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N° 700

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
portant accélération de la rénovation énergétique des logements (n° 516)

PAR M. Stéphane DELAUTRETTE

Député

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 516.


SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

I. MalgrÉ des Évolutions rÉcentes favorables, le reste À charge constitue un frein À la rÉnovation ÉnergÉtique

A. De nombreuses solutions dÉveloppÉes ces derniÈres annÉes ont permis de baisser le reste À charge et de faciliter son financement

1. Les réformes récentes de MaPrimeRénov’ ont augmenté le montant des aides et les taux d’écrêtement pour les rénovations globales

2. Les dispositifs de financement bancaire du reste à charge ont été renforcés

a. Une meilleure articulation entre l’éco-PTZ et MaPrimeRénov’

b. Depuis le 1er septembre 2024, un volet à taux zéro du prêt avance rénovation

B. les difficultÉs demeurent pour les plus modestes et Le nombre de rÉnovations globales reste faible

1. Un nombre de rénovations globales inférieur aux objectifs

2. Les plus modestes n’ont pas facilement accès à l’éco-PTZ et au prêt avance rénovation

3. L’annonce d’une « banque de la rénovation » dont les contours sont encore flous

II. La crÉation d’une avance remboursable réservÉe aux mÉnages modestes et aux projets les plus performants

A. Une avance remboursaBLe financÉe par la Caisse des dÉpÔts mais distribuÉe par l’anah

1. Le financement par un « fonds de rénovation énergétique » géré par la Caisse des dépôts et consignations

2. Une distribution par l’Anah pour offrir aux ménages un interlocuteur unique

B. Un dispositif triplement ciblÉ pour limiter son coÛt financier et administratif

1. L’avance remboursable est réservée aux bénéficiaires « modestes » et « très modestes » de MaPrimeRénov’

2. L’avance remboursable est réservée aux projets de rénovation énergétique les plus performants

3. L’avance remboursable n’intervient que si les ménages n’ont pas pu accéder à l’éco-PTZ

Commentaire des articles

Article 1er Définition du public éligible au dispositif créé par la proposition de loi

Article 1er bis (nouveau) (art. L. 211-2-2 (nouveau) du code de l’énergie) Certificats d’économie d’énergie : règle de priorité en faveur de la rénovation globale

Article 2 Création d’une avance remboursable distribuée par l’Anah

Article 3 (art. L. 518‑24‑2 (nouveau) du code monétaire et financier) Création d’un fonds de rénovation énergétique géré par la Caisse des dépôts

Article 4 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnées

 

   Avant-propos

Été comme hiver, la situation est intenable pour les Françaises et les Français qui sont contraints de vivre dans les 4,8 millions de résidences principales considérées comme des passoires thermiques. En plus de l’inconfort et des risques majeurs pour leur santé, le chauffage est un poste de dépenses qui pèse très lourd dans le budget des ménages : près de 1 700 euros par an en moyenne, soit un peu plus de 140 euros par mois.

Face à ce constat, le nombre de rénovations globales, lui, n’augmente pas.

71 613 rénovations globales ont ainsi été réalisées en 2023 grâce au dispositif « MaPrimeRénov’ ». Ce chiffre est trop faible et est bien en deçà de l’objectif de 600 000 rénovations annuelles en 2030 fixé par la nouvelle Stratégie nationale bas carbone.

Pourtant, comme le rappelle le Haut Conseil pour le climat, les émissions du secteur du bâtiment représentaient 58,4 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2023, soit 16 % des émissions nationales. Le secteur du bâtiment est ainsi le quatrième le plus émetteur derrière les transports, l’agriculture et l’industrie.

La marge de progression est donc immense. Au 1er janvier 2023, 16 % des 30 millions de résidences principales françaises sont des passoires thermiques. En incluant les résidences secondaires et les logements vacants, on estime à 6,6 millions le nombre total de logements concernés. C’est à la fois un problème environnemental majeur et une catastrophe sociale.

Malgré l’urgence, rien n’indique que nous disposions des outils pour y arriver. Si les freins sont nombreux (structuration de l’offre, disponibilité des accompagnateurs Rénov’, retard dans le traitement des dossiers de subvention, pratiques frauduleuses…), un frein majeur bloque aujourd’hui les projets des ménages les plus modestes : la question du reste à charge. La massification des rénovations globales n’est possible que si nous levons ce frein.

C’est pourquoi, dans la droite lignée des travaux conduits en 2019 par Boris Vallaud, nous proposons un nouveau dispositif financier à destination des ménages, simple et quasi indolore pour nos finances publiques.

La proposition de loi prévoit la création, en complément de MaPrimeRénov’, d’une avance remboursable à taux zéro, gérée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et financée par la Caisse des dépôts et des consignations, afin de couvrir la totalité du reste à charge. Le remboursement de l’avance pourra être réalisé soit de la même façon qu’un prêt à taux zéro, soit au moment du transfert du bien par cession ou succession.

En intégrant cette mesure de financement simple et lisible en complément de MaPrimeRénov’, cette proposition de loi entend aussi offrir une sécurité aux acteurs économiques de la rénovation tout en limitant les dépenses de l’État dans un contexte budgétaire contraint.

En levant les freins financiers pour les ménages, nous serons en mesure de multiplier par dix le nombre annuel de rénovations globales de logements et d’améliorer le confort des résidents, tout en faisant baisser les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment. C’est toute l’ambition de la proposition de loi et du rapport ci-dessous.

I.   MalgrÉ des Évolutions rÉcentes favorables, le reste À charge constitue un frein À la rÉnovation ÉnergÉtique

L’augmentation des plafonds de MaPrimeRénov’ et le renforcement des dispositifs de prêts bancaires ont facilité le financement de la rénovation énergétique (A). Le nombre de rénovations globales reste néanmoins largement insuffisant, notamment parce que certains ménages n’ont pas accès aux emprunts dédiés (B).

A.   De nombreuses solutions dÉveloppÉes ces derniÈres annÉes ont permis de baisser le reste À charge et de faciliter son financement

1.   Les réformes récentes de MaPrimeRénov’ ont augmenté le montant des aides et les taux d’écrêtement pour les rénovations globales

Les paramètres des aides à la rénovation énergétique, définis par des textes réglementaires et par des délibérations du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), ont connu une réforme importante au 1er janvier 2024, qui tend à favoriser les travaux de rénovation globale, bien plus efficaces que les rénovations « par gestes ».

Depuis le 1er janvier, le plafond de travaux auquel s’applique le taux de l’aide est passé de 35 000 euros à 70 000 euros pour les rénovations les plus performantes (saut de quatre étiquettes du DPE). Les plafonds sont plus faibles, mais toujours supérieurs à ce qu’ils étaient auparavant, pour les rénovations moins ambitieuses (40 000 euros et 55 000 euros pour un saut de deux et trois étiquettes).

Ces nouveaux plafonds sont cohérents avec l’ambition d’encourager les rénovations globales, par nature plus coûteuses. Les nouveaux plafonds semblent désormais correspondre au coût réel d’une rénovation globale, que l’on peut situer dans une fourchette de 60 000 à 70 000 euros pour une maison individuelle.

Du fait du relèvement des plafonds de travaux, le montant potentiel de l’aide, dont le taux varie selon les catégories de revenus, augmente mécaniquement. Pour les ménages modestes et très modestes, le montant maximal de l’aide est multiplié par deux et demi par rapport à l’année dernière.

Évolution des aides À la rÉnovation globale entre 2023 et 2024

 

 

2023

2024

 

 

Aides rénovation globale

Montant maximum aide

Aides rénovation globale

Montant maximum aide

TMO

(parcours bleu)

% aide

50 %

ou 65 %**

25 750 €

80 %

63 000 €

plafond travaux

30 000 € ou

35 000 €*

de 40 000 € à

70 000 €

bonus BBC

1 500 €

bonus sortie de passoire

1 500 €

10 %

MO

(parcours jaune)

% aide

35%

ou 50 %**

20 500 €

60 %

49 000 €

plafond travaux

30 000 € ou

35 000 €*

de 40 000 € à

70 000 €

bonus BBC

1 500 €

bonus sortie de passoire

1 500 €

10 %

INT

(parcours violet)

% aide

forfait 7 000 € ou 10 000 €*

12 000 €

45 %
ou 50 %***

35 000 €

plafond travaux

de 40 000 € à

70 000 €

bonus BBC

1 000 €

bonus sortie de passoire

1 000 €

10 %

SUP

(parcours rose)

% aide

forfait 3 500 € ou 5 000 €*

6 000 €

30 %

ou 35 %***

24 500 €

plafond travaux

de 40 000 € à

70 000 €

bonus BBC

500 €

bonus sortie de passoire

500 €

10 %

Source : rapport n° 2706 du Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale (juin 2024), dit rapport « Vidal-Louwagie ».

* à partir du 1er février 2023.

** à partir du 1er octobre 2023.

*** taux de l’aide majoré pour des sauts de trois ou quatre étiquettes.

Pour les ménages les plus modestes qui réalisent les rénovations les plus performantes, le montant maximum de l’aide s’élèvera donc à 63 000 euros.

Le reste à charge des ménages se trouve significativement réduit, comme le montre une étude de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) reposant sur plusieurs simulations, selon différentes caractéristiques de ménages et de projets.

Reste À charge pour la rÉnovation performante en 2023 et 2024

Source : Institut de l’économie pour le climat (I4CE) (2023)

En parallèle, le taux d’écrêtement, c’est-à-dire le plafond cumulé des différentes aides (en incluant les « primes » définies par les collectivités) par rapport au coût réel du projet, tend à être relevé. S’il est actuellement de 80 % ([1]), laissant aux bénéficiaires un reste à charge de 20 %, un cadre dérogatoire adopté par l’Anah ([2]) permet déjà aux ménages très modestes de bénéficier d’un taux d’écrêtement à 100 %, sans aucun reste à charge.

2.   Les dispositifs de financement bancaire du reste à charge ont été renforcés

Le reste à charge peut être financé par deux instruments bancaires : l’éco‑prêt à taux zéro, dit « éco-PTZ », et le prêt avance rénovation. Ces deux instruments ont récemment été réformés pour en faciliter l’accès à tous les ménages.

a.   Une meilleure articulation entre l’éco-PTZ et MaPrimeRénov’

L’éco-PTZ est un prêt réglementé à taux nul, remboursable sur quinze ans. Le montant maximal du prêt, augmenté de 30 000 à 50 000 euros par l’article 71 de la loi de finances pour 2024, permet en théorie de couvrir le reste à charge des projets conduits par les ménages modestes et très modestes.

Pour fluidifier le parcours des usagers, l’éco-PTZ a été « couplé » en 2022 avec MaPrimeRénov’, de sorte que les bénéficiaires des aides de l’Anah sont automatiquement éligibles au prêt à taux zéro.

De ce fait, l’éco-PTZ connaît depuis quelques années une forte progression. Le nombre de bénéficiaires n’a cessé de croître depuis sa création (nombre de prêts accordés multiplié par deux et demi entre 2020 et 2023), de même que le montant moyen des prêts (14 000 €) et des travaux financés (18 650 €).

statistiques relatives À l’éco-ptz

 

2020

2021

2022

2023

Nombre de prêts accordés

42 000

61 000

82 000

105 000

Montant total prêtés

530 M€

762 M€

1 100 M€

1 490 M€

Montant moyen des travaux

16 000 €

16 500 €

17 800 €

18 650 €

Source : commission des affaires économies de l’Assemblée nationale, à partir des éléments transmis par la DGT.

b.   Depuis le 1er septembre 2024, un volet à taux zéro du prêt avance rénovation

Le prêt avance rénovation (PAR), créé par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience », est un prêt hypothécaire garanti par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique. Il est réservé aux ménages modestes et au financement de travaux énergétiques.

Le PAR est un prêt in fine : le principal, augmenté de l’ensemble des intérêts capitalisés, est remboursé au moment de la vente du bien ou lors de la succession. Cela permet à des ménages peu solvables de financer le reste à charge, puisque le montant à rembourser s’impute sur le produit de la vente.

Afin d’encourager davantage de ménages à le solliciter, même s’ils ne disposent pas de trésorerie, la loi de finances pour 2024 a inclus les frais hypothécaires et les frais notariés dans le montant susceptible d’être couvert par l’emprunt.

En outre, depuis le 1er septembre dernier, un nouvel outil a été créé (le « PAR+ »), avec un taux d’intérêt nul durant les dix premières années, dans le but de lever certains freins identifiés par les dispositifs antérieurs.

B.   les difficultÉs demeurent pour les plus modestes et Le nombre de rÉnovations globales reste faible

Malgré ces différents dispositifs, le nombre de rénovations globales reste faible au regard des objectifs nationaux et des moyens consacrés. Le financement du reste à charge reste un point bloquant pour les ménages les plus modestes qui sont peu solvables et ont difficilement accès au crédit.

1.   Un nombre de rénovations globales inférieur aux objectifs

Le secteur du bâtiment représente actuellement 43 % des consommations d’énergie et 18 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont les deux tiers sont imputables au logement.

La « stratégie nationale bas carbone » (SNBC) instaurée par la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, a fixé un double objectif :

– la diminution de la consommation énergétique des bâtiments pour atteindre le niveau « bâtiment basse consommation » ;

– une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), de 95 % entre 2015 et 2050.

Pour respecter cet objectif de long terme, le Gouvernement a fixé une trajectoire de 600 000 rénovations performantes par an d’ici 2030, puis de 700 000 par an jusqu’en 2050. Or le nombre annuel de rénovations performantes – parfois appelées « rénovations globales » ou, dans la terminologie de l’Anah, « rénovations d’ampleur » – est notoirement insuffisant, comme le dénoncent tous les ans les rapports du Haut Conseil pour le climat.

La tendance observée ces dernières années est, à l’inverse, une chute du nombre de rénovations performantes financées par l’Anah. Ainsi, pour se limiter aux seules « aides à la pierre » (réservées aux ménages modestes et très modestes), le nombre de rénovations performantes financées est passé de 45 000 en 2021 à 35 000 en 2023.

Évolution du nombre de rÉnovations globales subventionnÉes par l’ANAH (2021-2023)

Source : rapport Vidal-Louwagie.

Au total, en incluant les aides à la rénovation globale en faveur des copropriétaires (« MaPrimeRénov’ Copro ») et en faveur des ménages intermédiaires et supérieurs, le nombre total de rénovations performantes subventionnées s’élevait en 2023 à 71 600.

Entendue en audition par votre rapporteur, l’Anah a estimé que le nombre de rénovations globales subventionnées devrait augmenter en 2024, pour atteindre 85 000. À la fin du troisième trimestre 2024, ce nombre s’élève à 42 700, ce qui marque une progression par rapport aux chiffres constatés à la même période de l’année précédente. Si cette inversion de tendance est encourageante, ce nombre reste bien en deçà de l’objectif annuel de 600 000 rénovations globales, alors que l’on compte 4,8 millions de passoires thermiques parmi les résidences principales.

2.   Les plus modestes n’ont pas facilement accès à l’éco-PTZ et au prêt avance rénovation

Même si les raisons qui expliquent le nombre peu élevé de rénovations globales sont diverses – complexité et instabilité des aides, obligation nouvelle de financer un accompagnateur, obstacles en copropriété et en périmètre « ABF », etc. –, votre rapporteur estime que le financement du reste à charge est un point bloquant pour nombre de ménages modestes. À cet égard, les outils existants ne sont pas suffisants.

Même si l’éco-PTZ est ouvert sans conditions de ressources, il est distribué par les banques et celles-ci effectuent systématiquement une analyse de solvabilité. Ce filtre financier exclut de fait les ménages les plus modestes ou déjà endettés, qui ne peuvent pas toujours démontrer leur capacité à rembourser dans un délai de quinze ans. Aussi, malgré l’existence d’une garantie à hauteur de 75 % ([3]) qui limite le risque pour les banques, force est de constater que l’éco-PTZ est peu utilisé par les ménages modestes qui en sont pourtant la cible. Selon la Cour des comptes ([4]), il bénéficie surtout aux ménages intermédiaires (déciles 4 à 7). Le prêt avance rénovation a, quant à lui, très largement échoué puisque, depuis son lancement en 2022, une centaine de prêts seulement a été octroyée. Malgré des taux plus bas qu’un prêt hypothécaire classique, l’absence de frais de dossier et d’assurance emprunteur, ce prêt reste coûteux à cause de la capitalisation des intérêts et les ménages sont encore réticents à l’utiliser. De ce fait, seuls trois établissements de crédit le proposent.

Il faut espérer que la gratuité partielle du prêt avance rénovation, depuis le 1er septembre, permettra de créer une demande et une offre. En attendant, les ménages les plus modestes n’ont pas toujours la possibilité de financer par la voie du crédit le reste à charge de leur projet de rénovation énergétique.

 

3.   L’annonce d’une « banque de la rénovation » dont les contours sont encore flous

C’est pour résoudre ces difficultés que la ministre chargée du logement a annoncé son intention de créer une « banque de la rénovation ». Une mission de réflexion a été confiée, en novembre 2024, à M. Yannick Borde, président de Procivis ; elle devrait remettre en février 2025 un rapport contenant des pistes opérationnelles. Y participent également nos collègues sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté.

La « banque de la rénovation » envisagée par la ministre pourrait tout à fait ressembler au dispositif prévu par la présente proposition de loi. Il est d’autant plus important que les parlementaires se saisissent de la question au plus tôt.

II.   La crÉation d’une avance remboursable réservÉe aux mÉnages modestes et aux projets les plus performants

La présente proposition de loi vise à créer un mécanisme d’avance remboursable pour financer le reste à charge des ménages modestes réalisant des projets de rénovation énergétique ambitieux. Elle ne vise donc pas à supprimer ce reste à charge, qui reste indispensable pour tenir compte du contexte budgétaire et ne pas encourager les comportements frauduleux de certaines entreprises, mais à s’assurer que ce reste à charge n’empêchera pas la réalisation des projets.

Cette avance remboursable sera financée par la Caisse des dépôts et consignations et distribuée par l’Anah (A). Pour limiter son coût pour les finances publiques, elle sera strictement limitée aux ménages les plus modestes et aux projets les plus performants, et n’aura pas vocation à se substituer aux prêts distribués par les banques (B).

A.   Une avance remboursaBLe financÉe par la Caisse des dÉpÔts mais distribuÉe par l’anah

1.   Le financement par un « fonds de rénovation énergétique » géré par la Caisse des dépôts et consignations

La distribution des outils existants – éco-PTZ et prêt avance rénovation – par le réseau bancaire classique fonctionne mal en ce qui concerne les ménages les plus modestes, car ces banques ne peuvent faire l’économie d’une analyse de solvabilité qui exclut certains dossiers. En outre, les coûts fixes que représentent, pour les banques, ces instruments, freinent aussi leur développement dans un nombre important d’établissements quand la demande est structurellement faible (comme c’est le cas pour le PAR).

Pour éviter ces écueils, la présente proposition de loi prévoit que l’avance remboursable soit financée par un fonds unique, le « fonds de rénovation énergétique », centralisé par la Caisse des dépôts et garanti par l’État.

Pour les finances publiques, le coût d’un tel instrument ne serait pas plus important que le coût de l’éco-PTZ, pris en charge par l’État sous la forme de l’octroi aux banques d’un crédit d’impôt d’un montant équivalent aux intérêts qu’elles n’ont pas perçus.

Les souscripteurs auraient le choix entre deux modalités de remboursement :

– un remboursement mensualisé, sur une période de 30 ans (que le rapporteur proposé d’abaisser à 27 ans pour des raisons juridiques), sur le modèle de l’éco-PTZ (prêt amortissable) ;

– un remboursement au moment de la mutation, sur le modèle du PAR (prêt in fine).

Dans la seconde hypothèse, l’avance remboursable s’apparente à un prêt hypothécaire in fine, permettant ainsi aux ménages d’emprunter même s’ils n’ont pas de capacité de remboursement immédiate. Le remboursement s’effectuera au moment de la revente du bien, qui aura pris de la valeur grâce à sa rénovation : il sera donc, pour le bénéficiaire, complètement « indolore ».

2.   Une distribution par l’Anah pour offrir aux ménages un interlocuteur unique

La distribution de l’éco-PTZ et du PAR par les établissements bancaires complexifie aussi le parcours des ménages, qui doivent constituer successivement deux dossiers :

– un dossier auprès de l’Anah, pour obtenir les aides ;

– un dossier auprès de leur banque, pour se voir octroyer le prêt.

La proposition de loi prévoit que l’Anah distribue les aides et soit ainsi l’intermédiaire entre la Caisse des dépôts et consignations et les particuliers : une telle organisation présente l’avantage d’un interlocuteur unique pour les ménages. En somme, l’Anah préfinancera la totalité du projet, pour partie sous la forme de subventions et pour partie sous la forme d’une avance remboursable ; elle déterminera, en fonction des revenus des ménages, la part qui devra être remboursée par la suite. Il reviendra ensuite aux ménages de choisir les modalités de ce remboursement, soit sous forme de mensualités, soit au moment de la mutation du bien.

B.   Un dispositif triplement ciblÉ pour limiter son coÛt financier et administratif

Le dispositif prévu par la proposition de loi devra être aussi circonscrit que possible, car ni l’Anah ni la Caisse des dépôts n’ont la capacité de gérer des dizaines de milliers de dossiers comme le ferait une banque de détail.

Le texte, qui sera complété à cette fin par des amendements du rapporteur, prévoit une triple limitation en fonction des revenus des ménages (1), de la performance du projet de rénovation énergétique (2) et de l’accès aux crédits de droit commun (3).

1.   L’avance remboursable est réservée aux bénéficiaires « modestes » et « très modestes » de MaPrimeRénov’

L’avance remboursable sera réservée aux bénéficiaires des « aides à la pierre », c’est-à-dire aux ménages modestes et très modestes.

Ce point, qui n’apparaît pas clairement à l’article 1er de la proposition de loi, sera précisé par amendement.

2.   L’avance remboursable est réservée aux projets de rénovation énergétique les plus performants

L’article 1er de la proposition de loi réserve le bénéfice de l’avance remboursable aux ménages éligibles à MaPrimeRénov’ dont le projet permet un gain énergétique de 35 % et l’atteinte de la classe D.

Ce critère introduit donc des exigences supplémentaires par rapport au critère actuel d’éligibilité aux aides de l’Anah, à savoir un gain d’au moins deux étiquettes.

Votre rapporteur proposera donc que l’exigence de performance du projet se fasse par référence à la définition légale de la rénovation globale (article L. 111‑1 du code de la construction et de l’habitation), qui est moins arbitraire et plus qualitative (traitement des six postes de travaux dans un délai de moins de vingt‑quatre mois).

3.   L’avance remboursable n’intervient que si les ménages n’ont pas pu accéder à l’éco-PTZ

L’avance remboursable n’a pas vocation à se substituer à l’offre privée et aux instruments qui existent déjà. Elle ne doit intervenir qu’à titre subsidiaire.

Votre rapporteur proposera donc que l’avance remboursable soit réservée aux ménages qui n’ont pas réussi à obtenir un éco-PTZ pour des raisons de solvabilité.


   Commentaire des articles

Article adopté par la commission avec modifications

  1.   Le dispositif initialement proposé

L’article 1er poursuit deux objectifs principaux.

Le premier est la modification des paramètres de MaPrimeRénov’ : les plafonds sont doublés pour les rénovations très performantes (saut de deux classes, 35 % de gain énergétique et atteinte de l’étiquette D).

Le second est la définition du public éligible à l’avance remboursable définie par les articles 2 et 3.

Les modalités financières des aides de l’Anah étant définies par voie réglementaire ou par des délibérations de son conseil d’administration, mais en aucun cas par la loi, le rapporteur proposera de supprimer la première dimension de l’article 1er.

Le public éligible se limite aux « bénéficiaires de la prime de transition énergétique prévue au II de l’article 15 » de la loi de finances pour 2022. La prime de transition énergétique, c’est-à-dire le volet « national » de l’aide MaPrimeRénov’, est en fait réservée – en ce qui concerne les rénovations globales – aux ménages intermédiaires et supérieurs, à l’exclusion des ménages intermédiaires et supérieurs qui, eux, bénéficient des aides à la pierre définies à l’article L. 301-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

Le rapporteur proposera de corriger la référence pour que le dispositif vise bien les bénéficiaires des aides à la pierre, conformément à l’esprit du texte, et non les bénéficiaires de l’aide nationale.

  1.   La rédaction issue de l’examen en commission

L’article 1er a été réécrit par l’amendement CE9 du rapporteur. Dans sa nouvelle rédaction, l’article a pour seul objet de définir le public éligible à l’avance remboursable créée par les articles suivants et ne modifie plus les paramètres des aides à la rénovation énergétique.

 

La référence à la prime de transition énergétique, réservée aux ménages intermédiaires et supérieurs, est remplacée par une référence à l’article L. 302-2 du code de la construction et de l’habitation, qui fonde le régime des « aides à la pierre » dans lequel s’inscrivent les aides à la rénovation destinées aux ménages modestes et très modestes. Le dispositif est ainsi recentré sur les ménages qui en ont le plus besoin.

L’amendement change aussi la définition du critère de performance requis pour bénéficier de l’avance remboursable. L’exigence d’un gain énergétique de 35 % et de l’atteinte de la classe D du DPE est supprimée, et remplacée par une référence aux exigences relatives à la « rénovation globale » au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation. Cette définition est à la fois plus exigeante – elle impose la réalisation des six postes de travaux en un nombre limité d’étapes – et plus simple, puisqu’il s’agit d’une définition unique qui s’applique à l’ensemble des normes relatives à la rénovation énergétique.

 

Article introduit par la commission

Cet article, créé par l’amendement CE6 déposé par M. François Piquemal, prévoit que les mécanismes de valorisation des certificats d’économie d’énergie (CEE) favorisent les travaux de rénovation globale.

Dans son fonctionnement actuel, en effet, le calcul de la prime CEE additionne les économies d’énergie imputables à chaque poste de travaux mais ne prend pas en compte la cohérence de l’ensemble du projet. De ce fait, la prime
CEE peut être relativement élevée pour certains monogestes peu efficaces et, au contraire, relativement faible pour des projets plus ambitieux. L’article vise à corriger ces biais.

 

Article adopté par la commission avec modifications

L’article 2 définit les modalités de l’avance remboursable pour le bénéficiaire : l’avance remboursable est versée par l’Anah. Son montant couvre la totalité de la différence entre le coût des travaux et le montant des aides à la rénovation énergétique (reste à charge). L’avance remboursable supprime donc l’obstacle lié au défaut de trésorerie des ménages modestes.

Le bénéficiaire a le choix entre deux modalités de remboursement :

– soit le remboursement est échelonné sur une période définie, sur le modèle d’un prêt amortissable classique. Dans le dispositif initialement proposé, cette période est de trente ans au maximum ;

– soit le remboursement s’effectue in fine, au moment de la mutation du bien (vente ou succession).

Dans la première hypothèse, l’avance remboursable s’assimile à un éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), sous réserve de la différence que la durée de remboursement de celui-ci n’excède pas quinze ans.

Dans la deuxième hypothèse, l’avance remboursable, fonctionne selon un mécanisme proche du « prêt avance rénovation » (PAR), mais il est complètement gratuit pour le bénéficiaire. Comme le remboursement a lieu à la mutation du bien, il s’impute sur le prix de vente ou sur le montant de la succession, de sorte qu’il est « indolore » pour le bénéficiaire. La déclinaison « in fine » de l’avance remboursable permet ainsi de l’octroyer aux ménages les plus modestes quelle que soit leur solvabilité.

La commission a adopté l’amendement CE10 du rapporteur, qui plafonne la durée de remboursement de l’avance remboursable à 27 ans au lieu de 30 ans dans le cas où son bénéficiaire n’a pas choisi l’option du remboursement in fine. Cette durée est cohérente avec les règles fixées par le Haut Conseil de la stabilité financière.

Article adopté par la commission sans modification

L’article 3 définit les modalités de financement de l’Anah auprès d’un nouveau fonds, le « fonds de rénovation énergétique », garanti par l’État et géré par la Caisse des dépôts et consignations.

S’il est nécessaire que l’avance remboursable soit distribuée par l’Anah (article 2 de la proposition de loi), puisqu’elle est le complément des aides à la rénovation énergétique, l’Anah n’est pas un organisme financier. C’est pourquoi la proposition de loi prévoit que l’avance remboursable soit financée par un fonds ad hoc géré par la Caisse des dépôts, l’Anah ayant alors un rôle d’intermédiaire entre la Caisse des dépôts et l’usager.

Le financement de l’avance remboursable par un fonds public dédié constitue la principale différence entre cet instrument nouveau et les instruments existants (éco-PTZ et PAR). Cette différence présente un double intérêt. D’une part, la centralisation du financement dans un fonds dédié limite les coûts fixes de gestion qui peuvent restreindre la distribution des prêts réglementés par les établissements bancaires. D’autre part, le financement par un fonds public garanti par l’État permet d’accorder l’aide aux ménages dont la situation financière leur interdirait l’accès à un prêt bancaire de type éco-PTZ.

La garantie de l’État est accordée sur décision du ministre chargé de l’économie. Cette garantie n’est pas illimitée : la limite est fixée à 5 milliards d’euros par exercice budgétaire et 150 milliards d’euros au total. En revanche, contrairement à la garantie instituée par le fonds de rénovation énergétique créé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, et qui s’applique notamment à l’éco-PTZ et au PAR, la garantie de l’État prévue par cette proposition de loi n’est pas limitée à 75 % des montants empruntés.

La gestion du fonds de rénovation énergétique est strictement encadrée. La Caisse des dépôts ne peut émettre de titres de créances au bénéfice du fonds qu’avec la double autorisation de sa commission de surveillance et du ministre chargé de l’économie. Une convention conclue entre la Caisse des dépôts et l’État définit les modalités de souscription et de garantie des emprunts ainsi que les mécanismes de contrôle visant à préserver la soutenabilité financière du fonds. La Caisse des dépôts doit en outre remettre au Parlement le tableau des ressources et emplois du fonds.

Article adopté par la commission sans modification

L’article 4 crée un gage formel permettant de garantir la recevabilité financière de la proposition de loi au stade de son dépôt. Le coût de l’avance remboursable pour l’État sera compensé par une hausse de la partie fiscale du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital.


EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 4 décembre 2024, la commission a examiné la proposition de loi portant accélération de la rénovation énergétique des logements (n° 516) (M. Stéphane Delautrette, rapporteur).

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. J’ai lu attentivement la nouvelle stratégie nationale bas-carbone, dévoilée au début du mois de novembre par le Gouvernement. Bien que ce document ne soit pas contraignant, il fixe le cap de la politique publique en matière de transition énergétique et environnementale dans les prochaines décennies. Un chiffre a retenu mon attention : l’objectif de rénover quatre cent mille maisons individuelles et deux cent mille logements collectifs chaque année d’ici à 2030. Cet objectif de six cent mille rénovations globales reste un mirage. En effet, selon les représentants de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), le nombre de rénovations globales approcherait les quatre-vingt-cinq mille en 2024, soit bien moins que ce qui serait nécessaire pour respecter nos engagements climatiques dans les décennies à venir.

Selon le Haut-Conseil pour le climat, en 2023, les émissions du secteur du bâtiment représentaient en France 58,4 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 16 % des émissions nationales. C’est ainsi le quatrième secteur le plus émetteur de CO2 derrière les transports, l’agriculture et l’industrie. La tâche reste donc immense. Au 1er janvier 2023, 4,8 millions de résidences principales, soit 16 % des résidences principales du territoire, étaient classées comme passoires thermiques. En incluant les résidences secondaires et les logements vacants, on estime à 6,6 millions le nombre de passoires thermiques.

Le groupe Socialistes et apparentés s’est fortement investi concernant le logement, ces dernières années, car ce secteur est emblématique de la transition écologique et sociale que la loi doit promouvoir. La situation actuelle est insupportable pour un trop grand nombre de nos concitoyens, tout particulièrement les plus fragiles qui sont surreprésentés parmi les occupants de passoires thermiques. Selon l’Observatoire des inégalités, 37 % des ménages les plus modestes déclarent souffrir de chaleur excessive en été – c’est deux fois plus que les ménages les plus aisés – et 28 % déclarent souffrir de froid dans leur logement durant l’hiver. Ces situations déjà difficiles créent d’autres difficultés, largement documentées. Certains Français renoncent même à se chauffer en raison de la hausse des dépenses de chauffage, qui atteignent en moyenne 1 700 euros par an. La santé de nos concitoyens est également en jeu. Le ministère de la transition écologique, dans une étude publiée en mars 2022, estime que ces mêmes ménages sont davantage susceptibles d’être victimes de problèmes de santé graves, comme des troubles respiratoires ou des accidents cardiovasculaires.

En s’appuyant sur ces constats largement partagés sur nos bancs, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs initiatives législatives et réglementaires, dont la montée en puissance de MaPrimeRénov’. Si ce dispositif présente un intérêt indéniable pour accompagner les ménages dans le financement de leurs travaux d’amélioration thermique, le nombre de rénovations globales n’augmente clairement pas assez vite.

Parmi les nombreux freins identifiés (structuration insuffisante de l’offre, manque de disponibilité des accompagnateurs France Rénov’, retard des subventions, pratiques frauduleuses, etc.), arrêtons-nous sur celui, majeur, de l’importance du reste à charge pour les ménages modestes. Il faut le lever pour permettre la massification des rénovations globales.

Le présent texte vise à résorber cette faille. En complément des subventions accordées par l’Anah, les ménages les plus modestes bénéficieraient d’un financement complet du reste à charge, sous forme d’une avance remboursable à taux zéro gérée par l’Anah et financée par la Caisse des dépôts. L’avance pourra être remboursée soit sous la forme d’un prêt à taux zéro, soit au moment du transfert du bien par cession ou succession. Avec cette mesure simple et lisible, nous lèverons ainsi les freins financiers pour les ménages les plus modestes, tout en offrant de nouveaux débouchés aux acteurs économiques de la rénovation.

Ce texte ne vise ni à modifier les subventions accordées par l’Anah à travers MaPrimeRénov’, ni à concurrencer l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), un outil plébiscité par les ménages aux revenus intermédiaires ou aisés pour financer le reste à charge de leurs travaux. L’avance remboursable serait ciblée vers les ménages les plus modestes, qui voient leurs demandes d’éco-PTZ refusées par les banques pour des raisons de solvabilité.

L’absence de solutions de financement du reste à charge pour les ménages modestes a été largement soulignée lors des auditions. Les nouveaux produits bancaires privés qui pourraient satisfaire ces besoins ne sont que rarement proposés par les établissements bancaires et restent peu connus du grand public. Seul un dispositif public pour les ménages qui en ont le plus besoin permettra de massifier les rénovations.

Je proposerai donc une réécriture de l’article 1er afin de restreindre le dispositif proposé aux ménages les plus précaires, c’est-à-dire à ceux qui peuvent être éligibles aux aides à la pierre et non au dispositif national MaPrimeRénov’.

Certains s’inquiéteront du coût de cette mesure. De fait, le texte prévoit que l’avance remboursable serait financée par un fonds unique, le fonds de rénovation énergétique, centralisé par la Caisse des dépôts et consignations et garanti par l’État, créant ainsi une charge pour les finances publiques. Cependant, la réécriture proposée de l’article 1er réduira à la fois le nombre de bénéficiaires et le montant de l’avance remboursable, puisque les ménages aux revenus les plus modestes ont le reste à charge le plus faible du fait de taux de subvention plus importants.

La proposition de loi ne remet pas en cause le rôle de l’Anah, qui reste au contraire l’interlocuteur unique des ménages. Ainsi, elle apporte une solution concrète, simple et lisible aux ménages qui en ont le plus besoin sans bouleverser les dispositifs existants.

Le sujet est au cœur des réflexions actuelles : la ministre du logement et de la rénovation urbaine Valérie Létard a ainsi lancé une mission afin de créer une banque de la rénovation. Le présent texte permettra à notre assemblée de s’emparer du sujet.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Frédéric Falcon (RN). Je ne reviendrai pas sur votre fanatisme climatique, alors que nous sommes le pays de l’OCDE dont l’économie est la plus décarbonée. La France, grâce à un parc nucléaire que le parti socialiste, puis la Macronie, ont tenté de démanteler, peut s’enorgueillir d’émettre sept fois moins de CO2 que l’Allemagne par kilowattheure produit. Par ailleurs, depuis le début des années quatre-vingt-dix, les émissions de CO2 du secteur résidentiel suivent une pente descendante, alors même que la population et le nombre de logements ont nettement augmenté. Durant cette période, la surface globale du parc a progressé de 50 %, mais les émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage ont décru de 5 %. Cet exploit technique et écologique devrait nous réjouir, d’autant que ces progrès sont apparus bien avant la promulgation de la loi du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience ».

N’oublions pas toutefois la précarité énergétique qui frappe des millions de nos compatriotes. Le montant des factures d’électricité a bondi de 80 % en dix ans, principalement en raison du refus des gouvernements successifs d’abandonner les règles absurdes du marché européen de l’énergie, alors même que nous produisons l’électricité la moins chère d’Europe. En outre, les taxes représentent plus du tiers du prix de l’électricité – le gouvernement Barnier souhaitait encore les augmenter, avant de reculer, grâce à l’avertissement lancé par le Rassemblement national.

La présente proposition de loi socialiste est une nouvelle « dinguerie » bureaucratique. Elle confortera les objectifs de la loi Climat et résilience, qui rendront arbitrairement « indécents » des millions de logements en raison de leur DPE. Dans un contexte budgétaire dégradé, elle augmentera les subventions allouées à travers MaPrimeRénov’… alors que celles‑ci constituent un scandale d’État, l’administration ne parvenant pas à juguler les fraudes massives auxquelles elles donnent lieu. Le texte est une usine à gaz technocratique ; le mécanisme de portage de l’avance par la Caisse des dépôts manque de clarté et sera coûteux.

En outre, alors que les artisans agréés nécessaires pour les travaux de rénovation manquent, le texte ne formule aucune proposition pour accroître l’attractivité de ces professions essentielles. Assez de taxes, assez de contraintes ! Non à l’omnipotence de l’État qui, à cause de ses excès bureaucratiques, attaque chaque jour un peu plus la propriété privée ! Laissons les Français avancer à leur rythme en matière de rénovation énergétique. Renoncez à essayer d’intervenir à tout prix sur tout.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous restez fidèle à votre climato-scepticisme. Ce texte n’est en rien fanatique. Vous-même reconnaissez les difficultés des ménages pour s’acquitter de leurs factures d’énergie dans un contexte d’augmentation des coûts de l’énergie.

Le dispositif permettrait à ceux qui ont le plus de mal à s’acquitter de leurs factures d’énergie de réaliser les travaux permettant d’en réduire le montant. Ce n’est donc nullement une « dinguerie bureaucratique ». C’est un dispositif simple et efficient, qui ne remet pas en question l’Anah et les acteurs qui interviennent par son intermédiaire.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le texte prévoit un doublement du plafond de financement des projets financés par MaPrimeRénov’ permettant un gain énergétique d’au moins 35 % et l’atteinte de la classe D du DPE. Il prévoit en outre que les ménages concernés bénéficieraient d’un dispositif de « zéro reste à charge », sous forme d’une avance remboursable couvrant la différence entre le coût des équipements ou travaux éligibles et le montant de la prime accordée. Cette avance remboursable serait versée par l’Agence nationale de l’habitat, qui demeurerait ainsi le seul interlocuteur des bénéficiaires, et financée par la Caisse des dépôts.

Nous ne pouvons que souscrire à vos objectifs. Le reste à charge des travaux de rénovation est parfois dissuasif, notamment pour les plus modestes. Toutefois, ces ménages ont déjà accès à l’éco-PTZ à travers le fonds de garantie pour la rénovation énergétique.

En outre, l’application de votre texte poserait problème. Comment garantir a priori que les travaux permettront un gain énergétique de 35 % ? Ne craignez‑vous pas de complexifier encore MaPrimeRénov’, alors que le dispositif d’accompagnement France Rénov’ instauré l’an dernier a justement échoué à trouver son public à cause de sa complexité ? Alors que la grande majorité de nos compatriotes demande de la simplification, votre réponse sur ce point est importante.

Enfin, nous manquons de visibilité sur le coût du dispositif, qui entraînerait une hausse substantielle des crédits de MaPrimeRénov’, alors que le contexte budgétaire est tendu. Nous ne pourrons donc pas soutenir cette proposition de loi en l’état, ce que je regrette.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je propose un amendement de réécriture de l’article 1er, afin de cibler le dispositif sur les bénéficiaires les plus précaires, ceux qui peuvent être éligibles à l’aide à la pierre. La référence à un gain énergétique d’au moins 35 % disparaîtra ainsi du texte : voilà qui répond à votre première interrogation et garantit la cohérence de notre proposition avec l’architecture des différentes aides à la rénovation énergétique. Je vous invite donc à réexaminer votre position.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). La présente proposition de loi, qui sera examinée lors de la journée d’initiative parlementaire du Parti socialiste du 12 décembre – si elle a lieu… – porte sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage et à la climatisation des logements. Le bâtiment est le quatrième secteur le plus émetteur en France. Près de 20 % des logements ont, par ailleurs, reçu une note DPE de F ou G, ce qui implique des factures énergétiques élevées, jusqu’à 15 % des revenus mensuels pour les ménages les plus modestes.

Le dispositif incitatif MaPrimeRénov’, destiné à accompagner les ménages dans la réalisation et le financement des travaux d’isolation, a montré toutes ses limites : la prime est dispersée dans des travaux non pertinents pour l’isolation ; elle finance souvent des travaux monogestes ; le montant du reste à charge est dissuasif pour les ménages modestes ; les opérateurs du secteur profitent d’effets d’aubaine et aucun diagnostic préalable ni aucune mesure de contrôle à l’achèvement des travaux ne sont prévus. Enfin, le gouvernement Barnier prévoit de réduire de 1 milliard d’euros (Md€) la dotation budgétaire de ce dispositif, alors qu’elle était déjà indigente au regard de l’enjeu.

Le présent texte entend atténuer certaines des faiblesses de MaPrimeRénov’, tout en conservant l’architecture générale de cette subvention. Nous soutenons l’article 1er dans sa version actuelle et le soutiendrons dans sa version réécrite. Toutefois, nous aurions aimé que vous fixiez une ambition concernant le niveau de performance à atteindre – ce pourrait être au minimum l’obtention du label « Bâtiment basse consommation » (BBC) et un DPE de classe C, voire B ou A.

L’article 2, sous le nom de « zéro reste à charge », prévoit en réalité une avance remboursable qui conduira, au mieux, à un passif successoral ou, au pire, à un remboursement mensualisé. C’est manquer d’ambition. Cette dette grèvera le budget des ménages les plus modestes.

L’article 3, qui mobilise la Caisse des dépôts et consignations pour le portage financier du dispositif, permettra à cet organisme d’émettre des titres de créance envers l’Anah, organisme prêteur. Or le rapport d’information (n° 2706) du 30 mai 2024 sur l’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographique et environnementale, dit rapport « Louwagie-Vidal », épingle l’Anah pour sa gestion opaque et sa persistance à se soustraire au contrôle des parlementaires.

L’article 4 prévoit la compensation de ces nouvelles dépenses.

Nous nous abstiendrons, car ce texte conforte un dispositif qui a montré ses limites fonctionnelles et ses aberrations et dont la dotation, même si elle était élargie conformément à vos vœux, restera sous-dimensionnée au regard des besoins et des enjeux. Nous prônons des mesures globales et une prise en charge complète pour les ménages modestes, soutenue par un plan de financement massif, évalué à mille milliards d’euros pour les quinze années à venir, qui concernerait le neuf comme l’ancien, les parcs public et privé, et imposerait un niveau de performance obligatoire permettant la qualification BBC.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Les fragilités de MaPrimeRénov’ sont évidentes. Toutefois, le présent texte, parce qu’il s’inscrit dans une niche parlementaire, ne vise pas à remettre en cause les dispositifs existants. Cela ne nous empêchera pas de les perfectionner dans d’autres textes ultérieurs.

Ce texte lèverait l’un des freins à la rénovation énergétique globale pour les ménages les plus modestes : le reste à charge.

La ministre du logement et de la rénovation urbaine a lancé une mission sur le financement de la rénovation énergétique ; nous devrons nous montrer vigilants quant aux points que vous évoquez.

M. Dominique Potier (SOC). Cette proposition de loi est exemplaire, car elle permettra une transition à la fois sociale et écologique. Vous trouvez ainsi un chemin face à un défi colossal. De fait, le secteur résidentiel émet 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre nationales.

Vous avez évoqué les souffrances sociales, les effets de la chaleur et du froid, le mal‑logement dans les passoires énergétiques, problèmes que nous avons failli à résoudre.

La présente proposition de loi avait été conçue en 2019 par nos collègues Boris Vallaud et Jean-Louis Bricout. Vous l’avez retravaillée de manière pertinente. Le système de tiers financement qui la rend crédible pour les ménages les plus modestes pourra être remboursé à la transmission du patrimoine, ou de manière mensualisée, à hauteur des dépenses d’énergie économisées. Vous reprenez ainsi le principe de « l’intracting », qui a démontré sa force pour les équipements publics.

Je ne peux que m’étonner que ces propositions n’aient pas été mieux accueillies par les majorités successives. Elles auraient au moins dû être expérimentées, ce qui aurait permis de prouver leur validité.

Vous ciblez une population précise afin d’assurer une parfaite complémentarité entre votre dispositif et MaPrimeRénov’. Comment cette cible a‑t‑elle été définie et en avez-vous fait une étude d’impact ? Par ailleurs, le dispositif MaPrimeRénov’ répond-il à l’ambition de la proposition de loi ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Tous les publics n’entrent pas dans MaPrimeRénov’. Deux régimes juridiques couvrent les aides à la rénovation énergétique : l’aide à la pierre, décidée par le conseil d’administration de l’Anah, pour les quatre premiers déciles ; MaPrimeRénov’, au-delà du quatrième décile. Je n’avais pas fait cette distinction dans le texte initial ; c’est pourquoi je propose de le réorienter vers les quatre premiers déciles. L’objectif n’est pas de faire concurrence aux outils de financement tels que MaPrimeRénov’, l’éco-PTZ et le prêt avance rénovation, mais de toucher les publics qui n’y ont pas accès.

M. Vincent Rolland (DR). Le groupe Droite républicaine est convaincu de l’importance de la rénovation énergétique, tant pour répondre à l’urgence climatique que pour créer des emplois et lutter contre la précarité. Nous partageons votre souhait d’aider les ménages, y compris les plus modestes, à y accéder. Cependant, plusieurs outils le permettent déjà, comme l’éco-PTZ, prêt garanti à 75 % par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique.

Nous émettons des réserves sur la soutenabilité de votre dispositif et sur ses conséquences pour les finances publiques. Ainsi, le doublement du plafond de financement des projets MaPrimeRénov’ et le « zéro reste à charge » sous forme d’avance remboursable impliquent des engagements financiers lourds. Le fonds de rénovation énergétique, adossé à des titres de créance, nécessitera une gestion rigoureuse pour limiter les risques financiers et stabiliser sa trésorerie. Un ajustement fiscal sera vraisemblablement nécessaire pour couvrir l’augmentation des subventions.

Par ailleurs, la ministre du logement et de la rénovation urbaine a annoncé une mission flash sur la création d’une banque de la rénovation, qui pourrait jouer un rôle clé dans le financement du reste à charge pour les ménages modestes.

Pour toutes ces raisons et dans l’attente des conclusions de cette mission, nous nous abstiendrons.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous avez raison de souligner que le dispositif vise non seulement à lutter contre la précarité, mais aussi à créer des emplois à l’heure où le ralentissement du BTP met en difficulté les entreprises du secteur.

Par ailleurs, je le répète, notre intention n’est aucunement de créer un dispositif concurrent des outils de financement en vigueur. Nous visons précisément les ménages qui ne sont pas éligibles à l’éco-PTZ et à l’offre bancaire existante. La puissance publique doit les aider à réaliser les opérations indispensables de rénovation énergétique globale.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Face au fanatisme « climato-dénialiste » du Rassemblement national et aux signaux négatifs envoyés par le Gouvernement avec les baisses successives des crédits de MaPrimeRénov’, je salue cette proposition de loi qui vise à améliorer le dispositif existant et à combler ses lacunes.

S’il faut évidemment faciliter l’accès au financement des travaux de rénovation, il faut aussi veiller au meilleur emploi de l’argent public ; cela implique d’améliorer la performance des bâtiments, c’est-à-dire de travailler sur l’enveloppe thermique avant de s’attaquer aux systèmes de chauffage. Cette dimension est trop souvent omise. En outre, les matériaux isolants doivent tout autant protéger du froid que de la chaleur pour garantir une habitabilité d’été – je préfère cette expression à celle de « confort d’été », s’agissant de logements qui peuvent atteindre quarante degrés le jour et trente degrés la nuit.

Cette ambition demande des moyens importants – c’est l’objet de la proposition de loi. Le financement des rénovations doit être perçu comme un investissement de long terme, qui permettra à nos concitoyens de réduire leurs dépenses énergétiques et à notre pays de renforcer sa souveraineté énergétique. Il faut bien sûr travailler en priorité sur les économies d’énergie, car l’énergie la moins chère est celle qu’on ne consomme pas.

Le dispositif qui nous est proposé facilitera l’accès à la rénovation énergétique pour tous les ménages, y compris les plus modestes, qui n’étaient pas éligibles aux financements jusqu’alors. Les aides publiques doivent favoriser les travaux d’efficacité énergétique et la transition vers les énergies renouvelables, plutôt qu’une forme de spéculation pour ceux qui ont les moyens de financer ces opérations.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes d’accord : l’objectif est de susciter des rénovations globales, car les rénovations à petits pas n’atteignent pas la performance espérée. C’est pourquoi je propose une nouvelle rédaction de l’article 1er.

Comme vous le soulignez, l’enjeu est d’isoler les logements non seulement contre le froid, mais aussi contre la chaleur, qui touchera de plus en plus nos concitoyens dans les années à venir.

M. Thomas Lam (HOR). La proposition de loi vise à favoriser les rénovations d’envergure, permettant de réaliser au moins 35 % d’économies d’énergie et d’atteindre la classe D du DPE. Vous souhaitez doubler le plafond des subventions MaPrimeRénov’ pour ces travaux et garantir un « zéro reste à charge » aux propriétaires grâce à une avance correspondant aux coûts résiduels qui sera remboursée soit par mensualisation, soit lors de la vente du bien ou de la succession.

Cette avance remboursable sera gérée par la Caisse des dépôts et financée par des émissions de titres de créance ou des prêts garantis par l’État jusqu’à 5 Md€ par an, avec un plafond cumulé de 150 Md€. Le texte entend ainsi lever l’un des principaux freins à une rénovation énergétique véritablement performante.

Si nous partageons cet objectif, nous nous interrogeons sur la robustesse du mécanisme. Selon toute vraisemblance, il existera un fort décalage dans le temps entre l’émission des emprunts par la Caisse des dépôts et les remboursements qui, dans certains cas, n’interviendront qu’au moment de la vente du bien immobilier ou de la succession. Cela exposera la Caisse à des besoins de refinancement importants pour garantir la viabilité du mécanisme.

Le groupe Horizons et Indépendants s’interroge également sur la pertinence de financer le dispositif par une majoration de la fiscalité sur les revenus du capital, alors que les finances publiques sont contraintes et que le levier fiscal est déjà largement mis à contribution. Cela nous semble envoyer un signal préjudiciable qui risque de nuire au financement de l’économie réelle. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre la proposition de loi.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La nouvelle rédaction de l’article 1er répond à certaines de vos interrogations, notamment en ce qui concerne le doublement du plafond de financement des projets MaPrimeRénov’.

Il est vrai que lorsque le remboursement des avances ne sera pas mensualisé, il interviendra à une échéance incertaine. Cependant, les mensualisations alimenteront le dispositif ; j’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à porter la durée maximale du remboursement par mensualités de trente à vingt-sept ans.

 

Article 1er : Définition du public éligible au dispositif créé par la proposition de loi

 

Amendement CE9 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il s’agit de recentrer l’article 1er sur l’objet de la proposition de loi : la création d’une avance remboursable pour les ménages les plus modestes, éligibles à l’aide à la pierre et qui réalisent une rénovation globale telle que définie par la loi.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Quel est l’impact financier de cette nouvelle mouture de l’article 1er ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cela ne coûtera pas plus cher que l’éco-prêt à taux zéro. Pour la Caisse des dépôts, le coût d’opportunité correspond la rémunération du livret A.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je soutiens pleinement cet amendement, qui vise à encourager les rénovations globales au sens de la loi. Il rend d’ailleurs caduc l’amendement CE7 que je m’apprêtais à défendre.

La commission adopte l’amendement CE9.

En conséquence, l’amendement CE7 tombe.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE6 de M. François Piquemal

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons que les aides publiques touchant à la maîtrise des besoins énergétiques et aux certificats d’économie d’énergie (C2E) favorisent prioritairement les rénovations globales des logements par rapport aux actions isolées.

Si le dispositif MaPrimeRénov’ a été instauré par la loi Climat et résilience pour accompagner les ménages qui réalisent des travaux d’isolation, il se contente le plus souvent de financer les changements de systèmes de chauffage et n’encourage pas suffisamment les rénovations intervenant sur l’enveloppe thermique des bâtiments pour améliorer leur performance énergétique.

La stratégie actuelle favorise ainsi les solutions les moins onéreuses et les plus court‑termistes. En 2023, MaPrimeRénov’ a contribué à 623 790 rénovations par monogestes, contre seulement 71 613 rénovations globales, loin de l’objectif de sept cent mille prévu dans la stratégie nationale bas‑carbone. Or les monogestes ne permettent pas de lutter efficacement contre la précarité énergétique. Nous proposons d’y remédier par le présent amendement.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il serait effectivement souhaitable d’accorder un bonus aux rénovations globales, mais je crains que cela ne soit contraire au mode de fonctionnement des C2E, qui sont calculés par poste de travaux ou par équipement sans tenir compte du projet d’ensemble. Je partage votre intention, mais je crains que votre proposition ne soit difficile à appliquer. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE5 de M. Jean-François Coulomme

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il s’agit de garantir un véritable « zéro reste à charge » en faveur des ménages les plus modestes qui réalisent une rénovation thermique performante.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Notre intention n’est pas d’effacer toute charge, car cela ferait reposer intégralement le financement des opérations sur des subventions publiques. Nous souhaitons plutôt lever les freins à la réalisation de travaux grâce à un système d’avance remboursable. Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Si les ménages les plus modestes privilégient les rénovations monogestes, insuffisamment performantes, c’est parce qu’ils n’ont pas accès au crédit : ils doivent donc bénéficier d’un véritable « zéro reste à charge ».

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La proposition de loi vise justement à accompagner les ménages qui n’ont pas accès à l’offre de financement privée, en leur proposant une avance remboursable. Je maintiens donc mon avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2 : Création d’une avance remboursable distribuée par l’Anah

 

Amendement CE10 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je propose de porter la durée maximale du remboursement mensualisé à vingt-sept ans, au lieu des trente ans prévus dans le texte initial, afin de nous conformer aux règles prudentielles en vigueur pour d’autres prêts.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 : Création d’un fonds de rénovation énergétique géré par la Caisse des dépôts

 

La commission adopte l’article 3 non modifié.

 

 

Article 4 : Gage financier

 

La commission adopte l’article 4 non modifié.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 


   Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

 

Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP)

M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur du financement de l’économie du logement et de l’aménagement

Mme Nolwenn Sarian, adjointe

M. Nacer Kuessi Logozo, adjoint du chef de bureau du budget du logement et de l’aménagement.

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

M. Grégoire Frèrejacques, directeur général adjoint

M. Mathieu Przylbyski, directeur de cabinet

M. Antonin Valière, responsable des relations institutionnelles

Collectif rénovons

M. Damien Barbosa, chargé de campagne

M. Danyel Dubreuil, coordinateur de l’Initiative Rénovons

Caisse des dépôts

M. Kosta Kastrinidis, directeur des Prêts de la Banque des Territoires

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes de la Caisse des dépôts

Mme Jade Boivin, conseillère relations institutionnelle de la Caisse des dépôts

Mme Selda Gloanec, responsable de projets transverses, pôle des relations institutionnelles et affaires stratégiques à la direction des Prêts

Direction générale du Trésor (DGT)

Mme Laura Berthet, cheffe du bureau Bancfin3 (financement du logement et d’activités d’intérêt général)

Mme Angèle Marion, adjointe à la cheffe de bureau Bancfin3

 

 


([1]) Article R. 321-21-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

([2]) En application de l’article R. 321-21-1 du CCH.

([3]) La garantie est prise en charge par le fonds de garantie pour la rénovation (articles L. 312-7 et R. 312-7-1 à R. 312-7-10 du CCH).

([4]) Cour des comptes, « Le soutien des logements face aux évolutions climatiques » (octobre 2023).