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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
PAR M. Charles de COURSON,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 41
SÉCURITÉS :
POLICE NATIONALE, GENDARMERIE NATIONALE, SÉCURITÉ et
ÉDUCATION ROUTIÈRES
CONTRÔLES DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS
Rapporteure spéciale : Mme Constance Le GRIP
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIAle
I. Les moyens des forces de sÉcuritÉ intérieure
A. Le programme 176 Police nationale
a. Un schéma d’emplois nul pour 2025
b. L’impact des mesures catégorielles antérieures à 2025
c. La répartition des effectifs par action
d. Les dépenses d’action sociale
2. L’évolution des crédits de fonctionnement et d’investissement
a. Les investissements numériques
b. L’investissement immobilier
B. Le programme 152 Gendarmerie nationale
a. L’évolution des emplois de la gendarmerie nationale : un schéma d’emplois à 0
2. Les crédits hors Titre 2 : le retour à l’investissement et à l’équipement des forces
II. politique de sÉcurité routiÈre
A. Le programme 207 SÉcuritÉ et éducation routiÈres
B. Le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
1. Une architecture complexe et toujours aussi critiquée
4. Le programme 755 Désendettement de l’État
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 25 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances. Les rapporteurs spéciaux déplorent ce faible taux de réponse. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIAle Le gouvernement propose de doter la mission Sécurités ([1]) de 25,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 3,7 % par rapport au montant ouvert par la loi de finances pour 2024. Les autorisations d’engagements (AE), progressent de façon plus mesurée, pour s’établir à 26,05 milliards d’euros, soit + 2,5 %. Ce budget confirme et amplifie, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([2]), les efforts importants en faveur de la sécurité des Français et des conditions de travail des forces de l’ordre. Il s’agissait pour la rapporteure spéciale d’un impératif pour ce projet de budget : la préservation des ministères régaliens bénéficiant d’une loi de programmation pluriannuelle. À l’échelle du ministère de l’intérieur, le budget est préservé et renforcé. Comme a pu le souligner le ministre Bruno Retailleau lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 22 octobre dernier, avec 24,1 milliards d’euros, dont 15,1 milliards d’euros pour les dépenses de personnel et 9,1 milliards pour le fonctionnement et l’investissement, le budget respecte la trajectoire financière prévue par la LOPMI et augmente de 752 millions d’euros par rapport à la précédente loi de finances initiale. En ce qui concerne les dotations en crédits de paiement de la police nationale et de la gendarmerie nationale, elles progressent respectivement de 3 et 5 %, ce dont la rapporteure spéciale se félicite. Il est à noter une forme de rééquilibrage dans la nature de l’accroissement des crédits entre les dépenses de personnel et les crédits de fonctionnement et d’investissement. Cela est tout particulièrement marqué en ce qui concerne la gendarmerie nationale. En 2024, la loi de finances prévoyait une progression des effectifs des forces de sécurités de 2 184 équivalents temps plein travaillé (ETPT) : 1 139 pour la police nationale, et 1 045 pour la gendarmerie nationale. Pour 2025, le schéma d’emplois du ministère de l’intérieur est nul, ce qui entraîne une stabilité des effectifs tant pour la police nationale que pour la gendarmerie nationale. Les efforts de recrutement traduisaient pourtant l’engagement du président de la République de doubler le temps de présence sur la voie publique des forces de sécurité intérieures. Malgré cette stagnation des effectifs, l’impact des schémas d’emplois des années précédentes et la poursuite de la mise en œuvre des protocoles adossés à la LOPMI, conduisent à un accroissement des crédits de masse salariale. La rapporteure spéciale sera vigilante à ce que cette
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stagnation du plafond d’emploi ne perdure pas au-delà du budget pour 2025, d’autant que l’activité des forces de l’ordre se maintient dans un contexte d’extrême sollicitation. En matière de conditions de vie et de travail, il est indispensable de revoir à la hausse le montant des crédits d’action sociale du ministère, notamment pour la police nationale, cette mesure pouvant être financée par une évolution des modalités de calcul de la pénalité due au fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFH). Sur le plan des moyens matériels, les crédits de fonctionnement et d’investissement sont globalement en augmentation de près de 15 % ([3]), mais la rapporteure spéciale alerte sur la diminution de 30 % des autorisations d’engagement dédiées à l’investissement de la police nationale. Ceci dit, ce projet de budget témoigne d’une prise de conscience salutaire quant à la nécessité de renouveler et moderniser les moyens matériels mis à la disposition des forces de l’ordre. Les investissements au bénéfice des forces de gendarmerie sont priorisés, avec une hausse de 76 % des crédits de paiement. Ce rebond fait suite à une quasi année blanche en matière d’investissement pour la gendarmerie nationale. La médiatisation des impayés de loyer de la gendarmerie a donné à voir le manque de vision de long terme sur cette question immobilière. Le programme 207 Éducation et sécurité routière est en revanche très fortement minoré après plusieurs années de hausse. Pour 2025, le programme perd ainsi plus de 23 % de ses crédits par rapport à 2024, pour s’établir à 84,6 millions d’euros en AE et 83,1 millions d’euros en CP. Cette évolution correspond à la pérennisation du décret d’annulation de février 2024 ([4]) qui avait réduit les crédits du programme de 25 millions d’euros en AE et CP. Les recettes, et donc les dépenses, du compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers sont en revanche en nette progression, de 12 % en AE et CP, soit 1,86 milliard d’euros. Cette hausse est due à une prévision de recettes supérieure de plus de 200 millions d’euros par rapport à 2024 pour ce qui est des amendes forfaitaires hors radars et amendes forfaitaires majorées.
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tableau Évolution prévue pour 2025 des crédits de la mission sécurités
Source : commission des finances à partir du projet annuel de performances 2025.
Évolution des crÉdits de la mission SÉcuritÉs – Hors programme 161 depuis 2012 (en milliards d’euros)
Source : commission des finances, d’après les projets annuels de performances 2018 et 2025.
Évolution des emplois de la mission SÉcuritÉs – Hors programme 161 depuis 2012 (en ETPT)
Source : commission des finances, d’après les projets annuels de performances 2018 et 2025.
Évolution des credits de t2 de la mission SÉcuritÉs (en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les projets annuels de performances 2018 et 2025.
Évolution des credits HT2 ([5]) de la mission SÉcuritÉ (en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les projets annuels de performances 2018 et 2025.
Crédits de la mission Securités (en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après le projet annuel de performances 2025.
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La présente annexe au rapport sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 porte sur les programmes 176 Police nationale, 152 Gendarmerie nationale et 207 Sécurité et éducation routières de la mission Sécurités ([6]) du budget général de l’État, ainsi que sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Les développements qui suivent excluront systématiquement les crédits du programme 161 Sécurité civile des calculs. La mission Sécurités devra donc être entendue dans ce rapport spécial comme hors programme 161 pour plus de cohérence et de clarté de lecture.
Au titre de la mission Sécurités, le gouvernement demande pour 2025 l’ouverture de 25,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une hausse de 3 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, et de 24,4 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 4 %. Conformément aux engagements du gouvernement, ce budget préserve les efforts fournis en faveur de la sécurité des Français et des conditions de travail des forces de l’ordre depuis 2017 et le débat parlementaire pourrait permettre d’aller plus loin ([7]).
Évolution des crÉdits de la mission SÉcuritÉs – Hors programme 161
depuis 2012
(en milliards d’euros)
|
LFI 2012 |
LFI 2017 |
PLF 2025 |
Variation en valeur |
En % |
AE |
17,2 |
19,3 |
25,2 |
+ 5,9 |
+ 47 % |
CP |
17 |
19 |
24,4 |
+ 5,4 |
+ 43 % |
Source : commission des finances, d’après les projets annuels de performances 2018 et 2025.
Après le plan de relance, qui a permis d’accélérer de nombreux chantiers d’équipement et d’investissement du ministère de l’intérieur, et le Beauvau de la sécurité, le cap est tenu dans le cadre d’une vision de plus long terme qu’a formalisée la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), promulguée le 24 janvier 2023. L’article 2 dispose que le ministère de l’intérieur, à l’exception du programme 232 Vie politique de la mission Administration générale et territoriale de l’État, et hors CAS Pensions, devrait être doté de 25,3 milliards d’euros de crédits de paiement en 2027, avec une cible fixée à 24,07 milliards pour 2025. Le projet de loi de finances ne permet pas directement de vérifier si la trajectoire pour 2025 correspond au chiffrage présenté à l’article 2 de la LOPMI. En effet, il serait nécessaire de retraiter programme par programme le montant des crédits figurant dans le tableau n° 6 des informations annexes, en soustrayant des totaux la participation de chacun au CAS Pensions.
Toutefois, pour ce qui est des programmes 176 Police nationale et 152 Gendarmerie nationale, il convient de se référer au rapport annexé à la LOPMI, qui fixe la trajectoire programme par programme. Contrairement à l’article 2, cette ventilation est cependant strictement indicative. Il est intéressant de rappeler la trajectoire prévue pour ces deux programmes centraux de la mission, et de la comparer aux crédits prévus pour 2025.
Écart entre la prévision budgétaire annexée à la LOPMI
et les crédits proposés pour 2024 et 2025
(en millions d’euros)
|
2024 |
|||||
|
LOPMI prévision 2024 |
LFI 2024 |
Écart |
|||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 176 |
||||||
T2 hors CAS |
7 579 |
7 579 |
7 620 |
7 620 |
41,00 |
41,00 |
HT2 |
1 756 |
1 629 |
2 155 |
1 726 |
399,00 |
97,00 |
Total |
9 335 |
9 208 |
9 756 |
9 381 |
421,00 |
173,00 |
|
Programme 152 |
|||||
T2 hors CAS |
4 834 |
4 834 |
4 924 |
4 924 |
90,00 |
90,00 |
HT2 |
1 845 |
1 528 |
2 124 |
1 485 |
279,00 |
– 43,00 |
Total |
6 679 |
6 362 |
7 048 |
6 409 |
369,00 |
47,00 |
|
LOPMI prévision 2025 |
PLF pour 2025 |
Écart |
|||
2025 |
||||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 176 |
||||||
T2 hors CAS |
7 712 |
7 712 |
7 752 |
7 752 |
40 |
040 |
HT2 |
2 041 |
1 826 |
2 136 |
1 761 |
95 |
– 65 |
Total |
9 753 |
9 538 |
9 888 |
9 513 |
135 |
– 25 |
|
Programme 152 |
|||||
T2 hors CAS |
4 906 |
4 906 |
5 007 |
5 007 |
– 101 |
101 |
HT2 |
2 495 |
1 596 |
2 359 |
1 924 |
– 136 |
328 |
Total |
7 401 |
6 503 |
7 366 |
6 931 |
– 350 |
428 |
Source : commission des Finances d’après le rapport annexé à la LOPMI et le projet annuel de performances 2024.
La rapporteure spéciale constate que la trajectoire est respectée, voire dépassée pour la plupart des postes, à l’exception des crédits de paiement de la police nationale, hors titre 2.
Ainsi, en 2025, les crédits des forces de sécurité intérieure poursuivent leur progression. Cette hausse est toutefois davantage marquée pour la gendarmerie nationale que pour la police nationale. Pour cette dernière, et une fois retirées les contributions du programme au CAS pension, les crédits ne progressent que de 1 % en AE et 2 % en CP. La dotation de la gendarmerie nationale, hors CAS pension, est pour sa part en hausse de 5 % en AE et 8 % en CP.
En ce qui concerne les emplois en revanche, l’entorse à la LOPMI est importante. En effet, le schéma d’emplois est nul pour 2025, tant pour la gendarmerie que pour la police nationale. Ces deux forces devaient pourtant voir leur effectif augmenter de 1 000 ETPT en 2025.
Répartition des 8 500 ETP supplémentaires prévus dans le cadre de la LOPMI
Source : Ministère de l’intérieur
Pour ce qui est du programme 207 Sécurité et éducation routières, la rapporteure spéciale déplore la forte régulation budgétaire qu’il subit dans le cadre du présent projet de loi. Avec une dotation de 84,6 millions d’euros en AE et 83,1 en CP, le programme est en baisse de près de 23 %. La différence par rapport au tableau indicatif de la LOMPI est marquée, avec un montant inférieur de près de 26 millions d’euros en CP par rapport à la prévision du rapport annexé à la loi de programmation du ministère de l’intérieur.
Cette diminution est toutefois compensée, sur le champ des politiques publiques de sécurité routière, par une augmentation des recettes prévisionnelles du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. La prévision de dépenses du CAS pour 2025 s’élève à 1,86 milliard d’euros en AE et en CP, en progression de 204 millions d’euros (+ 12 %) par rapport à l’exercice 2024. Cette hausse permettra de porter à 776 millions d’euros notamment le transfert aux collectivités locales prévu par le programme 754, contre 667 millions d’euros prévus dans le cadre du PLF pour 2024.
En première partie, la présente annexe au rapport sur le projet de loi de finances pour 2025 analyse les crédits demandés pour la police et la gendarmerie nationale.
En seconde partie, les crédits de la politique de sécurité routière sont, pour des raisons de lisibilité et de cohérence thématique, analysés comme un ensemble regroupant le programme 207 Sécurité et éducation routières et le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.
I. Les moyens des forces de sÉcuritÉ intérieure
Aux termes du projet de loi de finances pour 2025, la hausse des crédits des forces de sécurité intérieure est moindre que l’an passé, et elle est contrastée. En 2024, la hausse des crédits était d’environ 5 % pour les deux programmes. Pour 2025, la hausse s’établit pour les trois programmes commentés dans le cadre de ce rapport à 3 % en AE et 4 % en CP. Toutefois, en 2024, la hausse était très largement tirée par les dépenses de personnel, ce qui n’est pas le cas en 2025.
La hausse est plus marquée pour les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale, que pour les crédits du programme 176 Police nationale. Cette différence d’évolution entre les deux programmes est encore plus importante lorsque l’on retire l’évolution des montants versés par l’un et l’autre au titre du CAS pensions.
Le ralentissement de la hausse des moyens des programmes 176 et 152 est en partie lié à la stagnation des crédits alloués à la police nationale et à la stabilisation du plafond d’emploi pour les deux forces.
Toutefois, les budgets consacrés par les forces de l’ordre sont, sur le temps long, en renforcement constant. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, leurs crédits cumulés auront progressé de près de 8 milliards d’euros en AE, soit 47 %, et de 7,4 milliards d’euros en CP, soit 43 %.
Si l’on se rapporte à présent aux montants prévus par la loi de finances pour 2025, les crédits demandés pour les deux forces de sécurité intérieure en 2025 connaissent une hausse de 717 millions d’euros en AE (contre + 1,16 milliard d’euros entre 2023 et 204) et de 975 millions d’euros en CP (contre + 1,04 milliard d’euros entre 2023 et 2024).
A. Le programme 176 Police nationale
Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une progression de 38 millions d’euros en AE et 438 millions d’euros en CP des crédits du programme 176 Police nationale.
Évolution en 2023 DES CRÉDITS du programme 176 par rapport À la LFI pour 2025
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||||
Actions |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution en valeur |
Évolution en pourcentage |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution en valeur |
Évolution en pourcentage |
1 Ordre public et protection de la souveraineté |
1 587,7 |
1 814,6 |
226,8 |
14 % |
1 587,7 |
1 814,6 |
226,8 |
14 % |
2 Sécurité et paix publiques |
3 723, 5 |
4 030 |
306,5 |
8 % |
3 723,5 |
4 030 |
306,5 |
8 % |
3 Sécurité routière |
459,4 |
433,3 |
– 26,1 |
– 6 % |
459,4 |
433,3 |
– 26,1 |
– 6 % |
4 Police des étrangers et sûreté des transports internationaux |
1 146,3 |
1 214,6 |
68,3 |
6 % |
1 146,3 |
1 214,6 |
68,3 |
6 % |
5 Missions de police judiciaire et concours à la justice |
3 446,7 |
3 167,6 |
– 279,2 |
– 8 % |
3 446,7 |
3 167,6 |
– 279,2 |
– 8 % |
6 Commandement, ressources humaines et logistiques |
2 998,2 |
3 085,2 |
86,9 |
3 % |
2 568,9 |
2 710 |
141,1 |
5 % |
Total |
13 362 |
13 745,2 |
383,2 |
3 % |
12 932,7 |
13 370,1 |
437,3 |
3 % |
Total hors CAS Pensions |
9 777,1 |
9 889 |
111,9 |
1 % |
9 347,8 |
9 513,8 |
166 |
2 % |
Source : commission des finances à partir du projet annuel de performances pour 2025.
La hausse des crédits demandés pour le programme 176 Police nationale s’inscrit dans le cadre proposé par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Au titre de la LOPMI, la hausse des crédits de titre 2 du programme 176 Police nationale procéderait principalement des facteurs suivants :
– à hauteur de 524,7 millions d’euros sur la période 2023-2027, hors contribution au CAS Pensions, du fait de l’impact d’un schéma d’emplois positif de 3 872 ETP ;
– à hauteur de 802,4 millions d’euros sur la période 2023-2027, hors contribution au CAS Pensions, du fait de la mise en œuvre du protocole signé le 2 mars 2022 pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale ;
– à hauteur de 8,1 millions d’euros par an de 2023 à 2025, hors contribution au CAS Pensions, de fait de la montée en puissance de la réserve opérationnelle ;
– à hauteur de 1,461 milliard d’euros, hors contribution au CAS Pensions, sur la période 2023-2027 : 965 millions d’euros au titre de la revalorisation de la valeur du point de la fonction publique intervenue le 1er juillet 2022 et 465,99 millions d’euros au titre des autres mesures interministérielles, notamment celles liées aux revalorisations du SMIC et de l’indice minimum de traitement.
Hors titre 2, le programme 176 Police nationale bénéficierait au titre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, sur la période 2023-2027, d’une progression des crédits de paiement à hauteur de 1,629 milliard d’euros en cumulé.
Abondements du programme 176 Police nationale
programmés au titre de la LOPMI – y compris contribution au CAS pensions
(crédits de paiement, en millions d’euros)
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
93,5 |
184,2 |
381,3 |
391,6 |
594,6 |
Source : direction générale de la police nationale.
Pour 2025, la hausse des crédits du programme 176 est supérieure à la prévision de la LOPMI : elle s’établie à + 437 millions d’euros tous titres confondus.
En raison des enjeux singuliers qui entourent l’évolution des crédits de masse salariale d’une part et les dépenses dites de « hors titre 2 » d’autre part, ces deux catégories de dépenses seront analysées séparément.
1. Les crédits de titre 2 : une augmentation essentiellement portée par la hausse de la contribution au CAS Pensions et par la montée en charge des mesures salariales
Il convient de rappeler l’importance des crédits de titre 2 pour le programme 176 (comme d’ailleurs pour le programme 152).
Pour ce qui est de la police nationale, ces crédits représentent près de 87 % des crédits du programme, avec un montant pour 2025 prévu à hauteur de 11,6 milliards d’euros, soit + 400 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2024.
Il est à noter que la loi de fin de gestion pour 2024 a prévu pour ce qui est des crédits de titre 2, d’un abondement de 355,9 millions d’euros en AE et CP ([8]).
Ce mouvement permet de couvrir la mobilisation d’en moyenne 300 renforts par jour depuis mai 2024 en Nouvelle-Calédonie ainsi que le surcoût lié à la sécurisation des Jeux olympiques de Paris 2024. Ce surcoût « JOP » est chiffré à 328,6 millions d’euros en matière de masse salariale, et a pour principales composantes : 203,2 millions d’euros au titre de la prime « JOP » versée aux agents ([9]), 81 millions d’euros pour l’indemnisation de près de 5 millions d’heures supplémentaires générées au cours de la période, 20,7 millions d’euros au titre de l’indemnité d’absence missionnelle, et la mobilisation de la réserve opérationnelle pour 7 millions d’euros.
Sur les six actions du programme 176, les cinq premières ne sont constituées que de crédits de rémunération des personnels.
La contribution au CAS Pensions du programme 176 s’élèverait en 2025 à 3,86 milliards d’euros, soit une hausse important de 7,6 %. C’est d’ailleurs principalement la hausse de la contribution au CAS Pensions qui, vu les sommes en jeu, tire vers le haut la programmation budgétaire du programme. L’an passé, cette hausse de la contribution au CAS Pensions n’avait été « que » de 3,9 %.
Selon la direction générale de la police nationale (DGPN), l’augmentation de la contribution au CAS Pensions fait suite à la prise en compte d’un taux revu à la hausse au 1er janvier 2025 et appliquée directement par la direction du budget.
Hors contributions au CAS Pensions, la hausse des crédits de titre 2 par rapport à 2024 n’est plus alors que de 1,7 %.
Évolution des dÉpenses de titre 2 du programme 176 Police nationale
(en euros)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variation |
|
Rémunération d’activité |
6 710 517 531 |
6 812 854 577 |
1,5 % |
Cotisations et contributions sociales |
4 435 739 593 |
4 730 039 004 |
6,6 % |
Contributions d’équilibre au CAS Pensions : |
3 584 922 767 |
3 856 216 540 |
7,6 % |
– Civils (y.c. ATI) |
3 577 131 547 |
3 847 835 709 |
7,6 % |
– Militaires |
7 791 220 |
8 380 831 |
7,6 % |
– Ouvriers de l’État (subvention d’équilibre au FSPOEIE*) |
|
|
|
– Autres (Cultes et subvention exceptionnelle au CAS Pensions) |
|
|
|
Cotisation employeur au FSPOEIE* |
|
|
|
Autres cotisations |
850 816 826 |
873 822 464 |
2,7 % |
Prestations sociales et allocations diverses |
59 089 703 |
65 402 714 |
10,7 % |
Total en titre 2 |
11 205 346 827 |
11 608 296 295 |
3,6 % |
Total en titre 2 hors CAS Pensions |
7 620 424 060 |
7 752 079 755 |
1,7 % |
Source : commission des finances à partir du projet annuel de performances 2025.
Les crédits de titre 2 hors CAS de la police nationale s’établiraient à 7,752 milliards d’euros, soit, malgré tout, une trajectoire légèrement supérieure à celle prévue par la LOPMI à 7,712 milliards d’euros.
Ces évolutions procèdent à la fois d’un schéma d’emplois nul pour 2025, et des mesures catégorielles, celles-ci pouvant être propres au ministère de l’intérieur ou exogènes.
a. Un schéma d’emplois nul pour 2025
Si les effectifs de la police nationale ne progresseront pas en 2025, le plafond d’emploi du programme 176 est en hausse.
Si la cible de 3 872 emplois créés sur le quinquennat n’est a priori pas remise en cause, cela signifie que la trajectoire prévue par la LOPMI de + 356 ETPT en 2025 devra être absorbée par une hausse plus forte qu’anticipée en 2026 et 2027.
La stabilité du schéma d’emplois repose sur une hypothèse d’entrées et de sorties de 10 094 ETPT. Parmi les sorties, 3 374 départs à la retraite sont anticipés, et au sein des entrées, 8 346 primo recrutements sont prévus, essentiellement des gardiens de la paix et des policiers adjoints.
Le tableau présenté ci-dessous présente l’évolution nette du schéma d’emplois et prend en compte les mouvements internes entre catégories d’emploi. En effet, une grande partie des sorties de policiers adjoints intègre le corps d’encadrement et d’application ([10]).
Schéma d’emplois prévisionnel du programme 176 pour 2025
Source : réponses au questionnaire budgétaire.
L’an passé, le schéma d’emplois en hausse avait eu un impact estimé à 58,8 millions d’euros et devait permettre de contribuer aux objectifs suivants :
– un doublement de la présence des policiers sur la voie publique, notamment dans les transports en commun ;
– l’augmentation du nombre de compagnies républicaines de sécurité (CRS), avec la création de quatre unités de force mobile spécialisées dans l’intervention rapide contre les violences, ce qui doit permettre de renforcer les capacités de sécurisation des grands événements. Trois unités nouvelles ont été installées en décembre 2023. Il s’agit des CRS 81, 82 et 83, cantonnées respectivement à Marseille, Saint-Herblain et Lyon (Chassieu). La création d’une quatrième unité nouvelle a été effectuée en 2024 : la CRS 84 à Montauban.
– le renforcement de la filière investigation, avec la création de postes d’assistants d’enquête, de cyber-patrouilleurs et d’enquêteurs spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales ;
– la poursuite de la politique de substitution, pour l’exercice des fonctions administratives, de personnels administratifs et techniques et de personnels scientifiques aux personnels dits actifs qui sont affectés à ces fonctions, à hauteur de 500 par an, le recentrage des personnels actifs sur les fonctions opérationnelles et sur le cœur de métier des forces de sécurité intérieure concourant à la réalisation de l’objectif de doubler la présence des policiers sur le terrain ;
– le renforcement du nombre de formateurs pour atteindre l’objectif d’augmentation de 50 % de la formation continue et accompagner la dynamique de recrutement, notamment sur les fonctions de policier adjoint et gardien de la paix.
La rapporteure alerte donc sur le risque que fait peser un schéma d’emplois nul sur l’atteinte de ces objectifs.
L’augmentation des effectifs semble nécessaire étant donné la hausse du niveau d’engagement des forces mobiles. Comme le souligne un récent rapport de la Cour des comptes sur ce sujet ([11]), les unités de CRS sont, sur la période 2017-2023, constamment à leur plafond d’emploi, estimé à 40 compagnies sur 60 par jour. La direction centrale des CRS estime que ce plafond constitue un maximum, au-delà duquel les temps de repos et de formations sont menacés.
Dans les Alpes-Maritimes, où la rapporteure spéciale a pu se rendre, il a été constaté que les unités de forces mobiles intervenaient dans un domaine éloigné de leur cœur de métier, et venaient compenser une stagnation des effectifs permanents de la police aux frontières.
Par ailleurs, à l’occasion d’un déplacement à l’École nationale de police, la rapporteure spéciale a pu constater combien la tenue des objectifs en terme de formation continue était difficile en pratique : manques de moyens humains pour permettre de libérer les agents de leurs tâches quotidiennes, manque de formateurs, défaut d’investissement notamment pour les formations obligatoires au tir, problématiques d’attractivité du métier.
Afin de disposer d’un meilleur suivi des objectifs posés par la LOPMI en terme de formation continue, la rapporteure spéciale a souhaité proposer par amendement ([12]) une évolution des indicateurs de performance, afin que ceux-ci reflètent davantage les enjeux concernant les deux formations essentielles que sont les techniques de sécurité en intervention et les séances de tir obligatoires. Aujourd’hui, le gouvernement s’est fixé un objectif exprimé en nombre d’OPJ ayant validé les formations obligatoires (26 000 en 2027), alors que l’indicateur de performance est exprimé en ratio. Par ailleurs, il convient d’avoir une vision précise du pourcentage d’agents étant à jour de leurs obligations prioritaires de formation continue (à savoir les techniques de sécurité en intervention et les tirs règlementaires) étant donné l’objectif de doublement du temps de formation continue fixé par la LOMPI. C’est le sens de l’amendement de la rapporteure qui a été adopté par la commission des Finances.
En ce qui concerne la question de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la rapporteure spéciale considère que les choses ont évolué dans le bon sens au cours des dernières années. Les violences sexistes et sexuelles sont de mieux en mieux appréhendées par l’ensemble de la société, il faut s’en féliciter : augmentation des plaintes, amélioration de l’accompagnement, désignations de référents, etc.
La formation des policiers partait d’assez loin sur ce sujet, mais la rapporteure spéciale considère que la question est désormais prise en compte de façon assez satisfaisante.
Par exemple, dans le cadre des violences faites aux femmes, la direction centrale de la sécurité publique a rendu obligatoire en 2023, par note d’instruction, la formation à distance « les violences conjugales et l’évaluation du danger » pour l’ensemble de ses agents.
Au 31 décembre 2023, on décompte 61 867 inscrits, et 54 495 certifications ont été délivrées.
Par ailleurs, en mars 2024, l’École nationale de la magistrature a développé un nouveau module de formation intitulé « Cycle approfondi du phénomène des violences intrafamiliales (CAVIF) ».
On peut citer également la signature d’un protocole justice-intérieur pour systématiser le dépôt de plainte par les victimes et aviser quoiqu’il en soit le Procureur de la république.
L’ensemble de la chaîne pénale est donc progressivement montée en compétence sur ces sujets ce qui était absolument indispensable.
Par ailleurs, il faut saluer l’effort déployé par les forces de l’ordre en matière d’accueil des victimes de ce type de violences.
Les outils et organisations sont en amélioration constante. La rapporteure spéciale a jugé utile d’en détailler quelques-uns.
L’amélioration de la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles est une priorité du ministère de l’intérieur, comme en témoigne la mise en place des dispositifs suivants :
● Depuis avril 2022, la « plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d’accompagnement des victimes » (PNAV) est désormais étendue aux violences conjugales, aux discriminations et aux cyber-harcèlements. Par ce biais, les victimes peuvent échanger 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 avec des agents spécialement formés et un psychologue. Si elles le souhaitent, elles peuvent être orientées vers un commissariat pour un accueil et une prise en charge judiciaire et psycho-sociale personnalisée. Du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2023, 67 985 tchats ont été traités par les policiers, débouchant sur 36 080 signalements auprès des forces de l’ordre et 11 789 orientations vers les associations ;
● Le ministère de l’intérieur a professionnalisé la mission d’accueil du public au sein des services par la nomination et la formation de « référents accueil », personnes « ressources » spécifiquement formées à la prise en charge des victimes et tout particulièrement des femmes victimes de violences, et par la création d’une formation dédiée aux agents occupant des fonctions permanentes ou occasionnelles à l’accueil. La police nationale compte 638 « référents accueil » : 517 dans les services de sécurité publique de la DGPN (dont 15 en Outre-mer) et 121 au sein de la Préfecture de police de Paris ;
● Dans les services de police judiciaire, comptant plus de 40 enquêteurs, un groupe de protection de la famille (GPF) composé d’enquêteurs spécialisés a été mis en place. Les services territoriaux de police judiciaire disposent actuellement de 136 GPF comprenant 1 190 enquêteurs, auxquels il faut ajouter 8 GPF ultra marins composés de 73 agents. Des référents de la protection de la famille ont été désignés dans les services territoriaux de police judiciaire dépourvus de GPF. La préfecture de police de Paris compte quant à elle 520 enquêteurs spécialisés affectés dans 83 brigades de protection de la famille (BPF) ;
● Expérimenté sous le pilotage de la direction générale de la cohésion sociale sur le département du Val-d’Oise (95) depuis septembre 2023, le Pack nouveau départ (PND) a été étendu fin juin 2024 à quatre nouveaux départements (Bouches-du-Rhône, Lot-et-Garonne, Côte-d’Or et La Réunion). Il permet d’accompagner les victimes dans un parcours individualisé de sortie du domicile conjugal par une activation rapide des droits sociaux auxquels elles sont éligibles. Les services de police y participent au titre de tiers détecteurs, en informant systématiquement les victimes de violences conjugales qui se présentent en commissariat et en transmettant, après accord de ces dernières, leurs coordonnées au coordinateur local du PND pour prise en charge de la situation ;
● La police nationale a déployé des psychologues et des intervenants sociaux dans les commissariats (ISC) dont l’action peut être renforcée par l’intervention des permanents d’associations d’aide aux victimes. Tous ces professionnels assurent un accompagnement de proximité des victimes (psychologique, social et juridique) en amont et le temps de la procédure judiciaire, et en particulier des victimes de violences conjugales, sexuelles et sexistes qui représentent plus de 80 % de leur activité ;
● Expérimentée en 2021, la prise de plainte des victimes de violences conjugales et sexuelles dite « en mobilité » hors les services de police, a été généralisée depuis février 2023. Dans le cadre de ce dispositif, les plaintes sont prises au sein des établissements hospitaliers, des associations et des maisons des femmes. Ce dispositif vient compléter le déplacement des policiers au domicile lorsque la victime n’est pas en mesure de se déplacer, déjà existant. Au 31 juillet 2024, 237 conventions sont signées et 38 sont en cours de signature. 61 d’entre elles intègrent le recueil de preuves sans plainte, un dispositif qui permet, avec l’accord de la victime, de conserver les certificats médicaux et les prélèvements réalisés pendant trois ans, indépendamment d’un dépôt de plainte de la victime.
Enfin, et de façon plus générale concernant la formation, la rapporteure spéciale estime que les informations transmises par le gouvernement ne permettent pas d’apprécier correctement les coûts complets de la formation des forces de l’ordre, et notamment de la police nationale.
En effet, entre 2019 et 2025, le rapport annuel de performances du programme 176 indiquait que le coût de la formation des policiers s’établissait en fonctionnement entre 20 et 30 millions d’euros. Ces dépenses correspondaient uniquement aux frais de déplacement ou de restauration des élèves et stagiaires.
Or d’une part cette ligne a disparu du PAP pour 2025, et d’autre, part, elle était de toute façon incomplète. En effet, elle n’incluait pas les rémunérations des formateurs de l’Académie de police, des élèves et des stagiaires, ni les dépenses de maintenance lourde des écoles de formation. Par ailleurs les dépenses de formation continue des directions actives sont toujours présentées dans d’autres actions du programme.
Il est pourtant indispensable de décliner le coût de la formation initiale par école, afin de prévoir les crédits nécessaires pour couvrir l’augmentation du nombre d’élèves prévue par la LOPMI, et pour compenser les prochains départs en retraite
La rapporteure a donc déposé un amendement ([13]) de demande de rapport prolongeant une recommandation que la Cour des comptes a formulé dans son rapport de 2022 sur la formation des policiers et qui était rédigée ainsi : « la Cour réitère ainsi sa recommandation de fiabiliser les calculs du coût de la formation des policiers, d’actualiser l’information présentée dans le rapport annuel de performance du programme 176, pour faire apparaître les coûts a minima de la DCRFPN et de l’ENSP, et de présenter de manière détaillée ce coût dans le bilan social de la DGPN ». L’amendement a été adopté par la commission des Finances.
Un schéma d’emplois nul ne signifie pas un plafond d’emploi inchangé.
Le plafond d’autorisation d’emplois ministériel fixé en loi de finances est construit chaque année en ajoutant au plafond d’emplois ouvert en LFI de l’année précédente le volume d’ETPT résultant de la mise en œuvre du schéma d’emplois de la LFI de l’année N (0 pour 2025) ainsi que les mesures de périmètre et de transferts et les corrections techniques éventuelles prévues en LFI.
Pour 2025, le plafond d’emplois du programme est fixé à 152 690 ETPT, une hausse de 731 ETPT par rapport au montant voté pour 2024.
L’évolution du plafond d’emplois du programme 176 est la suivante :
● + 1 154,96 ETPT au titre de l’impact en année pleine du schéma d’emplois 2024 ([14]) ;
● – 456,11 ETPT au titre de l’impact 2025 du schéma d’emplois nul en 2025 ;
● +32,5 ETPT au titre des transferts.
De nouveau, la rapporteure spéciale regrette cette décision de stabilisation des effectifs, alors que tous les indicateurs d’activité témoignent d’un engagement croissant des forces de police.
b. L’impact des mesures catégorielles antérieures à 2025
Selon les réponses au questionnaire parlementaire, en l’état des négociations budgétaires, aucune mesure catégorielle nouvelle n’est financée pour 2025.
La hausse de 132 millions d’euros de la masse salariale hors CAS pension s’explique donc essentiellement par les mesures catégorielles antérieures ayant un impact en année pleine sur l’année 2025, soit 73 millions d’euros, et par l’effet du « glissement vieillesse technicité », pour 48 millions d’euros.
À noter également que les annexes budgétaires documentent une variation à la baisse de 161 millions d’euros entre 2024 et 2025 liée à la « non-reconduction des mesures spécifiques aux jeux olympique de Paris » ([15]).
Sur les 73,4 millions d’euros de mesures catégorielles comptabilisées en 2024, 61 millions d’euros sont liés au protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale signé le 2 mars 2022, avec notamment la réforme du corps d’encadrement et d’application de la police, en vigueur depuis le 1er août 2023 ([16]). Ces mesures comprennent notamment :
– la poursuite de la mise en œuvre de la prime voie publique, avec un surcoût de 26,7 millions d’euros ;
– la poursuite de l’indemnité de sujétion spécifique liée à l’exercice des fonctions dans un service de la police nationale pour 14,4 millions d’euros ;
– la réforme statutaire du corps d’encadrement et d’application pour 7,82 millions d’euros ;
– la revalorisation de l’indemnité de travail de nuit pour 5,25 millions d’euros.
Ces montants traduisent l’arrivée à maturité du protocole, la majorité des mesures étant entrées en vigueur en 2023.
En toute logique, les protocoles des années précédentes sont désormais intégrés « en base ». Par exemple, le protocole social de 2018 a un impact sur 2024 estimé à 0,03 million d’euros.
Rappel des principales mesures du protocole du 2 mars 2022
L’ensemble des 9 organisations syndicales représentatives des différents corps de la police nationale ont signé à l’unanimité le 2 mars 2022 le protocole adossé au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI 2022-2027) pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale. Ce protocole s’inscrit dans la poursuite des annonces du président de la République le 14 septembre 2021 en clôture des travaux du Beauvau de la sécurité. Dans le détail, afin de mieux valoriser ceux qui sont exposés aux difficultés de la voie publique, sont prévues les mesures suivantes :
– l’instauration d’une prime spécifique de 100 euros par mois ;
– le triplement de l’indemnité de travail de nuit, dont le montant maximal, auparavant de 100 euros, sera porté à 300 euros ;
– le rehaussement en trois étapes de l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) des CRS ;
– deux revalorisations de 15 euros chacune, le 1er juillet 2023 et le 1er juillet 2024, du traitement des policiers adjoints.
Le protocole clarifie les grades d’encadrement pour les gradés et gardiens de la paix (CEA), en fusionnant les deux premiers grades du corps, en revalorisant notamment les grades de brigadier-chef et de major et en relevant les taux d’encadrement.
Le protocole crée une indemnité de sujétion spécifique pour les personnels administratifs et techniques de la police nationale.
De nouvelles mesures en faveur de la filière investigation sont prévues, notamment la revalorisation le 1er janvier 2023 de la prime d’officier de police judiciaire (OPJ). Le versement de la prime sera par ailleurs étendu aux commissaires et officiers qui exercent effectivement les fonctions d’officier de police judiciaire et le nombre de postes d’OPJ pour le corps d’encadrement et d’application sera progressivement relevé pour atteindre 26 000 postes d’ici à 2027.
L’indemnité temporaire de mobilité est étendue aux agents de la police scientifique, aux officiers et aux commissaires et une indemnité logement sera expérimentée pour certains postes de commissaire difficiles à pourvoir.
c. La répartition des effectifs par action
La répartition des effectifs par action du programme témoigne d’une diminution assez sensible des emplois positionnés sur l’action 5 Missions de police judiciaire et concours à la justice.
évolution des crédits et des emplois de la LFI pour 2024 au PLF pour 2025
Source : DGPN, réponse au questionnaire budgétaire.
L’action 5 enregistre en effet une baisse de 8 % entre la LFI 2024 et le PLF 2025. Cette variation s’explique toutefois par l’évolution du périmètre de l’action périmètre à partir de 2025, suite à la réforme de la police nationale intervenue en 2023 et 2024.
L’action 5, anciennement « Missions de police judiciaire et concours à la justice » est renommée « Police judiciaire », afin d’assurer une cohérence et permettre une lisibilité de la filière judiciaire sur le long terme.
d. Les dépenses d’action sociale
Les dépenses d’action sociale ne sont pas des dépenses de titre 2 mais relèvent des dépenses de titre 3 (dépenses de fonctionnement) ([17]) et sont imputées sur l’action 6. Toutefois, il semble pertinent d’évoquer ce sujet dans le cadre des questions relatives aux ressources humaines de la police nationale.
Les dépenses d’action sociale revêtent une grande importance dans un contexte sécuritaire qui reste particulièrement tendu.
Ces dépenses d’action sociale sont relatives à la politique du logement et de l’enfance (dont l’arbre de Noël), les aides à l’insertion des personnes handicapées (AIPH), le programme de mobilisation contre le suicide (PMS), ainsi que diverses autres subventions et dépenses d’action sociale.
Après 3 années de hausses, les dépenses de titre 3 liées à l’action sociale des policiers connaît une diminution sensible de 9 millions d’euros en AE et CP (– 20 %). Elles s’établissent dans le cadre du présent projet de loi à 35,8 millions d’euros en AE et 34,9 millions d’euros en CP.
La rapporteure déplore la baisse des crédits d’action sociale depuis 2020, alors que les besoins sont très importants, notamment sur les volets enfance et famille, logement et prévention des risques psychosociaux.
La mobilisation permanente des forces de l’ordre depuis la crise dite des « gilets jaunes », et l’effort fourni lors de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, rendent nécessaire une vigilance renforcée de la part des pouvoirs publics.
Une augmentation très substantielle des moyens pourrait pourtant être allouée au bénéfice de la suppression d’une dépense pesant injustement sur le budget de la police nationale.
En effet, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2022, la pénalité que le responsable de programme verse au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFH) relève d’une ponction très lourde et assez injustifiée alors même que le ministère œuvre par ailleurs très largement pour la promotion des travailleurs handicapés.
Cour des comptes – Extrait de la note d’exécution budgétaire des crédits
de la mission Sécurités pour 2022
L’article L. 351-1 du code général de la fonction publique assujettit l’ensemble des administrations de l’État à une obligation d’employer au moins 6 % de personnes en situation de handicap. Le FIPHFP peut imposer des contributions financières obligatoires à tout employeur public qui ne satisferait à ces exigences. Ces contributions sont calculées au prorata de la masse salariale et de l’écart à la cible.
Traditionnellement et par convention, les personnels actifs de la police nationale étaient exclus du calcul du ratio de 6 %, eu égard aux prérequis physiques et psychologiques nécessaires pour devenir policier. Dès lors, le FIPHFP calculait le respect du ratio sur la seule population des personnels administratifs, techniques et scientifiques (PATS), pour lesquels aucun prérequis n’est nécessaire et donc l’objectif de 6 % de personnes en situation de handicap tout à fait atteignable.
Or, depuis 2018 et conformément à la lettre de la loi, le FIPHFP intègre les personnels actifs dans le calcul de son ratio, ce qui le conduit à appliquer une lourde contribution à la police nationale, d’un montant d’environ 30 millions d’euros par an. Le programme se caractérise en effet par des effectifs nombreux (148 685 ETPT exécutés en 2022), dont 86 % relèvent de catégories actives soumises à des prérequis physiques et psychologiques. Étant donné qu’un abaissement de ces exigences n’est pas envisageable, la police nationale est dans l’impossibilité structurelle de respecter son obligation légale, sauf à recruter 40 % de ses PATS en situation de handicap, ce qui n’apparaît pas envisageable.
La rapporteure spéciale souhaite que le ministre de l’intérieur puisse se saisir de cette question et modifier par voie réglementaire les modalités de calcul de la pénalité, en excluant par exemple les catégories actives du calcul des effectifs concernés par cette obligation comme c’est le cas pour de nombreux autres secteurs. Il s’agit d’une question de cohérence et d’équité vis-à-vis des autres professions soumises à des prérequis physiques, comme les militaires de la gendarmerie nationale. C’est également une question de soutenabilité et de sincérité budgétaire, ces sommes n’étant aucunement budgétisées en loi de finances initiale.
Aussi, la rapporteure spéciale a déposé un amendement ([18]) demandant au gouvernement la remise d’un rapport sur l’évolution des montants versés depuis 2018 au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique par le programme 176 Police nationale au titre de l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap. L’amendement prévoyait que ce rapport analyse l’opportunité de faire évoluer pour la police nationale les modalités de calcul de la pénalité prévue par l’article L. 351‑1 du code général de la fonction publique. Le rapport devait préciser le volume d’économies que cette évolution pourrait permettre d’affecter à l’action sociale du ministère de l’intérieur. Le rapport détaillerait enfin l’ensemble des actions menées au sein de la police nationale en faveur de l’inclusion des personnes handicapées. L’amendement a été adopté par la commission des Finances.
2. L’évolution des crédits de fonctionnement et d’investissement
Les crédits de fonctionnement et d’investissement de la police nationale sont imputés uniquement sur l’action 6 Commandement, ressources humaines et logistique. Les montants demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 sont proposés à 2 136 millions d’euros en AE et 1 761 millions d’euros en CP. Ces montants sont inférieurs de 20 millions d’euros en AE et supérieur de 34 millions d’euros en CP à ceux ouverts par la loi de finances pour 2024.
Par ailleurs, pour ce qui est des crédits hors titre 2, le projet de loi de fin de gestion pour 2024 propose une annulation de 321,4 millions d’euros en AE et une ouverture de 87,5 millions d’euros en CP en raison de deux effets. Pour ce qui est des ouvertures, il s’agit comme pour les crédits de titre 2, de couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement engagées à l’occasion des opérations de maintien de l’ordre en Nouvelle-Calédonie et de la sécurisation des Jeux olympiques de Paris. En ce qui concerne les Jeux olympiques de Paris, le surcoût total en crédits hors T2 est estimé à 485 millions d’euros dont 80% imputés sur l’année 2024. Les annulations proposées sont la conséquence de reports dans les projets d’investissement immobilier du Ministère de l’intérieur.
a. Les investissements numériques
En matière numérique, les investissements poursuivent le plan de transformation numérique de la police nationale, présenté officiellement par le directeur général de la police nationale en janvier 2023.
Le premier axe de ce plan est le renforcement de la relation avec les citoyens par le développement de nouveaux services numériques. Par exemple, en 2024, la visioplainte a été expérimentée en plusieurs points du territoire et son déploiement progressif au national est envisagé en 2025.
Autre exemple concret : l’amélioration du dispositif de plainte en ligne. Les développements en cours visent à permettre le dépôt d’une plainte en ligne automatisée, sans mise en présence effective avec un policier. En 2024, ce service est expérimenté en Gironde pour les atteintes aux biens ; une généralisation à l’ensemble du territoire national est en cours et se poursuivra en 2025.
Le second axe du plan de transformation est la modernisation de l’action de police. Il s’agit principalement de permettre au policier d’assurer les mêmes tâches en mobilité qu’en commissariat, grâce à la fourniture de terminaux dits « NEO ». L’année 2024 est l’aboutissement de la démarche de dotation d’un smartphone NEO par policier et du déploiement de tablettes pour les JOP 2024. En 2025, les efforts seront poursuivis pour étoffer le nombre de services disponibles sur les NEO.
À noter que la montée en puissance de l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieures (ANFSI), créé le 1er septembre 2023, s’est matérialisée par la rétrocession en 2024 des crédits numériques positionnés sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État vers les directions métiers. En 2025, cette rétrocession s’achève, avec les 17,3 millions d’euros en AE et en CP, au titre des dépenses liées au poste de travail des agents. Les dépenses numériques de la police nationale sont désormais intégralement prises en charge sur le programme 176.
b. L’investissement immobilier
Pour l’investissement en immobilier, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit, au titre du programme 176 Police nationale, une enveloppe de 348 millions d’euros en AE et 280,1 millions d’euros en CP.
L’objectif demeure l’amélioration des conditions d’accueil des usagers et des conditions de travail des policiers. Ainsi, les crédits destinés à financer les opérations immobilières se répartissent entre les acquisitions et constructions immobilières, à hauteur de 232,4 millions d’euros en AE et 93 millions d’euros en CP, et la maintenance lourde, à hauteur de 293,8 millions d’euros en AE et 110,3 millions d’euros en CP. Ces crédits permettront de finaliser les opérations en cours (par ex. hôtel de police de Saint-Étienne, réhabilitation de l’hôtel de police d’Angers, nouveau commissariat de police d’Épernay, desserrement de l’hôtel de police de Quimper) et d’assurer la poursuite d’opérations de grande envergure engagées dans le cadre du triennal 2021-2023 et du Beauvau de la sécurité (construction de l’hôtel des polices de Nice, relogement de l’hôtel de police d’Amiens ou encore relogement de l’hôtel de police de Valenciennes).
B. Le programme 152 Gendarmerie nationale
Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une progression de 317,4 millions d’euros en AE (+5 %) et 520,4 millions d’euros en CP (+8 %) des crédits du programme 152 Gendarmerie nationale – hors contributions au CAS Pensions.
Contrairement à l’augmentation des crédits constatée entre 2023 et 2024, cette hausse est pour une large part due à l’accroissement des dépenses de hors titre 2, qui ne représentent pourtant que 18 % des crédits du programme. On constate en revanche une stabilisation des dépenses de personnel. L’action 4 du programme est la seule action du programme qui ne porte pas exclusivement des dépenses de titre 2.
Évolution en 2025 DES CRÉDITS du programme 152 par rapport À la LFI pour 2024
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
Actions |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
1 – Ordre et sécurité publics |
4 169,7 |
4 213,4 |
1 % |
4 169,7 |
4 213,4 |
1 % |
2 –Sécurité routière |
815,1 |
810,4 |
– 0,6 % |
815,1 |
810,4 |
– 0,6 % |
3 – Missions de police judiciaire et concours à la justice |
2 588,7 |
2 603 |
0,5 % |
2 588,7 |
2 603 |
0,5 % |
4 – Commandement, ressources humaines et logistiques |
3 284,5 |
3 565,8 |
8,5 % |
2 646 |
3 130,4 |
18,3 % |
5– Exercice des missions militaires |
173,6 |
173,8 |
Stable |
173,6 |
173,8 |
Stable |
Total – y compris CAS Pensions |
11 031,5 |
11 366,3 |
3 % |
10 393 |
10 930,8 |
5 % |
Source : projet annuel de performances pour 2025.
La proposition budgétaire pour 2025 s’inscrit pour la gendarmerie aussi dans le cadre fixé par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Dans le cadre de cette loi de programmation, le budget quinquennal 2023-2027 prévoyait 3,3 milliards d’euros supplémentaires pour la gendarmerie, sur les 15 milliards d’euros prévus pour l’ensemble du ministère de l’intérieur. Pour l’heure la trajectoire en crédits est respectée, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne les effectifs (cf. infra).
En 2025, le projet de budget de la gendarmerie nationale vise à répondre aux priorités suivantes :
– assurer la montée en puissance de la réserve opérationnelle à 50 000 personnes à horizon 2027 ;
– poursuivre la création des 239 brigades et 7 nouveaux escadrons de gendarmerie mobile annoncés dans le cadre de la LOPMI ;
– accélérer la rénovation énergétique et la sécurisation des bâtiments de l’État ;
– participer à la transformation numérique des forces de l’ordre.
Si le projet de budget pour 2025 permet d’envisager sereinement la mise en œuvre des deux derniers objectifs, il n’en est pas de même en ce qui concerne les deux premiers, fortement dépendants du schéma d’emplois de la gendarmerie nationale.
1. Des crédits de titre 2 en hausse très modérée du fait d’un schéma d’emplois nul pour la gendarmerie nationale
Hors contribution au CAS Pensions, les crédits de titre 2 du programme 152 Gendarmerie nationale connaîtraient une progression de seulement 1,7 %, soit +82 millions d’euros, contre +6,3 % et 292,4 millions d’euros entre 2023 et 2024.
Cette hausse très modérée des crédits de titre 2 recouvre :
– d’une part la hausse des rémunérations en application des mesures catégorielles dites « coups partis », c’est-à-dire l’effet en année pleine des mesures 2023 et 2024 à hauteur de 62,2 millions d’euros, dont 55,1 millions d’euros au titre du seul protocole social LOPMI de mars 2022 ;
– d’autre part la hausse du plafond d’emplois de + 454 ETPT après transferts, liée à l’effet en année pleine du schéma d’emplois 2024 sur 2025, correspondant à + 329 ETPT, et au solde des flux d’entrée et de sorties anticipé pour 2025, soit + 137 ETPT.
a. L’évolution des emplois de la gendarmerie nationale : un schéma d’emplois à 0
En 2025, et à périmètre constant, les effectifs de la gendarmerie nationale ne progresseront pas. La LOPMI prévoyait pourtant la création de 500 postes en 2025.
Schéma d’emplois destiné à permettre l’atteinte par la gendarmerie de l’objectif de doublement de la présence sur la voie publique d’ici 2030
(en ETP)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
TOTAL |
Schéma d’emplois prévisionnel |
490 |
317 |
185 |
950 |
1 045 |
500 |
400 |
645 |
3 540 |
Dont PVP |
|
|
|
820 |
884 |
464 |
385 |
605 |
|
Schéma d’emplois réalisé |
516 |
351 |
154 |
955 |
1 045 |
– |
– |
– |
1 995 |
Source : Direction générale de la gendarmerie nationale – réponse aux questionnaires de la rapporteure spéciale et du rapporteur pour avis.
Le schéma d’emplois est l’un des sous-jacent de la construction du plafond d’emplois. Pour 2025, le plafond d’emplois s’élève à 103 077,05 ETPT, soit une variation de + 454 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Le plafond d’emplois est calculé en fonction des effets des schémas d’emplois arbitrés pour 2024 et 2025, des corrections techniques, ainsi que des mesures de transferts et de périmètre.
Dans le détail, cette hausse de 454 ETPT se décompose comme suit :
• + 137 ETPT correspondant à l’impact prévisionnel du solde des flux d’entrées et de sorties ;
• + 329 ETPT correspondant à l’impact du schéma d’emplois 2024 sur l’année 2025 ;
• – 10 ETPT correspondant au solde des transferts ;
• – 2 ETPT correspondant aux effectifs en position extérieure (Banque de France, EDF, Élysée, …).
Afin de remplacer les départs, la gendarmerie maintient un objectif de 11 061 recrutements pour 2025.
Avec plus de 47 000 ETPT, l’action 1 « ordre et sécurité publique » concentre près de la moitié des effectifs de la gendarmerie nationale.
La rapporteure spéciale regrette cette stabilisation des effectifs. Elle contribue à rendre plus délicate l’atteinte des objectifs fixés par la LOMPI : doublement du temps de présence sur la voie publique, création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie, montée en puissance de la réserve opérationnelle à 50 000 réservistes.
La réussite de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris est liée à l’intense mobilisation des forces. Cet évènement a démontré clairement la pertinence du déploiement des effectifs de façon visible, et centrée sur les zones à forts enjeux.
La sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
une mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre
Exemple pour la gendarmerie nationale
La gendarmerie nationale s’est mobilisée de manière exceptionnelle pour répondre aux besoins des engagements au profit de la sécurisation du relais de la flamme (RDF) et des Jeux olympiques et paralympiques, et ce, malgré la contrainte extraordinaire liée à l’engagement et au déploiement en Nouvelle-Calédonie (mobilisation de plus de 38 escadrons de gendarmerie mobile en Outre-mer au lieu du socle normal de 21 escadrons).
Les données suivantes permettent de mesurer l’ampleur de cette mobilisation :
– 14 000 gendarmes ont été mobilisés chaque jour sur le territoire national spécifiquement pour l’évènement, dont 2 243 réservistes par jour en moyenne ;
– 18 200 gendarmes déployés à Paris le 26 juillet 2024 ;
– Du 26 juillet au 11 août, 1 903 723 heures gendarmes réalisées, auxquelles s’ajoutent le relais de la flamme (1 123 746 heures) et les jeux paralympiques (627 753 heures).
Au niveau des enveloppes de titre 2, cette mobilisation se traduira par le paiement de 35,90 millions d’euros de primes missionnelles (indemnité d’absence missionnelle et indemnité journalière d’absence temporaire) et de 139,9 millions d’euros de primes valorisant l’engagement exceptionnel des personnels mobilisés (prime « JOP » (139,80 millions d’euros).
Concernant le recours aux réservistes, la totalité de la montée en puissance sur les années précédant les Jeux olympiques 2024 était prioritairement destinée à garantir la capacité opérationnelle pendant les Jeux olympiques. Les jeux ont mobilisé à ce titre une enveloppe de 25,7 millions d’euros.
Enfin, la mobilisation des forces de gendarmerie a engendré la planification de 13 millions d’euros de mesures sociales :
– 10 millions d’euros pour le financement de chèque emploi service universel (CESU) ;
– 1 million d’euros pour des prestations de colonies de vacances ;
– 2 millions d’euros pour les prestations de soutien aux familles suite aux absences prolongées du domicile.
Au total, la gendarmerie nationale évalue le coût des Jeux olympiques et paralympiques à 327 millions d’euros dont 201,4 millions d’euros de titre 2, et 125,6 millions d’euros de dépenses de matériel et de fonctionnement.
b. Les engagements pris dans le cadre de la LOPMI devront être respectés malgré cette stagnation des effectifs
La rapporteure spéciale prend acte du fait que les différents objectifs ne sont pas remis en cause. Elle veillera toutefois à ce que le niveau des effectifs de gendarmerie soit significativement rehaussé dès l’année prochaine, afin de ne pas creuser l’écart par rapport à la trajectoire prévisionnelle.
Conformément aux dispositions de la LOPMI, le président de la République a annoncé le 2 octobre 2023, la création de 239 brigades de gendarmerie avant la fin du quinquennat, réparties en 145 brigades mobiles et 94 brigades fixes sur l’ensemble du territoire national.
Cette mesure visait à la fois à renforcer le service public de la sécurité dans nos territoires, alors que près de 500 brigades avaient été supprimées au début des années 2000, mais également à adapter le maillage territorial de la gendarmerie aux évolutions de la démographie et de la délinquance.
Depuis cette annonce, 80 premières brigades auront été créées fin 2024, dont 72 en métropole et 8 en Outre-mer, pour un effectif total de 595 ETP.
Au 31 décembre 2024, 64 départements de métropole et 8 départements ou collectivités d’Outre-mer en auront bénéficié.
Pour 2025 et les années suivantes, la poursuite du déploiement progressif de nouvelles brigades devrait se poursuivre, bien que les nouvelles localisations n’aient pas encore été annoncées. Le schéma d’emplois 2025 à 0 ETPT emporte nécessairement une réflexion sur le cadencement et le format retenus pour la création des 159 brigades restantes, en particulier pour les 57 unités qui étaient prévues au titre de l’annuité 2025 — correspondant à 464 ETP, qui restent une priorité.
Dans son discours de clôture du Beauvau de la sécurité, prononcé le 14 septembre 2021, le président de la République a annoncé un doublement de la présence sur la voie publique (PVP) en 10 ans. Pour la gendarmerie, cela signifie atteindre en 2031 un peu plus de 90 millions d’heures de présence sur la voie publique.
Grâce à l’augmentation des effectifs, les années 2022, 2023 et 2024 marquent d’ores et déjà une croissance de la part d’activité sur la voie publique.
Ainsi en 2021, première année pleine de référence, la gendarmerie nationale a délivré 45 millions d’heures de PVP. En 2022, étaient comptabilisées 48 millions d’heures, soit une augmentation de près de 4 %. Entre août 2023 et juillet 2024, il s’agit de 53 millions d’heures de PVP, soit une augmentation de 9,2 % par rapport à l’année précédente.
Évolution du nombre d’heure de présence sur la voie publique (PVP)
|
Août 2022 – juillet 2023 |
Août 2023 – juillet 2024 |
Taux d’évolution |
Nombre d’heures PVP |
48,7 millions d’heures |
53,2 millions d’heures |
9,2 % |
Nb d’heures toutes missions confondues |
122 millions d’heures |
126,7 millions d’heures |
3,8 % |
Part des heures totales |
39,95 % |
42,04 % |
2,1 % |
Source : DGGN, réponses au questionnaire parlementaire
Au-delà de l’augmentation des effectifs, la réduction des tâches périphérique, le déploiement des outils nomades, et le développement d’une politique de substitution des personnels administratifs par des personnels de terrain permet de contribuer à l’atteinte de cet objectif.
Afin de limiter autant que possible le temps de présence des militaires au bureau, la gendarmerie nationale vise l’optimisation de l’organisation interne et la mobilisation des moyens technologiques adaptés suivants :
– la densification de la présence territoriale de la gendarmerie nationale par le déploiement des 239 brigades et 7 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) prévu dans le cadre de la LOPMI ([19]). Ces unités sont particulièrement engagées sur des missions de voie publique ;
– la montée en puissance de la réserve opérationnelle de premier niveau, qui se consacre quasi exclusivement à la présence de voie publique qui constitue 89 % de son activité ;
– la diffusion des bonnes pratiques telles que la gestion collaborative des procédures, la mutualisation des services pour rationaliser certaines tâches et interventions afin de dégager des marges horaires réinvesties prioritairement sur des missions de voie publique ;
– le travail en mobilité des militaires grâce à la diffusion en masse d’outils numériques (terminaux smartphones NéoGend et ordinateurs Ubiquity) et la mise en place de la procédure pénale numérique ;
– la réduction des missions dites périphériques qui englobent l’activité enregistrée par la gendarmerie ne contribuant pas à la production directe de sécurité ou ne correspondant pas aux objectifs du programme 152 : gardes statiques, prise en charge d’extractions judiciaires, participation aux commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité, etc.
Constituée de deux tiers de volontaires issus de la société civile, et d’un tiers d’anciens militaires d’active, la réserve de la gendarmerie représente 45 % des effectifs de la réserve militaire en France, toutes armées et services confondus. Les réservistes opérationnels de premier niveau de la gendarmerie nationale constituent un véritable réservoir de force pour compléter et appuyer l’action des unités.
L’objectif de 57 000 réservistes en 2027 semble particulièrement ambitieux, d’autant qu’à ce stade, dans les prévisions budgétaires 2025, l’enveloppe allouée à la réserve opérationnelle est de 75,6 millions d’euros de titre 2 HCAS, en recul de 15 millions d’euros par rapport à l’enveloppe 2024 ([20]).
Dans ses notes d’exécution budgétaires portant sur les exercices 2022 et 2023, la Cour des comptes a constaté la difficulté des programmes 152 et 176 à réaliser leurs objectifs en matière de recrutement de réservistes. C’est ainsi que pour atteindre son objectif de 50 000 réservistes en 2027, la gendarmerie nationale devrait recruter 3 800 réservistes supplémentaires par an.
Au 31 décembre 2023, la réserve opérationnelle de premier niveau était constituée de 33 211 militaires, contre 31 482 au 31 décembre 2022. Les effectifs ont poursuivi une phase ascendante en 2024 et atteindront 36 000 réservistes fin 2024, à la faveur des Jeux olympiques de Paris.
Évolution du budget consacré à la réserve opérationnelle[RS1]
(en million d’euros)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
PLF 2025 |
Budget initial |
70,7 |
70,70 |
70,70 |
84,70 |
113,70 |
75,60 |
Budget exécuté |
63,40 |
86 |
78,10 |
102,30 |
- |
- |
Taux d’exécution |
90 % |
122 % |
110 % |
121 % |
- |
- |
Source : réponse au questionnaire budgétaire.
La gendarmerie nationale peut mobiliser en effet de nombreux leviers visant à accroître significativement l’efficacité de sa réserve par un emploi accru : alors que les effectifs de la réserve de la gendarmerie nationale ont augmenté de 5,5 % entre 2022 et 2023, le rythme opérationnel — correspondant au nombre total de jours réalisés par les réservistes — a crû de 20,9 %.
Toujours dans le but d’atténuer la baisse anticipée pour 2025, et pour maintenir une activité totale équivalente, la gendarmerie souhaite promouvoir les conventions de mises à disposition de réservistes. À titre d’exemple, la lutte contre l’immigration irrégulière sur les côtes des Hauts-de-France financée par le Royaume-Uni (accords de Sandhurst) devrait augmenter en 2025 pour atteindre une cible d’environ 500 réservistes par jour.
Quoiqu’il en soit, la gendarmerie fera en 2025 les efforts nécessaires pour maintenir le volume de réservistes à la cible atteinte à la fin de l’année 2024.
2. Les crédits hors Titre 2 : le retour à l’investissement et à l’équipement des forces
Les crédits hors titre 2 visent à financer les dépenses de fonctionnement, pour le titre 3, et les investissements, pour le titre 5. Ces crédits sont en hausse en 2025 par rapport à ce qu’avait ouvert la loi de finances pour 2024.
évolution des crédits de paiement
du programme 152 Gendarmerie nationale
(en millions d’euros)
|
Titre 3 |
Titre 5 |
Total hors titre 2 |
|||
Année |
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
2017 |
1 190,6 |
1 142,8 |
147,2 |
179,1 |
1 337,8 |
1 322 |
2018 |
1 139,6 |
1 206,5 |
207,1 |
179,8 |
1 346,7 |
1 386,3 |
2019 |
1 141 |
1 183 |
180,9 |
160,8 |
1 321,9 |
1 343,9 |
2020 |
1 104 |
1 215,3 |
178 |
183,4 |
1 282 |
1 398,7 |
2021 |
1 064,6 |
1 212,7 |
209 |
187,2 |
1 273,6 |
1 399,9 |
2022 |
1 208,5 |
1 380,5 |
284,5 |
248,6 |
1 499,8 |
1 640,3 |
2023 |
1 287,7 |
1 479,7 |
260,7 |
178 |
1 555,2 |
1 657,7 |
2024 |
1 297,3 |
– |
180,6 |
– |
1 477,9 |
– |
PLF 2025 |
1 592 (p) |
– |
319,2(p) |
– |
1 911,2(p) |
– |
Source : commission des finances à partir des rapports annuels de performances.
En 2025, le budget des titre 3 et titre 5 de la gendarmerie s’élèverait à 1,91 milliard d’euros, en augmentation de 433,3 millions d’euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Il s’agit de la plus forte hausse depuis 2017, qui intervient qui plus est après une année 2023 sans évolution et une année 2024 marquée par une baisse des crédits HT2. En autorisations d’engagement, le PLF 2025 porte 2 359,6 millions d’euros, soit + 234,8 millions d’euros par rapport à 2024.
Les titres 3 et 5 augmentent respectivement de 296 millions d’euros et 139 millions d’euros.
Au total, le hors titre 2 augmente de 438 millions d’euros en crédits de paiement ([21]).
Cette hausse de 438 millions d’euros concerne les enveloppes :
– de fonctionnement pour un total de 1 591 millions d’euros, soit + 296 millions d’euros :
● 272,5 millions d’euros (+ 72 millions d’euros) sont affectés aux dépenses de fonctionnement courant ;
● 119,8 millions d’euros (+ 45 millions d’euros) alloués aux moyens mobiles ;
● 82,8 millions d’euros (+ 10 millions d’euros) alloués aux équipements ;
● 189,5 millions d’euros alloués au titre des systèmes d’information et de communication (+ 81 millions d’euros) pour couvrir le socle des projets en cours (NEO/STORM) et le maintien des applications permettant le travail en mobilité ;
● 854,5 millions d’euros d’immobilier (+ 57 millions d’euros), dont 628,2 millions d’euros au titre des loyers ;
● 2,5 millions d’euros de subventions et contributions aux opérateurs ;
● 71,4 millions d’euros (+ 29 millions d’euros) au titre des moyens lourds, dont le MCO des H145 et des centaures ;
– d’investissement avec + 139 millions d’euros pour un total de 319 millions d’euros finançant :
● 106,2 millions d’euros (+ 57 millions d’euros) de véhicules (1 850 véhicules permettant de couvrir une partie du besoin de renouvellement annuel estimé à 3 750 véhicules légers) ;
● 33,8 millions d’euros (+ 12 millions d’euros) d’hélicoptères (hausses économiques H160 + H145) ;
● 3,6 millions d’euros (+ 3 millions d’euros) d’équipement ;
● 175,5 millions d’euros (+ 67 millions d’euros) d’immobilier, marquant la reprise de la trajectoire de redressement des enveloppes, qui nécessitera une attention progressive appuyée pour aller vers la cible de 400 millions d’euros par an ;
– des subventions aux collectivités territoriales pour les projets de construction, avec +3,7 millions d’euros pour 2025, pour un total de 12 millions d’euros.
La politique immobilière revêt un caractère stratégique pour la gendarmerie nationale, non seulement pour ce qui concerne les locaux de service technique indispensables à l’exercice de la mission mais aussi au regard de l’obligation de logement en caserne des gendarmes et de leurs familles.
Or, l’âge moyen du parc domanial est de 52 ans et le besoin récurrent pour maintenir le parc immobilier est estimé par la direction générale de la gendarmerie nationale à 300 millions d’euros d’investissement (dépenses du propriétaire) et 100 millions d’euros de fonctionnement (dépenses de l’occupant) soit un total de 400 millions d’euros. L’enveloppe allouée à ces travaux est pourtant systématiquement inférieure de plus de 50 % à cette estimation depuis plus de dix ans. Cette période de sous-investissement systématique a contribué à la dégradation du parc domanial et a constitué une « dette grise » qui s’élève désormais à 2,2 milliards d’euros cumulés en dix ans.
Aussi, du fait de la faible capacité d’investissement, l’extension du parc de la gendarmerie repose sur l’extension de son parc locatif et les loyers représentent en conséquence un poids croissant qui vient réduire d’autant la capacité d’investissement en termes de maintenance, de réhabilitation mais aussi de constructions et d’acquisitions.
Fin 2024, les reprises dans la presse d’un volume d’impayés de loyers de la gendarmerie nationale de plus de 200 millions d’euros ont mis en lumière les tensions budgétaires de ce programme en investissement et en fonctionnement. La couverture de ces impayés sera assurée par une ouverture de crédits proposée dans le cadre du projet de loi de fin de gestion.
En effet, selon la loi de fin de gestion pour 2024 ([22]) les ouvertures en hors titre 2 sont très importantes, à hauteur de 315 millions d’euros en CP. Dans l’attente des ouvertures prévues par ce texte, la poursuite de l’activité opérationnelle avait donc nécessité de repousser d’abord les investissements, mais aussi à suspendre temporairement la mise en paiement des loyers dus par la gendarmerie à compter de septembre ([23]).
En ce qui concerne les annulations, elles porteraient uniquement sur la contribution au CAS Pensions, moins élevée qu’anticipée, pour un montant de 83,7 millions d’euros en AE et CP.
Malgré une hausse significative des crédits pour 2025, la rapporteure spéciale maintient son alerte sur la faiblesse récurrente de la dotation hors titre 2 du programme 152 Gendarmerie nationale. Elle invite à sanctuariser cette enveloppe en exécution, et à la porter progressivement à 400 millions d’euros annuels d’ici à 2027.
II. politique de sÉcurité routiÈre
En termes budgétaires, la politique de sécurité routière est essentiellement portée par le programme 207 Sécurité et éducation routières et le compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.
A. Le programme 207 SÉcuritÉ et éducation routiÈres
En 2024, les crédits du programme 207 diminuent très fortement. Le projet de budget prévoit pour le programme 207 une enveloppe pour 2025 à hauteur de 84,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 83,1 millions d’euros en crédits de paiement.
Les évolutions entre 2024 et 2025 sont à la baisse sur toutes les actions et correspondent à la pérennisation du décret d’annulation n° 2024-124 du 21 février 2024 qui a réduit les crédits du programme de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Évolution prévue en 2025 DES CRÉDITS du programme 207
par rapport À la LFI pour 2024
(en millions d’euros et en pourcentage)
Programme 207 |
Action 1 Observation, prospective, réglementation et soutien au programme |
Action 2 Démarche interministérielles et communication |
Action 3 Éducation routière |
Total |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
LFI 2024 |
13,3 |
13,3 |
67,2 |
66,6 |
29,9 |
29 |
110,4 |
108,9 |
PLF 2025 |
7,9 |
7,9 |
50,3 |
49,7 |
26,5 |
25,6 |
84,6 |
83,1 |
Évolution en valeur 2024-2025 |
– 5,4 |
– 5,4 |
– 16,9 |
– 16,9 |
– 3,5 |
– 3,5 |
– 25,8 |
– 25,8 |
Évolution en pourcentage 2024-2025 |
– 41 % |
– 41 % |
– 25 % |
– 25 % |
– 11 % |
– 12 % |
– 23 % |
– 24 % |
Source : projet annuel de performances pour 2025 et réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale.
Sur l’action n° 1, la baisse touche tant les études et recherches, avec – 3,3 millions d’euros, que le fonctionnement courant du programme, avec – 2,1 millions d’euros.
Sur l’action n° 3, la baisse concerne le permis à 1 euro (– 2,3 millions d’euros) et les travaux d’investissement dans les centres d’examen du permis de conduire (1,2 million d’euros).
La rapporteure spéciale relève toutefois que la dotation prévue par le projet de loi de finances pour 2025 reste supérieure, sous réserve de confirmation en fin de gestion, au niveau des crédits disponibles en 2024.
La prévision d’exécution pour 2024 s’élève en effet à 76,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 69,8 millions d’euros en crédits de paiement pour une enveloppe initiale de respectivement 110,4 et 108,9 millions d’euros.
Ainsi, au cours de la gestion, ce seront 38,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 40 millions d’euros en crédits de paiement qui seraient annulés ou gelés soit 37 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2024.
L’annulation de 25 millions d’euros opérée par le décret précité de février 2024 a en effet été suivie d’un surgel de 6,5 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement et d’une demande de non-consommation de crédits à hauteur de 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 9 millions d’euros en crédits de paiement.
B. Le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Le PLF pour 2025 porte des crédits de plus de 1,86 milliard d’euros au titre du CAS, piloté par la déléguée à la sécurité routière, soit une hausse importante de plus de 12 %.
ÉVOLUTION EN 2025 DES CRÉDITS DU CAS PAR RAPPORT À LA LFI POUR 2024
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement et crédits de paiement |
||
Programmes |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
751 – Structures et dispositifs de sécurité routière |
339,6 |
336,3 |
– |
753 – Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
26,2 |
26,2 |
– |
754 – Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
666,8 |
776,7 |
17 % |
755 – Désendettement de l’État |
627 |
724 |
16 % |
Totaux |
1 660 |
1 864 |
12 % |
Source : projet annuel de performances pour 2025.
1. Une architecture complexe et toujours aussi critiquée
Aux termes de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances, « les comptes d’affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».
Le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers a été créée par la loi de finances initiale pour 2006 ([24]) afin de faciliter l’acceptabilité de la politique de sanction automatisée des infractions au code de la route, par l’affectation, précise et traçable, des recettes des radars automatiques, soupçonnées d’être des « machines destinées à remplir les caisses de l’État ». Cette affectation spéciale avait été proposée dès 2003 par le rapporteur spécial Hervé Mariton ([25]) : « Il ne s’agit pas, en effet, d’accentuer les sanctions aveuglément, mais de donner une cohérence et un sens à la pratique de la sanction en expliquant aux usagers de la route que ce que l’État perçoit au titre des infractions commises est utilisé pour prévenir ou réparer les conséquences souvent dramatiques de l’insécurité routière. Cela est d’ailleurs cohérent avec la systématisation des sanctions des nouveaux dispositifs automatiques de contrôle et permet de ne pas donner l’impression que le contrôle est aléatoire et que la sanction est évitable parce que statistiquement rare. »
La complexité de l’architecture de ce compte d’affectation spéciale n’en est pas moins réelle et amoindrit grandement les principes ayant présidé à sa création.
Le CAS est divisé en deux sections, qui financent quatre programmes.
Le produit des amendes forfaitaires issues des radars automatisés est affecté au CAS dans la limite de 506 millions d’euros ([26]), les sommes excédant ce plafond étant affectées au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) dans la limite de 26 millions d’euros, et le solde à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). L’article 37 du projet de loi de finances pour 2025 prévoit par ailleurs un nouveau prélèvement de 13 millions d’euros — par minoration de la part du solde du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction dévolue à l’FITF — au profit de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) ([27]).
Aux termes de l’article 49 de la loi de finances pour 2006 précitée, les 506 millions d’euros de recettes affectées au CAS et issus des amendes forfaitaires des radars automatisés sont ventilés à hauteur de 336 millions d’euros au sein de la première section Contrôle automatisé et à hauteur de 170 millions d’euros au sein de la deuxième section Circulation et stationnement routiers.
Est également affecté au CAS, au profit de sa deuxième section, le produit des autres amendes de la police de la circulation, minoré d’une fraction de 45 millions d’euros revenant au budget général de l’État.
Le schéma suivant permet de visualiser ces différents mouvements de crédits. Il permet de mieux comprendre l’objet du présent rapport spécial, qui porte donc sur :
– les 336,3 millions d’euros affectés à la section 1 du CAS, et plus précisément à son programme 751 qui est sous la responsabilité de la délégation à la sécurité routière (DSR) ;
– les 1 528 millions d’euros affectés à la section 2 du CAS, et qui se répartissent au sein des trois autres programmes du CAS.
Ces deux montants totalisent bien les 1 864 millions d’euros du CAS, tandis que le montant total des recettes encaissées par la puissance publique est estimé pour 2025 à 2 193 millions d’euros.
Architecture financière du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers – PLF pour 2025
Source : projet annuel de performances pour 2025.
Il convient de noter que si la prévision de recettes des amendes forfaitaires radars non majorées est établie par la DSR, la prévision de recettes des amendes forfaitaires hors radars et des amendes majorées est transmise par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette dernière prévision est en forte croissance, de plus de 200 millions d’euros, et explique à elle seule la croissance des crédits pour 2025. À la date de rédaction du présent rapport, la DGFiP n’a pas été en mesure de transmettre à la rapporteure spéciale les sous-jacents de cette augmentation.
Les multiples affectataires du CAS
Les affectataires du CAS sont :
– la délégation à la sécurité routière (DSR), pour financer le contrôle automatisé et le système national du permis de conduire, ainsi que l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), via les programmes 751 et 753 et, désormais, par un prélèvement direct selon l’article 37 du projet de loi de finances pour 2025 ;
– les collectivités territoriales via le programme 754 ;
– le désendettement de l’État via le programme 755 ;
– le budget général pour 45 millions d’euros ;
– le fonds pour la modernisation et l’investissement en santé à hauteur de 26 millions d’euros ;
– l’Agence pour le financement des infrastructures de transports de France (AFITF) qui perçoit le solde des amendes forfaitaires du contrôle automatisé.
La première section est principalement consacrée aux radars. Dans le cadre du programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière, elle finance leur installation et leur entretien, ainsi que la gestion du système de permis à points.
L’objet de la seconde section est plus imprécis. Si les programmes 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers, qui porte des crédits destinés à la généralisation du procès-verbal électronique, et 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, qui participe au financement d’opérations destinées à rendre plus sûrs la circulation et les transports en commun, contribuent à la politique de sécurité routière, les dépenses du programme 755 Contribution au désendettement de l’État sont affectées au budget général de l’État en recettes non fiscales.
La rapporteure spéciale appelle de ses vœux une simplification de cette architecture, tout en relevant les risques d’une moindre acceptabilité auxquels la suppression « sèche » du CAS exposerait la politique de sécurité routière. En outre, cette suppression exigerait que soient rebudgétisées les dépenses financées par les programmes du CAS, et ne saurait donc intervenir par voie d’amendement parlementaire.
Quant au montant même des recettes du CAS, il convient de rappeler que la délégation à la sécurité routière ne vise pas leur progression. C’est au contraire la réduction de l’accidentalité, par la réduction de la vitesse des conducteurs, qui est recherchée, le coût total de l’insécurité routière, évalué entre 46 et 70 milliards d’euros en 2022 selon la méthodologie retenue pour la valorisation des victimes, étant nettement supérieur aux recettes procurées par les radars automatiques.
2. Une stabilité des crédits des programmes sous la responsabilité de la délégation à la sécurité routière
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, les crédits des programmes 751 Structures et dispositifs de sécurité routière et 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers sont stables, et ce depuis 2022.
Ces deux programmes sont pilotés par la délégation à la sécurité routière et permettent de financer le contrôle automatisé et le système national du permis de conduire, ainsi que l’ANTAI.
L’agence connaît d’ailleurs depuis quelques années une nette diversification et montée en charge de ses missions, notamment en matière d’amendes forfaitaires délictuelles.
Récemment, l’article 53 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration ([28]), dite loi 3DS, ouvre aux collectivités et à leurs groupements la possibilité d’installer des dispositifs de contrôle automatisé. Selon l’exposé des motifs de l’article 37 du projet de loi de finances pour 2025, « afin de rendre effective cette disposition, la délégation à la sécurité routière (DSR) prépare un marché qui permettra à toutes les collectivités d’acheter un service complet comprenant la mise à disposition des équipements de terrain, les travaux de génie civil, les services permettant l’acheminement des messages d’infraction à l’ANTAI et au centre national de traitement. La mise en œuvre des dispositifs de contrôle impliquera que l’ANTAI supporte des coûts, liés notamment au développement d’une chaîne dédiée de traitement informatique des messages d’infraction en vue d’adresser les contraventions aux titulaires du certificat d’immatriculation ».
L’évaluation préalable de l’article précise également que « la possibilité ouverte aux collectivités et à leurs groupements d’installer des dispositifs de contrôle automatisé conduira à une évolution significative de l’ANTAI » et « impliquera notamment la mise en place de nouvelles chaînes de traitement informatique permettant de traiter de manière différenciée l’avis de contravention issu des radars mis en place par les collectivités territoriales ».
La progression des moyens obtenus dans le cadre de la LOPMI (18 ETPT supplémentaires sur 2023-2027 et une dotation complémentaire de 6,2 millions d’euros), tout comme l’affectation directe d’une nouvelle recette à hauteur de 13 millions d’euros devrait permettre à l’ANTAI de faire face à l’augmentation de l’activité et de ses missions.
En ce qui concerne les contrôles automatisés, les hypothèses de recettes pour 2024-2027 sont fixées selon les résultats constatés en 2023. II est prévu, au titre des déploiements, l’atteinte du parc maximal de 4 700 radars fin 2024 (4 600 environ fin 2023).
Par ailleurs, l’externalisation de la conduite des véhicules radars dans toutes les régions, exceptions faites de l’Île-de-France et de la Corse, sera opérationnelle d’ici fin 2024.
Enfin, les déploiements intègrent une montée en puissance des radars tourelles, des radars urbains et une baisse corrélative des radars fixes. L’ensemble de ces hypothèses conduit pour 2024 à une recette prévisionnelle de 770 millions d’euros pour 17 millions d’avis de contravention soit un chiffre stable par rapport aux dernières prévisions transmises à la direction du budget en 2024. À noter toutefois que des délais dans les notifications et la montée en puissance des marchés notifiés pourraient conduire à revoir ce chiffre en légère baisse.
Cette prévision de recettes se retrouve inchangée pour 2025.
3. Le programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
Placé sous la responsabilité du directeur général des collectivités locales, le programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières a pour objet de reverser aux collectivités territoriales une partie des recettes encaissées par l’État au titre des amendes de police relatives à la circulation routière.
Il est financé par deux voies :
– la première est constituée du produit des amendes forfaitaires de police relevées par la voie de radars automatiques, pour un montant de 71 millions d’euros, et attribuée, à hauteur de 7 millions d’euros, aux communes et EPCI et, à hauteur de 64 millions d’euros aux départements, à la collectivité de Corse, à la métropole de Lyon, aux régions d’Outre-mer et aux métropoles ;
– la seconde, correspond à 53 % du produit des autres amendes forfaitaires et des amendes forfaitaires majorées de la police de la circulation, après minorations pour financer les dépenses de déploiement du procès-verbal électronique supportées par le programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers et déduction du montant de 45 millions d’euros affecté au budget de l’État. Cette fraction s’élève pour 2025 à 706 millions d’euros, en hausse de plus de 100 millions d’euros par rapport à 2024.
Le comité des finances locales répartit le produit des amendes entre les collectivités territoriales.
4. Le programme 755 Désendettement de l’État
Il s’agit des 47 % restants du produit des amendes forfaitaires, hors contrôle automatisé et des amendes forfaitaires majorées de police de la circulation et du stationnement, après prélèvement au profit du budget général, à hauteur de 45 millions d’euros, et au profit du programme 753, pour financer l’ANTAI.
Au cours de sa réunion du 31 octobre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Sécurités. La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Au cours de cette réunion, la commission a adopté les amendements de crédits suivants : II‑CF1325, II‑CF2533, II‑CF2614, II‑CF391, II‑CF393, II‑CF566, II‑CF2534, II‑CF2531, et II‑CF2535. Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission a adopté les crédits de la mission Sécurités ainsi modifiés. À l’article 45 et à l’état G, la commission a adopté les amendements II‑CF2344 de la rapporteure spéciale, ainsi que l’amendement II‑CF208. Après l’article 64, la commission a adopté les amendement II‑CF2343 et II‑CF2345 de la rapporteure spéciale, ainsi que les amendements II‑CF2540 et II‑CF2539. Elle a adopté les crédits de la mission Contrôle de la circulation et du stationnement routiers non modifiés. |
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale (Police nationale ; Gendarmerie nationale ; Sécurité et éducation routières ; compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers). Permettez-moi de commencer par un hommage sincère, auquel vous vous associez, j’en suis sûre, aux femmes et aux hommes des forces de sécurité intérieure qui font face à des missions de plus en plus périlleuses, souvent au péril de leur vie et toujours au péril de leur santé ou de leur intégrité physique. Au cours des dernières années, les forces de sécurité intérieure ont été particulièrement mobilisées, entre le mouvement des gilets jaunes, les diverses contestations sociales et les violentes émeutes urbaines de juin 2023. En ce moment même, en Nouvelle-Calédonie, des milliers de gendarmes sont tous les jours pris pour cible.
Dans un contexte budgétaire contraint, ce projet de budget me semble être à la hauteur de l’enjeu : assurer la protection et la sécurité de nos compatriotes et permettre aux forces de sécurité intérieure d’exercer leurs missions avec les meilleurs moyens.
Les deux principaux programmes de la mission, le programme 176 Police nationale et le programme 152 Gendarmerie nationale, dépassent les 17 milliards. Ils s’inscrivent dans la trajectoire de hausse prévue dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) de Gérald Darmanin. Les crédits de paiement sont en hausse de 600 millions d’euros, soit 4 %, et les autorisations d’engagement de 403 millions, soit 2 %. C’est un choix politique très clair du gouvernement que de préserver et renforcer les moyens octroyés aux forces de sécurité pour remplir leurs missions. De manière générale, je me réjouis que les budgets des ministères régaliens, dotés d’une programmation pluriannuelle, soient préservés malgré le contexte budgétaire.
S’agissant du programme Gendarmerie nationale, je salue l’effort significatif de 438 millions d’euros consenti pour les crédits hors dépenses de personnel. Après deux années blanches en matière d’investissement et de nombreuses alertes lancées tant par les parlementaires que par la Cour des comptes, cette augmentation va permettre à la gendarmerie de s’équiper et d’entretenir ses véhicules, mais aussi d’acquérir des technologies informatiques pour faire face aux nombreux défis qu’elle a à relever en matière numérique.
Cependant, on ne peut passer sous silence le sujet brûlant de l’immobilier. En raison de plusieurs missions – la sécurisation réussie des Jeux olympiques et paralympiques et la forte mobilisation en Nouvelle-Calédonie –, des contraintes budgétaires ont amené à reporter à la fin de l’année le paiement de certains loyers. Ce sujet, si important pour les gendarmes, doit être traité. Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a lui-même reconnu qu’il conviendrait certainement de revoir un modèle immobilier désormais à bout de souffle et dépassé.
L’enveloppe consacrée au programme Police nationale est globalement préservée, à l’exception de l’action sociale, réduite de 10 millions d’euros, et de plusieurs programmes d’investissements immobiliers, qui perdent 236 millions d’euros. Les crédits pour 2025 ne permettront pas de rattraper totalement la soixantaine d’opérations immobilières qui ont été interrompues ou reportées.
Enfin, nous devrons être particulièrement vigilants sur deux points. Le schéma d’emploi des forces tout d’abord est nul, aussi bien pour la police que pour la gendarmerie. Nous ne pouvons négliger cette entorse à la Lopmi : un rattrapage du nombre d’équivalents temps plein devra être programmé au cours des prochaines années. Ensuite, l’enveloppe de la réserve opérationnelle de la gendarmerie est en baisse, ce qui provoque de vives inquiétudes car les réservistes sont essentiels à la police comme à la gendarmerie.
Malgré mes réserves, je vous invite à voter ce budget responsable, qui ne sacrifie pas les priorités sécuritaires et tient les engagements pris, grâce à des choix politiques forts.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial (Sécurité civile). Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’ai une pensée pour nos voisins et amis espagnols, qui font face à des crues et des inondations majeures, ainsi que pour nos sapeurs-pompiers qui leur viendront en aide dans les prochains jours.
Sophie Pantel et moi avons organisé de nombreuses auditions pour rédiger ce rapport sur le programme 161 Sécurité civile, dépassant parfois son strict périmètre, et il apparaît clairement que le compte n’y est pas.
« Nos pompiers sont des héros absolus » : cette citation du Président de la République a maintenant plus de deux ans. Le Premier ministre a renouvelé ces éloges après les pluies et les inondations récentes, qui ont donné lieu à 2 300 interventions. Les sapeurs n'aiment pas ce terme mais oui, ce sont bien des héros du quotidien, notamment les 80 % d’entre eux qui sont volontaires : ils travaillent dans les espaces verts de Peyrat-le-Château, au Leroy-Merlin de Limoges ou comme infirmiers à Mende, et ils accourent pour servir la société. Les professionnels et les militaires ne sont pas en reste et risquent leur vie pour sauver la nôtre.
Comme cela a été remarqué pendant les auditions, les sapeurs-pompiers sont sans doute l’un des services publics les moins chers. Il ne doit cependant pas devenir low cost, surtout au moment où le changement climatique s’accentue et où la crise de l’hôpital s’aggrave, ce qui augmente considérablement le nombre des missions des sapeurs-pompiers.
Il est difficile de digérer la baisse globale des moyens quand la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris ne peut que rester en sous-effectif pour boucler son budget ; quand les associations agréées ne reçoivent de l’État que 30 ou 50 centimes par bénévole ; quand la retraite des sapeurs-pompiers volontaires n’évolue pas, malgré les amendements qui ont été adoptés lors de la réforme des retraites de 2023. Et pourtant les pompiers répondent toujours présents, que ce soit pendant les attentats ou lorsque l’Assemblée est inondée.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » : cette phrase convient aussi aux soldats du feu. Au-delà du programme 161, je vous invite à mener une réflexion plus globale sur le modèle de financement et de recrutement des sapeurs-pompiers afin qu’il y en ait davantage pour effectuer les missions du quotidien.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale (Sécurité civile). Comme mon collègue, je regrette que les crédits du programme 161 soient en diminution à un moment où les forces de sécurité civile sont déjà sursollicitées, qu’il s’agisse de réagir aux événements climatiques – et je m’associe aux pensées déjà exprimées pour nos voisins espagnols – ou de pallier les carences du secteur sanitaire face au vieillissement démographique ou à l’émergence de risques accrus.
J’insisterai plus particulièrement sur quelques points opérationnels.
Tout d’abord, si la poursuite du pacte capacitaire est souhaitable, il devrait être davantage orienté vers les inondations.
En matière de moyens aériens, les retards dans l’acquisition de quatre nouveaux bombardiers d’eau De Havilland Canada, en raison des annulations de crédits décidées en février, ont conduit à louer des appareils. Cette situation appelle notre vigilance : non seulement nous sommes dépendants d’un pays étranger, ce qui représente un risque considérable pour notre souveraineté, mais cette location tampon est particulièrement coûteuse. Nous vous proposerons donc des amendements visant à augmenter les crédits pour sécuriser l’acquisition de deux nouveaux Canadair.
Par ailleurs, le projet NexSIS 18-112 et le Réseau radio du futur (RRF) apportent de bonnes solutions pour moderniser les interventions des sapeurs-pompiers et renforcer leur efficacité. Mais le recours à ces technologies est coûteux. Il faudra s’assurer que les capacités financières des collectivités territoriales sont suffisantes pour l’absorber. Là encore, il s’agit d’être à l’écoute.
Nous préconisons de préserver notre modèle de sécurité civile, fondé sur le volontariat, qui a largement fait ses preuves. Cela implique de trouver des solutions pour faciliter les choses avec les employeurs, privés comme publics. S’agissant du partenariat avec les « blancs », les attentes sont fortes, que ce soit sur les carences ambulancières – les pompiers n’ont pas vocation à pallier les carences du transport sanitaire – ou sur la généralisation du modèle de plateforme unique de traitement des appels. Comme nous l’avons déjà déploré lors de la première partie du PLF, le modèle de financement de la sécurité civile, qui repose à 90 % sur les collectivités territoriales, est à bout de souffle et appelle une réforme de toute urgence. Un consensus s’est formé autour de la notion de valeur du sauvé. Entre autres propositions, celle d’une participation des compagnies d’assurances ne serait pas incohérente, puisque les interventions des sapeurs-pompiers, en limitant des dommages, leur évitent des dépenses.
Autre sujet, dont on parle peu : la recherche. Pour structurer les nombreuses initiatives prises par différents organismes, il serait pertinent de créer un réseau, placé sous la direction d’un chef de file de terrain, pour coordonner les actions sans limiter l’agilité des acteurs.
Enfin, comme l’a rappelé Damien Maudet, il est important que les associations agréées de sécurité civile n’interviennent que sur des missions non urgentes, et toujours sous commandement des sapeurs-pompiers.
Au regard de ces remarques, je réserverai pour l’heure mon avis sur ces crédits, mais je ne doute pas que nous saurons, tous ensemble, améliorer la feuille de route de ce programme qui transcende les clivages politiques.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CF396 de Mme Sandra Regol, II-CF1661 de M. Pouria Amirshahi et II-CF2175 de M. Éric Coquerel (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). J’ai écouté avec intérêt Mme Le Grip qui disait tout son amour pour les forces de police. Quand on aime, on le prouve : en l’espèce, il s’agit d’affecter davantage de moyens à la police pour développer une police de proximité et recréer du lien avec la population.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville comme dans les quartiers aisés, la population ne demande qu’une chose : connaître les agents. Depuis de nombreuses années, les écologistes et plus largement les forces du NFP demandent le retour d’une police de proximité, car la territorialisation de l’action policière présente de nombreuses vertus : elle facilite le recueil de renseignements, qui fait si souvent défaut, et permet de tisser un lien de confiance durable avec la population.
En 2022, l’Institut Montaigne – vous voyez, nul besoin d’aller chercher des références à gauche – évaluait à 31 millions les seules dépenses de personnel au cours de la première année, auxquels il faut ajouter des coûts d’investissement. Mon amendement, plutôt ambitieux, vise donc à débloquer 150 millions pour commencer à déployer une police de proximité, ce qui permettrait à la fois d’améliorer le service rendu à la population et de redonner du sens au métier des agents, qui sont nombreux à souffrir de difficultés psychologiques – une dimension à laquelle le budget ne répond absolument pas.
L’amendement II-CF1661 est de repli.
M. le président Éric Coquerel. La création d’une police de proximité s’inscrit dans un projet global de refonte de la police en France, pour revenir à ce qui existait avant 2005 : arguant que les policiers n’étaient pas là pour jouer au ballon avec les jeunes mais pour assurer la répression, Nicolas Sarkozy avait progressivement dissous les polices de proximité. Nous considérons que cette décision était une erreur sur laquelle il faut revenir.
De nombreux pays européens ont de bien meilleures statistiques que les nôtres en matière de sécurité. Pourtant, ils ont moins de policiers que nous et leur police du quotidien n’est pas équipée de moyens dissuasifs, y compris létaux, comme les flash ball. Cela accrédite notre hypothèse : il serait pertinent de disposer de différents corps de police, en fonction du niveau de répression nécessaire, ce qui passe par une police de proximité.
Petit à petit, l’idée s’est installée que la police municipale devait assurer les missions de police de proximité. Nous nous opposons à cette vision du continuum de sécurité qui génère des inégalités entre les citoyens, selon que leur municipalité alloue plus ou moins de moyens à sa police – diminuant d’autant ceux finançant d’autres compétences, d’ailleurs. Ce n’est pas aux polices municipales d’assurer la police de proximité, mais à la police nationale.
Mon amendement propose donc à intégrer les 24 000 policiers municipaux à la police nationale, moyennant plusieurs mois de formation.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Sur ce sujet, nul besoin de revenir longtemps en arrière ou de verser dans la caricature : le déploiement d’une police de proximité n’implique pas la création d’un corps de fonctionnaires de police spécifique, c’est une question de doctrine d’emploi des forces.
Les engagements pris dans le cadre de la Lopmi étaient très clairs : doubler la présence des forces de l’ordre sur le terrain en dix ans, ce qui implique de recruter 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires d’ici à 2027. Cette volonté de renforcer la visibilité des forces sur la voie publique se traduit, pour nos concitoyens, par l’idée de « voir du bleu ».
Je ne crois pas que cela nécessite la création d’un corps de policiers spécifique. À cet égard, les Jeux olympiques et paralympiques ont été riches d’enseignements : l’évolution qui a été faite dans l’emploi des forces de l’ordre a produit de très bons résultats en termes de rétablissement du lien de confiance avec la population.
Je rappelle enfin que lors de son discours devant les écoles de police, le 24 octobre, le ministre de l’intérieur a annoncé l’élaboration de plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, qui s’appuient entre autres sur une doctrine d’emploi et la coopération avec les polices municipales. Le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, est en train d’y travailler.
Les amendements que vous proposez ne me semblent pas pertinents, et j’émets donc un avis défavorable.
M. Ian Boucard (DR). Ce débat est intéressant. Nous l’avons déjà eu lors de l’examen de la Lopmi et je reconnais à Sandra Regol et au groupe écologiste leur constance sur le sujet. Nous continuons donc à être en désaccord.
Votre proposition d’intégrer les polices municipales à la police nationale, monsieur le président, me semble contraire au principe de libre administration des communes. Il n’appartient pas au législateur de faire ce choix à la place des élus municipaux. Dans ma circonscription, la ville de Belfort, administrée par la Droite républicaine, a choisi de quadrupler les effectifs de sa police municipale pour assurer une meilleure sécurité aux citoyens ; à Besançon, ville voisine administrée par les écologistes, ils ont été diminués. La délinquance y a augmenté, bien sûr, mais dans les deux cas, les citoyens ont pu valider ou invalider ces décisions à travers les urnes.
Je ne suis pour ma part pas favorable à l’instauration d’une police de proximité mais le débat est intéressant. En revanche, il n’a pas sa place au détour d’un amendement au PLF : cela relève d’un projet de loi ou d’une proposition de loi. Avec le nombre de groupes de gauches qu’il y a à l’Assemblée, on devrait bien trouver une niche parlementaire pour en parler !
Mme Sandra Regol (EcoS). Les ministres aiment beaucoup dire que les Français adorent leur police. En réalité, à en croire les sondages, ils adorent surtout leur gendarmerie, car les résultats des sondages qui portent spécifiquement sur la police sont quinze à vingt points inférieurs. Cela devrait nous inquiéter et nous interpeller sur les rapports que la police entretient avec la population.
Il se trouve que la gendarmerie a restauré des services de proximité. Si cela a donné de bons résultats, pourquoi ne pas s’en inspirer pour la police ? La police de proximité a existé et si Nicolas Sarkozy n’était pas passé par là, peut-être l’adhésion de la population serait-elle bien meilleure qu’aujourd’hui.
M. Thomas Cazenave (EPR). Il me semble que votre amendement, monsieur le président, conduirait à une grande confusion des responsabilités. Vous avez précisé, à juste titre, que le maire et le responsable de la police nationale avaient des responsabilités différentes. Mais en fondant les polices municipales dans la police nationale, vous exonérez le maire de sa responsabilité première, qui est d’ailleurs fort ancienne : assurer la tranquillité publique. Votre proposition va à rebours des demandes des élus locaux et en particulier des maires, qui veulent garder cette responsabilité.
Pour mieux articuler les missions des deux polices, nous avons créé des contrats de sécurité intégrée (CSI), qui prévoient le renforcement des effectifs de police nationale déployés au quotidien en même temps que celui des pouvoirs de police du maire. La plupart des maires ont signé un CSI – parfois tardivement, comme à Bordeaux.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ces amendements.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Assurer la sécurité des concitoyens est le premier devoir de l’État. En proposant de réduire de 100 à 150 millions les moyens alloués à la gendarmerie nationale pour les affecter à la police, ce sont les territoires ruraux que vous mettez en difficulté. La police intervient dans les villes de plus de 15 000 habitants : les territoires ruraux, eux, sont placés sous la surveillance de la gendarmerie, qui a besoin des crédits que vous voulez lui prendre pour pouvoir agir.
M. le président Éric Coquerel. Effectivement, monsieur Boucard, il s’agit plutôt d’un amendement d’appel, destiné à ouvrir le débat – et le PLF est un bon moment pour le faire.
Je ne pense pas que les citoyens valident spécifiquement le principe de la police municipale : ce qu’ils veulent avant tout, c’est une police de proximité, qu’elle soit financée par la mairie ou par l’État. La police municipale ayant été intégrée petit à petit, mais clairement, au continuum de sécurité, la question se pose forcément pour les maires d’en avoir une ou non.
L’objectif n’est pas de remettre en cause la présence des gardes champêtres par exemple, mais de constater que les missions des polices municipales s’apparentent de plus en plus à celles de la police nationale. C’est une question de philosophie : moi, je suis contre un modèle à l’américaine, où l’organisation du territoire a de fait favorisé l’émergence de polices municipales. Je suis pour l’égalité de tous les Français. Pour cela, la police doit rester nationale, car toutes les municipalités ne peuvent pas consacrer les mêmes moyens à cette mission de sécurité.
À cet égard, l’exemple des Jeux olympiques est très parlant. Pendant cette période, il y a eu à Paris une sorte de police de proximité : même si la plupart des policiers venaient de province, les mêmes équipes étaient déployées tout le temps au même endroit, dans une logique d’îlotiers, et les rapports avec la population étaient excellents. Il faut en tirer des leçons. D’ailleurs, la plupart des syndicats de police demandent eux aussi le retour d’une police de proximité : c’est bien la preuve que ce débat est largement transpartisan.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. La sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques par les policiers et les gendarmes, principalement à Paris mais également ailleurs, jusqu’en Polynésie, a été une réussite extraordinaire. Elle a prouvé qu’il n’était pas nécessaire de créer un corps spécifique ou de mener des réformes de grande ampleur pour obtenir de bons résultats. La philosophie qui a présidé au déploiement des forces ne peut être reproduite à l’identique, car elle a nécessité une concentration des forces sur certaines parties du territoire, mais la Direction générale de la police nationale (DGPN) et la Direction générale de la gendarmerie nationale travaillent à la décliner de manière pragmatique pour assurer à nos compatriotes le même niveau de protection et de sécurité partout dans le territoire.
M. David Amiel (EPR). Je crois au contraire, monsieur le président, que la police municipale est traditionnellement très ancrée en France. Créées au Moyen-Age, les polices municipales se sont organisées au moment de la Révolution française. Elles sont associées aux libertés locales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elles ont été étatisées en 1941, sous le régime de Vichy : il s’agissait précisément d’écraser les libertés locales.
Quant à l’excellence des rapports avec la population pendant les Jeux olympiques, elle n’est pas liée à la proximité des agents, qui venaient de toute la France et ne connaissaient pas les habitants locaux, mais de la manière dont les forces de sécurité ont assuré leur fonction. Pour reproduire cela, nul besoin d’étatiser les polices municipales : toutes les polices, dans le cadre de leurs missions respectives, doivent se comporter comme des polices de proximité.
M. le président Éric Coquerel. Vichy a étatisé les polices municipales, la Libération a amplifié leur importance : il s’agit bien d’un choix.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF187 de M. Roger Vicot
M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit des moyens de la police judiciaire. Alors que notre pays fait face au défi majeur de la lutte contre le narcotrafic, auquel le sénateur Jérôme Durain vient de consacrer un rapport assez terrifiant, ses moyens connaissent une baisse globale de 10 % par rapport à 2024, et même 19 % s’agissant de la sous-action Soutien (autres dépenses) – Administration centrale et cabinets. Elle devrait pourtant être le bras armé de l’État dans ce domaine. Au regard des enjeux, cette baisse est presque criminelle.
Pour mettre le budget en cohérence avec le discours du ministre de l’intérieur, cet amendement vise à abonder de 280 millions l’action 05 du programme 176, pour en revenir au niveau du PLF pour 2024.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. En réalité, le périmètre de l’action 05 a simplement évolué : les effectifs dédiés à l’arrestation des personnes mises en cause et à leur déferrement vers l’autorité judiciaire sont désormais imputés à l’action 01 Ordre public et protection de la souveraineté et à l’action 02 Sécurité et paix publiques. Contrairement à ce que vous pensez, les crédits n’ont donc pas diminué.
M. Roger Vicot (SOC). Le rôle de la police judiciaire ne se limite pas à l’arrestation et au déferrement, tant s’en faut : elle assure surtout l’investigation sur le long terme, en France et à l’étranger – du moins, c’était le cas avant la réforme Darmanin.
Pouvez-vous nous dire quelle est l’évolution du budget de la police judiciaire entre 2024 et 2025 ?
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Je n’ai jamais dit que la police judiciaire ne s’occupait que des arrestations et des déferrements, simplement que le périmètre de l’action 05 avait été redéfini, dans un souci de simplification, de lisibilité et de transparence, afin de mieux correspondre à son titre de Police judiciaire.
La police judiciaire n’est absolument pas le parent pauvre de ce budget : au contraire, ses moyens sont en augmentation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF1250 de Mme Élisa Martin
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à demander un audit sur les conséquences de la Lopmi. Ce n’est pas un sujet de nature budgétaire, et si une mission parlementaire devait voir le jour, il me semble qu’elle relèverait davantage de la commission des lois. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF239 de la commission des lois et II-CF184 de M. Roger Vicot, amendements identiques II-CF240 de la commission des lois et II-CF186 de M. Roger Vicot, amendements II-CF1334 de Mme Gabrielle Cathala, II-CF1263 de Mme Danièle Obono et II-CF666 de M. Romain Baubry (discussion commune)
M. Roger Vicot (SOC). Les moyens alloués à la police nationale pour la formation sont manifestement insuffisants au regard des objectifs fixés, et cela bien qu’ils aient été réduits pour 2025 – il n’est par exemple plus question de l’augmentation de 50 % du temps de formation des policiers. Comme j’ai pu le constater à l’occasion de la mission d’information sur la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre, c’est un vrai problème, notamment s’agissant de la formation au tir. Ainsi, alors que beaucoup s’accordent à dire que trois tirs par an sont largement insuffisants, les agents n’en effectuent que 2,88 selon les documents budgétaires.
Nous estimons que l’accompagnement et les moyens de formation des milliers de policiers recrutés ces dernières années sont insuffisants. Par conséquent, nous proposons de renforcer les crédits qui y sont consacrés en abondant de 100 millions l’action 06 du programme 176.
Les amendements identiques II-CF240 et II-CF186 sont de repli.
M. Romain Baubry (RN). Dans un souci d'efficacité, nous proposons d’allonger la durée de formation des réservistes d’une semaine afin d’y intégrer le module « Agent de police judiciaire adjoint », souvent suivi plusieurs semaines ou mois après la formation initiale. Cela permettrait aux réservistes d’avoir des bases plus solides pour exercer leurs missions sur la voie publique.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. La formation, initiale comme continue, est un sujet essentiel, auquel j’ai choisi de consacrer une partie de mon rapport spécial Malgré une réelle progression du nombre d’heures de formation continue individuelle ces dernières années, l’effort reste insuffisant, notamment s’agissant des techniques de sécurité en intervention ou des séances de tir réglementaires – tous les responsables de la police et de la gendarmerie que j’ai pu rencontrer en conviennent. J’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à améliorer les indicateurs de la formation continue pour qu’ils reflètent davantage la réalité, et la DGPN a créé un groupe de travail sur ce sujet.
L’amendement II-CF1334 aborde plus spécifiquement la formation des forces de sécurité sur les violences conjugales et les violences sexuelles. Sur ce sujet, nous partions de loin, mais des progrès significatifs ont été accomplis en quelques années, tant dans la formation initiale que dans la formation continue, obligatoire pour tous les agents. Dans ce cadre, les modules de sensibilisation sont généralement dispensés en distanciel. Il est essentiel que nos forces de sécurité intérieures soient sensibilisées et s’impliquent dans ce problème de société.
Améliorer et renforcer la formation, en particulier la formation continue, est un défi majeur : pour avancer sur ce sujet complexe, nous avons besoin de temps. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer tous les amendements au profit de mon amendement II-CF2344, inspiré des recommandations de la Cour des comptes, que je défendrai plus tard. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF395 de Mme Sandra Regol et II-CF190 de M. Roger Vicot (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). En 2024, vingt et un policiers se sont déjà donné la mort, souvent avec leur arme de service. Cette profession est de plus en plus exposée à des risques psycho-sociaux. Or le gouvernement réduit de moitié le budget du programme de mobilisation contre le suicide, en raison paraît-il d’un problème technique de répartition des crédits, alors même qu’il dit aimer la police.
Nos policiers méritent mieux, et plutôt que de nous résigner, nous vous proposons des solutions concrètes et peu coûteuses. Cet amendement vise à prendre en charge la consultation de psychologues en dehors du service de soutien psychologique opérationnel (SSPO). Je rappelle qu’on ne compte que 310 psychologues pour 152 000 agents.
M. Roger Vicot (SOC). Dans le même esprit, nous proposons de renforcer le budget du programme de mobilisation contre le suicide en allouant 1,3 million d’euros supplémentaire à l’action 06 du programme 176.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Le nombre élevé de suicides parmi les forces de l’ordre est tragique ; loin de moi l’idée de traiter cette question de manière technique. Je connais les risques psycho-sociaux dont j’ai longuement parlé avec les syndicats. Je regrette la baisse des crédits d’action sociale, même s’ils avaient beaucoup augmenté les années précédentes, notamment en 2024.
La DGPN est très engagée dans la prévention des suicides ; elle applique des actions ciblées que nous devons soutenir. J’ai déposé un amendement qui vise à abonder les crédits de l’action sociale.
M. Jocelyn Dessigny (RN). S’il convient de se demander comment accompagner les policiers pour éviter qu’ils ne se suicident, il faut également s’interroger sur les causes du phénomène. Ils se sentent abandonnés par l’État, ils sont confrontés à des manifestants d’extrême gauche de plus en plus violents qui jouissent d’une certaine impunité. Ils luttent contre le trafic de drogue, mais les délinquants sont libérés avant même le retour des policiers au commissariat. Et les décisions de justice rendues en matière de violences sur les policiers et les élus ne sont pas à la hauteur : les délinquants ne vont jamais en prison. Et je ne parle pas de la suradministration.
Tout cela décourage ceux dont la vocation est de rétablir l’ordre dans les rues pour garantir la sécurité de leurs concitoyens, ce qui est le premier devoir de l’État. Il faut donner des moyens aux forces de l’ordre. Nous sommes défavorables à ces deux amendements.
M. le président Éric Coquerel. À l’occasion, je serai intéressé de connaître les références des études scientifiques et sociologiques sur lesquelles vous vous fondez...
Mme Sandra Regol (EcoS). Tant la littérature scientifique que les ouvrages écrits par des agents eux-mêmes, ou encore les missions d’information menées à l’Assemblée aboutissent à la même conclusion : les agents se suicident en raison de la perte de sens de leur métier. Ils ne souhaitent pas seulement être la matraque qui tape ; ils veulent bien rétablir l’ordre, mais ils veulent aussi anticiper les violences et maintenir le lien social.
La perte de sens est également due à la hiérarchie qui stigmatise trop souvent les personnes qui font bien leur travail tout en laissant des personnes ayant commis des infractions faire carrière. L’immense majorité des policières et des policiers font un excellent travail mais ce ne sont pas eux qui sont le plus récompensés.
Tout cela est bien connu, il suffit juste d’ouvrir des livres.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF1835 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry (RN). Une vague de suicide touche en effet la police nationale depuis plus de vingt ans. Or les moyens déployés semblent inefficaces. Je propose qu’on change de méthode et qu’on modifie le plan visant à prévenir les risques psycho-sociaux.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Avis défavorable. La DGPN et la DGGN (direction de la gendarmerie nationale) sont très engagées dans la prévention de ces risques – il existe des cellules d’écoute, une ligne d’écoute joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept est dédiée à ce phénomène. Par ailleurs, les actions de prévention se renforceront dans les années à venir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF663 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry (RN). Si les forces de l’ordre subissent des violences toujours plus graves et plus fréquentes, leur famille n’est pas non plus épargnée. Les agents doivent parfois déménager, à leurs frais, à la suite d’agressions à leur domicile par des personnes qui ne reculent devant rien, car l’institution n’a pas les moyens de les mettre à l’abri.
Cet amendement vise à créer un fonds de soutien dédié aux familles des agents victimes de délits et de crimes liés à leur fonction.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Le ministère de l’intérieur n’ignore pas les familles des forces de l’ordre ; au contraire, il déploie déjà une série d’actions très concrètes à leur destination.
Des conventions triennales, conclues avec de nombreuses organisations, dont la maison de la gendarmerie, fondation reconnue d’utilité publique qui effectue un travail remarquable en complément de l’action sociale, ont été renouvelées à la fin de l’année 2023.
Je vous invite à voter mon amendement qui vise à doter de ressources supplémentaires l’action sociale du ministère de l’intérieur.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1325 et II-CF1279 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Ces amendements concernent l’accueil des victimes de violences conjugales et sexuelles dans les commissariats et les brigades de gendarmerie.
Depuis plusieurs années, des outils – référents accueil, groupes d’enquêteurs spécialisés, dépôt de plainte en ligne ou hors les murs, pack nouveau départ – sont déployés et renforcés depuis pour améliorer l’accueil dans ces structures. Il faut rendre hommage à l’effort considérable consenti afin que la parole de ces publics vulnérables soit entendue et prise en considération.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens ces amendements. J’en profite pour rendre hommage à l’action menée par le commissariat du XXe arrondissement de Paris, qui a aménagé une cellule en chambre pour éviter aux victimes de violences conjugales de rentrer chez elles après avoir porté plainte.
La commission adopte l’amendement II-CF1325.
L’amendement II-CF1279 tombe.
Suivant les avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette successivement les amendements II-CF668 de M. Michaël Taverne, II-CF671 de Mme Florence Goulet, II-CF1223 et II-CF1240 de Mme Élisa Martin.
Amendements II-CF1233 de M. Damien Maudet et II-CF1608 de M. Pouria Amirshahi (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Le 10 octobre 2023, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté un rapport qui appelle la France à mener une réforme des corps d’inspection de la police et la gendarmerie, demande soutenue de longue date par la gauche. Depuis deux ans, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) ne rend pas son rapport dans les temps, contrairement à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Pour cette année, il n’est toujours pas publié, alors qu’il est censé l’être fin juillet !
Nous proposons donc que les missions de l’IGPN soient transférées à la Défenseure des droits, autorité administrative indépendante, afin d’accélérer le traitement des dossiers des plaignants et des plaignantes, civils ou policiers.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. L’IGPN est, comme toutes les inspections générales, rattachée au ministère concerné ; mais c’est une instance qui agit en toute indépendance et qui fait preuve d’un grand professionnalisme. Depuis peu, elle est présidée par une magistrate, ce qui est un gage supplémentaire d’indépendance. Par ailleurs, le Conseil d’État a réaffirmé dans une décision du mois de mars 2022 que l’indépendance des inspections générales était garantie par les textes en vigueur. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Ce que j’ai dit, c’est que les rapports n’étaient pas publiés dans les temps. Je m’en étonne. J’ai passé une journée en immersion avec les agents de l’IGPN et j’ai pu constater qu’ils sont tout à fait dévoués. Néanmoins, s’ils ne peuvent accomplir correctement leur travail, ils rendront tous les ans leur rapport en retard. Renforcer la transparence de l’institution pour améliorer le travail de ses agents n’est pas une demande déplacée.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Ce sujet dépasse le cadre de l’examen des crédits budgétaires. Cela étant, je m’engage à mentionner ce retard, une fois que je l’aurais vérifié, dans mon rapport spécial.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF390 de Mme Sandra Regol, II-CF2614 de Mme Sophie Pantel et II-CF661 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Depuis quelques années, le nombre de camions-citernes feux de forêt (CCF) diminue alors que le risque d’incendie augmente. Les moyens alloués à nos services d’incendie et de secours (SIS) doivent donc être adaptés. Nous proposons d’augmenter les crédits dédiés à la sécurité civile, afin d’acquérir 800 CCF.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale (Sécurité civile). Les CCF ont été au cœur des pactes capacitaires ces dernières années. Une enveloppe de 150 millions d’euros a été ouverte en 2023, ce qui a permis de signer 101 conventions avec les SIS et de financer près de 1 100 camions.
Vous proposez une hausse de 224 millions d’euros, alors qu’il nous paraît nécessaire de lisser l’effort dans le temps pour ne pas empiéter sur d’autres investissements. Je vous propose donc de retirer votre amendement au profit de l’amendement II-CF2614, amendement d’appel de vos deux rapporteurs spéciaux qui vise à pérenniser ces pactes et qui reconduit un dixième de l’enveloppe, soit 15 millions d’euros. Le risque d’inondation doit être pris en compte, notamment en renforçant les moyens de pompage lourd. Ces sujets devront être abordés avec tous les acteurs dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
M. le président Éric Coquerel. Les mesures budgétaires en faveur des départements soumis à ce risque prévues par la loi de juillet 2023 sur la lutte contre le risque incendie ont-elles été appliquées ?
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Des pactes capacitaires ont été signés et une enveloppe de 150 millions a été ouverte. Elle sera répartie entre les différents SIS.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il est faux de dire que les moyens capacitaires ont baissé. Le SIS du Gers a salué l’effort consenti par l’État. Nous soutenons les SIS, qui sont essentiels pour les territoires, dont les moyens doivent peut-être être augmentés.
M. Julien Rancoule (RN). Mon amendement vise à renforcer de 5 millions le budget dédié aux pactes capacitaires. Madame Regol, le budget que vous proposez est largement surestimé : le pacte capacitaire permet de dessiner une stratégie nationale, mais l’État n’a pas vocation à se substituer aux SIS, à qui il incombe de fournir les équipements. Nous soutiendrons l’amendement II-CF2614.
Mme Sandra Regol (EcoS). Comme un CCF coûte 280 000 euros, la livraison de milliers de camions représente une enveloppe importante. Par ailleurs, les frais de fonctionnement déjà importants de ces camions – fioul, chauffage des hangars pour éviter le gel des liquides – sont en constante augmentation alors même que les interventions se multiplient. Il ne s’agit pas de racheter l’ensemble du matériel.
Je retire mon amendement au profit de l’amendement II-CF2614. Néanmoins, c’est une goutte d’eau eu égard aux besoins des SIS, qui ne disposent toujours pas, par exemple, de pompes en cas d’inondation ni des moyens aériens prévus dans la Lopmi.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Je connais bien le coût des CCF pour avoir été présidente d’un SIS. Dans le cadre des pactes capacitaires, certains équipements ont été imposés puisqu’il était nécessaire d’harmoniser le matériel disponible.
Notre amendement est un amendement d’appel au sein d’une enveloppe budgétaire globale, qui renvoie au Beauvau, lors duquel il faudra travailler avec tous les acteurs, notamment s’agissant de la lutte contre les inondations. La première vague de pactes capacitaires, qui ont permis d’augmenter de 20 à 25 % les programmes pluriannuels d’investissement des SIS, est une bonne chose. Nous devrons en tirer les conséquences lors de la signature de la deuxième vague.
L’amendement II-CF390 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CF2614.
L’amendement II-CF661 tombe.
Amendements II-CF2532 de Mme Sophie Pantel et II-CF660 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Notre flotte vieillissante est composée de vingt-trois avions et de trente-sept hélicoptères. Lors de la saison des feux, plusieurs hélicoptères ne peuvent pas voler en raison de problèmes de maintenance. Pour compenser le manque de moyens, l’État a donc décidé de louer des appareils, pour un montant de 7 millions d’euros en 2024 et de 30 millions d’euros pour 2025.
La Lopmi prévoit de renouveler la flotte d’hélicoptères EC145 par les nouveaux H145 et d’acquérir des bombardiers d’eau, les Canadair DHC-515. Nous doutons de la capacité du constructeur canadien De Havilland à fournir ces équipements à la France, eu égard aux besoins du continent américain, victime de mégafeux. En outre, cette année, le décret d’annulation a annulé 52,8 millions d’euros de crédits, ce qui retarde la livraison des deux appareils pour lesquels un contrat avait été signé.
La question de la souveraineté industrielle de la France s’agissant des moyens aériens se pose. Nous devons être attentifs à trois projets français ou européens car ils permettraient de répondre à nos besoins dans les années futures.
L’amendement II-CF2532 propose une hausse des crédits du programme 161 afin notamment de compenser l’annulation de 52,8 millions d’euros.
M. Julien Rancoule (RN). Dans le même esprit, mon amendement vise à augmenter les crédits de l’action 13 de 50 millions d’euros afin d’acquérir des avions bombardiers d’eau.
En 2022, Emmanuel Macron s’était engagé à ce qu’en 2027 notre flotte soit totalement renouvelée, et passe de douze à seize appareils. Nous n’atteindrons jamais cet objectif. Et ce projet de loi de finances annule la livraison de deux appareils sur les quatre commandés !
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Deux seulement avaient été commandés. Demande de retrait, au profit du nôtre.
L’amendement II-CF660 est retiré.
La commission rejette l’amendement II-CF2532.
Amendement II-CF389 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Dans la même logique, il s’agit de renforcer et de diversifier les moyens aériens. Ce projet de loi de finances renforce la tendance à louer du matériel plutôt qu’à investir dans de nouveaux équipements.
Contre l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2551 de Mme Sophie Pantel et II-CF386 de Mme Sandra Regol (discussion commune)
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous proposons le lancement d’un plan pluriannuel d’investissement concernant des hélicoptères lourds bombardiers d’eau de type Super Puma. Une augmentation de 50 millions d’euros des crédits du programme 161 permettrait de réduire le coût des locations qui sont effectuées chaque année pour compenser le manque de moyens héliportés.
Avis favorable également à l’amendement de Mme Regol.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques II-CF243 de la commission des lois et II-CF387 de Mme Sandra Regol, amendement II-CF2537 de M. Damien Maudet (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Les sapeurs-pompiers sont confrontés à des situations tellement difficiles qu’ils sont de plus en plus nombreux à exprimer leur besoin d’un accompagnement psychologique. Certains SIS accomplissent un travail remarquable en la matière. Je pense en particulier à celui de l’Orne, qui a créé, à l’été 2022, une unité de soutien psychologique. Mais la situation varie selon les territoires. Par l’amendement II-CF387, adopté par la commission des lois, nous proposons de remédier à ces disparités en instaurant le remboursement intégral des séances d’accompagnement psychologique dont bénéficient les sapeurs-pompiers.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. La question soulevée par Mme Regol est essentielle. Je l’invite cependant à retirer les amendements II-CF243 et II-CF387 au profit de notre amendement II-AC2537, par lequel nous proposons un montant plus précis.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les budgets ne sont absolument pas les mêmes, mais, pour ne pas ralentir nos travaux, j’accepte de retirer les amendements.
Les amendements II-CF243 et II-CF387 sont retirés.
La commission rejette l’amendement II-CF2537.
Amendement II-CF392 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il s’agit d’adapter notre sécurité civile au risque inondation en permettant aux sapeurs-pompiers de se doter des moyens de pompage lourds qui ont fait tellement défaut lors des inondations qui ont frappé les Hauts-de-France l’hiver dernier. Cet investissement est vital : ce qui s’est passé récemment dans la région de Valence pourrait se répéter. On ne peut pas raboter les budgets alloués à la transition climatique et renoncer à équiper les sapeurs-pompiers, qui sont notre dernier rempart, des moyens adéquats pour lutter contre les inondations.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Demande de retrait. Cet amendement est satisfait par l’adoption du II-CF2614.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF391 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous proposons d’investir dans des équipements assurant une meilleure protection des sapeurs-pompiers qui, exposés à de nombreuses substances toxiques, sont de plus en plus souvent atteints de maladies graves, notamment de cancers.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Le coût de cette mesure est de 30 millions d’euros, mais il s’agit d’un véritable enjeu. Nous nous en remettons à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF393 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous proposons que l’État contribue au remplacement par les SIS des produits retardateurs de feu qui contiennent des Pfas, c’est-à-dire des polluants éternels, par des mousses qui n’en contiennent aucun. Certains SIS, comme celui du Bas-Rhin, ont opté pour une telle substitution, qui est également envisagée dans d’autres départements. Cette démarche permet de protéger la santé des sapeurs-pompiers et la nôtre.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Il s’agit, là encore, d’un véritable problème. Sagesse.
M. Julien Rancoule (RN). Autant l’amendement II-CF391 me paraissait pertinent dans la mesure où certains SIS n’ont pas les moyens d’acquérir de nouvelles tenues plus protectrices, autant celui-ci me semble moins approprié car il s’agit ici de consommables, qui doivent être renouvelés quasiment chaque année, et qu’il revient aux SIS, et non à l’État, d’acquérir.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF564 et II-CF566 de Mme Mereana Reid Arbelot (discussion commune)
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Favorable à l’amendement II-CF566. Demande de retrait pour le II-CF564.
L’amendement II-CF564 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CF566.
Amendements II-CF659 de M. Julien Rancoule et II-CF2534 de Mme Sophie Pantel (discussion commune)
M. Julien Rancoule (RN). Nous proposons d’encourager le gouvernement à investir, en matière de sécurité civile, dans les innovations françaises et européennes. Je pense aux solutions développées, d’une part, par la start-up française Hynaero, qui conçoit un avion amphibie, d’autre part, par Kepplair Evolution, qui permettra de transformer un avion en bombardier d’eau, solutions qui pourront aboutir d’ici au début des années 2030. Il s’agit, me semble-t-il, d’un enjeu transpartisan.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. La recherche est un enjeu important. Nous vous proposons de retirer votre amendement au profit du II-CF2534, lequel vise à créer un fonds de soutien à la recherche et à l’innovation en matière de sécurité civile qui pourrait financer non seulement les projets aéronautiques que vous évoquez, mais aussi la recherche sur les produits retardants ou le recours à l’intelligence artificielle, par exemple.
M. Julien Rancoule (RN). Nos deux amendements me semblent complémentaires. Le mien est financièrement plus ambitieux que le vôtre, puisque je propose un montant, non pas de 1 million d’euros, mais de 5 millions, qui me paraît plus adapté à des projets tels que celui de Hynaero, qui a procédé à une levée de fonds de 15 millions pour développer sa solution. En revanche, votre amendement est intéressant en ce qu’il prévoit des investissements dans d’autres sujets d’innovation en matière de sécurité civile.
La commission rejette l’amendement II-CF659.
Elle adopte l’amendement II-CF2534.
Amendements II-CF2531 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Nous proposons d’augmenter la contribution de l’État au budget de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui, en l’état, serait contrainte, pour couvrir ses dépenses en 2025, de réduire ses effectifs, ce qui n’est pas acceptable.
M. le président Éric Coquerel. Je confirme ce que dit le rapporteur spécial.
La commission adopte l’amendement.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Il est vrai qu’il faut permettre à la BSPP de boucler son budget pour 2025. Mais, si l’État participe à hauteur de 25 % à son budget de fonctionnement, pour ce qui est de l’investissement, ce sont les collectivités qui la financent. Il faudrait donc que nous prenions le temps d’approfondir cette question.
Amendement II-CF672 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit d’augmenter les crédits du programme 161 afin de financer une campagne de prévention contre les incendies domestiques. Les feux d’habitation font, chaque année, entre 200 et 500 morts, ainsi que 10 000 blessés. Or ces drames pourraient souvent être évités si nos concitoyens étaient mieux informés sur les gestes de prévention, comme l’installation d’un détecteur de fumée dans son logement, par exemple.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Avis défavorable. Ce type de campagne de prévention de relève pas du programme 161. L’action Prévention et gestion de crises porte en effet non pas sur ce type de prévention, mais sur les moyens d’alerte, de veille et de solidarité nationale.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2535 de Mme Sophie Pantel et II-CF658 de M. Julien Rancoule
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous proposons d’augmenter la subvention de l’État à l’Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) au titre du financement du projet NexSIS 18-112. En effet, un certain nombre de SIS n’ont pas engagé de démarche pour participer au projet et ne versent donc pas de subventions à l’ANSC, de sorte que celui-ci risque de ne pas prendre corps rapidement. Or chaque année de retard engendrera un coût supplémentaire de 4 à 5 millions d’euros.
Les professionnels concernés estiment que le NexSIS 18-112 est un bon outil, mais ils remettent en cause sa gouvernance, au motif que les SIS devraient y être davantage associés et pouvoir assumer les charges d’investissement, mais aussi et surtout de fonctionnement du système.
M. Julien Rancoule (RN). Notre amendement a également pour objet d’accélérer le développement de NexSIS 18-112, mais nous proposons de n’allouer, à cette fin, que 3 millions d’euros à l’ANSC. Je tiens, à ce propos, à souligner une aberration. En effet, trois agences sont chargées de développer trois projets distincts, qui sont pourtant complémentaires, voire redondants. Ainsi, l’ANSC conçoit un logiciel destiné aux sapeurs-pompiers, une autre agence développe le sien propre pour le Samu – or il devrait être possible de créer une plateforme commune et de rationaliser les coûts – et l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (Acmoss) est chargée du Réseau Radio du Futur. Il y a là une source d’économies substantielles qui pourraient être réaffectées au développement de NexSIS 18-112.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Nous partageons votre constat. C’est la raison pour laquelle nous demanderons par un autre amendement un rapport d’étude sur le mode de financement du projet.
La commission adopte l’amendement II-CF2535.
L’amendement II-CF658 tombe.
Amendement II-CF1837 de M. Romain Baubry
M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit de permettre à chacun des centres d’incendie et de secours de s’équiper de stylos auto-injecteurs d’adrénaline et aux sapeurs-pompiers d’être formés à leur utilisation, comme ils y sont autorisés depuis la loi Matras du 25 novembre 2021.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Avis défavorable. Même si la loi Matras autorise les sapeurs-pompiers à utiliser ces stylos, cette question relève, selon nous, de la compétence des services de santé et de secours médical (SSSM) et des pharmacies à usage intérieur (PUI), dans le cadre des investissements prévus par les SIS.
M. Julien Rancoule (RN). Vous admettrez que les moyens des SIS n’ont pas augmenté depuis la loi Matras. On leur donne des compétences supplémentaires et on alourdit leurs coûts de formation et d’équipement sans pour autant leur permettre de les assumer pratiquement. Sur des questions de ce type, il nous faut travailler en bonne intelligence. En l’espèce, nous sommes certainement d’accord sur le fond : vous émettez un avis défavorable par sectarisme.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2530 de Mme Sophie Pantel et II-CF2566 de M. Damien Maudet (discussion commune)
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Cet amendement d’appel vise à créer un fonds national de soutien au volontariat des sapeurs-pompiers, qui pourrait impulser le financement de campagnes nationales afin de renforcer l’attractivité du volontariat. Celui-ci est en effet menacé : on constate une perte de sens de l’engagement, liée notamment à l’augmentation des interventions de secours à personne. Les sapeurs-pompiers ne s’engagent pas pour assumer les défaillances du système de santé.
Par ailleurs, la directive européenne sur le temps de travail suscite des inquiétudes quant au statut de volontaire, même si un travail est en cours, notamment avec l’ancien président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, pour définir la notion de volontariat au niveau de l’Union européenne.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France évalue à environ 50 000 le nombre des sapeurs-pompiers volontaires supplémentaires qu’il faut recruter d’ici à 2027. Nous n’y parviendrons que si nous organisons des campagnes efficaces. Je précise que c’est en journée, la semaine, que le manque de volontaires se fait le plus cruellement sentir, car les gens travaillent.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2978 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Sophie Pantel et moi n’étions pas d’accord sur cet amendement d’appel qui vise à alerter la représentation nationale sur la nécessité d’organiser une campagne de recrutement de sapeurs-pompiers professionnels, notamment dans certains secteurs – je pense à ma circonscription –, où la présence d’au moins un ou deux professionnels est parfois nécessaire pour effectuer des interventions.
M. Julien Rancoule (RN). Je partage votre volonté d’embaucher davantage de sapeurs-pompiers professionnels, mais c’est aux SIS, et non à l’État, de consentir les efforts nécessaires – ce qui soulève une fois de plus la question du financement de ces structures. Il convient de repenser notre modèle, qui ne semble plus adapté, plutôt que d’organiser une campagne de recrutement : le problème n’est pas lié à la rareté de la ressource humaine, car un grand nombre des personnes reçues au concours n’obtiennent pas de poste.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2533 de M. Damien Maudet, amendements identiques II-CF245 de la commission des lois et II-CF657 de M. Julien Rancoule, amendements II-CF246 et II-CF255 de la commission des lois (discussion commune)
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Nous proposons d’augmenter la subvention de l’État aux associations concourant à des missions de sécurité civile, qui ne perçoivent, pour certaines d’entre elles, que 20 ou 50 centimes par bénévole, ce qui est très peu au regard du nombre des missions qu’elles remplissent – je pense notamment à leur mobilisation dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques.
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CF657, qui a été adopté par la commission des lois, a le même objet. La quinzaine d’associations concourant à des missions de sécurité civile doivent se partager une enveloppe de 160 000 euros, soit l’équivalent, pour chacune, d’une subvention municipale. Un tel montant n’est évidemment pas à la hauteur de l’enjeu. On est bien contents de pouvoir solliciter ces associations lors d’événements tels que les Jeux ou pour former la population ; on peut donc faire l’effort d’augmenter le montant de l’enveloppe qui leur est allouée.
La commission adopte l’amendement II-CF2533.
Les amendements II-CF245, II-CF657 et II-CF246 et II-CF255 tombent.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Ce projet de budget n’est pas entièrement satisfaisant : il baisse au moment où les besoins augmentent sous l’effet du changement climatique. Toutefois, des amendements relatifs aux pactes capacitaires, à la recherche ou au soutien aux associations de sécurité civile agréées ayant été adoptés, je voterai pour l’adoption des crédits de la mission Sécurités.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. Si nous avons obtenu de nombreuses victoires essentielles en matière de sécurité civile, j’estime néanmoins, comme mon groupe, que de nombreuses questions relatives à la police notamment méritent d’être revues. Nous ne pourrons donc pas voter en faveur de l’adoption des crédits de la mission.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Je suis, pour ma part, favorable à l’adoption des crédits de la mission.
M. Julien Rancoule (RN). S’agissant de la mission Sécurités dans son ensemble, nous ne pouvons pas être satisfaits, car les engagements ne sont pas tenus.
En ce qui concerne la sécurité civile, nous avons pu avancer sur certains dossiers. Je regrette cependant que certains de nos amendements aient été rejetés par sectarisme alors qu’ils allaient dans le bon sens et que nous pourrions nous accorder sur certains points. En témoigne le fait que le rapporteur spécial a déposé des amendements identiques à ceux que j’avais défendus devant la commission des lois, notamment sur les associations agréées de sécurité civile. C’est manifestement qu’il estime que nous avons de bonnes idées. En matière de sécurité civile, nous pourrions travailler en bonne intelligence, de manière transpartisane.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je salue les crédits de la mission Sécurités, qui respectent les engagements pris par les ministres Darmanin et Lecornu dans le cadre de leurs lois de programmation respectives : l’augmentation très significative des moyens se traduit sur le terrain, que ce soit pour la police, la gendarmerie ou les pompiers. Nous faisons beaucoup mieux que les majorités précédentes, qui ont baissé les moyens des forces de l’ordre – que, contrairement à certains responsables politiques, nous ne stigmatisons pas.
Certaines mesures modifient le texte initial, mais nous voterons pour les crédits de la mission Sécurités, compte tenu de l’augmentation significative des moyens qui lui sont alloués.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je veux tout d’abord saluer le travail des agents de la police et de la gendarmerie.
Dans le document qui détaille les dépenses et les objectifs poursuivis en 2025, plusieurs éléments nous gênent : le mot « ordre » apparaît 103 fois, le mot « désescalade » une seule fois, et les mots « paix » et « État de droit » jamais.
Aucune information n’est donnée sur le nombre d’heures de formation initiale consacrées à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles que suivront les policiers et les gendarmes. Le module existe, mais il est insuffisant et ne fait partie de l’évaluation lors de l’examen final. Quant à l’amendement que j’avais déposé pour renforcer cette formation et la rendre obligatoire a été rejeté, comme notre amendement visant à former les policiers à la lutte contre le racisme et les discriminations.
Par ailleurs, le budget consacré à l’achat d’armes mutilantes – lanceurs de balles de défense, grenades, tasers… – reste bien trop important et n’est pas transparent puisqu’à la différence du document publié l’an dernier, le bleu budgétaire est insuffisamment détaillé. Étonnamment, le budget alloué à la prévention des suicides, toujours nombreux chez les policiers, est en baisse. Enfin, on observe une suppression inédite de 5 000 postes dans la police judiciaire.
Malgré les victoires que nous avons remportées sur le budget de la sécurité civile, nous ne pourrons pas approuver les crédits de la mission Sécurités.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Si des amendements ont été adoptés sur le budget de la sécurité civile, de nombreuses questions n’ont pas été traitées. Aussi le groupe Socialistes s’abstiendra-t-il.
M. Ian Boucard (DR). Nous voterons bien entendu en faveur de l’adoption des crédits de la mission Sécurités, qui confortent les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation et d’orientation du ministère de l’intérieur. Madame Cathala, il est vrai que le mot « ordre » apparaît à de nombreuses reprises dans le bleu budgétaire, et pour cause : la police et la gendarmerie, que nous défendons, sont des forces de l’ordre.
M. le président Éric Coquerel. On parle aussi de gardiens de la paix !
M. Ian Boucard (DR). Vous ne serez pas étonné, monsieur le président, que nous n’utilisions pas la même sémantique.
Force est de constater qu’à l’issue de l’examen de ce budget, nous avons adopté 512 millions de dépenses supplémentaires. Je regrette, à ce propos, les estimations au doigt mouillé retenues par certains groupes : on a pu observer que, pour des propositions similaires, l’estimation des rapporteurs spéciaux était beaucoup plus précise et, surtout, beaucoup plus basse. Je salue donc leur travail et je les remercie pour leurs explications, même s’ils appartiennent à des groupes très différents.
Le groupe Droite républicaine votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission Sécurités.
Mme Sandra Regol (EcoS). Il ressort des programmes relatifs à la police et à la gendarmerie nationale qu’aucun effort n’est fait en matière de formation, que les crédits se rapportant à la police judiciaire continuent de s’effondrer, que rien n’est fait pour lutter contre les suicides d’agents… Tous les amendements que nous avons proposés sont restés lettre morte.
S’agissant de la sécurité civile, nous avons obtenu quelques petites évolutions, qui ne sont toutefois pas à la hauteur des enjeux. J’entends les rapporteurs lorsqu’ils nous répondent que nous n’avons pas les moyens de faire davantage. C’est précisément ce que je dénonce, car le coût de l’inaction est bien plus élevé que celui de l’action. Bref, le groupe Écologiste et social ne peut pas soutenir ce projet de budget.
Mme Sophie Mette (Dem). Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs spéciaux pour leur travail. Nous pouvons être satisfaits qu’après les budgets précédents, qui étaient en augmentation, le projet de budget pour 2025 soit également en hausse. Nous voterons donc en faveur de l’adoption des crédits de la mission Sécurités.
Mme Félicie Gérard (HOR). Le budget de la mission Sécurités pour 2025 traduit un engagement fort du gouvernement en faveur de la sécurité des Français. Dans un contexte de contrainte budgétaire, son augmentation de plus de 3 % en crédits de paiement témoigne de la priorité accordée à la protection des citoyens. Nous saluons, à ce propos, le travail des forces de l’ordre, dont l’efficacité a encore été démontrée lors des Jeux olympiques.
La sécurité est une des priorités de nos concitoyens, à laquelle nous ne pouvons que souscrire. Puisque les crédits examinés cet après-midi nous paraissent répondre efficacement à cette préoccupation, le groupe Horizons et apparentés votera pour leur adoption.
M. Charles de Courson (LIOT). Notre groupe, qui avait voté en faveur de la loi de programmation du ministère de l’intérieur, se prononcera en faveur de l’adoption des crédits de la mission Sécurités, tout en soulignant le véritable problème de financement des SIS.
La commission adopte les crédits de la mission Sécurités modifiés.
Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
L’amendement II-CF1431 de M. Damien Maudet est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette successivement les amendements II-CF1380 et II-CF1479 de Mme Élisa Martin.
Amendement II-CF2344 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Il propose trois nouveaux indicateurs de performance pour mieux comprendre les nécessités en matière de formation : le nombre d’officiers de police judiciaires, le nombre d’agents à jour de leurs obligations de formation aux techniques de sécurité en intervention (TSI) et le nombre d’agents à jour de leurs obligations en matière d’entraînement au tir, rapportés au nombre d’actifs.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF208 de M. Paul Christophle
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il propose un indicateur de mesure de l’évolution du nombre de procédures moyennes par agent pour mieux prendre en compte le niveau d’activité dans l’allocation des effectifs de police.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Le sujet a été plusieurs fois soulevé par la Cour des comptes. La DGPN y travaille et la création d’un corps d’assistants d’enquête devrait aider à résorber le stock de procédures judiciaires. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 64
Amendement II-CF2343 de Mme Constance Le Grip.
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. Compte tenu des prérequis physiques forts pour nombre d’emplois, la police nationale a des difficultés à atteindre le ratio obligatoire de 6 % de personnels en situation de handicap. Elle doit chaque année payer une pénalité de 30 millions d’euros. Je propose un rapport pour étudier une possible évolution du mode de calcul afin de diminuer le montant de l’amende, ce qui dégagerait des ressources pour financer l’action sociale du ministère de l’intérieur.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, elle rejette successivement les amendements II-CF247 de la commission des lois et II-CF1516 de Mme Élisa Martin.
Amendement II-CF2345 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale. C’est une demande de rapport détaillant les coûts de la formation initiale et continue des policiers.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette l’amendement II-CF1526 de M. Damien Maudet.
Amendement II-CF2540 de Mme Sophie Pantel
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. C’est une demande un rapport sur les conséquences financières du renouvellement de la flotte des avions et des hélicoptères de la sécurité civile.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2539 de Mme Sophie Pantel
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. Il demande un rapport sur le mode de financement du projet NexSIS 18-112, son coût pour les services d’incendie et de secours et les conséquences des retards de son développement et de son déploiement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2538 et II-CF2541 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet, rapporteur spécial. L’amendement II-CF2538 demande un rapport sur le financement par l’État de la prise en charge des risques de santé chez les sapeurs-pompiers et leur exposition aux risques professionnels. L’amendement II-CF2541 demande un rapport sur le coût pour les finances publiques de la prise en charge par les services d’incendie et de secours des carences ambulancières.
Tout à l’heure, M. Rancoule a dit que nous avions pris ses idées sans voter ses amendements. Je lui répondrai qu’en tant que commissaires aux finances, nous n’avions pas à déposer d’amendements en commission des lois. Par ailleurs, notre agenda d’auditions était plus chargé que jamais pour le programme Sécurité civile. Je signalerai également qu’à part lui, qui ne pouvait pas voter, aucun membre du Rassemblement national n’était présent en commission, si bien que son propre groupe n’a voté aucun de ses amendements.
Mme Sophie Pantel, rapporteure spéciale. J’ajoute que le RN n’a jamais voté les moyens supplémentaires proposés pour le financement des SIS.
Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette successivement les amendements.
Article 44 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers
Puis la commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers non modifiés.
*
* *
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Délégation à la sécurité routière (DSR)
– Mme Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière
– M. Éric Azoulay, sous-directeur des actions transversales et des ressources
– M. Sabrina Schpitz, cheffe du bureau du budget, de l’exécution financière et de la commande publique
Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)
– M. le général d’armée Christian Rodriguez, ancien directeur général
– M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances
– M. le général de corps d’armée André Pétillot, major général de la gendarmerie nationale
– M. le commandant Damien Michel, chef de la section synthèse prospective à la DGGN
Direction général de la police nationale (DGPN)
– M. Stanislas Cazelles, directeur des ressources humaines des finances et des soutiens (DHRFS)
– M. Pierre-Ange Savelli, conseiller budgétaire
Fédération UNSA-FASMI Police
– M. Thierry Clair, secrétaire général de l’UNSA Police
– M. Chamsseddine Baaziz, délégué national, responsable du secteur juridique
– Mme Ingrid Lecoq, secrétaire nationale, responsable du pôle province
FSMI-FO
– M. Franck Fievez, secrétaire national du syndicat UN1TÉ, responsable du secteur juridique et de l’action sociale
– M. Dominique Le Dourner, secrétaire national secteur des conditions de travail UN1TÉ
Groupe de liaison du Conseil de la fonction militaire de la Gendarmerie (GL-CFMG)
– M. le colonel Vincent Delamarre
– M. le lieutenant-colonel Ludovic Lainé
– M. le capitaine Bertrand Loubette
– M. le major Érick Verfaillie
– M. le major Vincent Charneau
– M. le major Sandrine Toulouze
– M. le major Olivier Dupin
– M. le major Laurent Cappelaere
– M. le major Fabienne Jeandot
– M. le major David Duhayon
– M. l’adjudant-chef Tony Malatia
– M. l’adjudant-chef Aline Rouy
Préfecture de police de Paris
– M. Laurent Nuñez, préfet de Police de Paris
– Mme Juliette de Clermont Tonnerre, conseillère stratégie et relations publiques au cabinet du préfet de police
– M. Philippe Le Moing Surzur, préfet, secrétaire général pour l’administration (SGA)
– Mme Pascale Pin, adjointe à la préfète déléguée à l’immigration (DELIM)
Syndicat Alliance Police nationale
– M. Patrice Ribeiro, conseiller spécial auprès de M. Fabien Vanhemelryck, secrétaire général
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
([1]) Y compris les crédits du programme 161 Sécurité civile, qui font l’objet d’un rapport spécial distinct.
([2]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
([3]) Variation entre 2024 et 2025 des crédits de titre 3 et de titre 5 des programmes 176 et 152.
([4]) Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
([5]) Dépenses de titre 3 et titre 5 uniquement – hors dépenses d’intervention (titre 6).
([6]) Le programme 161 Sécurité civile est l’objet d’un rapport spécial dédié.
([7]) « Dans le cadre du débat parlementaire, les crédits du ministère de la Justice seront réévalués, à l’initiative du gouvernement, tout comme ceux du ministère de l’intérieur », Dossier de presse du PLF pour 2025, p. 10.
([8]) Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
([9]) La prime sera versée mi-décembre à 133 210 bénéficiaires.
([10]) Pour rappel, les personnels actifs de la police nationale sont répartis en trois corps : le corps de conception et de direction (recrutements commissaire de police), le corps de commandement (recrutements officier de police) et le corps d’encadrement et d’application (recrutements gardien de la paix).
([11]) Les forces mobiles, observations définitives, 3 avril 2024.
([12]) Amendement N° II-CF2344.
([13]) Amendement n° II-CF2345.
([14]) Création de 1 139 emplois en 2024.
([15]) Projet annuel de performances, p. 51.
([16]) Décret n° 2023-676 du 28 juillet 2023 modifiant le statut particulier du corps d’encadrement et d’application de la police nationale.
([17]) Certaines dépenses d’action sociales relèvent toutefois bien du titre 2 mais ne seront pas évoquées ici. Il s’agit des prestations individuelles interministérielles et ministérielles telles que l’allocation pour enfants handicapés (APEH), les secours et les bourses d’études pour les enfants des fonctionnaires des services de la police décédés dans l’exercice de leurs fonctions.
([18]) Amendement N° II-CF2343.
([19]) Comme vu supra, la gendarmerie a créé les 7 EGM ainsi que 80 brigades, fixes et mobiles.
([20]) Hors le complément qui avait été spécifiquement accordé en 2024 pour les Jeux olympiques de Paris.
([21]) La différence avec le chiffre de 433,3 millions d’euros se situe dans l’ajout pour le calcul du hors titre 2 des dépenses d’intervention qui augmentent également de 4,3 millions d’euros.
([22]) Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
([23]) Par ailleurs, le programme 152 Gendarmerie nationale bénéficie d’une ouverture de 132,5 millions d’euros en AE et CP de crédits de titre 2 liés essentiellement aux dépenses de sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques et des missions de renfort en Nouvelle-Calédonie.
([24]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
([25]) Cf. annexe n° 20 de M. Hervé Mariton au rapport n° 1110 de M. Gilles Carrez, rapporteur général, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2003.
([26]) En application du 2° de l’article 37 du projet de loi de finances pour 2025 qui prévoit d’abaisser de 3,3 millions d’euros le plafond des recettes affectées à la première section Contrôle automatisé, afin de l’ajuster au niveau du plafond de dépenses prévu à l’état D du projet de loi de finances et ainsi éviter tout report systématique de crédits.
([27]) Comme le relève l’évaluation préalable, une telle disposition législative « garantit l’affectation du montant de 13 millions d’euros au bénéfice de l’ANTAI sans transiter par le programme 751 ». Il convient en outre de noter que, selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2025, ce prélèvement par minoration n’empêcherait pas le montant du solde affecté à l’AFITF de progresser de 12 millions d’euros, passant de 232 millions d’euros à 245 millions d’euros.
([28]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique.
[RS1]Pb mise en forme tableau