N° 468

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

PAR M. Charles de COURSON,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 4
 

 

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

 

 

PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Corentin LE FUR

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. L’aide publique au dÉveloppement en 2023 en France et dans le monde

A. L’aide internationale française est en net recul en 2023

1. Mieux comprendre le passage des crédits budgétaires aux chiffres de l’APD totale

a. Le chiffre statistique de la France recouvre des dépenses de nature variées

b. En termes d’ordre de grandeur, la mission Aide publique au développement a représenté 48 % de l’APD totale de la France pour 2023

2. Une diminution de plus d’un milliard d’euros de l’aide internationale française en 2023 par rapport à la prévision

3. Il est urgent de doter l’aide française d’une stratégie politique d’articulation entre ses différents canaux d’acheminement

B. L’aide mondiale poursuit sa hausse

1. L’aide publique au développement des institutions européennes : un budget qui ne connaît pas la crise

2. Les transferts d’argent des migrants vers leur pays d’origine représentent plus de trois fois le montant de l’aide publique mondiale

II. La mission aide publique au dÉveloppement en 2025 : des Économies disproportionnÉes, un pilotage politique inexistant

A. Les programmes 209 SolidaritÉ À l’Égard les pays en dÉveloppement et 110 aide Économique et financiÈre au dÉveloppement

1. Une année 2024 marquée par un important freinage des dépenses

2. Une baisse de 2,1 milliards d’euros, soit près de 40 %, des crédits des deux programmes en 2025 par rapport à la loi de finances initiale pour 2024

a. Le programme 209 concentre 61 % de l’effort demandé à la mission

b. Les crédits du programme 110 en baisse de 35 % après intégration de l’amendement gouvernemental

3. Un manque d’orientations politiques claires pour préserver les fondamentaux de l’aide publique au développement

a. L’aide au développement doit être mise au service de l’influence française et de la préservation de ses intérêts

b. La question migratoire doit faire l’objet d’une attention spécifique

B. Les autres programmes de la mission

1. La stabilité des crédits du programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

2. Le programme 370 Restitution des « biens mal acquis » de nouveau abondé en 2025

3. La création d’une nouveau programme 384 Fonds de solidarité pour le développement

III. Le Compte de concours financier PrÊts À des États Étrangers

A. le programme 851 PrÊts du TrÉsor À des États Étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au dÉveloppement du commerce

B. Le programme 852 PrÊts À des États Étrangers pour consolidation de dettes envers la France

C. Le programme 853 PrÊts À l’Agence française de dÉveloppement en vue de favoriser le dÉveloppement Économique et social dans des États Étrangers

D. programme 854 prÊts À des États membres de l’union europÉenne dont la monnaie est l’euro

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 41 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances, mais ce ratio ne comprend que des réponses relavant du ministère de l’économie et des finances, car aucune des réponses qui relevaient à titre principal du ministère des affaires étrangères n’est parvenue dans les temps. Le rapporteur spécial déplore ce faible taux de retour, et invite les administrations à délivrer malgré tout l’ensemble des réponses dès que possible. Il remercie toutefois les deux directions générales concernées pour leur grande disponibilité dans le cadre de la préparation du présent rapport.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

Les crédits ([1]) de la mission Aide publique au développement (APD) diminuent considérablement en 2025, de 1,344 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 si l’on s’en tient au texte du projet de loi de finances pour 2025, mais de près de 1,985 milliard d’euros si l’on intègre le dépôt par le gouvernement d’un amendement qui minore encore de 641 millions d’euros les crédits de la mission ([2]).

Le rapporteur spécial regrette le manque de constance de cette politique au cours des douze dernières années. Durant le quinquennat du président François Hollande, entre 2012 et 2017, la baisse des crédits budgétaires de 3,1 milliards d’euros de crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2012 à 2,4 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2017, a représenté une diminution de 20,8 % ([3]). Mais durant la période suivante, entre 2017 et 2024, les crédits de cette même mission ont connu une hausse de 120 %, soit une augmentation de 3,1 milliards d’euros.

L’actuel projet de budget efface donc les deux tiers de cette dernière hausse. Le gouvernement ne s’y est pas trompé et communique sur la préservation d’une augmentation de 1,2 milliard d’euros par rapport à 2017 ([4]).

De tels revirements, faits de hausses brutales et de baisses drastiques, nuisent à l’efficacité et au pilotage de l’aide publique au développement et à la cohérence des actions de la France en la matière.

Ils donnent l’impression que l’APD sert de variable d’ajustement budgétaire, sans véritable réflexion sur ses missions et son impact. En 2023, l’aide publique déclarée par la France a atteint 14,2 milliards d’euros, soit 0,5 % du revenu national brut (RNB). Les priorités stratégiques doivent en être redéfinies, et soutenues par un budget mieux préservé des aléas de gestion. L’aide publique au développement est une politique de long terme.

 

 

S’agissant de 2025, le rapporteur spécial regrette d’une part que la mission paye un tribut disproportionné à l’effort global du gouvernement en matière de dépenses, d’autre part que les actions qu’elle finance ne fassent pas l’objet d’une redéfinition politique.

La mission APD ne représente que 1 % des dépenses de l’ensemble des missions budgétaires. Pourtant, le décret du 21 février dernier ([5]) a procédé à l’annulation de 742 millions d’euros sur cette mission, pour un total de 10 milliards d’euros de crédits annulés, soit 7 % de l’effort demandé à l’ensemble des ministères.

De nouveau, l’effort demandé par le projet de loi de finances pour 2025 est de 1,3 milliard d’euros sur un total de 15 milliards d’euros d’économies demandées dans le champ des dépenses de l’État, soit 9 % de ce montant.

Enfin, les baisses que le gouvernement demandera par amendement toucheront la mission Aide publique au développement à hauteur de 641 millions, soit 15 % du total.

Au final, en 2025, la mission pourrait perdre en crédits de paiement 34 % de son budget initial 2024. Aucune autre mission budgétaire ne sera contrainte à un tel effort.

La mission Aide publique au développement devrait pourtant être au cœur de notre diplomatie et de l’influence française. Elle contribue notamment à la stabilité des pays en développement, en aidant à y fixer les ressources humaines les plus dynamiques, et constitue ainsi un outil indispensable de notre politique de gestion des flux migratoires, qu’il convient d’assumer davantage. Sur ce dernier point, le rapporteur spécial a souhaité introduire un nouvel indicateur de performance permettant de lier notre aide publique au développement avec les résultats obtenus en matière de coopération migratoire ([6]).

 

 

 

 

 

 

Dans un contexte d’aggravation considérable du déficit public, le budget de l’APD doit contribuer à l’effort, mais pas dans une proportion si considérable, et pas sans une réorientation des priorités stratégiques de la France et de nos modes d’intervention. Or le gouvernement continue de s’inscrire dans le cadre de la loi de programmation du 4 août 2021 ([7]) et dans celui du comité interministériel de juillet 2023 ([8]), alors que ces outils de pilotage sont manifestement obsolètes. Le rapporteur spécial suggère par ailleurs que ces variations budgétaires entraînent une redéfinition quasi involontaire de la nature du budget, et que le pilotage politique se fait, sournoisement en quelque sorte, par les crédits. En effet, une augmentation importante et rapide des crédits permet de multiplier les annonces politiques sur la scène internationale, ce qui entraîne un abondement des grands fonds multilatéraux et des engagements pluriannuels, tandis qu’une baisse brutale des crédits impose au contraire une régulation de l’aide bilatérale, qui est bien mieux pilotable.

Le rapporteur spécial a déposé un amendement de bon sens pour préserver les fondamentaux de l’APD. Ces fondamentaux recouvrent l’aide bilatérale de façon générale, et dans le détail : l’aide d’urgence, la réponse aux crises, l’aide alimentaire et humanitaire, les services sociaux de base et le soutien aux grands projets de génie civil, qui permettent de déployer l’expertise technique française.

L’amendement du rapporteur spécial prévoit de rétablir les crédits de la mission APD au niveau de la loi de finances initiale pour 2024, minorés des 742 millions d’euros annulés par le décret du 21 février 2024 ([9]).

La préservation de notre capacité d’influence passe avant tout par l’aide bilatérale et les crédits pilotables, qui sont à la main de nos ambassades, de nos administrations et de l’Agence française de développement (AFD). Le rapporteur spécial est favorable en revanche à ce que la France se retire de certains fonds multilatéraux, quitte à prévoir une sorte de clause de retour à meilleure fortune.

Si l’aide publique au développement doit prendre sa part des économies budgétaires, mais la baisse doit être mesurée et prioritairement imputée sur l’aide multilatérale et sur les pays non coopératifs.

 

 

 


   DONNÉES CLÉS

● L’aide publique au développement française est composée à 57 % d’aide bilatérale et à 43 % d’aide multilatérale dont près de la moitié constitue la contribution française à l’aide européenne. En moyenne, en 2023, l’aide des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE est constitué à 75 % d’APD bilatérale.

 L’aide bilatérale française s’élèverait en 2023 à 8,1 milliards d’euros selon l’enquête définitive d’aide publique au développement transmise à l’OCDE. C’est près de 800 millions d’euros de moins qu’en 2022. Environ 45 % de cette aide est destinée à l’Afrique.

● L’aide multilatérale française s’élèverait à 6,1 milliards d’euros pour 2023, en baisse de 200 millions d’euros par rapport à 2022. L’Afrique concentre 35 % de cette aide, contre 48 % en 2022. Les deux premiers pays bénéficiaires de l’aide multilatérale imputée française sont l’Ukraine et l’Inde (donnée pour 2022).

● La part de dons, exprimée en équivalent-don ([10]) dans l’aide française s’est élevée à 79 % en 2021, 81 % en 2022 et 87 % en 2023. L’APD française serait donc au-dessus des cibles de la loi du 4 août 2021 qui prévoyait 70 % de dons en moyenne sur la période 2022 à 2025.

● Les dépenses consacrées à l’action d’urgence humanitaire et de stabilisation en sortie de crise devrait s’établir en 2025 à 500 millions d’euros selon le projet de budget. Ces dépenses avaient crû dans des proportions significatives depuis 2018. Elles ont atteint 500 millions d’euros en 2022 et 2023, soit l’objectif fixé par le CICID. En 2024, les fonds dédiés à l’aide humanitaire ont représenté en loi de finances initiale 895 millions d’euros et devaient atteindre près d’un milliard d’euros en 2025 en application des conclusions du CICID.

● L’aide alimentaire programmée est dotée de 130 millions d’euros pour 2025 contre 150 millions d’euros prévus en 2024.

 

Évolution des crÉdits de la mission aide publique au dÉveloppement

 

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI

2024

LFI post- décret d’annu-lation

PLF

2025

Évolution LFI 2024-PLF 2025

En %

LFI

2024

LFI post- décret d’annu-lation

PLF

2025

Évolution

LFI 2024-

PLF 2025

En %

Programme 110

Aide économique et financière au développement

2 787,1

2 537,1

2 519,2

– 10%

2 297,9

2 097,9

1 720,7

– 25 %

Programme 365

Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

150

145

– 3 %

150

145

– 3%

Programme 209

Solidarité à l’égard des pays en développement

3 179,9

2 687,7

2 131,1

– 33 %

3 265,5

2 723,4

2 410

– 26%

Programme 370

Restitution des « biens mal acquis »

6,1

140,3

2 200 %

6,1

140,3

2 200 %

Sous-Total

6 123,1

5 381

4 935,6

 19 %

5 719,5

4 977,4

4 416

 23 %

Programme 384 (nouveau)

Fonds de solidarité pour le développement

738

738

Total

6 123,1

5 381

5 673,6

 7 %

5 719,5

4 977,4

5 154

 10 %

Source : commission des Finances.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ÉVOLUTION DE LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE
DE LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

(en millions d’euros)

Note : les données de 2018 à 2023 correspondent à l’exécuté. Pour 2024 les montants correspondent à la loi de finances initiale et n’intègrent pas les régulations de dépenses intervenues en cours d’année. Les données 2025 sont retraitées en retirant les 738 millions d’euros du FSD qui n’apparaissaient pas dans le périmètre budgétaire de la mission avant 2025.

Source : commission des finances à partir des rapports annuels de performances pour les années 2018 à 2025 et du projet annuel de performances annexé au PLF pour 2024.

 

aide publique au dÉveloppement notifiÉe au
comitÉ d’aide au dÉveloppement de l’ocde par la france

(en pourcentage du RNB et en milliards d’euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

En pourcentage du RNB

0,43

0,43

0,44

0,53

0,51

0,56

0,50

0,50

En milliards d’euros

10,1

10,3

10,9

12,4

13,1

15,2

14,2

14,8

Note : les données pour l’année 2023 et 2024 ne sont pas définitives à ce stade.

Source : commission des finances à partir du document de politique transversale Politique française en faveur du développement annexé au PLF pour 2025.

 

 


   INTRODUCTION

Avec un montant d’aide publique au développement (APD) déclarée de 14,2 milliards d’euros en 2023 ([11]), en baisse d’un milliard d’euros par rapport à 2022, la France infléchit fortement sa trajectoire budgétaire et l’APD régresse à 0,5 % du RNB. Dans le même temps, la France rétrograde de la quatrième à la onzième place au rang des bailleurs du Comité d’aide au développement (CAD) ([12]). Il convient de rappeler que les paramètres de l’APD ont été adoptés par le CAD en 1969 comme la norme de référence en matière d’aide extérieure. Les statistiques relatives à l’APD sont recueillies annuellement auprès des États membres du CAD, puis traitées et publiées par l’OCDE. Le tableau détaillant la composition de l’APD française figure en annexe de ce rapport.

En 2017, l’APD représentait seulement 0,37 % du RNB français, et s’établissait à 8,1 milliards d’euros. La croissance des moyens consacrés à l’aide publique au développement entre 2017 et 2024 n’est pas une particularité française : l’ensemble des donateurs du CAD déploient des efforts importants en faveur des pays en développement. En 2021, le niveau historique de 186 milliards de dollars d’aide a été atteint, en hausse de 4,5 % par rapport à 2020. En 2022, l’aide au développement délivrée par les donneurs publics a de nouveau atteint un niveau record de 204 milliards de dollars. En 2023, l’aide totale a augmenté à 223,7 milliards de dollars. L’aide publique au développement prend la forme de dons, de prêts comportant un élément de libéralité d’au moins 25 % du total, ou d’assistance technique. L’OCDE tient une liste de pays et territoires en développement, et seule l’aide qui leur est destinée est comptabilisée dans l’APD. Cette liste, qui figure en annexe du présent rapport, compte actuellement plus de 150 pays ou territoires.

La succession des évènements géopolitiques et politiques des dernières années révèle une limite importante de la politique d’APD : sa mise en œuvre ne dépend pas seulement de la volonté politique des dirigeants français et européens ni de la croissance soutenue des moyens budgétaires. Elle dépend également des maîtres d’ouvrage, c’est-à-dire des pays bénéficiaires, qui restent seuls maîtres de leur propre développement. Lorsque les relations politiques se dégradent brutalement et que l’instabilité politique devient la règle (comme récemment au Mali, au Niger et au Burkina-Faso) l’aide publique au développement n’est plus une réponse adaptée.

La mission budgétaire Aide publique au développement porte un peu moins de la moitié des crédits de l’APD française totale. Ses moyens sont prévus à hauteur de 5,67 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, montant en baisse de 7 % par rapport à la LFI pour 2024 du fait du rythme de reconstitution des fonds multilatéraux, et de 5,1 milliards d’euros en CP, montant en baisse de 10,5 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2024. Toutefois, ces évolutions doivent être corrigées en intégrant d’une part la minoration supplémentaire proposée par le gouvernement par voie d’amendement, et, d’autre part, par la neutralisation de la mesure de périmètre liée à la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui majore artificiellement les crédits prévus pour 2025.

Le gouvernement a en effet annoncé le 28 octobre 2024 une minoration supplémentaire des crédits de la mission APD par rapport au montant proposé dans le PLF pour 2025 déposé sur le bureau de l’Assemblée. Cette minoration supplémentaire, qui est proposée par voie d’amendement, s’élève à 641 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. S’il était adopté, cet amendement porterait le total de la mission à 4 513 millions d’euros en CP, en recul de 1 206 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Si on exclut par ailleurs les 738 millions d’euros de la mesure de périmètre liée à la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement, prévue par l’article 33 du projet de loi de finances pour 2025, le niveau des CP proposé pour 2025 s’établirait à 3 775 millions d’euros.

Aussi, il convient de considérer que la diminution réelle des crédits de la mission APD entre la LFI 2 024 et le PLF 2 025 serait de près de 2 milliards d’euros (1 944 millions d’euros, soit – 34 %).

Ces crédits sont portés par deux principaux programmes : le programme 110 Aide économique et financière au développement, géré par la direction générale du Trésor, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, déployé par la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Chacun de ces programmes porte des crédits en faveur de l’aide bilatérale et de l’aide multilatérale, ces deux sous-ensembles comprenant eux-mêmes des prêts et des dons.

La mission comporte deux autres programmes de moindre importance budgétaire : le programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement, qui permet la recapitalisation de l’Agence française de développement (AFD), nécessaire pour lui permettre de faire face à ses obligations prudentielles, et le programme 370 Restitution des « biens mal acquis », doté pour la première fois en 2024, et abondé de nouveau en 2025, qui permet de restituer aux populations lésées le produit des cessions de ces biens.

Jusqu’en 2025, la mission recevait également le produit de deux taxes, affecté au fonds de solidarité pour le développement (FSD) lui-même géré par l’Agence française de développement (AFD), pour un montant plafonné à 738 millions d’euros en 2024 : la taxe sur les transactions financières et la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

Le présent projet de loi supprime l’affectation de ces taxes et remplace le FSD par un nouveau programme 384 Fonds de solidarité pour le développement doté de 738 millions d’euros en AE et en CP.

Le rapport spécial analysera dans une première partie l’évolution générale de l’aide française en 2023 en la mettant en perspective par rapport à l’aide internationale, dans une deuxième partie le niveau des crédits proposés pour 2025 pour la mission Aide publique au développement, et dans une troisième partie seront analysés les crédits proposés pour le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.


I.   L’aide publique au dÉveloppement en 2023 en France et dans le monde

Les chiffres pour 2023 indiquent que l’APD totale française s’établirait à 14,21 milliards d’euros, en diminution de 1,09 milliard d’euros par rapport à 2022, malgré une hausse des crédits de la mission APD en 2023.

L’aide internationale poursuit quant à elle sa croissance, avec un montant de 227 milliards de dollars contre 211 milliards de dollars en 2022.

A.   L’aide internationale française est en net recul en 2023

Le montant d’APD notifiée à l’OCDE à l’été 2024, au titre de 2023, s’élève à 14,2 milliards d’euros, chiffre en deçà (– 1,09 milliard d’euros) des prévisions initiales publiées dans le document de politique transversale relatif à la politique en faveur du développement, annexé au PLF 2024, soit un écart de 11 %.

Cet écart résulte d’une conjonction de facteurs macro-économiques et géopolitiques que l’administration ne peut anticiper. Cela permet par ailleurs de relativiser, dans une certaine mesure, la question de l’évolution des crédits de la mission budgétaire APD d’une année sur l’autre. En effet, en 2023, la mission APD avait pourtant connu une forte hausse de 21 % en AE (+ 600 millions d’euros) et 16 % en CP (+1 420 millions d’euros). C’est pourquoi, il est important de comprendre la relation entre le budget de la mission APD et la statistique d’APD totale de la France.

1.   Mieux comprendre le passage des crédits budgétaires aux chiffres de l’APD totale

L’aide publique au développement de la France pour 2023 s’élève à 14,2 milliards d’euros. Ce chiffre de la déclaration statistique d’APD de la France au Comité d’aide au développement est différent des moyens budgétaires strictement dédiés à l’APD une année donnée.

a.   Le chiffre statistique de la France recouvre des dépenses de nature variées

En effet, le chiffre d’APD de la France correspond à une valorisation de l’ensemble des dépenses publiques de la France (de l’État, des opérateurs, des collectivités territoriales) une année donnée, en faveur des bénéficiaires d’APD (pays en développement, organisation multilatérale de développement) et en application des directives statistiques du Comité d’aide au développement de l’OCDE.

Ce chiffre statistique, qui est l’objet du document de politique transversale Politique française en faveur du développement présente trois grandes caractéristiques.

Tout d’abord, la comptabilisation de l’APD s’opère lors du décaissement vers le bénéficiaire (pays en développement, organisation multilatérale de développement) : il existe donc fréquemment un décalage non seulement entre les autorisations d’engagements et les crédits de paiement pour le budget de l’État mais il peut aussi y avoir un décalage entre les crédits de paiement « utilisés » au titre du budget de l’État et le décaissement effectif sur le terrain pour le bénéficiaire.

Ensuite, les contributions en dons sont généralement comptabilisables intégralement en APD, mais il existe des exceptions : par exemple pour les contributions à des organisations multilatérales qui n’interviennent pas uniquement dans des pays en développement, dans ce cas, un coefficient est appliqué. Surtout, pour les instruments autres que les dons, c’est l’équivalent-don qui est pris en compte. C’est le cas pour les prêts au secteur public, mais également des prêts et instruments en faveur du secteur privé depuis 2023.

Enfin, au-delà des crédits budgétaires stricto sensu « labellisés » aide publique au développement dans le budget de l’État et qui concourent de façon pilotable à la politique de développement et de solidarité française ([13]) , il faut rappeler qu’entrent dans le champ d’analyse et de mise en valeur de l’effort d’APD de la France l’ensemble des programmes budgétaires et même des dépenses hors État (coopération décentralisée, c’est-à-dire APD des collectivités locales) et des dépenses pouvant être attribuées à la France (part du prélèvement sur recettes UE de la France qui correspond à des dépenses développement de l’UE une année donnée), dont une partie peut être valorisée au titre du chiffre statistique de la France (exemples des bourses et écolage du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, des frais d’accueil et de santé des demandeurs d’asile, de la recherche pouvant être valorisée au titre de l’APD, d’une partie de l’action extérieure de l’État hors mission APD — les contributions à l’ONU du ministère des affaires étrangères).

b.   En termes d’ordre de grandeur, la mission Aide publique au développement a représenté 48 % de l’APD totale de la France pour 2023

Le chiffre d’APD définitif pour la France s’élève à 14,2 milliards d’euros pour 2023 au sens du CAD de l’OCDE. Le chiffre de l’exécution budgétaire de la mission APD et du FSD pour l’année 2023 s’élève à 6,3 milliards d’euros (5,58 milliards d’euros pour la mission APD et 738 millions d’euros pour le FSD – en crédits de paiement). Les trois grandes caractéristiques du chiffre d’APD rappelées au point a. expliquent cette différence.

Il faut également comprendre qu’il existe une différence entre les crédits de la mission APD et du FSD et le niveau d’APD qu’ils génèrent.

En effet, une partie des moyens budgétaires de la mission permet de réaliser des interventions sous forme d’instruments financiers à effet de levier, qui sont particulièrement utilisés par la France notamment via l’activité de l’AFD (prêts, garanties, prises de participation du groupe AFD). Ainsi, l’APD générée par les crédits budgétaires APD une année donnée est plus élevée en raison de ces instruments à effet de levier, permis par une partie des crédits budgétaires, et par le bilan de l’AFD. Ainsi l’APD générée en 2023 sur la base des moyens budgétaires de la mission APD est de 6,1 milliards d’euros (contre 5,58 milliards d’euros de crédits de paiement exécutés), ou 6,8 milliards d’euros en incluant le FSD (contre 6,3 milliards d’euros exécutés).

 

Tableau rÉcapitulatif simplifiÉ des moyens budgÉtaires concourant À la dÉclaration statistique d’APD de la France à l’OCDE pour 2023

(en millions d’euros)

Sources : Direction générale du Trésor, réponses aux questions du rapporteur spécial.

 

Le total d’APD générée par la mission APD et le FSD en 2023 est de 6,8 milliards d’euros, ce qui correspond à 48 % de l’APD définitive de la France en 2023.

En conclusion, si le chiffre d’APD de la France pour 2023 est de plus de 14 milliards d’euros, les moyens budgétaires « pilotables », qui correspondent directement à la politique publique d’aide au développement et de solidarité internationale (mission APD et FSD) se sont élevés à 6,3 milliards d’euros en 2023 (en crédits de paiement, qui ont un impact dans l’année sur le solde budgétaire) et ont généré plus de 6,8 milliards d’euros d’APD au sens du CAD de l’OCDE.

Cette APD « générée par les crédits budgétaires dédiés directement au développement » ne représente ainsi qu’un peu moins de la moitié de l’ensemble des dépenses publiques de la France valorisées au titre de la déclaration statistique de la France au CAD de l’OCDE ([14]).

En période de restriction budgétaire, la question, qui dépasse toutefois le cadre de ce rapport spécial, pourrait être de rechercher la meilleure valorisation en APD possible de nos dépenses budgétaires non directement liées à l’aide publique au développement. Le rapporteur spécial avait par exemple pu constater l’an passé que les Britanniques utilisaient toutes les possibilités offertes par les règles de l’OCDE afin de maximiser le montant d’APD valorisé au titre de l’accueil des réfugiés, la France étant moins disante sur ce sujet. De même, la France a décidé en 2022 de ne plus valoriser les frais d’écolage des étudiants chinois en APD, ce qui n’a pas eu d’impact sur la dépense en elle-même mais a contribué à une diminution faciale de l’APD délivrée par la France.

2.   Une diminution de plus d’un milliard d’euros de l’aide internationale française en 2023 par rapport à la prévision

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, les principaux postes expliquant l’écart entre les données d’APD et les prévisions annexées au projet de loi de finances pour 2024 sont les suivants :

– 818 millions d’euros correspondent à de moindres décaissements à partir de la mission budgétaire APD ;

– ont été constatées de moindres contributions à l’APD aussi bien des prêts de l’AFD au secteur public (– 771 millions d’euros) que des instruments du secteur privé (– 292 millions d’euros) soit plus d’un milliard d’euros d’écart à la prévision ;

– également, a été constatée une moindre contribution de l’APD liée à l’accueil et aux frais de santé des réfugiés (– 315 millions d’euros), reflet de la baisse des frais d’accueil des ressortissants ukrainiens ;

– l’APD issue des contrats de désendettement et de développement (C2D) a été inférieure à la prévision (– 153 millions d’euros) ;

– un report de l’APD a été lié au rééchelonnées des créances de la Somalie en raison du report de la signature de l’accord multilatéral idoine à 2024 (49 millions d’euros).

En ce qui concerne plus particulièrement la baisse significative de l’activité du groupe AFD en 2023, plusieurs paramètres peuvent expliquer cette évolution :

– le contexte macroéconomique, avec la forte hausse des taux observée en 2022 qui s’est prolongée en 2023. Cela a eu d’importantes répercussions sur les conditions financières des prêts signés et décaissés en 2023, entraînant la baisse des éléments-dons comptant en APD et rendant la majorité des prêts non bonifiés inéligibles à l’APD ;

– le contexte géopolitique de la zone Sahel : la suspension des activités dans certains territoires a conduit à une sous-exécution de près de 100 millions d’euros pour les dons projets et dons aux organisations non gouvernementales (ONG) ;

– la réforme de la comptabilisation des instruments du secteur privé ([15]) ;

– les difficultés de décaissements : les versements de prêts aux États étrangers de l’AFD sont en recul d’environ 850 millions d’euros par rapport à 2022, dont 550 millions d’euros sur les prêts souverains. Ces difficultés s’expliquent par des retards de calendrier (octrois en fin d’année, causes politiques ou macroéconomiques conduisant à retarder les octrois ou décaissements, par exemple pour le Costa Rica, la Tunisie ou l’Équateur).

Au contraire, d’autres postes avaient été sous-estimés lors de la prévision :

– la mobilisation de l’État en termes de dons de doses de vaccins contre la Covid-19, (65 millions d’euros d’APD supplémentaire) ;

– la part de la contribution de la France au budget de l’Union européenne (UE) qui correspond à de l’APD mise en œuvre par l’UE et qui compte dans le chiffre d’APD de la France, dont le montant définitif, qui a été transmis courant 2024, était supérieur aux prévisions (+ 101 millions d’euros) ;

– l’APD issue des prêts du Trésor avait été sous-estimée, apportant une contribution de 100 millions d’euros de plus que prévu pour cette ligne ;

– l’APD issue des programmes 185 et 105 (mission Action extérieure de l’État), 172 (recherche), ainsi que 150 et 231 (bourses et frais d’écolage) avait été également légèrement sous-évaluée (+ 85 millions d’euros au total).

Au final, avec ce recul en 2023 la France se classe désormais au 11e rang mondial, et ne consacre à l’APD plus que 0,5 % de son revenu national brut. L’ambition de la France de consacrer 0,7 % du RNB à la solidarité internationale, pourtant inscrite dans la loi en 2021 et réaffirmée en 2023, semble bien lointaine.

Le rapporteur spécial regrette ce décalage entre le discours politique et la réalité budgétaire, décalage qui n’a cessé de s’accentuer, en 2024 et plus encore pour 2025.

Pour ce qui est de l’année 2024, il ne s’agit que de prévisions mais selon le document de politique transversale l’APD française totale devrait augmenter en euros courants de 600 millions d’euros, pour s’établir à 14,8 milliards d’euros, et serait stable en proportion du RNB (0,50 %). Selon ce document « malgré une diminution des crédits budgétaires en gestion de la mission APD, cette hausse serait portée par celle prévue de certains postes hors mission budgétaire APD, notamment l’APD liée aux traitements de dette, à la contribution au budget de l’Union européenne ou encore aux instruments en faveur du développement du secteur privé ».

3.   Il est urgent de doter l’aide française d’une stratégie politique d’articulation entre ses différents canaux d’acheminement

L’aide française est mise en œuvre à travers trois canaux : bilatéral, européen et multilatéral. Au sens du CAD, l’aide européenne est rattachée à la catégorie multilatérale. Le rapporteur spécial soutient la détermination d’une politique claire d’articulation entre ces différents canaux. Il souhaite que soit clairement favorisée l’aide bilatérale, dont il constate que la France use moins, en proportion, que les autres membres du CAD. Le rapporteur plaide également pour une revue de nos engagements multilatéraux et pour un suivi très attentif des crédits dédiés à l’aide européenne qui semblent croître dans les mêmes proportions que nos crédits nationaux décroissent. Ce transfert de budget et de responsabilité dilue d’autant plus la visibilité et le pilotage politique de notre APD.

Les conclusions du CICID de juillet 2023 indiquaient pourtant que « le gouvernement élaborera d’ici la fin 2023 une stratégie pluriannuelle définissant l’articulation entre les canaux bilatéral, européen et multilatéral visant à assurer la cohérence des financements, à établir les canaux les plus pertinents aux vues de nos objectifs ». Cette stratégie n’a malheureusement jamais été déterminée.

En 2023, la part de l’aide bilatérale dans l’APD française continue de diminuer légèrement, passant de 59 % de l’APD totale en 2022 à 57 %. Celle-ci diminue en volume également, de 8,9 milliards d’euros à 8,1 milliards d’euros ([16]). Elle se décompose en trois instruments de financement distincts : les dons, les prêts, et les instruments du secteur privé (prises de participations et garanties).

Par définition, l’allocation de l’aide bilatérale relève d’une décision exclusivement française, c’est ce qui fait tout son intérêt.

L’aide multilatérale est quant à elle classiquement présentée comme un élément complémentaire à l’aide bilatérale, qui permettrait à la France de démultiplier l’impact de son aide et d’optimiser son efficacité, de conserver un poids politique et culturel fort à l’échelle de la planète et d’orienter les choix de la communauté internationale dans son ensemble.

Sur le papier, ces grands principes semblent séduisants, mais il semble difficile d’en déterminer la portée concrète.

Deux rapports récents, l’un de la commission des finances du Sénat, l’autre de la Cour des comptes, témoignent de l’importance budgétaire de l’aide multilatérale et de la nécessité d’en rationaliser le contenu.

Le rapport d’information déposé en janvier 2022 par les sénateurs Delahaye et Féraud, au nom de la commission des finances du Sénat, intitulé Les contributions de la France au financement des organisations internationales, a recensé pour la seule année 2021 et hors contributions au budget de l’Union européenne plus de 5,6 milliards d’euros de contributions françaises aux institutions multilatérales.

Dans un rapport publié le 25 septembre 2024, intitulé Le financement des actions multilatérales de la France, la Cour des comptes indique que la dépense en faveur des actions multilatérales a progressé de 46 % en euros courants entre 2017 et 2023, passant de 3,04 milliards d’euros en 2017 à 4,45 milliards d’euros en 2023 ([17]). Leur montant cumulé a atteint 25,1 milliards d’euros sur la période 2017-2023. La Cour indique à juste titre qu’« au terme de cette période d’expansion rapide de la dépense, il convient de privilégier dorénavant une budgétisation par les objectifs, plutôt qu’une budgétisation par les moyens ».

Entre 2017 et 2023, les crédits versés aux institutions internationales ont donc quasiment doublé. L’influence de la France a-t-elle été multipliée par deux ? Cette question volontairement provocatrice démontre que l’objectif « influence de la France » ne peut être appréhendé en tant qu’objectif autonome, mais qu’il doit être adossé à des cibles beaucoup plus concrètes. L’influence étant un outil, parmi d’autres, qui viendra faciliter l’atteinte de ces cibles. Il peut s’agir de cibles économiques, commerciales, géopolitiques, migratoires, qu’il est impératif de définir.

Il devient urgent de mettre en place la stratégie prévue par le CICID, qui s’inscrivait dans la lignée du conseil présidentiel du développement du 5 mai 2023, au cours duquel il a été demandé aux administrations centrales compétentes de définir une stratégie plus efficace pour coordonner les canaux bilatéraux et multilatéraux dans l’allocation des financements de solidarité de la France. Comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport précité, « cette demande opportune reste insatisfaite ». La Cour ajoutait : « l’enjeu est d’autant plus important que l’aide publique au développement accordée par la France repose désormais sur les contributions multilatérales pour les deux cinquièmes de son volume ».

Selon la direction générale du trésor, la stratégie multilatérale française s’articule autour de trois grands objectifs :

– promouvoir un système multilatéral de développement œuvrant en priorité pour les plus vulnérables ;

– œuvrer pour un système multilatéral performant et adapté aux enjeux de l’« Agenda 2030 » ([18]) ;

– promouvoir un système multilatéral cohérent avec la vision française d’un développement durable.

Le rapporteur ne peut que constater l’imprécision de ces objectifs.

Sur le plan strictement budgétaire, l’année 2023 a été marquée par une diminution de l’aide multilatérale de l’ordre de 200 millions d’euros, qui s’explique notamment par l’absence de prêts en faveur d’organisations multilatérales. Celle-ci a cependant été légèrement compensée par la hausse de l’aide multilatérale en don (+47 millions d’euros).

 

B.   L’aide mondiale poursuit sa hausse

En 2023, l’aide publique au développement des pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE s’est élevée à 223,7 milliards de dollars. Pour la deuxième année consécutive, ce volume représente 0,37 % du revenu national brut collectif de ces pays.

L’APD des pays membres du CAD a donc atteint un nouveau record pour la cinquième année consécutive en 2023, augmentant de 1,8 % (en termes réels) par rapport à 2022.

Cinq pays ont dépassé l’objectif fixé par les Nations unies de consacrer 0,7 % de leur RNB à l’APD : la Norvège, la Suède, le Luxembourg, l’Allemagne et le Danemark.

En termes de montants versés, les États-Unis restent de très loin les premiers bailleurs mondiaux, avec 66 milliards de dollars d’aide publique, suivis par l’Allemagne avec 36,7 milliards de dollars.

L’Allemagne présente donc un niveau d’APD supérieur à l’ensemble des institutions de l’Union européenne, qui ont fourni 26,9 milliards de dollars d’APD en 2023.

L’APD des membres du CAD en faveur de l’Ukraine a atteint 40,5 milliards de dollars en 2023, les institutions de l’UE représentant à elles seules la moitié de ce montant. Selon l’OCDE, dans l’histoire de l’APD, ce volume est le plus important jamais accordé à un seul pays en une seule année.

Il est intéressant d’analyser deux aspects en matière d’aide globale : la question de l’aide publique européenne d’une part, et la question des transferts de fonds privés d’autre part.

1.   L’aide publique au développement des institutions européennes : un budget qui ne connaît pas la crise

Du point de vue de la France, l’aide européenne est rattachée à la catégorie multilatérale. Sur les 6,1 milliards d’euros d’aide multilatérale de la France en 2023, les transferts vers l’Union européenne en représentent 47 %. Mais l’aide européenne est ensuite une aide bilatérale à 98 %.

Jusqu’en 2021, la coopération européenne était mise en œuvre à travers le 11e Fonds européen de développement (FED) sur la période 2014-2020.

Dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l’Union européenne, le FED a fusionné avec l’instrument européen pour le voisinage (IEV) pour former le NDICI (acronyme anglais pour instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale). Le NDICI est désormais financé dans le cadre du budget général.

S’inscrivant dans l’actuel cadre financier pluriannuel 2021-2027, le NDICI est doté de 79,5 milliards d’euros sur cette période. Cet instrument est le principal outil de financement conçu pour mettre en œuvre la coopération de l’UE avec ses pays partenaires (action qui correspond à la « rubrique 6 » du budget de l’Union européenne), mais il n’est pas le seul, comme le détail le tableau suivant.

Budget consacrÉ à l’action extÉrieure de l’UE sur la pÉriode 2021-2027

Source : Commission européenne.

Il convient de mentionner également la création en 2021 de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Ce fonds était initialement doté d’un plafond financier de 5,7 milliards d’euros pour la période budgétaire 2021-2027 mais ce dernier a progressivement été relevé pour atteindre aujourd’hui 17 milliards d’euros. Le fonds est déployé essentiellement pour permettre l’envoi de soutiens à l’Ukraine, notamment de l’armement.

Par ailleurs, en contradiction avec l’objectif de rationalisation promu par le NDICI, une deuxième facilité a été créée en 2024 en marge du NDICI : la facilité pour les réformes et la croissance en faveur des Balkans occidentaux. Il s’agit, selon le site internet de la Commission, d’un nouvel instrument de soutien aux réformes liées à l’UE et à la croissance économique dans la région. Cette facilité est le pilier financier du plan de croissance pour les Balkans occidentaux. Elle couvrira la période 2024-2027 et « devrait fournir jusqu’à 2 milliards d’euros sous forme de subventions et 4 milliards d’euros sous forme de prêts aux six partenaires de l’UE dans les Balkans occidentaux ».

La création de cet instrument explique en partie la hausse demandée au titre de 2024 (cf. tableau infra). Le rapporteur spécial est opposé à ce mode de fonctionnement et de financement de l’APD européenne.

La réforme de 2021 est une réforme majeure dans le sens où la contribution française à l’APD européenne est désormais une ressource propre de l’Union, directement indexée sur la contribution française au budget de l’UE. Étant donné que l’évolution de cette ressource dépend de mécanismes généraux indépendants de la politique d’APD, il est indéniable que la France a perdu avec la disparition du FED un outil de pilotage politique et financier de sa contribution à l’APD européenne ([19]).

Le rapporteur spécial note que cette contribution française à l’APD financée par le budget de l’Union européenne est en augmentation constante.

Évolution de la contribution française à l’APD financÉe par le budget de l’Union europÉenne entre 2019 et 2024

(en millions d’euros)

2019

2020

2021

2022

2023

Prévision 2024

1 451

1 658

1 948

2 486

2 495

3 111

Source : Commission des finances à partir du document de politique transversale politique française en faveur du développement pour 2025, p. 21.

Enfin, il convient de distinguer les chiffrages présentés supra avec le chiffre de « l’APD collective de l’UE » qui est fréquemment citée, et doit donc être très brièvement précisé ici. L’APD collective représente la somme de l’APD des institutions de l’Union européenne et de l’APD de l’ensemble des États membres ([20]). En 2023, l’APD collective de l’Union européenne atteignait 95,9 milliards d’euros, contre 93,3 milliards d’euros en 2022 et 71,6 milliards d’euros en 2021. Selon ce décompte, l’UE et ses États membres peuvent mettre en avant le fait qu’ils sont collectivement le principal fournisseur d’APD dans le monde, leur contribution représentant 42 % de l’APD mondiale en 2022 et 2023.

2.   Les transferts d’argent des migrants vers leur pays d’origine représentent plus de trois fois le montant de l’aide publique mondiale

Cette année encore, les transferts d’argent effectués par les migrants vers leur pays d’origine surpassent les montants de l’aide publique au développement et ceux des investissements directs étrangers.

En 2023, les transferts vers les pays à revenu faible et intermédiaire atteignent un montant record de 669 milliards de dollars, une progression de 3,8 % par rapport à 2022. En 2024, la banque mondiale prévoit de nouveau une progression de 3,1 %, ce qui porterait les envois d’argent à 690 milliards de dollars.

Évolution des transferts de fonds des migrants dans le monde

(en milliards de dollars)

Sources : données de la Banque mondiale, reprises par un article paru dans Les Échos le 19 décembre 2023 intitulé « Les transferts d’argent des migrants atteignent des niveaux records ».

C’est en 2004 que les transferts de fonds ont véritablement dépassé le volume de l’aide publique au développement dans plusieurs pays d’émigration.

Les transferts de fonds sont parfois très significatifs pour les pays comme en témoigne le graphique ci-dessous. Ils représentent 23 % des financements externes des pays les moins avancés, et plus de la moitié de ces financements pour les autres pays éligibles à l’APD.

L’APD et les autres financements externes des Économies en dÉveloppement

Source : document de politique transversale 2025, p. 14.

Même s’ils représentent donc bien souvent la plus grande source de financement extérieur des pays éligibles à l’APD, ces transferts d’argent ne sont bien sûr pas considérés comme de l’aide publique au développement.

Pourtant, en poussant plus loin l’analyse, il est incontestable que la dépense publique réalisée par un pays donneur pour assurer le financement de son propre développement (infrastructures économiques, de télécommunication, de transport, service public de santé, préservation de la sécurité et de la paix publiques, aides directes ou indirectes aux entreprises, gratuité de l’enseignement, etc.), tout comme les aides financières directement apportées aux résidents quelle que soit leur nationalité (revenus de solidarité, bourses d’étude, allocations familiales, pensions de vieillesse, allocations logement, prise en charge du handicap, etc.) contribuent indirectement, via la vitalité du marché du travail, mais aussi parfois plus directement via les transferts de solidarité, à la « solvabilisation » des migrants et donc à leur capacité à transférer ces fonds vers les populations de leur pays d’origine.

Peu de données précises existent sur ce sujet qui est souvent considéré comme étant du ressort exclusivement privé.

En 2005, l’OCDE, avec le soutien de l’Agence française de développement, en collaboration avec la Banque centrale populaire du Maroc, avait organisé à Marrakech une conférence internationale sur le thème « Les migrations, les transferts de fonds et le développement économique des pays d’origine ».

Le rapport publié à l’issue de cette conférence indiquait que « la problématique migration-développement n’est pas nouvelle, mais elle n’a pas encore trouvé la place qu’elle mérite dans la réflexion mondiale ».

Il n’est pas contestable que ces flux financiers, qui revêtent un caractère structurel, pourraient permettre de réduire la pauvreté, constituer un apport en devises décisif pour le développement économique ou bien accompagner des flux croissants d’investissements directs étrangers, sources de développement et de création d’emplois.

Le rapport préconisait d’ailleurs la mise en place des politiques appropriées qui simplifieraient davantage les circuits, réduiraient les coûts des transactions ([21]) et orienteraient ces fonds vers des projets et activités alliant rentabilité et sécurité.

Le rapporteur spécial souhaiterait qu’une attention soit portée à ce sujet dans le cadre de la redéfinition de notre stratégie politique en matière d’aide publique au développement.

Une solution pourrait être d’appréhender ces transferts au travers de la nouvelle mesure de soutien public total au développement durable — TOSSD ([22]). Le concept de TOSSD offre en effet un nouveau moyen de mesurer les apports publics, et les apports privés mobilisés grâce à l’intervention du secteur public, qui concourent au développement durable.

Le CICID de 2023 comportait d’ailleurs un objectif à ce sujet, et le rapporteur spécial ne peut qu’inviter le gouvernement à se saisir de ses propres orientations ([23]).


II.   La mission aide publique au dÉveloppement en 2025 : des Économies disproportionnÉes, un pilotage politique inexistant

L’exécution 2024 est marquée par un effort très important demandé à la mission Aide publique au développement. Le projet de budget pour 2025 confirme et amplifie encore ces efforts.

A.   Les programmes 209 SolidaritÉ À l’Égard les pays en dÉveloppement et 110 aide Économique et financiÈre au dÉveloppement

Les programmes 209 et 110 sont au cœur de la mission Aide publique au développement.

Le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement dépend du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Il concentre les moyens d’interventions en dons, qu’il s’agisse du don-projet de l’AFD, de l’aide-projet du MEAE par le biais des crédits du fonds de solidarité pour les projets innovations (FSPI), ou des crédits d’action humanitaire (le fonds d’urgence humanitaire, l’aide alimentaire programmée). Sont également compris dans ce programme les dépenses liées au volontariat, le soutien aux organisations de la société civile, les contributions volontaires aux institutions multilatérales ainsi que la participation française à la coopération européenne.

Le programme 110 Aide économique et financière au développement est mis en œuvre par la direction générale du Trésor du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce programme porte les contributions financières à l’aide publique au développement, qui transitent par trois axes principaux :

– les contributions aux institutions multilatérales de développement, qui représentent le poste de dépenses le plus important du programme ;

– une aide bilatérale via des crédits de bonification visant à abaisser le coût des prêts réalisés par l’AFD pour les pays emprunteurs, ainsi que, dans une moindre mesure, par des aides budgétaires globales visant à apporter un soutien budgétaire pour la stabilisation macroéconomique ou les stratégies de développement ;

– le financement des compensations aux annulations de dette bilatérales et multilatérales.

Ces programmes subissent tous deux, quoique de façon plus marquée pour le programme 209, les baisses de crédits intervenues en 2024 et prévues pour 2025. Le programme 110 présente une structuration de la dépense très contrainte. Cette rigidité est principalement liée aux engagements pluriannuels relatifs aux reconstitutions des fonds multilatéraux. C’est très probablement la raison pour laquelle le programme 110 est moins touché par les baisses de crédits que le programme 209. Les deux tableaux ci-dessous (point 2. a. et b.) récapitulent les mouvements de crédits prévus entre 2024 et 2025, et indiquent les annulations ou gels de crédits intervenus en 2024, hors dispositions du projet de loi de fin de gestion qui sont en cours d’analyse par le rapporteur général ([24]).

1.   Une année 2024 marquée par un important freinage des dépenses

L’année 2024 a été marquée par :

– le décret du 21 février 2024 qui a procédé à l’annulation de 10 milliards d’euros sur le périmètre des dépenses de l’État, dont 742 millions d’euros pour la seule mission APD ainsi répartis : 250 millions d’euros en AE et 200 millions en CP sur le programme 110, et 492 millions d’euros en AE et 542 millions d’euros CP sur le programme 209. Le programme 209 a donc porté l’essentiel de ces économies ;

– des surgels supplémentaires à hauteur de 93,7 millions d’euros en AE et 117 millions d’euros en CP pour le programme 209 et de 50 millions d’euros en AE et CP sur le programme 110. Une fois encore, le programme 209 a porté l’essentiel des économies.

Selon la direction générale du Trésor, dans un souci d’optimisation de l’impact des mesures de régulation budgétaire sur le programme 110, « le choix des lignes sur lesquelles a porté cette régulation a été réalisé en préservant les engagements de la France juridiquement signés et déjà en vigueur, ainsi que les engagements ayant fait l’objet d’une annonce politique à haut niveau. Par conséquent, les contributions discrétionnaires ont été réduites ».

En ce qui concerne le programme 209, la direction générale de la mondialisation indique de façon similaire que « la ventilation des annulations a été réalisée de manière à préserver prioritairement nos capacités de réponse aux crises et à honorer les engagements politiques contraignants ». En matière d’aide bilatérale, le don-projet de l’AFD a été particulièrement impacté, tout comme la provision pour crises majeures et l’aide humanitaire de manière générale, qui est passée de 895 millions d’euros à 645 millions d’euros.

Même si les contributions multilatérales ont été également mises à contribution ([25]) , le rapporteur spécial constate que lorsque d’importantes diminutions sont demandées aux administrations sans directive politique, c’est l’aide pilotable qui est réduite en priorité. Or il s’agit pour la France d’une aide à fort impact politique. La réduction de budget proposée pour 2025 risque d’aggraver cette tendance.

2.   Une baisse de 2,1 milliards d’euros, soit près de 40 %, des crédits des deux programmes en 2025 par rapport à la loi de finances initiale pour 2024

a.   Le programme 209 concentre 61 % de l’effort demandé à la mission

Le programme 209 est, comme toujours, le programme sur lequel porte l’essentiel des économies demandées. Il est en effet celui qui regroupe la majeure partie des dépenses discrétionnaires, avec le don-projet AFD, les fonds équipe France (FEF) et l’aide humanitaire et d’urgence. Sur le périmètre de ces deux programmes « cœur de métier » de l’APD, sur les 2 113 millions d’euros de réduction de crédits entre la LFI 2024 et le PLF 2025 amendé, le programme 209 en supporterait 1 288 millions d’euros, soit 61 % de la diminution.

Évolution des crÉdits du programme 209 solidaritÉ à l’Égard des pays en dÉveloppement

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI

2024

Montants annulés et/ou gelés en 2024

PLF

2025

Évolution

LFI

2024

Montants annulés et/ou gelés en 2024

PLF 2025

Évolution

01 Coopération bilatérale

2 191,3

 284,1

1 546

– 30 %

2 184,4

 293,7

1 694,9

– 22 %

02 Coopération multilatérale

703,6

 303,2

441

– 37 %

796

 246,6

571

– 28%

03 Coopération communautaire

285

 19,7

144,1

– 50 %

285

 19,7

144,1

– 50 %

Total programme

3 179,9

 607

2 131,1

 33 %

3 265,5

 657

2 410

 26 %

PLF amendé ([26])

 

433,1

1 698

– 46,6%

 

433

1 977

– 39,5 %

Source : commission des Finances à partir du projet annuel de performances et des réponses au questionnaire d’audition du rapporteur spécial.

La majorité des dépenses du programme permet le financement de l’aide bilatérale, tandis que l’aide multilatérale constitue le deuxième poste de dépenses.

Quant aux crédits de l’action n° 03 Coopération communautaire, leur commentaire ne présente plus d’intérêt dans la mesure où, comme indiqué supra, les financements portés par la mission Aide publique au développement sont amenés à progressivement diminuer puis disparaître en 2026/2027. En 2025, la part du programme 209 finançant la coopération européenne, via le Fonds européen de développement (FED), s’établit à 144 millions d’euros, en baisse de 50 % par rapport à 2024. Cette contribution continuera de diminuer jusqu’à extinction du onzième FED, auquel est d’ores et déjà substitué le NDICI.

  1.   Une diminution portant sur l’ensemble des actions du programme

Le CICID de 2018 prévoyait de renforcer la part bilatérale et la part en dons de l’aide française. Depuis le CICID de 2023, la référence au renforcement de notre aide bilatérale a disparu, ce que le rapporteur regrette. Est en revanche instituée une cible de concentration de l’effort en faveur des pays les plus pauvres.

Relevé de conclusions du CICID de 2018 – Extrait

La composante bilatérale de notre aide au développement retrouvera une part plus importante, pour cibler plus efficacement nos pays prioritaires, et son articulation avec la composante multilatérale sera renforcée.

Les deux-tiers de la hausse moyenne cumulée des autorisations d’engagement de la mission budgétaire APD d’ici à 2022 contribueront à la composante bilatérale de l’APD ([27]).

La politique de développement articulera avec plus d’efficience ses activités bilatérale et multilatérale, en concentrant les moyens bilatéraux en priorité dans les secteurs où la France dispose d’un avantage comparatif clair, notamment en termes d’expertise, de savoir-faire ou de stratégie.

La composante don de notre aide au développement sera renforcée. En vue d’engager résolument la hausse de notre aide bilatérale et des dons projets vers les pays prioritaires, l’AFD bénéficiera de moyens accrus, y compris au moins un milliard d’autorisations d’engagements dès 2019, dans le cadre d’un effort qui sera soutenu sur l’ensemble du quinquennat. Afin d’accompagner la hausse de l’aide française, des moyens supplémentaires seront consacrés par l’AFD au renforcement des capacités et à l’aide à la préparation des projets.

Relevé de conclusions du CICID de 2023 – Extrait

Concernant l’aide bilatérale, le gouvernement s’assurera d’un effort financier de l’État d’au moins 50 % pour les PMA dès 2024, sur la base d’une prévision de recours approprié aux différents instruments (prêts, dons…). S’agissant de l’aide multilatérale, la France défendra également dans les enceintes concernées un effort financier bénéficiant aux PMA d’au moins 50 %.

 

Pour 2025, les dépenses de coopération bilatérale du programme 209 subissent une réduction massive de 645 millions d’euros en AE (– 30 %) et de 534,5 millions d’euros en CP (– 22%) selon le texte initial.

Les dépenses de l’action n° 02 coopération bilatérale sont également en baisse dans un ordre de grandeur équivalent (– 22 % en CP).

Toutefois, le dépôt d’un amendement du gouvernement prévoyant une réduction supplémentaire de 433 millions d’euros en AE et CP sur le programme 209 rend obsolètes les données du projet annuel de performances. En effet, à ce stade, la direction générale de la mondialisation n’est pas en mesure de fournir au rapporteur spécial une ventilation précise de ces économies supplémentaires ; ces dernières n’ayant pas encore été votées, elles n’ont pas fait l’objet d’un arbitrage ministériel.

Le rapporteur spécial souhaite malgré tout évoquer l’impact que ces baisses ont pour deux principaux dispositifs du programme, en s’en tenant au texte du projet de loi de finances tel que déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

  1.   Les conséquences d’une réduction massive et brutale des crédits sur les principaux dispositifs bilatéraux du programme 209

Les dispositifs étudiés seront d’une part l’aide-projet, et d’autre part les crédits d’aide humanitaire et d’urgence.

L’aide-projet comprend deux outils différents :

– l’aide-projet gérée par l’AFD, qui comprend essentiellement le don-projet et le don ONG, avait bénéficié depuis 2019 d’une croissance exponentielle de ses crédits, puis du maintien d’un niveau d’engagement proche d’un milliard d’euros, traduisant l’objectif de renforcer l’aide bilatérale et en don.

Selon le projet annuel de performances 2025, les engagements sur le don-projet AFD seront en baisse à 650 millions d’euros contre 848 millions d’euros en 2024. Quant au don-ONG, il s’établirait en AE à 110 millions d’euros contre 190 millions d’euros en 2024.

Il convient de rappeler que le CICID de 2023 qui a prévu l’élaboration d’ici la fin 2023 d’« une stratégie pluriannuelle définissant l’articulation entre les canaux bilatéraux, européen et multilatéral » avait également prévu d’assortir cette doctrine d’une « liste d’organisations internationale prioritaires ». Il est indispensable que le gouvernement mène ce travail à bien, surtout dans un contexte de réduction des dépenses.

– l’aide projet gérée par le MEAE, qui a augmenté de près de 100 millions d’euros en AE en 2024, pour s’établir à 187 millions d’euros. Pour 2025, cette ligne perdrait près de 50 millions d’euros. L’aide-projet du MEAE prend essentiellement la forme des fonds de solidarité pour les projets innovants FSPI et FSPI « rapide » (FSPI R), respectivement créés en 2016 et 2023, ainsi que le fonds d’appui à l’entreprenariat culturel (FEAC), créé en 2024.

Ces fonds sont désormais regroupés sous la bannière « Fonds équipe France » ([28]). Ils permettent de financer des projets, jusqu’à un plafond d’un million d’euros sur deux ans pour le FSPI, et de 100 000 euros pour le FSPI-R. Cet outil permet aux ambassades de mener des actions innovantes, à impact rapide, au bénéfice de populations locales ciblées. Selon les documents budgétaires, le Fonds Équipe France est appelé à devenir l’outil principal à disposition des postes et de l’administration centrale pour la mise en œuvre de projets de coopération La coupe budgétaire qu’ils subissent est particulièrement regrettable.

Le rapporteur spécial souligne en effet le grand intérêt de ce dispositif qui laisse le soin aux ambassades d’identifier localement les sujets prioritaires, de repérer des partenaires efficaces et fiables et de répondre rapidement à une problématique.

L’intérêt spécifique de ces projets est leur capacité à préfigurer concrètement des actions de plus grande ampleur. En effet, les plus efficaces de ces projets pilotes sont, à l’issue des deux ans, transformés en projets de beaucoup plus grande taille, financés par l’AFD et parfois par des fonds de l’Union européenne.

Les crédits en faveur de l’aide humanitaire sont en baisse en 2025, à 500 millions d’euros, au lieu de 895 millions d’euros en 2024. Pourtant le CICID de juillet 2023 a réaffirmé son caractère prioritaire, avec une cible affichée d’un milliard d’euros en 2025. Nous en sommes loin.

Ce montant est éclaté en plusieurs dispositifs et comprend :

– la provision pour crises majeures, créée en 2022 et dont la reconduction avait été obtenue à hauteur de 270 millions d’euros en 2024. Pour 2025, elle n’est tout simplement pas reconduite ;

– l’aide alimentaire programmée (AAP), qui perd 20 millions d’euros et s’établirait en 2025 à 130 millions d’euros ;

– l’initiative Food and Agriculture Resilience Mission (FARM), que le Président de la République a portée au Conseil européen et lancée le 24 mars 2022 lors du sommet extraordinaire de l’OTAN, qui n’est pas reconduite en 2025 (75 millions d’euros en 2024) ;

– les contributions volontaires aux Nations unies (CVNU) sur le volet humanitaire, pour un montant de 150 millions d’euros soit 50 millions d’euros de moins que l’année passée ;

– le fonds d’urgence humanitaire et de stabilisation, doté de 220 millions d’euros, cette ligne étant en hausse, cette fois-ci, de 20 millions d’euros.

La provision pour crises majeures avait été renforcée au cours des dernières années (+90 % entre 2022 et 2024) pour son efficacité reconnue dans la gestion de crises, comme en témoigne sa mobilisation pour l’Ukraine, le Soudan et Gaza. L’annulation de la provision pour crises explique d’ailleurs l’essentiel de la baisse relative à l’humanitaire.

 

Au 1er septembre 2023([29]), cette provision avait permis de répondre à des engagements à hauteur de 148 millions d’euros, avec comme principaux engagements :

– l’aide humanitaire à l’Ukraine (72 millions d’euros) ;

 les tremblements de terre survenus en Turquie et en Syrie (72 millions d’euros) ;

– l’assistance aux incendies survenus au Chili (1 million d’euros) ;

– l’aide humanitaire en RDC (20 millions d’euros) ;

– la crise au Soudan (12 millions d’euros) ;

– le soutien à la population haïtienne après la détérioration de la situation sécuritaire dans le pays (1 million d’euros).

Cet arbitrage sur la provision pour crises permet toutefois de limiter l’impact sur les autres canaux humanitaires et de préserver le cœur de l’action humanitaire du ministère.

b.   Les crédits du programme 110 en baisse de 35 % après intégration de l’amendement gouvernemental

Le programme 110 participe également à l’effort de réduction des dépenses à hauteur de 825 millions d’euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, étant inclus l’amendement gouvernemental abaissant de 208 millions d’euros les crédits du programme par rapport au texte initial du PLF.

Évolution des crÉdits du programme 110 aide Économique et financiÈre au dÉveloppement

(en millions d’euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI

2024

Montants annulés et/ou gelés en 2024

PLF

2025

Évolution

LFI

2024

Montants annulés et/ou gelés en 2024

PLF

2025

Évolution

01 Aide économique et financière multilatérale

611,8

169,9

1 378,4

+125 %

1 490,3

175

1 031,4

– 30 %

02 Aide économique et financière bilatérale

2 175,3

130,1

1 140,9

– 48 %

734

75

636,5

– 13 %

03 Traitement de la dette des pays pauvres

113,5

 

52,7

– 54 %

Total programme

2 787,1

300

2 519,2

 10 %

2 337,9

250

1 720,7

 26 %

PLF amendé ([30])

208

2 311,2

 17 %

208

1 512,7

 35 %

Source : commission des Finances à partir du projet annuel de performances et des réponses au questionnaire d’audition du rapporteur spécial.

Afin de respecter ces plafonds de dépenses en forte baisse, le ministère de l’économie et des finances a procédé à une revue complète de la totalité de ses financements.

La direction générale du Trésor a proposé pour 2025 de recentrer les actions sur les contributions majeures à impact significatif, d’étaler le calendrier de paiement de certaines contributions lorsque cela est possible, et de renoncer à contribuer à certains dispositifs, notamment les fonds climat et biodiversité.

  1.   Le volet multilatéral

Sur le volet multilatéral, les principales contributions qui constituent le cœur de l’action multilatérale suivie et mise en œuvre par les crédits du programme 110 sont :

 les contributions au titre de l’Association internationale de développement (AID - guichet concessionnel de la Banque mondiale) ;

 le Fonds africain de développement (FAD - guichet de financement concessionnel de la Banque africaine de développement) ;

 le Fonds international de développement agricole (FIDA) ;

 le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), et le Fonds vert pour le climat.

Ainsi, le PLF 2025, afin de soutenir l’action des institutions multilatérales dans lesquelles la France siège et qui lui permettent de démultiplier son influence, opère une priorisation des contributions majeures pour les objets multilatéraux les plus importants suivants :

 la contribution à l’AID, dont la 21e reconstitution en 2025 constitue le principal engagement du volet multilatéral du programme à 1,25 milliard d’euros en AE ;

 la contribution au FAD avec 183 millions d’euros en CP et qui correspond au paiement d’un engagement pris antérieurement ;

 la contribution française à la prise en charge des intérêts de l’aide macro-financière accordée par l’Union européenne à l’Ukraine dans le contexte de guerre actuel, soit 100,3 millions d’euros en AE et CP.

La contribution au Fonds vert pour le climat au titre de 2025 a été décalée et sera versée sur l’exercice 2026, ce qui a donné lieu à la discussion de nombreux amendement à l’occasion de l’examen de la mission en commission des Finances le 31 octobre dernier.

De même, les autorisations d’engagement envisagées pour réaliser un prêt pour le Fonds vert pour le climat sont reportées.

  1.   Le volet bilatéral

Sur le volet bilatéral, le soutien à l’activité de prêts aux États étrangers de l’AFD par des crédits de bonification a été fortement revu à la baisse : il s’élèvera à 962,3 millions d’euros en AE et 286,5 millions d’euros en CP, contre 1 700 millions d’euros en AE et 382,3 millions d’euros en CP en 2024.

Par ailleurs, les montants alloués pour les aides budgétaires globales ont également fait l’objet d’une diminution par rapport à la loi de finances pour 2024 et sont dorénavant prévus à 50 millions d’euros en AE et 35 millions d’euros en CP ([31]).

S’agissant des crédits au titre du traitement de la dette des pays pauvres, la France assurera en totalité l’engagement pris au titre de la compensation au FAD des annulations de dettes décidées dans le cadre multilatéral, et en partie — grâce à un décalage du calendrier de paiement  celui pris au titre de la compensation à l’AID.

En 2025, le programme 110 ne contribuera pas au fonds d’adaptation ni au Global Shield against climate risks (arrêt de contribution), et les contributions aux nouveaux fonds fiduciaires multilatéraux sont très substantiellement réduites.

Au total, en dehors de la très forte contribution à l’AID, les contributions multilatérales baissent de 553 millions d’euros en AE par rapport à la LFI 2024 ([32]).

3.   Un manque d’orientations politiques claires pour préserver les fondamentaux de l’aide publique au développement

Dans un contexte de baisse brutale des moyens consacrés à l’aide publique au développement en 2024 et en 2025, la poursuite d’une politique ambitieuse reste cruciale. Au-delà de l’optimisation des ressources, il convient de redéfinir plus clairement la position politique de la France pour les années à venir.

a.   L’aide au développement doit être mise au service de l’influence française et de la préservation de ses intérêts

En matière thématique, le rapporteur spécial souhaite que l’APD soit recentrée sur les priorités suivantes :

– la lutte contre la faim et l’extrême pauvreté ;

– la mise en place de provisions suffisantes en cas de conflits armés ou de catastrophe naturelle ;

– le soutien au développement durable et à la préservation de la biodiversité ;

– la lutte contre les migrations irrégulières.

La France doit par ailleurs davantage assumer une limitation des dépenses effectuées au profit de pays hostiles, ou non coopératifs.

Ces objectifs permettront de lutter plus efficacement contre les migrations qui appauvrissent les pays de départ et menacent la paix civile dans les pays d’arrivée ou de transit (cf. b.).

Une fois ces priorités définies, il convient d’élaborer une stratégie permettant à la France de peser efficacement dans les discussions avec les pays partenaires (donateurs ou bénéficiaires), tant au niveau local qu’au plan international.

Pour cela, il convient de réinterroger certains canaux de notre dépense, à commencer par le canal européen que la France finance de plus en plus sans réellement peser dans les choix qui sont faits.

Certaines thématiques transversales, comme l’égalité homme-femme, créent nécessairement des biais dans le choix des projets. Les nombreux indicateurs sur ces sujets déforment les critères de choix des opérateurs qui sont incités à maximiser la visibilité de cette thématique pour remplir leurs objectifs.

De même, le sport, l’inclusion numérique, voire la culture, sont des enjeux importants qui ne devraient pas relever à titre principal de l’aide publique au développement.

Les besoins fondamentaux épuisent à eux seuls les moyens que la France est en capacité de déployer. La multiplication des crises internationales, qui se succèdent de façon inédite depuis la Seconde guerre mondiale (Covid, Sahel, Ukraine, Gaza, Liban, Soudan, Haut Karabagh, Syrie, ...) ont en effet créé des besoins considérables : plus de 300 millions de personnes nécessitant une assistance humanitaire, près de la moitié des États pauvres sont menacés d’insoutenabilité de leur dette, sans compter les risques pandémiques, les conséquences du réchauffement climatique, ou la régression des droits humains et des normes démocratiques.

L’année 2025 est au cœur d’enjeux multilatéraux pour le développement (conférence des Nations unies sur l’océan à Nice, conférence des Nations unies sur le financement du développement en Espagne, COP30 climat à Belém). Alors que nous avions commencé à rétablir un niveau d’engagement similaire à celui de nos partenaires, comme l’Allemagne, la baisse drastique des moyens ne donnera plus à la France aucune capacité d’action. Il convient donc de redéfinir nos priorités, notamment dans la perspective de la présidence française du G7 en 2026.

Le rapporteur spécial appelle de ses vœux la réunion d’un nouveau comité interministériel dédié au développement et à l’aide internationale.

Parmi les thématiques prioritaires, celle qui concerne l’enjeu migratoire mérite un développement particulier.

 

b.   La question migratoire doit faire l’objet d’une attention spécifique

En France, la question migratoire est bien souvent traitée sous l’angle de la sécurité et des problématiques purement intérieures (marché du travail, laïcité, éducation, intégration, accès aux soins…).

Pourtant, il convient de rappeler qu’il s’agit d’une problématique qui concerne au premier chef les relations internationales de la France. L’immigration constitue pour la France un enjeu de souveraineté et de respect des frontières, et pour ce qui est des pays d’origine il s’agit d’une question cruciale pour leur développement.

Le rapporteur spécial se félicite que la question des migrations soit de plus en plus intégrée à nos discours et à notre action internationale.

La thématique « migrations et développement » fait l’objet d’un regain d’intérêt.

Certes, les gouvernements des pays d’origine placent aujourd’hui beaucoup d’espoirs dans leurs ressortissants qui migrent vers l’étranger et dans leurs diasporas. En particulier, en matière de redistribution des revenus, comme le rapporteur spécial l’a souligné, l’afflux des transferts de fonds est souvent considéré comme un instrument plus efficace que les grands programmes de développement.

Mais quelle est la vision du développement promu par ces affirmations ? S’agit-il d’une vision du développement qui se ferait à la remorque des pays développés, un développement non autonome, dépendant de pays tiers ?

Il faut au contraire considérer les migrations pour ce qu’elles sont réellement pour les pays de départ : une source de fragilité et d’instabilité. Ces mouvements de population, quand ils ne résultent pas de conflits armés, témoignent de carences en matière d’investissement public et privé, qu’il convient non pas de masquer mais de corriger.

Le départ structurel d’un grand nombre de Français chaque année serait évidemment considéré par les Français eux-mêmes comme un problème, une perte de richesse, de ressources humaines, le révélateur de grandes difficultés, le signal d’un déclin.

Il en est évidemment de même pour n’importe quel pays du monde.

Par ailleurs, la France se doit de faire respecter son droit, y compris quand celui-ci concerne ses frontières. La politique de développement pourrait offrir à la France certains leviers d’action, dont elle s’est trop longtemps privée.

Le rapporteur spécial souscrit donc aux récentes orientations du président de la République et du ministre de l’intérieur qui, lors d’un déplacement officiel au Maroc en octobre 2024 ont fait ce lien entre l’aide au développement et la lutte contre l’immigration irrégulière.

Déjà, en 2023, le président de la République avait été très clair à l’occasion d’une interview télévisée ([33]).

Au cours des auditions menées par le rapporteur spécial, il lui a été indiqué tant par la direction générale de la mondialisation que par l’Agence française de développement, que la tendance était au financement des piliers 4 et 5 du plan d’action conjoint de La Valette ([34]), et plus seulement à l’orientation de l’aide vers les piliers 1, 2 et 3.

Les cinq domaineS du plan d’action conjoint de La Valette

Le rapporteur spécial considère que cette prise de conscience des liens qui existent entre l’aide publique au développement et la lutte contre l’immigration irrégulière est nécessaire mais que cette lutte va être, hélas, nécessairement affectée par la forte baisse des crédits de la mission.

Par ailleurs, il souhaite que cette orientation se traduise plus concrètement, par des mesures précises, comme par exemple la diminution ou le conditionnement de l’aide à une réelle politique de coopération des pays de départ ou de transit.

C’est pourquoi, le rapporteur spécial a souhaité déposer en commission des finances et en séance publique un amendement portant création d’un indicateur supplémentaire, afin de disposer d’informations concernant le degré de coopération en matière migratoire des pays bénéficiaires de notre aide publique au développement ([35]). Cet indicateur concernerait à la fois le taux de transformation de l’instruction des laissez-passer consulaires et l’exécution réelle des retours forcés menés après la prononciation d’une OQTF.

B.   Les autres programmes de la mission

La mission comportait jusqu’en 2024 deux autres programmes, les programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement et 370 Restitution des « biens mal acquis », mais le projet de loi de finances pour 2025 procède à la création d’un quatrième programme 384 Fonds de solidarité pour le développement issu de la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement.

1.   La stabilité des crédits du programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

Le programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement, créé en loi de finances pour 2021, permet de renforcer le capital de l’AFD, opération rendue nécessaire par une évolution des règles prudentielles applicable à l’Agence. Il ne comporte qu’une seule action.

La dotation de 145 millions d’euros prévue par le PLF pour 2025 permettra la conversion en fonds propres de base des prêts de ressources à condition spéciale (RCS). Il s’agit d’une catégorie de ressources octroyées de manière très concessionnelle par l’État à l’AFD via le programme 853 Prêt à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers (cf. infra). Les RCS permettent à l’AFD d’octroyer ensuite des prêts concessionnels à des pays en développement ou à des entités non souveraines étrangères.

Or, depuis l’entrée en vigueur du règlement européen CRR2 (Capital Requirements Regulation), les RCS ne sont plus prises en compte au titre des fonds propres pour le calcul du ratio grand risque auquel l’AFD est soumise, et qui limite à 25 % des fonds propres au maximum son exposition sur une zone géographique. Il convient donc de convertir ces ressources en fonds propres, ce que vise le programme 365.

Les RCS convertis en fonds propres sont remboursés en parallèle sur le programme 853 Prêt à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers, garantissant la neutralité budgétaire de l’opération.

 

2.   Le programme 370 Restitution des « biens mal acquis » de nouveau abondé en 2025

Le programme 370 Restitution des « biens mal acquis » ne dispose pas d’une importante dotation budgétaire — celle-ci était nulle en 2022 et 2023, égale à 6 millions d’euros en 2024 et est présentée à 140 millions d’euros en 2025, mais il est la traduction d’un mécanisme original.

Ce mécanisme, issu de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, est opérationnel depuis la signature par la Première ministre, le 22 novembre 2022, d’une circulaire explicitant sa mise en œuvre.

Le premier versement de crédits prévu pour 2024 était issu du produit des cessions intervenues dans l’affaire Teodorin Obiang, vice-président de Guinée équatoriale.

Les crédits provenant du produit des cessions de ses biens devaient être affectés au financement d’investissements solidaires en Guinée équatoriale, en accord avec cet État.

La difficulté saute aux yeux : M. Obiang est toujours vice-président, et son père, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a été réélu à la tête du pays avec un score officiel triomphal de 94,9 % en novembre 2022, pour un sixième mandat. Parvenir à rétrocéder à bon escient une somme issue d’avoirs confisqués à la famille Obiang, alors que le régime équato-guinéen, tenu par cette même famille, fait partie des plus fermé au monde, relève de la gageure. Les documents budgétaires indiquent toujours sobrement en 2025 que « le MEAE va chercher à conclure un accord avec la Guinée équatoriale au sujet de l’allocation de ces crédits ».

L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs confisqués (AGRASC) poursuit les évaluations du patrimoine et les cessions dans cette affaire, ainsi que dans une autre affaire mettant en cause Rifaat al-Assad, oncle de l’actuel président syrien. Ces nouvelles cessions donnent donc lieu à l’abondement proposé pour 2025. Le rapporteur spécial constate que la restitution peut s’avérer pour le moins problématique, et qu’il sera très intéressant de se pencher sur la consommation effective des crédits du programme 370.

3.   La création d’une nouveau programme 384 Fonds de solidarité pour le développement

L’article 33 du projet de loi de finances pour 2025 a procédé à la suppression de l’affectation au fonds de solidarité pour le développement du tarif de solidarité de la taxe sur les billets d’avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF).

Selon l’exposé des motifs de l’article 33, cette mesure est une mise en conformité du droit avec la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ce texte a en effet renforcé les règles applicables aux affectations d’impositions de toutes natures de la LOLF. L’article 2 de la LOLF modifiée a introduit deux nouveaux critères : le tiers affectataire doit désormais être doté de la personnalité morale et il doit exister un lien entre sa mission de service public et l’imposition qui lui est affectée. Le Conseil d’État a considéré qu’aucun de ces critères n’était rempli en ce qui concernait les recettes du fonds de solidarité pour le développement (FSD).

Le FSD est un fonds sans personnalité juridique créé en 2005, géré par l’AFD, dont les recettes financent principalement des actions multilatérales dans les domaines de la santé, du climat et de l’environnement.

La liste des institutions de développement pouvant bénéficier des ressources du FSD est fixée par le décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le Fonds de solidarité pour le développement.

Le tableau ci-après récapitule l’utilisation des ressources du FSD pour l’année 2023 et les projections pour 2024.

Programmation annuelle du FSD

(en millions d’euros)

Source : direction générale du Trésor – réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

Le programme budgétaire 384, mis en place à compter de l’année 2025, poursuit la mission du FSD et hérite de son nom.

Son pilotage sera confié au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et il est structuré en une action unique dotée de 738 millions d’euros en AE et en CP pour 2025. Ainsi, le projet de budget maintient la totalité des moyens alloués au dispositif — puisqu’un produit de 210 millions d’euros provenant de la taxe sur les billets d’avion et de 528 millions d’euros provenant de la taxe sur les transactions financières y étaient affectés.

Ces crédits sont répartis entre deux budgets opérationnels de programme, l’un géré par la direction générale de la mondialisation, pour 487 millions d’euros, et l’autre par la direction générale du Trésor, pour 251 millions d’euros.

Le programme 384 intègre donc la totalité des dispositifs économiques précédemment financés par le FSD. Il relève exclusivement de l’aide multilatérale, ce qui devrait être réinterrogé pour les années suivantes.

Le maintien d’une programmation strictement identique au FSD géré par l’AFD ne se justifie pas forcément, d’autant que le décret de 2006 est désormais caduc, sous réserve de l’adoption du projet de loi de finances pour 2025. Ce fonctionnement n’avait en réalité pas beaucoup de cohérence politique.

Par exemple, en 2023, la deuxième reconstitution du Fonds vert pour le climat pour la période 2024-2027, soit 959,48 millions d’euros au total, a été financée aux deux-tiers par le programme 110, le FSD prenant en charge le tiers restant.

Cet écartèlement du financement d’un même dispositif entre deux programmes de la mission n’aura plus grand sens à l’avenir.

Le rapporteur spécial, qui plaide pour un recentrage de nos contributions internationales, souhaite pouvoir profiter de la création de ce programme pour orienter sa dotation vers de l’aide bilatérale à fort impact politique pour la France.

Par ailleurs, la programmation en AE = CP du nouveau programme 384 peut étonner. La Cour des comptes ne manquera pas de relever ce point, comme elle l’a déjà fait concernant les contributions volontaires aux fonds multilatéraux dans sa note d’exécution budgétaire de la mission portant sur l’année 2023. Dans ce rapport, la Cour indiquait en effet que « dans le respect du principe de sincérité, la budgétisation en AE ≠ CP reflète le caractère irréversible des engagements pris par la France et la prévisibilité des contributions qui en découlent. Dans un contexte d’augmentation des engagements pris par la France et de maîtrise de la dépense publique, elle contribue à plus de lisibilité et de transparence du point de vue de la soutenabilité. Il est donc nécessaire qu’elle soit appliquée dès la budgétisation pour tout engagement politique pluriannuel multilatéral, dès lors qu’un support d’engagement juridique en ce sens existe ou est anticipé ».

Enfin, selon les termes du document de politique transversale, « compte tenu de son fonctionnement spécifique et de l’historique du FSD, le programme 384 ne sera soumis à aucune régulation budgétaire ni à des mesures de mise en réserve. Il bénéficiera également de reports automatiques de crédits ».

Le rapporteur spécial doute de la durée de vie de cette résolution au-delà du PLF pour 2025, même s’il constate que le FSD n’a pas toujours atteint son plafond d’affectation ([36]).


III.   Le Compte de concours financier PrÊts À des États Étrangers

Le compte de concours financiers Prêts à des états étrangers regroupe quatre programmes, lesquels retracent en dépenses et en recettes l’octroi et le remboursement — en capital — des prêts de la France qui sont consentis à des États étrangers, directement par la direction générale du Trésor ou par l’intermédiaire de l’Agence française de développement.

Ce compte de concours financiers porte des crédits évaluatifs, comme le prévoit l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances.

A.   le programme 851 PrÊts du TrÉsor À des États Étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au dÉveloppement du commerce

Les dépenses du programme 851 correspondent aux prêts accordés par le Trésor dans le cadre d’accords bilatéraux pour financer des projets de développement faisant appel à des biens et services produits en France.

Depuis 2023, ces accords intergouvernementaux sont mis en œuvre par Bpifrance Assurance Export (succédant à Natixis), agissant au nom et pour le compte de l’État français, dans le cadre d’une convention avec l’emprunteur.

Ces financements, à mi-chemin entre politique de développement et aide à l’export, peuvent être concessionnels ou non concessionnels. Ils sont alors appelés « prêts directs ». Les conditions sont toutefois moins avantageuses pour les pays bénéficiaires : ils ne bénéficient pas d’un équivalent-don, mais simplement des conditions de financement avantageuses de la France.

Le rapporteur spécial souligne la pertinence de ces prêts, bénéfiques à la fois pour les pays en développement et pour l’économie française. Ils permettent également de conforter la place économique et l’influence culturelle de la France dans les États bénéficiaires.

Pour 2025, il est prévu un montant d’engagement identique à celui de 2023 et celui de 2024, soit un milliard d’euros.

Selon le projet annuel de performances, en 2025, les principaux décaissements prévus concernent les secteurs des transports (modernisation de la ligne n° 1 du Caire en Égypte), du numérique (déploiement de la TV numérique terrestre en Indonésie), de l’énergie (fourniture d’un réseau électrique intelligent dit « smartgrids » en Serbie), de l’eau (modernisation du réseau d’eau de Tachkent en Ouzbékistan), de la santé (mise en place d’un système opérationnel d’aide médicale d’urgence au Cameroun) et de la sécurité civile (mise en place d’une antenne aéroportée de la sécurité civile en Mongolie et fourniture de véhicules d’incendie et de sauvetage en Mongolie et au Cameroun).Ces pays ne relèvent pas tous de l’APD.

B.   Le programme 852 PrÊts À des États Étrangers pour consolidation de dettes envers la France

Le programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France participe aux opérations de traitement de dette du programme PPTE, qui vise à restaurer la solvabilité des pays bénéficiaires par des opérations d’annulation de dette extérieure dépassant un niveau soutenable, comme détaillé supra.

Il porte en recettes les remboursements en capital. En dépenses, il retrace l’exécution des accords conclus avec les gouvernements étrangers en vertu d’accords de consolidation en vue du refinancement des prêts du Trésor et des prêts de l’AFD.

Les dépenses du programme sont donc constituées de prêts de refinancement, déboursés directement par l’État dans le cadre d’opérations de restructurations de dette. Le refinancement consiste en effet pour l’État à accorder de nouveaux prêts dans les conditions négociées dans le cadre du Club de Paris, pour permettre de rembourser un ancien prêt dont les conditions étaient moins avantageuses.

À ce jour, sur les 39 pays éligibles, 36 ont atteint le point d’achèvement, c’est-à-dire qu’ils ont mené le processus à son terme.

Le PLF pour 2025 propose d’inscrire 64,88 millions d’euros en AE et en CP, correspondant aux hypothèses de restructuration de dette qui pourraient être accordées par la France dans le cadre du Club de Paris en 2025.

Les documents budgétaires précisent bien que les prévisions de dépenses sont établies à partir d’hypothèses qui peuvent néanmoins évoluer en fonction de la situation économique et politique des pays débiteurs concernés.

La prévision pour 2025 comprend la poursuite du refinancement accordé au Ghana. Concernant l’Éthiopie, le traitement de dette reporté de 2023 à 2025 est conditionné à un accord technique avec les services du FMI pour un programme de financement pluriannuel.

C.   Le programme 853 PrÊts À l’Agence française de dÉveloppement en vue de favoriser le dÉveloppement Économique et social dans des États Étrangers

Le programme 853 contribue au financement de l’AFD. Ses dépenses permettent en effet d’octroyer à l’AFD des prêts à taux très préférentiels. Cette ressource à condition spéciale (RCSC) permet ensuite à l’AFD d’octroyer des prêts concessionnels à des États ou des organismes non souverains dans des pays étrangers.

Au regard de la réglementation européenne, les RCS ont un statut d’instrument de fonds propres, consolidant ainsi la structure financière de l’AFD.

Toutefois, l’entrée en application du règlement européen CRR2 en juin 2021 a conduit à exclure les RCS du calcul du ratio grands risques, qui impose d’avoir une exposition sur une zone géographique inférieure à 25 % des fonds propres.

Comme depuis 2021, le PLF pour 2025 propose donc via le programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement de neutraliser les effets de cette évolution réglementaire. À partir du compte d’affectation spéciale Participations financière de l’État abondé au préalable par le programme 365, l’État renforce les fonds propres de l’AFD par voie de dotation en capital, à hauteur de 145 millions d’euros en 2025.

En contrepartie de ce versement, l’AFD rembourse les RCS à due concurrence sur le programme 853. Ces mouvements comptables permettent de garantir la neutralité de l’opération sur le budget de l’État.

D.   programme 854 prÊts À des États membres de l’union europÉenne dont la monnaie est l’euro

Ce programme vise à financer des prêts bilatéraux consentis par la France à un autre État membre de l’Union européenne, avec un objectif de stabilité financière de la zone euro. Ce programme a été créé en 2010 afin de pouvoir accorder des prêts bilatéraux à la Grèce, pour un montant initial de 16,8 milliards d’euros. Toutefois, seuls 11,4 milliards d’euros ont finalement été déboursés (les 5,4 milliards d’euros restant ont été annulés par loi de règlement pour 2014) ([37]).

Grâce à la mise en place du fonds européen de stabilité financière (FESF) puis du mécanisme européen de stabilité (MES), ce programme n’est plus sollicité. Aucun nouveau prêt n’a en effet été consenti depuis 2011.

Un mouvement en recettes de 570,2 millions d’euros a toutefois été réalisé en 2022, au titre d’un remboursement en capital effectué par la Grèce, conformément à l’accord instituant le « Greek loan facility » du 8 mai 2010. Aucun mouvement en recettes ni en dépenses n’est attendu pour 2025.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du jeudi 31 octobre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Aide publique au développement et du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté les amendements II-CF1313 et II-CF1370, II-CF1362, II-CF1365, II-CF1369, II-CF1418, II-CF149, la commission a adopté les crédits de la mission Aide publique au développement ainsi modifiés.

La commission a également adopté les amendements II-CF1357 et II-CF1358 portant modification de l’Etat G pour la mission Aide publique au développement.

La commission a également adopté les amendements II-CF914, II-CF1063, II-CF1064, II-CF1065, II-CF1356, II-CF1366, II-CF1367, II-CF1368 et II-CF1371 portant articles additionnels rattachés à la mission Aide publique au développement.

Enfin, la commission a adopté les crédits du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers non modifiés.

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère de l’économie — Direction générale du Trésor

– Mme Shanti Bobin, sous-directrice chargée des affaires financières multilatérales et du développement

– Mme Clarisse Senaya, cheffe du bureau de l’aide publique au développement

– Mme Marie Ross, adjointe à la cheffe du bureau aide publique au développement

 

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères — Direction générale de la mondialisation

– M. Olivier Richard, directeur général adjoint de la mondialisation

– M. Patrick Lachaussée, directeur du pilotage et de la stratégie

– Mme Sabrina Aubert, sous-directrice du développement et de l’investissement solidaire et durable

– Mme Huriye Bulut, cheffe du pôle budget

– M. Basile Petit, rédacteur auprès du pôle APD

 

Coordination SUD

– M. Olivier Bruyeron, président

– M. Gautier Centlivre

– Mme Édith Guiochon

– Mme Flore Ganon

– Mme Léa Cros

– M. Corentin Martiniault

 

Agence française de développement (AFD)

– M. Rémy Rioux, directeur général

– M. Philippe Baumel, responsable des relations institutionnelles

 


([1]) Étant donné les variations très significatives des autorisations d’engagement d’une année sur l’autre en lien avec les rythmes de reconstitution des grands fonds multilatéraux, l’analyse générale de l’évolution des dotations de la mission APD s’effectuera prioritairement en crédits de paiement.

([2]) Amendement n° II-1302.

([3]) Cette diminution s’entend hors crédits de titre 2 et hors financements innovants issus des produits de la taxe sur les transactions financières et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

([4]) L’exposé sommaire de l’amendement indique expressément qu’après ces annulations, les crédits de la mission Aide publique au développement demeurent en augmentation de 1,2 milliards d’euros par rapport à leur niveau de 2017.

([5]) L’exposé sommaire de l’amendement indique expressément qu’après ces annulations, les crédits de la mission Aide publique au développement demeurent en augmentation de 1,2 milliards d’euros par rapport à leur niveau de 2017.

([6]) Amendement n° II-CF2555.

([7]) Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

([8]) Douzième comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) — 18  juillet 2023.

([9]) Amendement n° II-CF2550 en commission et n° II-1024 en séance.

([10]) Depuis 2018, les données d’APD sont exprimées selon la méthodologie de l’équivalent-don, afin de mieux refléter l’effort consenti par les bailleurs : les prêts au secteur public (et les instruments du secteur privé depuis 2023) sont ainsi comptabilisés en APD à hauteur de leur « équivalent-don », c’est-à-dire du montant de « subvention » qui leur est associé. Cette méthodologie est donc à distinguer de l’APD « brute » (à savoir le montant total versé) ou « nette » (le montant total versé diminué des remboursements des prêts en capital).

([11]) Chaque année, les chiffres d’APD des 32 États membres du CAD pour l’année N-1 sont publiés au printemps de l’année N par l’OCDE. Les derniers chiffres disponibles sont donc ceux de l’année 2023, publiés par l’OCDE le 16 avril 2024. Toutefois, il s’agit de chiffres provisoires, car il est important de noter que la validation définitive de ces données ne se fera qu’à la fin du mois de décembre 2024, par l’OCDE. De manière générale, il est constaté qu’ils ne varient pas significativement de la prévision.

([12]) Le CAD compte actuellement 32 membres, contre 38 pour l’OCDE. Les pays candidats sont évalués en fonction des critères suivants : l’existence de stratégies, de politiques publiques et de cadres institutionnels qui garantissent la capacité de mettre en œuvre un programme de coopération au développement ; une mesure d’effort reconnue en la matière ; et l’existence d’un système de suivi et d’évaluation des performances dans le secteur.

([13]) Soit la mission APD et le Fonds de solidarité pour le développement non budgété dans la mission APD avant le PLF 2025.

([14]) Le rapporteur spécial remercie la direction générale du Trésor pour sa disponibilité et pour la qualité des explications fournies.

([15]) Jusqu’à présent, ces instruments étaient comptabilisés en flux nets : en cas d’éligibilité, l’intégralité du montant était enregistrée en APD, entraînant un flux positif l’année du décaissement, mais des flux négatifs au fur et à mesure des remboursements, soit un montant nul à terme. À partir de 2023 cependant, ces instruments sont comptabilisés en équivalent-don, ce qui signifie qu’ils ne génèrent de l’APD qu’à hauteur de leur degré de concessionnalité. Ce changement de comptabilisation, s’il induit une rupture statistique et provoque une baisse d’APD à court terme, devrait permettre des gains d’APD sur le long terme, puisque les remboursements à venir ne génèreront plus d’APD négative.

([16])  La baisse de 800 millions d’euros résulte toutefois de facteur exogènes en grande partie, et déjà étudiés, comme la forte diminution de l’APD générée par les prêts bilatéraux de l’AFD au secteur public, la diminution de l’APD générée par les instruments du secteur privé liée au changement de comptabilisation applicable à ce type d’instruments à compter de l’année 2023. La baisse reflète également en partie la diminution de l’APD générée par l’accueil des ressortissants ukrainiens et par les dons de doses de vaccins contre la COVID-19. En outre, après une diminution attribuable à l’arrêt de la comptabilisation de l’APD au bénéfice de la Chine, l’aide générée par les frais d’écolages poursuit sa croissance, avec + 74 millions d’euros par rapport à 2022.

([17]) La différence de chiffrage entre les deux rapport tient à la différence de périmètre entre les deux enquêtes. L’enquête de la Cour des comptes a porté sur un champ plus restreint, constitué du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde, de la mission budgétaire Action extérieure de l’État, des programmes 209 et 110 objets du présent rapport spécial, ainsi que du fonds de solidarité pour le développement (FSD).

([18]) L’Agenda 2030 est un programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté en septembre 2015 par les 193 États membres des Nations unies.

([19])  Selon un rapport de la Cour des comptes européenne de 2022 portant sur « la vérification du revenu national brut aux fins du financement du budget de l’UE », la ressource propre de l’UE qui est fondée sur le RNB des États membres a triplé en valeur absolue depuis la fin des années 90, passant de 40 milliards d’euros environ à approximativement 120 milliards d’euros. Dans le même temps, la part qu’elle représente dans le total des recettes de l’UE a quasiment doublé, passant de 40 % à 71 % en 2020 avant d’être ramenée à 63 % en 2021, principalement en raison de l’introduction d’une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés.

([20]) Malgré plusieurs échanges avec la direction général du Trésor, il est difficile de savoir si cette « APD collective européenne » n’intègre pas une forme de double comptage, les contributions des États membres étant déclarés en APD se retrouvant ensuite de nouveau déclarées en APD dans les comptes de l’Union européenne. À défaut, il serait intéressant de connaître ce qui relève exclusivement de l’APD des institutions de l’Union européenne, c’est-à-dire qui n’aurait pas pour origine l’aide multilatérale des États membres.

([21]) Les coûts de transfert sont souvent très élevés Ces coûts s’élevaient à 6,2 % de la valeur des sommes transférées au second trimestre 2023, soit plus du double de l’objectif de développement durable (ODD) de 3 % fixé pour 2030. Il est plus onéreux d’envoyer des fonds vers l’Afrique subsaharienne (7,9 %) qu’en Asie du Sud (4,3 %). Une réflexion pourrait également s’engager de ce point de vue.

([22]) Total Official Support for Sustainable Development (TOSSD).

([23]) La France proposera une première définition de nouvelle métrique pour l’investissement solidaire et durable (ISD), à partir du nouvel outil de mesure du financement du développement : le « Soutien public total au développement durable ». Cette nouvelle métrique valorisera l’ensemble des financements internationaux concourant au développement durable des pays éligibles à l’APD, dont une grande partie est aujourd’hui déclarée au titre du TOSSD. L’ISD inclura en particulier les financements privés mobilisés par le secteur public, notamment par l’action des banques publiques de développement.

([24]) Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 prévoit que le programme 110 fait l’objet d’annulations à hauteur de 252,1 millions d’euros en AE et 207,3 millions d’euros en CP « au titre d’une moindre consommation prévisionnelle portant, à titre principal, sur la réserve de précaution ». Pour ce qui est du programme 209, il fait l’objet d’une demande d’annulation à hauteur de 67,8 millions d’euros en AE et 67,8 millions d’euros en CP. Selon les informations fournies par le gouvernement, « les crédits disponibles permettent le financement du soutien annoncé à l’occasion de la Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban ».

([25]) Le volume des annulations a conduit à réduire ou annuler certains engagements multilatéraux. La santé — via l’Initiative Mondiale pour l’Éradication de la Poliomyélite, alliance GAVI pour les vaccins fonds Muskoka — et l’éducation — via Education Cannot Wait — correspondent aux deux secteurs les plus impactés par les mesures d’économies du programme 209.

([26]) Amendement n° II-1302 du gouvernement.

([27]) L’analyse des documents de politique transversale pour les années 2018 et 2022 indique que cette orientation a été quasiment respectée. Entre 2018 et 2022, l’APD totale a augmentée de 4 869 millions d’euros dont 3 125 millions d’euros pour l’aide bilatérale nette. La hausse de l’APD bilatérale a représenté 64 % de la hausse de l’APD totale.

([28]) En 2023, un plan d’action ministériel 2024-2027 a précisé la structure du dispositif Fonds Équipe France (FEF), le déclinant en quatre catégories : FEF classique qui inclut les projets à destination de la société civile, FEF-OSC (anciennement PISCCA), FEF-R, FEF+ et FEF-C.

([29]) La réponse au questionnaire portant sur 2024 n’est pas parvenue au rapporteur spécial.

([30]) Amendement n°II-1302 du gouvernement.

([31]) Contre 120 millions d’euros en AE et CP en 2024.

([32]) La comparaison des AE est toutefois rendu très délicate d’une année sur l’autre. Ainsi 2025 ne recoupe pas exactement le même périmètre que 2024 en raison du caractère cyclique des reconstitutions pluriannuelles.

([33]) Le président s’était ainsi exprimé le 24 septembre 2023 : « […] Laissez-moi vous le dire juste de manière très simple. La plupart des migrants qui sont arrivés à Lampedusa venaient d’Afrique subsaharienne avec beaucoup de pays auxquels nous envoyons beaucoup d’aide publique en développement. Et la France a augmenté cette aide. Nous sommes au rendez-vous de nos engagements. Et beaucoup de pays dans lesquels nous avons des ambassades qui délivrent des visas. Donc, nous devons en Européens mieux conditionner notre aide à une politique responsable en matière migratoire et en disant : on vous aide sur des projets pour donner des opportunités économiques à la population. Mais vous devez nous aider à démanteler chez vous les réseaux qui conduisent ces gens à quitter leur pays… ».

([34]) Le Sommet de La Valette sur la migration de novembre 2015 a réuni des dirigeants européens et africains autour de l’objectif de renforcement de la coopération entre les deux continents. Deux textes ont été adoptés : une déclaration politique et le Plan d’Action Conjoint de La Valette (PACV), qui définit une série de priorités visant à soutenir les partenaires dans le renforcement de la gouvernance des migrations entre l’Europe et l’Afrique.

([35]) Amendement n° CF2555 en commission, et amendement n  1025 en séance publique.

([36]) Pour mémoire, en 2020 et 2021, le niveau de recettes de la TSBA a été inférieur au montant prévu (91,8 millions d’euros en 2020 et 150 millions d’euros en 2021, contre 210 millions d’euros habituellement) du fait de la chute du trafic aérien consécutive à la crise sanitaire et du moratoire mis en place pour le paiement de la taxe due par les compagnies aériennes titulaires de licences d’exploitation de transport aérien délivrées par la France. Les dépenses qui n’ont pas pu être financées via le FSD l’ont été par des crédits du budget général.

([37]) Loi n° 2015-957 du 3 août 2015 de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014.