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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 180),
DE Mme ELSA FAUCILLON, M. THOMAS PORTES
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,
visant à la création d’une flotte européenne de sauvetage en mer,
PAR Mme Elsa FAUCILLON,
Députée
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président, MM. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL vice‑présidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Mme Elsa FAUCILLON, M. Charles FOURNIER, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, Mme Hélène LAPORTE, MM. Jean LAUSSUCQ, Didier LE GAC, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, MM. Thomas PORTES, Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU, Sébastien SAINT-PASTEUR, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
SOMMAIRE
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Pages
A. le droit international régit le régime juridique applicable au sauvetage en mer
1. La Convention de Montego Bay précise les contours de la souveraineté des États sur la mer
3. La Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime (1979)
B. Les compétences résiduelles de l’Union européenne : Frontex, une agence pour quoi faire ?
1. L’Union européenne ne dispose pas de compétence directe en matière de sauvetage en mer
2. Frontex, une agence pour quoi faire ?
1. Un bilan humain inacceptable et inaccepté
2. L’échec des États à sécuriser les voies migratoires repose sur une double cause
a. Un partage d’information défaillant : d’Eurosur à Alarm Phone
b. Le dysfonctionnement de certaines zones SRR : les zones maltaise et libyenne
a. La délégation progressive de la surveillance et du sauvetage en mer aux ONG
b. Criminalisation et délits d’entrave à défaut de coopération constructive
c. Frontex a été condamnée pour manquements à ses obligations
B. CRéer une flotte de solidarité sur le fondement du droit humanitaire
1. Définir la Méditerranée comme un espace humanitaire à part entière
2. Inciter la Commission européenne à créer une flotte de solidarité européenne
a. L’absence de compétence explicite dans les traités n’est pas un frein
b. Contrôler les frontières extérieures, une base juridique envisageable
2. Conditionner l’aide opérationnelle de Frontex au respect des droits fondamentaux
PROPOSITION DE RÉSOLUTION INITIALE
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE R֤ÉSOLUTION EUROPÉENNE
Annexe n° 1 : théorie de l’appel d’air
annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteurE
Mesdames, Messieurs,
Combien de morts faudra-t-il attendre pour agir ? Nous avons déjà dépassé le nombre de 30 000 ! La mer Méditerranée, autrefois espace de prospérité et de paix, est aujourd’hui comparée à un cimetière à ciel ouvert.
Combien d’images chocs, combien d’Aylan gisants sans vie sur une plage de Méditerranée, faudra-t-il attendre pour réveiller nos consciences et enfin agir ?
Rappelons-le, ici : le droit international ne reconnaît aucunement le délit de séjour irrégulier en mer. Ce n’est pas uniquement par la lutte contre les passeurs et autres criminels qui bradent la vie de ceux venus chercher un espace de paix et de sécurité en Europe que nous mettrons fin à ces tragédies. C’est encore moins en invoquant la théorie dite de « l’appel d’air », si utile pour justifier la non action des États frileux, puisque celle-ci n’existe pas. De nombreuses études le prouvent.
Faisons preuve de courage et de responsabilité. Les pays européens ne peuvent s’exonérer des causes qui poussent sur les routes de l’exil tout en externalisant leurs propres frontières. Être solidaires, c’est aussi respecter les valeurs que prône l’Union européenne, nous nous devons d’agir face à cette tragédie humaine, notamment en créant une flotte de solidarité européenne.
La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, affirmait lors de son discours sur l’état de l’Union qu’il fallait une volonté politique forte pour que l’Union européenne prenne enfin ses responsabilités en termes de sauvetage en mer ([1]):
« Nous adopterons une approche axée sur l’humain et empreinte d’humanité. Le sauvetage des vies humaines en mer n’est pas optionnel. Et les pays qui remplissent leurs obligations juridiques et morales ou qui sont plus exposés que les autres doivent pouvoir compter sur la solidarité de toute notre Union européenne [...]. Nous devons tous intensifier nos efforts en la matière et prendre nos responsabilités ».
Passons aux actes : osons la solidarité, soutenons les États membres les plus exposés aux arrivées migratoires, tels que l’Italie et la Grèce, à renforcer leurs capacités d’intervention en mer, pour que nos consciences républicaines, notre humanité ne soient plus hantées par le souvenir de ces vies perdues, qui auraient pu ne pas l’être, si nous avions su montrer davantage de solidarité.
Si l’Union européenne ne dispose pas d’une compétence explicite en matière de sauvetage en mer, celui-ci repose sur les compétences des États membres, telles que définies par le droit international public qui régit l’espace maritime. Ici, il est pratique de se réfugier derrière de mauvais arguments juridiques pour justifier de l’inaction politique.
L’une des autrices de la proposition de résolution européenne transpartisane sur la nécessité d’une action de l’Union en matière de recherche et de sauvetage en Méditerranée, votée le 13 juillet 2023, par le Parlement européen, Mme Fabienne Keller l’a formulé ainsi : « Lorsque la volonté politique existe, la voie juridique se trouve », et nous l’avons trouvée !
I. Le sauvetage en mer Méditerranée : un cadre juridique complexe régi par le droit international portant obligations pour les États d’entraide et d’assistance
Le droit international précise les obligations des États en termes d’obligation de secours et d’assistance en mer. Le droit maritime, essentiellement coutumier, a progressivement été placé sous l’emprise des normes internationales.
Dès 1948, le principe de la création d’une organisation mondiale maritime est posé, par une conférence intergouvernementale, à Genève.
En 1958, l’Organisation maritime internationale (OMI) est créée par convention. Son rôle consiste à permettre une collaboration internationale efficace entre États membres en termes de sécurité et d’assistance maritime.
Plusieurs conventions internationales déterminent les règles applicables au sauvetage en mer, dont la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention dite « SOLAS »), en 1974, puis par la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime, en 1979, modifiée en 1994, qui définit des zones maritimes de recherche et de sauvetage (SAR ou SRR) entre États parties.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) dite Convention de Montego Bay, adoptée en 1982, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU), quant à elle, détermine le régime juridique applicable aux différents espaces maritimes composant la mer, et rappelle les obligations des États en termes d’assistance et de secours.
Le Traité sur la Haute mer, signé le 4 mars 2023, non encore entré en vigueur, la complète, même s’il n’ajoute pas de dispositions spécifiques relatives au sauvetage en mer ou à la délimitation des zones maritimes.
A. le droit international régit le régime juridique applicable au sauvetage en mer
La Convention de Montego Bay précise les compétences et les obligations des États en mer.
Tardive par rapport aux conventions relatives à la sécurité et au devoir d’assistance en mer, elle précise les contours de la souveraineté des États, leurs obligations et codifie un certain nombre de règles d’origine essentiellement coutumière, en termes de responsabilité étatique.
1. La Convention de Montego Bay précise les contours de la souveraineté des États sur la mer
La Convention dite de Montego Bay ([2]) divise la mer en trois espaces distincts qui détermine la compétence des États en termes de pouvoir de police notamment. 157 États sont parties à la Convention de Montego Bay dont l’Union européenne. ([3])
La mer est divisée en trois espaces distincts : la mer territoriale (12 000 nautiques ([4]) des côtes), la zone économique exclusive, dite ZEE (200 nautiques à partir de la fin des eaux territoriales), la haute mer ou eaux internationales.
La mer territoriale correspond aux eaux de souveraineté : l’État côtier gère seul cette zone, il détient toutes les compétences.
Dans la ZEE, l’État côtier ne cumule plus tous les pouvoirs : il dispose de pouvoirs de polices spéciales, à savoir la préservation de l’environnement ainsi que le monopole de l’exploitation de la ressource halieutique, excepté au sein de l’Union européenne, où celle-ci relève de la politique commune de la pêche (PCP).
En revanche, l’État côtier n’a aucune compétence au-delà des 200 nautiques où s’applique le régime dit de la haute mer, « régime de la liberté absolue ».
En haute mer, la CNUDM prévoit des pouvoirs de polices universelles. C’est le régime de la liberté qui s’applique contrairement aux eaux territoriales dans lesquelles l’État côtier détient les pleins pouvoirs. Ainsi un navire portant un pavillon étranger souhaitant naviguer dans les eaux territoriales doit avoir été préalablement autorisé à le faire.
En effet, les États ont une obligation de sauvetage en mer aux termes de l’article 98 de la CNUDM, et ce à un double titre.
En vertu de la loi dite du pavillon, tout capitaine de navire a un devoir d’assistance et doit porter secours à toute personne en détresse en mer. ([5])
La loi du pavillon implique donc que l’État dont le navire porte le pavillon est compétent tant en termes de police que de responsabilité. Toutefois, certains navires peuvent porter des « pavillons dits de complaisance », à savoir des pavillons d’États non respectueux du droit international, soit parce qu’ils sont faillis, soit parce qu’ils sont en partie corrompus.
Aux termes de l’article 98, les États côtiers disposent également d’une obligation de créer « un service permanent de recherche et de sauvetage » pour assurer la sécurité maritime et aérienne, et collaborer avec leurs voisins, si nécessaire. ([6])
2. La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention dite SOLAS), 1974
La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite « Convention SOLAS », est l’instrument clé de la sécurité maritime. Entrée en vigueur en 1974, elle précise quelles sont les obligations des capitaines de navire, donc des États membres.
La règle 33 de la Convention SOLAS porte ainsi obligation de porter assistance aux personnes en détresse, cette obligation prend fin avec le débarquement dans un lieu sûr. ([7])
Ainsi « le capitaine d’un navire en mer qui est en mesure de prêter assistance et qui reçoit, de quelque source que ce soit, une information indiquant que des personnes se trouvent en détresse en mer, est tenu de se porter à toute vitesse à leur secours, si possible en les informant ou en informant le service de recherche et de sauvetage [...].»([8])
3. La Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime (1979)
La convention internationale relative à la recherche et au sauvetage en mer (SRR ou SAR) a établi un cadre de coopération entre les États pour assurer la sécurité des personnes en détresse en mer.
Une « zone SRR » ([9]) est un espace géographique maritime de recherche et de sauvetage, défini par convention. Au sein de cet espace, un État côtier a la responsabilité de la coordination des opérations de secours dans ses eaux territoriales et dans les eaux internationales adjacentes.
La Convention oblige l’État responsable de la zone SRR à :
- la coordination des services de recherche et de sauvetage ;
- la coordination des moyens de recherche et de sauvetage ;
- la création de centres de coordination et de sauvetage (dits MRCC) ;
- la désignation des unités de sauvetage nationales et de leurs moyens et équipements.
Les centres de coordination et de sauvetage (MRCC) doivent organiser les opérations de sauvetage mais également, depuis 2004, débarquer les personnes naufragées dans un « lieu sûr ». ([10])
Selon la définition adoptée par le Comité sur la Sécurité Maritime en 2004 ([11]), un « lieu sûr » est un endroit où les besoins vitaux des naufragés sont garantis (abri, nourriture, accès aux soins) et où ils pourront exercer leurs droits, notamment en déposant une demande d’asile si nécessaire.
Cette obligation « s’applique quels que soient la nationalité ou le statut de ces personnes ou les circonstances dans lesquelles elles se trouvent », ainsi que dans le respect du droit international et des droits fondamentaux. ([12])
Découpage de la mer Méditerranée en SRR
Source : Préfecture maritime de la Méditerranée.
La Méditerranée comprend plusieurs zones SRR divisées entre tous les États méditerranéens côtiers. La France a la responsabilité de la zone SRR « Méditerranée centrale ».
Le directeur des opérations de sauvetage dans cette zone est le préfet maritime, représentant de l’État en mer, basé à Toulon.
Un centre opérationnel est dédié à cette tâche : il s’agit du Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) de La Garde, le CROSS‑MED, qui dispose d’un site secondaire implanté en Corse (Aspretto) pour mieux couvrir le sud de cette zone de responsabilité.
En cas d’opération de sauvetage sur les franges de la SRR, le centre de sauvetage peut solliciter le concours de moyens voisins et vice-versa. Lors de son audition M. Thierry de la Burgade, commissaire général, adjoint du préfet maritime, a donné un exemple de coordination des opérations en mer : le 5 novembre dernier, le centre de sauvetage d’Alger a sollicité un concours aérien auprès du CROSS La Garde pour la recherche d’un marin d’un pétrolier tombé à la mer. Un moyen aérien a investigué la zone demandée pendant près de 6 heures à cette fin.
L’ensemble des zones maritimes étant divisé en SRR, en théorie, aucun drame humain, erreur humaine exceptée, ne devrait arriver. Or, le constat est inverse, dû à un manque de coordination entre États parties, ou entre États faillis, ou entre États refusant d’assumer leur responsabilité. (cf. infra)
Les obligations en termes de sauvetage en mer posées par le droit international sont claires : elles reposent sur les États membres, qu’il s’agisse de l’État du pavillon, de l’État côtier ou de l’État responsable d’une SRR.
L’obligation d’assistance et de secours, non discriminatoire, en mer, est impérative. Seule l’incapacité du navire à porter assistance, car cela reviendrait à se mettre soi-même en danger, peut exonérer le capitaine, et donc l’État, de sa responsabilité de n’avoir pas porté assistance à une personne en détresse. Cette obligation repose donc sur une « obligation de moyens » et non de « résultats ».
En résumé, tout État doit pouvoir porter assistance à une personne en détresse, aider à la recherche et à la coordination de la recherche des personnes en danger, sans discrimination, obligation qui prend fin, une fois la personne débarquée dans un lieu sûr.
L’Union européenne ne dispose pas de compétences spécifiques en la matière, excepté au titre de sa compétence en matière de surveillance des frontières extérieures, découlant du règlement portant création de l’Agence de surveillance des frontières extérieures, dite Frontex. ([13])
B. Les compétences résiduelles de l’Union européenne : Frontex, une agence pour quoi faire ?
1. L’Union européenne ne dispose pas de compétence directe en matière de sauvetage en mer
L’Union est partie à la Convention de Montego Bay. Aucune disposition des traités européens ne donne compétence à l’Union pour intervenir au titre d’opérations de sauvetage en mer. Seuls, le règlement de Frontex ainsi que le Pacte Asile et Migration, adopté le 14 mai 2024 mentionnent une compétence résiduelle de l’Union européenne en matière de sauvetage en mer, celui-ci étant un défi à prendre en compte dans le cadre de la gestion des frontières ([14]).
2. Frontex, une agence pour quoi faire ?
Frontex, agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a pour principale mission la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne.
Cette mission se limite : « aux opérations de surveillance des frontières menées par les États membres à leurs frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne. » ([15])
Frontex apporte une assistance technique et opérationnelle aux États membres et organise des opérations conjointes pour répondre aux besoins de contrôle aux frontières extérieures. ([16])
Ainsi en matière de sauvetage en mer, Frontex ne dispose d’aucune compétence autonome : son rôle se limite à faciliter le déploiement de moyens opérationnels et assurer une meilleure coordination entre États membres et pays tiers au sein des centres nationaux de coordination (MRCC), pour mettre en commun l’échange d’informations ( [17]) entre États membres mais également avec des pays tiers. ([18])
L’appui de Frontex peut prendre la forme d’une assistance opérationnelle ou d’alerte aux autorités nationales compétentes si lors de ses missions de surveillance, l’Agence a détecté une situation d’urgence humanitaire. ([19]) Cette mission d’assistance peut nécessiter le déploiement du contingent permanent, notamment dans les zones d’urgence migratoire. ([20])
Trois opérations maritimes conjointes de Frontex sont actuellement déployées en Méditerranée : l’opération Poséidon en Méditerranée orientale, Themis en Italie et Indalo en Espagne. Des opérations de renfort, comprenant uniquement des moyens aériens ont également été déployées auprès de deux pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne : le Monténégro et l’Albanie.
Certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont pu critiquer le manque de coopération de Frontex. Toutefois, Mme Fabienne Lassalle, directrice générale adjointe de l’association SOS Méditerranée, a précisé lors de son audition que, de manière très récente, l’agence a communiqué à plusieurs reprises la position de navires en détresse à l’ONG. Toutefois, l’audition de Frontex, menée par votre rapporteure l’a partiellement convaincue de la volonté coopérative de l’agence.
3. Le Pacte Asile et Migration enregistre de timides avancées en termes de reconnaissance d’une solidarité entre États membres
Le principe de solidarité entre États membres, récemment réaffirmé par le Pacte Asile et Migration, ([21]) n’apporte que peu d’évolutions concrètes pour l’amélioration du sauvetage en mer.
Le Pacte Asile et Migration reconnaît les difficultés relatives à la gestion des demandes d’asile en cas d’opération de débarquement suite à un sauvetage en mer ([22]). Le critère de responsabilité de l’État membre dans la gestion de la demande d’asile s’en trouve assoupli, et lorsqu’un demandeur d’asile est débarqué sur le territoire d’un État membre suite à une opération de sauvetage, la responsabilité de l’État prend fin si la demande « est enregistrée plus de douze mois après la date à laquelle le débarquement a eu lieu. » ([23])
Le Pacte crée un lien entre pression migratoire et sauvetage en mer, relation qui n’existait pas dans le règlement précédent. ([24]) La qualification de pression migratoire due à des opérations de sauvetage en mer emporte toutefois des conséquences tant financières qu’humaines ou techniques.
En effet, le Pacte prévoit la mise en place d’une réserve annuelle de solidarité dont le montant financier est fixé tous les ans. Les États membres soumis à une pression migratoire du fait de débarquements faisant suite à des opérations de sauvetage en mer obtiennent ainsi la mise à disposition d’un pourcentage de la réserve annuelle de solidarité, sur décision de la Commission européenne. ([25])
II. La proposition de résolution européenne propose de créer une flotte de sauvetage en mer méditErranée sur le fondement tant du droit humanitaire que de la solidarité entre états membres
A. L’échec des États membres à empêcher les drames humanitaires nécessite une action à l’échelle de l’Union européenne
1. Un bilan humain inacceptable et inaccepté
Le bilan humain est inacceptable : plus de 30 000 morts, depuis 2014, en mer Méditerranée. Sans l’action d’acteurs non étatiques, il serait bien plus élevé. L’ONG SOS Méditerranée avance le chiffre de 2 500 vies sauvées, en 2022, par l’Ocean Viking, le navire qu’elle affrète.
Les raisons de cet échec sont collectives : manque de réactivité de l’Agence Frontex, comme le souligne la Médiatrice européenne, à propos du naufrage de l’Adriana, mais également tardivité de la réponse des États membres une fois ceux-ci prévenus par Frontex. ([26])
Le Naufrage de l’Adriana, exemple emblématique d’une mauvaise coordination entre Frontex et un État membre, la Grèce
L’Adriana, bateau de pêche transportant clandestinement entre 400 et 750 migrants, a fait naufrage en mer Ionienne, près de Pýlos, en Messénie, le 14 juin 2023. Les autorités grecques ont secouru 104 survivants, tandis que 78 corps ont été retrouvés. Au moins 82 personnes sont officiellement déclarées décédées, et jusqu'à 500 sont portées disparues. Les circonstances du drame demeurent floues, mais les témoignages de rescapés mettent en cause l'intervention tardive des garde-côtes grecs et leur possible responsabilité dans le chavirage du navire lors d'une tentative de remorquage, ce qui a suscité de vives critiques.
La responsabilité de Frontex a également été mentionnée pour avoir donné une alerte tardive aux autorités grecques, qui une fois prévenues, ont également tardé à réagir.
Il est difficile d’établir des responsabilités claires, mais l’absence de réactivité tant de Frontex que des autorités nationales n’est pas sans conséquences sur ce drame humain.
Ce bilan est également inaccepté. En 2020, la présidente de la Commission européenne a ainsi appelé à davantage de solidarité et d’humanité pour que la Méditerranée ne soit plus synonyme de cimetière. ([27])
En juillet 2023, trois agences de l’ONU, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), après un énième naufrage au large des côtes tunisiennes, ont également appelé les États à prendre leur responsabilité et à agir de concert pour éviter davantage de drames. ([28])
Le 13 juillet 2023, le Parlement européen a voté une résolution transpartisane demandant à l’Union européenne d’agir pour mettre fin à ce scandale humanitaire, par la création d’une « mission européenne de recherche et de sauvetage en mer », « complète » et « pérenne » ([29]). Cette résolution précise également que « Frontex, en étroite coopération avec les États membres, devrait jouer un rôle déterminant pour garantir une réaction plus proactive de l’Union en matière de recherche et de sauvetage. »
Outre un renforcement du rôle de Frontex, la résolution européenne met aussi en exergue la question fondamentale du respect de la protection des droits de l’homme par les autorités libyennes.
2. L’échec des États à sécuriser les voies migratoires repose sur une double cause
a. Un partage d’information défaillant : d’Eurosur à Alarm Phone
Le défaut de communication entre États, particulièrement en Méditerranée centrale, est un obstacle majeur à l'efficacité des opérations de sauvetage en mer. Médecins Sans Frontières et SOS Méditerranée ont signalé à plusieurs reprises des lacunes dans la répartition des responsabilités, notamment lorsque plusieurs navires de sauvetage sont impliqués dans une même opération ([30]).
Le manque de coopération entre les États met en péril tant la sécurité des migrants en mer, la répartition des naufragés que la sécurité des sauveteurs.
Si la Convention SRR impose de disposer d’un centre MRCC pour partager l’information sur les navires en détresse, nombre d’entre eux sont totalement inexistants tels le MRCC libyen, ce que plusieurs auditions ont confirmé.
Outre ces défaillances, le Système européen de surveillance des frontières (Eurosur), instrument d’échange d’informations destiné à renforcer la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne, qui permet aux pays de l’espace Schengen et à l’agence Frontex de partager des informations via un réseau de communication sécurisé pour une actualisation de tableaux de situation en temps quasi réel, ne serait pas non plus toujours efficace. ([31])
Selon un audit de la Cour des comptes européenne de 2019 ([32]), des disparités entre États membres persisteraient dans l’utilisation du système non sans conséquences sur son efficience. Toutefois, les auditions menées confirmeraient des améliorations dans l’interopérabilité des données.
En conséquence, une initiative privée, à des fins de protection des migrants a porté un système concurrent, le système privé Alarm Phone. Limité à la seule localisation des migrants en mer, il n’a pas vocation à remplacer Eurosur, qui assure une interopérabilité entre Frontex et les États membres sur toutes les questions relatives à la gestion des frontières extérieures.
b. Le dysfonctionnement de certaines zones SRR : les zones maltaise et libyenne
Malte a refusé de ratifier les amendements à la Convention SRR, en 2004 ([33]), imposant à l’État coordonnant les opérations SRR la prise en charge des naufragés. Ce refus a conduit à des situations tragiques, telles que le blocage en mer du navire Aquarius, en 2018.
Le rapport de suivi du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en réponse à la Résolution de 2019, intitulé Un appel de détresse pour les droits de l’homme : des migrants de moins en moins protégés en Méditerranée, met en exergue la responsabilité de Malte. ([34])
Des allégations précises font état de la non-transmission d’informations cruciales aux entités responsables du sauvetage et de la lenteur des réponses des États côtiers. Un bateau de migrants aurait été tracté depuis la zone de recherche et de sauvetage maltaise jusqu'à la région de recherche et de sauvetage italienne, témoignant ainsi de l'inefficacité et de la désorganisation des opérations de sauvetage dans cette région.
Ce rapport souligne également le manque de moyens de sauvetage dont disposent les États membres ainsi que les entraves administratives ou pénales faites aux ONG dont l’objet est de sauver des vies en mer.
La défaillance de la zone SRR maltaise a été confirmée par plusieurs auditions, dont celle de SOS Méditerranée et de la Médiatrice européenne. Selon Mme Fabienne Keller, eurodéputée, les garde-côtes maltais n’auraient pas secouru d’embarcations dans leur zone SRR depuis deux ans et demi.
Quant à la SRR libyenne, elle est inexistante car elle ne fonctionne pas. La situation est différente, Malte, est un État membre refusant ses engagements en termes de solidarité, la Libye est un État failli.
La création de la zone SRR libyenne, en 2018, a été soutenue tant par l’Union européenne que l’Italie, 46 millions d’euros ont ainsi été attribués à la Libye à cet effet. ([35])
Les garde-côtes libyens disposent d’une responsabilité accrue en mer Méditerranée, alors qu’une gestion inefficace et des violations massives des droits des migrants sont régulièrement dénoncées tant par l’ONU que la Commission européenne pour laquelle la Libye n’est pas un « lieu sûr » ([36]). Les personnes débarquées subiraient des traitements inhumains dans des camps de détention.
Mme Fabienne Lassalle, directrice générale adjointe de SOS Méditerranée et Mme Lucille Guenier, responsable de communication pour le département des opérations de SOS Méditerranée ont témoigné avoir entendu des garde-côtes libyens tirer à la kalachnikov à l’encontre de navires d’ONG.
On peut également s’interroger sur la complicité de certains États membres de l’Union européenne, Malte ou l’Italie, qui, toujours selon Mme Fabienne Lassalle, préfèreraient laisser dériver les embarcations vers la zone SRR libyenne, pour éviter d’avoir à débarquer les migrants rescapés dans leurs ports.
3. La défaillance de certaines zones SRR entraîne une délégation progressive du devoir de secours et de sauvetage aux ONG sans véritable coordination entre États et organisations non étatiques
a. La délégation progressive de la surveillance et du sauvetage en mer aux ONG
En Méditerranée, une dynamique de délégation progressive des responsabilités de secours et de sauvetage s’est installée. Les ONG sont de plus en plus sollicitées pour intervenir dans les zones de crise, sans pour autant bénéficier de financements ou de soutien de la part de l’Union européenne.
Le nombre d’ONG opérant en mer Méditerranée est particulièrement élevé : outre le navire Océan Viking affrété par l’ONG SOS Méditerranée, dont les actions ont été largement médiatisées, on recense 20 navires, opérant essentiellement sous pavillon des États membres.
Pour votre rapporteure, cette flotte, conséquente, pourrait venir en renfort aux moyens dont disposent les États membres, en étant sous l’égide de l’Union européenne. Force d’intervention conséquente pour empêcher les drames humanitaires en cours, son action se trouve aujourd’hui en partie entravée par certains États membres.
Navires affrétés par des ONG de sauvetage en mer opérant en Mer Méditerranée
Source : Préfecture maritime de la Méditerranée.
b. Criminalisation et délits d’entrave à défaut de coopération constructive
Outre une absence de coordination regrettable, les navires humanitaires affrétés par les ONG subissent des stratégies délibérées d’entrave dommageables. Ainsi, les autorités italiennes leur ont, à plusieurs reprises, assigné des ports de débarquement éloignés du lieu du naufrage, ralentissant d’autant leurs opérations de secours et augmentant leurs coûts. En 2023, on dénombre aussi seize détentions administratives pour 320 jours cumulés, illustrant la stratégie restrictive de l'Italie. ([37])
Par ailleurs l’Italie a pris un décret-loi, le décret dit Piantedosi,([38]) interdisant les sauvetages en mer successifs. Ce décret, de facto, entrave l’action des ONG opérant dans la SRR italienne. Même si un tribunal sicilien a jugé que les ONG n’entretenaient aucune forme de collusion avec les passeurs ([39]) les restrictions à leur action ont perduré, incluant l'interdiction de survols humanitaires en Méditerranée centrale ([40]).
Les conséquences de ce jeu non coopératif ont un coût élevé en vie humaine et nécessitent d’autant plus une coordination des actions à l’échelle de l’Union européenne.
c. Frontex a été condamnée pour manquements à ses obligations
Plusieurs enquêtes de la Médiatrice européenne ([41]) montrent que Frontex a failli à ses obligations en ne transmettant pas les informations sur la position des navires, notamment dans le cas médiatisé du naufrage récent de l’Adriana (cf. supra).
Plus grave, un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), établi en 2022, accuse Frontex d’avoir omis à plusieurs reprises de signaler des refoulements de migrants dans les eaux grecques, d’avoir sciemment quitté une zone de la mer Égée pour ne pas être témoin d’un accident en cours, d’avoir failli plusieurs fois à sa mission mais également d’avoir délibérément exclu les officiers des droits fondamentaux des opérations de sauvetage entreprises.
Le rapport, qui n’a toujours pas été publié ([42]), accuse également Frontex d’avoir délibérément menti à la Commission ainsi qu’au Parlement européen.
Si l’Agence a depuis ces critiques nourries fait un travail sur sa gouvernance afin d’éviter que des erreurs similaires ne se répètent, ce que les auditions ont confirmé, il apparaît clairement que l’absence de coopération à tous les niveaux d’intervention, entre Frontex et les États membres, se paie en vie humaine.
B. CRéer une flotte de solidarité sur le fondement du droit humanitaire
1. Définir la Méditerranée comme un espace humanitaire à part entière
Si la convention internationale SRR a pour objet de délimiter des zones de recherche et de sauvetage, force est de constater que le jeu non coopératif de certains États membres de l’Union européenne, ou d’États tiers, la prive, en partie, de son objet, la prévention des drames humains.
Aujourd’hui, force est de constater que la mer Méditerranée est devenue un cimetière à ciel ouvert. Nous ne pouvons nous résoudre à ce constat, et faisons nôtre, la proposition de M. Pierre Micheletti, membre de la Commission consultative nationale des droits de l’Homme (CNCDH) ([43]), de reconnaître la Méditerranée centrale comme un « espace humanitaire ».
La dimension ambitieuse de cette proposition ne nous échappe pas, mais consacrer la mer Méditerranée en tant qu’« espace humanitaire », c’est garantir la liberté d’action des ONG dans leurs activités de recherche et de secours des migrants dans la zone. Consacrer la mer Méditerranée comme un « espace humanitaire » n’est rien d’autre qu’assumer les valeurs que portent l’Europe et la République française et se conformer au droit international qui ne reconnaît pas de délit de séjour irrégulier en mer.
2. Inciter la Commission européenne à créer une flotte de solidarité européenne
L’idéalisme n’empêche en rien le pragmatisme. Le projet européen n’est-il pas fait d’allers-retours entre ces deux aspirations ? La création d’une flotte de solidarité européenne repose sur un exemple concret, Mare Nostrum.
Toutefois, contrairement à cette opération, où un seul État, l’Italie, portait le fardeau financier et opérationnel, la flotte de solidarité européenne serait financée par les contributions de tous les États membres, avec un soutien logistique et financier de l’Union européenne.
Mare Nostrum (2013-2014) et Triton (2014-2018)
Lancée en octobre 2013 à la suite du naufrage de Lampedusa, Mare Nostrum est une opération militaire et humanitaire italienne visant à secourir en mer les migrants en détresse. Elle a été partiellement remplacée par l’opération Triton (Frontex) en novembre 2014.
L'opération Mare Nostrum, lancée par l'Italie en 2013 après le naufrage de Lampedusa, est un modèle d'intervention humanitaire en mer Méditerranée, la plus grande opération en mer Méditerranée à ce jour. Sa mission principale était la recherche et le sauvetage en mer. Les agents de Mare Nostrum étant principalement chargés d’intercepter les embarcations de migrants quittant les côtes libyennes, en patrouillant une surface de 70 km2 englobant les zones SAR (Search and Rescue) libyenne, italienne et maltaise. Le budget de Mare Nostrum s’élevait à 9,5 millions d’euros par mois, financés intégralement par le gouvernement italien. Même si cette opération n’a pas pu secourir tous les migrants en mer Méditerranée, elle a permis de sauver 150 000 personnes en un an.
Cependant, certains dirigeants européens et Frontex ont critiqué Mare Nostrum en l’accusant à la fois d’encourager les migrants à effectuer une traversée dangereuse (pull factor of migration) et les passeurs (push factor of migration). Cette théorie dite de l’« appel d’air » selon laquelle la présence de navires secourant les migrants en détresse encouragerait les traversées est réfutée par plusieurs ONG et études (cf. Annexe du présent rapport), expliquant que l’augmentation des traversées résulte de facteurs régionaux plus profonds, notamment des crises dans la Corne de l’Afrique ou en Libye. Si le nombre de migrants traversant la mer Méditerranée pendant et après l’opération Mare Nostrum, n’a pas décru, le nombre de morts a considérablement augmenté après la fin de l’opération en 2014.
Critiquée pour son coût et ses éventuelles conséquences dommageables en termes de migrations, l'opération Mare Nostrum a été remplacée par Triton en 2014, une opération conjointe coordonnée par Frontex dont l'objectif était davantage axé sur la surveillance que sur le sauvetage en mer. En effet, elle n’était dotée ni du mandat ni des moyens nécessaires pour effectuer des missions de recherche et de sauvetage en mer, suscitant de nombreuses critiques pour son manque d'efficacité en matière de protection des migrants en détresse.
Le champ d'opération de Triton, successeur de Mare Nostrum, ne s’étendait que jusqu’à 30 000 milles nautiques, laissant les 40 000 milles nautiques auparavant sous l’égide de l’opération Mare Nostrum sans surveillance. L’opération Triton comptait également bien moins de moyens à sa disposition. Triton bénéficiait de moins trois millions d’euros par mois, le budget combiné des États-membres étant donc inférieur à celui accordé par la seule Italie à Mare Nostrum. De plus, les agents de Triton ne pouvaient mener des opérations de recherche et de sauvetage en mer au-delà de leurs 30 000 milles nautiques qu’à la demande des garde-côtes de l’État membre concerné. Cette délimitation géographique a induit une absence de patrouille en zone SAR libyenne par les navires de Triton. Ces derniers, postés loin des côtes libyennes, les embarcations de migrants pouvaient être laissées à la dérive pendant plusieurs jours.
Après la fin de Mare Nostrum, le nombre de tentatives de traversées de la Méditerranée est resté relativement stable, mais le nombre de personnes décédées en mer a rapidement augmenté. Environ 900 morts ont été décomptés durant les trois premiers mois et demi de l’opération Triton, contre seulement 17 en avril 2014 avec Mare Nostrum.
Il importe de déconstruire la théorie de l’appel d’air, trop souvent utilisée pour justifier l'inaction. La fin de l’opération Mare Nostrum, ainsi que de nombreuses études l’ont bien démontré (cf. annexe), n’a pas fait baisser le nombre de migrants prenant le risque de traverser la mer Méditerranée dans des conditions de fortune. La différence réside uniquement en nombre de vies sauvées.
a. L’absence de compétence explicite dans les traités n’est pas un frein
Aucune base juridique dans les traités ne donne explicitement une compétence à l’Union européenne pour agir en matière de sauvetage en mer.
Il est fréquent que les opposants à la création d’une flotte de sauvetage en mer invoquent l’absence de bases juridiques dans les traités donnant explicitement cette compétence à l’Union. Alors même qu’au titre du droit humanitaire présent tant dans le TFUE ([44]) que dans la Charte des droits fondamentaux ([45]) ou des articles relatifs au contrôle des frontières, une telle compétence pourrait se déduire de la solidarité entre États membres ([46]).
Toutefois, l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) considère que l’Union peut adopter des mesures appropriées, en l’absence de compétence, pour atteindre un objectif de l’UE. L’article 3 du traité sur l’Union européenne (TUE) qui énumère les objectifs de l’UE, met au nombre de ceux-ci explicitement la protection des droits de l’Homme, le respect du droit international ainsi que la solidarité et le respect mutuel entre les peuples.
Compétences subsidiaires : article 352 du TFUE
L’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit une règle permettant à l’Union européenne (UE) d’adopter les mesures appropriées lorsque, conformément aux traités, elle manque de compétence.
L’article 352 du TFUE ne peut servir de base juridique que si les conditions suivantes sont remplies : l’action envisagée est nécessaire pour atteindre un objectif de l’UE, dans le cadre des politiques définies par les traités (à l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune) ; l’action de l’UE a été jugée nécessaire ; aucune disposition du traité ne prévoit d’action pour la réalisation de cet objectif ; l’action envisagée n’étend pas les compétences de l’UE au-delà de ce qui est prévu par les traités.
Sur proposition de la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne adopte des textes sur la base de l’article 352 du TFUE à l’unanimité, après approbation du Parlement européen.
La Commission, à travers la procédure de contrôle du respect du principe de subsidiarité prévu par l’article 5 du traité sur l’Union européenne et le protocole 2 du TFUE, doit attirer l’attention des parlements nationaux sur les initiatives prises sur la base de l’article 352 du TFUE.
Bien que le sauvetage en mer ne soit pas une compétence explicite, l’Union européenne pourrait ainsi fonder son action sur diverses bases juridiques, le contrôle des frontières extérieures ou l’aide humanitaire.
Comme l’ont rappelé tant Mme Emily O'Reilly, médiatrice européenne, ainsi que Mme Fabienne Keller, eurodéputée, là où une volonté politique existe, un fondement juridique se trouve.
b. Contrôler les frontières extérieures, une base juridique envisageable
L’espace de liberté de sécurité et de justice est un domaine soumis aux compétences partagées entre les États membres et l’Union européenne (article 4, paragraphe 2, j du TUE). En vertu du principe de subsidiarité, l’Union intervient si, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, une action supranationale semble plus adéquate et efficace (article 5 paragraphe 3 du TUE).
Les drames quotidiens en mer Méditerranée démontrent que la seule intervention des États membres n’est pas suffisante pour gérer et réduire une problématique humanitaire aussi importante.
L’Union européenne peut dès lors, sur le fondement de la « gestion des frontières extérieures » développer des politiques communes (article 67 et 77 du TFUE notamment) pour rendre cette action plus efficace. La mer Méditerranée est une des frontières les plus importantes de l’Union européenne et représente un enjeu majeur en termes de frontières mais également en tant qu’espace humanitaire.
Quant à l’article 80 du TFUE, il précise que la politique de l’Union européenne en matière de migration et d’asile est régie par le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre États membres, notamment sur le plan financier.
C. Réévaluer les relations avec les états tiers ou peu cOopératifs par la conditionnalité des aides financières
1. Renforcer la conditionnalité des accords de l’Union européenne avec les pays tiers au respect effectif des valeurs européennes et des droits fondamentaux
L’Union européenne ne peut faire l’impasse d’entretenir des relations avec les pays tiers, notamment en matière d’asile et de migration. Toutefois, au regard des violations répétées des droits de l’homme en Libye notamment, la question d’un renforcement, notamment financier de la conditionnalité des accords se pose.
En tant qu’autorité morale, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a ainsi recommandé une réévaluation des activités de coopération, notamment avec les garde-côtes libyens, pouvant aller jusqu’à la suspension voire la fin de tout accord tant que les droits de l’homme ne sont pas respectés ou que la vie des migrants est en danger. ([47])
La Médiatrice européenne a déjà interpellé la Commission à ce sujet pour connaître l’ensemble des critères sur lesquels l’Union européenne pourrait se fonder pour mettre fin à un accord de coopération du fait d’une violation des droits fondamentaux.
Votre rapporteure appelle à la vigilance sur ce point, et demande à la Commission de réévaluer les accords de partenariat avec la Libye et la Tunisie sur ces fondements.
2. Conditionner l’aide opérationnelle de Frontex au respect des droits fondamentaux
L’article 46 du règlement autorise la direction de l’Agence à suspendre ou annuler une assistance opérationnelle à un l’État si celui-ci ne respecte pas les droits fondamentaux.
L’activation de cette clause, présente dans le règlement, pourrait être davantage utilisée, vis-à-vis des États membres ne respectant pas les droits fondamentaux.
Arrêt de Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme, Un arrêt « historique » selon Amnesty International dans lequel la Cour condamne l’Italie pour violation de plusieurs articles de la Convention EDH (articles 3 et 13) et étend pour la première fois l’application de l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers à des actions extraterritoriales (article 4 du Protocole n° 4). Début mai 2009, plus de 200 migrants ont quitté la Libye à bord de trois embarcations pour rejoindre les côtes italiennes. Le 6 mai, ces embarcations se trouvent à 35 milles de Lampedusa, dans les eaux internationales. Les migrants sont interceptés par des garde-côtes italiens et reconduits à Tripoli, sans être informés de leur véritable destination. Les requérants, 11 ressortissants somaliens et 13 ressortissants érythréens introduisent une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme, le 26 mai 2009, invoquant la violation, par les autorités italiennes des articles 3 (traitements dégradants et inhumains), 13 (accès à des voies de recours effectifs) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et 4 du Protocole n° 4 (interdiction des expulsions collectives). En les renvoyant vers la Libye, les garde-côtes italiens les auraient exposés non seulement au risque d’être soumis à de mauvais traitements mais également d’être arbitrairement rapatriés vers leur pays d’origine dans lequel ils seraient également soumis à de mauvais traitements. 1. Les requérants relevaient de la juridiction de l’Italie (article 1 de la Convention EDH) Les demandeurs se trouvaient sous le contrôle continu et exclusif de jure et de facto des autorités italiennes dès leur montée à bord des navires des garde-côtes italiens et jusqu’à leur remise aux autorités libyennes. L’argument de l’Italie selon lequel l’obligation de sauver une personne en détresse en haute mer ne peut entraîner la création d’un lien entre l’État et les personnes concernées pour établir la juridiction de celui-ci ne peut être retenu selon la Cour. Les faits reprochés se sont passés sur un navire italien exclusivement composé de militaires italiens. La Cour avait déjà reconnu dans une affaire de 2008 (10 juillet 2008, aff. Medvedyev et autres c. France, requête n° 3394/03) la juridiction de l’État français bien que dans ce cas le navire battait un pavillon cambodgien. Selon la Cour, les spéculations de l’Italie concernant le but de cette intervention en haute mer ne peuvent être considérées. 2. L’Italie a commis une expulsion collective en renvoyant les requérants vers la Libye (article 4 de la Convention EDH) Cette affaire offre à la Cour la possibilité de se prononcer pour la première fois sur l’article 4 du Protocole n°4 dans le cadre d’un éloignement d’étrangers vers un État tiers effectué en dehors du territoire national. La Cour réfute l’argument de l’Italie selon lequel cette disposition ne concerne que les cas d’expulsion de personnes qui se trouvent sur le territoire d’un État ou qui ont franchi irrégulièrement sa frontière. Elle note que dans le silence du texte et des travaux préparatoires concernant la possibilité d’une application extraterritoriale de cette obligation, il faut considérer que la Convention EDH est un instrument vivant qui doit être interprété à la lumière des conditions actuelles. Limiter l’application de l’article aux seules expulsions collectives à partir du territoire national priverait de nombreux migrants ayant pris la mer sans réussir à accéder au territoire d’un État-partie de bénéficier des mêmes garanties juridictionnelles que ceux ayant atteint ce territoire. Une interprétation excluant l’extraterritorialité de l’article 4 se verrait privée d’effet utile à l’égard de ces phénomènes qui tendent à se multiplier selon la Cour. 3. L’Italie a mis en danger les requérants en les exposant à des traitements inhumains ou dégradants (article 3 de la Convention EDH) En se basant sur des études scientifiques récentes, des rapports d’ONG ou d’organismes internationaux décrivant la situation préoccupante quant au traitement réservé en Libye aux immigrés clandestins et le risque de refoulement arbitraire vers des États tiers, la Cour considère que l’Italie a fait mis les requérants en situation de risque de subir des tortures ou traitements inhumains et dégradants en Libye et dans leurs pays d’origine. 4. L’Italie n’a pas informé ni laissé aux requérants la possibilité d’exercer un recours (article 13 de la Convention EDH) La Cour constate que les requérants n’ont eu accès à aucune procédure tendant à leur identification avant l’exécution de leur éloignement vers la Libye et que le personnel à bord ne comptait ni interprètes ni conseils juridiques. Or, la Cour a déjà affirmé que le défaut d’information constitue un obstacle majeur à l’accès aux procédures d’asile (21 janvier 2011, aff. M.S.S. c. Belgique et Grèce, requête n° 30696/09). Cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme représente une véritable avancée pour l’effectivité du droit international des droits de l'homme et pour la protection des droits des migrants. |
3. Défendre la définition de l’obligation de débarquement sûr du Comité sur la sécurité maritime au sein du groupe européen de contact sur la recherche et le sauvetage en mer
Une définition conforme à celle du Comité sur la sécurité maritime doit prévaloir au sein du groupe européen de contact sur la recherche et le sauvetage en mer.
La convention internationale relative à la recherche et au sauvetage en mer (SAR ou SRR) oblige chaque État à désigner un organisme national chargé de coordonner les opérations et de garantir l’accueil des rescapés dans un « lieu sûr », où leurs droits fondamentaux, comme celui de demander l’asile, sont respectés.
La Cour de justice de l’Union européenne a apporté une réponse indirecte à la notion de lieu sûr. Dans son arrêt du 4 octobre 2024 ([48]), la Cour considère qu’un pays tiers ne peut être désigné comme pays d’origine sûr que si les critères requis sont respectés sur l’ensemble de son territoire.
Cette jurisprudence pourrait permettre une application harmonisée du critère de débarquement en port sûr au sein des États membres. Cette avancée jurisprudentielle n’obère pas la nécessité d’avoir une définition harmonisée avec le droit international au sein du groupe européen de contact sur la recherche et le sauvetage en mer.
La Commission s’est réunie le mercredi 27 novembre 2024, sous la présidence de M. Laurent Mazaury, vice-Président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.
M. le vice-président Laurent Mazaury. L’ordre du jour appelle désormais l’examen d’une proposition de résolution européenne (PPRE) relative à la création d’une flotte de sauvetage en mer. Je remercie Mme Elsa Faucillon, rapporteure de cette proposition, de nous avoir rejoints pour nous en présenter le contenu.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission pour présenter cette PPRE. Je ferai miens les mots de l’écrivain Patrick Chamoiseau : « laisser mourir est devenu politiquement rentable car cela laisse penser que l’on s’érige en protecteur contre la mise en relation de nos humanités ». En effet, laisser mourir, c’est bien de cela dont il s’agit lorsque les États européens ferment délibérément les yeux devant les naufrages de plus en plus fréquents et meurtriers en mer Méditerranée. Ceux-ci ont fait plus de trente mille morts, sans qu’aucune action n’ait été entreprise au-delà de discours prétendument vertueux d’indignation. Vous avez tous vu les images choquantes, d’hommes, de femmes, d’enfants, de nourrissons, qui implorent notre aide sur des bateaux de fortune. Chacun ici a vu l’image d’Aylan, gisant sans vie sur une plage de la Méditerranée. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour éveiller nos consciences et enfin agir ?
Ces hommes, ces femmes, ces enfants n’ont commis aucun crime, si ce n’est celui de rêver d’une vie meilleure, et cela n’en est pas un ! Je le rappelle, le droit international ne reconnaît aucunement le délit de séjour irrégulier en mer.
L’opération Mare Nostrum, financée par l’Italie, a pris fin en 2014. Où se trouve donc la solidarité européenne lorsque certains États membres se trouvent particulièrement exposés à la pression migratoire ? Le coût de l’inaction est bien trop élevé car il se paie en vies humaines. Il est aussi le carburant des idéologues partisans des inégalités naturelles qui voient dans cette désertion de la puissance publique une occasion d’engranger des voix.
La présente proposition de résolution européenne soutient la création d’une flotte européenne de recherche et sauvetage en mer, fondée sur la solidarité des États membres de l’Union, pour mettre fin à cette inaction. Cette proposition est conforme aux mots prononcés par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 16 septembre 2020 : « le sauvetage des vies humaines en mer n’est pas optionnel, et les pays qui remplissent leur obligation juridique et morale, ou qui sont plus exposés que les autres, doivent pouvoir compter sur la solidarité de toute l’Union européenne ».
En propos liminaires, je souhaite réfuter deux arguments fallacieux pour justifier l’inaction : l’absence explicite de compétence de l’Union européenne en matière de sauvetage en mer ainsi que la théorie abjecte dite de l’« appel d’air ».
Après avoir mené de nombreuses auditions, tant pour l’élaboration de cette PPRE avec Thomas Portes, que pour la rédaction du présent rapport, j’ai acquis l’entière conviction, confirmée par l’eurodéputée Fabienne Keller, auteure d’une résolution transpartisane, votée par le Parlement européen, le 13 juillet 2023, sur le même sujet, qu’une véritable volonté politique suffit pour fonder la base juridique de notre action. Cette base juridique nous l’avons trouvée dans plusieurs articles du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dont les articles 67 ou 80.
Quant à la théorie de l’« appel d’air », plusieurs études scientifiques, référencées en annexe du rapport, démontrent son inexactitude. À titre d’exemple, le nombre de traversées périlleuses de la mer Méditerranée, sur des embarcations de fortune, n’a pas diminué avec la fin de l’opération Mare Nostrum. L’arrêt de Mare Nostrum s’est traduit, uniquement, par une diminution du nombre de vies sauvées, pour le dire autrement, par des morts supplémentaires. On peut faire un constat similaire lors de la fermeture des frontières et l’arrêt des opérations de sauvetage dues à la pandémie de Covid-19. Les seuls et uniques déterminants d’une traversée sont le désespoir ou la fenêtre météorologique.
Face à la pression migratoire à laquelle certains États membres sont confrontés, notamment l’Italie et la Grèce, la réponse apportée ne peut pas être une opération financée par ces seuls États membres, sur le modèle de Mare Nostrum, au risque de les laisser seuls face à leurs difficultés. La solution repose sur la création d’une flotte européenne de recherche et de sauvetage en mer financée par l’Union européenne, sur un fondement simple, celui de la solidarité. C’est tout l’objet de cette PPRE.
Alors que l’ensemble de la mer Méditerranée est couvert par une zone de recherche et de sauvegarde en mer (SRR), le nombre de victimes ne décroît pas. Il nous a fallu chercher les raisons de cet échec collectif pour proposer une solution humanitaire pérenne qui repose sur les principes et valeurs de l’Union européenne.
Le droit international régit le régime juridique applicable au sauvetage en mer, lequel relève de la souveraineté des États. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée, à Montego Bay, en 1982, divise la mer en trois espaces distincts : les eaux territoriales, les zones économiques exclusives, et les eaux internationales dans lesquelles les pouvoirs de police des États diffèrent. La haute-mer connaît un régime de liberté absolue, contrairement aux eaux territoriales soumises à la pleine souveraineté des États côtiers. Deux autres conventions précisent les conditions dans lesquelles s’applique l’obligation de secours relevant des États : la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974 (convention dite Solas) et la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime de 1979 (convention SAR ou SRR). Cette dernière découpe la mer en zones SRR, à savoir des espaces géographiques maritimes de recherche et de sauvetage au sein desquels l’État côtier a la responsabilité de la coordination des opérations de secours dans les eaux territoriales et internationales adjacentes.
L’obligation de sauvetage en mer repose donc sur la souveraineté des États, soit au titre de la loi du pavillon, tout capitaine de navire, donc tout État dont le navire porte le pavillon, a un devoir d’assistance et doit porter secours à toute personne en détresse en mer, soit au titre des responsabilités de l’État côtier. Cette obligation s’exerce sans discrimination et ne cesse qu’une fois la personne secourue débarquée en lieu sûr. Selon la définition adoptée par le Comité sur la sécurité maritime, le lieu sûr s’entend comme un endroit où les besoins vitaux des étrangers sont garantis (abri, nourriture, accès aux soins), et dans lequel ils pourront exercer leurs droits, notamment par le dépôt d’une demande d’asile. À ce titre, le territoire libyen ne peut pas être considéré comme étant un lieu sûr.
Toutefois, cette obligation n’est en rien absolue : elle cesse si l’opération de sauvetage a pour conséquence de mettre le navire portant secours en péril mortel. Aussi, la coordination des opérations de secours, tout comme la rapidité de l’alerte, sont des éléments cruciaux pour éviter tout naufrage en mer.
Les raisons de l’échec des opérations de sauvetage et de recherche en mer sont multiples, dues parfois à un manque de volonté, elles résultent surtout de l’absence de coopération entre États, de la délégation grandissante du sauvetage à des organisations non gouvernementales (ONG) ou de la mise en cause à plusieurs reprises de la gestion de ces opérations par l’Agence de gestion des frontières, Frontex.
L’absence de coopération entre États, notamment dans les zones SRR libyenne et maltaise, est un premier facteur explicatif.
Malte n’a pas secouru d’embarcations dans sa zone SRR depuis deux ans et demi, et a refusé d’adopter les amendements à la convention SRR imposant à un État coordonnant les opérations de SRR de prendre en charge les naufragés.
Quant à la Libye, en tant qu’État failli, les opérations de coordination dont elle a la responsabilité demeurent lettres mortes alors même que l’Union européenne et l’Italie ont soutenu, financièrement, en 2018, à hauteur de quarante-six millions d’euros, la création de la zone SRR libyenne. Des témoignages, suffisamment nombreux, font état de tirs de kalachnikovs des garde-côtes libyens sur des bateaux affrétés par des ONG.
On assiste à un double mouvement : délégation progressive de la responsabilité des opérations de sauvetage en mer à des ONG – je ne parle pas uniquement de délégation morale mais également de délégation politique – et multiplication des tentatives d’entrave à leur égard pour les empêcher d’effectuer leurs missions. Je pense en particulier à SOS Méditerranée que j’ai auditionnée. Sur les vingt-un navires d’ONG opérant en mer Méditerranée, seuls quelques-uns sont opérationnels toute l’année.
À titre d’exemple, en Italie, le décret-loi dit Piantedosi interdisant les sauvetages en mer successifs, entrave la navigation des navires par la désignation de ports de débarquement très éloignés du lieu de sauvetage. En 2023, seize rétentions administratives ont été dénombrées pour trois cent vingt jours cumulés. Sans rentrer dans un chiffrage macabre, durant ces trois cent vingt jours, combien de bateaux, de navires en moins sur ces zones et donc de morts en plus ?
Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a pour principale mission la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne sans avoir une compétence autonome en matière de sauvetage en mer, son rôle consistant seulement à faciliter le déploiement de moyens opérationnels et assurer une meilleure coordination entre États membres et pays tiers au sein des centres nationaux de coordination.
Actuellement, trois opérations conjointes de Frontex sont déployées en mer Méditerranée : Indalo, Themis et Poséidon sans que les résultats ne semblent véritablement probants.
L’Agence a été très gravement mise en cause par un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) établi en 2022. Ce rapport n’a été rendu public que par la presse, je dirais malheureusement, car les faits relatés sont extrêmement graves. L’agence aurait omis de signaler, à plusieurs reprises, des refoulements de migrants dans les eaux grecques, d’avoir sciemment quitté une zone de la mer Égée pour ne pas être témoin d’un accident en cours, d’avoir failli plusieurs fois à sa mission mais également d’avoir délibérément exclu les officiers des droits fondamentaux des opérations de sauvetage entreprises.
Si le changement de gouvernance de Frontex s’est traduit récemment par des contacts plus réguliers avec les ONG opérant en mer Méditerranée concernant la position de détresse de navires, je reste réservée – plus encore après les avoir auditionnés – sur l’entière volonté collaborative de l’Agence. Celle-ci pourrait pourtant être renforcée : l’article 46 de son règlement, jamais mis en application, autorise un refus de collaboration avec un État membre ne respectant pas les droits fondamentaux.
Une fois les causes de cet échec collectif identifiées, il nous importe de porter une ambition forte : la mer Méditerranée doit être sanctuarisée comme un espace humanitaire à part entière. La création d’une flotte de solidarité est, je crois, une réponse ambitieuse. Je précise tout de même, et cela figure dans la proposition de résolution, qu’une flotte européenne est un devoir de solidarité mais aussi un devoir humanitaire.
Toutefois, la question des traversées dangereuses ne peut être réglée que par l’instauration de voies de passages légales, sûres, mieux à même de protéger les personnes qui continueront à tenter de traverser les murs que nous érigeons. La création d’une flotte européenne de sauvetage en mer Méditerranée permet d’assumer nos responsabilités en Europe. Cette flotte serait financée par les contributions de tous les États membres, avec un soutien logistique et financier de l’Union européenne. La création d’une flotte européenne de solidarité est la première action que nous pouvons porter pour mettre fin à ce scandale humanitaire qui salit tant nos consciences humanistes que républicaines.
M. le vice-président Laurent Mazaury. Merci pour tous les éléments humains que ce rapport met en perspective ainsi que tous les déploiements qu’il préconise pour améliorer la situation. Je donne la parole aux orateurs de groupe.
Mme Sabine Thillaye (Dem). Depuis plus d’une décennie, les drames en mer Méditerranée sont devenus le symbole tragique des crises migratoires. La mer Méditerranée est la route migratoire la plus dangereuse du monde. Des milliers de personnes fuient les conflits, les persécutions ou la misère, au péril de leurs vies, dans l’espoir de trouver refuge en Europe. Pourtant, malgré l’urgence humanitaire et les appels répétés à la coopération, les réponses restent insuffisantes, fragmentées et marquées par un désaccord profond entre les États de l’Union européenne. Si nous partageons l’objectif de sauver des vies et de mettre en place une coopération européenne, nous devons également nous assurer que les solutions avancées sont réalistes, juridiquement solides et respectueuses des compétences des États membres. Or ce texte, bien que guidé par des intentions louables, souffre d’importantes lacunes pour le groupe Démocrate. Tout d’abord, il repose sur une ambiguïté fondamentale concernant les compétences de l’Union européenne en matière de sauvetage en mer. Le droit international, en particulier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, ainsi que la Convention SRR de 1979, attribuent clairement aux États la responsabilité principale des opérations de recherches et de sauvetage. L’Union, pour sa part, n’a ni compétence exclusive, ni flotte autonome pour intervenir dans ce domaine. Toute tentative de créer une flotte de sauvetage européenne impliquerait un transfert de souveraineté nécessitant l’unanimité des États membres. De plus, l'Union européenne s’est jusqu’à présent concentrée sur la sécurisation des frontières via l’agence Frontex dont le mandat et les ressources reflètent cette priorité. Repenser son mandat nécessiterait non seulement des moyens financiers supplémentaires mais aussi un consensus politique pour le moment inexistant. Les divergences entre États membres réclamant davantage de solidarité et ceux refusant tout assouplissement de la politique migratoire rendent ces réformes irréalisables à court terme. Le groupe Démocrate considère que ce texte repose sur des bases politiques et juridiques inadaptées qui risquent d’aggraver la situation. Néanmoins, une autre voie existe, celle des coopérations européennes renforcées pour apporter une réponse à une situation humanitaire préoccupante.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Vous constatez l’urgence humanitaire : elle est bien entendu réelle. Face à cette urgence, ne restons pas dans le déni et faisons preuve de volonté politique. Le débat se situe essentiellement sur ce point. Les arguments juridiques ne sont souvent qu’un moyen pratique pour empêcher la volonté politique, qui manque dans de nombreux pays européens, de s’exprimer. Je présente une proposition de résolution européenne pour demander à la France de s’engager, pour demander aux parlementaires français présents dans cette commission d’affirmer leur volonté politique. Je reprends les mots prononcés par Fabienne Keller, lors de son audition, sachant qu’elle et moi ne partageons pas les mêmes convictions politiques, « lorsque la volonté politique existe, les bases juridiques se trouvent ». Je vous demande donc d’affirmer votre volonté politique pour répondre à cette urgence humanitaire.
Mme Isabelle Rauch (HOR). S’il est de la responsabilité partagée de l’Union européenne et des États du Maghreb de renforcer leur coopération en matière migratoire afin de réduire les flux et de secourir ceux qui sont en péril en mer, il en va aussi de la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas laisser des ONG assurer, seules, la sécurité en mer, sans cadre juridique précis. La position de la France et celle de l’Union européenne doivent être concentrées sur trois priorités.
La première concerne la coopération au niveau européen pour la gestion de notre politique d’accueil. À cet égard, le Pacte européen pour la migration et l’asile est une mesure importante, tout comme les actes européens associés permettant la mise en place de procédures d’asile et de filtrages aux frontières extérieures de l’Union.
L’Union européenne doit ensuite lutter avec fermeté contre les réseaux criminels de passeurs, en totale collaboration avec les juridictions internationales, qui enquêtent sur les crimes commis afin de déterminer s’ils doivent être qualifiés de crimes contre l’humanité.
Enfin, la France et l’Union européenne doivent agir diplomatiquement avec les pays d’origine des migrants pour identifier à la source les réseaux de passeurs et les combattre. Nous devons utiliser l’ensemble des leviers disponibles pour nous assurer de la coopération des pays tiers en matière migratoire.
Rien de tout cela n’est présent dans cette proposition de résolution européenne : pas un mot sur la lutte contre les réseaux criminels et les passeurs ou sur la coopération avec les pays d’origine des migrants. Cette résolution propose, à l’inverse, de créer une flotte européenne de sauvetage en mer : nous n’estimons pas cette idée pertinente car cela entre en contradiction avec les principes de subsidiarité et de souveraineté des États membres. La recherche et le sauvetage en mer sont une compétence exclusive des États : leur soustraire cette faculté soulèverait des questions juridiques. Le groupe Horizons et Indépendants ne partageant pas les idées de cette proposition de résolution européenne votera contre son adoption.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Concernant la politique migratoire, j’aurai, à titre personnel, un certain nombre de propositions à faire. Toutefois, j’ai fait le choix de ne traiter dans cette PPRE que l’urgence humanitaire et la réponse fondée sur la solidarité à y apporter. Je souhaite donc que ces deux questions soient décorrélées même si d’habitude je ne le fais pas.
Concernant le rôle des passeurs dans les traversées, plusieurs enquêtes sont en cours. La véritable question se trouve dans la relation que les États occidentaux entretiennent avec les États du Sud : tant qu’une asymétrie aussi importante entre le Nord et le Sud existera, tant que certains pays occidentaux continueront à provoquer des crises, des famines, des guerres, les personnes en provenance des pays tiers continueront à migrer et à aspirer à une vie meilleure. Quels que soient les endroits du monde où nous avons érigé des murs, des barbelés, où les mers sont des frontières, les gens traversent : il est évident que des criminels profitent de ces situations.
Les garde-côtes libyens sont, eux aussi, accusés de crimes contre l’humanité et pourtant certains pays européens continuent de subventionner des États dans lesquels les droits de l’homme ne sont pas garantis. Les États membres de l’Union européenne n’ont tiré aucune conclusion de ces politiques de financement et d’externalisation de la gestion des frontières : c’est regrettable. Le Pacte asile et migration fait fi de la situation humanitaire tragique en Méditerranée : il ne prévoit pas de mesures pour mettre en œuvre notre devoir de solidarité dans le domaine du sauvetage en mer envers celles et ceux qui tentent de rejoindre l’Europe.
M. André Chassaigne (GDR). Je commencerai par les mots du marin Antoine Laurent dans son journal de bord de l’Aquarius, précieux ouvrage qui donne à voir les visages, les mots de ceux qui traversent la mer Méditerranée au péril de leurs vies.
« Nous réussissons finalement à prendre calmement une quinzaine de personnes à bord pour faire une première navette vers l’Aquarius. Un nourrisson de quatre mois repose entre les jambes de sa mère, il vomit, les yeux figés vers le plancher. Personne ne les suit. À quoi bon ? Elle, pleure, les paupières fermées, la bouche crispée, la tête aimantée vers le sol, comme essayant de remonter du vide dans lequel elle se sent chuter. Aucune des femmes ne parle, leurs regards sont creux, vidés de toute humanité. J’ai la sensation qu’en les extirpant de ce radeau nous brisons les chaînes qui les lient à l’horreur ».
Voilà ce que vivent les naufragés ! Voilà ce à quoi font face les ONG de sauvetage en mer à qui nous devons aujourd’hui rendre hommage ! Nous avons dépassé les 30 000 morts en Méditerranée : il est grand temps d’agir. L’Europe, eu égard aux valeurs de solidarité sur lesquelles elle repose, ne peut rester passive face à notre mer commune qui se transforme peu à peu en cimetière.
Cette inertie des États européens porte atteinte au droit international maritime, qui encadre le devoir d’assistance et l’inconditionnalité du secours des personnes en détresse en mer. En effet, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) établit l’obligation de prêter assistance, obligation renforcée par la Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (1974) et la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime (1979). L’obligation de secourir s’applique à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer, indépendamment de sa nationalité, de son statut ou des circonstances dans lesquelles elle est trouvée.
Depuis la fin de l’opération Mare Nostrum, en octobre 2014, aucune action n’a été menée par les États dans le domaine de la recherche et du sauvetage en Méditerranée centrale.
La Méditerranée, au vu du drame humain qui s’y déroule, devrait être considérée comme un espace humanitaire au cœur duquel une flotte européenne sauverait les personnes en détresse. C’est le sens de cette proposition de résolution européenne que nous soutenons bien évidemment.
Je répondrai à certains de mes collègues, qui estiment que le sauvetage en mer est une compétence des États membres et non de l’Union européenne, et qui soutiennent donc une politique « de la patate chaude » : l’objectif d’une proposition de résolution européenne est justement de faire en sorte – et cela a été fait de multiples fois – que l’Union européenne se saisisse de sujets tels que celui-ci. Il y a urgence, c’est une question d’humanité et de dignité.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Les mots d’Antoine Laurent, que j’ai auditionné dans le cade de l’élaboration de cette proposition de résolution européenne, permettent de comprendre la dimension humanitaire de ces enjeux.
Concernant l’obligation de porter secours, que vous avez rappelé, je suis toujours frappée par le fait que notre pays, avec une si grande surface maritime, soit si peu imprégné de la grandeur du droit maritime international. Ce droit est pourtant fondé sur des valeurs qui rejoignent et se recoupent particulièrement avec notre devise républicaine.
Je vous remercie d’avoir souligné le travail des ONG. Au-delà du fait de porter secours à des personnes en détresse, elles exercent également un autre travail à la fois essentiel et terrible. Lorsqu’elles arrivent sur des zones de sauvetage, parfois il est trop tard et les personnes sont déjà décédées : elles s’occupent alors de recueillir leurs corps pour les identifier et pour que les familles puissent leur offrir une sépulture. Ces ONG travaillent avec des associations qui aident à l’organisation des funérailles en mettant le principe de respect de la dignité de la personne au cœur de leurs actions. C’est pourquoi entendre que des discours politiques criminalisent ces ONG ou qu’elles se trouvent techniquement entravées par certains États me met véritablement en colère !
Mme Sylvie Josserand (RN). Cette proposition de résolution européenne interroge en premier lieu sur la légitimité du comité sur la sécurité maritime. Ce comité est désigné dans votre rapport, comme un organe de référence pour définir les « critères d’élaboration de la norme ». La composition de ce comité n’est pas connue, ni le fondement juridique sur lequel il repose. S’agit-il du droit de l’Union européenne ou bien du droit international ?
Par ailleurs, la définition donnée par ce comité de la notion de port sûr mélange des considérations liées à la navigation maritime avec des concepts propres au droit d’asile et à la protection internationale. Il ressort de cette confusion que les naufragés sont nécessairement des demandeurs d’asile, d’où l’idée de favoriser les filières d’immigration.
Mes interrogations concernent également le coût, le financement de la flotte européenne de sauvetage en mer, ainsi que l’organisation et la mise en œuvre des secours en mer qui ne relèvent pas – je le rappelle – de compétences transférées à l’Union européenne. Le droit de la mer confère cette prérogative aux seuls États. Le transfert d’une compétence nationale à l’Union européenne apparaît en totale contradiction avec le souhait des peuples européens d’arrêter les transferts de compétence, notamment en matière de politique migratoire.
Par ailleurs, cette initiative européenne s’ajouterait au millefeuille complexe des agences et autorités nationales impliquées dans le sauvetage en mer avec pour conséquence de risquer d’affaiblir la réactivité des flottes et ralentir l’organisation des secours.
Il est inexact de soutenir que les États ne se préoccuperaient pas de sauvetage en mer. Frontex, agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, apporte régulièrement son concours opérationnel aux États membres, principalement en Italie, en Espagne et en Grèce. Pour la seule année 2023, 43 000 personnes ont été sauvées au cours de 24 opérations.
Enfin, le gouvernement français et les institutions de l’Union européenne doivent se garder de toute initiative susceptible de créer un effet d’attraction et favoriser l’exploitation de la misère humaine par des passeurs. Je rappelle, qu’en 1981, Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste, déclarait : « il faut stopper l’immigration officielle et clandestine ». Il faut donc distinguer les drames humains et le destin des deux continents. Favoriser l’immigration ne permettra pas d’arrêter les drames humains.
Le Rassemblement national votera contre cette proposition de résolution.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je rappelle les propos énoncés dans mon intervention et dans le rapport : les bases juridiques existent. Certains s’évertuent évidemment à les contester ou à ne pas vouloir les trouver en préférant défendre idéologiquement une théorie comme celle de l’appel d’air, alors même que toutes les études sérieuses démontrent que cette théorie n’existe pas.
On a rappelé les bases juridiques existantes dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pour permettre la création d’une flotte européenne de sauvetage en mer.
À la fin de votre intervention vous parlez de Frontex, j’en comprends bien les raisons. Pour rappel, la raison d’être de Frontex n’est en rien le sauvetage en mer, mais la gestion des frontières externes, ils n’ont d’ailleurs pas de navires dédiés à cela. Concernant le naufrage de l’Adriana, Frontex a visiblement tardé à prévenir les secours avec pour conséquence la mort par noyade de 600 personnes.
Je ne vois pas bien comment Frontex pourrait être missionnée à cet effet, après avoir été gravement mise en cause à plusieurs reprises, dans plusieurs enquêtes, pour manque de diligence envers les autorités chargées de porter secours, son directeur préférant démissionner pour ne pas risquer une sanction consécutive aux enquêtes en cours. Toutefois, il a trouvé un point de chute en tant que candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national. Sa situation est maintenant plus tranquille alors même qu’il est accusé de fait extrêmement graves dans le rapport d’enquête de l’OLAF, agence de l’Union européenne.
Je comprends vos questions : il faut toujours avoir des questions précises sur les bases juridiques. Fabienne Keller a été confrontée aux mêmes interrogations quand elle a présenté sa proposition de résolution européenne. Le Parlement européen l’a votée, le 13 juillet 2023, estimant que les bases juridiques existaient pour permettre à cette résolution de faire son chemin.
Je vois surtout une forme de déni à répondre à l’urgence humanitaire, à la nécessité de porter secours à ces personnes, ou tout au moins une volonté de ne pas le faire.
M. le vice-président, Laurent Mazaury. Je vous accorde un droit de relance, très court, car il est normalement inclus dans les deux minutes trente.
Mme Sylvie Josserand (RN). J’observe que vous ne pouvez pas me donner les bases juridiques permettant la création de cette flotte.
Concernant Frontex je n’ai pas affirmé que la mission de l’agence était de porter secours aux naufragés mais d’apporter un concours opérationnel aux garde-côtes des États membres. Je différencie les garde-frontières des garde-côtes.
Concernant les accusations portées contre Monsieur Leggeri, nous trouvons votre argumentation un peu vile. Il ressort des enquêtes faisant suite à de pseudo plaintes instrumentalisées que Fabrice Leggeri n’a fait que son travail.
M. le vice-président, Laurent Mazaury. Une réponse rapide, Madame la rapporteure.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je cite à nouveau les articles 67 et 80 du TFUE comme bases juridiques possibles pour la création d’une flotte de sauvetage européenne. Je rappelle concernant Frontex que, bien sûr, comme toute personne devant porter secours et assistance, l’agence doit prévenir les autorités de l’État côtier lorsqu’elle perçoit des signes de détresse. Or, à plusieurs reprises, l’agence n’a pas signalé ces situations de détresse conduisant à des drames humains. Pensons à l’Adriana, 600 personnes naufragées, madame la députée, 600 ! Et lorsque les autorités responsables sont prévenues, si ce sont les garde-côtes libyens, ils ne répondent pas, ce qui accroît le nombre de morts.
M. Didier Le Gac (EPR). Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission pour l’examen de cette PPRE. Madame la rapporteure, chère collègue, s’il y a un alinéa de votre proposition de résolution avec lequel je suis en accord, c’est le dixième, celui qui précise que la mer Méditerranée est la voie migratoire la plus mortelle, près de 30 000 êtres humains ayant déjà trouvé la mort.
Ces morts, en Méditerranée ou, plus près de chez moi, dans la Manche, comme vous, je ne m’y résignerai jamais. Toutefois, il est inexact d’affirmer que les États ne font rien ou détournent les yeux : c’est un point de désaccord entre nous. En premier lieu, comme vous le rappelez, les États sont soumis à de multiples conventions internationales, notamment celles de 1974, 1982, et surtout celle de 1979, qui impliquent une responsabilité des États côtiers au-delà de leurs eaux territoriales.
Deuxièmement, ce corps européen de secours et de sauvetage en mer, que, par cette PPRE, vous appelez de vos vœux, il existe déjà, il a un nom : l’agence Frontex, agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dont le fonctionnement doit être amélioré, je vous le concède. Des dysfonctionnements, des carences ont été établis, en particulier par le rapport établi, en 2023, par la Médiatrice Européenne. Néanmoins, le rôle de Frontex doit être renforcé pour le sauvetage en mer comme l’affirme la proposition de résolution transpartisane, votée par le Parlement européen, notamment par votre groupe, le 13 juillet 2023.
Vous citez Ursula von der Leyen. En juillet 2024, elle a proposé de tripler le nombre d’agents de Frontex pour atteindre 30 000 garde-frontières et garde-côtes, donc vous voyez bien un point de convergence.
La résolution européenne souligne également les dérives du centre de coordination et de sauvetage en Libye, car – comme vous le savez – la Méditerranée inclut naturellement des zones de « Search And Rescue » marocaine, algérienne, tunisienne, libyenne. Il faut développer les partenariats avec ces pays tiers afin qu’ils prennent également leur part dans l’aide et les sauvetages en mer.
Votre proposition de résolution poserait de nombreuses difficultés, notamment en matière de souveraineté, là réside son point faible. Au nom de la souveraineté certains États européens pourraient justement refuser de la mettre en place et de la financer.
Plus largement, il faut lutter contre la corruption endémique dans certains pays tiers qui alimente les passages frauduleux en mer.
Si je comprends parfaitement le sens de votre démarche, le peu de chance pour cette PPRE de trouver une issue favorable m’amène à donner au nom de notre groupe un avis défavorable.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Lorsque nous avons auditionné Frontex, les agents ont admis que le sauvetage en mer ne faisait pas partie de leur mission. Leur mission consiste à scruter les mers, surveiller les frontières avec l’obligation de signaler tout signe de détresse. Or, faute de savoir-faire, d’outils ou de ressources adéquates, les agents ne peuvent pas conduire des missions de sauvetage en mer. Je m'étonne que les différentes enquêtes menées par les autorités n’aient pas donné de résultat concret. Il y a certes eu un changement de gouvernance, la création d’un poste d’officier des droits fondamentaux sans que l’on puisse constater de changements sensibles. Le pacte Asile et Migration ne s'est pas non plus donné pour objectif de transformer Frontex en agence de sauvetage en mer. Votre propos est paradoxal, si vous envisagez de confier à Frontex une mission de sauvetage en mer, cela signifie bien qu’une base juridique permettant de doter l’Union européenne de telles compétences existe. Vous soutenez également que les États membres agissent, or le nombre de morts n’a pas diminué preuve de l’insuffisance de leur action. Ma proposition rappelle notre responsabilité humanitaire, et que nous ne pouvons pas laisser seuls les États subissant la plus forte pression migratoire, car comme nous pouvons le constater, les conséquences politiques en sont dévastatrices.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Tout d'abord, je vous remercie au nom du groupe la France insoumise, de soutenir la question du sauvetage en mer et celle des exilés, à laquelle je suis moi-même particulièrement attaché. Dans le souci d’éviter un engorgement en commission, je mets provisoirement de côté la PPRE du groupe LFI-NFP, concernant la création d’une opération Mare Nostrum II, avec l’espoir de pouvoir amender celle-ci.
Le sujet de la protection des migrants en mer, essentiel, est crucial car il interroge notre humanité profonde. La question posée est finalement assez simple : des êtres humains, désespérés, prennent des risques immenses, au péril de leur vie, pour traverser la Méditerranée ou la Manche, devons-nous les abandonner à leur sort ou bien tout faire pour les sauver ?
La réponse apportée par le groupe la France insoumise est évidemment de tout faire pour sauver ces vies, quoi qu'il en coûte. La France, septième puissance économique et militaire mondiale, peut et doit mettre ses navires au service du sauvetage des exilés en mer. Non seulement la France le doit mais l’Europe le doit également. Nous ne devons pas seulement nous lamenter quand un naufrage survient mais conduire une politique publique permettant de sauver des gens. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OMI), depuis l’an 2000, plus de 50 000 exilés sont morts en mer Méditerranée : ces chiffres sont insupportables.
Cette proposition de résolution vise à créer un corps européen de sauvetage en mer : nous y sommes favorables. Toutefois, le désastre humain actuel appelle des réponses immédiates, comme l’a fait l’Italie, entre octobre 2013 et octobre 2014, en initiant unilatéralement l'opération de sauvetage Mare Nostrum. Nous appelons le gouvernement français à mener une opération Mare Nostrum II. Nous ne pouvons laisser la responsabilité de ce devoir humanitaire aux seules ONG.
Nous ne mettrons définitivement fin à ces drames humains, ni par la répression, ni par la criminalisation des ONG, ni par l’installation de barbelés, ni par la militarisation des frontières, mais en faisant cesser les conditions qui contraignent les exilés à quitter leurs pays. Cela adviendra lorsque l'ordre international actuel injuste sera réformé, que nous cesserons de signer des accords commerciaux déséquilibrés, des accords de libre-échange ruinant les économies des pays du Sud, que l'impérialisme cessera de plonger des pays dans la guerre et que nous aurons pris au sérieux la crise écologique obligeant des centaines de millions de personnes à prendre le chemin de l’exil.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Merci pour votre intervention, pour votre engagement que je connais sur le sujet et pour les améliorations proposées au texte par vos amendements.
Sur la question de l'urgence, je vous rejoins. Si la France prenait tout de suite un engagement concret sur la question du sauvetage, elle serait davantage en mesure de défendre cette solidarité européenne. Or la France ne finance pas les ONG françaises qui œuvrent en Méditerranée. Il faudrait peut-être commencer par-là : SOS Méditerranée possède un budget de 24 millions d’euros, dont 95 % proviennent de dons privés, le reste émanant de collectivités locales. L’association a régulièrement rencontré les autorités françaises sans jamais recevoir de financements publics. Il serait peut-être utile de traiter cet aspect de la question lors d’un prochain projet loi de finances. Il est crucial que les ONG reçoivent un soutien financier de l’État.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Je voudrais vous remercier Madame la rapporteure d’être à l’initiative de cette proposition de résolution dont l'actualité récente démontre toute l'importance. La mer Méditerranée est un cimetière marin à ciel ouvert. Les naufrages sont de plus en plus nombreux et meurtriers. Nous sommes nous aussi comptables devant nos enfants de cette situation.
En Manche, l'année 2024 aura été une année particulièrement meurtrière. Face à ce terrible constat, les mots ne suffisent plus. Il est impératif que les États européens et la France reprennent l'initiative en matière de recherches et de sauvetage en mer. En liant le sauvetage des personnes en détresse aux politiques migratoires, l'Union européenne ne peut apporter que de mauvaises réponses. Seule une approche commune et coordonnée à l'échelle européenne permet d'apporter une réponse efficace.
Je souhaite rappeler deux points essentiels. Tout d’abord, nos États doivent respecter le droit international. L'activité de sauvetage en mer de SOS Méditerranée est bien une action internationale à caractère humanitaire et non une action de nature politique. Comme l’a rappelé le Conseil d'État, les actions de SOS Méditerranée sont menées en conformité avec les principes du droit maritime international, qui prévoit l'obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer, et de les débarquer dans un lieu sûr, dans un délai raisonnable, quels que soient leur statut et leur nationalité. Les ONG de secours en mer ne doivent en aucune manière être stigmatisées, comme certains le font dans cette commission. L’activité de ces ONG s’est développée en réponse à l'inertie ou à l’inaction de certains États, à leur manque de coopération ainsi qu’à leur incapacité à prendre les mesures nécessaires pour éviter de tels drames.
Ensuite, il faut mettre fin à l'externalisation de nos politiques migratoires car elle nous rend complice des violations des droits humains. À cet égard, l'exemple libyen est criant. La Méditerranée, de même que les autres théâtres maritimes de crises, doivent être reconnus comme des espaces humanitaires dans lesquels une mission de recherche et de sauvetage doit être déployée sans délai. Madame la rapporteure, vous avez également rappelé la nécessité de se doter de tous les moyens nécessaires pour identifier les noyés dont les corps sont retrouvés. Le groupe Socialiste et apparentés votera cette proposition de résolution. Nous vous félicitons pour ce travail très complet.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Vous avez souligné, chère collègue, le défaut de coordination entre les différents États. Selon moi, il est dû à une déresponsabilisation et à un manque de volonté politique. Il en résulte des échecs dramatiques, avec des centaines et des milliers de vies perdues.
Vous avez été nombreux à évoquer la question des pays qui ne garantissent pas le respect des droits humains. Je pense notamment à la Lybie, où des garde-côtes ont été identifiés comme participant à des milices, parfois en contact avec le groupe Wagner. Encore hier, alors que l’Ocean Viking venait de secourir quarante‑huit personnes, les garde-côtes se sont approchés pour effectuer des manœuvres dangereuses. Alors, lorsque j’entends que nous pourrions venir à bout de ces drames en nous appuyant sur Frontex ou en travaillant en coordination avec des garde-côtes libyens, je ne sais quoi dire, hormis que ceux qui font de telles propositions devraient avoir honte.
M. Charles Fournier (EcoS). Je remercie Mme la rapporteure pour sa proposition de résolution européenne et, plus généralement, pour le travail sans relâche qu’elle mène afin d’attirer l’attention sur ces questions, trop souvent reléguées dans l’actualité. Les morts s’accumulent dans une forme de banalisation insupportable, et vous faites partie de ceux qui se battent pour nous obliger à tourner le regard.
Frontex a célébré cette année ses vingt ans d’existence. Cette longévité contraste fortement avec l’absence de régularité, d’engagement, de volonté politique, et de moyens pour répondre à la problématique du sauvetage en mer. Les chiffres ont été rappelés : plus de 30 000 personnes sont mortes en traversant la Méditerranée, sans même parler de ce qui arrive dans d’autres espaces maritimes, notamment dans la Manche.
Les preuves contre Frontex se multiplient, et elles sont accablantes. Certains ont pris la défense de Fabrice Leggeri, mais je rappelle qu’il est visé par une plainte pour crime contre l’humanité et torture ! Il ne s’agit pas seulement d’une implication lointaine, mais d’homicides, de violences volontaires, de mises en danger délibérées, d’entraves à l’arrivée des secours. C’est la justice qui en décidera in fine. Ces faits sont cependant bien documentés dans le rapport de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf), dont certains éléments importants ont filtré bien qu’il soit confidentiel – il faudrait d’ailleurs le rendre public pour que chacun puisse prendre la mesure de ce qui s’est passé.
Comme vous l’avez rappelé, les trois conventions qui définissent le droit de la mer imposent de prêter assistance aux personnes en détresse. En dépit de cette obligation, l’inaction des États prévaut et les moyens dédiés à l’opération Mare natrum, qui visait à sauver des vies en mer, ont été fortement réduits. La meilleure réponse, celle que vous proposez, serait de décorréler le sauvetage en mer des missions de Frontex – il faudrait d’ailleurs profondément repenser l’agence, mais c’est un autre sujet – et d’y consacrer les moyens nécessaires.
Les arguments juridiques invoqués pour ne pas agir ne sont que des prétextes. Quand nous le voulons, nous arrivons à surmonter les limites, à faire face à des situations inattendues – la crise due au Covid-19 a bien montré que nous étions capables de dépasser des cadres contraignants. Si nous souhaitons sauver des vies humaines, il nous faut porter la résolution européenne que vous proposez, et inviter les États membres à organiser ensemble le sauvetage en mer.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je suis heureuse de vous compter parmi les députés engagés sur la question du sauvetage en mer et de la solidarité, et j’espère que nous serons de plus en plus nombreux. Comme j’ai parfois l’impression que le nombre de morts ne suffit pas à convaincre, je vais parler du nombre de vies sauvées. Grâce à Mare nostrum, 150 000 vies ont été sauvées en un an. Cela démontre bien l’utilité des opérations de sauvetage, lorsqu’elles sont coordonnées, qu’elles disposent de moyens suffisants, et qu’elles émanent d’une volonté politique forte. Le nombre de 30 000 morts depuis 1990 est d’ailleurs largement sous-estimé, puisqu’il ne tient pas compte des personnes qui n’ont jamais été retrouvées. Je salue le travail que mènent les ONG pour garantir la dignité des personnes jusqu’au bout, même après leur décès.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, une embarcation a fait naufrage dans la Manche et vingt-sept personnes sont décédées. Elles avaient appelé à l’aide à plus de quinze reprises mais les secours les ont ignorées. Une plainte a été déposée et l’enquête en cours a déjà mis en lumière de nombreux manquements : sept militaires et onze passeurs devront donc être jugés.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 67 000 personnes sont mortes ou ont disparu sur les routes migratoires entre 2014 et 2024. Ces décès sont la conséquence directe de l’Europe forteresse et de ses politiques répressives en matière de migration et d’asile, qui vont à l’encontre de plusieurs conventions internationales. Certains pays déploient ainsi différentes tactiques d’épuisement des ONG, comme l’Italie que vous évoquiez, et vont même jusqu’à mettre en danger des embarcations, comme en est accusée la Grèce.
L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, qui dispose de l’un des budgets les plus importants de l’Union européenne – celui-ci atteindra près d’un milliard d’euros en 2027 –, est aussi mise en cause pour des opérations de refoulement illégal d’embarcations en mer Égée, en Méditerranée, et en Europe de l’Est. Elle aurait notamment coopéré avec des garde-côtes libyens coupables de tortures, viols et travail forcé. Nous soutenons les organisations de défense des droits humains qui demandent que les pratiques illégales de Frontex soient sanctionnées et qu’il soit mis fin à l’impunité.
Je souhaiterais enfin vous interpeller sur notre proposition de remplacer Frontex par une agence européenne civile de sauvetage sur mer et sur terre, qui appuierait l’Agence de l’Union européenne pour l’asile.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je suis en effet persuadée que Frontex ne peut pas être chargée de la gestion ou de la coordination du sauvetage en mer. Il est extrêmement grave que les différentes enquêtes dont Frontex fait l’objet ne se soient pas traduites par des mesures politiques fortes. Si je ne pense pas qu’il faille inscrire la fin de Frontex dans cette proposition de résolution européenne, car ce n’est pas directement son objet, je suis convaincue qu’il faudra confier le sauvetage en mer à une nouvelle entité.
M. Frédéric Petit (Dem). Je voudrais apporter deux précisions. Tout d’abord, je suis surpris que des parlementaires se posent en juges. En démocratie, il y a une séparation des pouvoirs. Des enquêtes sont en cours, dont je n’évoquerai pas le détail – Frontex est dans ma circonscription –, mais nous devons attendre que le juge se prononce avant d’en tirer des conclusions.
Ensuite, il y a souvent une confusion sur ce qu’est la coordination. Face à la situation terrible que vous présentez, il est indispensable que l’Union européenne coordonne les flottes. Mais son rôle se limite à coordonner, là où vous l’appelez à créer une nouvelle flotte. Au moment du Covid, nous n’avons pas recréé un ministère de la santé européen, nous avons coordonné nos politiques de santé. En droit de la mer, la flotte relève de la compétence des États.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je ne m’appuie pas sur l’enquête judiciaire en cours, mais sur les deux enquêtes qu’ont menées la médiatrice de l’Union européenne et l’Olaf, dont certains extraits sont connus. Cela étant, Fabrice Leggeri est en effet poursuivi pour complicité de crime contre l’humanité.
M. Charles Fournier (EcoS). Je fais partie de ceux qui ont évoqué l’enquête judiciaire en cours, mais j’ai bien précisé qu’il fallait laisser la justice faire son travail. Il est néanmoins possible d’évoquer le contenu d’une plainte, à moins qu’il y ait certaines plaintes dont on ait le droit de parler et d’autres non. Cette plainte contre l’ancien directeur de Frontex fait partie du sujet.
M. Frédéric Petit (Dem). Je suis rassuré de savoir que la séparation des pouvoirs est bien garantie. Nous sommes des parlementaires et non des juges.
M. le vice-président, Laurent Mazaury. Nous voici donc rassurés sur notre qualité de parlementaires qui ne sera jamais assimilable à celle de juges. Nous en venons à l’examen des amendements.
Amendement n° 3 de Madame la rapporteure
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Cet amendement souligne l’importance du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et plus spécifiquement des articles 67 et 80 pour fonder la compétence de l’Union dans le cadre de la création d’une flotte européenne de sauvetage en mer. Il me paraît important d’inscrire cette base juridique dans le texte.
L’amendement n° 3 est adopté.
Amendement n° 8 de Mme Colette Capdevielle
Mme Colette Capdevielle (SOC). C’est un amendement très simple qui vise à rappeler l’obligation en vertu du droit international de porter secours aux personnes en situation de détresse en mer au nom du « devoir de sauver ». Je rappelle dans l’exposé sommaire de cet amendement les trois conventions sur lesquelles je m’appuie.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Avis favorable.
L’amendement n° 8 est adopté.
Amendement n° 9 de Mme Colette Capdevielle
Mme Colette Capdevielle (SOC). L’inaction des États et le recul des moyens dédiés aux opérations de recherche et de sauvetage en mer ont conduit des ONG à se mobiliser pour effectuer elles-mêmes la prise en charge des embarcations en détresse. Celles‑ci sont parfois entravées dans leur devoir d’assistance par des amendes, des errements administratifs, voire – et c’est encore plus grave – criminalisées, étant notamment accusés de complicité avec les passeurs, par les dirigeants de certains pays européens et de certains partis politiques français. Cet amendement vise donc à insérer deux alinéas qui précisent, d’une part, que les ONG effectuant des opérations de recherche et de sauvetage en mer sont parfois entravées et, d’autre part, que conformément aux orientations de la Commission européenne sur la mise en œuvre des règles de l’Union européenne relatives à la définition et à la prévention de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, cette criminalisation constitue une « violation du droit international et n’est donc pas autorisée par le droit de l’Union ». L’idée est donc de protéger les ONG dans leurs activités de sauvetage et de secours en mer qui se révèlent être très précieuses.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Avis favorable.
L’amendement n° 9 est adopté.
Amendement n° 6 de Mme Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI‑NFP). Cet amendement invite le gouvernement français à proposer la suppression de l’agence Frontex. Nous mettons en cause le rôle de cette agence, créée en 2004, qui répond à une logique européenne dite « sécuritaire » de « militarisation des frontières extérieures ». Son rôle consiste à garantir la sûreté et le bon fonctionnement des frontières extérieures en assurant la sécurité, mais comme on peut le lire sur le site Internet de l’agence, aucunement à sauver des vies. On se demande bien quel danger peuvent représenter les embarcations de fortune remplies d’exilés désespérés. En réalité, Frontex est secouée par les scandales, le paroxysme ayant été atteint sous la direction de Fabrice Leggeri entre 2015 et 2022. Ce dernier a même été contraint de démissionner suite à un rapport de l’agence européenne de lutte anti-fraude (OLAF) qui a révélé qu’entre 2020 et 2021, Frontex laissait faire des refoulements illégaux de migrants à grande échelle aux frontières, en violation grave de la protection des droits humains.
Ensuite, les opérations Triton et Thémis, mises en œuvre par Frontex, en relève de l’opération Mare Nostrum, sont un échec. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) ont immédiatement indiqué que ces opérations étaient insuffisantes et qu’elles n’avaient pas pour objectif de sauver des vies en mer. Par conséquent, nous invitons le Gouvernement à demander sa suppression.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. La suppression de Frontex ne relève pas du champ de la proposition de résolution même s’il est difficile de décorréler ces deux sujets au regard de l’ensemble des interventions. Il y a nécessité a minima à revoir les fondements et les missions de Frontex. Je reconnais cependant avoir moi-même, à titre personnel, défendu la suppression de l’agence. Mais je crains que cet amendement ne porte atteinte à notre capacité à élargir le nombre de députés autour de cette proposition de résolution. Pour cette raison, je formule une demande de retrait tout en sachant que vous n’allez pas le faire mais je le propose quand même ! À défaut, pour rester cohérente avec ce que je défends, je vais émettre un avis de sagesse.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le groupe EPR va voter contre cet amendement. Il est assez incroyable d’entendre notre collègue dire qu’il y aurait une logique de « militarisation des frontières extérieures de l’Union » et que Frontex en serait en quelque sorte le bras armé. Frontex est une agence européenne très perfectible qui joue cependant un rôle essentiel en matière de coopération et de coordination entre les États membres au service d’une meilleure maîtrise des frontières extérieures et œuvre en faveur d’un véritable pilotage de la politique européenne en matière d’asile et d’immigration. Sans cette agence des garde-côtes et des gardes-frontières, il y aurait potentiellement encore plus de drames en mer Méditerranée. Nous souhaitons voir l’agence Frontex renforcée, le nombre de ses agents augmenter et qu’elle puisse certainement mieux faire son travail. Nous allons voter contre cet amendement même si je ne sous-estime pas les quelques scandales qui ont émaillé récemment son action. Nous savons tous dans quelles conditions Fabrice Leggeri, maintenant député européen du Rassemblement national, a été contraint de quitter ses fonctions.
M. Charles Fournier (ÉcoS). Le sujet de Frontex est un vrai sujet à poser sur la table. Je ne sais pas si la bonne réponse est sa suppression mais cela ne peut pas non plus être le statu quo. Les enquêtes en cours devront avoir des suites. Toutefois, je pense nécessaire, au nom de notre groupe, de décorréler les deux sujets. Le sujet de Frontex mériterait rapidement une initiative de la part de notre Assemblée, d’une manière ou d’une autre. Nous ne pouvons reporter cette question à demain ou à après-demain.
M. Frédéric Petit (Dem). Je tiens à rappeler que Frontex est une agence de douaniers. Nous sommes d’accord pour dénoncer le problème de gouvernance auquel Frontex est confronté, difficulté souvent propre à la création d’agences européennes. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que les agents de Frontex d’aujourd’hui sont les anciens douaniers des États membres. Je trouve le terme utilisé de militarisation très dur.
Mme Sophia Chikirou (LFI). Affirmer qu’il existe une politique de militarisation du traitement des frontières de l’Union européenne n’est pas un gros mot. Cela ne fait que décrire une réalité qui correspond également à celle des Amériques, à la frontière mexicaine. L’augmentation du budget de Frontex, passé de six millions d’euros en 2004 à huit-cent-quarante-cinq millions d’euros en 2023, en est la preuve : ces fonds sont utilisés pour financer des équipements, non pas civils, mais bien militaires. Voter la suppression de Frontex n’entre peut-être pas dans le cadre de la proposition d’aujourd’hui, mais je tiens à souligner la somme qui pourrait être octroyée au sauvetage en mer et à un traitement humain et digne de la question migratoire, si le budget de Frontex était réalloué.
L’amendement n° 6 n’est pas adopté.
Amendements n° 4 de Mme Nathalie Oziol et n° 5 de M. Gabriel Amard
Mme Nathalie Oziol (LFI). Nous souhaitons interpeller les autorités européennes – le Conseil de l’Union Européenne, la Commission européenne et le Parlement européen – pour que soit lancée une opération Mare Nostrum II, sur le modèle de celle menée par l’Italie d’octobre 2013 à octobre 2014. Pour rappel, l’ancien directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), M. William Lacy Swing, affirmait que Mare Nostrum avait sauvé plus de cent-cinquante-mille vies en un an. L’Union européenne doit s’atteler dès maintenant à mettre en œuvre une vraie opération de sauvetage.
M. Gabriel Amard (LFI). Cet amendement appelle le gouvernement français à mettre en place immédiatement une opération Mare Nostrum II. La France doit montrer l’exemple, sans attendre un éventuel processus législatif européen. En effet, alors même que nous venons d’insister sur l’urgence de la situation en Méditerranée, le délai nécessaire pour parvenir à la création d’une flotte européenne de sauvetage en mer est extrêmement long, chaque organe de l’Union européenne devant prendre position avant de procéder à un trilogue, menant à une échéance lointaine.
M. Zeid Ra’ad Al-Hussein, Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, de 2014 à 2018, dénonçait à la fin de Mare Nostrum que « l’Europe tournait le dos à certains des migrants les plus vulnérables du monde et risquait de transformer la Méditerranée en un vaste cimetière ». L’avenir lui ayant malheureusement donné raison, il est plus que temps d’y remédier : la France doit prendre l’initiative en la matière.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Concernant l’amendement n° 4, il serait judicieux de le sous-amender en ne mentionnant que la Commission et le Conseil de l’Union européenne. En effet, seule la Commission détient le pouvoir d’initiative législative, le Parlement n’a pas de compétence en la matière. J’émettrais un avis favorable pour cet amendement ainsi sous-amendé.
En revanche, il me semble incohérent de conserver les deux amendements, étant donné qu’ils correspondent à deux démarches différentes. Malgré la nécessité d’une réponse immédiate face à la crise humanitaire, les initiatives politiques sont souvent longues à se mettre en place. Proposer une opération Mare Nostrum II reviendrait à limiter son cadre à la France, or cela ne répond pas à la question d’une solidarité européenne, qui est à mon sens nécessaire. Bien que je sois favorable aux deux idées, il serait plus cohérent de n’en choisir qu’une.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). L’issue du vote sur l’amendement n° 4 sous‑amendé permettra de décider du retrait, ou non, de l’amendement n° 5.
M. Didier Le Gac (EPR). J’entends les députés des groupes LFI et GDR exhorter la France à intervenir rapidement et de manière conséquente pour secourir les migrants en mer. Bien que je le comprenne, un tel effort nécessite d’allouer des moyens suffisants à notre marine nationale : pour cela, il faut voter la loi de programmation militaire (LPM). Si la France a aujourd’hui la deuxième zone économique exclusive maritime au monde et dispose de l’une des marines les plus puissantes, c’est grâce à des femmes et des hommes politiques qui en ont donné les moyens à nos armées. Notre marine nationale est d’ailleurs en train d’être rattrapée, par la Chine qui construit l’équivalent de la marine française tous les cinq ans, par les États-Unis ainsi que par les pays émergents.
Ainsi, pour que la marine nationale – déjà très sollicitée – puisse intervenir et secourir les migrants en mer, il faut voter la LPM. Or, il me semble que les groupes LFI et GDR, qui réclament davantage d’interventions en mer avec des moyens militaires, ne l’ont pas votée.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Les militaires intervenant en mer ne vont pas dans la zone SAR libyenne. Leur mission ne consiste pas à surveiller cette zone où il peut y avoir des gens en détresse.
M. Didier Le Gac (EPR). Madame la rapporteure, depuis le début de l’après‑midi, tout le monde cite Mare Nostrum en exemple. Or, qui pilotait cette opération ? Les militaires italiens, la marine italienne. On ne peut donc pas dire que l’on refuse de voter la loi de programmation militaire parce que l’on n’aime pas les militaires et en même temps demander à la marine nationale d’intervenir. Nous avons l’une des marines nationales les plus puissantes au monde, en raison notamment de l’existence de forts climats de tension. Chacun doit rester cohérent avec ses votes.
M. Charles Fournier (EcoS). On peut être favorable à une augmentation des moyens attribués à la marine sans être d’accord avec l’ensemble de la loi de programmation militaire. En l’occurrence, je fais partie d’un groupe qui s’est abstenu sur la LPM. Il y avait des points de désaccord mais vous ne pouvez pas nous dire qu’on doit être d’accord avec tout ce que vous proposez parce qu’il faut des moyens en mer. C’est un raccourci un peu gros.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le groupe socialiste votera pour le sous-amendement proposé par Madame la rapporteure.
Le sous-amendement à l’amendement n° 4 est adopté.
L’amendement n° 4 sous-amendé est adopté.
L’amendement n° 5 est retiré.
Amendement n° 2 de Mme la rapporteure
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. L’amendement n° 2 porte sur la suppression de l’alinéa 15. Amendement de clarté rédactionnelle.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 7 de Mme Obono
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). J’évoquais précédemment les circonstances du naufrage de novembre 2021 dans la Manche. L’année 2024 a été l’une des plus meurtrières avec plus de 70 exilés décédés lors de la traversée de cette mer. Il est donc primordial de renégocier et de suspendre les accords internationaux ayant conduit à une telle situation : le traité du Touquet et celui de Sandhurst, signés respectivement, en 2003, et, en 2018, par la France et le Royaume Uni. Ces traités permettent de bloquer les exilés dans le nord de la France pour les empêcher de rejoindre les côtes britanniques. Loin d’assurer le passage de voies sécurisées, les conditions de vie des exilés sont absolument déplorables, comme le rappelle régulièrement la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dont l’avis, publié en 2016, « dénonce des conditions de vie inacceptables des personnes migrantes sur la zone du littoral ». En 2021, la CNCDH constatait à nouveau une dégradation des conditions de vie. La politique sécuritaire dite « zéro point de fixation », c’est-à-dire des opérations quasi quotidiennes de démantèlement et de destruction des abris provisoires ainsi que la multiplication des obstacles visant à empêcher les actions citoyennes d’aide, place les exilés dans la précarité la plus totale. Il est temps de changer de paradigme et de dénoncer ces accords.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Nous sommes nombreux, ici, à nous soucier de la situation dans la Manche. Plusieurs membres du Nouveau Front Populaire (NFP), dont moi, sommes signataires d’une proposition de résolution demandant une commission d’enquête sur le sujet. La question que j’ai posée hier, lors des QAG, à l’attention de M. Retailleau, ministre de l’Intérieur, allait dans le même sens. Le président de la République, lui-même, estime qu’il faut revoir les accords du Touquet. Pourtant, après sept années de mandat, rien n’a été fait en ce sens. Ce sujet doit donc effectivement pouvoir être porté et je sais pouvoir compter sur vous pour le faire. En revanche, la proposition de résolution européenne porte sur le sauvetage en mer Méditerranée alors que votre amendement traite de l’accord franco-britannique qui concerne la Manche. Cela me fend un peu le cœur, car votre amendement traite d’un sujet que je défends ! Mais, en l’espèce, on sort véritablement du sujet de la PPRE ! Retrait ou avis défavorable. Je m’engage néanmoins à continuer à me battre pour l’adoption de la résolution demandant une commission d’enquête sur ce sujet.
M. Didier Le Gac (EPR). Effectivement, comme l’a rappelé Madame la rapporteure, cet amendement concerne la Manche. Nous voterons contre. Le traité du Touquet a ses limites. Un nouveau traité a d’ailleurs été négocié, le traité de Sandhurst, qui propose un nouveau cadre juridique international. Et puisque nous parlons de la Manche, je m’adresse à ceux qui, en début de réunion, affirmaient que les États détournaient la tête et que la France n’agissait pas. Je rappelle que 5 000 opérations de sauvetage en mer, depuis 2018, ont eu lieu en Manche. En France, l’action de l’État en mer, y compris en mer Méditerranée, est plutôt performante. Sous l’autorité du Premier ministre, sous l’autorité du Secrétaire général de la mer et de nos préfets maritimes – un par zone – la France est en capacité d’organiser le sauvetage en mer, y compris le sauvetage des migrants.
M. Charles Fournier (EcoS). Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel, car si le sujet est essentiel il concerne un accord franco-britannique et n’a pas sa place dans une proposition de résolution européenne. Néanmoins, je m’inscris en faux sur ce que vous venez de dire concernant les opérations menées en Manche. Des enquêtes sont en cours. Nous avons déposé une demande de commission d’enquête parlementaire. Un consortium de journalistes européens a mis en évidence, images à l’appui, l’existence d’exactions. Je vous invite à aller regarder. Certes de nombreux sauvetages sont organisés, mais certaines pratiques ne sont pas acceptables, et nécessitent de revoir profondément la manière dont cette frontière est gérée. Je me suis rendu plusieurs fois à Calais : tant les populations locales que les migrants, souvent jeunes, vivent des situations absolument déplorables.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Lors de la précédente mandature, j’ai pu me rendre sur place et rencontrer l’ensemble des acteurs : corps préfectoral, services de douanes, de police, de gendarmerie, ainsi que les ONG locales. La situation est dramatique, le niveau de tension avec nos concitoyens et concitoyennes est également très élevé. Les gens sont traités comme des chiens, je n’ai pas d’autres mots. Si nous arrêtions d’être les garde-barrières des Britanniques, sachant que 99 % des personnes effectuant la traversée obtiennent le droit d’asile en Grande Bretagne, nous n’aurions plus de morts dans la Manche. Laissons les migrants circuler, laissons-les prendre les moyens de transport usuels, ferries ou autres, pour faire reconnaître leurs droits en Angleterre cela sera moins coûteux que de faire appel à des passeurs. Cet amendement d’appel a pour seul objet de rappeler cette évidence : il ne nous appartient pas d’être les gardes barrières d’un pays qui a quitté l’Europe. Nous retirons notre amendement. Nous proposons la création d’un groupe de travail transpartisan, ouvert à toutes les bonnes volontés, sans attendre le fait du prince sur les accords du Touquet et leur avenir.
L’amendement n° 7 est retiré.
Amendement n° 10 de Mme Capdevielle
Mme Colette Capdevielle (SOC). Cet amendement invite le Gouvernement français à œuvrer – surtout à l’échelle européenne, je vais supprimer « au niveau national » - à la création et au renforcement de l’accessibilité des voies légales et sécurisées d’immigration, qui permettent l’accueil des personnes à des fins d’examen de leur demande au titre de l’asile, du travail, de la santé, du regroupement familial et des études.
M. le vice-président Laurent Mazaury. Nous avons bien pris note de la suppression des mots « au niveau national ».
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je partage l’argumentation. Toutefois, l’amendement est déjà satisfait par la PPRE. Avis de sagesse ou demande de retrait.
L’amendement n° 10 est retiré.
Amendement n° 11 de Mme la rapporteure
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Amendement de clarté rédactionnelle.
L’amendement n° 11 est adopté.
Amendement n° 1 de Mme la rapporteure
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Amendement qui propose de substituer au mot « sauvetage » dans le titre de la PPRE, le mot « solidarité », pour mettre l’accent dans le titre, sur le fondement juridique sur lequel repose la création d’une flotte européenne de recherches et de sauvetage en mer.
M. Didier Le Gac (EPR). Je trouve cette proposition de substitution dommageable car elle affaiblit la portée de votre PPRE. Le mot sauvetage est fort, j’y suis très attaché. On parle de la Société nationale de sauvetage en mer. Pour les gens de mer, le terme de sauvetage est très signifiant, celui de solidarité n’aura peut‑être pas une portée équivalente. Je dirai que je serai même plutôt opposé à cette substitution.
M. le vice-président Laurent Mazaury. Je partage votre avis. Je sors de ma neutralité.
Mme Elsa Faucillon, rapporteure. Je vais vous suivre en retirant mon amendement.
L’amendement n° 1 est retiré.
L’article unique de la proposition de résolution européenne, ainsi modifié, est adopté.
La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.
La Commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION INITIALE
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
Vu la Convention de Genève de 1951 et son protocole additionnel,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et notamment son article 19,
Vu la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982,
Vu la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime de 1979,
Vu la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974,
Considérant que la mer Méditerranée est la route migratoire la plus mortelle, depuis 2014, 28 229 personnes y sont mortes ;
Considérant que la politique d’externalisation des frontières européennes porte atteinte aux droits et libertés fondamentales des personnes en situation de migration ;
Considérant que les organisations non gouvernementales de sauvetage en mer comblent le manque de politique humanitaire de l’Union européenne en mer Méditerranée en agissant dans le strict respect du droit maritime international ;
Invite le Gouvernement français à proposer la création d’une flotte européenne de recherche et de sauvetage en mer ;
Souhaite que la France œuvre pour un usage déterminé par l’Union européenne de tous les moyens, diplomatie, aide publique au développement, voies de sorties sûres et légales, moyens humains, financiers et aériens de sauvetage en mer, visant à mettre fin aux morts d’exilés en Méditerranée ;
Invite le Gouvernement français à œuvrer pour l’annulation de l’accord du 2 février 2017 entre l’Italie et la Libye visant à encourager et maintenir les efforts de ce pays d’Afrique du Nord à intercepter les migrants en mer et à les renvoyer dans ses centres de détention ;
Invite le Gouvernement français à défendre la définition de l’obligation de débarquement en lieu sûr du comité sur la sécurité maritime dans le cadre des travaux engagés au sein du groupe européen de contact sur la recherche et le sauvetage en mer ;
Appelle les co‑législateurs de l’Union à adopter la résolution du Parlement européen du 13 juillet 2023 sur la nécessité d’une action de l’Union en matière de recherche et de sauvetage en Méditerranée.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 3 |
présenté par |
Mme Elsa Faucillon, rapporteure |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 5, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et notamment ses articles 67 et 80, »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement souligne l’importance du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour fonder la compétence de l’Union dans le cadre de la création d’une flotte européenne de sauvetage en mer.
L’article 67 dispose que l’Union « constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux », et qu’elle développe « une politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre États membres ».
Quant à l’article 80, il précise que la politique de l’Union en matière de migration et d’asile est « régie par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres ».
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 8 |
présenté par |
Mme Colette Capdevielle, Mme Marietta Karamanli, M. Karim Benbrahim, Mme Anna Pic, M. Pierre Pribetich, M. Thierry Sother |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 10, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Considérant l’obligation, en vertu du droit international, de porter secours aux personnes en situation de détresse en mer, au nom du « devoir de sauver » ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
En matière d’opérations de recherche et de sauvetage, le cadre juridique international repose principalement sur trois conventions :
• la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM, 1982), dite Convention de « Montego Bay », qui établit l’obligation de prêter assistance à « quiconque est trouvé en péril en mer » (article 98) ;
• la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime (SAR) adoptée par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) en 1979, selon laquelle, les États définissent des espaces géographiques de sauvetage et de recherche, appelées zones SAR, et mettent en place un ou plusieurs Centres de Coordination et de Sauvetage (dits RCC). L’État responsable de sa zone SAR doit fournir en urgence une assistance à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer, indépendamment de sa nationalité ou de son statut juridique, de sa destination, de ses intentions, ou encore des circonstances dans lesquelles elle est retrouvée ;
• la Convention internationale pour la Sauvegarde de la Vie Humaine en Mer (SOLAS) également adoptée par l’OMI en 1974.
Les amendements de 2004 à l’Annexe de la Convention SAR ont également consacré une obligation de débarquement en « lieu sûr ».
À cet égard, cet amendement vise à rappeler l’obligation, en vertu du droit international, de porter secours aux personnes en situation de détresse en mer, au nom du « devoir de sauver ».
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 9 |
présenté par |
Mme Colette Capdevielle, Mme Marietta Karamanli, M. Karim Benbrahim, Mme Anna Pic, M. Pierre Pribetich, M. Thierry Sother |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 12, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Considérant que les organisations non gouvernementales qui effectuent des opérations de recherche et de sauvetage en mer sont parfois entravées dans leur devoir d’assistance voire même criminalisées ;
Considérant que conformément aux orientations de la Commission européenne sur la mise en œuvre des règles de l’Union européenne relatives à la définition et à la prévention de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, cette criminalisation constitue une « violation du droit international et n’est donc pas autorisée par le droit de l’Union » ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
L’inaction des États et le recul des moyens dédiés aux opérations de recherche et de sauvetage en mer ont conduit des ONG à se mobiliser pour effectuer elles-mêmes la prise en charge des embarcations en détresse. Celles-ci sont parfois entravées dans leur devoir d’assistance (amendes, errements administratifs, etc.), voire même criminalisées – notamment accusés de complicité avec les passeurs – par les dirigeants de certains pays européens et certains partis politiques français. À titre d’exemple, une proposition résolution européenne de M. Olivier MARLEIX visant à faire respecter le droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée (n° 195) avait été rejetée par l’Assemblée nationale le 28 novembre 2023. Son exposé des motifs associait à des réseaux de passeurs les ONG secourant les personnes en détresse.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 6 |
présenté par |
M. Amard, Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas,M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 13, insérer un alinéa ainsi rédigé :
“Invite le gouvernement français à proposer la suppression de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes”
EXPOSÉ SOMMAIRE
Par cet amendement, les députés LFI-NFP invitent le gouvernement français à proposer la suppression de l'agence Frontex.
Nous rappelons que l’agence Frontex et les opérations Triton et Thémis conduites depuis fin 2014 sont contre-productives et ne contribuent pas à sauver des vies en mer.
La création de Frontex dès 2004 répond à une logique européenne dite “sécuritaire” de “militarisation des frontières extérieures” et son objectif n’a jamais été de sauver des vies en mer. Alors que son budget a explosé passant de 6 millions d’euros en 2005 à 845 millions d’euros en 2023, Frontex remplit un rôle aussi idéologique que flou. Sur son site internet, il est écrit que Frontex” garantit la sûreté et le bon fonctionnement des frontières extérieures en assurant la sécurité”. On se demande bien quel danger peut bien représenter des bateaux remplis d’exilés désespérés. En d’autres termes, Frontex sert avant tout à mettre des bâtons dans les roues des exilés. Le rôle néfaste de Frontex atteint son paroxysme sous la présidence de Fabrice Leggeri (2015-2022). L’agence européenne de lutte anti-fraude (OLAF) a révélé qu’entre 2020 et 2021, des agents de Frontex ont couvert des refoulements illégaux de migrants à grande échelle aux frontières, en violation grave des droits humains, contraignant Fabrice Leggeri à démissionner.
Enfin concernant les opérations Triton et Thémis, le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) et l’OIM s’étaient dès 2015 alarmés de la fin de l’opération Mare Nostrum et avaient appelé à son rétablissement. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme de l’époque, Zeid Ra'ad al-Hussein, dénonçait l’Europe qui “tourne le dos à certains des migrants les plus vulnérables dans le monde, et risque de transformer la Méditerranée en un vaste cimetière”. L’opération Triton, mise en place par l’Union européenne après l’arrêt de Mare Nostrum est dénoncée par les mêmes instances internationales comme étant “insuffisante” et bien plus centrée sur des logiques dites sécuritaires que de sauvetage en mer. De plus, le budget initial de l’opération était de 2,9 millions d’euros par mois … soit trois fois moins que l’opération Mare Nostrum qui était financée seulement par l’Italie.
Par conséquent, il nous semble opportun de supprimer l’agence Frontex dont le rôle est questionnable et le bilan humain désastreux.
Cet amendement est retiré.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 4 |
présenté par |
M. Amard, Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 13, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Appelle le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen à mettre en œuvre une vaste opération de sauvetage en mer sur le modèle de l’opération « Mare Nostrum » menée par l’Italie entre octobre 2013 et octobre 2014 ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent appeler les autorités européennes à mettre en œuvre une vaste opération de sauvetage et de secours en mer Méditerranée.
Un déjà-là existe, il s’agit de l’opération Mare Nostrum qui avait été conduite par l’Italie entre octobre 2013 et octobre 2014. D’après l’ex directeur de l’Organisation internationale pour les migrations William Lacy, cette opération a permis de sauver la vie de 200 000 personnes.
Alors que plus de 50 000 personnes sont mortes en mer Méditerranée depuis l’an 2000 d’après l’Organisation internationale pour les migrations, il est urgent de mener de vastes opérations de sauvetage et de secours en mer. Nous appelons le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen à le faire.
Cet amendement ainsi modifié est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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SOUS-AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
Mme Elsa Faucillon, rapporteure M. Amard, Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier au premier alinéa |
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À l’alinéa premier, après les mots :
« Conseil de l’Union européenne »,
supprimer « , »
et insérer « et »,
après le mot « et » supprimer les mots : « le Parlement européen ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le sous-amendement n° 1 met l’accent sur la nécessité d’une initiative européenne initiée par la Commission européenne et mise en œuvre par le Conseil de l’Union. Le Parlement européen a déjà voté la résolution du 13 juillet 2023 appelant à la mise en œuvre d’une action au niveau de la Commission et du Conseil de l’Union européenne.
Ce sous-amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 5 |
présenté par |
M. Amard, Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 14, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Appelle le gouvernement français à mener une opération « Mare Nostrum II » sur le modèle de l’opération « Mare Nostrum » menée par l’Italie entre octobre 2013 et octobre 2014, et ce sans attendre la fin du processus de discussion européen ; »
« Appelle le gouvernement français à associer tous les États qui le souhaitent à l’opération « Mare Nostrum II », sans attendre la fin du processus de discussion européen ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent inciter la France à œuvrer immédiatement à la mise en place d’une opération Mare Nostrum II sans attendre la fin du processus de discussion européen. De même, la France peut associer tous les États qui souhaitent y prendre part sans attendre.
Comme l’avait fait l’Italie entre octobre 2013 et octobre 2014, la France pourrait prendre les devants et montrer l’exemple dans le devoir de sauvetage et de secours des personnes exilées en mer.
L’effort de secours ne peut reposer sur les seules ONG comme SOS Méditerranée. Un pays comme la France, 7ème puissance économique mondiale doit pouvoir déployer ses navires pour sauver des vies humaines.
Cet amendement est retiré.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 2 |
présenté par |
Mme Elsa Faucillon, rapporteure |
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ARTICLE UNIQUE
Supprimer l’alinéa 15.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement de clarté rédactionnelle.
L’accord du 2 février 2017 entre la Libye et l’Italie est un accord de coopération bilatérale, conclu par deux États. Chaque État souverain est libre de contracter avec un autre État sans qu’un État tiers ne puisse interférer en vertu des règles du droit international.
Même si l’existence de cet accord, avec un État plusieurs fois reconnu comme « failli », peut être politiquement contestée par la France au regard de la violation des droits fondamentaux des migrants et demandeurs d’asile en Libye, il n’est toutefois pas dans le champ de compétences de la France d’œuvrer à l’annulation de cet accord, raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet alinéa.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
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crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 7 |
présenté par |
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M. Amard, Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 16, insérer un alinéa ainsi rédigé :
“Invite le gouvernement français à suspendre le traité du Touquet et le traité de Sandhurst”.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent alerter sur la situation des personnes exilées bloquées dans le nord de la France et qui périssent dans la Manche.
Alors que l’année 2024 a été l’une des plus meurtrières avec plus de 70 exilés décédés, il est primordial de revoir et suspendre les accords internationaux qui ont conduit à une telle situation.
Ainsi, nous remettons en cause le traité du Touquet et le traité de Sandhurst, signés respectivement en 2003 et en 2018 par la France et le Royaume-Uni. Ces derniers prévoient de bloquer les exilés dans le nord de la France en les empêchant d’atteindre les côtes britanniques. Loin d’assurer des voies de passages sécurisées pour les exilés, ces derniers sont en fait plongés dans des conditions de vie déplorables.
C’est ce que rappelle régulièrement la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui publiait en 2016 un avis “dénonçant les conditions de vie inacceptables des personnes migrantes sur la zone du littoral”. En 2021, la CNCDH constatait dans un nouveau rapport que les conditions de vie des exilés s’étaient encore dégradées. La politique “sécuritaire” dite “zéro point de fixation”, c’est-à-dire “des opérations quasi quotidiennes de démantèlement et de destruction des abris provisoires et une multiplication des obstacles afin d'empêcher les actions citoyennes d'aide” place les exilés dans la précarité la plus totale.
Il est temps de changer de paradigme et de mettre un terme à ces accords.
Cet amendement est retiré.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 10 |
présenté par |
Mme Colette Capdevielle, Mme Marietta Karamanli, M. Karim Benbrahim, Mme Anna Pic, M. Pierre Pribetich, M. Thierry Sother |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 16, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Invite le Gouvernement français à œuvrer – au niveau national et à l’échelle européenne - à la création et au renforcement de l’accessibilité des voies légales et sécurisées d’immigration, qui permettent l’accueil des personnes à des fins d’examen de leur demande au titre de l’asile, du travail, de la santé, du regroupement familial et des études ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement invite le Gouvernement français à œuvrer – au niveau national et à l’échelle européenne - à la création et au renforcement de l’accessibilité des voies légales et sécurisées d’immigration. Parmi celles-ci : la réinstallation, la mobilité étudiante, les visas humanitaires, ou encore le regroupement familial.
Le groupe Socialistes & apparentés défend notamment à ce titre la révision du pacte européen sur la migration et l’asile adopté en avril dernier, ainsi que l’abrogation de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Pour rappel, après un recours déposé par les parlementaires des groupes de gauche, le Conseil constitutionnel avait censuré 32 articles du projet de loi immigration, dont ceux relatifs à la remise en cause du droit du sol ou encore au durcissement du regroupement familial.
Cet amendement est retiré.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 11 |
présenté par |
Elsa Faucillon, rapporteure |
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ARTICLE UNIQUE
Au début de l’alinéa 17, substituer aux mots « Appelle les co-législateurs de l’Union à adopter » les mots « Appelle la Commission à mettre en œuvre ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement de clarté rédactionnelle.
La Commission européenne dispose du monopole juridique de l’initiative législative.
La résolution, votée, par le Parlement européen, le 13 juillet 2023, n’a pas de valeur juridique contraignante.
Toutefois, en appeler aux co-législateurs, à savoir le Conseil et le Parlement, pour l’adopter est moins contraignant juridiquement que de demander à la Commission de faire une proposition législative pour créer une flotte de solidarité européenne.
Cet amendement est adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
27 NOVEMBRE 2024
crÉation d’une flotte europÉenne de sauvetage en mer (n° 180),
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AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
Mme Elsa Faucillon, rapporteure |
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À l’intitulé du titre, après le mot « de », substituer au mot « sauvetage » le mot « solidarité »
EXPOSÉ SOMMAIRE
L’article 80 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que les politiques de l’Union européenne relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration doivent obéir au principe « de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres ». La création d’une flotte européenne de solidarité en Méditerranée répond à cette obligation : les États membres doivent s’organiser solidairement en matière de politique migratoire.
De plus, le Pacte Asile et Migration adopté en 2024 (règlement (UE) 2024/1351) a permis l’émergence concrète de ce principe en prévoyant des mesures de solidarité et de soutien en direction de certains États membres pour un partage plus équitable des responsabilités (article 1). Les contributions peuvent être financières, humaines ou techniques. Ce principe de solidarité devant être rapidement mis en œuvre par les États membres, la création d’une flotte européenne de solidarité ne serait que la suite logique du Pacte Asile et Migration.
Cet amendement est retiré.
PROPOSITION DE R֤ÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
Vu la Convention de Genève de 1951 et son protocole additionnel,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et notamment ses articles 67 et 80,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et notamment son article 19,
Vu la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982,
Vu la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime de 1979,
Vu la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974,
Considérant que la mer Méditerranée est la route migratoire la plus mortelle, depuis 2014, 28 229 personnes y sont mortes ;
Considérant l’obligation, en vertu du droit international, de porter secours aux personnes en situation de détresse en mer, au nom du « devoir de sauver » ;
Considérant que la politique d’externalisation des frontières européennes porte atteinte aux droits et libertés fondamentales des personnes en situation de migration ;
Considérant que les organisations non gouvernementales de sauvetage en mer comblent le manque de politique humanitaire de l’Union européenne en mer Méditerranée en agissant dans le strict respect du droit maritime international ;
Considérant que les organisations non gouvernementales qui effectuent des opérations de recherche et de sauvetage en mer sont parfois entravées dans leur devoir d’assistance voire même criminalisées ;
Considérant que conformément aux orientations de la Commission européenne sur la mise en œuvre des règles de l’Union européenne relatives à la définition et à la prévention de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, cette criminalisation constitue une « violation du droit international et n’est donc pas autorisée par le droit de l’Union » ;
Invite le Gouvernement français à proposer la création d’une flotte européenne de recherche et de sauvetage en mer ;
Appelle le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne à mettre en œuvre une vaste opération de sauvetage en mer sur le modèle de l’opération « Mare Nostrum » menée par l’Italie entre octobre 2013 et octobre 2014 ;
Souhaite que la France œuvre pour un usage déterminé par l’Union européenne de tous les moyens, diplomatie, aide publique au développement, voies de sorties sûres et légales, moyens humains, financiers et aériens de sauvetage en mer, visant à mettre fin aux morts d’exilés en Méditerranée ;
Invite le Gouvernement français à défendre la définition de l’obligation de débarquement en lieu sûr du comité sur la sécurité maritime dans le cadre des travaux engagés au sein du groupe européen de contact sur la recherche et le sauvetage en mer ;
Appelle la Commission à mettre en œuvre la résolution du Parlement européen du 13 juillet 2023 sur la nécessité d’une action de l’Union en matière de recherche et de sauvetage en Méditerranée.
Annexe n° 1 : théorie de l’appel d’air
La théorie de l’appel d’air ou du pull effect : un mythe politique largement réfuté par les études statistiques
Etude, IPSI, “Migration and the Myth of the Pull-Factor in the Mediterranean”, 26/02/2020.
À partir de 2016, les ONG de sauvetage en mer ont été accusées d’agir comme un pull factor à l’entrée irrégulière en Europe via la mer Méditerranée. Cette théorie suggère que plus les navires d’ONG sont nombreux et proches des côtes libyennes, plus les migrants sont encouragés à prendre des risques inconsidérés pour faire la traversée en mer. À ces navires affrétés par des ONG se sont ajoutées les opérations coordonnées par Frontex telles que l’opération Sophia qui sont également accusées d'être un aimant à l’entrée irrégulière de migrants en Europe. En Italie, Matteo Salvini puis son successeur Giuseppe Conte, ont demandé à ce que cette opération soit stoppée, chose faite depuis mars 2019.
La fin de l’opération Sophia a permis de rétablir scientifiquement la réalité de l’inexistence d’un pull factor tout comme la fin de l’opération Mare Nostrum l’avait déjà démontré en son temps : les traversées en mer Méditerranée n’ont ni cessé ni diminué avec la fin de ces opérations.
Cette étude fondée sur des données de 2019 a scientifiquement établi l’inexistence d’une relation de causalité entre les départs depuis la Libye et la présence d’ONG proches des côtes. Les activités de recherche en mer des ONG n’ont pas eu pour effet une augmentation des départs depuis la Libye, départs qui stagnent qu’il y ait ou non des navires d’ONG dans la zone.
L’étude montre toutefois que les départs sont affectés par deux éléments importants. Premièrement, les conditions météorologiques : plus les températures augmentent plus les départs sont nombreux et plus venteux sont les jours, moins les départs sont nombreux. Deuxièmement, la dégradation des conditions politiques en Libye a une influence sur les départs depuis ce pays. Entre janvier 2019 et février 2020, aucun pull factor n’a pu être détecté en relation avec la présence de navires d’ONG.
Déclaration à Euronews de Hans Leijtens, Directeur de Frontex “NGO rescue missions in the Mediterranean 'not a pull factor' for migrants”, 04/09/2024.
Le directeur de Frontex, Hans Leijtens, reconnaît dans un entretien avec Euronews que la présence de navires d’ONG en mer Méditerranée n’encourage pas les départs de migrants par la mer. Il précise n’avoir jamais exprimé une opinion indiquant que la présence des ONG pourrait être considérée comme un pull factor incitant à des traversées irrégulières en mer Méditerranée.
La première mission des officiers de Frontex est de sauver des vies sur terre et en mer. Toutefois, ces actions dépendent majoritairement de leurs capacitsé d’action. Les agents de Frontex ont prêté serment de servir et protéger, telle est leur priorité.
Etude, European University Institute, “Sea Rescue NGOs: a Pull Factor of Irregular Migration?”, 11/2019.
L’étude se base sur l’examen des départs depuis la Libye entre 2014 et octobre 2019 et conclut en l’inexistence d’une relation entre présence d’ONG en mer et nombre de départs depuis la Libye.
L’opération Mare Nostrum, lancée en octobre 2013 par les autorités italiennes, était déjà, à l’époque, considérée par certains comme un “pull factor qui encourage les migrants à tenter des traversées en mer dangereuses” (House of Lords, 2016, “Operation Sophia, the EU’s naval mission in the Mediterranean : an impossible challenge”).
De nombreux universitaires reprochent à cette théorie d'être simpliste (Geddes and Scholten, 2016, “The Politics of Migration and Immigration in Europe” et Castles et autres, 2013, “The Age of Migration”).
En 2015, le nombre total de migrants qui sont partis de Libye a diminué par rapport à 2014 alors même que le nombre de migrants secourus par des ONG a augmenté, passant de 0,8 % à 13 % du total des personnes secourues en mer. Après juillet 2017, le nombre de départs de la Libye s’est effondré bien que les ONG aient été le plus grand support de SAR en mer à ce moment-là. Cela suggère que l’accord entre l’Italie et la Libye (juillet 2017) a eu un plus grand impact sur la réduction des départs plutôt que les essais répétés de limiter les activités des ONG.
Irregular Migrants Departures from Libya and NGO’s SAR operations.
Source : Author’s elaborations on UNHCR, IOM and Italian Coast Guard Data.
L’étude souligne la difficulté de n’avoir que des données mensuelles et non pas quotidiennes, les ONG n’étant pas présentes tous les jours en Méditerranée. Les données quotidiennes sont accessibles et utilisables uniquement depuis 2019. De plus, à partir de 2019, plus aucune opération conjointe de Frontex n’est en activité, ce qui permet d’analyser plus clairement l’impact des ONG sur les traversées car elles sont les seuls acteurs de SAR en mer.
Daily irregular Migrants Departures from Libya and NGOs’ SAR Operations (1 January – 27 October 2019)
Source : Authors’ elaborations from UNHCR, IOM and own data. The blue dots correspond to daily migrant departures, while the gray bands show the periods where at least one NGO ship was present at sea.
Estimated effects for NGO presence (left) and changing weather conditions (right),
1 January- 27 October 2019
L’étude suggère que les opérations de SAR des ONG ne peuvent être corrélées avec les nombres de migrants quittant la Libye en traversant la Méditerranée. L’analyse permet toutefois de déceler des critères ayant une influence sur les départs, en particulier les conditions météorologiques.
Étude, Oxford University, “Border death in the Mediterranean: What we can learn from the latest data”, mars 2017.
Comment le nombre de décès en mer varie en fonction des routes migratoires et au fil du temps ?
En 2016, ont été recensés plus de 5 000 décès en mer dont la majorité sur la route migratoire de Méditerranée centrale.
Migrant fatalities in the Mediterranean region by year and route, 2000-2016.
Source : The Migrant Files (2000-2013) and the Missing Migrant Project (2014-2016).
L’étude soulève une faible mortalité en mer en 2010, puis une augmentation importante de la mortalité, en 2011, notamment en Méditerranée centrale. Cette tendance à l'augmentation des décès s’est encore accentuée entre 2014 et 2016.
L’étude calcule le ratio de mortalité en mer en fonction du nombre de personnes disparues en mer pour 1 000 personnes qui ont tenté la traversée.
Migrant mortality rates, by year and route.
Source : The Migrant Files (2010-2013), the Missing Migrant Project (2014-2016) and Frontex.
Le taux de décès en mer dépend fortement des voies maritimes empruntées : la voie de l’est de la Méditerranée étant la moins dangereuse alors que la voie centrale est la plus fatale.
En 2015, le risque de décès en empruntant la voie maritime de Méditerranée centrale est 19 fois plus important qu’en passant par l’est de la Méditerranée (15,4 contre 0,83 sur 1 000 traversées). La mortalité des personnes empruntant la voie maritime centrale a substantiellement augmenté depuis 2016. En 2016, 1 migrant sur 39 est décédé en tentant de rejoindre l’Italie ou Malte en tentant de traverser la Méditerranée centrale.
Est-ce que les missions de SAR encouragent les traversées risquées en mer ?
L’étude se voue à démontrer le mensonge de la théorie de l’appel d’air, aussi communément appelé “magnet” ou “pont” vers l’Europe dans plusieurs discours politiques. L’étude se concentre sur la voie maritime de Méditerranée centrale et analyse trois périodes :
Octobre 2013 - octobre 2014 : Mare Nostrum (mission avec objectif humanitaire explicite)
Novembre 2014 - mai 2015 : “low-SAR period” (période entre la fin de Mare Nostrum et le début de Triton)
Juin 2015 - décembre 2016 : Triton (mission avec objectif de sécurité des frontières, sans mission explicite de SAR) aidée par plusieurs navires d’ONG
L’étude remarque en premier lieu que l’immigration irrégulière par la mer Méditerranée dépend particulièrement des saisons : il y a statistiquement plus de traversées en Méditerranée en été qu’en hiver, en considération de conditions météorologiques plus favorables.
Total number of arrivals (left) and mortality rate (right) by search and rescue (SAR) period.
Lecture du graphique : Nombre d’arrivées (gauche) basées sur les mois équivalents (novembre-mai 2014, 2015 et 2016) Taux de mortalité (droite) basés la période totale (octobre 2013 à décembre 2016).
Le nombre d’arrivées en Europe durant la période de “low-SAR” n’était pas plus haut que durant les périodes au cours desquelles les missions de sauvetage étaient opérationnelles comme l’insinue la théorie de l’appel d’air. De plus, le ratio de mortalité était plus haut durant la période au cours de laquelle Triton I était opérationnel. Ce résultat élevé sur cette période s’explique par deux accidents (13 et 18 avril 2015) au cours desquels respectivement 400 et 750 personnes sont décédées.
L’étude mentionne un rapport “Death-By-Rescue”, de l’University of London’s, Forensic Oceanography department, juin 2017. Le rapport analyse les circonstances de ces accidents et conclut qu’ils auraient pu être évités si une plus grande capacité opérationnelle de SAR avait été en mer. Les résultats suggèrent que les opérations de SAR réduisent les risques de décès en mer et qu'elles n’ont pas ou très peu d’effet sur le nombre d’arrivées en Europe.
L’ensemble de ces études concluent à l’inexistence d’un possible « appel d’air » favorisé par la présence d’opérations de sauvetage et de surveillance en mer.
annexe n° 2 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteurE
● Agence des droits fondamentaux
– M. Adriano SILVESTRI, Head of Sector, Asylum, Migration and Borders
● Commission européenne
DG Home
– Mme Simona ARDOVINO, Cheffe d’unité “réponse à la gestion de la migration et lutte contre les trafics”
– Mme Milica PETROVIC, Country coordinator and policy officer migration management
● Frontex
– M. Brice CALDAIROU – Head of the Coast Guard Sector
– M. Tuukka HOIJER – Head of Sector Specific Planning
– M. Mirco NEGRO – Deputy Head of Unit of 24/7 Operation Centre
– M. Salvatore RAHO - Acting Head of Service Management Sector
– Mme Ana Cristina JORGE - Advisor
– M. Giovanni DI SANTO – Expert at the Coast Guard Sector
– Mme Manon GUIBERT, EBCG Cooperation Specialist, note taker
● Mme Fabienne Keller, eurodéputée
● Médiatrice européenne
– Mme Emily O’REILLY, Médiatrice européenne
– Mme Gundi GADESMANN, Cheffe de cabinet de la Médiatrice européenne
● SOS Méditerranée
– Mme Fabienne LASSALLE, Directrice générale adjointe de SOS Méditerranée
– Mme Lucille GUENIER, Responsable de communication pour le département des opérations de SOS Méditerranée
● M. Omer Schatz, Avocat, directeur juridique de Front-Lex
● Secrétariat général des affaires étrangères (SGAE)
– Mme Sophie FANUCCHI, Cheffe de bureau Frontières, asile et migrations
– Mme Constance DELER, Cheffe du bureau Parlements
● Représentation permanente de la France auprès de l’UE
– M. le préfet Nicolas LE MAISTRE, Chef du service "justice et affaires intérieures"
– Mme Marie VAUTHIER, Conseillère pour les Affaires intérieures (Asile/Migrations)
● Préfecture Maritime de la Méditerranée (Toulon)
– M. Thierry de la BURGADE, Commissaire général, adjoint du préfet maritime de Toulon
([1]) Discours sur l’état de l’Union européenne, Ursula van der Leyen, 16 septembre 2020.
([2]) La Convention de Montego Bay a été signée, le 10 décembre 1982, elle est entrée en vigueur le 16 novembre 1994. https://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf
([3]) Signée par les Communautés européennes en 1984, seule organisation internationale à en être partie.
([4]) Un nautique correspond ou mile marin équivaut à 1,852 mètre.
([5]) Article 98 CNUDM : « 1. Tout État exige du capitaine d'un navire battant son pavillon que […]
a) il prête assistance à quiconque est trouvé en péril en mer ;
b) il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s'il est informé qu'elles ont besoin d'assistance, dans la mesure où l'on peut raisonnablement s'attendre qu'il agisse de la sorte.
([6]) Article 98 CNUDM : « 2. Tous les États côtiers facilitent la création et le fonctionnement d'un service permanent de recherche et de sauvetage adéquat et efficace pour assurer la sécurité maritime et aérienne et, s'il y a lieu, collaborent à cette fin avec leurs voisins dans le cadre d'arrangements régionaux. »
([7]) Règle 33 de la Convention SOLAS, 1974 (adoptée le 20 mai 2004), qui définit également l’obligation de le débarquer dans un lieu sûr depuis 2004.
([8]) Règle 33 de la Convention SOLAS, 1974.
([9]) SRR correspond à l’acronyme anglais Search and Rescue Region.
([10]) Après le naufrage du Tampa, les conventions SOLAS et SRR ont été amendées en 2004 pour inclure l’obligation de débarquement dans un lieu sûr.
([11]) Résolution MSC.167 (78).
([12]) Article 9 de la convention SRR.
([13]) Règlement n° 656/2014 du 15 mai 2014 établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’UE.
([14]) Règlement (UE) 2024/1351 du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile et de la migration en matière de solidarité et de réduction des charges des États dits de première ligne, dit Pacte Asile et Migration.
([15]) Article 1er du règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, régissant le fonctionnement de Frontex.
([16]) Article 36 du règlement (UE) 2019/1896.
([17]) Article 21 du règlement (UE) 2019/1896.
([18]) Article 36 du règlement (UE) 2019/1896.
([19]) Article 10 du règlement (UE) 2019/1896.
([20]) Article 36 du règlement (UE) 2019/1896.
([21]) Règlement (UE) 2024/1351 du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile t de la migration en matière de solidarité et de réduction des charges des États dits de première ligne, dit Pacte Asile et Migration.
([22]) Considérant 56 du règlement (UE) 2024/1351).
([23]) Article 33 du règlement (UE) 2024/1351).
([24]) « Lorsque, au cours des douze derniers mois, un État membre a été confronté à un grand nombre d'arrivées en raison de débarquements récurrents à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage, la Commission considère que cet État membre est soumis à une pression migratoire à condition que ces arrivées soient d'une ampleur telle qu'elles créent des obligations disproportionnées pour le régime d'asile, d'accueil et de migration, même bien préparé, de l'État membre concerné.» (article 11 paragraphe 3 du règlement (UE) 2024/1351).
([25]) Article 12 du règlement.
([26]) https://www.ombudsman.europa.eu/fr/decision/fr/182665
([27]) Discours sur l’état de l’Union européenne, Ursula van der Leyen, 16 septembre 2020.
([28]) Naufrages en Méditerranée : des agences de l’ONU appellent les États à veiller au sauvetage des migrants. (2023, août 2010). ONU Info. https://news.un.org/fr/story/2023/08/1137522
([29])Résolution du Parlement européen du 13 juillet 2023 sur la nécessité d’une action de l’Union en matière de sauvetage et de recherche en mer Méditerranée, adoptée le 13 juillet 2023 https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0293_FR
([30]) Bégin, J. (2022, 3 juin). Coordination des secours en Méditerranée centrale : un constat d’échec. SOS MEDITERRANEE. https://sosmediterranee.fr/focus/echec-coordination/
([31])Toute l’Europe. (2020, 3 décembre). Qu’est-ce qu’EUROSUR ? Touteleurope.eu. https://www.touteleurope.eu/societe/qu-est-ce-qu-eurosur/
([32]) Cour des comptes européenne, Rapport spécial n° 20/2019 : Systèmes d'information de l'UE utilisés dans le cadre du contrôle aux frontières – Un outil solide, mais trop peu axé sur l'exhaustivité et la disponibilité en temps opportun des données
([33])RESOLUTION MSC.153(78) (adopted on 20 May 2004) AMENDMENTS TO THE INTERNATIONAL CONVENTION FOR THE SAFETY OF LIFE AT SEA, 1974, AS AMENDED AMENDMENTS TO THE INTERNATIONAL CONVENTION
([34]) https://book.coe.int/fr/commissaire-aux-droits-de-l-homme/9597-pdf-un-appel-de-detresse-pour-les-droits-de-l-homme-des-migrants-de-moins-en-moins-proteges-en-mediterranee.html
([35])RESOLUTION MSC.153(78) (adopted on 20 May 2004) AMENDMENTS TO THE INTERNATIONAL CONVENTION FOR THE SAFETY OF LIFE AT SEA, 1974, AS AMENDED AMENDMENTS TO THE INTERNATIONAL CONVENTION
([36])Bégin, J. (2022b, juin 3). Coordination des secours en Méditerranée centrale : un constat d& # 039 ; échec. SOS MEDITERRANEE. https://sosmediterranee.fr/focus/echec-coordination/
([37]) Sur les 10 navires humanitaires menant des opérations de recherche et de sauvetage de migrants en Méditerranée, combien étaient immobilisés au 15 juin ? – Vues d’Europe. (s.d.). https://www.vuesdeurope.eu/question/sur-les-10-navires-humanitaires-menant-des-operations-de-recherche-et-de-sauvetage-de-migrants-en-mediterranee-combien-etaient-immobilises-au-15-juin/
([38])https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/20/la-justice-italienne-disculpe-les-ong-d-aide-aux-migrants-de-tout-lien-avec-les-passeurs-libyens_6228881_3210.html
([39]) Kaval, A. (2024, 20 avril). La justice italienne disculpe les ONG d’aide aux migrants de tout lien avec les passeurs libyens. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/20/la-justice-italienne-disculpe-les-ong-d-aide-aux-migrants-de-tout-lien-avec-les-passeurs-libyens_6228881_3210.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=default
([40]) L’Italie interdit aux avions d’ONG de décoller depuis les îles de Méditerranée (2024, 8 mai). InfoMigrants. https://www.infomigrants.net/fr/post/56928/litalie-interdit-aux-avions-dong-de-decoller-depuis-des-iles-de-mediterranee
([41]) Affaire 219/2024/TM notamment et affaire OI/3/2023/MHZ.
([42]) Révélé par la plateforme allemande FragDenStaat, en collaboration avec Der Spiegel et Lighthouse Reports, ce document confidentiel met en lumière des « fautes graves » commises par des cadres de l’agence européenne en charge des frontières extérieures de l’UE.
([43])Micheletti, P. (2024, 5 juin). L’Union européenne et le sauvetage des migrants-naufragés en Méditerranée : le droit comme rempart à l’indignité. Institut Rousseau. https://institut-rousseau.fr/lunion-europeenne-et-le-sauvetage-des-migrants-naufrages-en-mediterranee-le-droit-comme-rempart-a-lindignite/
([44]) Article 4 du TFUE.
([45]) Articles 3, 6, 18, 19, 24 §2 de la Charte des droits fondamentaux.
([46]) Article 80 TFUE.
([47]) Recommandation du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Lives saved. Rights protected. Bridging the protection gap for refugees and migrants in the Mediterranean, du 18 juin 2019.