N° 696

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2024.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge,

(Procédure accélérée)

 

PAR Mme Marine HAMELET,

Députée

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir les numéros :

 Assemblée nationale : 567.

 Sénat : 665, 392, 393 et T.A. 108 (2023-2024).

 


SOMMAIRE

Pages

introduction

I. Le cambodge, pays marqué par son histoire et état partenaire de la France

A. une législation en progrès mais une pratique démocratique préoccupante

1. Une stabilité politique sur fond de croissance économique

2. Une législation qui se veut garante des droits et libertés

3. Un bilan concret préoccupant en matière de droits de l’Homme

B. Des relations soutenues avec la France

1. Une forte proximité culturelle

2. Un partenariat vivant

3. Une coopération judiciaire fondée sur les usages diplomatiques

II. un accord conclu en 2015 pour donner un cadre juridique à la procédure d’extradition

A. Un texte adopté au sénat après un parcours législatif retardé

B. Un encadrement précis de la procédure d’extradition

III. Une approbation nÉcessaire à double titre

A. une meilleure rÉponse judiciaire face aux rÉseaux criminels

B. Une sÉcurisation juridique des extraditions opÉrÉes

Examen en commission

annexe 1 : TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

 

 


 

   introduction

 

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 567, autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge. Ce texte a été adopté par le Sénat le 3 avril 2024.

La convention signée entre le Cambodge et la France vise à organiser et à sécuriser juridiquement des extraditions qui n’interviennent jusqu’à présent que sur la base de la courtoisie internationale et du dialogue diplomatique.

Son approbation représente un véritable enjeu face à l’internationalisation de certaines activités criminelles et dans un contexte où un nombre non négligeable de délinquants tente d’échapper à ses responsabilités en se maintenant sur le territoire d’un autre État.

Le Cambodge, s’il prévoit dans sa Constitution et sa législation l’essentiel des garanties requises par l’État de droit, présente en revanche un bilan particulièrement préoccupant quant à leur application concrète. Cette situation, si elle justifie que la question des droits de l’Homme soit abordée sans détour dans le cadre des relations bilatérales franco‑cambodgiennes, ne saurait faire obstacle à l’approbation d’une convention qui vise à fournir un cadre juridique à des extraditions déjà existantes et à entourer celles‑ci des règles nécessaires à la prévention de tout détournement de la procédure.

 

 

 


I.   Le cambodge, pays marqué par son histoire et état partenaire de la France

Marqué par une histoire récente douloureuse et de profondes divisions, le Cambodge a su se doter d’une Constitution et de normes conformes aux exigences de l’État de droit, ce qui a contribué à sa stabilité politique et à sa croissance économique. Les bénéfices de la paix retrouvée ont malheureusement été contrebalancés par un bilan particulièrement préoccupant en matière de droits de l’Homme, dont la situation s’est dégradée depuis 2017. Partenaire traditionnel du Cambodge à qui l’unissent de nombreux liens, et collaborant à son travail de mémoire et de reconstruction, la France continue d’entretenir avec lui des relations soutenues, qui sont aussi pour elle l’occasion de faire valoir ses critiques en matière de respect de l’État de droit.

A.   une législation en progrès mais une pratique démocratique préoccupante

1.   Une stabilité politique sur fond de croissance économique

Les accords de Paris, signés le 23 octobre 1991 sous l’égide des Nations Unies, ont mis fin à deux décennies de guerre au Cambodge ainsi qu’au régime des Khmers rouges, responsable de la mort de près de 2 millions de Cambodgiens entre 1975 à 1979. La paix revenue, le pays s’est doté, deux ans plus tard, d’une loi fondamentale faisant de son régime politique une monarchie constitutionnelle.

La vie politique est dominée par le parti du peuple cambodgien (PPC), dirigé de 1985 à 2023 par le premier ministre Hun Sen. Les élections législatives du 23 juillet 2023 ont été gagnées par ce parti, sans opposition crédible. Le PPC a remporté 120 sièges sur 125 sièges à l’Assemblée nationale (82,3 % des voix), le Funcinpec, parti royaliste historique, arrivant en seconde position avec cinq sièges (9,2 % des voix). Hun Manet, fils d’Hun Sen, y a obtenu son premier mandat. Il a succédé à son père comme premier ministre en août 2023. Si son gouvernement est renouvelé et rajeuni, il s’inscrit pourtant dans la continuité politique de celui de son père : environ un tiers de ses membres ont des liens familiaux avec les précédents ministres.

Sur le plan économique, le Cambodge, pays de plus de 16 millions d’habitants, a connu, depuis plus de vingt ans, une croissance soutenue, de plus de 7 % en moyenne, jusqu’à la crise liée à la pandémie de Covid-19. Si la population reste à plus de 70 % rurale et si l’agriculture représente toujours plus du quart du produit intérieur brut (PIB), une urbanisation rapide est toutefois en cours. Porté par les services et en particulier le tourisme, ainsi que par le textile et la construction, le PIB a connu un rebond en 2021 (3 %), confirmé en 2022 (5,2 %) et en 2023 (5,4 %).

Membre de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) depuis 1999, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2004 et de la Communauté Économique de l’ASEAN (AEC) ([1]) depuis 2016, le Cambodge a profité du dynamisme de la région, qui s’est traduit par un afflux d’investissements internationaux, en provenance essentiellement de Chine, du Japon et de Corée.

2.   Une législation qui se veut garante des droits et libertés

La Constitution cambodgienne, adoptée le 21 septembre 1993 et amendée à dix reprises, est conforme aux grands standards internationaux de l’État de droit. Le Conseil constitutionnel, prévu à son article 136, a pour mission d’en garantir le respect. L’article 51 de la Constitution pose le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature propose au Roi la nomination des juges et procureurs auprès de toutes les juridictions et décide des sanctions disciplinaires à leur encontre. Les magistrats sont inamovibles (articles 133 et 134).

Aux termes de l’article 31 de la Constitution, le Cambodge reconnaît et respecte les droits de l’Homme, tels qu’ils sont inscrits dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et dans les traités et conventions relatifs aux droits de l’Homme, de la Femme et de l’Enfant. Ce même article affirme l’égalité des citoyens khmers devant la loi et dispose que les droits et libertés individuelles doivent s’exercer dans les conditions fixées par la loi. La Constitution proclame le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle (article 32), l’inviolabilité corporelle des individus, l’interdiction de la contrainte, des punitions corporelles et de tout traitement aggravant la peine des détenus, le principe selon lequel le doute profite à l’accusé, la présomption d’innocence et le droit de tout individu à se défendre en justice (article 38), la liberté d’exprimer ses opinions personnelles, la liberté de la presse, de publication et de réunion (article 41), le droit de propriété (article 44), l’interdiction des discriminations contre les femmes (article 44), l’interdiction du trafic des êtres humains (article 46) et les droits de l’Enfant (article 48).

Du point de vue judiciaire, il n’existe qu’un seul ordre juridictionnel au Cambodge, compétent pour l’ensemble des litiges, y compris administratifs. Les magistrats sont recrutés sur concours. Les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement sont séparées.

Le code de procédure pénale a été adopté en 2007. Les grands principes de procédure pénale sont le droit à un procès équitable, la liberté de la preuve, le secret de l’instruction et le respect des droits de la défense. La garde à vue et la détention provisoire sont encadrées.

Le code pénal, quant à lui, date de 2009. Il proclame le principe de la légalité des délits et des peines, ainsi que ceux de l’interprétation stricte et de la non-rétroactivité de la loi pénale. Il prévoit une classification tripartite des infractions en crimes, délits et contraventions. La responsabilité pénale est fixée à 18 ans, étant précisé que les mineurs âgés de 14 à 18 ans peuvent se voir imposer une peine atténuée. Le Cambodge a par ailleurs été, en 1989, l’un des premiers États asiatiques à abolir la peine de mort et il est un des deux seuls États de l’ASEAN à l’avoir fait ([2]). Son interdiction figure à l’article 32 de la Constitution de 1993. La décision d’abolir la peine de mort est directement liée à la guerre civile et au génocide qu’a connu le pays ; son rétablissement n’est envisagé, à l’heure actuelle, ni dans la société, ni par le gouvernement.

3.   Un bilan concret préoccupant en matière de droits de l’Homme

Si le Cambodge n’a pas ménagé ses efforts pour inscrire durablement dans son droit les garanties fondamentales en matière de libertés publiques, sa pratique en la matière laisse en revanche beaucoup à désirer. On assiste à une dégradation de la situation depuis 2017. Le Centre cambodgien pour les droits humains, tout en soulignant des avancées positives en matière de respect du droit à un procès équitable, critique le manque d’application par les tribunaux de principes connexes tels que le droit de ne pas s’auto-incriminer, le droit à une audience publique, le droit à un jugement motivé et le droit à la présomption d’innocence. De tels manquements sont également soulignés par les organisations non gouvernementales qui relèvent aussi des poursuites abusives contre des syndicalistes, des défenseurs des droits fonciers ou des militants écologistes.

En matière électorale et d’alternance politique, la France a publiquement regretté que les scrutins législatifs de 2018 et de 2023 se soient déroulés en l’absence d’opposition crédible. Elle avait ainsi déploré que les élections cambodgiennes de juillet 2018 se soient tenues en l’absence du principal parti d’opposition – à l’époque le parti du salut national –, dissout le 16 novembre 2017. Dans un communiqué relatif aux élections générales de juillet 2023, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a de nouveau exprimé ses regrets « que ces élections se soient déroulées en l’absence du principal parti d’opposition, le parti de la Bougie, qui n’a pas été autorisé à s’enregistrer pour participer au scrutin, ce qui a porté atteinte au caractère pluraliste du scrutin ». Ces élections avaient été précédées, au mois de mars 2023, de la condamnation de Kem Sokha, défenseur des droits de l’Homme et figure de l’opposition, à vingt-sept ans de prison pour « trahison » ; il est actuellement en résidence surveillée. L’année précédente, c’est Sam Rainsy, autre opposant historique, résidant en France depuis 2015, qui avait été condamné – par contumace – à la prison à vie.

La dégradation de la situation politique et des droits de l’Homme au Cambodge a conduit l’Union européenne à lui retirer partiellement, en 2020, les préférences commerciales qui lui avaient été précédemment accordées au titre du régime « Tout sauf les armes » (TSA) ([3]). La France, de son côté, réitère régulièrement auprès des autorités cambodgiennes son appel à se conformer à toutes les exigences démocratiques, et donc à permettre à l’opposition, aux médias et à la société civile de fonctionner sans entrave.

B.   Des relations soutenues avec la France

1.   Une forte proximité culturelle

Les critiques adressées par la France au Cambodge en matière de respect de la démocratie n’ont eu ni pour objet, ni pour effet, de mettre fin entre les deux pays à une relation privilégiée, héritée à la fois d’une histoire commune, de la francophonie et du rôle joué par la France en faveur du développement cambodgien à la suite des accords de Paris de 1991. La communauté d’origine cambodgienne résidant en France contribue également à nourrir ces liens. Environ 8 000 Français résident par ailleurs au Cambodge.

Sur le plan de la francophonie, le Cambodge comptait, en 2022, 463 000 francophones, soit 3 % de sa population, ce qui en fait, avec le Laos, le pays asiatique où la langue française est le mieux implantée. On recensait, la même année environ 30 000 apprenants du français. Le gouvernement d’Hun Manet comprend par ailleurs près d’un tiers de ministres francophones. Le Lycée français René Descartes de Phnom Penh, qui comptait 1 250 élèves en 2023 – dont 63 % issus de familles khmérophones –, est conventionné avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Cette proximité culturelle a amené la France à mettre en œuvre une importante coopération dans le domaine du patrimoine, notamment en co‑présidant, avec le Japon, le Comité international de coordination pour la sauvegarde et le développement du site historique d’Angkor (CIC-Angkor), fondé en 1993. Les travaux du CIC ont permis de mobiliser plus de 600 millions de dollars pour mener à bien près de cent projets. La France en est l’un des plus gros contributeurs. La restauration du temple du Baphuon ayant été achevée en 2011, après seize ans de travaux, la France a entrepris depuis 2012 la restauration du temple du Mébon occidental dans un triple objectif de coopération scientifique et patrimoniale, de formation et d’aménagement touristique.

Cette proximité franco‑cambodgienne a également conduit la France à soutenir le travail des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (CETC), regroupées sous l’appellation de « tribunal Khmers rouges », depuis leur établissement en 2006. Elle a salué la décision historique du 16 novembre 2018 qualifiant de génocide les actions perpétrées par deux des plus hauts dirigeants Khmers rouges, Nuon Chea et Khieu Sâmphan, à l’encontre des Vietnamiens, de la communauté musulmane des Chams et d’autres minorités religieuses. Elle a réitéré son soutien aux travaux des CETC le 22 septembre 2022, à l’occasion de la fin de la phase judiciaire de leurs travaux.

2.   Un partenariat vivant

Les relations bilatérales de la France et du Cambodge s’appuient sur plusieurs secteurs historiques de coopération tels que le développement, la francophonie, le patrimoine ou encore la santé. Ces relations connaissent une dynamique nouvelle depuis la visite de travail du premier ministre Hun Sen en France, en décembre 2022. Celle‑ci a été suivie d’une visite au Cambodge du ministre délégué en charge du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, Olivier Becht, en janvier 2023. Le Roi du Cambodge, Norodom Sihamoni, a effectué, à son tour, une visite officielle en France en novembre 2023. En janvier 2024, c’est le premier ministre Hun Manet qui, ayant accédé à la primature au mois d’août précédent, s’est rendu à Paris. Ce dernier déplacement a permis aux deux pays de s’accorder sur un objectif de diversification sectorielle de leurs échanges et de densification de leurs relations bilatérales au cours des prochaines années. Toutes ces rencontres constituent par ailleurs, aux yeux des autorités françaises, des occasions d’aborder avec franchise la question des droits de l’Homme.

Sur le plan économique, le commerce bilatéral franco-cambodgien s’est établi à 1,43 milliard d’euros en 2022, en progression de 19,5 % par rapport à 2021. Les principales exportations françaises sont constituées de produits pharmaceutiques, agroalimentaires et d’équipements mécaniques. En sens inverse, les importations françaises en provenance du Cambodge sont concentrées à 96 % sur les produits textiles et agroalimentaires. Le Cambodge représente pour la France son quatrième déficit commercial dans l’ASEAN, derrière la Malaisie, le Vietnam et la Thaïlande. La communauté d’affaires française est la Communauté européenne la mieux représentée au Cambodge.

Le groupe Agence française de développement (AFD), présent au Cambodge depuis 1993, y a engagé près de 1,3 milliard d’euros (dont 328 millions d’euros pour sa filiale Proparco), notamment dans les secteurs des infrastructures (eau, assainissement, énergie), de l’agriculture, de la formation professionnelle et de l’intermédiation financière. Premier partenaire financier européen au Cambodge, l’AFD y a accru de manière significative ses engagements entre 2013 et 2020.

Un partenariat existe également au niveau européen puisque l’Union européenne et le Cambodge sont liés par un accord de coopération signé le 29 avril 1997 ; ces relations sont formalisées par la tenue, tous les deux ans, d’une commission mixte, dont la dernière session est intervenue le 10 mars 2022 ([4]).

3.   Une coopération judiciaire fondée sur les usages diplomatiques

Sur le plan multilatéral, la France et le Cambodge sont parties à plusieurs conventions de coopération judiciaire en matière pénale, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), telles que la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ([5]), la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ([6]), la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 ([7]), la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 ([8]) et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003 ([9]). Sur le plan bilatéral, en revanche, ni convention d’extradition, ni convention d’entraide judiciaire en matière pénale, ne lient actuellement la France et le Cambodge.

En matière d’extradition, les échanges entre la France et le Cambodge sont aujourd’hui d’un assez faible volume. Ils s’effectuent au cas par cas, sur la base de l’offre de réciprocité formulée au titre de la courtoisie internationale, et en référence aux conventions multilatérales précitées. Depuis 2009, la France a adressé trois demandes d’extradition au Cambodge qui ont toutes donné lieu à la remise de la personne recherchée. Elles concernaient des faits de viol sur mineur de 15 ans, d’agressions sexuelles aggravées, de trafic de stupéfiants, d’abus de confiance, d’escroquerie, de faux et de blanchiment.

Sur la même période, le Cambodge n’a transmis qu’une seule demande d’extradition à la France pour des faits d’enlèvement, de séquestration et d’infraction à la législation sur les armes commis en bande organisée. Elle s’est soldée par un refus opposé par l’autorité judiciaire française, en raison du caractère lacunaire à la fois de la demande et des informations complémentaires fournies par les autorités cambodgiennes.


II.   un accord conclu en 2015 pour donner un cadre juridique à la procédure d’extradition

Signée en octobre 2015, la convention d’extradition entre le Cambodge et la France a vu son entrée en vigueur retardée par les aléas d’un processus législatif compliqué par des interférences avec l’actualité politique cambodgienne. Composée de vingt-cinq articles, elle vise à formaliser et à encadrer la procédure de remise par un État à un autre des délinquants en fuite.

A.   Un texte adopté au sénat après un parcours législatif retardé

Ce sont les autorités françaises qui, après de premiers échanges préliminaires ayant débuté en 2009, ont formellement proposé en 2012 au Cambodge l’ouverture de négociations en vue de conclure un accord bilatéral d’extradition. L’extradition est une procédure juridique par laquelle un État livre l’auteur d’une infraction à un autre État pour qu’il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine.

Sur la base d’un texte produit par la partie française, deux sessions de négociations ont été organisées : l’une en juin 2013, à Phnom Penh, et l’autre en avril 2015, à Paris. Le texte de la convention a été finalisé par des échanges intervenus à l’automne 2015. La convention a été signée à Paris, le 26 octobre de la même année, par Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, et par M. Ang Vong Vathana, ministre de la justice du Royaume du Cambodge.

Le Cambodge a achevé la ratification de la convention le 14 octobre 2020, avec la signature par le Roi du décret d’application de la loi de ratification, elle‑même adoptée le 6 octobre précédent par le Parlement cambodgien. Du côté français, le projet de loi d’approbation de la convention, initialement présenté en conseil des ministres le 28 septembre 2016, a été déposé devant le Parlement, puis retiré, à deux reprises, avant d’être à nouveau déposé devant l’Assemblée nationale en 2017. Son examen a ensuite été reporté, compte tenu de la simultanéité des élections cambodgiennes de 2018 et de leurs conditions insatisfaisantes de déroulement. Devenu caduc du fait du changement de législature de juin 2022, le texte a été redéposé sur le Bureau du Sénat, puis adopté par celui‑ci le 3 avril 2024. Initialement prévu pour être débattu par l’Assemblée nationale à l’été 2024, la dissolution du 9 juin dernier a retardé ensuite son examen de plusieurs mois.

Si la France est aujourd’hui liée à cinquante‑quatre États par des accords bilatéraux d’extradition, la convention signée avec le Cambodge est la première de ce type conclue avec un État d’Asie du Sud-Est. Ses dispositions ne viennent remplacer aucune disposition préexistante puisque les deux pays ne sont actuellement liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral en la matière. Les demandes d’extradition présentées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention demeureront soumises au régime juridique antérieur, fondé sur le simple principe de réciprocité ainsi que sur les conventions multilatérales en matière pénale auxquelles adhèrent déjà les deux États.

B.   Un encadrement précis de la procédure d’extradition

La convention d’extradition conclue entre la France et le Cambodge consacre leur engagement réciproque à se livrer les personnes recherchées, soit pour l’exercice de poursuites pénales, soit pour l’exécution d’une peine privative de liberté (article 1er).

Peuvent donner lieu à extradition les faits punis, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans ou d’une peine plus sévère (article 2). Dans le cas d’une extradition sollicitée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la peine restant à exécuter doit être d’au moins six mois.

L’article 3 précise les motifs obligatoires de refus d’extradition. Cette dernière doit ainsi être refusée lorsque les infractions reprochées sont de nature politique ou militaire. Elle doit également l’être si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition est demandée aux fins de poursuivre une personne pour des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques. En application du principe non bis in idem, l’extradition n’est pas davantage accordée si un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement, ou une amnistie, ou encore une mesure de grâce, ont été prononcés par la partie requise concernant l’infraction en cause. L’extradition n’est pas acceptée non plus si l’action publique ou la peine sont prescrites en application du droit de la partie requise.

L’article 4 énumère les motifs facultatifs de refus d’extradition. Celle-ci peut être refusée lorsque les autorités judiciaires de la partie requise ont elles‑mêmes compétence pour connaître de l’infraction à l’origine de la demande d’extradition. Elle peut aussi l’être lorsque la personne réclamée a fait l’objet, pour la même infraction, d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement dans un État tiers. Des considérations « humanitaires » peuvent également conduire à refuser l’extradition, « lorsque la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé ».

Aux termes de l’article 5, si la peine encourue chez la partie requérante est la peine capitale, cette peine est remplacée de plein droit par la peine la plus élevée prévue dans la législation de la partie requise. Cette stipulation ne figure qu’à titre de surplus de précaution car, comme cela a été indiqué plus haut, le Cambodge a aboli la peine de mort en 1989 et a inscrit la prohibition de la peine capitale à l’article 32 de sa Constitution. Elle n’est mentionnée que pour le cas, aujourd’hui très hypothétique, où la Constitution cambodgienne viendrait à être modifiée.

Conformément à un principe traditionnel du droit international, les nationaux ne peuvent être extradés (article 6). Toutefois, la partie requise doit alors confier l’affaire à ses propres autorités judiciaires pour qu’elles exercent elles-mêmes l’action pénale ([10]).

Les articles 7 à 10 définissent la procédure à suivre et, en particulier, le contenu de la demande écrite d’extradition (exposé des faits, dispositions légales applicables, signalement de la personne réclamée, etc.), laquelle est transmise par la voie diplomatique. Elle est rédigée dans la langue officielle de la partie requérante et accompagnée d’une traduction dans la langue officielle de la partie requise. Des compléments d’information peuvent être sollicités par la partie requise.

La partie requise doit faire connaître « dans les meilleurs délais » sa décision sur l’extradition et motiver tout rejet, même partiel, de la demande (article 11). Elle peut, après avoir accepté l’extradition, ajourner la remise de la personne réclamée lorsqu’il existe sur son territoire des procédures en cours à son encontre ou lorsqu’elle y purge une peine pour une autre infraction (article 12).

Les objets issus de l’infraction ou pouvant servir de pièces à conviction sont remis à la partie requérante, dans des conditions précisées à l’article 13.

La convention consacre le principe, issu de la coutume, dit « de spécialité » (article 14). Ce principe interdit toute poursuite par la partie requérante pour un fait autre que celui ayant motivé l’extradition. Des exceptions sont néanmoins prévues lorsque la partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie à laquelle elle a été livrée, ne l’a pas quitté dans un délai de soixante jours suivant sa libération définitive ou y est retournée après l’avoir quitté.

Selon l’article 15, la personne extradée ne peut faire l’objet d’une réextradition vers un État tiers, sauf lorsque, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante, la personne extradée ne l’a pas quitté dans les soixante jours qui suivent sa libération définitive ou si elle y est retournée après l’avoir quitté.

Lorsque la personne réclamée consent explicitement à son extradition, il est statué « aussi rapidement que possible », par la partie requise, sur la demande qui lui est adressée par la partie requérante (article 16) ([11]).

En cas d’urgence, la partie requérante peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée, dans des conditions décrites à l’article 17.

Si la partie requise en exprime le souhait, la partie requérante doit l’informer « des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée, de l’exécution de sa peine ou de sa réextradition vers un État tiers » (article 18).

L’article 19 fixe le régime du transit d’une personne extradée sur le territoire d’un des deux États parties à la convention (documents à joindre à la demande, motifs possibles de refus, spécificités du transit par voie aérienne, etc.).

L’article 20 règle les hypothèses de concours de demandes, la partie requise devant tenir compte, pour trancher dans un tel cas, de toutes les circonstances, et notamment de la gravité et du lieu de commission des faits délictueux, des dates respectives de réception des demandes d’extradition, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d’une extradition ultérieure vers un autre État.

Les articles 22 à 25 reprennent les stipulations traditionnelles en matière d’articulation avec d’autres traités internationaux applicables, de règlement des différends, d’application dans le temps, d’entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.


III.   Une approbation nÉcessaire à double titre

L’approbation de la convention d’extradition conclue avec le Cambodge apparaît aujourd’hui particulièrement utile à la fois pour lutter contre les réseaux de criminalité et pour renforcer la sécurité juridique des extraditions déjà opérées entre les deux pays.

A.   une meilleure rÉponse judiciaire face aux rÉseaux criminels

Selon l’indice mondial du crime organisé de la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC), le Cambodge est le deuxième pays de l’ASEAN en matière de prévalence de la criminalité (après la Birmanie), le huitième de la zone Asie‑Pacifique (sur cinquante‑et‑un) et occupe le vingtième rang mondial (sur cent‑soixante‑quatorze pays référencés). Le Cambodge est identifié comme un pays source et un pays de transit d’activités criminelles, notamment s’agissant des trafics transfrontaliers : drogue, contrefaçons, espèces protégées ou à fort impact environnemental. La criminalité au Cambodge est un phénomène ancien. Elle recouvre essentiellement trois secteurs : le trafic international à l’intérieur du « triangle d’or » (Birmanie, Thaïlande et Laos), les cyber-escroqueries dont les victimes sont principalement des ressortissants chinois et le commerce sexuel. L’exploitation sexuelle des mineurs et des majeurs, des deux sexes, connaît une augmentation avec les pratiques en ligne.

D’ampleur régionale, cette criminalité dépasse le cadre du seul Cambodge. L’internationalisation et la complexification croissantes des réseaux de trafic d’êtres humains, de stupéfiants (par voie maritime ou terrestre), de blanchiment d’argent, etc., requièrent d’améliorer les canaux de coopération, y compris en matière de remise des personnes. Face au caractère transnational des réseaux criminels, impliquant dans certains cas des Français, la réponse judiciaire ne saurait se cantonner aux frontières du Cambodge.

Outre ces éléments d’internationalisation de la criminalité, la partie française a fait valoir aux autorités cambodgiennes que la croissance anticipée des conflits intrafamiliaux transnationaux, d’une part, et le refuge que constitue le Cambodge pour un certain nombre de délinquants sexuels français, d’autre part, plaidaient pour la mise en place d’une convention bilatérale d’extradition. Cet instrument répond donc à un besoin opérationnel identifié par les magistrats français dès 2006.

La convention proposée, en définissant précisément les faits pouvant donner lieu à extradition et en organisant de manière claire les modalités et délais de communication et de transmission des demandes, permettra de fortifier et d’accélérer les échanges. Elle facilitera le travail des magistrats français dans la poursuite de délinquants français, notamment en matière sexuelle, qui espèrent échapper aux poursuites en se maintenant au Cambodge. Elle contribuera ainsi au renforcement de la lutte contre les activités et comportements criminels.

Une convention d’entraide judiciaire en matière pénale pourrait utilement compléter la convention d’extradition du 26 octobre 2015. Elle permettrait de recourir aux techniques spéciales d’enquête qui constituent des outils désormais indispensables à la répression de la criminalité organisée (interceptions de télécommunications, livraisons surveillées, opérations d’infiltration, saisies et confiscations d’avoirs criminels, etc.), ainsi qu’aux techniques modernes de communication et aux auditions par vidéoconférence ([12]). Une telle convention est actuellement en cours de négociation entre la France et le Cambodge.

B.   Une sÉcurisation juridique des extraditions opÉrÉes

Il serait erroné de croire que l’entrée en vigueur de la convention proposée serait porteuse de risques en matière de respect des droits de l’Homme de la part des autorités cambodgiennes, compte tenu de la situation en la matière dans le pays, telle qu’elle a été décrite plus haut. En effet, les extraditions sont déjà possibles aujourd’hui entre les deux États et des demandes réciproques sont formulées. La convention n’ajoute rien de nouveau sur ce point. La différence tient à ce que la pratique actuelle de l’extradition s’opère dans un quasi‑vide juridique puisqu’elle n’intervient que sur le simple fondement de la courtoisie internationale et en référence à des conventions multilatérales ayant un objet beaucoup plus vaste.

La convention d’extradition entre la France et le Cambodge vise précisément à combler ce vide juridique. Sa rédaction, proposée par la France, est très proche de celles déjà signées par celle‑ci avec de nombreux autres États, sur la base d’un modèle inspiré des conventions du Conseil de l’Europe. Elle prévoit de nombreux « garde-fous » de nature à écarter toute demande abusive. Il en va ainsi des règles relatives au contenu de la demande, à l’impossibilité de réextradition vers un État tiers et aux motifs de refus, tant obligatoires que facultatifs, énumérés par les articles 3 et 4 de la convention.

Les demandes d’extradition seront ainsi automatiquement rejetées si elles portent sur des infractions politiques ou si elles apparaissent motivées par l’origine ethnique, le sexe, la nationalité ou la religion de la personne réclamée. Toute demande d’extradition à l’encontre d’un opposant au régime se verrait donc ainsi opposer un refus. Le fait de posséder la nationalité de la partie requise constituera également un motif automatique de refus. Cette clause protégera les ressortissants français, et en particulier les binationaux, point important dans la mesure où les opposants au régime installés en France possèdent souvent la double nationalité.

L’ensemble de ces éléments a conduit le Conseil d’État à donner, dans une note du 30 août 2016, un avis favorable au projet de loi autorisant l’approbation de la convention, assorti d’une invitation faite aux autorités françaises à veiller, pour chaque demande d’extradition, au respect tant des principes généraux du droit que des conventions internationales applicables ([13]). Il convient de rappeler ici qu’un contrôle strict de la procédure d’extradition est exercé par le juge judiciaire, sur le fondement des articles 696‑6 et suivants du code de procédure pénale, auquel s’ajoute un contrôle du juge administratif en cas de recours contre le décret d’extradition.

Compte tenu tant des enjeux en termes de lutte contre la criminalité que de la sécurité juridique apportée par la convention, son approbation – à travers l’adoption du projet de loi d’autorisation soumis à l’Assemblée nationale – apparaît aujourd’hui opportune.

 


   Examen en commission

Le mercredi 4 décembre 2024, à 9 heures 30, la commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle, pour la première fois sous cette législature, l’examen d’un projet de loi relatif à l’approbation d’une convention internationale. Il s’agit du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Cambodge. Ce texte, déposé sur le Bureau de notre Assemblée, est formellement inscrit à l’ordre du jour de la séance publique ce mois-ci, pour examen conjoint avec d’autres projets de loi sur des accords et conventions internationaux.

Notre commission en débattra ce matin indépendamment des événements politiques qui nous occupent et de leurs conséquences qui pourraient surgir cet après-midi. Nous nous concentrerons donc, ici, sur cette convention.

La convention d’extradition qui nous est soumise pour approbation a été signée à Paris le 26 octobre 2015. Le Sénat l’a ratifiée le 3 avril 2024. Son examen par notre Assemblée avait été inscrit à l’ordre du jour de nos travaux juste avant la dissolution du 9 juin. Le Cambodge, quant à lui, a achevé son processus de ratification le 14 octobre 2020.

Le Cambodge ne constitue peut-être pas un modèle de démocratie mais le pays évolue et se modernise. Les élections législatives de juillet 2023 ont été l’occasion d’une réorganisation et d’un rajeunissement important de la classe politique cambodgienne. Cette convention bilatérale vise à mieux cadrer et sécuriser, sur le fond et sur la forme, les procédures d’extradition. Elle permettra aussi d’établir une coopération plus efficace dans la lutte contre la criminalité.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Le Cambodge est uni à la France par des liens anciens. Les critiques que la France a été amenée à adresser à son gouvernement – et qu’elle formule encore, notamment en matière de respect des droits de l’Homme – n’empêchent pas le maintien entre nos deux pays de liens forts, notamment en matière économique et culturelle.

La communauté d’affaires française est la Communauté européenne la mieux représentée au Cambodge. Le groupe de l’Agence française de développement (AFD) y a engagé près de 1,3 milliard d’euros. Nous y avons une importante coopération dans le domaine du patrimoine, notamment pour la sauvegarde et le développement du site historique d’Angkor. La Francophonie, à laquelle je sais particulièrement attaché le président Fuchs, y est bien vivante, notamment grâce au lycée français René Descartes de Phnom-Penh, qui ne comptait pas moins de 1 250 élèves en 2023, dont 63 % issus de familles khmèrophones.

La France a soutenu le travail des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, qui se sont efforcées, dans des conditions difficiles, de juger les principaux responsables encore vivants du régime Khmer rouge. Elle a salué la décision historique du 16 novembre 2018 qualifiant de génocide les actions perpétrées par deux des plus hauts dirigeants khmers rouges, Nuon Chea et Khieu Samphân, à l’encontre des Vietnamiens, de la communauté musulmane, des Chams et d’autres minorités religieuses.

S’agissant de la convention bilatérale d’extradition entre nos deux pays, elle a été signée le 26 octobre 2015 par Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, pour la partie française, et par le ministre de la justice du royaume du Cambodge. Elle vise à formaliser et à encadrer la procédure d’extradition entre nos deux États.

Cette procédure à caractère purement judiciaire consiste à remettre l’auteur d’un délit ou d’un crime à un autre État pour qu’il y soit jugé ou y exécute sa peine. Elle a pour objet d’empêcher que l’auteur d’une infraction grave trouve refuge dans un autre État pour ne pas avoir à répondre de ses actes. Elle doit donc servir la justice.

Les extraditions entre la France et le Cambodge se pratiquent d’ores et déjà sur la seule base de la courtoisie internationale et des échanges diplomatiques. Les autorités judiciaires françaises ont estimé que cela ne suffit plus et qu’il est nécessaire de conclure une convention bilatérale pour mieux organiser, fluidifier et sécuriser juridiquement les extraditions. C’est donc la France qui a pris l’initiative de proposer au Cambodge l’ouverture de négociations dans ce domaine. Deux sessions de négociations ont eu lieu, en 2013 et en 2015.

Conclue en 2015, la convention a été ratifiée par le Cambodge en 2020. Côté français, le processus de ratification a pris du retard, notamment pour des raisons de calendrier liées aux changements de législatures et en raison de la décision prise en 2018 de reporter l’examen du texte, dans la mesure où se tenaient au même moment, dans des conditions jugées très insatisfaisantes, des élections législatives au Cambodge. Le texte a finalement été déposé au Sénat, qui l’a approuvé en avril dernier. Il est à présent soumis à notre examen.

Pourquoi les autorités judiciaires françaises ont-elles, sous la supervision de Christiane Taubira, souhaité la mise en place d’une convention bilatérale d’extradition, comme il en existe entre la France et cinquante-quatre autres États dans le monde ? La réponse réside dans un besoin opérationnel clair identifié par les magistrats français dès 2006.

Le Cambodge est un pays source et un pays de transit pour plusieurs activités criminelles, notamment des trafics transfrontaliers de drogue et de produits contrefaits. L’internationalisation et la complexification croissante des réseaux de trafics d’êtres humains et de stupéfiants et de blanchiment d’argent requièrent d’améliorer les canaux de coopération, y compris en matière de remise des personnes, ces réseaux criminels transnationaux impliquant, dans certains cas, des Français.

Par ailleurs, plusieurs délinquants sexuels français ont trouvé refuge au Cambodge, où l’exploitation sexuelle des mineurs et des majeurs des deux sexes a connu une augmentation en raison du développement d’internet. Les conflits familiaux transnationaux peuvent aussi amener les juridictions françaises à souhaiter des extraditions. Concrètement, les trois demandes d’extradition adressées par la France au Cambodge depuis 2009 ont concerné des faits de viol sur mineur de 15 ans, d’agressions sexuelles aggravées, de trafic de stupéfiants, d’abus de confiance, d’escroquerie, de faux et de blanchiment.

Cette évolution de la criminalité a incité les autorités françaises à proposer la conclusion de cette convention, qui organise de façon claire le contenu et les modalités de transmission des demandes d’extradition. Ainsi, peuvent donner lieu à extradition les faits punis d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans. La demande d’extradition doit comporter l’exposé des faits, les dispositions légales applicables et le signalement de la personne réclamée. La partie requise doit répondre à la demande dans les meilleurs délais. En cas d’urgence, la partie requérante peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée.

La convention prévoit, ce qui est essentiel, les garanties indispensables qui doivent entourer ce type de procédure. Ainsi, l’extradition ne saurait être accordée si les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique ou s’il existe des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée en vue de poursuivre une personne pour des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinion politique. Conformément à un principe traditionnel du droit international, les nationaux de chacun des deux pays ne peuvent être extradés. Par ailleurs, la convention consacre le principe dit de spécialité, qui interdit toute poursuite judiciaire pour un fait autre que celui ayant motivé l’extradition. La personne extradée ne peut faire l’objet d’une extradition vers un État tiers.

Si la peine encourue chez la partie requérante est la peine capitale, elle est remplacée de plein droit par la peine la plus élevée prévue dans la législation de la partie requise. Cette stipulation ne figure qu’à titre de surplus de précaution, le Cambodge ayant aboli la peine de mort en 1989 et inscrit cette prohibition à l’article 32 de sa Constitution.

Il serait erroné de croire que l’entrée en vigueur de cette convention serait porteuse de risques en matière de respect des droits de l’Homme. Sur ce point, le Cambodge a certes encore d’importants progrès à faire. Si sa législation a été profondément modifiée pour intégrer une véritable garantie des droits et libertés, sa mise en œuvre concrète laisse beaucoup à désirer. Depuis 2018, la situation s’est même dégradée.

Ainsi, le Centre cambodgien pour les droits de l’Homme (CCHR) rappelle que le droit à un procès équitable ne fait l’objet d’aucune garantie complète, s’agissant par exemple de la publicité des jugements, de leur motivation et du respect de la présomption d’innocence. En matière électorale et d’alternance politique, la France a publiquement regretté que les scrutins législatifs de 2018 et de 2023 se soient déroulés en l’absence d’opposition crédible.

Rejeter ce texte sur ce fondement serait toutefois, me semble-t-il, une erreur. Les extraditions sont d’ores et déjà possibles entre la France et le Cambodge. Sur ce point, la convention n’ajoute rien de nouveau. La pratique actuelle de l’extradition s’opère dans un quasi-vide juridique, sur le simple fondement de la courtoisie internationale. Le texte conclu vise à combler ce vide juridique.

Sa rédaction, proposée par la France, est très proche de celle des conventions de même type conclues avec de nombreux autres États, sur la base d’un modèle inspiré des conventions du Conseil de l’Europe. Elle prévoit de nombreux garde-fous, de nature à écarter toute demande abusive. Ainsi, les demandes d’extradition portant sur des infractions politiques ou visant un opposant au régime seront automatiquement rejetées.

Posséder la nationalité de la partie requise constituera également un motif automatique de refus. Cette clause protégera les ressortissants français, notamment les binationaux franco-cambodgiens. Il s’agit là d’un point important, dans la mesure où les opposants au régime installés en France possèdent souvent la double nationalité. Au demeurant, l’unique demande d’extradition transmise par le Cambodge depuis 2009 a fait l’objet d’un refus des autorités judiciaires françaises en raison du caractère lacunaire de la demande et des informations complémentaires fournies par les autorités cambodgiennes.

Compte tenu de la sécurisation juridique offerte par cette convention et des bénéfices qu’en attendent les juridictions françaises dans le traitement de la criminalité transnationale, je vous propose d’autoriser son approbation.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Je note que vous soulevez la question des binationaux résidant en France, qui sont souvent des opposants au régime, et suis heureuse de constater que vous en rappelez l’importance. Tel n’est pas le cas de tous les membres de votre parti.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.

M. Michel Guiniot (RN). La convention qui nous est présentée prévoit les dispositions d’extradition entre la République française et le royaume du Cambodge. Depuis 1986, seule la convention d’extradition avec le Costa Rica aura mis plus de temps que ce texte à être ratifiée pour entrer en vigueur.

Cette convention est nécessaire car elle est une première avec un pays d’Asie du Sud-Est, comme vous le rappelez notamment page 14 de votre rapport, madame la rapporteure. Il n’est pas concevable que nous continuions à accueillir sur notre sol des individus parfois dangereux, recherchés et potentiellement condamnés à l’étranger.

J’appelle votre attention sur l’article 2 de la convention visant les faits donnant lieu à extradition, prévoyant que celle-ci ne s’applique qu’aux périodes d’emprisonnement supérieures à deux ans et s’il reste plus de six mois à purger. Or, si l’on se fonde sur les conventions conclues avec l’Algérie, en 2019, et avec la Jordanie, en 2011, la peine d’emprisonnement minimale doit être d’une année. Pourquoi a-t-elle été fixée à deux ans ? Le droit français prévoit que les peines de plus d’un an sont théoriquement effectuées. Il serait cohérent de permettre l’extradition des personnes encourant une courte peine si celle‑ci est assortie d’un mandat de dépôt.

J’appelle également votre attention sur l’article 16 relatif au consentement de la personne réclamée. Parmi les accords conclus depuis 1986, seuls deux prévoient une telle disposition, celui nous liant avec l’Algérie de 2019 et celui nous liant avec le Costa Rica de 2013. Notre droit la prévoit à l’article L. 693-10 du code de procédure pénale. Nous avons donc des détenus qui s’entassent dans nos prisons avec ceux qui pourraient être extradés mais refusent de l’être et ceux qui nous ont été envoyés contre leur avis. Il est donc louable de faire apparaître cette disposition en tant que réciproque.

À titre de conclusion, je note qu’il est surprenant que nous soyons soumis à des dispositions contraignantes pour transférer des détenus hors de l’Union européenne (UE) alors même que les mesures de transfèrement vers l’UE prévues par notre droit sont bien plus facilitantes et bien moins utilisées. Le Rassemblement national votera l’article unique et ne peut que souhaiter que ces dispositions soient plus fermes dans les conventions à venir.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Il faut conserver à l’esprit que, au cours des quinze dernières années, la France a formulé trois demandes d’extradition et le Cambodge une seule. Il ne s’agit pas pour nous de révolutionner les relations entre les deux pays.

Concernant le seuil de peine de deux ans, les exemples de l’Algérie ou du Costa Rica sont l’exception et non la norme. La période habituellement retenue est de deux ans.

Mme Marie-Ange Rousselot (EPR). Le texte que nous examinons visant à approuver la convention d’extradition entre la France et le Cambodge signée à Paris le 26 octobre 2015 revêt une importance particulière. Il s’inscrit dans une démarche essentielle de renforcement de la coopération judiciaire internationale et illustre l’engagement de la France dans la région Indopacifique, où ses liens historiques et stratégiques restent profonds.

À l’heure actuelle, aucune convention bilatérale de coopération judiciaire ne lie la France et le Cambodge. Celle en débat vise à combler l’absence d’un cadre formel pour les extraditions entre nos deux pays, actuellement limité à des accords ponctuels et à un principe informel de réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale. En offrant une structure juridique solide, elle permettra de mieux sécuriser ces procédures et de réduire les délais, tout en renforçant notre lutte commune contre la criminalité transnationale.

La convention s’inscrit dans le cadre d’une coopération bien établie entre la France et le Cambodge, notamment dans les domaines du développement et de la Francophonie. Le Cambodge, acteur majeur de la promotion de la langue française en Asie du Sud-Est, accueillera en 2026 la XXe édition du Sommet de la Francophonie. Dans le domaine du développement, l’Agence française de développement est le premier partenaire financier européen du Cambodge. En janvier 2024, elle a conclu trois accords de financement avec le ministère cambodgien de l’économie et des finances, pour un montant total de 215 millions d’euros.

Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer la dégradation continue des droits de l’Homme au Cambodge, ni la répression de l’opposition et la censure des médias indépendants, notamment dans le cadre des dernières élections législatives. La France les a condamnées, ainsi que les diverses intimidations de militants et les restrictions de liberté, qui sont hautement préoccupantes. Au demeurant, ces dérives ont amené l’UE à retirer une partie des préférences commerciales accordées au Cambodge dans le cadre du régime « Tout sauf les armes » dès 2020.

En regard de ces préoccupations, nous constatons que la convention intègre des garanties solides. Elle exclut explicitement les extraditions pour des motifs politiques ou discriminatoires liés à l’origine ethnique, au sexe, à la nationalité ou à la religion. Une clause humanitaire complète ces dispositions en permettant de refuser l’extradition si l’âge ou la santé de la personne concernée l’exige. Le texte protège donc clairement les droits et libertés fondamentales des justiciables.

Le groupe Ensemble pour la République votera le projet de loi. Nous n’en restons pas moins vigilants sur l’évolution de la situation des droits de l’Homme au Cambodge, en rappelant l’importance, pour nos partenaires, de veiller au respect des valeurs démocratiques et des libertés fondamentales.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Vous rappelez à raison les relations que nous entretenons avec le Cambodge. La convention qui nous est soumise est un moyen de les resserrer encore davantage. Le premier ministre élu en 2023 a effectué son premier déplacement à l’étranger chez nous, ce qui témoigne d’une volonté de rapprochement à laquelle l’approbation de la convention qui nous est soumise contribuera.

Nous n’en devons pas moins conserver notre vigilance s’agissant du respect des droits de l’Homme. Au demeurant, le processus de ratification a été ralenti par le gouvernement français en raison de la dégradation de la situation en la matière depuis 2017.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). L’opportunité politique d’adopter une convention d’extradition entre la France et le Cambodge n’est pas manifeste. De 2009 à 2013, la France a adressé trois demandes d’extradition au Cambodge, toutes suivies d’effet. Depuis lors, il n’y a pas eu de nouvelle demande en ce sens.

Conclure un tel texte avec un État qui n’accorde aucune garantie en matière de libertés publiques pose problème. Nos collègues communistes et écologistes du Sénat se sont opposés à cette convention pour une raison que nous partageons. Nous ne pouvons rester silencieux. Qu’un pays où se pratique la traite de migrants dans des conditions que ne peut ignorer son gouvernement, où le nouveau code de l’environnement omet de faire référence aux populations autochtones – dont les droits sont normalement protégés par la convention n° 169, relative aux peuples indigènes et tribaux, de l’Organisation internationale du travail (OIT) –, où les oppositions politiques et syndicales – Amnesty International l’a documenté – sont harcelées par le système judiciaire, se serve d’une telle convention pour vanter ses bonnes relations avec la France n’est pas tolérable.

En juillet 2023, le premier ministre Hun Sen a appelé à la violence contre les opposants politiques pendant les élections. Le mois suivant, son fils lui succédait au pouvoir. Sur le site mondialement connu d’Angkor, 10 000 familles ont été expulsées sans consultation depuis 2022. Nous ne pouvons considérer qu’adopter une telle convention relèverait d’une pure et simple formalité, compte tenu notamment de l’opacité et de l’instrumentalisation politique caractérisant, d’après les observateurs, l’appareil judiciaire cambodgien.

L’horreur des abus sexuels sur les mineurs pratiqués là-bas est un fait. Elle doit être fermement condamnée et réprimée. Si des compatriotes y commettent ces crimes, ils doivent être punis. Compte tenu du sort favorable des précédentes demandes d’extradition et des politiques cambodgiennes de répression en la matière, cette lutte ne nécessite pas d’adopter la convention que nous examinons, ce qui tendrait à banaliser le caractère manifestement autoritaire du régime, la répression des opposants et la situation des droits de l’Homme dans ce pays.

Alors même que l’Élysée se réjouit que le Cambodge organise le Sommet de la Francophonie en 2026, nous saisissons l’occasion qui nous est offerte pour dire notre opposition à cette idée. La défense des libertés civiles et de la souveraineté populaire fait partie intégrante de notre conception de la Francophonie. Nous nous souvenons de ces paroles magnifiques de l’écrivain Stig Dagerman : « Mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté ». À l’heure où la surpopulation carcérale au Cambodge est immense, ces mots trouvent un écho particulier.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Ce n’est pas le Cambodge qui est demandeur de cette convention mais la France : ce sont les magistrats français qui la demandent. Le Cambodge n’a fait que répondre à une demande. Il nous incombe de mener le processus à son terme. Quant aux faits que vous évoquez, le Cambodge est un pays souverain et les Cambodgiens libres d’y agir comme bon leur semble.

S’agissant des demandes d’extradition, les Cambodgiens n’en abusent pas. Ils n’en ont formulé qu’une en quinze ans, qui a été rejetée. Par ailleurs, la convention comporte de nombreux garde-fous permettant à la France de refuser toute extradition motivée par des raisons politiques.

M. Stéphane Hablot (SOC). La France et le Cambodge sont liés par la Francophonie et par une longue histoire commune. La convention qui nous est soumise a été signée le 26 octobre 2015 par les ministres de la justice des deux pays. Elle vise à établir un cadre juridique permettant l’extradition des personnes recherchées ou condamnées. Que seules trois demandes aient été formulées en quinze ans ne signifie pas qu’il n’y en a pas d’autres.

La situation du Cambodge depuis 2017 est de nature à susciter des réserves. Ce pays traverse une grave régression démocratique. Les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’Homme sont réprimés. En 2023, le responsable politique Kem Sokha a été condamné à vingt-sept ans de prison. Sam Rainsy, figure emblématique de l’opposition, a été condamné par contumace, avec soixante-dix autres opposants, à des peines allant jusqu’à la perpétuité.

Il faut rappeler quelques faits et chiffres alarmants. Ces poursuites s’inscrivent dans un contexte de dissolution des partis d’opposition et de monopole du pouvoir par le parti du peuple cambodgien, dirigé par Hun Sen puis par son fils, Hun Manet. Les organisations internationales humanitaires ont classé le Cambodge 158e sur 180 dans l’indice de la corruption. L’organisation non gouvernementale (ONG) Freedom House lui attribue un score de 24 sur 100, le qualifiant de non-libre de façon très objective. Lors des élections législatives de 2023, précédées de la fermeture des médias indépendants, le parti du peuple cambodgien a remporté 120 des 125 sièges disponibles, ce qui illustre l’absence de pluralisme politique.

Adopter cette convention sans garanties suffisantes présente un sérieux risque. Ses clauses sont censées protéger les citoyens contre les extraditions motivées par des considérations politiques ou discriminatoires. Le climat répressif et les dérives judiciaires du Cambodge incitent à une grande prudence. L’absence de demande récente d’extradition entre nos deux pays intrigue.

L’article 3, qui énumère les motifs d’extradition, stipule notamment que celle-ci n’est pas accordée « lorsque la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques, ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons ». Il importe – nous nous interrogeons sur ce point – que ces dispositions soient respectées.

Nous voterons le texte, avec réserve et en appelant à une grande vigilance, en espérant qu’il joue le rôle d’un instrument d’influence au bénéfice du respect des droits de l’Homme.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Le Cambodge est un pays dont nous n’avons pas souvent l’occasion de débattre. La situation politique des pays d’Asie – l’actualité récente de la Corée du Sud l’illustre – mérite toute notre attention.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Le sort réservé à l’opposition au Cambodge ne doit pas occulter les efforts consentis en matière de respect des droits de l’Homme que le pays a réalisé. Il a notamment inscrit dans la Constitution, adoptée en 1993, l’exercice des droits et libertés. Tout le problème réside dans l’application de ces dispositions.

Dès lors, deux solutions s’offrent à nous : considérer que ce pays est infréquentable et renoncer à la présente convention ; considérer qu’améliorer nos relations avec lui l’aidera à évoluer petit à petit.

Nous savons tous que Kem Sokha a été condamné à vingt-sept ans de prison officiellement pour trahison, en réalité parce qu’il est un opposant. Nous savons tous que l’opposition a été exclue des élections de 2018 et de 2023. C’est d’ailleurs pour ce motif que la ratification de cette convention a été ajournée.

Toutefois, que la situation du Cambodge prête le flanc à la critique et nous semble, à nous Occidentaux, insatisfaisante n’enlève rien au fait que la justice française considère qu’une convention d’extradition avec ce pays est nécessaire et utile à la France. Il ne nous appartient pas de juger ce que les Cambodgiens font chez eux. Tous les peuples méritent le respect.

Mme Éléonore Caroit, présidente. La question des droits de l’Homme est importante. Lorsque l’on signe une convention bilatérale, ne pas mélanger politique intérieure et relations extérieures n’empêche pas de la soulever.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Le Cambodge et la France entretiennent des liens historiques et soutenus. La convention qui nous est soumise permettrait de les renforcer encore davantage tout en facilitant la coopération judiciaire et la lutte contre la criminalité.

Toutefois, le désir de renforcer l’amitié entre nos deux pays n’autorise pas à passer sous silence la réalité des droits de l’Homme au Cambodge. La population carcérale a explosé ces dernières années, portant à 300 % le taux d’occupation des vingt-neuf établissements pénitentiaires du pays. Cette surpopulation résulte de deux phénomènes que l’Organisation des Nations unies (ONU) qualifie, dans un rapport, de préoccupants : la dérive autoritaire du régime, qui jette en prison des opposants, des militants écologistes défendant les forêts menacées, des militants des droits de l’Homme, des opposants politiques, des syndicalistes, des étudiants, des journalistes ; la campagne antidrogue hyper répressive lancée par l’État depuis 2016, qui provoque l’incarcération de milliers de personnes ayant simplement détenu ou consommé de la drogue.

Les nombreux rapports de l’ONU et d’Amnesty International alertent sur ces détentions injustifiées et, surtout, dénoncent des conditions insupportables de détention caractérisées par les violences, la torture, la surpopulation, des conditions de vie indignes et des disparitions. Même si la convention qui nous est soumise comporte des clauses de précaution visant à limiter les dérives, les conditions de respect des droits fondamentaux ne sont pas réunies actuellement.

Nous ne pouvons pas nous contenter de considérer qu’ils font ce qu’ils veulent chez eux. En tant que défenseurs des droits de l’Homme, nous devons voter contre le projet de loi.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. La France, dont je rappelle qu’elle est demandeuse de la présente convention, a appelé à plusieurs reprises, par l’intermédiaire du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le Cambodge à améliorer les conditions de détention dans ses prisons et veiller au respect des droits de l’Homme. Le Cambodge n’en est pas moins un pays souverain, dont les dirigeants décident de leurs actes comme ils l’entendent.

S’agissant de la surpopulation carcérale, la France est mal placée pour donner des leçons et des conseils. Par ailleurs, vous considérez que certaines détentions sont injustifiées ; je vois mal comment leur en vouloir de lutter contre la drogue, laquelle fait partie, au demeurant, des raisons pour lesquelles la France a souhaité conclure une convention d’extradition.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’article unique du projet de loi vise à autoriser l’approbation de la convention d’extradition entre la France et le Cambodge signée en 2015 à Paris. Ratifiée par le royaume du Cambodge en 2020, elle constitue selon nous une réelle opportunité de renforcer la coopération entre nos deux pays. Elle s’inscrit dans la continuité de précédentes conventions bilatérales ayant permis un rapprochement diplomatique sur des sujets aussi fondamentaux que le respect de l’accord de Paris et de la Charte des Nations unies, le progrès de la démocratie et les libertés fondamentales au sein du royaume du Cambodge.

La coopération judiciaire permise par ce texte s’avère précieuse. Elle doit nous permettre de demander l’extradition de personnes recherchées ou condamnées en fuite dans nos pays respectifs. Il s’agit d’un nouvel outil visant à mieux poursuivre et sanctionner des faits aussi graves que des agressions sexuelles sur mineurs, du trafic de stupéfiants, des escroqueries et du blanchiment d’argent, qui échappaient jusqu’alors à la justice française si les délinquants se réfugiaient au Cambodge.

Par ailleurs, cette convention offre des garanties en matière de respect des droits de l’Homme. Elle prévoit entre autres des motifs de refus d’extradition, notamment si les demandes ont un caractère politique, s’il s’agit d’un crime passible de la peine de mort au Cambodge ou s’il existe une suspicion de persécution de la personne en fonction de son sexe, de son origine ou de son orientation politique. Considérant que ce texte amorce une nouvelle étape dans la coopération judiciaire entre nos deux pays, le groupe Les Démocrates se prononce en faveur du projet de loi.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Renforcer la coopération avec le Cambodge et nouer avec lui des liens supplémentaires me semblent nécessaires. Ses dirigeants s’y sont montrés favorables : le roi a effectué une visite en France en novembre 2023, le premier ministre Hun Manet a été accueilli en janvier 2024. Il faut améliorer encore ces relations.

Si les problèmes de drogue n’en sont pas absents, c’est surtout pour punir des crimes et délits à caractère sexuel que cette convention est nécessaire, dans la mesure où leur commission augmente en raison du développement de l’accès à internet.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Les relations entre la France et le Cambodge sont riches d’une histoire commune et d’un certain dynamisme des échanges. Les Français constituent la première Communauté européenne du Cambodge ; la Francophonie y est particulièrement valorisée. L’AFD est le premier partenaire financier européen du Cambodge, avec lequel nous partageons de nombreux programmes de coopération dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la préservation du patrimoine.

La convention d’extradition que nous sommes amenés à discuter est un moyen de renforcer ces partenariats, grâce à un dispositif permettant à nos pays d’agir en commun contre la criminalité. Elle s’inspire largement des stipulations de la convention européenne d’extradition de 1957, signée par les États membres du Conseil de l’Europe.

La convention visée par ce projet de loi définit clairement les infractions susceptibles de donner lieu à une demande d’extradition et énonce les motifs de refus qui peuvent lui être opposés. Elle permet de fluidifier les demandes d’extradition, formulées jusqu’à présent sur la base d’un principe informel de réciprocité, au détriment de la clarté des pièces et de la procédure attendue par chacune des parties.

La convention prévoit des garde-fous essentiels compte tenu de la situation politique inquiétante prévalant au Cambodge depuis plusieurs années. Les demandes d’extradition seront rejetées automatiquement si elles concernent des infractions politiques ou si elles s’avèrent motivées par l’origine ethnique, le sexe, la nationalité ou la religion de la personne réclamée. Ces clauses permettront notamment de prévenir toute demande d’extradition à l’encontre d’un opposant au régime.

L’examen du projet de loi, reporté à plusieurs reprises, permet de compléter le tissu conventionnel existant et d’établir une coopération plus efficace entre nos deux États en matière de lutte contre la criminalité. Le groupe Horizons et indépendants le votera.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. L’accord d’extradition sécurisera les extraditions, qui pâtissent actuellement d’un vide juridique, tout en offrant des garde-fous clairs. Je ne vois aucune raison de s’y opposer.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NFP). Notre collègue du groupe La France insoumise a expliqué pourquoi les communistes s’opposent à cette convention. Pour ma part, je me suis demandé ce qui nous rapproche du Cambodge, ce qui m’a fait comprendre pourquoi la présente convention est inscrite à notre ordre du jour. La France, comme le Cambodge, a enfermé des manifestants : des Gilets jaunes ; des Kanaks arrêtés et déportés dans l’Hexagone ; des Martiniquais s’opposant au régime en place pour défendre l’intérêt de la population martiniquaise et la possibilité de vivre dignement en Martinique, dont le combat a été judiciarisé.

Nous ne sommes donc pas en capacité d’être l’exemple parfait de la démocratie, de la liberté d’expression et des droits de l’Homme que nous prétendons être de temps à autre. Comme nous nous rapprochons du Cambodge en matière d’emprisonnement des opposants, le moment est peut-être venu de conclure des conventions d’extradition, dont la clause empêchant l’extradition d’opposants sera peut-être même levée un jour.

Souvent, notre commission et le ministère des affaires étrangères, s’agissant des pays qui ne sont pas exactement des références mondiales en matière de démocratie, de paix et de respect du droit des peuples, considèrent qu’il faut tenir un langage clair et promouvoir la paix pour éviter la guerre. Parfois, en diplomatie, il faut savoir dire que le moment n’est pas venu de conclure une convention, ce qui est une façon d’indiquer au pays concerné qu’il doit encore évoluer.

Tel est le cas s’agissant de cette convention, que nous n’avons pas, en vertu de la séparation des pouvoirs, à ratifier au motif que les juges la demandent. Notre pays doit signifier à l’État cambodgien qu’il a encore du travail. Nos deux pays ont encore du chemin à parcourir avant de conclure des conventions sur les questions de droits de l’Homme et sur les questions judiciaires.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Je souscris à vos constats mais considère qu’il vaut mieux signer d’abord et améliorer la situation ensuite. Je considère comme vous que le respect des droits des oppositions en France pose problème – notre parti vient d’en faire l’expérience. J’irai jusqu’à dire que, si le Cambodge réalise des avancées vers la démocratisation, nous – en France – faisons marche arrière.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Je ne commenterai pas ces propos et me contenterai de rappeler que le champ de notre commission est circonscrit aux affaires étrangères. Madame la rapporteure, nous vivons dans une démocratie assurant la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. Je conçois que l’issue de certains procès vous déplaise mais ils n’en sont pas moins tout à fait démocratiques. Cela étant, nous nous penchons sur le Cambodge et non sur un procès en France…

M. Kévin Pfeffer (RN). Ce n’est pas du tout à cela que la rapporteure a fait allusion !

Mme Éléonore Caroit, présidente. Il s’agit d’un sujet mis sur la table par la rapporteure. Nous avons tous clairement compris l’allusion.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Il s’agissait d’une réponse à Monsieur Lecoq. J’ai fait une comparaison entre la France et le Cambodge et, effectivement, il faut la faire cette comparaison. Encore une fois, il me paraît difficile de donner des leçons aujourd’hui.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Je prends note de vos observations, même si je ne les partage pas.

Nous en venons aux interventions et questions posées à titre individuel.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Votre rapport présente de façon exhaustive et synthétique un panorama de nos relations avec le Cambodge au cours des quarante dernières années. Vous indiquez que, en dépit d’avancées formelles en matière de respect des droits de l’Homme et de la démocratie, la réalité de la pratique démocratique cambodgienne ne correspond pas tout à fait aux standards des démocraties européennes. Les dernières échéances électorales l’ont confirmé.

Pourtant, l’AFD y a engagé plus de 1 milliard d’euros depuis 1993, ce qui offre un nouvel exemple de la duplicité de la parole française en matière de promotion des droits de l’Homme à l’international. Vous siégez au conseil d’administration de l’AFD. Celle-ci a-t-elle l’intention de faire dépendre ses aides du respect des standards minimaux en matière de démocratie ?

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Je viens effectivement tout juste d’être nommée au conseil d’administration de l’AFD. Ses projets sont nombreux, notamment en matière de conditions de travail et d’indépendance des femmes. Il est difficile de faire dépendre leur bonne réalisation de progrès en matière de droits de l’Homme, dans la mesure où le Cambodge est une monarchie constitutionnelle où le roi est très présent et décide de tout, notamment de la nomination des juges. Il n’en faut pas moins faire en sorte que le travail de l’AFD, au Cambodge comme ailleurs, se poursuive.

M. Remi Provendier (EPR). Député des Français de l’étranger élu en Asie, je me suis rendu à plusieurs reprises au Cambodge et vis à Singapour. J’aimerais évoquer la question de la drogue, dont la consommation, à Singapour, fait l’objet d’une tolérance zéro. Au demeurant, les seuls Français qui y sont emprisonnés le sont surtout pour en avoir consommé et parfois pour en avoir vendu. Il en résulte, pour tous les citoyens, une grande sécurité. Aucun jeune ni aucune femme ne craint de rentrer chez lui en pleine nuit. Je puis vous assurer que les citoyens en sont reconnaissants aux autorités.

Au Salvador au contraire, où j’allais régulièrement il y a une dizaine d’années pour y rencontrer l’une de mes équipes, lorsqu’il était dirigé jusqu’au sommet de l’État par des narcotrafiquants, j’ai rencontré des gens ayant perdu des proches et vivant dans l’insécurité. J’invite notre collègue Roumégas à changer de regard sur ce sujet, consommateurs compris. S’il n’y avait pas de consommateurs, il n’y aurait pas de vendeurs. Banaliser la consommation ne doit pas faire partie de notre logiciel.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Je partage vos constats et observe que notre collègue, à qui s’adressaient davantage vos propos, ne semble pas y avoir accordé de l’attention.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Je partage les réserves sur le Salvador, pays qui se trouve dans ma circonscription, mais vous propose que nous en revenions à l’objet de note réunion.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le principe de souveraineté est certes essentiel mais j’alerte sur la démarche de Mme la rapporteure consistant à dire « Ils font ce qu’ils veulent chez eux ». Nous sommes un pays universaliste et défendons l’universalité des droits de l’Homme, à rebours de la propagande déployée par Lee Kuan Yew, premier ministre de Singapour dans les années 1990, mettant en avant les valeurs asiatiques et justifiant le despotisme. Au demeurant, je ne suis pas surpris que ce discours soit repris par une élue d’un parti hostile aux valeurs démocratiques, aux principes généraux des libertés civiles et à la défense des protections et des libertés civiles.

Par ailleurs, je m’étonne d’entendre dire que les citoyens de Singapour sont satisfaits. La première des sûretés est la liberté individuelle. Les droits des personnes LGBT n’y sont pas respectés. On ne peut pas prétexter du particularisme culturel pour lutter contre les droits universels.

M. Michel Guiniot (RN). Il ne s’agit pas d’une intervention sur la convention avec le Cambodge, Madame la présidente. Si tout le monde se met à répliquer aux remarques de la rapporteure ou des collègues, nous allons perdre le fil de cette réunion.

Mme Éléonore Caroit, présidente. J’essaie de laisser le débat avoir lieu en permettant à chacune et chacun de prendre la parole mais nous devons effectivement en rester à notre ordre du jour.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Comme je le disais tout à l’heure, nous sommes très mal placés pour donner des leçons aux autres. Concentrons-nous sur le projet de loi en discussion, sachant que nous pourrons poursuivre et élargir le débat par la suite.

 

*

Article unique (approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 


   annexe 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2567).


   ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

 

    S. E. M. David Luy, ambassadeur du Cambodge en France ;

    M. Fabrice Étienne, chargé d’affaires de l’ambassade de France au Cambodge ;

    Mme Mathilde Teruya, sous-directrice d’Asie du Sud-Est à la direction d’Asie et d’Océanie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, M. Frédéric Inza, rédacteur en charge du Cambodge à la sous-direction d’Asie du Sud-Est de la direction d’Asie et d’Océanie, et Mme Claire Giroir, conseillère juridique à la mission des accords et traités de la direction des affaires juridiques ;

    Mme Claire Harismendy, magistrate, rédactrice au bureau de la négociation pénale européenne et internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

 


([1]) Créée le 31 décembre 2015, la Communauté économique de l’ASEAN ou Asean Economic Community (AEC) vise à créer un marché unique et ouvert reposant sur la levée de l’ensemble des barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que sur la libre circulation des biens, des capitaux, des investissements et de la main-d’œuvre qualifiée.

([2]) Il est difficile de savoir quand a eu lieu la dernière exécution, étant donné l’histoire troublée précédant 1989.

([3]) Tout sauf les armes (EBA ou Everything but Arms) est un régime commercial de l’Union européenne qui vise à supprimer les barrières douanières de celle‑ci vis-à-vis des biens produits dans les pays les moins avancés (PMA).

([4]) L’Union européenne a également participé au financement du tribunal Khmers rouges à hauteur de 32 millions d’euros entre 2006 et 2022, soit 10 % du budget du tribunal.

([5]) Cette convention, entrée en vigueur en 1964, vise à limiter la production et le commerce de substances interdites en établissant une liste de ces substances, qualifiées de stupéfiants. Elle est à l’origine de la création de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), qui est l’organe indépendant responsable de la mise en œuvre des conventions de l’ONU sur les drogues.

([6]) La convention de New York de 1984 contre la torture est un traité international qui prohibe le recours à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle définit les principes qui doivent guider les États dans les méthodes employées pour appliquer cette interdiction aux niveaux national et international, notamment en effectuant des enquêtes et en traduisant en justice les responsables présumés.

([7]) Cette convention vise à renforcer les dispositions de la précédente en définissant un certain nombre de moyens légaux de lutte contre le crime organisé et le trafic illicite (saisie des capitaux issus du trafic de drogue, etc.).

([8]) Entrée en vigueur en 2003 et complétée par trois protocoles, cette convention stipule l’engagement des parties à prendre une série de mesures contre la criminalité organisée, notamment en reconnaissant certaines incriminations pénales (participation à un groupe criminel organisé, blanchiment d’argent, corruption et entrave à la justice) et en adoptant certains cadres en matière d’extradition, d’entraide mutuelle en matière pénale et de coopération policière.

([9]) Ayant un caractère global, cette convention traite tous les aspects relatifs à la lutte contre la corruption : la prévention, l’incrimination, les règles de droit pénal et de procédure pénale, la coopération internationale, le recouvrement d’avoirs, l’assistance technique et l’échange d’information. Elle pose notamment le principe de la restitution des avoirs à l’État ayant formulé la demande de coopération.

([10]) Il s’agit d’une application du principe aut dedere, aut judicare (« extrader ou poursuivre »).

([11]) Cette clause doit être distinguée de l’extradition simplifiée, prévue dans le troisième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition. Elle vaut simplement engagement de célérité dans l’hypothèse où la personne concernée exprime son consentement.

([12]) Ce type d’accord d’entraide judiciaire internationale offre aussi des possibilités accrues en matière d’investigations bancaires de nature à renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent.

([13]) Les conventions citées sont la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.