N° 468
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
PAR M. Charles de COURSON,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 26
gESTION DES FINANCES PUBLIQUES :
Lutte contre l’Évasion fiscale
Rapporteurs spéciaux : Mme Mathilde FELD et M. Nicolas SANSU
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS Des RAPPORTEURs SPÉCIAux
Propositions des rapporteurs spÉciaux
1. Des estimations parcellaires…
a. Des estimations internationales générales
2. … qui imposent de mieux documenter le coût et les mécanismes de l’évasion fiscale
b. (Mieux) évaluer l’évasion fiscale
1. Des inégalités qui ne cessent d’augmenter en France…
2. … et qu’alimente l’évasion fiscale
C. l’ÉVASION FISCALE NUIT ÉGALEMENT AU CONSENTEMENT À L’IMPÔT, DÉJÀ FRAGILISÉ
A. LA DGFiP : « L’ADMINISTRATION LA PLUS SACRIFIÉE » DES DERNIÈRES ANNÉES
1. Une administration aux effectifs en constante diminution
2. Cette baisse des moyens a eu pour effet mécanique d’amoindrir les résultats du contrôle fiscal
a. Des montants recouvrés en diminution depuis 2019
a. Déshabiller Pierre pour habiller Paul : une idée contreproductive
A. LE PLAN DE LUTTE CONTRE LES FRAUDES
1. Un plan qui s’inscrit dans une longue liste d’annonces restées sans lendemain
1. Si certaines mesures ont bien été mises en œuvre…
IV. AUtres recommandations pour mieux lutter contre l’ÉVASION FISCALE
B. CONSTRUIRE DIFFÉREMMENT L’IMPÔT POUR ÉVITER L’ÉVASION FISCALE
1. Éviter toute disposition qui vienne miter l’assiette initiale de tout impôt nouveau…
C. ÉLARGIR LA LISTE FRANÇAISE DES ÉTATS ET TERRITOIRES NON COOPÉRATIFS
D. Mieux protÉger les lanceurs d’alerte
LISTE DES Personnes auditionnées par les rapporteurs spéciaux
PRINCIPALES OBSERVATIONS Des RAPPORTEURs SPÉCIAux Ce rapport spécial se veut un coup de projecteur sur un phénomène consubstantiel à la financiarisation de l’économie et à la facilité de circulation des capitaux : l’évasion fiscale. Ce phénomène est aussi la conséquence directe de la concurrence que se livrent les pays pour attirer les capitaux et qui se placent ainsi sous la coupe des plus grandes entreprises multinationales. Si elle a toujours existé, l’évasion fiscale est de moins en moins tolérée par les citoyens qui expriment des besoins de protection, sociale et environnementale, de plus en plus forts. Lutter contre l’évasion fiscale doit ainsi autant permettre de bénéficier de ressources nouvelles pour faire face à ces besoins que d’assurer le consentement à l’impôt, qui est un élément constitutif de notre pacte social. La France doit poursuivre son effort pour être à la pointe de ce combat. L’efficacité commande que des mesures internationales soient mises en œuvre en ce sens, ainsi que le proposent des pays de l’OCDE et du G20, notamment guidés par le Brésil ; les propositions internationales sont toutefois loin d’être à la hauteur. La France doit ainsi porter des propositions fortes, que les rapporteurs spéciaux exposent dans ce rapport, comme la mise en œuvre d’une contribution sur le patrimoine mondial des milliardaires partout sur la planète (taxe Zucman) ou la lutte contre les pratiques des états non coopératifs en matière fiscale qui permettent à l’évasion fiscale de prospérer. Les accords internationaux ne doivent plus être pensés comme un point de départ de la lutte contre l’évasion fiscale, mais comme un aboutissement de cette dernière. La France doit donc s’engager dès aujourd’hui pour des dispositions nationales et européennes qui suppriment la zone grise entre optimisation fiscale et fraude fiscale. Les rapporteurs spéciaux proposent en ce sens de remettre en cause les montages complexes qui permettent d’éviter l’impôt, comme les mécanismes Cumcum ou CumEx, de modifier le régime fiscal des sociétés-mères et de leur filiale (dit « mère-fille ») au plan européen ou encore de combattre les excès du pacte Dutreil et des démembrements patrimoniaux. La problématique de ces montages complexes promus par des avocats fiscalistes devrait faire l’objet d’un travail d’analyse de l’administration plus fourni et documenté. Les moyens consacrés à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales sont aujourd’hui loin d’être suffisants, et témoignent d’une volonté politique faible en la matière. La France doit arrêter de saccager les services d’enquête et de contrôle et se doter d’une administration fiscale solide à nouveau, en lui octroyant les moyens techniques, humains et financiers d’exercer ses missions. Aussi, les rapporteurs spéciaux appellent-ils la représentation nationale à se saisir à nouveau sérieusement du sujet de l’évasion fiscale, qui a déjà fait l’objet de travaux d’enquête parlementaires par le passé, afin de mieux documenter ce fléau, pour mieux le combattre, et, in fine, mieux faire société.
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Évolution des Crédits consacrés À la lutte (en millions d’euros)
Source : document de politique transversale Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales annexé au PLF 2025.
Recensement fonctionnel des effectifs de la DGFiP 2014-2023
Source : rapports annuels de performance, réponse au questionnaire budgétaire et commission des finances.
Évolution des rÉsultats du contrôle fiscal depuis 2015
(en millions d’euros)
Source : réponses au questionnaire budgétaire.
Source : Cour des comptes, La détection de la fraude fiscale des particuliers, novembre 2023.
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Propositions des rapporteurs spÉciaux
Recommandation n° 1 : modifier l’article 119 bis du code général des impôts pour y inscrire que la retenue à la source qui y est évoquée s’applique y compris lorsque le récipiendaire a son domicile fiscal ou son siège en France, dès lors que le bénéficiaire effectif des revenus en cause, c’est-à-dire la personne qui a le droit d’en disposer librement, a son domicile fiscal ou son siège hors de France.
Recommandation n° 2 : créer un haut-commissaire à la lutte contre l’évasion fiscale.
Recommandation n° 3 : évaluer de façon annuelle l’évasion fiscale en France, en précisant les résultats selon une typologie des personnes morales et physiques.
Recommandation n° 4 : enrichir le document de politique transversale relatif à la lutte contre l’évasion fiscale afin de disposer d’une vision claire et consolidée des moyens consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale.
Recommandation n° 5 : évaluer sur une base annuelle le coût du dispositif dit « Dutreil » et le modifier en resserrant son périmètre, en augmentant la durée nécessaire de détention des parts pour pouvoir bénéficier d’un abattement et en réduisant le taux de l’abattement au-delà d’un certain montant.
Recommandation n° 6 : modifier l’article L251 A du livre des procédures fiscales pour prévoir que le volet relatif aux règlements d’ensemble du rapport remis au Parlement sur les remises et transactions à titre gracieux et les règlements d’ensemble en matière fiscale fasse apparaître le montant des dix plus grandes modérations consenties annuellement.
Recommandation n° 7 : sur la base de l’article 58-2 de la Constitution, demander à la Cour des comptes de réaliser un contrôle sur les règlements d’ensemble.
Recommandation n° 8 : revenir sur le schéma d’emplois de la mission prévu par le projet de loi de finances pour 2025 pour prévoir, a minima, que les effectifs de la DGFiP soient stables en 2025, comme cela était prévu par le cadre d’objectifs et de moyens 2023-2027.
Recommandation n° 9 : pour les acteurs qui s’appuient sur les transmissions réalisées par Tracfin, formaliser un retour sur l’utilité des transmissions effectuées par ce service pour mieux cibler les transmissions futures.
Recommandation n° 10 : interdire les campagnes de publicité faisant la promotion de mécanismes d’évitement fiscal.
Recommandation n° 11 : instaurer un nouvel impôt minimum mondial pour les milliardaires, équivalant à 2 % de leur patrimoine.
Recommandation n° 12 : créer un registre mondial des actifs.
Recommandation n° 13 : instaurer un impôt minimum égal à 2 % du patrimoine net pour les foyers fiscaux français possédant plus d’un milliard d’euros de patrimoine.
Recommandation n° 14 : de manière générale, prévoir le moins d’exceptions ou d’exonérations possibles au moment de la création de tout impôt nouveau.
Recommandation n° 15 : au moment de la création de tout nouveau crédit d’impôt, évaluer la capacité de l’administration à contrôler le respect du dispositif par le contribuable.
Recommandation n° 16 : élargir la liste française des états et territoires non coopératifs en matière fiscale.
Recommandation n° 17 : garantir la protection des lanceurs d’alertes qui ont permis la diffusion d’informations majeures sur les fraudes.
Créé au début de la XVIe législature sur proposition du président de la commission des Finances Éric Coquerel, ce rapport spécial thématique a été reconduit en ce début de XVIIe législature. L’enjeu de l’évasion fiscale apparaît en effet suffisamment grave aux rapporteurs spéciaux pour justifier d’un rapport : selon les estimations, l’évasion fiscale représenterait 80 à 100 millards d’euros par an, soit plus que les 60 milliards de hausse de recettes et d’économies demandées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Au-delà des considérations budgétaires conséquentes, la lutte contre l’évasion fiscale se justifie notamment par le fait que l’évasion fiscale accentue les inégalités et mine la démocratie en sapant le consentement à l’impôt. Surtout, renforcer la lutte contre l’évasion fiscale représente une véritable attente des citoyens : selon la dernière édition du baromètre du Conseil des prélèvements obligatoires, 55 % des personnes interrogées souhaitent que l’État dépense davantage pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et sociales.
Ce rapport porte sur les crédits du programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local de la mission Gestion des finances publiques consacrés au contrôle fiscal. Fortement interministérielle, la politique de lutte contre les comportements visant à éluder l’impôt dépasse cependant le cadre budgétaire de ce seul programme ; aussi certains des éléments abordés dans ce rapport, au premier rang desquels les enjeux fiscaux, s’écarteront du strict cadre de l’analyse des crédits. Les rapporteurs spéciaux souhaitent toutefois utiliser ce rapport pour vulgariser les conséquences de l’évasion fiscale et partager des propositions pour mieux lutter contre elle. Ils estiment en effet qu’informer les citoyens sur le scandale que constitue l’évasion fiscale est un premier pas nécessaire pour impulser une mobilisation citoyenne sans laquelle les responsables politiques n’oseront pas s’attaquer à ce fléau.
Cette troisième édition du rapport s’intéresse comme les précédents à l’évolution des moyens financiers et humains affectés à la lutte contre l’évasion fiscale. Les constats déjà formulés lors des deux précédentes éditions restent d’actualité : les moyens dédiés à la lutte contre l’évasion fiscale restent terriblement insuffisants. À l’heure où le Gouvernement cherche désespérément à trouver de nouvelles recettes publiques, lutter contre l’évasion fiscale apparaît comme une solution évidente. Pourtant, rien n’est annoncé dans ce projet de loi de finances. Au contraire, en prévoyant d’augmenter le budget de la mission Gestion des finances publiques moins que l’inflation attendue pour l’année 2025, le Gouvernement invite à réduire encore les crédits qui lui sont réellement alloués. De fait, si le projet de loi de finances pour 2025 était adopté tel qu’il a été présenté au Parlement, les effectifs du programme 156 — donc de la DGFiP — diminueraient de 550 équivalents temps plein en 2025. Ceci est incompréhensible pour les rapporteurs spéciaux.
Ceci est d’autant plus incompréhensible que le plan de lutte contre les fraudes, annoncé en grande pompe par Gabriel Attal en mai 2023, alors qu’il était ministre du budget, a essentiellement consisté en de la communication. Alors que le projet de loi de finances pour 2025 ne résout en rien les besoins de l’administration fiscale, les rapporteurs spéciaux ont en effet cherché à comprendre si ce choix pouvait se justifier par des efforts récents en la matière ; or, il n’en est rien. Plusieurs des mesures annoncées dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes sont, de fait, restées lettre morte.
Au-delà de la question des moyens, les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux les ont convaincus d’une chose : l’évasion fiscale existe car elle est permise par le flou des règles et réglementations. Les acteurs qui y recourent s’engouffrent dans une « zone grise », située entre l’optimisation fiscale — légale — et la fraude fiscale — illégale. L’enjeu n’est donc pas seulement de mieux lutter aujourd’hui contre l’évasion fiscale mais de mieux construire demain l’impôt, de façon à limiter autant que possible l’existence de cette « zone grise », en réduisant le nombre d’exceptions par exemple.
La « justice fiscale » appelée de ses vœux par le Premier ministre, si elle est bienvenue à condition qu’elle concerne bien les 0,1 % des ménages les plus riches et les très grandes entreprises, ne résout en rien la question de ceux qui échappent volontairement à l’impôt. Il est temps d’agir.
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I. à l’heure où le gouvernement ne cesse de s’émouvoir de la situation des finances publiques, intensifier la lutte contre l’évasion fiscale permettrait, entre autres, de générer des recettes supplémentaires
Alors que le déficit pourrait dépasser les 6 % du PIB en 2024, Michel Barnier n’a eu de cesse, depuis sa nomination au poste de Premier ministre, de déplorer une « situation budgétaire très grave » ([1]) et de faire part de sa volonté de redresser les finances publiques. Le Premier ministre, auquel est désormais rattaché le ministre du budget, a présenté au Parlement un projet de loi de finances pour 2025 qui doit permettre d’entamer ce redressement.
Trois solutions s’offraient au gouvernement : réduire les dépenses publiques, augmenter les recettes de l’État ou recourir à la fois à la baisse des dépenses et à l’augmentation des recettes. Le gouvernement a opté pour cette troisième option et donc choisi, en partie, de baisser les dépenses de l’État alors même que la demande pour plus de services publics est extrêmement forte dans le pays. Il existait pourtant un moyen d’augmenter les recettes de l’État à hauteur de plusieurs milliards d’euros : lutter contre l’évasion fiscale. Ainsi, pour les rapporteurs spéciaux, si cette solution ne pouvait être présentée comme le Graal, le choix gouvernemental de n’en rien dire est révélateur de l’importance accordée à ce sujet. De fait, depuis plusieurs années, malgré les promesses récurrentes, force est de constater que les recettes issues des redressements fiscaux ne cessent de diminuer.
A. MALGRÉ DES ESTIMATIONS PAR DÉFINITION DIFFICILES, L’ÉVASION FISCALE REPRÉSENTE UN MANQUE À GAGNER CONSÉQUENT POUR LES COMPTES PUBLICS
Les rapporteurs spéciaux déplorent que l’administration fiscale ne soit aujourd’hui pas en mesure de fournir une estimation des montants que représente l’évasion fiscale. L’administration française se distingue en cela de celles de la majorité pays de l’OCDE par le fait qu’elle ne dispose pas d’une estimation statistique de l’évasion fiscale ou de l’écart fiscal ([2]), a minima sur ces principaux impôts.
1. Des estimations parcellaires…
a. Des estimations internationales générales
Plusieurs estimations de l’évasion fiscale à l’échelle internationale ont commencé à être publiées ces dernières années à mesure que la volonté d’une plus grande justice fiscale s’est accrue dans la population.
Ainsi, l’ONG Tax Justice Network publie depuis plusieurs années un rapport intitulé The State of Tax Justice dans lequel elle évalue à plusieurs centaines de milliards de dollars la perte annuelle pour les États en raison de l’évasion fiscale. Dans la dernière édition ([3]) de ce rapport, elle estime cette perte annuelle à 472 milliards de dollars, deux tiers relevant des pertes de recettes dues aux abus fiscaux transfrontaliers commis par les multinationales et un tiers des pertes de recettes occasionnées par les particuliers qui dissimulent des actifs et des flux de revenus à l’étranger.
Un travail similaire a été réalisé par l’Observatoire européen de la fiscalité la même année. Créé en 2021, cet institut de recherche concentre ses travaux sur l’évasion et la fraude fiscales, ainsi que sur les solutions potentielles pour combattre ces comportements. L’Observatoire a publié en 2023 un rapport ([4]) dans lequel il estime que 1 000 milliards de dollars de profits ont été transférés dans des paradis fiscaux en 2021 et en 2022 par des entreprises multinationales. Ce sont donc des centaines de milliards d’euros d’impôt sur les sociétés dont sont privés les États à travers le monde. Les résultats de l’Observatoire sont ainsi en cohérence avec ceux précédemment cités. Les rapporteurs spéciaux saluent le travail mené dans les deux cas, qui permet d’alerter l’opinion et les décideurs publics du scandale que constitue l’évasion fiscale. De tels travaux ne peuvent toutefois pas permettre — ce n’est pas leur but — d’identifier de façon précise le manque à gagner pour la France.
Sur une base annuelle, la Commission européenne publie une évaluation de l’écart de TVA dans l’Union européenne, c’est-à-dire la différence entre les montants de TVA perçus par les États membres et les montants qu’ils auraient dû normalement percevoir si les règles relatives à la TVA avaient été strictement respectées. Dans la dernière édition ([5]) de cette publication parue en 2023, la Commission évalue ce montant à 61 milliards d’euros, soit 5,3 % des recettes totales de TVA dans l’Union. Dans le cas de la France, l’écart s’élèverait à 9,5 milliards d’euros, soit 4,9 % des recettes totales de TVA au cours de l’année évaluée dans le rapport.
Source : Commission européenne.
Cette estimation concorde avec celle fournie par la direction générale des finances publiques. Dans une étude ([6]) publiée en septembre 2024, la DGFiP estime en effet que le manque à gagner de TVA dû à la sous-déclaration des entreprises serait compris entre 6 à 10 milliards d’euros, soit 4 à 5 % du montant de TVA effectivement collecté. Si les rapporteurs spéciaux saluent à nouveau la publication de telles études, ils déplorent toutefois que ce type de travaux ne soient pas systématisés par l’administration fiscale et ne couvrent pas un champ d’impôts et de taxes plus grand. Contrairement à 38 % des pays à haut revenu au sens du FMI, la France ne produit ainsi pas d’évaluation de la fraude ou de l’écart fiscal en matière d’imposition des revenus ([7]).
c. Les estimations disponibles en France pointent un coût de l’évasion fiscale de l’ordre de 80 à 100 milliards d’euros
Faute d’évaluation officielle disponible, plusieurs associations ou syndicats ont tâché d’identifier, par eux-mêmes, le coût de l’évasion fiscale en France. Ainsi, pour Attac, entre 80 et 100 milliards d’euros échapperaient tous les ans au budget de l’État du fait de l’évasion et de la fraude fiscales. En 2013, le syndicat Solidaires Finances publiques avait quant à lui évalué le coût de l’évasion fiscale à 60 à 80 milliards d’euros ([8]). L’organisation syndicale a revu cette estimation à la hausse en 2018 ([9]) — au moins 80 milliards d’euros — et considère désormais que l’évasion fiscale représenterait jusqu’à 100 milliards d’euros de pertes fiscales chaque année en France. Les précédentes éditions de ce rapport rédigées par la députée Charlotte Leduc allaient même jusqu’à évoquer le chiffre de 120 milliards d’euros. Les rapporteurs spéciaux estiment cet ordre de grandeur de 80 à 120 milliards d’euros cohérent avec les informations recueillies dans le cas des auditions menées pour écrire ce rapport.
2. … qui imposent de mieux documenter le coût et les mécanismes de l’évasion fiscale
a. Des mécanismes qui reposent sur la frontière poreuse entre optimisation fiscale agressive et fraude fiscale
Comme en avait fait état Charlotte Leduc, l’évasion fiscale est un concept difficile à définir en ce qu’elle se situe dans une « zone grise » — l’expression est revenue à de très nombreuses reprises dans les auditions — entre l’optimisation fiscale et la fraude fiscale. La première consiste, pour le contribuable, à choisir, parmi les possibilités offertes par la loi, celle qui apparaît la moins onéreuse tandis que la seconde est définie par l’article 1741 du code général des impôts comme une violation délibérée de la réglementation fiscale — il peut s’agir, par exemple, pour le contribuable d’une omission intentionnelle dans ses obligations déclaratives, voire d’une tentative de dissimulation de tout ou partie des sommes assujetties à l’impôt.
La définition qui en est donnée par Tracfin ou la Cour des comptes relève bien cette ambiguïté puisque selon ces deux acteurs, l’évasion fiscale qualifie l’ensemble des opérations destinées à réduire le montant des prélèvements dont le contribuable doit normalement s’acquitter, et dont la régularité est incertaine. L’évasion fiscale se situe ainsi entre l’optimisation fiscale agressive qui consiste à tirer parti des subtilités d’un système fiscal ou des incohérences entre plusieurs systèmes fiscaux afin de réduire l’impôt à payer, et la fraude fiscale.
Source : Cour des comptes, La détection de la fraude fiscale des particuliers, novembre 2023.
Les CumCum et CumEx : un exemple de fraude de plus en plus récurrent
Plusieurs perquisitions de grandes banques françaises ces dernières années ont révélé au grand public une pratique croissante consistant à transférer artificiellement, et provisoirement, la propriété d’actions pour éviter de payer les taxes sur les dividendes perçus grâce à ces actions : on parle de schémas « CumCum » ou « CumEx ».
Les montages Cumcum
Les montages dits « CumCum » permettent à des investisseurs non-résidents d’éluder la retenue à la source sur les dividendes versés par une société française à un non-résident, prévue au 2 de l’article 119 bis du Code général des impôts (CGI), en transférant temporairement les titres à une personne qui n’y est pas soumise. La personne ainsi interposée est soit un résident fiscal français, le plus souvent un établissement bancaire (« CumCum interne »), soit un non-résident qui n’est pas soumis à la retenue à la source du fait d’une convention fiscale ([10]) ou de son statut (« CumCum externe »).
Au 30 juin 2024, les enjeux des contrôles menés s’agissant des CumCum internes étaient de l’ordre de quatre milliards d’euros (droits notifiés, intérêts et majorations).
En raison de la difficulté à démontrer que des opérations poursuivaient un but exclusivement fiscal, les services de contrôle ont privilégié le recours à la notion de bénéficiaire effectif des dividendes afin de ne pas tenir compte de l’interposition des résidents français. La doctrine administrative (BOFIP) a été mise à jour en 2023 afin d’y inscrire cette notion. Toutefois, par une décision du 8 décembre 2023 ([11]), le Conseil d’État a annulé cette doctrine jugée contraire à l’intention du législateur et précisé que seule la démonstration de l’existence d’un abus de droit permettait d’écarter l’interposition de résidents français, sans toutefois se prononcer sur le fond. Aussi les rapporteurs appellent-ils à modifier l’article 119 bis du code général des impôts (CGI) pour y inscrire que la retenue à la source qui y est évoquée s’applique y compris lorsque le récipiendaire a son domicile fiscal ou son siège en France, dès lors que le bénéficiaire effectif des revenus en cause, c’est-à-dire la personne qui a le droit d’en disposer librement, a son domicile fiscal ou son siège hors de France. C’est en partie le sens de l’amendement n°I-3122, adopté en séance, que les rapporteurs spéciaux espèrent voir prospérer tout au long de l’examen du texte.
S’agissant des CumCum externes, l’administration a reconnu auprès des rapporteurs spéciaux être confrontée à des obstacles pratiques et juridiques tels qu’aucune rectification n’est intervenue à ce jour en la matière.
Les montages CumEx
Les Cumex constituent une escroquerie consistant à réaliser des opérations autour de la date de détachement du dividende de manière à dissimuler l’identité du propriétaire réel à cette date et à permettre à d’autres personnes de demander indûment des « remboursements » de retenues à la source qu’ils n’ont jamais eu à payer. L’administration a indiqué aux rapporteurs spéciaux ne jamais avoir détecté à ce jour de tels montages en France.
Recommandation n° 1 : modifier l’article 119 bis du code général des impôts pour y inscrire que la retenue à la source qui y est évoquée s’applique y compris lorsque le récipiendaire a son domicile fiscal ou son siège en France, dès lors que le bénéficiaire effectif des revenus en cause, c’est-à-dire la personne qui a le droit d’en disposer librement, a son domicile fiscal ou son siège hors de France.
b. (Mieux) évaluer l’évasion fiscale
Il n’existe pas d’estimation de l’évasion fiscale en France fournie par les services de l’État. Comme l’a récemment ([12]) souligné la Cour des comptes, « Contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose d’aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale, ni même de l’écart fiscal. Le montant de chacun de ces deux phénomènes, même ramené à un ordre de grandeur, est inconnu. » Il est ainsi indispensable que l’administration fiscale rattrape son retard par rapport à plusieurs de ses homologues étrangères sur ce plan. Les rapporteurs spéciaux formulent trois recommandations à cette fin.
Il paraît tout d’abord indispensable aux rapporteurs spéciaux que ce sujet fasse l’objet d’un portage politique fort. Cela passe à leurs yeux par l’identification d’une personnalité spécifiquement dédiée à la lutte contre l’évasion fiscale. Les rapporteurs spéciaux recommandent ainsi de nommer un haut-commissaire à la lutte contre l’évasion fiscale, sur le modèle des précédents hauts-commissaires thématiques ([13]).
Afin de ne pas multiplier les structures, ce haut-commissaire reprendrait le rôle de l’actuelle mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF) comme cela a pu être fait par le passé. L’article 1 du décret n° 2017-1317 du 4 septembre 2017 relatif au haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale mentionnait par exemple que ledit haut-commissaire « anime et coordonne l’action des différents ministères en matière d’économie sociale et solidaire et d’innovation sociale ». Il en faisait même la première de ses attributions interministérielles.
Outre cette action de coordination, le haut-commissaire nouvellement créé devrait mettre en œuvre une feuille de route structurée autour de trois objectifs principaux : l’établissement par l’administration d’une évaluation annuelle de l’évasion fiscale, la formulation de propositions réglementaires et/ou législatives destinées à mettre fin aux complexités des règles dérogatoires d’exonération sur laquelle s’appuie précisément l’optimisation fiscale agressive et la sensibilisation des citoyens à l’enjeu de l’évasion fiscale.
Recommandation n° 2 : créer un haut-commissaire à la lutte contre l’évasion fiscale.
Même si un haut-commissaire à la lutte contre l’évasion fiscal n’était pas créé, il est indispensable qu’il soit procédé à une évaluation annuelle de l’évasion fiscale. A minima, chacun des grands impôts (impôts sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA) devrait faire l’objet d’une telle évaluation, et non pas seulement la TVA comme cela a été le cas très récemment. Cette évaluation pourrait soit être confiée à un acteur unique — la DGFiP — ou agréger les travaux de plusieurs administrations. De fait, comme le relevait la Cour des comptes ([14]) « l’estimation des montants représentés par les irrégularités et la fraude aux prélèvements obligatoires est un outil essentiel d’orientation de l’action de l’administration fiscale. En objectivant les comportements d’évitement des prélèvements, elle constitue aussi un élément central pour apaiser le débat public sur les prélèvements obligatoires. »
La France pourrait s’inspirer des expériences étrangères, de plus en plus en plus nombreuses en la matière et des travaux issus du Forum de l’administration fiscale de l’OCDE (groupe de 53 pays visant à faire évoluer les systèmes fiscaux en vue d’une meilleure efficience des administrations fiscales et d’un meilleur respect de la loi fiscale). Ainsi, les États-Unis publient depuis les années 1980 des estimations non pas sur la fraude ou l’évasion fiscales mais sur le concept plus large d’écart fiscal (tax gap). Depuis, de nombreux pays se sont engagés dans cette voie : le Royaume-Uni au début des années 2000, les pays scandinaves ou encore l’Italie. En 2019, la Cour des comptes relevait dans le rapport précité que sur un échantillon constitué de 58 pays de l’OCDE, plus de la moitié se livraient à ce type de travaux.
Ainsi, chaque année depuis 2011, le ministère des revenus et le ministère de l’économie et des finances italiens publient le Rapporto sull’evasione fiscale e contributiva qui permet d’évaluer l’évasion fiscale selon différentes méthodes et pour différents types d’impôts. Au Royaume Uni, une estimation de l’écart fiscal est également réalisée. Depuis 2005, l’administration en charge de la collecte des prélèvements fiscaux — His Majesty’s Revenue and Customs (HMRC) — publie un rapport annuel sur le sujet. En plus d’identifier les causes et les types de taxes évadées, le HMRC classe l’écart fiscal en fonction des profils des contribuables, par exemple les particuliers aisés, les criminels, les petites entreprises ou les entreprises de taille moyenne. Ces catégorisations permettent ensuite à l’administration de mieux cibler les contrôles, dans une logique de rentabilité.
Recommandation n° 3 : évaluer de façon annuelle l’évasion fiscale en France, en précisant les résultats selon une typologie des personnes morales et physiques.
Les rapporteurs spéciaux n’ignorent pas que l’ambition à moyen terme du gouvernement est de disposer de chiffrages de la fraude qui couvrent les principaux impôts recouvrés par la DGFiP et que des travaux sont d’ores et déjà programmés sur l’impôt sur les sociétés. Ils ne peuvent toutefois que constater, à date, que cette évaluation globale n’existe pas, d’où le sens de leur recommandation.
La loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016 a créé un document de politique transversale (« orange budgétaire ») relatif à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Ce document a vu son champ élargi à la fraude aux cotisations sociales en 2019. De tels documents, annexés au projet de loi de finances, visent à retracer les crédits de politiques publiques transversales qui ne s’épuisent pas dans une seule mission budgétaire (par exemple, la politique de la ville). Toutefois, ces documents, destinés à renforcer l’information des parlementaires au moment de la présentation du budget et éclairer ainsi leur vote, ne sont utiles que s’ils sont suffisamment complets.
Or, Charlotte Leduc, dans chacune des précédentes éditions du rapport, a déploré le manque d’informations disponibles dans le document de politique transversale consacré à l’évasion fiscale. Force est de constater que le document de politique transversale 2025 continue de manquer crucialement de substance. En particulier, l’explication des programmes se résume toujours principalement à présenter les grands objectifs et les réformes sans offrir de détails sur les rôles spécifiques de chacun et sur la répartition budgétaire des crédits. Par ailleurs, les programmes qui financent certains acteurs et services concourant à la lutte contre l’évasion fiscale ne figurent toujours pas dans le DPT comme la cellule TRACFIN qui reçoit des financements en provenance du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières. Les rapporteurs spéciaux reprennent donc à leur compte la recommandation de Charlotte Leduc consistant à ajouter au sein du DPT une cartographie de l’ensemble des acteurs participant à la lutte contre l’évasion fiscale, détaillant leur rôle, le budget et les effectifs qui leur sont alloués, le programme portant ce budget et les relations entre eux.
Recommandation n° 4 : enrichir le document de politique transversale relatif à la lutte contre l’évasion fiscale afin de disposer d’une vision claire et consolidée des moyens consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale
B. oUtre son coÛt pour les finances publiques, l’ÉVASION FISCALE CONTRIBUE À ACCROÎTRE DES INÉGALITÉS DE PLUS EN PLUS EXACERBÉES
1. Des inégalités qui ne cessent d’augmenter en France…
Les inégalités de revenus, et plus encore de patrimoine, augmentent depuis la fin des années 1990 en France.
En ce qui concerne les revenus tout d’abord, l’indice de Gini des niveaux de vie (après impôts et prestations sociales) qui compare la répartition des revenus dans la population à une situation d’égalité théorique ([15]), augmente depuis une trentaine d’années. Il est ainsi passé de 0, 274 en 1996 à 0,294 en 2022, soit un des niveaux les plus élevés sur la période ([16]). Cette tendance est confirmée par le ratio de Palma qui rapporte la masse des revenus perçue par les 10 % les plus riches à celle perçue par les 40 % les plus pauvres ([17]) — contrairement à l’indice de Gini, il exclut donc la partie de la population située entre ces deux tranches. Ainsi, ce ratio est passé de 0,97 en 1996 à 1,09 en 2022 : autrement dit, en 2022, les 10 % les plus aisés perçoivent une masse de revenus 1,09 fois plus importante que l’ensemble des 40 % les plus modestes, alors que ces derniers sont quatre fois plus nombreux.
Source : Observatoire des inégalités.
L’accroissement des inégalités de revenus, déjà problématique, est sans commune mesure avec celui des inégalités de patrimoine. Ainsi, l’INSEE a souligné dans une étude ([18]) sortie en octobre qu’entre 1998 et 2021, en euros constants, le patrimoine brut moyen des 10 % des individus les moins bien dotés a baissé de 54 %, alors que celui des 10 % les mieux dotés a augmenté de 94 %. En 2021, la moitié des ménages détenaient 8 % de la masse totale du patrimoine brute, l’autre moitié se partageant les 92 % restant. Dans la mesure où les revenus du patrimoine continuent d’augmenter plus vite que l’inflation et les revenus d’activité — de l’ordre de trois fois plus en 2023 — cette tendance devrait en outre se poursuivre dans les années à venir et les écarts de richesse s’intensifier. Par ailleurs, les 1 % des ménages les plus riches détiennent 40 % du patrimoine total et la fortune héritée représente 60 % du patrimoine total ce qui laisse craindre aux rapporteurs spéciaux l’entrée dans une société d’héritiers.
2. … et qu’alimente l’évasion fiscale
Comme le souligne le graphique ci-dessous, la fraude fiscale est d’abord le fait des ultra-riches : la part des impôts et taxes fraudés sur les impôts et taxes dus augmentent en effet avec la richesse. Ainsi, si en moyenne 3 % des sommes dues au titre de l’impôt sur le revenu sont fraudés en Scandinavie, ce chiffre s’élève à presque 30 % pour les 0,01 % les foyers les plus riches, un groupe qui inclut les ménages avec plus de 45 millions de dollars de richesse nette. L’évasion fiscale est ainsi un phénomène global, y compris dans des pays où le consentement à l’impôt est plus élevé que dans le reste du monde.
Source : Alstadsæter, Johannesen & Zucman, 2017.
Le problème de l’évasion fiscale des plus riches — outre les considérations légales — est que l’une des fonctions de l’impôt est précisément de permettre la redistribution de la richesse au sein de la société. En échappant à l’impôt, les évadés fiscaux mettent à mal ce système redistributif permettant de réduire les inégalités et contribuent donc à les renforcer. En retour, cette hausse des inégalités réduit le consentement à l’impôt des citoyens tenant pour responsables les pouvoirs publics, ce qui renforce l’évasion fiscale.
C. l’ÉVASION FISCALE NUIT ÉGALEMENT AU CONSENTEMENT À L’IMPÔT, DÉJÀ FRAGILISÉ
Les citoyens n’acceptent de payer leurs impôts que s’ils estiment que chacun paie non seulement sa juste part de l’impôt mais la paie effectivement. Lire dans la presse les montants que représente l’évasion fiscale nuit ainsi au consentement à l’impôt car ces montants donnent l’idée que les foyers déjà favorisés — puisque comme cela a été indiqué plus haut la fraude et l’évasion fiscales sont majoritairement le fait des ultra-riches — le sont encore davantage car ils parviennent à ne pas s’acquitter des impôts et taxes qu’ils doivent à l’État. De même, plusieurs recherches ont mis en évidence que l’appréciation positive de la lutte contre la fraude fiscale menée par l’administration constitue une des conditions du consentement à l’impôt ([19]) . Le dernier baromètre des prélèvements fiscaux et sociaux en France du Conseil des prélèvements obligatoires rapporte ([20]) ainsi que 55 % des personnes interrogées souhaitent que l’État dépense davantage de fonds publics pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. Il est donc indispensable de mieux lutter contre l’évasion fiscale pour ne pas amoindrir le consentement à l’impôt encore davantage : le mouvement des gilets jaunes a bien montré combien ce consentement était fragile dans le pays, même si la France n’est pas la seule concernée par cette tendance.
Des révoltes qui se multiplient à travers le monde pour refuser de nouvelles taxes
Au Chili, en octobre 2019, l’augmentation du prix du ticket de métro a déclenché des manifestations faisant des dizaines de morts et conduisant le gouvernement a décrété l’état d’urgence. Le pays a aussi dû annuler le sommet de l’APEC ainsi que la COP25 qui devaient se tenir ce mois-là. Même si cette hausse du ticket de métro de 800 à 830 pesos (1,04 euro) aux heures de pointe, à Santiago, qui survenait après une première augmentation de 20 pesos en janvier 2019, a été rapidement annulée les manifestations se sont poursuivies pendant plusieurs mois dans le cadre de revendications plus larges de la population.
Au Liban, l’annonce, toujours en octobre 2019, de la préparation de nouvelles taxes, dont une devait porter sur les utilisateurs des applications du type WhatsApp à hauteur de 0,18 euro par jour, a conduit à l’un des plus importants mouvements de contestation de ces dernières années. En effet, l’application est le premier outil de communication dans le pays et également un moyen de communiquer à l’international. Malgré le retrait du projet de taxe le soir même des premières protestations, le mouvement s’est étendu sur plusieurs jours dans ce pays également.
En France, si le mouvement des gilets jaunes s’est transformé progressivement en un mouvement de larges revendications politiques et sociales, il est né de la contestation de l’augmentation de la taxe carbone. Le gouvernement avait finalement renoncé à augmenter en 2019 cette contribution sur les émissions de CO2 ce qui aurait eu pour effet de renchérir le prix des carburants.
II. pourtant, les moyens allouÉS À LA LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE DEMEURENT INSATISFAISANTS, CE QUE NE CORRIGE EN RIEN LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2025
Plutôt que de renforcer les moyens de l’administration fiscale, le projet de loi de finances pour 2025 confirme les tendances passées en prévoyant la suppression de centaines d’emplois en son sein.
A. LA DGFiP : « L’ADMINISTRATION LA PLUS SACRIFIÉE » DES DERNIÈRES ANNÉES
Depuis sa création en 2008 par la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique ([21]), des dizaines de milliers d’emplois ont été supprimés à la DGFiP. En proportion de ses effectifs, aucune autre administration de la fonction publique d’État n’a connu une telle diminution, alors même que cette dernière est pourtant au service de toutes les autres, en permettant de récupérer des recettes indispensables au financement des services publics.
1. Une administration aux effectifs en constante diminution
Les dix dernières années ont toutes sans exception été marquées par des suppressions d’emplois au sein de la DGFiP. Logiquement, les effectifs ont drastiquement diminué sur la période. Ainsi, alors que la DGFiP comptait encore 109 427 agents en 2014, ce chiffre n’était plus que de 91 797 au 31/12/2023, soit une diminution de 16,11 % sur la période. Si l’on remonte à 2008, année au cours de laquelle a été créée la DGFiP, ce sont plus de 30 000 emplois qui ont été supprimés en 15 ans, soit plus du quart des effectifs de la DGFiP. Les économies en dépenses de personnels réalisées représentent l’équivalent d’un peu moins de 2 milliards d’euros par an. Les rapporteurs spéciaux invitent à rapporter ce montant au manque à gagner sur les contrôles de différents dispositifs de fraude et d’évasion fiscales.
Cette baisse des effectifs n’épargne pas le contrôle fiscal. Comme les effectifs globaux, les effectifs du contrôle fiscal ont constamment diminué depuis 2014, et ils ont même diminué dans des proportions plus alarmantes encore. Sur les 12 576 agents dédiés à cette activité en 2014, il n’en restait plus que 10 154 en 2023. Ce sont ainsi 20 % des moyens humains du contrôle fiscal qui ont été supprimés sur la période, et ce alors même que la lutte contre la fraude fiscale a été érigée en priorité par les gouvernements de ces dernières années ([22]). Personne ne nie que la réforme récente du prélèvement à la source ait pu dégager des marges de manœuvre, mais pas dans de telles proportions.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DU CONTRÔLE FISCAL SUR 10 ANS
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2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Effectifs contrôle fiscal au 31/12/N |
12 576 |
12 362 |
12 189 |
11 924 |
11 387 |
11 109 |
10 781 |
10 373 |
10 294 |
10 154 |
|
Taux de variation des effectifs du contrôle fiscal (par rapport à l’année précédente) |
– 2,36 % |
– 1,70 % |
– 1,40 % |
– 2,17 % |
– 4,50 % |
– 2,44 % |
– 2,95 % |
– 3,78 % |
– 0,77 % |
– 1,36 % |
|
Effectifs DGFiP au 31/12/N |
109 427 |
107 202 |
105 121 |
103 473 |
101 394 |
99 257 |
96 991 |
95 221 |
93 025 |
91 797 |
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Taux de variation des effectifs de la DGFiP (par rapport à l’année précédente) |
– 2,13 % |
– 2,03 % |
– 1,94 % |
– 1,57 % |
– 2,01 % |
– 2,11 % |
– 2,28 % |
– 1,82 % |
– 2,31 % |
– 1,32 % |
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Source : rapports annuels de performance, réponses au questionnaire budgétaire et commission des finances.
Logiquement, cette baisse des effectifs a des conséquences sur les résultats du contrôle fiscal.
2. Cette baisse des moyens a eu pour effet mécanique d’amoindrir les résultats du contrôle fiscal
a. Des montants recouvrés en diminution depuis 2019
En 2023, les résultats du contrôle fiscal sont en diminution par rapport ceux de l’année 2022, qui étaient eux-mêmes en légère diminution par rapport à l’année 2021. En 2023, ce sont 10,59 milliards d’euros d’impôts qui ont été recouvrés. L’impôt sur les sociétés est l’impôt pour lequel les encaissements sont les plus élevés, à hauteur de 2,69 milliards d’euros.
Évolution des rÉsultats du contrôle fiscal depuis 2015
(en millions d’euros)
Source : Réponses au questionnaire budgétaire.
Les services de la DGFiP ont avancé plusieurs justifications pour expliquer l’évolution des montants recouvrés. Ils ont tout d’abord indiqué que la baisse constatée ces dernières années s’expliquait par la diminution des prélèvements obligatoires sur la période, qui conduisent à minorer les montants dont doivent s’acquitter les redevables. Ils veulent ensuite voir dans cette baisse des recouvrements le fruit d’un meilleur accompagnement en amont des contribuables qui diminuerait les montants fraudés. Or, la hausse — conséquente — des droits nets notifiés contredit pleinement ces analyses. Pour les services de la DGFiP enfin, il faudrait même voir dans la stagnation des montants mis en recouvrement alors que les effectifs du contrôle fiscal ont diminué une hausse de la productivité des agents.
Les rapporteurs spéciaux ne souscrivent pas à ces interprétations. Au contraire, ils estiment que les résultats du contrôle fiscal auraient dû augmenter avec la hausse de la richesse ces dix dernières années. En effet, le produit intérieur brut a augmenté de 10,5 % sur la période, ce que ne reflète absolument pas ces résultats. Les rapporteurs spéciaux voient eux dans cette baisse des montants recouvrés une conséquence directe des suppressions de postes affectés à l’activité de contrôle fiscal.
b. Quelques exemples de mécanismes, qui, bien que légaux, contribuent à minorer les recettes de l’État
Le dispositif dit Dutreil (art. 787 B et 787 C du CGI), créé en 2003 ([23]), permet de bénéficier, sous certaines conditions, d’une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) lors de la transmission d’une entreprise dans un cadre familial. Ce dispositif visait, lors de sa création, à éviter que les héritiers d’un chef d’entreprise ne soient contraints, soit de prélever sur l’entreprise des sommes significatives sous forme de dividendes pour acquitter les droits de succession, soit de céder l’entreprise à un tiers, dans un contexte croissant d’acquisition de petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire françaises par des groupes étrangers.
Plusieurs modifications sont intervenues depuis 2003 pour assouplir le dispositif et le rendre plus attractif, la première d’entre elles étant le relèvement de 50 à 75 % de l’abattement dont bénéficie la donation d’entreprise en pleine propriété. Ainsi seul un quart de la valeur de l’entreprise est pris en compte pour calculer le montant de DMTG selon les barèmes de droit commun applicables en fonction du lien de parenté existant entre le donateur et bénéficiaire. Ces modifications successives, à mesure qu’elles rendaient les pactes Dutreil plus attractifs, ont conduit à augmenter progressivement les pertes de recettes fiscales pour l’État à tel point que le coût de ce dispositif est désormais problématique.
Pendant très longtemps, l’estimation fournie par l’administration du coût des Dutreil est restée stable, à 500 millions d’euros. Ce montant était qualifié par l’administration elle-même d’« ordre de grandeur », avec un nombre de bénéficiaires « non déterminé » ([24]). En 2021, le Conseil d’analyse économique ([25]) et l’Institut des politiques publiques ([26]) ont évalué le montant de la perte de recettes imputable aux pactes Dutreil à une somme comprise entre 2 et 3 milliards d’euros. Face aux critiques, formulées notamment par le rapport d’information parlementaire Mattei-Sansu sur la fiscalité du patrimoine ([27]), la direction de la législation fiscale s’était engagée à fournir un chiffrage actualisé à la fin de l’année 2024. De fait, le coût du Dutreil a été relevé à 800 millions d’euros dans le tome II du Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2025. Si l’on s’en tient à cette estimation de l’administration, la perte de recettes fiscales pour l’État en raison de cette dépense fiscale s’élève donc à près d’un milliard d’euros. En outre, comme le relève la Cour des comptes dans une communication ([28]) au Parlement de septembre 2024 : « L’absence de données précises sur les entreprises bénéficiant du pacte Dutreil et sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif empêche de tirer des conclusions robustes sur sa pertinence économique, et sur les usages qui en sont faits. »
Les rapporteurs spéciaux appellent donc à rééquilibrer le dispositif Dutreil, en l’assignant à son véritable rôle : permettre la transmission d’entreprises dans un cadre familial permettant de lutter contre la prédation de fonds étrangers. Aujourd’hui, ce dispositif est utilisé dans certains cas pour éviter l’impôt. Les rapporteurs spéciaux proposent d’y remédier avec l’introduction de trois garde-fous : la définition précise du périmètre concerné par le pacte qui doit se cantonner aux biens professionnels, l’allongement de la durée de détention de l’entreprise à l’issue de la conclusion d’un pacte et la diminution de l’abattement au-delà de 50 millions d’euros (75 % jusqu’à 50 millions d’euros, 50 % au-delà). Les rapporteurs spéciaux appellent également l’administration à davantage s’intéresser aux dispositifs qui combinent démembrement du patrimoine et recours au pacte Dutreil qui reviennent à bénéficier d’abattement pouvant aller jusqu’à 90 %. Le dispositif Dutreil ne saurait être intangible, il est un des montages permettant l’évitement de l’impôt et doit être mieux évalué.
Recommandation n° 5 : évaluer sur une base annuelle le coût du dispositif dit « Dutreil » et le pour pouvoir bénéficier d’un abattement et en réduisant le taux de l’abattement au-delà d’un certain montant.
La loi de finances pour 2020 a prévu la remise par le gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l’administration fiscale ([29]). Dans ce rapport doivent également figurer les informations prévues pour les remises et transactions à titre gracieux concernant les règlements d’ensemble. Selon l’administration, un règlement d’ensemble désigne « la situation où, en présence de sujets complexes marqués par une forte incertitude juridique, l’administration conclut avec l’usager un accord global qui inclut une atténuation des droits par rapport à la lecture initialement retenue par l’administration de contrôle dans sa proposition. » Pour l’administration toujours, un règlement d’ensemble d’un dossier est destiné à accélérer la conclusion d’un contrôle et atténuer le risque contentieux. Les rapporteurs spéciaux contestent cette philosophie, estimant qu’elle conduit à minorer in fine, et ce, de façon conséquente les recettes de l’État. Ainsi, l’édition 2023 du rapport précédemment mentionné indique, qu’en 2022, le montant des modérations accordées équivalait à 1,25 milliard d’euros. Les rapporteurs spéciaux émettent de très sérieux doutes quant au fait que de prendre le risque d’aller — et de perdre — au contentieux dans certains des cas conduisent in fine à de telles pertes de recettes pour l’administration fiscale.
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2022 |
Nombre de règlements d’ensemble |
320 |
Montant initiaux des droits et pénalités (en €) |
2 223 743 405 |
Montant des modérations (en €) |
1 250 114 917 |
Montant moyen remis (en €) |
3 906 609 |
Montant médian remis (en €) |
99 204 |
Source : Gouvernement, Rapport au Parlement — Remises et transactions à titre gracieux et règlements d’ensemble en matière fiscale pour l’année 2022.
Les rapporteurs spéciaux sont confortés dans leur analyse par le fait que le nombre de règlements d’ensemble a explosé depuis 2019, passant de 116 cette année-là à 320 en 2022. Les rapporteurs spéciaux voient dans cette explosion du nombre de règlements d’ensemble une conséquence directe de la diminution des effectifs du contrôle fiscal : faute de pouvoir mener leurs contrôles dans de bonnes conditions et de pouvoir monter des dossiers de qualité dans le cas d’un éventuel recours contentieux, l’administration préfère conclure un accord global avec le contribuable. Enfin, la différence entre le montant médian remis — 99 204 euros — et le montant moyen remis — 3 906 609 euros — en 2022 laisse clairement entrevoir qu’un petit nombre d’acteurs profitent très fortement des règlements d’ensemble. De fait, la modération maximale en 2022 s’élevait à 194,61 millions d’euros. Sollicités par les rapporteurs spéciaux quant au montant des dix plus hautes modérations en 2023, les cabinets des ministres de l’économie et du budget n’ont pas répondu. Outre, l’opacité qui perdure sur les règlements d’ensemble — le rapport remis au Parlement ne comporte que quatre pages sur les règlements d’ensemble — les rapporteurs spéciaux déplorent ce manque de considération pour le Parlement à un moment où l’absence de majorité à l’Assemblée nationale appelle pourtant à une meilleure collaboration entre le gouvernement et les parlementaires.
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Nombre de règlements d’ensemble |
2019 |
116 |
2020 |
128 |
2021 |
306 |
2022 |
320 |
Source : Gouvernement, différentes éditions du Rapport au Parlement — Remises et transactions à titre gracieux et règlements d’ensemble en matière fiscale.
Les rapporteurs spéciaux recommandent ainsi de compléter le volet relatif aux règlements d’ensemble du rapport remis au Parlement sur les remises et transactions à titre gracieux et les règlements d’ensemble en matière fiscale pour y inclure le montant des dix plus grandes modérations consenties annuellement.
Recommandation n° 6 : modifier l’article L 251 A du livre des procédures fiscales pour prévoir que le volet relatif aux règlements d’ensemble du rapport remis au Parlement sur les remises et transactions à titre gracieux et les règlements d’ensemble en matière fiscale fasse apparaître le montant des dix plus grandes modérations consenties annuellement
Recommandation n° 7 : sur la base de l’article 58-2 de la Constitution, demander à la Cour des comptes de réaliser un contrôle sur les règlements d’ensemble.
B. LE PLF 2025 S’INSCRIT DANS LA TENDANCE PRÉCÉDENTE ET CONTINUE D’EMPÊCHER DE METTRE EN œuvre UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE
1. En gelant le budget dédié à la mission, le PLF 2025 conduit à réduire les crédits effectivement alloués à la lutte contre l’évasion fiscale une fois l’inflation prise en compte
Certes, les crédits alloués à la politique de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale augmenteraient en 2025.
Numéro et intitulé du programme ou du PSR ou de l’action |
2024 (LFI+LFRs) |
2025 |
P. 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
987,56 |
1 044,58 |
Action 1 Fiscalité des grandes entreprises |
82,73 |
90,06 |
Action 2 Fiscalité des PME |
608,00 |
636,16 |
Action 3 Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale |
296,83 |
318,36 |
P. 302 Facilitation et sécurisation des échanges |
377,58 |
402,70 |
Action 1 Surveillance douanière des flux de personnes et de marchandise et lutte contre la grande fraude douanière |
33,70 |
27,61 |
Action 3 Préservation de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen |
44,50 |
51,14 |
Action 4 Promotion de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen |
7,50 |
12,88 |
Action 5 Fiscalité douanière, énergétique et environnementale |
11,34 |
9,5 |
Action 6 Soutien des services opérationnels |
208,04 |
227,57 |
Action 8 Soutien au réseau des débitants de tabac |
59,10 |
59,10 |
Action 9 Mobilisation des outils du renseignement au service des missions douanières |
13,39 |
14,90 |
Total |
1 365,14 |
1 447,28 |
Source : document de politique transversale Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales annexé au PLF 2025.
Toutefois, les crédits de la mission Gestion des finances publiques diminueraient, eux, en volume. En effet, le PLF 2025 prévoit une augmentation des crédits de paiement de la mission de 0,66 %, soit une augmentation nettement inférieure à l’inflation anticipée pour 2025 (de l’ordre de 1,8 %), ce qui se traduira mécaniquement par une baisse des moyens de la mission. De fait, le schéma d’emplois pour 2025 est négatif, avec 505 équivalents temps plein (ETP) en moins. Sur le programme 156, ce sont 550 emplois qui sont supprimés en 2025, et ce alors même que le cadre d’objectif et de moyens 2023-2027 avait prévu une année blanche pour la DGFiP en 2025. Ces 550 emplois en moins sont à analyser au regard du schéma d’emploi global en baisse de 2 200 équivalents temps plein dans les ministères et leurs opérateurs. Autrement dit, la baisse des effectifs de la DGFiP correspond au quart des emplois supprimés dans la fonction publique d’État si le PLF 2025 était adopté en l’état. L’administration fiscale serait ainsi à nouveau sacrifiée à l’aune de l’austérité budgétaire.
Or, il est faux de penser qu’une augmentation des effectifs du seul contrôle fiscal permet de mieux lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
2. Les redéploiements annoncés d’effectifs en faveur du contrôle fiscal ne sauraient constituer une réponse satisfaisante
a. Déshabiller Pierre pour habiller Paul : une idée contreproductive
Une des mesures phares du plan de lutte contre les fraudes, annoncé en 2023, consiste à augmenter les effectifs du contrôle fiscal de 1 500 équivalents temps plein à horizon 2027. Outre le fait que cet objectif semble compromis — en effet l’administration fiscale n’a pas été en mesure, ni en audition ni dans ses réponses au questionnaire budgétaire, d’indiquer le nombre de recrutements qui seraient réalisés pour grossir les effectifs du contrôle fiscal —, les créations de postes promises pour l’activité de contrôle fiscal se font uniquement sur la base de redéploiements. Or, le contrôle fiscal ne repose pas sur l’action exclusive des vérificateurs et s’inscrit dans une chaîne plus large à laquelle concourt l’ensemble des agents de l’administration fiscale. À titre d’exemple, la qualité de la programmation des contrôles repose sur la qualité des informations remontées du terrain, qui suppose que des agents soient présents dans les services concentrés non seulement pour collecter les données brutes mais également les analyser puis les formaliser. Le gouvernement a pourtant choisi d’emprunter une voie radicalement opposée puisque le schéma d’emplois du programme 156 prévu dans le projet de loi de finances pour 2025 supprime 550 équivalents temps plein. Si les effectifs du contrôle fiscal sont amenés à augmenter, cela signifie qu’il y aura des centaines d’agents en moins en 2025 sur le terrain et dans les administrations supports, lesquels sont pourtant indispensables pour mener en bout de chaîne des contrôles pertinents et de qualité. Cela est d’autant plus critiquable que le cadre ([30]) d’objectifs et de moyens de la DGFiP pour les années 2023-2027 prévoyait un schéma d’emplois nul en 2025.
Le problème est exactement identique pour ce qui concerne le recours sans cesse accru à l’intelligence artificielle. Si les rapporteurs spéciaux ne sont pas, par principe, opposés au recours à l’intelligence artificielle, il convient de rappeler que le principal avantage de celle-ci est de pouvoir traiter en très peu de temps une quantité de données industrielle. Pour produire des résultats, l’intelligence artificielle a donc besoin non seulement de données, mais de données exploitables. Or, les suppressions de postes continues des dernières années compliquent justement l’agrégation de ces données. Par ailleurs, outre le fait que ces politiques menées ne sont pas cohérentes, le recours à l’intelligence artificielle présente plusieurs inconvénients au premier rang desquels le sentiment de perte de sens qu’elle induit chez les agents. Les consignes hiérarchiques semblent renforcer ce sentiment de dépossession du « métier », en demandant un seul travail d’exploitation de listes au détriment de l’efficacité et de l’expertise des agents. En effet, une part croissante de la programmation est déterminée sur la base de l’IA ([31]), au détriment de la programmation dite d’« initiative ». En outre, si les rapporteurs spéciaux reconnaissent les gains d’efficacité que permet dans certains cas l’IA, ils sont dubitatifs quant à la nécessité d’accroître encore cette part au regard des montants recouvrés en lien avec cette programmation qui ne représentent que 13 % des recouvrements opérés dans le cadre des contrôles fiscaux des entreprises. Les rapporteurs spéciaux ont toutefois conscience que le périmètre des listes issues du datamining est circonscrit.
Recommandation n° 8 : revenir sur le schéma d’emplois de la mission prévu par le projet de loi de finances pour 2025 pour prévoir, a minima, que les effectifs de la DGFiP soient stables en 2025, comme cela était prévu par le cadre d’objectifs et de moyens.
La logique précédemment exposée peut être également transposée au cas de Tracfin. Le service a vu ses effectifs plus que doubler en 10 ans, passant d’une petite centaine en 2014 à 210 aujourd’hui, et même tripler depuis 2010, ce dont s’est satisfait son directeur lors de son audition et ce dont ne peuvent que se satisfaire les rapporteurs spéciaux. Toutefois, Tracfin est un service de renseignement, c’est-à-dire qu’il recueille des informations mais qu’il n’a pas vocation ensuite à entamer les poursuites qui peuvent en découler. Après analyse de ces informations, Tracfin transmet celles qu’il juge pertinentes aux administrations compétentes, charge à elles ensuite d’instruire une enquête. Or, parmi ces administrations figure l’administration fiscale. Sans moyens supplémentaires pour analyser les informations transmises par Tracfin, la hausse des effectifs du service apparaît en partie vaine. Par ailleurs, si les rapporteurs spéciaux tiennent à saluer à nouveau les créations d’emplois dont va bénéficier Tracfin et reconnaissent que ce service, de même que l’unité de renseignement créée cette année au sein de la Direction nationale de renseignement et des enquêtes douanières, permettent de s’attaquer à des dossiers d’évasion fiscale de grande ampleur, ils appellent toutefois à ne pas réserver les créations d’emplois à ces seules structures « d’élite » et à renforcer les moyens de lutte contre l’évasion fiscale à toutes les échelles.
Les rapporteurs spéciaux tiennent par ailleurs à s’associer à la requête du directeur de Tracfin de conclure des protocoles avec les administrations (le Parquet national Financier, la DGFiP, les services judiciaires) auxquelles le service transmet des informations. En effet, le service ne dispose pas aujourd’hui de retour formalisé sur les suites données à ces transmissions ni sur les montants recouvrés grâce à elle. Disposer de tels retours permettrait pourtant à Tracfin de mieux identifier l’utilité des transmissions effectuées et donc de mieux cibler les futures transmissions. Toutefois, et à nouveau, de tels retours ne seront possibles que si les autres administrations disposent également des moyens techniques, humains et financiers suffisants pour les formuler.
Recommandation n° 9 : pour les acteurs qui s’appuient sur les transmissions réalisées par Tracfin, formaliser un retour sur l’utilité des transmissions effectuées par ce service pour mieux cibler les transmissions futures.
III. par ailleurs, LE PLAN DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX FINANCES PUBLIQUES LANCÉ EN 2023 PEINE À ÊTRE DÉCLINÉ
A. LE PLAN DE LUTTE CONTRE LES FRAUDES
1. Un plan qui s’inscrit dans une longue liste d’annonces restées sans lendemain
Le plan de lutte contre les fraudes, lancé en 2023, prend le relais d’un plan similaire, lancé en 2018 par Gérald Darmanin alors qu’il était ministre de l’action et des comptes publics. Ce plan avait abouti au dépôt d’un projet de loi ([32]) par le gouvernement de l’époque. Annoncer un nouveau plan, quelques années seulement après l’adoption d’un texte dont la majorité des dispositions sont entrées en vigueur en 2019, constitue un terrible aveu d’échec qui témoigne de l’insuffisance du premier. Certaines mesures, comme l’extension de la liste française des États et territoires non coopératifs en matière fiscale à la liste de l’Union européenne ou la création d’une police fiscale, étaient certes bienvenues mais, faute d’y accorder les moyens suffisants ([33]), la loi n’a, en tout état de cause, pas permis de diminuer substantiellement la fraude et l’évasion fiscales.
Pire, d’autres mesures, comme la création d’un observatoire de la fraude fiscale, annoncée par Gérald Darmanin le 13 septembre 2018 lors d’une conférence au ministère de l’économie et des finances intitulée « Lutter contre la fraude : la fin des tabous », n’ont jamais vu le jour. De même, le ministre avait « [pris] l’engagement (…) qu’à la même date l’an prochain, nous serons en mesure d’annoncer [le] chiffre » de la perte fiscale liée à la fraude et à l’évasion en France. Cinq ans après, ce chiffrage n’est toujours pas disponible (cf. supra).
2. Le plan
Le gouvernement a présenté en mai 2023 une feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. » Cette feuille de route ne s’intéresse donc pas exclusivement à la question fiscale comme c’est le cas dans ce rapport mais également aux fraudes douanière et sociale. Elle repose sur cinq axes :
– S’adapter aux enjeux numériques ;
– Sanctionner plus justement et plus fortement ;
– Mieux lutter contre les fraudes à l’international ;
– Agir plus collectivement pour être plus efficaces ;
– Approfondir la relation de confiance pour les usagers de bonne foi.
Ces différents axes sont déclinés en 35 mesures. Certaines mesures consistent en une augmentation des moyens des acteurs qui luttent contre les fraudes — par exemple en investissant 100 millions d’euros dans les capacités et la mise à niveau numérique et immobilière de la DNRED et de Tracfin d’ici la fin du quinquennat —, d’autres en des évolutions législatives — étendre la durée de prescription en cas de cession des actifs incorporels les plus difficilement valorisables —, d’autres encore en la création de nouveaux dispositifs ou structures.
B. Plus d’un an et demi après le lancement du plan, certaines mesures annoncÉes ne sont TOUJOURS PAS MISES EN œuvre
1. Si certaines mesures ont bien été mises en œuvre…
Certaines des mesures du plan annoncé en mai 2023 ont effectivement été mises en place et contribueront à mieux lutter contre les fraudes fiscale, sociale et douanière.
C’est par exemple le cas de la création d’un délit de facilitation de la fraude fiscale. En effet, dans le but de renforcer l’efficacité et la rapidité de la lutte contre la fraude fiscale, l’article 113 de la loi de finances pour 2024 a créé, à compter du 1er janvier 2024, un délit autonome de mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou de plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers ayant pour but de permettre à un ou plusieurs tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel d’impôts (article 1744 du CGI). Ce nouveau délit permettra de sanctionner les intermédiaires facilitant la fraude fiscale de leurs clients en mettant à leur disposition des schémas ou des dispositifs fiscaux frauduleux. Les moyens, services, actes ou instruments concernés sont limitativement énumérés et consistent, dès l’instant où leur visée est de se soustraire à l’impôt, en :
– L’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger ;
– L’interposition de personnes physiques ou morales ou d’organismes, de fiducies ou d’institutions comparables établis à l’étranger ;
– La fourniture d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441‑1 du Code pénal, ou de toute autre falsification ;
– La mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
– La réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration.
Les rapporteurs spéciaux proposent d’aller plus loin encore et d’interdire les campagnes de publicité appelant à l’amoindrissement de l’impôt, notamment portées par les cabinets d’avocats fiscalistes dans les magazines économiques. Ils estiment en effet qu’il n’est pas acceptable que des mécanismes d’optimisation agressive soient encouragés.
Recommandation n° 10 : interdire les campagnes de publicité faisant la promotion de mécanismes d’évitement fiscal
Une autre avancée majeure du plan dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales qui peut être citée est celle qui consiste en la privation temporaire du droit au bénéfice de réductions et crédits d’impôts pour les personnes ayant commis des fraudes fiscales graves. Cette peine complémentaire a été instaurée par la loi de finances pour 2024 et figure après le dixième alinéa de l’article 1741 du code général des impôts. Elle instaure la privation temporaire du droit à l’octroi de réductions ou crédits d’impôts sur le revenu ou l’impôt sur la fortune immobilière sur une durée ne pouvant excéder trois ans. Les contribuables visés sont ceux qui sont reconnus coupables du délit de fraude fiscale avec des circonstances aggravantes, comme la dissimulation de comptes à l’étranger ou la fraude en bande organisée.
Afin de responsabiliser les entreprises dans la documentation de leur politique de transfert, la loi de finances pour 2024 a également abaissé le seuil de l’obligation documentaire en la matière. L’article L13 AA du livre des procédures fiscales, qui impose de tenir à la disposition de l’administration fiscale une documentation sur les prix de transfert au premier jour d’un contrôle fiscal, a été modifié. Auparavant, cette obligation s’appliquait aux entreprises dont le chiffre d’affaires ou l’actif brut était supérieur ou égal à 400 millions d’euros ; depuis le 1er janvier 2024, l’article 57 du CGI abaisse ce seuil à 150 millions d’euros afin d’élargir le champ des entreprises concernées et d’accroître la transparence sur les politiques de prix de transfert. A également été créée une présomption simple de transfert indirect de bénéfices à l’étranger lorsque la méthode de détermination des prix de transfert s’écarte de celle prévue par la documentation mise à disposition de l’administration : charge au contribuable donc de renverser cette présomption afin de prouver l’honnêteté de la démarche.
Une dernière mesure de la loi de finances pour 2024 peut être mise en avant, celle qui a consisté à étendre la durée de prescription en cas de cession des actifs incorporels les plus difficilement valorisables. L’article L171 B du livre des procédures fiscales prévoit désormais un délai de prescription des transactions liées à ces actifs (les hard-to-value intangibles, HTVI) de 6 ans, contre trois ans auparavant. En outre, l’article 238 bis-O I ter du CGI autorise l’administration à utiliser des données financières observées postérieurement à la date de la transaction afin de valoriser lesdits actifs. L’article L.51 du LPF a également été modifié par la loi de finances pour 2024 qui a introduit une nouvelle exception permettant à l’administration de contrôler plusieurs fois une même transaction impliquant un actif incorporel considéré comme difficilement valorisable.
Les rapporteurs spéciaux reconnaissent donc que certaines mesures du dernier plan de lutte contre les fraudes permettent à l’administration fiscale d’effectuer un contrôle plus approfondi et de mieux cibler et sanctionner les cas de fraudes fiscales.
2. … d’autres essentielles à une meilleure évaluation de l’évasion fiscale et à une lutte renforcée se font toujours attendre
Malgré les avancées précédemment citées, une vingtaine de mesures n’ont toujours pas été pleinement mises en œuvre ou ne l’ont été que de façon artificielle.
C’est le cas notamment de la création d’un conseil de l’évaluation des fraudes, qui était pourtant la première mesure de la feuille de route gouvernementale pour lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques. Elle revêtait une importance cruciale, notamment au vu du retard alarmant de la France dans ce domaine par rapport à d’autres administrations européennes, qui réalisent depuis des années des évaluations annuelles de la fraude. La première session du Conseil d’évaluation des fraudes s’est tenue le 10 octobre 2023. Ses membres étaient alors convenus d’actualiser les travaux disponibles sur la fraude à la TVA et de progresser vers une évaluation de la fraude à l’impôt sur les sociétés et sur le revenu, d’approfondir les études sur le marché parallèle du tabac ou encore d’actualiser les évaluations du travail dissimulé sur la base de contrôles aléatoires et de poursuivre l’extension des évaluations à toutes les formes de fraudes aux dépenses d’assurance maladie. Ce conseil devait se réunir tous les trois mois, avec un bilan de ses travaux attendu pour juin 2024. Cependant, malgré l’enthousiasme initial suscité par cette initiative, les rapporteurs spéciaux sont consternés de constater que plusieurs mois après l’échéance, aucun résultat tangible de ces travaux n’a été publié au point de se demander si ces travaux ont réellement été menés. Par ailleurs, il demeure extrêmement difficile de vérifier si ce Conseil s’est effectivement réuni à nouveau depuis sa création. Cette inaction est d’autant plus dommageable que procéder à l’évaluation de la fraude fiscale a été explicitement recommandé par la Cour des comptes à plusieurs reprises ces dernières années.
L’inertie constatée autour du Conseil d’évaluation des fraudes n’est pas un cas isolé. Les rapporteurs spéciaux ont observé que la création d’un dispositif interministériel de veille et d’analyse des risques de fraude aux aides publiques (mesure 10 du plan) avait plus ou moins subi le même sort. Le ministre délégué chargé des Comptes publics a bien installé, le mardi 5 décembre 2023, une cellule de veille interministérielle anti-fraude aux aides publiques, rattachée à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF), dont le périmètre a été élargi par décret ([34]). La tâche confiée à cette cellule est dense — et louable —, puisqu’il s’agit de « cartographier les dispositifs d’aide, de contribuer à évaluer leurs vulnérabilités, de partager les bonnes pratiques, de soutenir le déploiement de filtres et de mécanismes de blocage avant le versement d’aides indues, de mettre en alerte la communauté interministérielle sur les risques et schémas de fraude identifiés, de permettre à la communauté de les expertiser et de mettre en place les synergies nécessaires à une prise en charge interservices des fraudes. » ([35]) Cependant, les travaux annoncés, notamment ceux censés porter sur la fraude à la rénovation énergétique, n’ont jamais été publiés, hormis une page mentionnant de nouveaux moyens de lutte contre cette fraude à partir de 2024. Aucun rapport d’activité, communiqué de presse ou autre document n’a été publié depuis la création de la cellule, rendant impossible toute évaluation de ses avancées. Pire, le site de la MICAF montre le peu de cas qui est fait de cette cellule puisque la description qui en est faite est tout simplement interrompue en milieu de phrase (voir annexe).
Les rapporteurs spéciaux expriment leur profonde déception à l’égard de cette cellule, qui n’a publié aucun travail ni manifesté le moindre signe d’activité depuis sa mise en place.
Enfin, une mesure du plan qui visait à exploiter pleinement la facturation électronique pour lutter contre les fraudes fiscales n’est toujours pas mise en œuvre. Elle devait pourtant consister en l’instauration, à compter du 1er juillet 2024, d’une obligation pour les entreprises françaises d’émettre et de recevoir des factures électroniques. Or, cette mesure, cruciale pour limiter le risque de fraude, a été repoussée au 1er septembre 2026.
Au total, ces exemples illustrent un décalage inquiétant entre les ambitions affichées du plan de lutte et les résultats concrets, qui peinent à se matérialiser.
Les rapporteurs spéciaux tiennent en outre à dénoncer le traitement différencié entre la lutte contre la fraude fiscale et celle contre la fraude aux prestations sociales, qui revient à stigmatiser les bénéficiaires de prestation sociales, et ce, alors que les montants en jeu sont sans commune mesure.
La lutte contre la fraude sociale fait l’objet d’un investissement disproportionné,
au détriment de la lutte contre la fraude fiscale
Même s’il n’existe pas d’estimation officielle de ces deux types de fraude, la fraude fiscale reste nettement supérieure à la fraude sociale. Ainsi, le gouvernement indiqué dans sa feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques » que « sur la période 2017-2021, en cinq ans, 9 milliards d’euros ont été encaissés en moyenne chaque année suite à contrôle fiscal, soit 45 milliards d’euros encaissés au total sur le quinquennat. » À l’inverse, sur « en matière sociale, sur la période 2018-2022 », sur une durée égale donc, « un total de 3,5 milliards d’euros a été redressé par les Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales ». Les montants recouvrés dans le contrôle fiscal sont donc treize fois supérieurs à ceux des URSSAF. Malgré ces constats et malgré les montants en jeu, le gouvernement préfère accroître les contrôles en matière sociale qu’en matière fiscale.
C’est ce qu’un rapport ([36]) d’Attac et de l’union syndicale Solidaires de mars 2022 est venu souligner. Ainsi, le rapport relève qu’entre 2008 et 2019 (soit l’année précédant la crise sanitaire au cours de laquelle le nombre de contrôles s’est effondré du fait du confinement et des restrictions sanitaires), en matière de contrôle fiscal, le nombre de contrôles « sur place » est passé de 52 010 à 45 114 soit une baisse de 13,25 %. Le nombre de contrôles sur pièces (les CSP) est quant à lui passé de 1 000 532 à 441 544, soit une baisse de 55,86 %. Le rapport revenait aussi sur les suppressions d’emplois continues que subissait la DGFiP depuis dix ans, y compris dans les effectifs du contrôle fiscal (voir supra). Dans le même temps, le rapport soulignait que Pôle Emploi avait fait passer les équipes de contrôleurs de 300 à 600 agents et visait à terme compter 1 000 contrôleurs pour augmenter le nombre de contrôles à 500 000 par an.
Cela constitue une mauvaise allocation des ressources publiques dans la mesure où les pertes de recettes dues à la fraude fiscale sont de l’ordre de 100 milliards d’euros alors que celles dues à la fraude aux prestations sociales sont de l’ordre de 3 milliards d’euros. Outre cette mauvaise allocation, la disproportion des contrôles dans les domaines fiscal et social contribue inutilement à stigmatiser les bénéficiaires des prestations sociales et alimente le ressentiment des travailleurs pauvres envers eux en donnant une importance exagérée à la fraude aux prestations sociales.
Les rapporteurs spéciaux appellent donc, et d’abord en raison des montants en jeux, à concentrer les efforts de la lutte contre les fraudes aux finances publiques sur la lutte contre la fraude fiscale.
En résumé, après le déploiement de la feuille de route, comme l’écrivait le gouvernement dans ladite feuille de route, « Beaucoup reste à faire pour être à la hauteur de l’ampleur des phénomènes de fraude. » ([37])
IV. AUtres recommandations pour mieux lutter contre l’ÉVASION FISCALE
A. Pour lutter contre l’Évasion fiscale À L’ÉCHELLE MONDIALE, Il CONVIENT D’INSTAURER UN IMPÔT MINIMUM SUR LE PATRIMOINE DES PERSONNES PHYSIQUES
1. Parce que les revenus sont manipulables, il est nécessaire de mettre en place un impôt minimum mondial sur le patrimoine des particuliers, qui intègre toutefois les versements effectués au titre de l’impôt sur le revenu
Les ultra-riches ne sont pas imposés à la hauteur de leur fortune. Ce constat est désormais bien documenté. Ainsi, le site américain ProPublica relevait en 2021, que Jeff Bezos, patron d’Amazon et alors l’homme le plus riche du monde, n’avait pas payé d’impôt fédéral entre 2007 et 2011. Si des individus ne sont pas imposés, ou alors de façon infinitésimale au regard de leur fortune personnelle, c’est parce qu’ils ne se prélèvent pas de revenus. Les milliardaires voient leur fortune croître en raison de la progression en bourse de leurs entreprises mais tant qu’ils ne tirent pas de revenus de ces entreprises, ils ne sont pas soumis à l’impôt. Ainsi, sur la période 2014-2018, Jeff Bezos a vu sa fortune augmenter de 100 milliards de dollars mais, n’ayant perçu « que » 4,22 milliards de dollars de revenu, il a acquitté 973 millions de dollars d’impôts, soit 23 % de ses revenus et 1 % de l’accroissement de sa fortune sur la période.
Au-delà du cas de Jeff Bezos, l’Observatoire européen de la fiscalité, agrégeant différentes recherches ([38]) menées en partenariat avec les administrations fiscales de plusieurs pays, a souligné que les milliardaires, à travers le monde, ont des taux d’imposition personnels — les impôts sur le revenu individuel et les impôts sur la fortune, lorsqu’ils existent — effectifs très faibles, compris entre 0 et 0,5 % de leur patrimoine. Dans un pays comme les États-Unis, le taux d’imposition effectif des milliardaires semble de l’ordre de 0,5 % de leur patrimoine, tandis que dans un pays comme la France, il se rapproche de 0 %. Même lorsqu’ils sont exprimés en tant que pourcentage du revenu, les taux d’imposition effectifs des milliardaires semblent nettement plus bas que ceux de tous les autres groupes de la population (voir la figure ci-dessous).
Source : observatoire européen de la fiscalité.
Ces taux d’imposition plaident pour revoir la façon dont sont imposés les ultra-riches à travers le monde. Construire majoritairement — et parfois exclusivement — l’imposition des particuliers sur les revenus sans prendre en compte le patrimoine global est une impasse. C’est la raison pour laquelle l’Observatoire européen de la fiscalité plaide pour l’instauration d’un impôt minimum mondial pour les milliardaires, équivalent à 2 % de leur patrimoine. Les rapporteurs spéciaux s’associent à cette recommandation. L’échelle mondiale se justifie précisément pour lutter contre l’évasion fiscale. Elle vise à éviter que certains citoyens d’un pays qui instaurerait un tel impôt tentent, de la même manière que certaines entreprises transfèrent leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, de transférer tout ou partie de leur patrimoine dans des pays avec une fiscalité plus avantageuse. Même si cette imposition comporte des failles, il s’agit de reproduire pour les personnes physiques la logique qui a conduit à créer une imposition mondiale des bénéfices des entreprises.
Recommandation n° 11 : instaurer un nouvel impôt minimum mondial pour les milliardaires, équivalant à 2 % de leur patrimoine.
Pour être efficace, l’instauration d’un tel impôt doit aller de pair avec la création d’un registre mondial des actifs, qui permette notamment de connaître les propriétaires effectifs des trusts et autres fiducies.
Recommandation n° 12 : créer un registre mondial des actifs.
2. Instaurer un tel impôt à l’échelle française dès à présent sans attendre la conclusion des négociations internationales
L’exemple de l’impôt minimum mondial sur les bénéfices des sociétés des entreprises prouve que les négociations internationales prendront du temps, peut-être plus encore alors que le sujet du patrimoine personnel des individus est un sujet hautement sensible. Les rapporteurs spéciaux se réjouissent toutefois du fait que la taxation des ultra-riches soit de plus en plus souvent inscrite à l’ordre du jour des grandes négociations internationales. Alors que le pays assumait la présidence tournante du G20, le Brésil a ainsi demandé à Gabriel Zucman de remettre un rapport sur le sujet ([39]). Des ministres allemand, brésilien, sud-africain et espagnol ont également co-signé il y a quelques mois une tribune intitulée « Pourquoi nous avons besoin d’une taxe mondiale sur les milliardaires » ([40]). L’OCDE, de son côté, a annoncé qu’elle s’apprêtait à mener des travaux sur un impôt minimal des particuliers au niveau mondial, via son Centre de politique et d’administration fiscales de l’organisation internationale.
Parce que les négociations prendront du temps, la France doit d’ores et déjà instaurer une telle imposition à l’échelle nationale. Une note ([41]) de l’Institut des politiques publiques a en effet souligné que la France n’échappait pas au phénomène de sous-imposition des ultra-riches. Ainsi, selon l’IPP, les taux d’imposition effectifs à l’impôt sur le revenu diminuent en pourcentage du revenu économique global pour atteindre environ 2 % parmi le top 0,001 % des contribuables. Les rapporteurs spéciaux recommandent ainsi de créer un impôt minimum sur les très grandes fortunes françaises égal à 2 % du patrimoine net pour les foyers fiscaux possédant plus d’un milliard d’euros de patrimoine. L’assiette serait la même que pour l’impôt sur la fortune mais sans aucune exonération. L’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS seraient déductibles de cet impôt afin de neutraliser tout risque de double taxation.
Par ailleurs, avancer de façon unilatérale est parfois la meilleure façon de faire progresser des négociations internationales. Si les États-Unis ont finalement accepté de rejoindre les négociations OCDE pour un impôt minimal mondial des bénéfices des entreprises, contribuant ainsi largement à les débloquer, c’est en partie en raison de la multiplication des taxes dites GAFA. Les multinationales du numérique, qui faisaient pression auprès des autorités américaines pour bloquer les négociations, ont compris à mesure que les taxes nationales auxquelles elles étaient assujetties devenaient plus nombreuses, qu’elles avaient plutôt intérêt à voir instaurer une imposition mondiale unifiée. C’est donc les initiatives de pays comme la France, l’Espagne ou la Suède, qui avaient instauré des taxes visant les multinationales du numérique, qui ont conduit à accélérer les négociations OCDE. À l’heure où de nouvelles recettes sont nécessaires pour faire face à la situation détériorée des comptes publics et au besoin d’investissement dans les services publics et la transition écologique, la France s’honorerait d’être à nouveau pionnière pour une plus juste imposition. La rapporteure spéciale, soutenue par le rapporteur spécial, a déposé un amendement en ce sens en première partie du projet de loi de finances pour 2025.
Recommandation n° 13 : instaurer un impôt minimum égal à 2 % du patrimoine net pour les foyers fiscaux français possédant plus d’un milliard d’euros de patrimoine.
B. CONSTRUIRE DIFFÉREMMENT L’IMPÔT POUR ÉVITER L’ÉVASION FISCALE
1. Éviter toute disposition qui vienne miter l’assiette initiale de tout impôt nouveau…
Au cours des auditions, la quasi-intégralité des interlocuteurs des rapporteurs spéciaux ont qualifié l’évasion fiscale de « zone grise » entre l’optimisation et la fraude fiscales. Ceux qui y recourent jouent en effet de la frontière parfois poreuse qu’il peut exister entre les deux, notamment dans le cas de l’optimisation fiscale agressive. Les évadés fiscaux jouent avec les failles du droit ou son flou. Une des personnes auditionnées est même allée jusqu’à affirmer que l’évasion fiscale était rendue possible par les autorités publiques en raison des multiples exceptions ou exonérations qui existent pour différents impôts et taxes et dont les contribuables vont s’emparer plus ou moins légalement pour échapper à l’impôt.
Il apparaît donc essentiel aux rapporteurs spéciaux de construire différemment l’impôt pour éviter autant que possible les exceptions ou exonérations. Cette recommandation constitue le pendant de la recommandation formulée plus tôt consistant, pour le haut-commissaire que les rapporteurs spéciaux appellent de leurs vœux, à effectuer une revue des exonérations existantes. C’est d’ailleurs cette philosophie qui a inspiré la rédaction de l’amendement créant un impôt de 2 % sur le patrimoine des milliardaires. Le patrimoine soumis à ce nouvel impôt ne souffrirait d’aucune exception venant diminuer le périmètre global. L’exemple du pacte Dutreil montre bien comment, dès lors où l’on commence à instaurer des abattements ou exceptions, ces derniers ne vont cesser de s’accroître au fil du temps avec in fine des pertes de recettes fiscales de plus en plus grandes pour l’État.
Recommandation n° 14 : de manière générale, prévoir le moins d’exceptions ou d’exonérations possible au moment de la création de tout impôt nouveau.
2. S’assurer de disposer des moyens de contrôle des dispositifs permettant d’être exempté d’impôt ou de voir son impôt minoré
Outre la façon de construire l’impôt, le législateur doit également s’assurer, lorsqu’il instaure des crédits d’impôts, de disposer des capacités de contrôle nécessaires pour vérifier que les bénéficiaires de ces crédits d’impôts y sont bien éligibles. Les auditions menées ont en effet souligné les failles qui pouvaient exister autour de certains crédits d’impôts, conduisant l’administration fiscale à accorder de tels crédits d’impôts sans être véritablement en mesure de vérifier si les bénéficiaires répondent aux critères d’éligibilité desdits crédits d’impôt.
L’exemple du crédit d’impôt recherche (CIR) est à cet égard éloquent. Le CIR a pour objectif d’encourager les entreprises à mener des activités de recherche et développement en couvrant une partie des dépenses engagées via un crédit d’impôt sur les sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur les revenus. Les activités éligibles aux CIR sont les activités de recherche fondamentale, les activités de recherche appliquée et les activités de développement expérimental. Le taux du crédit d’impôt recherche varie en fonction du montant des dépenses de recherche le taux est de 30 % pour la partie des dépenses inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la partie des dépenses supérieure à 100 millions d’euros.
Le recours à ce crédit d’impôt peut donc, selon les montants engagés, conduire à bénéficier de dizaines de millions d’euros de crédit d’impôt ([42]). Or, évaluer l’éligibilité des dépenses soumises au CIR suppose d’avoir la capacité de juger si l’activité présentée constitue bien une activité de recherche, ce dont l’administration fiscale n’est pas forcément capable. L’administration fiscale a certes pu bénéficier du concours du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour évaluer la pertinence de certains dossiers, mais ce concours demeure limité. Il est donc très probable que des demandes de crédit d’impôt recherche aient été validées sans que les agents qui en assuraient le traitement ne disposent des connaissances suffisantes en la matière. La création d’un tel crédit d’impôt, ou son coût grandissant, aurait ainsi dû conduire à abonder les effectifs de l’administration fiscale de personnes qui lui sont dédiées, disposant d’une réelle capacité d’évaluer l’éligibilité des dossiers soumis. Cet exemple doit inviter le législateur, au moment de la création de tout nouveau crédit d’impôt, à systématiquement doter l’administration des moyens nécessaires au contrôle de ce crédit d’impôt.
Recommandation n° 15 : au moment de la création de tout nouveau crédit d’impôt, évaluer la capacité de l’administration à contrôler le respect du dispositif par le contribuable.
C. ÉLARGIR LA LISTE FRANÇAISE DES ÉTATS ET TERRITOIRES NON COOPÉRATIFS
Depuis 2017, l’Union européenne met régulièrement à jour une liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales. La dernière version de cette liste a été publiée le 8 octobre 2024 et contient 11 pays ([43]). Pour les rapporteurs spéciaux, outre son hypocrisie — puisqu’elle exclut des pays de l’Union qui sont des paradis fiscaux par excellence —, cette liste est également inefficace. En effet, la Banque mondiale, dans une note ([44]) publiée l’année dernière, souligne que l’on ne constate que des « améliorations limitées dans la gouvernance fiscale [des pays visés] quatre ans après la mise en place de cette liste. » Ce travail estime aussi qu’« il n’y a (…) pas de preuve claire que le fait d’établir une telle liste a un effet sur la richesse offshore ou le transfert de bénéfices, en grande partie parce que l’essentiel des juridictions qui les accueillent ne sont pas ciblées par l’Union européenne. » Parce que cette liste est non seulement inefficace mais incomplète, il est indispensable que la France s’appuie sur sa propre liste plutôt que sur celle de l’Union européenne.
La dernière version de la liste française des états et territoires non coopératifs (ETNC), publiée également en 2024, est certes plus complète que celle de l’Union européenne puisqu’elle inclut les Seychelles, les Bahamas, les îles turques et caïques, Antigua-et-Barbuda, le Belize, l’île de Guam et les Palaos. Pour autant, les rapporteurs spéciaux l’estiment elle aussi incomplète et appellent à l’élargir, notamment en y incluant les Pays Bas, la Suisse, le Luxembourg ou encore Honk-Kong ([45]). Il n’y a en effet qu’en nommant effectivement les paradis fiscaux et en leur appliquant des mesures ciblées qu’il sera possible d’infléchir leur comportement, et donc de réduire l’évasion fiscale.
Recommandation n° 16 : élargir la liste française des états et territoires non coopératifs.
D. Mieux protÉger les lanceurs d’alerte
Les lanceurs d’alerte jouent un rôle essentiel dans la lutte contre l’évasion fiscale en fournissant aux pouvoirs publics et aux médias des informations clés sur les systèmes de fraude organisés. Ces informations permettent ensuite aux institutions publiques d’enquêter et, parfois, de recouvrer des recettes importantes. Cependant, les lanceurs d’alerte sont exposés à une intense répression de la part de ceux qu’ils dénoncent ou comptent dénoncer, et leurs actions peuvent conduire à affecter dramatiquement leur vie professionnelle et personnelle. Leur statut juridique restant précaire, ils demeurent exposés à des poursuites judiciaires.
Un exemple marquant est celui d’Hervé Falciani, ancien ingénieur chez HSBC, qui avait révélé en 2008 l’organisation d’une vaste fraude fiscale au sein de la banque, permettant à l’administration fiscale française de récupérer plus d’un milliard d’euros. Poursuivi pour vol de données par les autorités suisses, il avait trouvé refuge en Espagne en 2012 et n’avait échappé à l’extradition vers la Suisse que grâce à une collaboration judiciaire franco-espagnole. En novembre 2015, la justice suisse l’a condamné par contumace à cinq ans de prison pour « service de renseignements économiques ».
En France, la loi dite « Sapin 2 » ([46]) a amélioré en 2016 la protection dont bénéficient les lanceurs d’alerte en définissant clairement leur statut (article 6 de la loi) et en tâchant de supprimer toute forme de représailles à leur encore. L’article10 de la loi dispose ainsi qu’« aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération (…) de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »
Toutefois, Jacques Toubon, alors qu’il était Défenseur des droits, a à plusieurs reprises estimé que la protection dont font l’objet les lanceurs d’alerte, même après l’adoption de cette loi, n’était toujours pas satisfaisante. Il dénonçait notamment « les lacunes et difficultés de mise en œuvre de ce régime de protection (complexité de la procédure, coexistence de régimes spécifiques, méconnaissance du dispositif) qui empêchent la libération de la parole » ([47]). Dans la lignée des remarques formulées par J. Toubon, les rapporteurs spéciaux appellent ainsi à renforcer la protection de ceux qui dénoncent les atteintes à l’intérêt général.
Recommandation n° 17 : garantir la protection des lanceurs d’alertes qui ont permis la diffusion d’informations majeures sur les fraudes
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Au cours de sa réunion du 31 octobre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Gestion des finances publiques : Lutte contre l’évasion fiscale (Mme Mathilde Feld et M. Nicolas Sansu, rapporteurs spéciaux).
La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté onze d’entre eux (II-CF1110 ; II-CF1201 ; II-CF1207 ; II-CF1208 ; II-CF1210 ; II-CF1212 ; II-CF1216 ; II-CF1216 ; II-CF1219 ; II-CF1433 ; II-CF1834 ; II-CF2006) II‑CF1299, II-CF2641, II-CF2639 et II-CF1757), et suivant l’avis favorable des rapporteurs spéciaux, la commission a adopté les crédits de la mission Gestion des finances publiques.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Notre rapport concerne les seuls crédits du programme 156, alors que la lutte contre l’évasion fiscale devrait selon nous constituer une priorité gouvernementale à part entière – ce qui n’est absolument pas le cas, en dépit des effets d’annonce.
Premier point de vigilance : nous ne disposons que de données très partielles pour évaluer le volontarisme politique dont la lutte contre l’évasion fiscale fait l’objet. Ni le projet annuel de performances ni le document de politique transversale ne détaillent distinctement l’évolution du nombre d’emplois qui sont alloués à la lutte contre l’évasion fiscale au sein de la multitude de services concernés : la DGFIP, Tracfin, qui est un service de renseignement placé sous l’autorité du ministère de l’économie et des finances, le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), spécialisé dans la répression de la délinquance douanière, financière et fiscale, la DGDDI et, enfin, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), un service d’enquête placé au sein de la direction centrale de la police judiciaire et rattaché à la division nationale des investigations financières et fiscales. La lutte contre l’évasion fiscale est assurée par des services relevant de différents programmes et missions, sans que l’administration ne soit capable de fournir une présentation consolidée des crédits et des effectifs qui lui sont consacrés.
Second point d’alerte : le présent projet de loi de finances prévoit, à nouveau, de tailler dans les effectifs de la DGFIP alors même que la loi de finances pour 2024 promettait une année blanche en 2025. Ce n’est, hélas, pas une nouveauté pour notre administration fiscale qui est la plus sacrifiée de toute la fonction publique d’État : elle a déjà subi, en effet, 40 000 suppressions de postes depuis la fin des années 2000, dont 4 000 affectant le contrôle fiscal. On ne peut s’empêcher à ce stade de s’interroger sur le sort que réserve le gouvernement à ce service public qui est l’un des plus précieux de l’État, étant pratiquement le seul à générer des recettes.
Nous avons auditionné des économistes, des sociologues, des ONG ainsi que des représentants de la DGFIP, d’organisations syndicales et de Tracfin. Tous nous ont alertés sur une situation déjà désastreuse qui a fait s’effondrer les résultats du contrôle fiscal depuis 2017. Alors que l’administration fiscale avait notifié 21,2 milliards d’euros d’encaissements par l’État en redressements fiscaux et pénalités en 2015, ce montant n’était plus que de 15,2 milliards en 2023. L’utilisation massive de l’intelligence artificielle pour la programmation des contrôles est contestée par les agents en raison de son efficacité très modeste et de la perte de sens au travail qu’elle induit. L’évasion et la fraude fiscales représentent chaque année 100 milliards d’euros en moins dans les comptes de l’État.
Les créations de postes dans le contrôle fiscal annoncées par le gouvernement précédent ne sont que des redéploiements, or la hausse des moyens dévolus au contrôle fiscal ne peut se faire aux dépens des autres activités de la DGFiP. Les vérificateurs ne sont que les derniers maillons d’une longue chaîne faisant intervenir différents acteurs sans lesquels le contrôle ne peut se faire correctement. La programmation du contrôle s’appuie sur des données qu’il faut non seulement collecter mais aussi formaliser, ces deux étapes nécessitant des personnels sur le terrain mais aussi en gestion. Justifier les suppressions de postes par le recours aux méthodes de data mining est donc un contresens.
La lutte contre l’évasion fiscale n’est pas qu’une affaire de lignes dans des tableaux budgétaires. Elle est fondamentale pour notre cohésion sociale car elle permet notamment de garantir le consentement à l’impôt. Des auditions que nous avons menées auprès d’économistes, notamment, ressort une nécessité : celle de modifier notre législation pour la rendre moins perméable à l’optimisation fiscale agressive, et de faire enfin preuve de volonté politique. Nous devrions pouvoir nous retrouver largement autour de ces objectifs, la lutte contre l’évasion fiscale étant un combat transpartisan.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. Plus qu’une simple revue d’effectifs – certes importante –, notre rapport aborde le sujet bien plus large du consentement à l’impôt. Des dizaines de milliards d’euros qui devraient abonder le budget de l’État échappent aujourd’hui à l’impôt. Pour réaliser les contrôles fiscaux, il est nécessaire de collecter des données fiables en s’appuyant sur un réseau maillé.
La frontière est très floue entre optimisation et fraude fiscales : face à cette dernière, l’État fait son devoir, opère des redressements et porte même en justice certaines affaires. Face à l’optimisation agressive en revanche – qui peut prendre la forme de CumEx, s’appuyer sur les règlements d’ensemble, reposer sur les cryptomonnaies ou utiliser les prix de transfert –, il est temps de se donner les moyens humains, mais aussi législatifs, de contrôler les montages complexes.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CF137 de M. Philippe Juvin et II-CF714 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie, présidente. L’amendement II-CF137 propose une diminution de 10 % du nombre d’emplois, soit 21 167 ETP, au sein des opérateurs de l’État hors recherche et enseignement supérieur ; il permettrait une baisse des crédits d’un peu plus de 317 millions d’euros. Le second, qui est un amendement de repli, propose une diminution de 2,5 % des emplois, ce qui permettrait un gain de 150 millions d’euros.
Les opérateurs de l’État ont vu leur coût augmenter de 30 milliards d’euros et ont gagné 30 000 ETP en l’espace de six ans. Peut-on considérer pour autant que la qualité des services rendus aux citoyens s’est améliorée ? En confiant aux opérateurs des missions qui de surcroît s’enchevêtrent, l’État s’est démuni. Faute de moyens, il n’est plus en mesure de faire évoluer les commandes au fur et à mesure, ni de les évaluer.
Les missions relevant de l’État doivent être mieux organisées, comme le montre l’exemple de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Pour la formation professionnelle, on trouve ainsi l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), le Centre pour le développement de l’information sur la formation permanente (Centre Inffo), l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (Intefp), sans oublier les groupements d’intérêt public (GIP) « Les entreprises s’engagent » et « La plateforme de l’inclusion », France Travail et France Compétences – et cette liste n’est pas exhaustive. Nous considérons que l’on peut probablement faire des économies, tout en améliorant la qualité du service.
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. Vous ne serez pas étonnée que j’émette un avis défavorable à ces deux amendements. Après avoir conduit une dizaine d'auditions et parcouru l'ensemble des documents budgétaires relatifs à celle-ci pour ce rapport spécial, il se trouve que je n’ai trouvé aucun opérateur au sein de cette mission. Par conséquent, loin de réduire de 10 % le budget des opérateurs, vos amendements auraient pour effet de sabrer dans les effectifs de la DGFIP consacrés notamment à la lutte contre la fraude fiscale. Or ce n’est pas souhaitable, celle-ci ayant perdu un tiers de ses effectifs au cours des quinze dernières années.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Il est précisé dans l’exposé sommaire de chacun des amendements que l’économie proposée serait répartie sur l’ensemble des missions et ne serait pas intégralement imputée sur la mission Gestion des finances publiques.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Vous proposez tout de même de diminuer les crédits du programme 156, Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, ce qui est déplorable. Un agent travaillant dans la lutte contre l’évasion fiscale rapporte plus d’argent qu’il n’en coûte.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Vous aurez compris qu’il s’agit d’un amendement d’appel et que la diminution des crédits serait répartie sur différentes missions.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF1834 de M. Laurent Baumel, II-CF2005 de M. Jérôme Legavre, II-CF1215 de Mme Christine Pirès Beaune, II-CF1204 de Mme Mathilde Feld, II-CF1527 de Mme Christine Arrighi, II-CF1107 de M. Philippe Brun et II-CF1852 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)
Mme Dieynaba Diop (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés propose de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale en revenant sur la suppression de 550 ETP prévue par le PLF pour 2025 et en créant 4 000 postes d’inspecteurs des finances – soit le nombre de postes supprimés depuis 2010. Alors que le montant de la fraude fiscale est estimé entre 80 et 100 milliards d’euros par an en France, cet amendement permettrait, à terme, de générer des recettes significatives pour l’État, bien supérieures à son coût initial. En outre, il contribuerait de façon essentielle au renforcement de la justice fiscale dans notre pays.
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. Je propose moi aussi d’amorcer un plan massif de recrutement d’agents pour la DGFIP. Nous avons été frappés au cours de nos auditions de constater que les agents des finances publiques ne sont plus en mesure de remplir leurs missions faute d’effectifs suffisants. Ceux qui sont dédiés au contrôle fiscal ont baissé d’un cinquième depuis 2014. Il n’y a pas toutefois que la question du contrôle fiscal. André Laignel, président du Comité des finances locales, a expliqué devant notre commission il y a quelques semaines les conséquences pour les communes de la fermeture de nombreuses trésoreries. La tenue des bases cadastrales nécessaires à la perception des impôts locaux est ainsi jugée défaillante par 75 % des maires. Il importe donc de renforcer les moyens humains de la DGFIP.
M. Philippe Brun (SOC). Le PLF pour 2025 annonce un solde négatif de 730 emplois pour les services départementaux de la DGFIP, alors que le réseau avait déjà connu 2 000 suppressions nettes par an depuis 2010. Nous proposons de rétablir ces emplois pour un coût d’environ 55 millions d’euros, afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale sur le terrain, au plus près des contribuables. Pour ce faire, nous proposons d’abonder le programme 156 en prélevant sur les crédits de l’action 01, Expertise, audit, évaluation et contrôle du programme 218, Conduite et pilotage des politiques économiques et financières – sachant que nous demanderons évidemment au Gouvernement, le moment venu, de lever ce gage.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. L’amendement II-CF1204 propose de maintenir les 550 emplois que le Gouvernement prévoit de supprimer, afin d’éviter que les moyens humains de la DGFiP, notamment ceux consacrés au contrôle fiscal, ne soient une nouvelle fois sacrifiés. Le recrutement et la formation d’agents sont essentiels à la création d’un service d’expertise dédié à l’étude des dernières innovations en matière de fraude, d’évasion fiscale ou d’optimisation agressive. Ce service doit alimenter les outils de data mining plutôt que d’en être tributaire. Face à la fraude complexe mise en place par une poignée de grandes entreprises et de grandes fortunes, l’intelligence artificielle ne peut remplacer le travail humain des agents de la DGFIP.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous contestons la réduction du nombre de postes prévue en 2025 au sein de la DGFIP, qui va totalement à l’encontre de l’intérêt général : en affaiblissant la lutte contre l’évasion fiscale, elle diminue les recettes potentielles du contrôle. L’amendement II-CF1527 propose d’abonder de 30 millions d’euros l’action 01, Fiscalité des grandes entreprises, du programme 156. L’amendement de repli II-CF1852 vise à annuler au moins la suppression prévue de 260 postes. Je rappelle que 27 % des emplois ont été supprimés depuis 2008 et que le recours à l’intelligence artificielle ne saurait se substituer au contrôle exercé par des agents.
M. Philippe Brun (SOC). L’amendement II-CF1107 propose de revenir sur la suppression de 494 postes prévue au sein des effectifs de lutte contre la fraude. Nous sommes ainsi fidèles aux positions de notre groupe mais aussi à celles du Gouvernement. En tant que ministre délégué chargé des comptes publics, notre collègue Thomas Cazenave s’est en effet engagé avec force dans la lutte contre la fraude.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. J’émets un avis favorable à l’ensemble de ces amendements. Le premier, déposé par le groupe Socialistes, est le plus coûteux mais aussi le plus logique puisqu’il revient sur toutes les suppressions de postes depuis 2010. Il vise tant à abonder les moyens de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale agressive qu’à renforcer la collecte de données fiables au plus près du terrain, laquelle est indispensable.
On a eu tendance, de façon presque naturelle, à favoriser le data mining or celui-ci est aujourd’hui utilisé dans 56 % des contrôles mais n’est à l’origine que de 13 % des recettes : dans ces conditions, ne faudrait-il pas renforcer le nombre de contrôleurs spécialisés pour améliorer le rendement des contrôles ? Celui-ci s’élève aujourd’hui à 15 milliards d’euros, et l’on ne peut pas dire qu’il ait connu une augmentation conséquente au cours des dernières années.
Nous devons enfin nous interroger sur les règlements d’ensemble, pour lesquels le nombre de dossiers est passé de 128 à 320 en l’espace de trois ans : il nous faut regarder ce que contient ce qui s’apparente à une véritable boîte noire.
M. Thomas Cazenave (EPR). L’objectif du gouvernement précédent visant à augmenter de 1 500 le nombre d’ETP consacrés au contrôle fiscal n’est pas remis en cause, monsieur Brun. L’ensemble des orateurs ayant défendu les amendements semblent considérer que les suppressions d’emplois à la DGFiP concerneraient forcément le contrôle fiscal, comme s’il s’agissait-là de sa seule activité. Cette administration assure pourtant aussi la tenue de comptes des collectivités territoriales, le calcul de l’impôt ou encore sa collecte. Quoi qu’il en soit, je considère – c’est un point d’accord avec vous – qu’il faut maintenir la trajectoire visant à renforcer les effectifs dédiés au contrôle fiscal.
Quant à l’intelligence artificielle et au data mining, ils permettent de cibler la moitié des contrôles et contribuent ainsi à l’amélioration de l’efficacité et du rendement de ceux-ci. Grâce à ces outils très précieux, nous avons multiplié par deux, entre 2019 et 2023, le nombre de redressements touchant les particuliers les plus fortunés de notre pays.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je rejoins Thomas Cazenave. Avez-vous pris en compte, madame Feld, monsieur Sansu, le fait que la mise en place du prélèvement à la source a permis de redéployer du personnel sur le terrain et d’améliorer les recettes de l’impôt sur le revenu ? Vous considérez que les moyens ne sont jamais suffisants. Il me semble pourtant que des efforts sont faits et que 1 500 ETP, c’est toujours mieux que rien. Quant aux outils technologiques d’aide au contrôle, vos travaux vous ont-ils permis de mesurer leur efficacité ? Existe-t-il selon vous des pistes d’amélioration ? Je veux bien que vous ayez un œil critique, mais ne portez-vous pas aussi un regard positif sur les progrès réalisés ?
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Les auditions que nous avons menées ont effectivement démontré que l’intelligence artificielle était un outil très efficace pour traiter une multitude de données avec une rapidité inédite. Mais elles montrent aussi que cette technologie n’est pas la panacée. D’après les syndicats, le métier de vérificateurs – dont je sais évidemment qu’il n’est pas le seul métier de la DGFIP – a considérablement perdu de son sens. Les vérificateurs sont en effet contraints d’effectuer leurs contrôles sur la base des listes produites par l’intelligence artificielle, au détriment de leurs propres méthodes d’analyse et des observations qu’ils font sur le terrain.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. L’exploration des données est organisée selon des angles définis. Si les agents identifient un nouveau montage de fraude, ils doivent l’intégrer à la matrice pour ensuite avoir le droit de le contrôler ; ils n’étaient pas soumis à de telles obligations lorsque tout était fait à la main. L’outil a donc accéléré le travail mais les agents doivent en permanence mener des contrôles du même type, ce qui pose un problème. C’est pourquoi j’insistais sur la nécessité de progresser dans la lutte contre les montages complexes.
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. La Cour des comptes elle-même est assez critique : l’efficience de l’intelligence artificielle peut se révéler décevante. Le plus souvent, on fait état du recours à l’IA pour justifier l’application de plans de rigueur et de suppressions de postes.
Par ailleurs, je le répète : les nouveaux réseaux de proximité dégradent le service public et l’éloignent des usagers, et pas uniquement en milieu rural. Les maisons France Services n’assurent pas les missions qu’accomplissaient les services publics qu’elles sont censées remplacer.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Je salue l’installation des maisons France Services dans les territoires et l’engagement des collectivités territoriales dans ce domaine. Les maisons France Services sont très utiles.
La commission adopte l’amendement II-CF1834.
Les amendements suivants tombent.
Amendement II-CF1219 de M. Aurélien Le Coq
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement vise à titulariser les agents contractuels de la DGFIP.
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF1207 du rapporteur spécial Jérôme Legavre est adopté.
Amendement II-CF1433 de M. Peio Dufau
Mme Dieynaba Diop (SOC). Le présent amendement vise à renforcer les moyens de la DGFiP pour lutter contre le fléau de la fraude à la résidence principale, massivement pratiquée par les propriétaires qui veulent échapper aux contributions obligatoires liées au statut de leur résidence – taxation de la plus-value immobilière et majoration sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) dans les communes en zone tendue notamment. Les remontées de terrain indiquent que le contrôle est insuffisant. Nous proposons donc de réorienter les crédits afin de déployer les moyens humains et techniques nécessaires pour mieux identifier les cas de fraude, ce qui servirait à la fois la justice fiscale et les recettes des collectivités.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Avis favorable. Il est inacceptable que les multipropriétaires refusent de s’acquitter des taxes dont ils sont redevables.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Vous laissez entendre que tout ne serait qu’un problème d’effectifs – plus les agents seraient nombreux, plus les services seraient efficaces. Ce n’est pas comme cela que cela marche, et la DGFiP l’illustre : le prélèvement à la source, qui nécessite moins d’agents, a amélioré le service rendu et significativement augmenté le rendement de l’impôt, de sorte que nous avons pu redéployer du personnel. Le principe est applicable dans de nombreux domaines.
Nous ne vous avons pas attendus pour mener la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons engagé plusieurs plans pour en améliorer le rendement, avec des résultats. Il ne suffit pas d’augmenter les effectifs. Nous avons recouru à l’IA et à l’automatisation, conclu des accords avec les pays de l’OCDE pour lutter contre l’optimisation et nous avons imposé aux grandes entreprises des obligations de transparence.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1110 de Mme Christine Pirès Beaune
M. Philippe Brun (SOC). Monsieur Cazeneuve, plus il y a de vendeurs de tupperwares, plus vous vendez de tupperwares ! Quand vous augmentez le nombre de contrôleurs, le rendement croît.
L’amendement II-CF1110 vise à allouer deux millions à la création d’une base de données commune aux différents services de lutte contre la fraude – service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), Tracfin, la DGFIP, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) notamment. Il s’agit d’une recommandation issue du rapport d’information de Mme Pirès Beaune relatif aux aviseurs fiscaux.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. Avis favorable.
Monsieur Cazeneuve, en 2015, le contrôle fiscal a permis de réaliser des recouvrements à hauteur de 19 milliards d’euros. Ce montant a chuté à 17 milliards en 2016, 16 milliards en 2017, 14 milliards en 2018, 12 milliards en 2019, 8 milliards en 2020, 13 milliards en 2021, 14 milliards en 2022 et 15 milliards en 2023. Certes, les sommes ne sont pas nulles, mais nous ne parvenons pas à passer un cap, dans la direction du montant total estimé de la fraude, à savoir 80 milliards d’euros. Sans espérer recouvrer 100 % des sommes, un saut qualitatif et quantitatif est nécessaire.
M. David Amiel (EPR). M. Brun n’a pas choisi le meilleur exemple : en septembre, l’entreprise Tupperware se déclarait en faillite ! (Sourires.)
Nous pouvons certainement améliorer la lutte contre la fraude, notamment en croisant les bases de données pour mieux cibler les contrôles. Thomas Cazenave a déposé une proposition de loi en ce sens.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1216 de Mme Mathilde Feld
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Le présent amendement vise à allouer des moyens à la formation des agents. Pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, il faut dispenser aux contrôleurs une formation de qualité. Cette dépense constitue un investissement car elle participera à augmenter le montant des recouvrements.
Mme Véronique Louwagie, présidente. L’augmentation du nombre d’agents ne garantit pas l’amélioration des résultats – nous devons sortir de cette logique.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte successivement les amendements II-CF1201 et II-CF1210 de la rapporteure spéciale Mathilde Feld.
Amendement II-CF1212 de M. Jérôme Legavre
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. L’amendement II-CF1212 tend à créer une direction interministérielle de lutte contre l’évasion fiscale associant les ministères chargés de l’intérieur, des finances et de la justice.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2006 de M. Jérôme Legavre
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. L’amendement II-CF2006 tend à recruter 500 douaniers. Certes, vous n’aimez pas ouvrir des postes. Certains ici considèrent en effet que les soignants soignent mieux quand ils sont moins nombreux, que les professeurs enseignent mieux quand ils sont moins nombreux et que les agents de la DGFIP sont plus efficaces quand ils sont moins nombreux. Les représentants des douaniers que nous avons auditionnés nous ont néanmoins indiqué que seules 0,1 % des marchandises sont contrôlées. Des milliards échappent à l’État parce que quantité de contrôles, de flagrance en particulier, ne peuvent être effectués. Nous avons besoin de douaniers en plus, pour contrôler non les personnes mais les marchandises – c’est le cœur de leur mission.
Ces dernières années, certaines missions fiscales ont été transférées de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) vers la DGFIP. Il faut y revenir : c’est un fiasco.
M. Thomas Cazenave (EPR). Combien d’agents seraient nécessaires pour contrôler tous les containers qui entrent dans nos ports ? L’administration n’y suffira jamais, mais la technologie offre des solutions. On peut déployer des scanners intelligents pour cibler les contrôles. Il faut non pas toujours augmenter les effectifs mais s’assurer que les agents en poste disposent des outils techniques pour gagner en efficacité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF327 de M. Matthias Renault
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. Je voudrais comprendre pourquoi la trajectoire budgétaire de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) vous inquiète tant. Les crédits de paiement sont stables depuis 2022, malgré l’inflation ; quatre des dix membres du collège sont nommés directement par le Parlement ; la présidente est auditionnée par les commissions. On peut difficilement soutenir, comme vous le faites, que le contrôle parlementaire s’en trouve affaibli.
La commission rejette l’amendement.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. Il est logique de renforcer les effectifs de la DGFiP, pour améliorer le contrôle fiscal. Nous parlons de 4 000 postes sur un total de 90 000 agents dans la direction. Néanmoins, le nombre ne fait pas tout, il faut mener une réflexion globale. Le rapport spécial doit essentiellement déterminer comment identifier les montages complexes de fraude et d’évasion fiscales et d’optimisation agressive, pour ensuite adapter la législation. J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Il est vrai que le renforcement des effectifs ne peut constituer l’unique solution ; pour renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, il faudra mener un travail qualitatif et un travail législatif.
M. Jérôme Legavre, rapporteur spécial. Le nombre d’agents n’est pas le seul élément de réponse, mais il est déterminant. Les services sont à l’os – même s’ils ne sont pas les seuls. Nous avons adopté deux amendements tendant à réaffecter des moyens supplémentaires à la DGFIP et aux douanes, ce qui inverse le cours destructeur tracé depuis des années par les gouvernements successifs. Je suis donc favorable à l’adoption des crédits.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Nous sommes d’accord sur la nécessité de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Cependant, les nombreux amendements ont profondément modifié la trajectoire financière de la mission. Nous voterons contre les crédits.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je salue le travail des agents des finances publiques. Sur le terrain, la réorganisation est un succès : la DGFiP conseille davantage les citoyens et les élus sont satisfaits, ainsi que les usagers.
Depuis de nombreuses années, la lutte contre la fraude est une priorité pour notre majorité. Le problème ne peut se résumer aux effectifs : il faut prendre en considération les moyens informatiques, la collaboration internationale, l’augmentation des normes pour contrôler les grandes entreprises. Nous nous y employons.
Vous avez significativement augmenté les moyens, sans proportion avec les besoins. Dans le projet de loi de finances, les autorisations d’engagement ont été rehaussées de 2,35 %, ce qui correspond peu ou prou à l’inflation. Nous voterons contre les crédits de la mission, car ils ont été déformés.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Compte tenu des modifications apportées, nous voterons les crédits de la mission.
Beaucoup ont affirmé qu’il ne suffisait pas d’affecter des moyens supplémentaires pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Avec les crédits que nous avons votés, nous prouverons dans les faits que c’est le cas.
M. Arnaud Simion (SOC). Nous avons doté la mission de 500 millions d’euros supplémentaires et ainsi réarmé l’administration fiscale et les douanes. Nous voterons donc ces crédits.
M. Philippe Juvin (DR). La copie était sage, elle l’est beaucoup moins à présent. Nous avons largement débattu du lien entre les effectifs et l’efficacité de l’action publique. Il est parfois matériellement impossible de disposer du personnel nécessaire pour tout contrôler – voyez le nombre de containers qui entrent dans le port du Havre et les millions de tonnes de marchandises qui arrivent à l’aéroport de Roissy. L’inflation de la dépense est telle que nous ne pourrons pas voter ces crédits.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le texte initial ressemble au texte modifié comme le jour à la nuit ! Nous sommes à présent favorables à l’adoption des crédits. En effet, nous avons restauré tous les postes supprimés depuis 2008. Nous ne sommes pas contre l’intelligence artificielle ni contre les innovations mais soyons lucides : rien ne remplace le contrôle humain. La DGFiP a expérimenté un dispositif de détection des piscines utilisant un logiciel fourni par Google et Capgemini : ce logiciel a identifié des places de parking pour personnes handicapées comme des piscines ! Vous exigez que plus de 50 % des contrôles soient ciblés par l’IA, or en augmentant la part des contrôles menés par l’IA, on fait croître mécaniquement le nombre de recouvrements qui aboutissent dans cette même catégorie. Cela ne prouve pas que l’IA soit plus efficace que les agents. S’agissant des douanes, je vous alerte sur l’importance des compétences et le risque qu’entraîne le fait de saucissonner les tâches. Pour mener efficacement la bataille contre la fraude fiscale, il nous fait des effectifs humains et un cap, résultat d’une volonté politique.
Mme Perrine Goulet (Dem). S’il fallait citer un contrôle réussi grâce à l’IA, ce serait précisément celui sur les piscines ! De manière générale, le recours à l’IA est efficace.
Il est dommage d’avoir modifié les crédits d’une mission qui était déjà bien dotée. Il n’est pas nécessaire d’augmenter les effectifs au-delà des 1 500 agents prévus, puisque la modernisation de l’État fonctionne très bien, qu’il s’agisse de la généralisation du compte financier unique, de la simplification de la chaîne comptable, de l’amélioration du recouvrement des recettes.
Ne vous en déplaise, les maisons France Services sont une réussite. Les gens s’y rendent pour un problème et s’aperçoivent qu’ils peuvent en résoudre d’autres. Lorsque l’on habite loin de la préfecture, il fallait parfois faire une heure de route pour se rendre à un guichet de la DGFiP. Désormais, les citoyens ont accès à tous les services publics, y compris la DGFiP, à vingt minutes de chez eux.
Une fois encore, les commissaires aux finances détériorent le travail accompli en surdimensionnant les besoins, et se ridiculisent. Nous aurions pu trouver des terrains d’entente mais toutes les modifications sont excessives, donc aucune ne sera retenue – c’est dommage. Nous ne pouvons que voter contre les crédits.
M. Christophe Plassard (HOR). Tout le monde doit participer à l’effort budgétaire. La réduction de 500 équivalents temps plein (ETP) dans cette mission donnait un bon signal et témoignait de la bonne volonté des services concernés. Notre groupe soutient le renforcement des moyens dédiés à la lutte contre la fraude fiscale, avec l’engagement d’y affecter 1 500 personnes supplémentaires. De même, le plan de protection des agents publics envoie un message très positif à tous ceux dont la vie est menacée parce qu’ils sont fonctionnaires. Enfin, nous saluons l’intensification de la lutte contre toutes les fraudes, en recourant à l’IA pour cibler les contrôles. La France se dote des meilleurs outils technologiques pour déjouer des montages de plus en plus sophistiqués.
Cependant, compte tenu des amendements adoptés, les membres du groupe Horizons & Indépendants voteront contre les crédits de la mission.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. On annonce 1 500 postes supplémentaires pour le contrôle fiscal mais le schéma d’emploi prévoit 550 ETP de moins. Il faut être cohérent, on ne peut pas toujours dépouiller le réseau local qui collecte les données. Nous sommes revenus sur des suppressions de poste qui s’accumulent depuis 2010 – c’est bien.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Je vous informe que les modifications que nous avons adoptées rehaussent les crédits de la mission de 590 millions d’euros.
La commission adopte les crédits de la mission Gestion des finances publiques modifiés.
Article 45 et état G : Liste des objectifs et des indicateurs de performance
Amendement II-CF1208 de Mme Mathilde Feld
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Le présent amendement vise à créer un indicateur relatif au coût de collecte des recettes issues de la fraude fiscale.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 60
Amendement II-CF1466 de M. Peio Dufau
Mme Dieynaba Diop (SOC). L’amendement II-CF1466 vise à obtenir un rapport sur les opérations de contrôle fiscal relatives à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et à ses majorations, ainsi qu’à la taxe sur les plus-values immobilières. Ce rapport préciserait notamment le nombre de contrôles sur place et sur pièces réalisés, le nombre d’agents affectés et, le cas échéant, le nombre de cas transmis à l’autorité judiciaire aux fins de poursuites pénales.
Nous voulons une photographie de l’action du Gouvernement contre la fraude et l’évasion fiscales.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Je vous propose de retirer votre amendement. Les rapports tendent le plus souvent à partager des données dans un domaine précis ; il est sans doute plus adéquat ici de demander aux cabinets des ministres concernés la liste des actions visées. Par ailleurs, votre amendement visant à renforcer les contrôles a été adopté.
L’amendement est retiré.
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LISTE DES Personnes auditionnées
par les rapporteurs spéciaux
Observatoire européen de la fiscalité
– M. Quentin Parrinello, directeur politiques publiques
Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne)
– M. Vincent Drezet, porte-parole
– Mme Ophélie Gath
Organisations syndicales
– CGT Finances publiques
M. Fabien Dampenon, secrétaire national
M. Didier Laplagne, membre de la commission fédérale
– FO Finances publiques
M. Olivier Brunelle, secrétaire général
M. Jean-Paul Philidet, secrétaire général adjoint
– Solidaires finances publiques
Mme Anne Guyot Welke, secrétaire générale
Mme Sabine Portela, secrétaire nationale
Mme Linda Sehili, secrétaire nationale
Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestin)
– M. Antoine Magnant, directeur
– M. Alban Genais, directeur adjoint
Direction générale des finances publiques
– M. Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal
M. Éric Vernier, spécialiste du blanchiment et des paradis fiscaux
Mme Camille Herlin-Giret, sociologue
Source : capture d’écran du site internet de la mission interministérielle de coordination anti-fraude effectuée le 31 octobre 2024
([1]) Voir par exemple le discours du Premier ministre prononcé le 28 septembre 2024 à Mâcon lors du 130e congrès des sapeurs-pompiers.
([2]) L’écart fiscal désigne la différence entre les montants effectivement perçus et ceux qui résulteraient d’une stricte application de la règle fiscale sans aucune perturbation.
([3]) Tax Justice Network, The state of tax justice 2023, juillet 2023.
([4]) Observatoire européen de la fiscalité, Rapport sur l’évasion fiscale, octobre 2023.
([5]) Commission européenne, Centre pour la recherche économique et social, G. Poniatowski, M. Bonch-Osmolovskiy, A. Śmietanka, A. Sojka, L’écart de TVA dans l’UE, Office des publications de l’Union européenne, 2023.
([6]) Nicolas Charnacé, Acher Elbaz et Pierre Barnouin, Le manque à gagner de TVA en France, DGFiP Analyses, septembre 2024, n° 7.
([7]) C. Jehan, C. Puechbrussou, Fraude et évitement en matière d’imposition des revenus des personnes physiques, Conseil des prélèvements obligatoires, « Conforter l’égalité des citoyens devant l’imposition des revenus », rapport particulier n° 4, octobre 2024.
([8]) Solidaires Finances publiques, Évasions et fraudes fiscales, contrôle fiscal, janvier 2013.
([9]) Solidaires Finances publiques, Quand la baisse des moyens de contrôle fiscal entraîne une baisse de sa présence…, 2018.
([10]) Il peut s’agir d’une des 9 conventions fiscales en vigueur qui ne permettent pas l’application d’une retenue à la source (Arabie Saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats Arabes Unis, Finlande — jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle convention, Koweït, Liban, Oman et Qatar) ou éventuellement d’autres conventions qui réservent cet avantage à certaines catégories d’entités.
([11]) Conseil d’État, n° 472587, publié au recueil Lebon.
([12]) Cour des comptes, La détection de la fraude fiscale des particuliers, novembre 2023.
([13]) Par exemple, le haut-commissaire à l’enseignement et à la formation professionnels, le haut-commissaire l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale ou encore le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises.
([14]) Cour des comptes, La fraude aux prélèvements obligatoires, 2019.
([15]) L’indicateur varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême).
([16]) Source : observatoire des inégalités, d’après les données Insee, après impôts et prestations sociales.
([17]) Ainsi, quand le ratio est égal à 1, les revenus perçus par les 40 % les ménages les plus pauvres sont égaux à ceux perçus par les 10 % les plus riches.
([18]) Pierre Cheloudko, Aliette Cheptitski, Claire Hagège, Orlane Hubert, « En vingt ans, les inégalités de patrimoine se sont accrues, en lien avec la hausse des prix de l’immobilier », Les revenus et le patrimoine des ménages — Édition 2024, Insee Références, octobre 2024.
([19]) « Les déterminants du consentement à l’impôt en France : analyse de l’enquête du conseil des prélèvements obligatoires de 2021 », P.C. Boyer, T. Ingrand, C. Strassel.
([20]) Conseil des prélèvements obligatoires, Baromètre des prélèvements fiscaux et sociaux en France — Deuxième édition 2023, janvier 2024.
([21]) Décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques.
([22]) Voir infra.
([23]) Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique.
([24]) Tome II du rapport sur les Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2023.
([25]) CAE, Repenser l’héritage, décembre 2021.
([26]) IPP, Évaluer les effets de l’impôt sur la fortune et de sa suppression sur le tissu productif, octobre 2021.
([27]) Mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale relative à la fiscalité du patrimoine, septembre 2023.
([28]) Cour des comptes, Les droits de succession, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, septembre 2024.
([29]) Article L. 251 A du livre des procédures fiscales.
([30]) Voir page 75 du cadre d’objectifs et de moyens 2023-2027 de la DGFiP.
([31]) Le PAP indique dans le volet Présentation stratégique de la mission qu’ « après le succès du ciblage des contrôles des professionnels par l’exploration de données et l’intelligence artificielle, ce type de ciblage sera amplifié dans les contrôles des particuliers, afin que, d’ici 2027, la moitié des fiches de programmation afférentes à ces contrôles en soient issus. »
([32]) Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.
([33]) Les effectifs de la « police fiscale » ne comportaient en 2023 qu’une quarantaine d’agents.
([34]) Décret n° 2023-663 du 26 juillet 2023 modifiant le décret n° 2020-872 du 15 juillet 2020 relatif à la coordination interministérielle en matière de lutte contre la fraude et à la création d'une mission interministérielle de coordination anti-fraude.
([35]) Article 1er du décret.
([36]) Attac et Union syndicales solidaires, Fraude fiscale, sociale, aux prestations sociales : ne pas se tromper de cible, mars 2022.
([37]) Page 5 du dossier de presse.
([38]) Observatoire européen de la fiscalité, Rapport sur l’évasion fiscale mondiale 2023, p. 68.
([39]) Gabriel Zucman et al., A blueprint for a coordinated minimum effective taxation standard for ultra-high-net-worth individuals, juin 2024.
([40]) Svenja Schulze, Fernando Haddad, Enoch Godongwana, María Jesús Montero, Carlos Cuerpo, « Ministers of Germany, Brazil, South Africa and Spain: why we need a global tax on billionaires », The Guardian, avril 2024.
([41]) Laurent Bach, Antoine Bozio, Arthur Guillouzouic et Clément Malgouyres, « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », Note IPP n° 92, juin 2023.
([42]) Le coût pour les recettes de l’État en 2023 était de 7 milliards d’euros, faisant du CIR la première dépense fiscale en valeur.
([43]) Samoa américaines, Anguilla, Fidji, Guam, Palaos, Panama, Russie, Samoa, Trinité-et-Tobago, Îles vierges américaines et Vanuatu
([44]) Matthew Collin, « The impact of Tax Blacklisting », World Bank Group, Policy research working paper 10435, mai 2023.
([45]) Qui sont tous catégorisés dans les dix principaux paradis fiscaux selon l’indice développé par l’ONG Tax Justice Nety.
([46]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
([47]) Défenseur des droits, Dossier de presse « Jacques Toubon, Défenseur des droits 2014-2020 », juillet 2020.