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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
PAR M. Charles de COURSON,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 32
outre-mer
Rapporteur spécial : M. Christian BAPTISTE
Député
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS du RAPPORTEUR SPÉCIAl
A. l’augmentation de 6,7 % du soutien aux ENTREPRISES manifestement sous-ÉVALUÉe
A. Les crédits en faveur du logement en baisse de 5 %
III. Des dépenses fiscales nombreuses et onéreuses devant bénéficier aux ultramarins
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, seules 41 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.
PRINCIPALES OBSERVATIONS du RAPPORTEUR SPÉCIAl À titre liminaire, le rapporteur spécial souhaite marquer sa solidarité avec les concitoyens ultramarins touchés par les crises, en particulier s’agissant de celle liée à la vie chère en Martinique et en Guadeloupe ainsi que celle intervenue en Nouvelle-Calédonie. Sur la vie chère, le rapporteur spécial a auditionné le 28 octobre 2024 les grands groupes de distributeurs détenant un pouvoir quasi oligopolistique dans les territoires ultramarins. Il rappelle que, selon une étude de l’INSEE publiée en juillet 2023, le différentiel de prix entre la Martinique et l’hexagone pour les produits alimentaires est de 40 %, et de 42 % pour la Guadeloupe. Il relève que dans son avis de 2019 sur le fonctionnement de la concurrence dans les outre-mer, l’Autorité de la concurrence n’a pas identifié de marges excessives qui seraient responsables, prises isolément, d’une part significative des écarts de prix avec l’hexagone. En revanche, selon lui, l’accumulation des marges des acteurs de toute la chaîne des produits de grande consommation peut expliquer une partie des écarts de prix avec l’hexagone. Il demande dès lors à ce que l’autorité de la concurrence réalise un nouveau contrôle sur la structure de marché en outre-mer pour actualiser son précédent avis et que davantage de transparence soit faite sur les prix et les marges réalisées par les différents acteurs, notamment intermédiaires, participant à leur formation en outre-mer. Il ajoute enfin que lors de l’audition précitée, les grands groupes de distributeurs se sont dits prêts à fournir leurs comptes. Par ailleurs, il souhaite un examen approfondi des vingt recommandations prioritaires émises dans le rapport n° 1543 du 20 juillet 2023 de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales ultramarines, reproduites en annexe I, afin de mettre en œuvre celles pouvant contribuer à court terme à une baisse des prix. À cet égard, comme évoqué avec les distributeurs lors de leur audition, le rapporteur spécial considère qu’une partie de la réponse à la vie chère provient de l’absence de réelle continuité territoriale entre l’hexagone et les territoires ultramarins. Il adhère totalement à la recommandation n° 56 du rapport précité visant à appliquer aux outre-mer le dispositif de continuité territoriale et le dispositif de financement afférent actuellement en vigueur en Corse. En effet, les dépenses de l’État par habitant en faveur de la continuité territoriale s’élevaient en 2022 à 257 euros pour la Corse contre 19 euros pour les ultramarins. * S’agissant du projet de loi de finances pour 2025, au regard de ces crises continuant à toucher durement les outre-mer, le rapporteur spécial a pris connaissance avec incrédulité – voire effroi – des réductions de crédits brutales envisagées. Le total des mesures d’économies s’élève, pour les deux programmes, à 500 millions d’euros en AE et 353 millions en CP. La seule hausse de crédits, soit 104 millions d’euros en AE et CP, concerne le soutien apporté aux entreprises. Cette hausse est par ailleurs sous-évaluée au regard des écarts de consommation de crédits des dernières années. Les coupes budgétaires touchent tout particulièrement les collectivités ultramarines avec une diminution entre la LFI 2024 et le PLF 2025 de 414,6 millions d’euros en AE et 280 millions d’euros en CP, soit 82,9 % en AE et près de 80 % en CP des réductions anticipées. Dans le contexte de crise actuel, cette très forte diminution est inacceptable, au regard des enjeux pour les collectivités ultramarines, au plus proche de la vie quotidienne de nos concitoyens. De même, diminuer à ce point les crédits destinés à protéger les vies des ultramarins via le tarissement des crédits affectés au plan séismes Antilles (PSA) paraît irresponsable. Ne pas reconduire les aides de 100 millions d’euros en AE et 60 millions d’euros de CP au département de Mayotte, le plus pauvre de France et confronté à de multiples crises (eau, immigration, logement…) peut s’apparenter à un abandon de la solidarité nationale. Réduire les financements en faveur de la Nouvelle-Calédonie, après l’année 2024 qu’elle a subie et son économie au bord du précipice, est effarant. Revenir sur les financements complémentaires à l’accompagnement des personnes atteintes d’un cancer manque par ailleurs, tout simplement, d’humanité. Les crédits destinés aux aides au logement diminueraient en 2025 de 10,9 % en AE et 5 % en CP, alors que ces actions permettent d’aider les plus modestes parmi les populations ultramarines à obtenir un habitat décent. Dans le même sens, les crédits destinés au secteur sanitaire, social, à la culture, la jeunesse et les sports seraient divisés par deux. À défaut de réelle continuité territoriale, la mobilité territoriale, si difficile à encourager pour des raisons financières, est mise en péril par la réduction radicale des dotations à LADOM. Si le budget 2025 est adopté en l’état, l’agence devra refuser toutes les nouvelles demandes des bénéficiaires dès le milieu du mois d’octobre 2025 et supprimer près de 40 postes, soit 28 % de ses effectifs. En pleine crise de la vie chère, l’aide au fret, portée par les crédits de la mission, vise à compenser les surcoûts liés à l’éloignement géographique des territoires ultramarins, favoriser la production locale et de faire baisser les prix pour les consommateurs. Or les crédits finançant cette aide sont divisés par deux, ce qui est incompréhensible. Le rapporteur spécial prévoit de mener prochainement une évaluation de l’aide au fret, pour examiner de quelle manière ce dispositif pourrait davantage contribuer à baisser le prix des produits (alimentaires en priorité) consommés par les ultramarins. En parallèle, il relève que le soutien aux entreprises constitue le seul programme que le projet de budget renforce – en le sous-évaluant par ailleurs. Dès lors, face à ce projet de budget déshumanisé ne répondant qu’à une logique comptable, qui peut s’assimiler à un désengagement de l’État des territoires « dits » d’outre-mer, en crise, le rapporteur spécial oppose un refus déterminé. Afin d’éviter l’apparition de nouvelles tragédies dans nos territoires – d’ailleurs plus coûteuses pour nos finances publiques que les économies proposées, au regard du chiffre d’un à deux milliards d’euros avancé pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie –, le rapporteur spécial a rencontré les ministres en charge des outre-mer et du budget et des comptes publics. Il les a appelés à remanier en profondeur ce projet de budget. En outre, après avoir émis un avis défavorable sur l’adoption du budget en l’état, il a, en responsabilité, eu égard à la situation financière actuelle de la France, déposé en commission des finances six amendements pour reprendre à l’identique pour le budget 2025 les crédits de la LFI 2024 pour l’outre-mer. Ces amendements, adoptés pour la plupart par la commission, tendent à rétablir 500 millions d’euros en AE et 353 millions d’euros en CP. |
Évolution prÉvue en 2025 DES CRÉDITS DE LA MISSION (en millions d’euros)
Évolution des autorisations d’engagement et des crÉdits de paiement entre la LFI pour 2024 et le PLF 2025 (en millions d’euros)
RÉpartition par titre des crÉdits de paiement demandÉs (en millions d’euros)
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— 1 —
La mission outre-mer est composée de deux programmes :
– le programme 138 Emploi outre-mer est consacré au développement économique, à la création d’emplois dans les outre-mer et à l’amélioration de la qualification professionnelle des actifs ultramarins, en particulier des jeunes. Il représente 76,3 % des crédits de la mission dans le présent projet de loi de finances (PLF) pour 2025. L’essentiel du programme finance le dispositif d’allègement et d’exonération de cotisations de sécurité sociale pour les entreprises et les travailleurs indépendants ultramarins ;
– le programme 123 Conditions de vie outre-mer finance des actions spécifiques en faveur des territoires ultramarins « ne relevant pas des crédits de droit commun des autres ministères » ([1]). L’action Logement, dite « ligne budgétaire unique », est destinée à contribuer à l’amélioration de l’offre de logement social. Le programme finance également des actions d’accompagnement des collectivités, pour des programmes d’investissement, des actions d’aide à l’ingénierie ainsi que des dispositifs d’aide à la mobilité.
Au niveau de la mission, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit, pour les autorisations d’engagement (AE), une diminution de 398,4 millions d’euros (– 12,5 %) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, qui les porterait à 2 782,7 millions d’euros. Les crédits de paiement (CP) seraient en baisse de 249,4 millions d’euros (– 8,9 %) par rapport à la LFI 2024, atteignant 2 555,1 millions d’euros ([2]).
Le total des mesures d’économies s’élève, pour les deux programmes confondus, à 500 millions d’euros en AE et 353 millions en CP. La seule hausse de crédits, de 104 millions d’euros en AE et CP, concerne le soutien aux entreprises. Or la diète budgétaire a commencé dès cette année, 79 millions d’euros ayant été annulés par décret le 21 février dernier, avec les suites que l’on sait.
La mission outre-mer n’est le support que de 19,8 % des AE et 18,6 % des CP du budget destinés par l’État aux outre-mer. Comme chaque année, le rapporteur spécial dénonce cet émiettement des moyens, qui nuit à leur lisibilité. L’effort budgétaire global de l’État en outre-mer, tous ministères compris, hors dépenses fiscales, devrait s’élever en AE pour 2025 à 12,2 milliards d’euros contre 12,8 milliards d’euros en LFI 2024 (– 5,2 %) et en CP pour 2025 à 13,7 milliards d’euros contre 14 milliards d’euros dans la LFI 2024 (– 2,4 %).
— 1 —
I. La hausse des crédits du programme 138 emploi outre-mer, tirée par l’augmentation du soutien accordé aux entreprises
D’après l’annexe outre-mer au présent projet de loi de finances, les crédits du programme 138 Emploi outre-mer seraient en progression à la fois en autorisations d’engagement (+ 3,81 %) et en crédits de paiement (+ 3,43 %). Ils devraient atteindre respectivement 1 971,9 millions d’euros et 1 949,3 millions d’euros ([3]).
La hausse des dotations du programme est liée à celle des crédits de l’action 1 Soutien aux entreprises, qui représentent 84,3 % du total. Leur hausse masque la forte baisse des crédits des actions 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle (– 1,9 % en AE et – 4,6 % en CP) et 4 Financement de l’économie (– 71,1 % en AE et – 75,5 % en CP).
Évolution par action des crÉdits du programme 138 emploi outre-mer
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variation |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variation |
|
1 - Soutien aux entreprises |
1 539,18 |
1 642,86 |
+ 6,7 |
1 539,18 |
1 642,86 |
+ 6,74 |
2 - Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle |
321,57 |
315,30 |
– 1,9 |
309,14 |
294,97 |
– 4,6 |
3 - Pilotage des politiques outre-mer |
3,61 |
3,61 |
– |
3,37 |
3,37 |
– |
4 - Financement de l’économie |
35,09 |
10,12 |
– 71,1 |
33,00 |
8,09 |
– 75,5 |
Programme 138 - Emploi outre-mer |
1 899,45 |
1 971,90 |
+ 3,8 |
1 884,69 |
1 949,30 |
+ 3,4 |
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.
A. l’augmentation de 6,7 % du soutien aux ENTREPRISES manifestement sous-ÉVALUÉe
L’action 1 Soutien aux entreprises, finance les exonérations dites « LODEOM », qui s’appliquent en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique. Il s’agit d’allègements de charges concentrés sur des secteurs considérés à fort potentiel de développement ou soumis à une forte concurrence. Selon les documents budgétaires, « un niveau de zéro charges patronales est atteint au niveau du SMIC, qui est modulé ensuite selon les trois régimes d’exonérations définis pour les outre-mer : le barème de “compétitivité”, le barème de “compétitivité renforcée” et le barème “innovation et croissance” ».
Les crédits nécessaires à la compensation de ces exonérations sont établis à partir des prévisions de dépenses fournies par l’URSSAF Caisse nationale (ex‑ACOSS). L’URSSAF Caisse nationale prévoit le niveau d’emploi et de salaires sur un champ global (tous secteurs et France entière) au moyen de modèles économétriques, sans prise en compte des particularités territoriales. La direction générale des outre-mer (DGOM) précise que « si cela devait être le cas, la qualité des prévisions en serait affectée car le resserrement du périmètre géographique d’un modèle contribue à le rendre moins fiable. »
D’après la DGOM, l’URSSAF Caisse nationale, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la direction de la sécurité sociale (DSS), la direction du budget, la DGOM, la Mutualité sociale agricole et, en tant que de besoin, l’AGIR-ARRCO et l’UNEDIC, se réunissent au sein d’un groupe de suivi trois fois par an.
LODEOM : des prévisions manquant de fiabilité
« Les écarts entre prévision et exécution se sont multipliés au cours des exercices budgétaires passés, illustrant la difficile fiabilisation des projections. À titre d’illustration, en 2021, la poursuite de la prise en charge par l’État, selon les situations propres aux territoires ultramarins, de l’indemnisation du chômage partiel, s’est mécaniquement traduite, comme en 2020, par une très nette sous-consommation des crédits et des annulations en loi de finances rectificative. Seuls 88,58 % des AE et 88,24 % des CP de l’action 1 Soutien aux entreprises ont été consommés.
« En revanche, en 2022, d’après la DGOM, “ la prévision de dépenses sur le programme 138 excède de 204 millions d’euros l’enveloppe des crédits prévus en LFI 2022”. En effet, la LFI a été élaborée sur la base des prévisions de l’ACOSS alors disponibles, pour l’année 2022. Les prévisions de l’ACOSS actualisées depuis mettent en évidence une forte hausse, qui n’a pu être anticipée. »
« D’après la DGOM, “ comme convenu avec la direction du budget, les éventuels dépassements ou reliquats concernant les exonérations de cotisations sociales sont gérés de façon à ne pas impacter le reste du programme 138, voire de la mission outre-mer”. Ainsi, en cas de marge sur la ligne, elle fait l’objet d’une annulation en loi de finances rectificative de fin de gestion, comme cela a été mis en œuvre en 2020 et 2021. Au contraire, en cas de dépassement de la ligne, elle fait l’objet d’une ouverture de crédits en LFR de fin de gestion, comme cela sera le cas cette année. »
Source : commission des finances, rapport n° 292 sur le projet de finances pour 2023, annexe 32 outre-mer, M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon, rapporteurs spéciaux.
Dans le même sens, en 2023, la prévision de dépenses sur le programme 138 a excédé de 244 millions d’euros en AE et de 226 millions d’euros en CP l’enveloppe des crédits initiaux.
Pour 2024, l’écart augmente encore et s’élève à 342 millions d’euros en AE et de 366 millions d’euros en CP entre la LFI et la prévision d’exécution.
Pour 2025, le Gouvernement prévoit une augmentation de crédits de 103 millions d’euros d’AE et de CP qui « correspond à la prévision des besoins budgétaires définis par l’URSAAF en juin 2024 dans le cadre du groupe de suivi, minorée de 180 millions d’euros en AE et en CP. Cette minoration correspondant aux économies engendrées par une réforme du dispositif ».
Les documents budgétaires accompagnant le PLF 2024 indiquaient effectivement qu’une « évaluation lancée avant la fin de l’année 2023 pour en estimer les effets sur l’emploi privé, leur contribution au développement économique des territoires ultramarins et leur efficience, et proposer les éventuelles évolutions nécessaires ».
Aucune information n’ayant été rendue publique sur cette évaluation depuis le début de l’année 2024, le rapporteur spécial a utilisé le droit qu’il tient de l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour obtenir la communication de « tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif » liés aux crédits dont il est rapporteur spécial. En retour, le ministre en charge des outre-mer lui a communiqué la lettre de mission adressée par son prédécesseur le 16 mai 2024 aux inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS). Celle-ci, envoyée très tardivement, fixait un point d’étape à la mi-juillet qui permette à la mission de formuler des constats et de présenter les scénarios envisagés. Les conclusions définitives des travaux étaient attendues pour la mi-septembre 2024. L’objectif était ainsi de pouvoir tenir compte des préconisations émises lors du PLF 2025.
Ces échéances n’ont pas été tenues. L’évaluation des crédits pour 2025 a pourtant été réalisée en anticipant la mise en œuvre de recommandations non encore formulées par la mission d’inspection… Il est considéré comme acquis que l’application de ces recommandations permettra de réaliser une économie supérieure à une centaine de millions d’euros. Le Gouvernement envisagerait de recourir à une ordonnance pour accélérer la mise en place de la réforme.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le rapporteur spécial considère que l’évaluation des crédits de l’action 1 Soutien aux entreprises manque à nouveau de fiabilité – voire de sincérité –. Il est dubitatif quant au respect de la prévision budgétaire effectuée et considère que le soutien aux entreprises sera vraisemblablement beaucoup plus important qu’évalué dans le PLF, comme les années précédentes. En outre, même dans l’hypothèse d’une réforme profonde du dispositif, les mesures d’application ne pourront être mises en œuvre que sur une partie de l’année 2025, au mieux au second semestre, même en recourant à une ordonnance.
Il demande par ailleurs à être entendu par le Gouvernement lorsque le choix entre les scénarios d’évolution sera à faire, afin de défendre notamment les secteurs économiques concernés, en particulier les plus petites entreprises, durement touchées par les crises en 2024. Il souhaite en outre s’assurer que la réforme permettra d’améliorer l’emploi des ultramarins.
B. la baisse de 5 % des moyens en faveur de la qualification professionnelle et de l’insertion dans l’emploi
Les crédits demandés sur l’action 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, qui financent notamment le service militaire adapté (SMA) et les activités de l’agence de l’outre-mer pour les mobilités (LADOM), diminuent de près de 2 % en AE et 4,6 % en CP pour revenir respectivement à 315,3 millions d’euros et 295 millions d’euros. Selon le ministère en charge des outre-mer, la diminution des crédits (– 6,3 millions d’euros en AE et – 14,2 millions d’euros de CP) reposera en partie sur des économies liées à un report dans le temps de certaines opérations d’infrastructures du SMA (12 millions d’euros de CP) et sur le dispositif « Cadres d’avenir » porté par LADOM.
Comme l’indiquent pourtant les documents budgétaires pour 2025, « l’insertion professionnelle des jeunes représente un enjeu essentiel des politiques publiques menées par l’État dans les départements et collectivités d’outre-mer ».
● Le SMA est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes volontaires de 18 à 25 ans les plus éloignés de l’emploi au sein des outre-mer. Au-delà de la formation professionnelle, il s’agit également d’un engagement citoyen comme l’a montré en 2023 et 2024 l’appui des volontaires du SMA aux services de secours et de sécurité civile lors de la crise de l’eau à Mayotte et la distribution de bouteilles d’eau à l’ensemble de la population mahoraise.
Le plafond d’emploi permettait d’accompagner 4 829 volontaires en 2024. Il est prévu de le fixer à 4 365 ETP en 2025 soit – 464 ETP. Les mesures d’économies visent par ailleurs tous les projets d’investissements du SMA (constructions, réhabilitations de site). L’un des objectifs du Plan SMA 2025 + consistant à réévaluer la cible de bénéficiaires du SMA à + 11 %, pour atteindre 6 600 volontaires en 2025, est reporté sine die. De même, la relocalisation du centre de formation du SMA (CFSMA) de Périgueux à moins de deux heures de Paris, au plus près d’une offre de formation diversifiée, afin de le rendre plus accessible tout en augmentant sa capacité d’accueil de 100 à 300 stagiaires, est hélas abandonnée.
Au regard de la crise sociale et économique actuelle dans les territoires ultramarins, en particulier en Nouvelle-Calédonie et en Martinique, le rapporteur spécial ne comprend pas la coupe budgétaire brutale prévue dans le budget du SMA, dispositif en plein essor qui a fait ses preuves. Selon lui, il s’agit d’une des solutions permettant à des jeunes s’étant soulevés, parfois violemment, lors des crises récentes en Nouvelle-Calédonie ou dans les Antilles, de tourner la page et, en se formant avec l’encadrement du SMA, s’insérer dans la société et contribuer au développement des territoires ultramarins.
● Pour les mêmes raisons, le rapporteur spécial s’oppose à la réduction d’un million d’euros (de 2,5 millions d’euros dans la LFI 2024 à 1,5 million d’euros pour 2025) de la subvention versée à l’institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS), constitué en groupement d’intérêt public (GIP). Il dispense en internat aux jeunes ultramarins issus de milieux modestes une préparation à l’entrée en école dans le domaine sanitaire et social (infirmier, aide-soignant…) et à différents concours de la fonction publique (métiers de la sécurité tels que police, administration pénitentiaire, douanes…).
● En outre, la diminution de la subvention pour charges de service public à LADOM (6,28 millions d’euros prévus en AE et CP dans le PLF 2025 contre 7,45 millions d’euros dans la LFI 2024) aura de graves conséquences pour la mobilité des ultramarins. L’opérateur participe en effet à la mise en œuvre de la politique nationale de continuité territoriale à destination des personnes établies dans les territoires ultramarins en vue d’atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement. Cette baisse de dotation se cumule avec celle prévue de 13,4 millions d’euros en AE et en CP des crédits de l’action 3 continuité territoriale du programme 123 conditions de vie outre-mer (voir les développements II-B infra).
En outre, le rapporteur spécial déplore l’abandon de la généralisation à l’ensemble des territoires ultramarins du programme « cadres d’avenir ». Ce dispositif de formation des cadres est mené depuis 2024 de manière expérimentale, pour cinq années, en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin. Il est présenté comme une réponse au besoin de « soutenir la formation des étudiants à hauts potentiels des territoires visés et, d’autre part, les besoins en recrutement des entreprises », dans un contexte d’une forte chute démographique.
En conséquence, en responsabilité au regard de la situation budgétaire, le rapporteur spécial s’est opposé à des mesures d’économies aveugles. Il a en conséquence déposé l’amendement II-CF449, adopté par la commission des finances, pour une reconduction en 2025 des crédits initiaux 2024 destinés à l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle outre-mer.
C. le recul incompréhensible de – 75 % des crédits de l’action 4 FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE au regard de la situation économique actuelle
L’action 4 Financement de l’économie finance principalement des mesures de soutien aux entreprises et associations ultramarines (prêts de développement outre-mer, subventions d’investissement, soutien au microcrédit outre-mer), mais également une aide au fret, dispositif mis en place par l’article 24 de la loi n° 2009‑594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, qui s’applique aux entreprises des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM), à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.
Les crédits demandés pour cette action sont fortement réduits dans le présent projet, de – 71,15 % en AE, pour atteindre 10,12 millions d’euros contre 35,09 millions d’euros en LFI 2024, et de – 75,47 % en CP, pour s’élever à 8,09 millions d’euros contre 32,99 millions d’euros en LFI 2024. La réduction de crédits (‑ 25 millions d’euros d’AE et de CP) porte sur les prêts de développement outre‑mer (PDOM), le soutien aux structures appartenant à l’économie sociale et solidaire et l’aide au fret.
Cette trajectoire financière est incompréhensible, étant donné l’objet de l’action, la situation économique actuelle et la force des revendications légitimes liées à la cherté de la vie en outre-mer.
En effet, depuis 2017, « le PDOM intervient en qualité de produit de cofinancement, au côté d’un financement privé à raison de 1 pour 1. Le financement privé associé peut revêtir la forme d’un financement bancaire, d’un apport en capital ou en “quasi-fonds propres” ainsi que de financements participatifs. Le coût du financement privé étant plus élevé en outre-mer qu’en hexagone, le taux bonifié du PDOM (proche de zéro) permet aux entreprises ultramarines de se financer à un taux moyen similaire à celui observé en hexagone. » ([4])
De même, alors que certains territoires « dits » d’outre-mer sont en pleine crise sociale et économique, la réduction des crédits visant à soutenir les structures appartenant à l’économie sociale et solidaire (ESS) ne peut que détériorer une situation déjà fragilisée. Pour mémoire, le secteur de l’ESS représente plus d’un milliard d’euros de masse salariale et plus de 40 000 entités dans les outre-mer. Ces associations agissent localement comme un filet de sécurité en complément de l’action de l’État notamment. La diminution de ces aides ne peut qu’aggraver la précarité chez les plus vulnérables et accroître les tensions sociales déjà vives en outre-mer.
Une forte baisse de l’aide au fret est prévue pour 2025. Pourtant, cette aide vise à compenser les surcoûts liés à l’éloignement géographique des territoires ultramarins, favoriser la production locale et de faire baisser les prix pour les consommateurs. Les AE du PLF 2025 s’élèvent à 4,37 millions d’euros contre 7,80 millions d’euros en LFI 2024 (– 44 %) et les CP à 2,38 millions d’euros en 2025 contre 5,60 millions d’euros initiaux pour 2024 (– 57 %).
Dans le contexte actuel de crise liée à la cherté de la vie en outre-mer, le rapporteur spécial se demande par quel aveuglement il peut être demandé, non de renforcer, mais de réduire ainsi des dotations permettant d’atténuer le différentiel de prix avec l’hexagone pour les consommateurs ultramarins. Il appelle dès lors à une revalorisation des crédits de l’action 4 pour que celle-ci retrouve son niveau fixé en LFI 2024. C’est l’objet de son amendement II-CF448, adopté par la commission des finances.
En outre, il prévoit de mener prochainement une évaluation de l’aide au fret, pour examiner de quelle manière ce dispositif pourrait davantage contribuer à baisser le prix des produits (alimentaires en priorité) consommés par les ultramarins.
— 1 —
II. Des coupes budgétaires sans précédent dans les crédits du programme 123 conditions de vie outre-mer
Les crédits du programme Conditions de vie outre-mer sont en chute de 36,74 % en AE et 34,14 % en CP ([5]). Cet effondrement de l’effort de l’État, à contre-sens des nécessités du moment, concerne l’ensemble des actions du programme, comme le montre le tableau ci-dessous.
Évolution des crÉdits du programme 123 Conditions de vie outre-mer
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
Programme/Action |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024-2025 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024-2025 |
01 — Logement |
291,87 |
259,95 |
– 10,9 % |
193,83 |
184,13 |
– 5 % |
02 — Aménagement du territoire |
233,21 |
86,40 |
– 63 % |
174,43 |
41,61 |
– 76,2 % |
03 — Continuité territoriale |
76,30 |
62,90 |
– 17,6 % |
76,19 |
62,79 |
– 17,6 % |
04 — Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports |
21,00 |
10,15 |
– 51,7 % |
21,00 |
10,15 |
– 51,7 % |
06 — Collectivités territoriales |
428,93 |
257,10 |
– 40,1 % |
328,36 |
202,22 |
– 38,4 % |
07 — Insertion économique et coopération régionales |
0,97 |
0,97 |
– |
0,97 |
0,97 |
– |
08 — Fonds exceptionnel d’investissement |
160,00 |
110,00 |
– 31,3 % |
87,26 |
70,94 |
– 18,7 % |
09 — Appui à l’accès aux financements bancaires |
69,35 |
23,35 |
– 66,3 % |
37,73 |
32,94 |
– 12,7 % |
Total P 123 Conditions de vie outre-mer |
1 281,62 |
810,82 |
– 36,7 % |
919,77 |
605,76 |
– 34,1 % |
Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2025.
A. Les crédits en faveur du logement en baisse de 5 %
Les crédits de l’action 1 Logement (30 % des crédits du programme) diminueraient de 10,9 % en AE et 5 % en CP pour atteindre 259,9 millions d’euros en AE et 184,1 millions d’euros en CP.
Le rapporteur spécial rappelle que les domaines principaux couverts par l’action, en faveur des DROM ([6]), sont les suivants : l’estimation des besoins et l’apport en ingénierie, le logement social et les actions foncières, l’amélioration de la sécurité du parc social antillais à l’égard du risque sismique, l’accession sociale à la propriété et l’amélioration du parc privé, l’accompagnement des politiques urbaines d’aménagement et de rénovation, la résorption de l’habitat insalubre et informel. Les crédits de l’action 1 sont complétés par des mesures d’incitation fiscale à l’investissement.
Les principaux enjeux en matière de logement ([7]) sont les suivants, en soulignant que près d’un tiers des 70 mesures du comité interministériel du 18 juillet 2023 concerne directement ou indirectement le secteur de l’habitat en outre-mer :
● Le PIB par habitant dans les outre-mer correspond environ à près de 55 % de celui de l’hexagone. Par ailleurs, 80 % de la population ultramarine est éligible au logement social et près de 70 % au logement locatif très social (contre 66 % et 29 % en Hexagone) ;
● Le nombre d’habitats insalubres est de 147 500 logements, soit 16 % du parc total des DROM ;
● L’ex-Fondation Abbé Pierre estime que 600 000 personnes sont mal logées dans les DROM ;
● Dans les seuls DROM, on estime un besoin de 90 000 logements, recouvrant le logement locatif social et très social (LLS et LLTS), l’accession sociale et très sociale et la résorption de l’habitat indigne. Ce besoin est estimé à 110 000 logements pour l’ensemble des territoires ultramarins (DROM + COM). S’agissant des seuls logements sociaux, les besoins annuels pour les cinq DROM sont évalués entre 8 600 et 10 400 logements ;
● Le parc de LLS est estimé à 180 620 (18 % du parc de logement des DROM).
Enfin, le sans-abrisme et la grande précarité touchent particulièrement les territoires ultramarins tout en présentant des visages distincts de la métropole. La Guyane et Mayotte sont principalement marquées par la présence importante de bidonvilles. Les Antilles et La Réunion, moins concernée par l’habitat informel, doivent répondre à des besoins accrus dans l’accompagnement des personnes sans-abri présentant des troubles psychiques, des femmes victimes de violences, des familles monoparentales et des jeunes en situation de précarité.
Malgré ces enjeux, le Gouvernement prévoit de diminuer fortement les crédits de l’action Logement ce qui se traduira automatiquement, comme le confirme le ministère des outre-mer par « par un recalibrage des objectifs prévus au titre du plan logement outre-mer », sans que celui-ci soit précisé dans les documents budgétaires. L’aveuglement sur la gravité de la situation s’étendrait ainsi aux effets des économies prévues sur la société.
Le rapporteur spécial s’insurge contre cette mesure d’économie, au regard de l’importance des besoins des ultramarins pour se loger dignement. Il appelle dès lors à une revalorisation des crédits de l’action 1 pour maintenir celle-ci a minima à son niveau initial de 2024. C’est l’objet de son amendement II-CF446, adopté par la commission des finances.
B. La diminution des crédits en faveur de la continuité territoriale ne permettra plus aux ultramarins de bénéficier des aides à la mobilité À partir d’octobre 2025
Les crédits de l’action 3 Continuité territoriale seraient en baisse de 17,6 % en AE et en CP sur la LFI 2024. Les crédits atteindraient 62,90 millions d’euros en AE et 62,79 millions d’euros en CP.
Le rapporteur spécial rappelle tout d’abord ce qu’est la continuité territoriale. Les documents budgétaires eux-mêmes soulignent que : « la notion de continuité territoriale renvoie au principe de service public qui se donne pour objectif de :
– renforcer la cohésion entre différents territoires d’un même État, en compensant les handicaps liés à leur éloignement, à un enclavement ou un accès difficile ;
– atténuer les contraintes de l’insularité dans les politiques publiques.
Ainsi, la politique nationale de continuité territoriale est définie à l’article L. 1803-1 du code des transports comme tendant “à atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement, notamment en matière d’installation professionnelle, et à rapprocher les conditions d’accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d’outre-mer” ».
Or, le présent projet propose d’amputer de 13,4 millions d’euros en AE et en CP les crédits de l’action en considérant qu’il appartiendra à l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), en charge de la mise en œuvre des dispositifs de continuité territoriale, de compenser en mobilisant sa trésorerie. Cette baisse se cumule avec celle de 1,2 million d’euros prévue de sa subvention pour charges de service public (voir supra, dotation retracée sur l’action 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle du programme 138 Emploi outre‑mer).
Le rapporteur spécial ne peut que s’émouvoir de ces mesures d’économie, sur un dispositif déjà insuffisant pour respecter le principe d’égalité devant le service public. Pour mémoire, les mesures mises en place sont structurellement sous dotées, surtout comparées à celles existants pour les habitants de la Corse. En effet, les dépenses de l’État par habitant en faveur de la continuité territoriale s’élevant en 2022 à 257 euros pour la Corse contre 19 euros pour les ultramarins.
Le rapporteur a auditionné les représentants de LADOM sur le PLF 2025. Il lui a été indiqué que ces coupes dans ses ressources menacent sa capacité à répondre à ses missions et à soutenir les bénéficiaires. Si le budget 2025 est adopté en l’état, l’agence devra :
– refuser toutes les nouvelles demandes des bénéficiaires dès le milieu du mois d’octobre 2025 ;
– supprimer près de 40 postes, soit 28 % de ses effectifs ;
– gérer en « flux tendu » sa trésorerie ce qui rendra extrêmement difficile la couverture des besoins en fonctionnement et en investissements pour l’exercice 2025.
La trésorerie de LADOM est actuellement adaptée à ses besoins : elle est estimée à 15,5 millions d’euros au 31 décembre 2024, pour une consommation totale de ses crédits anticipée à 52,9 millions d’euros pour 2024.
Les coupes budgétaires envisagées viennent ébranler la cohérence et l’efficacité des actions de LADOM, tout en s’opposant aux orientations stratégiques du Comité interministériel des outre-mer (CIOM) en matière de politique publique pour l’outre-mer.
Ainsi, il ne fait aucun doute pour le rapporteur spécial qu’une telle réduction budgétaire affectera nos concitoyens ultramarins en creusant encore les inégalités d’accès à la mobilité et à l’emploi.
En conséquence, en responsabilité, au regard de la situation financière de la France, le rapporteur spécial demande une reprise à l’identique pour le budget 2025 des crédits de la LFI 2024 sur la continuité territoriale. Tel est l’objet de son amendement II-CF450, adopté par la commission des finances.
C. des économies de 440 millions d’euros en Ae et de 280 millions d’euros en CP sur les actions territoriales
Les actions territoriales de la mission outre-mer sont les plus touchées par les mesures d’économies envisagées par le PLF 2025. La diminution en loi de finances initiale s’élèverait à 414,6 millions d’euros en AE et 280 millions d’euros en CP, soit 82,9 % en AE et près de 80 % en CP des réductions anticipées. Dans le contexte de crise actuel, cette économie à la hache est inacceptable, au regard des enjeux pour les collectivités ultramarines, au plus proche de la vie quotidienne de nos concitoyens.
● La répartition prévue de ces économies est la suivante :
– soit - 147 millions d’euros en AE (– 63 %) et – 133 millions d’euros en CP (– 76,15 %) sur l’action 2 Aménagement du territoire. Ces diminutions touchent principalement les contrats de convergence et de transformation (CCT) ainsi que les contrats de développement (CDEV). Ces contrats traduisent les financements de l’État et des collectivités territoriales d’outre-mer pour les projets d’investissement structurants identifiés conjointement pour chaque territoire. Les économies programmées se traduiront par un étalement de la durée de ces contrats de quatre années à six années pour les faire courir jusqu’en 2029. Concrètement, des avenants aux CCT et CDEV devront être conclus afin de les étendre jusqu’en 2029. En 2025, les projets engagés au titre de ces contrats seront en nombre plus réduits que les années précédentes ;
– soit – 171,8 millions d’euros en AE (– 40 %) et – 126 millions d’euros en CP (– 38,41 %) sur l’action 6 Collectivités territoriales. Cette baisse s’explique par la non-reconduction de l’aide prévue en LFI 2024 au département de Mayotte pour 100 millions d’euros d’AE et 60 millions d’euros de CP dans la LFI 2024. Au-delà, 68 millions d’euros d’AE et 65 millions d’euros de CP de diminution de crédits correspondent à l’absence d’extension prévue en 2025 des contrats de redressement outre-mer (COROM) à de nouvelles communes. Ces contrats apportent le soutien de l’État à des communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux ;
– soit – 50 millions d’euros en AE (– 31,25 %) et – 16,32 millions d’euros en CP (– 18,71 %) sur l’action 8 Fonds exceptionnel d’investissement (FEI), qui apporte une aide financière de l’État aux collectivités ultramarines réalisant des équipements publics collectifs déterminants au développement économique, social, environnemental et énergétique local. À ce titre, des opérations de construction ou confortement parasismique d’établissements scolaires en Guadeloupe et Martinique ont par exemple été co-financées par le FEI ;
– soit – 46 millions d’euros en AE (– 66,3 %) et – 4,78 millions d’euros en CP (– 12,7 %) sur l’action 9 Appui à l’accès aux financements bancaires, qui se traduiront par une diminution de l’accompagnement opéré par l’Agence française de développement (AFD) auprès des collectivités locales et du secteur public et par la réduction du nombre de postes financés au titre de l’assistance technique dans les territoires ultramarins.
● Par ailleurs, les crédits du plan séismes Antilles (PSA) figurant à l’action 2 Aménagement du territoire mobilisés pour financer des mesures de construction ou renforcement parasismique d’établissements scolaires chuteraient de 3,8 millions d’euros en LFI 2024 à 0,53 million d’euros en 2025, soit une baisse de 86 %. Le ministère de l’outre-mer a précisé que cette diminution était ajustée sur la consommation prévisionnelle pour 2024 – ce qui n’est guère rassurant – et que les crédits du PSA étaient essentiellement portés par les actions 1 Logement, 8 Fonds exceptionnel d’investissement et 9 Appui à l’accès aux financements bancaires.
Le rapporteur en prend note, mais relève tout d’abord que cette réduction de crédits est dangereuse sur un sujet aussi vital que la mise aux normes parasismiques d’équipements scolaires. Comme il l’a pu l’indiquer l’an dernier avec Mme Karine Lebon dans leur rapport dans le cadre du printemps de l’évaluation de la commission des finances ([8]), il convient surtout de soutenir le recours à l’ingénierie par les collectivités ultramarines, pour atteindre notamment une meilleure consommation des crédits budgétaires mis à leur disposition. Or ces crédits d’appui en ingénierie portés par l’action 9 Appui à l’accès aux financements bancaires seraient réduits de 66 % en AE et de 12,7 % en CP.
De la même manière, le rapporteur relève que l’ensemble des autres programmes finançant le PSA sont durement affectés par des mesures d’économies budgétaires, comme évoqué ci-dessus. Au final, le rapporteur spécial demande que soient préservés les crédits destinés à sauver des vies des catastrophes naturelles comme les séismes. Réduire les crédits notamment destinés à la mise aux normes des établissements scolaires lui paraît irresponsable de la part de l’État alors même que les phénomènes sismiques ne cessent de s’amplifier en fréquence et en puissance.
● Le Fonds mahorais de développement économique, social et culturel (FMDESC) destiné à financer des projets en faveur du développement social à destination notamment de la petite enfance ou des populations fragiles atteindrait 1,2 million d’euros en AE et 1 million d’euros en CP en 2025 contre 1,80 million d’euros et 1,28 million d’euros dans le PLF 2024. Cette réduction de crédits s’ajoute à la non-reconduction précitée de l’aide de 100 millions d’euros en AE et 60 millions d’euros au département de Mayotte. Le rapporteur spécial considère que ces économies au détriment du département de Mayotte, le plus pauvre de France et confronté à de multiples crises (eau, immigration, logement…) peut s’apparenter à un abandon de ce territoire de la République par la solidarité nationale.
● Le financement de la Convention de fonctionnement du Contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie serait réduit d’un million d’euros, à 11 millions d’euros en AE et CP dans le PLF 2025. Le rapporteur spécial considère incompréhensible de baisser les financements en faveur de la Nouvelle-Calédonie, après l’année 2024 qu’elle a subie et alors que son économie est au bord du précipice.
● Enfin, le plan Sargasses 2 doit mobiliser entre 2022 et 2025 l’ensemble des moyens de l’État pour lutter contre les échouements de ces algues aux Antilles. Il est doté sur la période de 36 millions d’euros, dont 6 millions d’euros consacrés à la recherche opérationnelle pour la valorisation des algues. Le financement du plan repose principalement sur les crédits du programme 162 Interventions territoriales de l’État (PITE) de la mission Cohésion des territoires, depuis le transfert en LFI 2023 de 3,5 millions d’euros depuis le programme 123. En LFI 2024, 2 millions d’euros supplémentaires ont été prévus sur ce programme pour accélérer les dispositifs de collecte en mer et de gestion des sites de stockage. Pour 2025, cet abondement n’étant pas reconduit, le PITE prévoit un recul à 4,2 millions d’euros en AE et en CP contre 4,8 millions en AE et CP en LFI 2024.
Les enjeux de protection sanitaire et matérielle des populations antillaises face à l’échouement des sargasses
« Le renforcement de la résilience du dispositif est d’autant plus impératif qu’en l’absence d’une collecte suffisamment rapide, la stagnation et la décomposition des algues sur le littoral conduisent à des nuisances immédiates pour la population :
– les émanations de sulfure d’hydrogène insupportables au quotidien, et dont la toxicité potentielle sur le long terme n’est plus à démontrer ;
– la confiscation du littoral dans certains cas et le plus souvent rendu peu attractif car impraticable ou théâtre de chantiers ;
– les conséquences sur l’attractivité et l’économie touristique, en particulier pour le secteur de l’hôtellerie installée sur des plages exposées ;
– la forte dévalorisation de l’immobilier et la dégradation, du fait de l’exposition au sulfure d’hydrogène, de tous les équipements électroniques, voire métalliques (toitures, voitures) ;
– l’atteinte au moral des populations riveraines, dont certaines sont contraintes de quitter leur domicile, parfois définitivement.
Parmi ces nuisances, la question sanitaire constitue l’une des premières préoccupations de la population exposée aux émanations issues de la décomposition des sargasses. L’effet le plus important connu à ce jour de cette décomposition est le dégagement de sulfure d’hydrogène (H2S) et, dans une moindre mesure, d’ammoniac (NH3). Le H2S et le NH3 sont des gaz potentiellement toxiques, en fonction de leur concentration dans l’air et de la durée d’exposition ».
Source : extrait du rapport d’information n° 2699 du 30 mai 2024 de M. Nicolas Sansu sur les interventions territoriales de l’État au titre du plan Chlordécone IV et du plan Sargasses 2.
Le rapporteur spécial appuie totalement les préconisations émises dans le rapport précité de M. Nicolas Sansu, reproduites en annexe. En particulier, il soutient l’application immédiate de celles visant à protéger les populations des risques sanitaires, et à améliorer les pratiques de stockage des sargasses pour prévenir la contamination des sols et des eaux souterraines en arsenic. Il souhaite dès lors que l’abondement de deux millions d’euros prévu en 2024 sur le programme 123 soit reconduit en 2025 pour mettre en œuvre ces recommandations.
En conclusion, en responsabilité, au regard de la situation financière de la France et des enjeux vitaux pour les populations ultramarines, le rapporteur spécial demande le maintien en 2025 des crédits initiaux pour 2024 sur les actions territoriales, portées par les crédits des actions 02 Aménagement du territoire, 06 Collectivités territoriales, 08 Fonds exceptionnel d’investissement, 09 Appui à l’accès aux financements bancaires. C’est l’objet de son amendement II-CF445, qu’il a retiré en commission après l’adoption de l’amendement II-CF 2524, présenté au nom de la commission des affaires économiques, et poursuivant le même objectif.
D. les crédits destinés au secteur Sanitaire, social, de la culture, de la jeunesse et du sport divisés par deux
Le présent projet prévoit pour les crédits destinés à l’action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports une diminution de 10,85 millions d’euros (‑ 51,67 %) pour s’établir à 10,15 millions d’euros en AE et en CP.
Les documents budgétaires rappellent pourtant eux-mêmes que « les collectivités d’outre-mer présentent des fragilités en santé publique, exacerbées par rapport à celles de France hexagonale. Dans l’ensemble, les indicateurs de santé y sont moins bons voire se dégradent. Ils démontrent une forte prévalence des maladies chroniques et d’importants enjeux en matière de périnatalité et/ou vieillissement. Elles sont par ailleurs exposées à des maladies et pathologies spécifiques ainsi qu’à des risques environnementaux qui nécessitent des solutions adaptées, principalement liés :
– au climat tropical : paludisme, dengue, chikungunya, zika ;
– à l’environnement : mercure et plomb en Guyane, chlordécone, sargasses et brumes de sable aux Antilles, amiante en Nouvelle-Calédonie ».
Cette chute des crédits réduira notamment l’accompagnement du ministère de l’outre-mer en faveur du territoire de Wallis-et-Futuna, qui aura pu bénéficier en 2024 d’aides importantes au titre du filet social et de soutien à l’agence de santé.
Des économies ont également été prévues à hauteur de deux millions d’euros d’AE et de CP correspondant, d’une part, à la non-reconduction d’actions en faveur de la sécurité routière et d’autre part, à l’accompagnement des personnes atteintes d’un cancer.
L’annulation des crédits du programme 123 destinés en LFI 2024 à l’accompagnement des ultramarins atteints d’un cancer
Cette action d’accompagnement est issue d’un amendement de la députée Maud Petit, repris à l’identique par le gouvernement ([9]) et intégré au texte sur lequel la Première ministre a engagé la responsabilité du gouvernement ([10]) sur le fondement de l’article 49.3 de la Constitution. Ces amendements majoraient de 1 million d’euros les AE et CP du programme 123 pour le financement d’actions visant à améliorer la prise en charge des ultramarins souffrant d’un cancer se rendant dans l’hexagone pour leur traitement.
Le rapporteur spécial a appris, en auditionnant le directeur général des outre-mer, que cette action intégrée à la LFI 2024 n’avait pas été mise en œuvre, en application du décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, sans que le Parlement en soit informé. Outre le choc d’apprendre que les malades ultramarins du cancer n’ont pu bénéficier de cette disposition en 2024, le rapporteur spécial dénonce ce manquement clair de l’exécutif à ses devoirs envers le pouvoir législatif.
Pour justifier la non-reconduction de ces mesures intégrées dans la LFI 2024, le Gouvernement indique que ces dépenses relèvent respectivement des ministères de l’intérieur et de la santé.
Or, ces économies ne seront pas compensées dans les dépenses des ministères de l’intérieur et de la santé – sauf engagement contraire du Gouvernement dont le rapporteur spécial n’a pas été informé.
● Le désengagement de l’État en matière d’accompagnement des personnes atteintes d’un cancer paraît particulièrement choquant au regard du lien existant entre la pollution à la Guadeloupe et à la Martinique par le chlordécone et la responsabilité de l’État à cet égard, reconnu par l’Assemblée nationale lors du vote, le 29 février 2024, en première lecture, de la proposition de loi n° 2061 visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone.
L’exposition à cette substance a des conséquences graves et avérées sur la santé des populations (augmentation du risque de survenue et de récidive du cancer de la prostate, augmentation du risque d’un accouchement prématuré et de troubles du développement cognitif chez l’enfant). Pour mémoire, comme le rappelle le rapport d’information n° 2699 du 30 mai 2024 de M. Nicolas Sansu sur les interventions territoriales de l’État au titre du plan Chlordécone IV et du plan Sargasses 2, « une partie importante de la population présente des taux de chlordécone dans le sang pour lesquels le risque pour la santé ne peut pas être écarté : 14 % de la population adulte en Guadeloupe et 25 % de la population adulte en Martinique présentent un dépassement de la valeur toxicologique de référence (VTR) chronique interne fixée à 0,4 μg par litre de plasma, selon les données de l’étude Kannari 1 (2013‑2014). Cette étude révèle aussi que l’exposition à très faible dose au chlordécone est généralisée dans la mesure où 90 % des échantillons dosés relevaient des concentrations détectables de chlordécone (supérieure à 0,02 μg par litre de plasma) ».
● Cette économie budgétaire se surajoute à celle prévue sur la participation du programme 123 à des actions sur le Chlordécone. En effet, ce programme contribue à hauteur de 10 % à l’action 8 Volet territorialisé du plan national d’action chlordécone du programme 162 Interventions territoriales de l’État soit environ 690 000 euros par an. Ainsi, en 2023, cette participation avait contribué au financement de l’étude Kannari 2 (100 000 euros) afin de mesurer l’imprégnation des populations martiniquaise et guadeloupéenne au chlordécone et à d’autres polluants environnementaux. En 2024, ces financements avaient contribué à l’appel à projets à destination des associations sur le thème du chlordécone (deux projets retenus). Le rapporteur spécial est choqué que ces financements ne soient pas reconduits en 2025.
● Sur la sécurité routière, il faut rappeler que la moyenne annuelle du nombre de personnes tuées par million d’habitants sur 2019–2021 est globalement plus élevée en outre-mer qu’en métropole. Elle s’élève par exemple, pour un million d’habitants, à 171 décès en Nouvelle-Calédonie, 143 décès en Guadeloupe ou 108 en Polynésie française contre 45 décès en France hexagonale. On observe en outre en outre-mer une surreprésentation des 25–34 ans, dont le taux de mortalité par million d’habitants est 3 fois supérieur à celui observé dans l’hexagone.
En conséquence, en responsabilité au regard de la situation financière de la France, le rapporteur spécial a demandé une reprise à l’identique pour le budget 2025 des crédits de la LFI 2024 destinés aux secteurs sanitaire, social, de la culture, de la jeunesse et des sports en outre-mer. C’est l’objet de son amendement II-CF447, adopté par la commission des finances.
— 1 —
III. Des dépenses fiscales nombreuses et onéreuses devant bénéficier aux ultramarins
Les 29 dispositifs de dépenses fiscales inscrits sur la mission outre-mer sont estimés pour 2025 à 5 183 millions d’euros, soit le double des crédits budgétaires demandés sur la mission Outre-mer. Elles sont estimées plus particulièrement à 401 millions d’euros pour le programme 138 Emploi outre-mer, et à 4 782 millions d’euros pour le programme 123 Conditions de vie outre-mer. Au regard de l’ensemble des crédits budgétaires consacrés à l’outre-mer, toutes missions confondues, les dépenses fiscales représentent 37,8 % de ces crédits.
Ces dépenses fiscales concernent au premier chef les investissements dans le domaine du logement (logement social, logement locatif), les taux réduits de TVA et d’accise sur les énergies ainsi que sur les investissements productifs. L’objectif des dispositifs fiscaux mis en œuvre par l’État en outre-mer est d’encourager l’investissement eu égard aux contraintes propres à ces territoires (éloignement de l’hexagone, phénomène d’insularité, faible superficie des territoires, mais également dépendance économique vis-à-vis d’un nombre restreint d’activités…) qui entravent leur développement économique et social.
Les principales dépenses fiscales, supérieures à 100 millions d’euros, sont les suivantes :
Principales dépenses fiscales de la mission outre-mer
(évaluation en millions d’euros)
|
2023 |
2024 |
2025 |
Programme 138 – Emploi outre-mer |
|||
Non-applicabilité provisoire de la TVA en Guyane et à Mayotte |
160 |
160 |
170 |
Exonération de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion |
115 |
115 |
120 |
Abattement applicable aux bénéfices des entreprises provenant d’exploitations situées dans les départements d’outre-mer |
106 |
110 |
110 |
Programme 123 – Conditions de vie outre-mer |
|||
Niveau des taux en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion (8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit) |
1 940 |
1 950 |
2 060 |
Réduction du champ de l’accise sur les produits énergétiques à usage carburants, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, aux seuls essences et gazoles et faculté pour ces collectivités de minorer les tarifs |
1 158 |
1 158 |
1 158 |
Réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements et collectivités d’outre-mer |
673 |
831 |
831 |
Réduction, dans la limite d’un certain montant, pour les contribuables des départements d’outre-mer de la cotisation résultant du barème (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion ; 40 % en Guyane et à Mayotte |
383 |
383 |
383 |
Crédit d’impôt à raison des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements d’outre-mer |
182 |
182 |
200 |
Crédit d’impôt à raison des investissements productifs réalisés dans les départements d’outre-mer |
327 |
323 |
Non chiffrée |
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires annexés au PLF 2025.
Comme l’an passé, le rapporteur spécial regrette que le Gouvernement ait restreint fortement en 2024 les aides à l’investissement productif outre‑mer en excluant les chauffe-eau solaires, les véhicules de tourisme, et les locations de meublés de tourisme. Il souhaite que ces aides soient réintroduites en 2025.
Il relève enfin le poids élevé des dépenses fiscales associées à la mission Outre-mer. Il appelle à leur suivi rigoureux, leur meilleure connaissance ([11]) et à leur évaluation régulière afin de s’assurer qu’ils bénéficient en premier lieu aux ultramarins.
— 1 —
Au cours de sa réunion du 4 novembre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission outre-mer.
L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
Après avoir examiné et adopté 76 amendements et conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission Outre-mer ainsi modifiés.
La commission a également adopté 8 amendements portant articles additionnels rattachés à la mission.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Alors que la Nouvelle-Calédonie traverse cette année des événements tragiques et que la cherté de la vie atteint des niveaux insupportables pour nos compatriotes ultramarins, j’ai relevé avec beaucoup d’incrédulité les réductions de crédits brutales envisagées dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Comme me l’a confirmé le ministre chargé des outre-mer, ce projet de budget a été construit par le seul ministère des finances du précédent gouvernement. Il suit une logique comptable, déshumanisée, et s’apparente à un musée des horreurs.
Le total des mesures d’économies s’élève, pour la mission Outre-mer, à 500 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 353 millions en crédits de paiement (CP). La seule hausse de crédits, de 104 millions d’euros en AE et en CP, concerne le soutien aux entreprises. Cette hausse repose d’ailleurs sur une sous-évaluation des besoins, si l’on en juge par l’écart constaté ces dernières années, entre les prévisions initiales et les consommations de crédits – celui-ci s’annonce ainsi supérieur à 340 millions pour 2024.
Les coupes budgétaires touchent tout particulièrement les financements des collectivités ultramarines, au programme 123. Entre la loi de finances initiale pour 2024 et le présent PLF, ils ont diminué de 415 millions en AE et de 280 millions en CP, soit 83 % des réductions de crédits anticipées de la mission en AE et 80 % en CP. Au vu de la crise actuelle, cette très forte diminution est inacceptable, car les collectivités ultramarines agissent au plus proche de la vie quotidienne de nos concitoyens.
De même, il est irresponsable de diminuer aussi fortement les crédits destinés à protéger la vie de nos concitoyens ultramarins, à travers le plan séisme Antilles (PSA). Le refus de reconduire les aides de 100 millions d’euros en AE et de 60 millions d’euros en CP au département le plus pauvre de France, Mayotte, alors que celui-ci est confronté à de multiples crises – en matière d’eau, d’immigration et de logement, notamment – s’apparente à un abandon de la solidarité nationale.
Il est effarant de réduire les financements en faveur de la Nouvelle-Calédonie, après l’année qu’elle a traversée et alors que son économie est au bord du précipice. Le choix de revenir sur les financements complémentaires à l’accompagnement des personnes atteintes d’un cancer manque d’humanité, d’autant plus que la responsabilité de l’État dans la pollution des Antilles au chlordécone a été reconnue par l’Assemblée nationale en février dernier.
Les crédits destinés aux aides au logement diminueraient en 2025 de 11 % en AE et de 5 % en CP, alors que le besoin en logement social est estimé à 110 000 logements pour l’ensemble des territoires ultramarins et que le nombre d’habitats insalubres est de 147 500 logements dans les DROM, les départements et régions d’outre-mer. De même, les crédits destinés au secteur sanitaire et social, à la culture, à la jeunesse et aux sports seraient divisés par deux.
Or le secteur de l’économie sociale et solidaire compte plus de 40 000 entités dans les outre-mer, pour une masse salariale de plus de 1 milliard d’euros. Ces associations agissent localement comme un filet de sécurité, en complément de l’action de l’État. La diminution de ces aides ne peut que provoquer davantage de précarité chez les plus vulnérables et accroître les tensions sociales déjà vives en outre-mer.
À défaut de réelle continuité territoriale, la mobilité territoriale, si difficile à encourager pour des raisons financières, est mise en péril par la réduction radicale des dotations de LADOM, L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. Si le projet de budget pour 2025 est adopté en l’état, cette agence devra refuser toutes les nouvelles demandes d’aides dès le milieu du mois d’octobre 2025 et supprimer près de quarante postes, soit 28 % de ses effectifs.
L’aide au fret prévue dans la mission Outre-mer vise à compenser les surcoûts liés à l’éloignement géographique des territoires ultramarins et à favoriser la production locale. Or, alors que ces territoires souffrent de la cherté de la vie, les crédits finançant cette aide sont divisés par deux.
Ce projet de budget s’apparente à un désengagement de l’État vis-à-vis des territoires dits « d’outre-mer », alors qu’ils traversent une crise. Je m’y oppose avec détermination et j’émets un avis défavorable à son adoption.
Eu égard à la situation financière de la France, la reprise à l’identique dans le budget pour 2025 des crédits pour l’outre-mer de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 serait la moins mauvaise des décisions. C’est l’objet des amendements que j’ai déposés.
Leur adoption permettrait d’éviter de nouvelles crises, dont le coût pourrait atteindre des niveaux beaucoup plus élevés que les 500 millions d’euros de fausses économies proposées ici – si l’on en juge par le coût estimé de la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, qui s’établit entre 1 et 2 milliards. C’est la position que je défendrai demain auprès de M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce projet de budget n’est pas acceptable. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, il prévoit une baisse de près de 13 % des autorisations d’engagement, soit 398 millions d’euros, et de 9 % des crédits de paiement, soit 250 millions d’euros.
Les outre-mer sont un volcan social. Outre la situation en Nouvelle-Calédonie, la crise du logement et la cherté de la vie constituent des bombes à retardement.
Les baisses de crédits prévues sont d’autant moins acceptables qu’elles n’affectent pas le programme 138, consacré aux aides économiques, mais se concentrent sur l’autre programme de la mission, le programme 123, Conditions de vie outre-mer. Ainsi, les baisses les plus marquées concerneront les crédits aux collectivités, ceux alloués à la continuité territoriale ou à l’aménagement du territoire.
Au nom de la commission des affaires économique, je défendrai donc des amendements visant à rétablir les crédits à leur niveau de la loi de finances initiale pour 2024 – c’est dire que nous ne sommes pas des jusqu’au-boutistes irresponsables.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Le constat est unanime : ce projet de budget est à la fois brutal, austère, injuste et méprisant envers les territoires ultramarins. La baisse prévue de 12,5 % des autorisations d’engagement et de 9 % des crédits de paiement, par rapport à l’exercice précédent, mettra à mal les projets d’aménagement et les services de proximité dont ces territoires ont cruellement besoin.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements identiques II-CF449 de M. Christian Baptiste et II-CF2448 de la commission des affaires économiques
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. J’ai rencontré à plusieurs reprises le ministre chargé des outre-mer et des conseillers du ministre des finances, afin de rétablir les différents crédits de la mission Outre-mer à leur niveau de 2024. C’est un choix réaliste face aux coupes brutales prévues dans ce PLF. Le présent amendement applique cette logique au programme 138, Emploi outre-mer, qui finance notamment LADOMLADOM et le SMA, le service militaire adapté.
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Le Gouvernement se propose de « lutter contre l’exclusion du marché du travail des publics les plus éloignés de l’emploi par des actions de formation professionnelle adaptées ». Nous demandons donc le rétablissement des crédits destinés à l’insertion et à l’aide à la qualification professionnelle en outre-mer à leur niveau de la loi de finances initiale pour 2024.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Rappelons en outre que lors des exercices budgétaires passés, les crédits étaient déjà nettement insuffisants et manifestaient des choix injustes, brutaux et méprisants envers nos compatriotes ultramarins. Le rétablissement des crédits à leur niveau de 2024 ne sera donc pas suffisant.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. J’en conviens, mais nous voulons être réalistes, constructifs. La baisse prévue de 500 millions d’euros des crédits de la mission est inacceptable.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendements II-CF734 et II-CF731 de M. Jiovanny William (discussion commune)
M. Jiovanny William (SOC). L’amendement II-CF734 vise à financer la rénovation de la salle de conférences du SMA de Martinique, afin de porter sa capacité d’accueil à 150 personnes, pour un budget de 100 000 euros.
Quant à l’amendement II-CF731, il vise à financer le recrutement d’un enseignant vacataire à mi-temps ou à temps plein pour permettre aux jeunes recrues du SMA d’acquérir les savoirs de base.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je vous demande de retirer l’amendement II-CF731 au profit de l’amendement II-CF-449, car notre logique doit être de rétablir tels quels les crédits prévus dans la LFI pour 2024. Avis favorable sur l’amendement II-CF734.
L’amendement II-CF731 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CF734.
Amendements II-CF2364 de Mme Sandrine Rousseau, II-CF1024 de Mme Sandrine Nosbé, II-CF2865 et II-CF2866 de Mme Béatrice Bellay, amendements identiques II-CF450 de M. Christian Baptiste et II-CF2512 de la commission des affaires économiques, amendements II-CF58 de M. Max Mathiasin et II-CF2384 de M. Elie Califer (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons de porter le montant de la dotation de continuité territoriale des outre-mer au même niveau que celle de la Corse. Dans un avis du 22 octobre 2024, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), demandait une telle hausse.
La dotation de continuité territoriale avec la Corse, créée en 1976 pour répondre au problème de desserte aérienne de l’île, voit ses crédits maintenus dans ce projet de budget, à 187 millions. Quant à la dotation de continuité territoriale avec les outre-mer, elle n’atteint, elle, que 62 millions d’euros dans ce PLF. Elle n’échappe pas à l’effondrement des crédits de la mission décidé par le Gouvernement.
Ainsi, l’État prévoit de débourser 187 millions par an pour 340 000 Corses – soit 550 euros par habitant –, et 62 millions par an pour 2,8 millions d’Ultramarins – soit 22 euros par habitant.
Mme Béatrice Bellay (SOC). La dotation de continuité territoriale, à travers la prise en charge du transport de marchandises, pourrait permettre de rendre leur dignité à nos compatriotes d’outre-mer. Avec ces amendements d’appel, nous rappelons au Gouvernement qu’il doit assurer l’égalité entre nos compatriotes du pays des océans et les autres Français.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. À travers ces amendements vous visez LADOM, dont le champ de compétence est strictement limité à la mobilité territoriale, notamment aux déplacements des étudiants et des personnes en difficulté d’outre-mer.
Or, l’exposé sommaire de vos amendements concerne la continuité territoriale, soit un champ bien plus large, traité de manière transversale par l’ensemble des ministères, pour les outre-mer comme pour la Corse. Je vous demande donc de les retirer, au profit du mien, le II-CF450, qui vise, grâce à une enveloppe de 13,4 millions d’euros, à rétablir les crédits de LADOM à leur niveau de 2024, afin que cette agence garantisse la mobilité territoriale, conformément à sa mission.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CF2690, identique à celui du rapporteur spécial, permettra de financer une politique essentielle aux outre-mer, amputée de 13,4 millions d’euros dans le PLF pour 2025. La dotation de continuité territoriale est versée aux outre-mer depuis 2023. Elle permet à nos concitoyens de voyager à des tarifs abordables entre la métropole et les outre-mer, pour étudier, se former, recevoir des soins, rendre visite à des proches ou accompagner un défunt. Elle préserve ainsi les liens familiaux et culturels. Face à la hausse inédite des tarifs aériens et à la crise du pouvoir d’achat, les coupes budgétaires prévues semblent inconcevables.
M. Max Mathiasin (LIOT). Mon amendement vise à allouer 2 millions d’euros supplémentaires au fonds de continuité territoriale. Toutefois, au bénéfice des explications du rapporteur spécial, je le retire.
L’amendement II-CF58 est retiré.
M. Elie Califer (SOC). La distinction entre continuité territoriale et mobilité territoriale pose problème. Toutefois, M. le rapporteur spécial indique mener un travail avec le ministre. Nous lui faisons confiance et retirons notre amendement.
L’amendement II-CF2384 est retiré.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je retire également l’amendement II-CF2364, car son adoption réduirait de moitié les crédits du programme Emploi outre-mer. J’insiste toutefois sur l’importance de la continuité territoriale avec les outre-mer.
L’amendement II-CF2364 est retiré, de même que l’amendement II-CF1024.
Mme Béatrice Bellay (SOC). L’État doit débloquer les moyens nécessaires pour assurer la continuité territoriale avec le pays des océans. Hier encore, plus de 5 000 de nos concitoyens issus de ces territoires se sont réunis devant le ministère des outre-mer pour réclamer l’égalité républicaine. Ils sont pressés comme des citrons, captifs économiquement, et peut-être même géographiquement. C’est intolérable. Je retire mes amendements mais le Gouvernement doit se montrer raisonnable.
Les amendements II-CF2865 et II-CF2866 sont retirés.
M. Elie Califer (SOC). Il nous faudra également revenir sur la différence de traitement entre la Corse et les outre-mer, qui perdure, malgré les efforts menés depuis plusieurs législatures.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendement II-CF2867 de M. Jiovanny William
M. Jiovanny William (SOC). Si le voyage aller des étudiants ultramarins vers l’Hexagone est fréquemment évoqué, ce n’est pas le cas de leur voyage retour. Alors que de nombreux jeunes souhaitent retrouver leur communauté, les retours au pays sont trop difficiles, trop coûteux. La Martinique perd ainsi 3 000 habitants par an, dans un dépeuplement catastrophique. L’aide au retour permettrait aux jeunes d’œuvrer pour leur territoire d’origine.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Avis favorable. Le système du Bumidom, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer, a dévitalisé nos territoires, alors que cet organisme aurait pu financer leur développement économique. Ainsi, de nombreux jeunes sont malheureusement obligés de se rendre dans l’Hexagone et peinent à revenir dans les outre-mer. C’est une autre facette de la question de la continuité territoriale.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2385 de M. Elie Califer
M. Elie Califer (SOC). Nous proposons d’augmenter les moyens alloués à l’aide au transport des corps en outre-mer. À cause des carences du service public, nos concitoyens ultramarins sont souvent contraints de se rendre dans l’Hexagone en cas de problème médical grave. Or, en cas de décès, le retour de la dépouille au pays est particulièrement coûteux. Il faut soulager d’une telle charge financière les familles endeuillées, qui connaissent souvent la précarité.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Avis favorable. L’examen de cette mission permet à tous ici de découvrir les différentes facettes de la continuité territoriale.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Quel est le coût moyen d’un transport de corps ?
M. Elie Califer (SOC). Il peut varier entre 6 000 et 10 000 à 12 000 euros.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF2513 de la commission des affaires économiques et II-CF1031 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Il s’agit d’octroyer 300 000 euros pour la prise en charge des billets d’avion de retour pour les détenus ayant accompli leur peine hors de leur territoire d’origine. Si la peine doit être purgée, il faut aussi penser à la réinsertion. Or celle-ci sera plus facile si la personne peut revenir dans son territoire d’origine, au sein de son environnement social, familial et professionnel.
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Nous voulons en effet éviter que les jeunes ne se retrouvent isolés et abandonnés dans la nature, une fois qu’ils ont purgé leur peine.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. L’incarcération dans l’Hexagone est souvent vécue comme une véritable déportation, un arrachement, un déracinement. À la fin de leur peine, ces personnes doivent donc être aidées à rentrer sur leur territoire. C’est encore un aspect de la continuité territoriale que nous devons absolument soutenir. Avis favorable.
M. Matthias Renault (RN). S’il est bien de s’intéresser au retour sur leur terre d’origine de certains détenus, il faudrait aussi traiter en amont la question de la détention sur le lieu de vie. À Mayotte, la surpopulation carcérale est telle que certains détenus sont exportés, si je puis dire, à la Réunion, au centre de détention du Port, ce qui entraîne de la délinquance. Sans vouloir stigmatiser l’ensemble des Mahorais, je tiens à souligner ce point concernant la gestion de détenus, en particulier à Mayotte. Nous allons nous abstenir sur ces amendements car je ne sais pas s’ils concernent aussi cet aspect des choses ou seulement la réinsertion.
M. Max Mathiasin (LIOT). Toussaint Louverture est mort au fort de Joux, dans le Jura, dans le froid et l’indifférence. Sa dépouille aurait été ramenée en Haïti, près de deux siècles plus tard, sans que l’on sache si c’était bien la sienne. Des Guadeloupéens, Martiniquais ou Kanaks se retrouvent à purger une peine dans l’Hexagone, loin de leur famille, parfois pour des raisons que je jugerais plutôt légères ou mal fondées. Pour ceux-là, je pense que l’aide au retour s’impose parce que je ne sais pas ce qu’il advient d’eux lorsqu’ils sont libérés. En revanche, je ne suis pas pour aider au retour de ceux qui s’installent dans la délinquance car nous avons déjà beaucoup de personnes de ce profil sur le terrain : il ne se passe pas une semaine sans que des Guadeloupéens ne soient tués par les armes à feu et autres. Personnellement, je ne voterai pas pour cet amendement car je ne tiens pas à encourager le retour de ceux qui se mettent dans des situations particulières.
Mme Béatrice Bellay (SOC). On entend des choses assez surprenantes. Il y a des personnes originaires des pays des océans qui exécutent leur peine en dehors de leur territoire. Comme d’autres, ils doivent pouvoir ensuite rentrer dans leur famille. Pour notre part, nous voulons porter un regard humain sur leur situation : il vaut mieux que ces personnes, qui ont payé le prix de leurs actes, ne se retrouvent pas en errance dans des lieux qui leur sont parfois inconnus. Si nous les aidons à rentrer près de leurs familles, dans un environnement favorable, leurs chances de réinsertion seront bien meilleures. Le but de cet amendement est de favoriser la réinsertion et non pas de transporter de la délinquance dans nos territoires.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les liens familiaux sont très importants au cours de la période délicate que vivent les ex-détenus lorsqu’ils viennent de sortir de prison et qu’ils n’ont souvent pas de logement. Ces personnes, qui ont payé pour leurs actes, doivent avoir une vraie chance de se réinsérer, en particulier pour qu’ils soient moins dangereux pour la société.
La commission adopte les amendements.
Amendements II-CF2524 de la commission des affaires économiques et II-CF445 de M. Christian Baptiste (discussion commune)
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Il s’agit de rétablir les crédits de plusieurs actions du programme 123, Conditions de vie outre-mer : l’action 02, Aménagement du territoire, l’action 06, Collectivités territoriales, l’action 08, Fonds exceptionnel d’investissement, et l’action 09, Appui à l’accès aux financements bancaires. Les collectivités territoriales d’outre-mer jouent un rôle majeur : elles sont sur le front en matière sociale, même si ce domaine relève en premier lieu de la compétence du conseil départemental ; elles assurent le renouvellement d’équipements tels que ceux de la restauration scolaire ; elles passent des commandes publiques qui peuvent représenter jusqu’à 75 % du chiffre d’affaires de certaines entreprises. Ce n’est pas le moment d’affaiblir nos collectivités locales qui sont déjà injustement mises à contribution par le prélèvement de 2 % des recettes réelles de fonctionnement (RRF), prévu à l’article 64 du PLF.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. En fait, je vais retirer mon amendement au profit de celui de mon collègue Naillet sur lequel j’émets un avis favorable. Nos collectivités sont très affectées par les réductions budgétaires : -43 % des AE pour l’action 02, et notamment les contrats de convergence et de transformation (CCT) ; - 40 % pour l’action 06, et notamment les contrats de redressement en outre-mer (COROM) ; - 31,25 % pour l’action 8 qui aide les collectivités ultramarines à réaliser des équipements publics collectifs déterminants ; - 66 % pour l’action 09, ce qui se traduira par une diminution de l’accompagnement effectué par l’Agence française de développement (AFD).
L’amendement II-CF445 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CF2524.
Amendements II-CF1027 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CF2368 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Nous voulons promouvoir des projets de transports collectifs ferroviaires dans les outre-mer où la place de l’automobile est prépondérante. À La Réunion, par exemple, 89 % des déplacements se font par véhicules particuliers. Malgré une progression du nombre de voyageurs transportés chaque année, la part des déplacements effectués en transports en commun se maintient à 6 % en raison de la forte croissance démographique. Le développement du ferroviaire répond aussi à souci de protéger notre environnement.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous proposons de financer les études préalables afin d’apprécier la faisabilité et l’opportunité de créer des lignes de chemin de fer outre-mer et de désenclaver ainsi certains territoires.
Les territoires ultramarins se distinguent par la pauvreté de leurs transports en commun. Aucun d’entre eux ne dispose de chemin de fer, alors que certaines collectivités – la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie ou La Réunion – en exploitaient au siècle dernier. Si certaines collectivités développent actuellement une offre de transports en commun de qualité – La Réunion construit un tramway –, il est crucial de créer de nouvelles infrastructures pour réduire l’usage de la voiture. La part des transports en commun dans les trajets domicile-travail n’est que de 5 % dans les outre-mer alors que la moyenne nationale est de 16 %.
Les trains offrent pourtant une alternative efficace et durable pour le déplacement des personnes et des marchandises. Ils permettent de réduire la consommation de fioul importé et donc de renforcer l’autonomie énergétique des territoires ultramarins. Surtout, ils évitent les conséquences du tout-voiture en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de pollution de l’air ou de congestion du trafic.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. C’est un sujet déterminant pour la transition écologique dans nos territoires, mais il aurait davantage sa place dans les débats sur la mission Écologie, développement et mobilité durables. À mon avis, il relève plus précisément de l’action 41, Ferroviaire, du programme 203, Infrastructures et services de transports. Notre mission n’est pas adaptée à l’examen d’une telle politique. Demande de retrait.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Citons encore quelques chiffres pour La Réunion : 1,7 million de déplacements par jour en voiture ; 2 000 euros par an de coût global par foyer possédant un véhicule ; une tonne d’émissions de gaz à effet de serre par emploi et par an, sachant que 70 % les émissions de gaz à effet de serre proviennent du transport routier et que 75 % des travailleurs prennent leur voiture chaque jour, faute de mieux. Le modèle du tout-voiture est dépassé et nous devons en sortir. La Réunion, rebaptisée l’île aux bouchons, croule sur les voitures. Le chemin de fer y a existé de 1882 à 1976. Il y a urgence à revenir aux transports collectifs, notamment au chemin de fer.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Ayant été directrice des services de mobilité à la Martinique dans une autre vie, je suis d’autant plus engagée en faveur du développement des transports collectifs que je n’ignore pas que la voiture représente souvent le premier poste de dépenses des habitants des pays des océans – achat, entretien, assurance et carburant. Nous ne sommes pas encore capables de soutenir le développement du ferroviaire avec des énergies propres dans le cadre de nos programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), mais nous pouvons réaliser de vraies études sur le sujet. Et il faudrait déjà développer des réseaux de bus répondant à quelques critères de base : amplitudes horaires assez larges ; bonne fiabilité ; prix raisonnables.
M. Frédéric Maillot (GDR). Le sigle SNCF signifie Société nationale des chemins de fer français. Si nos pays d’outre-mer sont considérés comme la France, nous avons droit à un chemin de fer nous aussi. À La Réunion, on croule tellement sous le nombre de voitures qu’il faut parfois une heure ou une heure et demie pour parcourir 12 kilomètres. Il est vital d’y développer un transport plus propre, plus respectueux de la nature, et qui nous économise aussi tout ce temps perdu dans les embouteillages, que l’on ne peut pas consacrer à ses enfants ou à la lecture. Les bouchons ont aussi un effet sur la santé publique. Quoi qu’il en soit, il faudrait engager une étude de faisabilité.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Le financement d’infrastructures ferroviaires doit-il être discuté dans le cadre de cette mission ou de la mission Écologie, développement et mobilité durables ? La question se pose.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CF2413 et II-CF2417 de M. Davy Rimane
M. Davy Rimane (GDR). L’amendement II-CF2413 tend à permettre à l’État d’augmenter sa participation en matière de financement des liaisons internes dans les collectivités ultramarines. Cette compétence est en principe dévolue aux collectivités territoriales, mais l’État peut participer au travers de délégations de service public (DSP), comme c’est le cas en Guyane. Les communes enclavées, dépourvues de routes, sont desservies par avion. La participation de l’État s’élève à environ 1,5 million d’euros sur quelque 11 millions d’euros de DSP. Nous demandons une hausse de 3,5 millions d’euros de la participation de l’État, ce qui la porterait à 5 millions d’euros. Dans un rapport sur la continuité territoriale, remis en mars 2023, les sénateurs Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier préconisaient une augmentation de 50 % de la participation de l’État dans les cas de communes enclavées.
L’amendement II-CF2417 demande la réalisation d’une étude sur la faisabilité d’un schéma de développement routier en Guyane. Ce territoire de 89 000 kilomètres carrés, soit la taille de l’Autriche ou du Portugal, ne dispose que de 500 kilomètres de routes couvrant la zone littorale mais laissant huit communes sur vingt-deux totalement enclavées. Les fleuves de l’est et de l’ouest du territoire sont au plus bas, ce qui provoque une crise sanitaire majeure : les gens n’ont pas accès à l’eau potable, ne peuvent pas se déplacer et risquent de rencontrer bientôt des difficultés en matière d’alimentation. Il est urgent que l’État fasse le nécessaire pour permettre le désenclavement total et définitif du territoire guyanais.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Avis favorable pour ces deux amendements révélateurs des enjeux de la mobilité outre-mer.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements identiques II-CF2915 de la commission des lois et IICF1015 de M. Jean-Hugues Ratenon, amendements identiques II-CF2416 de M. Davy Rimane et II‑CF2695 de M. Steevy Gustave, amendements identiques II-CF446 de M. Christian Baptiste et II-CF2455 de la commission des affaires économiques, amendements II-CF2917 de la commission des lois, II-CF59 de M. Max Mathiasin et II-CF2376 de M. Elie Califer (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Nous proposons de doubler la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée au logement en outre-mer. L’action dédiée au logement voit ses crédits diminuer de près de 11 % en AE et de 5 % en CP, signe de la totale déconnexion du Gouvernement face aux réalités que vivent nos compatriotes ultramarins. Les diverses études montrent que trois Ultramarins sur dix sont mal logés – à mon avis, ce chiffre est sous-évalué, au moins dans certains territoires. Beaucoup d’habitants de l’Hexagone n’ont pas idée de ce que vivent nos compatriotes : logements souvent indécents et non raccordés à l’eau, quand ce ne sont pas des bidonvilles. Il faut agir et mettre le paquet sur le logement.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons aussi de doubler la LBU consacrée au logement dans les outre-mer. La problématique étant loin d’être nouvelle, il serait temps de passer à un véritable plan et de sortir d’une logique de saupoudrage de crédits qui ne changent rien à la situation dramatique. Dans l’imaginaire des non-insulaires, les îles sont faites de plages ensoleillées. Or la misère est la misère où qu’elle soit, elle n’est pas moins dure au soleil. La grande pauvreté touche cinq à quinze fois plus les outre-mer que l’Hexagone : trois Ultramarins sur dix sont mal logés ; 16 % du parc des logements sociaux est insalubre ; 80 % des ménages des DROM sont éligibles au logement social, mais seulement 15 % en bénéficient.
M. Davy Rimane (GDR). Mon amendement vise à rétablir la LBU à son niveau de 2024. Les plans Logement outre-mer (PLOM) n’ont pas donné les résultats escomptés. Or un PLOM 3 va être finalisé alors que nous n’avons toujours pas analysé les échecs des PLOM 1 et 2. Avant d’augmenter à 291,21 d’euros en AE pour 2024, la LBU n’avait fait que diminuer pendant dix ans. Dans le présent budget, elle revient au niveau de 2010. Il faut donc annuler cette baisse et analyser les PLOM territoire par territoire. Actuellement, ils ne font pas le détail alors que les problématiques et les contraintes ne sont pas les mêmes en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion ou à Mayotte. Une analyse plus fine est nécessaire pour améliorer l’efficacité des plans dans chaque territoire.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Il y a 147 500 logements insalubres dans les DROM, ce qui représente 16 % du parc total. L’ex-Fondation Abbé Pierre estime que 600 000 personnes sont mal logées dans ces territoires où la résorption de l’habitat indigne nécessiterait la création de 90 000 logements recouvrant le logement locatif social et très social, et l’accession sociale et très sociale. Si l’on y ajoute les collectivités d’outre-mer (COM), ce besoin est estimé à 110 000 logements. Pour les cinq DROM, les besoins annuels de logements sociaux sont évalués entre 8 600 et 10 400 logements. Le parc de logements locatifs sociaux est constitué de 180 620 logements, ce qui représente 18 % du parc de logements des DROM. Pour rester dans la ligne fixée, cet amendement II-CF446 – ainsi que l’amendement identique II-CF2455 – demande une hausse de 9 millions d’euros des crédits, afin de la rétablir à leur niveau de la loi de finances initiale pour 2024. C’est pourquoi je demande un retrait de tous les autres amendements au profit de ces deux amendements identiques. Cela étant, les PLOM n’ayant pas produit les effets escomptés, je pense qu’il faut un véritable plan Marshall en faveur du logement aux Antilles, allant au-delà de cette petite mission Outre-mer.
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Quelque 80 % des résidents des territoires ultramarins sont éligibles au logement social et 90 000 demandes sont actuellement en souffrance. Nous demandons donc le rétablissement de la LBU à son niveau précédent. N’oublions pas trois éléments importants : la production est en crise ; la réhabilitation pose aussi problème, sachant que la moyenne d’âge du parc est d’un peu plus de 20 ans à La Réunion et vraisemblablement dans les autres territoires ; la population est vieillissante, ce qui supposera certains aménagements. Tout ne passe pas par des crédits, mais il en faut. Baisser les crédits est une anomalie alors que, l’an dernier, le comité interministériel des outre-mer (Ciom) avait adopté une mesure pour favoriser la construction de logement : un recours plus facile aux matériaux issus du bassin géographique de ces territoires, grâce à un marquage spécifique aux régions ultrapériphériques (RUP).
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. La direction générale des outre-mer (DGOM) et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) recensent environ 100 000 logements indignes en outre-mer, dont 25 000 à Mayotte, 20 000 en Guyane. Ces chiffres sont très en deçà de la réalité.
M. Max Mathiasin (LIOT). Cet amendement a pour objet d’abonder de 10 millions d’euros les crédits consacrés au logement et, plus précisément à trois des six activités principales de la LBU : le logement social ; l’amélioration de la sécurité du parc social antillais à l’égard du risque sismique ; l’accession sociale à la propriété et l’amélioration du parc privé.
M. Elie Califer (SOC). Nous nous livrons chaque année à un exercice particulièrement difficile car, objectivement, les crédits de la mission ne sont pas à la hauteur des besoins des territoires. Il est compliqué de rester dans le périmètre, en essayant de basculer d’un programme à l’autre. En ce qui concerne le logement, c’est presque une provocation : alors que nous avons besoin de 100 000 logements et que le Ciom avait pris des décisions importantes dans ce domaine en avril dernier, nous sommes face à une baisse de la LBU. Alors que quelque 20 % du parc est constitué de logements insalubres, que les besoins de rénovation et surtout de réhabilitation sont très importants, que le dispositif Pinel a disparu, que la guerre en Ukraine a provoqué une hausse des coûts de construction, nous devons nous plier à une baisse des crédits. En termes de cohésion, aucun territoire national n’aurait tenu avec des vulnérabilités pareilles. Cela va m’être difficile de retirer mon amendement II-CF2376, comme le demande M. le rapporteur spécial, mais je vais le faire.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Comme je l’ai déjà indiqué, je vous invite à vous rallier aux deux amendements identiques qui proposent un rétablissement des crédits à leur niveau précédent. Au passage, je signale que nous allons demander de rétablir aussi les crédits pour le plan séisme Antilles (PSA), lié aux problématiques de logement.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutiendra les amendements II-CF2917 et II-CF59, car le logement est une thématique centrale en outre-mer.
M. Philippe Gosselin (DR). Comme je l’ai fait en commission des lois, je soutiens ces amendements. En France, de nombreux territoires, dont les outre-mer, connaissent un problème de logement. Depuis six à sept ans, nous sommes en déficit de 100 000 logements par an, avec des problèmes particuliers dans les territoires d’outre-mer.
Comme le disait tout à l’heure M. Rimane, il serait bon que nous ayons une réflexion territoire par territoire, car cette approche n’est pas encore assez généralisée. De fait, les besoins diffèrent selon les territoires – certains ayant par exemple, comme les Antilles, une population vieillissante du fait que de nombreux jeunes s’en vont et ne reviennent pas, et d’autres connaissant au contraire, comme Mayotte, un très grand afflux de jeunesse avec un habitat insalubre. Nous devons faire ces distinctions et maintenir le plus possible le niveau de la LBU. La position du rapporteur est sage et je la soutiendrai, mais elle nous laisse quand même sur notre faim.
Mme Béatrice Bellay (SOC). En Martinique, le manque de logement social est tel que le plafond de revenus pour y avoir accès est fixé au Smic, et même à moins de 1 500 euros. Conscients de devoir faire un effort collectif dans le cadre de ce budget, nous suivons la ligne du rapporteur mais, compte tenu des retours et des besoins de réinsertion que connaît notre territoire, c’est à notre corps défendant. À défaut d’explications de notre part, nos populations ne pourront pas comprendre les politiques de logement sous-alimentées que nous allons voter, qui ne correspondent pas du tout à leurs besoins. Le Gouvernement va devoir comprendre qu’on ne peut pas traiter les pays des océans d’une manière aussi déconnectée de l’évolution de la population et de la volonté qu’ont certains de rentrer chez eux.
M. Frédéric Maillot (GDR). Il est fou d’espérer des changements quand on continue à faire la même chose que précédemment. Les 43 000 demandes de logements non traitées à La Réunion qu’évoquait tout à l’heure M. Naillet ne concernent pas des gens qui sont à la rue, mais des habitants de logements délabrés. Il faut remettre en question les modes de construction dans nos pays d’outre-mer, où l’insalubrité est souvent liée à l’humidité, parce qu’on construit au rabais. Ainsi, à Grands Bois, un bidonville moderne construit voilà à peine vingt ans et déjà délabré va être détruit, alors que l’immeuble où j’ai grandi, qui a bientôt 60 ans, est toujours solide. Il faut revenir à des matériaux nobles – pierre ou fibres de ciment – et en finir avec le placo, qui crée de l’humidité et dont l’utilisation se traduit finalement par des demandes de logement parce que les maisons ne sont pas solides. Il faut nous demander comment utiliser l’argent et comment construire d’une manière adaptée au climat dans nos pays dits « d’outre-mer ».
M. Davy Rimane (GDR). Je soutiens, bien sûr, tous ces amendements, mais le problème de fond est que plus de la moitié des 2,6 milliards prévus est directement affectée aux accompagnements fiscaux : comment faire des miracles avec moins de la moitié du budget ? Qui plus est, le budget pour 2025 est scabreux, car il ne témoigne pas d’une volonté de clarifier la lecture des financements. Comme nous le faisons depuis l’année dernière, nous demandons ici que, pour le budget 2026, tous les crédits destinés à nos territoires figurent dans un document unique, car nous ne savons pas, concrètement, combien est fléché et pour quelles missions.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Je comprends votre demande de plus de lisibilité et de transparence, mais le budget est organisé par missions et programmes.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. En matière de logement, le périmètre que nous examinons est tout à fait inadapté, car la mission Outre-mer ne comporte que 19,8 % des autorisations d’engagement et 18,6 % des crédits de paiement destinés à l’outre-mer, aucun des autres crédits n’étant pris en compte, en particulier pour ce qui concerne le logement. Depuis des années s’accumulent ainsi des crédits qui ne sont pas adaptés.
Outre les matériaux, il faut compter aussi avec l’inflation. Or, même si les crédits s’élèvent, par exemple, à 100 millions d’euros, il en manquera peut-être 50 millions d’euros à cause du problème de la continuité territoriale, et cela ne suffira pas pour engager les projets prévus. En matière de logement dans les territoires dits « d’outre-mer », une véritable refonte des approches est nécessaire, prenant en compte l’ensemble missions concernant ces territoires.
La commission adopte successivement les amendements identiques II-CF2915 et II‑CF1015 et les amendements identiques II-CF2416 et II-CF2695.
Les amendements identiques II-CF446 et II-CF2455 sont retirés.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CF2917 et adopte l’amendement II-CF59.
L’amendement II-CF2376 est retiré.
L’amendement II-CF2377 de M. Elie Califer est retiré.
Amendements II-CF2877 de Mme Béatrice Bellay et II-CF1023 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune)
Mme Béatrice Bellay (SOC). On peut créer de l’égalité par la différenciation. Des études de l’Insee montent qu’il existe bien une différence de plus de 40 % du coût de l’alimentaire, et nous devons une aide et une solidarité institutionnelles à nos compatriotes des pays des océans. Puisque l’État admet que ses fonctionnaires bénéficient d’une prime de vie chère de 40 % à 56 %, les minima sociaux doivent être valorisés pour permettre d’amortir réellement le coût de la vie sur nos territoires.
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Si la vie est chère pour une catégorie de la population, elle l’est pour l’ensemble des habitants de ces territoires. L’amendement II-CF1023 vise donc à étendre la prime de vie chère à l’ensemble des bénéficiaires des minima sociaux et du Smic. Cela posera peut-être un problème par la suite, mais nous voulons lancer le débat.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Sagesse sur l’amendement II-CF2877, car il concerne des prestations sociales qui devraient être traitées dans le cadre du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avis favorable sur l’amendement II-CF1023.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Il semble qu’il y ait confusion et j’invite le rapporteur spécial à revenir sur sa position, car mon amendement II-CF2877 est mieux disant. Il a en effet été calculé pour correspondre aux besoins de surfinancement des minima sociaux.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. J’inverse donc mes avis : avis favorable à l’amendement II-CF2877 et sagesse sur l’amendement II-CF1023.
La commission adopte successivement les amendements II-CF2877 et II-CF1023.
Amendements II-CF3056 de M. Christian Baptiste, II-CF1917, II-CF1916 et II‑CF1932 de M. Yoann Gillet, amendement II-CF2692 de M. Steevy Gustave, amendements identiques II-CF840 de Mme Karine Lebon et II-CF2689 de M. Steevy Gustave
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. L’amendement II-CF3056 a pour objet de lutter contre la précarité alimentaire en outre-mer dans un contexte de vie chère.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Nos compatriotes ultramarins font face à des prix élevés, voire très élevés, pour se nourrir, se loger et se déplacer. Les ménages les plus modestes sont en première ligne face au problème du coût de la vie, comme le démontrent les chiffres. Selon l’Autorité de la concurrence, en effet, le coût de la vie dans les territoires ultramarins est en moyenne de 19 % à 38 % plus élevé que dans l’Hexagone. En Guyane, par exemple, le prix d’un pack d’eau peut atteindre 15 euros – j’en ai même vu à 18,53 euros l’année dernière, lors de mon déplacement dans le cadre de la mission parlementaire – et l’alimentation coûte 42 % de plus qu’en métropole. Nos compatriotes ultramarins ne doivent plus être traités comme des citoyens de seconde zone, mais comme des Français à part entière.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CF2692 vise à instaurer un chèque alimentaire d’urgence pour répondre à la crise des prix de l’alimentation en outre-mer où, selon une étude de l’Insee publiée fin 2022, ces prix sont jusqu’à 40 % plus élevés dans les supermarchés de Guadeloupe et de Martinique qu’en métropole. Ils sont également plus élevés de 39 % en Guyane, de 36 % à La Réunion et de 30 % à Mayotte.
Toujours d’après l’Insee, la pauvreté est la plus sévère sur ces territoires, où une personne sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, notamment en Guyane et à Mayotte. Dans le contexte de crise de la vie chère, il est crucial de lutter contre l’insécurité alimentaire, surtout dans les Antilles, pour permettre aux ménages de joindre les deux bouts. Ce chèque alimentaire viserait donc à soutenir les ménages en difficulté en leur offrant une aide ciblée pour l’achat de nourriture.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Mon amendement II-CF3056 répondant à la préoccupation qu’ils expriment quant à la précarité alimentaire dans nos territoires, je demande le retrait de tous les autres à son profit.
La commission adopte l’amendement II-CF3056.
Elle rejette successivement les amendements II-CF1917, II-CF1916, II-CF1932 et II‑CF2692.
Les amendements identiques II-CF840 et II-CF2689 sont retirés.
Amendement II-CF2047 de M. Mikaele Seo
M. Nicolas Metzdorf (EPR). Cet amendement, qui a déjà été adopté l’année dernière mais n’a pas été appliqué par le Gouvernement, vise à créer un filet social à Wallis-et-Futuna, où 21 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il s’agit de distribuer à 750 foyers, soit un peu plus de 3 000 personnes, une somme de 350 euros par mois pour permettre aux habitants de ce territoire, où la vie est la plus chère des outre-mer, de vivre dignement.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Cet amendement sera satisfait par l’amendement II-CF447 que je défendrai tout à l’heure, visant à maintenir les crédits de la loi de finances initiale pour 2024. J’en demande donc le retrait.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Je suis surprise que le seuil de pauvreté retenu pour Wallis-et-Futuna soit de 521 euros par mois, alors qu’il a été convenu de retenir pour les pays des océans le même seuil qu’en France hexagonale, soit environ à 1 152 euros par mois. Je ne sais donc pas si ce chiffre de 21 % de population vivant sous le seuil de pauvreté est en phase avec la réalité.
M. Philippe Gosselin (DR). On peut supposer que M. Seo, élu de Wallis-et-Futuna, a fait le nécessaire pour que son amendement soit en phase avec la réalité de son territoire. Faisons-lui confiance.
Par ailleurs, je ne vois pas difficulté à ce que l’amendement soit retiré s’il est satisfait, mais je n’en suis pas l’auteur. Merci toutefois de préciser ce qui est intégré.
Enfin, nous demandons depuis de nombreuses années de disposer d’un document donnant une vision globale des programmes relatifs à l’outre-mer – sauf erreur, en effet, ce ne sont pas moins de 105 programmes et 32 missions qui se partagent, de manière générale, les crédits destinés à l’outre-mer, soit plus de 24 milliards d’euros, alors que nous n’en examinons ici que 10 %.
M. Davy Rimane (GDR). Mme Bellay souligne la différence entre les seuils de pauvreté retenus selon les territoires alors que, pour tous les territoires d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, le point de référence est bien le Smic. Nous devons donc éclaircir cette question car le seuil de pauvreté est fixé à 1 150 euros dans l’Hexagone et à 600 euros sur nos territoires.
Nous avions soutenu l’en dernier cet amendement de M. Seo et serions prêts à le voter encore, mais nous pouvons aussi entendre qu’il est satisfait.
M. Matthias Renault (RN). Je rappelle qu’un document de politique transversale annexé au projet de loi de finances récapitule tous les crédits destinés à l’outre-mer – à moins que vous ne souhaitiez plus de détails encore que dans l’orange budgétaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2381 de M. Elie Califer
M. Elie Califer (SOC). Cet amendement vise à renforcer les moyens budgétaires dévolus à l’agriculture, en particulier à l’autonomie alimentaire des outre-mer. Il faut en effet réduire la dépendance des outre-mer aux importations depuis la France hexagonale, aux effets dévastateurs. Nos territoires doivent pouvoir se prendre en main tout en renforçant les capacités locales de production. Cela permettrait de réduire les coûts liés au transport des denrées alimentaires, rendant l’accès à la nourriture beaucoup plus abordable. Nous contribuerions ainsi à lutter contre la cherté de la vie par le renforcement de l’autonomie alimentaire dans nos territoires.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je demande le retrait de l’amendement au profit de mon amendement II-CF3059, qui sera défendu plus tard et qui vise à la création d’un nouveau programme dénommé Éducation et sensibilisation à une alimentation locale et soutien aux producteurs locaux dans les outre-mer.
M. Elie Califer (SOC). Mon amendement ne porte pas sur l’éducation à l’alimentation locale, mais sur la diversification de la production, pour sortir de la canne et de la banane.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Mon amendement comporte la dimension de soutien aux producteurs locaux dans les outre-mer.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Si je comprends bien, le périmètre de l’amendement II-CF3059 est plus large et couvre ainsi l’autonomie alimentaire qui fait l’objet de l’amendement II-CF2381.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2382 de M. Elie Califer
M. Elie Califer (SOC). Toujours dans une démarche d’autonomie alimentaire, il vise à renforcer les moyens budgétaires pour la pêche. Nous sommes en effet entourés d’eau et avons des difficultés à avoir une production conséquente, à cause de moyens obsolètes et de l’empoisonnement de nos eaux côtières par la chlordécone. Il est donc crucial pour nous de promouvoir le budget des embarcations de pêche afin de permettre aux pêcheurs de ces territoires d’aller pêcher plus loin pour assurer une économie locale.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2806 de M. Olivier Serva, II-CF2332 de M. Max Mathiasin, II‑CF1913 de M. Yoann Gillet, II-CF2862 de Mme Béatrice Bellay et II‑CF2393 de M. Elie Califer (discussion commune)
M. Max Mathiasin (LIOT). Conformément, d’une part, au douzième engagement du protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique signé le 16 octobre et, d’autre part, à la proposition n° 9 du rapport sénatorial sur la continuité territoriale outre-mer, il tend à donner, au moins partiellement, les moyens de mettre en œuvre le mécanisme de compensation permettant de réduire les frais d’approche de certains produits de première nécessité, afin de réduire le coût de la vie outre-mer.
Le protocole évoqué est loin de répondre à la demande et aux nécessités pour permettre une réelle réduction des prix en Guadeloupe et en Martinique. L’amendement vise cependant à affecter 50 millions d’euros à la compensation du coût du fret.
Mme Béatrice Bellay (SOC). De nombreux industriels ont des difficultés à développer leur activité en raison d’importants frais d’approche, notamment en raison du prix des intrants. L’aide au fret a vocation à amortir certains coûts. Nous avons déposé des amendements visant à contrôler cette aide qui peut avoir des effets pervers pour les entreprises et les consommateurs du fait des prix pratiqués.
M. Elie Califer (SOC). L’amendement est retiré car nous sommes convenus, avec le ministre chargé des outre-mer, d’ouvrir un grand chantier sur l’aide au fret.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. La première préoccupation est de connaître l’impact de l’aide au fret sur les marges, donc pour le consommateur final.
Je vous invite à retirer vos amendements au profit des amendements identiques II‑CF448 et II-CF2449 qui visent à renforcer les crédits de l’aide au fret à hauteur de ceux prévus dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, nonobstant le travail que nous devrons accomplir en faveur des pays et territoires d’outre-mer.
M. Elie Califer (SOC). Les amendements identiques II-CF448 et II‑CF2449 s’inscrivent-ils dans la même philosophie et accordent-ils les mêmes moyens que ceux en discussion commune ?
M. Jiovanny William (SOC). Existe-t-il un lien entre ces amendements identiques, qui concernent les prêts de développement outre-mer (PDOM) et le soutien aux structures de l’économie locale, sociale et solidaire, et les amendements en discussion commune qui sont relatifs à l’aide au fret ?
Mme Véronique Louwagie, présidente. Les amendements identiques II‑CF448 et II‑CF2449 visent à renforcer les crédits de l’aide au fret à hauteur de ceux prévus dans la LFI pour 2024.
La commission adopte l’amendement II-CF2806.
Les amendements II-CF2332, II-CF1913, II-CF2862 et II-CF2393 sont retirés.
Amendements identiques II-CF448 de M. Christian Baptiste et II-CF2449 de la commission des affaires économiques
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Les crédits de l’action 04, Financement de l’économie, du programme 138, qui financent les PDOM, les subventions d’investissement de BPIFrance ou le soutien aux acteurs du microcrédit en outre-mer, sont fortement réduits de 71 % en AE – soit une diminution de 25 millions d’euros – et de 75 % en CP. Les crédits destinés à l’aide au fret sont en forte baisse également.
Or les PDOM soutiennent les PME – lesquelles constituent, avec les très petites entreprises (TPE), l’essentiel du tissu local économique – en renforçant leur fonds de roulement et en leur permettant de financer leurs investissements immatériels. Réduire ce dispositif alors que certaines entreprises en outre-mer sont au bord de la faillite, notamment en Nouvelle-Calédonie ou en Martinique, paraît en décalage total avec la réalité et les mesures de soutien exigées par la situation.
La commission adopte les amendements.
Amendements II-CF1020 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CF2487 de M. Matthias Renault, amendements identiques II-CF2544 de la commission des affaires économiques et II‑CF2874 de Mme Béatrice Bellay (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Par cet amendement nous souhaitons alerter sur les concentrations de marchés dans les outre-mer et proposer la création d’une autorité de la concurrence qui leur serait spécifique.
Les actuelles mobilisations contre la vie chère en outre-mer, notamment en Martinique, démontrent la nécessité de réformer le cadre de l’organisation économique et le contrôle des concentrations. Le droit de la concurrence doit tenir compte des spécificités ultramarines car, dans ces territoires, les concentrations ont une dimension particulière et menacent les équilibres économiques et sociaux.
Les monopoles faussent la concurrence locale et participent au renchérissement des prix. Bien que l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion ait alerté sur les conséquences alarmantes – hausse des prix et impact sur la production locale – du rachat des actifs de Vindémia par le Groupe Bernard Hayot, qui forme un duopole avec le groupe Leclerc, cette opération a été autorisée par l’Autorité de la concurrence.
M. Matthias Renault (RN). La commission d’enquête sur le coût de la vie en outre-mer a alerté sur les phénomènes de concentrations et le manque de concurrence, notamment dans le secteur du fret où, depuis le retrait d’un grand groupe, la CMA CGM est en position de quasi-monopole, et dans celui de la distribution, dominé par les groupes Bernard Hayot, Fabre Domergue, Yves Parfait, Huyghues Despointes. Ils ont un rôle à jouer dans la maîtrise des coûts.
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à allouer 6 millions d’euros à la création de quatre-vingts équivalents temps plein (ETP) spécifiquement dédiés aux territoires ultramarins.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Demande de retrait puisque l’amendement II-CF448 a été adopté.
M. Nicolas Metzdorf (EPR). Une autorité de la concurrence spécifique, où travaillent des agents de l’État, a été créée en Nouvelle-Calédonie afin de favoriser la concurrence et de faire baisser les prix. Il est nécessaire d’encadrer les missions de tels organismes dès le départ. En effet, cette autorité s’est concentrée sur l’industrie locale plutôt que sur les grands groupes de distribution, mettant en péril le tissu économique local qui crée de la valeur ajoutée et de l’emploi.
M. Jiovanny William (SOC). Soyons vigilants : le budget de fonctionnement de tels organismes explose ; cette autorité serait moins efficace qu’espéré. Certains territoires ultramarins souhaitent que des agences locales soient créées plutôt que des organismes émanant de l’État. Il ne s’agit pas de créer pour créer.
Dans le cadre du protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, il a été proposé de créer un organisme local qui travaillerait avec les associations locales.
M. Matthias Renault (RN). L’Autorité de la concurrence est déjà compétente dans ces territoires ; y installer une antenne dotée d’une compétence générale serait inutile. Ces amendements visent à inviter l’Autorité à mener une mission spécifique en outre-mer, notamment aux Antilles.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Soyons vigilants : la multiplication des institutions est de nature à affaiblir l’application des politiques publiques.
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Il faut plutôt renforcer les moyens de l’OPMR. La vie chère en outre-mer est un sujet complexe, comme en témoigne le rapport de la commission d’enquête.
Il faut obliger les grands groupes à être transparents sur le prix final ; c’est un point central sur lequel nous n’avançons pas. Par ailleurs, sans contrôle ni sanction, la réduction ou la suppression de taxes – TVA et octroi de mer – est inutile.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je suis défavorable à la création d’une autorité de la concurrence spécifique aux outre-mer. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit de l’amendement II-CF2874 de Mme Bellay qui vise à renforcer les moyens de l’Autorité de la concurrence, avec la création, dès 2025, de 100 ETP dédiés aux territoires ultramarins.
L’amendement II-CF2487 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CF1020 et adopte les amendements identiques II-CF2544 et II-CF2874.
Amendement II-CF2875 de M. Jiovanny William
M. Jiovanny William (SOC). Cet amendement vise à renforcer les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Trop peu d’agents sont déployés eu égard au nombre de missions à mener – celle qui a trait aux exclusivités d’importation a duré plus d’un an.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF2472 de la commission des affaires économiques et II‑CF1025 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Cet amendement de Jean-Hugues Ratenon vise à expérimenter l’installation de bornes de comparateur de prix.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Sagesse.
La commission adopte les amendements.
Amendements II-CF2864 de M. Jiovanny William, II-CF2379 de M. Elie Califer, amendements identiques II-CF1018 de Jean-Hugues Ratenon et II-CF2646 de la commission des affaires économiques, amendements identiques II-CF732 de M. Jiovanny William et II‑CF2415 de M. Davy Rimane, amendement II-CF735 de M. Jiovanny William (discussion commune)
M. Jiovanny William (SOC). Les OPMR sont très importants car ils contrôlent les prix et proposent des prix abordables pour certains produits, en vue des négociations menées par les préfets. Il s’agit de renforcer les OPMR pour répondre aux attentes de la population. L’an dernier, j’ai auditionné un président d’OPMR qui disait faire quasiment du bénévolat car le budget pour accomplir sa mission aux Antilles, en Guyane et à La Réunion s’élève à 15 000 euros.
M. Elie Califer (SOC). L’amendement tend à renforcer les moyens budgétaires dévolus au fonctionnement des OPMR, en vue de comprendre les mécanismes à l’origine de la vie chère qui engendre des crises convulsives cycliques dans les territoires ultramarins – en 2021, en Guadeloupe et, en 2024, en Martinique.
Alors ministre chargé des outre-mer, Jean-François Carenco a eu toutes les peines du monde à obtenir un bilan d’activité des OPMR car ils manquent de personnel, alors qu’ils ont pour mission de suivre, d’analyser, de collecter des données sur les prix des produits, les marges appliquées par les différents acteurs économiques et les revenus de la population.
L’augmentation substantielle de leur budget leur permettrait de mener des études approfondies et régulières pour identifier les causes structurelles des écarts de prix avec la France hexagonale, de contrôler voire de sanctionner les acteurs, dans le cadre de nouvelles compétences qui leur seraient confiées. La vie chère est un véritable fléau qui accélère la précarité et qui engendre de la violence existentielle.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Avis favorable sur tous les amendements en discussion commune.
La commission adopte l’amendement II-CF2864.
Les amendements II-CF2379, II-CF1018, II-CF2646, II-CF732, II-CF2415 et II‑CF735 sont retirés.
Amendements II-CF1910 de M. Yoann Gillet, II-CF2390 et II-CF-2389 de M. Elie Califer (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Il s’agit de renforcer les crédits du fonds exceptionnel d’investissement pour pallier l’insuffisance d’infrastructures dans les territoires ultramarins.
M. Elie Califer (SOC). L’amendement vise à augmenter les moyens budgétaires dévolus à l’AFD afin de soutenir le développement durable et résilient des territoires ultramarins. Souvent confrontés à des défis économiques et environnementaux particuliers, ils ont besoin d’un accompagnement renforcé pour mettre en œuvre des projets qui répondent aux attentes locales tout en favorisant leur autosuffisance.
Renforcer les moyens de l’AFD permettrait de cibler les besoins spécifiques des outre-mer, notamment en matière d’infrastructure, d’énergie renouvelable et de préservation de la biodiversité, tout en impulsant une dynamique d’innovation sociale et technologique adaptée aux spécificités ultramarines.
Ce fonds doit en priorité être consacré à la formation des populations locales, afin de renforcer l’ingénierie locale qui doit être associée aux projets de l’AFD, actuellement confiés à ses bureaux d’études.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Ces amendements sont satisfaits par l’adoption de l’amendement II-CF2524 de la commission des affaires économiques, qui vise à abonder le programme 123 de 414,6 millions d’euros. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement II-CF1910.
Elle adopte successivement les amendements II-CF2390 et II-CF2389.
Amendement II-CF2388 de M. Elie Califer
M. Elie Califer (SOC). Mon amendement vise à renforcer les moyens dévolus à l’éducation dans les outre-mer, où 40 % des élèves sont en décrochage scolaire, afin de réduire les disparités avec la France hexagonale, de sortir ces territoires de la précarité et de garantir la justice sociale.
Les territoires ultramarins souffrent de conditions éducatives moins favorables, avec des infrastructures scolaires insuffisantes et un manque de moyens pédagogiques adaptés. Renforcer les investissements dans ces domaines permettrait d’améliorer la qualité de l’enseignement et de garantir une égalité des chances pour tous les élèves, quel que soit leur lieu de résidence.
Nous payons doublement l’effort de solidarité demandé par le Gouvernement, qui affecte tant la mission Outre-mer que le reste du budget ; nous souhaitons y participer mais nous ne pouvons demander à ceux qui n’ont rien de donner plus.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2469 de M. Matthias Renault
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Avis défavorable. La création d’une société minière pour exploiter les sous-sols, notamment en Guyane ou en mer, risque de détériorer encore plus les territoires ultramarins déjà très pollués, notamment par le chlordécone.
Par ailleurs, le temps des colonies et de la Compagnie des Indes est révolu. Il n’est plus question d’exploiter les territoires d’outre-mer pour enrichir l’État ; ces programmes doivent s’inscrire dans une démarche de développement local.
M. Davy Rimane (GDR). Je ne suis pas favorable à la création d’une société minière nationale. Néanmoins, les mines font partie de l’histoire de la Guyane, comme de celle de la Nouvelle-Calédonie. L’exploitation des mines en Guyane, dont le sous-sol est très riche, constitue un axe de développement vertueux du territoire, non pour enrichir certaines personnes mais pour éviter de quémander à l’État.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1918 de M. Yoann Gillet et II-CF2470 de M. Matthias Renault (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à renforcer les crédits alloués à l’opération Harpie – et je salue le travail remarquable des militaires qui y sont mobilisés. La grande majorité des exploitations d’or en Guyane sont illégales. L’orpaillage illégal représente une production de 10 à 12 tonnes par an, tandis que la production déclarée oscille entre 1 à 2 tonnes.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Les crédits de cette opération importante doivent être renforcés dans le cadre de l’examen de la mission Sécurités et non de la mission Outre-mer. Le président de la délégation aux outre-mer, Davy Rimane, a déposé des amendements qui vont dans le même sens. Avis défavorable.
M. Davy Rimane (GDR). Le bilan des opérations Harpie 1, Harpie 2 et Harpie 3 n’a pas été dressé. Depuis deux ans, nous demandons en vain à l’État de modifier sa doctrine qui consiste à contenir l’orpaillage illégal et non à l’éradiquer. Avant d’augmenter le budget dédié à la lutte contre l’orpaillage illégal, il faut modifier la doctrine et définir une stratégie pour l’éradiquer définitivement.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les militaires qui sont engagés dans l’opération Harpie arrivent difficilement à contenir ce fléau, car ils manquent de moyens matériels et ne sont pas suffisamment nombreux. La France ne se donne pas les moyens de l’éradiquer.
M. Davy Rimane (GDR). J’ai également rencontré les militaires et les agents du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) mobilisés. Deux problèmes sont à résoudre en urgence : d’une part, la doctrine est de contenir et non d’éradiquer l’orpaillage illégal ; d’autre part, les forces de l’ordre ne peuvent intervenir qu’en présence d’un officier de police judiciaire (OPJ). Tant que la doctrine et la loi ne seront pas modifiées, l’orpaillage illégal ne sera pas éradiqué.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2412 de M. Davy Rimane
M. Davy Rimane (GDR). L’orpaillage illégal fait de terribles ravages dans nos territoires, entraînant une pollution au mercure et empoisonnant la population. Les Wayana, qui vivent sur les rives du fleuve Maroni, en sont les premières victimes. À l’instar de ce qui a été fait aux Antilles pour le chlordécone, nous proposons de prévoir un budget pour mise en place d’un comité de pilotage dont le rôle consistera notamment à accompagner les populations et les territoires concernés.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2699 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à créer un fonds de soutien à l’économie circulaire dans les territoires d’outre-mer. Les infrastructures de tri et de recyclage y sont souvent insuffisantes, et l’isolement géographique complique les choses. En outre, les populations ne sont pas assez sensibilisées aux enjeux de la circularité. L’objectif du fonds serait de favoriser le développement d’entreprises dans ce secteur, en soutenant la création de circuits courts et la valorisation des ressources locales.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2693 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous proposons d’abonder de 2 millions d’euros supplémentaires les aides à l’insertion professionnelle pour les jeunes ultramarins, dont le taux de chômage atteint, pour les 15-29 ans, 28 % en Martinique, 31,9 % en Guyane, 39,3 % à La Réunion et 40,1 % en Guadeloupe. Les défis sont considérables, en raison de l’illettrisme, des faibles taux de réussite scolaire et de la pauvreté grandissante. Il est donc essentiel d’améliorer l’employabilité des jeunes tout en proposant des offres de formation attrayantes dans les territoires.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF1022 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CF2522 de la commission des affaires économiques
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Nous souhaitons que puissent être financés des postes supplémentaires de conseillers référents insertion au sein des centres communaux d’action sociale (CCAS) dans les territoires d’outre-mer. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) constate « une plus grande permanence dans le RSA en outre-mer » où 33,6 % des bénéficiaires ont perçu l’allocation chacune de ces dix fins d’année contre 19,5 % dans l’Hexagone. Les CCAS jouent un rôle crucial dans l’accompagnement de ces bénéficiaires, établissant parfois des conventions avec les conseils départementaux pour les aider à élaborer et à signer un contrat d’engagement unifié. Mais, selon la Drees, moins de la moitié des bénéficiaires sont orientés vers un organisme autre que France Travail et la plupart ne signent donc pas de contrat.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements.
Amendement II-CF2698 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à accroître de 2 millions d’euros le soutien à l’économie sociale et solidaire (ESS) dans les territoires d’outre-mer où elle recèle, d’après l’Avise, un potentiel considérable. Les entreprises de ce secteur apportent une réelle valeur ajoutée car elles créent des emplois non délocalisables et renforcent le lien social tout en luttant contre les inégalités. D’après l’AFD, le secteur de l’ESS compte représente près de 55 000 emplois, dont 65 % sont occupés par des femmes. Cela représente 10 % de l’emploi total, et 17 % de l’emploi privé, pour une masse salariale brute annuelle de 1,4 milliard d’euros.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1014 de M. Jean-Hugues Ratenon, amendements identiques II‑CF2536 de la commission des affaires économiques et II-CF2873 de M. Elie Califer
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Les actions de l’Agence française de développement sont habituellement destinées à des pays étrangers ; il est aberrant qu’elles puissent concerner les territoires d’outre-mer. Nous demandons donc la création d’une agence dédiée au soutien à l’ingénierie des collectivités ultramarines. Le manque de moyens dans ce domaine explique en partie la non-consommation des crédits mais ne justifie en rien leur baisse. Dans son rapport de mai 2022 sur les financements de l’État en outre-mer, la Cour des comptes rappelait que les faibles capacités administratives et techniques des collectivités les privaient de l’expertise nécessaire pour les investissements à réaliser. Elle y proposait de « généraliser les plateformes d’ingénierie dans les territoires ultramarins, en y consacrant les effectifs et les moyens nécessaires […] ».
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. L’amendement II‑CF2524, que nous avons adopté précédemment, prévoit plus de 400 millions d’euros pour l’accompagnement des collectivités. Je vous invite à retirer les vôtres.
M. Elie Califer (SOC). Ce que nous souhaitons, c’est que le budget 2025 retrouve le niveau de celui de 2024. C’est essentiel pour contenir la colère de nos territoires. L’explication que vient de donner M. le rapporteur spécial nous conforte, mais nous espérons que le M. le ministre nous entendra aussi !
Les amendements II-CF2536 et II-CF2873 sont retirés.
La commission rejette l’amendement II-CF1014.
Amendement II-CF2870 de M. Elie Califer (SOC)
M. Elie Califer (SOC). Cet amendement vise à maintenir les crédits alloués aux COROM au moins au même niveau que l’an dernier, et à rendre éligibles les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ces fonds facilitent le paiement des fournisseurs, irriguant ainsi l’économie locale.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Les crédits dédiés aux COROM – dont le financement relève de l’action 06, Collectivités territoriales, du programme 123 – ont été réduits de 68 millions d’euros en AE et de 67 millions en CP, parce qu’il n’est pas prévu en 2025 d’extension du dispositif à de nouvelles communes. L’amendement II‑CF2524 que nous avons adopté précédemment satisfait votre demande. Je vous invite donc à retirer le vôtre.
M. Elie Califer (SOC). L’extension du dispositif aux EPCI est-elle prévue ?
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Oui.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II‑CF2375 de M. Elie Califer.
Amendements identiques II-CF2514 de la commission des affaires économiques, II‑CF2919 de la commission de lois et II-CF2868 de M. Elie Califer, amendements II-CF2691 de M. Steevy Gustave, II-CF2378 et II-CF2386 de M. Elie Califer et II-CF2055 de M. Christian Baptiste (discussion commune)
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. L’amendement de la commission des affaires économiques vise à abonder le plan Chlordécone IV de 25 millions d’euros.
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous proposons d’abonder de 20 millions d’euros supplémentaires le plan Chlordécone dont les crédits actuels, 130 millions d’euros, sont manifestement insuffisants. Le fait que ce pesticide soit persistant et continue de libérer des résidus dans la chaîne alimentaire pendant plusieurs années compromet la sécurité alimentaire, surtout en milieu rural. Des études épidémiologiques ont établi un lien entre l’exposition à ce produit et l’augmentation de maladies graves. D’après Santé publique France, le taux de contamination de la population atteint 92 % en Martinique et 95 % en Guadeloupe. Il est donc urgent de mobiliser des financements pour des programmes de dépollution de l’eau et des terres, ainsi que pour des actions de sensibilisation et de dépistage. La question de l’indemnisation des victimes de ce scandale environnemental doit également être une priorité.
M. Elie Califer (SOC). Dans un élan républicain, notre assemblée a adopté l’an dernier la proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone. En attendant que le texte ne nous revienne du Sénat, donnons les moyens à nos territoires de contenir l’impact de cette molécule sur les populations.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Il est prévu de réaliser une économie budgétaire sur la participation du programme 123 à des actions relatives au chlordécone. Or cette participation, qui représente environ 690 000 euros par an, avait contribué en 2023 au financement de l’étude Kannari 2 visant à mesurer l’imprégnation des populations martiniquaise et guadeloupéenne au chlordécone et à d’autres polluants environnementaux. En 2024, elle avait contribué à financer l’appel à projets à destination des associations sur le thème du chlordécone. Choqué que ces financements ne soient pas reconduits en 2025, j’émets un avis favorable aux amendements.
M. Philippe Gosselin (DR). Notre groupe soutiendra ces amendements. Il y a là un véritable enjeu de santé publique : ce n’est pas un hasard si c’est aux Antilles que l’on enregistre le taux le plus élevé de cancer de la prostate. La lutte contre le chlordécone et ses effets est l’un des facteurs qui permettra de renouer la confiance avec nos compatriotes d’outre-mer.
M. Matthias Renault (RN). D’après un dernier bilan, sur la dizaine de millions d’euros de financements européens au plan Chlordécone IV ; à peine 2 millions ont été engagés, et rien n’a été exécuté : il y a donc aussi un enjeu de mobilisation de fonds européens. Par-delà cet aspect budgétaire, le suivi des recommandations de la commission d’enquête de 2019 s’avère défaillant. Notre groupe soutiendra ces amendements.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Il est vrai qu’en tant que membre de cette commission d’enquête, j’avais été impressionnée par ce que j’avais découvert. Nous nous devons de suivre cette situation.
Mme Mélanie Thomin (SOC). La population ultramarine doit être soutenue face aux effets du chlordécone, cela va de soi. Mais l’encadrement des produits phytosanitaires est un problème bien plus large. En 2023, la commission d’enquête relative à la mise en œuvre des différents plans Écophyto avait fait plusieurs propositions concrètes. Celles-ci ont malheureusement été abandonnées lorsque le plan Écophyto a été suspendu, au moment de la nomination de Gabriel Attal à Matignon. C’est bien là tout le problème : il manque en la matière une orientation claire et une volonté du Gouvernement.
Mme Béatrice Bellay (SOC). La mise en œuvre des plans se heurte parfois à des difficultés. Certaines personnes refusent par exemple le test de dépistage, par peur de découvrir qu’elles ont un taux de chlordécone élevé dans le sang ou qu’elles souffrent d’une pathologie lourde. L’augmentation des crédits alloués au plan Chlordécone IV permettra d’améliorer la communication sur le sujet et d’étendre le bénéfice de la gratuité du dépistage aux personnes ayant vécu au pays des océans mais n’y habitant plus.
M. Elie Califer (SOC). Il faut travailler désormais à la dépollution des sols et, pour cela, allouer des moyens à la recherche. La communication est également insuffisante : il faudrait qu’elle soit assurée en langue créole – ce qui n’est pas le cas – pour convaincre les populations de se faire dépister.
M. Max Mathiasin (LIOT). On ne peut nier les efforts entrepris mais, pour qu’une communication soit efficace, il faut éviter de la confier à une société qui ne soit créolophone ni dans l’esprit, ni dans la langue.
La commission adopte les amendements II-CF2514, II-CF2919 et II-CF2868.
L’amendement II-CF2691 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements II-CF2378, II-CF2386 et II‑CF2055.
Amendement II-CF447 de M. Christian Baptiste
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Cet amendement propose de maintenir les crédits de l’action 04, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, au même niveau que dans la loi de finances initiale pour 2024.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF1028 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CF2615 de M. Philippe Naillet, II-CF2694 de M. Steevy Gustave, II-CF2387 de M. Elie Califer, amendements identiques II-CF2519 de la commission des affaires économiques et II-CF60 de M. Max Mathiasin
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous demandons un accompagnement financier pour les associations ultramarines qui ont de grandes difficultés à répondre à la demande croissante des plus démunis. Rappelons que les territoires d’outre-mer sont touchés de plein fouet par la cherté de la vie et que la grande pauvreté y est cinq à quinze fois plus fréquente que dans l’Hexagone.
L’amendement II-CF2615 est retiré.
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous proposons de rétablir à hauteur de 2 millions d’euros les subventions destinées au domaine culturel, à la jeunesse et au sport, financées par les crédits de l’action 04. Elles sont en effet essentielles pour soutenir l’art et la culture, et concourent aussi à des projets éducatifs encourageant l’autonomie, la mobilité, la citoyenneté et l’insertion des jeunes ultramarins.
M. Elie Califer (SOC). Je souhaite également que soient renforcés les crédits dédiés à la culture dans les outre-mer. Ces territoires possèdent une richesse culturelle unique, qui mérite d’être préservée et valorisée.
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Je défends un amendement visant à soutenir les associations du secteur sanitaire et social dans nos territoires. Celles-ci jouent en effet un rôle primordial, dans un contexte de vieillissement de la population, et sont parfois le seul contact de confiance pour les personnes en grande difficulté.
M. Max Mathiasin (LIOT). Je défends un amendement identique, visant à soutenir les associations qui œuvrent auprès des personnes en situation de grande pauvreté.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Ces amendements ayant tous été satisfaits par l’adoption de l’amendement II-CF447, je vous demande de les retirer.
La commission adopte successivement les amendements II-CF1028 et II-CF2694.
L’amendement II-CF2387 est retiré.
La commission adopte les amendements II-CF2519 et II-CF60.
Amendement II-CF2056 de M. Christian Baptiste
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Cet amendement vise à financer des actions complémentaires en faveur de la sécurité routière.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF3058 de M. Christian Baptiste et II-CF2807 de M. Olivier Serva, amendements identiques II-CF2869 de M. Christian Baptiste et II-CF2515 de la commission des affaires économiques, amendement II-CF2518 de la commission des affaires économiques (discussion commune)
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. L’amendement II-CF3058 demande un accroissement de 15 millions d’euros des crédits alloués au plan Sargasses 2. L’amendement de repli II-CF2869, identique à celui adopté en commission des affaires économiques, prévoit une hausse de 2 millions, laquelle permettra d’étendre le dispositif dans l’ensemble des territoires ultramarins concernés.
Je suggère à la commission d’adopter l’amendement II-CF3058 et demande le retrait des autres.
Les amendements II-CF2807, II-CF2869, II-CF2515 et II-CF2518 sont retirés.
M. Nicolas Sansu (GDR). La lutte contre les sargasses est financée par diverses lignes budgétaires, dans les missions Cohésion des territoires, Santé et Outre-mer, ce qui ne facilite pas les choses. Comme le soulignait notre collègue Thomin au sujet du chlordécone, c’est un sujet qui dépasse le cadre ultramarin : le littoral hexagonal est aussi concerné par l’échouage de sargasses. En tant que rapporteur spécial sur la gestion par l’État des crises du chlordécone et des sargasses dans les Antilles dans le cadre du Printemps de l’évaluation, j’ai constaté que les efforts nécessaires ne sont pas faits. Je présente, dans mon rapport, les moyens à mettre en œuvre pour éviter que les sargasses ne rendent impraticable voire invivable une partie des côtes en Guadeloupe et en Martinique. Je voterai donc l’amendement II-CF3058, tout en appelant à une plus grande cohérence dans les actions mises en œuvre par les différents intervenants.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. C’est sur le fondement de l’excellent rapport de M. Sansu que nous avons travaillé, avec l’objectif d’accroître la cohérence de la lutte contre les sargasses.
La commission adopte l’amendement II-CF3058.
Amendement II-CF2369 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il vise à renforcer le plan Écophyto Dom, qui a pour but de réduire l’utilisation des pesticides, sujet crucial et d’actualité dans ces territoires marqués par la pollution aux produits phytosanitaires. Cette situation continue d’affecter la production alimentaire et la santé : le nombre de cancers de la prostate en Martinique et en Guadeloupe est, rapporté à la population, le plus élevé au monde.
Il faut également s’inquiéter des conséquences sanitaires de l’épandage massif d’Asulox, un herbicide très toxique retiré du marché européen depuis 2012 mais utilisé par dérogation dans les champs de canne à sucre en Guadelope, à la Martinique et à La Réunion. Outre le chlordécone, ces territoires pâtissent de l’Asulox et du glyphosate ; tous ces produits interagissent et créent des produits dérivés encore plus dangereux. Une bombe chimique est logée dans les sols, raison pour laquelle nous vous proposons de débloquer 2 millions pour soutenir les études sur la dangerosité de ces produits et leur décomposition dans le temps.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF2383 de M. Elie Califer.
Amendements identiques II-CF2527 de la commission des affaires économiques et II‑CF2871 de M. Elie Califer, amendements II-CF2696 de M. Steevy Gustave, II-CF2373 et II‑2380 de M. Elie Califer (discussion commune)
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. L’amendement du groupe Socialistes et apparentés, adopté par la commission des affaires économiques, vise à renforcer, à hauteur de 10 millions, le fonds de secours pour les outre-mer (FSOM) qui aide les territoires ultramarins à faire face aux nombreux aléas naturels de forte intensité auxquels ils sont exposés. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) précise que nos îles seront de plus en plus exposées à des phénomènes climatiques sans cesse plus violents.
M. Elie Califer (SOC). Il n’est pas opportun de diminuer les dotations du FSOM au moment où les incidences du réchauffement climatique se font de plus en plus dramatiques. En outre, les compagnies d’assurances refusent d’assurer les équipements et les ménages : l’an dernier, le ministre de l’économie d’alors, Bruno Le Maire, avait été interpellé sur la question. Nos territoires ont beau être résilients, ils ont besoin de la solidarité nationale.
M. Steevy Gustave (EcoS). Notre amendement vise à augmenter les crédits alloués aux actions de prévention et d’adaptation aux séismes outre-mer, notamment ceux du plan séisme Antilles (PSA) et des abris anticycloniques en Polynésie française. Ces deux plans ont été amputés de 2 millions chacun.
Dans un contexte où les événements climatiques se multiplient, les coupes budgétaires sur la prévention des risques sismiques sont particulièrement préoccupantes. Le risque sismique aux Antilles constitue une préoccupation majeure en raison de la position géologique de l’archipel. Cette région, soumise à des mouvements tectoniques complexes, est susceptible de connaître des séismes d’une intensité significative, susceptibles d’engendrer des conséquences dévastatrices tant sur le plan humain qu’économique : entre 2014 et 2019, le territoire antillais a enregistré près de 4 600 séismes, soit 40 % de l’ensemble des séismes des Caraïbes. Il est donc impératif de garantir un financement suffisant pour faire face à cette menace : pour ce faire, l’amendement propose de retrouver en 2025 l’enveloppe de la loi de finances pour 2024.
M. Elie Califer (SOC). Alors que le ministre Barnier avait créé le fonds Barnier, le Premier ministre Barnier voudrait l’amputer. Les territoires d’outre-mer sont particulièrement exposés aux catastrophes naturelles, voilà pourquoi nous demandons le maintien du financement du fonds de prévention des risques naturels majeurs à son niveau de 2024.
Nous faisons des travaux pour que les écoles et les bâtiments publics résistent à ces événements afin de protéger les enfants et les habitants : ce n’est pas le moment de réduire notre effort alors que le Giec et d’autres organismes anticipent une augmentation des effets dramatiques des catastrophes naturelles. Nos territoires doivent se préparer avec l’aide d’un fonds Barnier suffisamment abondé.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Les moyens destinés à lutter contre les événements naturels ne sont jamais suffisants, surtout dans nos territoires si vulnérables. J’émets un avis favorable sur tous les amendements.
La commission adopte les amendements II-CF2527 et II-CF2871.
Elle adopte successivement les amendements II-CF2696 et CF2373.
L’amendement II-CF2380 est retiré.
Les amendements II-CF2132, II-CF2853, II-CF1030, II-CF2133 et II-CF2854 tombent.
Amendement II-CF2189 de M. Nicolas Metzdorf
M. Nicolas Metzdorf (EPR). Il est incroyable de ne pas pouvoir examiner les amendements qui viennent de tomber. Il s’agissait des premiers à porter sur la Nouvelle-Calédonie ! Compte tenu de la situation dramatique sur place, il serait ahurissant que la commission des finances ne se penche pas sur les besoins financiers de la Nouvelle-Calédonie, peut-être les plus élevés de tous les territoires du pays cette année.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous n’avons pas le choix : le programme de la mission sur lequel ces amendements étaient gagés était doté de 1,9 milliard, l’amendement II-CF2132 prévoyait par exemple d’y prélever 1,85 milliard alors que les amendements déjà adoptés ont entraîné une consommation de 1,5 milliard sur ce programme. Il n’y a donc plus suffisamment de crédits disponibles.
M. Nicolas Metzdorf (EPR). La Nouvelle-Calédonie a perdu, au cours des six derniers mois, 25 % de son PIB, ce qui correspond à la perte essuyée par la France lors de la seconde guerre mondiale. Le désastre dépasse le cadre économique et social, il est de nature humanitaire. La Nouvelle-Calédonie ne peut plus assumer ses compétences, les institutions sont ruinées et le salaire des fonctionnaires baisse. La perte fiscale entre 2024 et 2025 est évaluée à 1,8 milliard, montant reporté dans l’amendement II-CF2132, amendement d’appel destiné à vous interpeller.
L’amendement II-CF2133, de repli, ne concerne que l’aide de l’État, estimée à 500 millions. Les efforts budgétaires doivent être partagés entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, laquelle va devoir réformer ses institutions et limiter drastiquement ses dépenses. Un soutien fort de l’État, évalué à au moins 500 millions, est indispensable.
Je regrette que la Nouvelle-Calédonie paie une mauvaise position dans l’examen des amendements. Les dépenses pour les autres territoires d’outre-mer sont fort utiles et les crédits de la mission bien trop faibles par rapport aux attentes de l’ensemble des populations ultramarines. Je suis choqué que le Gouvernement présente un budget aussi insuffisant alors qu’il connaît l’état désastreux de la Nouvelle-Calédonie.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Avis favorable.
M. Philippe Gosselin (DR). Heureusement que nous pouvons examiner cet amendement et ainsi évoquer la situation en Nouvelle-Calédonie. Les règles budgétaires induisent une fâcheuse concurrence entre les collectivités. Je refuse, pour ma part, de choisir entre les Antilles et la Nouvelle-Calédonie.
Nos compatriotes vivent une situation dramatique en Nouvelle-Calédonie. Je ne reviens pas sur les émeutes du 13 mai, ni sur le chaos économique et social qui règne dans le territoire. Les collectivités vont mal et accusent toutes un déficit budgétaire, le chômage croît et une partie de la population quitte le territoire. Il est nécessaire de renouer les liens du dialogue : j’espère, à ce titre, que l’actuel voyage de la présidente de l’Assemblée nationale et de son homologue du Sénat se révélera fructueux.
Dans tous les cas, des moyens financiers importants seront nécessaires, au-delà des réformes que déploieront les institutions néo-calédoniennes : nous avons rappelé cette exigence au ministre chargé des outre-mer et nous la réitérons aujourd’hui avec force devant la commission des finances.
M. Emmanuel Tjibaou (GDR). Je ne souhaite pas organiser de concurrence entre les territoires d’outre-mer mais la situation critique de notre pays me pousse à prendre la parole. La semaine dernière, la commission des lois a voté le report des élections provinciales ; pour penser à la politique, les gens doivent avoir à manger. L’amenuisement des crédits alloués aux outre-mer ne nous permettra plus de discuter, car ce budget nous contraint à réaliser des économies que nous n’avons pas. Les événements du 13 mai sont également la conséquence du manque de considération pour les outre-mer, dont les habitants sont des citoyens français ; je suis, pour ma part, indépendantiste et je me rends compte que la légitimité de mon combat repose également sur l’égalité de traitement entre les Ultramarins et les continentaux.
M. Elie Califer (SOC). Chaque année, nous constatons l’insuffisance des crédits de la mission Outre-mer et, plus généralement, des moyens alloués aux territoires d’outre-mer, dans leur diversité et leurs particularités. Nous avons appelé l’attention du Gouvernement l’an dernier sur la nécessité de prendre en compte l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. D’après notre collègue Metzdorf, les besoins s’élèvent à 1,8 milliard : croyez-vous que notre mission pourrait supporter un tel effort budgétaire ?
Nous avons besoin d’un plan d’action et d’une loi de programmation pour chaque territoire d’outre-mer, y compris la Nouvelle-Calédonie, afin de tracer des perspectives et de refuser la reconduction annuelle d’une politique erratique. L’État doit s’engager pour que la République respecte ces territoires. Nous ne pouvons pas retirer les amendements que nous avons adoptés car nous devons défendre les besoins, non les demandes, de nos territoires. L’examen des crédits de la mission pose problème chaque année.
Il faut de la solidarité, de la responsabilité et de l’égalité car ces terres, de par leur situation géographique, participent au rayonnement de la République. Il y a lieu d’examiner, même en temps de crise, les endroits où les efforts doivent se porter afin d’éviter que ces territoires soient en crise perpétuelle.
Mme Véronique Louwagie, présidente. La situation de la Nouvelle-Calédonie est exceptionnelle et elle mérite une réponse exceptionnelle, notamment sur le plan budgétaire.
La mission Outre-mer n’est pas la seule à ne pas pouvoir intégrer l’ensemble des dépenses votées par la commission par voie d’amendement. M. le rapporteur spécial, instruit par l’expérience des jours précédents, a souhaité que les députés se contentent d’adopter ses amendements qui visaient à retrouver l’enveloppe de la loi de finances pour 2024, ce qui aurait sans doute facilité la discussion des amendements relatifs à la Nouvelle-Calédonie, mais la commission a, comme elle en a la liberté, refusé de se contenter de cette proposition.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je tiens à exprimer toute ma solidarité à l’égard de la Nouvelle-Calédonie et je rappelle que l’économie de 500 millions que le Gouvernement a voulu réaliser sur la mission Outre-mer est ridicule compte tenu des besoins de la Nouvelle-Calédonie, estimés à environ 2 milliards. J’ai eu une séance de travail avec quatre conseillers du ministre du budget, au cours de laquelle ceux-ci m’ont indiqué que cette aide ne serait pas prélevée sur les crédits de la mission mais serait hébergée dans un fonds spécifique ; je dois rencontrer le ministre chargé du budget et des comptes publics après la séance de questions au Gouvernement de demain et j’insisterai auprès de lui sur l’urgence de la situation en Nouvelle-Calédonie et sur la nécessité de prévoir une aide de 2 milliards dans la loi de finances pour 2025.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF1016 de M. Jean-Hugues Ratenon tombe.
Amendements II-CF2528 de la commission des affaires économiques et II-CF1915 de M. Yoann Gillet, amendements identiques II-CF2872 de M. Christian Baptiste et II-CF2529 de la commission des affaires économiques (discussion commune)
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je demande le retrait des amendements à l’exception du mien, afin que nous accordions une subvention exceptionnelle de 10 millions au syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). Je précise que l’amendement II-CF2528 est déjà satisfait par l’adoption du II-CF447.
L’amendement II-CF2528 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CF1915 et adopte les amendements II-CF2872 et II-CF2529.
Amendements II-CF1026 de Mme Sandrine Nosbé et II-CF2697 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons de créer un nouveau programme pour l’investissement dans l’autonomie énergétique des outre-mer, reposant intégralement sur les énergies renouvelables. Dans les territoires insulaires et éloignés, l’autonomie énergétique doit s’imposer comme un objectif prioritaire. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’environnement des collectivités d’outre-mer permettrait à celles-ci d’atteindre une autonomie intégralement constituée d’énergies renouvelables. Pourtant, elles importent encore largement une énergie très carbonée.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement vise à soutenir le développement des énergies renouvelables outre-mer en aidant les entreprises agissant dans ce domaine à hauteur de 5 millions. Le modèle énergétique des territoires d’outre-mer dépend actuellement des énergies fossiles ; la plupart d’entre eux importent une grande partie de leur énergie, ce qui les expose aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Les Ultramarins ont des factures élevées et émettent des gaz à effet de serre à cause de la consommation d’énergies fossiles, ce qui aggrave les problèmes environnementaux locaux.
Pourtant, le potentiel en énergies renouvelables est considérable grâce aux ressources solaires, éoliennes et géothermiques de ces territoires. Développer les énergies alternatives réduirait les coûts, favoriserait l’autonomie et soutiendrait la transition écologique, essentielle pour les écosystèmes ultramarins. En outre, l’investissement dans les énergies renouvelables dynamiserait l’économie locale et créerait des emplois dans des secteurs innovants et durables. Il est donc essentiel de développer les énergies renouvelables pour garantir un avenir durable et résilient aux territoires d’outre-mer.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je soutiens le deuxième amendement, plus soutenable, et je demande le retrait du premier, trop élevé pour le budget de la mission. Il importe de soutenir la croissance des énergies renouvelables outre-mer, lesquelles sont des atouts fondamentaux pour le développement de nos territoires.
M. Matthias Renault (RN). Le groupe Rassemblement national s’opposera à l’adoption des deux amendements. Nous ignorons quelles sont les énergies renouvelables visées et nous combattons le projet d’éolien en mer au large de La Réunion, reposant sur l’installation de dix machines d’ici à 2030 par les sociétés Akuo et BlueFloat, comme nous luttons contre des projets semblables au large des côtes hexagonales, par exemple dans ma circonscription de la Somme. Que les habitants de La Réunion soient au moins consultés sur les projets d’éolien en mer.
L’amendement II-CF1026 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CF2697.
Amendement II-CF2372 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet amendement porte sur le traitement des déchets dans les territoires ultramarins. Devant l’ampleur du problème, le déploiement d’un plan Marshall du déchet est nécessaire car le nombre de déchets triés par habitant est de deux à neuf fois plus faible que dans l’Hexagone. La quantité moyenne d’emballages ménagers collectés par habitant est de seulement 14 kilogrammes contre 51 kilogrammes en France hexagonale, soit presque quatre fois moins. En outre, 67 % des déchets sont enfouis contre 30 % dans l’Hexagone. Dépôts sauvages, décharges à ciel ouvert, pollution des eaux et des sols, les conséquences néfastes des défaillances de la gestion des déchets sont nombreuses et inacceptables pour les populations qui y sont exposées. À Mayotte, la mauvaise gestion des déchets contamine l’eau et aggrave la pénurie d’eau potable qui frappe l’île.
Par cet amendement, le groupe Écologiste et social souhaite lancer des investissements massifs et urgents, estimés à au moins 250 millions en cinq ans.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF1929, II-CF1912, II-CF1924, II-CF1930 et II-CF1925 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. De nombreux territoires ultramarins sont davantage confrontés à la délinquance que l’Hexagone. La Martinique figure parmi les trois départements français où le taux d’homicides et de tentatives d’homicide est le plus élevé. À Mayotte, le climat de violence est permanent et l’insécurité croît année après année : entre 2021 et 2023, le nombre de victimes d’homicide pour 100 000 habitants a atteint 5,1 contre 1,3 en métropole. En Guyane, 80 % des détenus sont incarcérés pour des motifs criminels. En Guadeloupe, la préfecture a publié des chiffres alarmants : en 2023, trente-six homicides ont été enregistrés, dont la moitié a été commise par arme à feu.
Le groupe Rassemblement national propose la création de fonds d’équipement et de sécurité à la Martinique, à Mayotte, en Guyane, en Guadeloupe et à La Réunion.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Il s’agit d’un sujet extrêmement important pour nos territoires. Ces fonds, nécessaires, doivent être hébergés non dans la mission Outre-mer mais dans la mission Sécurités : j’émets donc un avis défavorable à l’adoption des amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle adopte successivement les amendements en discussion commune II-CF1021 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CF2521 de la commission des affaires économiques.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle adopte les amendements identiques II‑CF2542 de la commission des affaires économiques et II-CF1017 de Mme Sandrine Nosbé.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, les amendements identiques II-CF2543 de la commission des affaires économiques et II-CF1019 de Mme Sandrine Nosbé sont retirés.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements identiques II-CF2511 de la commission des affaires économiques et II-CF1029 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Amendements II-CF3059 de M. Christian Baptiste et II-CF2367 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Nous soutenons l’éducation alimentaire et la production locale. L’amendement vise à financer à hauteur de 5 millions l’éducation à la consommation locale ainsi que l’activité des producteurs ultramarins.
Mme Eva Sas (EcoS). Notre amendement a pour objet de créer un programme dédié à l’éducation et à la sensibilisation à une alimentation locale moins carnée dans les outre-mer. Le taux moyen de dépendance aux importations alimentaires des territoires d’outre-mer a fortement augmenté, passant de 54 % en 1995 à 71 % en 2011. On observe également un changement des habitudes alimentaires sous l’effet de la mondialisation des modes de consommation et du recours croissant à de la nourriture transformée dont les effets néfastes sur la santé sont connus. Un rapport de l’Ademe souligne par exemple la faiblesse de la consommation de poissons locaux à La Réunion et de fruits à la Martinique, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie : dans ces territoires, on préfère une nourriture importée aux aliments locaux.
Pour tendre vers une plus grande autonomie alimentaire des territoires ultramarins et conformément aux recommandations de la mission d’information, conduite par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale en 2023, nous souhaitons encourager les actions de promotion, d’éducation et de sensibilisation aux plats locaux.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Mon amendement a le même objet que le vôtre, mais il vise également à soutenir les producteurs locaux. Voilà pourquoi, je donne un avis défavorable à votre amendement et préfère que la commission adopte le mien.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Avant d’être députée, j’étais directrice de la restauration scolaire en Martinique pour pas moins de 12 000 élèves. Nous privilégiions les circuits courts et les produits locaux. Il faut amplifier cette démarche car le repas à la cantine est souvent le seul équilibré dans la journée des enfants. Par manque de moyens, les parents leur donnent une alimentation de mauvaise qualité, d’autant que les produits locaux manquent de visibilité malgré leurs bienfaits pour la santé.
Je partage le souhait du rapporteur spécial de déployer de programmes clairs, élaborés avec l’aide de cuisiniers et destinés à introduire davantage de produits locaux dans l’alimentation quotidienne, notamment celle des enfants.
La commission adopte l’amendement II-CF3059.
En conséquence, l’amendement II-CF2367 tombe.
Amendements identiques II-CF2876 de M. Christian Baptiste et II-CF2545 de la commission des affaires économiques
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. L’amendement vise à créer un fonds de préservation de la biodiversité dans les territoires d’outre-mer. La biodiversité ultramarine représente 80 % de la biodiversité française : élément essentiel de notre environnement et de notre qualité de vie, nous devons la chérir et la protéger face au changement climatique.
La commission adopte les amendements.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Outre-mer. Les amendements adoptés par la commission représentent environ 1,6 milliard de dépenses supplémentaires souhaitées.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission.
M. David Amiel (EPR). Nous nous abstiendrons lors du vote sur les crédits de la mission. Nous regrettons amèrement que la question de la Nouvelle-Calédonie n’ait pas pu être traitée comme elle aurait dû l’être à cause du jeu des amendements qui a vidé les programmes de leurs crédits. Nous redéposerons les amendements relatifs à la Nouvelle-Calédonie en séance publique compte tenu de la situation et de l’urgence à entamer la reconstruction.
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Au moment de la présentation de la mission Outre-mer, pas un seul député ultramarin ne s’est exprimé pour la soutenir et la grande majorité d’entre eux a crié au scandale. Alors que ces territoires s’enflamment et que des milliers de personnes issues de la diaspora ultramarine ont défilé à Paris pour manifester contre la vie chère outre-mer, le je-m’en-foutisme du Gouvernement et l’économie de racketteurs qui sévit chez nous, il est inconcevable d’accepter le budget de l’exécutif car « nous ne sommes pas des Français à temps partiel » comme nous l’avons entendu.
L’adoption de nombreux amendements a illustré notre volonté commune de proposer une alternative au texte initial et aux coupes drastiques que veut nous imposer le Gouvernement. Ces amendements, s’ils sont retenus dans la loi de finances, ne révolutionneront pas la situation dans nos territoires mais ils pourront limiter la casse. Nous avons ainsi obtenu des avancées sur les comparateurs de prix et pour les bénéficiaires de minima sociaux et les salariés percevant le Smic. Nous avons abondé l’enveloppe consacrée au logement de 200 millions, mais il faudrait au moins 15 milliards dans l’ensemble des territoires d’outre-mer pour répondre aux besoins actuels.
Compte tenu des débats et des amendements adoptés pour rééquilibrer le budget et atténuer ainsi les conséquences des coupes injustifiées du Gouvernement, nous voterons pour l’adoption des crédits de la mission, en espérant qu’aucun 49.3 ne vienne balayer nos travaux car nos territoires méritent des moyens à la hauteur de leurs besoins.
M. Elie Califer (SOC). L’examen des crédits de cette mission est à la fois complexe et particulier. On pourra nous reprocher de ne pas être restés dans les clous du budget du Gouvernement, mais nous souhaitions adopter des amendements d’appel pour faire entendre les besoins de nos territoires. Ces derniers sont engloutis sous la précarité et ils nécessitent un regard particulier des gouvernements, quels qu’ils soient.
Il faudrait réfléchir à l’élaboration de lois de programmation pluriannuelles portant sur l’économie, la culture et l’éducation dans les territoires d’outre-mer, afin d’aider ceux-ci à s’en sortir. Dans la lutte contre l’insécurité et le trafic de drogue, les forces de l’ordre manquent de matériels pour surveiller les côtes et lutter contre la circulation de drogue qui nuit à la population.
Nous regrettons que l’examen de la situation néo-calédonienne ait été si expéditif, mais les difficultés de ce territoire méritent d’être prises en charge dans un autre outil financier que la mission Outre-mer.
Nous voterons en faveur des crédits de la mission, même s’ils dépassent l’enveloppe allouée de plus de 1 milliard, pour appeler l’attention du Gouvernement. Nous écouterons le ministre chargé des outre-mer en séance publique, puis nous déciderons de notre position définitive. Il est essentiel pour nous, députés ultramarins, de faire entendre les besoins de nos territoires et d’adopter des amendements qui vont dans le sens de l’apaisement et qui apportent des réponses, même partielles, à nos problèmes.
M. Philippe Gosselin (DR). Nous savons tous que plusieurs amendements adoptés ce matin sont des amendements d’appel destinés à pointer certaines difficultés sur le logement, le chlordécone, les sargasses, la vie chère et la continuité territoriale. Tous ces sujets font le quotidien de nos compatriotes ultramarins et doivent être mis en avant.
Après avoir assisté à plusieurs auditions du ministre, devant la délégation aux outre-mer ou la commission des lois, et m’être entretenu avec lui et plusieurs d’entre vous, j’ai l’impression qu’il a pris la mesure des choses. Il faudrait que ces intentions se traduisent sur le plan budgétaire : manifestement, le compte n’y est pas encore, même si je désapprouve l’adoption de quelques amendements qui ont fait exploser la banque et qui nous ont empêchés d’apporter une réponse adaptée à la situation en Nouvelle-Calédonie.
Pour la Nouvelle-Calédonie, il ne faut pas seulement d’autres lignes budgétaires mais un programme pluriannuel de reconstruction et d’investissements, qui ne se réalisera pas d’un coup de baguette magique. Quant à la confiance, elle ne s’achète ni ne se décrète, mais elle peut s’établir au terme d’un processus beaucoup plus lent et compliqué. Assurons au moins la partie budgétaire. Mon groupe s’abstiendra sur les crédits de la mission Outre-mer, considérant que certains sujets doivent encore être mis sur la table et approfondis. Nous en débattrons le13 novembre en séance.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous avions beaucoup d’interrogations sur la capacité du budget initial à répondre aux enjeux des outre-mer. Pour nous, le simple rétablissement des crédits à leur niveau de 2024 aurait été un moindre mal. L’enveloppe qui se dessine est supérieure à ce niveau, après l’adoption d’amendements d’appel qui suscitent le débat et doivent nous inspirer. Nous avons aussi un regret concernant la Nouvelle-Calédonie. Notre groupe va s’abstenir avec l’espoir qu’un meilleur équilibre sera trouvé en cours de navette parlementaire, grâce à la sagesse de nos collègues sénateurs. Quoi qu’il en soit, nous sommes loin de voter contre l’adoption de ces crédits.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). En raison de l’adoption de nombreux amendements, nous allons voter pour l’adoption des crédits de cette mission. Au cours de la précédente législature, il avait été question de créer une commission dédiée aux outre-mer, afin que ces sujets deviennent des sujets à part entière de notre discussion démocratique et républicaine, au lieu d’être examinés dans une sorte de niche marginale du budget. Dans une commission outre-mer, ces débats pourraient infuser avant de transparaître dans tous les textes discutés dans l’hémicycle. On se contente d’une ligne budgétaire, alors que ces territoires vivent de manière amplifiée tous les problèmes que rencontre l’Hexagone. Nous devrions prêter plus d’attention aux révoltes qui gagnent tous ces territoires, l’un après l’autre.
M. Emmanuel Tjibaou (GDR). Au vu de la politique budgétaire actuelle et à un moment où les crises se multiplient à tous les niveaux dans nos territoires, nous nous interrogeons sur la cohérence du discours de solidarité et de continuité territoriale : les AE et les CP affichent des baisses respectives de 12,52 % et près de 9 %. Pour le programme 123, Conditions de vie outre-mer, les AE diminuent de plus de 36 %. Il y a un vrai souci de visibilité et de transparence concernant les priorités du Gouvernement.
Nous allons néanmoins voter pour les crédits de la mission Outre-mer car les amendements adoptés viennent de collègues réceptifs aux préoccupations pragmatiques de nos compatriotes : la vie chère en Martinique ; la crise institutionnelle en Kanaky-Nouvelle-Calédonie – où certains enjeux nous dépassent et où des plans de relance ont été mis en place par le comité interinstitutionnel et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie – ; les politiques de désenclavement en Guyane. Les thématiques sont nombreuses et les moyens insuffisants. Le Gouvernement doit conduire une action volontariste pour que les contrôles soient effectués et les dispositifs mis à plat. Il faut savoir comment ça marche, qui gagne et qui perd, et obtenir une expertise. Sans vouloir enfoncer des portes ouvertes, je rappelle à mon tour que les habitants des outre-mer sont des citoyens français. Nous allons donc voter pour ces crédits, en attendant des ajustements sur les amendements d’appel.
La commission adopte les crédits de la mission Outre-mer modifiés.
Après l’article 60
Amendement II-CF2395 de M. Elie Califer
M. Elie Califer (SOC). Rassurez-vous, monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit pas de demander plus de crédits, mais d’instaurer la notion de double insularité dans le code des transports, de manière à prendre en compte le caractère archipélagique des certains territoires d’outre-mer tels que Mayotte ou la Guadeloupe. En matière de continuité territoriale, la décentralisation a donné des compétences aux collectivités sans qu’elles disposent des moyens adéquats pour les exercer. Un accompagnement étatique est nécessaire dans le cadre d’une double insularité.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF569 de Mme Mereana Reid Arbelot.
Amendement II-CF2399 de M. Elie Califer
M. Elie Califer (SOC). Nous proposons l’ajout d’un sixième programme prioritaire d’investissement visant à renforcer les moyens consacrés à la politique nationale de continuité territoriale outre-mer. Sans remettre en cause ce qui a été fait pour la Corse, une étude comparative pourrait nous permettre de comprendre pourquoi la dotation de continuité territoriale (DCT) est de 70 millions d’euros pour l’ensemble des outre-mer et de 237 millions pour le seul territoire corse. Manifestement, il y a quelque chose à revoir. Ce sixième programme nous permettrait d’avancer sur cette question qui anime nos débats depuis des lustres.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF2547 de la commission des affaires économiques et II‑CF1039 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis. Nous demandons un rapport sur le développement d’une continuité territoriale économique entre l’Hexagone et les outre-mer concernant les dépenses de transport engagées par les entreprises au départ ou à l’arrivée d’un port ou d’un aéroport situé dans le ressort de l’Union européenne, afin de créer un levier de baisse des prix pour les territoires ultramarins.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements.
Amendement II-CF1038 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander un rapport sur la mobilité des Ultramarins. En effet, de nombreux jeunes qui se déplacent vers l’Hexagone rencontrent de grandes difficultés à cet égard et il serait intéressant de faire un état des lieux.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle adopte successivement les amendements II‑CF733 de M. Jiovanny William et II-CF2411 de M. Davy Rimane.
Amendement II-CF1914 de M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. À Mayotte, les infrastructures sont trop souvent déficientes ou insuffisantes, ce qui s’explique principalement par l’insuffisance des investissements depuis plusieurs décennies. Un récent rapport du Sénat souligne un constat alarmant : les taux d’équipements culturels et sportifs, ainsi que les services d’urgence et d’action sociale y sont largement inférieurs à ce qu’ils sont en France hexagonale. La crise migratoire empire d’ailleurs tout : l’hôpital de Mayotte, par exemple, est saturé, tandis que la demande de soins explose, en partie à cause de l’afflux de migrants clandestins. Les conditions de scolarité sont également intolérables et la cantine scolaire est inexistante : ce manque cruel de services publics aggrave les difficultés des élèves. Les infrastructures routières sont, elles aussi, totalement saturées car il n’existe que quatre routes nationales à Mayotte. L’aéroport est, lui aussi, confronté à des difficultés. Quant à l’habitat, évoqué tout à l’heure à l’occasion d’un amendement, il est dans un état déplorable. Pendant ce temps, on continue à accueillir une immigration toujours plus nombreuse.
L’amendement vise donc à l’établissement d’un rapport sur les moyens financiers concrets permettant de répondre efficacement aux besoins d’infrastructures et d’équipements du département.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Il vient d’être satisfait par celui de M. Rimane, qui englobe l’ensemble des outre-mer. J’en demande donc le retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF1935 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’Inspection générale des finances (IGF) a remis en juillet un rapport dressant un tableau préoccupant du fonctionnement de la filière nickel et avance des pistes pour consolider sa visibilité économique. Depuis plus de dix ans, la filière – et notamment les métallurgistes – se heurte à différents problèmes. Afin donc d’examiner la situation de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie et d’envisager l’avenir des appuis budgétaires de l’État en la matière, l’amendement vise à l’élaboration d’un rapport précis d’évaluation.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. Nous n’en sommes plus au stade des rapports, et nous en avons d’ailleurs déjà plusieurs, élaborés par la Cour des comptes et l’IGF. L’important est d’agir. Avis défavorable.
M. Philippe Gosselin (DR). La situation est, malheureusement, déjà largement connue et de nombreuses propositions ont déjà été faites. Je ne suis donc pas sûr qu’un rapport supplémentaire apporte quelque chose. Il faut, en revanche, que le Gouvernement, dans le cadre de tout ce qui est en cours à propos de la Nouvelle-Calédonie, puisse faire rapidement des propositions concrètes à l’horizon de cinq, dix ou quinze ans, voire à plus long terme.
Je m’abstiendrai sur cet amendement, mais nous avons besoin d’action plus que de rapports.
M. Matthias Renault (RN). Il faut veiller à éviter toute ingérence étrangère, car le nickel est un minerai stratégique pour notre pays et des sociétés chinoises ont déjà fait part de leur intérêt à Bruno Le Maire, alors ministre de l’économie. Nous espérons que le ministre de l’économie, actuel ou futur, sera vigilant sur ce point.
M. Christian Baptiste, rapporteur spécial. L’exercice auquel nous venons de procéder montre bien le besoin criant d’une vision globale des financements destinés à l’outre-mer.
En tant que rapporteur spécial, j’aurais été le mieux placé pour faire sauter la banque, mais nous devons faire preuve de responsabilité et les propositions qui ont été formulées visent à montrer l’urgence à laquelle nous sommes confrontés.
Nous devons disposer pour l’outre-mer d’un budget global, car le périmètre de cette mission est trop restreint – c’est une demande que nous avons déjà faite aux différents ministres. Il faut ensuite que la préparation de ce budget se fasse dès le premier trimestre de l’année car, au mois de juin, les arbitrages sont déjà faits et, lorsque nous abordons le budget en septembre ou octobre, les amendements sont considérables. Nous devons donc revoir la méthode. De fait, bien que nous ayons respecté le cadre, l’exercice n’est pas celui qu’il nous faut : pour être à la hauteur des enjeux, il nous faut une approche systémique et globale.
La commission rejette l’amendement.
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PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
● Ministère chargé des Outre-mer
– M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer
– Mme Isabelle Richard, directrice adjointe du cabinet du ministre
– Mme Faouzia Fékiri, conseillère en charge du budget, des finances locales, de l’évaluation des politiques publiques et du suivi du comité interministériel des outre-mer
● Ministère chargé du Budget et des comptes publics
– M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des comptes publics
– M. Paul Armand Veillon, directeur adjoint de cabinet
– M. Lucas Paszkowiak, conseiller fiscalité, douane et lutte contre la fraude
– Mme Carin Villemot, conseillère finances locales
– M. Yanis Sicre, conseiller parlementaire
● Direction générale des Outre-mer (DGOM)
– M. Olivier Jacob, directeur général des outre-mer
– Mme Marie Grosgeorge, directrice de cabinet du directeur général
– Mme Marie Papadopoulos, directrice adjointe du cabinet du directeur général
● Agence des outre-mer pour la mobilité (LADOM)
– M. Saïd Ahamada, directeur général
– Mme Sandrine Venera, secrétaire générale
● Union nationale des fédérations d’organismes HLM (USH)
– Mme Marianne Louis, directrice générale
– M. Brayen Sooranna, directeur des outre-mer
– Mme Moveda Abbed, direction des outre-mer
● Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM)
– M. Hervé Mariton, président de la FEDOM
– M. Laurent Renouf, directeur général de la FEDOM
– Mme Mélinda Jerco, chargée de mission
– Mme Ameline Berthonnaud, chargée de mission
Audition sur la vie chère en outre-mer
– Groupe Bernard Hayot (GBH) : M. Stéphane Hayot, directeur général du groupe Bernard Hayot ; M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour Martinique
– Groupe Société Antillaise Frigorifique (SAFO) : M. François Huyghues Despointes, président du directoire du groupe SAFO
– Groupe CréO : M. Patrick Fabre, président du groupe CréO ; Mme Bérénice Chauveau, consultante senior Backbone consulting
– Groupe Parfait : M. Robert Parfait, président du groupe, M. Bernard Édouard, secrétaire général et M. Kévin Parfait, administrateur.
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ANNEXE 1 : Liste des vingt recommandations prioritaires du rapport n° 1543 du 20 juillet 2023 de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74
de la Constitution
Proposition n° 4 : Engager une négociation avec les grands groupes de distribution ultramarins, devant aboutir dans un délai de douze mois, afin d’obtenir une baisse de l’ordre de 10 à 20 % des prix sur la majorité de leurs références, par diminution des marges de l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution.
Proposition n° 10 : Passer d’une logique de maîtrise volontaire des prix à une logique de réglementation des prix des produits de première nécessité, afin d’en abaisser significativement leurs prix.
Proposition n° 35 : Organiser dans les douze mois dans chaque territoire ultramarin des États généraux du coût de la vie et du pouvoir d’achat outre-mer.
Proposition n° 50 : Rétablir les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer.
Proposition n° 36 : Simplifier les procédures et raccourcir les délais d’instruction pour les financements et subventions aux TPE et PME.
Proposition n° 39 : Réformer les règles d’attribution des fonds du Posei afin de les conditionner notamment à un critère de diversification de la production locale au service de l’autonomie alimentaire et non uniquement de développement des filières d’exportation.
Proposition n° 40 : Accompagner les petits producteurs dans leur regroupement au sein d’organisations professionnelles administrées de façon démocratique et solidaire et libérées de l’emprise des grands groupes et des gros producteurs.
Proposition n° 52 : Créer un dispositif de ports francs et de zones franches globales dans les départements et régions d’outre-mer, exonérant temporairement (pendant une décennie) de cotisations sociales et de prélèvements fiscaux les emplois créés par les TPE et PME dans les secteurs créateurs de valeur ajoutée.
Proposition n° 53 : Conditionner les aides à l’embauche, dans le cadre des zones franches globales ou de tout autre dispositif favorisant les embauches, au recrutement de résidents du territoire ultramarin concerné.
Proposition n° 56 : Appliquer aux outre-mer le dispositif de continuité territoriale et le dispositif de financement afférent actuellement en vigueur en Corse.
Proposition n° 51 : Affecter les recettes de TVA de chaque département d’outre-mer concerné (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) aux ménages modestes sous la forme d’une allocation spécifique et conditionnée ne pouvant être dépensée qu’en achats de services et de produits issus des circuits courts.
Proposition n° 59 : Mettre en place une priorité d’affectation dans leur territoire d’origine pour les lauréats des concours de la fonction publique dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans ce territoire ultramarin.
Proposition n° 61 : Majorer les prestations sociales légales versées outre-mer d’un complément représentant le différentiel du coût de la vie observé dans l’Hexagone et organiser leurs versements automatiques, notamment dans les territoires ultramarins.
Proposition n° 63 : Financer la prime de vie chère des salariés du secteur privé par la création d’une taxe sur les profits des grandes entreprises opérant dans les outre-mer.
Proposition n° 64 : Organiser par l’État et les collectivités territoriales une conférence sociale réunissant représentants des salariés et des employeurs ultramarins, afin de fixer le principe d’une augmentation significative des salaires ultramarins de l’ordre de 20 %.
Proposition n° 1 : Compléter le dispositif prévu par la loi Lurel en interdisant aux établissements bancaires de pratiquer des tarifs supérieurs dans les territoires ultramarins aux tarifs pratiqués dans n’importe quelle région de l’Hexagone pour les mêmes prestations.
Proposition n° 41 : Mettre en œuvre la proposition du préfet de la Martinique et du Président du conseil exécutif de Martinique permettant de concentrer l’aide de CMA CGM sur les produits de première utilité sociale.
Proposition n° 55 : Expérimenter, pour une durée limitée, un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement pour les produits de première nécessité.
Proposition n° 68 : Envisager le transfert aux collectivités ultramarines qui le souhaitent de l’ensemble des pouvoirs normatifs, y compris fiscaux, nécessaires au développement économique et social : aménagement du territoire, transport, énergie, écologie, régulation économique, échanges commerciaux, développement économique, aides et subventions, continuité territoriale, ainsi que la fiscalité afférente.
Proposition n° 47 : Développer des filières d’industries de transformation ayant vocation à exporter des produits manufacturés localement.
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ANNEXE 2 : Liste des prÉconisations du rapport d’information n° 2699 du 30 mai 2024 de M. Nicolas Sansu sur les interventions territoriales de l’État au titre
du plan Chlordécone IV et du plan Sargasses 2.
Recommandation n° 1 : Renforcer les contrôles sanitaires des circuits informels de distribution alimentaire en Guadeloupe et en Martinique, en augmentant les prélèvements lors des périodes de forte affluence, notamment les fins de semaine. Cette action vise à sécuriser la qualité des denrées issues de l’autoproduction, des dons, et des ventes sur les « bords de route » ou les « petits marchés », qui sont essentiels à l’approvisionnement des populations locales.
Recommandation n° 2 : Harmoniser les pratiques des Agences régionales de santé (ARS) de Guadeloupe et de Martinique pour l’accès aux dosages de chlordéconémie, en adoptant un modèle uniforme qui permette l’accès le plus large possible au dispositif de suivi de l’exposition au chlordécone. Cette uniformisation aidera à augmenter le nombre de personnes bénéficiant d’un accompagnement pour réduire leur exposition au chlordécone et diminuer la concentration de cette substance dans le sang.
Recommandation n° 3 : Simplifier le processus de remboursement des tests de chlordéconémie en intégrant directement ces tests dans le régime de remboursement de la sécurité sociale, afin de réduire la complexité administrative actuelle qui implique des transferts financiers entre le PITE et le fonds d’intervention régional des ARS. Cette mesure facilitera l’accès aux tests pour les populations concernées et améliorera l’efficacité du suivi de l’exposition au chlordécone.
Recommandation n° 4 : Intensifier les analyses de contamination des sols agricoles en Guadeloupe et en Martinique, en augmentant le nombre de prélèvements annuels, y compris sur des parcelles déjà testées. Développer parallèlement un outil cartographique complet et en ligne des zones à risque pour informer efficacement les habitants et les décideurs locaux, permettant ainsi une meilleure gestion des risques liés à la pollution par le chlordécone.
Recommandation n° 5 : Intensifier les procédures de gestion foncière en Guadeloupe et en Martinique pour faciliter la reconquête et la protection des terres non exploitées et non polluées. Cette action vise à mobiliser des surfaces agricoles supplémentaires pour soutenir le développement agricole local et réduire la dépendance extérieure.
Recommandation n° 6 : Optimiser l’utilisation des fonds européens par la région Guadeloupe et la Collectivité territoriale de Martinique en simplifiant les procédures d’accès et en accélérant le processus de mobilisation de ces fonds pour les projets de recherche spécifiques au chlordécone. Cette démarche doit inclure une meilleure coordination avec l’Agence nationale de la recherche (ANR), afin de maximiser l’efficacité des subventions disponibles et d’encourager une réponse rapide et efficace aux besoins de recherche dans les territoires.
Recommandation n° 7 : Intensifier le financement et les efforts de recherche sur les effets du chlordécone en soutenant spécifiquement les projets axés sur la modélisation de diffusion de la pollution (projet OPALE), ainsi que sur l’impact sanitaire, notamment sur les pathologies féminines et les travailleurs agricoles. Encourager également le développement de méthodes de remédiation pratiques et l’étude des produits de dégradation du chlordécone. Soutenir la priorisation de ces thèmes dans les futurs appels à projets de l’ANR pour assurer une application des recherches en conditions réelles, contribuant ainsi à une gestion plus efficace des conséquences de la contamination par le chlordécone.
Recommandation n° 8 : Développer et équiper des laboratoires de référence locaux aux Antilles pour améliorer les capacités analytiques nécessaires au diagnostic et au suivi du chlordécone et de ses produits de transformation. Il est essentiel de réduire les délais de traitement des échantillons et de résultat en mettant en place une plateforme analytique locale, notamment par un renforcement des ressources financières et matérielles allouées au Centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) et à l’Institut Pasteur de Guadeloupe.
Recommandation n° 9 : Renforcer la médiation scientifique et améliorer la diffusion de l’information sur le chlordécone et ses impacts auprès du grand public et des professionnels de santé en Guadeloupe et en Martinique. Il est crucial d’utiliser des moyens de communication adaptés à la réalité locale et de s’appuyer sur des « tiers de confiance » comme les professionnels de santé, les élus locaux, et les acteurs associatifs pour restaurer la confiance.
Recommandation n° 10 : Augmenter et réorienter les aides du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) pour soutenir activement la diversification agricole en Martinique et en Guadeloupe. Cette stratégie vise à réduire la dépendance à la monoculture de la banane, historiquement liée à l’usage du chlordécone, et à promouvoir une production alimentaire locale plus durable, qui contribue à l’autonomie alimentaire des territoires.
Recommandation n° 11 : Revoir et renforcer le dispositif d’indemnisation des victimes du chlordécone en créant un fonds d’indemnisation spécifique, sur le modèle du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Ce fonds devrait être géré par un établissement public indépendant et offrir une réparation intégrale pour toutes les victimes de maladies liées au chlordécone, qu’elles soient professionnelles ou environnementales, ainsi que pour leurs ayants droit. En cas d’absence de création d’un tel fonds, il est suggéré au minimum d’étendre les capacités du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) pour inclure les victimes environnementales et de revoir à la hausse le niveau des indemnisations, tout en renforçant l’accompagnement local par les associations d’aide aux victimes.
Recommandation n° 12 : Financer le renforcement du dispositif d’indemnisation des victimes du chlordécone par une augmentation de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques et la création d’une contribution spécifique sur le chiffre d’affaires des grands producteurs de bananes dans les Antilles. Cette approche garantira que les parties responsables contribuent directement à la réparation des dommages causés par l’utilisation historique du chlordécone.
Recommandation n° 13 : Modifier les dispositions légales concernant les délais de prescription pour les infractions résultant de la pollution des sols, de l’air ou de l’eau, afin de permettre une action judiciaire prolongée contre les responsables de pollution environnementale. Ces modifications devraient permettre l’application de délais étendus de manière à tenir compte de la découverte tardive des dommages et des responsabilités associées.
Recommandation n° 14 : Clarifier le statut juridique des algues sargasses pour mieux définir les responsabilités dans leur gestion entre les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et l’État. Il convient d’expertiser la classification des sargasses collectées comme déchets, et ses conséquences en termes de valorisation et de répartition claire des rôles et des coûts associés à la gestion des échouements.
Recommandation n° 15 : Rationaliser et uniformiser les structures de gouvernance pour la gestion des sargasses en Martinique et en Guadeloupe, afin de réduire la complexité administrative et d’améliorer l’efficacité de la réponse aux échouements de sargasses. Bien que les groupements d’intérêt public (GIP) en Martinique et en Guadeloupe ainsi que le projet de syndicat mixte ouvert (SMO) en Guadeloupe soient des initiatives positives, il est préconisé de standardiser ces approches entre les deux îles. La structure de gouvernance devrait inclure systématiquement toutes les parties prenantes, tout particulièrement l’échelon opérationnel que sont les communes, aujourd’hui exclues des GIP. Cette approche simplifiée permettrait une réponse plus rapide et coordonnée face aux crises futures, tout en optimisant les ressources et en réduisant les coûts.
Recommandation n° 16 : Augmenter de manière significative le financement disponible pour la gestion des sargasses en Martinique et Guadeloupe, en introduisant une taxe additionnelle sur la taxe de séjour, spécifiquement dédiée à la lutte contre les sargasses. Cette nouvelle taxe permettrait de financer non seulement l’acquisition de matériel spécialisé comme les « sargators » et les barrages flottants, mais également de couvrir les coûts de fonctionnement et de maintenance réalisés pour la collecte par les communes. Cette approche garantirait que les investissements nécessaires ne compromettent pas les dotations de droit commun destinées aux projets des collectivités territoriales. Elle offrirait également une source de revenus stable et dédiée qui permettrait aux collectivités de répondre plus efficacement aux crises sargasses sans réduire leurs budgets.
Recommandation n° 17 : Sous l’impulsion du ministère de la Santé, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) devrait rapidement examiner la faisabilité des mesures de protection contre les expositions aux gaz nocifs issus des sargasses, en tenant compte des spécificités locales et de la fréquence des émissions. Il est crucial d’élaborer des protocoles clairs et adaptés aux conditions de vie locale, et d’améliorer la communication pour garantir l’acceptabilité et l’efficacité de ces mesures parmi les populations concernées.
Recommandation n° 18 : Intensifier la recherche sur la composition des gaz émanant de la décomposition des sargasses et sur les effets sanitaires de l’exposition chronique aux émanations de sulfure d’hydrogène et autres gaz issus de cette décomposition. Soutenir et étendre des études comme « SARGACARE » pour mieux comprendre et caractériser les impacts neurologiques, respiratoires, et autres effets potentiels sur la santé, en particulier chez les populations vulnérables telles que les femmes enceintes.
Recommandation n° 19 : Renforcer les mesures de protection pour les travailleurs impliqués dans la collecte des sargasses, en demandant aux autorités sanitaires d’adapter les préconisations actuelles concernant les équipements de protection individuelle (EPI) et les pratiques aux conditions réelles sur le terrain. En l’absence de conditions de travail conformes, il convient d’envisager la suspension temporaire des opérations de collecte jusqu’à ce que les mesures de sécurité soient pleinement mises en place et respectées.
Recommandation n° 20 : Établir un cadre juridique et financier pour indemniser les victimes des dommages matériels causés par les sargasses, y compris la corrosion des métaux des appareils électroniques et électroménagers, et la dépréciation des biens immobiliers. Il est recommandé de revisiter les conditions d’application du fonds de prévention des risques naturels majeurs pour inclure spécifiquement les dommages liés aux sargasses, ou d’explorer la possibilité de mandater les compagnies d’assurance pour couvrir ces risques.
Recommandation n° 21 : Améliorer d’urgence les pratiques de stockage des sargasses pour répondre aux défis sanitaires et environnementaux posés, avec des aménagements adéquats pour prévenir la contamination des sols et des eaux souterraines en arsenic. Il convient d’établir sans délai une stratégie de stockage (nombre de sites, localisations au regard de l’impact environnemental) et de créer un encadrement pour installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) adapté aux contraintes locales et aux risques environnementaux identifiés.
Recommandation n° 22 : Instituer un Observatoire antillais de la santé environnementale en Guadeloupe et Martinique pour coordonner la surveillance, la recherche, et la gestion des crises liées au chlordécone et aux sargasses. Cet observatoire servira de plateforme pour rassembler les données, promouvoir des études scientifiques, et élaborer des stratégies préventives en matière de santé environnementale, renforçant ainsi la réponse aux enjeux sanitaires et environnementaux de ces territoires.
([1]) Source : Projet annuel de performances annexe budgétaire outre-mer, PLF 2025.
([2]) En tenant compte des annulations de crédits intervenues en février 2024 sur cette mission (- 78,8 millions d’euros en AE et CP), l’écart avec le PLF 2025 s’établit à 319,6 millions d’euros en AE et 170,6 millions en CP.
([3]) En tenant compte des annulations de crédits intervenues en février 2024 sur ce programme (– 3,9 millions d’euros en AE et CP), l’évolution est de 4 % en AE et de 3,6 % en CP.
([4]) DGOM, réponse au questionnaire budgétaire.
([5]) En tenant compte des annulations de crédits intervenues en février 2024 sur ce programme (– 74,9 millions d’euros en AE et CP), l’évolution est de – 32,8 % en AE et de – 28,3 % en CP.
([6]) Dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, la politique du logement relève de chaque territoire, et n’est rattachée ni à l’action 1 Logement ni au programme Conditions de vie outre-mer. Pour autant, l’État intervient par d’autres canaux (dépenses fiscales en faveur du logement social, dispositif des contrats de développement, comme en Polynésie française, sur la base d’une demande du Pays…).
([7]) Chiffres issus des contributions du ministère en charge de l’outre-mer et de l’Union sociale pour l’habitat (USH).
([8]) Rapport d’information n° 1323 du 5 juin 2023 de M. Christian Baptiste et de Mme Karine Lebon sur l’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarines.
([9]) Amendements II-4148 du Gouvernement et II-4175 déposés par Mme Maud Petit et plusieurs de ses collègues.
([10]) Courrier de la Première ministre du 7 novembre 2023 à la présidente de l’Assemblée nationale.
([11]) Il considère ainsi anormal que le coût associé au crédit d’impôt à raison des investissements productifs réalisés dans les départements d’outre-mer ne soit pas évalué pour 2025.