historiques n’appartenant pas à l’État.
Le défaut de consommation de ces crédits s’explique en grande partie, selon le rapporteur spécial, par les effectifs insuffisants des services déconcentrés de l’État. Dans les territoires, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) disposent d’un personnel trop limité pour instruire les dossiers qui leur sont présentés et consommer dans des conditions satisfaisantes les crédits dont elles disposent. Il y a donc urgence à renforcer ces effectifs, et pour cela en premier lieu de rendre la fonction d’Architecte des bâtiments de France (ABF) plus attractive.
2012-2023 ‑ ouverture et exécution des crédits d’entretien
des monuments historiques HORS État
(en millions d’euros)
|
Crédits ouverts |
Crédits exécutés |
Taux de consommation des crédits (en %) |
2012 |
21,71 |
15,99 |
73,7 % |
2013 |
21,71 |
15,74 |
72,5 % |
2014 |
21,71 |
13,67 |
62,9 % |
2015 |
21,71 |
26,42 |
121,7 % |
2016 |
21,71 |
24,47 |
112,7 % |
2017 |
22,47 |
15,33 |
68,2 % |
2018 |
23,12 |
13,01 |
56,3 % |
2019 |
23,12 |
14,11 |
61 % |
2020 |
23,12 |
12,59 |
54,5 % |
2021 |
23,12 |
14,23 |
61,6 % |
2022 |
23,12 |
19,48 |
84,3 % |
2023 |
24,12 |
38,7 |
160 % |
Moyenne |
22,56 |
18,64 |
82,6 % |
Source : commission des finances.
Le plan Culture et Ruralité, annoncé le 11 juillet 2024 par la ministre de la culture Rachida Dati, semble reconnaître cet état de fait. Il prévoyait de porter à au moins deux Architectes des Bâtiments de France (ABF) les effectifs des Unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP) dans les départements ruraux en tension ([11]) , et de multiplier par deux les vacations des architectes conseils de l’État en DRAC. Sa mise en œuvre semble au moins partiellement remise en cause dans le contexte budgétaire actuel.
Le plan Culture et Ruralité
Fondé sur une large consultation et un rapport de l’IGAC relatif à l’action du ministère de la culture en direction des habitants des territoires ruraux, le plan Culture et Ruralité vise à promouvoir la culture dans les territoires à hauteur de 100 millions d’euros d’ici à 2026, dont 34,5 millions d’euros pour les deux années 2024 et 2025 (2,3 millions d’euros étant au bénéfice du programme 175 en 2024).
Alors que 91 % des répondants jugent que la préservation, le partage et la transmission du patrimoine culturel local constitue un enjeu important, et que 46 % des monuments historiques se trouvent dans des communes de 2 000 habitants, ce plan vise à remédier à l’inégal accès à la culture, ce qui rejoint les remarques récurrentes du rapporteur spécial.
b. Les crédits de restauration « hors grands projets »
300 millions d’euros en AE et de 299 millions d’euros en CP sont prévus en faveur des dépenses de restauration des monuments historiques appartenant à l’État, à des collectivités territoriales et à des propriétaires privés, soit un montant en diminution par rapport à 2024 (– 20 millions d’euros en AE et – 6 millions d’euros en CP).
Ces crédits permettent de financer les dépenses relatives aux monuments historiques appartenant à l’État (121,4 millions d’euros en AE et 114,8 millions d’euros en CP), les subventions aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État (144,9 millions d’euros en AE et 149,7 millions d’euros en CP), les dépenses d’investissement des monuments nationaux qui correspondent à une subvention attribuée au CMN (27,2 millions d’euros en AE et CP) et les crédits en faveur des dépenses de restauration de plusieurs opérateurs (4,8 millions d’euros en AE et CP).
Les crédits de restauration des monuments historiques appartenant à l’État sont notamment gérés par les services centraux et déconcentrés du ministère de la culture, par le CMN et par l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). Ce dernier est chargé, notamment, de la conservation et de la mise en valeur des résidences présidentielles, « monuments historiques » au ministère de la culture et mises à disposition de la présidence de la République, pour 5,5 millions d’euros en AE et en CP. En 2024, hors résidences présidentielles, ces crédits serviront également à la restauration du clos et du couvert des Pieux Établissements à Rome.
Les crédits de restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État financent les subventions d’investissement pour les opérations de restauration engagées par les collectivités territoriales ou les propriétaires privés, qui assurent eux-mêmes la maîtrise d’ouvrage de ces opérations. Leur montant par opération est strictement encadré ([12]). Ces crédits soutiennent également, à hauteur de 20 millions d’euros en AE et CP (stable par rapport à 2024), le fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources.
Selon le projet annuel de performances, la mobilisation de ces fonds présente un fort coefficient multiplicateur, mesuré par l’indicateur 3.1 du programme 175. Il est ainsi estimé qu’un euro dépensé par l’État entraîne la mobilisation de 2,30 euros par des partenaires publics ou privés en 2023 ([13]).
La baisse des crédits de restauration des monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales soulève plusieurs enjeux.
En premier lieu, le rapporteur spécial approuve le maintien des crédits de restauration et plus particulièrement de la dotation du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources. Créé en 2018, ce fonds permet de financer une intervention coordonnée de l’État et des régions en faveur de monuments historiques dans les territoires ruraux ([14]). Depuis le ralliement récent de la région Normandie, l’ensemble des régions métropolitaines participent désormais au fonctionnement de ce fonds, dont le succès illustre l’intérêt d’en poursuivre le renforcement.
Le rapporteur spécial souligne cependant deux limites rencontrées par ce dispositif. Ce fonds concerne uniquement le patrimoine protégé, et il ne finance pas les études d’assistance à maîtrise d’ouvrage, dont la réalisation constitue pourtant la première étape de tout projet de restauration.
De plus, si les monuments classés et inscrits bénéficient d’un concours technique et financier du ministère via les DRAC, il n’en est pas de même pour les très nombreux monuments ne bénéficiant pas d’une protection, qui sont pourtant des éléments majeurs de notre histoire. Si la doctrine de l’État est de ne pas intervenir pour ces monuments – position qu’il conviendrait peut-être de reconsidérer mais qui supposerait de mobiliser d’importants moyens – il conviendrait à tout le moins de lever un frein majeur qui est le déficit d’ingénierie des petites collectivités propriétaires de ces monuments. Cette ingénierie trouverait pleinement sa place à l’échelle des départements, comme certains le font déjà à travers des organismes ad hoc. Il pourrait utilement être envisagé que l’État soutienne, à travers un fonds d’amorçage, les départements souhaitant s’engager dans cette voie, ce que préconise le rapporteur spécial ([15]). Dans un rapport récent, le Sénat a pu formuler des recommandations similaires ([16]).
La ministre de la Culture semble elle-même reconnaître ces limites ([17]). D’ailleurs, le plan Culture et Ruralité prévoient un cofinancement de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) des communes rurales jusqu’à 80 % des crédits engagés pour la conduite de travaux de restauration et d’entretien des monuments historiques.
En second lieu, le rapporteur spécial s’interroge sur les conditions d’exécution à venir des crédits de restauration des monuments historiques hors État. Sur ce point, l’observation des taux d’exécution des crédits des exercices antérieurs se caractérise, comme pour les crédits d’entretien, par une sous‑exécution récurrente, même si la situation s’est améliorée ces trois dernières années.
2012-2023 ‑ ouverture et exécution des crédits de restauration
des monuments historiques hors État
(en millions d’euros)
|
Crédits ouverts |
Crédits exécutés |
Taux de consommation des crédits (en %) |
2012 |
150,82 |
92,87 |
61,6 % |
2013 |
134,27 |
118,54 |
88,3 % |
2014 |
139,43 |
99,88 |
71,6 % |
2015 |
138,93 |
106,96 |
76,9 % |
2016 |
138,93 |
107,13 |
77,1 % |
2017 |
140,6 |
105,1 |
74,8 % |
2018 |
140,6 |
106,87 |
76 % |
2019 |
145,6 |
111,21 |
76,4 % |
2020 |
145,6 |
112,01 |
76,9 % |
2021 |
155,6 |
136,8 |
87,9 % |
2022 |
149,6 |
135,32 |
90,5 % |
2023 |
151,6 |
127,4 |
84 % |
Moyenne |
144,29 |
113,34 |
78,5 % |
Source : commission des finances.
c. Les crédits de restauration « grands projets »
Un crédit de 38,4 millions d’euros en AE et de 45,3 millions d’euros en CP est prévu en faveur des dépenses de restauration des monuments historiques « grands projets », en diminution de 17,1 millions d’euros en AE et de 8 millions d’euros en CP par rapport à 2024.
Les huit « grands projets » suivants sont concernés par ces crédits :
crédits DE RESTAURATION POUR DES MONUMENTS HISTORIQUES
« GRANDS PROJETS »
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
||
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Tours de La Rochelle |
|
|
15,3 |
5,6 |
Versailles |
18 |
19 |
0 |
2,6 |
Abbaye de Clairvaux |
20 |
12 |
12,5 |
14,3 |
Cathédrale de Nantes |
7,5 |
7,6 |
4,9 |
6 |
Château de Gaillon |
2,3 |
3,5 |
2,7 |
4,4 |
Palais de la cité (APIJ) ([18]) |
0 |
2,9 |
3 |
4,9 |
Palais de la cité (CMN) |
6,8 |
3 |
0 |
3 |
Fontainebleau |
0,9 |
6,2 |
0 |
4,5 |
Total |
55,5 |
54,2 |
38,4 |
45,4 |
Source : projet annuel de performances.
Le rapporteur note la croissance importante des crédits pour de multiples projets (Gaillon, Nantes, Clairvaux) et en particulier le financement de la consolidation des fondements de la Tour Saint Nicolas de La Rochelle (+ 15,3 millions d’euros en AE et + 5,6 millions d’euros en CP). Achevée en 1376, la Tour Saint Nicolas repose historiquement sur des fondations instables. Les mouvements de l’édifice s’étant aggravés ces derniers mois, le Centre des monuments nationaux (CMN) qui en assure la gestion a décidé d’en fermer l’accès au public en septembre 2024, et a obtenu de l’État qu’il finance sa consolidation. Selon les données du CMN, ces montants ne permettraient cependant pas une consolidation intégrale de la Tour, qui exigerait 7 millions d’euros supplémentaires.
En outre, le rapporteur reconnaît l’effort de maintien des AE au bénéfice de la reconversion du site de l’abbaye de Clairvaux (12,5 millions d’euros), dont l’appel à manifestation d’intérêt a été prolongé afin d’approfondir l’étude des modèles économiques d’exploitation proposés. Il conviendra cependant de faire preuve d’une grande vigilance quant à la réalisation du futur projet, qui devra concilier équilibre économique et préservation de la valeur patrimoniale du site.
La sous-consommation des crédits relevée pour les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques hors État ne se retrouve pas pour la consommation des crédits dédiés aux « grands projets ». En 2023, ceux-ci ont même été sur-exécutés à hauteur de 23 millions d’euros (40,5 millions d’euros ouverts et 63,5 millions d’euros exécutés). Cela s’explique principalement par des abondements supplémentaires en faveur de la cité internationale de la langue française (+ 16 millions d’euros) et du château de Versailles (+ 4,4 millions d’euros).
2. Des fragilités persistantes
a. En matière de programmation et de devenir de certains projets
Distincte des « grands projets », la liste des « grands travaux » du ministère de la Culture réunit les opérations en cours dont le budget « toutes dépenses comprises » est supérieur à 20 millions d’euros. Cette catégorie réunit actuellement dix opérations dont quatre (Versailles, l’abbaye de Clairvaux, la cathédrale de Nantes et Fontainebleau) relèvent de la liste précitée des « grands projets » ([19]). Selon les documents transmis par le ministère de la culture, le coût de cette programmation s’établit à près de 1 770 millions d’euros, dont il devrait apporter au moins 600 millions d’euros.
Avant le dépôt du présent projet de loi de finances, la Cour des comptes avait fait part de son inquiétude concernant le haut niveau d’inscriptions budgétaires relatives aux « grands projets » observé ces dernières années. La dernière note d’analyse d’exécution budgétaire de la mission Culture pour l’année 2023 relève ainsi que « ce niveau de commande publique est problématique dans la mesure où la mission voit son niveau de restes à payer progresser continûment depuis plusieurs années jusqu’à dépasser le milliard d’euros. La question des disponibilités budgétaires de crédits de paiement va se poser nécessairement quand les grands projets arriveront à maturité dans un calendrier de livraison de chantiers très resserré pour plusieurs d’entre eux (Villers-Cotterêts, Grand Palais, Beaubourg). » ([20]). Malgré un suivi renforcé et un lissage des schémas directeurs des opérations, la Cour des comptes souligne que des « difficultés présentes et futures » demeurent. Le niveau des restes à payer du programme 175 demeure à un niveau élevé en 2024 (1 043 millions d’euros), ce qui expose le ministère à « un risque de demandes de crédits de paiement dans les années futures très supérieures à ses disponibilités ([21]) ».
Le rapporteur spécial partage cette préoccupation qui appelle une attention toute particulière du ministère en matière de suivi, de lissage et de hiérarchisation de la programmation.
b. En matière d’insuffisance ponctuelle des crédits
Engagé en 2019 après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le plan « sécurité cathédrales » vise à améliorer la sécurité, notamment incendie, des 87 cathédrales appartenant à l’État. Le ministère de la culture a mobilisé plus de 225 millions d’euros à cet effet, dont 36 millions d’euros pour la sécurisation de ces sites. Le rapporteur spécial a procédé à l’évaluation de ce plan en mai 2023 lors du printemps de l’évaluation et a souligné son apport positif ([22]).
Le projet annuel de performances pour 2025 n’isole pas le montant affecté à la poursuite de ce plan et à son amplification dans les conditions présentées par la ministre de la Culture en avril 2023 ([23]). D’après les éléments transmis au rapporteur spécial, 13 millions d’euros d’AE et 11 millions d’euros de CP ont été portés par le programme 175 en 2023, 12 millions d’euros d’AE en 2024, et 12 millions d’euros en 2025.
On peut par ailleurs regretter, au regard de l’intérêt de disposer de crédits dédiés pour garantir la réalisation effective des travaux, l’absence d’extension de ce plan aux « anciennes » cathédrales appartenant aux collectivités territoriales, au nombre de 97 dont 84 protégées au titre des monuments historiques. Et ce même si l’État peut aujourd’hui intervenir à l’appui d’un projet ponctuel dès lors que la cathédrale est classée ou inscrite, ce qu’il a fait à hauteur de 2,5 millions d’euros en 2022 et de 3,5 millions d’euros en 2023, hors plan de relance.
Dans ce même esprit, le rapporteur spécial souhaiterait ouvrir le produit de la collecte annoncée par le Président de la République en faveur du patrimoine religieux aux villes propriétaires d’une cathédrale de moins de 30 000 habitants en métropole (contre 10 000 actuellement) et 50 000 habitants en outre-mer (contre 20 000 actuellement). Cela élargirait à 18 nouvelles communes le dispositif actuel.
B. les autres crédits soutenant le patrimoine monumental
L’action 1 finance, à titre secondaire, les « autres crédits du patrimoine monumental », à hauteur de 98,3 millions d’euros en AE et en CP, montants stables par rapport à 2024.
Ces dépenses reposent très largement sur les subventions pour charges de service public du Centre des monuments nationaux (44,8 millions d’euros en AE et en CP) et de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (39,4 millions d’euros en AE et en CP). Subsidiairement, ces crédits soutiennent, à hauteur de 2,95 millions d’euros, les crédits de fonctionnement de trois services à compétence nationale (la médiathèque de l’architecture et du patrimoine, le laboratoire de recherche des monuments historiques et le musée des plans et reliefs) ainsi que la subvention de fonctionnement du domaine national de Chambord (0,4 million d’euros en AE et en CP).
1. Le Centre des monuments nationaux : un établissement dynamique mais qui peine à faire face aux besoins d’entretien et de grands travaux
a. Un établissement dynamique, grâce à une forte croissance de la fréquentation
Créé comme Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques par la loi du 10 juillet 1914, le Centre des monuments nationaux est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la culture et chargé, en application de l’article L 141‑1 du code du patrimoine, « d’entretenir, conserver et restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d’en favoriser la connaissance, de les présenter au public et d’en développer la fréquentation lorsque celle-ci est compatible avec leur conservation et leur utilisation. Par dérogation à l’article L. 621‑29‑2, il peut également se voir confier la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration sur d’autres monuments historiques appartenant à l’État et affectés au ministère chargé de la culture ».
Le CMN intervient directement aujourd’hui dans la gestion de 103 monuments appartenant à l’État, lui appartenant en propre, ou appartenant à des tiers qui lui en ont confié la gestion, tel que le conservatoire du littoral. Le CMN conserve également 137 000 objets et entretient 83 parcs et jardins. Le tableau suivant illustre la variété des monuments gérés par l’établissement.
Type de monuments |
Pourcentage |
Châteaux et domaines |
35 % |
Cathédrales |
13 % |
Abbayes et monastères |
13 % |
Sites préhistoriques |
13 % |
Sites antiques |
6 % |
Maisons des illustres et hôtels particuliers |
8 % |
Fortifications |
5 % |
Autres |
6 % |
Source : commission des Finances.
Le présent projet de loi de finances prévoit d’accorder au CMN, au titre du programme 175, des crédits de 87,5 millions d’euros en AE et 80,8 millions d’euros en CP, décomposés en 44,8 millions d’euros en AE et en CP de subvention pour charges de service public, et de 42,6 millions d’euros en AE et 35,9 millions d’euros en CP de subvention pour charges d’investissement. Ces crédits sont en progression de 8 millions d’euros en AE et de 5 millions d’euros en CP par rapport à 2024. Le nombre d’emplois (1 525 ETPT, dont 32 hors plafond) est stable par rapport à 2024.
Ces concours réguliers (hors Plan de Relance et compensation Covid) devraient représenter environ 36 % du budget de l’établissement. En 2023, le montant total des ressources du CMN s’est ainsi établi à 220 millions d’euros et repose à 50 % sur des ressources propres (109 millions d’euros) dont les recettes de billetterie qui sont évaluées à 91,6 millions d’euros, soit un produit supérieur de 36 % à celui observé en 2019. En 2024, les ressources propres devraient poursuivre leur croissance et atteindre 124,7 millions d’euros.
En 2025, le CMN poursuivra également le remboursement de l’emprunt contracté pour la restauration de l’Hôtel de la Marine.
L’emprunt contracté par le CMN pour la restauration de l’hôtel de la Marine
La restauration de l’Hôtel de la Marine conduite entre 2016 et 2021 sous l’autorité du CMN a mobilisé 142,6 millions d’euros dont 80 millions d’euros sont issus du produit d’un emprunt bancaire contracté par l’établissement auprès du Crédit agricole. Les versements de cet emprunt ont été effectués en 4 fois de 2017 à 2020 (5 millions d’euros en 2017, 35 millions d’euros en 2018, 33 millions d’euros en 2019, puis 7 millions d’euros en 2020). Le contrat comportait un différé d’amortissement de 5 ans. Sur cette base, le remboursement du capital de l’emprunt a débuté en 2022 et s’étalera jusqu’en 2047.
L’ensemble du capital et des intérêts pourra être remboursé avec le seul produit de la mise en location d’une surface de 6 000 m²de bureaux, situés aux deuxième, troisième et quatrième étages de l’Hôtel de la Marine.
Source : Centre des monuments nationaux.
L’équilibre financier au sein du réseau du CMN repose, d’une part, sur ses différentes ressources et, d’autre part, sur le principe d’une péréquation des ressources entre les sites. Sur ce dernier point, l’établissement rapporte qu’en 2023, sur 94 des sites où le CMN intervient directement, seuls 4 étaient excédentaires ([24]).
La forte hausse de la fréquentation du réseau du CMN permet de consolider son équilibre financier. Elle atteint un record de 11,6 millions de visiteurs en 2023, contre 9,9 millions en 2019, et devrait atteindre un niveau légèrement inférieur en 2024 en raison des intempéries du deuxième trimestre, et de la baisse de fréquentation pendant les JOP 2024.
Pour autant, le CMN présente un déficit de 40 millions d’euros en 2024 en raison d’une hausse importante, et salutaire, de ses dépenses (+ 130% en 10 ans), en particulier des dépenses d’investissement (+ 200 % en 10 ans). Toutefois, la croissance des dépenses se révèle également tirée par celle des dépenses de personnel, qui ont plus que doublé, passant de 45 millions d’euros en 2014 à 95 millions d’euros en 2023. Cette évolution se justifie en partie par l’augmentation de 60 % du nombre d’ETPT entre 2015 (918 ETPT) et 2024 (1 508 ETPT), par la hausse moyenne des rémunérations en euros constants dans la fonction publique (+ 2 % sur la période) et par l’inflation cumulée (18 %).
b. Des difficultés majeures de financement de l’investissement et de l’entretien du réseau du CMN
Avec des AE (87,5 millions d’euros) et CP (80,8 millions d’euros) en augmentation dans le PLF 2025, notamment pour financer la consolidation de la Tour Saint Nicolas de La Rochelle (15,3 millions d’euros d’AE) le rapporteur spécial note la forte hausse du soutien de l’État au réseau du CMN depuis 2014. Cette augmentation de la SCSP de 740 % sur 10 ans, complétée par une compensation d’équilibre pendant la crise sanitaire (120 millions d’euros) et des recettes fléchées notamment issues des plans de relance (134 millions d’euros en 2021 et 125 millions d’euros en 2022) fait porter le soutien de l’État à 50 % des recettes du CMN, contre 20 % en 2014.
Nécessaires pour le financement des travaux de rénovation des monuments du CMN, ces montants ont été systématiquement supérieurs aux prévisions initiales. La LFR 2019 notait une sur-exécution de 124 % des recettes fléchées, et le Sénat décrit une surcompensation des pertes subies lors de la crise sanitaire par le Plan France Relance. Le rapporteur spécial salue cependant cette évolution, qu’il considère indispensable à la conduite des travaux de rénovation du réseau.
En outre, le CMN estime à 11 millions d’euros par an le besoin de financement pour l’entretien des monuments alors que la subvention d’entretien ne s’élève qu’à 5,7 millions d’euros, ce qui illustre le chemin restant à faire.
Toutefois, dans le contexte budgétaire actuel, il paraît difficile que le rythme d’augmentation de l’aide de l’État suive sa trajectoire passée. Afin de poursuivre le financement des travaux, le rapporteur spécial plaide pour une hausse du billet moyen du CMN, aujourd’hui de cinq euros ([25]), contre sept euros en moyenne pratiqué par les autres opérateurs du patrimoine. Un ciblage sur les monuments de forte renommée fréquentés par les visiteurs internationaux apparaît souhaitable. Le rapporteur préconise en outre la détermination entre le CMN et la DGPA d’une programmation pluriannuelle des travaux de restauration, hiérarchisant les travaux nécessaires et prévoyant des objectifs d’autofinancement. Enfin, il appelle de ses vœux la hausse, ou à défaut, la préservation, des crédits d’entretien du patrimoine géré par le CMN, même en période de restriction budgétaire, un bon entretien évitant par la suite de fortes dépenses de restauration.
2. La Cité internationale de la langue française : un succès culturel à consolider financièrement
Engagé en octobre 2020 sous la responsabilité du CMN, le chantier de restauration du château de Villers-Cotterêts s’est achevé à l’automne 2023 avec l’inauguration de la Cité internationale de la langue française.
Ce nouvel équipement bénéficie d’un espace de 1 600 m² d’expositions permanentes et temporaires, d’un parcours permanent de visite de 1 200 m², d’un auditorium de 250 places, d’une librairie-boutique, de douze ateliers pour des résidences d’artistes, écrivains, chercheurs et entrepreneurs et d’un laboratoire de recherche et d’innovation sur les enjeux linguistiques. Le rapporteur spécial salue également son ambition internationale, à travers l’accord avec le Museu da Lingua Portuguesa de São Paulo, signé en mars 2024.
Cette opération de rénovation se caractérise toutefois par un relèvement important du coût des travaux et par des incertitudes sur les conditions d’exploitation de ce nouvel équipement culturel.
Ainsi, le coût final du chantier s’élève à 234 millions d’euros selon les estimations les plus récentes, soit 124 millions d’euros au-dessus du coût prévisionnel (110 millions d’euros), selon la Cour des comptes ([26]), qui en critique « la logique de guichet » dans le cadre du Plan France Relance et du PIA3. Ce rehaussement du coût des travaux est expliqué notamment par l’extension du périmètre de la restauration, des aléas de chantier et le contexte inflationniste. Le rapporteur spécial ne peut que prendre acte de ce dérapage du fait que les ressources de mécénat aient été plus de dix fois inférieures aux prévisions (2 millions d’euros de recettes réalisées contre 25 millions de recettes anticipées).
Source : Commission des Finances du Sénat.
Il s’interroge également sur les conditions d’exploitation de ce nouvel équipement culturel, qui soulèvent plusieurs questions.
La première interrogation concerne la manière dont la Cité internationale de la langue française trouvera ou non un public régulier, en tissant notamment d’indispensables liens avec les collectivités territoriales. Si l’objectif de 200 000 visiteurs par an a été atteint la première année, avec 250 000 entrées grâce à l’élan de curiosité initial, l’ancrage local de la Cité demeure parfois contesté, en raison d’un souci d’accessibilité.
La deuxième interrogation, liée à la précédente, porte sur les conditions d’exploitation financière du site. Le budget prévisionnel établi pour son fonctionnement pour l’année 2024, première année pleine, prévoit des charges d’exploitation de 7,8 millions d’euros et des recettes propres (tirées essentiellement des droits d’entrée et des recettes de deux concessions [un café et une librairie]) d’environ 1,7 million d’euros par exercice, soit un déficit d’exploitation prévisionnel proche de 6 millions d’euros.
Enfin, la dernière interrogation a trait aux conditions de valorisation des communs du château. Appelés initialement à accueillir un hôtel et d’autres usages commerciaux concédés, ces espaces peinent à se dessiner. Un premier appel à projets a été engagé mais déclaré infructueux et un second appel à projets a été lancé à l’été 2023. Le CMN analyse actuellement les offres retenues, et espère désigner l’attributaire en automne 2024. Le rapporteur spécial suivra avec attention ce processus.
Au regard de ces éléments, il apparaît que l’exploitation du château de Villers-Cotterêts repose aujourd’hui sur un modèle encore très incertain, malgré une première année de fréquentation qui dépasse ses ambitions initiales.
3. L’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles : une programmation financière maîtrisée mais fragile
a. Un établissement déficitaire en raison d’une programmation de travaux ambitieuse
Le présent projet de loi de finances prévoit d’accorder une subvention pour charges de service public de 39,4 millions d’euros en AE et en CP, à l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (EPV). Cette somme, stable par rapport à 2024, est complétée par une subvention pour charges d’investissement de 2,6 millions d’euros en CP, soit une baisse de 18 millions d’euros en AE et 16,4 millions d’euros en CP. Ces montants devraient représenter environ 30 % des recettes attendues par l’établissement en 2024, l’ensemble des recettes devant être perçues en 2023 s’établit à 168,7 millions d’euros ([27]). Ces crédits sont affectés au château, au musée et au domaine national de Versailles et ne participent pas à l’entretien du pavillon de La Lanterne, résidence d’État située dans le périmètre du parc du château.
L’opérateur anticipait un résultat déficitaire à moyen terme, de 20 millions d’euros en 2024, 6,2 millions d’euros en 2026 et 9,8 millions d’euros en 2027 dans l’hypothèse d’une dotation stable de l’État.
La croissance continue des recettes propres dénote par ailleurs un effort d’autofinancement que le rapporteur spécial salue. Elles atteignent 105 millions d’euros en 2023, dont 74 millions d’euros pour les recettes de billetterie, en augmentation avec la reprise de la fréquentation étrangère ([28]) et l’augmentation des tarifs des billets ([29]). La fréquentation globale de l’EPV et de sa filiale Spectacle CVS atteint ainsi 8,35 millions de visiteurs en 2023, soit 2 % de plus qu’en 2019. Néanmoins, le niveau de la fréquentation et des recettes devrait légèrement diminuer en 2024, en raison des intempéries du deuxième trimestre et de l’organisation des épreuves olympiques et paralympiques d’équitation pendant l’été ([30]).
Le rapporteur spécial salue le fait que l’EPV ait programmé d’ambitieux travaux de sécurité et d’accueil du public, dans le cadre d’un schéma directeur de 200 millions d’euros d’investissements jusqu’à 2032. Les déficits prévisionnels pour 2024 et les années à venir ne sont qu’une conséquence légitime de ces investissements, financés par la trésorerie de l’opérateur (111 millions d’euros estimés fin 2024) constituée lors d’années excédentaires. Cette trésorerie ne saurait cependant être sollicitée outre mesure.
En ce qui concerne les logements de fonction, en réponse aux multiples interrogations du rapporteur spécial, la DGPA a indiqué que la procédure d’attribution des logements de l’EPV repose sur des critères précis et objectifs. L’établissement public lui-même a indiqué prendre en compte les remarques formulées par la Cour des comptes. Ces recommandations fonderont une modification de l’arrêté du 19 octobre 2015, expirant le 31 décembre 2025, régissant l’octroi de logements. Enfin, l’opérateur a assuré que la valorisation des logements fera l’objet « d’un échange renforcé » avec la direction départementale des finances publiques des Yvelines en 2025.
b. Des fragilités en matière de réalisation des investissements
Malgré le sérieux de cette programmation et la bonne tenue des travaux jusqu’à ce jour, l’établissement public du château et du domaine de Versailles a besoin de prévisibilité et de stabilité dans les autorisations d’engagement ouvertes afin de réaliser effectivement ses investissements pluriannuels.
Or, le PLF 2025 prévoit une importante baisse des AE (18 millions d’euros), cette forte baisse des AE remet fortement en question l’équilibre financier des travaux de sécurité engagés dès 2025 sur la partie centrale, particulièrement visitée, du Château. Cela pourrait peser lourdement sur la trésorerie de l’Établissement public, ce qui en l’espèce n’apparaît pas souhaitable.
II. L’action 3 PATRIMOINES DES MUSÉES DE France
L’action 3 finance, à titre principal, les subventions apportées à treize établissements nationaux ainsi que les dépenses en faveur de musées territoriaux. Elle prend en charge les crédits de douze services à compétence nationale du ministère de la culture. L’ensemble de ces dépenses représente 406 millions d’euros en AE et 441 millions d’euros en CP en 2025, en baisse de 249,3 millions d’euros en AE (– 38 %) et en hausse de 10 millions d’euros en CP (+ 2,5 %) par rapport à 2024.
A. Les subventions apportées à 13 établissements nationaux
L’action 3 porte plusieurs subventions aux établissements nationaux, hors contributions aux schémas directeurs. Ces crédits reposent très largement sur :
– des subventions pour charges de service public (329 millions d’euros en AE et en CP, en progression de 5,9 millions d’euros) ;
– des dépenses de fonctionnement non comprises dans les subventions pour charges de service public (13,2 millions d’euros en AE et 16,1 millions d’euros en CP, montants stables par rapport à 2024) ;
– des crédits d’investissement (27,1 millions d’euros en AE et 60,1 millions d’euros en CP, en baisse de 4 millions d’euros en AE et en hausse de 25 millions d’euros en CP) ;
– des dépenses d’intervention en faveur de collectivités territoriales et de musées territoriaux (35,5 millions d’euros en AE et en CP, en diminution de 1,1 million d’euros, soit un retour au niveau de la LFI 2023).
Les treize établissements nationaux soutenus par l’action 3 rassemblent onze musées et deux établissements culturels. Il s’agit du musée du Louvre (hors Louvre Lens, financé par les collectivités territoriales), du musée du quai Branly ‑ Jacques Chirac, de l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie ‑ Valéry Giscard d’Estaing, du musée national des arts asiatiques Guimet, du musée national du château de Fontainebleau, du musée national Picasso ‑ Paris, du musée national Henner ‑ Moreau, du musée national des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), du Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou, du musée des Arts décoratifs et de l’établissement public du Palais de la Porte Dorée – Musée national de l’histoire de l’immigration. Deux établissements qui ne sont pas des musées, l’Institut national d’histoire de l’art et la Réunion des musées nationaux ‑ Grand Palais (RMN-GP), complètent cette liste.
Les financements accordés à ces treize établissements par l’action 3 du programme 175 ne sont pas exhaustifs. Ainsi, ces structures peuvent également bénéficier de crédits complémentaires en provenance de la mission Culture ou d’autres missions ([31]) .
plf 2025 ‑ subventions pour charges de service public et subventions d’investissement courant en faveur de 13 opérateurs
relevant de l’action 3 du programme 175
(en millions d’euros)
Opérateur |
Subvention pour charges de service public 2025 (AE = CP) |
Subvention d’investissement courant 2025 (AE = CP) |
Total |
Centre national d’art et de culture Georges Pompidou |
81,6
|
5,1 |
86,7 |
Établissement public du musée du quai Branly |
24,5 |
|
24,5 |
Établissement public du château de Fontainebleau |
3,6 |
2,1 |
5,7 |
Établissement public du Palais de la Porte Dorée ‑ Musée national de l’histoire de l’immigration |
5,2
|
0,7 |
5,9 |
Institut national d’histoire de l’art |
4,2 |
0,1 |
4,3 |
Musée des arts décoratifs |
15,9 |
1,2 |
17,1 |
Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée |
20,2
|
0,4 |
20,6 |
Musée Guimet |
4,6 |
0,7 |
5,3 |
Musée Henner-Moreau |
1,1 |
0,1 |
1,2 |
Musée du Louvre |
95 |
2,2 |
97,2 |
Musée d’Orsay et musée de l’Orangerie |
38,1 |
|
38,1 |
Musée Picasso |
4,9 |
0,4 |
5,3 |
Réunion des musées nationaux ‑ Grand Palais |
24,7 |
|
24,7 |
Total |
329 |
12,9 |
341,9 |
Source : commission des finances et projet annuel de performances.
En complément, le présent projet de loi de finances prévoit des crédits à hauteur de 3 millions d’euros en AE (–235 millions d’euros) et de 35,8 millions d’euros en CP (+ 14,1 millions d’euros) en faveur de quatre établissements au titre de leur schéma directeur ou de leur programme pluriannuel d’investissements.
plf 2025 – contribution aux schémas directeurs
et programme pluriannuel d’investissement de certains opérateurs relevant de l’action 3 du programme 175
(en millions d’euros)
Opérateur |
AE |
CP |
Centre national d’art et de culture Georges Pompidou – schéma directeur |
0 |
29,2 |
Établissement public du château de Fontainebleau – schéma directeur |
0 |
2,5 |
Établissement public du Palais de la Porte Dorée – Musée national de l’histoire de l’immigration – schéma directeur |
0 |
1,1 |
Musée Guimet – programme pluriannuel d’investissements |
3 |
3 |
Total |
3 |
35,8 |
Source : projet annuel de performances.
Parmi ces différents établissements, une attention particulière doit être accordée au musée du Louvre, à l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, à la RMN-Grand Palais, et au Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou (CNAC-GP).
2. Des grands établissements confrontés à des enjeux financiers particuliers
a. Le musée du Louvre : des crédits stables, une situation financière favorable
Le projet de loi de finances prévoit d’accorder un crédit de 99,9 millions d’euros en AE et en CP au musée du Louvre sous la forme essentiellement d’une subvention pour charges de service public de 95,5 millions d’euros complétée par une subvention pour charges d’investissement de 2,2 millions d’euros ([32]). Ces montants devraient représenter environ le tiers des recettes de l’établissement. Les crédits demandés sont identiques à ceux ouverts en 2024.
Le Musée du Louvre connaît depuis 2023 une situation financière favorable, avec un excédent de 12,8 millions d’euros en 2023 (soit 23 millions d’euros de plus qu’anticipé) et 23 millions d’euros attendus en 2024. C’est une conséquence du retour des visiteurs étrangers, et d’une prévision de hausse des recettes de billetterie de 26 % en 2024, avec une augmentation du prix du billet payant de 17 euros à 22 euros ([33]). Le nombre de visiteurs s’approche de la jauge maximale du Louvre ([34]) avec 8,8 millions de visiteurs en 2023, un nombre similaire en 2024, et 9,2 millions de visiteurs prévus en 2025. Cette jauge permet de contenir l’évolution des dépenses de fonctionnement du musée et la qualité de la visite, mais limite le développement à l’avenir des ressources propres, qui ne pourra se fonder que sur une hausse du tarif des billets payants, ou sur les recettes de licence et de mécénat. Le graphique suivant illustre ce propos.
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
Le rapporteur spécial salue les efforts du musée du Louvre pour développer ses ressources propres, issues de la billetterie et du mécénat. En particulier, le maintien sur longue durée ([35]) d’un haut niveau de mécénat (20,7 millions d’euros de prévus en 2024), témoigne de la cohérence de la stratégie du Louvre et de la puissance de son image.
Comme l’année dernière, le rapporteur spécial s’interroge toutefois sur la temporalité de l’échéancier des versements de la licence de marque « le Louvre Abu-Dhabi ». La licence est accordée sur deux périodes, 2007 – 2037 (400 millions d’euros) et 2037 – 2047 (165 millions d’euros). Or le dernier versement de l’extension de la licence de marque pour la période 2037 – 2047 est intervenu en 2024, alors que le dernier versement de la licence de marque pour la période 2007 – 2037 est prévu en 2032.
De même, l’impact à court et moyen terme des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 demeure à évaluer, bien que le Louvre demeure optimiste, à l’instar des autres acteurs du secteur.
L’impact des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 sur les monuments historiques et les musées français
À très court terme, la fréquentation des établissements culturels a largement baissé au cours des Jeux olympiques et paralympiques, sauf exceptions notables (musée de la monnaie de Paris, Catacombes). Ainsi, du 27 juillet au 11 août, par comparaison avec la même période en 2023, la fréquentation a sensiblement diminué au musée d’Orsay (– 29 %), au Louvre (–22 %), au musée des Arts décoratifs (– 66 %), au musée du quai Branly-Jacques Chirac (– 23 %), au Centre Georges Pompidou (– 28 %) et au Petit Palais (– 11 %). Cette baisse avait été largement anticipée et provisionnée par les acteurs du patrimoine.
À moyen terme, les enseignements des Jeux olympiques de Londres de 2012 permettent d’anticiper un fort regain touristique en 2025. En effet, la baisse de 20 % de la fréquentation des musées de Londres en 2012 a été suivie d’une hausse de 13,8 % entre mars et mai 2013, selon le London Attractions Monitor. De manière générale, le nombre de visiteurs internationaux avait crû de 6 %, leurs dépenses de 13 %, et la fréquentation du British Museum de 5 % en 2013.
Le succès des jeux fait ainsi espérer un « nouveau tourisme culturel » selon Anne-Sophie de Gasquet, directrice générale de Paris Musées, qui pourrait capitaliser notamment sur une hausse des mécénats et partenariats internationaux.
b. L’établissement public industriel et commercial (EPIC) de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais : une situation financière saine, à conforter par-delà les chantiers de restauration
La RMN-Grand Palais présente également une situation financière favorable, fondée sur le développement de ses ressources propres. La subvention pour charges de service public provenant de la mission Culture (24 millions d’euros) ne représente que 22 % des recettes d’exploitation de la RMN, et ne couvre que 80 % du déficit lié à la mise en œuvre des missions de service public qui s’élève à 30 millions d’euros. Ces missions de service public recouvrent notamment la gestion d’une trentaine de musées, généralement déficitaires, composantes de la galaxie de la RMN. Les ressources propres de l’établissement, qui représentent 78 % de ses ressources d’exploitation, sont ainsi également affectées au financement de ces missions de service public.
Ce modèle de financement particulier, qui laisse une place importante aux ressources propres, est étroitement lié au statut d’EPIC de la RMN-Grand Palais, et à sa politique de diversification des produits d’exploitation. Ceux-ci se décomposent de la manière suivante :
– le chiffre d’affaires commercial, fondé sur les ventes de produits dérivés dans les 36 boutiques gérées par la RMN et en ligne, représente 46 % du produit d’exploitation ;
– Le chiffre d’affaires culturel, soit les recettes de billetterie, représente 6 % du produit d’exploitation ;
– le chiffre d’affaires événementiel, c’est-à-dire celui tiré de la location d’espaces, représente 12 % du produit d’exploitation ;
– le chiffre d’affaires éditorial, reposant notamment sur les ventes de catalogues d’exposition et de livres artistiques, représente 3 % du produit d’exploitation ;
– d’autres ressources, notamment de mécénat, représentent 11 % du produit d’exploitation ;
– la subvention de fonctionnement couvre enfin les 22 % restants.
À ce jour, le chantier de restauration du Grand Palais respecte le calendrier prévisionnel, avec l’accueil des épreuves des JOP 2024 (nef du Grand Palais), une réouverture des expositions à partir de juin 2025 (bâtiment intermédiaire et Palais d’Antin), et la fin des travaux du Palais de la découverte au dernier trimestre 2026. Le rapporteur spécial salue cet atterrissage en douceur, qui n’avait rien d’évident.
Le premier volet de restauration du Grand Palais en prévision de l’organisation des JOP 2024, financé en partie par la Société de livraison des ouvrages olympiques, a fait preuve d’une maîtrise des coûts et du calendrier des travaux. La capacité d’accueil de la nef du Grand Palais a été accrue de 6 000 à 9 000 spectateurs, portant le bilan de la fréquentation pour les épreuves d’escrime et de taekwondo à 150 000, et pour les épreuves d’escrime fauteuil et de para taekwondo à 56 000 visiteurs ([36]).
En outre, l’inauguration du Grand Palais éphémère en 2021 a permis de maintenir une activité d’exposition et événementielle modérée, avec 1,6 million de visiteurs depuis 2021.
À ce stade, le coût provisoire global du chantier demeure conforme au coût initial et aux prévisions annoncées en 2023, s’établissant à 466 millions d’euros. Le financement des travaux repose sur les modalités suivantes :
– 160 millions d’euros au titre des subventions du grand plan d’investissement, octroyées dans des conditions critiquables, caractérisées de « contournement de l’autorisation budgétaire » ([37]) ;
– 150 millions d’euros au titre d’un emprunt conclu en avril 2018, à un taux fixe modéré et sur une période de remboursement échelonnée jusqu’à 2049, ce qui constitue une modalité peu usuelle, mais soutenable, de financement ([38]) ;
– 128 millions d’euros au titre de subventions du ministère de la culture dont 97 millions d’euros relèvent du programme 175, dont le versement est échelonné sur neuf ans ;
– 25 millions d’euros au titre du mécénat de la société Chanel ;
– 3 millions d’euros au titre de la participation d’Universcience (l’établissement public qui gère la Cité des Sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte).
Toutefois, la programmation financière des travaux présente quelques incertitudes, dont le remboursement de l’emprunt, la stabilité des dotations de l’État au niveau de l’inflation, et la maîtrise des coûts et du calendrier des travaux qui affectent les activités commerciales de l’EPIC. Celui-ci présente ainsi un déficit de 18 millions d’euros en 2024, anticipé et intégré dans le plan financier de l’établissement.
Afin de répondre à ces incertitudes, la RMN a cherché à consolider son modèle de financement par ressources propres. Cinq leviers ont été présentés au rapporteur spécial :
Le maintien de l’activité d’exposition du Grand Palais pendant les travaux, dont découle l’ensemble des autres recettes d’exploitation, à partir de juin 2025. Les effectifs nécessaires à cette réouverture seront consolidés par une convention de mise à disposition avec le CNAC Georges-Pompidou à hauteur de 125 agents. L’augmentation du prix du billet payant devrait en outre assurer la hausse des recettes ;
Si le rapporteur spécial salue le sérieux de cette programmation financière pluriannuelle, il sera vigilant quant à son exécution.
Il reconnaît également l’intérêt de moduler le plafond d’emplois pour la RMN, point soulevé lors de son audition. La majorité des ressources propres de l’EPIC provient en effet de ses recettes de boutique, intensives en main-d’œuvre. Le château de Chambord, au modèle de financement similaire (taux de ressources propres de 85,7 % ([40]) en 2016) et au même statut d’EPIC, a obtenu en 2019 son retrait de la liste des opérateurs de l’État, afin de faciliter la croissance de ses recettes d’exploitation. Le rapporteur spécial serait favorable à ce que la DGPA examine la possibilité d’une telle évolution avec la RMN, la direction du budget et la commission interministérielle d’audit salarial du secteur public (CIASSP). Il salue dès à présent l’augmentation en 2025 de 105 des ETPT hors plafonds autorisés pour l’établissement public.
c. L’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie : une bonne maîtrise du coût et des modalités de financement des importants travaux à venir
L’établissement public administratif du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing regroupe le musée d’Orsay, le musée de l’Orangerie des Tuileries et le musée Hébert.
Le présent projet de loi de finances prévoit d’accorder un crédit de 39,7 millions d’euros en AE et en CP à cet opérateur sous la forme d’une subvention pour charges de service public de 38,1 millions d’euros complétée par une subvention pour charges d’investissement de 1,6 million d’euros. Les crédits demandés sont stables par rapport à 2024. Ces montants soutiennent des ressources propres qui, en 2024, devraient atteindre 54,4 millions d’euros.
En matière de fréquentation, le nombre de visiteurs enregistré en 2023 (5,1 millions, + 20 %) dépasse pour la première fois depuis la crise sanitaire le niveau atteint en 2019 (4,7 millions). La part de visiteurs internationaux retrouve également ses niveaux de 2019 ([41]). En 2024, la fréquentation demeure difficile à anticiper, après une baisse de 30 % de la fréquentation sur la période des Jeux olympiques par rapport à la même période en 2023 (du 27 juillet au 11 août), qui pourrait être compensée plus ou moins rapidement par « l’effet JOP ». Les ressources de billetterie escomptées s’élèveraient à 31,6 millions d’euros en 2024.
En complément des ressources de billetterie, le musée d’Orsay et de l’Orangerie dispose également de ressources propres issues du mécénat (6 millions d’euros attendus en 2024) et de recettes tirées de l’exposition d’œuvres à l’étranger (3,5 millions d’euros attendus en 2024).
En matière d’investissements, l’établissement a déterminé un important programme dont le coût, en cours de réactualisation, est évalué à 166 millions d’euros. Ce programme inclut la rénovation des espaces d’accueil des deux musées, la rénovation du site d’Orsay à des fins de préservation patrimoniale et de performance énergétique ainsi que la création d’un centre de ressources et de recherche ([42]).
Le rapporteur spécial salue l’implication de l’établissement public pour accroître ses ressources propres et lui permettre d’autofinancer ses investissements, comme la construction d’un centre de ressources et de recherches. Ses excédents élevés, de 26 millions d’euros en 2023 contre 1,5 million d’euros estimés lors de l’audition d’octobre 2023, lui permettent en effet de maîtriser sa programmation d’investissement, qui table sur un déficit de 14,3 millions d’euros en 2024.
3. Le Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou : d’importants défis à relever
a. Une situation financière sous tensions
Le CNAC-GP s’attend en 2024 à un résultat excédentaire de 21,3 millions d’euros, en raison notamment du succès des expositions temporaires au cours des Jeux olympiques. Cet excédent sera entièrement affecté aux différents schémas de travaux du centre. Ce résultat excédentaire, particulièrement bienvenu, n’était pourtant pas évident, et sera difficilement reproductible.
Le CNAC est en effet parvenu à surmonter des difficultés de gestion des ressources humaines en 2024. Tout d’abord, en temps normal, les régimes préférentiels des agents postés génèrent un surcoût budgétaire conséquent pour le CNAC, évalué à l’équivalent en temps de travail additionnel de près de 20 emplois permanents non travaillés, selon un rapport récent de la Cour des comptes ([43]). En outre, les mouvements sociaux, qui ont débuté en octobre 2023, et qui avaient pour origine la question de la conservation des effectifs pendant la fermeture du centre, ne se sont achevés qu’en janvier 2024. Ils ont affecté le CNAC pendant un total de 18 jours ouvrés sur la période. Ces grèves ont été résolues par accord avec la direction : l’ensemble des agents volontaires demeureront employés par le CNAC, et seront affectés sur des missions renouvelées, notamment de mise en œuvre des partenariats territoriaux et internationaux du Centre (voir infra).
Ces tensions sociales ont complexifié l’équilibre budgétaire du centre, en limitant le retour des visiteurs ([44]) qui devrait atteindre 2,85 millions de personnes, contre 2,6 millions en 2023 et 3,2 millions en 2019, en incluant le centre Georges Pompidou, la Bibliothèque publique d’information et l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique situés dans le périmètre du CNAC.
En outre, le CNAC-Georges Pompidou a vu une baisse de fréquentation de 39 % pendant les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, compensée partiellement par le succès de l’organisation par Nike de l’exposition Art of Victory, accessible gratuitement et présentée en galerie 4 du Centre Pompidou. L’effet JO et l’organisation d’événements en lien avec le sport ont pu accroître la visibilité du centre auprès d’un public international, ce qui devrait faciliter le développement de ses ressources issues des partenariats internationaux et du mécénat pendant sa fermeture.
Le présent projet de loi de finances prévoit 88,6 millions d’euros d’AE et 117,8 millions d’euros de CP en faveur du CNAC‑GP, soit une baisse de 229 millions d’euros d’AE qui n’ont plus lieu d’être, et une hausse de 17 millions d’euros de CP par rapport à 2024. La subvention pour charges de service public demeure stable, à 81 millions d’euros, soit 70 % des ressources du CNAC.
Afin de financer ses importants travaux, l’opérateur s’attache à développer ses ressources propres notamment à l’international. Ainsi, entre 2017 et 2023, les ressources en lien avec les activités internationales de l’établissement sont passées de 6,9 millions d’euros à 19,7 millions d’euros.
Les recettes tirées par le centre Pompidou de ses activités internationales
En réponse au rapporteur spécial, le centre Pompidou a précisé que, les projets à l’étranger se décomposent en plusieurs catégories : les implantations temporaires, les missions de conseil et de formation en ingénierie culturelle et les expositions hors‑les‑murs.
Le produit des implantations temporaires à l’étranger dépend de la nature des prestations fournies et de la durée des conventions passées. Les implantations actives concernent les sites du Centre Pompidou Malaga (ouvert en 2015) et du Centre Pompidou x West Bund Museum de Shanghai (ouvert en 2019). Les implantations en projet se situent à Bruxelles (Kanal‑Centre Pompidou appelé à ouvrir fin 2025) et à Jersey City (États‑Unis) (devant ouvrir en fin 2027).
Des missions de conseil et de formation en ingénierie culturelle ont eu lieu ou sont prévues à Melbourne, dans l’État brésilien du Parana et en Arabie Saoudite (site d’Al Ula).
Des expositions sont prévues à la fondation Hanwha de Séoul (2025 – 2029), mais également au H’ART Museum à Amsterdam (2024 – 2027), à la Fondation La Caixa de Barcelone et de Madrid (2026 – 2029), au Museum of Fine Arts de San Francisco (2026 – 2028), au musée Nelson Atkins du Kansas (2027 – 2029), au Tokyo Metropolitan Museum of Art (2028 – 2029) et à l’Auckland Art Gallery (2028 – 2030).
En rythme de croisière, ces partenariats représenteront 30 millions d’euros de recettes annuelles, faisant du CNAC un modèle de financement qui pourrait inspirer d’autres établissements.
Dans ce contexte de tensions et de métamorphose financière, le CNAC va entreprendre d’importants travaux visant à rénover structurellement son bâtiment principal, à métamorphoser son offre culturelle, et à aménager un nouveau centre de réserves de ses collections à Massy (Essonne).
b. Les travaux de rénovation du bâtiment principal : des efforts appréciables de recherche de financement, des aléas persistants
Rendus nécessaires par les désordres subis par un bâtiment inauguré en 1977, d’importants travaux structurels ([45]) vont être engagés à compter de 2025 sous la forme d’un schéma directeur et conduiront à la fermeture du site pour une durée prévisionnelle de cinq ans. Le schéma directeur se fonde sur deux volets, l’un correspondant aux travaux techniques et l’autre aux travaux culturels d’organisation des espaces du Centre.
Pour le volet technique, les montants prévisionnels des travaux atteignent 262 millions d’euros, entièrement financés par l’État. Un rapport récent de la Cour des comptes indiquait cependant des « risques de dérapages élevés en termes de coûts et de délais » ([46]) à ce jour non confirmés mais sur lesquels il conviendra de demeurer vigilant.
Pour le volet culturel, les montants anticipés des travaux s’élèvent à 207 millions d’euros. Le financement de ce volet doit provenir de ressources propres, issues du mécénat ou de partenariats internationaux. À ce jour, 40 millions d’euros ont été entièrement sécurisés. Ils se décomposent de la manière suivante :
– 19 millions d’euros issus des crédits de réaménagement des espaces de la BPI ;
– 20 millions d’euros du contrat de conseil avec la fondation Hanwha Culture Foundation (Séoul, Corée du Sud).
La direction du centre prévoit d’autres pistes de financement, dont certaines demeurent sujettes à négociations, qu’elle doit concrétiser d’ici le premier semestre 2025 :
Il convient en outre de souligner, et de saluer, les efforts entrepris par le centre pour maintenir une activité diversifiée durant sa période de fermeture. De nombreux projets sont prévus pour exposer une partie de ses collections hors les murs pendant la période de travaux.
En premier lieu, des coopérations sont envisagées avec d’autres établissements culturels situés à Paris, au premier rang desquels le Grand Palais qui devrait mettre à disposition du CNAC six de ses quinze galeries à compter de sa réouverture au grand public, ce qui permettrait l’affectation en ce lieu d’une partie des agents du centre Pompidou (125).
Des coopérations sont également envisagées dans les territoires, notamment à Metz, Saint Étienne, Toulon ou Bourges, ainsi qu’à travers des expositions mobiles d’œuvres d’art.
Le rapporteur spécial note que cette programmation permettra de faire vivre les collections du centre Georges Pompidou, de procurer de nouvelles recettes et de trouver des solutions d’affectation en faveur de son personnel.
c. Un projet d’antenne à Massy : un partenariat public-privé maîtrisé, à la lumière des éléments fournis par le CNAC
En complément de ce premier projet de travaux, le CNAC a présenté en 2023 un important projet d’aménagement de ses réserves et d’un lieu culturel hybride à Massy ([47]). Conduit conjointement avec le musée Picasso, ce projet vise à répondre aux besoins d’accroissement des réserves des collections du musée. L’établissement détient 140 000 œuvres dont 60 000 sont entrées dans ses collections ces vingt dernières années.
Le coût de ce projet demeure proche de son estimation initiale de 105 millions d’euros, avec une provision mineure pour aléas. Son plan de financement repose sur une forte participation des collectivités territoriales (42 millions d’euros) et sur le recours à un partenariat public-privé à hauteur de 63 millions d’euros. Le groupement retenu construira le nouveau bâtiment et en détiendra la propriété pendant une période de 25 ans pendant laquelle le CNAC acquittera un loyer annuel de 6,7 millions d’euros. À la fin de cette période, le bâtiment deviendra propriété du CNAC. Cette contribution sera financée par le centre grâce à l’économie réalisée sur les loyers actuellement versés pour ses réserves parisiennes (ayant représenté, tous postes confondus, 6,8 millions d’euros en 2022) ([48]) . Le programme 175 ne devrait pas participer au financement de ce projet.
B. Les concours apportés À douze services à compétence nationale du ministère de la culture et aux dépenses de fonctionnement et d’investissement de certains musées territoriaux
1. La prise en charge des crédits de douze services à compétence nationale du ministère de la culture
L’action 3 finance à hauteur de 22,2 millions d’euros en AE et de 24,1 millions d’euros en CP les dépenses de fonctionnement (13,2 millions d’euros en AE et 16,1 millions d’euros en CP) et d’investissement (9 millions d’euros en AE et 8 millions d’euros en CP) de douze services à compétence nationale relevant du ministère de la culture ([49]) ainsi que des actions de gardiennage d’œuvres. Ces montants sont identiques à ceux ouverts pour 2024.
Ces douze services à compétence nationale sont le musée du Moyen Âge – Thermes et hôtel de Cluny, le musée d’archéologie nationale (Saint Germain en Laye), le musée de la Renaissance (Écouen), le musée des châteaux Malmaison, l’Île d’Aix et la maison Bonaparte (Ajaccio), le musée de la préhistoire (Les Eyzies de Tayac), le musée du château de Pau, le musée Magnin (Dijon), le musée Clemenceau et de Lattre de Tassigny (Mouilleron-en-Pareds), le musée du château de Compiègne / musée franco-américain (château de Blérancourt), les musées du XXe siècle, le Centre de recherche et de restauration des musées de France et le service des bibliothèques, des archives et de la documentation générale.
L’action 3 finance également, dans le cadre d’un partenariat public-privé, des crédits pour le centre de conservation et de réserves du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à hauteur de 2,2 millions d’euros en AE et de 3,4 millions d’euros en CP, soit des montants comparables à ceux ouverts en 2024.
2. Les subventions apportées aux dépenses de fonctionnement et d’investissement de certains musées territoriaux
L’action 3 finance à hauteur de 36,6 millions d’euros en AE et en CP les dépenses de fonctionnement et d’investissement de plusieurs musées territoriaux et d’autres établissements, soit des montants identiques à ceux ouverts en 2024.
Les crédits versés aux musées territoriaux sont très largement constitués de crédits d’investissement (24,2 millions d’euros en AE et en CP) et de crédits soutenant des actions structurantes relatives notamment à l’aide au récolement et à la numérisation des collections (7,2 millions d’euros en AE et en CP). Les documents budgétaires ne précisent cependant ni le nombre, ni la liste des musées territoriaux ainsi financés, ce qui est regrettable.
Le plan Culture et Ruralité prévoyaient un programme de travaux de remise à niveau pour les musées en zone rurale « qui permette de cofinancer avec des collectivités des opérations rapides et concrètes », ainsi que la détermination d’une politique partenariale renouvelée des musées nationaux avec les musées ruraux à hauteur de 0,6 million d’euros selon les données de la DGPA.
III. Les autres actions du programme 175 et l’évolution des emplois des opérateurs
A. L’action 9 Patrimoine archéologique : un soutien toujours insuffisant à l’archéologie préventive
L’action 9 finance à titre principal l’Institut national de recherches archéologiques préventives ([50]) et, de manière secondaire, d’autres dépenses archéologiques. L’ensemble des dépenses projetées s’établit à 167,9 millions d’euros en AE et à 167,7 millions d’euros en CP, soit des montants identiques à ceux ouverts en 2024.
1. L’Institut national de recherches archéologiques préventives : une situation déficitaire prolongée, des tensions persistantes
Créé par la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive, l’INRAP est un établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministères chargés de la culture et de la recherche ayant pour « mission de réaliser les opérations d’archéologie préventive prescrites par l’État, mais également d’assurer l’exploitation scientifique de ses activités et de concourir à l’enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l’archéologie » ([51]). Ces activités s’exercent dans le domaine non-concurrentiel (diagnostic, recherche et exploitation des résultats) ([52]) et dans le domaine concurrentiel (fouilles archéologiques). Les principales ressources de l’INRAP sont constituées de crédits budgétaires, du crédit d’impôt recherche et du chiffre d’affaires tiré de ses activités concurrentielles.
Le programme 175 prévoit un crédit de 101,2 millions d’euros en AE et en CP en 2025 au bénéfice de l’INRAP. Ce montant est stable par rapport à celui ouvert en 2024. Cette somme se compose d’une subvention pour charges de service public d’un montant de 99,5 millions d’euros en AE et en CP, d’une subvention pour charges d’investissement de 1,7 million d’euros en AE et en CP, et d’une subvention pour charges de service public d’un montant de 0,5 million d’euros en AE et en CP (inchangée par rapport à 2023) relevant du programme 361 et soutenant des actions de recherche. Des annulations de crédit en cours d’exercice ont porté à 97 millions d’euros les CP disponibles en 2024.
L’INRAP bénéficie également de ressources non budgétaires importantes provenant de ses activités concurrentielles (82 millions d’euros en 2023) et du crédit impôt recherche (11,3 millions d’euros en 2023) auquel l’établissement peut prétendre en raison de son assujettissement à l’impôt sur les sociétés au titre des dépenses de recherche liées aux contrats de fouilles obtenus dans le secteur concurrentiel. Le taux de ressources propres s’élève ainsi à 45 %.
L’INRAP fait face à certaines tensions opérationnelles et financières.
Tout d’abord, un contentieux relatif à la qualification de la subvention pour charges de service public que reçoit l’INRAP, porté devant la CJUE en 2022, a conduit l’institut à provisionner 13 millions d’euros.
Ensuite, sur le plan des ressources humaines, si l’INRAP a su engager un vaste plan de valorisation des ressources humaines, encore près de 50 % des archéologues de l’INRAP devraient formuler une demande de départ à la retraite entre 2025 et 2030.
L’institut connaît depuis plusieurs années une activité élevée : en 2023, 83 000 journées dédiées à l’établissement de diagnostics archéologiques (y compris subaquatiques) et 146 000 journées dédiées à l’activité de fouilles ont été réalisées, soit un niveau sensiblement supérieur à celui observé en 2019 (75 716 journées de diagnostic et 129 916 journées de fouilles). En 2024, l’établissement anticipe la poursuite de cette hausse avec une projection de 154 000 journées de fouilles.
Ce haut niveau d’activité met en tension le modèle de financement de l’INRAP.
Tout d’abord, les activités non-concurrentielles (diagnostic, recherche et exploitation des résultats) sont structurellement déficitaires, et afficheraient en 2024 22 millions d’euros de pertes, après déduction de la subvention pour charges de service public versée par l’État, contre 5 millions d’euros en 2018. Celle-ci ne couvre que le coût de 60 000 jours de diagnostics. La hausse parallèle des activités concurrentielles, qui présenteraient en 2024 un léger excédent (2,5 millions d’euros), ne résorbe qu’une partie de ce déficit, qui se serait élevé, en l’absence d’un plan de maîtrise financière de l’INRAP, à 19 millions d’euros. Un déficit minimal de 10 millions d’euros serait à prévoir pour 2024.
Le niveau de prescription (3 500/an) serait structurellement supérieur à la capacité de l’INRAP à les réaliser (2 000/an). Bien qu’une partie des prescriptions soient abandonnées, et que 20 % soient confiées aux collectivités territoriales, le flux de prescription conduit à la création d’un déficit de 10 000 à 30 000 jours d’activité reporté sur l’exercice suivant. La réduction des opérations d’aménagement consécutive à la crise immobilière pourrait limiter cette croissance dans les années à venir, ce dont on ne peut évidemment se satisfaire.
Ce haut niveau d’activité conduit l’INRAP à ne pas pouvoir exécuter dans l’année de prescription un nombre important de diagnostics, égal à 531 en 2017, 1 600 en 2022 et 1 185 en 2023. Le stock de diagnostics non-réalisés dont les prescriptions remontent à moins de deux ans s’élèverait à 3 774. Sur ce point, comme lors de l’examen du PLF 2024, le rapporteur préconise de faire du taux de réalisation dans les douze mois de la prescription de diagnostic un critère de performance.
En outre, si les subventions de l’État ne pouvaient être réévaluées, cela impliquerait de réévaluer le niveau du flux de prescriptions formulées à l’attention de l’INRAP par les DRAC. En particulier, alors que le taux de transformation des diagnostics en fouilles demeure particulièrement faible (10 %, soit 10 diagnostics pour une prescription de fouille), l’amélioration de la précision des prescriptions de diagnostic semble constituer une piste d’action à explorer.
2. Le soutien apporté aux collectivités territoriales habilitées à réaliser des opérations de diagnostic archéologique : un soutien récemment revalorisé mais toujours inférieur aux besoins
Le programme 175 prévoit un crédit de 14,2 millions d’euros en AE et en CP pour compenser les frais engagés par les soixante-trois collectivités territoriales habilitées à réaliser des opérations de diagnostic archéologique préventif. Ce montant est identique à celui inscrit en 2023 et 2024.
Le maintien à l’identique de ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2025 suscite les réserves du rapporteur spécial, alors que le soutien financier à l’INRAP apparaît davantage élevé quel que soit le critère de comparaison retenu, comme l’illustrent les tableaux ci-dessous.
Répartition des diagnostics attribués et réalisés par l’Inrap
et les collectivités territoriales (n.B.)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Diagnostics réalisés |
||||
INRAP |
1 842 |
2 019 |
2 096 |
1 874 |
Collectivités territoriales |
498 |
570 |
606 |
560 |
Total |
2 340 |
2 589 |
2 702 |
2 434 |
Source : ministère de la culture.
Répartition des surfaces examinées entre les collectivités et l’Inrap
(en hectares)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
INRAP – Superficies |
5 635 |
4 895 |
5 231 |
6 169 |
Collectivités territoriales – Superficies |
1 505 |
1 436 |
1 699 |
1 572 |
Total |
7 140 |
6 331 |
6 930 |
7 741 |
Source : ministère de la culture.
Subvention à l’hectare versée par l’État
(en millions d’euros)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
INRAP |
0,017 |
0,020 |
0,018 |
0,015 |
Collectivités territoriales |
0,008 |
0,008 |
0,005 |
0,009 |
Source : ministère de la culture.
Le ministère de la culture a assorti ces données des précisions méthodologiques suivantes : « La subvention de fonctionnement versée à l’INRAP est destinée à financer ses activités non-concurrentielles au-delà des fouilles : diagnostics, valorisation, recherche, centres de conservation et d’étude. La subvention allouée aux services de collectivités territoriales est fonction de leur activité de diagnostics sur une période de référence. La majorité des collectivités territoriales ont par ailleurs la possibilité de choisir leurs diagnostics, parfois les plus rentables, ce qui n’est pas le cas de l’INRAP. La donnée pour l’INRAP et les services de collectivités n’est donc pas comparable » ([53]).
En dépit de ces réserves, les données transmises soulignent bien la différence entre l’INRAP et les collectivités territoriales en matière de financement de l’archéologie préventive. La subvention à l’hectare accordée à l’INRAP est ainsi près de trois fois supérieure à celle accordée aux collectivités territoriales.
Le programme 175 accorde un crédit – inchangé par rapport à 2024 – de 33,4 millions d’euros au Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP) dont l’INRAP assure la gestion pour le compte du ministère de la culture dans le but d’accorder des subventions à certaines personnes projetant d’exécuter des travaux ayant donné lieu à une prescription de fouille d’archéologie préventive ([54]).
D’autres dépenses complémentaires sont recensées :
– un montant de 9,9 millions d’euros en AE et en CP (stable) est dédié au financement des fouilles archéologiques programmées ([55]) ;
– un crédit de 5 millions d’euros en AE et en CP (en baisse de 0,5 million d’euros) soutient le fonctionnement des centres de conservation et d’étude et poursuit « le déploiement d’une stratégie immobilière pluriannuelle d’investissements » en faveur de ces structures ([56]) ;
– une subvention de fonctionnement de 2 millions d’euros en AE et en CP (inchangée par rapport à 2023 et 2024) est attribuée à la société d’économie mixte « Bibracte » gérant le site archéologique du Mont-Beuvray.
IV. Les actions 2 Architecture et sites patrimoniaux, 4 Patrimoine archivistique et 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques : des actions marquées par de faibles crédits d’acquisition
Les actions 2 Architecture et sites patrimoniaux, 4 Patrimoine archivistique et 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques financent diverses mesures patrimoniales pour un montant cumulé de 76 millions d’euros en AE et 98,6 millions d’euros en CP, en diminution de 53,3 millions d’euros en AE et en progression de 14,5 millions d’euros en CP par rapport à 2024.
A. L’action 2 Architecture et sites patrimoniaux
L’action 2 Architecture et sites patrimoniaux, d’un montant de 37,9 millions d’euros en AE et en CP (montants stables par rapport à 2024), finance principalement la Cité de l’architecture et du patrimoine à hauteur de 19,7 millions d’euros, sous la forme d’une subvention pour charges de service public de 19,1 millions d’euros et d’une subvention pour charges d’investissement de 0,6 million d’euros (montants stables). Différentes autres actions en faveur de l’architecture et du patrimoine sont également soutenues et intéressent principalement les études et travaux en espaces protégés dans le cadre des sites patrimoniaux remarquables (9,9 millions d’euros en AE et en CP), les réseaux régionaux de promotion de l’architecture (6,5 millions d’euros en AE et en CP) et des crédits subsidiaires en faveur notamment de l’Atelier international du Grand Paris (0,2 million d’euros en AE et en CP). Ces montants sont identiques à ceux de 2024.
Dans un rapport récent, la Cour des comptes a relevé que l’état des crédits dédiés aux études en sites patrimoniaux remarquables était « très faible ». Le rapporteur spécial partage cette appréciation ([57]) et regrette la baisse en valeur réelle des crédits correspondants prévus pour 2025.
B. L’action 4 Patrimoine archivistique
L’action 4 Patrimoine archivistique soutient, à hauteur de 29 millions d’euros en AE et de 51 millions d’euros en CP, le fonctionnement de différents acteurs en matière d’archives. Ces crédits sont en forte baisse en AE (– 53,3 millions d’euros, soit un retour au niveau d’AE de la LFI 2023) et en hausse modérée en CP (+ 14,5 millions d’euros) par rapport à 2024.
La très forte baisse des autorisations d’engagement s’explique par le lancement fin 2024 du projet d’extension du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (qui a reçu 54,7 millions en AE en LFI 2024). Ce projet, qui figure dans la programmation des grands travaux précitée, vise à répondre à la saturation programmée de la capacité de stockage en créant 100 km linéaires d’archives. Ces dépenses d’investissement sont complétées par d’autres dépenses soutenant la poursuite des travaux relatifs au schéma directeur des Archives nationales sur le site de Paris (1,5 million d’euros en AE et 5,7 millions d’euros en CP) et l’investissement courant des Archives nationales (1,6 million d’euros en AE et en CP).
L’action 4 porte également les crédits de fonctionnement de quatre services centraux à compétence nationale du ministère de la culture : les Archives nationales, les Archives nationales d’outre-mer, les Archives nationales du monde du travail et le Centre national du microfilm et de la numérisation. Un montant de 14,8 millions d’euros en AE et en CP, identique à celui ouvert en LFI 2024, est prévu en faveur de ces services.
Le solde de l’action 4 est principalement constitué de crédits déconcentrés soutenant :
– la construction ou la rénovation de bâtiments de services d’archives territoriales (à hauteur de 7 millions d’euros en AE et en CP, stable) ;
– l’engagement d’opérations de restauration, de conservation, de numérisation ou de valorisation du patrimoine archivistique en région (à hauteur de 1 million d’euros soit un montant stable par rapport à 2023 et 2024) ;
– le soutien à des associations œuvrant en faveur de la conservation et la diffusion des archives (0,5 million d’euros en AE et en CP, montant stable par rapport à 2023 et 2024).
C. L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques
L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques soutient, à hauteur de 9,8 millions d’euros en AE et en CP (soit un montant inchangé par rapport à 2023 et 2024) différentes dépenses d’acquisition.
Un crédit de 2,5 millions d’euros en AE et en CP est prévu en faveur de la RMN-GP, du fonds du patrimoine ([58]) et de la direction générale des patrimoines et de l’architecture pour financer des acquisitions. Un crédit complémentaire de 3,3 millions d’euros en AE et en CP est partagé entre cinq opérateurs (CMN, cité de l’architecture et du patrimoine, musée Guimet, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou et musée du quai Branly) au titre de l’enrichissement des collections publiques appartenant à l’État. Un crédit de 3,9 millions d’euros en AE et en CP est prévu en faveur de l’acquisition et de l’enrichissement des collections publiques n’appartenant pas à l’État.
Si le rapporteur spécial est conscient que les crédits budgétaires soutenant l’enrichissement des collections publiques sont complétés par l’obligation statutaire faite à certains établissements ([59]) d’affecter une part de leurs ressources de billetterie aux acquisitions, il déplore néanmoins la faiblesse de ces crédits et observe que l’enrichissement des collections publiques repose aujourd’hui de manière prépondérante sur les dépenses fiscales.
2. La part prépondérante des dépenses fiscales dans l’enrichissement des collections publiques
Le rapporteur spécial a interrogé le ministère de la culture sur l’évolution des dépenses d’acquisition des musées nationaux par sources de financement. La Contribution du mécénat (art. 238 bis 0A du code général des impôts) représente en 2023 près de 45 millions d’euros, soit environ 60 % des sources de financement des acquisitions au profit des musées nationaux, contre 8,1 millions d’euros soit 25 % des sources de financement en 2012. La procédure relative aux trésors nationaux est particulièrement utile et a permis très récemment l’entrée dans les collections de la BNF du Bréviaire à l’usage de la Sainte Chapelle (1370).
Le rapporteur spécial n’est pas opposé au mécénat culturel, qu’il propose par ailleurs d’étendre. Il souligne cependant que son développement s’est accompagné d’une évolution erratique des crédits budgétaires dédiés aux acquisitions. D’un point de vue budgétaire, les crédits de l’action 8 dédiés à l’acquisition et l’enrichissement des collections publiques n’ont ainsi progressé que de 300 000 euros en sept ans.
Le rapporteur spécial plaide pour la détermination d’une trajectoire budgétaire de long terme destinée à soutenir les dépenses d’acquisition des musées et des opérateurs du programme 175. Si le recours au mécénat est aujourd’hui indispensable, il doit s’accompagner d’une revalorisation durable des crédits d’acquisition afin que les pouvoirs publics conservent une capacité d’action autonome.
3. Une variation sensible des emplois des opérateurs
Le financement des dix-huit opérateurs du programme 175 est réparti entre les différentes actions de ce programme. L’examen attentif des documents budgétaires fait apparaître une incertitude portant sur l’évolution de leurs emplois. Le projet annuel de performances mentionne ainsi, sans l’expliquer, la création de 274 ETPT hors plafond.
Le programme 175 comprend ainsi 10 324 ETPT rémunérés par des opérateurs contre 10 085 prévus en LFI 2024. Ce volume est décomposé en 9 966 emplois sous plafond (– 35 par rapport à 2024) et 393 emplois hors plafond (+ 274 par rapport à 2024). Cette hausse prononcée des emplois hors plafond (+ 230 %) s’explique notamment par la hausse des activités commerciales d’établissements affichant un fort taux de ressources propres, afin de faciliter leur développement. Il s’agit principalement du Château de Versailles (+ 53), du musée du Louvre (+ 26), de la RMN-Grand Palais (+ 105), du MUCEM (+ 17) et du musée d’Orsay (+ 13). L’augmentation du nombre d’ETPT hors plafond de l’INRAP (+ 32) répond quant à elle à une augmentation en 2024 du volume prévisible de fouilles, qu’avaient attesté les RAP 2024, témoignant d’un recrutement de 60 ETPT hors plafond à ce moment.
En sens inverse, la RMN‑Grand Palais a connu selon le RAP 2024 un déficit de 58 ETPT pour les emplois sous plafond (prévision de 890 ETPT sous plafond, réalisation de 832 ETPT) et une sur-exécution de 31 ETPT hors plafond (prévision de 61 ETPT hors plafond, réalisation de 92 ETPT). Interrogée par le rapporteur spécial, cette institution a indiqué que cela tient à la nature des fonctions susceptibles d’être occupées par des ETPT sous-plafond (emplois permanents, réduits avec les travaux) et hors plafond (emplois éphémères, accrus avec le mécénat et l’activité soutenue du Grand Palais éphémère).
V. LES DÉPENSES FISCALES associées au programme 175 : des DÉPENSES utiles mais lacunaires et À compléter
A. Les dépenses fiscales associées au programme 175 Patrimoines
Le programme 175 sert de support à 13 dépenses fiscales non bornées sur impôts d’État, dont le coût est estimé à 326 millions d’euros, en hausse de 34 millions d’euros par rapport à 2024. Ces prévisions demeurent incertaines : en exécution sur l’exercice 2024, le coût des dépenses fiscales associées au programme 175 devrait être supérieur de 51 millions d’euros aux prévisions initiales (241 millions d’euros), ce qui atteste de la difficile appréhension en l’état de ces mesures fiscales.
L’augmentation attendue s’explique par la remontée du coût de la dépense fiscale relative à la réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques (0 euro attendu en 2024, 14 millions d’euros attendus en 2025), et par une hausse des dépenses associées au taux de 5,5 % applicable aux livraisons d’œuvres d’art ou d’objets de collection ou d’antiquité (77 millions d’euros attendus en 2025, contre 57 millions en 2024).
Les dépenses fiscales associées au programme 175 sont les suivantes :
DÉpenses fiscales rattachÉes au programme 175 – Évaluations 2023-2025
(en millions d’euros)
|
Chiffrage 2023 |
Chiffrage 2024 |
Chiffrage 2025 |
Bornage |
Suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droit de mutation à titre gratuit |
105 |
105 |
105 |
Non |
Taux de 5,5 % TVA applicable aux livraisons d'œuvres d'art ou d'objets de collection ou d'antiquité, sauf lorsqu’elles sont soumises au régime particulier de la marge bénéficiaire |
56 |
57 |
77 |
Non |
Réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration d’immeubles bâtis situés dans les sites patrimoniaux remarquables (SPR), les quartiers anciens dégradés, et les quartiers du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : Nouveau dispositif Malraux |
41 |
40 |
40 |
Non |
Déduction du revenu global des charges foncières supportées par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine et non productifs de revenus |
23 |
27 |
28 |
Non |
Imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers supportés par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine (immeubles bâtis) |
48 |
48 |
48 |
Non |
Exonération de la taxe forfaitaire sur les bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité en cas de vente aux musées bénéficiaires de l’appellation « musée de France » ou aux services d’archives et bibliothèques de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique |
5 |
5 |
5 |
Non |
Exonération de la taxe forfaitaire pour les cessions et exportations de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité réalisées par des non-résidents |
5 |
5 |
5 |
Non |
Réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d’objets mobiliers classés monuments historiques |
1 |
1 |
1 |
Non |
Exonération des monuments historiques classés ou inscrits et des parts de SCI familiales détenant des biens de cette nature |
1 |
1 |
1 |
Non |
Exonération de TVA sur les objets d’art, de collection et d’antiquité, importés par les établissements agréés par le ministre chargé des affaires culturelles |
2 |
2 |
2 |
Non |
Exonérations de taxe d’archéologie préventive |
nc (non connu) |
nc |
nc |
Non |
Taux de 5,5 % applicable aux importations d’œuvres d’art, d’objets de collection, y compris en provenance d’autre État membre de l’Union européenne et pour les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit – taux de 10 % applicable aux livraisons d’œuvres d’art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leurs exploitations et chez qui elles ont ouvert droit à déduction de la TVA |
nc |
nc |
nc |
Non |
Réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de Trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques |
45 |
1 |
14 |
Non |
Exonération des mutations à titre gratuit ou onéreux portant sur des œuvres d’art, livres, objets de collection ou documents de haute valeur artistique ou historique et agréés, dont le nouveau propriétaire fait don à l’État |
0 |
0 |
0 |
Non |
Total |
285 |
241 |
249 |
|
Source : projet annuel de performances.
Dans son rapport spécial sur les crédits du programme 175 associés au PLF 2024, le rapporteur spécial avait souligné l’utilité de ces dépenses fiscales. Il renouvelle ces observations et a déposé plusieurs amendements proposant d’aménager ces dispositifs lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances.
B. Des dépenses fiscales pouvant être optimisées
Les aménagements à engager viseraient à optimiser certaines dépenses fiscales existantes et à les compléter par de nouveaux dispositifs.
1. Grâce à une meilleure évaluation
Comme les années précédentes, le rapporteur spécial déplore le manque d’information sur les bénéficiaires et l’efficacité de certaines dépenses fiscales associées au programme 175. Le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales n’est connu que pour quatre des douze dépenses fiscales et demeure inconnu pour les huit autres. En particulier, la suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droits de mutation à titre gratuit, d’un coût de 105 millions d’euros, affiche un regrettable défaut d’information sur ses bénéficiaires. Interrogé, le ministère de la culture indique ne pas connaître ces données issues de la DGFIP.
Seul le nombre de bénéficiaires de quatre dépenses fiscales est connu en 2023 :
– le dispositif « Malraux » de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration d’immeubles bâtis situés dans les sites patrimoniaux remarquables, les quartiers anciens dégradés et les quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (5 356 ménages bénéficiaires, 40 millions d’euros) ;
– la déduction du revenu global des charges foncières supportées par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine et non productifs de revenus (6 558 ménages bénéficiaires, 23 millions d’euros) ;
– la réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques (12 entreprises bénéficiaires, 45 millions d’euros) ;
– la réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d’objets mobiliers classés monuments historiques (193 ménages bénéficiaires, 1 million d’euros).
Dans un contexte de contraintes budgétaires et de nécessité de renforcer l’efficacité des dépenses fiscales, le rapporteur spécial prévoit d’approfondir la question en 2025.
2. Grâce à une meilleure utilisation
Dès à présent, le rapporteur spécial déplore que quatre dépenses fiscales existantes ne donnent pas satisfaction : l’exonération des mutations à titre gratuit ou onéreux portant sur des œuvres d’art ; la déduction du revenu global des charges foncières supportées par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits ; le dispositif d’exonération des droits de mutation ; la collecte de dons pour le patrimoine religieux.
La dépense fiscale relative à l’exonération des mutations à titre gratuit ou onéreux portant sur des œuvres d’art, livres, objets de collection ou documents de haute valeur artistique ou historique et agréés dont le nouveau propriétaire fait don à l’État n’a donné lieu à aucune utilisation depuis 2016. Selon le ministère de la culture, cette situation « semble résulter, d’une part, du fait de pâtir de la meilleure connaissance par les contribuables du mécanisme de la dation en paiement, qui fait l’objet d’une médiatisation régulière ([60]) , et, d’autre part, d’une compréhension insuffisante du fonctionnement de cet autre dispositif par les notaires, comptables et conseillers en patrimoine, qui ne le proposent probablement pas aux familles » ([61]) Selon le rapporteur spécial, une information spécifique devrait être développée sur ce point.
La déduction du revenu global des charges foncières supportées par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ou labellisés par la Fondation du patrimoine et non productifs de revenus, est peu utilisée pour sa partie relative à la Fondation du patrimoine (articles 156-II-1° ter du code général des impôts et L. 143-2 du code du patrimoine). Ainsi, en 2023, ce dispositif n’a bénéficié qu’à 1 681 immeubles non protégés. Le rapporteur spécial déplore que, comme l’a fait observer la Fondation du patrimoine lors de son audition, les conditions d’accessibilité des immeubles concernés aient été alignées par un décret du 16 février 2023 sur celles de l’ouverture des monuments historiques dans le cadre du régime fiscal de l’impôt sur le revenu pour les monuments historiques. Une ouverture de 40 ou 50 jours par an a été imposée. La Fondation du patrimoine considère à juste titre que ces exigences sont « surdimensionnées par rapport à la « modestie » des édifices soutenus » ([62]). La publication du décret n’a d’ailleurs pas suscité une vague particulière de dépôt de dossiers (4 en 10 mois). Le rapporteur spécial invite le Gouvernement à procéder en 2025 à un bilan de ce dispositif avant d’envisager son éventuelle adaptation.
La mise en œuvre du dispositif d’exonération des droits de mutation ne donne pas non plus satisfaction. Comme la Cour des comptes l’a observé en 2022, « pour faciliter la transmission d’un monument historique, la réglementation prévoit l’exonération, sous la condition notamment d’une ouverture au public, des droits relatifs à sa mutation à titre gratuit. Ce dispositif est à ce jour d’utilisation réduite : la direction de la législation fiscale estimait à 90 le nombre de cas au moment de l’enquête » ([63]).
La dépense fiscale en faveur de la préservation du petit patrimoine religieux présente un bilan mitigé.
Le 5 juin 2023, lors d’un déplacement au Mont-Saint-Michel, et le 15 septembre 2023 à l’occasion d’un déplacement sur le site de l’abbaye de Semur‑en‑Auxois, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures en faveur du patrimoine religieux :
– le lancement d’une campagne de protection au titre des monuments historiques d’édifices cultuels publics ou privés, dans le but notamment de rendre ces monuments éligibles à des subventions du ministère de la culture ([64]) ;
– la mobilisation par les préfets des crédits de soutien à l’investissement local (notamment ceux de la dotation d’équipement des territoires ruraux et de la dotation de soutien à l’investissement local) en faveur de la rénovation du patrimoine religieux propriété des collectivités dans les communes rurales ;
– le lancement d’une collecte nationale « Sauvons le patrimoine religieux de nos villages » avec la Fondation du patrimoine, inspirée de celle réalisée pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Selon le ministère de la culture, « cette collecte permettra de lever des dons pour financer les travaux de restauration et de sécurité incendie des édifices religieux des communes de moins de 10 000 habitants en métropole et moins de 20 000 en Outre-mer. Pour les dons jusqu’à 1 000 euros par an, l’État décide d’accorder exceptionnellement une déduction fiscale relevée à 75 % jusqu’à fin 2025 » ([65]). Le montant attendu de la collecte était estimé aux environs de 200 millions d’euros sur quatre ans et devait servir à soutenir 1 000 lieux de culte, toutes religions confondues. La gestion de la collecte et la sélection des édifices lauréats ont été confiées à la Fondation du Patrimoine, en lien avec les DRAC pour les monuments historiques.
– la réservation de 10 % des fonds collectés à des dépenses d’études et d’ingénierie (incluant, selon la direction générale des patrimoines et de l’architecture, des formes d’assistance à maîtrise d’ouvrage).
Le rapporteur spécial considère que ce plan représente un premier pas en avant et essaie de répondre à l’état de dégradation du patrimoine religieux, notamment de proximité. Comme le ministère de la culture le rappelle dans son communiqué de presse, « sur l’ensemble du territoire national, 5 000 édifices religieux sont dans un état sanitaire qui fait craindre pour leur pérennité et nécessitent une intervention urgente ([66]) ».
Force est cependant de constater que le dispositif a manqué sa cible. Devant l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture avait reconnu le 19 mars 2024 que « certains diront que ce n’est pas vraiment un succès ; ils ont raison et c’est pour cela que je souhaite en revoir les modalités ». Une première réforme en avril 2024 a consisté à permettre aux donataires d’affecter leurs dons à un édifice religieux particulier, afin de créer un sentiment de proximité entre l’argent collecté et son utilisation, ce qui semble une des conditions du succès.
Lors de son audition par le rapporteur spécial, la Fondation du Patrimoine a évalué à 11,9 millions d’euros le montant total des collectes et à 38 000 le nombre de donateurs. Sur ces 11,9 millions d’euros, 9 millions d’euros ont été collectés au bénéfice de projets particuliers. À l’opposé, la collecte nationale non-affectée à un projet en particulier n’a pu susciter que 2,9 millions d’euros de dons. La faiblesse des montants collectés par rapport aux objectifs initiaux (200 millions d’euros sur quatre ans) illustre bien que les collectes individualisées se révèlent davantage efficaces.
En complément, le rapporteur spécial émet le vœu que, dans le prochain projet annuel de performances de la mission Culture, la dépense fiscale relative à la sauvegarde du patrimoine religieux soit rattachée au programme 175 Patrimoines.
3. Avec la création ou l’évolution de certaines dépenses fiscales favorisant un meilleur entretien du patrimoine
Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025, le rapporteur spécial a déposé en séance trois amendements proposant :
– de réduire (de 15 ans à 10 ans) la durée minimale de conservation d’un bien reconnu monument historique bénéficiant de la déduction des revenus fonciers des intérêts d’emprunt et des charges de restauration et d’entretien de ce bien ([67]) ;
– de retirer les monuments historiques classés ou inscrits de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière ([68]) ;
– d’ouvrir la possibilité aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale d’instituer une majoration de 20 % de la taxe de séjour pour des actions d’entretien ou de restauration de tout élément du patrimoine local faisant l’objet d’une mesure de protection relevant du code du patrimoine ou engagée avec le concours de la Fondation du patrimoine ([69]) .Sur ce point, la ministre de la culture avait reconnu le 5 juin 2024 que « c’est une discussion que l’on doit avoir » mais qui ne concerne pas uniquement le ministère de la culture. Il a été adopté en séance.
Le ministère de la culture a publié en mars 2019 un État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques ([70]) dont les conclusions indiquent que plus de 20 % des monuments historiques sont « en péril » ou en « mauvais » état. Ainsi, en 2018, plus de 18 000 monuments historiques étaient en état de péril ou en mauvais état. Sur la base de ces données, la Cour des comptes a considéré que « l’état du patrimoine […] reste préoccupant » d’autant plus que les données de l’état sanitaire sont incomplètes puisque cette étude n’a couvert que « 86 % de l’ensemble des monuments historiques » ([71]).
Face à ce constat, la politique en faveur du patrimoine ne peut pas se contenter de grands programmes de restaurations tardifs, conséquence d’un défaut d’entretien des bâtiments.
En dépit de certains aspects favorables, qu’il convient de souligner et de saluer dans le contexte budgétaire actuel, les crédits du programme 175 Patrimoines ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. L’amendement de crédits annoncé par le Gouvernement serait dans ce contexte particulièrement nécessaire et bienvenu. Un effort d’optimisation est en outre à opérer pour corriger notamment les différentes aspérités relevées dans ce rapport ; qu’il s’agisse de l’insuffisance et de la sous-exécution récurrente des crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État, des fragilités de la programmation des grands travaux, du nécessaire accroissement des crédits soutenant l’archéologie préventive ou du besoin d’amélioration de plusieurs dépenses fiscales pour faciliter et renforcer la réalisation de travaux par les propriétaires privés.
Pour autant, l’État ne peut pas tout. La prise de conscience des Français, la mobilisation croissante des collectivités territoriales, les actions de la Fondation du patrimoine et de nombreuses autres structures (Fondation pour la sauvegarde de l’art français, La demeure historique, Fondation du bien commun etc.) et l’évolution du mécénat d’entreprise observés ces dernières années, sont à cet égard salutaires et rassurantes pour l’avenir. Encore faudra-t-il accompagner et faciliter au mieux ce mouvement, alors que les menaces sur notre patrimoine n’ont jamais été aussi nombreuses, le vandalisme et les actes de malveillance venant s’ajouter aux outrages du temps.
Il est par ailleurs indispensable que la réflexion suggérée par un récent rapport sénatorial et engagée par la Conférence des évêques de France, sur la diversification des usages de notre patrimoine religieux, puisse aboutir. Il est en effet difficile, localement, de mobiliser d’importants crédits pour un monument qui serait trop souvent fermé.
En tout état de cause, l’effort en faveur du patrimoine ne saurait se résumer à l’accroissement des moyens financiers. C’est, plus largement, une prise de conscience partagée de son importance et de ses nécessaires réappropriations et transmission qui doivent être à l’ordre du jour, grâce à l’adoption d’une grande loi de programme que le rapporteur spécial appelle de ses vœux.
*
* *
Au cours de sa réunion du 06 novembre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Culture.
Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté 16 d’entre eux, et avec un avis d’abstention du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission Culture.
Mission Culture (MM. Jean-René Cazeneuve et M. Philippe Lottiaux, rapporteurs spéciaux)
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Avec 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement, le budget des programmes 131 Création, 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture et 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture a été préservé. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, les crédits augmentent de 86,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) – soit 3,2 %, donc un peu plus que l’inflation – et de 6,7 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Les crédits de la mission sont globalement stables, à 3,9 milliards d’euros.
Dans le contexte budgétaire, il nous faut nous réjouir du maintien des crédits de la culture à leur plus haut niveau, en hausse de 1 milliard d’euros par rapport à 2017. J’insiste cependant sur le fait que ces crédits ne peuvent à eux seuls résumer l’effort de l’État en faveur de la culture. Selon le jaune annexé au PLF, cette année encore, ce sont près de 10 milliards d’euros qui sont dédiés à la culture.
Je tiens à saluer le déploiement du plan Culture et ruralité, avec dix mesures dans deux programmes de la mission. Alors qu’un tiers des Français vivent en milieu rural, ses objectifs – valoriser la culture locale, soutenir les acteurs de proximité, faciliter la mobilité des artistes, des œuvres et des publics, et enfin mieux accompagner les porteurs de projets – sont fondamentaux. Chacun ici reconnaîtra que l’accès à la culture est assez différent dans les métropoles et dans nos territoires ruraux.
Outre ce dispositif qui constitue une ligne directrice de la mission, voici les grandes orientations pour 2025.
Les crédits du programme 131 progressent de 3,2 % en AE et sont stables en CP. Ils financent les aides aux festivals qui font vivre nos territoires ruraux, lesquelles sont maintenues au niveau de 2024, avec 32 millions d’euros – j’ai une petite pensée pour Jazz in Marciac ; 9 millions d’euros sont consacrés à la poursuite du plan « mieux produire, mieux diffuser », où 1 euro financé par l’État correspond à 1 euro minimum financé par les collectivités territoriales ; le soutien à l’emploi artistique et aux artistes auteurs bénéficie de 72 millions d’euros ; les dotations aux opérateurs sont en hausse de 6 millions d’euros.
S’agissant du programme 361, les crédits augmentent de 3,4 % en AE et diminuent de 2,1 % en CP dans un contexte budgétaire contraint. Grâce à un effort partagé, des mesures nouvelles sont financées : 7 millions d’euros pour le plan Culture et ruralité ; 5 millions d’euros en faveur de l’éducation artistique et culturelle en temps scolaire. Je soutiens le pass culture, dont la réussite est réelle, comme en témoigne le nombre croissant de bénéficiaires, ce qui est plutôt rare en matière de service public. Je serai cependant attentif aux inflexions que certains pourront proposer sur son utilisation. Par ailleurs, les crédits en hausse permettent d’envisager des investissements structurants dans les établissements nationaux de l’enseignement supérieur culturel.
Enfin, les crédits du programme 224 progressent de 3 %, du fait notamment de la hausse des crédits de la masse salariale, du financement de la protection sociale complémentaire ainsi que de la valorisation du glissement vieillesse technicité.
La stabilité des crédits est une marque de responsabilité dans un contexte contraint. Je souhaite insister sur l’importance du soutien public à la culture, partagé entre l’État et les collectivités territoriales. Plus de la moitié des financements publics proviennent des collectivités territoriales L’État ne peut se substituer aux collectivités, même si certaines se désengagent, je le constate, et réduisent une partie de leurs subventions.
Avant de conclure, je voudrais saluer le travail collectif de nos collègues, qui ont déposé un nombre raisonnable d’amendements. En revanche, j’observe une opposition assez radicale, scindée en deux blocs : d’un côté, le Nouveau Front populaire propose tout simplement de doubler les crédits de la culture ; de l’autre, le Rassemblement national propose d’en supprimer à peu près 500 millions d’euros, sans autre explication que la rationalisation des dépenses, ce qui évidemment porterait une atteinte importante à une politique publique qui est à l’honneur de notre pays.
J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 131, 224 et 361.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial (Patrimoines). Les crédits du programme 175 s’inscrivent dans la continuité de 2024, du moins en crédits de paiement. En hausse de 7 millions d’euros, ils s’établissent à 1 201 millions d’euros, répartis entre Monuments historiques et patrimoine monumental, pour 492,8 millions d’euros, Architecture et sites patrimoniaux, pour 37,8 millions d’euros, Patrimoine des musées de France, pour 441,9 millions d’euros, Patrimoine archivistique, pour 50,9 millions d’euros, Acquisition et enrichissement des collections publiques, pour 9,7 millions, et Patrimoine archéologique, pour 167,7 millions d’euros.
On note en revanche une forte baisse des autorisations d’engagement, de 23,1 %, essentiellement liée au fait que les crédits du schéma directeur technique du centre Pompidou ont été inscrits en 2024. Cependant, cette diminution pose problème pour les travaux à réaliser à Versailles, nous y reviendrons.
Le programme comporte treize dépenses fiscales pour un montant estimé de 326 millions d’euros, soit une hausse de 34 millions d’euros. Certaines de ces dépenses mériteraient d’être mieux évaluées, voire d’évoluer à la marge pour être plus efficientes.
Je relève plusieurs motifs de satisfaction : les grandes dotations sont maintenues. Elles permettent de lancer ou de mener à bien des projets importants – Centre Pompidou, archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, château de Gaillon, cathédrale de Nantes, tours de La Rochelle, reconversion du site de Clairvaux. En outre, 12 millions d’euros sont consacrés au plan de sécurité des cathédrales appartenant à l’État.
Il demeure cependant des points d’inquiétude. Tout d’abord, comme le soulignait la Cour des comptes, nous devons faire face à un volume très important de crédits de paiement pour mener en parallèle plusieurs grands projets. Le reste à payer sur des opérations engagées s’élève à 1 043 millions d’euros.
Ensuite, plusieurs projets doivent être suivis de près. D’abord, les autorisations d’engagement pour mener à bien les travaux du château de Versailles ne sont pas suffisantes – elles baissent de 18 millions d’euros. Ensuite, il convient de veiller à la maîtrise du coût du schéma directeur technique du centre Pompidou ainsi qu’à la bonne réalisation du schéma directeur culturel, pour lequel le centre doit trouver de l’ordre de 200 millions d’euros de ressources propres. Des efforts importants sont faits en ce domaine, notamment grâce à des coopérations internationales qu’il faut saluer, mais tout n’est pas encore bouclé. Le devenir de l’appel à manifestation d’intérêt pour le site de Clairvaux, pour lequel 13 millions d’euros sont inscrits cette année, est une source de préoccupation tant l’opération est complexe et potentiellement coûteuse. Enfin, pour achever la seconde phase de Villers-Cotterêts, il faut trouver un opérateur pour construire un hôtel et plus globalement assurer l’équilibre du fonctionnement du site.
À cela s’ajoutent plusieurs problèmes structurels, parmi lesquels le trop faible montant des crédits d’entretien du Centre des monuments nationaux, qui ne lui permettent pas d’effectuer les interventions nécessaires pour les 110 monuments dont il a la charge. L’État est donc amené parfois à mener en urgence des opérations d’investissement lourdes, comme c’est le cas cette année pour les tours de La Rochelle.
Deuxièmement, en raison de son déficit structurel, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) ne peut pas faire face à toutes les prescriptions de diagnostic et les délais s’allongent. Faute de solution budgétaire, peut-être faudra-t-il revoir à la baisse le nombre de prescriptions.
Troisièmement, les besoins d’entretien du petit patrimoine local, notamment religieux, ne sont pas satisfaits alors que nombre de monuments sont en péril ou en mauvais état.
Quatrièmement, on peut regretter que le plan « sécurité cathédrales » ne soit pas étendu aux anciennes cathédrales n’appartenant pas à l’État.
Certes, l’État ne peut pas tout, comme on l’entend parfois. Il convient néanmoins de trouver les moyens de protéger et de valoriser le patrimoine. Parmi les pistes à explorer, je mentionnerai : le soutien des agences d’ingénierie départementales aux petites communes, qui ont un réel besoin d’accompagnement ; la suppression de la taxation du loto du patrimoine, afin que l’intégralité des recettes profite immédiatement à nos monuments ; ou le renforcement de certains dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires privés de monuments historiques.
Je vous invite à vous abstenir sur les crédits du programme Patrimoines. Mon avis est susceptible d’évoluer favorablement si l’annonce de crédits supplémentaires pour répondre aux besoins que j’ai mis en exergue se confirmait.
Article 42 et état B
Amendement II-CF3035 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à réduire de 3,7 % la subvention pour charges de service public du musée du Louvre. En effet, en janvier 2024, le prix du billet a augmenté de 30 %, passant de 17 à 22 euros, ce qui nuit au service public offert à la population, en particulier en matière d’inclusion. Cette hausse des recettes aurait dû au moins permettre d’alléger la contribution de l’État.
On ne peut pas solliciter à la fois le contribuable et l’usager. Il n’y a donc pas de raison d’augmenter encore les crédits alloués au musée du Louvre.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Les crédits du Louvre restent stables pour 2025, ce qui veut dire que l’inflation n’est pas prise en compte. En parallèle de l’augmentation de 2024, un système de jauge des visiteurs a été instauré et des projets de rénovation ont été menés, notamment dans deux salles souterraines. Avis défavorable donc, même si le renforcement des ressources propres de plusieurs institutions doit être un objectif.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF852 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement vise à générer une économie de 565 000 euros en gelant les subventions pour charges de service public aux opérateurs de l’État en matière de patrimoine culturel et d’architecture.
Les opérateurs de l’État ont vu leur subvention reconduite à l’identique, à l’exception de deux qui ont bénéficié d’une augmentation : le musée Picasso pour 500 000 euros et la cité de l’architecture et du patrimoine pour 65 000 euros. Tous les opérateurs doivent participer à l’effort de redressement budgétaire.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’augmentation est justifiée par les travaux du Centre d’études Picasso, consacré aux archives liées à l’artiste, qui doit ouvrir l’année prochaine. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF2262 de Mme Caroline Parmentier
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Avis favorable. Cet amendement appelle à réfléchir à l’évolution des ressources propres de certains musées, afin de réduire leur dépendance financière vis-à-vis de l’État. Les subventions publiques ne peuvent pas augmenter indéfiniment.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CF2141 de M. Idir Boumertit
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Avis défavorable. La gratuité est déjà largement pratiquée dans les musées, on ne saurait aller au-delà.
La commission rejette l'amendement.
Suivant les avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF2160 de M. Idir Boumertit et II-CF2142 de M. Raphaël Arnault.
Amendements II-CF2323 de M. Charles Alloncle et II-CF3003 de M. Jérémie Patrier-Leitus (discussion commune)
M. Gérault Verny (UDR). L’amendement II-CF2323 propose de réduire de 150 millions d’euros le budget alloué au spectacle vivant, qui, souvent, n’est pas de grande qualité, et d’augmenter de 75 millions d’euros le budget alloué au patrimoine, qui est dans un état de dégradation avancé.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (Patrimoines). Nous proposons de créer un fonds de sauvegarde et de valorisation du patrimoine religieux, financé par un droit d’entrée de 5 euros pour les visiteurs de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Je suis conscient que le sujet est polémique, mais il mérite une réflexion. L’État accorde déjà des ressources importantes à l’entretien des 71 000 lieux de culte que compte le pays ; la ministre de la culture vient encore d’annoncer 300 millions d’euros supplémentaires pour le patrimoine. Les collectivités locales mobilisent elles aussi des fonds pour entretenir leur patrimoine religieux, aux côtés des mécènes privés ou de la Fondation du patrimoine. Mais cela ne suffit pas : les églises rurales, en particulier, sont en péril. Mon amendement permettrait d’y affecter 50 millions d’euros.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Je suis favorable à l’amendement II-CF2323, même si je regrette qu’il ne détaille pas davantage les économies qu’il propose de réaliser. En revanche, j’émets un avis défavorable sur le II-CF3003, bien que j’y sois favorable sur le fond. En effet, le sujet est trop important pour être traité à l’occasion d’un amendement au PLF. Il faudrait au préalable réviser la loi de 1905, recueillir l’avis de la Conférence des évêques de France, affectataire des édifices, et réfléchir à une extension du droit d’entrée à d’autres lieux de culte, comme plusieurs collectivités locales pourraient en faire la demande.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je suis atterrée par l’amendement II-CF2323 : comment peut-on envisager de réduire le soutien au spectacle vivant ?
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. J’insiste sur le fait que le II‑CF3003 est un amendement d’appel. Il est important de réfléchir à la manne financière que pourraient représenter les 15 millions de visiteurs annuels de Notre-Dame pour entretenir le patrimoine religieux. J’entends que les lieux de culte doivent être accessibles gratuitement, mais Notre-Dame de Paris est aussi un lieu touristique.
M. Philippe Juvin (DR). Je comprends votre intention de mieux entretenir le patrimoine religieux, mais votre proposition obligerait à revoir la loi de 1905, dont l’article 17 est on ne peut plus clair : « La visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance. »
Mme Constance Le Grip (EPR). Il ne me paraît absolument pas opportun de faire payer l’entrée de Notre-Dame, même si je suis consciente qu’il faut trouver des ressources supplémentaires pour restaurer le patrimoine religieux, en particulier dans les villes moyennes et les villages. Cela mériterait, en tout cas, un vrai débat de société.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. La loi de 1905 prévoyait surtout que l’accès aux cultes soit gratuit, ce que garantit mon amendement en exemptant les pèlerins de droit d’entrée. De nombreux lieux de culte pratiquent déjà un accès payant en France, comme l’abbaye du Mont-Saint-Michel, la basilique de Saint-Denis, la Sainte-Chapelle – qui est, certes, désacralisée – ou encore, avant l’incendie, les tours de Notre-Dame, son trésor et sa crypte.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes nombreux à considérer que le patrimoine mérite davantage de crédits, sachant que 23 % de nos monuments historiques sont en mauvais état ou en péril, sans qu’il me paraisse du reste important de préciser s’ils sont religieux ou non. La commission des affaires culturelles et de l’éducation a voté un amendement en ce sens, mais avec une visée plus large, en appelant bien sûr à lever le gage.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nul ne peut nous accuser de ne pas vouloir financer le patrimoine. Nous estimons toutefois que la responsabilité en incombe à l’État. Le groupe La France insoumise est défavorable à la logique de mécénat qui contraint de plus en plus les établissements à trouver des financements propres, et qui explique d’ailleurs que le patrimoine se détériore. Imposer un droit d’entrée à Notre-Dame nous paraît tout aussi dangereux. Comment distinguer un touriste d’un croyant qui vient assister à un culte ? Les lieux dont nous sommes fiers parce qu’ils font partie de notre patrimoine national doivent être financés en dehors de toute marchandisation ; nous prônons même une gratuité plus large, comme en témoignent nos amendements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Faire payer un droit d’entrée dans les églises supposerait de modifier l’article 17 de la loi de 1905. Agissons avec prudence. Vous dites vouloir exempter les pèlerins, mais les offices religieux ne sont pas fréquentés par des pèlerins, mais par des croyants : comment les distinguerez-vous des simples visiteurs ? Faudra-t-il fermer les églises au culte quand elles sont ouvertes aux touristes, et inversement ? Le sujet mérite une réflexion plus approfondie. Je vous invite donc à retirer vos amendements.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Le code de la propriété publique prévoit depuis 2006 la possibilité d’organiser des visites payantes dans les lieux de culte, et cela se pratique déjà. Il en est de même à l’abbaye de Westminster, à la Sagrada Familia et dans les cathédrales et les églises italiennes, où l’on peut assister librement au culte ou payer l’entrée en tant que visiteur. Une grande partie de notre patrimoine religieux est dans un état lamentable ; or il est à 75 % la propriété de communes de moins de 3 000 habitants. L’argent de l’État et des communes ne saurait suffire à le restaurer. Il serait dommage de se priver des recettes de touristes chinois et américains, qui trouvent par ailleurs normal de payer l’entrée dans d’autres monuments.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2040 de M. Philippe Lottiaux
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’État a lancé un plan « sécurité cathédrales » de 12 millions d’euros, qui fonctionne bien et présente l’avantage d’identifier les crédits consacrés spécifiquement à la sécurité. Nous proposons de l’étendre aux anciennes cathédrales n’appartenant pas à l’État, comme celles de Lyon, Vézelay ou Lisieux, qui relèvent du budget des collectivités territoriales.
La commission rejette l'amendement.
Suivant les avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements identiques II-CF593 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF99 de Mme Sophie Taillé-Polian.
Amendement II-CF98 de Mme Sophie Taillé-Polian, et amendements identiques II‑CF594 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2139 de M. Raphaël Arnault (discussion commune)
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Mon amendement propose d’abonder le fonds incitatif et partenarial de 6 millions, afin de soutenir les collectivités territoriales dans l’entretien et la valorisation du patrimoine local.
Premières propriétaires de biens immobiliers culturels, les collectivités – en majorité des petites communes – détiennent 41 % des monuments historiques protégés, mais n’ont pas les moyens de les entretenir. Les directions régionales des affaires culturelles manquent elles aussi de moyens humains pour les accompagner, en particulier en matière d'ingénierie. Elles ont pourtant une mission de conseil, d'expertise scientifique et technique ainsi que d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Ne laissons pas les élus locaux assister à la lente dégradation de ce patrimoine ; aidons-les à le sauvegarder.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. J’approuve ces amendements sur le fond mais mon avis est défavorable, car ils sont satisfaits par le vote de l’amendement II-CF593.
La commission rejette l'amendement II-CF98.
Elle adopte les amendements identiques II-CF594 et II-CF2139.
L’amendement II-CF2042 de M. Philippe Lottiaux est retiré.
Amendements II-CF2169 et II-CF2168 de Mme Sophie Mette (discussion commune)
Mme Sophie Mette (Dem). Nous souhaitons augmenter les moyens alloués au plan Action cœur de ville afin de valoriser le patrimoine des petites communes.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Des moyens existent – et ont été renforcés – pour soutenir le patrimoine des petites communes. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir une ligne spécifique dans le plan Action cœur de ville. Avis défavorable.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Il faut prendre la mesure des restaurations nécessaires. Ne serait-ce que pour les cinquante-huit communes de ma circonscription, elles se chiffrent à 20 millions d’euros. Les moyens que nous prévoyons ici sont de toute façon bien inférieurs aux besoins des communes qui voient leurs églises s’effondrer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2127 de M. Raphaël Arnault
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. J’avais déposé un amendement similaire en 2023. Depuis, la direction générale des patrimoines et de l’architecture nous a indiqué qu'au regard du contexte de resserrement budgétaire, l’Association nationale pour l’archéologie de collectivité territoriale et l’Assemblée des départements de France n’avaient pas souhaité donner suite à une démarche d’augmentation des crédits. Je ne serai pas plus royaliste que le roi : avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CF2145 de M. Raphaël Arnault
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Le PLF prévoit de maintenir le budget de l’Inrap au niveau de 2024, ce qui ne permettra pas à ce dernier de remplir correctement ses missions. La ministre de la culture semble pourtant avoir fait de la préservation du patrimoine une priorité. L’Inrap fait face à une situation particulière : la majorité de ses archéologues ont été embauchés à sa création et s’apprêtent à prendre leur retraite. Afin de revaloriser ses métiers et de lui permettre de recruter de nouveaux archéologues, nous proposons d’augmenter de 5 millions sa subvention pour charges de service public. Cette disposition avait été adoptée l’année dernière, avant d’être balayée par le 49.3.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’Inrap souffre d’un déficit structurel de 10 millions d’euros. La baisse des constructions réduit certes le besoin de diagnostics, mais il est nécessaire d’augmenter sa subvention. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2199 et II-CF2197 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous souhaitons développer les missions d'identification des biens culturels ayant fait l’objet d’une appropriation illicite, en particulier lors de la colonisation, et des restes humains présents dans les collections publiques, en vue de leur restitution aux États étrangers et aux collectivités d’outre-mer qui en font la demande.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Les biens culturels ayant fait l’objet d’une appropriation illicite doivent faire l’objet d’une loi-cadre ; attendons de connaître le chiffrage qui sera fait à cette occasion.
Par ailleurs, les restes humains sont conservés par le Muséum national d’histoire naturelle, qui ne dépend pas du ministère de la culture. Son budget s’établissant à 165 millions d’euros, je ne suis pas certain que 2 millions d’euros supplémentaires soient nécessaires. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Le rapport Sarr-Savoy de 2018 évoque jusqu’à 70 000 objets africains qui pourraient être à restituer, mais aussi une montagne de difficultés juridiques. Il est donc prématuré d’affecter des crédits à cette mission : cela ne correspond pas à un besoin immédiat.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si, il y a un besoin immédiat. Les collections de nos musées abritent des milliers d’objets de différentes natures et provenances dont nous avons besoin de mieux connaître l’histoire et le mode d’acquisition. Faute de moyens humains pour les recenser, ils restent au fond des réserves alors que des communautés d’outre-mer et des pays étrangers les réclament.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Il est urgent de dégager des moyens pour cette mission. Une loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques a été votée l’année dernière ; elle doit notamment permettre de traiter le sujet des crânes de résistants algériens tués au XIXe siècle. Le manque de moyens empêche d’expertiser les biens pour identifier leurs ayants droit et les restituer, et ainsi faire table rase du passé pour pouvoir avancer. Il est temps de rendre ce qui ne nous appartient pas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques II-CF597 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF122 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Ces amendements ne sont pas à leur place ici. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CF2201 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit de créer un dispositif d’aide au spectacle vivant dédié au surtitrage et aux matériels destinés aux personnes sourdes ou malentendantes. Le fonds dont dispose le ministère de la culture à cet effet est notoirement insuffisant et ne permet pas à toutes les compagnies de se doter de tels équipements. Il est urgent d’y remédier.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. L’accessibilité des spectacles aux personnes en situation de handicap doit être généralisée. C’est d’ailleurs un objectif présent dans toutes nos politiques publiques. Mais je crois que, plutôt que d’abonder le fonds du ministère de la culture, il conviendrait de demander aux acteurs du monde culturel de faire un effort en la matière.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le travail que j’ai mené avec Alexandre Holroyd, ancien rapporteur de la présente mission, a démontré que les crédits du ministère de la culture étaient insuffisants pour répondre aux demandes de tous les établissements culturels.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2140 de M. Raphaël Arnault, II-CF778 de Mme Sandra Regol et II-CF598 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (discussion commune)
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). De nombreux dispositifs sont destinés à permettre l’accès à la culture des personnes malentendantes et malvoyantes, tels que les livres faciles à lire et à comprendre, les séances de cinéma relax, réservées aux personnes ayant un handicap mental, ou l’usage du braille. Cela a un coût. Le PLF affecte 2 millions d’euros de crédits déconcentrés aux associations œuvrant pour l’accès à la culture et à la pratique artistique des personnes en situation de handicap. Au regard des besoins identifiés, nous proposons d’augmenter ces crédits de 1 million d’euros.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les personnes malvoyantes ou non voyantes ont peu de choix en matière de lecture, et pour cause : la production d’un livre en braille coûte en moyenne 700 euros ; son prix de vente par les associations qui les éditent se situe aux alentours de 70 euros. Est-il normal qu’une partie de la population française n’ait pas accès à la lecture en raison de l’insuffisance des crédits ? L’amendement II-CF778 vise à accroître les fonds alloués aux associations de 1 million d’euros, ce qui est une faible somme au regard du prix unitaire d’un ouvrage.
M. Frédéric Maillot (GDR). Le constat est sidérant : 52 % des personnes en situation de handicap jugent l’accès à la culture difficile. Nous devons rendre les œuvres culturelles et la pratique artistique plus accessibles – une association d’aveugles de La Réunion m’a demandé d’insister fortement sur ce point. Je propose d’abonder de 500 000 euros le programme Patrimoines pour développer la traduction des documents des musées en facile à lire et à comprendre, ce dont les petites structures n’ont souvent pas les moyens.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Demande de retrait. Les amendements II-CF778 et II-CF598, relatifs à l’usage du braille, me paraissent davantage relever de la mission Médias, livre et industries culturelles, tandis que l’amendement II-CF2140 concerne des politiques transversales – car chacun doit accomplir un effort pour renforcer l’inclusion.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je considère, pour ma part, que ces amendements sont à leur place au sein de cette mission.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’amendement II-CF598 concerne spécifiquement les musées. En effet, les grands établissements disposent de l’expertise et des fonds nécessaires pour développer la traduction en facile à lire et à comprendre – le Louvre, par exemple, l’a fait – mais les petits musées n’en ont pas les moyens. Cet amendement avait déjà été adopté en 2023, mais n’avait pas été retenu après application du 49.3. Je maintiens l’avis favorable donné l’année dernière.
La commission rejette successivement les amendements II-CF2140 et II-CF778.
Elle adopte l’amendement II-CF598.
Suivant l’avis de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF71 de Mme Soumya Bourouaha.
Amendement II-CF2196 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous proposons de créer un musée national dédié à l’histoire des colonisations. En effet, aucun espace muséal ne traite spécifiquement de cette question pourtant essentielle dans notre histoire. Cette proposition avait été émise notamment par Robin Reda dans un rapport d’information sur le racisme.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Défavorable. Un certain nombre d’institutions développent des projets en ce sens, tels que le palais de la Porte dorée, qui consacre une place centrale à la décolonisation dans le cadre de son exposition permanente et d’expositions temporaires, ou le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Votre projet trouverait peut-être plus sa place au sein d’un musée plus général de l’histoire de France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2263 de Mme Caroline Parmentier
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel vise à relancer le débat sur la création d’une maison de l’histoire de France. Ce projet, qui a été évoqué il y a quelques années, doit être replacé au cœur du débat. Il suppose de déterminer un lieu, en lien avec les Archives nationales, une structure juridique, et un mode de financement.
M. Frédéric Maillot (GDR). Mme Taillé-Polian n’a pas tort car les musées, s’ils traitent de la colonie, n’évoquent pas spécifiquement la décolonisation ; les musées de La Réunion se penchent sur l’esclavage, mais non sur la personne esclavisée. Nous nous battons pour la reconnaissance des véritables héros de la colonisation et de l’esclavage, autrement dit de nos marrons.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Collègues du Rassemblement national, si vous passiez un peu moins de temps à déposer des amendements pour réduire les crédits de la mission Culture, vous sauriez que beaucoup de musées sont dédiés à l’histoire de France, tels le musée de l’immigration – qui, ne vous en déplaise, fait partie de notre histoire – ou de nombreux musées locaux. Lorsque vous proposez la création d’un grand musée de l’histoire de France destiné à susciter l’émerveillement devant les réalisations de notre civilisation, je pense que cela cache une autre ambition, qui est d’écrire votre fameux roman national. Je lance l’alerte car on connaît votre rapport à l’histoire et à la science ainsi que la chasse que vous menez aux universitaires et aux intellectuels qui développent de nouveaux courants historiques et historiographiques.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Monsieur Lottiaux, vous me disiez que l’histoire des colonisations pourrait s’inscrire dans le cadre plus large d’un musée de l’histoire de France, mais je doute que les historiens de la colonisation et de la décolonisation se retrouvent dans la citation de Charles de Gaulle placée en exergue de votre exposé sommaire, qui évoque la France « meurtrie de guerres et de révolutions […] mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau. » Ce n’est pas cette histoire qu’il faut raconter mais la véritable histoire de la France, y compris dans ses liens avec les colonies. Il faut aborder la difficile question de la décolonisation et de la constante colonialité qui existe encore dans notre pays.
M. Philippe Juvin (DR). Je ne partage pas du tout votre avis, chère collègue. L’histoire de France, c’est ce legs qui fait que, malgré nos différences, nous sommes attachés à des valeurs communes. C’est cette phrase de Renan : « Ce qui constitue une nation […], c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ». C’est ce que disait Bonaparte : « De Clovis au Comité de salut public, j’assume tout. » La France n’est pas une page blanche et pour notre part, nous sommes fiers de notre histoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2300 de M. Anthony Boulogne
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je suis défavorable aux amendements qui, à l’instar de celui-ci, proposent une baisse significative des crédits. Il faut saluer la politique culturelle de notre pays, qui lui permet de rayonner dans le monde.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF702 de Mme Caroline Parmentier.
Amendement II-CF704 de Mme Caroline Parmentier
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Madame Legrain, pour en revenir à la création d’un musée de l’histoire de France, je ne vois pas en quoi ce projet dissimulerait un dessein antirépublicain sachant que le concept de roman national, qui émane de Guizot, est un pilier de la IIIe République. C’est absolument grotesque.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis défavorable sur cet amendement. Un certain équilibre a été trouvé, puisque les crédits budgétaires progressent de 3 %, ce qui n’est pas négligeable.
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Nous sommes passés vite sur l’amendement précédent du Rassemblement national, mais il visait tout de même à réduire de 137 millions d’euros le budget de fonctionnement des opéras et des théâtres. On parle sans cesse de la langue de Molière et de la belle culture française, mais l’extrême droite les charcute comme personne n’avait osé le faire jusqu’ici. J’aimerais savoir ce que pensent les électeurs du Rassemblement national de ce type de mesures, qui dévoilent la réalité de son programme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF740 de Mme Caroline Parmentier
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement vise à rationaliser les dépenses de la culture, ce qui n’a rien à voir avec un charcutage. La culture n’est pas également partagée sur le territoire. Les personnes privilégiées ont les moyens de se rendre à l’opéra, au théâtre, dans les centres-villes, et de payer le juste prix de l’accès à la culture. Il n’y a pas de raison qu’elles fassent financer leurs billets par des contribuables qui ne voient jamais la scène d’un théâtre ni n’ont la moindre occasion d’entendre la voix d’un chanteur lyrique.
Vous faites croire que défendre la culture, c’est permettre aux membres des classes aisées d’acheter des billets bon marché, vous employez de grands mots, vous criez au charcutage, mais vous ne vous demandez jamais pourquoi, après cinquante ans de politique culturelle, il n’y a jamais eu une telle fracture entre les citoyens qui n’ont jamais droit à rien et ceux qui ont droit à tout et se font financer leurs privilèges par les premiers. Sans doute n’est-ce pas une préoccupation de la gauche.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Les crédits de paiement de l’ensemble de la mission sont relativement stables, inflation comprise. Un effort de rationalisation est demandé, mais réduire de manière très significative le budget, comme le propose cet amendement, marquerait un recul considérable pour la politique culturelle.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Monsieur Tanguy, vous montrez votre méconnaissance profonde du spectacle vivant. Votre amendement vise à réduire de 42 millions d’euros les crédits destinés à ce secteur, qui connaît une crise historique, et qui est précisément constitué d’un grand nombre de structures situées au plus près des territoires. Ces crédits ne sont pas destinés au bourgeois parisien, mais permettent à toutes et tous, dans l’ensemble du pays, d’accéder au spectacle vivant. Cela dit, vous aviez déjà crié haro sur les intermittents du spectacle, contredisant au passage la position des commissaires aux affaires culturelles membres de votre parti… Les amendements que vous proposez ne visent qu’à des suppressions sèches de crédits, vous ne proposez même pas de faire autre chose avec. Vous avez un vrai problème avec la culture, vous devriez arrêter de vous en revendiquer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF703 de Mme Caroline Parmentier
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La culture en France n’a jamais eu autant de moyens : si elle est en crise, c’est donc que l’argent a été mal utilisé. Par ailleurs, nous ne considérons pas que la culture doive, par essence, être subventionnée, ce qui nous différencie d’une certaine gauche. La culture, surtout lorsqu’elle revendique son caractère vivant, ne doit pas être sous respirateur artificiel.
La France insoumise a diffusé une fausse vidéo au sujet des intermittents du spectacle qui m’a mis en cause, ce qui m’a conduit à déposer plainte auprès de la gendarmerie – j’ai été menacé physiquement à Montdidier. Pourtant, sans mettre du tout en cause les intermittents du spectacle, j’avais simplement expliqué que le régime dont ils relevaient ne permettait pas de contractualiser correctement avec eux en respectant leur travail et que des lobbies puissants, bénéficiaires de fortes subventions, utilisaient ce régime pour ne pas payer aux intermittents ce qu’ils leur devaient. Vous mentez sans cesse, vous faites des vidéos manipulatrices qui me font dire le contraire de ce que je dis, et vous y revenez encore ici, finissant par croire à votre propagande – comme d’autres que vous prétendez combattre ailleurs. C’est scandaleux.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis défavorable.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je ne vois pas le rapport avec l’amendement en discussion, qui vise à couper les dépenses de soutien à l’emploi et à l’accompagnement professionnel des artistes. Vous dites que vous les défendez, mais vous taillez encore dans les crédits.
Pour vous, lorsqu’on a de l’argent, on peut se payer de la culture, et sinon on n’y a pas accès puisque ce secteur ne doit pas être subventionné. Les personnes précaires n’auraient-elles pas ce droit, elles aussi, n’est-ce pas là la condition de l’émancipation et la vision que l’on doit avoir en matière de politique culturelle ? Vous n’avez aucune vision en ce domaine. En vérité, vous détestez la culture. Je n’ai pas compris cette histoire de plainte, je ne sais pas si cela me concerne, mais je persiste à dire que vous avez attaqué le régime des intermittents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF3047 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à réduire les subventions pour charges de service public accordées à l’établissement public du Mobilier national. La hausse de 4 millions d’euros qui lui est accordée dans le PLF est liée à la création du pôle public des métiers d’art, qui se traduira par la réunion du Mobilier national et de l’établissement public de Sèvres. Afin de lutter contre le mille-feuilles administratif et dans un objectif de rationalisation des dépenses, nous proposons de geler cette augmentation.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. On peut imaginer que le regroupement de deux établissements permette de réaliser des économies, même si ce type d’opération entraîne souvent un surcoût dans un premier temps. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2158 de Mme Sarah Legrain, II-CF2159 de M. Idir Boumertit, II‑CF2143 et II-CF2157 de Mme Sarah Legrain (discussion commune)
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Ces amendements visent à soutenir la création, en réponse aux alertes lancées par le secteur. Les fonds alloués au pass culture, notamment, ont peu d’effets sur la vitalité de la création et du spectacle vivant.
L’amendement II-CF2157 en particulier a pour objet de créer une mission visant à garantir la liberté de création. En effet, dans notre pays, des spectacles sont attaqués, des chanteurs, des artistes sont intimidés. On essaie de faire annuler des représentations. La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques a engendré du harcèlement en ligne, contraignant des artistes à porter plainte. La diversité culturelle est attaquée – ainsi Zaho de Sagazan est-elle bannie des chaînes de Bolloré parce qu’elle a dit du mal de lui. Nous devons nous emparer de cette question, car la liberté d’expression et de création est en jeu. Les échanges que nous avons dans cette commission avec certains groupes, notamment d’extrême droite, confortent cette conviction.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Le doublement des crédits du programme Création, proposé par l’amendement II-CF2158, ne me paraît pas adapté. Je rappelle que le budget de la culture s’élève à 1,4 % du PIB, contre une moyenne, en Europe, de 1,1 à 1,2 %. Nous menons une réelle et ambitieuse politique de soutien – le budget a augmenté de près de 1 milliard d’euros depuis 2017. Nous défendons donc l’exception culturelle, mais il ne saurait y avoir d’exception budgétaire, la contrainte financière s’appliquant aussi à ce secteur. Avis défavorable sur les trois premiers amendements.
S’agissant de l’amendement II-CF2157, je soutiens, tout comme vous, la liberté d’expression mais j’ai plutôt le sentiment qu’en France, on a la possibilité de créer. Le spectacle dont vous avez parlé est la preuve qu’il existe une vraie liberté d’expression et de création. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF3023 et II-CF3030 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CF3023 vise à augmenter les crédits du fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Ce dispositif a fait ses preuves ; il permet notamment de résorber la précarité de l’emploi dans le secteur culturel. Une hausse des crédits de 19 millions d’euros permettrait de revenir à la dotation qui lui était initialement versée en 2017, soit 90 millions d’euros.
L’amendement II-CF3030 est un repli à 6,5 millions d’euros.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Le monde entier nous envie le statut des intermittents du spectacle. Les crédits du Fonpeps sont stables, après avoir augmenté très significativement en 2024. En tout état de cause, lorsque des crédits complémentaires sont nécessaires, ils sont mobilisés en gestion. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 42 et état B : Crédits du budget général (suite)
Amendement II-CF1569 de Mme Léa Balage El Mariky
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Cet amendement ne porte pas sur la bonne mission. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF2137 de M. Raphaël Arnault et II-CF3020 de M. Steevy Gustave, amendement II-CF2134 de Mme Sarah Legrain (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). Pour soutenir le spectacle vivant, un secteur qui a beaucoup souffert des crises et qui manque de soutien, et renforcer les politiques menées par ses opérateurs en faveur de l’éducation artistique et culturelle, cet amendement vise à redéployer 100 millions d’euros du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, qui finance le pass culture – un dispositif qui, de l’aveu de l’Inspection générale des affaires culturelles et la Cour des comptes, nécessite une refonte –, vers le programme 131 Création.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Pour répondre aux alertes lancées par le secteur du spectacle vivant, cet amendement vise à renforcer le fonds Festivals en redéployant des crédits depuis le programme finançant le pass culture, qui capte des millions sans que cela ne vienne in fine soutenir la vitalité de la création.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Pour la troisième année consécutive, le programme 131 est doté de plus de 1 milliard d’euros. En outre, même si cet argument vous paraît peut-être alambiqué, il se trouve que les crédits du programme Création sont en réalité en augmentation de 8 % par rapport à ce qu’ils ont été en 2024 à la suite de l’annulation de crédits.
Quant au fonds Festivals, je comprends que les besoins soient importants, mais il a déjà été augmenté l’année dernière et nous sommes dans un cadre budgétaire contraint.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2128 de Mme Sarah Legrain
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF3021 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à créer un fonds dédié aux cultures urbaines, doté de 10 millions d’euros, afin d’en soutenir la création, la production et la diffusion. Quelle que soit leur forme, ces cultures, qui jouent un rôle important dans l’expression des jeunes et des quartiers populaires, ont un impact social et culturel fort, mais elles restent malheureusement sous-financées et trop peu soutenues par les institutions. Cet amendement permettrait de mieux les financer et de leur apporter un soutien structuré.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Les cultures urbaines bénéficient déjà d’un soutien actif à travers différents dispositifs.
Les danses urbaines sont soutenues par le Centre national de la danse, mais aussi par Chaillot et les centres chorégraphiques nationaux en ce qui concerne le hip-hop, qui est particulièrement soutenu depuis les années 1990. En 2024, sept des trente-deux résidences d’artistes accueillaient d’ailleurs des artistes de danse hip-hop.
Par ailleurs, l’art urbain – le graffiti et le street art – est désormais éligible à l’ensemble des dispositifs d’aide publique : leurs auteurs peuvent bénéficier d’aides individuelles à la création et accèdent régulièrement à la commande publique.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF3017 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à renforcer le soutien aux scènes de musiques actuelles (SMAC). Ces structures, qui mettent en avant les musiques populaires, organisent régulièrement des concerts professionnels et soutiennent les artistes émergents. Elles sont donc un passage privilégié pour les artistes confirmés ou en devenir dans le rock, le rap, l’électro, le jazz ou les musiques traditionnelles et les musiques du monde.
Les SMAC contribuent à la valorisation de toutes les cultures et impliquent les habitants dans des projets artistiques. Il en existe aujourd’hui quatre-vingt-quatorze, aussi bien zone urbaine qu’en zone rurale. Cet amendement vise donc à abonder de 500 000 euros le plan « Mieux produire, mieux diffuser », et à les flécher vers les musiques actuelles.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Les SMAC jouent effectivement un rôle important, en particulier dans les territoires ruraux, puisque ce sont souvent de petites structures, plus susceptibles de se développer aussi en dehors des centres urbains. Mais elles ont déjà fait l’objet d’un soutien renforcé, puisque les crédits sont passés de 14,3 millions d’euros en 2024 à 18,4 millions d’euros dans le PLF pour 2025. Votre intention étant satisfaite, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2144 de M. Raphaël Arnault et II-CF3028 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). Alors que les collectivités territoriales subissent des baisses drastiques de leur dotation de fonctionnement depuis les années, la hausse des prix de l’énergie est venue alourdir un peu plus leurs dépenses de fonctionnement. Dans ce contexte, le risque est réel que ces collectivités, pourtant essentielles au maillage culturel local, diminuent les budgets dédiés à la culture.
Pour soutenir les politiques culturelles des collectivités face à la hausse des prix de l’énergie, cet amendement vise donc à créer un nouveau programme Aides exceptionnelles au maintien des politiques culturelles des collectivités, afin d’abonder un fonds permettant d’assurer l’accès à la culture, la transmission, l’offre culturelle, l’éducation aux pratiques artistiques, les liens avec les établissements scolaires malgré la hausse des prix de l’énergie. Il est essentiel que les crédits de ce fonds soient équitablement répartis dans l’ensemble du territoire et ne bénéficient pas uniquement aux grands opérateurs nationaux ou aux structures parisiennes.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Non seulement ces amendements prévoient des montants excessifs – respectivement 500 et 100 millions d’euros –, mais en plus, je ne comprends pas leur philosophie. Les politiques culturelles relèvent de la responsabilité des collectivités territoriales, qui sont libres de décider des subventions qu’elles accordent aux associations, festivals et autres manifestations culturelles. À quel titre l’État s’y substituerait-il ? La situation financière des collectivités territoriales est certes difficile, mais celle de l’État l’est plus encore : il n’a plus d’argent ! Avis très défavorable.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). On ne peut pas supprimer 5 milliards d’euros de dotation aux collectivités territoriales et s’étonner qu’on dépose des amendements visant à leur allouer quelques crédits supplémentaires.
Les collectivités territoriales jouent un rôle très important dans le financement de la culture à l’échelle locale, il faut donc absolument les soutenir – d’autant que si elles sont aujourd’hui étranglées et n’arrivent plus à financer leurs dépenses, c’est à la fois à cause de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation des salaires, mais aussi de la baisse de leur dotation de fonctionnement.
Je saisis donc cette occasion pour redire tout notre soutien aux collectivités territoriales. Quand on arrêtera de leur prendre des milliards d’euros, on n’aura plus besoin de leur allouer des crédits dans le cadre du budget !
M. Tristan Lahais (EcoS). La situation n’est pas plus compliquée pour l’État car, à la grande différence des collectivités territoriales, il peut financer son déficit de fonctionnement en recourant à l’emprunt, même si, ce faisant, il détériore les comptes publics et aggrave la dette. En cas de difficultés financières, les collectivités locales, elles, sont obligées de sabrer fortement dans les dépenses de fonctionnement, en particulier celles consacrées à la culture et au sport. D’où cet amendement.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Il faut absolument arrêter de prétendre que la situation financière des collectivités territoriales est terrible et que leurs recettes n’augmentent pas : c’est archifaux – je vous renvoie aux chiffres de la Cour des comptes sur la dynamique des recettes des collectivités territoriales.
Le déficit de l’État atteint 170 milliards d’euros, alors que celui des collectivités territoriales n’est que d’environ 15 milliards d’euros – et encore, c’est une mauvaise année ! Si vous piochez dans le budget de l’État pour abonder celui des collectivités territoriales, vous creusez la dette de l’État.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF3022 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à augmenter le fonds Festivals pour indemniser les événements annulés ou modifiés à cause de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Un dispositif de compensation va être instauré pour l’hôtellerie et la restauration : il est crucial de l’étendre aux acteurs du monde culturel, en particulier les festivals, afin de les aider à surmonter cette période difficile.
L’an dernier, un amendement tendant à abonder le fonds Festivals de 2 millions d’euros supplémentaires avait été adopté. Le présent amendement vise à l’augmenter encore de 10 millions d’euros, pour le porter à 22 millions d’euros.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis défavorable. L’État, par la voix des préfectures, a mené un travail très important avec les organisateurs des différents festivals pour ajuster le calendrier et limiter autant que possible l’impact de l’organisation des Jeux olympiques, qui ont d’ailleurs eu des conséquences très positives pour notre pays.
M. Steevy Gustave (EcoS). Certes, mais elles ne l’ont pas été pour les entrepreneurs et les producteurs de spectacles, car certains festivals ont été annulés, et avec eux autant de créations.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF320 de M. Matthias Renault
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF3024 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Reprenant une proposition de nos collègues du groupe GDR, cet amendement vise à transformer la société par actions simplifiées (SAS) pass Culture, chargée d’une mission d’intérêt général, en opérateur de l’État.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. L’État étant l’unique actionnaire de cette SAS, cette transformation n’aurait aucun intérêt, puisqu’elle n’en améliorerait pas l’efficacité et n’en augmenterait pas le budget.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2152 de Mme Sarah Legrain et amendements identiques II-CF2153 de Mme Sarah Legrain et II-CF3016 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous pensons que les algorithmes ne sont pas capables d’améliorer l’accès de tous à la culture, qui nécessite une intervention humaine. Dans une logique inverse à celle du pass culture, ces amendements tendent donc à défendre les médiateurs culturels.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis défavorable : 400 millions d’euros, c’est un peu excessif.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF2148 de M. Raphaël Arnault et II-CF2893 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. En 2023, pas moins de 26 000 élèves suivaient la spécialité « Arts » en première, et 20 000 en terminale, soit 5,3 % des effectifs. Ceux qui suivent cet enseignement sont plus nombreux que ceux qui sont inscrits en spécialité « Sciences de l’ingénieur », par exemple. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF2148.
En conséquence, l’amendement II-CF2893 tombe.
Amendements II-CF2150 de M. Raphaël Arnault et II-CF2149 de Mme Sarah Legrain (discussion commune)
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques II-CF2135 de M. Raphaël Arnault et II-CF3026 de M. Steevy Gustave
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Cet amendement vise à soutenir le développement des maisons des jeunes et de la culture (MJC), qui sont des associations culturelles intervenant dans les quartiers populaires. Il avait déjà été adopté en 2023, avant d’être balayé par le 49.3.
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à augmenter de 10 millions d’euros le financement des MJC. Ces structures, qui agissent en faveur de l’éducation populaire, de l’accès à la culture et de l’émancipation des jeunes, sont essentielles à la vie des quartiers populaires et à la démocratisation culturelle, et nous souhaitons les soutenir.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Les MJC sont financées prioritairement par les collectivités territoriales, mais aussi, indirectement, à travers le pass culture, qui référence de nombreux cours de danse, d’art du spectacle, de théâtre dispensés par les MJC. Mieux vaut, donc, les inciter à développer leur offre pour bénéficier de ce financement indirect.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF3029 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Afin de rétablir l’équité de traitement entre les établissements publics de coopération culturelle et les écoles nationales, qui délivrent les mêmes diplômes, cet amendement vise à débloquer 16 millions d’euros pour renforcer le financement des écoles supérieures d’art territoriales, qui sont dans une situation dramatique – certaines sont même menacées de fermeture.
Cette aide avait été adoptée par nos collègues sénateurs l’an dernier lors du budget, avant d’être elle aussi victime du 49.3.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Contrairement à ce que vous affirmez, le concours financier de l’État à ces écoles a progressé de près de 7 millions en douze ans. En outre, l’aide exceptionnelle de 2 millions d’euros attribuée en 2023 a été pérennisée l’an dernier, et l’une des mesures phares du plan global annoncé en mars 2024 consiste en l’élaboration d’un fonds de soutien partenarial tendant à un rebasage pérenne des contributions publiques aux écoles d’art territoriales. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF3027 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Les enseignants des trente-trois écoles supérieures d’art territoriales officient sous le statut de professeur d’enseignement artistique de la fonction publique territoriale, comme les enseignants des pratiques amateurs et des conservatoires, alors qu’ils délivrent des diplômes de grade licence ou master. Il est donc indispensable de réformer leur statut.
Cet amendement vise à allouer 2 millions d’euros à cette réforme, afin que l’État contribue à son financement, qui n’a pas à incomber uniquement aux collectivités territoriales.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Pas d’accord : l’ouverture de ces écoles relève de la responsabilité des collectivités territoriales, et je ne voudrais nuire ni à leur autonomie financière, ni au principe de leur libre administration.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF585 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF3025 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Ces amendements visent à exonérer de frais d’inscription les étudiants boursiers des trente-trois écoles supérieures d’art territoriales, afin de leur garantir une égalité de traitement. Alors que les frais des étudiants boursiers sont pris en charge dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur nationaux, cette mesure ne s’applique pas dans les écoles territoriales, qui ne bénéficient d’aucune compensation de l’État, alors qu’elles délivrent les mêmes diplômes que les écoles nationales. Leurs étudiants devraient avoir les mêmes droits que tous ceux de l’enseignement supérieur public.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Encore une fois, je ne comprends pas votre logique : les écoles supérieures d’art territoriales sont gérées par les collectivités territoriales, qui fixent les frais d’inscription. Vous ne pouvez pas demander à l’État de compenser des frais déterminés par les collectivités territoriales : ce n’est tout simplement pas possible.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendements II-CF2138 de Mme Sarah Legrain et II-CF2892 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous souhaitons augmenter les moyens consacrés aux écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) qui sont en grande difficulté, au point que certaines ont même dû fermer.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Notre amendement vise lui aussi à corriger la baisse des subventions allouées aux ENSA, même s’il porte sur un montant inférieur. Un amendement identique avait été adopté par la commission des affaires culturelles.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Le programme 361 du PLF consacre aux ENSA plus de 60 millions d’euros en crédits de paiement. S’il a légèrement baissé par rapport à l’année dernière, ce montant reste significativement supérieur à celui de 2023. Dans le contexte budgétaire actuel, cet effort me semble devoir être maintenu. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Le ministère de la culture est un des plus durement touchés par ces efforts – qu’il s’agisse de l’annulation et des gels de crédits en 2024 ou des baisses prévues pour 2025 –, surtout une fois prise en compte l’inflation.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je ne suis pas d’accord.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CF2138 et adopte l’amendement II-CF2892.
Amendements identiques II-CF588 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2894 de Mme Céline Hervieu, et amendement II-CF1988 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (discussion commune)
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Les deux amendements identiques visent à corriger la baisse de 1 million d’euros des crédits alloués à la recherche culturelle.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Au vu de l’audition de la ministre par la commission des affaires culturelles, il semblerait que cette baisse soit une erreur. Je vous invite donc à redéposer cet amendement en séance si aucune correction n’intervient d’ici-là – même si nous pouvons également l’adopter dès maintenant, par prudence.
La commission adopte les amendements II-CF588 et II-CF2894.
En conséquence, l’amendement II-CF1988 tombe.
Amendements II-CF2170 et II-CF2171 de Mme Sophie Mette
Mme Sophie Mette (Dem). Je souhaite renforcer les crédits de l’action Langue française et langues de France.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. La mission Culture soutient déjà les langues régionales, en particulier par l’intermédiaire de la délégation générale à la langue française et aux langues de France. L’action Langue française et langues de France reste dotée de 4,2 millions d’euros, comme en 2024. Par ailleurs, l’ouverture de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts devrait permettre de soutenir de nouvelles actions en faveur des langues régionales sans solliciter l’action 3 du programme 361. Demande de retrait.
Les amendements sont retirés.
Amendement II-CF590 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Cet amendement, initialement adopté par la commission des affaires culturelles, vise à accroître le financement du plan en faveur des fanfares – que nous appellerions chez moi « plan bandas ». Il est important de soutenir ces formations, qui sont des acteurs culturels très populaires et très présents dans les territoires. Je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président Éric Coquerel. Au nom de la fanfare d’Épinay-sur-Seine, qui fait la singularité des cérémonies qui s’y tiennent, je le soutiens moi aussi.
La commission adopte l’amendement.
Suivant les avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF705 et II-CF2259 de Mme Caroline Parmentier et II-CF313 de M. Matthias Renault.
Amendement II-CF2039 de M. Philippe Lottiaux
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial (Patrimoines). Je propose de renforcer de 2 millions d’euros les crédits alloués aux ABF (architectes des bâtiments de France). Bien qu’on déplore chaque année la faiblesse des financements dont bénéficient les monuments des collectivités territoriales, les crédits sont en réalité souvent sous-consommés, parce que les DRAC (directions régionales des affaires culturelles) manquent de personnel et n’ont pas le temps de traiter les dossiers. Il importe donc de renforcer le corps des ABF qui œuvrent au sein des DRAC.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. L’articulation entre les ABF et les élus locaux mérite d’être améliorée, même si chacun est de bonne volonté.
En outre, le manque d’ABF s’explique davantage par des difficultés de recrutement que par un nombre insuffisant de places ouvertes : à l’issue des deux derniers concours, seuls vingt postes sur les trente ouverts ont été pourvus. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF2151 de Mme Sarah Legrain.
Amendement II-CF3019 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à créer un fonds de soutien pour la transition écologique dans les arts et la culture. Face à la crise de la biodiversité et au changement climatique, il est urgent que tous les secteurs adoptent des pratiques plus durables. Le monde culturel, lui aussi, doit s’engager dans des démarches écoresponsables, notamment en repensant la mobilité des artistes et du public ainsi que l’utilisation des bâtiments et du numérique.
Bien que le PLF pour 2025 évoque cette transition, les moyens budgétaires ne sont pas au rendez-vous. Je propose donc de créer un fonds spécifique, qui serait mobilisé pour sensibiliser les professionnels du secteur, rénover les lieux culturels, favoriser l’écoconception et améliorer la mobilité des artistes et du public.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Ce sujet est évidemment très important, mais le ministère de la culture a déjà défini une feuille de route de la transition écologique à destination du secteur culturel. Par ailleurs, trente-sept projets innovants contribuant à la transition écologique dans la culture ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à projets Alternatives vertes lancé en 2021. La démarche que vous appelez de vos vœux est donc bien engagée. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable, d’autant que la somme de 100 millions d’euros que vous entendez consacrer à ce fonds est très élevée.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF584 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, II-CF2147 de Mme Sarah Legrain et II-CF3018 de M. Steevy Gustave
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous demandons le déploiement d’un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la culture, dans la continuité des travaux de la commission d’enquête qui s’était consacrée à cette thématique avant la dissolution et qui s’est récemment reformée.
Le monde de la culture, dont les modes de fonctionnement peuvent accentuer la vulnérabilité des plus faibles, notamment des femmes, et favoriser l’impunité de certains artistes, est le théâtre de nombreuses violences. Les personnes qui osent parler sont de plus en plus nombreuses. Elles doivent être entendues, ce qui suppose des moyens d’écoute et d’accompagnement. De nombreuses associations, comme Derrière le rideau, MeTooMedia ou des collectifs engagés dans le secteur du cinéma, nous indiquent avoir besoin de ces financements supplémentaires, qui pourraient donc très utilement leur être accordés sans attendre que la commission d’enquête propose des évolutions législatives. Je vous appelle à faire ce geste, comme la commission des affaires culturelles avait accepté de le faire.
M. Steevy Gustave (EcoS). J’ajoute que les associations féministes estiment que 2,6 milliards d’euros seraient nécessaires chaque année pour assurer la protection des victimes de violences sexistes et sexuelles.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Le monde de la culture, comme d’autres, est le lieu d’un trop grand nombre de violences sexistes et sexuelles. Je suis donc ravi qu’une commission d’enquête se soit constituée pour se pencher sur cette question grave et importante. Peut-être serait-il plus raisonnable d’attendre de connaître ses conclusions avant d’augmenter les budgets de manière significative.
M. Matthias Renault (RN). Il nous semble aussi préférable de laisser la commission d’enquête travailler. L’enjeu est important, notamment dans le milieu du cinéma, où les recrutements par cooptation sont propices au développement de relations de pouvoir très fortes. L’objectif, pour l’heure, n’est peut-être pas tant de mobiliser des crédits supplémentaires que de briser la loi du silence et de mieux comprendre les failles du système.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CF3015 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). L’accès au cinéma en outre-mer est limité par un manque d’infrastructures et par des billets souvent plus chers qu’en métropole. Malgré un taux de TVA réduit, les coûts de construction de salles sont élevés, en raison des normes de sécurité. En outre, la fréquentation a encore chuté avec le covid.
Il est crucial de redynamiser la scène cinématographique et de renforcer l’identité culturelle des territoires d’outre-mer. C’est pourquoi je propose d’y soutenir les établissements cinématographiques à hauteur de 2,5 millions d’euros.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je comprends votre objectif, mais le cinéma relève de la mission Médias, livres et industries culturelles. Avis défavorable.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Il me semble d’ailleurs que nous avons adopté un amendement similaire ce matin.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements identiques II-CF589 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2202 de Mme Sophie Taillé-Polian et l’amendement II-CF591 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Culture.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Le groupe Rassemblement national garde un avis mitigé sur cette mission, les pistes d’économies qu’il avait proposées n’ayant pas été retenues. Nous nous abstiendrons néanmoins, car les aides à la production culturelle et à l’accès à la culture, notamment en milieu rural, sont indispensables.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avec une augmentation de 3,2 % de ses crédits, la mission Culture est plutôt protégée et nous avons su maintenir l’équilibre initial de son budget. Nous n’avons pas voté d’amendements alourdissant de manière excessive les dépenses et avons évité des coupes qui auraient nui à cette politique publique essentielle pour notre pays et son rayonnement.
S’agissant du pass culture, je peux comprendre qu’on veuille l’améliorer car il ne profite pas de manière égale à tous les secteurs de la culture et sans doute faudrait-il revoir l’équilibre entre sa part individuelle et sa part collective, mais il reste un formidable outil pour lutter contre l’assignation à résidence, les déterminants culturels, territoriaux et familiaux. Dans mon territoire, je vois bien les possibilités qu’il ouvre à des jeunes ayant difficilement accès à la culture – inscription à des cours de musique, achats d’instruments, séances de cinéma.
J’émettrai donc un avis favorable sur le vote des crédits de cette mission.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera pour l’adoption des crédits de cette mission. Nous avons préservé l’essentiel tout en réussissant à obtenir, dans un cadre budgétaire contraint, des crédits à la hauteur des attentes.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous considérons pour notre part que ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux. Certes, nous sommes satisfaits d’avoir obtenu des millions d’euros supplémentaires pour soutenir certaines politiques, comme l’éducation artistique et culturelle, mais nous regrettons la poursuite de la trajectoire qui voit le pass culture continuer de se gaver et la création ne plus sortir la tête de l’eau.
Nous voterons contre les crédits de cette mission, en espérant toutefois que le Gouvernement, qui ne manquera pas de faire un acte autoritaire, reprendra des amendements allant dans le bon sens.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur des crédits de cette mission, compte tenu des augmentations obtenues : 36 millions d’euros pour le patrimoine, 6 millions d’euros pour les collectivités locales, 5 millions d’euros pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), 1,5 million d’euros en faveur de l’accessibilité, 0,5 million d’euros pour les présentations en facile à lire et à comprendre (Falc) et des crédits supplémentaires pour l’éducation artistique et culturelle.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Le groupe Droite républicaine votera également pour l’adoption des crédits de cette mission, compte tenu des engagements pris en faveur des territoires ruraux, s’agissant notamment de la remise en valeur du patrimoine, et des hausses raisonnables votées en commission – 78 millions d’euros –, qui nous changent des sommes pharaoniques des années précédentes.
M. Steevy Gustave (EcoS). Le groupe Écologiste et social s’abstiendra car il estime insuffisants les efforts en matière de démocratisation culturelle, d’enseignement supérieur et de soutien aux politiques culturelles des collectivités locales.
Mme Sophie Mette (Dem). La hausse de 70 millions d’euros nous paraît contenue et n’affecte pas la stabilité du budget de cette mission. Nous voterons donc en faveur de l’adoption de ces crédits.
M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons & indépendants sera également favorable à ces crédits.
M. Frédéric Maillot (GDR). Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra, compte tenu des quelques amendements dont nous avons obtenu l’adoption.
M. le président Éric Coquerel. Les gels et annulations de crédits annoncés dans le projet de loi de finances de fin de gestion entraînent une diminution de 6 % du budget de la culture pour 2024 et, pour 2025, il enregistrera en réalité un recul de 2 % correspondant au taux de l’inflation attendue. Ces évolutions ne me satisfont pas et je ne pense pas que les quelques dizaines de millions d’euros qui ont pu être glanés ici et là au cours de l’examen des amendements en commission changent la donne. Par ailleurs, la rallonge de 300 millions d’euros annoncée par Mme Dati pour 2025 n’a pour l’instant pas trouvé de traduction budgétaire, ce qui appelle toute notre vigilance.
La commission adopte les crédits de la mission Culture modifiés.
Après l’article 59
Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial Jean-René Cazeneuve, la commission rejette l’amendement II-CF2126 de Mme Sarah Legrain.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Institut national de recherches archéologiques préventives :
– M. Daniel Guérin, directeur général délégué ;
– M. Eddie Aït, délégué aux relations institutionnelles et au mécénat.
Réunion des musées nationaux – Grand Palais :
– M. Christophe Chauffour, directeur général délégué ;
– M. Alexandre Koutchouk, directeur administratif financier et des acquisitions ;
– M. François-Stéphane Hamon, responsable des relations institutionnelles et du développement territorial.
Fondation du patrimoine :
– M. Alexandre Giuglaris, directeur général ;
– Mme Julie James, responsable de programmes et de partenariats.
Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles :
– M. Christophe Leribault, président ;
– M. Pierre-Emmanuel Lecerf, administrateur général.
Centre des monuments nationaux :
– M. Kevin Riffault, directeur général ;
– Mme Lucile Prévot, directrice administrative, juridique et financière ;
– M. Tristan Frigo, responsable des relations institutionnelles et politiques.
Centre Pompidou :
– M. Laurent Le Bon, président ;
– Mme Julie Narbey, directrice générale ;
– Mme Florie Yall, directrice juridique et financière.
Direction générale des Patrimoines et de l'Architecture :
– M. Jean-François Hebert, directeur général des patrimoines et de l’architecture ;
– Mme Suzy Tendron, cheffe du bureau des affaires financières ;
– Mme Sonia Bayada, sous-directrice des affaires financières et générales.
*
Contributions écrites reçues :
– Établissement public du musée du Louvre
– Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d'Estaing
([1]) L’établissement public du Mont-Saint-Michel figure parmi la liste des opérateurs du programme 175 mais ne reçoit aucun financement de ce programme. Ses recettes proviennent du programme 113 Paysages, eau et biodiversité de la mission Écologie, mobilité et développement durables.
([2]) L’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris figure parmi la liste des opérateurs du programme 175 mais n’est pas financé par celui-ci, sauf pour ses loyers.
([3]) Données extraites de l’État récapitulatif des crédits de fonds de concours et attributions de produits joint au projet de loi de finances, page 58.
([4]) L’effort des régions, des départements, des établissements publics de coopération intercommunale et des communes en faveur du patrimoine a été estimé par la Cour des comptes à 663 millions d’euros par an en 2021 (Cour des comptes, La politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, juin 2022, page 21).
([5]) Le grand public participe à la conservation du patrimoine à travers des dispositifs de crédits d’impôts, ainsi que par le biais du loto du patrimoine. En 2023, ce jeu a permis le reversement de 27,8 millions d’euros à la Fondation du patrimoine, et devrait permettre le reversement de 29,4 millions d’euros en 2024. Si l’État ne participe pas directement au financement du loto du patrimoine, il le soutient de manière indirecte en compensant chaque année le produit des taxes perçues sur ce jeu en « dégelant » en fin d’exercice, en faveur des directions régionales des affaires culturelles, une somme correspondant au montant de ces prélèvements. Ce système pourrait être simplifié par un remplacement du dégel par une non-perception des taxes, bien que cela soulèverait des défis d’articulation avec le droit de l’Union européenne. En 2024, le gel de 52 millions d’euros pourrait remettre en question le reversement, en cours de gestion, de ce produit de la taxe.
([6]) Les crédits des trois autres programmes (131 Création, 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture et 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture) font l’objet d’un rapport spécial distinct.
([7]) Un communiqué de presse du 5 juin 2023 de la présidence de la République indique par exemple qu’« en ce qui concerne le patrimoine religieux, le ministère de l’Intérieur a consacré 57 millions d’euros en 2022, et, depuis 5 ans, 280 millions d’euros, au bénéfice de 8 265 projets de restauration ». D’autres missions budgétaires sont également mobilisées. Le programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative accueille ainsi les dépenses fiscales relatives aux dons aux œuvres, dont ceux réalisés en faveur du patrimoine.
([8]) En 2024, le programme 175 ne connaît pas d’évolution de son périmètre budgétaire.
Le dispositif de performance du programme, également inchangé par rapport à 2023, demeure organisé autour de 3 objectifs (améliorer la connaissance et la conservation des patrimoines ; accroître l’accès du public au patrimoine national et élargir les sources d’enrichissement des patrimoines publics). Il comporte 8 indicateurs (part des crédits de conservation préventive par rapport aux crédits de restauration des monuments historiques ; archéologie préventive : proportion des dossiers d’aménagement reçus faisant l’objet d’un arrêté de prescription de diagnostic et/ou d’un arrêté de prescription de fouilles préventives ; qualité de la maîtrise d’ouvrage État ; fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales ; accessibilité des collections au public ; taux de satisfaction du public des institutions et des sites patrimoniaux ; effet de levier de la participation financière de l’État dans les travaux de restauration des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas ; et taux de ressources propres des institutions patrimoniales et architecturales).
([9]) Les communes (41 %) et les propriétaires privés (43 %) détiennent l’essentiel du patrimoine protégé.
([10]) Selon le RAP, en 2023, l’exécution des crédits soutenant les dépenses d’investissement en faveur des monuments historiques n’appartenant pas à l’État est inférieure d’environ 32 % à la prévision initiale (258,13 millions d’euros de crédits ouverts pour 200,2 millions d’euros de crédits exécutés).
([11]) Parmi les 54 départements classés comme ruraux, près de 28 UDAP n’ont à leur disposition qu’un seul ABF.
([12]) L’État ne peut financer que des actions pour le patrimoine protégé, jusqu’à 50 % du montant total des travaux pour les monuments classés et 40 % pour les monuments inscrits (article L. 621-29 du code du patrimoine). La loi engagement et proximité de 2019 octroie au préfet la possibilité de déroger à ce plafond.
([13]) Source : RAP 2024.
([14]) Ce dispositif s’adresse aux communes à faibles ressources de moins de 10 000 habitants (20 000 habitants pour les territoires d’outre-mer) et, prioritairement, aux communes à faibles ressources de moins de 2 000 habitants. Dans ces opérations, l’État peut prendre en charge jusqu’à 80 % des dépenses, voire 90 % en outre-mer (contre un taux habituel de 40 à 50 %) pour les immeubles classés, et jusqu’à la limite légale de 40 % (contre un taux habituel de 10 à 20 %) pour les immeubles inscrits sous réserve que la région prenne en charge au moins 15 % du coût du projet (5 % en outre-mer). Ce dispositif a permis d’accompagner près de 850 opérations de restauration supplémentaires depuis 2018, dont 77 % au bénéfice de communes de moins de 2 000 habitants.
([15]) Séance : amendement numéro 3689.
([16]) Sénat, délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, rapport d’information relatif à l’ingénierie des petites communes, n° 693, par MM. Daniel GUERET et Jean-Jacques LOZACH, 14 juin 2024, page 7.
([17]) Devant l’Assemblée nationale, le 5 juin 2024, la ministre avait ainsi déclaré que « l’ingénierie territoriale, c’est la première demande des élus locaux ».
([18]) Agence publique pour l’immobilier de la justice.
([19]) Les autres opérations relèvent d’autres actions du programme 175 (site parisien et site de Pierrefitte des Archives nationales, Grand Palais, musée Guimet, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou et musée Guimet et musée mémorial du terrorisme).
([20]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire, Mission Culture, avril 2024, page 5.
([21]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire, Mission Culture, avril 2024, page 37.
([22]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport d’information n° 1237, « Quatre ans après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, quelles avancées pour la sécurité incendie des cathédrales ? », M. Philippe Lottiaux, mai 2023.
([23]) Cf. communiqué de presse du ministère de la culture du 11 avril 2023.
([24]) Les monuments bénéficiaires sont l’Arc de Triomphe (+ 14,5 millions d’euros), la Sainte Chapelle (+ 9,1 millions d’euros), l’abbaye du Mont-Saint-Michel (+ 14,8 millions d’euros) et le Panthéon (+ 9 millions d’euros). Les 5 sites présentant le plus fort déficit sont le domaine national de Saint-Cloud (– 2,8 millions d’euros), le domaine national de Rambouillet (– 2,4 millions d’euros), le château d’Angers (– 1,7 million d’euros), le château de Champs-sur-Marne (– 1,8 million d’euros) et le château de Vincennes (– 1,5 million d’euros).
([25]) 6,77 euros pour un billet payant.
([26]) Le CNM a été aidé à titre exceptionnel pour Villers-Cotterêts par le PIA 3 (30 millions d’euros) et le Plan France Relance (124 millions d’euros). Rapport de la Cour des comptes, 20 mars 2024, Les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives : des moyens considérables, une logique de guichet, un contrôle insatisfaisant 2017 – 2023.
([27]) Les autres recettes attendues par l’EPV se fondent sur les ressources propres de l’établissement (billetterie, stationnement, mécénat, valorisation du domaine) et d’autres ressources publiques (subventions des départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine).
([28]) En particulier, la part de visiteurs en provenance de l’ensemble Chine - Hong Kong – Taïwan se rapproche de la moitié du taux de 2019, soit 6,1 % ; et la part de visiteurs états-uniens retrouve presque ses niveaux de 2019, à 14,9 %.
([29]) En janvier 2024, l’EPV a décidé une augmentation des tarifs du billet château (+ 7,7 %, en passant de 19,50 euros à 21 euros) et du billet « passeport » qui regroupe l’entrée du château de Versailles, du Grand Trianon ainsi que du Petit Trianon et du Hameau de la Reine (+ 11,6 %, qui passe de 21,50 euros à 24 euros). Le gain en recettes projeté pour l’année 2024 sera d’environ 2 millions d’euros.
([30]) Le château a accueilli plusieurs épreuves olympiques, telles que le concours complet d’équitation, le saut d’obstacles, le dressage et cinq composants du pentathlon moderne. La fréquentation en a été réduite de 20 % environ pendant la période des JOP2024.
([31]) La plupart de ces établissements reçoivent aussi une compensation, versée par le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, de la gratuité accordée aux enseignants. Certains établissements reçoivent par ailleurs des financements d’autres programmes budgétaires. En 2022, le musée du Louvre a par exemple reçu 110 000 euros du programme 147 Politique de la ville.
([32]) Ces crédits sont versés par différentes actions du programme 175 ce qui explique qu’ils ne recoupent pas exactement le montant mentionné dans le tableau relatif aux versements de la seule action 3.
([33])Si ce nouveau tarif peut sembler élevé, il est la conséquence d’une indexation sur l’inflation, le prix du billet n’ayant pas évolué depuis 2017. Il demeure en outre en deçà du billet du Metropolitan Museum de New York (28 euros).
([34]) Depuis 2024, le Louvre applique une jauge maximale moyenne de 30 000 visiteurs par jour, hors ouvertures en horaires nocturnes, soit 9,3 millions de visiteurs sur une année de 310 jours ouvrés.
([35]) Récemment encore, le projet d’ouverture du département des Arts de Byzance et des Chrétientés d’Orient d’ici à 2027 s’est traduit par un apport de mécénat à hauteur de 2,1 millions d’euros en 2023 et 6,8 millions d’euros en 2024.
([36]) Dans les deux cas, le taux de remplissage des salles atteignait 95 %, la jauge ayant été réduite lors des jeux para-olympiques.
([37]) Dans son rapport du 20 mars 2024 sur Les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives, la Cour des comptes qualifie le financement des travaux du Grand Palais par le PIA3 de « contournement de l’autorisation budgétaire ». Initialement rattaché au programme 421 du PIA3, ce projet de rénovation a été réintégré au budget du ministère de la Culture par décrets de transfert en 2020 et 2021 sans information, ni vote du Parlement, ces transferts ayant été mentionnés uniquement dans les RAP 2020 et 2021, et non dans les PAP.
([38]) En 2016, le Centre des musées nationaux a également été autorisé à recourir à ce mode de financement à hauteur de 80 millions d’euros dans le cadre du financement de la rénovation de l’Hôtel de la Marine (cf. infra).
([39]) Entretien de Didier Fusillier, président de la RMN-GP, 27 janvier 2024.
([40]) Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018 n° 1302 (Assemblée nationale), Annexe 12, Culture : Patrimoines.
([41]) Les visiteurs internationaux représentent 59 % de la fréquentation du musée d’Orsay et 58 % du musée de l’Orangerie, contre respectivement 56 % et 65 % en 2019.
([42]) Ce centre de ressources et de recherches appelé à ouvrir au public en 2027 portera le nom de Daniel Marchesseau, son principal mécène. Son coût total est estimé à 28 millions d’euros. Il vise à « remettre en lumière et exploiter les richesses documentaires accumulées depuis la création du musée (archives d’artistes, marchands, collectionneurs, documentations inédites et ouvrages rares), afin de proposer de nouvelles perspectives sur le XIXe siècle », selon les réponses au questionnaire du rapporteur spécial.
([43]) Cour des comptes, 23 avril 2024, La gestion du centre national d’art et de culture Georges Pompidou.
([44]) Les mouvements sociaux sur les années 2023 et 2024 auraient réduit, selon les estimations du CNAC, de 289 000 le nombre de visiteurs.
([45]) Incluant notamment le désamiantage du site, la rénovation des systèmes de sécurité incendie et de traitement d’air, l’amélioration de la performance énergétique.
([46]) Cour des comptes, 23 avril 2024, La gestion du centre national d’art et de culture Georges Pompidou.
([47]) Le site appelé à être construit disposera de 30 000 m² répartis entre le centre Pompidou (25 000 m² de réserves), le musée Picasso (2 000 m² de réserves) et des espaces d’exposition et d’accueil. Il comprendra des espaces de la conservation des réserves du CNAC-GP, et des espaces d’exposition.
([48]) Le recours à un partenariat public-privé pour aménager des réserves ne constitue pas une première dans le secteur culturel puisque la construction du centre de conservation et de ressources MUCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) avait également eu recours à ce dispositif, sur une durée de 25 ans, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) signé en 2009 avec la société civile immobilière 2C Marseille (ICADE).
([49]) Selon le ministère de la culture, « les services à compétence nationale se situent à mi-chemin entre les administrations centrales et les administrations déconcentrées ». « Il s’agit de services dont les attributions ont un caractère national – à la différence des services déconcentrés –, et dont l’exécution ne peut être déléguée à un échelon territorial. Mais ils se distinguent également des services centraux, car leurs missions ont un « caractère opérationnel ». (https://www.culture.gouv.fr/Nous-connaitre/Organisation/Etablissements-et-services-deconcentres/Services-a-competence-nationale).
([50]) L’archéologie préventive intervient en amont des opérations d’aménagement et vise à assurer la sauvegarde par l’étude du patrimoine affecté par des travaux publics ou privés d’aménagement. Elle repose sur l’établissement de diagnostics et, dans certains cas, sur l’engagement de fouilles.
([51]) En ce domaine, l’INRAP n’intervient cependant pas de manière monopolistique puisque les services archéologiques des collectivités territoriales peuvent réaliser des opérations d’archéologie préventive, sous réserve d’obtenir certains agréments.
([52]) En ce domaine, l’INRAP n’intervient cependant pas de manière monopolistique puisque les services archéologiques des collectivités territoriales peuvent réaliser des opérations d’archéologie préventive, sous réserve d’obtenir certains agréments.
([53]) Réponse au questionnaire budgétaire.
([54]) Prévu à l’article L. 524-14 du code du patrimoine, le FNAP finance, en totalité ou en partie, certaines opérations de fouilles préventives. Deux types d’aides peuvent être accordés par le FNAP : les prises en charge et les subventions. Les prises en charge sont attribuées de droit pour deux catégories d’aménagement : la réalisation de logements locatifs sociaux, d’une part, et la réalisation de logements par des personnes physiques construisant pour elle-même, d’autre part. Ces prises en charge financent intégralement ou partiellement la part du coût des fouilles induites par les travaux précités. Les subventions peuvent être attribuées, pour les autres types d’aménagements, en vue de faciliter la conciliation entre la préservation du patrimoine et le développement des territoires, en particulier ruraux. Les subventions peuvent financer jusqu’à 50 % du coût de la fouille. Les recettes du FNAP sont constituées par un prélèvement sur le produit de la redevance d’archéologie préventive
([55]) À la différence de l’archéologie préventive, l’archéologie programmée concerne des opérations archéologiques dans des sites non concernés par des opérations d’aménagement. Cette forme d’archéologie repose sur un projet présenté par un chercheur ou un groupement de chercheurs et s’appuie souvent sur des équipes composées de professionnels et de bénévoles.
([56]) Projet annuel de performances, page 68.
([57]) Cour des comptes, La politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, juin 2022, page 26.
([58]) Créé en 1979, le fonds du patrimoine permet de réaliser des acquisitions pour les musées de France ne relevant pas de l’État (musées des collectivités territoriales, musées gérés par des associations, des fondations, etc.). En 2023, cet instrument a soutenu 58 acquisitions.
([59]) L’article 4 ‑ 1 du décret n° 92-1338 du 22 décembre 1992 portant création de l’Établissement public du musée du Louvre prévoit ainsi que « l’établissement consacre à ces acquisitions 20 % du produit annuel du droit d’entrée dans ses collections permanentes, soit 19,1 millions d’euros en 2023. Il peut y affecter en outre d’autres ressources ». L’article 5 du décret n° 2003-1300 du 26 décembre 2003 portant création de l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie-Valéry Giscard d’Estaing dispose que « L’établissement consacre à ces acquisitions 16 % du produit annuel du droit d’entrée dans les collections dont ses musées ont la garde. Il peut y affecter en outre d’autres ressources ».
([60]) À titre d’exemple, Sur la falaise de Dieppe de Claude Monet a été acquise par dation par le musée d’Orsay en décembre 2023.
([61]) Réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
([62]) Réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
([63]) Cour des comptes, La politique de l’état en faveur du patrimoine monumental., juin 2022, pages 29-30.
([64]) La ministre de la culture a adressé une circulaire sur ce sujet aux directeurs régionaux des affaires culturelles à l’été 2023 (circulaire n° 2023/D/11673 du 4 août 2023 relative à la protection du patrimoine religieux au titre des monuments historiques). Ce texte précise notamment que « la protection du patrimoine religieux doit aussi s’envisager de façon globale, en intégrant le patrimoine mobilier qui lui est attaché, notamment le patrimoine campanaire ou les orgues » (page 4).
([65]) Ministère de la culture, communiqué de presse du 15 septembre 2023. Il est possible de contribuer à cette collecte depuis la page suivante : www.fondation-patrimoine.org/religieux.
([66]) https://www.culture.gouv.fr/presse/communiques-de-presse/collecte-nationale-pour-le-patrimoine-religieux-mme-rachida-dati-ministre-de-la-culture-devoile-la-liste-des-100-premiers-edifices-qui-benefici
([67]) En séance : amendement numéro I-1729.
([68]) En séance : amendement numéro I-863.
([69]) En séance : amendement numéro I-1033.
([70]) État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, ministère de la culture
Direction générale des patrimoines, mars 2019.
([71]) Cour des comptes, La politique de l’état en faveur du patrimoine monumental, pages 37 et 87.