N° 487
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2024
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2025
(n° 325)
PAR M. Yannick NEUDER
Rapporteur général, rapporteur pour les recettes, l’équilibre général et la branche maladie, Député
M. Guillaume FLORQUIN
Rapporteur pour la branche autonomie, Député
M. Louis BOYARD
Rapporteur pour la branche famille, Député
Mme. Sandrine ROUSSEAU
Rapporteure pour la branche vieillesse, Députée
M. Jean-Carles GRELIER
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député
——
TOME II
COMMENTAIRE DES ARTICLES
ET ANNEXES
Voir les numéros : 325, 480.
SOMMAIRE
___
Pages
TITRE Ier dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie
Article 6 Réforme des allégements généraux de cotisations patronales
Article 8 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale
Article 9 Clarifier les modalités d’appel et de calcul des clauses de sauvegarde M et Z
TITRE II CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 10 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Article 14 Approbation de l’annexe pluriannuelle dite « annexe A »
TROISIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2025
TITRE Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Article 15 Régulation des dépenses dans le champ conventionnel
Article 16 Extension du champ de l’accompagnement à la pertinence des prescriptions
Article 17 Améliorer l’efficience des dépenses de transports de patients
Article 18 Plafonnement des rémunérations des personnels non médicaux exerçant en intérim
Article 19 Lutter contre les pénuries de produits de santé
Article 20 Pertinence des dispositifs médicaux numériques pris en charge par l’assurance maladie
Article 23 Décalage de la revalorisation des prestations d’assurance vieillesse au 1er juillet
Article 26 Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
Article 28 Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
Article 29 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2025
Article 30 Objectif de dépenses de la branche famille
Article 31 Objectifs de dépenses de la branche autonomie
Annexe n° 1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur général et les rapporteurs
Annexe n° 3 : Liens vers les enregistrements vidéo de l’examen du projet de loi par la commission
Cet article établit les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des administrations de sécurité sociale (Asso) pour l’exercice en cours et l’année à venir. Il constitue l’une des novations introduites par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
À la différence, en particulier, des tableaux d’équilibre pour les exercices 2024 et 2025, son périmètre ne se limite pas aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais inclut l’ensemble des administrations de sécurité sociale (Asso).
Est projeté un solde à l’équilibre puis excédentaire pour, respectivement, 0,0 point du produit intérieur brut (PIB) en 2024 et 0,6 point du PIB en 2025.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 est le troisième à comporter un article liminaire (A) ; ce dernier porte sur un agrégat distinct de celui des Robss, du FSV et de certains autres satellites que retiennent les autres dispositions du texte (B).
Antérieurement à la mise en œuvre de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le deuxième alinéa du II de l’article L.O 111-3 du code de la sécurité sociale et le premier alinéa de l’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) disposaient que les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale (LFRSS), à l’instar des lois de finances de l’année ou rectificatives (LFR) mais à la différence des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) de l’année, « compren[ai]ent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année [...], l’état des prévisions de solde structurel et [...] effectif de l’ensemble des administrations publiques [...] ».
Cette mise de l’article liminaire des LFRSS à la maille de toutes les administrations publiques (APU) était motivée par le fait qu’il était envisageable qu’un tel véhicule rectificatif soit le seul à être présenté par le Gouvernement et qu’il importait d’informer le législateur financier sur les comptes publics dans leur totalité. Il en est allé ainsi des deux LFRSS déposées et adoptées avant l’application de la réforme organique ([1]).
Entré en vigueur le 1er septembre 2022, le nouvel article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale prévoit que « dans son article liminaire, la loi de financement de l’année présente, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale ». Cela rapproche la LFSS de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) créée par la même révision organique, mais la distingue des lois de finances de toute forme, ainsi que des LFRSS, dont l’article liminaire demeure afférent à toutes les APU, conformément à l’article 1er H de la LOLF ([2]).
Cette novation vise au premier chef à améliorer l’information du Parlement en lui présentant une image fidèle des comptes des Asso qui, bien qu’ils relèvent des finances sociales, ne sont pas compris dans le domaine des LFSS.
Les Asso sont l’un des trois sous-secteurs du système européen des comptes nationaux (SEC) établi par la direction générale des statistiques de la Commission européenne (Eurostat), avec celui des APU centrales (Apuc), lequel regroupe l’État et les organismes divers d’administration centrale (Odac), et celui des APU locales, correspondant aux collectivités territoriales et à leurs établissements.
● Depuis 2010, les Asso sont définies au paragraphe 20.67 de la nomenclature du SEC comme « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes », étant entendu que « si un régime de sécurité sociale ne répond pas aux critères requis pour être qualifié d’unité institutionnelle, il est classé avec son unité mère dans l’un des autres sous-secteurs des APU » et que « si les hôpitaux publics fournissent un service non marchand à la communauté [...] et sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale, ils sont classés dans le sous-secteur de la sécurité sociale ».
Elles regroupent deux catégories :
– les régimes de sécurité sociale, qui « couvrent l’ensemble de la collectivité ou d’importantes parties de celle-ci et qui sont imposés, contrôlés et financés par les APU » et ne constituent donc que le volet public de l’assurance sociale – soit les « régimes dans lesquels les participants sont obligés de souscrire une assurance, ou incités à le faire, par un tiers en vue de se prémunir contre certains risques sociaux ou certaines situations qui peuvent affecter négativement leur bien-être ou celui des personnes à leur charge » –, au sein desquels la nomenclature française distingue trente-deux Robss, ainsi que les régimes de retraite complémentaire obligatoires, comme l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Agirc-Arrco) pour les salariés du secteur privé et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) pour une large partie des agents publics non titulaires) et également l’assurance chômage, gérée par l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic) ;
– les organismes dépendant des assurances sociales (Odass), comprenant les hôpitaux publics et des satellites très variés d’un pays à l’autre, avec en France, par exemple, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), les fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), de réserve pour les retraites (FRR), d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) ou de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA).
À ce titre, les Asso dépassent le champ d’action des LFSS. Depuis 1996, il comprend les Robss et les organismes concourant à leur financement ; s’y sont ajoutés, depuis 2005, les organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit ([3]) ainsi que les organismes chargés de l’amortissement de leur dette.
Dès lors, l’agrégat des Asso est d’abord comptable : ses données sont produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au moment de l’établissement des comptes de la Nation.
● À l’inverse, outre qu’il résulte d’un choix du législateur organique, habilité par le vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution ([4]) à prévoir les conditions dans lesquelles et les réserves sous lesquelles les LFSS « déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses », l’échelon des Robss répond à une logique institutionnelle, dont les états sont arrêtés lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).
Comprenant les régimes auxquels les assurés doivent obligatoirement être affiliés pour la couverture des risques sociaux auxquels ils peuvent être confrontés, les Robss excluent par nature :
– les régimes complémentaires légalement obligatoires, qui régissent principalement la couverture du risque vieillesse en plus des régimes de base ;
– les régimes qui ne sont pas considérés comme intégrés dans le champ de la sécurité sociale, comme le régime d’assurance chômage ;
– les régimes facultatifs de couverture des risques sociaux.
Les régimes de retraite obligatoires de l’État entrent bien dans le champ des Robss, mais pas dans celui des Asso, du fait que ces dernières ne comprennent pas les systèmes en vertu desquels l’employeur verse lui-même les prestations aux personnes qu’il emploie.
DiffÉrences de champs entre les comptes de la protection sociale,
ceux des ASSO et ceux de la sécurité sociale
Note : Agence de garantie des salaires (AGS) ; revenu de solidarité active (RSA) ; allocation aux adultes handicapés (AAH).
Source : bilan des relations financières entre l’État et la sécurité sociale (octobre 2024) ([5]).
● Dans la triple mesure où les sommes amorties par la Cades sont enregistrées comme une recette des Asso (cf. infra le commentaire de l’article 12), où les régimes de retraite complémentaires sont, nonobstant des disparités de l’un à l’autre, en excédent global et qu’il en va de même de l’assurance chômage, leur inclusion dans l’article liminaire conduit à ce qu’il affiche selon les années un équilibre ou un excédent, alors que les Robss et le FSV sont en déficit.
Sur le fondement du 8° de l’article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale, le PLFSS est désormais accompagné d’une annexe « présentant les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires pour l’année en cours et l’année à venir ainsi que l’impact sur ces perspectives des mesures nouvelles envisagées et précisant le nombre de leurs cotisants actifs et, pour chacun des régimes de retraite complémentaire, le nombre de retraités titulaires de droits propres ».
● D’après l’annexe 8 du PLFSS, les régimes de retraite complémentaire verraient leur excédent passer de 7,5 milliards d’euros en 2024 à 5,9 milliards d’euros en 2025 car les prestations ralentiraient moins vite que la masse salariale.
Évolution des charges, des produits et du rÉsultat des rÉgimes de retraite complÉmentaire lÉgalement obligatoires de 2021 À 2025 (p)
(en millions d’euros ; en pourcentage)
Source : annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L’excédent de l’Agirc-Arrco atteindrait 6,1 milliards d’euros en 2023, puis 5,1 milliards d’euros en 2024 et 3,8 milliards d’euros en 2025.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR), dans son rapport annuel de juin 2024, explique par ailleurs que :
– d’une part, « les régimes complémentaires des salariés du privé, des contractuels de la fonction publique et des indépendants ont enregistré un excédent de 5,5 milliards d’euros en 2023, dont 4,3 milliards d’euros pour l’Agirc-Arrco » ;
– d’autre part, « au 31 décembre 2023, la valeur de marché de l’ensemble des actifs admis en représentation des réserves sein des régimes de retraite par répartition représente 199,2 milliards d’euros soit 7,5 % du PIB ; 90 % de ces réserves sont détenues par les régimes complémentaires, dont près de 51 % par l’Agirc-Arrco », à savoir 101,7 milliards d’euros.
● Le résultat financier de l’assurance chômage serait positif à moyen terme, ses dépenses croissant moins vite que ses recettes de 2022 à 2024 puis ces premières baissant à compter de l’année en cours – toutes choses égales par ailleurs tant des réformes ou des retournements de conjoncture n’appelant pas de commentaire dans le présent rapport sont susceptibles d’intervenir.
Si l’Unedic projette un excédent de 3,6 milliards d’euros en 2024 puis de 6,6 milliards d’euros en 2025, le Gouvernement envisage dans l’annexe 8 du PLFSS que ces résultats soient de 0,6 milliard d’euros puis de 3,5 milliards d’euros : on lit dans cette dernière que « sous l’hypothèse que les acquis des réformes de 2019 à 2021 [...] soient maintenus », l’amélioration « serait portée principalement par [...] la montée en charge de la contra-cyclicité [...] ; [...] la masse salariale [ferait] plus que compenser les prélèvements sur les recettes en 2025 » ([6]).
Solde de l’assurance chômage de 2008 à 2027 (P) – d’AprÈs le rÉgime
(en milliards d’euros)
Source : prévisions financières de l’Unedic (juin 2024).
Solde de l’assurance chômage de 2000 à 2025 (P) – d’AprÈs le Gouvernement
(en milliards d’euros)
Source : annexe 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale – calculs de la direction générale du Trésor.
En 2023, les Asso ont enregistré un excédent de 13,2 milliards d’euros, soit 0,5 point de PIB. L’article liminaire du PLFSS 2025 indique que le solde des Asso serait quasiment à l’équilibre en 2024, avec des recettes de 775,7 milliards d’euros et des dépenses de 776,4 milliards d’euros, et positif en 2025 à hauteur de 0,2 point de PIB, les recettes atteignant 800,6 et les dépenses 795 milliards d’euros.
RECETTES, DÉPENSES et solde des ASSO POUR 2023 À 2025 (P)
(en milliards d’euros ; en points de PIB)
|
2023 |
2024 |
2025 |
|||
|
Valeur |
Volume |
Valeur |
Volume |
Valeur |
Volume |
Recettes |
748,5 |
26,7 |
775,7 |
26,6 |
800,6 |
26,7 |
Dépenses |
735,3 |
26,2 |
776,4 |
26,6 |
795,0 |
26,4 |
Solde |
13,2 |
0,5 |
– 0,6 |
≈ 0,0 |
5,6 |
0,2 |
Sources : projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023 ; comptes de l’Insee pour les administrations publiques en 2023 (juin 2024) ; rapports sur la dette des APU et sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières (RESF) de la Nation ([7]); calculs en valeur de la commission des affaires sociales.
Seront abordés le contexte économique dans lequel ces données s’inscrivent et l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) à leur propos (A), puis leurs points saillants pour ce qui touche aux finances sociales (B).
Le rapporteur général constate que le paysage économique sous-jacent aux projets de textes financiers de l’automne 2024 n’est que faiblement porteur.
Ainsi, la croissance du PIB n’atteindrait que 1,1 % pour l’exercice en cours comme pour celui à venir, tandis que l’exécutif projetait il y a un an qu’elle serait de 1,4 % puis 1,7 %. Elle n’équivaudrait toujours pas à son niveau potentiel estimé à 1,35 %, preuve que l’écart de production (« output gap ») n’est pas comblé.
Aux yeux du rapporteur général, l’effet de la crise sanitaire puis de la guerre en Ukraine sur les chaînes de valeur, singulièrement dans l’énergie, ne saurait plus être invoqué comme justification majeure, de sorte que des changements profonds dans le modèle productif français doivent être menés.
En 2024, l’orientation de la consommation des ménages et de la formation brute de capital fixe (FBCF) des sociétés non financières (SNF) est fragile, comme devrait l’être en 2025 celle de la masse salariale, principal déterminant des recettes sociales, et des investissements des APU. Le commerce extérieur présenterait toutefois une balance favorable.
S’agissant de l’inflation ([8]), son taux retrouverait d’ici à la bascule entre 2024 et 2025 un niveau proche de la cible de 2 % du Système européen de banques centrales (SEBC). Pour heureuse qu’elle soit en ce qui concerne le pouvoir d’achat des particuliers et les marges des entreprises, cette normalisation aura une incidence ambivalente sur les comptes des Asso :
– certes, elle freine tant les revalorisations légales de certaines prestations ou celles de la rémunération des personnels de santé ;
– mais elle ralentit aussi l’assiette de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont 28,14 % du produit serait affecté à la sécurité sociale en 2025 ;
– ses effets sur les conditions d’émission de titres par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la Cades et les régimes tiers aux Robss vont dépendre de ce qui prévaudra entre le retour de la politique monétaire à un épisode moins conventionnel, avec une baisse des taux, et l’appréciation des marchés sur la signature propre des emprunteurs publics français, moins encourageante.
● Saisi sur le fondement du IV de l’article 61 de la loi organique relative aux lois de finances, le HCFP a estimé dans son avis ([9]) que :
– « les prévisions de croissance, de masse salariale et d’inflation du Gouvernement pour 2024 sont réalistes » ;
– « le scénario macroéconomique pour 2025 est dans l’ensemble fragile », avec une prévision « un peu élevée » pour la croissance, « optimiste au regard des indications données par les enquêtes de conjoncture disponibles » pour la variation des échanges internationaux et domestiques ou de l’épargne, « un peu optimiste » pour la masse salariale et « un peu élevée » pour l’indice des prix.
L’estimation de masse salariale de l’exécutif repose sur la combinaison d’une hausse des effectifs salariés marchands de 0,3 % en 2024 puis de 0,1 %, que le HCFP ne commente pas, et du salaire moyen par tête de 2,8 % puis de 2,7 %, qu’il juge « plausible » pour la première année et « élevée, [mais] pas hors d’atteinte » pour la seconde, compte tenu des annonces sur l’apprentissage.
Enfin, le rapporteur général salue le fait que contrairement à une tendance des années précédentes, les hypothèses du Gouvernement sont assez en ligne avec celles des instituts comme le Consensus forecast, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ou le Centre de recherche pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (Rexecode).
Principales hypothÈses macroÉconomiques
successivement retenues par le Gouvernement pour 2024
(en pourcentage)
|
PLF et PLFSS |
PSTAB |
PLF et PLFSS |
PIB |
1,4 % |
1,0 % |
1,1 % |
Indice des prix à la consommation (IPC) |
2,6 % |
2,5 % |
2,1 % |
IPC hors tabac (IPCHT) |
2,5 % |
2,4 % |
2,0 % |
Masse salariale |
3,6 % |
2,9 % |
2,9 % |
Consommation des ménages |
1,8 % |
1,6 % |
0,7 % |
Consommation des APU |
1,4 % |
0,1 % |
2,7 % |
Investissement des entreprises |
0,9 % |
– 0,4 % |
– 1,9 % |
Investissement des APU |
1,3 % |
1,7 % |
3,0 % |
Importations |
3,1 % |
0,9 % |
– 1,1 % |
Exportations |
3,5 % |
+ 2,1 % |
2,1 % |
Principales hypothÈses macroÉconomiques
successivement retenues par le Gouvernement pour 2025
(en pourcentage)
|
PLF et PLFSS |
PSTAB |
PLF et PLFSS |
PIB |
1,7 % |
1,4 % |
1,1 % |
IPC |
n. c. |
1,7 % |
1,8 % |
IPCHT |
2,0 % |
1,6 % |
1,8 % |
Masse salariale |
3,4 % |
3,1 % |
2,8 % |
Consommation des ménages |
n. c. |
1,6 % |
1,3 % |
Consommation des APU |
0,7 % |
– 0,2 % |
|
Investissement des entreprises |
0,8 % |
0,6 % |
|
Investissement des APU |
n. c. |
– 0,7 % |
|
Importations |
3,1 % |
2,6 % |
|
Exportations |
3,9 % |
3,4 % |
Note : la masse salariale est celle des branches marchandes non agricoles (BMNA).
Source : RESF joints aux PLF pour 2024 et 2025 ; programme de stabilité pour les années 2024 à 2027.
Tant le PLF que le PLFSS traduisent une dégradation du solde public pour la deuxième année consécutive : après 4,8 points de PIB en 2022 et 5,5 points en 2023, il représenterait 6,1 points en 2024. Le ramener à 5,0 points en 2025 (5,2 points d’après les textes déposés mais ce premier niveau suivant l’ambition clairement affichée mais, de l’avis du rapporteur général, trop peu documentée par les ministres compétents) impliquerait un ajustement plus massif que suivant la loi de programmation en vigueur ([10]).
Le solde des Asso ayant été rappelé supra, le déficit des Apuc passerait de 5,4 points de PIB en 2024 à 4,7 points de PIB en 2025 et celui des Apul resterait sable à hauteur de 0,7 point de PIB pour les deux exercices considérés.
Appelé à apprécier le « réalisme » des prévisions de recettes et de dépenses sous-jacentes au PLFSS, le Haut Conseil relève le manque d’information à son attention comme à celle du Parlement quant au « détail des économies attendues sur le budget de l’État et de l’assurance maladie ».
Le rapporteur général déplore de son côté le considérable amaigrissement des informations contenues dans le RESF joint au PLF et l’absence de transmission des deux rapports prévus par l’article 24 de la LPFP ([11]).
● Les recettes des Asso croîtraient de 27,2 milliards d’euros (3,6 %) entre 2023 et 2024 puis de 24,9 milliards d’euros (3,2 %) entre 2024 et 2025.
S’agissant des produits affectés aux organismes de sécurité sociale, le HCFP fait valoir que pour 2024, « la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en novembre, qui entraînera une hausse des allègements de cotisations sur les deux derniers mois de l’année et n’a pas été prise en compte dans la prévision [de l’exécutif] constitue un aléa baissier », tandis qu’en sens inverse, pour 2025, « la réduction prévue des allègements généraux de cotisations sociales pourrait commencer à peser sur l’emploi et conduire à un redressement des gains de productivité plus marqué que prévu par le Gouvernement ».
● Les dépenses des Asso croîtraient de 41,1 milliards d’euros (5,6 %) entre 2023 et 2024 puis de 18,6 milliards d’euros (2,4 %) entre 2024 et 2025.
Le HCFP souligne aussi que les dépenses publiques hors crédits d’impôt sont évaluées à la hausse de 20,4 milliards d’euros pour 2024 comparativement au programme de stabilité (PSTAB) transmis à la Commission européenne : « cette révision est liée, pour plus de la moitié, aux dépenses des collectivités territoriales » et « la deuxième moitié tient essentiellement aux dépenses de l’État », alors que la contribution des Asso serait « plus marginale », avec un certain « dynamisme des soins de ville et notamment des indemnités journalières ».
En sens inverse, il note que l’évolution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) serait contenue à 2,8 % en 2025, après 3,3 % en 2024, car « des économies de l’ordre de 4,9 milliards d’euros seraient mises en œuvre par rapport à une évolution tendancielle évaluée à 4,7 %, soutenue par la nouvelle convention médicale de juin 2024 fixant à 30 euros à partir du 1er décembre 2024 le tarif de consultation médicale ainsi que par la hausse de 4 % des taux de cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) des employeurs de la fonction publique hospitalière ».
Il s’agirait néanmoins pour le HCFP de « mesures non spécifiées à ce stade », concernant l’efficience des tarifs en ville (cf. infra le commentaire des articles 15 à 17 et 19 et 20), ainsi que du report de l’indexation des pensions de retraite à partir de juillet 2025 (cf. infra le commentaire de l’article 23) et de gains dans le secteur de l’assurance chômage.
La contribution des Asso à l’économie de 60,6 milliards d’euros que le Gouvernement vise en 2025 par rapport au tendanciel serait de 14,8 milliards d’euros, soit un peu moins d’un quart du total.
Mesures d’effort par rapport au niveau tendanciel du solde public en 2025
(en milliards d’euros)
Source : RESF joint au PLF pour 2025.
*
* *
PREMIÈRE PARTIE
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale pour l’exercice 2024
Conformément aux prescriptions de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale, le présent article vise à rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice 2024.
Il rectifie également les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mises en réserve par le FSV ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoyait un déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 10,5 milliards d’euros, en dégradation d’1,8 milliard d’euros par rapport à la prévision pour l’exercice 2023.
Aux termes du 1° du I du présent article, la prévision de déficit est considérablement dégradée puisqu’il s’élèverait à 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards d’euros de plus qu’en loi de financement pour 2024.
Le tableau suivant compare les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des Robss et du FSV établies au présent article 1er avec celles arrêtées par la loi de financement pour 2024.
Comparaison des prévisions du PLFSS 2025 avec celles de la LFSS 2024
(en milliards d’euros)
|
Prévisions 2024 |
Rectification 2024 |
Écart à la prévision |
||||||
(LFSS 2024) |
(PLFSS 2024) |
||||||||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Maladie |
243,4 |
251,9 |
-8,5 |
239 |
253,6 |
-14,6 |
-4,4 |
1,7 |
-6,1 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
17,1 |
16 |
1,1 |
16,7 |
16 |
0,7 |
-0,4 |
0 |
-0,4 |
Vieillesse |
287,9 |
293,7 |
-5,8 |
287,4 |
293,7 |
-6,3 |
-0,5 |
0 |
-0,5 |
Famille |
58,8 |
58 |
0,8 |
58,3 |
57,9 |
0,4 |
-0,5 |
-0,1 |
-0,4 |
Autonomie |
41,2 |
40 |
1,2 |
40,9 |
40 |
0,9 |
-0,3 |
0 |
-0,3 |
Total |
630,3 |
641,6 |
-11,3 |
624,2 |
643 |
-18,9 |
-6,1 |
1,4 |
-7,6 |
Total incluant le FSV |
631,5 |
642 |
-10,5 |
625,3 |
643,4 |
-18 |
-6,2 |
1,4 |
-7,5 |
Note : en raison de l’arrondi, le solde indiqué peut être différent de la somme des éléments qui le composent.
Source : commission des affaires sociales à partir des données de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Le montant des recettes est inférieur d’environ 6,6 milliards d’euros selon l’annexe 3 et de 6,2 milliards d’euros si l’on compare les tableaux inscrits aux articles 1er de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Cette dégradation s’explique en premier lieu par un effet de base lié à un montant de recettes constaté en 2023 inférieur aux prévisions rectifiées de la loi de financement pour 2024. Ces prévisions se reportent logiquement sur l’année 2025.
Le principal facteur explicatif de la dégradation des recettes est toutefois à chercher dans l’évolution des recettes fiscales, lesquelles sont inférieures de 4,5 milliards d’euros à la prévision inscrite en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, dont 2,5 milliards d’euros de TVA en moins. Cela se reflète d’ailleurs dans la répartition par branche puisque ce sont les prévisions de recettes de la branche maladie, laquelle est davantage financée par l’impôt, qui se trouvent particulièrement dégradées.
Les écarts constatés sur les revenus d’activité s’élèveraient à 2,4 milliards d’euros de moindres recettes. Les produits des recettes portant sur le revenu des travailleurs indépendants seraient inférieurs de 1,7 milliard d’euros par rapport aux prévisions de la loi de financement pour 2024 avec un effet de base de 1,1 milliard d’euros au titre de l’année 2023.
S’agissant du secteur privé, l’on constaterait 1,5 milliard d’euros de manque à gagner par rapport aux prévisions de la dernière loi de financement. La révision du cadrage macroéconomique, notamment de la masse salariale du secteur privé (attendue à + 3,2 % selon l’hypothèse du présent projet de loi contre + 3,8 % en loi de financement pour 2024) expliquerait une perte d’1,8 milliard d’euros de recettes attendues qui serait partiellement compensée par la révision du coût des allégements généraux provoqué par un dynamisme du salaire moyen par tête (SMPT) plus vif que celui du Smic.
Le présent article fait état d’une prévision de dépenses augmentée de 1,4 milliard d’euros. L’intégralité de cet écart à la prévision est imputable aux dépenses d’assurance maladie. Selon le rapport à la Commission des comptes d’octobre 2024 ([12]), les dépenses de prestations maladie enregistreraient ainsi une croissance soutenue de + 4,1 %. La décomposition du surcroît de dépenses fait apparaître :
– un dépassement de l’Ondam adopté en loi de financement pour 2024 à hauteur de 1,3 milliard d’euros dont le détail est précisé au commentaire de l’article 2 ;
– un surplus de dépenses hors Ondam de 300 millions d’euros.
Les autres facteurs améliorent le solde de 300 millions d’euros.
Contribution aux écarts à la LFSS 2024
(en milliards d’euros)
Source : annexe 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
● Les ressources nettes des régimes de base et du FSV se sont élevées à 600 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 4,8 % par rapport à 2022. Cette hausse dynamique reflétait notamment la persistance d’un niveau d’inflation encore élevé (+ 4,8 % en moyenne annuelle hors tabac).
En 2024, la dynamique des recettes ralentirait (+ 4,2 %) sous le double effet d’une croissance peu dynamique (+ 1,1 % en volume) et de la normalisation de l’inflation (2 %). Plusieurs effets favorables sont néanmoins attendus sur les recettes :
– un accroissement de la contribution des recettes du secteur privé (+ 1,9 point) ;
– une augmentation de la contribution des autres assiettes (+ 1,6 point) ;
– un effet à la hausse des mesures adoptées en lois financières par rapport aux années passées (+ 0,7 point).
● Les recettes de cotisations sociales augmenteraient de 4 % sous l’effet principal de l’évolution des cotisations du secteur privé qui progresseraient plus vite que la masse salariale privée soumise à cotisations (+ 3,2 % en moyenne annuelle). Cet écart positif pour les recettes de la sécurité sociale s’explique en grande partie par la fin de la phase de forte hausse des allégements généraux de cotisations consécutives aux évolutions du Smic intervenues ces dernières années. La hausse du montant des allégements généraux s’établirait en effet à 0,8 % contre 10,1 % en 2023. Ce seul ralentissement de la dynamique des allégements généraux expliquerait 0,8 point de la hausse des cotisations du secteur privé.
Le coût des exonérations de cotisations relatives aux réductions de cotisations maladie et famille des salariés (« bandeaux maladie et famille ») est atténué à hauteur de 300 millions d’euros par le « gel des points de sortie » de ces bandeaux à hauteur respectivement de 2,5 et 3,5 Smic applicable au 31 décembre 2023 ([13]). La revalorisation indiciaire de 1,5 % intervenue en juillet 2023 qui produit ses effets en année pleine et l’attribution de 5 points d’indice à l’ensemble des agents publics au 1er janvier 2024 tirent les cotisations du secteur public à la hausse (+ 3,4 %).
● S’agissant des ressources fiscales, la hausse serait de 4,4 %, un niveau plus élevé qu’en 2023. Cette hausse s’explique toutefois partiellement par la réaffectation de 0,15 point de CSG à la branche autonomie en provenance de la Cades. Cet effet de périmètre accroît à lui seul de 2,6 milliards d’euros les recettes de la CSG affectées aux régimes de base de la sécurité sociale. Contrepartie de la forte hausse des dépenses de prestations légales (cf. infra), les recettes de la CSG portant sur les revenus de remplacement sont en nette augmentation (+ 5,3 % contre + 4,7 % en 2023), davantage que celles de la CSG portant sur les revenus d’activité (+ 3,1 % contre + 4,5 % en 2023).
Les autres impôts et taxes connaissent une hausse plus mesurée de 2,9 %. Hors mesures nouvelles sur 2024, leur évolution spontanée ralentirait à 2,3 %, notamment du fait d’une inflation moins élevée qu’en 2023. La hausse de la TVA serait deux fois moins importante qu’en 2023 (+ 1,6 % contre + 3,2 %) sous l’effet du ralentissement des emplois taxables qui constituent sa base ([14]).
● En 2024, les dépenses s’accroîtraient de 5,3 %. C’est une accélération de plus de 2 points par rapport à l’année précédente (+ 3,1 %), certes marquée par la quasi‑extinction des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Le dynamisme des dépenses serait essentiellement porté par l’évolution des prestations légales (+ 5,4 % sur une assiette représentant 93 % de l’ensemble des dépenses).
La croissance spontanée des dépenses en volume demeurerait le principal contributeur à la hausse des prestations légales (3,1 points), notamment du fait de la prise en compte dans l’Ondam des mesures liées aux négociations conventionnelles. La part des revalorisations légales s’accroîtrait toutefois sensiblement par rapport à l’année 2023 puisqu’elles contribueraient à 2,8 points à cette hausse. L’accélération de « l’effet revalorisation », alors que l’inflation en moyenne annuelle est attendue à la baisse en 2024 (2 %), s’explique par les règles d’indexation des prestations sociales qui répercute l’effet de l’inflation avec un décalage d’un an ([15]).
Pour la première fois depuis 2020, les mesures nouvelles contribueraient à réduire la croissance des prestations légales, à une hauteur toutefois restreinte (– 0,4 %). Elles recouvrent principalement les économies de 3,5 milliards d’euros intégrées à l’Ondam en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Décomposition de la croissance des prestations légales par effet
(en points)