N° 633

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
contre toutes les fraudes aux aides publiques (n° 447)

PAR M. Thomas CAZENAVE

Député

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 447.

 


SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

commentaire DES ARTICLES

Article 1er (article L. 115-3 [nouveau] du code des relations entre le public et l’administration) Suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude et rejet de la demande d’aide en cas de fraude avérée

Article 2 (article L. 561‑31 du code monétaire et financier, article L. 115‑2 du code des relations entre le public et l’administration et article L. 114‑16‑1 du code de la sécurité sociale) Extension des autorisations d’échanges d’informations entre administrations

Article 3 (articles L. 151-2-1 [nouveau], L. 151-3, L. 151-4 et L. 151-5 du code de l’artisanat, articles L. 2231, L. 223-8 [nouveau], L. 224-114 [nouveau], L. 242-16-1 [nouveau], L. 242-51 [nouveau], L. 511-5, et L. 521-28 [nouveau] du code de la consommation) Lutte contre la fraude aux travaux de rénovation énergétique et d’adaptation à la perte d’autonomie

Article 3 bis (nouveau) (article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation) Sécurisation de l’annuaire des diagnostiqueurs immobiliers

Article 3 ter (nouveau) (article 200 quater du code général des impôts) Limitation à deux rangs le niveau de sous-traitance et obligation pour l’entreprise qui facture les travaux de disposer du label RGE pour les chantiers de rénovation énergétiques aidés

Article 4 (articles L. 221-1, L. 221-91-1 et L. 222-1-1 [nouveaux], L. 222-2 et L. 222-6 du code de l’énergie) Diverses dispositions visant à améliorer la lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie

eXamen en commission

Liste des personnes auditionnées

Liste des contributions écrites reçues

 

 


 

   avant-propos

La lutte contre les fraudes constitue une condition indispensable du consentement à l’impôt et est incontournable en ces temps budgétaires difficiles.

Si les estimations sont difficiles, les montants relatifs à la fraude sociale et à la fraude fiscale se chiffrent en dizaines de milliards d’euros. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a ainsi estimé en juillet 2024 à près de 13 milliards d’euros (Md€) le niveau total de la fraude sociale. Le montant total des sommes recouvrées par l’administration fiscale après contrôle s’est élevé à 14,6 Md€ en 2022 (dont 11,95 Md€ d’impôts éludés). Selon les données de la Cour des comptes ([1]), le niveau de fraude fiscale réel pourrait atteindre entre 30 et 100 Md€ tous impôts confondus, sur la base d’une extrapolation de l’écart fiscal constaté à l’étranger.

Dans ce contexte, les gouvernements successifs n’ont pas attendu pour agir. Une feuille de route contre la fraude sociale, fiscale et douanière a été lancée par le précédent gouvernement sous l’autorité du Premier ministre Gabriel Attal en mai 2023. Elle comprend trente-cinq mesures articulées autour de cinq axes : s’adapter aux enjeux numériques, sanctionner plus justement et plus fortement, mieux lutter contre les fraudes à l’international, agir plus collectivement pour être plus efficaces et approfondir la relation de confiance pour les usagers de bonne foi. Plusieurs mesures structurelles visant à organiser des ripostes coordonnées et réactives ont déjà été mises en œuvre : une cellule de veille interministérielle anti‑fraude aux aides publiques a été créée en décembre 2023 et rattachée à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf). Le service d’enquêtes judiciaires des finances a été transformé en Office national anti-fraude (Onaf), dont la compétence a été élargie à toutes les fraudes publiques.

Ce plan a permis d’enregistrer un certain nombre de succès dès 2023 : le 20 mars 2024, votre rapporteur annonçait en matière fiscale un niveau de « mis en recouvrement » record de 15,2 Md€ en 2023, soit 3,5 Md€ supplémentaires par rapport à 2019. Concernant la fraude sociale, les redressements de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) sur la fraude sociale des entreprises ont augmenté de 50 %. Le nombre de saisies à l’étranger par les services des douanes a également doublé.

Des moyens humains substantiels doivent par ailleurs être dégagés pour la période 2024-2027 :

– 1 500 agents supplémentaires affectés à la lutte contre la fraude fiscale ;

– 1 000 agents supplémentaires pour la lutte contre les fraudes sociales, avec un doublement du nombre de contrôles auprès des entreprises ;

– 450 agents dotés de prérogatives de police judiciaire et spécialement formés aux cyber-enquêtes ;

– 100 ETP redéployés sur le contrôle douanier du e-commerce.

Par ailleurs, 1 Md€ supplémentaires doivent être alloués à la modernisation des outils numériques de détection et de lutte contre les fraudes afin d’atteindre l’objectif de 5,5 Md€ de redressements sur la fraude aux cotisations sociales de 2022 à 2027 et de détecter 2,4 Md€ aux fraudes aux prestations sociales entre 2024 et 2027.

Mais au-delà des moyens supplémentaires à déployer, des manques existent encore dans le cadre législatif.

Si le débat public se focalise souvent sur la fraude fiscale ou la fraude sociale, de nouveaux dispositifs d’aides publiques ou parapubliques, notamment dans les domaines de la rénovation énergétique ou du soutien à l’emploi, atteignent des sommes très significatives :

– concernant le soutien à la transition énergétique, la valorisation financière des certificats d’économie d’énergie (CEE) atteint 6 Md€ en 2022 ([2]). Le caractère extrabudgétaire de ce mécanisme ne doit pas obérer le coût qu’il représente, d’autant qu’il fonctionne in fine comme un prélèvement obligatoire. Les aides de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah) versées au titre des dispositifs MaPrimeRénov’ atteignent 3,1 Md€ en 2022 ([3]). Les aides à l’acquisition de véhicules propres ont, quant à elles, atteint près de 1 Md€ en 2022.

– concernant le soutien à l’emploi, le versement des primes à l’embauche d’un apprenti a constitué une dépense de 4,8 Md€ en 2022 ([4]) tandis que France compétences a participé au financement des dossiers de comptes personnels de formation (CPF) à hauteur de 2,5 Md€ en 2022 ([5]).

Pour ces dispositifs de soutien à l’emploi et à la rénovation énergétique, considérés comme potentiellement « fraudogènes » par la puissance publique, ce sont donc près de 20 Md€ d’aides publiques qui sont particulièrement exposés à des tentatives de fraude.

Ces dispositifs suscitent de plus en plus l’intérêt d’acteurs peu scrupuleux ou d’entreprises « écodélinquantes », qui sont des professionnels de la fraude organisée au regard des investissements pour la transition écologique. Les fraudes, souvent sophistiquées, incluent parfois des réseaux transnationaux de blanchiment identifiés par Tracfin. Sur les seuls dispositifs cités plus haut (CEE, MaPrimeRénov’, CPF, aides à l’apprentissage, bonus écologique), le rapporteur estime entre 700M€ et 1,6Md€ le niveau de fraude potentiel à partir des chiffres de 2022 (niveau de fraude estimé entre 4 % et 10 %).

Plusieurs indicateurs sont aujourd’hui alarmants concernant les risques de détournement d’argent public sur ces dispositifs. Sur les 100 000 contrôles réalisés par les demandeurs de CEE en 2023, les opérations contrôlées ont ainsi révélé des taux de non-conformité compris entre 8,7 % et 39,4 % pour les actions réalisées auprès de particuliers selon un récent rapport de la Cour des comptes ([6]). Une opération d’isolation sur quatre contrôlée aléatoirement par le pôle national des CEE (PNCEE) donne lieu à une non-conformité. La revue du dispositif des CEE en préparation de la sixième période réalisée par trois corps d’inspection ([7]) estime ainsi à près de 480 millions d’euros (M€) le niveau de fraude sur les CEE en 2023. Tracfin a signalé des mouvements financiers suspects reposant sur près de 400 M€ d’aides publiques versées au titre des dispositifs de l’Anah « MaPrimeRénov’ » pour la seule année 2023. En outre, le rapport de la Cour des comptes précité relate les résultats édifiants d’une enquête menée en 2022 par la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) : sur 840 établissements contrôlés dans le secteur de la rénovation énergétique, 501 suites ont été prononcées à l’encontre de 452 d’entre eux. La direction a indiqué que cette situation « reflète la persistance de pratiques déloyales graves relevant de la délinquance organisée ». Enfin, la Cour relève que « 53 % des entreprises en anomalie étaient titulaires du label “ Reconnu garant de l’environnement ” (RGE), ce qui démontre que le label ne constitue pas une protection suffisante en soi ».

Au cours des auditions, le directeur de l’Office national anti-fraudes (ONAF) a indiqué l’existence de 35 enquêtes en cours sur les dispositifs d’apprentissage, des aides de l’Anah, des CEE et du CPF pour un préjudice évalué à 250 M€ d’argent public. La fraude prend parfois même une dimension industrielle : le directeur de l’Agence de services et de paiement (ASP) a indiqué au cours de son audition que sur 2 300 dossiers déposés pour bénéficier du fonds territorial d’accessibilité ([8]), 1 700 d’entre eux étaient en fraude, soit 74 %.

Si de nombreux outils pour lutter contre la fraude fiscale et sociale existent déjà, les organismes publics qui gèrent des dispositifs d’aides (subventions) publiques manquent bien souvent d’un cadre juridique sécurisant et efficace pour lutter efficacement contre les fraudes.

Les articles 1 et 2 créent ainsi des dispositifs « balai » de droit commun permettant aux administrations qui octroient et versent des aides publiques et ne bénéficient pas de dispositions particulières, de suspendre l’octroi ou le versement d’une aide et d’échanger librement avec l’ensemble des administrations publiques les informations nécessaires à leur action, en cas d’indice de fraude.

L’article 2 permet également à Tracfin de transmettre des informations à l’Anah et à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf). Il crée une clause de droit commun permettant à l’ensemble des administrations d’échanger librement des informations en cas de suspicion de fraude. Il autorise enfin les organismes de protection sociale à transmettre des informations aux services préfectoraux en cas de suspicion de fraude sociale.

L’article 3 permet, quant à lui, de traiter plus directement le sujet de la rénovation énergétique. Il élargit l’interdiction de démarchage aux SMS, aux courriels ainsi qu’aux messages personnels sur les réseaux sociaux. Les travaux d’adaptation à la perte d’autonomie sont également inclus dans l’interdiction de démarchage. Il établit l’infraction de non-immatriculation au registre national des entreprises pour lutter contre les sociétés éphémères, qui ne pouvait pas être sanctionnée jusqu’à présent. Il renforce les obligations d’information du consommateur en cas de recours à des sous-traitants pour les travaux de rénovation énergétique. Il autorise la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à retirer le label RGE (reconnu garant de l’environnement) en cas d’infraction grave.

Enfin, l’article 4 renforce la lutte contre la fraude aux CEE en facilitant le travail de contrôle du PNCEE dès le dépôt de la demande d’instruction des dossiers. Il renforce également le dispositif de sanctions applicable, en permettant au pôle de prononcer des sanctions dès le dépôt de la demande et non uniquement après la délivrance des CEE, comme c’est le cas aujourd’hui. Il responsabilise davantage l’ensemble des acteurs du dispositif, en étendant la pratique du « name and shame » en cas de fraude à l’ensemble de ceux-ci.

 


commentaire DES ARTICLES

Article adopté par la commission avec modifications

 

Cet article instaure un droit de suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude. Cette suspension est d’une durée maximale de trois mois à compter de sa notification.

Il autorise également expressément le rejet de l’octroi ou du versement d’une aide publique lorsque la fraude est attestée.

La commission des affaires économiques a précisé la nature des « indices » pouvant justifier une suspension de l’aide.

  1.   Le droit en vigueur : une insécurité juridique pour les administrations publiques en cas de risque de fraude aux aides publiques

Les dispositifs règlementaires ou légaux instituant des aides publiques ne prévoient pas toujours des mécanismes permettant la suspension de l’octroi ou du versement, ou le rejet des aides publiques en cas de suspicion de manœuvres frauduleuses ou de manquement délibéré.

Certes, des gardes fous existent d’ores et déjà pour différer l’octroi ou le versement d’une aide :

– le comptable public peut suspendre un paiement et refuser la prise en charge du mandat au terme de ses contrôles s’il suspecte une fraude ([9]) ;

– de nombreuses administrations publiques disposent de la possibilité de demander des documents supplémentaires pour différer l’octroi ou le versement d’une aide publique. C’est notamment le cas pour les organismes verseurs de prestations sociales ;

– l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration précise que le silence gardé par l’administration vaut décision de rejet (par dérogation à la règle selon laquelle le silence gardé par l’administration vaut accord) lorsque la demande présente un caractère financier ;

– en cas d’indices graves et concordants, les administrations procèdent à des signalements auprès de l’autorité judiciaire, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, ou déposent directement plainte.

Mais certains opérateurs rechignent à bloquer le paiement d’une aide publique par crainte des recours administratifs – l’exemple de l’Agence de services et de paiement (ASP), qui gère notamment les aides à l’apprentissage, a été cité en audition – malgré la présence d’indices laissant penser qu’il y avait une probabilité sérieuse d’avoir affaire à une fraude.

Il est à noter que dans le champ de la protection sociale, la plupart des organismes de protection sociale (OPS) disposent déjà des outils suffisants pour suspendre le versement d’une aide. Les organismes de sécurité sociale peuvent s’appuyer sur l’article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale pour suspendre l’instruction de la demande ou du versement de l’aide si les pièces justificatives demandées ne sont pas transmises. D’autres dispositions permettent également de suspendre le versement d’une aide lorsque le bénéficiaire concerné fait obstacle à un contrôle : à titre d’exemple, le président du conseil départemental dispose de ce pouvoir pour le versement du RSA (article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles).

  1.   Le droit proposé : créer un droit de suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude

L’article 1er de la présente proposition de loi instaure un droit général de suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude. Il s’agit ici de lutter plus efficacement contre la fraude à la source : les administrations constatent trop souvent l’impossibilité de récupérer des sommes indument versées à un demandeur ayant agi frauduleusement. À l’origine de ces fraudes, des sociétés éphémères qui disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues.

Il autorise également expressément le rejet de l’octroi d’une aide publique ou du versement d’une aide publique, après, le cas échéant, le retrait préalable de la décision d’octroi, lorsque la fraude est avérée.

  1.   l’instauration d’un droit de suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique

Premièrement, l’article 1er joue le rôle d’une clause « balai » qui ne concerne que les administrations publiques qui ne bénéficieraient pas de règles spécifiques de suspension. Il concerne en outre l’ensemble des aides publiques dans leur acception la plus large : subventions en numéraire, subventions en nature, prêts et avances remboursables, exonérations fiscales et sociales, abandons de recettes, subventions aux entreprises, prestations sociales, etc.

Deuxièmement, ce pouvoir de suspension pourra bénéficier aux agents habilités de toute administration publique : les administrations de l’État, les collectivités territoriales accordent des aides importantes aux entreprises et aux ménages –, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ainsi que les établissements publics industriels ou commerciaux.

Troisièmement, le droit de suspension repose sur la présence « d’indices ». L’indice peut être juridiquement défini comme un élément (fait, événement, objet, trace, situation) qui, lorsqu’il est constaté, permet de présumer l’existence du fait ou de l’acte à démontrer.

Les exemples d’indices de fraude pour le versement des aides publiques

Plusieurs exemples d’indices qui pourraient permettre de suspendre l’octroi ou le versement d’une aide peuvent être cités :

– l’alerte émise par des sociétés « sérieuses » signalant une potentielle usurpation de leur identité (numéro Siret, raison sociale) pour remplir des formulaires de demandes d’aides (phénomène observé pour le fonds de solidarité ou l’activité partielle) ou réaliser de fausses factures (phénomène observé pour le bénéfice des aides de l’Anah) ;

– l’alerte émise par des usagers qui se plaignent de n’avoir pas touché leur aide dans le cas d’une potentielle substitution d’Iban (par phishing du hackeur ou par intrusion directe dans les systèmes d’information des organismes verseurs, comme l’Anah et les caisses d’allocations familiales l’ont connu récemment) ;

– l’identification de « doublons d’Iban » utilisés pour percevoir des aides au-delà des seuils de versement – plusieurs dossiers sont alors créés en dessous des seuils, avec le même Iban du fraudeur ;

– les fausses déclarations sur les revenus que les organismes de sécurité sociale constatent en recourant à leur droit de communication bancaire ;

– l’utilisation de faux documents d’identité ou de faux justificatifs.

Les indices doivent porter sur des « manœuvres frauduleuses » ou un « manquement délibéré » qui peuvent seuls objectiver la réalité de la fraude. La notion de « manœuvres frauduleuses », établie en droit pénal comme en droit administratif (notamment en matière fiscale), constitue une des formes d’escroquerie ([10]) : elles correspondent à l’ensemble des actes positifs commis visant à tromper volontairement une personne pour en obtenir un avantage indu. Son corollaire, le « manquement délibéré », également parfaitement établi en droit, se distingue des manœuvres frauduleuses : s’il repose sur une même intention de tromper, il n’engage pas d’action positive, mais l’omission volontaire d’une ou plusieurs informations.

L’article prévoit un délai de trois mois pour permettre à l’administration de confirmer ou d’infirmer les soupçons de manœuvres frauduleuses ou de manquement délibéré après la notification de la suspension du traitement de la demande d’aide. Ce délai paraît suffisant pour les administrations tout en les obligeant à poursuivre leurs investigations dans des délais restreints. Pour les rares cas où l’usager de bonne foi subirait une procédure de suspension du traitement de l’octroi ou du versement de l’aide pour suspicion de fraude, la notification lui permettrait d’être informé de la situation. On pourrait imaginer que cela lui permettrait de transmettre rapidement les informations ou documents justifiant de sa bonne foi et permettant de régulariser sa situation. La suspension constitue dans tous les cas un acte administratif susceptible de recours.

Le rapporteur souligne par ailleurs que les organismes de sécurité sociale n’auront pas recours à cette nouvelle disposition, disposant déjà des outils suffisants. Le code de la sécurité sociale prévoit à son article L. 161-1-4 qu’en cas de non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, de présentation de faux documents ou de fausses informations ou d’absence réitérée de réponse aux convocations d’un organisme de sécurité sociale de suspendre, selon le cas, soit le délai d’instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit le versement de la prestation jusqu’à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée.

  1.   le retrait ou le rejet de l’aide

En cohérence avec la procédure de suspension, le II de l’article 1 précise la possibilité, pour l’administration, de rejeter la demande d’aide ou de revenir sur une décision d’octroyer une aide lorsque la fraude a été constatée, comme l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration le prévoit déjà.

  1.   La position de la commission

L’article a été adopté modifié par les amendements rédactionnels du rapporteur (CE49, CE48, CE50) ainsi que par l’amendement CE29 de Mme Battistel, qui précise que les indices doivent être « sérieux » : il s’agit ainsi de proportionner la mesure de suspension de l’aide à la gravité des éléments réunis par l’administration justifiant l’existence potentielle d’un manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses graves.

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Article adopté par la commission avec modifications

 

Cet article, dans sa rédaction initiale, autorise Tracfin à transmettre des informations à l’Agence nationale pour l’habitat ainsi qu’à la mission interministérielle de coordination anti-fraude. La commission des affaires économiques a modifié ces dispositions afin de renvoyer à un arrêté le soin de fixer la liste des entités auxquelles Tracfin peut transmettre des informations, plutôt que de les énumérer dans la loi. Tracfin pourra également saisir directement le procureur européen délégué d’informations en lien avec ses missions.

Il prévoit qu’en cas d’indices de fraude et en l’absence de dispositions spécifiques, les agents habilités de toute administration chargée de la gestion d’une aide, les officiers et agents de police judiciaire et les agents habilités à effectuer des enquêtes judiciaires (agents des douanes, agents de police judiciaire des finances ainsi que les agents des services fiscaux) peuvent échanger toute information utile à la recherche et à la constatation de fraudes en matière d’aides publiques. L’ANAH et la MICAF pourront également être saisies d’informations provenant des organismes de qualification et de contrôle d’un certain nombre de travaux en lien avec la rénovation énergétique.

Il autorise enfin les agents de services préfectoraux à recevoir des informations de la part des organismes de protection sociale en cas de suspicion de fraude sociale, pour leur mission de délivrance et de contrôle des titres d’identité, de voyage et de séjour.

  1.   le partage d’informations entre administrations fortement encadré par le droit

Le partage d’informations entre administrations est fortement encadré. Fondé sur l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, dite règlement « RGPD », prévoit ainsi que les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. Elles doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités. Le droit au respect de la vie privée est, quant à lui, protégé constitutionnellement au titre des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le secret professionnel – c’est-à-dire l’interdiction de révéler une information à caractère secret par une personne l’ayant obtenu par son état, sa profession ou sa fonction –  ([11]) s’impose également à tout agent public ou chargé d’une mission de service public. Sauf exception, l’administration doit informer la personne physique concernée du traitement des données dont elle fait l’objet et soumet la transmission de ces données à un tiers à son accord explicite. Ainsi l’article 226-13 du code pénal interdit toute divulgation d’une information à caractère personnel par une personne qui en est dépositaire par son état.

La lutte contre la fraude constitue cependant un motif d’intérêt général permettant au législateur de déroger aux règles de protection des données personnelles, ce qui justifie d’autoriser le partage d’informations entre administrations. Le Conseil constitutionnel a notamment reconnu la lutte contre la fraude fiscale et la lutte contre la fraude sociale comme étant deux objectifs à valeur constitutionnelle.

  1.   Une liste limitative des administrations pouvant recevoir des informations de tracfin

La cellule de renseignement financier nationale (Tracfin), chargée de la lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, habilitée à recevoir des informations des professionnels, ne peut transmettre des informations qu’à une liste d’acteurs limitative fixée à l’article L. 561-31 du code monétaire et financier.

Tracfin est autorisé à transmettre des informations aux autorités judiciaires, aux services de police judiciaire, à différents services administratifs (services de renseignement, services fiscaux pour la lutte contre la fraude fiscale, services des douanes, services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, etc.), aux juridictions financières, à diverses autorités administratives ou publiques indépendantes (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, Autorité des marchés financiers), à différents opérateurs (Agence de services et de paiement, Agence française anticorruption) ainsi qu’à la Caisse des dépôts et consignations.

L’article L. 561-30-1 du code monétaire et financier permet par ailleurs à Tracfin de saisir le procureur de la République par une note d’information, qui ne contient pas la mention de l’origine des informations transmises, lorsque des investigations de ce service mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d’une infraction punie d’une peine supérieure à 1 an ou de financement du terrorisme. Le procureur doit informer Tracfin des suites données à cette saisine.

  1.   les dispositions spécifiques déjà existantes permettant le partage d’informations entre administrations pour le contrôle de la situation sociale ou fiscale d’une personne

De nombreux dispositifs existent aujourd’hui pour permettre l’échange de de documents et d’informations entre administrations en vue de lutter contre la fraude. Deux catégories d’échanges d’informations et de documents existent : d’un côté, l’échange libre et spontané d’informations entre administrations ; de l’autre, le droit de communication (l’administration est en droit d’exiger une information) plus formalisé et ne pouvant être attribué qu’à des services ayant de réelles prérogatives de contrôle ou d’enquête. Plus précisément :

– en matière de fraude sociale, les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations, les caisses assurant le service des congés payés, l’opérateur France Travail et les administrations de l’État se communiquent toute information permettant de justifier du droit d’une personne à bénéficier d’une prestation (article L. 114-12 du code de la sécurité sociale). Les agents de l’État ou des organismes de protection sociale sont habilités à s’échanger tous renseignements et tous documents pour déceler des fraudes en matière sociale (article L. 114-16-1 du même code). Le secret professionnel ne peut pas être opposé par une entreprise à la communication de documents et informations nécessaires pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou au recouvrement des prestations versées indûment (article L. 114-19 du même code) ;

– en matière fiscale, les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales (LPF) permettent aux agents de la DGFiP d’obtenir communication d’informations auprès de différents partenaires pour l’établissement de l’assiette et le contrôle des impôts. Les articles L. 82 C et L. 101 du LPF autorisent des échanges d’informations en matière fiscale entre l’autorité judiciaire et les agents de la DGFiP. L’article L. 142 A du LPF délie les agents du secret professionnel à l’égard du procureur de la République, avec lequel ils peuvent échanger des informations couvertes par ce secret, indépendamment de l’existence d’une plainte déposée ou d’une procédure judiciaire en cours ;

– les agents habilités chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne peuvent se voir opposer le secret professionnel dans leur action de lutte contre la fraude (article L. 512-3 du code de la consommation). Ils peuvent accéder à tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission auprès des administrations publiques, des collectivités territoriales, des établissements publics locaux ou nationaux ainsi que des entreprises publiques (article L. 512-14 du code de la consommation).

  1.   les partages d’information spécifiques entre les organismes de sécurité sociale et les services préfectoraux

L’article L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale prévoit déjà que les agents habilités des services préfectoraux puissent transmettre des informations aux organismes de protection sociale mentionnés à l’article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, aux agences régionales de santé et aux agents de contrôles compétents pour lutter contre le travail illégal ou chargés de la lutte contre la fraude aux finances publiques, lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude sociale (recherche et constatation des fraudes, recouvrement des cotisations et contributions dues et des prestations sociales versées indûment).

La réciproque, qui permettrait aux agents de l’État ou des organismes de protection sociale qui suspecteraient une fraude en matière sociale de transmettre spontanément des informations aux services préfectoraux pour l’exercice de leurs missions propres, n’existe pas. Seul un droit de communication, plus lourd à mettre en œuvre, est prévu par les articles L. 811-4 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au bénéfice des agents des préfectures en charge du contrôle des conditions du droit au séjour.

  1.   le droit proposé : la nécessité d’élargir le champ des échanges d’informations entre administrations pour mieux lutter contre les fraudes
    1.   la possibilité pour l’agence nationale de l’habitat et la micaf de recevoir des informations de la part de tracfin

Alors que Tracfin a identifié un risque de fraude de près 400 M€ d’aides publiques au titre des dispositifs de l’Anah (« MaPrimeRénov’’ ») pour la seule année 2023, le service de renseignement financier français ne pouvait pas transmettre des informations ou des documents directement à cet établissement public administratif.

L’Anah a été confrontée ces derniers mois à des attaques massives, par usurpations d’identité touchant les entreprises comme les particuliers (subtilisation du numéro d’identification fiscale et/ou du RIB, en ce qui concerne les particuliers). Or les données traitées par Tracfin permettent de repérer des anomalies dans les flux financiers, qui sont souvent les premiers indicateurs de comportements frauduleux. Autoriser le transfert de données de Tracfin vers l’Anah renforcera significativement la lutte contre les fraudes aux aides publiques et les pratiques de blanchiment d’argent via des réseaux criminels organisés, en permettant à l’établissement public de croiser les fichiers en possession de Tracfin et d’identifier des structures (professionnels ou mandataires) potentiellement fraudeuses, à partir de montages financiers complexes ayant recours à des sociétés-écrans ou des prête-noms.

Le rapporteur souligne, à ce propos, que les mandataires financiers de l’Anah sont impliqués dans près de 90 % des cas de fraude observés sur les dispositifs MaPrimeRénov’. Leur rôle est prévu au II de l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 : ces mandataires jouent normalement le rôle de tiers de confiance recevant les aides de l’Anah à la place des propriétaires, permettant à ces derniers d’éviter d’avancer les montants qui seront remboursés par l’Anah par la suite. Il paraît aujourd’hui prioritaire de contrôler davantage l’accès au statut de mandataire financier.

Le I de l’article 2 de la présente proposition de loi prévoit également d’autoriser la mission interministérielle de coordination anti-fraudes (Micaf), créée par le décret n° 2020-872 du 15 juillet 2020, de recevoir des informations de Tracfin, afin de l’aider à identifier plus facilement l’émergence de nouveaux phénomènes et favoriser une meilleure coordination opérationnelle entre les différents services de l’État.

Le rapporteur s’interroge sur la pertinence d’allonger, année après année, la liste des acteurs pouvant recevoir des informations de Tracfin : du point de vue formel, une telle liste « à la Prévert » rend peu lisible la loi et, du point de vue opérationnel, le législateur court le risque d’être toujours en retard par rapport aux nouveaux besoins des acteurs publics ou chargés d’une mission publique, face au renouvellement incessant des méthodes de fraude par les entreprises écodélinquantes. Une alternative pourrait être de prévoir un arrêté qui fixe la liste des entités habilitées à recevoir des informations de Tracfin, pour l’exercice de leurs missions respectives.

  1.   une clause « balai » d’échanges d’informations pour la lutte contre la fraude aux aides publiques

En miroir de l’article 1, le II de l’article 2 prévoit une disposition de droit commun, qui s’appliquerait pour les cas où il n’existe pas de dispositions spécifiques, pour l’échange d’informations entre administrations publiques en cas de suspicion de fraude à une aide publique, caractérisée de façon identique à l’article 1.

Il s’agit de permettre aux services en charge de la gestion et du paiement des aides, aux administrations concernées, aux services d’enquête administratifs, aux services d’enquête judiciaires (agents et officiers de police judiciaire, agents habilités des douanes, agents de police judiciaire des finances, agents habilités des services fiscaux), à Tracfin, ainsi qu’à l’autorité judiciaire de se concerter sur les moyens d’actions administratifs et judiciaires à mettre rapidement en œuvre, plutôt que de recourir a priori aux signalements, peu opérants, de l’article 40 du code de procédure pénale: recoupement en temps réel des données, sensibilisation des services d’enquête judiciaires et de l’autorité judiciaire à un schéma de fraude qui apparaît, blocage préventif des versements de fonds, coordination des actions des différents services et coopération renforcée avec le parquet et les services d’enquête judiciaires.

Cette clause de droit commun concernera essentiellement les subventions versées par des opérateurs publics (ASP, Anah) déjà citées, comme les aides à la rénovation énergétique, les aides à l’apprentissage ou les aides du fonds territorial d’accessibilité. En matière fiscale comme en matière sociale, les règles d’échange d’information sont déjà largement définies (voir ci-dessus).

  1.   faciliter la transmission d’information des organismes de protection sociale vers les services préfectoraux

Le III de l’article 2 de la présente proposition de loi autorise les agents habilités des services préfectoraux à recevoir les informations et documents utiles à leur mission de délivrance et de contrôle des titres d’identité, de voyage et de séjour, de la part des agents des organismes de protection sociale (organismes de sécurité sociale, France Travail), des services de l’État concernés (agents de contrôle de l’inspection du travail, agents des impôts et des douanes, agents en charge de la lutte contre la fraude) ou des officiers et agents de police judiciaire mentionnés à l’article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale. Cette transmission serait autorisée en cas de suspicion ou de constatation d’une fraude sociale (article L. 114-16-2 du même code) concernant toutes les branches et prestations existantes du champ des organismes de protection sociale (assurance maladie, prestations familiales, pensions de retraite, minima sociaux), dès lors qu’elle est susceptible de revêtir une qualification pénale des chefs de faux et usages de faux, escroquerie ou tentative d’escroquerie.

Cette fluidification des échanges entre organismes de protection sociale (OPS) et services préfectoraux responsables de la délivrance des titres est importante. La fraude documentaire et à l’identité constitue l’un des principaux vecteurs de fraude sociale, étant rappelé que la quasi-totalité des prestations sociales servies par des organismes français est conditionnée à une résidence stable et régulière en France, ce qui peut entraîner de nombreuses fraudes matérialisées par la production de faux justificatifs (faux titre de séjour, faux passeport, faux justificatifs de domicile ou fausses attestations d’hébergement). Le traitement des fraudes sociales, notamment au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) sera renforcé par ces échanges réciproques d’informations.

Plusieurs exemples de fraudes documentaires permettant d’obtenir une aide sociale, qui pourront être résolus plus rapidement grâce à l’article 2 de la présente proposition de loi, peuvent être cités :

– la fausse identité : en cas d’identité fictive construite, par exemple, par modification de la date de naissance, les informations transmises par les OPS permettront aux agents des centres d’expertise et de ressources des titres de vérifier l’existence de l’identité et d’identifier la véritable identité. En retour, les OPS pourront, grâce à ces informations, mettre fin aux prestations indues ;

– l’usurpation d’identité : dans l’instruction des dossiers d’usurpation d’identité, les services préfectoraux peuvent avoir besoin d’accéder aux documents ou déclarations fournis par le fraudeur ou la victime présumée auprès des OPS. Une comparaison de ces éléments avec ceux produits lors de la demande de titre permettra de déterminer l’identité réelle de la victime, simplifiant ou débloquant l’instruction des dossiers.

  1.   La position de la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE67 du rapporteur. Cet amendement permet à Tracfin d’améliorer son action en matière de lutte contre la fraude :

– à l’instar des dispositions prévues pour la saisine du procureur de la République à l’article L. 561-30-1 du code monétaire et financier, le I de cet article permet à Tracfin de saisir le procureur européen délégué par note d’information lorsque de faits en lien avec son champ de compétences. L’article 696‑111 du code de procédure pénale ainsi que le règlement UE 2017/1939 du 17 octobre 2017 prévoient déjà des saisines directes du parquet européen par les autorités nationales compétentes, sans que le code monétaire et financier n’ait à ce jour été modifié en conséquence. Tracfin est pourtant amené à connaître des flux transnationaux, liés à des fraudes portant sur des fonds européens ;

– le II de cet article renvoie à un arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget le soin de lister les entités auxquelles Tracfin peut transmettre des informations, dès lors que celles-ci sont en relation avec leurs missions. La liste de ces entités est actuellement inscrite dans la loi, ce qui ne permet pas de l’adapter dans des délais satisfaisants lorsque de nouveaux types de fraudes sont détectés et nécessitent, pour les enrayer, de partager des informations avec des organismes publics ou chargés d’une mission de service public. Les organismes faisant l’objet d’un tel partage d’informations aujourd’hui devront naturellement être inscrits dans le futur arrêté, ainsi que l’ANAH et la MICAF.

La commission a également adopté l’amendement CE37 de Mme Delphine Batho, avec avis favorable du rapporteur. Il oblige les organismes certificateurs, ainsi que les organismes de contrôle des organismes de qualification, à transmettre les informations utiles à l’ANAH et à la MICAF lorsque celles-ci permettent de lutter contre des pratiques frauduleuses.

Par ailleurs, en cohérence avec l’adoption de l’amendement CE29 à l’article premier, la commission a adopté l’amendement CE30 de Mme Battistel, avec avis favorable du rapporteur, afin de préciser que les indices fondant une suspicion de fraude à une aide publique et qui permettent aux administrations de s’échanger des informations doivent être sérieux. L’amendement CE54 du rapporteur, adopté par la commission, ajoute la MICAF à la liste des services bénéficiant de cette clause « balai » en matière d’échanges d’informations.

Enfin, la commission a également adopté les amendements CE51 et CE52 du rapporteur.

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Article adopté par la commission avec modifications

 

Cet article rétablit l’infraction de non-immatriculation au registre national des entreprises pour les entreprises artisanales.

Dans sa version initiale, il élargit le champ des interdictions de démarchage aux travaux d’adaptation des logements à la perte d’autonomie liée au vieillissement ou au handicap. Il élargit également les modes de démarchage interdits aux services de communications interpersonnelles, aux courriers électroniques et aux services de réseaux sociaux en ligne. La commission a remplacé l’extension du champ d’interdiction du démarchage à la mise en œuvre d’un système de « opt-in » qui interdit de façon générale le démarchage en l’absence de consentement de la personne intéressée.

Il précise les obligations d’information relatives à la sous-traitance s’appliquant au professionnel qui réalise des travaux de rénovation énergétique vis-à-vis de son client.

Il permet enfin aux agents habilités de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de retirer le label RGE aux entreprises ayant commis une faute grave. La commission des affaires économiques a précisé que la suspension du label RGE ne pouvait pas avoir d’effets pour le ménage sur l’éligibilité aux aides financières.

Enfin, les modifications adoptées par la commission des affaires économiques prévoient d’encadrer le montant de l’acompte pouvant être versé pour les travaux de rénovation énergétique.

  1.   le droit existant : des dispositions déjà existantes pour lutter contre le démarchage abusif, punir les entreprises « RGE » qui fraudent et encadrer la sous-traitance
    1.   L’obligation d’inscription au registre national des entreprises

Prévu par l’article 2 de la loi du 22 mai 2019, dite loi « Pacte » ([12]), le registre national des entreprises (RNE) est le registre dématérialisé unique de l’ensemble des entités françaises exerçant une activité économique. Il rassemble les informations de toutes les entreprises situées sur le territoire et les met, pour la quasi-totalité d’entre elles, à disposition du public en open data. Les nouvelles entreprises qui exercent une activité de nature commerciale, artisanale, agricole ou indépendante doivent s’immatriculer au RNE via le guichet unique des formalités des entreprises, conformément à l’article L. 123-36 du code du commerce. L’immatriculation au RNE nécessite de justifier d’un certain nombre de qualifications pour exercer le métier choisi.

L’infraction sanctionnant le défaut d’immatriculation des entreprises au RNE n’existe plus en droit : seul le fait de donner, de mauvaise foi, des indications inexactes ou incomplètes en vue d’une immatriculation, d’une modification de sa situation ou de la radiation du registre national des entreprises est puni d’une amende de 4 500 euros et d’un emprisonnement de six mois (article L. 123-38 du code du commerce). L’obligation, pour les artisans, d’exercer une activité à titre d’indépendant sans être inscrit au répertoire des métiers (en vigueur avant son remplacement par le RNE, qui a fusionné les registres existants et est devenu l’unique registre d’immatriculation des entreprises à partir du 1er janvier 2023), inscrite à l’article 24 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, a été supprimée par erreur par l’ordonnance n° 2021-1189 du 15 septembre 2021, sans prévoir un nouveau régime infraction lié au défaut d’immatriculation au RNE.

  1.   les interdictions de démarchage

Le secteur de la rénovation énergétique attire de nombreux acteurs peu scrupuleux et peu compétents, qui n’hésitent pas à user de tous les moyens pour convaincre les particuliers de réaliser des travaux afin de capter une aide publique : les travaux réalisés sont alors inefficaces, sans que les particuliers soient nécessairement incités à réagir lorsque le reste à charge est très faible. Au-delà des risques de fraude pour les aides publiques, le démarchage, notamment téléphonique, constitue une nuisance qui a conduit le législateur à fortement encadrer son usage, notamment par la loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.

L’article 3 de la loi du 24 juillet 2020 précitée a interdit toute prospection commerciale par voie téléphonique ayant pour objet la vente d’équipements ou la réalisation de travaux pour les logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie ou de la production d’énergies renouvelables (article L. 223-1 du code de la consommation). Cette interdiction est partiellement respectée : depuis 2021, la plateforme Signal Conso recense plus de quarante-cinq mille signalements de démarchage téléphonique émis uniquement sur le secteur de la rénovation énergétique.

Cette interdiction a été étendue au démarchage pour l’utilisation du compte personnel de formation (CPF) par la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation (article L. 6323-8-1 du code du travail). Cette loi étend l’interdiction de démarchage à d’autres vecteurs que sont les services de communications interpersonnelles, les courriels et les messages personnels sur les réseaux sociaux ([13]).

  1.   L’encadrement de la sous-traitance pour les chantiers de rénovation énergétique aidés

Les conditions encadrant le recours à la sous-traitance par un entrepreneur vis-à-vis de son client sont limitées. L’article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance en prévoit deux principales : il s’agit, d’une part, de l’obligation d’approbation (l’entrepreneur principal doit recevoir l’aval du client, maître de l’ouvrage, pour faire appel à un sous-traitant) et, d’autre part, de l’obligation de transparence (l’entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande). Aucune disposition ne prévoit aujourd’hui que l’approbation par le client du recours à la sous-traitance prend la forme d’une clause expresse dans le contrat. Ces conditions limitatives sont donc restreintes et ne sont pas toujours respectées, notamment dans le secteur du bâtiment.

Par ailleurs, des dispositions spécifiques existent pour les chantiers de rénovation énergétiques aidés par les CEE, les aides de l’Anah ou le dispositif d’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et réalisés par des entreprises « RGE ». L’arrêté du 1er décembre 2015 relatif aux critères de qualifications requis pour le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique et des avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens, dans sa version issue de l’arrêté modificatif du 3 juin 2020 ([14]), prévoit notamment que l’organisme de qualification définit un « seuil maximal de sous-traitance de l’installation afin de s’assurer du maintien du savoir-faire de l’entreprise. Ce seuil prend en compte les spécificités de modèle économique et de saisonnalité de l’activité propres à chaque filière susceptible d’intervenir sur le secteur relevant de la qualification. Ce seuil est ainsi apprécié par qualification, dans une plage de 30 à 50 % du chiffre d’affaires relevant de la pose. »

Par ailleurs, l’entreprise ne peut sous-traiter les travaux relevant de sa qualification qu’à des entreprises elles-mêmes titulaires du label RGE, pour permettre au client de continuer de bénéficier d’une aide.

  1.   les dispositions existantes en matière de retrait du label RGE

L’arrêté du 1er décembre 2015 susmentionné détermine les critères d’obtention du label RGE, nécessaire aux entreprises pour permettre aux ménages de bénéficier des aides à la rénovation énergétique (CEE, MaPrimeRénov’, éco‑PTZ).

À son annexe 1, l’arrêté précise les cas où l’organisme délivrant la qualification peut suspendre le label : départ du responsable technique qui maîtrise les connaissances ayant permis à l’entreprise d’obtenir la qualification, contrôles non conformes, contrôles non conformes après signalement et réclamation de tiers – notamment lorsque les dispositions relatives à la protection des consommateurs sont méconnues. Lorsqu’une entreprise refuse la transmission de certaines données aux administrations de l’État et à différents opérateurs, la qualification est suspendue automatiquement.

Ces mesures de suspension du label RGE visent à protéger les consommateurs, mais également à lutter contre des atteintes portées au signe de qualité qui minent la confiance dans la politique de rénovation énergétique.

  1.   renforcer les outils de lutte contre la fraude aux aides à la rénovation énergétique
    1.   La création d’une infraction à la non-immatriculation au RNE

Le I de l’article 2 rétablit l’infraction de non-immatriculation au RNE, punie d’une amende de 7 500 euros, pour les entreprises qui relèvent du secteur des métiers et de l’artisanat, qui emploient moins de 11 salariés et qui exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services dont la liste est fixée à l’article R. 111-1 du code de l’artisanat.

Les entreprises frauduleuses opérant dans le secteur de la rénovation énergétique se caractérisent en effet par leur nature éphémère et le manque de qualification de leurs salariés. De plus, les professionnels soumis à des interdictions de gérer peuvent recréer une entreprise sans s’immatriculer. Enfin, l’absence d’immatriculation favorise également le travail dissimulé.

L’instauration d’une telle infraction apparaît donc utile, à plusieurs titres, aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : très facilement constatable, elle permettra d’atteindre rapidement des entreprises frauduleuses éphémères, qu’il faut essayer de condamner avant leur disparition. Par ailleurs l’obligation d’immatriculation impose à l’entreprise de justifier d’un certain nombre de qualifications pour pratiquer le métier choisi.

  1.   L’extension de l’interdiction du démarchage commercial

L’article 3 de la présente proposition de loi propose d’étendre l’interdiction du démarchage commercial aux travaux d’adaptation des logements à la perte d’autonomie liée au vieillissement et au handicap. Si les aides de l’Anah au titre de l’aide « MaPrimeAdapt’ » n’ont pas encore atteint le niveau des sommes engagées au titre de la rénovation énergétique (263 M€ fléchés vers le dispositif nouvellement lancé en 2024) ([15]), de premières fraudes ont été constatées. Il est important d’adopter une démarche préventive, alors que le public cible de l’aide publique, souvent âgé, est particulièrement vulnérable.

Par ailleurs, l’article 3 propose, comme pour le compte personnel de formation, d’étendre l’interdiction de démarche aux courriels et aux messages provenant d’un service de communications interpersonnelles, par courriel ou sur les réseaux sociaux. Les nouveaux modes de communication sont ainsi traités comme les appels téléphoniques. Si l’interdiction de démarchage ne permet pas toujours de faire cesser le phénomène, elle envoie un message public fort et permet de qualifier plus aisément l’acte frauduleux de la part d’un professionnel mal intentionné.

Votre rapporteur précise, par ailleurs, que la notion de « message » ne peut correspondre qu’à une sollicitation personnalisée. Sur les réseaux sociaux, ce seront donc les messages adressés personnellement, notamment sur les messageries, qui seront interdits – à l’inverse des messages et bandeaux publicitaires, même ciblés, qui sont légitimes et doivent être protégés pour les professionnels rigoureux et de bonne foi.

Par ailleurs, l’article prévoit le niveau de l’amende administrative pouvant être prononcée par la DGCCRF en cas de constatation de l’infraction : 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, soit le même niveau qui s’applique pour le démarchage téléphonique ou pour le démarchage au compte personnel de formation. Il prévoit également les dispositions habituelles en cas de sanction administrative : publication de la sanction aux frais de la personne sanctionnée, report sous condition de la publication de la sanction. Il prévoit enfin la nullité du contrat si ce contrat procède d’un démarchage interdit.

  1.   une obligation d’information en cas de sous-traitance

L’article 3 de la proposition de loi vise à préciser les règles de sous-traitance s’appliquant aux travaux de rénovation énergétique.

Le professionnel devra présenter sur son devis l’identité de ses sous‑traitants et, si les sous-traitants ne bénéficient pas du label RGE, l’information de l’impossibilité, pour le client maître d’ouvrage, de bénéficier d’une aide financière (« MaPrimeRénov’ », CEE, éco-PTZ). Cette information devra également figurer de manière claire et expresse dans le contrat signé. Il s’agit de s’assurer que l’obligation de transparence se matérialise par des informations transmises par écrit et dont le client doit avoir clairement connaissance.

Sans mention du recours à une sous-traitance et de l’identité des sous‑traitants ([16]), ainsi que des conséquences du recours à des artisans qui ne disposent pas du label RGE pour le bénéfice d’aides à la rénovation, une sanction administrative pourra être prononcée, à hauteur de 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale, soit des niveaux similaires à ceux qui s’appliquent aux autres manquements à l’information précontractuelle du consommateur (garantie légale de conformité, garantie légale des vices cachés, garanties commerciales, etc.).

  1.   autoriser la DGCCRF à suspendre le label RGE

Votre rapporteur a constaté que les organismes certificateurs pouvaient craindre de suspendre le label RGE, au regard des contentieux significatifs générés par une telle suspension.

Le nouvel article L. 521-28 du code de la consommation, créé par l’article 2 de la présente proposition de loi, permettrait à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de suspendre le bénéfice du label RGE lorsque ses agents constatent des pratiques commerciales trompeuses ou agressives ou en cas d’abus de faiblesse – trois cas qui correspondent aux infractions les plus graves. Il s’agit ainsi de pouvoir se substituer aux organismes de certification qui font parfois face à des contentieux à la suite de retraits du label RGE qu’ils ont décidés : ces organismes ne sont pas toujours armés pour affronter ces contentieux et se montrent aujourd’hui, pour certains, frileux à l’idée de retirer le label à des entreprises en faute.

Selon la DGCRRF, cette mesure pourrait permettre de viser une centaine d’opérateurs par an. La décision pourra évidemment être contestée devant le juge administratif.

  1.   La position de la commission

L’article a été adopté modifié par les amendements rédactionnels du rapporteur (CE55, CE56, CE57, CE58, CE59, CE60, CE61, CE62) ainsi que par trois amendements de fonds :

– l’amendement CE35 de Mme Batho, adopté contre l’avis du rapporteur, substitue aux dispositions relatives à l’extension des interdictions de démarchage, que celles-ci portent sur les modes de démarchage (SMS, courriels, réseaux sociaux) ou sur son objet (adaptation des logements à la perte d’autonomie), un régime général d’interdiction du démarchage non consenti. Au système de « opt out » prévu aujourd’hui à l’article L. 223-1 du code de la consommation permettant à une personne de s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique, est substitué un système de « opt in » interdisant de démarcher téléphoniquement un consommateur qui n’aurait pas exprimé préalablement son consentement. Le rapporteur regrette la suppression de l’interdiction stricte de démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation du logement et la suppression du démarchage aux courriels, SMS et aux réseaux sociaux pour la rénovation énergétique comme pour l’adaptation des logements. Par ailleurs, la remise à plat des règles encadrant le démarchage dépasse le cadre de la proposition de loi qui vise à lutter contre les fraudes aux aides publiques ;

– l’amendement CE28 de M. Blanchet, adopté contre l’avis du rapporteur, encadre le versement d’acompte dans le cadre de travaux de rénovation énergétique. Le rapporteur a considéré qu’un encadrement du montant de l’acompte ne permettait pas de cibler les entreprises frauduleuses et pouvait avoir un effet désincitatif pour les artisans, qui sont trop peu nombreux aujourd’hui à disposer du label RGE.

– l’amendement CE33 de Mme Battistel, adopté avec l’avis favorable du rapporteur, prévoit que la suspension du label RGE par la DGCCRF n’a pas d’effets pour le ménage sur l’éligibilité aux aides financières. Il s’agit de ne pas punir un consommateur pour les erreurs et manquements d’une entreprise.

Enfin, plusieurs sujets évoqués en commission ont fait l’objet d’un consensus sur le fond mais n’ont pu aboutir immédiatement, notamment afin de pouvoir travailler les rédactions adéquates :

– l’extension de l’interdiction du démarchage commercial aux prestations intellectuelles et au démarchage à domicile ;

– l’application du régime encadrant les mandataires financiers aux aides à la pierre ;

– et la création d’un système de name and shame pour l’Anah, afin qu’elle puisse publier le nom des acteurs frauduleux dans le domaine de la rénovation énergétique. Cette disposition fait directement écho à celle de l’article 4 de la proposition de loi, qui renforce le name and shame applicable aux sanctions prononcées dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

Ils feront l’objet de dépôt d’amendements en séance afin de pouvoir les ajouter au texte de la proposition de loi.

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Article créé par la commission

 

Le nouvel article 3 bis vise à rendre sécurisé et traçable l’annuaire des diagnostiqueurs immobiliers afin de prévenir toute falsification possible.

  1.   Un annuaire des diagnostiqueurs immobiliers déjà existant

L’article 4 de l’arrêté du 20 juillet 2023 ([17]) prévoit une mise à disposition par les organismes de certification de la liste des diagnostiqueurs certifiés, incluant les données suivantes : les coordonnées professionnelles du diagnostiqueur, la nature, le numéro et la période de validité de son certificat, ainsi que, le cas échéant, le nom et l’adresse de la société pour laquelle il exerce son activité de diagnostiqueur.

L’arrêté prévoit également la transmission au ministère de charge du logement de la liste des personnes ayant fait l’objet d’une suspension, résiliation, réduction de domaine ou de mention, ou d’un retrait de certification, avec la date de suspension ou de retrait ainsi que le motif de cette décision.

À partir de ces informations, le ministère en charge de la transition énergétique a créé un annuaire sur internet qui permet de rechercher un diagnostiqueur dans son environnement proche. Il appartient cependant à l’usager de vérifier la validité des certificats auprès des organismes certificateurs.

  1.   L’amendement adopté

L’amendement CE6 proposé par M. Labaronne, adopté par la commission après l’avis favorable du rapporteur, vise à rendre sécurisé et traçable l’annuaire des diagnostiqueurs immobiliers.

Le rapporteur comprend qu’il existe aujourd’hui un risque de fraude : certaines entreprises qui, bien qu’employant des diagnostiqueurs certifiés, font réaliser des diagnostiques de performance énergétique par des personnes non certifiées. Il pourrait être utile de prévoir un système de cartes professionnelles rattachées à l’annuaire des diagnostiqueurs, qui permettrait à un particulier de s’assurer de la qualification du diagnostiqueur présent à son domicile.

Il conviendrait également de garantir la validité des certificats de diagnostiqueurs sur l’annuaire, ce qui ne semble pas le cas aujourd’hui.

Dans sa rédaction actuelle, la disposition adoptée ne semble pas opérationnelle mais le rapporteur en partage pleinement les objectifs.

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Article 3 ter (nouveau)
(article 200 quater du code général des impôts)
Limitation à deux rangs le niveau de sous-traitance et obligation pour l’entreprise qui facture les travaux de disposer du label RGE pour les chantiers de rénovation énergétiques aidés

Article créé par la commission

 

Le nouvel article 3 ter limite à deux rangs le niveau de sous-traitance pour permettre au propriétaire de bénéficier des aides à la rénovation énergétique. Il prévoit que l’entreprise qui réalise la facturation des travaux dispose du label RGE, même en cas de sous-traitance à une entreprise RGE.

  1.   L’absence de limitation de la sous-traitance pour les chantiers

L’arrêté du 1er décembre 2015 ([18]) dans sa version en vigueur ne prévoit aucune limitation en matière de rangs de sous-traitance (voir commentaire de l’article 3) pour les chantiers aidés financièrement (CEE, MaPrimeRénov’, éco‑PTZ)

La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et la Fédération française du bâtiment (FFB) soulignent ainsi les risques de la sous-traitance en cascade, notamment le renforcement de la course aux prix, conduisant au recours fréquent à une main d’œuvre illégale et à l’absence de respect des obligations sociales vis-à-vis des salariés.

  1.   L’amendement adopté

L’amendement CE41 de M. Vigier, adopté par la commission des affaires économiques, inclut deux dispositions :

– il limite à deux rangs le niveau de sous-traitance pour pouvoir bénéficier des aides à la rénovation énergétique ;

– il prévoit que l’entreprise qui réalise la facturation dispose du label RGE pour permettre au chantier d’être éligible aux aides à la rénovation énergétique, même en cas de sous-traitance à une entreprise RGE.

Si le rapporteur soutient la première disposition, la seconde semble être sans rapport avec l’objectif de lutter contre les fraudes publiques mais concerne plutôt la question de la répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière de rénovation énergétique. De nombreux acteurs vertueux, du point de vue du sérieux des dossiers de demande d’aide, ne bénéficient pas du label RGE lorsqu’ils proposent un accompagnement aux personnes qui souhaitent mener à bien un projet de rénovation énergétique de leur logement. Cette disposition, adoptée sans étude d’impact préalable de ses conséquences sur le marché ni sur les possibilités d’octroyer le label RGE à ces acteurs, mériterait un travail plus approfondi.

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article comporte plusieurs dispositions permettant de renforcer la lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie, tant sur un plan préventif que sur celui des sanctions afférentes. En particulier, il permet :

– de conditionner l’inscription au registre national des certificats d’économies d’énergie à l’accord du ministre chargé de l’énergie ;

– de suspendre l’instruction d’un dossier de demande de CEE en cas de suspicion de fraude ;

– de sanctionner un demandeur de CEE dès le dépôt du dossier et avant la délivrance des certificats ;

– de compléter la liste des informations publiées au Journal officiel, lorsqu’il est décidé de rendre publique une sanction prononcée à l’encontre d’un demandeur de CEE.

La commission des affaires économiques a adopté cet article avec quelques précisions rédactionnelles. Elle a adopté des dispositions permettant d’imposer un reste à charge minimal au bénéficiaire d’une opération financée par les CEE, d’une part, et de mettre en cohérence les périodes sur lesquelles portent les différentes vérifications complémentaires effectuées par un demandeur de CEE à la suite d’un contrôle du Pôle national des certificats d’économies d’énergie, d’autre part.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   Le fonctionnement du dispositif des certificats d’économies d’énergie
      1.   Principe et objectifs du mécanisme des certificats d’économies d’énergie

Les certificats d’économies d’énergie (CEE) ont été créés par la loi n° 2005‑781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dit « loi Pope ». Les dispositions législatives qui encadrent ces certificats sont codifiées aux articles L. 221-1 à L. 222-10 du code de l’énergie, elles-mêmes complétées par de nombreuses dispositions réglementaires ([19]). Les CEE s’inscrivent par ailleurs dans le cadre de la directive (UE) 2023/1791 relative à l’efficacité énergétique ([20]).

Le dispositif des CEE est un mécanisme d’obligation d’économies d’énergie qui repose sur le principe du « pollueur-payeur ». Il impose à des obligés (fournisseurs d’énergie, distributeurs de carburant et de fioul domestique) de contribuer à des opérations permettant de réaliser des économies d’énergie. Les objectifs d’économies d’énergie à atteindre sont fixés sur une période donnée. La période actuellement en cours est la cinquième période, qui s’étend du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025. Les objectifs fixés sont assortis de sanctions en cas de non-atteinte de ceux-ci.

L’unité utilisée pour compter les économies d’énergie effectuées dans le cadre du dispositif des CEE est le kilowattheure d’énergie finale économisé ou « kilowattheure cumulé actualisé » (kWh cumac).

Les CEE sont des biens meubles négociables, délivrés par le ministre chargé de l’énergie – en pratique, par le pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE), rattaché à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Une fois délivrés, ces certificats peuvent être échangés sur un marché secondaire (soit de gré à gré, soit sur une place de marché).

  1.   Les acteurs du mécanisme

Le circuit des CEE implique l’intervention d’une pluralité d’acteurs.

Les obligés du dispositif sont mentionnés à l’article L. 221-1 du code de l’énergie. Ce sont eux qui doivent s’acquitter des obligations d’économies d’énergie. Il s’agit des metteurs à la consommation de carburants automobiles ou de fioul domestique et des personnes vendant de l’électricité, du gaz, de la chaleur ou du froid à des clients finals.

En application du 3° de l’article L. 221-12 du code de l’énergie, ces obligés peuvent toutefois déléguer tout ou partie de leurs obligations à des délégataires. Ces délégataires étaient au nombre de 37 au mois de février 2024 ([21]).

Les éligibles au dispositif sont mentionnés à l’article L. 221-7 du code de l’énergie. Ce sont les personnes qui peuvent se voir délivrer des CEE par le PNCEE pour les économies d’énergie qu’elles réalisent. Les éligibles comprennent les obligés, les collectivités et leurs groupements, certaines sociétés d’économie mixte, l’Agence nationale de l’habitat et les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM). Une fois les CEE délivrés par le PNCEE, les éligibles peuvent céder ces CEE à des tiers.

Les mandataires agissent, selon le rapport IGF/CGE/IGEDD précité ([22]), « comme des apporteurs d’affaires [pour les obligés et les délégataires] en structurant des dossiers de travaux permettant l’obtention de CEE ». À l’inverse des délégataires, ils ne se voient pas transférer l’obligation de réalisation des économies d’énergie.

Enfin, les bureaux d’études accrédités par le comité français d’accréditation (Cofrac) jouent un rôle important dans le dispositif de contrôle des CEE (voir infra).

  1.   Les moyens de s’acquitter des obligations d’économies d’énergie

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 221-7 du code de l’énergie, les éligibles se voient délivrer des CEE par le PNCEE « lorsque leur action, additionnelle par rapport à leur activité habituelle, permet la réalisation d’économies d’énergie sur le territoire national ». En pratique, la plupart des actions donnant lieu à délivrance de CEE sont des opérations de rénovation énergétique. L’obligé ou le délégataire propose à des clients ([23]) de leur apporter un financement dans le cadre de telles opérations de rénovation. Il fera ensuite valoir sa contribution à ces opérations auprès du PNCEE, afin de se faire délivrer des CEE. L’article R. 221-22 du même code dispose que le demandeur de CEE devra justifier de son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l’opération. Des fiches d’opération standardisées ([24]) recensent notamment les différents types d’actions qui permettent d’obtenir des CEE.

Le même article L. 221-7 du code de l’énergie dresse la liste d’autres types d’actions ouvrant droit à la délivrance en CEE, en particulier un certain nombre de programmes : bonification pour les ménages les plus défavorisés, information ou de formation en lien avec les économies d’énergie, rénovation des bâtiments des collectivités territoriales, etc. Les programmes représentent, selon le PNCEE, moins de 10 % du volume d’obligation total.

Un registre national des certificats d’économies d’énergie recense l’ensemble des certificats obtenus, acquis ou restitués à l’État ([25]). Il est donc nécessaire d’ouvrir un compte sur ce registre pour acquérir ou céder des CEE. Une fois les CEE acquis, ils peuvent être cédés à une autre personne morale.

  1.   les contrÔles du dispositif des CEE et les sanctions associées

L’article 36 de la loi « Énergie-climat » de 2019 a instauré de nouvelles procédures de contrôle des CEE. Ces contrôles sont effectués à la fois par les demandeurs, en amont de la demande d’instruction des CEE, et par le PNCEE, qui contrôle quant à lui à compter du dépôt de la demande.

  1.   Les contrôles réalisés par les demandeurs de CEE

Le demandeur de CEE doit présenter, à l’appui de sa demande, la preuve d’un certain nombre de contrôles effectués sur les opérations d’économies d’énergie ([26]). Ces contrôles se font, pour partie, par contact avec le bénéficiaire et pour partie directement sur les lieux de l’opération. Dans ce dernier cas, ils sont obligatoirement réalisés par un organisme d’inspection accrédité choisi par le demandeur. Il s’agit, en pratique, de bureaux d’études accrédités par le Cofrac. Ces bureaux d’études sont une source non négligeable de fraude. Une convention a été signée en janvier 2024 entre le Cofrac et le PNCEE pour améliorer la collaboration et l’échange d’informations entre ces deux organismes ([27]). En audition, la DGEC a indiqué à votre rapporteur que 25 % des bureaux de contrôle avaient récemment été suspendus ou s’étaient fait retirer leur accréditation, chiffre qui démontre, si besoin était, la nécessité de renforcer la lutte contre la fraude dans l’ensemble du secteur.

Un taux minimal de contrôles devant aboutir à un résultat satisfaisant est défini par voie réglementaire, ainsi que les fiches d’opérations devant être contrôlées. Pour les contrôles non satisfaisants, des correctifs doivent être apportés par le demandeur.

Par ailleurs, l’article L. 221-13 du code de l’énergie dispose que les éligibles sont tenus de signaler aux organismes délivrant les labels et certifications (RGE par exemple) des éléments susceptibles de constituer des non-conformités manifestes aux règles régissant ces labels et certifications. Ces organismes doivent alors examiner sans délai les éléments concernés et, si nécessaire, suspendre ou retirer le label ou la certification.

  1.   Les contrôles réalisés par le PNCEE

Le PNCEE reçoit et instruit les dossiers de demande de CEE. Celle-ci doit comprendre un certain nombre de pièces justificatives, recensées par arrêté ([28]). Le PNCEE dispose d’un délai d’instruction de deux mois (six mois pour certaines opérations spécifiques) avant de délivrer les certificats ([29]).

Il peut effectuer des contrôles à l’occasion de cette instruction. Le PNCEE a, par exemple, indiqué à votre rapporteur avoir mené des campagnes de contrôle avant délivrance des CEE particulièrement importantes en 2024 sur les opérations de rénovation globale sur les thermostats connectés.

L’essentiel des contrôles opérés par le PNCEE a cependant lieu après délivrance des CEE ([30]). Les contrôles sont soit documentaires, soit sur site (via un organisme d’inspection), soit par publipostage. Ils peuvent être effectués sur la base de signalements reçus par le PNCEE ou à l’initiative de celui-ci. Ces contrôles peuvent soit conduire à maintenir le volume de CEE délivré si aucun manquement n’est constaté, soit le ramener à zéro en cas de manquements. Des sanctions peuvent être prononcées (voir infra).

Les contrôles sur site commandés par le PNCEE sont en augmentation (12 497 en 2023 ([31])) mais demeurent modestes : le rapport IGF/CGE/IGEDD précité estime qu’ils représentaient 1 % des CEE délivrés au titre des opérations standardisées en 2022. La Cour des comptes relève, quant à elle, que les contrôles par publipostage ne représentent que 4,2 % du volume des opérations délivrées en 2022. Il convient de rappeler les moyens très limités du PNCEE, qui dispose actuellement de 25 ETP seulement.

Selon le pôle, les principales irrégularités détectées sont des surestimations du volume de CEE délivrés (associées, par exemple, à des métrages excessifs des surfaces ou à des dégradations des consommations avant travaux), de fausses signatures, des antidatages et des non-qualités. Le nombre d’irrégularités liées à de faux travaux a beaucoup baissé depuis la mise en place de contrôles sur site et ne représenterait désormais que de 1 % à 2 % des irrégularités constatées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bilan des contrôles réalisés par le PNCEE en 2023

Source : PNCEE ([32])

  1.   Les contrôles réalisés par les acquéreurs de CEE

L’article L. 221-8 du code de l’énergie dispose que les personnes qui acquièrent des CEE auprès d’un tiers doivent mettre en place des contrôles permettant de repérer si celui-ci a obtenu les certificats de manière frauduleuse.

Les modalités de ces contrôles sont précisées à l’article R. 221-14-2 du code de l’énergie. L’acquéreur doit notamment vérifier les contrôles mis en place par le cédant, les liens capitalistiques éventuels entre le cédant et le premier détenteur des certificats ou encore les risques de défaillance de la personne cédante.

  1.   Les sanctions associées

Lorsqu’il constate un manquement à des obligations déclaratives – et uniquement après délivrance des CEE –, le PNCEE peut mettre en demeure l’intéressé de se conformer à ses obligations. Le PNCEE peut ensuite sanctionner cet intéressé s’il ne se met pas en conformité ou s’il a obtenu des certificats de manière frauduleuse.

Les sanctions administratives ([33]) qu’il est possible au PNCEE de prononcer sont énumérées à l’article L. 222-2 du code de l’énergie et résumées dans le tableau suivant.

Alinéa de l’article L. 222-2 du code de l’énergie concern

Type de sanction

Sanction pécuniaire proportionnée à la gravité du manquement et égale au maximum à 4 % du chiffre d’affaires (CA) hors taxes (HT) du dernier exercice clos, porté à 6 % en cas de nouveau manquement à la même obligation

Priver l’intéressé d’obtenir des CEE

Annuler des CEE de l’intéressé pour un volume égal à celui concerné par le manquement

Suspendre ou rejeter les demandes de CEE de l’intéressé

Annuler les CEE acquis par les personnes qui n’ont pas mis en place ou mis en place de manière incomplète les dispositifs de contrôle sur la personne cédante

Les sanctions prononcées sont motivées, notifiées à l’intéressé et publiées au Journal officiel, ce qui revient à effectuer du « name and shame » pour les intéressés concernés – en pratique, les obligés et les délégataires ([34]).

Le PNCEE a indiqué que les sanctions les plus utilisées étaient celles mentionnées au 3° (annulation de CEE) et au 4° (suspension du délai d’instruction). La sanction mentionnée au 2° ne concerne que des cas particulièrement graves et n’a été utilisée que cinq fois à ce jour.

La Cour des comptes relève que 17,9 M€ de sanctions pécuniaires ont été prononcées à l’encontre d’obligés et de délégataires depuis 2015, dont 3,1 M€ en 2023, faisant cependant observer que « près de 14 M€ de sanctions ne pourront vraisemblablement pas être recouvrés, les entreprises concernées ayant été mises en sommeil après avoir retiré le bénéfice de la vente de CEE ». Le rapport IGF/CGE/IGEDD relève, quant à lui, que le volume de CEE annulés à titre de sanction entre 2015 et 2023 ne représente que 0,1 % de l’obligation cumulée sur cette même période.

Sanctions prononcées par le PNCEE depuis 2015

Source : PNCEE ([35])

L’article R. 222-10 du code de l’énergie prévoit qu’à l’issue d’un contrôle du PNCEE, si la conformité de l’échantillon contrôlé n’est pas établie, l’intéressé peut être obligé à rechercher, parmi les CEE qui lui ont été délivrés, les volumes susceptibles d’être concernés par des manquements de même nature. Il doit aussi présenter au PNCEE un plan d’action pour éviter que les manquements constatés ne se reproduisent. Si ce plan n’est pas présenté, l’intéressé peut être sanctionné. L’article L. 222-2-1 du code de l’énergie prévoit également la possibilité, pour le PNCEE, de demander à l’intéressé de mettre en place un plan d’action supplémentaire, lorsqu’un contrôle qui a débouché sur une sanction a mis en évidence un taux de manquement supérieur à 10 % du volume de CEE contrôlé.

  1.   Le nécessaire renforcement de la lutte contre la fraude aux cee

Le dispositif des certificats d’économies d’énergie représente une source de fraude importante. Le caractère extrabudgétaire du dispositif rend d’autant plus complexe l’action de l’État pour lutter contre la fraude liée à ce dispositif de soutien à la transition énergétique, tout en n’étant pas sans conséquences pour le budget du consommateur final.

Deux rapports récents sur le sujet, celui de l’IGF, du CGE et de l’IGEDD, et celui de la Cour des comptes, contiennent plusieurs constats et préconisations relatifs aux contrôles opérés sur les CEE et aux sanctions qui s’y rattachent.

Les enjeux financiers associés au dispositif des CEE sont majeurs. La Cour des comptes chiffre son coût à 6 Md€ par an en moyenne pour les années 2022 et 2023. L’IGF, le CGE et l’IGEDD estiment par ailleurs que les CEE s’apparentent « à une taxe proportionnelle sur la consommation d’énergie », car leur coût se répercute dans les factures d’énergie des ménages. En 2022, selon ce même rapport, ils représentaient entre 3 % et 4,5 % de ces factures.

La Micaf estime le montant de la fraude aux CEE à 480 M€ en 2023, dont 100 M€ de fraude évitée par les contrôles mis en place par les obligés, 280 M€ de fraude évitée par le PNCEE et 100 M€ de fraude subie. Cela représente environ 8 % du coût du dispositif en 2022 et 12 % en 2023. Cependant la Micaf, citée par le rapport IGF/CGE/IGEDD, observe que « que cette estimation est rendue difficile par la pluralité des acteurs intervenant dans la chaîne de contrôle et est probablement sous-estimée ». Dans le même esprit, ce rapport relève que « si les rejets de CEE [par le PNCEE] avant délivrance et sanctions prononcés depuis 2015 sont non-significatifs à l’échelle du dispositif, cette faiblesse peut également trahir une insuffisance des contrôles ». La Cour des comptes relève, quant à elle, que « les intermédiaires de la filière, à savoir les apporteurs d’affaires et de contacts commerciaux dans le secteur diffus, et les gestionnaires des dossiers de CEE (délégataires, mandataires, filiales des obligés) captent une part importante de la valeur du dispositif, estimée en moyenne autour de 20 % du coût de production par les obligés », évoquant par ailleurs un dispositif des CEE « miné par la suspicion et les fraudes persistantes ».

Certaines opérations ont donné lieu à des contrôles renforcés de la part du PNCEE compte tenu des fraudes importantes qui s’y rattachent. Les deux rapports citent le cas des opérations de rénovation globale ([36]). En particulier, le rapport IGF/CGE/IGEDD détaille les contrôles opérés par le PNCEE sur ces opérations et les fraudes qu’ils ont permis de détecter :

– une première vague de contrôles, qui concernait des suspicions de surestimations de consommations initiales, a conduit à suspendre toutes les délivrances de CEE pour cinq gros acteurs sur la fiche concernée ;

– une seconde vague de contrôles concernait des suspicions de surestimation de surfaces habitables, conduisant à constater que sur 4 000 opérations contrôlées portant sur de grandes surfaces, 2 700 présentaient des divergences avec les données fiscales, ce qui a donné lieu au blocage des CEE afférents et à des contrôles sur place.

Le rapport souligne qu’« au total, un stock significatif, de l’ordre de 300 TWhc, de demandes de délivrances de CEE liés aux rénovations globales est actuellement suspendu par le PNCEE dans l’attente des résultats des contrôles ».

Afin d’améliorer le dispositif de contrôle des CEE, le rapport de la Cour des comptes préconise de stabiliser les règles du dispositif, de déplacer les contrôles de l’État le plus en amont possible des demandes de certificat et, enfin, de disposer de moyens d’action et de sanction plus rapides.  Sa recommandation n° 7 préconise la mise en place d’un plan d’action renforcé de lutte contre la fraude aux CEE.

Quant à l’IGF, au CGE et à l’IGEDD, la proposition n° 12 de leur rapport suggère d’expertiser la possibilité de suspendre temporairement la délivrance de CEE sur la base d’une suspicion de fraude. Cette proposition est reprise à l’article 4 de la proposition de loi (voir infra).

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 4 de la présente proposition de loi comporte diverses mesures visant à sécuriser l’action du PNCEE lors de ses contrôles, à faciliter la détection de fraudes lors de l’instruction des demandes de CEE et à renforcer les sanctions que le pôle peut prononcer.

  1.   renvoyer aux catégories fiscales pour définir les fiouls et carburants automobiles pris en compte dans le dispositif des CEE

L’alinéa 2 de l’article 4 de la proposition de loi modifie l’article L. 221-1 du code de l’énergie, qui définit les obligés du dispositif des CEE, concernant les obligations portant sur les distributeurs de carburants automobiles ou de fioul domestique. Il vise à renvoyer aux catégories fiscales du code des impositions sur les biens et services (CIBS) pour définir les produits précis concernés par cette obligation et non uniquement à celles définies par le code de l’énergie.

Une jurisprudence récente du Conseil d’État ([37]) a en effet estimé que le fioul domestique mentionné par ce même article L. 221-1 ne concernait que les produits définis comme appartenant à cette catégorie par le code de l’énergie, qui consiste en une définition technique du fioul. Les catégories fiscales du fioul domestique, définies dans le CIBS, conduisent, selon la haute juridiction, à retenir une définition plus large de ces produits. Le ministre chargé de la transition énergétique avait pris un arrêté ([38]) renvoyant aux catégories fiscales du CIBS pour définir les fiouls pris en compte dans le cadre du dispositif des CEE : par conséquent, cet arrêté a été annulé.

La nouvelle rédaction de l’article L. 221-1 du code de l’énergie permet donc de retenir la définition la plus large possible du fioul domestique et des carburants automobiles, et, en conséquence, de renforcer la lutte contre la fraude qui porterait sur la composition même des produits concernés. Elle facilitera le travail du PNCEE en permettant au ministre chargé de l’énergie de définir, par arrêté, les catégories de fiouls domestiques et de carburants automobiles concernées en se référant directement à celles mentionnées dans le CIBS. Le pôle a en effet indiqué à votre rapporteur que « dans la pratique, la rédaction actuelle est source de fraude tant il est complexe pour le PNCEE de juger si les valeurs de fioul ou carburant soumises à CEE sont cohérentes avec les données des douanes » et que cela crée également un fort risque de contournement de l’obligation.

  1.   Soumettre l’ouverture d’un compte au registre des CEE à l’accord préalable du ministre chargé de l’énergie

Aujourd’hui, le PNCEE demande un certain nombre d’informations préalablement à l’ouverture d’un compte sur le registre national des PNCEE, parmi lesquelles un extrait de registre Kbis ou encore un formulaire KYC ou « Know Your Customer », qui permet de vérifier certaines données concernant la personne qui effectue la demande. L’ensemble des éléments ainsi recueillis permet d’obtenir un profil de risque. Or le PNCEE relève que certains profils présentent des risques très élevés (comptes bancaires offshore ou dirigeants soumis à l’interdiction de gérer, par exemple).

Il est pourtant évident que de tels profils à risque ne peuvent que justifier le refus d’une ouverture de compte. Or l’article L. 221-10 du code de l’énergie ne permet pas, dans sa rédaction actuelle, de refuser une ouverture de compte sur le registre national des CEE.

Par conséquent, l’alinéa 5 de l’article 4 de la présente proposition de loi modifie cet article L. 221-10 afin de soumettre l’ouverture d’un compte dans le registre national des CEE à l’accord préalable du ministre chargé de l’énergie. Dans les faits, c’est le PNCEE qui donnera cet accord. Cet accord sera donné au regard des informations qui sont aujourd’hui déjà demandées par le pôle lors de l’ouverture d’un compte, sur la base de critères transparents et objectifs.

  1.   permettre de suspendre le délai d’instruction de la demande de CEE pour procéder à des contrôles

Le PNCEE dispose aujourd’hui d’un délai de deux mois pour instruire le dossier de demande de CEE. Le principe « silence vaut accord » s’applique à l’expiration de ce délai. Cela complique le travail d’instruction du PNCEE, qui dispose en conséquence de très peu de temps pour conduire ses contrôles.

L’alinéa 7 de l’article 4 de la présente proposition de loi insère un nouvel article L. 221-1-1 dans le code de l’énergie. Celui-ci permet de suspendre de délai d’instruction de la demande de CEE pour des besoins de vérification – par exemple, en cas de suspicion de fraude – afin que le PNCEE puisse disposer du temps nécessaire pour procéder à des contrôles.  Le pôle pourra ainsi mettre en demeure le demandeur de lui adresser, dans un délai d’un mois, les documents justificatifs de la conformité de l’opération. Ce délai d’un mois correspond à celui actuellement fixé pour la transmission des pièces en cas de contrôle ([39]).

Cette disposition répond très directement à la proposition n° 12 du rapport IGF/CGE/IGEDD précité, qui préconisait d’expertiser la possibilité de suspendre temporairement la délivrance de CEE sur la base d’une suspicion de fraude.

Par ailleurs, l’alinéa 4 de l’article 4 de la proposition de loi crée un nouvel article L. 221-9-1 dans le code de l’énergie, permettant de clarifier le fait que la demande de CEE vaut attestation de conformité des opérations incluses dans cette demande. Cela permet donc de sécuriser le contrôle et le prononcé des sanctions par le PNCEE dès le dépôt de cette demande.

  1.   créer une sanction pécuniaire à l’encontre des acquéreurs de CEE n’ayant pas mis en place les contrôles nécessaires

Le second alinéa de l’article L. 221-8 du code de l’énergie impose à un acquéreur de CEE de mettre en place des contrôles pour s’assurer que les certificats qu’il acquiert n’ont pas été obtenus de manière frauduleuse par la personne qui les lui cède.

Or lorsqu’un premier acquéreur de CEE ne procède pas à ces contrôles et acquiert des certificats frauduleux, cela crée potentiellement des répercussions en chaîne, l’acquéreur suivant pouvant s’appuyer sur les contrôles menés par le premier acquéreur, et ainsi de suite. Pourtant, in fine, en cas de contrôle du PNCEE qui s’avèrerait insatisfaisant, seul le dernier détenteur du certificat peut véritablement subir une sanction en voyant celui-ci annulé ([40]), quand bien même l’insuffisance des contrôles menés relève essentiellement du premier acheteur. Cette situation a été constatée dans le cadre d’un contrôle récent effectué par le PNCEE.

L’alinéa 9 de l’article 4 de la proposition de loi ajoute une nouvelle sanction à la liste de celles définies à l’article L. 222-2 du code de l’énergie. Une sanction pécuniaire pourra être prononcée contre toute personne n’ayant pas mis (ou insuffisamment mis) en place les contrôles prévus en cas d’acquisition de CEE auprès d’un tiers. Le montant de la sanction sera proportionné à la gravité du manquement.

Cette nouvelle disposition permettra de sanctionner l’acheteur de CEE qui n’aurait pas mis en place les contrôles nécessaires lors de l’acquisition des CEE, y compris lorsqu’il n’est plus le détenteur des certificats concernés au moment du contrôle. Les sanctions pourront donc toucher l’ensemble des acteurs de la chaîne d’acquisition sur le marché secondaire.

  1.   permettre de sanctionner un demandeur de cee À compter du dépôt de la demande de cee

La rédaction actuelle de l’article L. 222-2 du code de l’énergie permet au PNCEE de prononcer des sanctions uniquement après la délivrance des CEE.

L’alinéa 10 de l’article 4 de la présente proposition de loi permettra au PNCEE de sanctionner l’intéressé dès le dépôt de la demande de CEE, en indiquant que les manquements à des obligations déclaratives peuvent être constatés dès le dépôt de la demande de ces certificats. Cette mesure est complémentaire de celle prévue à l’alinéa 7 (suspension des délais d’instruction des demandes de CEE pour effectuer des vérifications complémentaires) : combinées, elles permettent de lutter contre la fraude aux CEE le plus en amont possible de l’octroi du certificat.

Il est précisé que les délais d’instruction des CEE du même intéressé et appartenant au même dossier de demande, portant sur des opérations de même nature et, le cas échéant, les CEE d’autres dossiers du demandeur en cours d’instruction, sont suspendus.

Les sanctions qui pourront être prononcées sont les mêmes que celles qui sont prévues pour les manquements constatés après la délivrance des CEE.

  1.   Renforcer l’efficacité du « name and shame »

L’article L. 222-6 du code de l’énergie prévoit aujourd’hui la publication des sanctions prononcées dans le cadre du dispositif des CEE au Journal officiel, sans davantage de précisions. Dans les faits, sont uniquement indiqués l’identité de la personne concernée, le volume de CEE annulés, le montant de la sanction infligée et les éventuelles autres sanctions complémentaires ([41]).

L’alinéa 11 de l’article 4 de la présente proposition de loi complète cet article, afin de renforcer la pratique du « name and shame » en la matière. Il prévoit ainsi que soient précisées :

– la nature de l’opération ;

– l’identité de la personne sanctionnée, mais aussi celle des mandataires ayant participé à la préparation de la demande de CEE, ainsi que celle des entreprises ayant concouru à la réalisation de l’opération, notamment les entreprises ayant réalisé les travaux ou les audits énergétiques ;

– le cas échéant, l’identité de l’organisme ayant effectué les contrôles de premier niveau, avant le dépôt de la demande de CEE.

Cette nouvelle rédaction permet donc non seulement de compléter les informations publiées en informant notamment sur la nature des fraudes effectuées, mais surtout de responsabiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne des CEE : mandataires, bureaux d’étude et entreprises ayant réalisé les travaux.

  1.   La position de la commission
    1.   La faculté d’imposer un reste À charge minimal sur certaines opérations ouvrant droit à la delivrance de cee

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE69 du rapporteur. Il permet de pondérer les unités de compte délivrées pour une opération d’économies d’énergie donnée, afin de maintenir un reste minimal à la charge du bénéficiaire de l’opération d’économies d’énergie. Le financement intégral ou quasi-intégral de travaux par les CEE est en effet particulièrement propice à la fraude, en témoignent les récentes sanctions prononcées à l’encontre d’un certain nombre d’acteurs concernant l’installation de thermostats connectés, opération qui donnait lieu à une bonification ([42]). Par ailleurs, de tels financements incitent d’autant moins le bénéficiaire à être attentif à l’opportunité et à la qualité des travaux et aux gains véritables d’efficacité énergétique permis par ceux-ci.

La pondération permise par l’amendement, lorsqu’elle sera mise en place, sera nécessairement inférieure à 1, l’objectif étant bien de moduler la valorisation de l’opération à la baisse en cas de reste à charge qui s’avèrerait insuffisamment élevé.

  1.   Le renvoi à un décret pour préciser les critères d’évaluation de la demande d’ouverture d’un compte au registre national des cee

À l’alinéa 5, qui introduit un accord préalable du ministre chargé de l’énergie pour l’ouverture d’un compte sur le registre national des certificats d’économies d’énergie, la commission a adopté l’amendement CE66 du rapporteur. Il renvoie à un décret le soin de préciser les informations à fournir au moment de la demande d’ouverture ainsi que les critères d’évaluation de celle-ci. Ce décret précisera également les conditions dans lesquelles une actualisation de ces informations peut être demandée. La conservation du compte, au regard de ces nouvelles informations, est également soumise à l’accord du ministre chargé de l’énergie.

Cet amendement précise aussi que les obligés ne sont pas soumis à l’accord du ministre pour ouvrir un compte sur le registre national des CEE, cette ouverture étant nécessaire pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs obligations d’économies d’énergie. Ce nouveau contrôle sur l’ouverture du compte vise en effet avant tout les personnes morales qui ne sont ni des obligés, ni des éligibles et qui font uniquement de l’achat et de la revente de CEE.

  1.   la mise en cohérence des périodes sur lesquelles portent les vérifications complémentaires à la suite d’un contrôle du pncee

L’adoption de l’amendement CE64 du rapporteur permet d’aligner les périodes sur lesquelles portent les vérifications opérées par les demandeurs de CEE lors des plans d’actions qu’ils mettent eux-mêmes en place, d’une part, et ceux qui leur sont imposés par le PNCEE en cas d’autre part.

En effet, comme cela a été précédemment rappelé, à la suite d’un contrôle du PNCEE, deux types de plans d’action peuvent être mis en place :

– l’article R. 222-10 du code de l’énergie permet d’obliger le demandeur de CEE concerné à rechercher, parmi ses autres demandes ayant conduit à la délivrance de certificats dans les 24 mois précédant la notification des griefs, d’éventuels manquements de même nature que ceux repérés lors du contrôle ;

– si ces premiers contrôles opérés par le demandeur ne s’avèrent pas suffisants, l’article L. 222-2-1 du code de l’énergie permet d’imposer des vérifications supplémentaires, aux frais de l’intéressé, par un organisme d’inspection. Dans ce cas, les vérifications portent sur les opérations ayant fait l’objet d’une demande de certificats d’économies d’énergie dans les 24 mois précédant la décision de sanction du ministre chargé de l’énergie.

Or il peut s’écouter plusieurs années entre la notification des griefs et la décision de sanction. Dans le cas où le contenu du plan d’action est imposé par le PNCEE (second cas), des opérations trop anciennes ne peuvent donc pas être contrôlées, alors qu’elles sont susceptibles de présenter les mêmes irrégularités que celles ayant fait l’objet de la sanction.

L’amendement CE64 permet donc de mettre en cohérence la période couverte à l’article L. 222-2-1 du code de l’énergie avec celle prévue à l’article R. 222-10 du même code : dans les deux cas, la période de vérification applicable sera celle des 24 mois précédant la notification des griefs.

  1.   des précisions redactionnelles

La commission a adopté les amendements rédactionnels CE44, CE47, CE63 et CE46 du rapporteur.

Elle a également adopté l’amendement CE45. Celui-ci aligne les modalités et plafonds de sanctions pécuniaires applicables aux acquéreurs de CEE n’ayant pas mis en place les contrôles permettant de détecter une obtention frauduleuse par le cédant sur les modalités et plafonds de sanction prévus pour les autres sanctions pécuniaires applicables dans le cadre du dispositif des CEE.

 


   eXamen en commission

Au cours de ses réunions du mercredi 27 novembre à 9 heures 30 et 15 heures, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques (n° 447) (M. Thomas Cazenave, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Cette proposition de loi vise notamment à suspendre l’octroi ou le versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude, à renforcer l’obligation d’immatriculation des entreprises artisanales et l’information des clients sur les travaux de rénovation énergétique et à mieux lutter contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Depuis la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude et le plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques lancé en 2023, des progrès notables ont été réalisés. En 2023, nous avons ainsi enregistré des résultats records en matière de détection des fraudes fiscales, sociales et douanières. Les sanctions ont été renforcées et les dispositifs modernisés grâce à des investissements importants dans les outils numériques.

Malgré cela, les schémas de fraude évoluent en permanence. De nouveaux procédés apparaissent, ciblant spécifiquement les dispositifs d’aides publiques. Ils mettent en lumière des failles de notre système qu’il nous appartient de combler.

Chaque année, l’État verse plusieurs dizaines de milliards d’euros à travers des aides publiques qui soutiennent des politiques ambitieuses : favoriser l’emploi, encourager la formation professionnelle, accélérer la transition écologique, permettre à nos concitoyens d’effectuer des travaux de rénovation énergétique. Ces financements traduisent l’engagement de notre pays à atteindre des objectifs cruciaux tant pour notre économie que pour nos concitoyens.

Notre engagement est pourtant mis à mal par une réalité inquiétante : les aides publiques sont la cible d’une multitude d’acteurs, isolés ou organisés, qui exploitent les failles de nos dispositifs avec des méthodes de plus en plus diversifiées. Ces fraudes érodent la confiance de nos citoyens envers l’action publique.

Toutes les aides publiques sont touchées par des réseaux et des entreprises qui se spécialisent dans la captation illégale de l’argent : fonds territorial d’accessibilité, bonus vélo, aides pour l’achat d’un véhicule électrique, aides à l’apprentissage, financement du compte personnel de formation... Il est urgent d’agir, particulièrement contre l’éco-délinquance. En 2023, les fraudes aux certificats d’économies d’énergie ont représenté un préjudice de 480 millions d’euros et MaPrimeRénov’ a fait l’objet de mouvements financiers suspects à hauteur de 400 millions. Ces chiffres, déjà alarmants, ne cessent d’augmenter. Depuis le début de l’année, l’Office national antifraude (Onaf) a été saisi de trente-cinq affaires judiciaires représentant un préjudice de 250 millions d’euros.

La proposition de loi répond à un double objectif : d’une part, lutter contre toutes les fraudes aux aides publiques par des mesures générales, d’autre part, frapper fort contre l’éco‑délinquance.

L’article 1er a pour objet d’instaurer un mécanisme général permettant de suspendre ou de rejeter une aide publique dès lors qu’il existe des indices de fraude. Ce dispositif s’applique à toutes les formes d’aides publiques : subventions, exonérations fiscales, prêts, prestations sociales, aides à l’emploi et à la rénovation énergétique. L’objectif est clair : intervenir rapidement pour empêcher que des fonds publics ne soient versés à des fraudeurs, souvent difficiles à localiser une fois les sommes détournées. La suspension pourra être activée pour une durée maximale de trois mois, laissant aux administrations le temps de vérifier les soupçons.

En cas de fraude avérée, l’administration pourra rejeter définitivement la demande d’aide et engager des procédures de récupération si des fonds ont déjà été versés. Ce mécanisme instaure une lutte contre la fraude à la source, essentielle pour éviter que des sociétés éphémères ou des réseaux frauduleux ne disparaissent après avoir perçu des montants significatifs.

L’article 2 vise à améliorer la coordination entre les administrations publiques et les services d’enquête. Tracfin sera ainsi autorisé à transmettre des informations directement à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et à la mission interministérielle de coordination anti‑fraude (Micaf).

L’article prévoit également une clause de droit commun pour permettre des échanges d’informations entre administrations, en l’absence de dispositifs spécifiques existants. Ces échanges concerneront des suspicions de fraude à une aide publique. Ainsi, les services en charge de la gestion des aides, les services fiscaux et Tracfin pourront collaborer efficacement pour détecter les fraudes et y répondre rapidement.

Enfin, une disposition permet la transmission d’informations entre les organismes de protection sociale et les services préfectoraux, afin de lutter contre les fraudes liées aux faux documents d’identité ou aux statuts de résidence.

L’article 3 cible spécifiquement le secteur de la rénovation énergétique, particulièrement exposé aux abus. Il prévoit plusieurs mesures pour renforcer les contrôles et protéger les bénéficiaires.

L’interdiction du démarchage abusif, qui concerne déjà les appels téléphoniques pour certains travaux, est étendue aux SMS, courriels et messages personnels sur les réseaux sociaux. Cela vise à limiter les pratiques commerciales agressives souvent utilisées par des entreprises frauduleuses.

Une obligation de transparence sera imposée dans la sous-traitance. Les entreprises devront clairement indiquer sur leurs devis si elles prévoient de sous-traiter des travaux et, le cas échéant, si leurs sous-traitants détiennent le label Reconnu garant de l’environnement (RGE). Cette transparence permettra aux consommateurs de savoir si leurs travaux sont éligibles aux aides publiques. Par ailleurs, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sera habilitée à retirer le label RGE en cas d’infraction grave, afin que ce label, essentiel pour la crédibilité des travaux de rénovation, reste un gage de confiance.

Une infraction pour non-immatriculation au registre des entreprises sera créée afin de lutter contre les sociétés éphémères qui, sans immatriculation, opèrent frauduleusement dans le secteur de la rénovation énergétique.

Enfin, l’article 4 s’attaque aux fraudes sur les certificats d’économies d’énergie, dispositif clé de la transition énergétique et cible privilégiée des fraudeurs. Dès le dépôt d’une demande, l’instruction pourra être suspendue en cas de suspicion de fraude. Ce contrôle préventif vise à réduire le risque de délivrance de certificats indus. Des sanctions pourront être appliquées avant même la délivrance des certificats, dès lors qu’une fraude est identifiée. Les critères des décisions de sanction seront publiés au Journal officiel, avec une extension de la pratique du name and shame à l’ensemble des acteurs impliqués.

Selon nos estimations, ces dispositions permettront de prévenir ou de recouvrer des fraudes pour un montant compris entre 700 millions et 1,6 milliard d’euros par an. Ces chiffres traduisent une ambition : protéger chaque euro consacré à des politiques publiques indispensables et en garantir l’efficacité. Au-delà des chiffres, il s’agit aussi de restaurer la confiance de nos concitoyens dans les institutions publiques, de montrer que l’État est capable de protéger les aides qu’il alloue et de sanctionner ceux qui abusent du système.

Cette proposition de loi s’inscrit dans une logique de tolérance zéro face à l’éco‑délinquance et à toutes les formes de fraude aux aides publiques. Je souhaite qu’elle permette de resserrer les mailles du filet sur ceux qui font de la fraude leur commerce.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous passons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Antoine Golliot (RN). Les membres du groupe Rassemblement national accueillent avec bienveillance ce texte qui va dans le bon sens. Accentuer la lutte contre la fraude aux aides publiques, c’est renforcer la confiance dans nos politiques publiques. Dans son esprit, cette proposition de loi est tout droit tirée du programme du Rassemblement national, bien que nous ayons des doutes sur la méthode choisie : elle s’apparente à une atteinte aux libertés publiques et même à une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Notre pays a besoin d’un projet ambitieux pour traquer les fraudeurs de toute sorte, tant les chiffres de la fraude sont alarmants au regard de la situation budgétaire. Il devient urgent d’adopter une approche transversale en créant un ministère spécifiquement chargé de la lutte contre toute forme de fraude, comme le suggérait Marine Le Pen dans son programme présidentiel. Ce ministère aurait la capacité de coordonner les actions, de renforcer les contrôles et de sécuriser les dispositifs en amont, tandis qu’un parquet unique centraliserait les plaintes pour fraude. Mettre en place une telle structure, ce serait protéger les finances publiques et renforcer la confiance des Français. Bien que nous déplorions le manque d’ambition du texte et de vision globale dans la lutte contre la fraude, nous soutiendrons toujours les initiatives qui contribuent à une meilleure utilisation de l’argent des Français.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Nous n’avons pas attendu le Rassemblement national pour lutter contre la fraude et en faire une priorité. L’État doit garantir que chaque euro d’argent public est bien investi ; il en va de la cohésion sociale. Pour rappel, nous avons défendu une loi de lutte contre la fraude en 2018 ; en 2023, Gabriel Attal a lancé un programme complet de lutte contre la fraude fiscale et sociale ; dans le projet de loi de finances pour 2025, une vingtaine de dispositions resserrent les mailles du filet.

M. Paul Midy (EPR). Permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent travail du rapporteur sur le sujet important de la fraude. Il s’inscrit dans la continuité des mesures que notre groupe politique a prises depuis plusieurs années. Je pense notamment au plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques – sociales, fiscales et douanières – présenté en mai 2023 par Gabriel Attal, le président de notre groupe, alors ministre chargé des comptes publics, repris par son successeur Thomas Cazenave. Nous pouvons être fiers des premiers résultats, puisqu’en 2023, les mises en recouvrement fiscal ont dépassé 15 milliards d’euros, un niveau record.

La proposition de loi poursuit cet effort en visant la fraude en général et certaines aides en particulier, se chiffrant à une vingtaine de milliards. Les mesures proposées doivent combler certaines lacunes.

D’une part, plusieurs dispositifs transverses renforceront la lutte contre la fraude. Il sera ainsi possible de suspendre temporairement le versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude, mécanisme précieux quand on sait que les aides perçues indûment ne sont quasiment jamais récupérées. Les échanges d’informations entre administrations seront favorisés, notamment entre celles qui versent les aides et celle qui luttent contre la fraude.

D’autre part, la lutte contre la fraude est renforcée s’agissant d’aides spécifiques ayant fait l’objet de détournements ces dernières années : MaPrimeRénov’, MaPrimeAdapt’ et les certificats d’économies d’énergie.

La proposition de loi permettra également de lutter contre le démarchage pour travaux d’adaptation des logements au handicap et à la vieillesse, dont on sait à quel point il est irritant pour nos concitoyens et dangereux pour les plus faibles d’entre eux.

Grâce à ces mesures, nous pouvons espérer, selon les premières estimations, récupérer entre 700 millions et 1,6 milliard d’euros pour les finances publiques, montant non négligeable dans le contexte actuel. La lutte contre la fraude est un enjeu de justice sociale. Nous pouvons être fiers des aides que la France accorde à ceux qui en ont le plus besoin, pour accompagner les entrepreneurs qui souhaitent innover et créer des emplois, ou encore pour accélérer la transition écologique ; encore faut-il qu’elles soient correctement versées. Il n’est pas acceptable qu’elles soient indûment perçues.

Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur des dispositions de cette proposition de loi qui renforce notre contrat social et permet d’avancer dans un chantier important pour le fonctionnement de l’État et la bonne utilisation des finances publiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je vous remercie d’avoir rappelé tout ce que nous avons accompli en matière de lutte contre la fraude ces dernières années. Il reste cependant beaucoup à faire ; d’où le chantier que nous voulons ouvrir. Le ciblage de certains dispositifs devrait permettre de récupérer une vingtaine de milliards d’euros indûment perçus, souvent par des réseaux mafieux et des entreprises peu scrupuleuses. C’est un enjeu de finances publiques.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cela ne manque pas de sel : la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes aux aides publiques est déposée par un député de la Macronie, ancien ministre et donc pleinement comptable de l’ensemble des politiques économiques menées ces dernières années. Ces politiques suivent avec obstination une ligne directrice : vider les caisses de l’État et de la sécurité sociale au profit des grandes entreprises et des plus fortunés. Chaque année depuis 2017, il y en a pour 70 milliards de pertes de recettes fiscales, 75 milliards d’exonérations qui échappent aux comptes sociaux, 200 milliards versés aux entreprises sans contrepartie sociale – dont 6 milliards pour le seul secteur automobile. La proposition de loi n’en dit pas un mot. Alors que Michelin laisse sur le carreau 1 250 salariés entre Vannes et Cholet, lui demandez-vous de rembourser les 55 millions de crédit d’impôt recherche ? Auchan a touché 500 millions de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en 2020. En demandez-vous le remboursement, alors que ce groupe supprime 2 400 postes ? Non, bien entendu.

Nous ne voyons rien non plus concernant la fraude fiscale. Vous défendez le bilan d’Emmanuel Macron et perpétuez son obstination à imposer une politique ultralibérale, dont l’état des comptes publics et les grands plans de licenciement sont la conséquence directe. Nous reconnaissons là l’hypocrisie qui caractérise votre politique, ce double langage permanent qui prétend ignorer les effets réels des politiques que vous avez élaborées dans un passé pourtant récent. Vous avez ouvert grand les vannes de l’argent public sans aucune condition sociale, économique ou écologique, et vous prétendez désormais écoper péniblement pour en récupérer par endroits. Mais quels sont ces endroits ? L’absence de définition légale des aides publiques entretient le plus grand flou. Pour une grande entreprise comme pour un bénéficiaire du RSA, c’est le même tarif avec l’article 1er de votre proposition de loi : les aides seront suspendues en cas de suspicion de fraude. Charge au bénéficiaire de saisir le juge administratif s’il veut contester la décision, alors que le non-recours prive déjà du RSA la moitié de celles et ceux qui y ont droit. En pratique, cette proposition de loi est hostile aux plus pauvres. Elle accroît les moyens de rétorsion et la stigmatisation des bénéficiaires de droits sociaux.

Vous indiquez dans votre rapport que, pour les rares cas où l’usager de bonne foi subirait une procédure de suspension, la notification lui permettrait d’être informé de la situation. On pourrait imaginer que cela lui permettrait de transmettre rapidement les informations ou documents justifiant de sa bonne foi et permettant de régulariser sa situation. Votre imagination est si débordante que vous pensez ravir les victimes de votre arbitraire lorsque vous les privez de revenus.

Nous connaissons vos habitudes : vous avez la main lourde avec les plus pauvres, douce et légère avec les puissants. Lors de l’examen du projet de loi de finances, vous avez refusé de nouvelles recettes qui auraient permis de partager les richesses et de renforcer la puissance publique. Vous avez refusé de rompre avec la politique de l’offre qui vide les caisses et échoue à produire de l’activité. Cette loi est une pierre supplémentaire dans l’édifice de violence sociale que vous avez construit avec minutie ces dernières années. Quant à nous, partisans de la république sociale, nous nous y opposerons.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Que dire après cette intervention qui s’éloigne pour le moins du fond du texte ? Je pensais recueillir un accord plus large : vous pourriez souscrire à la lutte contre l’éco-délinquance et contre les organisations criminelles qui détournent les aides publiques. Quant à la lutte contre la fraude fiscale, elle n’est pas le sujet de cette proposition de loi, mais elle a fait l’objet d’une vingtaine de dispositions dans le dernier projet de loi de finances : prix de transfert, délit d’incitation à la fraude fiscale ou sociale, etc. Le présent texte permet de resserrer les mailles du filet, car chaque euro investi doit être directement utile à nos politiques publiques. Je regrette que vous n’essayiez pas de construire avec nous un dispositif plus robuste pour lutter contre les entreprises qui abusent des aides.

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Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous continuons d’entendre les orateurs des groupes sur la proposition de loi (n° 447) contre toutes les fraudes aux aides publiques.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons que partager l’objectif que vous visez dans votre proposition de loi. Il nous faut renforcer notre arsenal pour combattre les fraudes relatives aux différents dispositifs d’aide, alors même que 2023 a été une année record en matière de détection de fraudes et de recouvrements de sommes indûment perçues. Vous proposez divers outils, notamment contre les fraudes aux aides énergétiques. Les dispositions relatives à la suspension temporaire du versement ou de l’octroi des aides ou au rejet de la demande d’aide publique « en cas d’indices de manœuvres frauduleuses ou de manquement délibéré » appellent des réserves de notre part : nous avons déposé un amendement visant à encadrer juridiquement cette notion d’ « indices » afin d’éviter que des personnes de bonne foi ne soient pénalisées.

De la même manière, nous souhaitons vous alerter sur les effets de bord que pourraient avoir les sanctions prises à l’encontre d’entreprises se réclamant de labels dont elles ne peuvent prouver la bonne utilisation, en particulier dans le cadre du dispositif MaPrimRénov’ et des certificats d’économies d’énergie (CEE). Si nous partageons votre volonté de renforcer les contrôles, nous craignons que les bénéficiaires de bonne foi ne se voient refuser le versement de leurs aides financières pour des travaux déjà commandés auprès d’une entreprise qui ferait l’objet d’une suspension de label. Nous proposerons des modifications dans un autre amendement.

Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur les dispositions destinées à simplifier les échanges d’informations. Il nous semble qu’elles ne sont pas proportionnées à l’objectif poursuivi et qu’elles fragilisent la protection des données personnelles et le respect de la vie privée des personnes.

Enfin, le renforcement des possibilités de contrôle des titres d’identité et de séjour en cas de suspicion de fraude aux aides sociales nous apparaît comme un point noir de votre texte. Cette mesure nous semble inopportune dans un texte portant essentiellement sur les fraudes aux aides énergétiques. Nous proposerons donc la suppression cet alinéa de l’article 2 et attendons des explications de votre part.

Notre vote dépendra donc de nos débats.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis sensible, comme votre groupe, à la nécessité de protéger les bénéficiaires de certains dispositifs. Le principe de bonne foi doit primer et la suspension des aides ne peut être subordonnée qu’à la présence d’indices. Au cours de la discussion, nous pourrons modifier la rédaction de l’article 1er afin de qualifier ces indices. Cela sera de nature à rassurer : les services ne sauraient procéder à des suspensions de manière unilatérale, sans les justifier par des éléments probants. Il ne faudrait pas que les bénéficiaires des dispositifs se trouvent pénalisés, alors que ce sont les entreprises auxquelles ils ont recouru qui sont fautives.

Quant aux échanges d’informations, ils sont proportionnés et dûment encadrés. Ils ne donnent pas lieu, par exemple, à la création de grands fichiers.

J’ai bien pris en compte votre inquiétude portant sur les échanges entre services préfectoraux et organismes de protection sociale. Nous verrons au cours de la discussion comment répondre au problème de la fraude documentaire, qui se pose pour les aides publiques en général et pas seulement pour les prestations sociales.

M. Guillaume Lepers (DR). La fraude aux aides publiques est devenue depuis quelques années un enjeu central de la gestion des finances publiques. En 2023, ce phénomène a pris des proportions alarmantes, entraînant des pertes estimées à plusieurs centaines de millions d’euros pour l’État – voire davantage. Lutter contre toutes les formes de fraudes aux aides publiques doit être un combat partagé et à mener avec fermeté. La présente proposition de loi apporte des solutions concrètes. La possibilité de suspendre temporairement les aides en cas de soupçons de fraude constitue une avancée majeure. Cela permettra aux autorités compétentes de sécuriser nos finances publiques le temps de l’enquête.

Le texte apporte également une réponse adaptée aux dérives massives dont font l’objet des dispositifs tels que MaPrimeRénov’. Nous savons, par exemple, que les fraudeurs utilisent les informations personnelles des victimes pour demander des aides en leur nom, alors qu’elles n’en voient bien évidemment jamais la couleur. Il était urgent d’établir des garde-fous.

Notre groupe accueille avec satisfaction l’interdiction du démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation de logement liés au handicap et à la vieillesse. À titre personnel, c’est un combat que je mène depuis des années. Je me réjouis de cette avancée, cruciale pour protéger les personnes vulnérables contre des pressions abusives et leur garantir l’accès aux aides auxquelles elles ont droit.

L’encadrement des certificats d’économies d’énergie est également un point fort de ce texte. En restreignant l’accès à la création des comptes à risque et en imposant des sanctions dès les premières étapes de la demande, le texte adopte une approche pragmatique. D’autres types de fraudes comme celles liées au compte personnel de formation (CPF) devront être traitées à l’avenir mais, dans l’immédiat, cette proposition de loi constitue un réel progrès.

Pour renforcer le contrôle des fraudes à la rénovation, nous soutiendrons un amendement de notre collègue Jean-Pierre Vigier, visant à limiter le recours à la sous-traitance de second rang dans les chantiers de travaux aidés et à interdire aux entreprises ayant obtenu le label reconnu garant de l’environnement (RGE) de sous-traiter ce type de travaux.

En conclusion, notre groupe votera en faveur de ce texte qui améliorera grandement la gestion de nos finances publiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je vous remercie de manifester votre soutien aux grands objectifs de cette proposition de loi. Nous sommes confrontés à un phénomène de fraudes massives qui concernent non seulement MaPrimeRénov’ et les CEE, mais aussi toutes sortes d’aides comme les fonds d’accessibilité ou les aides vélo. Elles sont souvent coordonnées par des réseaux très organisés, ce qui implique d’agir à la source. C’est la raison pour laquelle la suspension des aides est une mesure efficace, car, une fois les aides versées, il est trop tard pour récupérer les sommes indûment perçues.

Je partage votre volonté de mieux encadrer la sous-traitance en matière de rénovation énergétique et je pense que nous parviendrons à trouver un accord sur vos propositions de modification.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le Grenelle de l’environnement a été le point de départ d’un long historique de méfaits de la part de profiteurs et d’usurpateurs des aides liées aux politiques publiques écologiques. On se souvient de la célèbre arnaque à la TVA sur les quotas carbone, qui a coûté plus de 1,6 milliard d’euros (Md€) aux finances publiques. Dans le quotidien de nos concitoyens, cela se manifeste par des tromperies et des pratiques commerciales abusives. Des entreprises disparaissent sitôt le premier acompte payé ; des banques complices octroient des crédits qui ne sont pas signés dans les règles – elles ont été jugées coupables par la Cour de cassation. Pour le dispositif MaPrimeRénov’, les sommes fraudées s’élèvent pour la seule année 2023 à un demi-milliard d’euros. Je déplore à cet égard que le Parlement dispose de si peu d’informations sur l’ampleur du préjudice subi par l’État.

C’est dans un relatif désert que les écologistes plaident depuis des années pour une prévention et une répression efficaces de ces fraudes. Ces agissements portent gravement atteinte, non seulement à l’État et aux contribuables, mais à la dynamique générale de mobilisation du pays en faveur de la sobriété énergétique. À cet égard, on ne saurait, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, qualifier ces arnaqueurs d’« écodélinquants » puisqu’ils nuisent à l’écologie. Alors qu’on constate une appétence pour les travaux d’isolation des logements ou l’autoconsommation des énergies renouvelables, ils viennent profondément perturber le déploiement de ces politiques publiques.

Cette proposition de loi est donc bienvenue. Nous défendrons des amendements visant à renforcer la prévention, qui doit commencer par l’interdiction complète du démarchage téléphonique.

Reste un point d’alerte majeur : la légitime lutte contre la fraude rate parfois sa cible, avec pour conséquence d’ « enquiquiner » les honnêtes gens. J’imagine que des équipes de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) suivent nos débats et je les salue. Je ne prendrai qu’un seul exemple parmi les dizaines de cas dont j’ai connaissance en tant que députée des Deux-Sèvres. Un artisan ayant installé une pompe à chaleur chez lui s’est vu retirer le bénéfice de MaPrimeRénov’ au motif que Bureau Veritas n’aurait pas vérifié l’installation, alors que ses agents avaient bel et bien établi sa conformité. Malgré trois courriers, deux mails, un recours et quatre appels téléphoniques, ce monsieur ne parvient toujours pas à se faire entendre : ce n’est pas acceptable. Évitons que des mécanismes bureaucratiques ne pénalisent des gens qui devraient percevoir leurs aides en bonne et due forme.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. La proposition de loi comporte de multiples dispositifs destinés à lutter contre les démarches commerciales agressives, combat auquel je vous sais très attachée. Ce sont souvent les entreprises les moins diligentes qui usent de ces techniques, en recourant aux appels téléphoniques, à l’envoi de SMS et même au porte-à-porte.

L’article 1er est très protecteur pour le bénéficiaire des aides. Actuellement, l’Anah, en cas de doute sur MaPrimeRénov’, procède à la suspension des versements sans qu’un encadrement vienne limiter sa durée. Le délai de trois mois que nous instaurons sera opposable à l’agence : elle devra conduire dans ce laps de temps les investigations nécessaires pour lever les doutes et verser à nouveau les aides, le cas échéant.

M. Romain Daubié (Dem). Chaque année, les fraudes aux aides publiques représentent un coût de plusieurs centaines de millions d’euros. Pour le seul dispositif MaPrimeRénov’, 400 millions d’euros (M€) auraient été détournés, soit 10 % de son budget. Dans un contexte budgétaire contraint, où nous recherchons des économies, ces faits sont inacceptables. Lutter contre ces pratiques, ce n’est pas seulement protéger l’intégrité de nos finances publiques, c’est aussi préserver la confiance de nos concitoyens dans nos institutions et garantir que chaque euro d’argent public est utile. C’est aussi maintenir notre modèle de société fondé sur la solidarité, mais également sur l’équité ; c’est trouver de nouvelles marges budgétaires sans taxer davantage les personnes qui travaillent (ou qui ont travaillé) pour avoir des revenus, se constituer une épargne ou acquérir un bien immobilier.

La proposition de loi répond à cet impératif. Elle introduit des mesures ciblées pour combler les lacunes actuelles. À l’article 1er, la suspension temporaire des versements constitue un mécanisme réactif, nouveau et utile. L’article 2 renforce les échanges d’informations entre administrations afin d’améliorer la détection des fraudeurs, ce dont je me réjouis également. Enfin, les articles 3 et 4 visent plus particulièrement MaPrimeRénov’ et les certificats d’économies énergie. Ces dispositions ne sont pas seulement des réponses techniques, elles traduisent aussi la volonté politique claire de garantir que chaque euro d’aide publique est bien utilisé. Le groupe Les Démocrates salue ce texte équilibré et pragmatique et le soutiendra sans réserve.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je vous remercie pour votre soutien à la proposition de loi. Lutter contre la fraude aux aides publiques renvoie, comme vous le soulignez, à deux grands enjeux. Il s’agit d’abord de contribuer à rétablir nos finances publiques, puisque le préjudice de la fraude est estimé entre 700 M€ et 1,6 Md€. Il s’agit ensuite d’entretenir la confiance de nos concitoyens, le consentement à l’impôt reposant dans notre pays sur la certitude que chaque euro d’argent public est bien utilisé.

M. David Taupiac (LIOT). Les cas de fraude aux aides publiques se multiplient et font de plus en plus régulièrement la une de l’actualité. Récemment, ce sont deux individus qui ont réussi à détourner 16 M€ destinés au CPF en créant une myriade de sociétés. S’agissant de MaPrimeRénov’ en 2023, Tracfin a détecté 400 M€ de flux financiers suspects. Quant aux certificats d’économies d’énergie, ils feraient l’objet de fraudes à hauteur de 480 M€.

Dans le contexte de restrictions budgétaires que nous connaissons, nous devons redoubler de vigilance quant à la bonne utilisation des deniers publics. Nous ne pouvons demander à certains de se serrer la ceinture quand d’autres profitent des limites du système. Il n’y aura plus de consentement à l’impôt si l’impression s’installe que certains contribuables peuvent frauder en toute impunité.

Avec cette proposition de loi, vous espérez lutter contre ces détournements et faire rentrer dans les caisses de l’État jusqu’à 1,6 Md€. Vous prévoyez de suspendre les aides dès que les versements soulèvent des doutes. Si nous sommes favorables à ce principe, nous nous interrogeons sur le périmètre des aides concernées : s’agit-il de l’ensemble des aides versées directement et indirectement par l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics ? Les prestations sociales rentrent-elles dans le champ des articles 1er et 2 ? Nous considérons, pour notre part, que seules les aides aux entreprises devraient être concernées.

La proposition de loi s’appuie également sur le levier de la coopération des services contre la fraude. Il s’agit de faciliter le partage d’informations entre les différentes administrations et organismes publics. Nous soutenons cette mesure, mais à condition que les données personnelles sensibles soient préservées.

Les articles 3 et 4 renforcent les moyens de contrôle portant sur le versement des aides à la rénovation énergétique. Ils proposent des mesures de bon sens : limiter le recours à la sous-traitance auprès d’entreprises n’ayant pas reçu le label RGE et dont la qualité du travail ne serait pas garantie ; permettre aux enquêteurs de l’administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de suspendre ou retirer le label RGE en cas d’anomalies graves constatées lors des contrôles.

En outre, nous sommes favorables aux interdictions de démarchage effectuées par téléphone, par courrier et sur les réseaux, pour les travaux d’économies d’énergie, de production d’énergies renouvelables ou d’adaptation des logements au handicap et à la vieillesse. Reste qu’il faudra assurer un contrôle suffisant pour garantir l’effectivité de ces dispositions.

Vous l’aurez compris, nous serons favorables à cette proposition de loi, à condition qu’on nous rassure sur le champ d’application des articles 1er et 2.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Le champ d’application des dispositions des deux premiers articles est très large. Il s’agit de toutes les aides publiques, des subventions aux prêts garantis par l’État (PGE), autrement dit de tous les transferts opérés depuis la sphère publique vers divers bénéficiaires. Ce sont toutefois des « dispositions balais » et, pour un très grand nombre de prestations sociales, elles ne s’appliqueront pas, car il existe déjà des mécanismes de suspension des versements : c’est le cas du revenu de solidarité active (RSA), sur décision du président du conseil départemental. Nous créons un cadre général qui vaudra surtout là où il y avait des lacunes. Citons MaPrimeRénov’ ou l’Agence de services et de paiement (ASP), qui verse beaucoup d’aides. Nous faisons en sorte que tous les transferts publics puissent faire l’objet d’une suspension. Ces nouvelles mesures n’affecteront donc pas les prestations sociales sur lesquelles portait votre inquiétude.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Delphine Batho (EcoS). Il y a un manque de transparence sur le total du préjudice subi depuis 2020 du fait des fraudes au dispositif MaPrimeRénov’. À défaut de pouvoir disposer des chiffres dès maintenant, il serait bon que nous soyons éclairés par le rapport de la commission, dans la perspective de l’examen en séance publique lundi prochain. Lors de la séance des questions orales sans débat, hier, à ma question relative au montant de la fraude sur ce dispositif, la ministre a répondu que les sommes en jeu étaient de 14 M€ et non de 400 M€ : il importe de dissiper ce flou. J’imagine que le Gouvernement dispose au moins des chiffres pour l’année 2023.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Il a même été question de 10 % du budget total du dispositif…

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Certaines précisions pourront vous être apportées par le Gouvernement. Le chiffre qui nous a alertés, ce sont les 400 M€ sur lesquels portent les déclarations de soupçon de Tracfin. Ce montant ne correspond pas forcément aux fraudes pour une année donnée, il porte sur les mouvements suspects identifiés sur des comptes. Il faudra se rapprocher de l’Anah pour en savoir plus, car la loi n’autorise pas Tracfin à lui transmettre les déclarations de soupçon. L’une des dispositions de l’article 2 permettra de gagner du temps en autorisant ces transmissions : dès qu’elle aura été informée par Tracfin, l’Anah pourra immédiatement suspendre les versements, le temps de procéder à des vérifications.

Je n’ai pas, à ce stade, obtenu les montants précis des fraudes, dispositif par dispositif. Nous avons auditionné avant-hier le président de l’ASP et lui avons demandé de nous communiquer ces chiffres pour les aides versées par l’agence. Il nous a indiqué que deux tiers des dossiers de demande d’aides au titre du fonds territorial d’accessibilité (FTA) déployé au moment des Jeux olympiques étaient frauduleux. Nous savons qu’il y a aussi eu des fraudes sur les aides aux vélos, notamment le bonus vélo, mais je ne peux pas vous en dire plus.

 

Article 1er (article L. 115-3 [nouveau] du code des relations entre le public et l’administration) : Suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude et rejet de la demande d’aide en cas de fraude avérée

 

Amendement de suppression CE14 de Mme Mathilde Panot

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Il faut supprimer cet article dangereux : en soumettant le versement des aides publiques à l’arbitraire de l’administration, il risque de mettre en péril les personnes les plus précaires en les privant de ressources. La fraude est une notion pénale, son appréciation n’a pas à être laissée au bon vouloir de l’administration.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis défavorable. Supprimer cet article nous empêcherait de lutter contre les entreprises délinquantes et les réseaux de blanchiment qui tirent profit de l’absence de réactivité de l’administration.

M. Fabien Di Filippo (DR). Entendre dire qu’il y a un droit aux aides me « hérisse le poil ». Les aides publiques ont vocation à soutenir des structures en difficulté ou des structures en développement, mais elles ne sont pas assorties d’un droit. Il n’y a donc pas de raison pour que leur suspension ou leur remboursement soient soumis à une décision préalable de justice. Celle-ci ne peut intervenir que s’il y a des faits délictueux relevant du pénal. Les dispositifs d’aide, surtout en matière de prestations sociales, comportent aussi des devoirs et des contreparties.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE42 de M. Antoine Golliot

M. Antoine Golliot (RN). Il s’agit d’augmenter la majoration des sommes à restituer en cas de manœuvres frauduleuses de 80 % à 100 %. Ces manœuvres traduisent une intention claire de tromper l’administration et leur gravité appelle une réponse proportionnée. Un taux maintenu à 80 % pourrait apparaître aux yeux des fraudeurs comme un simple coût du risque, surtout lorsque les montants en jeu sont élevés. En le portant à 100 %, nous enverrions un message plus clair : la fraude ne doit jamais être rentable.

Cette proposition reste raisonnable et mesurée. Dans d’autres pays, les sanctions encourues peuvent atteindre 200 % du montant fraudé. Ce durcissement est non seulement juste, mais indispensable pour renforcer la dissuasion et protéger nos finances publiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je partage l’idée que la sanction doit être dissuasive. Toutefois, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement en vue de la discussion du texte en séance, car le durcissement que vous proposez manque de cohérence : il ne s’applique qu’aux manœuvres frauduleuses et laisse de côté les manquements délibérés.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE10 de M. Patrice Martin, CE15 de M. Pierre-Yves Cadalen et CE29 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)

M. Patrice Martin (RN). Il est crucial de s’assurer que la suspicion pesant sur le versement d’une aide publique repose sur des bases solides et de renforcer la sécurité juridique tout en préservant l’efficacité dans la lutte contre la fraude. Mon amendement CE10 tend à permettre de limiter les risques d’arbitraire ou d’abus administratif et d’éviter de pénaliser injustement des bénéficiaires honnêtes.

Les agents habilités disposeront d’un cadre clair, précis et protecteur, grâce auquel seront visés efficacement les comportements frauduleux. Nous préserverons ainsi la confiance des citoyens dans nos institutions. Lutter contre la fraude tout en garantissant que les décisions rendues soient justes, tel est l’équilibre qu’il nous faut atteindre pour concilier efficacité et justice.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement CE29 entend encadrer juridiquement la notion d’indices et, par conséquent, les conditions de mise en œuvre de la suspension de l’octroi de subventions. Le seul terme d’« indices » ouvre la voie à de trop larges interprétations et ne se rattache pas à une jurisprudence consolidée. La notion d’« indices sérieux » est, quant à elle, consacrée par notre droit et par la jurisprudence.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. J’émets un avis défavorable sur l’amendement CE10, dont la rédaction revient à contourner la notion de suspicion de fraude en mettant en avant un faisceau d’éléments concordants établissant la fraude même et justifiant donc la suspension des versements. L’amendement CE29, en introduisant la notion d’indices « sérieux », me paraît de nature à mieux encadrer les marges de manœuvre de l’administration. J’y serai favorable. Quant à l’amendement CE15, qui supprime le terme même d’« indices », j’y suis défavorable. Il va à l’encontre de l’objectif poursuivi par ses auteurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous partageons les préoccupations de notre collègue Marie-Noëlle Battistel. L’article 1er prévoyant un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application des dispositions, nos débats permettront de préciser quels éléments doivent être pris en compte pour déterminer le soupçon de fraude. Je pense que nous serons tous d’accord pour dire que nous visons les personnes recourant à des manœuvres frauduleuses pour détourner les aides publiques et non les particuliers qui auraient oublié d’indiquer la date du devis dans leur dossier de demande, fait qui relève du droit à l’erreur.

Par ailleurs, nous devons nous interroger sur les modalités des opérations de contrôle. Des entreprises du secteur du bâtiment et travaux publics se sont ainsi plaintes des procédures « par paquets » par lesquelles une entreprise honnête, placée dans le même lot qu’une entreprise frauduleuse, peut voir ses aides suspendues.

M. Paul Midy (EPR). Nous voterons en faveur de l’amendement CE29. Si la possibilité de suspension temporaire est décisive, encore faut-il qu’elle soit bien encadrée pour éviter les écueils évoqués par plusieurs collègues.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. En retenant la rédaction proposée par Mme Battistel, nous éviterons que les simples oublis donnent lieu à une suspension. Il faudra des indices sérieux pour motiver une telle décision et le décret ajoutera des précisions.

La commission rejette successivement les amendements CE10 et CE15.

Elle adopte l’amendement CE29.

 

Amendement CE11 de M. Patrice Martin

M. Patrice Martin (RN). Je souhaite appeler l’attention sur un manque de clarté juridique. Mieux vaut éviter d’ouvrir des possibilités d’interprétation trop larges, allant d’une simple négligence consciente à une fraude manifeste. Cette ambiguïté peut conduire à des décisions injustifiées ou des abus pénalisant des bénéficiaires qui n’auraient commis qu’une simple erreur administrative. Nous préférons les termes de « manquement intentionnel et caractérisé » à ceux de « manquement délibéré ». Cette formulation distingue clairement les erreurs involontaires des comportements frauduleux avérés, elle évite que des sanctions injustes ne s’appliquent et conserve toute leur efficacité aux mesures contre la fraude. Cet amendement garantit également une application plus rigoureuse et cohérente de la loi, réduisant les risques de contentieux liés à des interprétations floues et arbitraires. Il s’agit de protéger les droits des citoyens tout en maintenant leur confiance dans l’institution.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je comprends votre attachement à la protection des droits et votre volonté de la garantir grâce un encadrement renforcé de l’action de l’administration. Toutefois, vous ne pouvez pas dire que la notion de manquement délibéré n’est pas établie en droit : elle figure notamment dans l’article 1729 du code général des impôts, qui prévoit l’application d’une majoration « en cas de manquement délibéré ». Nous empruntons donc un chemin balisé en utilisant cette notion, qui se distingue clairement du droit à l’erreur.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE49 et CE48 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE16 de Mme Mathilde Panot.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE50 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE25 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Je le retire, car le rapporteur a déjà répondu à mon interpellation.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2 (article L. 561‑31 du code monétaire et financier, article L. 115‑2 du code des relations entre le public et l’administration et article L. 114‑16‑1 du code de la sécurité sociale) : Extension des autorisations d’échanges d’informations entre administrations

 

Amendement CE67 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les moyens de Tracfin en matière de lutte contre la fraude.

D’une part, il lui confère un droit direct de signalement auprès du procureur européen. Les services de Tracfin nous ont en effet indiqué qu’ils avaient de manière plus régulière à connaître d’affaires qui concernent les fonds européens.

D’autre part, il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des entités auxquelles Tracfin peut communiquer des informations, cela pour éviter de devoir recourir à la loi pour ajouter une nouvelle administration. Le texte initial mentionne l’Anah et la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf), mais il peut y avoir bien d’autres services.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement du rapporteur est très long, il mérite une analyse attentive. Les modifications proposées sont peut-être parfaitement justifiées, mais la prudence est de mise. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons à ce stade.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’amendement cherche simplement à faciliter la transmission d’informations et à améliorer la réactivité. Si, demain, les informations de Tracfin s’avéraient utiles à un service autre que l’Anah ou la Micaf, cet amendement évite de devoir repasser par la loi pour en autoriser la transmission, en renvoyant l’ajout de ce nouveau service au pouvoir réglementaire.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE53 de M. Thomas Cazenave, rapporteur, tombe.

 

Amendement CE17 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement tend à supprimer les dispositions relatives aux échanges d’informations attentatoires aux libertés.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis défavorable. Les dispositions que vous visez sont tout à fait conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD). Il n’est pas question de créer un grand fichier avec des informations personnelles. En outre, le droit de communication reconnu à Tracfin s’inscrit dans le cadre bien défini de la lutte contre la fraude.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE12 de M. Patrice Martin et CE30 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que nous avons adopté précédemment pour préciser la notion d’indice sérieux.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CE30, l’amendement CE12 ayant été retiré.

 

L’amendement CE13 de M. Patrice Martin est retiré.

 

Amendement CE18 de Mme Mathilde Panot

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis défavorable.

M. Antoine Golliot (RN). L’amendement établit une distinction entre petites et grandes fraudes, marquant une tolérance implicite pour les premières.

La restriction de la transmission d’information aux seules fraudes dépassant 1 M€ prive de la possibilité d’identifier des schémas frauduleux complexes ou de fraude cumulée. Lors des auditions, il a souvent été souligné que les fraudeurs agissent de manière organisée et se montrent experts dans la fraude à divers types d’aide.

L’argument de la surcharge pour les administrations est fallacieux, puisque leur modernisation numérique permet de traiter plus efficacement les données.

L’amendement nourrit une culture de complaisance à l’égard des fraudeurs. Nous y sommes opposés.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE51 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE54 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il s’agit d’ajouter la Micaf à la liste des services bénéficiant de la clause balai en matière d’échange d’informations.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE52 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE31 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Afin de garantir la proportionnalité des échanges d’informations à l’objectif de lutte contre la fraude, l’amendement vise à préciser que ceux-ci s’effectuent sous le contrôle du juge.

Seul le juge est susceptible de s’assurer du bien-fondé et de la proportionnalité des informations transmises et de prévenir les abus. Il pourrait considérer que des mesures autres que l’ouverture d’un grand nombre de fichiers auraient pu permettre d’établir la preuve des manœuvres ou manquements suspectés.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Si je comprends votre intention, j’appelle votre attention sur le fait que l’amendement aurait de graves conséquences sur l’efficacité de la procédure.

Si, demain, les administrations doivent soumettre au contrôle préalable du juge les échanges d’informations qu’elles envisagent, ceux-ci s’en trouveront considérablement ralentis. Or c’est précisément de rapidité dont les administrations ont besoin pour identifier les schémas de fraude. En outre, le cadre juridique proposé existe déjà dans le domaine fiscal et social.

L’introduction d’un contrôle du juge serait une évolution très contre‑productive dans la lutte contre la fraude aux aides publiques. Je vous demande donc le retrait de l’amendement ; sinon, avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’objectif est d’éviter que des agents aillent chercher dans une multitude de fichiers pour trouver une seule information. L’article ouvre très largement le champ des échanges.

Le contrôle du juge pourrait ne pas être systématique et intervenir a posteriori.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il n’est pas question ici de créer un fichier, mais d’échanger des informations. L’information recherchée peut concerner, par exemple, une entreprise. Je redoute une dévitalisation du dispositif, dont l’ambition est d’être plus efficace dans la lutte contre la fraude.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’accepte de retirer l’amendement sous réserve qu’un travail approfondi soit mené d’ici à la séance. Je ne suis pas totalement convaincue par vos réponses, monsieur le rapporteur.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je m’engage à affiner notre travail sur le cadre juridique applicable pour, je l’espère, finir de vous convaincre que votre amendement ne sert pas l’objectif que vous recherchez.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE19 de M. Pierre-Yves Cadalen.

 

Amendement CE32 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement tend à supprimer l’alinéa 7, dont on ne comprend pas la raison d’être dans une proposition de loi largement dédiée à la lutte contre la fraude aux aides publiques en matière énergétique.

Il est regrettable qu’une telle disposition vienne entacher un texte qui pourrait rassembler largement, sous réserve d’y introduire quelques garde-fous.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. La proposition de loi ne vise pas que les aides à la transition écologique. Elle repose sur deux piliers : d’une part, la lutte contre toute forme de délinquance en matière environnementale ; d’autre part, la lutte contre toute fraude aux aides publiques.

Or la fraude documentaire à l’identité en matière sociale existe. Pour traiter des cas très spécifiques de fausse identité ou de fausse adresse, les administrations ont besoin de s’échanger de l’information, elles nous l’ont dit.

Néanmoins, j’en conviens, la rédaction est probablement un peu trop large et pas assez claire. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de travailler à une nouvelle rédaction plus précise de l’alinéa, qui est utile pour lutter contre les toutes les formes de fraudes.

Mme Delphine Batho (EcoS). La référence à « tous renseignements » et « tous documents utiles » est très vague. Si l’intention est de viser la fraude aux titres d’identité, il faut revoir la rédaction.

Pour revenir sur un sujet précédent, d’ici au débat en séance, nous devons avoir l’assurance que la transmission d’informations obéit à la règle du secret partagé. Le rappel des règles de déontologie applicables serait un gage de clarté des débats.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. C’est précisément ces deux notions qu’il convient de préciser en indiquant les types de fraudes et les documents visés. Je prends l’engagement de retravailler ce point.

Les échanges s’inscrivent bien dans le cadre du secret partagé. Nous pourrons aussi le préciser éventuellement dans certaines dispositions.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Après l’engagement pris par le rapporteur, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CE68 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il s’agit d’étendre à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna les dispositions des articles 1er et 2 de la proposition de loi.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE37 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement a pour objet d’imposer aux organismes de certification et de labellisation des professionnels de la transition énergétique, qui sont agréés par l’État, de communiquer les informations qu’ils détiennent aux administrations.

La pertinence de cette extension du champ d’application a été soulignée par l’Anah. Elle est très attendue du secteur de l’artisanat et des professionnels labellisés RGE.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement, qui permet de resserrer les mailles du filet. Il faut sans doute revoir la rédaction sur le régime de l’obligation.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 (articles L. 151-2-1 [nouveau], L. 151-3, L. 151-4 et L. 151-5 du code de l’artisanat, articles L. 223-1, L. 223-8 [nouveau], L. 224-114 [nouveau],
L. 242-16-1 [nouveau], L. 242-51 [nouveau], L. 511-5, et L. 521-28 [nouveau] du code de la consommation) : Lutte contre la fraude aux travaux de rénovation énergétique et d’adaptation à la perte d’autonomie

 

Amendement CE43 de M. Antoine Golliot

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Demande de retrait, car l’amendement introduit une incohérence entre deux dispositifs dans le régime de sanction qui leur est applicable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE55 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendements CE35, CE34 et CE38 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). La fraude s’accompagne souvent de méthodes de harcèlement dont le démarchage téléphonique fait partie. Celui-ci empoisonne la vie quotidienne des Français.

Chacun a le droit à la tranquillité lorsqu’il est chez lui ; chacun a le droit de ne pas être considéré comme un client lorsqu’il est à son domicile.

Pour pallier l’échec du dispositif Bloctel, le législateur a procédé par étapes depuis plusieurs années, en édictant des interdictions sectorielles du démarchage téléphonique qui ont constitué un progrès – pour les travaux de production et d’installation d’énergies renouvelables, pour l’isolation des logements, pour les assurances, pour le CPF.

L’article 3 propose d’interdire le démarchage pour les travaux d’adaptation des logements au handicap et à la vieillesse. Il me semble que la logique n’est pas la bonne. Bien sûr, le démarchage doit être interdit dans ce secteur aussi, mais, à suivre cette logique, l’année prochaine, il faudra une nouvelle loi pour le bannir dans un autre domaine.

Nous sommes favorables à une interdiction générale, dans le cadre de laquelle les entreprises pourraient continuer à contacter leurs clients dans la limite des contrats en cours, mais qui proscrirait toute prospection commerciale téléphonique. C’est le texte qui vient d’être voté à l’unanimité au Sénat – c’est un fait politique nouveau après moult débats, ici, sur le sujet – et que j’ai repris dans l’amendement CE35.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les amendements CE35 et CE34, qui sont calqués sur des textes débattus au Sénat, changent complètement la logique de la prospection commerciale : ils l’interdisent pour tous les secteurs, y compris des secteurs qui ne bénéficient d’aucune aide publique. Or l’encadrement du démarchage a aussi pour objet de protéger les aides publiques en veillant à leur bonne utilisation.

Vous allez donc bien au-delà de la fraude aux aides publiques. Ce faisant, vous modifiez l’objet même de la proposition de loi. Il serait préférable d’attendre que le texte qui a été adopté par le Sénat soit soumis à l’examen de l’Assemblée. J’émets donc un avis défavorable sur les deux premiers amendements.

En revanche, je suis favorable à l’amendement CE38, aux termes duquel vous étendez l’interdiction de démarchage aux prestations intellectuelles.

Mme Olivia Grégoire (EPR). À titre personnel, je soutiendrai l’amendement CE35 qui reprend le texte adopté à l’unanimité par le Sénat le 14 novembre.

En effet, Bloctel ne fonctionne pas : moins de 10 % des Français y sont inscrits. De nombreuses avancées pour les consommateurs ont été enregistrées ces dernières années. Il me semble de salubrité publique de considérer aussi le démarchage entre les entreprises, qui est une source de fraude importante.

Je ne doute pas – et je l’appelais de mes vœux lorsque j’étais ministre – que la proposition de lois sénatoriale arrivera à l’Assemblée. Il me semble cependant intéressant que nous nous en saisissions dès à présent ; on en parle depuis des années ; les Français le vivent au quotidien : les dispositifs de blocage et de recueil du consentement ne fonctionnent pas. Il est temps d’accélérer.

Mme Delphine Batho (EcoS). J’insiste sur le fait qu’il y a un vrai lien entre le démarchage téléphonique intrusif, incessant, et la fraude. Les arnaques autour du CPF l’ont montré.

Thomas Cazenave, rapporteur. Je souhaite lever une petite ambiguïté. Si l’amendement CE35 est adopté, vous rendez le démarchage possible. Vous créez un régime dans lequel le démarchage, dès lors qu’il est consenti, est autorisé.

Le texte crée un régime strict en matière de rénovation énergétique et d’adaptation des logements : il interdit tout démarchage. Avec votre amendement, il n’y aura pas demain d’interdiction en matière de rénovation énergétique si vous avez consenti.

Vous amoindrissez la protection des consommateurs que le texte cherche à élargir. Votre amendement est moins-disant pour des produits tels que les thermostats, dont on a parlé récemment. Il empêche également d’interdire le démarchage physique proposé par l’amendement CE22, auquel j’étais favorable.

La commission adopte l’amendement CE35.

En conséquence, les amendements CE34 et CE38 ainsi que les amendements CE22 de Mme Mathilde Panot, CE36 de Mme Delphine Batho et CE3 de M. Lionel Tivoli tombent.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE56 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE2 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Depuis de nombreuses années, le gouvernement incite les ménages à réduire leur empreinte carbone, notamment par leur consommation d’énergie.

Pour mener sa politique de transition énergétique, il les incite aussi à se tourner vers des énergies dites « renouvelables » par de nombreuses mesures fiscales. Pourtant, certaines de ces énergies n’ont de renouvelable que le nom. Elles sont coûteuses, les matériaux utilisés pour les produire sont fabriqués à l’étranger et souvent très difficiles à recycler.

Il est souhaitable que le professionnel réalisant les travaux de rénovation fournisse un bilan énergétique au consommateur faisant apparaître l’empreinte carbone estimée d’un recours aux énergies intermittentes. Le consommateur pourra ainsi peser le pour et le contre de ce modèle énergétique et se tourner, le cas échéant, vers d’autres travaux plus vertueux.

Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement d’appel, qui qualifie d’intermittentes les énergies renouvelables. Ce n’est pas à l’artisan qui vous installe un panneau solaire de produire une analyse en cycle de vie de celui-ci.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE27 et CE28 de M. Christophe Blanchet (discussion commune)

M. Romain Daubié (Dem). L’amendement CE28 vise à fixer un plafond défini par décret pour les acomptes versés pour les travaux de rénovation énergétique. Il s’agit d’éviter que l’entreprise encaisse l’acompte sans jamais faire les travaux.

L’amendement CE27 ne laisse pas la main au pouvoir réglementaire et fixe à 20 % le plafond. Il s’agit encore une fois de lutter contre les provisions et l’accaparement des aides publiques.

Thomas Cazenave, rapporteur. Je comprends votre objectif. Néanmoins, je n’en mesure pas complètement les conséquences pour les entreprises, d’autant que nous n’avons pas pu les soumettre à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), à la Fédération française du bâtiment (FFB) et aux services de l’État. Je vous propose de le retirer pour que nous puissions éventuellement les auditionner et nous assurer que le dispositif est bien ciblé.

M. Romain Daubié (Dem). Je suis prêt à retirer l’amendement CE27, mais je maintiens l’amendement CE28 qui acte le principe d’un plafonnement. L’élaboration du décret vous laisse le temps, monsieur le rapporteur, de consulter et de trouver les équilibres avec les représentants du secteur. Nous avons bien conscience qu’il faut acheter les matériaux et que les délais de paiement ne sont pas les mêmes pour tous les artisans.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous nous abstiendrons. Je comprends l’intention de notre collègue. Il est vrai que les arnaques aux acomptes existent. Néanmoins, la solution me semble compliquée pour les artisans. Si vous installez une pompe à chaleur, il faut bien payer le fournisseur de la pompe à chaleur, le matériel, etc.

Je me demande si le recours à une entreprise mandataire ne serait pas une solution préférable. Il faudrait absolument interroger l’Agence nationale de l’habitat, qui propose des mécanismes de versement anticipé d’une partie des aides pour pouvoir payer les acomptes. Le problème ne se résume pas à une histoire de plafond.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Pour les mêmes raisons que notre collègue Delphine Batho, je demande le retrait des deux amendements. Vous proposez une réforme substantielle que nous n’avons pas suffisamment travaillée : pourquoi l’acompte serait-il plafonné uniquement pour les travaux de rénovation énergétique ? Leur périmètre est-il assez clairement délimité ? Cela risque de décourager les entreprises, à l’heure où nous cherchons des bras pour installer des pompes à chaleur et des panneaux photovoltaïques.

L’amendement CE27 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE28.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE57, CE58, CE59 et CE60 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE4 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Puisque nous parlons de fraude, il s’agit ici de dénoncer l’arnaque sémantique des « énergies renouvelables », que nous proposons ici de qualifier d’ « intermittentes ». Les panneaux photovoltaïques et les éoliennes sont produits à des milliers de kilomètres et il est impossible de les recycler. Nous avons, en France, des énergies propres comme l’énergie nucléaire. La lutte contre le réchauffement climatique et le respect des accords de Paris sont des priorités, mais la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne saurait passer par des voies idéologiques, contraires aux intérêts du savoir-faire français. Le fiasco énergétique de nos voisins allemands devrait alerter les pouvoirs publics sur les choix à faire. Un changement sémantique est capital pour cesser de faire miroiter aux Français des avancées qui n’en sont pas.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’amendement s’éloigne de l’objectif de la proposition de loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE62 et CE61 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE33 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement vise à éviter que, par effet de bord, des bénéficiaires de bonne foi se voient refuser le versement d’aides financières pour des travaux déjà commandés auprès d’une entreprise qui ferait l’objet, après la conclusion du contrat, d’une décision de suspension de label ou de signe de qualité. Les ménages seraient doublement pénalisés en ne bénéficiant ni des travaux ni des aides. Cela ne ferait pas progresser la rénovation des bâtiments.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Vous avez raison de préciser que les bénéficiaires des aides ne doivent pas être pénalisés en cas de sanction prise contre un professionnel. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE21 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le deuxième rapport du comité d’évaluation du plan « France Relance » de décembre 2022 a montré que le principal problème de MaPrimeRénov’ était le fort taux de non-recours par les ménages très modestes, en raison d’un reste à charge de 52 %. Il est urgent de lutter contre les tarifications excessives. L’amendement vise à améliorer l’information des citoyens en proposant, dans chaque accueil France Rénov’, un registre des actes de rénovation les plus courants dans lequel seraient indiqués les prix pratiqués à l’échelle locale.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’objectif de « Mon Accompagnateur Rénov’ » est précisément de ne pas laisser les bénéficiaires de travaux seuls face aux professionnels. Ces accompagnateurs indépendants leur donnent des indications de prix et des conseils sur les devis. Il n’est donc pas nécessaire de créer un registre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

 

Amendement CE6 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Cet amendement vise à renforcer l’identification des diagnostiqueurs immobiliers certifiés inscrits dans l’annuaire des professionnels pouvant effectuer un diagnostic de performance énergétique (DPE) et à améliorer la traçabilité de leurs interventions. À cette fin, il propose de mobiliser des outils de preuve numérique, comme les QR codes, qui contiendraient la carte professionnelle du diagnostiqueur, sa photo, ainsi qu’un système de géolocalisation et d’horodatage. Le diagnostiqueur aurait l’obligation d’y archiver le relevé d’observations déterminant l’étiquette énergétique du bâtiment et tout autre document nécessaire, pour rendre ces preuves infalsifiables et opposables. Le système existe déjà en Allemagne.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Vous avez raison, il faut sécuriser et rendre traçable l’annuaire des diagnostiqueurs afin que leur identité ne puisse être subtilisée. Il faudra toutefois retravailler la rédaction de l’amendement en vue de la séance. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE8 de M. David Taupiac et sous-amendement CE70 de M. Thomas Cazenave, amendement CE41 de M. Jean-Pierre Vigier et sousamendement CE71 de M. Thomas Cazenave (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement propose de limiter la sous‑traitance à deux rangs pour les chantiers aidés et à interdire la sous-traitance aux entreprises ayant obtenu le label RGE de la part d’entreprises qui n’ont pas obtenu ce label.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis d’accord pour limiter à deux rangs la sous-traitance dans les chantiers RGE, après avoir vérifié auprès de la Capeb et de la FFB que le secteur y était favorable. En revanche, je ne souhaite pas empêcher les entreprises non reconnues RGE de sous-traiter à des entreprises reconnues RGE : cela pénaliserait de grandes enseignes de bricolage qui ont structuré un réseau artisanal et servent de nombreux clients. L’Anah nous a confirmé que ces acteurs ne posaient pas de problème du point de vue de la fraude.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Mon amendement vise également à limiter à deux rangs de sous-traitants les chantiers de travaux aidés par les fonds publics et à interdire aux entreprises qui n’ont pas la qualification RGE de sous-traiter ces chantiers.

La simple information du consommateur prévue par le texte en cas de sous-traitance des travaux ne suffira pas à limiter la fraude. L’argument de la protection de la liberté des entreprises n’est pas valable : l’amendement se limite aux chantiers aidés par des fonds publics, pour lesquels il est légitime que l’État impose un cadre. Enfin, la massification des rénovations énergétiques s’effectuera avant tout par des entreprises artisanales du bâtiment, qui sont 620 000 en France et représentent 97 % du secteur. Rien n’empêche la grande distribution de faire passer la certification RGE à ses salariés, si elle veut entrer sur le marché.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis favorable aux deux premières parties de l’amendement. Elles vont plus loin que le texte initial, qui se contentait d’imposer la bonne information du client, mais elles font consensus et le secteur y est prêt. Cependant, il existe tout un réseau d’entreprises artisanales qui bénéficient de la sous-traitance de la part d’acteurs non reconnus RGE qui réalisent à leur place le travail de prospection et de mise en relation. En interdisant la sous-traitance alors que personne ne le réclame, nous risquons de déstabiliser le marché.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne comprends pas votre raisonnement, monsieur le rapporteur. Soit la certification RGE s’impose pour tous les chantiers qui reçoivent des aides publiques, comme l’isolation, soit elle ne s’impose à personne ; dans ce dernier cas, il faut supprimer la RGE. Les artisans se plaignent déjà du coût et de la qualité de la formation RGE. Si l’on offre la possibilité de contourner ce cadre par la sous-traitance, on risque de voir des chantiers confiés à des autoentrepreneurs qui se prétendent maçons alors qu’ils n’ont aucune qualification. J’approuve les amendements de nos collègues.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Ce sont des travaux aidés qui sont visés : si l’État verse une aide, il peut fixer des critères. Il y a en France 620 000 entreprises du bâtiment qui représentent 97 % du secteur. Je comprends la demande de la grande distribution, mais elle devra se mettre en conformité avec les règles des chantiers aidés. Je suis prêt à accorder un délai aux entreprises pour qu’elles obtiennent la certification RGE.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’objet de la proposition de loi est de lutter contre la fraude aux aides publiques : les fraudes massives chez les mandataires financiers, la non-réalisation de travaux, les entreprises RGE à qui l’on doit retirer le label, etc. À la différence de la sous-traitance en cascade, qui est un facteur de fraude et de dégradation de la qualité des travaux, l’existence de grosses entreprises ne pose pas de problème de fraude. Vous vous attaquez à un autre sujet, qui est la structuration de la filière et la répartition de la valeur entre les opérateurs.

La commission rejette successivement le sous-amendement CE70 et l’amendement CE8.

Elle rejette le sous-amendement CE71 et adopte l’amendement CE41.

 

Amendement CE39 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Le mécanisme du mandataire financier, qui permet à une entreprise de faire l’intermédiaire entre l’Anah et le client, est un réel progrès. Cependant, l’Anah constate que 90 % des schémas de fraude passent par des mandataires financiers non fiables. L’amendement vise à réserver la pratique de mandataire financier aux entreprises sérieuses.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Effectivement, les fraudes se concentrent sur les mandataires financiers. Il convient de réfléchir à un système d’habilitation. Cependant, l’amendement présente des difficultés d’ordre rédactionnel ; je vous invite à le retirer et à le retravailler ensemble en vue de la séance.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je veux bien le retirer, malgré une inquiétude : aurons-nous le temps d’effectuer le travail nécessaire, compte tenu du délai de dépôt des amendements ?

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Nous ferons en sorte d’aboutir à un amendement dans les délais.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE40 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il est indispensable que la liste des entreprises sanctionnées pour fraude soit mise en ligne sur les sites de l’Anah, de France Rénov’ et de MaPrimeRénov’ afin que les clients puissent vérifier que l’entreprise avec laquelle ils traitent n’y figure pas. Cette publicité est une garantie, même s’il existe des mécanismes de contournement par lesquels certaines entreprises frauduleuses changent de nom et de territoire.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis favorable au name and shame. Nous devons faire pour MaPrimeRénov’ ce que nous prévoyons de faire pour les CEE à l’article 4, en publiant la liste des fraudeurs et la nature de la fraude. Néanmoins, je vous demande de retirer l’amendement pour les mêmes raisons que précédemment.

L’amendement est retiré.

 

Article 4 (articles L. 221-1, L. 221-91-1 et L. 222-1-1 [nouveaux], L. 222‑2 et L. 222-6 du code de l’énergie) : Diverses dispositions visant à améliorer la lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE44 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE5 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Il n’est pas acceptable que le consommateur finance les certificats d’économies d’énergie. Les consommateurs ayant engagé une démarche constructive et responsable au détriment de leur intérêt économique n’ont pas à payer pour connaître les résultats d’un service qu’ils ont déjà financé. C’est aux professionnels de fournir en amont un bilan énergétique des gains supposés des travaux et de choisir un organisme d’inspection accrédité.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’amendement est satisfait. Les contrôles ne sont pas à la charge financière des particuliers qui bénéficient des travaux, mais du demandeur qui a proposé de les financer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Cet amendement prévoit que le professionnel fournisse au consommateur, en amont des travaux de rénovation énergétique, un certificat d’économies d’énergie qui lui permettra de connaître les gains énergétiques potentiels en prenant en compte l’intégralité de la chaîne de production, de la fabrication jusqu’à la destruction des équipements. De nombreuses énergies n’ont de renouvelable que le nom ; elles sont coûteuses, fabriquées à l’étranger et souvent impossibles à recycler. Le consommateur pourra ainsi peser le pour et le contre de ce modèle et se tourner vers d’autres travaux plus vertueux, si les premiers ne correspondent pas à ses attentes en matière de réduction de gaz à effet de serre. Cessons de gaspiller l’argent public dans des aides coûteuses dont l’impact environnemental n’est pas adapté.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les certificats d’économies d’énergie ne fonctionnent pas de la manière que vous décrivez. Ce sont les obligés – autrement dit, les fournisseurs d’énergie et les distributeurs de carburant – ou leurs délégataires qui sont soumis à l’obligation de réaliser des économies d’énergie en réalisant des travaux chez des particuliers, ce qui leur permet d’obtenir des certificats d’économies d’énergie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE69 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à maintenir un reste à charge minimal pour les bénéficiaires des CEE. Certains travaux sont financés à 100 % par les CEE, ce qui crée un contexte propice à la fraude : un établissement public dont le changement de chaudière est pris en charge à 100 % sera moins regardant sur le montant du devis et la qualité des travaux.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je voterai contre l’amendement, à moins d’obtenir de plus amples précisions. Le reste à charge est un problème central pour les ménages modestes. Les CEE servent justement à le réduire, voire à le faire disparaître, en complétant MaPrimeRénov’. Je ne nie pas qu’il y ait des dérives, mais il me semble contre-productif d’imposer un reste à charge quand le combat social prioritaire devrait se concentrer sur son élimination pour les ménages modestes (ou très modestes) vivant dans des passoires thermiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il ne s’agit pas de remettre en cause les opérations visant à faire sortir de la précarité énergétique les Français des premiers déciles, pour lesquels existent des dispositifs de prise en charge à 100 %. L’amendement vise des opérations massives : on a vu dernièrement une opération « Thermostats à 1 euro », ou bien certains travaux proposés aux entreprises avec un reste à charge zéro. L’amendement ne fait que proposer la faculté de maintenir un reste minimal à la charge des bénéficiaires des économies d’énergie.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE47 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE66 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à renvoyer à un décret le soin de préciser les critères fondant l’autorisation ou le refus d’ouverture d’un compte CEE. On a vu des cas dans lesquels les dirigeants des entreprises demandeuses détenaient un compte offshore ou avaient reçu l’interdiction de gérer une entreprise.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE63 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE45 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement complète l’alinéa 9 en précisant que le montant de la sanction sera calculé en référence au montant des sanctions applicables pour les obligés qui ne s’acquittent pas de leurs obligations d’économies d’énergie.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE46 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE64 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à aligner les délais applicables pour la mise en place des plans d’actions correctifs, qu’ils soient volontaires ou imposés.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 4 modifié.

 

 

Après l’article 4

 

Amendement CE23 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il serait plus facile de limiter la fraude si l’on avait les moyens humains de vérifier ce qui se passe dans le cadre de MaPrimeRénov’, qu’il s’agisse de la labellisation des entreprises, de la réalité des travaux effectués ou de la déclaration des avantages qui en découlent, notamment les certificats d’économies d’énergie.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les effectifs sont connus : le pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE) compte 25 ETP. La proposition de loi facilite le travail et renforce les capacités d’action des agents mobilisés dans la lutte contre la fraude. Je ne crois pas que rédiger un rapport fasse le meilleur usage de leur temps. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement d’appel, qui met le doigt sur l’insuffisance des moyens humains.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 


Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

Service interministériel en charge de la coordination anti-fraude aux finances publiques

M. Éric Belfayol, chef de la mission

Audition commune :

Fédération Française du Bâtiment (FFB) *

M. Franck Perraud, président du Conseil des professions

M. Éric Durand, directeur des affaires techniques

M. Benoit Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) *

M. Jean-Christophe Repon, président

M. Alain Chouguiat, directeur des affaires économiques

M. Thibaut Bousquet, directeur des affaires publiques

Membres des différents corps d’inspection ayant établi le rapport relatif à la Revue des dispositifs de CEE (Conseil General de l’Économie) en préparation de la 6ème période

Mme Jeanne Mazière, inspectrice des finances

M. Philippe Geiger, membre permanent du CEE

Mme Anne-Michelle Basteri, inspectrice générale des finances

Tracfin

M. Antoine Magnant, directeur

Audition commune :

Service interministériel en charge de la coordination anti-fraude aux finances publiques

M. Éric Belfayol chef de la mission

Mme Christine Fournier, cheffe de projet enjeux numériques

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

M. Frédéric Iannucci, chef du service de la Sécurité juridique et du contrôle fiscal

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale

Audition commune :

Groupement des professionnels des Certificats d’Économies d’Énergie (GPCEE)

Mme Florence Lievyn, présidente (Sonergia)

M. Laurent Brugeilles, secrétaire (Capital Energy)

M. Matthieu Locci, trésorier (Leyton)

Association Technique Énergie Environnement (ATEE) *

M. Nicolas Frondaz, président

Mme Elisabeth Tatreaux, déléguée générale du Club C2E

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

M. Thomas Pillot, chef de service protection des consommateurs et régulation des marchés

Direction du climat, de l’efficacité énergétique et de l’air (DGEC/DCEEA)

M. Alexandre Dozières, adjoint à la directrice du climat et de l’efficacité énergétique,

Mme Coralie Ruffenach, sous-directrice de l’efficacité énergétique

Mme Sophie Dehayes, cheffe du pôle national des Certificats d’économie d’énergie

Cour des Comptes

M. François Demaret, conseiller référendaire

Mme Noémie Houard, conseillère référendaire

Office national anti-fraude (ONAF)

M. Christophe Perruaux, directeur

M. Pascal Filippi, directeur adjoint

Agence de services et de paiement (ASP)

M. Armand Sanséau, président-directeur général par intérim

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


 

Liste des contributions écrites reçues

Par ordre alphabétique

 

Direction de la sécurité sociale, ministère des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Maître Pierre Weinstadt, avocat au barreau de Paris représentant des entreprises de rénovation énergétique

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 * Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Cour des comptes, La détection de la fraude fiscale des particuliers, novembre 2023.

([2]) IGF-CGE-IGEDD, Revue du dispositif des certificats d’économie d’énergie en préparation de la sixième période, juillet 2024.

([3]) Cour des comptes, Le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population, octobre 2023.

([4]) IGF-IGAS, Revue des dépenses publiques d’apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024.

([5]) Caisse des dépôts, Rapport annuel 2022 Mon compte formation, novembre 2023.

([6]) Cour des comptes, Les certificats d’économies d’énergie : un dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains, juillet 2024. 

([7]) IGF-CGE-IGEDD, Revue du dispositif des certificats d’économie d’énergie en préparation de la sixième période, juillet 2024.

([8]) Le Fonds territorial d’accessibilité est un plan d’accompagnement de l’État pour accélérer la mise en conformité des établissements recevant du public aux obligations en matière d’accueil des personnes à mobilité réduite. Ce fonds est doté de 300 M€ sur 5 ans.

([9]) Aux termes de l’article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur la certification du service fait, l’exactitude de la liquidation, la production des pièces justificatives et l’application des règles de prescription et de déchéance.

([10]) Article 313-1 du code pénal : « L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».

([11]) Cf. article 226-13 du code pénal.

([12]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

([13]) Le service de communication interpersonnelle est défini à l’article L.32 du code des postes et des communications électroniques : c’est un type de service de communication électronique qui permet l’échange interpersonnel et interactif direct d’informations via des réseaux de communications électroniques entre un nombre fini de personnes, par lequel les personnes qui amorcent la communication ou y participent en déterminent le ou les destinataires. Il renvoie ainsi aux SMS, aux échanges personnels réalisés via des réseaux sociaux fondés ou non sur la numérotation (Messenger, Whatsapp, Instagram).

([14]) Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031585721.

([15]) Rapport d’information n° 2706 par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographique et environnementale, mai 2024.

([16]) Sont entendues comme informations relevant de « l’identité du ou des sous-traitants » :

– la dénomination sociale de la / des entreprises sous-traitantes ;

– le numéro de SIREN ou de SIRET de la / des entreprises sous-traitantes ;

– la forme juridique de l’entreprise ou des entreprises sous-traitantes ;

– l’adresse du siège social de l’entreprise ou des entreprises sous-traitantes.

([17]) Arrêté du 20 juillet 2023 définissant les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification et modifiant l’arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d’accréditation des organismes de certification.

([18]) Arrêté du 1er décembre 2015 relatif aux critères de qualifications requis pour le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique et des avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens.

([19]) Articles R. 222-12 à R. 221-13 du code de l’énergie.

([20]) Directive (UE) 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955.

([21]https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/Liste%20des%20d%C3%A9l%C3%A9gataires%20P5%20au%202024-02-23.pdf

([22]) Voir la première partie du présent rapport.

([23]) Selon le rapport IGF/CGE/IGEDD précité, sur la quatrième période de CEE, près de 70 % des certificats délivrés concernés des opérations d’économies d’énergie réalisées auprès des ménages.

([24]) Voir, par exemple, les annexes à cet arrêté du 18 novembre 2024.

([25]) Article L. 221-10 du code de l’énergie.

([26]) Article L. 221-9 du code de l’énergie.

([27]) Bilan annuel 2023 de la 5e période des CEE, pp. 29-30.

([28]) Annexe 5 de l’arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur.

([29]) Article R. 221-22 du code de l’énergie.

([30]) Voir articles R. 222-3 et suivants du code de l’énergie.

([31]) Donnée issue du rapport de la Cour des comptes précité (p. 84).

([32]) Bilan annuel 2023 de la 5e période des CEE.

([33]) Des sanctions pénales sont également prévues à l’article L. 222-8 du code de l’énergie.

([34])  Article L. 222-6 du code de l’énergie.

([35]) Bilan annuel 2023 de la 5e période des CEE.

([36]) Plus particulièrement, la fiche d’opération standardisée BAR-TH-164 « Rénovation performante d’une maison individuelle ».

([37])  471447, 11 juin 2024.

([38]) Arrêté du 12 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

([39]) Cf. article R. 222-7 du code de l’énergie.

([40]) 5° de l’article L. 222-2 du code de l’énergie.

([41]) Voir, par exemple, la décision du 26 avril 2024 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie.

([42]) https://www.leparisien.fr/economie/certificats-deconomie-denergie-totalenergies-et-dalkia-ont-fraude-des-aides-a-la-renovation-25-11-2024-JYJU6LGFMRAVRCHNAZN6GQMKFQ.php