N° 550

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 


visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités

PAR Mme Colette CAPDEVIELLE

Députée

——

 

 

           Voir les numéros :

  Sénat :              660 (2023-2024), 24, 25 et T.A. 6 (2024-2025).

Assemblée nationale :              465


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION....................................................... 7

I. Le régime de purge des nullités de procédure, élément essentiel de l’instruction judiciaire, est fragilisé par la jurisprudence constitutionnelle

II. La présente proposition de loi sécurise, dans un contexte contraint, le mécanisme de purge des nullités mais pourrait faire l’objet de compléments utiles

1. Un calendrier législatif qui interroge

2. La proposition de loi, simplifiée lors de l’examen au Sénat, apporte une réponse globale pour sécuriser la purge des nullités au regard de la jurisprudence constitutionnelle

3. La solution proposée, une lucarne qui ne doit pas devenir une porte ouverte aux procédés dilatoires

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er (art. 178, 179, 181, 269-1, 305-1 et 385 du code de procédure pénale) Sécurisation du mécanisme de purge des nullités en matière criminelle, correctionnelle et contraventionnelle

Article 2 (art. 804 du code de procédure pénale) Application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 

 

 


 

Mesdames, Messieurs,

D’un abord technique, la présente proposition de loi concentre des enjeux importants pour les juridictions concernées par la procédure d’instruction judiciaire. Elle traite en effet du mécanisme de purge des nullités, un outil essentiel de sécurisation des procédures menées par les juges d’instruction. Il s’applique à la fois en matière criminelle, correctionnelle et contraventionnelle.

Ce mécanisme a été récemment fragilisé par plusieurs décisions du Conseil constitutionnel. Il est proposé à l’Assemblée nationale, avec le présent texte, de répondre aux censures prononcées avec une solution conforme à la jurisprudence constitutionnelle.

Néanmoins, on ne peut que déplorer les conditions dans lesquelles le législateur est appelé à se prononcer sur ce texte. D’abord, parce qu’il existe, depuis le 1er octobre 2024, un vide juridique en matière correctionnelle qu’il est urgent de combler. Ensuite, parce que le Conseil constitutionnel prévoit une audience de QPC portant sur un article modifié par le présent texte le jour même de l’examen en séance, à propos de la purge des nullités en matière criminelle.

L’Assemblée nationale doit donc se prononcer de toute urgence dans un contexte juridique incertain. Votre rapporteure regrette l’imprévision du gouvernement précédent, qui connaissait l’effet de la censure du Conseil constitutionnel depuis le 28 septembre 2023. Elle salue, à ce titre, l’initiative de MM. François-Noël Buffet (ancien sénateur du Rhône, LR) et Philippe Bonnecarrère (ancien sénateur du Tarn, UC), qui ont déposé ce texte le 4 juin dernier. Le Sénat l’a adoptée le 17 octobre.

Votre rapporteure a identifié plusieurs problèmes de rédaction et déposé des amendements en commission des Lois en conséquence. Toutefois, elle s’est ralliée à l’urgence de l’adoption d’un texte pour couvrir le vide juridique existant en matière correctionnelle et pendant en matière criminelle. Elle a donc proposé une adoption conforme du texte à la commission des Lois, qui l’a suivie à la quasi-unanimité des groupes.

 


I.   Le régime de purge des nullités de procédure, élément essentiel de l’instruction judiciaire, est fragilisé par la jurisprudence constitutionnelle

La purge des nullités est un mécanisme fondamental de sécurisation de l’instruction judiciaire, procédure qui s’applique aujourd’hui à un nombre limité de dossiers, souvent d’une complexité particulière. Elle constitue la contrepartie de la capacité des parties à soulever, tout au long de la procédure, les nullités éventuelles dont elles prennent connaissance. Ces nullités recouvrent des situations très variées avec, par exemple, l’illégalité d’un acte d’enquête ordonné par le juge d’instruction.

L’importance de la purge des nullités dans les dossiers de criminalité organisée a été soulignée par les personnes sollicitées par votre rapporteure. Les auditions de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier permettent d’illustrer l’importance de ce mécanisme. Mme Isabelle Couderc, vice-présidente du tribunal judiciaire de Marseille chargée de la coordination de la section « Jirs criminalité organisée » avait ainsi déclaré que : « Des dispositions […] jurisprudentielles, qui privent l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de son effet de purge des nullités, sont des mesures regrettables et de nature à entraîner de nouveaux types de recours. Je pense qu’il faut encadrer de manière plus contraignante la possibilité de recours, qui paralyse l’instruction et encombre les chambres de l’instruction. Nous devons pouvoir instruire nos dossiers sans remise en cause permanente et dilatoire des actes accomplis par une certaine défense qui n’est pas constructive. Les délinquants paient très cher une défense qui se bat non pas sur le fond du dossier – souvent accablant –, mais sur la procédure, en multipliant les remises en cause de certains actes d’enquête afin d’obtenir la remise en liberté des délinquants ou en recourant à d’autres méthodes […] » ([1]).

Dans les procès portant sur des affaires liées au narcotrafic, la presse a ainsi pu faire état d’une « guérilla judiciaire » entre les avocats et les magistrats sur des questions de procédure ([2]).

La question des nullités des procédures d’instruction préparatoire constitue donc un enjeu essentiel de notre dispositif de lutte contre la criminalité organisée. Si leur purge s’inscrit dans l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, elle doit être conciliée avec les droits de la défense et le respect du contradictoire.

Or, ce mécanisme a fait l’objet d’une censure récente du Conseil constitutionnel. Cette situation a justifié le dépôt au Sénat de la présente proposition de loi.

II.   La présente proposition de loi sécurise, dans un contexte contraint, le mécanisme de purge des nullités mais pourrait faire l’objet de compléments utiles

1.   Un calendrier législatif qui interroge

Cette proposition de loi adoptée par le Sénat le 17 octobre 2024 est soumise à l’Assemblée nationale alors qu’il existe un vide juridique depuis le 1er octobre 2024 en matière de purge des nullités dans les procédures correctionnelles.

En effet, par une décision du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du code de procédure pénale prévoyant la purge des nullités de l’instruction préparatoire en matière correctionnelle, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par la Cour de cassation. En 2021, le Conseil constitutionnel avait déjà considéré que la purge des nullités en matière criminelle n’était pas conforme au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense en ce qu’elle ne prévoyait pas d’exception dans le cas d’une nullité que les parties n’auraient pas pu connaître. La décision de 2023 a repris cet argumentaire en matière correctionnelle.

Le Conseil constitutionnel a reconnu, à la fois en 2021 et en 2023, que la censure immédiate de telles dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives. En effet, elle est de nature à fragiliser gravement les instructions judiciaires en cours, dont les nullités ne seraient plus couvertes par les ordonnances de renvoi du juge d’instruction. Il a ainsi décalé l’effet de sa décision au 1er octobre 2024.

Or, il a fallu attendre le 4 juin 2024 et l’initiative des sénateurs pour qu’une proposition de loi visant à remédier aux effets de la censure soit déposée. Cette proposition de loi n’a pu être adoptée par le Sénat que le 17 octobre, c’est-à-dire après la date d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité. Il y a donc urgence, pour le législateur, à adopter des mesures destinées à répondre à l’inconstitutionnalité évoquée. Aussi, votre rapporteure regrette que cette situation ne permette pas au législateur de se prononcer dans des conditions sereines.

Par ailleurs, votre rapporteure s’interroge sur l’opportunité de demander à l’Assemblée nationale de se prononcer le jour même d’une audience prévue devant Conseil constitutionnel à propos d’une QPC transmise par la Cour de cassation portant sur le quatrième alinéa de l’article 181 du code de procédure pénale ([3]). Or, cet alinéa fait précisément l’objet d’une modification par la présente proposition de loi. Il n’apparaît pas de bonne politique pour le Gouvernement de demander à l’Assemblée de se prononcer sur des dispositions législatives en cours d’examen par le juge constitutionnel.

Le législateur est ainsi mis dans la position particulièrement inconfortable de devoir se prononcer dans des délais contraints, pour remédier aux effets de l’inconstitutionnalité, et dans une situation juridique incertaine, au regard de l’affaire en cours devant le Conseil constitutionnel.

2.   La proposition de loi, simplifiée lors de l’examen au Sénat, apporte une réponse globale pour sécuriser la purge des nullités au regard de la jurisprudence constitutionnelle

● La proposition de loi modifie les articles du code de procédure pénale relatifs au mécanisme de purge des nullités afin de créer une exception à cette purge lorsque les parties n’ont pas pu avoir connaissance d’une nullité éventuelle avant la clôture de l’instruction. Ces nullités pourront désormais être soulevées devant la juridiction de jugement, qu’il s’agisse du tribunal de police, du tribunal correctionnel, de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale.

En ouvrant cette possibilité aux parties, la proposition de loi répond ainsi à la jurisprudence constitutionnelle récente. À ce titre, les dispositions proposées permettront de garantir pleinement les droits de la défense et le respect du principe du contradictoire.

● La proposition de loi initiale déposée par MM. François-Noël Buffet et Philippe Bonnecarrère comportait une double procédure pour soulever une nullité dont les parties n’auraient pas pu avoir connaissance avant la clôture de l’instruction. En plus de permettre l’examen de ces nullités devant la juridiction de jugement, la proposition de loi prévoyait qu’une requête en nullité pouvait être soulevée devant le président de la chambre de l’instruction.

À l’initiative de sa rapporteure Mme Isabelle Florennes (UC, Hauts-de-Seine), la commission des lois du Sénat a supprimé cette double compétence de la juridiction de fond et de la chambre de l’instruction, au profit de la seule juridiction de fond.

3.   La solution proposée, une lucarne qui ne doit pas devenir une porte ouverte aux procédés dilatoires

Votre rapporteure s’interroge néanmoins sur les conséquences pratiques, pour les juridictions, des exceptions à la purge des nullités ouvertes par la présente proposition de loi.

En particulier, le caractère dilatoire de certains recours, manifeste pour les praticiens interrogés par votre rapporteure et rappelé par les travaux du Sénat sur le narcotrafic, constitue un sujet d’inquiétude. Ainsi qu’il a été rappelé lors des auditions conduites par votre rapporteure, la quasi-totalité des nullités soulevées devant les chambres de l’instruction concernent des dossiers de criminalité organisée.

Votre rapporteure est attachée à ce que la solution proposée ici ne conduise pas à reporter une trop grande part du contentieux des nullités devant les juridictions de jugement. L’organisation des audiences de cour d’assises, en particulier, se fait aujourd’hui dans des délais contraints qui ne permettent pas d’y ajouter un temps d’examen trop important consacré aux nullités éventuelles.

C’est en ce sens que votre rapporteure considère qu’il serait utile de circonscrire l’exception prévue à la purge des nullités par la présente proposition de loi aux seuls cas où il n’y a pas eu manœuvre ou négligence de la partie concernée. Le législateur témoignerait ainsi de sa volonté de veiller, conformément à l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, à ce que cette exception ne conduise à une déstabilisation des procédures ou une aggravation de l’engorgement des juridictions.

Ce point pourrait être traité à l’occasion d’un prochain texte portant sur les nullités de la procédure pénale.


   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Adopté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose une sécurisation, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du mécanisme de purge des nullités intervenant à la fin de l’instruction judiciaire. En ce sens, elle ouvre la possibilité de soulever un moyen de nullité devant les juridictions de jugement pour le seul cas des nullités qui n’auraient pu être connues des parties avant la clôture de l’instruction.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 6 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a inséré un nouvel article 269-1 dans le code de procédure pénale pour prévoir une exception à la purge des nullités en matière criminelle dans le cas où l’accusé n’a pas été régulièrement informé de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation et que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’état du droit
    1.   L’information judiciaire, modalité de la phase préparatoire du procès pénal
      1.   Le cadre de l’information judiciaire

L’instruction préparatoire, également appelée information judiciaire, est un des cadres de la phase préparatoire à un procès pénal. Conduite par un magistrat du siège, le juge d’instruction, elle se distingue de l’enquête qui est conduite par un magistrat du parquet, le procureur.

Obligatoire en matière criminelle et facultative en matière délictuelle et contraventionnelle, l’instruction préparatoire représente aujourd’hui une part très limitée des dossiers traités par l’autorité judiciaire. Elle s’applique néanmoins à des procédures d’une complexité particulière, notamment en matière de délinquance économique et financière ou de narcotrafic.

Son déroulé est détaillé de façon précise par le code de procédure pénale, qu’il s’agisse de son ouverture, de son déroulé et de sa clôture.

  1.   Le déroulé d’une clôture d’instruction

La procédure de clôture de l’information judiciaire, lorsqu’elle est le fait du juge d’instruction lui-même, est prévue par l’article 175 du code de procédure pénale ([4]). Elle suit les étapes suivantes :

– aussitôt que l’information lui paraît terminée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République et avise, en même temps, les parties et leurs avocats par un avis de fin d’information ;

– le procureur de la République dispose alors d’un délai d’un mois si la personne mise en examen est détenue et de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction. Les parties disposent du même délai d’un mois ou de trois mois pour adresser des observations écrites au juge d’instruction, formuler des demandes ou présenter des requêtes. À l’expiration de ce délai, ne sont plus recevables à formuler de nouvelles demandes ;

– à l’issue du délai d’un mois ou de trois mois, au vu des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées, le procureur de la République et les parties disposent d’un délai de dix jours pour adresser au juge d’instruction des réquisitions ou des observations complémentaires ;

– à l’issue du délai de dix jours précité, le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement.

Cette ordonnance de règlement peut prendre plusieurs formes : ordonnance de non-lieu, ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, ordonnance de renvoi devant le tribunal de police (art. 178 du code de procédure pénale) ou devant le tribunal correctionnel (art. 179) ou ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises ou la cour criminelle départementale (art. 181).

  1.   Le régime de purge des nullités
    1.   La possibilité de soulever un moyen de nullité en cours d’instruction

Au cours de l’information, conformément aux dispositions de l’article 170 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction peut être saisie aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure par le juge d’instruction, par le procureur de la République, par les parties ou par le témoin assisté.

L’article 171 du code de procédure pénale prévoit en effet qu’il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle de la procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. Lorsque la chambre de l’instruction est saisie, tous les moyens de nullité doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d’office, lui être proposés (art. 174 du même code). À défaut, les parties ne sont plus recevables à soulever de nouveaux moyens, sauf le cas où elles n’auraient pu les connaître.

La possibilité de soulever une nullité au cours de l’instruction constitue ainsi une garantie procédurale pour les parties qui permet, notamment, de porter devant la chambre de l’instruction tout acte de procédure, à l’exception des actes susceptibles d’appel comme les décisions rendues en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire. Si la chambre de l’instruction découvre une cause de nullité, conformément à l’article 206 du code de procédure pénale, elle prononce la nullité de l’acte qui en est entaché et, s’il y échet, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure.

Afin d’éviter des recours dilatoires, la possibilité de saisine de la chambre de l’instruction connaît cependant certaines limites, dont celles déterminées par l’article 174. L’article 173-1 prévoit également que, sous peine d’irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des nullités des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de celles liées à cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen. Il en est de même s’agissant des moyens de nullité pour les actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs ou des actes qui lui ont été notifiés.

Toutefois, dans les deux cas prévus aux articles 173-1 et 174, il est précisé que les conditions de délais pour soulever un moyen de nullité s’appliquent « sauf dans le cas où les parties n’auraient pu connaître le moyen de nullité ».

  1.   La purge des nullités à la clôture de l’instruction

Le mécanisme législatif de purge des nullités, introduit dans les années 1990, entraîne l’impossibilité pour les parties de soulever ces nullités devant la chambre de l’instruction ou la formation de jugement une fois que l’ordonnance de règlement du juge d’instruction est devenue définitive. Contrepartie de la possibilité de soulever un moyen de nullité pendant l’instruction, elle répond au besoin de sécurisation de la procédure et, à ce titre, s’inscrit dans l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

Ainsi, la possibilité de soulever un moyen de nullité conformément aux dispositions de l’article 170 n’est plus possible une fois que le délai d’un mois ou de trois mois ouvert aux parties par l’article 175 est expiré. Cette purge intervient donc, en réalité, avant même l’ordonnance de renvoi ou de mise en accusation elle-même. Passé ce délai, la chambre de l’instruction ne peut plus être saisie.

Extrait de la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-778 DC du 21 mars 2018, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

D’une part, en imposant aux parties un délai de quinze jours après l’envoi de l’avis de fin d’information pour décider si elles entendent présenter des observations sur cet avis et formuler ou présenter des demandes ou des requêtes, le législateur a entendu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, permettre un règlement plus rapide de l’information judiciaire qui ne puisse être remis en cause par l’exercice tardif de ses droits par une partie. D’autre part, une fois que la partie a fait connaître son intention d’exercer ses droits, elle dispose pour ce faire, en vertu du dernier alinéa du paragraphe III de l’article 175, d’un délai d’un mois, si une personne mise en examen est placée en détention, ou de trois mois, dans les autres cas ([5]).

Une fois les nullités purgées par l’ordonnance de règlement du juge d’instruction devenue définitive, il n’est donc plus possible de soulever un moyen de nullité devant la juridiction de jugement, qu’il s’agisse du tribunal de police, du tribunal correctionnel et de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale.

Cette spécificité est propre à la procédure d’instruction : pour les enquêtes menées par le procureur, la juridiction de jugement est bien compétente pour examiner les moyens tirés de la nullité d’une pièce de procédure. Les exceptions de nullité doivent alors être présentées avant toute défense au fond, comme le prévoient l’article 305-1 en matière criminelle et l’article 385 en matière correctionnelle. À défaut, ce droit est considéré comme forclos.

La purge des nullités est prévue pour les instructions menées à la fois en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle par différents articles du code de procédure pénale.

Dispositions prévoyant la purge des nullités de l’instruction préparatoire

● En matière criminelle, la purge des nullités est prévue par les articles 181, 269-1 et
305-1 du code de procédure pénale.

Article 181, quatrième alinéa

Lorsqu’elle est devenue définitive, l’ordonnance de mise en accusation couvre, s’il en existe, les vices de la procédure, sous réserve de l’article 269-1.

Article 269-1

Lorsque l’accusé n’a pas été régulièrement informé, selon le cas, de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation et que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence, il peut saisir le président de la chambre de l’instruction, alors même que l’ordonnance de mise en accusation est devenue définitive et au plus tard trois mois avant la date de sa comparution devant la cour d’assises, d’une requête contestant les éventuelles irrégularités de la procédure d’information.

[…]

À défaut pour l’accusé d’avoir exercé ce recours, l’ordonnance de mise en accusation couvre les vices de la procédure.

Article 305-1, premier alinéa 1

L’exception tirée d’une nullité autre que celles purgées par la décision de renvoi devenue définitive ou en application de l’article 269-1 et entachant la procédure qui précède l’ouverture des débats doit, à peine de forclusion, être soulevée dès que le jury de jugement est définitivement constitué.

● En matière correctionnelle, la purge des nullités est prévue par l’article 179 et l’article 385, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2024, du code de procédure pénale.

Article 179

Si le juge estime que les faits constituent un délit, il prononce, par ordonnance, le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel. […]

Lorsqu’elle est devenue définitive, l’ordonnance mentionnée au premier alinéa couvre, s’il en existe, les vices de la procédure.

Article 385 (rédaction antérieure au 1er octobre 2024)

Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont transmises sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction.

En matière contraventionnelle, la purge des nullités est prévue par l’article 178 du code de procédure pénale.

Article 178

Si le juge estime que les faits constituent une contravention, il prononce, par ordonnance, le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police.

Lorsqu’elle est devenue définitive, cette ordonnance couvre, s’il en existe, les vices de la procédure.

La purge des nullités n’est, toutefois, pas absolue.

Ainsi, le troisième alinéa de l’article 385 prévoit que les parties peuvent soulever les nullités de la procédure devant le tribunal correctionnel lorsque l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a été rendue sans que les conditions prévues par l’article 175 aient été respectées.

Ce même article prévoit, par ailleurs, un mécanisme de régularisation de la procédure suivie lors de l’information judiciaire, via la saisine du ministère public par le tribunal correctionnel, lorsque les ordonnances de règlement du juge d’instruction n’ont pas porté à la connaissance des parties ou lorsqu’elles n’ont pas été rendues conformément aux dispositions de l’article 184 ([6]) (deuxième alinéa de l’article 385). Les articles 269-1 et 305-1 prévoient des exceptions similaires en matière criminelle (voir infra).

● Le mécanisme de purge des nullités a été validé par le Conseil constitutionnel ([7]), qui a considéré que la purge des vices éventuels de la procédure par l’ordonnance de renvoi n’est contraire à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle. Il juge en effet que la personne mise en examen et toutes les parties à la procédure d’instruction « disposent du droit de saisir la chambre d’accusation ([8]) de requêtes en annulation au cours de l’information », d’autant plus que cette faculté doit être portée à la connaissance de la personne intéressée dès le début de l’instruction.

  1.   La nécessité de combler un vide juridique

Validée dans son principe, la purge des nullités éventuelles de l’instruction préparatoire a néanmoins été fragilisée par deux décisions récentes du Conseil constitutionnel.

● Dans sa décision n° 2021-900 QPC du 23 avril 2021, le Conseil constitutionnel a censuré le mécanisme de purge des nullités en matière criminelle prévu par les articles 181 et 305-1 du code de procédure pénale. Ces derniers ne prévoyaient, en effet, aucune exception à la purge des nullités en cas de défaut d’information de l’intéressé ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de procédure, alors même que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence. Dès lors, ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense, qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

Le législateur a apporté une réponse à cette censure avec l’article 6 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui a créé l’article 269-1 du code de procédure pénale. Cet article aménage ainsi une atténuation au mécanisme de purge des nullités, dans des cas spécifiques, en permettant de soulever une nullité devant la chambre de l’instruction alors même que l’ordonnance de mise en accusation est devenue définitive.

La première phrase de l’article 305-1 est également réécrite afin de prévoir que l’exception tirée d’une nullité dans le cas prévu par l’article 269-1 doit être soulevée dès que le jury de jugement est constitué, comme il est prévu pour les autres nullités qui n’ont pas été purgées par la décision de renvoi et qui peuvent donc, à ce titre, être évoquées devant la juridiction de jugement.

Cette modification législative constitue néanmoins une première réponse de nature trop limitée pour pleinement sécuriser le mécanisme de purge des nullités en matière criminelle. Elle est, en effet, circonscrite au cas où l’accusé n’a pas été régulièrement informé de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation, lorsque cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence. Cette solution couvrait donc uniquement les cas de défaut d’information de l’intéressé ne lui ayant pas permis de contester les irrégularités de la procédure en temps utiles, et non les autres cas de nullités dont l’accusé n’aurait pu prendre connaissance. Elle ne concernait, par ailleurs, que la matière criminelle.

● Dans sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a censuré le mécanisme de purge des nullités en matière correctionnelle pour des motifs similaires à ceux évoqués en 2021. Dans sa rédaction d’avant le 1er octobre 2024, l’article 385 prévoyait en effet que le tribunal correctionnel avait qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises « sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge de l’instruction ou la chambre de l’instruction ». La décision du Conseil précitée a considéré que cette exception n’était pas conforme à la Constitution.

Les circonstances de l’affaire ayant conduit à la décision n° 2023-1062 QPC

La décision du Conseil constitutionnel censurant une partie de l’article 385 du code de procédure pénale fait suite à une question posée par la Cour de cassation dans l’affaire dite « François F. »

Lors de l’appel formé contre le jugement de condamnation, la partie concernée avait soulevé plusieurs moyens d’annulation de certains actes de procédure pour des nullités qui avaient été révélées uniquement après l’audience du tribunal correctionnel.

En effet, après le renvoi de l’affaire devant le tribunal par le juge d’instruction, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire avait conduit une audition de Mme Éliane Houlette, ancienne procureure de la République financière. Celle-ci indiquait qu’une certaine forme de « pression » avait été exercée par la voie hiérarchique à propos de cette affaire ([9]).

La partie concernée avait alors soulevé un moyen excipant de l’absence de garanties suffisantes en matière d’indépendance et d’impartialité. La cour d’appel avait jugé irrecevable ce moyen qui n’avait pas été soulevé au cours de la phase d’instruction, comme le prévoit le code de procédure pénale. Les nullités avaient donc été purgées y compris, donc, l’éventuelle nullité citée supra.

À l’occasion du pourvoi en cassation, la Cour de cassation avait ainsi été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité sur l’absence d’exception à la purge des nullités pour les cas où la partie concernée n’avait pas pu avoir connaissance de telles nullités.

Source : Dalloz Actualité, « Affaire Fillon, l’épilogue d’une saga judiciaire… ou presque », 30 mai 2024.

Dans les deux cas, le juge constitutionnel a considéré qu’une censure à effet immédiat aurait emporté des conséquences manifestement excessives et a décidé, à ce titre, de reporter la date d’abrogation des décisions contestées. En effet, la disparition du mécanisme de purge des nullités en matière correctionnelle emporte des conséquences majeures dans le travail des juridictions, par la fragilisation des instructions préparatoires.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   La proposition de loi initiale

La proposition de loi vise à sécuriser de façon globale le mécanisme de purge des nullités en l’adaptant aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle. Si la déclaration d’inconstitutionnalité à laquelle il convient de répondre s’applique au tribunal correctionnel, l’ambition du texte proposé est de sécuriser le mécanisme à la fois en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle.

● L’article 1er complète ainsi les articles 178, 179 et 181 du code de procédure pénale pour prévoir que l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction devenue définitive couvre les vices de la procédure hormis le cas où les parties n’auraient pas pu les connaître.

Par coordination, en matière criminelle, il exclut la couverture des vices de la procédure prévue par l’article 269-1 dans le cas où les parties n’auraient pas pu les connaître. Il complète également l’article 305-1 pour exclure les effets de la purge des nullités dans le même cas.

Ces dispositions, applicables aux cours d’assises, s’appliqueraient également aux cours criminelles départementales, conformément à l’article 380-19 du code de procédure pénale.

L’article 1er complète, par ailleurs, l’article 385 pour prévoir que le tribunal correctionnel, lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction, ne peut connaître que de moyens de nullité qui n’ont pas pu être connus par la partie qui les soulève avant la clôture de l’instruction.

● L’article 2 prévoit l’application, conformément au principe de spécialité législative, de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a apporté plusieurs modifications au texte initial déposé par MM. Buffet et Bonnecarrère, à l’initiative de la rapporteure de la commission des lois.

● Les sénateurs ont, d’abord, supprimé la double procédure permettant de soulever les nullités que les parties n’auraient pu connaître à la fois devant la chambre de l’instruction et devant la juridiction de jugement. Dans cette optique, ils ont supprimé le 1° de l’article 1er qui prévoyait une exception à la purge des nullités au moment de la clôture de l’instruction avec une possibilité de saisine de la chambre de l’instruction.

Le texte initial disposait en effet que, à l’expiration du délai d’un mois ou de trois mois courant à compter de l’avis de fin d’instruction, les parties n’étaient plus recevables à formuler ou présenter des demandes ou requêtes devant la chambre de l’instruction, « sauf en cas de requête en annulation portant sur un moyen de nullité que la partie n’aurait pu connaître, qui reste recevable jusqu’à la clôture de l’information ». Cet ajout contribuait à créer une compétence concurrente pour l’examen des nullités dont les parties n’auraient pu connaître : d’une part, de la chambre de l’instruction, entre le moment de l’expiration des délais de l’article 175 et la clôture de l’instruction, et, d’autre part, du tribunal correctionnel, à partir de la clôture de l’instruction. Un amendement COM-1 de la rapporteure du Sénat, adopté par la commission des lois, a supprimé l’exception à la purge des nullités devant la chambre de l’instruction.

Le a du 5° de l’article 1er prévoyait une exception similaire à la purge des nullités en matière criminelle, permettant à l’accusé de saisir le président de la chambre de l’instruction dans le cas où le moyen de nullité n’aurait pu être connu antérieurement à la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive. Aussi, sur proposition de sa rapporteure ([10]), la commission des lois du Sénat a supprimé cette compétence concurrente de la chambre de l’instruction à la nouvelle compétence reconnue à la cour d’assises ou à la cour criminelle départementale. En conséquence, le même amendement a précisé le dernier alinéa de l’article 269-1 pour prévoir que la couverture des vices de procédure par l’ordonnance de mise en accusation, à défaut pour l’accusé d’avoir exercé un recours devant la chambre de l’instruction, ne valait pas dans les cas où les parties n’auraient pu connaître ces vices.

La logique de la proposition de loi ainsi modifiée est de reporter le contentieux des nullités intervenues postérieurement à l’expiration du délai d’un mois ou de trois mois indiqué à l’article 175 du code de procédure pénale vers les juridictions de jugement elles-mêmes.

Votre rapporteure souscrit pleinement à cette solution recommandée par les praticiens sollicités dans le cadre de ses travaux, qui évite d’allonger les délais devant les chambres de l’instruction, déjà particulièrement élevés. Il convient néanmoins de souligner que, en matière criminelle, un recours devant le président de la chambre de l’instruction postérieur à la clôture de l’instruction resterait possible au plus tard trois mois avant la date de comparution devant la cour d’assises dans le cas où l’accusé n’a pas été régulièrement informé de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation ([11]). Cette hypothèse concerne cependant un nombre limité de nullités qui ne pourraient, par la suite, être évoquées devant la juridiction de jugement si elles ont été soulevées devant la chambre de l’instruction.

● Enfin, le Sénat a modifié la rédaction de l’article 385 sur plusieurs points :

– il revient sur la suppression des mots ayant été l’objet de la censure du Conseil constitutionnel du 28 septembre 2023, la décision ayant entraîné leur disparition au 1er octobre 2024 ;

– il complète l’article pour préciser que la régularisation de la procédure passant par la sollicitation du ministère public par le tribunal correctionnel (voir supra) ne s’applique que lorsque la défaillance identifiée ne procède pas d’une manœuvre de la partie concernée ou de sa négligence. Il s’agit, ici, de transposer la solution existant en matière criminelle, conforme à la jurisprudence constitutionnelle, qui concerne essentiellement le cas d’une personne mise en examen en fuite et vainement recherchée, situation qui révèle une « manœuvre » de sa part. Dans le cas très circonscrit de défaut d’information de la personne, celle-ci ne pourra donc soulever une nullité dans le cas d’une manœuvre ou d’une négligence. Cette restriction ne porte pas atteinte aux droits de la défense, qui pourra toujours soulever des moyens de nullité au cours de l’instruction ;

– enfin, il complète l’article pour prévoir que le tribunal correctionnel peut connaître, en plus des moyens de nullité qui n’ont pu être connus par les parties avant la clôture de l’instruction, ceux qui n’ont pu être connus des parties « avant l’expiration des délais d’un mois et de trois mois prévus par l’article 175 ».

Votre rapporteure souscrit à l’essentiel des modifications apportées au texte par le Sénat. Plusieurs modifications pourraient être utilement apportées au texte.

● D’abord, votre rapporteure souhaite qu’une réflexion puisse être menée afin que l’exception ouverte à la purge des nullités ne s’applique pas dès lors que les nullités éventuelles relèvent de manœuvres ou de négligences des parties.

Cette solution, inspirée de la décision du Conseil constitutionnel de 2021 précitée, doit permettre de restreindre le caractère dilatoire que pourrait prendre la dérogation à la purge des nullités instaurée par la proposition de loi dans certains dossiers.

● Ensuite, il lui semble important de supprimer, à l’article 385, la référence à l’expiration des délais d’un mois et de trois mois prévus par l’article 175 ajoutée par le Sénat. Ces délais sont en effet couverts par l’expression « clôture de l’instruction », déjà présente dans l’article, qui intervient postérieurement à l’expiration des délais mentionnés.

Cette précision permet de confirmer que, avant l’expiration de ces délais, la chambre de l’instruction est compétente pour examiner les moyens de nullité et que, postérieurement à ces délais, le contentieux est renvoyé à la juridiction de jugement.

Toutefois, comme indiqué supra, l’importance d’adopter un texte rapidement a conduit à votre rapporteure à proposer l’adoption conforme du texte du Sénat et à renoncer aux modifications qu’elle souhaitait apporter au texte.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.


Adopté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit l’application de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

       Dernières modifications législatives intervenues

La dernière modification de l’article 804 du code de procédure pénale a été apportée par la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.

       Position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

  1.   L’état du droit

L’article 804 du code de procédure pénale prévoit l’application du code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

L’application du code est prévue dans ces collectivités sous réserve des adaptations prévues au titre premier du livre VI du code, relatif aux dispositions applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, et aux seules exceptions suivantes :

– pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, du cinquième alinéa de l’article 398 relatif à la liste des magistrats exerçant à titre temporaire susceptibles de siéger en qualité d’assesseurs au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel, des dispositions applicables à certaines infractions à la police des services publics de transports terrestres (articles 529-3 à 529-6) et de l’article 706-157 relatif à l’opposabilité aux tiers de la saisie d’un fonds de commerce, qui est applicable dans ces collectivités dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016. Enfin, les dispositions relatives aux cours criminelles départementales sont exclues ;

– pour les îles Wallis-et-Futuna, de l’article 52-1 sur les fonctions et le ressort territorial des juges d’instruction et des articles 83-1 et 83-2 relatifs à la cosaisine de plusieurs juges d’instruction. Les mêmes exceptions à l’application des articles 398, 529-3 à 529-6 et des dispositions relatives à la cour criminelle départementale que celles rappelées supra sont également prévues.

  1.   Le dispositif proposé

Le présent article actualise, de façon classique, la référence à la dernière loi modifiant le code de procédure pénale, en prévoyant que celui-ci est applicable dans la rédaction résultant de la présente proposition de loi.

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté cet article sans modification.


   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 13 novembre 2024, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités (n° 465) (Mme Collette Capdevielle, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/B9hcl8

M. le président Florent Boudié. Par une décision du 28 septembre 2023, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du code de procédure pénale prévoyant la purge des nullités de l’instruction préparatoire en matière correctionnelle, renvoyant les effets de sa décision au 1er octobre 2024 afin de laisser au législateur le temps de modifier les dispositions litigieuses.

La question de la purge des nullités se trouve à la confluence de la nécessité d’efficacité et de célérité des procédures, et de la garantie essentielle des droits des parties, en particulier le droit à un recours juridictionnel effectif.

La dissolution nous a empêchés de légiférer dans les temps et nous sommes désormais contraints par une certaine urgence, la date du 1er octobre étant passée. C’est pourquoi le gouvernement a choisi d’inscrire à l’ordre du jour de la séance publique du 19 novembre une proposition de loi visant à régler cette difficulté. Le Sénat l’a adoptée le 17 octobre à l’initiative de François-Noël Buffet. Nous avons quant à nous désigné Colette Capdevielle rapporteure.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Notre commission est saisie d’un texte en apparence technique, dont la portée pratique est importante, notamment pour les juridictions chargées de l’instruction des dossiers les plus complexes. La procédure d’instruction concerne un nombre limité de dossiers : obligatoire en matière criminelle, elle est facultative en matière correctionnelle et contraventionnelle. Elle est particulièrement précieuse pour faire la lumière sur les faits relevant de la criminalité organisée – notamment la délinquance économique et financière et le narcotrafic –, dont le traitement demande des investigations poussées. L’instruction préparatoire suit une procédure précisément détaillée par le code de procédure pénale, qu’il s’agisse de son ouverture, de son déroulement ou de sa clôture.

Le contrôle du respect de la procédure lors d’une instruction préparatoire repose sur un équilibre élaboré dans les années 1990. Le code de procédure pénale permet ainsi aux parties de veiller, tout au long de l’instruction, au respect de la procédure, qui peut être entachée de nullités.

Les parties peuvent porter ces nullités devant la chambre de l’instruction, qui est compétente. Comme l’indique l’article 171 du code de procédure pénale, il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par toute disposition du code de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. C’est une garantie procédurale essentielle permettant d’assurer le principe du contradictoire et les droits de la défense.

Les conséquences du prononcé d’une nullité sont parfois considérables. Comme le prévoit l’article 206 du code de procédure pénale, si la chambre de l’instruction découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l’acte qui en est entaché et, le cas échéant, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure. En d’autres termes, la découverte d’une nullité peut profondément fragiliser un dossier d’instruction, avec des incidences potentiellement lourdes, telles que la remise en liberté d’une personne détenue.

En contrepartie, la clôture de l’instruction entraîne la purge des nullités, qui ne peuvent plus être invoquées par la suite, que ce soit devant la chambre de l’instruction ou la juridiction de jugement. Cette purge des nullités est un élément essentiel de sécurisation des procédures d’instruction, qui permet de concentrer les débats devant la juridiction de jugement sur les questions de fond – la culpabilité et la peine. Elle est d’autant plus importante que ces nullités sont soulevées, dans la quasi-totalité des cas, dans des dossiers de criminalité organisée. Or, elles le sont devant des chambres de l’instruction déjà encombrées et très sollicitées, ce qui ne fait que ralentir l’avancée des procédures.

Le principe de la purge des nullités, introduit en 1993, a été validé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais certaines de ses récentes décisions l’ont fragilisé. À la suite d’une QPC transmise par la Cour de cassation, le Conseil a censuré la purge des nullités en matière correctionnelle, dans la mesure où elle ne prévoyait pas d’exception lorsqu’une partie ne pouvait avoir connaissance de l’existence de cette nullité et ne pouvait, dès lors, en contester la légalité devant la chambre de l’instruction.

S’agissant de la QPC soulevée à l’occasion de la célèbre affaire « François F. », le moyen de nullité excipé par la partie concernée provenait de déclarations de l’ancienne procureure de la République financière lors des auditions de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, présidée par notre collègue Ugo Bernalicis et rapportée par Didier Paris. À l'époque, ces déclarations avaient causé un certain émoi. Or cette cause éventuelle de nullité, portée par l’une des parties devant le tribunal correctionnel, avait été purgée par la clôture de l’instruction, empêchant la partie concernée de la faire étudier. Le Conseil constitutionnel, saisi, a considéré que l’impossibilité de faire examiner une cause de nullité postérieurement à la clôture de l’instruction, pour le seul cas d’une nullité que les parties n’avaient pas pu connaître avant, méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense qui découlent de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a prononcé la censure des dispositions de l’article 385 du code de procédure pénale prévoyant la purge des nullités en matière correctionnelle. Eu égard à la déstabilisation des procédures en cours qui pourrait s’ensuivre, il a différé les effets de sa décision au 1er octobre 2024, comme le lui permet l’article 62 de la Constitution.

Ce délai est désormais échu. Bien que le calendrier ait été connu du précédent gouvernement depuis septembre 2023, il a fallu attendre une initiative sénatoriale, début juin, pour qu’une proposition de loi remédiant à la déclaration d’inconstitutionnalité soit déposée. Puisqu’elle a été adoptée par le Sénat le 17 octobre dernier, il revient à notre assemblée de se prononcer pour remédier à cette inconstitutionnalité.

Je regrette vivement que le Parlement n’ait pu se prononcer plus tôt. Le calendrier est d’autant plus problématique que le présent texte est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique le 19 novembre, c’est-à-dire le même jour qu’une audience publique du Conseil constitutionnel à propos d’une QPC portant sur le mécanisme de purge des nullités en matière criminelle. Cette QPC en instance concerne l’alinéa 4 de l’article 181 du code de procédure pénale, c'est-à-dire des dispositions que le présent texte nous propose de modifier.

En tant que législateurs, nous nous retrouvons dans une situation inconfortable à double titre : tout d’abord, parce que nous devons nous prononcer dans l’urgence compte tenu du vide juridique existant en matière correctionnelle depuis le 1er octobre, mais aussi parce que nous devons prendre une décision dans un contexte juridique incertain, suspendu à une décision prochaine du Conseil constitutionnel.

Nous faisons face à un dilemme. Le gouvernement souhaite une adoption conforme pour sécuriser le mécanisme de purge des nullités en matière criminelle, correctionnelle et contraventionnelle. Dans cette optique, le présent texte se conforme à la jurisprudence constitutionnelle en ajoutant une exception pour les nullités dont les parties n’auraient pu avoir connaissance avant la clôture de l’instruction. Seules ces nullités pourraient ainsi être soulevées devant la juridiction de jugement.

Toutefois, mes travaux ont permis d’identifier des problèmes de rédaction, notamment à l’alinéa 12 de l’article 1er, dans la rédaction telle que modifiée par le Sénat. Cet alinéa modifie l’article 385 du code de procédure pénale, afin de prévoir que le tribunal correctionnel peut connaître, par exception, des moyens de nullité qui n’ont pu être connus par la partie qui les soulève « avant la clôture de l’instruction ou avant l’expiration des délais d’un mois ou de trois mois prévus par l’article 175 du code de procédure pénale ». Or ces délais expirent avant la clôture de l’instruction ; leur mention est donc inutile et peut même devenir une source de contentieux. La supprimer permettrait donc de sécuriser le texte.

Bien que je ne me satisfasse pas des conditions dans lesquelles le gouvernement nous demande de nous prononcer, je suis bien consciente de l’urgence de combler le vide juridique existant depuis le 1er octobre. Après en avoir discuté hier après-midi avec le ministre de la justice, je retire mes amendements au profit d’une adoption conforme de ce texte, malgré ses défauts, que l’examen du texte relatif au narcotrafic en début d’année prochaine nous permettra de corriger. Cela étant, je le répète, c’est l’imprévision du précédent gouvernement qui nous a conduits à la situation actuelle.

M. le président Florent Boudié. C’est tout de même le Conseil constitutionnel qui a censuré les dispositions du code de procédure pénale.

Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Marie-France Lorho (RN). Dans la procédure pénale, un acte n’est annulable que s’il méconnaît une formalité substantielle et qu’il porte atteinte aux droits de la partie qui le soulève, notamment la défense.

Le législateur a créé un mécanisme dit de purge des nullités, afin que ces dernières ne soient pas soulevées de façon dilatoire, voire pour la première fois le jour même de l’audience, alors que les actes d’enquête se sont poursuivis et sont devenus inutiles. Ainsi, l’ordonnance de renvoi, une fois rendue, permet aux parties de soulever la nullité des actes antérieurs à celle-ci.

Dans une décision du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif parce qu’il ne prévoit pas d’exception pour les personnes qui n’auraient pu avoir connaissance des irrégularités éventuelles. Les conséquences de cette décision ouvrent la possibilité de voir des nullités soulevées très tardivement dans la procédure, perturbant l’audiencement des affaires, déjà chaotique et à flux tendu. Il était donc important d’adapter notre régime de purge des nullités à la décision du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’une nouvelle preuve que cette autorité devient de plus en plus un colégislateur – mais c’est un autre débat.

Sur le fond, le groupe Rassemblement national est favorable à cette proposition de loi qui sauve un mécanisme de purge cohérent. Il apparaît logique qu’une partie soulève une nullité lorsque celle-ci lui cause un grief et affecte ses droits, et ce, dès qu’elle en a connaissance et non pas quand elle le souhaite, voire le jour même de l’audience. Le mécanisme de purge connaîtra donc une exception lorsque la partie n’était pas en mesure de connaître la nullité et que sa défaillance ne procède pas d’une manœuvre ou de la négligence.

Les juridictions ne seront pas forcément épargnées par les contestations et les stratagèmes judiciaires. En effet, la jurisprudence devra préciser au cas par cas quelles situations recoupent l’exception au principe de la purge des nullités. À cet égard, il eut été préférable d’exclure de l’exception la partie en fuite ou celle qui ne répond pas aux convocations du juge ou des enquêteurs munis d’une commission rogatoire. En l’état, le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Ludovic Mendes (EPR). Cette proposition de loi vise à sécuriser le mécanisme de purge des nullités en matière pénale, à la suite de la censure de l’article 385 du code de procédure pénale par une décision du Conseil constitutionnel. Elle prévoit la possibilité de soulever une nullité même après la fin de l’instruction si la partie n’en avait pas connaissance antérieurement.

Pour rappel, la nullité est invocable devant toutes les juridictions pénales et a pour effet l’annulation de l’acte concerné. En d’autres termes, celui-ci ne peut plus être retenu contre la personne mise en cause ou mise en examen au cours de l’enquête ou de l’instruction, ni devant la juridiction de jugement. Cette impossibilité touche non seulement l’acte lui-même, mais aussi l’ensemble des éléments de preuve qu'il a permis de recueillir.

Plusieurs raisons justifient le retour de ce mécanisme de purge des nullités. Tout d’abord, il garantit le respect des droits fondamentaux tout en maintenant l’efficacité de la justice pénale. Le respect des droits de la défense est au cœur du fonctionnement de notre système judiciaire, mais il est également impératif d’assurer la bonne administration de la justice, d’éviter les retards et de préserver l’efficacité des procédures pénales. En réintroduisant une exception au mécanisme de purge des nullités, ce texte trouve un équilibre entre ces deux exigences contradictoires. Il permet de protéger les droits de la défense tout en évitant que les irrégularités procédurales ne soient utilisées comme un outil dilatoire, risquant ainsi de paralyser les juridictions et de ralentir le processus judiciaire.

Le respect de la décision du Conseil constitutionnel est un gage de conformité avec les principes fondamentaux, car la censure par le Conseil constitutionnel du premier alinéa de l’article 385 s’inscrit dans la logique de respect des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Cette décision a rappelé la nécessité de garantir aux prévenus la possibilité d’identifier et de soulever des nullités qui ne sont apparues qu’après la clôture de l’instruction. En rétablissant une solution similaire à celle qui prévalait avant la réforme de 2024, ce texte respecte pleinement cette décision constitutionnelle. Il ajuste l’architecture procédurale pour qu’aucune partie ne soit privée de la possibilité de défendre ses droits, en particulier dans les situations où elles ne peuvent avoir connaissance des irrégularités qu’après la fin de l’instruction.

C’est pourquoi le maintien de l’efficacité des juridictions et de la gestion des délais est impératif pour concilier le respect des droits des justiciables avec l’exigence de gestion des délais dans la procédure pénale. L’introduction de la possibilité de soulever une nullité en correctionnelle, dans un cadre précis, vise à éviter un recours systématique et disproportionné aux nullités. Sans cette mesure, les juridictions risqueraient de se retrouver surchargées par des demandes de nullité, entraînant une prolongation indue des procédures pénales et une mise en péril de l’efficacité des juridictions correctionnelles.

Ce texte est une réponse pragmatique aux défis posés par les réformes précédentes, en réintroduisant une exception permettant de soulever une nullité en fonction de la prise de connaissance tardive de cette irrégularité. Il s’adapte aux réalités des procédures pénales contemporaines. De plus, cette solution est transposée aux procédures criminelles, ainsi qu’aux procédures devant le tribunal de police, garantissant ainsi une uniformité et une équité dans le traitement des questions procédurales à tous les niveaux de la juridiction pénale.

La présente proposition de loi vise à apporter une réponse équilibrée aux impératifs de protection des droits de la défense et de maintien de l’efficacité de la justice pénale. En réintroduisant un mécanisme de contrôle des nullités dans des conditions strictement encadrées, elle protège les justiciables tout en limitant les abus procéduraux et les retards inutiles. Elle propose un compromis nécessaire pour garantir une justice équitable et réactive, sans que le processus judiciaire soit paralysé par des recours dilatoires. L’abrogation du mécanisme de purge de nullités ayant pris effet au 1er octobre 2024, il est nécessaire de légiférer rapidement, afin d’éviter toute surcharge des juridictions pénales par une avalanche potentielle de requêtes en nullité.

Le texte doit entrer rapidement en vigueur et la version adoptée par le Sénat permet de répondre à l’ensemble des enjeux évoqués. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République est favorable à une adoption conforme du texte issu de la chambre haute.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Pour un mis en cause, les purges de nullité peuvent avoir l’effet d’un couperet. L’enjeu de cette proposition de loi, soutenue par le gouvernement, consiste à la fois à sécuriser la procédure et à respecter les droits fondamentaux de la défense. Pour atteindre ce délicat équilibre, le texte vise à ajouter deux points au code de procédure pénale.

Premièrement, une nullité pourra être invoquée après la fin d’une enquête, si le mis en cause n’a pu en avoir connaissance avant. Mais comment le prouver ? En outre, l’état d’avancement des travaux de la rapporteure évoque la lutte contre les narcotrafiquants. On a du mal à comprendre comment on passe d’une QPC relative à l’affaire François Fillon à la lutte contre les narcotrafiquants – à moins que celui-ci en soit devenu un, ce dont je doute malgré tout ? Le gouvernement et les sénateurs ont-ils décidé que tout se jouerait sous cette nouvelle égide ?

Cette première proposition ne nous convainc donc qu’à moitié, dans la mesure où elle n’est pas suffisamment définie. Nous aurions préféré que la dimension de nouveauté soit plus explicite et que l’ensemble soit clairement énoncé. Prêter à attention à la question de la forme est absolument fondamental en matière de procédure pénale si l’on veut écarter tout arbitraire.

Le deuxième aspect de la proposition de loi, concernant les manœuvres dilatoires, nous pose problème. À travers les manœuvres dilatoires semblent en effet visées les droits de la défense et le travail des avocats. Cette partie est très problématique, parce qu’elle attaque les droits de la défense. Nous osons dire que cet ajout est hors sujet et s’apparente à un cavalier législatif. Nous nous méfions des apprentis sorciers qui pensent résoudre des problèmes, en l’occurrence la criminalité organisée, terme que nous préférons à « narcotrafic », en modifiant le code de procédure pénale qui, à nos yeux, n’a d’efficacité que s’il respecte les droits et les libertés attachés à notre République.

M. le président Florent Boudié. Cette proposition de loi ne constitue en rien un cavalier législatif.

M. Hervé Saulignac (SOC). Cette proposition de loi fait figure de cas d'école pour tous les étudiants en droit pénal et en droit constitutionnel, peut-être aussi pour certains ministres, tant elle montre à quoi sert l'État de droit. Dans un État de droit comme le nôtre, un citoyen a les moyens de contester les procédures dont il fait l’objet par une QPC, comme l’a fait l’ancien premier ministre François Fillon. Le Conseil constitutionnel, auquel la Cour de cassation l’a transmise, a pu en vérifier la conformité avec deux principes fondamentaux de notre République et pas des moindres : le droit à un recours effectif et les droits de la défense.

Après la décision de censure qui a été prise, c'est au législateur de prendre ses responsabilités et de corriger, en quelque sorte, le droit en pleine souveraineté, dans le respect des principes fondamentaux de notre pays. Un seul acteur n'a finalement pas tout à fait joué son rôle constitutionnel, c'est le gouvernement précédent et nous le regrettons. Le Conseil constitutionnel avait pourtant été prévenant en laissant un délai d'un an à compter de sa décision. Ce délai est désormais échu et notre droit est fragilisé.

Ce n’est donc pas un projet de loi que nous examinons, mais une proposition de loi, celle des sénateurs François-Noël Buffet et Philippe Bonnecarrère, qui a recueilli l’assentiment du gouvernement. Je veux saluer l’initiative de nos collègues qui démontre une fois de plus la vitalité de la vie parlementaire de ce pays. Nous aurions fait preuve d’une légèreté incompréhensible si nous avions laissé béant un tel vide juridique et l’on aurait pu nous en tenir pour responsables, voire coupables.

Le mécanisme de la purge des nullités de l'instruction préparatoire en matière correctionnelle et criminelle est aussi indispensable que son fonctionnement paraît aride. L'enjeu est grave, compte tenu des guérillas judiciaires que subissent nos magistrats, notamment dans les affaires de criminalité organisée. Notre droit ne peut pas se permettre la moindre lacune.

Il y a donc urgence à combler ce vide juridique et cette commission doit y répondre. Il est néanmoins regrettable de légiférer dans de telles conditions. La rapporteure, dont je salue le travail précis et pragmatique, mais aussi la sagesse puisqu'elle a indiqué qu'elle allait retirer ses propres amendements, a soulevé des interrogations légitimes et nous les partageons mais nous devons tous faire preuve avec elle de pragmatisme. Le texte a déjà reçu des modifications heureuses au Sénat. Le dispositif a été harmonisé et simplifié : l'examen des vices de procédure est désormais confié à la seule juridiction compétente au fond. Ainsi a été établi un équilibre entre, d'une part, le respect du droit à un recours juridictionnel effectif, par la faculté ouverte à la défense de soulever une nullité qu'elle ne pouvait connaître au moment de l'instruction, et, d'autre part, la garantie de la sécurité juridique et de l'efficacité de la justice, grâce à une limitation des abus de procédure. Dans un esprit de responsabilité et d'efficacité, le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition de loi.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, socle de notre État de droit, pose, à son article 16, un principe fondamental : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ». En découlent le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, sur lesquels s'est appuyé le Conseil constitutionnel pour rendre sa décision, que nous saluons, car elle va dans le sens du respect de l’État de droit.

Si je tiens à mon tour à rappeler qu’elle fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l'ancien premier ministre et candidat à l’élection présidentielle François Fillon, condamné à près de 750 000 euros d'amende dans l’affaire des emplois fictifs, c’est pour déplorer que certaines forces politiques ne s'intéressent au droit à un procès équitable et aux droits de la défense que lorsque l’un des leurs est sur le banc des accusés Ces postures nourrissent l'idée fausse d'une justice à deux vitesses.

Nous regrettons que notre assemblée se penche avec retard sur les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, qui a pris effet le 1er octobre dernier. Alors que nous avions un an devant nous, il nous faut maintenant légiférer dans l’urgence pour combler un vide juridique qui expose les droits de la défense et des justiciables à des risques.

Sur le fond, cette proposition de loi nous semble constituer une réponse adaptée à la décision du Conseil constitutionnel. Elle vise à trouver un équilibre entre le droit à un recours juridictionnel effectif, en permettant à la défense de soulever une nullité encore inconnue lors de l'instruction, et la nécessité de renforcer la sécurité juridique ainsi que l'efficacité des procédures. Les modifications du code de procédure pénale auxquelles elle procède ont vocation à s'appliquer en matière correctionnelle, contraventionnelle et criminelle. Son objectif est de limiter les abus procéduraux, de mieux encadrer les délais dans lesquels les nullités peuvent être soulevées, et de régulariser les irrégularités sans compromettre les droits fondamentaux des justiciables.

Le groupe Écologiste et social estime qu’il est essentiel de sécuriser les décisions de justice, tout en protégeant les droits des victimes et ceux des justiciables, et d’assurer des procédures à la fois rapides et équitables. Dans un esprit de responsabilité et par souci de l'efficacité de la justice, il votera pour ce texte.

M. Philippe Latombe (Dem). La purge des nullités constitue un enjeu essentiel dans la procédure pénale. Nous savons quelles conséquences désastreuses peut avoir le prononcé d’une nullité lorsqu’il intervient tardivement dans la procédure. La presse se fait ainsi souvent l’écho de nullités de procédure soulevées par les avocats de prévenus poursuivis pour des faits de vol, d'agressions sexuelles, de violences ou bien encore de narcotrafics, conduisant à des relaxes aux conséquences dramatiques. Pour autant, il n'est pas question de remettre en cause la possibilité d’agir en nullité, bien au contraire. Ces sanctions prononcées par le juge, en raison de la violation de règles procédurales, sont particulièrement nécessaires à une bonne administration de la justice et à la protection des droits des justiciables. Elles conduisent à l'inefficacité d'actes juridiques ne répondant pas, sur le fond ou la forme, aux conditions de leur validité. C’est dans ce but que le législateur a fait le choix de mettre en place ce mécanisme dans les années 1990.

La proposition de loi fait suite à la censure prononcée par le Conseil constitutionnel sur les dispositions relatives à la purge des nullités en matière correctionnelle. Il a estimé que celles-ci n'étaient pas conformes au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense. Un requérant avait découvert une cause de nullité après la clôture de l'instruction, alors que le vice s'était produit pendant l'instruction. La purge l’avait alors empêché d'exposer ses arguments aux fins de nullité. Le Conseil constitutionnel a retenu la censure d'une partie de l'article 385 du code de procédure pénale en reportant son abrogation au 1er octobre 2024. En l’absence de modifications depuis cette date, les procédures pendantes et à venir devant les tribunaux correctionnels sont exposées à une insécurité juridique, à laquelle il nous faut mettre fin de manière urgente. Tel est l'objectif de la présente proposition de loi.

Le texte prévoit de rétablir le mécanisme des purges de nullité devant le tribunal correctionnel tout en prenant en compte les exceptions résultant de la décision du Conseil constitutionnel, autrement dit en permettant qu'une nullité puisse toujours être soulevée si le requérant n'a pu en avoir connaissance avant la clôture de l'instruction.

En outre, la proposition de loi va plus loin : elle étend cette possibilité à l’ensemble des juridictions répressives. Les simplifications proposées par le Sénat vont dans le bon sens selon nous, en assurant notamment aux justiciables la possibilité de soulever la nullité d'un acte non couvert par les purges. Plus précisément, il s'agissait de préciser dans la loi que l'ignorance de la personne mise en cause dans le cadre d'un délit ne peut lui profiter qu'en l'absence de manœuvre ou de négligence de sa part. En outre, il est de bon aloi de prévoir que seules les juridictions du fond seront compétentes pour connaître des cas de nullité que les parties ne pouvaient pas connaître avant la clôture de l'instruction.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi : le dispositif élaboré par le Sénat, équilibré et lisible, contribue à une bonne administration de la justice. Il nous paraît indispensable de l'adopter dans les plus brefs délais. À cet égard, nous nous félicitons du choix de la rapporteure de retirer ses amendements en vue d’une adoption conforme.

Je profite de l’examen de ce texte pour vous rappeler que nous sommes confrontés à un vide juridique similaire s’agissant des réquisitions de données de connexion par les procureurs. Il n'y a eu aucune évolution législative depuis le 1er janvier 2023, date à laquelle la censure est devenue effective.

M. le président Florent Boudié. Je souscris à votre dernière remarque.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le groupe Horizons & indépendants tient à saluer l'initiative des sénateurs François-Noël Buffet et Philippe Bonnecarrère. Après la censure prononcée par le Conseil constitutionnel, leur proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités était nécessaire pour sauvegarder cette procédure utile.

La possibilité de soulever un moyen de nullité fait partie des exigences liées au respect des droits de la défense. Nous comprenons bien toutes les raisons pour lesquelles les procédures judiciaires ne pourraient aller à leur terme en cas de méconnaissance de formalités substantielles. Des garanties essentielles sont en effet en jeu lorsque les intérêts d’une partie sont lésés – pensons à l’absence d’un interprète lorsque le mis en cause n'est pas en mesure de comprendre ou de lire le français.

Toutefois, il est tout aussi nécessaire d'éviter que ces motifs de nullité ne constituent des obstacles pour les enquêteurs, que des manœuvres dilatoires empêcheraient de traduire en justice les personnes mises en cause. C'est tout l'objet du mécanisme de purge des nullités qui rend irrecevable devant la juridiction de jugement toute exception tirée de la nullité de la procédure antérieure à sa saisine. Il permet ainsi de préserver l'efficacité et la rapidité des procédures, impératifs qui doivent toutefois être conciliés avec la pleine garantie des droits des parties, sous peine de censure du Conseil constitutionnel.

Dans sa décision du 28 septembre 2023, celui-ci a estimé que le mécanisme de purge des nullités méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense, dans la mesure où il ne prévoit aucune exception lorsque la partie n'a pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, notre groupe estime qu'il est indispensable de rétablir le mécanisme de purge des nullités qui a partiellement disparu de notre code de procédure pénale depuis le 1er octobre 2024. Cette proposition de loi, si elle est essentiellement technique, est en outre plus que justifiée par l'actualité, marquée par l’annulation de procès de narcotrafiquants en raison de nullités de procédure.

Notre groupe souhaite également saluer la qualité du texte transmis par le Sénat. En retenant une rédaction large et en incluant tous les types de juridictions, cette proposition de loi permettra d'écarter le risque d’une censure ultérieure. Le vote conforme est nécessaire si nous voulons combler le vide juridique auxquels nous sommes confrontés et je tiens à mon tour à remercier la rapporteure d'avoir retiré ses amendements. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Martine Froger (LIOT). Cela fait plus d'un an que le Conseil constitutionnel a censuré le mécanisme de purge des nullités à la suite de la QPC déposée par François Fillon. L'apparente technicité du sujet de cette proposition de loi ne doit pas en atténuer les enjeux. L'activité quotidienne des juridictions pénales nous montre à quel point un mécanisme de purge des nullités est indispensable, compte tenu des effets dévastateurs que peuvent avoir les nullités sur une procédure. Face aux effets disproportionnés qu'aurait eus une censure brutale, le Conseil constitutionnel avait fait le choix judicieux de laisser du temps au gouvernement pour réagir. Celui-ci avait jusqu'au 1er octobre 2024 mais la date butoir a été dépassée sans qu’il ait pris d’initiative pour modifier le code de procédure pénale. Le Sénat s’y est donc attelé.

Personne ici ne remet en doute l'utilité de la purge des nullités qui permet de sécuriser l'instruction judiciaire dans les dossiers les plus complexes. Ce mécanisme vise essentiellement à limiter les recours dilatoires et traduit le devoir de loyauté de la défense en empêchant qu'une partie n'invoque au dernier moment une nullité qu'elle aurait pu soulever à une étape antérieure. Cela dit, les deux censures du Conseil constitutionnel, en matière criminelle puis en matière correctionnelle, étaient justifiées : dans un État de droit, le droit à un recours effectif et les droits de la défense doivent toujours être préservés. Or, dans quelques cas, la purge intervenait avant même que les parties n'aient pu avoir connaissance d’une nullité.

Sans remettre en cause le régime de la purge, le Conseil constitutionnel a légitimement demandé au législateur de prévoir des exceptions. En réponse à cette demande, le Sénat a effectué le travail que le gouvernement n'a pas fait. Le présent texte permet de modifier le mécanisme de purge conformément à la jurisprudence constitutionnelle. Il prévoit une exception permettant aux parties de soulever une nullité si elles n’ont pu en avoir connaissance avant la clôture de l'instruction.

Notre groupe salue le choix de rénover et d'harmoniser l'ensemble des procédures en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle afin d'éviter une nouvelle censure. L'équilibre du texte devrait assurer la bonne administration du service public de la justice, tout en garantissant les droits de la défense. Notre seule réserve porte donc sur le calendrier. Le manque d'anticipation nous oblige à légiférer sur un sujet sensible dans des délais contraints. De plus, notre groupe constate que l'examen de ce texte survient alors qu'une nouvelle QPC est en instance devant le Conseil constitutionnel. Ces remarques de forme faites, nous voterons pour cette proposition de loi.

M. le président Florent Boudié. Je rappelle que le retard est dû principalement à la dissolution. La responsabilité n’en incombe à personne dans cette salle.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). En matière de procédure pénale, il faut trouver le bon équilibre entre sécurité juridique, respect des droits de la défense et bonne administration de la justice. La tenue d'un procès coûte de l'argent et il semblerait qu’il n’y en ait plus beaucoup dans les caisses de l'État. Lorsqu’une procédure aboutit devant le juge d’instruction, il faut constituer un jury, mobiliser des magistrats professionnels, des greffiers et prévoir plusieurs jours d’audience. Si, dans un État de droit, il est bon que des nullités puissent être soulevées, il importe de s’assurer qu’elles ne le soient pas à la dernière minute, réduisant à néant ce coûteux travail d’organisation. Le mécanisme de purge des nullités est, à cet égard, indispensable au bon fonctionnement de la justice pénale.

Le Conseil constitutionnel est venu censurer en partie ce régime, considérant que certains principes constitutionnels n’étaient pas respectés. Cette proposition de loi entend rétablir ce mécanisme, en prenant en considération les exigences du Conseil. J'entends bien que la dissolution a pu chambouler quelques agendas, les nôtres en premier lieu, et nous n'en sommes pas responsables. Reste que depuis le 1er octobre, le mécanisme de purge des nullités n'existe plus. Il y a donc urgence à légiférer. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, nécessaire pour notre justice pénale.

Mme Brigitte Barèges (UDR). En prenant connaissance du titre du texte, j’ai cru que le grand soir était arrivé et que la partie du code de procédure pénale consacrée aux nullités serait révisée. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité et la difficulté de trouver un équilibre entre la préservation des droits de la défense, le respect des libertés publiques et la lutte contre l’obstruction systématique qui entrave l’efficacité de la justice pénale à coups de recours dilatoires pour vices de procédure – manœuvres qui peuvent mener à l’annulation pure et simple de toute la procédure et empêcher les poursuites pénales.

De mes années d’avocate, j’ai le souvenir d’avocats corses, qui, à l’audience, parvenaient à obtenir la relaxe de leurs clients, au casier judiciaire particulièrement chargé, juste parce que tel ou tel article du code leur permettait de faire annuler toute la procédure. C’était très impressionnant. Forcément, je suis donc un peu déçue de ce texte minimaliste – même la rapporteure en a convenu. Au regard de l’urgence, le groupe Union des droites pour la République le votera, mais nous attendons toujours le grand soir promis par Bruno Retailleau – peut-être viendra-t-il de la proposition de loi sur le narcotrafic ?

Monsieur Duplessy, nous sommes tous engagés pour défendre l’équité devant la loi et les droits de la défense – principes que j’ai toujours défendus à titre personnel comme professionnel. Néanmoins, nous savons tous combien le recours excessif aux nullités peut être un obstacle dans la procédure judiciaire. Les enquêteurs de la gendarmerie, de la police, les personnes chargées de l’instruction du parquet, travaillent souvent dans l’urgence et dans des conditions difficiles : il est terrible de voir un petit détail – un grain de sable – passé inaperçu réduire à néant leur travail pour traduire de vrais truands devant les tribunaux.

Les ordonnances de renvoi, qui permettent de purger les nullités antérieures dans la procédure d’instruction, ont été un succès. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a souligné que les parties pouvaient ne pas avoir eu connaissance de certaines causes de nullité avant le rendu de l’ordonnance. Soit, je comprends le principe, mais le dispositif proposé pour pallier ce manque m’inquiète, car il est source de contentieux. Comment s’assurer que la partie n’était réellement pas au courant, la demande est-elle légitime ou n’est-ce qu’un moyen de se soustraire à la procédure ? La jurisprudence confortera probablement la place de la présomption dans l’examen de la légitimité et de la recevabilité de la demande de nullité.

En somme, nous allons reculer pour mieux sauter. Pour rendre la justice plus efficace et éviter l’obstruction systématique des vrais voyous et des délinquants dangereux, il faudra bien, un jour ou l’autre, toiletter le code de procédure pénale. Ce travail d’Hercule ne sera pas facile, car l’équilibre avec les droits de la défense est délicat, mais il est indispensable.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je vous remercie de vous être intéressés à ce sujet aride et d’avoir souligné la nécessité de trouver un équilibre entre la recherche d’efficacité et la préservation des droits.

Monsieur Mendes, vous avez souligné que le texte proposait une solution pragmatique pour éviter la surcharge des juridictions tout en assurant la nécessaire protection des droits de la défense, mais craignez une avalanche de procédures en nullité : à ma connaissance, ce n’est pas le cas, mais le risque est d’autant plus évident que le dispositif vise des dossiers dans lesquels les enjeux sont très importants, et la défense très organisée – vous voyez à quoi je fais allusion.

Madame Martin, le respect des droits de la défense est évidemment important, mais celui du droit des victimes à un procès équitable aussi : le respect des délais en fait partie. Sur la forme, avec la décision du Conseil constitutionnel, le code de procédure pénale ouvrira la possibilité à une personne mise en examen de soulever une cause de nullité dont elle n'aurait pas eu connaissance devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police, y compris une fois l’ordonnance de renvoi rendue, afin d’éviter d’entacher de nullité la procédure d’instruction.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). C’est la deuxième partie du dispositif que nous contestons !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Dans l’affaire le concernant, François Fillon n’avait pas pu se prévaloir des déclarations d’un témoin pour demander la nullité de la procédure, car l’ordonnance de renvoi avait déjà été prononcée. Ce genre de cas reste, fort heureusement, peu fréquent.

Il s’agit uniquement, je le répète, de combler un vide juridique. Cela ne me semble pas être un cavalier législatif.

Monsieur Saulignac, je vous remercie d’avoir rappelé les principes de l’État de droit et la nécessité d’agir avec efficacité, pragmatisme et sens de la responsabilité.

Monsieur Duplessy, il faut effectivement limiter les abus procéduraux, ne serait-ce que par respect pour le droit des victimes. Vous êtes le seul à en avoir parlé, et je vous en remercie. N’oublions pas qu’elles aussi sont parties au procès.

Vous avez tous, unanimement, souligné la nécessité de trouver un équilibre entre préservation des droits et respect des procédures, c’est-à-dire d’allier responsabilité, efficacité et sécurité.

Madame Froger, je suis d’accord : entre la décision du Conseil constitutionnel, en septembre, et la dissolution, en juin, nous avions amplement le temps de nous saisir de ce sujet. On ne peut que déplorer le temps de gestation du texte. À cet égard, monsieur le président, il serait souhaitable de s’assurer qu’il n’y a pas d’autres décisions du Conseil constitutionnel pendantes pour, le cas échéant, les examiner rapidement : cela éviterait d’avoir à choisir entre l’amélioration du dispositif et la nécessité d’adopter rapidement un texte pour combler un vide juridique. Ce dilemme m’a mise mal à l’aise.

Madame Barèges, le risque de contentieux est inhérent à tout droit. Quoi qu’il en soit, le débat sur les moyens de nullité sera rouvert avec la proposition de loi sur le narcotrafic, qui sera examinée au Sénat avant d’arriver devant l’Assemblée. Ce ne sera peut-être pas le grand soir que vous attendez, mais la question des nullités se posera inévitablement.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons à l’examen des articles.

Article 1er : Modification du régime de purge des nullités

Amendement CL1 de M. Ugo Bernalicis

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je n’ai probablement pas été suffisamment claire : seule la seconde partie du dispositif nous semble être un cavalier législatif, c’est pourquoi nous proposons de la supprimer.

En signe d’ouverture, nous acceptons que la révélation d’une nullité entache rétroactivement tout ou partie de la procédure. La forme étant garante de droit, nous aurions préféré que les situations visées soient plus clairement définies, mais nous acceptons votre choix, qui reste plutôt logique et juste.

En contrepartie, nous vous demandons de supprimer la seconde partie du dispositif, qui revient à inverser la charge de la preuve. On ne peut pas demander aux avocats de la défense de prouver que la méconnaissance d’une nullité ne résulte pas d’une négligence de leur part ! C’est une atteinte aux droits de la défense, et donc au droit à un procès équitable dû à toute victime. Nous ne pouvons l’accepter, et c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Si cet amendement n’était pas adopté, nous voterions contre la proposition de loi.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer la restriction à l’exception de la purge des nullités en matière correctionnelle pour les défauts d’information de la personne mise en examen.

Je comprends votre inquiétude concernant les droits de la défense, mais nous ne faisons qu’étendre à la procédure correctionnelle et en matière de police un dispositif qui existe déjà en matière criminelle. Cela me semble plutôt logique, et même légitime : je ne vois pas au nom de quoi on ferait une distinction, d’autant que, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, on juge aussi des affaires très graves en correctionnelle.

En supprimant la possibilité d’invoquer sa propre négligence pour se prévaloir d’une nullité, l’objectif est bien d’éviter les manœuvres – tout est dans le terme – dilatoires des justiciables malhonnêtes qui détournent les textes pour éviter de comparaître devant les juridictions. Ce n’est pas acceptable, et vous en êtes sûrement d’accord.

D’ailleurs, contrairement à ce que vous pensez, le texte ne prévoit pas qu’il appartient à la partie qui soulève la nullité de prouver qu’il n’y a eu ni manœuvre, ni négligence de sa part : c’est pure invention. Le droit pénal et la procédure pénale s’interprètent strictement, ne leur faites pas dire ce qu’ils ne disent pas. Notons, car c’est important, qu’une fois prononcée l’ordonnance de renvoi, toutes les parties ont la possibilité de soulever des nullités devant les juridictions saisies. Je ne comprends donc vraiment pas votre position.

Enfin, il me semble important de sécuriser le renvoi des affaires devant les juridictions dans un délai raisonnable.

J’ai bien pris acte de votre décision de voter contre le texte si cet amendement n’était pas adopté, mais je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je comprends vos arguments, mais ce sera forcément aux avocats de la défense de prouver qu’ils n’ont pas été négligents – je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

Si l’objectif est d’empêcher les manœuvres dilatoires et les négligences organisées – qui sont effectivement un problème –, peut-être vaudrait-il mieux s’assurer que les ordonnances de renvoi vers les juridictions sont argumentées et rédigées avec rigueur, afin que les avocats de la défense ne puissent pas se glisser dans une éventuelle faille. Encore faut-il en donner les moyens à ceux qui rédigent ces ordonnances. À cet égard, cette proposition de loi ne réglera rien. On a souvent l’impression que les changements du code de procédure pénale ne servent qu’à pallier un manque de moyens et des problèmes d’organisation.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 : Application outre-mer

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

 

 


   Personnes entendues

   M. Jean-Rémi Costa, membre du conseil d’administration

   Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe

   Mme Pauline Biais, cheffe du bureau de la législation pénale générale

 


([1])  Audition du 5 mars 2024.

([2]) Le Monde, « Guérilla judiciaire entre avocats et magistrats sur les procès liés au narcotrafic », publié le 30 juin 2024.

([3])  Affaire n° 2024-1114 QPC, transmise le 27 septembre 2024 par la Cour de cassation.

([4]) Cette procédure a été réformée par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

([5])  Les délais présentés dans cet extrait précèdent la réforme de 2023 qui a fait évoluer la procédure de clôture d’instruction.

([6])  Article 184 du code de procédure pénale : « Les ordonnances rendues par le juge d’instruction en vertu de la présente section contiennent les noms, prénoms, date, lieu de naissance, domicile et profession de la personne mise en examen. Elles indiquent la qualification légale du fait imputé à celle-ci et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre elle des charges suffisantes. Cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d’instruction en application de l’article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant les personnes mises en examen ».

([7]) Conseil constitutionnel, décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale.

([8]) Ancien nom de la chambre de l’instruction.

([9])  Commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, compte rendu  29 du mercredi 10 juin 2020.

([10]) Amendement n° COM-1 précité.

([11])  Conformément à l’article 269-1 du code de procédure pénale.