N° 695

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 608),
DE M. ARNAUD LE GALL ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


invitant le Gouvernement de la République française
à refuser la ratification de l’accord commercial
entre l’Union européenne et le Mercosur,

 

 

PAR Mme Mathilde HIGNET,

Députée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président, M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL vice‑présidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM.  Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, MM. François-Xavier CECCOLI, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Mmes Yaël MENACHÉ, Manon MEUNIER, Danièle OBONO, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Thierry SOTHER, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLE-POLIAN, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA. Mis à jour le 04.12

 


SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. L’accord d’association entre l’Union EuropÉenne et le Mercosur, qui accentuerait la fragilisation de la filiÈre agricole europÉenne et Des ÉcosystÈmes mondiaux, est contraire À l’ambition de souverainetÉ alimentaire

A. Les retombÉes Économiques attendues sont globalement faibles tandis que les risques de concurrence dÉloyale VIS-À-vis de l’agriculture europÉenne sont avÉrÉs

1. Des retombées économiques globalement faibles

2. Une concurrence déloyale que les agriculteurs européens, déjà fragilisés, ne peuvent accepter

a. Un accord qui n’est pas guidé par un principe d’équité

b. Un mécontentement du monde agricole, notamment français, justifié par son affaiblissement progressif

B. Les risques que cet accord fait peser sur l'environnement et la santÉ dÉpassent le cadre de l’Union europÉenne

1. Des risques sanitaires contraires au bien-être animal et dangereux pour le consommateur

2. Des conséquences inquiétantes pour l’environnement

3. Une contestation montante de la société civile

C. Les limites de cet accord posent la question du degrÉ d’ouverture qui devrait s’imposer aux accords commerciaux, notamment sur l’agriculture

1. L’impossible mise en œuvre du principe de réciprocité via des clauses miroirs

2. Approuver cet accord, c’est renoncer à l’ambition de souveraineté alimentaire

II. Afin de s’opposer À ce projet d’accord, la voie politique est À ce jour privilÉgiÉe mais n’exclut pas le recours À des moyens de pression juridiques

A. la commission europÉenne dispose de moyens À court et À moyen terme pour contourner l’opposition de la France

1. À court terme, la Commission européenne pourrait conclure un nouvel accord de principe

2. À moyen terme, la Commission européenne pourrait demander au Conseil l’autorisation de signer un accord intérimaire

a. Le projet d’accord d’association, parce qu’il comporte un volet politique, requiert l’aval de la France et du Parlement français

b. Le volet commercial de l’accord d’association pourrait toutefois faire l’objet d’une autorisation d’application provisoire via l’adoption d’un accord intérimaire

B. LE jeu des alliances pourrait permettre de dissuader la commission europÉenne d’annoncer un accord de principe et de demander l’autorisation de signer un accord intÉrimaire

C. Une saisine de la Cour de justice serait Également possible en droit

1. La procédure de consultation prévue par l’article 218§11 du TFUE permet la saisine du juge européen à titre préventif

2. Un recours en annulation serait également possible

Examen COMMISSION

proposition de rÉsolution europÉEnne initiale

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE R֤ÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

 


   introduction

Mesdames, Messieurs,

Il y a 25 ans, la Commission européenne a obtenu du Conseil de l’Union mandat de négocier un accord d’association entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay, Bolivie – et le Venezuela jusqu’en 2017). Cet accord d’association couvre un volet commercial de la compétence exclusive de l’Union mais aussi deux domaines de compétences partagées entre l’Union et les États membres : un volet politique et un volet économique (relatif aux investissements). Le projet d’accord d’association a fait l’objet d’un accord de principe, sans valeur juridique, le 28 juin 2019.

Aujourd’hui, il semblerait qu’il soit devenu urgent pour la Commission européenne d’aboutir à la conclusion de l’accord et à une application provisoire de son volet commercial, contre l’avis de la France – alors que des discussions sont toujours en cours sur la question du respect de l'Accord de Paris, l'accès des produits agricoles au marché européen et l'ouverture des marchés publics dans le Mercosur.

Si les autorités européennes s’engageaient effectivement dans la voie d’une conclusion des négociations et d’une approbation du projet d’accord d’association, alors que les enjeux et les équilibres mondiaux ont évolué et que les oppositions contre ce projet sont de plus en plus nombreuses, cette démarche ne serait pas acceptable et encore moins acceptée, sur le fond comme sur la forme.

Sur le fond, ce partenariat entre l’Union européenne et le Mercosur suscite de très vives inquiétudes des populations françaises et européennes au regard tant de ses répercussions économiques sur la filière agricole que des risques sanitaires et environnementaux dont il est porteur. Son impact sur l’agriculture est par ailleurs incompréhensible compte tenu de la place prépondérante qu’occupe ce secteur dans les politiques publiques européennes. La politique agricole commune, qui est l’une des plus anciennes politiques communes, pèse en effet près d’un tiers sur le budget de l’Union européenne. Fragiliser un secteur qui représente un tel investissement financier sur le territoire européen, et dont les orientations techniques ont un impact environnemental considérable à l’échelle de la planète, n’a aucun sens. C’est également contraire à l’ambition de souveraineté alimentaire qui devrait guider toute action publique, comme l’ont démontré les récentes crises géopolitiques et sanitaires.

Sur la forme, les conditions démocratiques ne sont pas réunies pour adopter cet accord sans la voix de la France, pays fondateur de l’Union européenne et première puissance agricole de l’Union. Or, rarement un projet d’accord aura rassemblé une opposition politique si unanime. Par ailleurs, la légitimité des récentes mobilisations d’agriculteurs fait consensus, 88 % des Français déclarant ces mouvements justifiés d’après un récent sondage IFOP-Ouest France. Les Français s’inquiètent légitimement des risques sanitaires et écologiques que ferait peser cet accord.

Ce consensus traduit également une fatigue et un malaise.

Une fatigue car au gré des accords de libre-échange l’agriculture semble toujours être la variable d’ajustement. Or, la figure de l’agriculteur évoque plus qu’un métier. C’est aussi une économie locale et familiale, un territoire, un paysage.

Un malaise car les exigences sanitaires et environnementales s’imposant à l’agriculture européenne répondent à des standards qu’aucun autre pays ou qu’aucune autre zone géographique n’a adopté. Il est donc inique de mettre en concurrence les agriculteurs européens qui s’efforcent de répondre aux défis que nous pose l’avenir avec des producteurs dont les normes sont moins contraignantes. Ces distorsions de concurrence ravivent par ailleurs la question centrale d’une rémunération juste et décente.

Plus généralement, la place de l’agriculture dans les accords commerciaux doit être fortement mise en cause, compte tenu de son enjeu stratégique en termes de souveraineté alimentaire et de son rôle dans la protection des écosystèmes. Or les accords commerciaux conduisent à son affaiblissement.

Mardi 26 novembre 2024, le Gouvernement a prononcé un discours sur « les négociations en cours relatives à l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur » suivi d’un vote, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution. La Ministre de l’Agriculture a alors affirmé que le projet d’accord, dans les conditions actuelles, ne garantissait pas des conditions de concurrences loyales entre les agriculteurs du Mercosur et de l’Union, sans pour autant s’opposer pleinement à la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne et le Mercosur.

L’objet de cette proposition de résolution est donc double : à titre principal, signifier notre opposition à la conclusion d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, à titre subsidiaire, s’opposer à tout moyen qui serait mis en œuvre pour approuver l’accord sans l’approbation de la France et de tous les États membres.

La signature de l’accord, qui était présentée comme possible en marge du G20 des 18 et 19 novembre, n’a d’ailleurs pas eu lieu. L’accord n’est même pas mentionné dans la déclaration finale des chefs d’État et de gouvernement du G20 qui s’en tient à des considérations générales sur l’importance du développement d’une agriculture durable.

Dans l’intervalle de ce G20, d’autres pays européens, dont la Pologne, sont venus grossir les rangs de la contestation. Le Conseil de l’Union qui se réunira en formation agriculture-pêche les 9-10 décembre pourrait permettre de clarifier les soutiens et oppositions à ce projet et faire pression pour dissuader toute action qui irait à l’encontre des intérêts de la France.


I.   L’accord d’association entre l’Union EuropÉenne et le Mercosur, qui accentuerait la fragilisation de la filiÈre agricole europÉenne et Des ÉcosystÈmes mondiaux, est contraire À l’ambition de souverainetÉ alimentaire

A.   Les retombÉes Économiques attendues sont globalement faibles tandis que les risques de concurrence dÉloyale VIS-À-vis de l’agriculture europÉenne sont avÉrÉs

Le volet commercial de l’accord d’association vise, à terme, la suppression de plus de 90 % des droits de douane dans les secteurs de l'industrie automobile, de la chimie, de la pharmaceutique, du textile, des services et de l’agriculture. Or, la faiblesse des retombées économiques combinée à la déstabilisation des filières agricoles européennes relativise la portée des supposés bienfaits de ce partenariat.

1.   Des retombées économiques globalement faibles

Le Mercosur représente un marché concentrant plus de 80 % du PIB de l'Amérique du Sud. Il constitue par ailleurs le quatrième bloc économique de libre‑échange au monde, après le Partenariat économique régional global (RCEP) en Asie (la Chine et 14 pays de la région Asie-Pacifique), l'Alena (les États-Unis, le Canada et le Mexique) et l'Union européenne (UE).

Alors que l’association Mercosur-UE représenterait un marché de près de 780 millions de personnes dans le monde, les retombées économiques attendues sont modestes.

Ce sont en effet les conclusions du rapport de la commission Ambec, remis au Premier ministre en septembre 2020 et portant sur les dispositions et effets potentiels de la partie commerciale de l’Accord d’Association entre l’Union européenne et le Mercosur en matière de développement durable. Selon ce rapport, les retombées économiques attendues sont minimes et masquent une hétérogénéité entre des secteurs qui enregistreront des gains – principalement l’industrie et les services – et d’autres, comme l’agriculture, qui pâtiront de la concurrence des pays du Mercosur.

Ce constat s’inscrit dans la logique des accords de libre-échange qui exacerbent la logique de la spécialisation induite par les échanges commerciaux. Les partenaires commerciaux vont produire et exporter dans les domaines où ils sont le plus performants. Le Mercosur et l’Union européenne s’inscrivent dans cette tendance mais d’une façon plus marquée. Le Mercosur est en effet par excellence la puissance agricole et agro-exportatrice au niveau mondial. Concrètement, cela signifie que les avantages comparatifs vont être très caractérisés de chaque côté avec d’une part des produits agricoles exportés par le marché sud-américain et d’autre part des produits industriels et des services fournis par les pays européens.

En ce qui concerne plus précisément les répercussions de l’accord sur le secteur agricole européen, le rapport Ambec procède à une analyse des filières les plus sensibles : la volaille, les viandes bovines, le sucre, l’éthanol et le miel. Du fait de l’accord, il projette une augmentation des importations européennes de volaille, de viandes bovines, d’éthanol et de miel en provenance des pays du Mercosur.

Les volumes d’importations pour lesquels les droits de douane seront levés peuvent sembler faibles : 99 000 tonnes de viande bovine (soit 1,6 % de la production de l’UE), 25 000 tonnes de viande porcine (0,1 % de la production de l’UE), 180 000 tonnes de volailles (1,4 %) ou 190 000 tonnes de sucre (1,2 %). Ils pourraient néanmoins affaiblir les producteurs européens sur certains segments de marché précis.

Pour la filière bovine : la production d’aloyaux en Europe est de 400 000 tonnes. Si les producteurs du Mercosur décidaient d’orienter leurs 99 000 tonnes d’exportations de viande bovine sur ce segment précis, à forte valeur ajoutée, cela aurait un impact significatif pour les producteurs européens.

Les volumes d’importation de volailles pourraient également fragiliser les éleveurs de volailles en France qui connaissent déjà de grandes difficultés. 

De son côté, l’étude d’impact diligentée par la Commission européenne en décembre 2020 et portant sur la durabilité à l’appui des négociations de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur table sur un impact économique négligeable. Ainsi, dans le scénario conservateur, le PIB de l’UE augmente de 10,9 milliards d’euros (0,1 %) et dans le Mercosur de 7,4 milliards d’euros (0,3 %) d’ici 2032, par rapport à la ligne de base de modélisation sans l’ALE (Accord de Libre-Échange). Dans ce scénario ambitieux, le PIB de l’UE augmente de 15 milliards d’euros (0,1 %) et dans le Mercosur de 11,4 milliards d’euros.

Dans le secteur de la viande bovine plus précisément, cette étude estime que les importations de l’UE en provenance du Mercosur augmenteront dans les deux scénarios (30 % et 64 %, respectivement). La production de l’UE diminuera de 0,7 % (conservateur) et de 1,2 % (ambitieux).

2.   Une concurrence déloyale que les agriculteurs européens, déjà fragilisés, ne peuvent accepter

a.   Un accord qui n’est pas guidé par un principe d’équité

Le monde agricole européen dénonce la mise en concurrence de la production agricole européenne, notamment de la production de viande, avec des pays où les normes sanitaires et environnementales sont très éloignées des normes européennes. Cette différence a des conséquences directes sur les coûts de production, et donc sur les prix de vente. Il redoute particulièrement la concurrence des deux géants sud-américains que sont le Brésil et l’Argentine.

Géant par son territoire et par sa population, le Brésil est le cinquième pays du monde par sa superficie. Avec ces 8.5 millions de Km2, il occupe à lui seul la moitié de l’Amérique du Sud et dispose d’une importante réserve de terres qui lui vaut le surnom de ferme du monde. C’est le premier producteur au monde de jus d’orange, de sucre, de café et de soja. Le pays produit également de la viande de bœuf.

L’Argentine s’est quant à elle construite essentiellement autour de l’agriculture et de l’élevage. Avec un cheptel de 54 millions de bovins, des parcs d’engraissement en plein air où se concentrent parfois jusqu’à dix mille têtes (les fameux « feed-lots »), l’Argentine symbolise un modèle industriel bien loin des standards européens.

Les normes en matière de santé et d’environnement appliquées au Mercosur, lorsqu’elles existent, sont très éloignées des ambitions du pacte vert pour l’Europe, de la stratégie « De la ferme à la table » et de la stratégie en faveur de la biodiversité. Les efforts demandés aux agriculteurs sud-américains ne sont donc pas les mêmes que ceux auxquels sont astreints les agriculteurs européens. Ces derniers redoutent à juste titre les effets négatifs d’une concurrence fondée sur une réglementation plus laxiste sur leurs salaires, sur leurs conditions de travail, sur leur emploi et sur leur niveau de vie. La concurrence déloyale qu’ils dénoncent résulte également des coûts de production plus faibles constatés dans les pays membres du Mercosur, ce qui devrait de facto tirer les prix agricoles vers le bas. La perte de rémunération consécutive ne peut qu’accentuer leur colère.

b.   Un mécontentement du monde agricole, notamment français, justifié par son affaiblissement progressif

Cette colère du monde agricole est ancienne et pan-européenne. Elle s’est manifestée dès 2019 aux Pays-Bas et en Allemagne, en Espagne en 2019 puis en 2023. Après différentes périodes de crises en France, la colère monte à nouveau depuis novembre 2023 et les revendications des agriculteurs tournent autour de la question du prix et de la concurrence créée par les accords de libre-échange. Un an après les premières mobilisations, la perspective d’une signature imminente de l’accord d’association UE-Mercosur ravive les mécontentements alimentés par plusieurs facteurs : la hausse des coûts de production, la concurrence étrangère, la baisse des revenus, les contraintes environnementales et la lourdeur des procédures administratives.

Si certains facteurs sont plus spécifiques à certains pays, l’ensemble du monde agricole européen connaît de profondes transformations structurelles. Selon une étude européenne de 2022, l’Union européenne devrait perdre, d’ici 2040, 6,4 millions d’exploitations agricoles, soit une baisse drastique de 62 % par rapport à 2016. Il resterait alors un peu moins de 4 millions de fermes à travers l’Europe.


En France, la structure de la production agricole se modifie considérablement. L’absence de perspectives et de prix rémunérateurs combinée avec le vieillissement de la population agricole ont affaibli le potentiel productif. Il en résulte un doublement des importations alimentaire en France depuis 2000. La France est désormais déficitaire avec l’Union européenne en matière alimentaire depuis 2015. Hors vins, elle est même déficitaire avec le monde entier.

Les conséquences sont connues. De nombreux agriculteurs peinent à vivre de leur métier et sont dans l’impossibilité de se dégager un revenu décent, les jeunes générations se détournent des métiers qu’ils jugent difficiles et insuffisamment valorisés tandis que les ambitions de préservation des paysages, d’une production agricole de qualité et de souveraineté alimentaire s’éloignent.

B.   Les risques que cet accord fait peser sur l'environnement et la santÉ dÉpassent le cadre de l’Union europÉenne

Outre les distorsions de concurrence, les normes moins contraignantes en Amérique du Sud induisent un risque accru tant pour la santé des consommateurs que pour l’environnement.

1.   Des risques sanitaires contraires au bien-être animal et dangereux pour le consommateur

 Les risques sanitaires résultent de la différence des normes applicables entre les pays du Mercosur et les 27 États membres de l’Union. Pour prendre l’exemple du Brésil, près d’un tiers des produits phytosanitaires qui y sont utilisés sont interdits dans l’Union. Les antibiotiques promoteurs de croissance, prohibés en Europe, sont également autorisés au Brésil. De manière générale, on constate l’absence de normes liées au bien-être animal sur le transport et l’élevage. Alors que l’UE impose des normes de plus en plus contraignantes aux agriculteurs, l’ouverture au commerce avec le Mercosur expose par ailleurs les consommateurs à des risques sanitaires accrus. Or, si le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes et standards s’applique en théorie, la difficile traçabilité des substances prohibées en Europe rend illusoire tout contrôle des importations.

2.   Des conséquences inquiétantes pour l’environnement

Le risque sur la déforestation de l’Amazonie, poumon de la Planète, ne peut être ignoré. Le rapport Ambec l’évalue sous la forme d'un équivalent en surfaces de pâturages supplémentaires qui serait théoriquement nécessaire pour répondre à l’augmentation de production de viande bovine liée aux nouvelles exportations vers l’UE. Le résultat obtenu est une accélération de la déforestation annuelle de l'ordre de 5 % pendant la période de six ans prévue par l'accord pour la réduction des tarifs, par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Ces valeurs ne prennent pas en compte les surfaces supplémentaires des cultures nécessaires pour l’alimentation de la viande bovine, de la volaille et, éventuellement de la canne à sucre.

De son côté, l’étude diligentée par la Commission est plus optimiste, faisant état de « préoccupations modérées » en matière de déforestation, l’utilisation des ressources en eau et des pesticides, estimant qu’il est probable que l’accord « renforce les engagements pris par les États parties dans le cadre de l’accord de Paris sur climat », alors même qu’en l’état la mention de l’accord de Paris dans le projet d’accord n’est pas contraignante et qu’aucune clause miroir n’y est inscrite.

En contraste, une étude de mai 2023 intitulée « Safe and just Earth system boundaries », réalisée par les chercheurs de la Commission de la Terre, dont Johan Rockström, dresse un constat des limites de sécurité et de justice à ne pas dépasser afin de préserver l’équilibre du système terrestre et la bonne santé des espèces (dont l’espèce humaine). L’étude conclut que six limites sur neuf sont franchies, dont celle du changement d’usage des sols incluant la déforestation. Surtout, l’étude constate que l’Union européenne contribue de manière déterminante à la déforestation mondiale : « Entre 1990 et 2008, l’Union a importé et consommé un tiers des produits agricoles associés à la déforestation, échangés mondialement. Au cours de cette période, la consommation de l’Union a été responsable de 10 % de la déforestation mondiale liée à la production de biens ou à la fourniture de services ».

Au même moment, l’Union Européenne adoptait le Règlement (UE) 2023/1115 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts (le « RDUE »). Adopté au titre du pacte vert pour l’Europe sur la base de l’article 192§1, TFUE, l’application de ce règlement a été différée. Toutefois, si l’on considère qu’il ne s’agit pas d’un simple règlement d’affichage, alors nous devons être cohérents avec les ambitions affichées : lutter contre la déforestation importée.

En effet, la déforestation entraînerait une perte de biodiversité et augmenterait les émissions de gaz. Sur ce dernier point, les émissions supplémentaires attribuables à l’accord seraient, selon le rapport Ambec, comprises entre 4,7 et 6,8 millions de tonnes équivalent CO2, selon le scénario d’évaluation d’impact conservateur ou ambitieux, respectivement. Ce résultat notable reste toutefois limité au regard des bénéfices économiques. En effet, avec une valeur forfaitaire dite « tutélaire » du carbone à 250 euros, le solde entre les gains économiques et les coûts climatiques calculés est positif. En revanche, la prise en compte du risque de déforestation renverse cette conclusion : si ce risque était avéré, le bilan net entre les gains économiques et les coûts climatiques serait alors négatif.

3.   Une contestation montante de la société civile

Ces différents risques, sanitaires et environnementaux, ont conduit une quarantaine d'organisations de la société civile, dont Les Amis de la Terre, la Confédération paysanne ou encore Greenpeace France, à adresser le 12 novembre dernier une lettre ouverte au président de la République et à son Premier ministre, pour leur demander de rejeter en bloc l'accord commercial UE-Mercosur.

Même constat au niveau européen où les organisations et coopératives agricoles de l'UE, le Copa-Cogeca, le Conseil européen des jeunes agriculteurs (CEJA), la Fédération européenne des syndicats de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme (EFFAT) et le Geopa (le groupe d'employeurs du Copa), qui représentent les agriculteurs et leurs coopératives, les syndicats de travailleurs et les employeurs du secteur agricole européen se sont fermement opposés à la finalisation de cet accord dans un communiqué du 29 octobre dernier.

Toutes ces organisations s’alarment des effets néfastes de ce projet pour l’avenir des forêts et de la biodiversité, la santé des sols et des hommes et reprochent l’absence de prise en compte du défi climatique. Le rapport Ambec estime qu’il représente « une occasion manquée d’introduire des exigences liées aux modes de production, dans un triple objectif de garantie de la santé publique, de respect des préoccupations des consommateurs européens (notamment sur les plans de l’environnement et du bien-être animal) et de la loyauté du commerce. » Il est contre-productif d’inciter les agriculteurs européens à faire le choix de l’agroécologie pour les mettre en concurrence avec des modes de production agroindustriels.

C.   Les limites de cet accord posent la question du degrÉ d’ouverture qui devrait s’imposer aux accords commerciaux, notamment sur l’agriculture

1.   L’impossible mise en œuvre du principe de réciprocité via des clauses miroirs

Le Mercosur porte l’âge de son mandat, 25 ans. Cet accord, dont la matrice date de la fin du siècle dernier, n’est pas taillé pour répondre aux besoins géopolitiques sociaux et environnementaux de l’Europe. Même si des correctifs ont été apportés par la suite, il est originellement fondé sur une négociation d’échange d’accès au marché.

À ce jour, l’accord rappelle simplement les engagements pris par les pays signataires dans les traités internationaux (tel que l’accord de Paris de 2015), instaure des forums de dialogue sur divers sujets tel que le bien-être animal, les biotechnologies, la biorésistance et le développement durable.

Toutefois, on ne peut que déplorer le caractère peu contraignant des instances de dialogue mises en place par l’accord et la reprise du principe de précaution dans une version amoindrie. Sur ces différents points, le rapport de la commission Ambec, conclut que « l’accord représente une occasion manquée pour l’UE d’utiliser son pouvoir de négociation pour obtenir des garanties solides répondant aux attentes environnementales, sanitaires et plus généralement sociétales de ses concitoyens (…) L’accord intègre certaines des attentes sociétales, par exemple en mentionnant explicitement la prise en compte du principe de précaution et l’accord de Paris sur le climat. Pour autant, nous estimons que les dispositions de l’accord concernant le respect du principe de précaution, le respect des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris et la reconnaissance des préférences européennes vis-à-vis des normes environnementales et sanitaires, des normes de travail et des préférences liées au bien-être animal offrent des garanties relativement fragiles. »

Cela semble en effet logique, la production relevant de la souveraineté nationale. Seuls les États peuvent imposer des contraintes à leurs producteurs. Si les pays du Mercosur ne se dotent pas des mêmes réglementations que l’Union européenne, cela relève de leur choix stratégique en tant qu’acteur politique.

Par ailleurs, les réglementations visant à interdire des importations ne respectant pas certaines normes sont difficilement applicables. À titre d’illustration, l’Union européenne s’est dotée dès 1996 d’une réglementation visant à interdire l’accès au marché européen de produits animaux traités avec des hormones de croissance. Or, le respect de cette interdiction s’avère très problématique, comme en attestent les derniers audits réalisés par la Commission européenne au Canada et au Brésil. Ainsi, le dernier rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV), en date du 8 octobre 2024, montre des « problèmes persistants » au Brésil en matière de respect des normes européennes de sécurité alimentaire, notamment en ce qui concerne la traçabilité des hormones interdites. Cet audit met en évidence d'importantes lacunes s’agissant des contrôles pour l'utilisation de l'estradiol 17β, une hormone de croissance utilisée au Brésil, mais interdite dans l'UE depuis plus de 40 ans. Au cas d’espèce, la Commission européenne a autorisé les autorités brésiliennes à mettre en œuvre une « auto-interdiction » jusqu'à ce qu'elles puissent garantir des exportations de bœuf sans hormones vers l'Europe. Des risques pèsent aussi sur les céréales et le sucre. Cet audit démontre donc la difficile traçabilité des substances interdites. Il démontre également que ce sont les partenaires internationaux qui doivent être garants, sans que l’on puisse s’en assurer, du respect des normes européennes.

Dans ce contexte, si le souhait de mettre en place des clauses miroirs s’inscrit dans une recherche d’équité, l’effectivité de leur mise en œuvre ne peut être pleinement assurée. Plus généralement, cet accord n’est pas compatible avec la transition environnementale que l’on demande à notre agriculture.

2.   Approuver cet accord, c’est renoncer à l’ambition de souveraineté alimentaire

Au-delà de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur, l’accumulation d’accords de libre-échange qui caractérise la période récente pose la question du degré d’ouverture auquel nous sommes prêts à consentir, notamment sur l’agriculture. Ce secteur est en effet au carrefour d’enjeux d’avenir comme la préservation du monde rural et de ses métiers, la protection de l’environnement. Surtout, l’agriculture est le levier par excellence de la souveraineté alimentaire.

La notion de souveraineté alimentaire, qui apparait pour la première fois dans la déclaration de la Via Campesina, lors du Sommet mondial de l’alimentation de la FAO en 1996, peut être définie comme « le droit de chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité des cultures et des produits. ». C’est une condition nécessaire à la sécurité alimentaire et une reconnaissance du droit qu’ont tous les pays à développer leurs capacités productives pour satisfaire les besoins alimentaires de leurs populations. 

Mais de nombreux facteurs menacent cette souveraineté alimentaire, parmi lesquels le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité ou la spécialisation induite par les accords de libre-échange. L’agriculture ne devrait pourtant pas être considérée comme un bien d’échange comme les autres, les récentes crises géopolitiques ayant démontré la nécessité de récupérer des formes de souveraineté politique sur la production agricole.

Depuis l’Urugay Round de 1986, l’agriculture européenne s’est considérablement affaiblie. L’Uruguay round, où la décision est prise d’inclure l’agriculture dans les cycles de négociations commerciales internationales, marque la fin de l’exception agricole. Certes, la balance agroalimentaire de l’Union, qui s’établit à 58 milliards d’euros en 2022, est positive. Toutefois, la libéralisation tarifaire bénéficie essentiellement aux produits agricoles à haute valeur ajoutée (notamment le vin et les spiritueux) et non aux filières « fragiles » qui pâtissent de la concurrence internationale.

L’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur pose avec une acuité particulière la question du modèle que nous souhaitons pour nos sociétés européennes.

Afin que ces éléments soient débattus en toute transparence, il convient que le projet d’accord soit soumis au Conseil dans sa globalité, sans dispositif connexe tendant à l’application provisoire de son volet commercial, après que chaque parlement national ait pu se prononcer.

II.   Afin de s’opposer À ce projet d’accord, la voie politique est À ce jour privilÉgiÉe mais n’exclut pas le recours À des moyens de pression juridiques

L’élection récente de Donald Trump devrait redessiner la géopolitique économique mondiale en accentuant le tournant protectionniste pris par les États-Unis, principal marché pour les exportations européennes. Le futur président américain ayant annoncé sa volonté de rehausser les droits de douane sur tous les produits, avec des distinctions plus ou moins marquées selon les pays d’origine, l’Union pourrait chercher à accélérer l’adoption de l’accord d’association avec le Mercosur afin de sécuriser les exportations européennes.

A.   la commission europÉenne dispose de moyens À court et À moyen terme pour contourner l’opposition de la France

1.   À court terme, la Commission européenne pourrait conclure un nouvel accord de principe

Un premier accord de principe a été conclu en juin 2019. Toutefois, le processus de négociation avait été suspendu, avant la ratification finale, en grande partie en raison des politiques du président brésilien de l’époque Jair Bolsonaro concernant l’environnement et la déforestation. Les discussions ont repris fin 2022 à la suite de l’élection de Luis Inácio Lula da Silva pour l’éventuel ajout d’un protocole au projet d’accord d’association.

Alors que de nombreux États considèrent que ces avancées sont insuffisantes et que les négociations sont toujours en cours, la Commission européenne pourrait passer outre ces oppositions et décider d’annoncer que les négociations sont closes, de parapher le projet d’accord d’association et d’engager sa procédure officielle de signature et de conclusion (l’équivalent en droit de l’Union de la ratification). Le paraphe du projet d’accord d’association par la Commission (et par les États du Mercosur) n’aurait pas en lui-même de valeur juridique mais nul doute qu’il serait politiquement mal ressenti par certains États membres et par les populations européennes.

2.   À moyen terme, la Commission européenne pourrait demander au Conseil l’autorisation de signer un accord intérimaire

a.   Le projet d’accord d’association, parce qu’il comporte un volet politique, requiert l’aval de la France et du Parlement français

Le Conseil a adopté des directives de négociation à l’attention de la Commission le 17 septembre 1999. Ces directives n’ont pas été rendues publiques. Elles ont néanmoins fini par être dévoilées de manière non-officielle et font clairement état de la volonté du Conseil que la Commission mène des négociations tendant à la conclusion d’un accord d’association dépassant le seul cadre commercial.

Le Conseil a précisé ses directives par la suite, notamment par les conclusions de sa réunion du 22 mai 2018.

Ces conclusions précisent la position que la Commission doit tenir pour les futurs accords de libre-échange : « Il appartient également au Conseil de décider, au cas par cas, de la division des accords commerciaux. En fonction de leur contenu, les accords d'association devraient être mixtes. Ceux qui sont en cours de négociation, comme ceux avec le Mexique, le Mercosur et le Chili, resteront des accords mixtes. »


L’accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur devrait donc suivre la procédure de conclusion d’un accord mixte, c’est-à-dire être soumis à l’adoption unanime des États membres au Conseil, à celle du Parlement européen et à la ratification des États membres conformément à leurs règles constitutionnelles. En France, l’autorisation de ratifier relève de la compétence de l'Assemblée nationale et du Sénat. 

b.   Le volet commercial de l’accord d’association pourrait toutefois faire l’objet d’une autorisation d’application provisoire via l’adoption d’un accord intérimaire

La pratique des accords intérimaires, très courante à la fin des années 1990, permet de dissocier les aspects commerciaux d’un accord afin de permettre leur application provisoire. Elle est par ailleurs prévue dans les dispositions finales des directives de 1999 : « Il est envisagé que les dispositions de l'accord d'association qui relèvent de la compétence de la CE fassent l'objet d'un accord intérimaire conclu par la CE et le Mercosur (et, au besoin, les États qui y sont parties). L'accord intérimaire restera en vigueur jusqu'au moment de l'entrée en vigueur de l'accord d'associatio».

Afin de contourner les difficultés à obtenir la conclusion de l’ensemble du projet d’accord d’association, la Commission pourrait décider de recourir à cette faculté et de proposer au Conseil qu’il « adopte une décision autorisant la signature de l’accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l’entrée en vigueur » (article 218§5 du TFUE).

Une telle décision suppose au préalable un travail de relecture juridique des dispositions de l’accord d’association par les négociateurs – dont la durée est estimée à six mois-un an à compter de son paraphe par la Commission.

Comme il s’agirait d’un accord intérimaire portant uniquement sur les aspects commerciaux, le Conseil statuerait à la majorité qualifiée. Le vote serait acquis si 55 % des États membres, représentant 65 % de la population européenne, émettaient un vote favorable.

Seule la conclusion de l’ensemble de l’accord (incluant les volets de compétence partagée) serait soumise à l’adoption unanime des États membres du Conseil après approbation du Parlement européen (article 218§6 du TFUE) et à la ratification des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives.

Un rejet de l’accord par l’un des États membres entraînerait la dénonciation de l’application provisoire de l’accord après notification officielle à la Commission européenne.


Cette démarche a été celle retenue pour l’accord mixte UE-Canada (CETA), signé en 2017. Alors que le volet commercial de l’accord (qui recouvre 90 % de ses dispositions) est « provisoirement » appliqué après approbation par le Parlement européen et vote au Conseil à la majorité qualifiée, l’ensemble de l’accord mixte n’est toujours pas entré en vigueur faute de ratification par l’ensemble des États membres.

 

Le CETA est un accord de libre-échange qui organise l’ensemble des relations commerciales bilatérales entre l’Union européenne et le Canada : aspects tarifaires et non tarifaires des échanges de marchandises, commerce transfrontière des services, aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle et investissements. Il est complété par l’accord de partenariat stratégique (APS) qui vient en remplacement d’un accord‑cadre datant de 1976. L’APS vise notamment à établir une coopération renforcée concernant des domaines stratégiques tels que la protection des droits de l’homme, la lutte contre le terrorisme, la réduction de la pauvreté, la promotion du développement durable, la recherche et la diversité des expressions culturelles.

Le CETA et l’APS doivent tous deux faire l’objet d’une ratification pour entrer pleinement en vigueur. En France, cela s’est traduit par un projet de loi comportant deux articles : l'article 1er portant sur l'accord CETA et l'article 2 portant sur l'accord de partenariat stratégique. Le texte a été approuvé en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019. Le 21 mars 2024, les sénateurs ont rejeté en première lecture l'article 1er du projet de loi autorisant la ratification de l'accord CETA a une forte majorité. Ils ont en revanche adopté l'article 2 portant sur la ratification de l'accord de partenariat stratégique (APS) UE-Canada. En l’état actuel, il y a de forte chance que l’Assemblée nationale se prononce également contre l’article 1er du projet de loi autorisant la ratification de l’accord CETA, si ce dernier était inscrit à l’ordre du jour de la XVIIe législature.

À ce jour, seul le Parlement chypriote a rejeté le CETA en 2020. Toutefois, les autorités Chypriotes n’ont pas encore officiellement notifié cette décision de rejet auprès du Conseil de l’Union.

Plus généralement, la mise en œuvre d’accords à titre provisoire pose un réel problème démocratique. Le processus décisionnel doit être mené jusqu’à son terme afin de s’assurer de la volonté des différentes parties prenantes d’être liées.

B.   LE jeu des alliances pourrait permettre de dissuader la commission europÉenne d’annoncer un accord de principe et de demander l’autorisation de signer un accord intÉrimaire

Afin d’empêcher la Commission d’agir contre la volonté des États, il convient dès maintenant pour notre pays de nouer les alliances nécessaires pour constituer une minorité de blocage et dissuader ainsi la Commission de conclure un accord de principe avec les pays du Mercosur.

Dans cette perspective, un blocage au Conseil serait possible en réunissant plus de 45 % des pays (13 États) ou plus de 35 % de la population représentant au moins 4 pays (pour éviter que l’Allemagne et la France parviennent seuls à ce seuil).

Cette voie est celle actuellement privilégiée par le gouvernement (comme l’a rappelé le ministre délégué chargé de l’Europe lors de son audition devant la commission des affaires européennes le 30 octobre dernier). L’objectif est d’essayer de rassembler des pays susceptibles de s’opposer au projet d’accord sur le fond et d’autres susceptibles de s’opposer aux méthodes employées par la Commission sur la forme. Cela constituerait un moyen de pression politique puissant lors du prochain Conseil qui se tiendra en formation agriculture-pêche les 9 et 10 décembre.

La voie est étroite compte tenu du soutien à l’accord de plusieurs États membres (Portugal, Espagne) et du revirement d’autres États désormais favorables au projet (Allemagne). Mais elle demeure possible.

Certains soutiens à la France sont anciens comme celui de l’Autriche, dont le Parlement a rejeté l’accord dès 2019. D’après le ministre du Travail et de l’Économie, Martin Kocher, l’Autriche ne pourra changer sa position tant qu’elle ne sera pas rassurée sur la question de la protection de la forêt amazonienne ainsi que sur le soutien aux agriculteurs.

La France devrait également pouvoir compter sur le soutien de la Pologne. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a en effet déclaré le 26 novembre dernier que Varsovie n’accepterait pas en l’état l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur.

Enfin, l’Italie, l’Irlande, voire les Pays-Bas, pourraient venir grossir les rangs des alliés de la France.

Par ailleurs, sans pour autant s’opposer au projet d’accord, il est à noter que des pays très favorables au libre-échange ont exprimé des doutes sur les perspectives de l’accord UE-Mercosur. Ainsi, selon le ministre luxembourgeois du Commerce, Xavier Bettel, « Il y a des garanties que l’on doit avoir et que nous n’avons pas encore, pour l’instant ». De même, le vice-ministre lituanien des Affaires étrangères, Simonas Šatūnas, a indiqué qu’il fallait prendre en compte les sensibilités des différents États membres, bien que son pays n’en ait pas particulièrement. Même la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, juge les inquiétudes des agriculteurs français « légitimes ».

C.   Une saisine de la Cour de justice serait Également possible en droit

1.   La procédure de consultation prévue par l’article 218§11 du TFUE permet la saisine du juge européen à titre préventif

Si son usage reste peu fréquent, l’article 218§11 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) permet, notamment aux États, de consulter la Cour de justice de l’Union européenne à titre préventif. Cet article 218 dispose qu’« un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités. En cas d’avis négatif de la Cour, l’accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités. »

2.   Un recours en annulation serait également possible

Le recours en annulation est prévu par l’article 263 TFUE, en vertu duquel le juge européen est compétent pour contrôler « la légalité des actes législatifs, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen des organes ou organismes de l'Union destinés à produire des effets juridiques à l'égard des tiers ». Un recours en annulation pourrait ainsi être engagé par l’État français ou toute personne physique ou morale contre une éventuelle décision du Conseil autorisant la signature d’un accord intérimaire.

En tant que requérant privilégié, l’État n’aurait pas à démontrer son intérêt à agir. Le recours devrait être formé dans les deux mois.

Surtout, et c’est là le point le plus délicat, le requérant (par hypothèse, l’État) devrait établir l’effet direct de l’acte contesté sur sa situation. Autrement dit, l’État devrait démontrer que la scission du mandat produit « des effets juridiques » (article 263§1 TFUE) l’affectant directement.

Les moyens à l’appui de ce recours en annulation pourraient être des moyens de légalité externe (liés à la forme du mandat et arguant d’une action ultra vires de la Commission dans le cadre de la conduite des négociations) ou de légalité interne (violation d’une disposition des traités).

 


   Examen COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 3 décembre 2024, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen d’une proposition de résolution européenne invitant le gouvernement de la République française à refuser la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Marché commun du Sud (Mercosur). Cette proposition nous est présentée par notre collègue Mathilde Hignet.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je rappelle les conditions dans lesquelles nous examinons cette proposition de résolution : la censure du Gouvernement est imminente, et à la veille du sommet du Mercosur, il apparaît nécessaire que l’Assemblée puisse se prononcer sans ambiguïté sur le projet d’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur alors que la cheffe de la diplomatie allemande appelle à finaliser l’accord d’ici vendredi. Ainsi, un mandat clair des représentants du peuple sera donné au successeur de Michel Barnier.

Les accords de libreéchange déstabilisent la production agricole française et européenne. Historiquement, la valeur ajoutée de notre pays réside dans la valorisation de notre terroir. Aspirée par la concurrence mondiale depuis les années 2000, la France a privilégié des volumes de production agricole toujours plus importants, à des prix compétitifs, oubliant ce qui faisait la plusvalue de la production alimentaire française. La fin de l’exception agricole dans les échanges internationaux – laquelle avantageait, au travers des prix, les productions communautaires face aux importations – a exposé les agriculteurs à une concurrence de produits importés aux normes environnementales et sociales moinsdisantes.

Les normes appliquées au sein des pays du Mercosur sont loin d’être égales aux normes européennes. Il est souvent fait mention des clauses miroirs garantissant le respect des normes européennes par les produits importés. Au-delà du fait que le respect de ces clauses soit difficilement vérifiable, la production alimentaire relève de la souveraineté nationale. Seuls les États ont la possibilité d’imposer des contraintes à leurs producteurs, peu importe l’existence de telles clauses.

Concernant le Brésil, près d’un tiers des produits phytosanitaires qui y sont utilisés, sont interdits dans l’Union européenne. L’Argentine est quant à elle le symbole d’une agriculture industrielle, loin du modèle d’une agriculture vertueuse promue sur notre territoire.

Plus globalement, le rapport sur l’évaluation du projet d’accord UE-Mercosur rendu par la commission Ambec le 18 septembre 2020 évalue une accélération potentielle de la déforestation annuelle de l’ordre de 5 % sur les six ans prévus par l’accord. Si celui-ci devait aboutir, il s’ajouterait à une longue liste d’accords de libreéchange aux normes moinsdisantes dans l’espoir de retombées économiques. Plusieurs études ont pourtant démontré qu’elles seraient relativement faibles. Doit-on sacrifier l’agriculture française pour permettre l’augmentation de 0,1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne ?

Négocié depuis 25 ans, cet accord ne répond pas aux enjeux actuels malgré les alertes formulées par nos agriculteurs. En novembre 2017, les éleveurs manifestaient déjà pour dénoncer les risques d’un tel accord pour la profession. La même année, Emmanuel Macron était élu à la présidence de la République pour la première fois. Sept ans plus tard, nous en sommes au même point : rien n’a été fait pour s’opposer fermement au traité avec le Mercosur. Un accord sur lequel je vous invite donc à vous opposer, tant sur le fonds que sur la forme. Si la ratification doit normalement être soumise au vote du Parlement, nous savons que la Commission européenne étudie la possibilité de scinder l’accord en deux parties – une commerciale, et une politique –, comme elle a pu le faire concernant l’accord avec le Canada. La mise en œuvre d’accords à titre provisoire représente un réel problème démocratique.

En France, le monde agricole fait entendre sa colère depuis près d’un an sans qu’aucune réponse concrète ne lui soit apportée. Sous couvert de compétitivité et de mondialisation, les dirigeants successifs des vingt-cinq dernières années ont laissé les agriculteurs dans les mains d’un marché destructeur. Les productions sont toujours plus standardisées, les volumes toujours plus importants, les usines alimentaires toujours plus grosses et ont mené à la situation actuelle, le nombre d’agriculteurs a considérablement diminué, les abattoirs de proximité ont fermé tout comme les usines regroupées ou délocalisées. Par conséquent, nous avons doublé nos importations alimentaires sur cette même période. À l’exclusion des marchandises viticoles, la France est en déficit commercial avec le monde entier en matière alimentaire.

Envisager cet accord consiste à s’éloigner toujours plus de l’objectif de souveraineté alimentaire tel que défini par le mouvement Via Campesina. Cette souveraineté se traduit par le droit de chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité des cultures et des produits.

La pandémie de Covid-19 et la guerre menée en Ukraine nous ont rappelés à l’ordre. Nous sommes dépendants des importations, et devons par conséquent travailler à la reconstitution de notre sécurité alimentaire. Notre avantage compétitif initial repose sur notre agriculture à taille humaine, qui valorise notre terroir en redynamisant les territoires ruraux. Alors, les pouvoirs publics doivent tout faire pour sauvegarder les industries agroalimentaires de taille intermédiaire, les abattoirs de proximité, et les ateliers de transformation qui maillent notre territoire et qui sont créateurs d’emplois.

Chers collègues, par cette résolution, il s’agit de vous prononcer concrètement sur cet accord. Souhaitez-vous qu’un accord entre l’Union européenne et le Mercosur aboutisse, ou bien, souhaitez-vous travailler à la reconstruction de notre production alimentaire pour des agriculteurs rémunérés à la hauteur de leur travail, une production respectueuse de l’environnement et créatrice d’emplois sur notre territoire ?

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

Mme Isabelle Rauch (HOR). Le groupe Horizon partage l’opposition ferme de la France, de la majorité des parlementaires et du président de la République contre l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur en l’état. L’accord ne contient pas suffisamment de clauses miroirs, notamment sur le bien-être animal, l’usage des pesticides et les limites maximales de résidus de pesticides. Par ailleurs, il doit inclure le respect des accords de Paris comme engagement contraignant. En l’état, l’accord représente un danger à la fois pour nos agriculteurs et pour le respect de nos objectifs environnementaux.

Les normes de production au sein du Mercosur sont largement inférieures à celles de l’Union européenne, mettant nos agriculteurs dans une situation de concurrence déloyale. Les coûts environnementaux sont aussi difficilement acceptables, notamment concernant l’accroissement de la déforestation et des émissions de gaz à effet de serre liées aux importations agricoles.

Les négociateurs de la Commission européenne doivent revoir profondément leur copie, et privilégier un commerce respectueux des citoyens, de l’environnement, et des filières agricoles européennes. À défaut, nous ne pouvons accepter que l’accord soit séparé en deux pour en isoler sa partie commerciale — compétence propre de l’Union — ce qui priverait notre Parlement d’un vote lors de sa ratification.

Nous nous interrogeons sur la pertinence de cette proposition de résolution. Notre Assemblée s’est d’ores et déjà prononcée sur la question il y a seulement quelques jours, et a approuvé à 484 voix contre 70 la déclaration du Gouvernement. Celui-ci s’est engagé à s’opposer à l’accord en l’état. Cette proposition de résolution est donc satisfaite, et son objet n’est qu’un prétexte pour les députés du groupe LFI-NFP de justifier leur vote « contre » lors de la déclaration du Gouvernement en vertu de l’article 50–1 de notre Constitution. Nous refusons donc de participer à ce qui s’apparente à une session de rattrapage pour expliquer ce manque de cohérence de votre part. Ainsi le groupe Horizon ne prendra pas part au vote sur cette proposition de résolution européenne.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je tiens à rappeler que, lors de notre journée parlementaire qui avait lieu la semaine dernière, la première proposition qui devait être mise au débat était une résolution avec le même objet que celle examinée aujourd’hui. Le Gouvernement l’avait déclarée irrecevable et s’en est mordu les doigts quelques jours après. C’est donc grâce à notre groupe parlementaire que nous avons pu avoir un débat sur le fondement de l’article 501 de la Constitution.

Si je vous rejoins sur certains points, la nuance qui nous oppose réside dans votre opposition à l’accord « en l’état ». Nous sommes pour notre part opposés fermement à l’accord, tant sur le fond que sur la forme. La présente résolution vise donc à s’opposer sans ambiguïté à cet accord, et ce, indifféremment de l’existence ou non de clauses-miroirs, contrairement à l’opinion exprimée par le Gouvernement lors du débat en séance publique.

Mme Isabelle Rauch (HOR). J’aurais souhaité que vous ayez pu voter en faveur de la déclaration du Gouvernement, car il s’agit ici d’une session de rattrapage afin de justifier votre vote « contre ».

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je continue de dire que nous sommes cohérents en nous opposant totalement à l’accord UE-Mercosur alors que le gouvernement ne s’y oppose « qu’en l’état » et n’exclut pas de futures négociations.

M. Maxime Michelet (UDR). Malgré la fragmentation actuelle de l’hémicycle, l’ensemble des forces politiques se rejoint dans la dénonciation de l’accord avec les pays du Mercosur. Cet accord est une tragédie pour nombre de nos agriculteurs, irréversiblement fragilisés et soumis à de nouvelles distorsions de concurrence inacceptables. Inutile de rappeler ici les pratiques phytosanitaires des pays du Mercosur, leur recours massif aux hormones de croissance ou aux pesticides interdits en Europe. Cette concurrence serait impitoyable et mortelle pour nos agriculteurs qui se retrouveraient confrontés à des prix cassés sur nombre de productions.

C’est donc la survie de pans entiers de notre agriculture qui est en jeu aujourd’hui. Pourtant, le libre-échange ne saurait être en lui-même une mauvaise chose. Le libre-échange peut être une opportunité s’il est négocié dans l’intérêt de nos producteurs. Or les négociations de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur sont une démonstration flagrante et tragique de la perte d’influence de la France en Europe et dans le monde.

Que pèse encore notre voix dans le concert européen ? Que vaut encore notre signature aux yeux de nos partenaires ? Qu’il s’agisse des traités de libre-échange, de notre contribution au budget européen ou du nucléaire, nous sommes prisonniers de la débâcle européenne d’Emmanuel Macron. L’Allemagne a ainsi voulu l’isolement de la partie commerciale de l’accord pour contourner le potentiel veto de la France. L’Allemagne a voulu, l’Allemagne a obtenu, et Emmanuel Macron s’est révélé incapable d’imposer l’unanimité.

En raison de son manque d’autorité en Europe, l’agriculture française se retrouve donc dans la position d’une victime propitiatoire sacrifiée à l’industrie automobile allemande. Nous ne pouvons pas tolérer cette situation.

L’Union des droites pour la République ne porte pas de posture dogmatique sur le libre-échange mais appelle à une lecture lucide et stratégique des rapports de force issus de la mondialisation. Nous appelons au sursaut dans la défense de nos agriculteurs et, de manière générale, dans la défense des intérêts de la France et des Français.

Il nous faut peser de tout notre poids pour bloquer cet accord en ne s’interdisant aucun levier de pression, y compris la remise en cause de notre contribution excédentaire au budget de l’Union européenne. Il est donc urgent de bloquer cet accord unanimement décrié. Il est plus urgent encore de rétablir notre influence à Bruxelles afin de redonner à la France tout le poids qui devrait être le sien en Europe.

Le groupe UDR votera donc en faveur de cette proposition de résolution, tout comme nous avons voté pour la déclaration du gouvernement en séance publique.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Vous avez parlé de l’agriculture française livrée aux marchés mondialisés : nous dénonçons ce modèle fondé sur des accords de libre-échange qui abandonnent nos agricultrices et agriculteurs à une concurrence mondiale et déloyale. Pourtant il y a des filières en France qui ont fait d’autres choix. La filière comté, par exemple, se porte bien alors que ses exportations ne représentent que 10 %. Nous pensons qu’il y a des leviers pour réguler ce marché mondialisé et ultralibéral.

Mme Manon Bouquin (RN). Il y a tout juste une semaine vous votiez avec le groupe LFI contre une déclaration qui s’opposait au traité de libre-échange avec le Mercosur. Aujourd’hui vous dites que vous y êtes opposés également. Votre position est illisible. À force de jouer les opposants de façade et les fauteurs de trouble il devient compliquer de vous suivre et de savoir où vous vous situez. Surtout lorsqu’on regarde qui sont vos alliés, je pense notamment aux écologistes dont l’objectif est in fine de tuer notre agriculture de l’intérieur.

À force de réclamer plus de normes, à force de toujours vouloir aller au-delà de ce que demande le droit européen, vous finirez par nous faire importer tout ce que nous ne pourrons plus produire ici, à un coût environnemental bien plus lourd. Par votre dogmatisme, vous êtes en grande partie responsable du déclin agricole. Par votre vision étriquée de l’agriculture, vous mettez à mal notre souveraineté alimentaire.

Aujourd’hui, l’agriculture française survit. Ce qui semble être son dernier souffle d’espoir se fait entendre par la voix des agriculteurs qui manifestent leur colère depuis le début de l’année, face à un gouvernement dont les annonces n’ont jusqu’à présent apporté aucune réponse concrète.

Les agriculteurs ne veulent plus de simples déclarations ou d’une compassion vide de sens. Ils ne veulent pas que le gouvernement se contente d’évoquer le sujet à Bruxelles ni qu’il négocie ses contours à la marge. Ils attendent que le gouvernement assume enfin son rôle de défenseur des intérêts nationaux, qu’il s’oppose fermement à Bruxelles et annonce sans trembler que les Français ne veulent pas de cet accord ni d’aucun autre du même acabit. Il a désormais le mandat du Parlement français pour cela : il n’a aucune excuse pour reculer.

Nos agriculteurs savent qu’ils peuvent compter sur le soutien sans faille des élus du Rassemblement national qui, lui, n’a jamais changé son cap.

Depuis longtemps nous défendons l’exception agriculturelle en affirmant que nos produits agricoles ne sont pas de simples marchandises échangées au terme de contrats commerciaux. Ce sont des produits issus d’un savoir-faire et d’une excellence unique, fruits du travail acharné de nos agriculteurs. À ce titre, il est temps de protéger ce patrimoine à travers un État stratège qui appliquera vraiment le patriotisme économique.

Malheureusement rien n’a changé depuis la colère agricole de janvier 2024. Il est plus que temps que la France se fasse respecter et que nos agriculteurs cessent d’être piétinés par les technocrates de Bruxelles.

Il faut donc abandonner ce traité de libre-échange qui met en péril nos filières agricoles et notre souveraineté. Nous devons défendre nos intérêts nationaux avec fermeté en refusant cet accord qui n’a pas sa place dans l’avenir de notre agriculture et de notre pays.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. L’opposition entre écologie et agriculture est un cliché : le monde agricole est prêt à effectuer des transitions. Il l’a clairement dit. Les agriculteurs étaient nombreux à faire des demandes de MAEC (mesures agro‑environnementales et climatiques) à tel point que, malheureusement, l’enveloppe était sous-dimensionnée. Il y a une vraie volonté du monde agricole de faire une transition en agroécologie. On ne doit donc pas opposer les deux mais plutôt accompagner les agricultrices et agriculteurs.

Lorsque vous dites que nous sommes responsables du déclin agricole, je rappelle tout de même que ces sept dernières années nous n’étions pas au pouvoir. Nous n’en sommes donc pas responsables, mais ce déclin n’en est pas moins dramatique puisque nous allons perdre, dans les dix prochaines années, la moitié des agricultrices et des agriculteurs.

Aujourd’hui, il faut pouvoir donner envie aux jeunes de s’installer et ce n’est pas en signant des accords de libre-échange et en mettant les agricultrices et les agriculteurs en concurrence à travers le monde qu’on le fera. Je crois qu’il y a un sentiment de fierté à être agricultrice ou agriculteur et de pouvoir produire des aliments de qualité vendus ensuite localement.

C’est cette fierté de l’agriculture qu’il faut préserver et qui donnera envie aux jeunes de s’installer dans les prochaines années.

Mme Liliana Tanguy (EPR). L’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur est un enjeu crucial pour notre agriculture, notre souveraineté alimentaire et nos engagements environnementaux. La France, par la voix du Président de la République et du Premier ministre, mais aussi par celle de la ministre de l’agriculture et de la ministre du commerce extérieur et de leurs prédécesseurs, s’oppose à la signature de l’accord en l’état.

La France travaille activement, aux côtés de ses alliés, à la constitution d’une minorité de blocage contre la signature de l’accord.

La semaine dernière, à l’occasion des deux débats avec vote, organisés par le gouvernement conformément à l’article 50-1 de la Constitution, 822 parlementaires français dont les députés de notre groupe ont signifié leur opposition au traité.

Aussi, nous croyons que la voix du Parlement a déjà été très clairement exprimée sur ce sujet. La proposition de résolution européenne que vous déposez aujourd’hui n’apportera rien de plus pour les agriculteurs et les consommateurs français et européens. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République ne votera pas la proposition de résolution européenne du groupe LFI.

L’histoire montre que les grandes nations prospèrent grâce aux échanges. Mais cet accord, dans sa forme actuelle, est incompatible avec nos exigences. Il risque de faciliter l’importation de produits agricoles utilisant des substances interdites chez nous comme les OGM ou les hormones.

Cette concurrence déloyale mettrait en péril des milliers d’agriculteurs, notamment dans nos territoires ruraux et fragiliserait notre modèle d’agriculture rurale.

À ce titre, le 14 novembre dernier, j’ai soutenu, avec mes collègues parlementaires EPR du Finistère, la motion de la FDSEA et des jeunes agriculteurs du Finistère contre l’accord du Mercosur qui menace la souveraineté alimentaire et l’agriculture durable de notre région.

Notre agriculture n’est pas une variable d’ajustement. C’est un pilier stratégique de notre souveraineté et de notre équilibre territorial. Nous maintenons notre opposition à cet accord en l’état car nous exigeons un commerce équilibré et respectueux grâce à des clauses miroirs qui garantiraient l’alignement des normes entre produits importés et produits locaux.

Les députés du groupe EPR veilleront donc à ce que nos agriculteurs, nos consommateurs et nos territoires soient entendus.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je le répète : l’objet de cette proposition de résolution est de refuser la signature de l’accord UE-Mercosur sans ambiguïté, qu’il comporte ou non des clauses miroirs. C’est toute la différence entre notre position et la vôtre : vous vous opposez seulement à l’accord en l’état, alors que nous le refusons catégoriquement, quel qu’il soit.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). « Ce que nous ne supportons plus, ce sont ces injonctions contradictoires que la société et les politiques font peser sur nos épaules. On nous demande, d’un côté, d’améliorer la qualité de nos productions pour préserver la santé et l’environnement, et de l’autre, de produire moins cher pour être compétitifs avec les fermes usines brésiliennes. » Voilà ce que m’expliquait Philippe, éleveur bovin dans ma circonscription de Haute-Vienne.

La dernière position du Gouvernement sur l’accord UE-Mercosur illustre parfaitement ce double discours. Étant seulement opposé à l’accord en l’état, il a déclaré vouloir y introduire des clauses miroirs pour permettre sa signature future. Nous savons pourtant que ces clauses ne seront jamais respectées, puisque les autorités brésiliennes ne garantissent pas la traçabilité nécessaire à l’application des clauses miroirs déjà en vigueur.

Et même si les clauses étaient respectées, pourquoi importer du bœuf brésilien lorsqu’il est possible d’en produire en France ? Le Gouvernement a bien précisé, dans la déclaration qu’il a faite devant l’Assemblée nationale le 26 novembre dernier, qu’il n’était pas opposé à la signature d’autres accords de libre-échange. Quelle démagogie ! Expliquez-moi donc pourquoi l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande serait plus favorable que l’accord UE-Mercosur : cet accord autorise l’importation de 38 000 tonnes de viande ovine supplémentaires, alors que la France ne produit plus que 48 % de la viande ovine qu’elle consomme et que la Haute-Vienne a perdu 70 % de son cheptel en trente ans, notamment sous l’effet de la concurrence déloyale. Expliquez-moi également en quoi le CETA serait meilleur, quand il permet l’importation de 65 000 tonnes de viande bovine !

C’est ce double discours, ces injonctions contradictoires répétées par les politiques depuis des années, qui sont à l’origine de l’explosion de la crise agricole. La France insoumise a toujours été claire sur sa position : notre groupe est le seul à avoir voté, à 100 %, contre tous les traités de libre-échange au Parlement européen, alors que l’accord commercial entre l’Union européenne et le Chili a reçu le soutien de 51 % du groupe du Rassemblement national, de 80 % de la droite à 80 % et de 99 % des macronistes.

Si nous sommes tous aussi fiers du modèle agricole français qui préserve nos paysages, la santé et l’environnement, protégeons-le et sortons de ces traités qui utilisent toujours l’agriculture comme variable d’ajustement ! La France a le pouvoir diplomatique de rejeter l’accord avec le Mercosur. Imposons que cet accord fasse l’objet d’un vote à l’unanimité au Conseil, et permettons à la France d’y mettre son veto.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Cela pose la question du modèle agricole que nous voulons promouvoir. L’accord UE-Mercosur confronte, d’une part, le modèle d’agriculture familiale que nous souhaitons préserver en Europe et en France et, d’autre part, le modèle agro-industriel de fermes usines qui prévaut au Brésil, avec des milliers de bêtes enfermées dans des feedlots, ou parcs d’engraissement. Nous voulons défendre une autre vision pour l’agriculture. Cela suppose de disposer d’outils pour réguler le marché agricole, alors que ces derniers ont été progressivement supprimés – je pense notamment à la suppression des quotas en 2015.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Cette proposition de résolution européenne vise à inviter le Gouvernement français à refuser le projet de traité de libre-échange entre l’Union européenne et les cinq États d’Amérique latine qui forment le Mercosur. Notre commission a déjà eu l’occasion d’en discuter indirectement lors de l’adoption de la proposition de résolution européenne de M. Dominique Potier, qui avait pour objet la généralisation des clauses miroirs dans les traités commerciaux de l’Union européenne. Il s’agissait non seulement d’instaurer des mesures de réciprocité à même de garantir la qualité et la sécurité des produits agricoles importés, mais aussi d’assurer leur effectivité en obligeant les exportateurs à démontrer que leurs produits se conforment bien aux normes européennes, sur le modèle du marquage CE.

Les négociations de l’accord avec le Mercosur se prolongent sans que les parlements nationaux et le Parlement européen puissent être pleinement impliqués, ce qui soulève des enjeux de transparence et de démocratie. Si le principe même de négociation suppose certes que le contenu de l’accord évolue, il est regrettable que les clauses principales, les dispositifs additionnels ou les annexes, souvent techniques, ne soient pas communiqués aux parlementaires au fil des discussions. Rendus aveugles, les députés sont conduits à douter des bénéfices de l’accord avancés par l’exécutif européen.

Sur le fond, le projet de traité avec le Mercosur, dont la négociation a commencé dans les années 2000, permettrait l’importation en Europe de quantités importantes de viande porcine ou bovine, de volaille, de sucre, d’éthanol, etc. Le débat dépasse la simple question agricole. Le groupe Socialistes et apparentés insiste sur plusieurs points depuis 2018 : la contestation par les États en voie de développement de la manière dont sont fixés les prix des produits agricoles en Europe, notamment du fait d’une différence entre les prix d’achat et de revente ; la nécessité d’un traitement spécial et différencié pour certains produits, par exemple les biens de première nécessité ; la question de la ratification de ces accords de nouvelle génération par les parlements nationaux à la suite du Parlement européen. Nous estimons, en outre, qu’il est nécessaire de solliciter un avis expert et indépendant sur les conséquences de ces traités de libre-échange.

Le groupe Socialistes et apparentés soutient donc cette proposition de résolution européenne. Nous avons néanmoins déposé quelques amendements pour apporter certaines précisions.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je suis favorable à l’un de vos amendements, qui intègre la question du manque de transparence des négociations. Le défaut de transmission des documents nous empêche en effet d’avoir une pleine visibilité sur ce qu’implique l’accord UE-Mercosur.

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en venons à l’examen des amendements.

Amendement n° 1 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). C’est un amendement qui vise à prendre en compte le vote en faveur de la déclaration du gouvernement du 26 novembre 2024 que nous avons tous voté sauf la France Insoumise. Cette déclaration visait à s’opposer à l’accord signé entre l’Union européenne et les pays du Mercosur dans sa forme actuelle. Cette déclaration va dans le bon sens même si la ministre de l’agriculture, dans son propos liminaire, n’a pas remis en cause le principe des accords de libre-échange. Désormais, fort de ce mandat donné par l’Assemblée nationale, la France doit faire valoir ses positions dans les négociations européennes.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je rappelle que le gouvernement ne s’est pas opposé, lors de son allocution, à cet accord de manière ferme. Le gouvernement ne s’y est opposé qu’en apparence puisqu’il souhaiterait qu’y apparaissent des clauses miroirs et que ces dernières soient contrôlées. Il s’agit bel et bien de s’opposer à cet accord, quelle que soit sa forme. Les clauses miroirs sont difficiles à mettre en œuvre et à contrôler. Nous avons l’exemple des hormones dont la Commission européenne a reconnu ne pas pouvoir vérifier leur utilisation ou non dans les produits finis. S’agissant des néonicotinoïdes, il n’est pas possible d’apporter la garantie qu’ils n’aient pas été utilisés durant le processus de production. Ils peuvent se trouver à des concentrations trop faibles pour être détectés. Ce sont les raisons pour lesquelles nous n’avons pas voté en faveur de la déclaration du gouvernement et pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). La déclaration a en effet clair : « les députés s’opposent à cet accord en l’état ». « Il serait irresponsable de s’opposer à tout accord de libre-échange par principe ». Voici des déclarations d’Annie Genevard qui est en faveur du libre-échange et de ce traité. La DG Santé de la Commission européenne a publié, il y a quelques mois, une étude pour démontrer qu’aujourd’hui il n’est pas possible d’assurer l’absence d’œstradiol dans le bœuf que nous importons en France depuis le Brésil. Comment voulez-vous appliquer des clauses miroirs alors qu’elles ne sont déjà pas appliquées actuellement ? Voilà les raisons pour lesquelles la France a besoin d’une position claire et pas de demi-mesure. Et c’est ce que nous proposons ici : un rejet pur et simple de cet accord.

L’amendement n° 1 est rejeté.

Amendement n° 3 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à prendre en compte le fait que les gouvernements successifs ont surtransposé les directives européennes, c’est-à-dire aller au-delà des exigences européennes. Ces surtranspositions ont eu des conséquences négatives pour nos agriculteurs et aussi chez leurs voisins italiens et espagnols. Cet accord dit du Mercosur accroîtrait les distorsions de concurrence en ouvrant nos marchés à des produits ne respectant pas nos standards sanitaires, sociaux et environnementaux. Cette surtransposition fragilise plus encore des exploitations déjà en difficulté face à l’application de nomes sans exigences de réciprocité. Cet amendement vise donc à reconnaître cette problématique et cet enjeu pour notre compétitivité dans les territoires.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. La France est le quatrième pays à autoriser le plus de substances phytosanitaires après l’Italie, la Grèce et l’Espagne. Notre pays a été condamné à de multiples reprises par la Cour de Justice de l’Union européenne pour des manquements relatifs à des transpositions de directives relatives à l’environnement. Avec cet amendement, vous ne faites qu’alimenter un faux cliché selon lequel il ne serait pas possible de soutenir nos agriculteurs et protéger l’environnement. J’émets un avis défavorable.

L’amendement n° 3 est rejeté.

Amendement n° 2 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à prendre en compte le mal-être agricole dans les arguments contre l’accord dit du Mercosur. Nous avons tous en mémoire les manifestations d’agriculteurs en janvier 2024 en France et en Europe qui ont mis en lumière l’opposition massive à l’accord avec les pays du Mercosur. D’ailleurs, nous ne serions pas réunis aujourd’hui s’il n’y avait pas eu ces manifestations contre l’accord UE-Mercosur. Ces mobilisations ont permis de porter ce débat au premier rang. Sans cela, ce sujet aurait été négocié discrètement à Bruxelles loin de nos préoccupations nationales. Cet amendement propose de réaffirmer notre attachement aux normes environnementales, sociales et sanitaires françaises. Il vise à s’assurer que des décisions importantes ne soient pas prises sans consultation préalable des agriculteurs qui œuvrent à la préservation de nos territoires.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Il est déjà mentionné dans la proposition de résolution les conséquences désastreuses de ce traité pour les agriculteurs français et je considère donc que cet amendement est déjà satisfait. Je demande le retrait ou bien j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 2 est rejeté.

Amendement n° 5 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à prendre en compte les traités déjà signés ou bien en cours de négociation. Les accords de libre-échange existants comme celui avec la Nouvelle-Zélande de 2024 ou bien avec le Japon ont exposé les agriculteurs français à une concurrence déloyale ouvrant les marchés à des produits non conformes à nos normes sanitaires et environnementales européennes. L’accord du CETA avec le Canada a montré ses effets délétères avec l’importation de produits à bas coût non alignés sur les standards français. Il y a de nouveaux accords en négociation tel celui avec l’Australie qui risque de fragiliser davantage certaines filières de la viande bovine. Ajouter l’accord avec les pays du Mercosur dans ce contexte aboutirait à fragiliser encore nos filières agricoles déjà en difficulté et à mettre en péril leur pérennité et leur compétitivité.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je demande le retrait ou bien j’émettrai un avis défavorable puisque l’alinéa 28, tout comme le 22 d’ailleurs, mentionnent les précédents accords de libre-échange et leurs conséquences négatives. Il est donc déjà satisfait.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Je voudrais ici rappeler que le libre-échange n’est pas une mauvaise chose en soi. C’est aussi source de bénéfices pour nos filières agricoles. J’en veux pour exemple l’accord du CETA qui a profité à nos vins et à nos produits laitiers. Durant la négociation, le débat a tourné autour de bœufs canadiens qui inonderaient nos marchés. En 2023, c’est seulement 29 tonnes qui ont été importées. Seuls 2 % du quota a été utilisé depuis la ratification de l’accord. Il est absolument faux de dire que nous importons massivement du bœuf canadien ou que nous allons importer massivement du bœuf d’Amérique latine. Nous nous opposons à cet amendement

L’amendement n° 5 est rejeté.

Amendement n° 6 de Mme Marietta Karamanli

Mme Marietta Karamanli (SOC). Par cet amendement, notre groupe souhaite rappeler son opposition à l’accord de libre-échange entre l’Union et le Mercosur. Nous souhaitons un accès aux marchés européens à une mise en œuvre effective et aux contrôles que rappelait d’ailleurs la PPRE de Dominique Potier avec l’application de clauses miroirs effectives au titre de l’accord de Paris.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. L’objet de cette proposition de résolution n’est pas de déterminer les conditions d’acceptabilité de l’accord mais de permettre aux députés de s’exprimer sur l’opportunité de signer un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur. Je vous demanderai donc de le retirer. A défaut j’émettrai un avis défavorable.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous maintenons cet amendement car nous sommes cohérents avec ce nous avions déjà proposé. L’un n’empêche pas l’autre. Nous pouvons aussi avancer avec des clauses miroirs même si j’ai entendu certains de mes collègues dire que cela ne fonctionne pas aujourd’hui. Ce n’est pas une raison pour les abandonner.

L’amendement n° 6 est rejeté.

Amendement n° 7 de Mme Marietta Karamanli

Mme Marietta Karamanli (SOC). La scission de l’accord d’association avec le Mercosur permettrait à la Commission européenne d’imposer l’adoption du volet commercial par une majorité qualifiée d’États membres. Cet amendement vise donc à rappeler l’opposition du groupe Socialistes à toute scission de l’accord qui permettrait à la Commission de passer outre la règle de l’unanimité au Conseil et de s’affranchir du vote des parlements nationaux des États membres.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Je partage votre position sur le fond, mais je pense que l’amendement devrait être reformulé. En effet, l’amendement propose de « demander à la Commission européenne de s’opposer à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur », alors que c’est à la Commission qu’appartient une telle décision. Il est préférable de demander au Gouvernement de faire part à la Commission de son opposition à toute scission de l’accord. Comme l’alinéa 33 de la proposition de résolution invite déjà le Gouvernement à demander à la Commission de soumettre l’ensemble de l’accord au vote des États membres, je vous suggère de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Ne pouvez-vous pas le sous-amender ?

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Votre amendement étant déjà satisfait par l’alinéa 33 de la proposition de résolution, je maintiens ma demande de retrait. À défaut, j’émets un avis défavorable.

L’amendement n° 7 est retiré.

Amendement n° 4 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Le présent amendement invite le Gouvernement à demander à la Commission européenne une évaluation annuelle des accords de libre-échange ratifiés afin de mesurer leurs effets sur l’agriculture française, notamment en termes de compétitivité et de distorsions de concurrence. Un tel rapport garantirait la transparence des décisions politiques en la matière, en prenant en compte les conséquences négatives qui se révèlent sur le terrain après la ratification du traité. Nous visons ainsi à défendre nos agriculteurs en imposant un suivi rigoureux des effets de la mondialisation sur leur activité et leur revenu.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Il serait plus judicieux de confier l’élaboration d’un tel rapport à une autorité française indépendante plutôt qu’à la Commission européenne : non seulement c’est la Commission qui est à l’origine des accords de libre-échange, mais elle ne dispose pas d’informations aussi détaillées que les États membres sur leur situation nationale. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement n° 4 est rejeté.

Amendement n° 8 de Mme Marietta Karamanli

Mme Marietta Karamanli (SOC). Cet amendement invite la Commission européenne à transmettre sans délai au Gouvernement et au Parlement français l’ensemble des informations relatives aux négociations en cours avant la finalisation de l’accord. Il nous semble essentiel que les Parlements nationaux soient informés des négociations préalables à tout accord qui serait soumis à l’approbation des États membres.

Mme Mathilde Hignet, rapporteure. Dans un souci de transparence, il est en effet nécessaire de permettre au Parlement de contrôler les négociations menées par la Commission européenne. J’émets un avis favorable.

L’amendement n° 8 est adopté.

L’article unique de la proposition de résolution européenne, ainsi modifié, est adopté.

La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.

 


   proposition de rÉsolution europÉEnne initiale

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment son article 5,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 2, 3, 4, 7, 11, 12, 13, 206, 207 et 218,

Vu l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, particulièrement son article XX, et l’accord sur les sauvegardes qui met en œuvre son article XIX,

Vu l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires et l’accord sur les obstacles techniques au commerce entrés en vigueur en 1995,

Vu l’accord‑cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d’autre part – Déclaration commune sur le dialogue politique entre l’Union européenne et le Mercosur – du 19 mars 1996,

Vu l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016,

Vu le cadre mondial sur la biodiversité de Kunming‑Montréal du 18 décembre 2022,

Vu le mandat de négociation adressé par le Conseil de l’Union européenne à la Commission européenne le 17 septembre 1999,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 22 mai 2018 et l’accord de principe trouvé entre l’Union et les pays du Mercosur le 28 juin 2019,

Vu l’article 118 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE,

Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010,

Vu la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2013 sur les négociations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur,

Vu l’avis 2/15 rendu le 16 mai 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accord de libre‑échange avec Singapour,

Vu l’avis du Comité économique et social européen sur le thème « Vers un accord d’association UE‑Mercosur » du 23 mai 2018,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie « De la ferme à la table », intitulée « Pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », COM (2020) 381 final,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, dans un document intitulé « L’urgence d’agir », 11829/20,

Vu la résolution de l’Assemblée nationale relative à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur du 13 juin 2023,

Considérant que le nombre d’exploitations agricoles en France est passé de 520 000 à 416 000 entre 2010 et 2020, soit une chute de 20 % ;

Considérant que la part de l’élevage décroit constamment dans la production agricole française depuis le début des années 2000 ;

Considérant que la libéralisation des échanges de produits agricoles expose les agricultrices et agriculteurs français à une concurrence internationale déloyale résultant de la prévalence de normes environnementales et sociales moins strictes hors de l’Union européenne ;

Considérant que cette concurrence crée une pression à la baisse sur les prix et accroît très nettement leur volatilité, affectant les revenus des agricultrices et agriculteurs locaux et menaçant la survie des petites exploitations ;

Considérant que l’ouverture aux importations agricoles opère au détriment de la diversité et de la qualité qui sont deux caractéristiques éminentes de l’agriculture française ;

Considérant que la libéralisation des marchés agricoles renforce la concentration et la capitalisation des fermes françaises, et favorise les modes de production ultra‑intensifs ;

Considérant que l’impact écologique en Amérique du Sud serait colossal et que cet accord est de nature à augmenter la déforestation importée ;

Considérant que l’accord Union européenne‑Mercosur, comme tout accord de libre‑échange, a pour objet même l’augmentation des flux internationaux de marchandises et que l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre et pollutions environnementales associées est incompatible avec les objectifs climatiques de l’Union européenne et de la France ;

Considérant que le processus de ratification de l’accord conclu entre l’Union européenne et le Mercosur en 2019 s’est brusquement accéléré depuis le début de l’année 2023, et que la nouvelle Commission européenne a pour objectif de conclure l’accord le plus rapidement possible ;

Considérant que le Conseil de l’Union avait, dans ses conclusions du 22 mai 2018, indiqué que l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur devait suivre la procédure de ratification d’un accord mixte, c’est‑à‑dire être soumis à l’approbation à l’unanimité des États membres au Conseil de l’Union européenne, à celle du Parlement européen et des Parlements nationaux ;

Invite le gouvernement de la République française :

1) à signifier à la Commission européenne son opposition à un accord de libre‑échange entre l’Union européenne et le Mercosur ;

2) à demander à la Commission européenne, conformément aux conclusions du Conseil du 22 mai 2018, de soumettre l’accord à un vote à l’unanimité́ des États membres au Conseil, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des Parlements des États membres.

 


   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Mme Manon BOUQUIN

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 20, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Vu l’adoption par l’Assemblée nationale de la déclaration du Gouvernement portant sur les négociations en cours relatives à l’accord d’association entre l’UE et le Mercosur du 26 novembre 2024 ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le 26 novembre 2024, le Gouvernement prononçait devant l’Assemblée nationale une déclaration visant à s’opposer au principe de ratification du traité de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur.

Cette déclaration a fait état de la volonté du Gouvernement français de mettre en place des clauses miroirs et du contrôle de ces clauses pour protéger la qualité de notre alimentation et sécuriser notre souveraineté alimentaire.

Bien que ce vote ne soit que déclaratif, il convient maintenant au Gouvernement français de faire valoir la volonté de la représentation nationale au niveau européen.

 

 

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Mme Manon BOUQUIN

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 23, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Considérant la tendance constante des gouvernements français successifs à surtransposer les directives européennes, en allant au-delà des exigences fixées par le droit européen. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La surtransposition consiste à aller au-delà des exigences fixées par le droit européen et place nos agriculteurs dans une position de désavantage concurrentiel face à des partenaires commerciaux bénéficiant de règles bien moins contraignantes.

Les producteurs français s’efforcent de respecter des normes sociales, environnementales et sanitaires parmi les plus strictes au monde. L’accord Mercosur ouvrirait notre marché à des produits importés ne répondant pas aux mêmes exigences. Cette distorsion de concurrence, aggravée par la surtransposition française, pénalise gravement notre agriculture.

De plus, cette surtransposition alourdit les réglementations nationales au détriment de la compétitivité et de l’équilibre économique de nos exploitations. Elle fait peser des contraintes supplémentaires sur des producteurs déjà fragilisés, sans garanties suffisantes de réciprocité dans les échanges commerciaux.

Cet amendement appelle ainsi à reconnaître cette problématique structurelle et à agir dans l'intérêt de notre agriculture, de nos territoires et de notre souveraineté alimentaire.

 

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Mme Manon BOUQUIN

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 24, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Considérant le mal-être et la colère des agriculteurs qui se sont exprimés depuis le début de l’année 2024 en France et dans plusieurs pays de l’Union européenne à travers des blocages pour mettre en avant leurs revendications dont l’arrêt des négociations pour la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le mois de janvier 2024 a été marqué, en France et dans plusieurs pays de l’Union européenne, par des manifestations des agriculteurs.

Si nous débattons de l'accord Mercosur, c'est parce que nos agriculteurs ont exprimé leur opposition avec force depuis janvier 2024. Leur mobilisation a permis de mettre ce sujet sur la table, rappelant à tous l'impact dévastateur que cet accord aurait sur leur métier, leurs revenus et la pérennité de l'agriculture française.

Sans leur engagement, ce débat aurait pu se dérouler discrètement, à Bruxelles, loin des préoccupations des citoyens français et dans une opacité qui caractérise trop souvent les décisions européennes.

Cet amendement traduit notre soutien à ces agriculteurs et à leur combat pour une agriculture respectueuse des normes sociales, sanitaires et environnementales qui font la fierté de notre pays. Il s’agit de garantir que ces décisions ne se prennent pas dans le dos de ceux qui, chaque jour, nourrissent nos concitoyens et préservent nos territoires.

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Mme Manon BOUQUIN

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 28, insérer un alinéa ainsi rédigé :

 

« Considérant que les agriculteurs sont déjà confrontés à une concurrence accrue en raison de la ratification d’autres traités de libre-échange, et que le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur n'est pas le seul accord agricole de libre-échange en cours de négociation ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Nos agriculteurs sont déjà soumis à une concurrence féroce issue de plusieurs autres accords de libre-échange.

Prenons, par exemple, l'accord avec la Nouvelle-Zélande (mis en place en 2024), qui présente des risques en ouvrant notre marché à des produits laitiers à bas coût qui ne respectent pas les normes sanitaires et environnementales imposées à nos producteurs. De même, l'accord avec le Japon (JEFTA) a exposé nos agriculteurs à des produits qui ne répondent pas aux exigences imposées aux producteurs européens.

Au-delà de ceux déjà ratifiés, d'autres accords sont en cours de négociation ou dans les tiroirs de l'Union européenne. L'accord entre l'UE-Canada (CETA), a déjà entraîné une ouverture significative de nos marchés aux produits canadiens depuis 2017, souvent à des prix bien inférieurs à ceux pratiqués en Europe, tout en ne respectant pas toujours les normes françaises. Il en est de même de l'accord avec l'Australie, qui pourrait mettre en péril certaines filières européennes, notamment la viande bovine.

Dans ce contexte, ajouter un accord comme celui du Mercosur, qui ouvrirait encore davantage nos marchés à des produits sud-américains, constituerait un coup de massue supplémentaire pour nos filières agricoles déjà fragilisées.

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No6

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, M. Karim Benbrahim, Mme Colette Capdevielle, Mme Anna Pic, M. Pierre Pribetich, M. Thierry Sother

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ARTICLE UNIQUE

 

Compléter l’alinéa 32 par les mots :

« en l’absence d’un accès au marché européen conditionné à la mise en œuvre effective et au contrôle de l’application des mesures miroirs existantes, et en l’absence de clause suspensive relative au respect par les États de leurs engagements au titre de l’accord de Paris »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les distorsions de concurrence entre producteurs européens et extra-européens risquent d’être aggravées en cas d’accord avec le Mercosur. Comme le développait Dominique POTIER dans son rapport sur la proposition de résolution européenne visant à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne, « la mise en œuvre de mesures miroirs effectives et d’exigences de réciprocité en matière environnementale, sanitaire et sociale est une voie de justice économique ».

Par cet amendement, le Groupe Socialistes & apparentés rappelle son opposition à l’adoption de l’accord entre l’UE et le Mercosur en l’absence d’un accès au marché européen conditionné à la mise en œuvre effective et au contrôle de l’application des mesures miroirs existantes, et en l’absence de clause suspensive relative au respect par les États de leur engagement au titre de l’accord de Paris.

 

 

 

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, M. Karim Benbrahim, Mme Colette Capdevielle, Mme Anna Pic, M. Pierre Pribetich, M. Thierry Sother

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 33, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3) À demander à la Commission européenne de s’opposer à toute scission de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, qui passerait outre la règle de l’unanimité au Conseil de l’Union européenne et s’affranchirait du vote des Parlements nationaux des États membre. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

La séparation de l’accord permettrait à la Commission européenne d’imposer l’adoption de l’accord commercial par une majorité qualifiée. Cet amendement vise donc à rappeler l’opposition du groupe Socialistes & apparentés à toute scission de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur qui passerait outre la règle de l’unanimité au Conseil et s’affranchirait du vote des Parlements nationaux des États membres.

 

 

 

 

 

 

Cet amendement a été retiré.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

Mme Manon BOUQUIN

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 33, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3) À demander à la Commission européenne une évaluation annuelle de l’impact des accords de libre-échange ratifiés sur la situation économique et sociale des agriculteurs français. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La ratification d’un traité de libre-échange peut entraîner des conséquences imprévues sur l’agriculture française, souvent bien au-delà des projections initiales. Cet amendement vise à demander qu’une évaluation approfondie soit menée après la ratification, afin de mesurer avec précision ses impacts réels sur les agriculteurs français.

Une telle évaluation post-ratification permettrait d’identifier les effets économiques et sociaux concrets des accords commerciaux, notamment en termes de compétitivité, de distorsions de concurrence et de pressions sur les filières agricoles.

Il s’agit également d’un outil indispensable pour garantir la transparence des choix politiques. Trop souvent, les conséquences d’un traité se révèlent sur le terrain bien après sa mise en application, au détriment de nos agriculteurs. En imposant cette obligation d’évaluation, nous affirmons la nécessité d’un suivi rigoureux et d’une prise en compte continue des enjeux agricoles.

Cet amendement reflète une volonté de défendre nos agriculteurs face aux défis croissants de la mondialisation, en assurant que leurs intérêts restent au cœur des préoccupations nationales.

 

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 DÉCEMBRE 2024


RATIFICATION ACCORD COMMERCIAL ENTRE L’UE ET LE MERCOSUR (n° 608),

 

AMENDEMENT

No 8

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, M. Karim Benbrahim, Mme Colette Capdevielle, Mme Anna Pic, M. Pierre Pribetich, M. Thierry Sother

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 33, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Invite la commission à transmettre sans délai aux autorités françaises, gouvernement et parlement, l’ensemble des informations et données relatives aux négociations menées, et ce, avant toute finalisation de l’accord. »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

À plusieurs reprises, les députés français ont regretté l’insuffisance d’informations et de données relatives aux négociations menées par la Commission au nom de l’Union européenne.

Lors de son audition le 4 novembre dernier par les députés européens, le commissaire désigné au Commerce a déclaré : « lorsque nous saurons que les négociations sont en phase finale ou achevées, alors je viendrai vous voir avec un power point, avec une calculatrice, avec toutes les données nécessaires », afin d’avoir « une discussion basée sur des données et sur des chiffres ».

Il est plus que jamais nécessaire que les parlements nationaux soient clairement et suffisamment informés des négociations préalables à tout accord qui serait soumis à l’accord des États membres et pourrait recevoir le soutien d’une majorité d’entre eux.

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.

   PROPOSITION DE R֤ÉSOLUTION EUROPÉENNE
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment son article 5,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 2, 3, 4, 7, 11, 12, 13, 206, 207 et 218,

Vu l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, particulièrement son article XX, et l’accord sur les sauvegardes qui met en œuvre son article XIX,

Vu l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires et l’accord sur les obstacles techniques au commerce entrés en vigueur en 1995,

Vu l’accord‑cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d’autre part – Déclaration commune sur le dialogue politique entre l’Union européenne et le Mercosur – du 19 mars 1996,

Vu l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016,

Vu le cadre mondial sur la biodiversité de Kunming‑Montréal du 18 décembre 2022,

Vu le mandat de négociation adressé par le Conseil de l’Union européenne à la Commission européenne le 17 septembre 1999,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 22 mai 2018 et l’accord de principe trouvé entre l’Union et les pays du Mercosur le 28 juin 2019,

Vu l’article 118 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE,

Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010,

Vu la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2013 sur les négociations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur,

Vu l’avis 2/15 rendu le 16 mai 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accord de libre‑échange avec Singapour,

Vu l’avis du Comité économique et social européen sur le thème « Vers un accord d’association UE‑Mercosur » du 23 mai 2018,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie « De la ferme à la table », intitulée « Pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », COM (2020) 381 final,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, dans un document intitulé « L’urgence d’agir », 11829/20,

Vu la résolution de l’Assemblée nationale relative à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur du 13 juin 2023,

Considérant que le nombre d’exploitations agricoles en France est passé de 520 000 à 416 000 entre 2010 et 2020, soit une chute de 20 % ;

Considérant que la part de l’élevage décroit constamment dans la production agricole française depuis le début des années 2000 ;

Considérant que la libéralisation des échanges de produits agricoles expose les agricultrices et agriculteurs français à une concurrence internationale déloyale résultant de la prévalence de normes environnementales et sociales moins strictes hors de l’Union européenne ;

Considérant que cette concurrence crée une pression à la baisse sur les prix et accroît très nettement leur volatilité, affectant les revenus des agricultrices et agriculteurs locaux et menaçant la survie des petites exploitations ;

Considérant que l’ouverture aux importations agricoles opère au détriment de la diversité et de la qualité qui sont deux caractéristiques éminentes de l’agriculture française ;

Considérant que la libéralisation des marchés agricoles renforce la concentration et la capitalisation des fermes françaises, et favorise les modes de production ultra‑intensifs ;

Considérant que l’impact écologique en Amérique du Sud serait colossal et que cet accord est de nature à augmenter la déforestation importée ;

Considérant que l’accord Union européenne‑Mercosur, comme tout accord de libre‑échange, a pour objet même l’augmentation des flux internationaux de marchandises et que l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre et pollutions environnementales associées est incompatible avec les objectifs climatiques de l’Union européenne et de la France ;

Considérant que le processus de ratification de l’accord conclu entre l’Union européenne et le Mercosur en 2019 s’est brusquement accéléré depuis le début de l’année 2023, et que la nouvelle Commission européenne a pour objectif de conclure l’accord le plus rapidement possible ;

Considérant que le Conseil de l’Union avait, dans ses conclusions du 22 mai 2018, indiqué que l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur devait suivre la procédure de ratification d’un accord mixte, c’est‑à‑dire être soumis à l’approbation à l’unanimité des États membres au Conseil de l’Union européenne, à celle du Parlement européen et des Parlements nationaux ;

Invite le gouvernement de la République française :

1) à signifier à la Commission européenne son opposition à un accord de libre‑échange entre l’Union européenne et le Mercosur ;

2) à demander à la Commission européenne, conformément aux conclusions du Conseil du 22 mai 2018, de soumettre l’accord à un vote à l’unanimité́ des États membres au Conseil, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des Parlements des États membres ;

 Invite la Commission européenne à transmettre sans délai aux autorités françaises, gouvernement et parlement, l’ensemble des informations et données relatives aux négociations menées, et ce, avant toute finalisation de l’accord.